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Full text of "Conférences ecclésiastiques du Diocèse d'Angers : sur les commandmens de Dieu ; tenues dans les années 1713 & 1714"

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CONFÉRENCES 

ECCLÉSIASTIQUES 

D     U 

DIOCESE  D'ANGERS, 

SUR  LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU. 
Tenues  dans  Jes  années  1713.&:  171 4. 

Rédigées  par  M.   B  a  b  i  n  ,  Doyen  de  la  Faculté 
de  Théologie  d'Angers» 

'par  l'ordre  de  Monfèigneur  riUunrifTime  &  RcvcrendiflinU} 
Jean  de  Vaugirauld  ,  Evcque  d'Angers, 

NOUVELLE       È  D  I  X  l  O  N. 

TOME     PREMIER. 


A     ANGERS, 

Chez  PiERRE-Lcuis   Dubé,  Imprimeur  de  MonfèigneiOî 
TEvcque  &  de  FUniverfité ,  à  la  Cliauflce  S,  Pierre, 

A     PARIS, 

Chez  H.  L.  GuERiN  &  L.  F.  Deiatour  ,  rue  S.  Jacques^ 
à  iaint  Thomas  d'Ajuin. 

M.     D  C  C.      L  V. 
AVEC    F^lKll]^  G  E    DU    ROI, 


TABLE 

DES    QTJ  ESTIONS. 

AVRIL    1713. 

î,     (J  U'EST'CE   que  le  Décalogue  ,   &   quep 

^^-ce  quil  contient?  P^g^  -ï 

U.    Pourquoi  Dieu  a-t-il  donné'  aux  hommes  le  Dé- 

calogue  par  écrit  ?  Sont-ils  obligés  de  le  '\.fçavoir  ? 

i 

III.  Ejî-on  obligé  d'obferver  les  commandemens  du  Déca^ 
logue  y  &  comtnent  les  divife-t-on  ?  cf 

IV.  Qu'ejî-ce  qui  nous  ejî  ordenné  par  le  premier  com- 
mandement du  Décalogue,  &  quefl-ce  que  la  Foil 

M  A  I    1713. 

L  La  Foi  efl-elle  nécejjaire  pour  le  falut ,  &  eJî-on  obli- 
gé de  fçavoir  &  de  croire  d'une  foi  explicite  &  dif- 
tinfle  les  chofes  qui  font  de  la  Foi  .<*  z6 

II.  Ejl-on    obligé  de  faire  fouvent  des  aéles  de  Foi  ? 

III.  Y  a-t-il  obligation  de  confejfer  la  Foi  lorfqu'on  ejl 
imerrozé?  ^^ 

IV.  (luels  font  les  péchés  qui  font  oppofés  à  la  Foi  ? 
Qui  peut  ah  foudre  les  Hérétiques,  &  ejî-il  permis 
de  lire  leurs  Livres  ?  e^ 

JUIN    17T3. 

L  Qu'ejl-ce  que  l'Cfpérance  '?  Sommes-nous  obligées  de 
pradiiirç  da  acies  d'Efpérance  &  en  quel  temps  .? 


iv  TABLE 

ÏI.  (^uels  fschés  pcui'On  commettre  contre  la  vertu  à'Ef* 
^erav'ce?  yg 

l\l...^aefi'ceque  la  Charité  ?  Dieu   nous  a-t-il  ccm- 

mandé  ai  V aimer ,  Ô"  comment  doit-on  entendre  ces 

faroles  :  Vous  aimerez,  le  Seigneur  votre  Dieu   de 

.  tout  votre  cœur,  &c*  88 

ÏV.  Sommcs-::ous  obligés  de  prodmre  des  aCies  d'a- 
mour de  Dieu  ?  Qiiand  doit-on  les  produire,  &  queh 
péchés  font  fanicdiercment  oppofés  à  la  Charité,  loo 

JUILLET    i7n. 

î.  ÇueJÏ-ce  que  la  vertu  de  Religiony  &  quels  en  font 
les  cCles  ?       ^  '■    .  lop 

II.  Sonimes-nous  obligés  de  prier  Dieu ,  &  de  quelle 
mc..:ieye  Je'uous-y.ciis  h  prier?  114 

IIL  Qit'ef-ce  qué  l'Adorûicn  ,  combien  y  en  a-t-il  de 
fonts  i  &  nous  efi-elU  commandée  par  le  premier  pré- 
apte  du  Décalogue  ?  125 

IV.  Qiieft-ce  qu'on  doit  ohferver  ou  éviter  dan:  le  culte 
des  Saints?  12^ 

A  OUST    1713. 

ï.  Quels  font  les  péchés  contraires  a  la  vertu  de  Reli- 
gion >  QiieJ}-ce  que  la  SuperJIition  ?  Ejl-elle  condam- 
née par  le  premier  Commandement  du  Décalogue  ? 

II.  De  quelle  règle  peut-on  fe  fervir  pour  connottre 
s'il  y  a  de  la  fuperjlition  en  quelque  chofe  3  &  que 
doit-on  faire  pour  arrêter  le  cours  des  SuperJJitions  ? 

141 

III.  QueJ}-ce  quon  entend  par  le  Culte  indu?     iji 
î V.    Qiieft'Ce  que  V Idolâtrie  &  la  Magie  ?  1 60 

SEPTEiVIBRE    1713. 

T.  Quejl'ce  que  la  Divination  ,  Ô"  combien  y  en  a-i-'il 
de  fortes^  167 

II.  Quejl-ce  que  la  vaine  Obfervance ,  &  combien  y 
en  a-t'il  de  fortes ^  iS$ 

ïlî.  Quefî-ce  que  le  Maléfce  ,  &  quels  font  les 
moyens  dont  on  peut  fe  fervir  pour  ôter  les  malcfccs  f 

199 


DES    QUESTIONS.        V 

iV.  Qttcjl'ce  que  le  Sacriléfre ,  quelles  en  font  les  diffé" 
rentes  efj^eces'f  (^u'efl-ce  qu'on  entend  par  l'impiété ,  & 
quejl-ce  que  tenter  Dieu  ?  -lo^ 

OCTOBRE    Î713. 

î.  Quejl-ce  qui  nous  ejl  défendu  par  le  fécond  préceptf 
du  Décalogue?  Qu'efl-ce  que  le  jurement  ;  comment 
le  divife-t'on  ?  £/?-//  quelquefois  permis  de  junr  ? 

II.  Quelles  font  les  conditions  qui  doivent  accompagner 
le  Jurement  Ipour  le  rendre  licite;  &  tout  parjure 
ejl-il  pJché  mortel  ^  118 

ÏII.  EJl'on  obligé  d'exécuter  ce  qtion  a  promis  avec  jtt" 
rement,  &  quelles  font  lescaufes  ^i  peuvent  exemp:er 
de  cette  obligation  f    '  24^ 

ÏV.  QueÛ-ce  que  le  Blafphême,  Efl-il  toujours  péché 
mortel  r  '  ^6i 

N  O  V  EMBRE  -1715. 

I.  QueJÎ-ce  que  le  vcetij  &  quelles  condidons  font  nécef- 
faires  pour  le  rendre  valide?  ^  276 

ÏI.  Combien  y  a^t-il  de  fortes  de  vœux  ?  Ejl-on  obligé  d'ob- 
ferver  les  vœux  qu'on  a  faits  ou  ceux  que  d'autres  ont 
faits  pour  nous  ?  2^2. 

ni.  Quelles  catifes  peuvent  faire  ceffer  l'obligation  d'ac* 
compiir  les  vœux?  ,  306 

IV.  L'Eglife  peut-elle  difpenfer  des  vœux  ou  les  chan- 
ger ?  A  qui  appartient  ce  pouvoir  dans    l'Eglife  ? 

320 
AVRIL    1714. 

r.  Dieu  s^ejl-îl  rcfervé  un  certain  jour  de  la  fematné 
pour  être  employé  à  fan  fer  vice  ?  Pourquoi  a-t-on 
changé  ce  jour  en  celui  du  Dimanche  ?  Les  Chrétiens 
font-ils  obligés  de  fanCUfer  le  Dimanche  ?  337 

II.  L'Eglife  a-i-elle  le  pouvoir  d'infîituer  des  Fêtes  ,  Û* 
ejl-on  obligé  de  les  obferver  ?  345 

III.  Qu'ef-ce  qu'il  faut  faire  pour  fanCiifer  les  Diman- 
ches &  les  Fêtes?  •  3^0 

ï V.  Efi-on  obligé  d'entendre  la  Mejfe  les  jours  de  Di" 
manches  &  de  Fêtes ,  &  comment  la  doit-on  enten- 


^  ï    A    B    L    ET 

M  A  I    1714, 

f.    Ceux  qut  pajjem  une  partie  confidérahle  des  Dirnatl^ 

ches  &  des  Fêtes  dans  les  jeux  &  dans  les  flaifirs  né 

frofanent'ils  pas  ces  faims  jours  ?  7  6-L 

ÏI.    Les  œuvres  ferviles  font-elles  défendues  tes  jours  de 

Dimanches  &  des  Fêtes  ^  e>  quelles  font  ces  œuvres? 

ÎII.  Quelles  font  les  œuvres  qui  font  permîfes  dans  les 
jourj  de  Dimanches  ô"  de  Fêtes  ?     .  281 

IV.  Pour  quelles  caufes  efi-il  permis  de  travailler  aux 
jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  .<*  584 

JUIN    1714. 

î.  EJï'il  permis  défaire  des  voyages  ou  d'aller  aux  foires 
les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes ,  &  les  Marchands 
peuvent-ils  ouvrir'leurs  Boutiques ^  ou  vendre  tenant 
leurs  Boutiques  fermées  ?  3^4 

II.  Les  Barbiers  peuvent-ils  faire  la  Barhe  les  Diman- 
ches  ù'  les  Fêtes  ?  Les  Notaires  ô"  autres  gens  de  Fer- 
lais ,  peuvent-ils  travailler  aux  araires  dans  cesjours' 
là  ?  405" 

III.  Les  Magijlrats  3  les  Feres ,  les  Mères ,  les  Maîtres 
(à"  Maitrejfe's ,  font-ils  obligés  d'empêcher  ceux  qui 
leur  font  fournis  ^  de  violer  le  précepte  de  la  fandif,-^ 
cation  des  Fêtes  ,  &  peut-on  excufer  les  enfans  &  les 
ferviteurs  qui  le  violent  pour  obéir  a  leurs  Maîtres  ? 

4ii 

IV.  L'amour  de  nous-même  ef-il  bon  &  légitime ,  &  à 
quoi  nous  oblige-t-il  envers  notre  ame  &  notre  corps  ? 

Jiii  de  la  Tablç  des  Queflioris, 


vî? 


PRIVILEGE    DU  ROY. 

LOUIS,  par  la  gMCc  de  Dieu  ,  Roi  de  France   8c  de  Ka- 
vaiTC  :  A  nos  anus  ic  féaux  Confeillcrs ,  les  Gens  tcnanc 
nos  Cours   de  rarlcmcnc,  Maîtres  des  Requêtes  ordinaires  de 
notre  Hôtel,  Grand-Confcil ,  Prévôt  de  Paris,  Haillifs  ,  Séné- 
chaux, leurs  Licutenans  Civils  S>c  autres  nos  JulHciers  qu'il  ap- 
partiendra ,    Salut.  Notre  amé  le  fleur  DuBt' ,  Iinprimeur- 
I-ibraire   à   Angers ,  Nous  a   fait  expofer  qu'il  défirerok  faire 
imprimer  &:  donner  au  public   un  Ouvrage  qui  a  pour  titre  : 
Conférences  Ecclcjiafliques  du  Diocèfe  à  Angers  ,  rédigées  par 
M.  Bahin  :  s'il  Nous  plaifoit  lui  accorder  nos  Lettres   de  Pri- 
vilège pour  ce  ncceffaires.  A  ces  causes  ,   voulant   favorable- 
ment traiter  l'Expofanc  ,  Nous  lui  avons  permis  Se  permettons 
par  ces    Préfenccs    de   faire  imprimer  ledit  Ouvrage  ,  en  un 
eu  pluiîeurs  volumes,  &  autant  de  fois  que   bon  lui  femblera, 
&  de  le  faire  vendre  &c  débiter  par  tout  notre   Royaume  pen- 
«\ant  le  rems  de  vingt  années  confécutîves  ,  à  compter  du  jour 
de  la  datte  des  Préfcntes.  Faifons  défenfcs  à  tous  Imprimeurs  , 
Libraires  !k  autres   perfonnes  de  quelque  qualité  &:  condition 
qvi'elles  foient  ,  d'en  intro. luire   d'impreflion    étrangère   ilans 
ftucun   lieu   de  notre  obéifl'ancc  ;  comme   aulli    d'imprimer  ou 
faite  ijnprimer  ,   vendre  ,  faire  vendre  ,  débiter  ni  concrcfairc 
Jcdit  Livre,  ni  d'en  faire  aucun  Extraie,  fous  quelque  prétexte 
que  ce  foit ,  d'augmentation  ,  correction  ,  changement  ,  ou  au- 
tres ,  fans  la  permidion   cxprefic  ou  par  éciit  dudit  Expofant , 
ou  de  ceux  qui  auront  droit  dc.l'.ii  ,  à  peine  de  confifcation  des 
«exemplaires  contrefaits ,  de  trois  mille  livres  d'amende  contre 
chacun  des   contrevenans ,   dont  un  tiers  à  Nous,   un  tiers  à 
r Hôtel-Dieu   de  Paris ,   &  l'autre  tiers  audit   Expofant ,  ou  à 
celui  qui  aura  droit  de  lui  ,  &c  de  tous  dépens ,  dommages  flc: 
intérccs  ;  à  Ja  charge   que  ces  Prcfentes  feront  enregiilrées  tout 
au  long  fur  le  Regiflre  de  la  Communauté  des  Imprimeurs  $C 
Librairt-s   de  Paris ,  dans    trois  mois  de  la  datte  d'icellcs ,  que 
J'imprcllion   dudit  Ouvrage  fera  faite  dans  notre  Royaume  Se 
non  ailleurs  ,  en  bon   papier  &  beaux  carattcrcs  ,  conformé- 
ment à  la  feuille  imprimée   attachée  pour  modèle  fous  le  con- 
trc-fccl  des   Prcfentes  ;  que  l'Impétrant  fe  conformera  en  touc 
aux  4lcglemens  de  la   Librairie  ,  ôc  notamment  à  celui  du 
dix  Avril    171^    :   qu'avant  de  l'cxpofer  en  vente  ,  le  Manuf"- 
crit  qui  aura  fervi  de  Copie   à   l'iaiprcdîon   dudit  Ouvrajje  , 
fera  rcmi$   dans  Je  même    état  où   1  Approbation  y  auia  été 
donnée,  es  mains  de   notre  trcs-cher  Ôc   féal  Chevalier  Chan- 
celier de   France  le    fieur   Dv   Lamoicnon  ,  &:  qu'il  feu  en- 
fu'nc   remis  deux  exemplaires  dudit  Livre  dans  noue  Biblia» 


VliJ 

ihéque  publique ,  un  dans  celle  de  notre  Château  du  Lou-' 
vrét,  i-'î»  dans  celle  de  nonc  très- cher  &:  fcal  Chevalier, 
Chancelier  de  France  le  Sieur  De  Lamoirnon,  &:  un  dans  celle 
de  notre  tièî-chcr  Se  féal  Chevalier  Garde-  de»  Sceaux  de  Fran- 
ce, le  ficur  Di  Machault  ,  Commandeur  de  nos  Ordres  :  le 
tout  à  peine  de  nullité  des  Préfcnies.  Du  contenu  dcfquelles 
vous  mandons  èc  enjoignons  de  taire  jouir  ledit  Expofant  Sc 
fes  ayant  caulcs  ,  plein^-nieni  &  pavd^ement  ,  fans  foufFrii' 
qu'il  leur  foit  fair  aucun  trouble  oû^mpèchement.  Voulons 
c[U'à  la  Copie  des  Prcfcnres  qui  fera  imprimée  tout  au  long  au 
conimenceaient  ou  à  la  fin  dudit  Ouvrage  ,  foi  foir  ajoutée 
conuiiit^à  l'Original.  Commandons  au  premier  notre  Huiflier 
ou  Sergent  fur  ce  requis  ,  de  faire  pour  l'exécution  d'icellcs 
tous  Ades  requis  Se  néccllaires ,  fans  demander  autre  per- 
jniiïion  ,  ôc  nonoblianc  Clameur  de  Haro  ,  Charte  Nor- 
mande ,  èc  Lettres  à  ce  contraiies  ;  Car  tel  eft  notre  plaifîr. 
Donné  à  Verlailles  le  vingt-ueuvieme  jour  du  mois  de  Mai  , 
Tan  de  grâce  mil  fcpt  cens  cinquante-deux  ,  &;  de  notre  regnç. 
{e   trente-feptiemc, 

S  A  IN  S  ON. 

Regtjîré  fur  le  Ref^JJîre  XIIL  de  la  Chambre  Royale  & 
Syndicale  des  Libraires  &  Imprimeurs  de  Paris  ,  N°.  5', 
conformément  aux  anciens  Ré^emens  ,  confirmés  par  ce-^ 
lui  du  1^»  Février  171-^,  A  Paris  ,lezi.  Juillet  17  ji. 
Signé yCoiGHARD ,  Syndic» 

J'ai  fait  part  à  MefTieurs  Hippolyte-Louîs  Guerln 
&:  Louis-François  Delatour  ,  Libraires-Imprimeurs 
à  Paris ,  du  Privilège  par  moi  obtenu  le  19,  Mai 
175 z.  pour  rimprelîion  des  Conférences  d'Angers ,  fui- 
vant  les  conventions  faites  entre  nous.  A  Paris ,  ce 
17.  Décembre  1753.  Signé ,  Dubé,  Imprimeur  du  Cler*. 
gé  d'Anjou, 

Regijlré  furie  Regijlre  XIII.  de  la  Chambre  Royah 

des  Libraires  &  Imprimeurs  de  Paris  ,  fol.  zz?»  con^ 

formément  aux  Réglemens^  &  notamment  à  l'Arrêt  du 

Cvnfeil  du  10,  Juillet  17 15.  A  Paris,  le  ç.  Févriit 

Signé  y  DiDOT  ,  Syndic, 


RÈSULTAt 


vîj* 


Approbation  du  Ccnfeur  RoyaL 

J*A  I  lu  par  ordre  de  Monfêigneur  le  Chancelier, 
les  Conférences  Eccléfîaftiques  du  Diocefe  d'An- 
gers ,  furplufieurs  Pgmts  de  la  Religion  :  fcavoir  ^fur 
les  Comm.videmens  W  Dku  ;  fur  Us  Sacrcme'ns  en  gé- 
néral &  en  particulier  ;  fur  les  Etats  ;  les  Irrégulari- 
tés ;  fur  les  Cenfures  ;  les  Contrats  ;  les  Matières  Dé- 
tiéficiales  ;  fur  les  Loix  ;  fur  la  Grâce  ;  &  fuHes  Car 
Réfcrvés.  Le  fruit  que  ces  différens  Ouvrages  ,  auto- 
rifcs  par  Meiïeigneurs  les  Evéques  d'Angers,  ont  fait 
jufqu  a  préfent ,  m'en  ont  fait  juger  la  réimpreffiom 
ircs-avantageufe  à  tous  les  Ecclé/îafliques»  A  Paris  ^ 
ce  17  Avril  1752.» 

TA  M?  ON  ET,  DoCleur  &  ancien  Syndic  de- 
là Faculté  de  Théologie  de  Taris,. 


PRIVILEGE    DU  ROY. 

LOUIS,  par  la  giacc  de  Dieu  ,  Koi  de  France  &  de  N'a- 
varie r  A  nos  amés  &:  féaux  Confeillers ,  les  Gtns  tenanc 
nos  Cours  de  Parlement,  Maîtres  des  Requêtes  ordinaires  de* 
notre  Hôrel,  Grand-Confcil ,  Prévôt  de  Paris,  Baillifs  ,  Séné- 
chaux, leurs  I.ieutenans  Civils  &:  autres  nos  Juiliciers  ^u'iliap- 
particndra,  Salut.  Notre  Aiué  le  Pierre  Louis  Dube',  Impri- 
meur-Libraire à  Ani;ers,  Nous  a  fait  expofer  qu'il  dcfireroit  faire 
imprimer  Si:  donner  au  publie  nn  Ouvrage  qui  a  pour  titre  r 
Conférences  Eccléjîajliques  du  Diocèje  d' Angers  ,  rédigées  par 
M.  Babin  :  s'il  Nous  plaifoit  lui  accorder  hos  Lettres-  de  Pri- 
vilège pour  ce  néceflaires.  A  ces  causes  ,.  voulant  favorable- 
ment traiter  l'Expofant ,  Nous  lui  avons  permis  &  permettons 
par  ces  Préfcntcs  de  faire  imprimer  ledit  Ouvrage  ,  en  un' 
ou  plufieurs  volumes,  &  autant  de  fois  que  bon  lui  femblera, 
&  de  le  faire  vendre  &  débiter  par  tout  notre  Royaume-  pen- 
dant le  tems  de  vingt  années  confécutives  ,  à  compter  du  jour 
de  la  date  des  Préfentes.  Faifons  défènfes  à.  tous  Imprimeur»,, 
Libraires  Se  autres  perfonncs  de  quelque  qualité  Se  cotulitiofti 
«qu'elles  foient ,  d'en  introduire  d'iin|)rçfliga    étrangère  dan#: 

Tome  It  Commandm€ns,  b'^ 


Vlij 

.lucun  lîcu  Je  notre  obéifTance  ;  comme  au/H  d'imprîmci-  o* 
faire  imprimer  ,  vendre  ,  faire  vendre  ,  débiter  ni  contrefaire 
Jeai^  fivre,  ni  d'en  faire  aucun  Extrait,  fous  quelque  prétexte 
que  ce  roit ,  d'augmentation  ,  correûion  ,  changement  ,  ou  au- 
ites ,  fans.Ia  permillion  expreffe  ou  par  écrit  dudir  Expcfant  „ 
ou  de  ceux  qui  auront  droit  de  lui  ,  à  peine  de  conf.l'cacion  des 
exemplaires  contrefaits  _,  de  trois  mille  livres  d'amende  contre 
chacun  i.\?t  contrcvenans ,  dont  un  tiers  à  Nouô,  un  ûcis  À 
r  H6tei-Dieu  de  Paris  ,  &  l'autre  tiers  audit.  Expofant ,  ou  i 
celui^qui  aura  droit  de  lui ,  &  de  tous  dépens  ,^  dommages  Se 
intérêts  ;  a  la  charge  que  ces  Préfentes  feront  enregiftrées  touD 
au  long  fur  le  Regiftre  de  la  Communauté  des  Imprimeurs  &: 
Libraires  de  Paris  ,  dans  trois  mois  de  la  datte  d'icelles  ,  que 
i'imprelfion  dudit  Ouvrage  fera  faite  dans  notre  Royaume  Sc 
non  ailleurs  j  en  bon  papier  &  beaux  caraftères  ,  conformé- 
ment à  la  feuille  imprimée  attachée  pour  modèle  fous  le  con- 
tre-fcel  des  Prcfentcs  ;  que  l'Impétrant  fè  conformera  en  tout 
aux  Réglemens  de  la  Librairie  ,,  &.  notamment  à  c^lui  du 
dix.  Avril  1715  :  qu'avant  de  rexpofcr  en  vente  ,  le  Manuf- 
crit  qui  aura  fcrvi  de  Copie  à  l'irapreffion  dudit  Ouvrage  , 
fera  remis  dans  le  même  état  où  l'Approbation  y  aura  été 
4donnée ,  es  mains  de  notre  très-cher  &c  féal  Chevalier  Chan- 
celier de  France  le  fieur  Du.  Lamoignon  ,  &  qu'il  fera  cn- 
fuitc  remis  deux  exemplaires  dudit  Livre  dans  notre  Biblio- 
shéquc  publique,  un  dans  celle  de  notre  Château  du  Lou- 
vre ,  un  dans  celle  de  notre  très-cher  &  féal  Chevalier, 
Chancelier  de  France  le  Sieur  De  Lamoignon,  &  un  dans  celle 
de  notre  très-cher  &  féal  Chevalier  Garde  de»  Sceaux  de  Fran- 
ce, le  /îcur  DE  Machault  ,  Commandeur  de  nos  Ordres  ;  le- 
tout  à  peine  dé  nullité  des  Préfentes.  Da  contenu  defqucJles 
vous  mandons  Se  enjoignons  de  faire  jouir  ledit  Expofant  & 
fés  ayant  caufcs  ,  pleinement  &  paidblement ,  fans  foufFrit 
qu'il  leur  foit  fait  aucun  trouble  ou  empêchement.  Voulons 
qu'à  la  Copie  des  Préfentes  qui  fera  imprimée  tout  au  long  aii: 
commencement  ou  à  la  fin  dudit  Ouvrage  ,  foi  foit  ajoutée 
«omme  à  l'Original:  Conmnandons  au  premier  notre  HuifTicr 
ftiu  Sergent  fur  ce  requis ,  de  faire  pour  l'exécution  d'iccllc». 
Kous  Actes  requis  &  néceflaires,  fans  demander  autre  per- 
îniflîon  ,  Se  nonobftant  Clameur  de  Haro  ,  Charte  Nor- 
înande  ,  èc  Lettres  à  ce  contraires  ;  Car.  tel  effc  notre  plaifir, . 
Donné  à  Verfailles  le  vingt-neuvième  jour  du  mois  de  Mai  9., 
î'an  de  grâce  mil  fept  cens  cinquante-deux  ,  &  de  notre  régner 
8*  trentc-feptieoie, 

S  A  IN  S  ON. 

Regtfîré  fur  le  Regijlre  XIII.  de  là  Chambre  Royale  & 
Syndicale,  des  Libraires  &  Imprimeurs  de  Paris ,  N^.  j* 
êonformémm  m»mçkni-Ré^mçns^yCQn^més.-far. ççq 


IX 

iuj  du  iS.  Février  tjiT,,  A  Paris ,  le  zi.  Juillet  1752. 
Signé j  CoiGNARD,  Syndic, 

JTai  fait  part  à  MeflTieurs  Hippolyte-Louis  Guerln 
ik  Louis-François  Delatour  ,  Libraires-Imprimeurs 
à  Paris  ,  du  Privilcge  par  moi  obtenu  le  19»  Mai 
17^2.  pour  l'imprelfion  des  Conférences  d'Angers ,  fui- 
vant  les  conventions  faites  entre  nous,  A  Paris  ,  ce 
17.  Décembre  1753.  Signé ^Dveé,  Imprimeur  du  Cler**. 
gé  d'Anjou. 

RegiJIré  fur  le  RegiJIre  XIJJ.  de  la  Chambre  Royale 
des  Libraires  &  Imprimeurs  de  Paris  ,  fol.  227.  con- 
formétnent  aux  Régîemens-y  <à'  notamment  a  V Arrêt  du 
Conjàl  du  10.  Juillet  17 15".  A  Paris  j  le  $.  Février 

JI7H' 

Signéf DiDOT  ^  Syndic», 


X 

.     AVIS  AU  RELIEUR. 

Ordre  de  la  Dtjtrihutîon  des  Volumes 
des  Conférences  d'Angers. 

Commandemens,  Ti^me  J. .i  Vol, 

Commandemens  ,  Tome  II***" i  VoL 

Sacremens  en  général:  Baptême 

ôc  Confirmation , 
Euchariitie    :    Sacrifice    de    la  {  ^^  ^ 

Méfie. 
Pénitence  :  Indulgences  :  Ex-' 

trême-Ondionf en  i 

Cas  Réfervés,  Tome  J*.... i 

Cas  Réfervés  ,  Tome  IL'*'* -^ 

Etats )'"» 

Ordre -••  -|^ 

Irrégularités j  eni 

Cenfures •• i 

Mariage ,  Tome  1 1  en  i 

Mariage,  Tome  II j 

Matières  Bénéficiâtes ♦• i 

Loix,  Tome  I - *\..»i 

Loix,  Tome  II ••• S 

Contrats ,  Tome  I \em^ 

Contrats ,  Tome  II •  •  • •  •  J 

Grâce  ,  Tome  I * 

Grâce ,  Tome  JJ.. . . .  • .  • •  •  •  •  •  ""^ 

14.  FbL 

RÉSULTAI 


RESULTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

D'Angers, 

SUR  LESCOMMANDEMENS  DE  DIEU^ 

Tenues  au  mois  d'Avril   17 13. 


PREMIERE     QUESTION. 

Qu'ejl-ce  que,  h  Dccalogue ,  ^  quefl-ce  quil 
contient  f 

E  Dccalogue  eu.  un  abrégé  de  ce  que 
nous  devons  faire ,  comme  le  Symboles 
efl:  un  abrégé  de  ce  que  nous  devons 
croire  ,  &  l'Oraifon  Dominicale  urt. 
abrégé  de  ce  que  nous  devons  deman- 
der à  Dieu  ;  c'eft  une  règle  sûre  &  droite 
à  laquelle  nous  devons  conformer  nos  mœurs  &  nos 
adions  ,  lî  nous  voulons  qu'elles  (oient  (àintes  &  juf^ 
tes  ;  c'efl  une  inflruélion  fàlutaire  ,  fur  laquelle  il 
faut  néceffairement  former  notre  vie  &  notre  con- 
duite ,  pour  arriver  à  la  gloire  éternelle ,  que  Dieti 
^  préparée  à  fes  Elus  5  c'eil  un  Abrégé  des  Loix  dt^ 
Tqïïiç  I,  A 


à  Conférences  d'Angers  y 

Dieu  ,  qui  contient  les  devoirs  naturels  de  Tliomme 
envers  Dieu  &  envers  le  prochain.  Ce  font  les  mê- 
mes Loix  que  Dieu  avoit  données  à  l'homme  en  le  for- 
mant ,  qui  font  rédigées  dans  les  dix  Sentences  qui 
compofent  le  Décalogue.  Ces  fèntences  font  appel- 
lées  dans  l'Exode  les  dix  paroles  de  l'Alliance  que  le 
Seigneur  a  faite  avec  Ton  peuple  :  Scripfit  in  Tabulis 
'uerba  Fœ devis  decem.  Exod.  34.  Les  voici  de  la  ma- 
nière qu'elles  y  font  rapportées  dans  le  chap.  zo. 


I.  Je  fuis  le  Seigneur  vo- 
tre Dieu  ,  qui  vous  ai 
tiré  d'Egypte,de  la  mai- 
(bïï  de  fervitude.  Vous 
n'aurez  point  des  Dieux 
étrangers  devant  moi. 
Vous  ne  vous  ferez  point 
d'Idole  ni  aucune  figure 
de  tout  ce  qui  efl  en  haut 
dans  le  Ciel  ,  &  en  bas 
fur  la  Terre ,  ni  de  tout 
ee  qui  eft  dans  les  Eaux, 
•  Ibus  la  Terre  ,  pour  les 
adorer  &  leur  rendre  le 
fou  /erain  culte. 

II.Vous  ne  prendrez  point 
'  en  vain  le  nom  du  Sei- 
gneur votre  Dieu  ;  car 
le  Seigneur  ne  tiendra 
,  point  pour  innocent  ce- 
lui qui  aura  pris  en  vain 
le  nom  du  Seigneur  ion 
^  Dieu. 

ÎII.     Souvenez-vous   de 
'  Jândifier  le  jour  du  Sa- 
bat. 


IV.  Honorez  votre  Père 
&  votre  Mère  ,  afin  que 
vous  viviez  long-tems 
fur  la  terre. 

V.  Vous  ne  tuerez  point. 

VI.  Vous  ne  commettrez 
point  d'adultère. 

VII.  Vous  ne  déroberez 
point. 

V 1 1  T.  Vous  ne  porterez 
point  faux  témoignage 
contre  votre  prochain. 

I X.  Vous  ne  defîrerez 
point  la  femme  de  votre 
prochain, 

X.  Vous  ne  defîrerez  point 
fâ  maifon  ,  ni  Ton  fervi- 
teur ,  ni  fa  fervaate ,  nî 
fon  bœuf  ,  ni  fbn  âne  , 
ni  aucune  chofe  qui  lui 
appartienne. 


L'Auteur  de  ces  dix  Commandemens  nous  les  doit 
rendre  refpedables  ,  puifque  ce  fut  Dieu  qui ,  après 
s'être  fait  entendre  au  peuple  Juif  par  une  voix  terri- 
ble, accompagnée  de  tonnerres  &  d'cckirs  5  les  dofffj 


fur  les  Coinman démens  de  Dieu*         5 

m  parle  miniHere  des  Anges  à  Moyfe,  écrits  fur  deux 
tables  de  pierre  ,  d'oii  le  Dccalogue  eft  appelle  la  Loi 

écrite. 

Saint  Cyprien  &  (aint  Auguftin  remarquent  que  ce 
Tie  fut  pas  Moyfe  ,  mais  Dieu  n^xme  qui  écrivit  de  Ton 
doigt  luint  les  dix  Commandemens  du  Dccalogue  fur 
les  deux  tables  que  Moyfe  apporta  de  delTus  la  Mon- 
tagne, &  qui  furent  mifes  dans  l'Arche,  fuivant  l'ordre 
du  Seigneur^ -L'Ecriture-Sainte  le  dit  trop  clairement 
dans  rËxode  au  chap.  34.  &  dans  le  Deutéronome  au 
ch.  îo.  Dour  qu'on  en  puiiïe  douter.  Scripfitqtte  in  tabii-- 
lis  jtixiaid  qttod  prias  fcripferat  verba  decem  ,  quœ  lo- 
cutus  ejî  Domimis  ad  vos  in  Monte,  de  medio  ignis,  quan- 
do  popuhis  cengregatus  eji ,  &  dédit  easmUii.MoyCe  ne 
fit  donc  que  prêter  Con  miniiîerc  pour  annoncer  aux 
Ifraélites  les  dix  Commandemens  que  Dieu  leur  faifoit 
pour  réveiller  en  eux  la  conrioiflànce  de  la  Loi  natu- 
lelle.  Ils  l'avoient  mile  en  oubli  ,  noïobftant  les  re- 
proches de  leur  conlcience  ,  qui  la  leur  rappelloit 
fouvent  dans  l'efprit. 

Tout  ce  que  la  droite  raifôi»  dide  à  Phomme  de 
fciire  y  ou  de  ne  pas  faire  ,  eft  renfermé  dans  le  Dé- 
calogue  ;  car ,  quoique  tous  les  Comm?.ndemens  que 
Dieu  lui  a  faits ,  ne  foient  pas  compris  en  termes  ex- 
près dans  les  dix  Commandement;  du  Dccalogue  ,  & 
que  tout  le  monde  ne  (bit  pas  même  capable  de  les  en 
inférer ,  on  les  y  peut  néanmoins  tous  réduire  ,  oul 
comme  des  principes  des  devoirs  qui  y  font  marqués, 
ou  comme  des  Hiites  &  des  conféquences  de  ces  de- 
voirs ;  &  ils  s'y  rapportent  tous  ,  comme  les  ruilTeaux 
à  leur  £burce  ,  &  les  rameaux  d'un  arbre  à  fès  princi- 
pales branches.  C'eft  pourquoi  les  Théologiens  di- 
fent  que  le  Décalogue  contient  les  principe?  géné- 
raux de  la  Loi  naturelle ,  avec  les  premières  &  les 
principales  conféquences  qu'on  en  peut  tirer. 

Les  quatre  premiers  prelcrivent  les  devoirs  que  les 
hommes  (ont  obligés  de  rendre  à  Dieu  &  à  leurs  pà- 
rens.  Les  fîx  autres  règlent  la  juftice  qui  doit  être  ren- 
due indiftcremment  à  tout  le  monde.  Si  on  médite 
donc  avec  attention  le  Décalogue  &  qu'on  l'entende 
jpien  y  on  f^raura  tout  ce  qu'on  doit  ;i  Dieu  &  aux  hom-r 

Aij 


if  Conférences  d'Angers  ; 

m  ?s  ;  &  rcn  connoîtra  par  ce  moyen  les  péchés  qu'oiê 
peut  commettre  contre  Ces  devoirs  ;  car  on  ne  pèche 
que  parce  qu'on  ne  les  remplit  pas  :  Omnia  cœtera  qua. 
•prxcepjt  Deiis  ,  dit  S.  Auguflin  dans  la  queflion  140. 
fur  l'Exode  ,  ex  illis  decem  Trœceptis  ,  qutje  duabus  Ta- 
bulis  confcripta  funt ,  pendere  intelliguntur  ,  fi  diligen- 
ter  quœrantur  &  bene  imelUgantur  :■  quomodo  haec  ipfa 
■^îecem  rurfits  pracepta  ex  duo  bus  illis,  dileCiiove  fcilicet 
Dei  &  proximiyin  quibus  tota  Lex  pendet ,  &  Propheta, 
Ces  paroles  de  faint  AuguHin  nous  donnent  occa- 
fîon  de  remarquer  que  les  dix  Commandemens  duDé- 
caiogue  peuvent  fe  réduire  aux  deux  que  Jéius-Chrifl 
nous  propofe  dans  le  chap.  iz.  de  (àint  Matthieu  ,  où 
répondant  à  un  Dodeur  de  la  Loi  qui  l'avoit  interro-» 
gé  ,  quel  étoit  le  grand  Commandement  de  la  Loi  ^ 
il  dit  :  Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  ,  de  tout 
votre  cœur ,  de  toute  votre  ame  Ô"  de  tout  votre  efprit, 
C'efi^là  le  plus  grand  &  le  premier  Commandement, 
Et  voici  le  fécond  ,  qui  efi  femblable  a  celui-là  :  Vous 
aimerez  votre  prochain  comme  vous-même.  Toute  la  Loi 
&  les  Prophètes  font  renfermés  dans  ces  deux  Com- 
mandem.ens ,  non-feulement  parce  que  V Amour  efi 
taccompiijjem.ent  de  la  Loi ,  comme  dit  l'Apotre  dans 
le  chapitre  1 3.  de  l'Epître  aux  Romains ,  mais  encore 
parce  que  tous  les  autres  Commandemens  ibnt;  conte- 
nus dans  ces  deux ,  dont  le  premier  nous  prefcrit  ce 
qui  regarde  Dieu ,  &  l'autre  nous  infiruit  de  ce  qui 
touche  le  prochain  &  nous-mêmes.  In  duobus  Vrcecep-* 
iis  3  dit  (aint  Augulîin  dans  le  Livre  de  la  Perfedion 
de  la  Juflice  de  l'homme  au  chap.  5.  dixit  Legem  Tro- 
phetafque  pendere  ,   ut   intelligeremus   quidquid  aliud 
àiviràtus  prœceptum  efi  3  in  his  duobus  habere  finem ,  Ô" 
ad  hac  duo  efje  référendum  :  Diliges  Dominum  Deum 
tuum  ex  toto  corde  tuo  ,  &  ex  tota  anima  tua,  &  ex  tota 
mente  tua  ;  Ù'  diligts  proximum  tuum  tanquam  teipfum  : 
in  his  duobus  Praceptis  tota  Lex  pendet  &  Prophète» 
(Quidquid  ergo  Dei  lege  prohibemur ,  &  quidquid  jubé- 
mur  facerey  ad  hoc  prohibemur  &  jubemur  ,  ut  duo  ifia 
compleamus. 

Il  eft  certain  qu'on  ne  peut  adorer  Dieu  comme  il 
faut ,  ni  refpeder  fou  fiint  Nçp)  ^  ni  fandifier  le  jouj 


fur  les  Commandemens  de  Dieu»         f 

k\\n  doit  ctre  conHicrc  à  (on  (ervice,  fi  on  ne  raîme; 
êc  quand  on  l'aime ,  on  s'acquitte  de  ces  obligations  , 
qui  (ont  une  fuite  naturelle  de  l'amour  qu'on  lui  doit. 
Pareillement  quand  on  aime  Ion  prochain  ,  on  lui 
rend  ce  qui  lui  eft  dû  ,  &  on  ne  lui  fait  aucun  tort  ;  par 
conféquent  on  honore  ceux  qui  doivent  ctre  honores  ^ 
on  ne  tue  point  ,  on  ne  fait  nulle  injuftice  au  pro- 
chain ,  ni  en  fà  perlonne  ,  ni  en  fôn  honneur  ,  ni  en 
fès  biens ,  ni  par  adions  ,  ni  par  paroles  ,  ni  par  penfces. 
On  peut  même  dire  avec  (àint  Paul  dans  le  chap.^. 
de  TEpitre  aux  Gelâtes  ,  que  les  dix  Commandemens 
du  Dccalogue  (ont  renfermés  dans  ce  feul  précepte  : 
Vous  aimerez  votre  prochain  comme  votts-mîme  ;  parce 
que  l'amour  du  prochain  e(l  inféparable  de  l'amour  de 
Dieu;  car  on  ne  peut  aimer  (on  prochain  comme  (bi- 
Tiieme  ,  (î  l'on  n'aime  Dieu.  On  peut  aufïi  dire  la  mé- 
rie  cho(e  de  l'amour  de  Dieu,  pui(qu'on  ne  peut  aimer 
Dieu  (ans  aimer  Je  prochain.  Confeqiiens  ejl ,  dit  S» 
Auguftin  (lir  cet  endroit  de  S.  Paul ,  ut  qui  ex  toto  cor- 
de ,  ex  tota  anima  3  ex  tota  mente  Deum  diligit ,  diligat 
Ô'  proximum  tanquam  feipfum'  Qui^i  hoc  jubet  ille  , 
qitem  ex  toto  corde ,  ex  tota  anima,  ex  tota  mente  diligit. 
Item  diligere  p'oximum,  id  ejl,  omnem  hominem  tanquam 
feipfum  ,  quis  poteji  j  nifi  Deum  diligat  ,  cujus  prtxcepta 
C^  dono  dileCiionem  proximi  pojjlc  implere» 


II.      QUESTION. 

Pourquoi  Dieu  a-t-il  donné  aux  hommes  le 

Décalogue  par  écrit  ?  Sont-ils  obligés  ds 

le  fç avoir  f 

SI  l'homme  avoit  perfévéré  dans  l'innocence  ou 
Dieu  i'avoit  créé  ,  il  auroit  connu  en  lui-même 
toutes  les  obligations  auxquelles  fi  condition  de  créa- 
ture raifonnable  l'engageoit  envers  fon  Créateur,  en- 
vers lui-mcme  &  envers  fon  prochain  ;  mais  le  péché 
fiyànt  corrompu  fon  cœur,  il  n'ccoutoit  plus  k  loi 

A  iii 


€  Conférences  d'Angers , 

que  fâ  raiTonlui  didoit  pour  l'infiruire  de  tous  fes  3eJl 
voirs.  Cette  loi  étoit  même  tellement  obicurcie  ,  pour 
ne  pas  dire  effacée ,  qu'il  n'en  paroilToit  prefque  aucun 
vettige^  dans  Ton  ame ,  &  qu'il  n'en  voyoit  quafî  plus 
la  lumière.  L'homme  en  ce  miférable  état  a  eu  befoin 
qu'on  lui  remît  devant  les  yeux  les  Com.mandemens 
que  Dieu  lui  avoit  faits  par  la  loi  qu'il  avoit  gravée  dans 
fon  cœur  en  le  créant.  Néanmoins  Dieu  ne  donna  pas 
dès  les  premiers  tems  une  Loi  écrite  au  Peuple  qu'il 
s'étoit  choifî  ,  parce  que  ,  difent  les  Saints  Pères  , 
avant  que  les  Ilraéiites  deicendiffent  en  Egypte,  il 
y  avcit  parmi  eux  plu/ieurs  Jufles  qui  aimoient  Dieu 
par-delTus  toutes  choies  ,&  qui  aimoient  leur  prochain 
comme  eux-m.êmes.  Mais  ce  Peuple  ayant  prefque 
oublié  Dieu  durant  le  féjour  qu'il  fit  en  Egypte,  la 
X-oi  naturelle  que  Dieu  avoit  gravée  au  fond  du  cœur 
de  l'homme  ,  n'étoit  plus  fuiîifànte  pour  le  rappellec 
a.  fbn  devoir ,  au  moins  elle  ne  le  faifoit  plus  enten- 
dre ;  de  forte  que  les  hommes  ne  s'appercevoient  pas 
du  dérèglement  de  leurs  deiirs ,  &  à  peine  connoiA 
foient-ils  les  péchés  qu'ils  commettoient.  De  crainte 
donc  que  ce  Peuple  choifî  ne  connoilTant  plus  la  jus- 
tice qui  vient  de  Dieu  ,  &  s'efforçant  d'établir  fà  pro-» 
pre  juflice  ,  ne  demeurât  pas  fbumis  au  vrai  Dieu  , 
ne  mit  le  menfonge  à  la  place  de  la  vérité  ,  &  ne  ren- 
dît 5  comme  les  autres  Nations  ,  l'adoration  &  le 
tulte  lûuveraîn  à  la  créature  ,  au  lieu  de  les  ren-. 
dre  au  Créateur  »  ,  Dieu  annonça  (a  parole  à  Jacob  > 
fes  Jugemens  &  fes  Ordonnances  à  Ifraël.  Il  donna  en 
cela  à  fon  Peuple  une  preuve  de  (a  miféricorde  infi- 
nie ,  par  la  préférence  qu'il  lui  donna  fur  tant  de  Na- 
tions qu'il  ne  traita  point  de  la  forte ,  &  à  qui  il  ne 
jnanifefla  point  d'une  manière  particulière  fes  pré-» 
ceptes  ^» 


a  Ignorantes  )uftitlam  Deî 
&  fuam  qiiîerentes  ftatuere , 
juflitiae  Dei  non  Tiint  fubjec- 
ti.  ad  Kom,  lo.  Commutave- 
rnnt  veritatcm  Dfi  in  menda- 
cium  ,    &     colîierunt    &  fer- 


Creatori.  aà  Rom,  i« 

b  Qui  anniintiat  verbiiitt 
fitum  Jacob  ,  iiiftitias  &  judicia 
fua  Ifraël.  Non  fecit  talitcr 
omni  nationi  ,  &  jiidicia  fua 
non  manifcflavic  eis.  Ffâlm^ 


vierunt  creaturae  potiiÀs  quàm  1  147. 


far  les  Comman démens  de  Dieu.         y 

Dieu  différa  pendant  plufîeurs  fîccles  depuis  le  pé-« 
chc  d'Adam  ,  de  donner  par  écrit  fa  loi  aux  Ifraélites, 
;afin  de  les  convaincfe  par  une  longue  expérience  de 
l'aveuglement  de  leur  efprit  &  de  la  corruption  de  leur 
volonté  ;  Cuites  fatales  du  péché.  En  leur  donnant  le 
Décalogue,  il  ôta  tout  fujet  de  plainte  aux  autres-hom- 
mes ;  cette  Loi  écrite  fur  des  tables ,  étoit  un  aver- 
tiffement  extérieur  pour  tous,  qui  les  devoit  faire  ren- 
trer en  eux-mêmes ,  &  leur  faire  écouter  le  témoigna- 
ge de  leur  confcience,  en  retraçant  à  leurs  yeux  la 
Loi  naturelle  ,  qu'ils  ne  vouloient  pas  lire  au  fond  de 
leur  cœur  *^. 

Sans  la  lumière  de  cette  Loi  expcfée  à  nos  yeux  , 
nous  tomberions  iouvent  dans  des  fautes  groflîeres,  & 
nous  nous  écarterions  à  tout  moment  du  chemin  du 
(alut ,  de  forte  qu'on  peut  dire  des  dix  Commande- 
mens  du  Décalogue  ,  ce  que  fâint  Cyprien  au  com- 
mencement de  (on  Livre  de  l'Oraifôn  Dominicale  , 
dit  des  préceptes  de  l'Evangile  dont  la  plupart  font 
les  mêmes  que  ceux  du  Dccalogue  :  Nihil  fum  aîhid 
quàm  magijîeria  divina  ,  fundarmnta  adificandiu  fpei  , 
jirmamenta  corroboraiidie  jîdei  ,nutrimenta  fovendi  cor- 
dis  ,  gubtrnacula  dirigendi  itifieris.,  frajidia  obtinendie 
falutis. 

Nous  devons  donc  avoir  une  grande  reconnoilTan- 
ce  de  la  miféricorde  que  Dieu  nous  fait ,  en  nous  ïnC- 
truilant  des  Conimandemens  du  Dccalogue.  Il  les  faut 
recevoir  avec  crainte  &  avec  refped: ,  ce  (ont  des  or- 
dres de  Dieu  &  des  déclarations  de  (à  volonté  fouve- 
raine. 

Quelque  âge  qu'on  ait,  on  e(l  trèè-coupable  C\  on 
néglige  de  (çavoir  le  Décalogue.  Quand  on  lie  l'a  pas 
appris  dans  la  jeunefFe,  la  difficulté  qu'on  a  d'appren- 
dre ,  ne  peut  point  fervir  d'excule  :  étant  très-facile 
d'acquérir  la  connoifTance  des   dix  Commandemen» 


c  Sei  nefibi  homines  aliquid 
clefuifle  »iuaererentur  ,  fcrip.uni 
cft  in  Tabiilis  qiiod  in  cordi- 
bus  non  Icgfbant  ;  non  eninn  & 
fcriptum  non  habcbanr,  fcd  lé- 
gère nolcbant,  Oppontum  cU 


oculîs  eorum  quod  in  confcîen- 
tia  videre  cogercntur ,  &  qua(î 
forinfccùs  ,  admotâ  voce  Dei , 
ad  interiora  fuahomo  compul- 
fu5  eft.  %,  /lug.  in  Pfal.  57, 

Air 


s  Conférences  d'Angers  ^ 

qu'il  renferme  ;  la  nature  elle-même  nous  y  Conduit; 

Il  ne  fuffit  pas  de  fçavoir  par  cœur  les  paroles  dans 
lefquelles  le  Décalogue  ell:  conçu,  il  faut  le  m.éditer  > 
&  en  pénétrer  le  fens  &  l'étendue  ,  afin  d'avoir  la 
connoilTance  de  plu/îeurs  préceptes  qui  Ce  réduifent  au 
Décalogue  ,  &  qui  n'y  font  pas  expreffément  énoncés, 
qui  doivent  cependant  nous  fèrvir  de  régies  dans  nos 
adions.  Nous  avons  un  tel  befoin  de  les  fcavoir  pour 
la  conduite  de  notre  vie,  que  lî  nous  négligeons  de  les 
apprendre  ,  nous  (bmmes  expofés  à  commettre  une 
infinité  de  péchés  ;  qui  encore  que  nous  ne  les  con- 
jnoifîions  point,  ne  laifTerom  pas  de  nous  être  imputés 
par  la  juflice  de  Dieu.  C'étoit  pour  faire  comprendre 
cettebbligation  que  le  Seigneur  dans  le  chap.  6.  du 
Deutérbiiome  ,  ordonne  aux  Ifraélites  de  graver  fes 
Comm.andemens  dans  leur  cœur  ,  d'en  inflruire  leurs 
enfans ,  de  les  méditer  dans  leurs  m.aifbns,  &  en  mar- 
chant dans  le  chemin ,  la  nuit  &  le  matin. 

Cette  méditation  ne  manquera  pas  de  produire  Con 
fruit ,  &  ce  fruit  fera  ,  félon  fàint  Bernard  ^  ,  un  hum- 
ble fentiment  de  foi-même,  la  charité  envers  le  pror 
chain,  le  mépris  du  monde ,  l'amour  de  Dieu. 

De  plus,  la  récompense  éternelle  luivra.  Dieu  la 
promet  par  la  bouche  de  David  dans  le  Pfeaume  pre- 
mier,  à.  celui  qui  méditera  (a  Loi  jour  &  nuit. 

Si  on  ignore  les  Commandemens  du  Décalogue  y 
ayant  été  élevé  parmi  les  Chrétiens ,  ce  ne  peut  être 
que  par  une  ignorance  criminelle  ,  dont  la  fource  eft 
le  défaut  d'amour  pour  Dieu  &  pour  le  fàlut  ;  car  fi  on 
aimoit  Dieu,  oncraindroit  de  violer  fe^s  Commande- 
îmens  faute  de  les  connoitre  ;  &  fionavoit  un  vrai  de- 
(Ir  du  falut ,  on  appréhenderoit  de  Ce  perdre  en  s'en- 
gageant  dans  des  crimes  ,  faute  de  s'infiruire  de  les 
devoirs.  Et  cette  crainte  porteroit  à  s'informer  des  ré- 
gies qu'on  doit  lùivre  dans  la  conduite  de  fa.  vie  ,  &  à 
s'en  infiruire.  Après  les  avoir  apprifês  ,  on  s'en  occu- 
()eroit  &  on  les  approfondiroit.  •  L'ignorance  dans  la- 


d  Hœc  confîfîeratîo  qiudrî- 
partltum  parie  fruttnm  ,  v<li- 
jaicm  fuîj  charitatcm  proximij 


contemptum  mundi  ,  amoreni 
Dei. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.  p- 

inuelle  quelques  Chrétiens  font ,  des  obligations  qui 
lont  contenues  dans  le  Décalogue  ,  ou  qui  y  (ont  ré- 
duites ,  n'eft  donc  pas  excuHible  ,  étant  un  effet  de 
leur  négligence,  &  fbuvent  de  l'obflacle  qu'ils  met- 
tent par  leur  mauvaise  volonté  aux  lumières  de  Dieu. 
C'cft  de  cette  ignorance  dont  parle  fîiint  Bernard  dans 
la  Lettre  77.  à  Hugues  de  Hiint  Vidor ,  quand  il  dit  : 
Multa  fcienda  nefchimur ,  aut  [ciendi  incuriâ  ,  aut  dif- 
cendi  defidia  ,  aut  verecitndiâ  inqiiirendi  ,  &  quidem 
■  hujiifrnodi  ignorantia  non  habet  excufationem. 

Les  Pafteurs  à  qui  le  peuple  doit,  (êlon  l'ordre  de 
Dieu  ,  s'adreffer  pour  en  recevoir  les  inflrudions  dont 
il  a  befbin  pour  la  vie  fpirituelle,  ont  une  obligation 
encore  plus  étroite  d'avoir  une  parfaite  connoiflance 
dfe  tout  ce  qui  efl  contenu  dans  le  Décalogue ,  afin  de 
pouvoir  expliquer  aux  autres  leurs  devoirs  en  détail  , 
comme  ils  y  font  obligés.  Si  le  zèle  du  lalut  des  âmes 
ne  les  porte  pas  à  (e  remplir  de  la  connoilîance  de  la 
Loi  du  Seigneur  ,  qu'ils  craignent  au  moins  la  terri-, 
ble  menace  qu'il  leur  fait  par  la  bouche  du  Prophète 
0(ee  ,  au  chap.  4,  Qiùa  tu  fcicmiam  repulijlt ,  repel- 
lam  te  ,  ne  Sacerdotio  fungaris  mihi. 

Cette  obligation  ne  regarde  pas  feulement  les  Prê- 
tres qui  font  particulièrement  chargés  de  la  conduite 
des  âmes ,  comme  font  les  Curés  &  les  Vicaires ,  mais-, 
encore  tous  ceux  qui  font  honorés  du  caradère  du  Sa- 
cerdoce *. 


e  Labia  Sacerdotis  cuflodiunt 
fcientiamj&Iegcm  requirent  ex 


ore  eiustquia  An^eliisDomînî 
exercituum  efl.  Malacb,  z. 


III.     QUESTION. 

EJl-on  obligé  d'ohferrer  les  Commandemens  du 
Décalogue  ,  Gr  comment  les  divife-î-on  ? 

Quelque  parfaite  que  puifTe  être  la  connoifTance 
qu'un  homjue  a  du  Décalogue,ellc  ne  fcrtqu'à  le 
rendre  plus  criminel ,  s'il  ne  le  met  en  pratique, 
tetce  Loi  n'a  été  domiée  aux  honmies  que  pour  ctr^ 

A  V 


lo  Conférences  à' Angers  ^ 

obfervée  généralement  de  tous ,  &  ils  ne  font  jufteî 
qu'autant  que  leur  vie  eft  conforme  à  cette  régie. 

Il  ne  faut  donc  pas  prétendre  accommoder  les  loix 
du  Décalogue  à  notre  volonté  ,  mais  il  faut  confor- 
mer nos  volontés  à  ces  Loix  ,  qui  ne  font  autre  cho- 
fè  que  la  volonté  de  Dieu.  Si  les  hommes  qui  ont  quel- 
que autorité  fur  les  autres,  prétendent  avecraifon  que 
leurs  volontés  foient  luivies  par  ceux  qui  leur  font 
fbumis  ,  combien  efî-il  plus  julle  que  les  hommes 
foient  affujettis  à  la  volonté  de  Dieu  ,  eux  qui  font 
effentiellement  fès  efclaves  en  qualité  de  fes  créa- 
tures ! 

Dans  le  tems  que  les  hommes  n'avoient  pour  tout© 
Loi  que  la  Nature  qui  leur  didoit  de  faire  le  bien 
&  de  s'abilenir  du  mal,  tous  ceux  qui  avoient  l'ufàge 
de  la  raifbn  ,  étoient  obligés  de  faire  ce  qui  eft  porté 
par  les  préceptes  du  Décalogue  ,  parce  qu'ils  renfer- 
ment le  droit  naturel  que  Dieu  a  imprimé  dans  l'ame 
^es  hommes ,  &  que  les  hommes  connoifTent  par  la 
îumiere  de  la  raifbn.  On  peut  voir  ce  que  difent  à  ce 
fiijet  (âint  Jérôme  fur  le  chap.  24.  d'Ifaie ,  faint  Au- 
guflin  dans  le  Sermon  z^.  fur  lePfeaume  1 18.  &  faint 
Thomas  dans  la  i.  z,  q.  100,  art.  i. 

Depuis  que  les  Ifraélites  eurent  reçu  de  Dieu  le  Dé- 
calogue ,  ils  ont  été  obligés  de  l'obferver  ,  félon  la 
forme  dans  laquelle  il  leur  a  été  notifié  par  Moyfe  de 
îa  part  de  Dieu. 

Four  les  Chrétiens,  ils  ne  peuvent  fe  dilpenfèrd'ob- 
ferver  tous  les  préceptes  du  Décalogue,  félon  le  fens 
dans  lequel  Jefus-Chrifl  les  a  expliqués,  &  que  l'Egli- 
fe  Catholique  les  entend.  In  illis  decem  pracepiis  ,dit 
iàint  Auguftin  dans  la  queftion  lyz,  fur  l'Exode  ,  ex- 
cepta Sabhati  obfervatione  ,dicamr  mihi  quod  non  fit  ok~ 
fervandum  Ckrijliano. 

On  excepte  le  précepte  de  la  fândification  du  Sab- 
bat feulement ,  quant  à  la  circonllance  du  jour  du 
Samedi  qui  a  été  changé  en  celui  du  Dimanche  ; 
quant  à  la  chofe  qui  eft  commandée  par  ce  précepte  , 
i  obligation  de  s'en  acquitter  fubfifte  également  dans 
Ja  loi  de  Grâce. 

Quoique  les  Commandçraens  de  la  loi  de  Moyle 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,        î  î 

<\ui  regardoient  les  ccrcmonies  de  I;i  Religion ,  &  ceux 
qui  prefcrivoient  la  forme  des  jugcmens  parmi  les 
Juifs  ,  aient  ccc  ou  abolis  ,  ou  cliangcs  par  l'Kvangile, 
ceux  qui  concernent  les  mœurs ,  dont  le  Décalogue 
n'eft  qu'un  abrégé ,  bien  loin  d'avoir  été  abrogés  par 
Jefus-Chrifl,  ont  été  augmentés  &  perfcdionnés,  com- 
me (aint  Auguflin  le  prouve  contre  FauHe.  Lex ,  Non 
iTKrchciberîs  ,  apiid  illos  jujios  antiquos  femi-plena 
erat ,  doyiec  a  Domino  implerettir ,  addente  ,  ne  qttis  ad 
conciipifcendam  videat  mulierem. 

Il  fuffit  de  violer  un  (eul  des  Commandemens  du 
Décalogue  pour  pécher.  Ce  péché  eft  même  de  (on 
genre  mortel  ,  s'il  n'y  a  quelque  circonftance  qui  le 
rende  véniel ,  comme  pourroit  être  la  légèreté  de  la 
matière ,  ou  l'inadvertence  ,  ou  le  manque  de  railbn , 
ou  de  connoilîîmce.  Et  fi  l'on  enfreint  par  une  même 
aftion  plu/îeurs  différens  Commandemens ,  on  com- 
met difterens  péchés  ,  parce  que  dès-là  qu'un  Com-* 
mandement  n'eft  pas  renfermé  dans  un  autre ,  il  en 
naît  différentes  obligations  auxquelles  on  peut  man- 
quer par  une  même  adion,  ou  par  une  même  omiffion. 

La  raifbn  pourquoi  Ton  pèche  en  violant  les  Com- 
mandemens du  Décalogue ,  n'eft  pas  parce  qu'ils  ont 
été  donnés  par  Moy(e,  mais,  comme  remarque  le  Ca- 
téchifme  du  Concile  de  Trente ,  c'eft  parce  qu'ils  font 
une  explication  du  droit  naturel,  approuvée  &  con- 
firmée par  Jefus-Chrift.  C'ell  pour  cela  que  ceux  qui" 
ont  l'ufàge  de  la  raifbn  ,  ont  une  étroite  obligation 
d'accomplir  le  Décalogue  en  entier. 

C'eft  une  erreur  groflîere  condamnée  par  le  Concî* 
le  de  Trente  dans  la  felTion  6,  au  canon  15?.  &  lo.  que 
de  croire  que  l'obligation  d'obferver  les  Commande- 
mens de  Dieu  compris  dans  le  Décalogue ,  ne  regarde 
pas  les  Chrétiens.  Le  Sauveur  nous  a  enfeigné  le  con- 
traire dans  le  chap.  5.  de  faint  Matthieu,  oii  après 
avoir  déclaré  hautement  qu'il  n'étoit  pas  venu  détrui- 
re la  Loi  &  les  Prophètes,  mais  les  accomplir  ,  il  ex- 
plique de  quelle  manière  les  Chrétiens  doivent  s'ac- 
quitter des  Commandemens  qui  défendent  de  jurer, 
de  tuer.  Se  de  commettre  la  fornication,  &  de  celui 
^ui  ordonne  d'aimer  T^n  prochain  3  &  encore  dans  k 

A  n 


"12  Conférences  (T Angers  J 

cbap.  ip.  du  même  Evangélifle  &  le  chap,  1 8.  defàînt 
Luc  ,  où  il  nous,  apprend  que  pour  parvenir  à  la  vie 
éternelle  ,  il  eft  abfoiument  néceflaire  d'obferver  les 
Commandemens  du  Décalogue  :  Si  vis  advitam  ingre~ 
di ,  ferva  mandata.  Les  Apôtres  n'ont  pas  prêché  une 
lûUtre  dodrine,  mais  plutôt  ils  ont  eu  foin  d'avertir 
îes  Fidèles  de  cette  obligation  indifpenfàble  ,  com- 
me on  voit  dans  le  chap.  1 3.  de  l'Epître  aux  Romains, 
dans  la  première  aux  Corinthiens  ,  chap,  7,  &  dans 
TEpitre  de  fàint  Jacques ,  chap.  2. 

La  liberté  que  l'Evangile  nous  a  procurée  à  cet 
«égard  ,  ne  confifte  qu'en  ce  que  les  Chrétiens  font  par 
«amour  ce  que  les  Juifs  faifbient  par  crainte  ,  comme 
dit  le  Concile  de  Cologne  au  commencement  de  l'ex- 
plication du  Décalogue.  A  Decalogo ,  qui  moralem  le- 
gcm  compendio  compleftinir ,  non  aliter  libérât  Evange- 
iiurrij  niji  qiwd  auttâ  in  nobis  charitate,  safponte  facimus 
4Ùy  luhemer ,  quœ  Jtid^orum  populus  faciebat  mettipœnœ. 

Le  motif  qui  doit  porter  les  Chrétiens  à  garder  les 
Clommandemens  du  Décalogue,  eft  l'amour  de  Dieu, 
Non  qu'il  foit  néceffaire  que  nous  joignions  à  l'obfèr- 
vation  de  tous  les  Comm.andemens  un  ade formel  d'a- 
mour :  car  il  fuffit  pour  les  oblerver  d'une  manière 
qui  fbif  agréable  à  Dieu,  que  le  defir  de  lui  obéir  & 
de  lui  plaire,  nous  les  iàfle  garder.  Et  celui  qui  obfer- 
ve  quelqu'un  de  ces  Commandemens  par  un  motif  de 
crainte  ,  ne  pèche  pas. 

Puifque  c'efl:  l'amour  de  Dieu  &  de  la  volonté  qui 
nous  doit  porter  à  obéir  à  Tes  Commandemens, il  faut, 
en  nous  inflruifànt ,  prier  Dieu  qu'il  répande  dans 
Tios  âmes  (a  grâce  qui  nous  les  fafle  aimer ,  afin  de 
pouvoir  furmonter  la  concupifcence  qui  eft  en  nous  , 
qui  nous  lollicite  fans  ceffe  à  violer  la  Loi  du  Seigneur, 
éc  qui  nous  la  rend  défagréable  Se  difficile.  En  même 
tems  ,  nous  devons  faire  a  Dieu  un  aveu  fincere  de  no- 
xre  foiblelTe,  en  lui  difantavecle  Roi  Prophète:  Sei- 
gneur, ayez  pitié  de  mai ,  parce  que  je  fuis  foiblt  :  M:- 
fcrere  met ,  Dcmir.e  ,  qiioniam  infirmus  furn. 

Nous  fuppofbns  ici  comme  une  vérité  incontefîa- 
ble  ,  que  les  Commandemens  de  Dieu  ne  (ont  pas  im- 
^^oiïililes3  rEcri$iire-Siun:e  7  çH  trop  fvriiieiiç  ;  poi\p 


fur  les  Commandanens  de  Dieu.       t^ 

t\\ion  puifTe  dire  le  contraire  (ans  être  hérétique. 

Nous  divilcrons  d'abord  avec  Hiint  Au^^uftin  dans  la 
queftion  71,  fur  l'Exode,  &  avec  laint  Thomas  i.  i.q^ 
100.  art.  4.  les  dix  Conimandemens  du  Dccalogue,  ert 
Préceptes  de  la  première  table  ,  &  en  Préceptes  delà 
féconde  table.  C'eft-à-dire ,  en  ceux  qui  étoient  gra^ 
vés  fur  la  première  des  deux  tables  que  Dieu  donna  à 
Moyfe,  &  en  ceux  qui  étoient  gravés  fur  la  féconde. 

La  première  table  contenoit  les  trois  premiers  Com- 
jnandemens  qui  regardent  l'honneur  dû  à  Dieu.  C'efl 
pour  cela  qu'ils  renfermoierît  autant  de  paroles  que  les 
lept  autres ,  comme  on  peut  le  voir  dans  le  texte  du 
chap.  20.  de  l'Exode  que  nous  avons  rapporté. 

Origene  a  voulu  divifêr  cette  table  en  quatre  Corn- 
mandemens,  prétendant  que  le  premier  étoit  renfermé 
dans  ces  termes  :  Vous  n'aurez  fomt  des  Dieux  étrangers 
devant  moi ,  Se  ne  condamnoit  que  l'idolâtrie  spirituel- 
le ;  mais  que  le  fécond  qui  condamnoit  l'idolâtrie  ex- 
térieure ,  étoit  exprimé  par  ces  paroles  :  Vous  ne  vous 
ftrez  point  d'Idole  ni  aucune  Figure.  Saint  Auguflin  à" 
l'endroit  qu'on  vient  de  citer  ^  êflime  que  les  Précep- 
tes de  la  première  table  étoient  feulement  divifés  en 
trois.  Lf'Eglile  iemble  avoir  approuvé  fbn  fentiment. 

Les  Théologiens  voulant  rendre  rai(bn  pourquoi 
Dieu  a  renfermé  en  trois  Préceptes  ,  l'honneur  qu'il 
vouioitlui  être  rendu  parles  hommes,  di(ènt  que  nous 
devons  à  Dieu  trois  choies  ,  qui  font ,  la  fidélité,  le 
rejpeâi  ,  ù"  notre  fer  vice  ;  que  pour  nous,  acquitter  de 
ces  trois  devoirs  il  faut  honorer  l'unité  de  Dieir,  là 
vérité  &  fi  bonté.  Le  premier  Commandement  nous 
apprend  à  honorer  l'unité  de  Dieu  par  notre  fidélité  , 
en  ne  rendant  qu'à  lui  feul  un  honneur  fbuverain.  Le 
fécond  nous  enfeigne  à  honorer  la  vérité  de  Dieu  ,  en 
relpedant  fon  Nom  Se  ne  difuit  rien  qui  lui  (bit  inju- 
rieux. Le  troi^cmc  nous  enjoint  d'honorer  (a  bonté, 
en  célébrant  le  jour  du  Sabbat  en  reconnoiffanee  des 
biens  que  nous  avons  reçus  de  lui. 

D'autres  apportent  une  autre  raifon  de  convenance 
de  ce  nombre  de  trois  ;  f^avoir ,  que  Dieu  a  voulu  par- 
là  inftruire  les  hommes  de  l'obligation  qu'ils  ontd'ho- 
îiorer  les  trois  Pcrlojines  Divines  j  car  le  premier  Com-j 


14  Conférences   £  Angers, 

mandement  qui  exclut  la  multiplicité  des  Dieux  ^  Ce 
rapporte  au  Père ,  en  qui  l'unité  de  la  Nature  Divine 
fe  fait  premièrement  connoitre.  Le  fécond  Ce  rapporte 
au  Fils,  qui  eft  proprement  le  Verbe  &  le  nom  de  Dieu. 
Le  trôifieme  fe  rapporte  au  Saint-Efprit ,  par  la  vertu 
duquel  nous  nous  abftenons  des  œuvres  ferviles  de  la 
chair  :  Primiim  mandatitm  ,  difent  les  Pères  du  Con- 
cile de  Cologne  de  l'an  153e.  dans  l'explication  du 
Symbole ,  ad  Patrem  refertur ,  [ecundum  ad  Filium  (  qui 
propriè  nomen  ^  Verbum  Dei  j  non  creatura  ejî)  ter- 
tium  ad  Spiritum  fancîum  quo  in  nobis  opérante  jabba- 
tizamus ,  ô'  ab  omnibus  fervilibus  j  hoc  ejî ,  nojîris  ope- 
ribus ,  quce  caro  fine  fpiritu  gignit  ,  quiefcimus  ac  nos 
continemus. 

Les  (êpt  Commandemens  qui  regardent  l'amour  que 
nous  devons  avoir  pour  le  prochain  ,  étoient  gravés  (ur. 
la  féconde  Table.  Ils  nous  enjoignent  de  ne  faire  aucun 
tort  à  notre  prochain  ,  ni  par  nos  paroles ,  ni  par  nos  de- 
firs ,  ni  par  nos  a<5tions ,  nec  corde ,  nec  ore ,  nec  opère ,  & 
nous  ordonnent  de  l'aider  autant  qu'il  efl  en  nous.  De 
cette  manière  ,  ces  fept  Commandemens  nous  défen- 
dent tout  le  mal  qui  peut  nuire  au  prochain  ,  &  nous 
commandent  tout  le  bien  que  nous  lui  devons.  C'efl 
ce  que  nous  apprend  ce  principe  de  la  Loi  naturelle  : 
Alteri  ne  feceris  ,  quod  tibi  non  vis  feri.  In  his  tribus  y 
dit  S.  Auguftin  dans  le  premier  di(cours  fur  le  32. 
Pfèaume  ,  charitas  Dei,  in  [eptem  aliis  charitas proxi- 
mi.  Ne  facias  aliis  quod  pati  non  vis.  Honores  patrem 
Û'  matrem  3  quia  vis  te  honorari  à  Jiliis  tuis.  Non  ma- 
chaberis ,  quia  nec  mœchari  uxorem  tuam  pojî  te  vis. 
Non  occidas ,  Ù"  quia  occidi  non  vis.  Non  fureris ,  quia 
fur  tum  pati  non  vis.  Non  falfum  tejlimonium  die  as  ,  quia 
odijîi  adversum  te  falfum  tejlimonium  dicentem.  Non 
concupifces  uxorem  proximi  tui  ,  quia  Ù'  tuam  non  vis 
ab  alio  concupifci.  Non  concupifces  rem  aliquam  proximi 
tui  i  quiafi  quis  tuam  concupifcet  j  difplicet  tibi. 

Il  y  a  cette  différence  entre  les  Commandemens 
de  la  première  table  &  ceux  de  la  féconde  table  , 
que  ceux  de  la  première  font  immuables  ;  que  les  cho- 
fes  qu'ils  défendent  ne  peuvent  jamais  être  licites  , 
&  que  celles  qu'ils  ordcaneAt  ne  peuvent  jamaiis  etrg 


fur  les  Commandemens  de  Dieu*       'ï  jf 

illicites  ;  car  Tamour  de  Dieu  ne  peut  jamais  être  un 
mal ,  &  la  haine  de  Dieu  ne  peut  jamais  ctre  un  bien. 
Mais  quant  aux  Commandemens  delà  féconde  table ^ 
quoiqu'ils  foient  immuables  par  eux-mêmes  en  tant 
qu'ils  (ont  du  droit  naturel  ,  qui  ne  commande  rien 
qui  ne  (bit  un  bien  conforme  à  la  raifôn  ,  &  qui  auffi 
ne  défend  rien  qui  ne  (bit  un  mal  oppofc  à  la  droite 
raifbn  ,  ils  (ont  néanmoins  fufceptibles  de  cliange- 
ment,  en  ce  que  les  cliofès  particulières  qu'ils  défen- 
dent ou  qu'ils  ordonnent  ,  changent  (buvent  à  €au(e 
des  différentes  circonfîances  qui  leur  arrivent  &  qui 
les  tirent  du  droit  naturel.  Ce  qui  fait  qu'une  cho(« 
nue  le  droii:  naturel  commandoit  comme  jufte  ,  de- 
vient quelquefois  injufle  &  cefTe  d'être  du  droit  natu- 
rel. Par  exemple  ,  il  efl  du  droit  naturel  de  rendre 
un  dépôt  à  celui  qui  l'a  confié  ;  mais  (î  cet  homme  efl 
devenu  furieux ,  le  droit  naturel  ne  did:e  plus  qu'il 
faille  lui  rendre  (on  dépôt.  Il  y  auroitmcme  une  faute 
à.  le  faire  ,  s'il  (e  pouvoit  fervir  de  Con  dépôt  pour 
faire  un  mal ,  comme  un  furieux  pourroit  faire  ,  (i 
on  lui  remettoit  en  main  (on  é^ée  qu'il  auroit  donnée 
en  dépôt.  De  même  le  droit  naturel  défend  de  tuer, 
cependant  il  efl  permis  de  tuer  dans  une  guerre  juile 
1-es  ennemis  de  l'Etat. 

On  divife  encore  les  Commandemens  du  Dcca- 
logueen  affirmatifs  &  en  négatifs.  Les  affirmatifs  com- 
mandent direftement  le  bien  qu'on  doit  faire,  &  (ont 
énoncés  fans  négation;  comme  ceux-c'i'i  Souvenez- 
volts  de  [anClijîer  Je  Sabbat.  Honorez  votre  père  Ô"  votre 
mère.  Les  négatifs  défendent  expreffément  de  fàhe 
le  mal ,  &  (bnt  exprimés  avec  une  négation  :  Vous 
ne  tuerez  point.  Vous  ne  déroberez  point.  Car  autre  cho- 
(b  eft  de  ne  pas  faire  le  mal,  &  autre  cho(e  efl  defiiire 
le  bien ,  &:  il  ne  (lifht  pas  à  un  chrétien  pour  devenir 
jufte  de  faire  l'un  fans  faire  l'autre  ,  comme  le  die 
S.  Paulin  dans  fa  ^  o.  Lettre.  Auifi  l'un  &  l'autre  nous 
font  également  commandés  dans  les  fiintes  Ecritu- 
res. Déclina  a  malo ,  &  fac  bomim ,  P(;ilm.  ^-^.Odientes 
vialiim  ,  adlhtrcntes  bono  j  ad  Rom.  ii.  Hoc  itaqite  du- 
flex,  dit  S.  Paulin ,  diverfiimqiie  praccptum  ,prohibendi 
fi  Hic  et  1^  imperandi,  «quo  çmnibusjiirç  mandamm  e/?» 


1^  Conférences   d^ Angers  l 

Les    préceptes    affirmatifs    différent  des  négatifs; 

•  1°  En  ce  que  les  affirmatifs,  à  parler  félon  le  lan- 
gage des  Théologiens  ,  obligent  femper  fed  non  pra 
femper ,  e'eft-à-dire  ,  qu'ils  obligent  toujours  :  mais 
non  pas  en  toi^t  temps.  Les  négatifs  obligent  femper  ô* 
pro  femper  >  c'eft-à-dire  ,  toujours  ,  &  en  tout  téms  & 
en  tout  lieu.  La  raifbn  qu'on  rend  de  cette  différence  , 
c'elî:  que  par  les  préceptes  afïirmatifs  on  commande 
des  aftes  de  vertu.  Or  un  aéle  n'elî  louable  &  vertueux 
que  dépendamment  de  certaines  circonflances  qui  ne 
le  rencontrent  pas  toujours  ;  c'eft  pourquoi  les  pré- 
ceptes affirmatifs  n'obligent  qu'en  tems  &  lieu  conve- 
nables. Certainement  nous  ne  Ibmmes  pas  tenus  de 
donner  en  tout  lieu  &  à  tout  moment  des  marques  de 
notre  refped  à  nos  pères  &  mères.  Pour  les  préce- 
ptes négatifs  ,  com.me  ils  défendent  de  faire  des  ac- 
tions qui  font  de  loi  mauvaises  ,  ils  obligent  en  tout 
tems ,  en  tout  lieu  &  toutes  fortes  de  perlbnnes  ;  fî 
bien  qu'il  n'efl  permis  à  qui  que  ce  Ibit  de  faire  en  au-' 
cun  tems ,  ni  en  aucun  lieu  ce  que  les  préceptes  né- 
gatifs défendent  de  faire. 

ï".  En  ce  que  l'on  pèche  contre  les  préceptes  né- 
gatifs en  agiffant,  &  contre  les  affirmatifs  en  man- 
quant i'agir ,  ce  que  les  Théologiens  expriment  par 
Jes  termes  de  Ccmmijjîon  &  Omifjïon, 

Il  eft  à  remarquer  qu'un  précepte  négatif  enferme 
en  foi  le  précepte  affirmatif  qui  lui  efl  oppofé  ;  car  il 
efl  certain  que  les  Commandemens  qui  nous  défen- 
dent le  mal ,  ont  pour  fin  la  pratique  du  bien  qui  lui 
efl:  oppofé;  comme  celui-ci,  Vous  ne  tuerez  point  j  en 
nous  défendant  de  faire  du  mal  à  la  perfbnne  de  notre 
prochain ,  nous  porte  à  lui  fbuhaiter  du  bien  ,  &  à  lui 
en  faire ,  fî  nous  pouvons.  De  même  un  précepte  affir- 
matif renferme  le  négatif  oppofé  ;  ain/î  celui  d'ho- 
norer fès  parens ,  renferme  celui  de  ne  les  pas  mépri- 
ser. Ceftde-là  que  S.  Thomas  i.  i.  q.  loo.  art.  4. 
dans  laréponfe  à  la  i,  objedion,  enfeigne  qu'il  n'eft 
nécefîaire  flir  une  même  chofe  que  d'un  Commande- 
jnent,  ou  affirm.atif  ou  négatif. 

On  exprime  le  plus  fouvent  les  Commandemens 
^ii  des  termes  négatifs  j   parce   que  cette  manierç" 


fur  les  Comm  an  démens  de  Dieu,       1^ 

<îe  parler  ,  femblc  plus  propre  à  retenir  les  méchaa$ 
dans  le  devoir. 


IV.     QUESTION. 

Quefl-ce  qui  nous  ejl  ordonné  par  le  premlet 
Commandement  du  Décalo^rue  ,  ù"  quejl  ce. 
^  que  la  Foi  f 

DI E  u  commença  fes  Commandemens  par  cette 
Prcface  :  Je  fuis  le  Seigneur  votre  Dieu,  qui  vous 
ai  tiré  de  l'Egypte  ,  de  la  maifcn  de  fervitude  ;  pour 
faire  voir  aux  Juifs  le  droit  qu'il  avoit  de  leur  don- 
ner des  loix ,  &  robligation  qu'ils  avoient  d'y  obéir, 
pour  leur  inlpirer  le  refped  que  méritoit  fa  Majeilé 
fbuveraine  ,  pour  leur  faire  comprendre  la  recon- 
noifïànce  qu'ils  dévoient  avoir  de  (es  bienfaits  extraor- 
dinaires ,  &  pour  les  engager  par  ces  motifs  à  obfèr-* 
ver  (à  loi.  En  difànt ,  Je  fuis  le  Seigneur  votre  Dieu» 
Il  marquoit  en  abrégé  tout  ce  qu'il  eft ,  &  c'efl  com- 
me s'il  avoit  dit  en  détail  :  Je  fuis  la  Jufiice  fotiveraine  , 
la  vérité  même  y  la  fagejfe  éternelle ,  la  bonté  infnie.  Je 
fuis  le  principe  &  la  fin  de  toutes  chofes.  Je  fuis  celui 
qui  connoît  tout ,  le  lout-puiffant ,  le  Créateur  de  tout. 
Cette  Préface  regarde  auffi  les  Chrétiens  qui  ont  été 
délivrés  par  Jefus-Cnrill  de  la  fervitude  du  péché  &  de 
la  captivité  du  Démon. 

Apres  ce  prélude ,  fuit  le  premier  Commandement  i 
Vous  n'aurez  point  de  Dieux  éirajigcrs  devant  moi.  Voui 
ne  vous  ferez  point  d'idole ,  &c.  Quoique  ce  précepte 
fbit  exprimé  en  termes  négatifs  ,  il  eft  certain  qu'il 
renferme  un  (cns  affirmatif,  nous  prefcrivant  tout  ce 
qui  concerne  le  culte  que  nous  devons  à  Dieu  ;  &  un 
fens  négatif,  nous  défendant  le  culte  des  fauffes  Di- 
vinités ,  &  tout  ce  qui  eft  oppofé  à  la  véritable  reli- 
gion. Car  lorfque  Dieu  a  défendu  d'?voir  de  faux 
Dieux  devant  lui ,  c'eft  comme  s'il  avoir  dit  :  Vout 
m'honorerez  comme  le  feul  véritaih  Dieu  ,  Q"  vom  i^ 


îlK  Conférences  d' Angers, 

reconnoitrez  point  d'autre  Dieu  que  moi,  L'aveuglemerfc 
c?ans  lequel  étoient  tombés  plufieurs ,  qui  adoroient  le 
vrai  Dieu ,  &  en  même -temps  une  multitude  de  faufles 
divinités ,  engagea  le  Seigneur  quand  il  voulut  pref^ 
crire  aux  hommes  le  culte  qu'ils  dévoient  lui  rendre  , 
de  leur  défendre  d'adorer  d'autres  Dieux  en  fà  pré- 
fènce.  Ce  n'étoit  pas  qu'il  y  eût  d'autres  Dieux  que 
ie  Seigneur ,  mais  la  malice  des  hommes  leur  en  avoit 
fait  imaginer  d'autres. 

Il  faut  convenir  que  le  culte  que  nous  devons  à 
Dieu  con/ifle  principalement  à  croire  qu'il  eft  ie  Créa- 
teur &  le  Seigneur  de  toutes  choses ,  &  à  nous  atta- 
cher à  lui  de  toutes  les  puiflances  de  notre  ame  ,  com- 
me à  celui  qui  peut  feul  faire  toute  notre  félicité ,  par 
îa  communication  du  bien  infini ,  qui  efl  lui-même  ; 
c'eft  pourquoi  S.  Auguftindit  dans  le  chap.  3.  de  Ton 
Manuel,  qu'on  adore  Dieu  par  la  Foi,  par  l'Efpé- 
rance ,  &  par  la  Charité  ;  on  peut  ajouter  ,  &  par  la 
vertu  de  Religion.  Car  pour  faire  honneur  à  quel- 
qu'un ,  il  faut  concevoir  une  haute  eftime  de  fes  mé- 
rites ;  fè  confier  en  lui ,  la  défiance  étant  un  défaut 
d'eflime  :  l'aimer  ,  car  l'indifférence  ,  &  beaucoup 
plus  l'aver/ion  ,  font  des  lignes  de  mépris.  Enfin  il 
faut  lui  donner  des  marques  extérieures  de  ces  {en- 
timens,  &  lui  rendre  des  fèrvices.  Or  nous  ne  pou- 
vons mieux  nous  acquitter  de  ces  devoirs  envers  Dieu  9 
que  par  ces  quatre  vertus.  C'eft  principalement  par 
elles  que  nous  nous  fbumettons  à  Dieu  ,  &  que  nous 
révérons  Ces  perfedions  divines.  Au  contraire  nous  le 
déshonorons  ,  &  nous  délavouons  en  quelque  ma- 
nière qu'il  eft  notre  Dieu  par  les  adions  oppofées  à 
ces  vertus. 

C'eft  la  Foi  qui  nous  élevé  à  la  connoifTance  de  la 
Majefté  divine ,  c'efl  par  elle  que  nous  honorons  la 
vérité  infaillible  qui  eft  en  Dieu ,  en  tenant  pour  vrai 
tout  ce  qu'il  lui  plaît  de  nous  révéler.  AufiTi  il  eft  or- 
donné ,  dans  le  chap.  i.  de  l'Eccléfiaftique  ,  à  ceux 
qui  craignent  Dieu ,  de  croire  en  lui.  ^ 

C'eft  l'efpérance  qui  nous  donne  une  entière  con- 

\'f  Qui  timeûs  Deum  ,  crédite  illi. 


fur  les  Commandemens  de  Vleu,        I^ 

îîance  en  Dieu.  Par  cette  confiance  ,  nous  recon- 
roiflons  la  Toute-puifTance  de  Dieu  &  noushonoronî 
la  fidélité  en   fes  promeffes. 

C'efl  la  charité  qui  nous  fait  aimer  Dieu  plus  que 
nous-mcme ,  &  plus  que  tout  ce  qui  nous  appartient. 
En  l'aimant  ain/î,  nous  honorons  ù.  bonté  fouverai- 
ne ,  &  nous  lui  rendons  une  véritable  Se  parfaite  ado- 
ration ;  d'oii  vient  que  S.  Auguftin  ,  dans  le  liv.  To« 
de  la  Cité  de  Dieu  ,  au  chap.  4.  parlant  de  la  Charité  , 
dit  :  Hic  ejl  Dci  culw.s ,  hc^c  relia  pietas ,  h(xc  tantum 
Veo  débita  fervints. 

Enfin  ,'c'efî  par  la  vertu  de  religion  que  nous  révé- 
rons l'excellence  de  Tctre  de  Dieu,  &  Ion  domaine 
ablùiu  fur  toutes  chofes.  C'eft  elle  qui  règle  le  refpeft 
que  nous  lui  devons ,  &  à  tout  ce  qui  eft  confàcré  à 
ion  culte. 

Il  faut  donc  demeurer  d'accord  que  le  premier 
précepte  du  Décalogue  qui  commande  aux  hommes 
d'adorer  Dieu ,  leur  ordonne  de  mettre  en  pratique 
ces  vertus.  C'eft  pourquoi ,  en  expliquant  les  obliga-' 
lions  que  ce  précepte  nous  impofê  ,  il  faut  nécefîai-; 
rement  parler  de  la  Foi ,  de  l'Elpérance ,  de  la  Cha- 
rité &  de  la  Religion,  marquer  les  vices  qui  leur  (ont 
oppofés.  Mais  comme  la  Foi  eft  le  comm.encement 
du  (àlut  de  l'homme ,  nous  traiterons  d'abord  de  cette 
vertu. 

La  Foi  eft  ou  habituelle  ou  aftuelle.  La  Foi  habI-«; 
ruelle  eft  une  vertu  fumaturelle  qui  nous  fait  croire 
fermement  en  Dieu ,  &  à  tout  ce  qu'il  a  révélé  a  fou 
Eglile  ,   &  que  l'Eglife  nous  propole  de  croire. 

La  Foi  eft  une  vertu  furnaturelle  de  l'entendement; 
c'eft  une  lumière  que  Dieu  y  répand  ,  qui  l'écIaire,  & 
qui  fait  connoitre  les  vérités  que  Dieu  a  révélées. 
Cette  vertu  ne  s'acquiert  point ,  elle  furpafte  les  for- 
ces de  la  nature.  L'Apotre  S.  Paul  nous  apprend  que 
c'eft  un  don  de  Dieu  dans  le  i.  chap.  de  l'Epitreaux 
Philippiens  ^, 

La  Foi  eft  une  vertu  Tiiéologale ,  c'eft-à-dire  ,' 
qui  a  Dieu  pour  objet  principal  &  immédiat;  en  quoi 

g  Vobis  donatum  efl  pro  Chrillo  non  folùin  ut  in  euoa  credati<4 


ÏGT  Conférences  d'Angers  j 

cUe  e/!  diflinguée  de  la  vertu  de  Religion ,  qui  re| 
garde  immédiatement  &  principalement  le  culte  qu'ofï' 
rend  à  Dieu  pour  l'honorer. 

Par  la  foi  nous  croyons  en  Dieu  &  à  ce  qu'il  a  ré- 
irélé  ,  c'eft-à-dire ,  que  la  Foi  fait  non-feulement  quô 
nous  fommes  affûrés  qu'il  y  a  un  Dieu ,  mais  qu'elle 
jious  fait  aulîi  croire  les  vérités  que  Dieu  a  fait  con- 
îioître  aux  hommes  ;  elle  ne  regarde  même  les  cho- 
ies que  nous  connoiflbns  par  la  raifon ,  qu'entant  que 
Dieu  les  a  révélées. 

La  Foi  nous  fait  croire  fermement,  c'efl-à-dire ; 
fans  aucun  doute,  avec  une  entière  aî^ûrance  &  une 
pleine  periuafion.  Cela  vient  de  ce  qu'elle  ne  s'appuie 
pas  fur  l'expérience  des  fens  ,  ou  fur  les  connoifîan- 
ces  naturelles ,  ou  fur  le  rapport  des  hommes  ,  mais 
fur  l'autorité  de  Dieu  Se  Ûiv  fà  parole  qui  eu  contenue 
■dans  l'Ecriture  fainte ,  tant  de  l'Ancien  que  du  Nou- 
veau Teftament ,  qui  efl  ce  qu'on  appelle  la  Parole  de 
Dieu  écrite  ;  &  dans  ce  que  les  Apôtres  ont  enfeignc 
de  vive  voix  à  l'Eglifê  ,  &  que  cette  Eglife  a  fait  pal> 
■fer  jufqu'à  nous,  qui  eft  ce  qu'on  appelle  la  Parole  de 
Dieu  non  écrite,  ou  la  Tradition.  La  Foi  ne  croit  donc 
les  chofes  que  parce  que  c'efl  Dieu  qui  les  a  révélées  ^ 
lequel  étant  la  première  &  l'immuable  vérité,  ne  peut 
ni  être  trompé  ni  nous  tromper.  Notre  entendement 
fe  repofànt  fur  cette  autorité  infaillible  ,  eH  convaincu 
de  la  vérité  des  chofes  révélées ,  &  s'y  loumet  avec 
relped;  fi  bien  que  ceux  qui  ont  la  Foi,  ne  doutent 
nullement  de  la  vérité  de  ces  chofes  ;  quoique  oppo- 
rées  à  nos  fèns  &  au-delTus  des  lumières  de  la  raifon  » 
il  les  reçoivent  comme  la  Parole  de  Dieu  ''. 

La  Foi  naturelle  ou  purement  humaine ,  a  un  fon- 
dement bien  différent  ;  car  elle  nous  fait  croire  les 
chofes ,  ou  à  caufe  de  l'évidence  des  preuves  par  lef^ 
quelles  nous  nous  fommes  laiiTés  perfuader ,  ou  par 
la  déférence  que  nous  avons  pour  les  perfbnnes  qui 
nous  les  ont'_  dites ,  ou  même  par  fantaiiîe  fur  de  fauf^ 
fes  preuves. 


h  Cùm  accepifTetîs  à  nobis 
verbum  auditûs  Dei ,  accepiftis 
ÎU.udi  upn  Ut  verbum  homi- 


num  ,  fed ,  fient  efl  yerè ,  ver- 
bum Dei,  i,  ai  Tneplotiici 
cap.  2» 


fltr  les  Coinmandemens  de  D/ew.*       ÎStr 

On  a  die  que  la  Foi  nous  fait  croire  tout  ce  que  Dieu 
ft  rcvclc  à  Ton  Eglife  ;  car  la  Foi  ne  rejette  aucun  des  ar- 
ticles que  l'Eglile  nous  aiïïire  que  Dieu  a  révèles.  Elle 
les  reçoit  tous  ,  &  celui  quidouteroit  d'un  feul,  quand 
incme  il  approuveroittous  les  autres,  ne  peut  pas  dire» 
qu'il  ait  la  Foi. 

On  a  ajoîitL'  ,  &  que  l'Eglife  nous  propofe  de  croi- 
re ;  car  c'eil  l'Eglife  que  Dieu  a  rendue  dcpofitaire  des 
vérités  que  nous  devons  croire  ,  de  forte  qu'encore 
que  Dieu  puiffe  révéler  immédiatement  à  des  parti- 
culiers les  myfteres  les  plus  cachés ,  comme  il  failblt 
aux  Patriarches  ,  8c  aux  Prophètes  ,  nous  ne  regar- 
dons comme  vérités  de  Foi,  que  celles  qu'il  a  fait 
connoitre  à  (on  Eglifè.  C'eft  par  le  témoignage  de 
l'EgïiCe  que  nous  (ommes  pleinement  assurés  que  c'efî 
Dieu  qui  les  a  révélées  ;  &  c'efl  par  les  lumières  de 
l'Eglife,  qui  efl  comme  dit  S.  Paul  au  chap.  3,  de  la 
I.  à  Timothée,  la  colonne  dr  la  bafe  de  la  vérité ,  qu'il 
fiiut  dilcerner  les  vérités  révélées  de  celles  qui  ne  le 
font  pas.  D'où  vient  que  S.  Auguftin  diGnt  dans  le  li-: 
vre  Contra  Epjlolam  fundamemi ,  au  chap.  5.  qu'il  ne 
croiroit  pas  à  l'Evangile  fi  l'autorité  de  l'Eglife  Ca- 
tholique ne  l'y  obligeoit.  Evangelio  non  crederem,  nifi 
me  Catholicte  Ecclejiœ  commoveret  autoritas. 

La  Foi  aéluelle ,  ell  un  acte  de  l'entendement ,  & 
n'e/l:  autre  chofe  qu'un  conlentement  ferme  &  afsûré 
que  nous  donnons  a.  une  vérité  qui  nous  eft  propofëe 
par  rEgli(e ,  parce  que  Dieu  l'a  révélée.  Quand  on 
ne  fait  point  paroître  au  dehors  ce  conlentement  > 
nous  le  nommons  un  aCle  intérieur  de  Foi.  Quand  on  le 
jiianifefte  par  quelque  figne  (enfible,  nous  lui  donnons 
le  nom  de  ConfeJJion  de  Foi ,  ou  d'aéJe  extérieur  dgi 
foi. 

La  Foi  a<5luelle  Ce  divile  en  implicite  Se  expliciter 
La  Foi  implicite  eft  un  ade  par  lequel  nous  croyons 
des  vérités  dans  un  autre  oii  elles  lont  renfermées  » 
quoique  nous  ne  les  connoiflions  pas  en  elles-mêmes. 
Par  exemple ,  celui  qui  croit  tout  ce  que  l'Eglife  croit , 
&  qui  eft  prêt  de  croire  en  particulier  tout  ce  qu'elle 
lui  propolera  ,  eft  cenfé  croire  d'une  foi  impli-; 
(;itc  tous  Içs  myfteres  de  ia  Foi  que  l'Eglife  trait  j^ 


22  Conférences  d'Angers , 

quoiqu'il  y  en  ait  plufîeurs  dont  il  n'a  jamais  cKïî 
parler. 

La  Foi  explicite  efl  un  a.àe  par  lequel  on  croit  une 
vérité  en  particulier  ,  la  confidérant  en  elle-même. 
Par  exemple  ,  celui-là  croit  d'une  Foi  explicite  la 
Trinité  des  Perfonnes  divines ,  qui  fiait  que  Dieu  a 
révélé  qu'il  y  en  a  trois ,  &  réfléchilTant  fur  cette  vé- 
rité ,  l'approuve  &  y  adhère  fortement.  Cette  Foi  peut 
être  diftinde ,  comme  elle  l'eft  dans  les  Dodeurs  ;  ou 
confufe  comme  fbuvent  elle  Teft  dans  le  commun  du 
peuple.  Voilà  l'idée  que  S.  Thomas  nous  donne  de 
la  Foi  implicite  &  explicite  dans  les  queftions  difpu- 
tées  q.  14.  art.  i. 

On  peut  encore  divifêr  la  Foi  en  Foi  informe  &  en 
Foi  formée.  On  appelle  Foi  informe  celle  qui  efl  làns 
i'amour  de  Dieu  ,  parce  que  la  charité  eft  comme  la 
forme  de  la  Foi ,  puifqu'elle  lui  donne  Ca.  perfedion. 
La  Foi  formée  efl  celle  qui  eft  jointe  à  la  charité  jufti- 
fiante  qui  donne  la  vie  a  Tame ,  &  {ans  laquelle  les 
autres  vertus  ne  fervent  de  rien ,  fliivant  S.  Paul  dans 
la  première  Epitre  aux  Corinthiens ,  chap.  13, 

Pour  que  notre  entendement  adhère  aux  vérités  ré- 
vélées par  un  confentement  ferme ,  ce  que  les  Théo- 
logiens appellent_^rmwm  prabere  ajfenfitm,  il  ne  fîifïit 
pas  qu'il  fçache  ces  vérités  ,  il  faut  de  plus  ,  qu'après 
avoir  pefé  les  motifs  de  crédibilité  qui  peuvent  le  por- 
ler  à  croire  ces  vérités  ,  il  forme  un  jugement  cer- 
tain ,  qu'elles  font  croyables ,  &  qu'elles  ont  été  ré- 
vélées ,  &  qu'il  fè  détermine  à  les  croire  ;  mais  pour 
fe  déterminer  à  les  croire ,  il  a  befôin  d'une  pieufe  & 
douce  motion  qui  le  porte  à  adhérer  à  ces  vérités; 
i3c  à  y  donner  fon  approbation. 

Nous  avons  dit  qu'il  faut  que  l'entendement ,  avant 
que  de  donner  fbn  confentement  &  (on  approbation 
aux  vérités  de  Foi ,  juge  avec  certitude  qu'elles  fbnc 
croyables  &  qu'elles  ont  été  révélées  >  parce  que  ce 
confentement  ne  doit  pasfè  donner  légèrement,  mais 
avec  prudence  ;  &  par  conféquent  il  faut  avoir  une 
entière  certitude  que  la  chofe  efl  telle  que  nous  la 
croyons.  C'efl  pourquoi  le  Pape  Innocent  XI.  a  con- 
jdamné  par  fon  Décret  de  x67^,  cette  propofitio;!  ^ui 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,       ô  J 

cft  la  3  i,Aj[enJftisfulei  fupernaturalis  Ô"  utilis  ad [alu- 
tem  ,J}at  ciini  noiitiâ  folum  prohahili  revelationis  ,  imo 
cum  formidine  ,  quâ  qui  s  for  mi  de  t ,  ne  non  fit  locutus 
Veus. 

Le  Clergé  de  France  foufcrivant  à  la  condamnation 
de  cette  propontion  dans  rAfTemblce  de  1700,  en  a 
porte  ce  jugement  ,  hœc  prgpofitio  fcandalofa  efl ,  fer^ 
tiiciofa  y  Ù'  apofîolicam  Tidei  defmitionem  evertit. 

Nous  avons  dit  en  (econd  lieu  que  l'entendement  a 
befbin  d'une  motion  de  la  volonté  qui  le  fafTe  adhérer 
aux  vérités  qu'il  juge  avoir  été  révélées  ;  ce  qui  fait 
dire  à  S.  Auguftin  qu'il  dépend  de  la  volonté  de  croire 
ou  de  ne  pas  croire  :  Credere  ,  dit  ce  Père  ,  dans  le 
liv.  de  la  Prédeflination  des  Saints  ,  chap.  5.  vel  non 
credere  efî  in  arhiirio  voluntatis  humance ,  fed  pnepara- 
tur  voliintas  à  Domino.  La  raifbn  eft  que  la  plupart 
des  vérités  de  Foi ,  furpalTent  les  lumières  naturelles 
de  notre  entendement ,  que  même  plufieurs  paroif^ 
fent  ctre  oppofées  à  notre  raifbn ,  &  qu'encore  qu'el- 
les lui  Semblent  croyables  ,  elles  ne  font  point  évi- 
dentes ,  mais  obfcures.  L'entendement  a  donc  belbin 
pour  les  approuver  &  s'y  attacher,  d'une  motion, 
de  la  volonté  qui  le  foumette  à  l'obéiffance  de  Jeflis- 
Chrifl,  félon  ce  que  dit  S.  Paul  dans  le  chap.  10.  de 
la  z.  aux  Corinthiens.  In  captivitatcm  redigemes  omncm 
intelleCîum  in  obfequium  Chriffi. 

Cette  motion  de  la  volonté  engage  notre  entende-^ 
ment  à  faire  attention  aux  motifs  qui  peuvent  le  per-* 
(uader  que  les  choies  que  la  Foi  propole  ne  renfer- 
ment aucune  abdirdité ,  &  qu'elles  ne  font  point  op- 
pofées à  la  droite  raifon.  Elle  lui  fait  en  même-temps 
rejetter  les  raifons  qui  le  pourroient  détourner  de 
donner  fon  confentement  &  fon  approbation  à  ce» 
vérités. 

Saint  Auguftin  reconnoît  la  nécefTité  de  cette  mo- 
tion dans  le  Traité  z6.  fur  S.  Jean,  quand  il  dit  qu'on 
ne  croit  point  par  force  &  contre  Con  gré  ,  mais  parce 
qu'on  le  veut  bien  '  • 

i  Intrarc  quifquam  Eccle-  [  pcre  Sacramcntum  poreft  no- 
fiam  potclt  nolens  ,  acccdcre  lens,  credere  non  poreft  nifî 
ai  Aicare  poieil  noicnj ,  acci-  l  volcnj.  Si  corporc  cVcderctur,. 


^|;  Conférences  d'Angers^, 

Cette  pieufe  &  douce  motion ,  qui  efl  le  commen-i 
cernent  de  la  Foi  ,  ed  un  effet  de  la  grâce  qui  nous 
appelle  à  Jefus-Chrift ,  comme  il  nous  le  dit  lui-mê- 
me dans  le  chap.  6.  de  S.  Jean.  Nemo  poteft  ventre  ai 
me',  nijî  Pater...  traxerit  eum.  Le  ^cond  Concile 
d'Orange  a  établi  cette  vérité  Catholique  contre  les 
demi-Pélagiens  dans  le  Canon  5,  &  dans  le  Canon  7, 
Si  quis ,  dit  ce  Concile  dans  le  5 .  Canon  ,  Jicm  au-* 
gmentum ,  ita  etiam  initium  jidei ,  ipfumque  credulita- 
tis  ajfeCium  quo  in  eum  credimus  quijujlijicat  impium  . . , 
non  per  gratiœ  donum ,  id  ej} ,  per  infpiradonem  Spiritûs 
fanÙi  corrigentem  voluntatem  nojlram  ab  injidelitate 
^dfidem  ...fed  natur aliter  nobis  inejfedicit,  Apojîolicis 
àogmàtibus  adverfarius  approbatur.  Conformément  à 
cela  ,  S.  Fulgence  dit  dans  le  liv.  de  Jncarnatione  Ù" 
Gratiâ ,  chap,  18.  Ut  velimus  credere  ,  mifericordia 
prœveniemis  ilhiminamur  dono.  Le  Concile  de  Trente 
dans  la  fefllon  6.  chap.  é.  enfèigne  la  même  dodrine. 
D'oii  Ton  peut  conclure  que  ce  n'eft  pas  le  feul  poids 
des  raifbns  qui  fe  présentent  à  notre  efprit  qui  nous 
meut  à  croire  les  vérités  de  Foi,  &  que  TaHiirance 
ou  fermeté  du  confèntement  que  notre  efprit  donne 
à  ces  vérités ,  ne  vient  pas  toute  de  la  force  de  ces 
raifbns.  Aufli  Innocent  XL  dans  ion  Décret  de  l'an 
il  67^.  a  condamné  cette  propofîtion  qui  eft  la  dix- 
neuviéme.  Voluntas  non  potefl  ejjicere  ut  ajfenfus  jidei 
infeipfo  fitmagisjirmus  quam  mereatur  pondus  rationum 
nd  ajfenjum  impellentium. 

Si  nous  ne  croyions  une  vérité  de  Foi ,  qu'à  eau (ê 
de  l'évidence  des  raifbns  qui  nous  la  perfuade  ,  & 
que  fans  ces  railons ,  nous  ne  fuffions  pas  difpofés  à 
Î3.  croire  )  notre  Foi  n'auroit  aucun  mérite  fùivant 
|a  maxime  de  S,  Grégoire  dans  l'Homélie  z8.  fur  les 

Heret  in  noletitibus  ,  fed  cor-  I  mus  <ju«ftionem  :  Nemo  venîe 


pore  non  creditur.  Apcflolum 
audi  :  Corde  creditur  ad  jujii- 
tîam.* .  Cùmergoin  Chriftum 
corde  credatur  ,  quod  nemo 
uJque  facit  invitus  ;  qui  autem 
trahitiir  tamquam  invitus  ,  cogi 
yidetur  j  q^uomodo  iftam  folvi: 


ad  me,  niji  Pater,  qui  mijît  /ne  , 
traxerit  eum  f  Si  trahitur,  aie 
aliquis,  invitus  vcnic  ;  fi  invitus 
venit ,  non  crédit  ;  fi  non  cré- 
dit ,  nec  venit. . .  Noli  cogi- 
lare  te  invitum  trahi.  Trahitur 
animus  C^  amorc. 

Evangile^ 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,        i^ 

r.vanglles.  Viàcs  non  habet  meritum  ,  eut  hiimana  ratio 
p\thet  esperimentum.  Nous  ne  devons  pas  croire  les 
cho(es  de  Foi,  à  caufe  du  poids  des  rai(ons ,  mais  à 
caufè  de  l'autoritc  de  Dieu  qui  les  a  rcvclces.  Sicm 
homo ,  dit  S.  Thomas  i,  i.  q.  2. art.  lo.aCius  vinutum 
moralium  débet  exercere  propter  judicium  rationis  j  non 
frotter  pajfionem  ;  ita  credere  débet  homo  ea  quœ  funt 
Fideij  non  propter  rationem  humanam  f  fed  propter  aii-i 
0oritat€m  divinam. 


Tome  11 


h 


RESULTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 

tE5  COMMANDEMENSDE  DIEU. 

Tenues  au  mois  de  Mai  1 7 1 3 . 


PREMIERE     QUESTION. 

La  Foi  eji-elle  néceffaire pourlefalut?eJI-on  obligé 

de  fç avoir  ^  de  croire  d'une  Foi  explicite  G* 

dijîinde  Us  chofes  qui  font  de  Foi  ? 

LA  Foi  ell  abiblument  nécefîaire  à  toutes  fortes 
deperfonnespour  être  fàuvées.  Cette  vérité  nous 
efl  clairement  enleignée  dans  les  faintes  Ecritures.  Le 
Sauveur  nous  dit  en  S.  Marc,  au  dernier  chapitre,  que 
celui  qui  ne  croira  pas  (era  condamné  ^,  Bien  plus  , 
dans  le  chap.  3.  de  l'Evangile  félon  S.  Jean,  il  dé- 
clare que  celui  qui  ne  croit  pas  eft  déjà  condamné  5 
&  que  celui  qui  croit  au  Fils  ,  a  la  vie  éternelle  ''.  L'A- 
potre  S.  Paul  établit  cette  nécefllté  ,  en  difànt  dans 
le  chapitre  11.  de  FEpître  aux  Hébreux  ,  qu'il  eil 
im.polïible  de  plaire  à  Dieu  fans  la  Foi  -.  Ce  qui  fait 
dire  à  S.  Clément  d'Alexandrie  dans  le  livre  7.  des 
Stromates ,  que  la  Foi  eft  le  premier  pas  vers  le  falut. 

a  Qui  non  crediderit  ,  con-     judicatus  cii.  Qui  cred'i  in  Fi- 
dcmnabitur.  iium  ,  habtt  vitam  acternam. 

i?  Qui  aiuem  non  crédit,  jam        c   Sine  fide  iropofTibile  ei^ 

placerc  Deo, 


fuv  les  Commandcmms  de  Dieu,       an 

Ccrt,  dit  S.  Cyrille  Patriarche  d'Alexandrie ,  dans  le 

livre  4.  de  fes  Commentaires  fur  S.  Jean,  la  porte  &: 

a  voie  qui  conduit  a  la  Vie.  Ceft    pour  cela  que 

le  Concile  de  Trente  dans  la  refTion  6,  au  chap.  8.  de 

A  rî  ^^"pu°"  '  'PP?^^?  ^^  ^°^'  ^^  commencement 
du  lalut  de  1  homme ,  le  fondement  &  la  fource  de  toute 
notre  julhhcation  '^, 

La  Foi  habituelle  que  l'on  reçoit  par  le  Baptême, 
fuffit  aux  enfans  &  aux  \n[\nÇ(:s  ;  parce  qu'étant  fans 
dilcernement ,  ils  font  incapables  d'avoir  la  Foi  ac-, 
tuelle;  mais  ceux  qui  ont  l'ufage  de  raifon  ,  font 
obliges  d  avoir  une  Foi  aAuelie  ,    par    laquelle  ils 
croient    fermement    tout    ce  que  l'Eglife  croit  :  ib 
/ont  même  obliges  ,  comme  nous  allons  le  faire  voir 
de  croire   dune    Foi   explicite  certaines  vérités.  /^ 
cmm<iHi  habethherum  arbnrium ,  dit  S.  Thomas,  fun 
le  hv.  3. des  Sentences  diil.  ^^q.^.art.  ue.ighurad 
falutem   ejus ,  quod  habeat  atlum  Fidei .  &  non  folhm 
habuum.  Ftdej  autem  nonptejl exire  in  aaum  nifi  aliquid 
determmate  &  explicne  cognofcoido  quod  ad  Fidem  ler^ 

Avant  que  de  répondre  à  la  féconde  partie  de  h 
quea.on,  nous  remarquerons  .0.  qu'autre  chofi..  eff 
de  fçavoirles  vc-rués  qui  font  de  toi,  autre  cho4 
e^de  ics  croire.  S.avoir  les  vérités  qu  font  de  Foi 
ceftavo.rlaconnoiffimcede  ces  vérités.  Cette  con' 
nom-ance  précède  la  Foi;  car  l'entendement  ncrot"" 
îoit  pomt  ces  ventés ,  s'il  ne  les  connoiffoit  pas,  c'elï 

p.tre  aux  Romams ,  qu  on  ne  croit  point  dans  le  Sei- 
gneur, fi  on  n-en  a  ou.  parler  :  La  Foi  v,ent  de  ce 
quon  a  ou.  c.  Croire  les  vérités  de  Foi,  cVfi  donner 
fon  approbation  &  fon  confentement  aux  v  r'é  îe' 
velces  dont  on  a  la  connoilTance  •  c'ell  v  ^hl 
parce  que  c'eft  Dieu  qui  les  a  ré'éléesl  ^^^ 
nous  les  propofe.  ^o^"e  qut 

cXîr^T'  ^"T^"^'^"'  ^^'""^  ^^°^^  peut  être  né- 
ctlTaire  de  nccefllte  de  moyen,  ou  feulement  de  ni 

d  Fides  eft  humanx  fjlitis  |      ^  o,.„«,«j         j 


•  aitu, 

B 


'sB  Conférences  à' Angers  ^ 

cedlté  àz  précepte.  Une  chofe  eft  néceffalre  de  ne- 
■  ceflité  de  moyen  ,  fans  laquelle  on  ne  peut  être  (auvé  , 
quoiqu'on  l'omette  fans  aucune  faute  ;  etiamji  mculfa" 
hilùer  omittatur ,  difent  les  Théologiens.  Une  chofe 
efl  néceffaire  de  nécelTité  de  précepte ,  fans  laquelle 
on  ne  peut  être  fauve  ,  fi  on  l'omet  par  fa  faute  ; 
fans  laquelle  néanmoins  on  ne  peut  obtenir  le  falut 
éternel ,  fi  on  l'omet  fans  aucune  faute  ;  ji  inculpa- 
hiliter  omiuatur.  Il  y  a  donc  cette  différence  entre 
les  chofes  néceffaires  de  nécefTité  de  moyen,  &  celles 
qui  font  néceffaires  de  nécefTité  de  précepte  ,  que 
les  premières  font  toujours  néceffaires  ,  même  dans 
les  circoniîances  où  elles  font  devenues  impofFibles  : 
comme  le  Baptême  eft  tellement  néceffaire  à  un  en- 
fant qui  meurt  dans  le  fein  de  fa  mère,  qu'il  ne  fera 
jamais  fauve,  quoiqu'il  ait  été  impoffible  de  le  bap- 
tifer  en  cet  état.  Mais  les  chofes  qui  font  feulement 
néceffaires  de  nécefTité  de  précepte  ,  ceffent  d'être 
néceffaires ,  lorfqu'elles  deviennent  impoffibles.  Cel^ 
fuppofé  : 

Nous  difôns  en  premier  lieu  que  pour  être  fàuvé , 
il  n'efl  pas  néceffaire  de  croire  en  particulier  &  d'une 
foi  explicite  tous  les  articles  de  Foi ,  ni  de  les  fçavoic 
tous. 

Il  fuHit  d'éfre  infiruit  en  particulier  de  certains  arti- 
cles principaux,  &  de  les  croire  d'une  Foi  diilinfte  & 
explicite ,  pourvu  qu'on  croye  en  gros  &  d'une  Foi 
implicite  toutes  les  vérités  que  Dieu  a  révélées  à  fon 
Eglife ,  parce  que  c'eft  Dieu  qui  les  a  révélées ,  & 
qu'on  foit  difpofé  à  les  croire  en  particulier ,  quand 
i'Eglifè  les  propofèra. 

Qu'il  foit  nécefîaire  de  nécefTité  de  moyen  de  croire 
d'une  Foi  explicite  quelques  articles  de  Foi  :  l'Apô- 
tre nous  le  fait  connoître ,  quand  il  dit  dans  le  chap. 
II.  de  TEpître  aux  Hébreux,  qu'il  efl  impoffible  de 
plaire  à  Dieu  fans  la  Foi  ;  car  pour  s'approcher  de 
Dieu ,  il  faut  croire  premièrement ,  qu'il  y  a  un  Dieu  , 
&  qu'il  récompenfera  ceux  qui  le  cherchent  ^ .  Ces  pa« 


/  Sine  Fide  aiuem  impcfTi 
biie  e(t  placere  DeorCrcdc 
re  enim   oportcc  accedentem 


ad  Deum,r,iua  cÇi ,  &  inquircjl*» 
tibus  fc  rernuneraior  fie. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,       np" 

Voles  prouvent  non-feulement  que  tout  Chrétien  , 
mais  même  que  tout  homme  qui  a  Tufage  de  railon  , 
eft  obligé  de  nécefllté  de  moyen  de  croire  d'une  foî 
explicite  l'exiftence  &  l'unité  de  Dieu ,  qui  nous  a 
créés  pour  une  autre  vie  durant  l'éternité ,  dans  la- 
quelle il  récompenfe  Ici  bons  &  punit  les  méclvùns. 
Aufll  Innocent  XL  a  condamné  cette  proportion  qui 
eftla  XXII.  dans  Ton  Décret.  Non  nifi  iides  uniiis  Deî 
neceJJ'aria  videtiir  neccjjltaie  medii ,  non  auiem  c^xplicita 
remuneratori: ,  8c  le  Clergé  de  France  en  l'an  1700. 
l'a  jugée  erronée  &  hérétique. 

Cette  Foi  doit  cfre  ,  félon  l'Apôtre  ,  une  Foi  furna- 
turelle,  par  laquelle  nous  croyons  en  Dieu  ,  Comme 
Auteur  de  la  grâce  &  de  la  gloire  ;  car  S.  Paul  parle 
d'une  récompenfe  qu'on  ne  doit  pas  attendre  dans 
cette  vie,  mais  dans  l'autre  :  il  parle  de  la  Foi  qu'ont 
€U  les  fiints  Patriarches  de  la  Loi  de  nature  Se  de  la 
Loi  écrite ,  laquelle  il  définit  au  commencement  du 
chapitre  en  ces  termes  :  Ejl  autcm  Fides  fperandarmrt 
fu'ojlantia  rertim,  argumerdum  non  apparentiiim.  Ce  qui 
TTC  peut  convenir  qu'à  la  Foi  furnarureile  ,  qui  croit 
leschofès  que  Dieu  a  révéiéer-  à  lonEglifè,  parce  que 
c'ert:  Dieu  qui  les  a  révélées  ;  (ans  laquelle  Foi  nous 
ne  pouvons  mettre  notre  efpérançe  en  Dieu,  ni  fai-- 
nier  par-defTus  toutes  cho(es  ;  ce  qu'il  faut  pourtant 
faire  pour  être  juftifié  &  parvenir  à  la  vie  éternelle. 
C'eft  pourquoi  Innocent  XL  a  aufli  condamné  cette 
propofîtion ,  qui  eft  la  XXIIL  en  Con  Décret.  Fides 
latè  diÛa  ex  tejlimonio  creantrarum ,  Jîmilive  motivo  , 
adjufiificationcm  fiifficn. 

Si  tous  les  hommes  font  obligés  de  cfoire  qu'il  y  a 
im  Dieu  qui  récompenfe  les  bons  dans  une  autre  vie 
que  celle-ci,  ils  font  par  ccnféquent  obliges  de  croire 
que  lei'r  ame  efl  immortelle  ;  car  la  récompenfe  dans 
l'autre  vie ,  (uppofencceffairement  que  l'ame  ne  meurt 
pas  avec  le  corps. 

Nous  difons  en  fécond  Heu  ,  qu'on  efî  obligé  de 
fçavoir  le  myilere  de  flncarnation,  &  delà  croire 
d'une  Foi  explicite.  Il  ell  aifé  de  juger  par  les  ex- 
prefilons  de  l'Ecriture  fiinte,  que  cette  Foi  eft  né- 
^eiriûre  de  néccfîité  de  moyen  pour  être  fiuvé  :  Çui 

]B  iij 


^Q  k.onjerences   a  Jingers , 

€Y€dh  in  eum  ,  non  judkatur  ;  qui  autem  non  creàhjdTfi 
judicams  ej} ,  quia  non  crédit  in  nomine  Unigeniti  Filit 
Dei . . .  Q^ui  crédit  in  Filium ,  habet  vitam  aternam  ;  qui 
'  autem  incredulus  ejî  Filio ,  non  videbit  vitam  ,fed  ira  Dei 
manet  fuper  eum.  Joan.  3.  Si  non  credideritis  quia  ego 
fiim,  moriemini  in  peccato  veflro.  Joan.  14.  On  ne 
peut  donc  être  (àuvé  fans  une  Foi  diftinfte  &  explicite 
en  Jeflis-Chrift ,  de  même  qu'on  ne  le  peut  être  (ans 
la  créance  explicite ,  qu'il  y  a  un  Dieu  qui  rccompenfe 
&  qui  punit.  Nous  l'apprenons  de  Jelùs-Chrift  mcme , 
qui  nous  dit  en  S.  Jean  chap.  14.  CreditisinDeum  ,& 
in  me  crédite.  La  vie  éternelle  con/îHe  à  connoî" 
tre  le  Père  qui  eft  le  fèul  Dieu  véritable ,  &  Jefiis- 
Chrifl  que  le  Père  a  envoyé  s.  L'homme  n'efl  juftifié 
que  par  la  Foi  de  Jelus-Chrift  ^,  Et  il  n'y  a  point  de  fà- 
iut  par  aucun  autre;  car  nul  autre  nom  fous  le  ciel 
n'aété  donné  aux  hommes  par  lequel  nous  devions  être 
fauvés  K 

Joignez  à  toutes  ces  autorités  de  l'Ecriture,  ce  que 
S.  Auguflin  dit  dans  le  liv.  De  Correptione  &  Gratia, 
ch.  7.  ^emo  liheratur  à  damnatione  qux  fa^îa  ejl  per 
Adam  j  niji  per  fidem  Jefu  Chrifii^  &  tamen  ab  hac  dam-* 
natione  non  fe  liber abuntj  qui  poterum  dicere ,  nonfe 
HîîdiJJe  Evangdîum  ChriJIi. 

On  n'entend  pas  feulement  par  le  Myflere  de  l'In-»' 
'carnr.tîon ,  la  conception  du  Verbe  incamé  dans  le 
lein  de  la  Vierge  Marie ,  mais  encore  les  principaux 
Myfleres  qui  regardent  fbn  humanité  ,  &  la  rédem- 
jption  du  Genre  humain ,  lefquels  l'Eglifè  honore  en> 
fes  principales  Fêtes.  Saint  Thomas  l'enfèigne  ainfî 
■dans  la  2.  1,  q.  z.  art.  7.  Tojî  tempus  Gratia  revelatx, 
tam  majores ,  quam  minores  y  c'efl-à-dire ,  les  Pafî;eurs> 
ies  Prêtres  &  le  Peuple ,  tenentur  haberefidem  explicitant 
de  MyJIeriis  Chrijîi ,  prœcipue  quantum  ad  ea  quce  commu" 
mter  in  Ecclefiafolemnifantur  &  publiée  proponuntur  ,jî* 
cm  funt  articuli  Incarnationis, 


g  Kaec  eft  vita  aeterna  ,  ut 
cognofcant  te  folum  Deum  ve- 
lum  ,  «Se  qiiem  mififti ,  Jefum 
Chriftiun.  Joan,  17. 

h  ÎJon  jiiftificatur  homo  ex 
©peribus  legis ,  ûiii  per  fidem 


Jefu  Chrifti.    Galat,  2. 

i  Et  non  efl:  in  alio  aliquA 
falus  ;  non  cnimaliiid  nomen 
eftfubcœlo  (îatumhominihus  v 
inquooporteat  nosfulvosfieriçr 


■fur  Us  Commandemens  de  Dieu,       5  ^ 

Comme  l'on  ne  peut  croire  d'ime  Foi  explicite 
le  Myrtere  de  l'Incarnation  ,  fi  on  ne  connoit  celui 
de  la'Xrlnitc,  (Iiint  Thomas  dans  le  8.  article  de  la 
même  queflion  ,  foutient  qu'on  cft  oblige  de  ncceflité 
de  moyen  de  croire  d'une  foi  explicite  le  mydere  de  ÏTt, 
trcs-liiinte  Trinité ,  qui  efl:  le  principal  objet  de  notre 
Foi.  La  raiibn  qu'il  en  rend,  c'eft  que  nous  (bmmes 
baptifcs  au  nom  de  ces  trois  Perfonnes,  &  qu'avant 
que  d'être  baptifé,  il  faut  ctre  inflruit,  félon  ce  qui 
efl  dit  au  dernier  ch.  de  S.  Matthieu  :  Euntes  docete 
cmnes  gentes ,  haptifantes  eos ,  innomineVatris ,  &Filii, 
(jr  Spiritûs  fantii. 

Nous  difbns  en  troifîeme  lieu  ,  qu'il  efl:  nccefTaire 
de  néceffitc  de  précepte  à  tout  Chrétien  qui  a  l'utage 
de  raifon  ,  de  fc^avoir  au  moins  en  fubdance  les  arti- 
cles de  Foi  contenus  dans  le  Symbole  des  Apôtres  , 
&  de  les  croire  d'une  foi  explicite.  L'Eglife  a  été  fi 
perfuadée  de  cette  obligation  ,  qu'elle  a  été  dans 
tous  les  temps  très-exa(^e  à  faire  apprendre  le  Sym- 
bole aux  Catéchumènes  ,  &à  le  leur  faire  réciter  par 
cœur  avant  que  de  les  bapti?èr ,  comme  nous  le  dit 
S.  Auguftin  auliv.  8.  de  Tes  Confeflions,  chap  i.  On 
peut  voir  (ur  cela  le  Can.  Non  liceat,  &  le  Cd.n.Bap- 
tifandos,  de  Confecratione ,  ài(k>  4.  Baptifandos  oponeû 
Fidei  Symbolum  difcere ,  &  qiùntâ  feriâ  ultîma  fepî-^ 
manx ,  vel  Epifcopo ,  vel  Treshyterîs  reddcre.  On  a  voulu 
par-là  faire  comprendre  aux  Fidèles ,  que  non-feule- 
ment ils  doivent  être  inflruits  de  leur  Foi ,  mais  mê- 
me qu'ils  doivent  être  en  état  d'en  fiiire  profefTion  à 
tout  moment  ,  laquelle  ils  ne  peuvent  mieux  faire 
qu'en  récitant  le  Symbole  &  l'oppofant  aux  ennemis 
delà  Foi.  Si  quidem ,  dit  S.  Léon  dans  la  13.  Let- 
tre, fuivant  les  anciennes  éditions,  &  la  zj»  félonies 
nouvelles ,  ipfa  Catholici  Symboli  hrevis  Ô"  perfctla 
confejjio  tam  inflru^ia  fit  munitione  cœlejîi .,  ut  omnes 
H^reticorum  opiniones  folo  ipjîus  gladio  pojjïnt  detnm^ 
cari. 

Et  parce  que  ceux  qui  ont  été  baptifés  dans  l'en- 
fance, n'ont  pas  pu  être  alors  inflruits  du  Symbole  > 
l'Eglife  oblige  les  Parreins  &  les  Marreines  à  le  leur 
enfeigner ,  comme  s'ctant  rendus  leurs  cautions  au 

B  iv 


5 2  Conférences    d'Angers^ 

Baptême.  Les  Rituels  des  Diocèfes  enjoîgftent  aîï^ 
Prêtres  qui  adjiiiniftrent  le  Baptême  ,  d'avertir  lei^ 
•  Parreins  &  les  Marreines  de  cette  obligation. 

Il  y  a  pareille  obligation  à  tout  Chrétien  qui  a  lu- 
ûge  de  raifon  de  fçavoir  TOraifon  Dominicale ,  au 
moins  en  (iibfîance.  Nous  trouvons  plufîeurs  Ordon- 
nances  Eccléfîaftiques ,  qui  enjoignent  également  au}ç 
fdeles  d'apprendre  par  mémoire  l'Oraifon  Domini- 
cale &  le  Symbole.  Sur  quoi  on  peut  voir  le  Concile 
deMayence  de  Tan  813,  au  Can.  45.  le  IL  de  Reims 
îenu  dans  la  même  année  au  Can.  1,  S.  Pierre  Chry-a 
iblogue  dans  les  Sermons  57.  &  éo. 

Les  Parreins  &  les  Marreines  qui  ont  tenu  des  en-» 
fans  fiir  les  Fonts  de  Baptême ,  font  aufli  obligés  de 
leur  apprendre  l'Oraifon  Dominicale.,  comme  il  efli 
porté  par  le  Can.  Vos  ante  vmnia ,  de  Confecration^ 
dift.  4.  ^ 

On  connoît  par-là  qu'il  y  a  un  précepte  Ecclé/îafli'n 
que,  qui  oblige  les  fidèles  qui  ont  l'ufàge  de  raifon  , 
d'apprendre  par  mémoire  le  Symbole  &  l'Oraifon  Do- 
minicale. On  peut  néanmoins  excufer  de  péché  ceux 
qui  par  un  défaut  de  nature,  ne  peuvent  retenir  les 
paroles  du  Symbole  ou  de  l'Oraifon  Dominicale  y 
m  les  réciter  de  fuite;  pourvu  qu'ils  f;achent  les  cho- 
ies que  ces  paroles  fgnifient  nûment  &  fimplement, 
ce  qu'on  appelle  fçavoir  en  fubf.ance.  Toutefois  un 
ConfeiTeur  ne  doit  pas  fe  contenter  qu'un  Pénitent  ne 
fçache  les  articles  du  Symbole  &  l'Oraifon  Domi- 
Jiicale  qu'en  fùbflance  ,  il  doit  l'avertir  qu'il  efl  obli- 
gé do  les  fçavoir  par  cœur;  &  li  le  Pénitent  en  a  déjà 
été  averti ,  &  qu'il  ait  négligé  de  les  apprendre  ,  le 
Confeffeur  doit  lui  différer  l'abfôlution  ,  jufqu'à  ce 
qu'il  les  ait  appris  en  langue  vulgaire. 

Les  Confeffeurs  doivent  même  exhorter  fortement 

leurs  Pénitens  à  réciter  tous  les  jours  plu/ieurs  fois 

.l'Oraifon  Dominicale  &  le  Symbole,  comme  S.  Au- 


h  Vos  ante  omnia,  tam  Mu- 
lieres  ,  quàm  Viros  ,  qui  Filios 
in  Baptifmo  fiifcepiftis  ,  mo- 
sieo  ,  ut  \os  cognofcatis  fide- 


jufTores  apiid  Dewm  exçipife  i  çftçiidJiç. 


pro  illis.  .  •  Ante  omnîaSyra- 
bolum  ,  &  Orationcm  Dorni- 
nicam  &  vos  ipfi  tencte,  &  iliis 
quos  fufcepiftij  dçfacrc  Foatç 


fur  les  Commandemens  de  Dieu*        3  ^ 

p-uniii  nous  en  avertit,  dans  l'Homclie  41.  parmi  les 
cinquante  Homélies,  laquelle  dans  l'édition  des  PP. 
J^cnédidins  cÙ.  le  Sermon  58,  ^ 

Nous  difons  en  quatrième  lieu ,  que  tout  Chrétien  quî 
a  l'ulïige  de  raifon ,   eft  obligé  de  néceflité  de  pré- 
cepte de  fc^avoir  &  de  croire  ce  que  l'Eglile  enieigne 
des  Sacremens  de  Baptême,  de  l'Euchariftie  &  de  la 
Pénitence,  qui  font  des  moyens  infiitués  de  Dieu, 
que  i'Egli(è  employé  pour  la  fîmclification  de  fes  en- 
fans.  De  plus ,  il  doit  (savoir  les  Commandemiens  de 
Dieu  &  de  FEglilb  ,  qui  font  les  régies  que  chacun  eft 
oblige  de  fuivre  dans  la  conduite  de  fa  vie.  Enfin  il 
doit   connoitre  les  obligations  de  fon  état.  C'efl  le 
fèntiment  de  S.  Cliarles  dans    les  Inflrudions    aux: 
Confeffeurs ,  &  de  S.  Thomas  dans  la   i.  2,  q.  76./ 
art.  1.  "^  La  raifon  efl,  que  tout  fidèle  efl  indifpenla- 
blement  obligé  de  mener  une  vie  chrétienne,  poi^ 
obtenir  la  béatitude  éternelle  ;  ce  qu'il  ne  peut  fa/^ 
llms  avoir  ces  connoifTances.  :■   7 

Le  précepte  qui  oblige  les  Chrétiens  à  fcj'avoir/ou-- 
tes  ces  chofes  ,  efl  contenu  dans  ces  paroles  â^^  J^^ 
fus-Chrid  :  Fradicate  Evangelhim  omni  creatur/'  Q.^^ 
crediderit ,  &  bapifaïus  fuerit ,  falvus  erit.  Çj^i  '^^^^ 
non  crediderh  j  condemnabitur.  Marc.  cap.  i^iDocete 
cmnes  G  entes ,  ba-ptifantes  eos  in  nomine  Patris:,  'à'c-  Do- 
fçmes  eos  fervare  omni',  qiuuumque  ma^dav?  vobis^ 


l  Oratio  vobis  quondicdi- 
ccnda  clt  ,  cum  bactifati  fueri- 
tis.  In  Ecclelîa  tnim  ad  Altare 
Deiqufttidiedicitur  ifla  Oratio 
Dominicà;  «&  aiidiiint  illam  Fi- 
rielcs  .  .  .  Cum  aiitem  tenue* 
ritis  (   Symholiim  )  ,    ut  non 


/ 

ÏJT> 


fidem  tua.-y»  ir^^'-<^<^.  te  ;  ïïc 
tanquam/-c;jlum  cibi  Symbo- 
liim  tuf^*  ibitevide,  fi  cre- 
dis  or'^*^  ^"*  ^^  credere  con- 
fjdg.s,  &  gnude  quotidie  in 

f^y ni3 Numqnid    noa 

ç^ando  furgis  re  veAis  ?"  fie  & 
oblivifcamini  ,  quotidie  dicite,  k/ommemorar.do  Symbolumv 
quando    furgitis  ,  qiiando  voi/"'"'"  ^^f^'s  ^•^'"^^'^  ^"-''"^  '   "^ 


irgitis  ,  q 
coUocatis  ad  fomnum.  Rtd' 
dite  Symboliim  vcflrum  ,  r^^* 
«\ite  vos  ,  commemnrate  ^-^^ 
"VOS  ipfos  non  pii;c?.t  r/ï't-"" 
re.  .  ..Ne  dicatis":  Di/i  beri  ; 
■dixi  bodie  ,  quotidie  '^co  j-^ 


forte  eamnudetoblivio  ,  &  rc-- 
rnaneas  nudii^^ 

m  Omnestencntur  fcire  corn» 
nimitcr  ta  qu-e  fnnt  Fifhi  <fc 
'iniverfalia  juris  pr^Gcpta  :  Cm' 
piili  autcm  ea  qua-  ad  corKm. 


'34  Conférences   à^ Angers  y 

Matt.  iS.  Et  comme  ce  précepte  nous  prefcrît  m\&. 
chofe  importante  &  néceflaire  au  falut ,  c'eft  un 
^péché  que  de  ne  les  pas  f^avoir ,  à  moins  que  l'on 
en  ait  été  empêché  par  un  obflacle  lî  fort  qu'on  n'ait 
pu  le  vaincre. 

On  peut  excufèr  de  péché  ceux  qui  les  ignorent 
d'une  ignorance  invincible ,  comme  font  ceux  à  qui, 
cette  obligation  n'eft  jamais  venue  dans  Tefprit,  & 
ceux  qui  n'ont  pu  (Ravoir  ces  chofes  ;  parce  qu'ils 
n'ont  eu  perlbnne  qui  les  en  infîruisît ,  ou  qu'ils  étoient 
en  captivité  parmi  les  infidèles,  ou  qu'ils  font  trop 
lîupideso 

Quoique  les  perlonnes  chrétiennes  qui  (ont  fi  groC- 
fîeres ,  qu'il  leur  efl  moralement  impoilible  d'appren- 
dre les  vérités  qu'elles  doivent  (çavoir  de  néceflité 
de  précepte  ,  foient   exemtes  de   cette    obligation , 
•  .parce  que  leur  ftupidité  les  met  dans  l'impuiflance 
i'y  i^tisfaire ,  elles  ne  (ont  pourtant  pas   exemtes  de 
t-ôire  explicitement  les  articles  qu'elles  (ont  obligées 
d(.  croire   de  nécefïité  de  moyen  ,  comme  lont  les 
^^eres  de  la  fainte  Trinité,  de  l'Incarnation  &  de 
la  lédemption  :  mais  il  leur  fiifïit  pour  fâtisfaire  à  ce 
devor ,  de  croire  ces   articles ,  &  d'y  adhérer  par  la 
Foi,  nrfqu'on  les  leur  explique,  C'eft  alTez  à  caufê 
deleur'mbécillité  qu'ils  puilTent  les  concevoir  en  ce 
jnom^ji^i^  ,    quoiqu'ils  ne  puiiïent  pas  les  retenir. 
Lit^  Fid4es  qui  négligent  d'apprendre  les  articles 
de  r  01 ,.  &  '^5  autres  cliofès  qu'ils  font  obligés  de 
J^avoir,  péc'ûçj^i- grièvement.   1°.  Lorfque  réfléchif- 
lant  fur  cette  Ȕiligation ,  ils  ne  fe  mettent  point  en 
état  d'y  fàtisfair.   ^o^  Lorfqu'en  ayant  été  avertis  > 
ils  forment  dans  ^yr  c^ur  le  deffein  de  ne  fe  pas 
faire  mllruire.  30.!^^^^^^  pouvant  aller  aux  inftru- 
<aions&Catéçhifmes,ou  qu'ayant  quelque   cccafion 
de  fe  fliire  iniîruire  ,  ils  négligent  de  le  faire  ". 

Les  Confeffeurs  doiven.  différer  l'absolution  à  ceux, 
gui  ont  été  élevés  parmi  It^. Catholiques,  quand  ils 

n  Quicumque_  ncgiigît  ha-  f  pte-  negligentiam  ,  igncrantJa 


ïre ,  vci  facere  là  quod  tene- 
«mr  habere  vel  facere  ,  pcccat 


fc-eccato  çûuiTionis,  Unde  Ero>  '  £.  7,<î«  «vç,  u 


eorur,  quar  aliquis  fcire  tenc- 
nir ,  t\  peccatum»  $%  Tb^i*  i^ 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.       3  y 

îgnorent  les  Myfteres  qu'il  faut  (Ravoir  de  nccefTitc  de 
moyen.  Il  cfl  à  prcfumer  qu'il  y  a  eu  de  la  négligen- 
ce de  leur  cote.  Ainfi  régulièrement  on  ne  doit  point 
les  abfoudre  dans  cette  ignorance,  à  moins  qu'ils  ne 
fuflent  en  danger  de  mort.  AulTi  Innocent  XI.  &  le 
Clergé  de  France  ,  ont  condamné  cette  Propofîtion  > 
qui  eft  la  LXIV.  dans  le  Décret  d'Innocent.  Ah/c- 
Imionis  capax  e/l  homo  quantumvis  laboret  ignoramiâ 
myjkriorum  Fidei,  &  etiamfipernegligemiam ,  eiiam  cul- 
pabilem ,  nefciat  MyJIermm  SancUjïmiS  Trinitatis  &  In~ 
carnaùonis  Domini  Nojlrî  jefu-Chrifti.  Si  ces  ignorans 
éioient  en  péril  de  mort,  il  faut ,  avant  que  de  les  ab- 
foudre, leur  enfeigner  fur  le  champ  ces  myfleres  ,  & 
leur  faire  produire  des  ades  de  Foi  fur  chacun 
d'eux. 

Quoique  tous  les  Chrétiens  qui  ont  l'ufàge  de  rai- 
Ibn  ,  fbient  obligés  de  nécefïité  de  moyen  de  croire  .• 
explicitement  quelques  vérités  ,  &  qu'ils  Ibient  obli- 
gés de  néceflité  de  précepte  d'en  croire  quelques  au- 
tres, tous  ne  font  pourtant  pas  obligés  de  les  (cavoic 
également  &  de  les  croire  d'une  foi  aulfi  difl:ia<Se«. 
Leur  connoiflance  doit  être  'plus  ou  moins  grande, 
lelon  l'état ,  la  profeifion  ,  le  caradere  d'elprit ,  &; 
les  autres  circonftances  où  ils  le  trouvent. 

Il  cil  fort  difficile  de  détenr.iner  au  jude  quel  eft  le 
degré  de  connoiiTance  d'ftinde  ,  nécefTaire  pour  cha- 
cun. Il  eft  certain  que  les  Payeurs ,  les  ConfefTeurs 
&  les  autres  Prêtres ,  qui  (ont  engagés  par  leur  em- 
ploi a  inftruire  le  peuple,  doivent  Içavoir  toutes  ces 
vérités  plus  diftindement  &  d'une  manière  plus  par- 
faite, comme  dit  S.  Thomas  dans  la  2.  2.  q.  2,  art. 
6,  Superiores  homines  ad  quos  pertinet  alios  erudire ,  te- 
mmitr  habere  pleniorem  notttiam  de  credendis  j  <^  ma-^ 
gis  explicite  crcdere.  De  plus  ,  ils  fe  rendent  coupa- 
bles de  péché  quand  ils  manquent  à  enfeigner  au  peu- 
ple ces  vérités  ,  qu'il  ell  obligé  de  (Ravoir  &  de 
croire. 

Quant  aux  autres  articles  de  Foi  que  chaque  Fidèle 
n'efl  pas  obligé  de  fçavoir  ni  de  croire  en  particulier; 
quoiqu'il  fuftile  de  les  croire  en  général  &  d'une  ïot 
inipUcite  ,  eji  croyant  fermement  tout  ce  que  l'EgUrj^ 


5  6  Conférences    d'Angers  y 

croît,  on  peut  fè  trouver  en  de  certaines  clrconfîan^ 
ces  où  l'on  eft  obligé  de  Ce  faire  inflruife  de  quelques- 
-unes ,  &  de  les  croire  d'une  foi  explicite;  par  exem- 


que  i'Eglife  enlèigne  fur  ces  Sacremens ,  quand 
ils  en  approchent. 

Pour  ceux  qui  Ibnt  capables  d'apprendre  la  Religion 
à  fond ,  ils  doivent  s'en  inftruire  le  plus  exactement 
<iu'il  leur  eil  pofTible,  afin  de  s'affermir  dans  la  Foi  > 
de  s'avancer  dans  la  piété ,  &  d'être  plus  en  état  de 
ré/îiler  aux  erreurs  contraires  à  la  Foi  &  aux  fauffes 
maximes  du  monde.  Ceux  qui  négligent  de  le  faire  , 
Se  qui  vivent  dans  une  ignorance  volontaire  fiir  plu- 
fieurspoints  de  la  Religion ,  ou  fur  les  règles  des  mœurs 
-qui  font  établies  par  l'Evangile,  ne  s'en  occupant 
prefque  point ,  &  donnant  toute  leur  attention  aux 
•chofès  du  monde,  ce  qui  fait  qu'ils  n'ont  point  d'ou- 
verture à  comprendre  les  Myfteres  de  la  Foi  &  les  vé- 
rités de  FEvangile  ,  ne  font  pas  excufàbles  ;  car  il  n'y 
arien  qui  nous  doive  toucher  de  plus  près ,  &  dont  la 
çonnoiflance  nous  fbit  plus  importante,  que  de  iça- 
voir  en  particulier  ce  que  l'Eglifè  croit  &  enlèigne. 
Il  eH:  à  craindre  que  les  fuites  de  leur  négligence  ne 
ibient  terribles  pour  eux  au  jour  du  Jugement  de 
Dieu» 

■^imBBmfimmimmmmm   i     i  i     ■  i  i  — — i>»<p— —     i     i  m   r 

IL     QUESTION. 

'EJî-  on  ohligé  de  faire  foupent  des  aEles  de  Foi  ? 

A  Près  ce  que  nous  venons  de  dire  dans  la  réponfê 
à  la  Queftion  précédente,  on  ne  peut  douter 
que  Dieu  ne  nous  ait  fait  un  Commandement  fpé- 
cial  de  croire  les  vérités  de  Foi  qu'il  a  révélées  à  ion 
Fgiife,  &  il  faut  tenir  pour  confiant,  que  ce  Com- 
ïTiandement  nous  oblige  diredement  par  lui-même  à 
prcduîredesAdes  intérieurs  de  Foi  de  temps  en  temps 
dans  le  cours  de  k-viej  carii  Aut  croire  de  cœurgo.wiî- 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,        5  'i. 

trre  junific-a.  H  ne  fuffit  pas  a  un  Chrétien  adulte,  quia 
Tufage  libre  de  la  raifon ,  d'avoir  la  Foi  habituelle  , 
ou  de  produire  un  feul  ade  de  Foi  pendant  qu'il  efï 
fur  la  terre.  Le  fenrinient  de  quelques  Théologiens 
qui  avoient  ofé  dire  le  contraire  ,  a  été  profcrit  par  le 
S.  Siège  dans  la  condamnation  que  le  Pape  Alexandre 
VII.  a  prononcée  contre  cette  Propo/îtion,  qui  eft  la 
première  dans  Ton  Décret  du  mois  de  Septembre  i66^« 
Homo  nullo  unqiiam  vitx  [uie  tempore  tenetur  elicere 
aCium  Fidei ,  Spei,  &  Charitaùs  ex  fi  pra^ccptortim  di^ 
vinorum  ad  eas  virtutcs  fertinentium.  Et  encore  dans  la 
cenfiire  qu'Innocent  XI.  a  faite  de  ces  Proportions, 
qui  font  la  XVI.  la  XVII.  &  la  LXV.  de  Ton  Décret 
de  i<575?.  Fides  non  cenfettif  cadere  fub  pracepium  fpe-' 
craie  &  fecundum  fe . ...  Satis  ejî  aCium  Fideifemèl  in 
vita  elicere.  Sufpcit  illa  myjîeria  femel  credidijfe.  Le 
Clergé  de  France  s'eft  pareillement  déclaré  contre  ce 
(entiment;  car  il  a  condamné  la  Proportion  que  nous 
venons  de  rapporter  du  Décret  d'Alexandre  VII.  & 
celle-ci  :  Saiis  ejl  acium  Fidei  femel  in  vita  elicere, 
comme  {candaleufes  ,  pernicieufes  dans  la  pratique, 
erronées  &  induifantes  à  l'oubli  de  la  Foi  &  de  l'E-i 
vangile. 

Comme  nous  ne  pouvons  vivre ,  iî  nous  ne  prenons 
de  temps  en  temps  de  la  nourriture  corporelle ,  l'obli- 
gation où  nous  fommes  de  conserver  notre  vie ,  nous 
oblige  à  manger  autant  qu'il  eft  nécefîaire  pour  nous 
la  conferver;  &  quoiqu'il  ne  nous  (bit  pas  commandé 
de  manger  précifément  à  telle  8c  telle  heure  ,  celui, 
qui  palTeroit  un  temps  confîdérable  fans  manger ,  & 
qui  fe  mettroit  par-là  dans  le  danger  de  mourir,  fè- 
roit  homicide  de  fbi-meme.  Ain/î  quoiqu'il  ne  (oit 
pas  commandé  de  faire  des  ades  de  Foi  précifément: 
en  tel  Se  tel  moment ,  néanmoins  il  efl  commandé 
d'en  faire  autant  qu'il  fiiut  pour  ne  paslailfer  affbiblir  Gt 
Foi,  parce  que  nous  ne  pouvons  nous  conlerverlong- 
remp-j  dans  la  Foi  &  dans  la  Jurticefims  faire  desades 
de  Foi;  puifque  fuivant  l'Apotre,  dans  le  chapitre  3, 
4erEpitre  aux  Galates ,  &  dans  le  chap,  6.  de  l'EpitiÉj 

û  Coidc  enlra  crcditur  ad  juIliçiAtni  Rçm»  10» 


^S  Conférences   d'Angers  J 

aux  Hébreux  :  le  Jufie  vit  de  la  Foi  ''.  Et  que  la  Foî 
eft  ab/olument  nécelTaire  pour  plufieurs  adions  qui 
doivent  être  fréquentes  dans  la  vie  chrétienne ,  com- 
me, font  aimer  Dieu,  le  prier,  lui  rendre  des  adions 
de  grâces. 

Avant  que  de  déterminer  les  temps  ou  nous  fômmes 
obligés  de  produire  ^des  ades  de  Foi ,  il  eft  bon  de 
remarquer  que  le  précepte  de  la  Foi  eil  tout  enfemble 
affirmatif  &  négatif.  En  tant  qu'affirmatif ,  il  nous 
ordonne  trois  chofes.  La  première  ,  de  fçavoir  cer- 
taines vérités  de  Foi.  La  féconde ,  de  les  croire.  La 
troifieme  ,  de  confelTer  extérieurement  la  Foi.  En 
tant  que  négatif,  il  nous  défend  de  refufèr  notre 
confentement  &  notre  approbation  aux  vérités  de  la 
Foi  que  l'Eglife  nous  propofe  de  croire ,  d'en  révo- 
quer en  doute  quelqu'une  comme  incertaine ,  &  de 
renoncer  fa  Foi  devant  les  hommes. 

Nous  ne  fommes  pas  obligés  de  faire  à  tout  mo- 
ment des  ades  de  Foi ,  mais  feulement  en  certains 
temps  &  en  certaines  circonftances  ;  &  Ci  nous  man- 
quons à  en  faire ,  nous  commettons  un  péché  d'omif^ 
lion  contre  le  Commandement  fpécial  que  Dieu  nous 
a  fait ,  de  croire  les  vérités  qu'il  a  révélées  à  fort 
Eglilè.  Mais  il  efl  difficile  de  marquer  précifém.ent  les 
temps  &  les  circonilances  où  cette  ooligation  a  lieu.  Les 
Dodeurs  ne  Ibnt  pas  d'accord  flir  cela. 

On  peut  dire  que  par  le  précepte  de  la  Foî,  nous 
fbmmes  obligés  d'en  produire  des  Ades  (ur  les  véri- 
tés dont  la  connoifiance  qCî  nécefîàire  aux  Chrétiens 
de  nécellité  de  moyen  ou  de  précepte  ,  dans  le  temps 
qu'elles  nous  font  fuffilàmment  expliquées  ,  &  que 
nous  connoiiïbns  l'obligation  que  nous  avons  de  les 
croire. 

Saint  Thomas  dans  la  i.  i.  q,  85».  art.  6.  edime  que 
c'eft  dans  le  temps  que  nous  avons  atteint  Fufâge  par- 
fait de  la  railbn,  &  que  nous  avons  une  connoifTan- 
ce  fufïîlante  de  ces  vérités  ;  ce  qu'on  ne  doit  pas  en- 
tendre fcrupuleufement  du  premier  moment  où  nous 
avons  l'ufàge  de  la  rai£bn ,  mais  il  faut  donner  aves- 

h  Juftus  ex  Fijjc  yivit» 


fur  Us  Convnandemens  de  Dkiii       5^ 

prudence  quelque  étendue  morale  à  ce  cemps.  Les  Do* 
deurs  difenc  communcment  qu'on  eft  oblige  de  pro- 
duire des  ades  de  Foi  en  deux  circonflances  particu- 
lières. 

lO.  Lorsqu'on  fbuffre  des  tentations  qui  nous  fol- 
licitent,  ou  à  i'infidclitc,  ou  à  douter  de  quelque  vé- 
rité que  l'Eglife  nous  propofe  de  croire.  Car  on  ne 
peut  guère  vaincre  ces  tentations  qu'en  les  repouffanc 
par  un  ade  de  Foi ,  foit  explicite  ,  en  s'attachant 
fortement  à  la  vérité  combattue  ;  foit  implicite  ,  en 
fe  foumettant  à  ce  que  l'Eglife  croit ,  &  détournant 
Ion  efprit  de  la  fauffeté  qui  fe  préfente  à  la  penfée. 
Saint  Paul  nous  avertit  de  cette  obligation  dans  le 
chap.  6,  de  l'Epitre  aux  Ephéfiens.  Induite  vos  arma' 
turam  Dei ,  ut  pofjliisflare  adversus  infidias  Diaboli.., 
In  omnibus  fiimentcs  [cutiim  Fidei ,  in  quo  fojjïtis  omnia 
teîa  nequijfimi  ignea  extingiiere.  Il  faut  dans  ces  ten- 
tations du'e  avec  les  Apôtres  -.^Domine  ,  adaugc  nobis 
Fidem  ;  ou  avec  le  père  de  l'enfant  pofledé  d'un  «fprit 
fourd  &  muet  :  Credo  ,  Domine ,  adjuva  incredulita-^^ 
tem  meam. 

1°.  Quand  nous  nous  trouvons  dans  le  danger  de 
mort;  car  alors  nous  devons  faire  tous  nos  efforts 
pour  nous  unir  à  Dieu,  &  c'eft  par  la  Foi  que  nous 
approchons  de  lui,  &  non  par  les  mouvemens  de  notre 
corps  ^.  Il  faut  dans  ces  derniers  momens  triomphée 
du  monde ,  &  c'efl  par  lu  Foi  qu'on  en  triomphe  *^« 
AufTi  les  Pafleurs  ont  (bin  de  faire  faire  des  ades  de 
Foi  aux  mourans  ;  &  on  peut  dire  que  cette  pratiq^ue 
eft  univerfèlle  dans  l'Eglile  Catholique. 

Nous  ajoCiterons  qu'on  cfl:  obligé  de  produire  des 
ades  de  Foi  pour  être  juflifié  par  les  Sacremens  de 
Baptême  &  de  Pénitence  ,  ou  par  la  Contrition  ,  quand 
il  ne  nous  efl  pas  polïible  de  recevoir  ces  Sacremens, 
Carie  Pécheur  ne  peut  être  juftifié  qu'il  ne  conçoive 
delà  douleur  de  Hi  faute  par  un  motif  furnaturel  que 
Ja  Foi  (ùggere.  C'ell  donc  par  la  Foi  qu'on  fe  difpole 


c  Non  enim  zà  ChriRnmam- 
Hiilando  currimiis  ,  fttl  crcdcn- 
<io  ;  ncc  motu  corpoi.is,  fed 
-yoluntatc    çordis   acccdimiu. 


Augiifl.  TraSl,  ifi.\nJoan, 

d    Hxc    eft     vidoria  ,    qtisô 
vincit  nuindum,  Fidcs  noitia^ 


^O      \       Conférences  d'Angers^, 

à  la  JuMcation ,  comme  l'enfeigne  le  Concile  à^ 
Trente  ,  Sefîion  6,  chap.  6,  Difponuntur  autem  ad 
ipjamjuflitiam,  dum  excitan  divinà  gratiâ ,  &  adjuti , 
Fidem  ex  auditu  concipientes ,  libère  movemur  in  Deum , 
credentes  ver  a  ejfe ,  quce  divinitlis  revelata  &  promijfa 
funt.  Et  jamais  perfonne  n'a  été  juflifié  fans  la  Foi  y 
félon  le  même  Concile  dans  le  chap.  7.  C'ell  de-U 
que  S.  Auguftin  dit  dans  le  Sermon  38.  que  la  Foi 
eft  le  commencement  de  la  Religion  &  de  la  Vie 
chrétienne.  Hoc  efi  initium  Religionis  ti"  viix  nojïrx , 
jjxum  habere  cor  in  Fide. 

Bien  plus  ,  nous  difons  qu'il  faut  faire  quelque  ade 
de  Foi  ,  quand  on  eft  obligé  de  recevoir  la  fàinte 
Eucharillie,  afin  de  communier  fpirituellement ,  & 
que  cette  divine  nourriture  nous  foit  profitable  pour 
la  vie  éternelle  ;  parce  que  fi  la  Foi  ne  précède  nos 
adions ,  elles  ne  peuvent  être  méritoires  devant  Dieu. 
Nemo  bene  operatur  j  niji  Fides  prœcejjerit ,  dit  S.  Au- 
guftin, Sermon  8.  de  decem  plagis  &  prœceptis  ,  ch, 
10.  Nihil  Jïne  Fide  fanÛum ,  nihil  cajltim ,  nihil  vi" 
vum ,  dit  S.  Léon ,  Sermon  4.  de  la  Nativité, 

Mais  les  Théologiens  remarquent  qu'il  n'efi  pas 
Tiécefîaire  peur  recevoir  dignement  &  avec  fruit  ces 
Sacremens ,  de  produire  des  ades  formels  de  Foi ,  & 
qu'on  eft  cenfé  en  produire  en  faifànt  des  ades  d'A- 
mour de  Dieu  ou  de  Contrition,  dans  lefquels  ceux 
de  Foi  (ont  véritablement  renfermés.  Et  comme  alors 
on  n'eft  pas  obligé  de  produire  des  ades  de  Foi  pré- 
cifément  &  diredement  en  vertu  du  précepte  de  la 
Foi ,  mais  indiredement  &  par  accident ,  comme  par- 
lent les  Théologiens  ,  à  raifbn  de  ces  Sacremens 
qu'on  ne  peut  recevoir  dignement  &  avec  fruit  fans 
la  Foi ,  on  ne  commet  pas  un  péché  particulier  con- 
tre le  précepte  de  la  Foi ,  en  omettant  d'en  faire  des 
Ades ,  quand  on  approche  de  ces  Sacremens,  Cette 
faute  efl  la  même  que  le  manquement  des  difpofi- 
tions  requifes  pour  recevoir  ces  Sacremens  ;  c'ell 
pourquoi  on  n'ell  pas  obligé  d'exprimer  fpécialement 
cette  faute  en  confefïiort. 

Ceux  qui  ont  la  diredion  des  âmes,  doivent  ex- 
Jioucr  les  Fidélçs  à^ produire  des  ades  de  Foilç^ 


s.yV  y>rl 


fur  les  Commandemens  de  Ùieîtt       ^i^ 

joun  de  Dimanches  &:  de  Fctcs.  Ce  font  des  moyens 
de  (îmdifier  ces  jours.  Ils  doivent  encore  les  averdt 
d'en  faire  lorfqu'ils  afliftent  à  la  Mefle,  &  qu'Us  fonC 
la  Prière  du  Soir  &  du  Matin. 

Nous  avons  fait  remarquer  que  le  précepte  de  la 
Foi  en  tant  que  négatif,  nous  défend  de  refufèi: 
notre  contentement  aux  vérités  que  TEglife  nous 
propofe  de  croire  ;  car  fi  l'autorité  de  Dieu ,  qui  a 
révélé  ces  vérités  ,  nous  oblige  d'y  adhérer  ferme- 
ment, il  n'y  a  nul  doute  qu'elle  n'exiçe  aufTi  de  nous 
que  nous  ne  les  défapprouvions  pas.  Celui  donc  à  qui 
Dieu  infpire  de  donner  fon  approbation  aux  vérités 
de  Foi  ,  s'il  rejette  cette  infpiration  ,  refufant  de 
donner  ion  contentement  à  ces  vérités ,  eft  coupable 
d'infidélité.  Il  en  eu.  de  lui  comme  de  celui  qui  re-, 
fufe  d'écouter  les  vérités  de  Foi  qu'on  lui  annonce," 
Celui-ci  pèche ,  parce  qu'il  méprife  la  Foi  ;  Tautre  , 
parce  qu'il  réfiiîe  à  la  Foi.  Ainfi  cette  Propofition 
a  été  juiîement  condamnée  par  Innocent  XI.  Foîeji 
qiiis  prudemer  repudiare  ajfenfum,  quem  habebat  fuprt, 
iiatî'.rahm» 

Il  eft  pareillement  défendu 'par  ce  précepte  Ao. 
douter  des  articles  de  Foi.  On  en  doute  quand  on  ne 
les  croit,  ni  on  ne  les  décroit,  &  que  l'esprit  ell  en 
balance,  s'ils  font  certains  &  véritables. 

Quelquefois  les  doutes  ne  lont  que  des  penfées  va-» 
gués  contre  la  Foi ,  qui  ne  repréfèntent  à  l'efprit 
aucune  rai(bn  de  douter ,  &  qui  cependant  l'ébran- 
ient  tant  foit  peu.  Ces  penfées  font  ordinairement 
im  pur  effet  de  l'imagination  échauffée  ou  de  la  flig- 
geftion  du  Démon.  lifiutles  méprifèr,  ne  point  s'en 
inquiéter,  n'en  faire  aucun  état ,  aller  fon  chemin, 
&:  implorer  le  fecours  de  Dieu  ;  que  fi  elles  avoient 
quelque  caufe,  il  faudroit  remédier  à  la  cau(e,  félon 
les  règles  de  la  prudence. 

Quelquefois  les  doutes  font  accompagnés  de  rai-J 
ions  fauffes ,  mais  apparentes  qui  frappent  i'efprit  ; 
s'ils  ont  pris  leur  Iburce  dans  des  entretiens  libres 
ou  trop  curieux  fur  la  Religion  ,  ou  dans  la  ledure 
de  mauvais  Livres ,  il  faut  en  demander  pardon  A 

pieu ,  s'hmniii^jnt  profçndéiftcat  devant  Iviiyj  5i  c^ 


i^2  Conférences  d'Angers^, 

idoutes  n*ont  point  d'autre  caufe  que  notre  efprlt ,  îî 
faut  les  méprifèr ,  en  nous  loumettant  à  l'autorité 
♦de  l'Eglife  par  un  ade  d'une  foi  implicite  qui  croie 
tout  ce  que  l'Eglife  croit  &  nous  enfeigne.  Il  faut 
jnéme  fe  bien  donner  de  garde  d'entreprendre  de  ré- 
futer les  raifbns  de  douter  par  d'autres  raifonnemens. 
On  n'auroit  jamais  fait  ;  car  dès  qu'on  auroit  examiné 
un  article  de  Foi ,  par  la  raifon ,  on  Ce  trouveroit  in- 
continent engagé  dans  l'examen  d'un  autre ,  &  tout 
cela  ne  ferviroit  qu'à  déranger  la  tête ,  à  jettei*  une  ame 
dans  des  inquiétudes  cruelles ,  &  enfin  dans  le  défef^ 
poir.  Il  faut  donc  que  la  Foi  fe  mocque  de  tous  les 
raifonnemens  que  la  raifon  n'efî  pas  capable  de  dé- 
mêler ;  car  félon  la  penfce  de  S.  Àuguflin ,  c'efl  être 
lùperbe  comme  les  Hérétiques  ,  lorfqu'on  ne  peut 
comprendre  par  l'efprit  la  lumière  intérieure  de  la 
vérité ,  de  ne  fe  pas  contenter  de  la  (impie  Foi  Ca- 
tholique qui  efl:  le  feul  fàlut  des  petits.  Qui,  Heere- 
tici ,  quandiu  non  poffunt,  imeriorem  lucem  veritatis , 
mente  contueri,  fimpîici  Ftde  Catholicâ  contenu  ejje  ko- 
lunt  qua  una  parvulis  falus  ejl ,  dit  ce  Père ,  fur 
le  ?Ç.  lo. 

Si  celui  qui  a  des  doutes  flir  la  Foi  s'y  arrête  volon- 
tairement, &:y  adhère  de  propos  délibéré,  il  commet 
un  f  éché  mortel  ;  &  s'il  fc^^ait  que  l'Eglife  tient  pour 
une  vérité  de  Foi  l'article  fur  lequel  il  ell  en  flifpens  , 
il  devient  hérétique,  parce  qu'il  efl  cenfé  juger  avec 
opiniâtreté  que  cet  article  de  Foi  ell  incertain.  C'efl 
delà,  qu'il  efî  dit  dans  le  chap.  Dtibius  ,  de  Hxreticis» 
Ditbius  in  Fide  infidelis  ejl.  Cette  héréfîe  n'étant  qu'in- 
térieure ,  elle  n'eft  pas  un  cas  réfervé.  Que  fi  on  né- 
glige feulement  de  rejetter  le  doute,  il  y  a  plus  ou 
moins  de  péché,  félon  que  la  négligence  ellplus  ou 
moins  grande. 

Quand  il  naît  dans  l'efprit  quelque  doute  fur  la  Foi , 
Ibit  par  la  fliggelîion  du  démon ,  fôit  par  quelque  rai- 
fon trompeufe  qui  vient  dans  la  penfée ,  fi  on  en  ref^ 
fent  de  l'ennui  &  du  chagrin  par  l'averfion  qu'on  a 
pour  l'erreur ,  &  par  l'amour  qu'on  conferve  pour  la 
vérité  ,  &  qu'on  combatte  le  doute  s'efforc^ant  de  s'é- 
lever au-defTus ,  le  doute  eil  involontaire,  quoique 


fur  les  Commanâemms  de  Dieit»        4^ 

Tncme  il  demeure  long-temps  dans  l'erprlr.  Bien  loia 
de  pécher  en  cette  occafion  on  tire  de  l'avantage  de 
la  tentation  même  pour  pouvoir  perfcvcrer  dans  la 
Foi ,  félon  ce  que  dit  S.  raul  dans  la  i.  Epitre  aux 
Corinthiens  chap.  10.  Faciet  cum  tentatione  proven-* 
tum  y  ut  pojfitis  fttJJinere.  C'eft  à  quoi  il  faut  que  les 
Confelfeurs  faflent  attention ,  afin  de  ne  pas  fomenter 
les  (crupules  des  âmes  timorées. 

Souvent  les  pécheurs  ne  peuvent  expliquer  /î  leurs 
doutes  (ont  involontaires  ,  parce  que  les  tentations 
contre  la  Foi  causent  d'ordinaire  le  trouble  &:  la  con- 
fusion dans  les  efprits  ;  les  Confeflburs  pour  éclaircir 
le  fait,  peuvent  leur  demander  ce  qu'ils  auroient  ré- 
pondu à  une  perfonne  qui  dans  le  temps  de  leur  agi- 
tation ,  les  auroit  interrogé  (ur  l'article  de  Foi  qui 
leur  faiibit  de  la  peine.  Quand  un  Pénitent  dit  fans 
héiîter,  qu'il  auroit  répondu  qu'il  croyoit  cet  article, 
ou  qu'il  croyoit  ce  que  l'Eglile  propofe  de  croire , 
on  doit  juger  que  le  doute  n'a  pas  été  volontaire  ; 
mais  fi  le  rénitent  paroit  incertain  de  ce  qu'il  auroit 
répondu  dans  le  moment,  parce  que  fon  e(prit  étoit 
alors  trop  chancelant ,  on  peut'prendre  cela  pour  un 
figne  que  le  doute  a  été  volontaire,  particulièrement 
fi  le  Pénitent  ne  fouftroit  pas  beaucoup  de  peine  de  le 
trouver  en  cet  état. 

Les  doutes  involontaires  peuvent  quelquefois  être 
des  péchés ,  comme  quand  ils  font  caufés  par  la  ledure 
de  mauvais  livres ,  par  des  difcours  fur  les  matières 
de  Foi  où  l'on  le  licencie  à  parler  trop  librement , 
par  la  converfiition  avec  les  Hérétiques  ;  ces  doutes 
font  cenfés  volontaires  dans  leur  caufC)  &  ainfi  ili? 
font  criminels. 

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Conférences  d'Angers  j" 


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IIL     QUESTION. 

Ya-t'il  obligation  de  confejer  la  Foi ,  lorfqu'cm. 
eji  interrogé} 

TT)  OuR  Satisfaire  à  toutes  les  obligations  que  le  pré-' 
I7  cepte  de  la  Foi  nous  impofè ,  il  ne  fuffir  pas  d'en 
faire  des  itdes  intérieurs ,  il  ell  encore  néceflaire  pour 
être  fàuvé  de  la  profeffer  par  des  ades  extérieurs.  Il 
faut ,  dit  S.  Augudin  dans  le  livre  de  Fide  &  Symbolo  ; 
au  chap.  i.  que  notre  cœur  &  notre  langue  s'acquit- 
tent de  ce  devoir  *.  Car  que  fèrt-il  d'avoir  cru  dans  (on 
cœur  pour  être  juiiifîé ,  fi  la  bouche  n'ofe  pas  faire 
connoitre  ce  qu'on  a  conçu  dans  le  cœur  ^  l  Cette  vé- 
rité nous  ell  aufTi  inculquée  par  les  fàintes  Ecri-^ 
lures  ^, 

Quoiqu'un  Catholique  faffe  profefîion  de  (à  Foi  par 
les  adions  extérieures  de  Religion  qu'il  pratique  tous 
les  jours  ,  il  ne  laifTe  pas  d'être  obligé  par  le  pré^ 
cepte  de  la  Foi,  d'en  faire  extérieurement  une  pro- 
fefilon  expreffs  en  certaines  occafîons ,  où  fbn  fîlence 
ne  pourroit  être  que  criminel. 
./Si  donc  il  efl  juridiquement  interrogé  fur  (a Foi, 
c'eiî-à-dire ,  par  une  autorité  publique ,  comme  les 
premiers  Chrétiens  l'étoient  par  les  Magiftrats  Payens  , 
il  ne  lui  fiiffit  pas  d'adhérer  intérieurement  aux  vé- 
rités de  la  Foi ,  il  eft  indifpenfablement  obligé  de  faire 
extérieurement  une  profefTion  expreiTe  de  la  Foi , 


a  Fîdes  officium  à  nobis  exi- 
git  &  cordis  &  lingiix. 

fc  Quid  prodeft  corde  credi- 
dilTe  ad  juftitiam  ,  fi  os  diibitat 
proferre  quod  corde  concep- 
tum  eft  ?  Aug.  Serm.  24. 

c  Omnis  qui  confitebitiir  me 
coram  hominibus  ,  confitebor 
&  ego  eum  coraiu  Pâtre  meo , 


Omnis  quicumque  confcfrus 
fuerit  me  coram  nominibus  « 
&  Filius  Hominis  confitebitur 
illum  coram  Angelis  Dci  ;  qui 
a'Utem  negaverit  me  ccram  ho- 
minibiis  ,  negabiciir  coram  An- 
gelis. Luc.  12.  Corde  creditur 
ad  juftitiam,  ore  auterr.  conftf-« 
fio  fie  qd  fahuem.  Rom,  io« 


fur  Us  Commdiulemms  de  Dieu,        4f 

»}\innd  même  il  s'agiroit  de  hi  perte  de  fa  vie;  autre- 
ment il  trahit  la  vérité,  comme  il  eft  dit  dans  le 
Can.  NoIite,c.  1 1.  q.  5.  «^  Cette  obligation  regarde  les 
Laïques  aufll  bien  que  les  Eccléfiaitiques  ;  c?-r  ,  félon 
ie  mcme  Canon,  comme  les  Prêtres  doivent  prcchec 
hardiment  la  vérité  qu'ils  ont  apprife  de  Dieu  ,  de 
mcme  les  Laiques  doivent  défendre  courageufement 
la  vérité  que  les  Prêtres  leur  ont  enfeignée  ,  autrement 
ils  la  trahilTent. 

.  Les  textes  de  la  fâinte  Ecriture  que  nous  venons 
de  rapporter,  doivent  nous  convaincre  que  le  filence 
ou  la  difluTiulation  en  cette  rencontre  ,  feroit  un  pé-» 
rhé  mortel.  La  Doâirine  contraire  a  été  condamnée 
par  Innocent  XL  dans  la  propofition  fliivante,  qui 
efl:  la  dix-huitiéme  dans  fbn  Décret  de  l'an  1679»  Si 
à  potefiate  puhlicâ  qiiis  imerrogetur,  Fidem  ingénue  con-f 
ftferi ,  m  Deo  &  Fidei  gloriofuw  ,  confulo  ;  tacere,Ht 
peccaminofutn  fer  je  ,  non  damno.  Le  Clergé  de  France 
dans  l'Affemblée  de  1700.  a  jugé  que  cette  propofî- 
tion  efl:  fcandaleufe ,  diredement  contraire  aux  pré- 
ceptes de  l'Evangile  &  des  Apôtres ,  &  hérétique. 
•Il  n'importe  que  la  perf^nne  publique  qui  interro- 
ge ne  foit  pas  le  Juge  légitime  de  celui  qui  efl:  in- 
terrogé ,  ni  que  l'interrogation  fe  fiifle  en  public  ou 
en  fecret  ;  parce  que  ne  pas  profeffer  alors  fà  Foi  y 
c'efloter  à  Dieu  l'honneur  qui  lui  eft  dû  ,  manquer  de 
refpeâ:  pour  la  Religion ,  s'expofer  au  péril  de  renon-, 
cer  à  fa  Foi,  &  fcandalifer  le  prochain, 

-Un  Catholique  qui  eft  interrogé  par  un  particulier  y 
îï'fclt  pas  obligé  de  profeffer  extérieurement  fîi  Foi , 
/înon  lorfque  la  gloire  de  Dieu  ou  le  fâlut  du  pro- 
chain y  (ont  intereifés  ,  ou  qu'en  fe  taifànt ,  il  paf- 
feroit  pour  impie  ,  ou  qu'il  feroit  cenfé  ,  au  jugement 
des  perfbnnes  prudentes  ,  nier  implicitement  la  Foi  > 
&  adhérer  aux  fèntimens  des  Infidèles  &  des  Héré- 
tiques, S.  Thomas  dans  la  z.  2.  q.  3.  art,  1,  foutient 


d  Non  folùm  ille  prorlitor 
eft  veritatis,  qui  tranfgrediens 
veriratcni ,  palàm  pro  vcritate 
iTicndacium  Jonuitur  jfcd  ciiam 
îllc  ,  ^ui  non  Ùbeiè  veriutcm 


prom:nriat,  qiiam  libero  pro- 
nuriti.irc  oportet ,  anc  non  li- 
i'  rè  veritatcm  défendit  .  qiiam 
libcrc  defcnderc  convenit,piOî 
dicor  efl  vetiNtij* 


Conférences  d^ Angers , 

qu'en  ces  C2S  on  ne  peut  fe  difpenfer  de  profefTer  {k 
Foi  «^.  Si  on  taifoit  Ùl  Foi  dans  ces  circonilances ,  on 
paroîtroit  l'abandonner.,  &  on  ne  pourroit  éviter  la 
menace  que  Jefus-Chrift  fait  en  S.  Luc  au  chap.^. 
Çuime  erubuerit  &  meos  fermones  j  Inmc  Films  Hominis 
eruhejcety  cum  venerit  in  Majejîate  fiia.    . 

Ce  fàint  Dodeur  ajoute  dans  la  réponfè  à  la  fé- 
conde objedion,  que  dans  les  occafîons  où  la  Foi  efl 
en  danger ,  on  eit  obligé  de  la  profefTer ,  foit  pour 
en  inflruire  les  autres ,  foit  pour  les  ralTurer ,  ou  pour 
réprimer  l'infblence  des  Infidèles  ;  mais  quand  on  voit 
qu'il  nereviendroit  aucun  honneur  à  Dieu  ^  ni  aucun 
avantage  aux  Fidèles  de  la  profelTion  qu'on  feroit  de 
Foi,  étant  interrogé  par  un  Particulier,  qu'au  con- 
traire elle  ne  fèrviroit  qu'à  animer  les  Infidèles ,  il 
yauroit  delà  témérité  à  la  faire.  S,  Thomas  en  juge 
ainfî  dans  la  réponfè  à  la  troifîéme  objedion. 

L'obligation  de  profefTer  extérieurement  fa  Foi ,' 
renferme  un  double  précepte.  L'un  affirmatif ,  l'autre 
négatif.  Le  précepteaffirmatif  que  nous  venons  d'ex- 
pliquer ,  ne  nous  oblige  qu'en  certaines  occafîons  ; 
ainfï  on  peut  quelquefois ,  uns  péché ,  cacher  fa  Re- 
ligion ,  &  fuir  dans  les  temps  de  perfécution  ;  fbu- 
vent  même  il  eft  expédient  aux  perfbnnes  foibles 
de  le  faire ,  pour  éviter  de  fuccomber.  Jefiis-Chrifl 
îious  le  fait  comprendre  par  ces  paroles  :  Cum  autem 
perfequentur  vos  in  civitate  ijla ,  fugite  in  aliam.  Matt. 
,10.  Les  Apôtres ,  S.  Cyprien,  S.  Athanafe,  &  tant 
d'autres  Saints ,  nous  en  ont  donné  l'exemple.  Il  ne 
faut  pas  à  leur  préjudice ,  s'arrêter  à  ce  que  dit  Ter- 
lullien  dans  le  livre  de  la  Fuite  :  on  le  blâme  avec 
raifbn  d'une  févérité  excelïive.  Bien  loin  que  celuî 


e  Confîteri  Fidem  non  fem- 
|)er  ,  neque  in  quolibet  loco 
eft  de  neceflitate  faliitis  ;  fed 
in  aliquo  loco  &  temporc,quan- 
do  fcilicet  per  omiflioncm  hu- 
jus  confeffionis  fubtraheretur 
honor  debitus  Dec,  autetiam 
utilitas  proximisimpendenda  : 
p^ta  a  aliquis  imerrogatiis  de  , 


Fide  ,  taceret ,  &.  ex  hoc  cre- 
deretur,  vel  quôd  nonhaberec 
FJdem,  vel  quod  Fidts  non 
eflet  vera,  vel  alii  per  ejus 
taciturnitatem  averterenriir  à 
Fide  ,  in  ejiifinodi  enim  c.»(îbui 
confeffio  eft  de  neccfTitate  f4- 
lutis* 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,        '4'7 

jjuî  fuit  dans  le  temps  de  perfccution ,  renonce  (à  Foi  4 
il  en  fait  une  efpccc  de  profelfion ,  puifqu'il  ne  fuit 
que  pour  n'ctre  pas  expolc  à  la  renier.  Cependant  un 
raiteur  qui  abandon neroit  fon  Troupeau  dans  le  temps 
que  fd  prcfence  lui  efl  nécelTaire  pour  l'empccher  d'a-5 
poila/îer  ,  pcclieroit. 

Par  le  précepte  négatif,  il  nous  efl  défendu  dénier 
rotre  Foi.  Ce  précepte  oblige  en  tout  temps  ;  Ci  bien 
qu'il  n'efl  jamais  permis ,  même  pour  conferver  (a  vie  » 
de  nier  fa  Foi  ou  fa  Religion ,  ou  de  feindre  d'ctre 
d'une  autre.  Quiconque  renoncera  Jefus-Chrifl  devant 
les  hommes ,  Jefus-Chrift  le  renoncera  lui-même  de», 
vant  fon  Père,  qui  eft  dans  les  Cieux  ^. 

Nier  fd  foi  extérieurement,  c'eft  un  péché  très- 
grief;  car  ou  l'on  penfe  dans  le  cœur  comme  l'on 
parle,  &  alors  on  devient  infidèle  ,  apoftat ,  ou  hé- 
rétique ;  ou  l'on  conserve  la  Foi  dans  le  coeur ,  quoi- 
qu'on la  nie  de  bouche,  &  alors  on  commet  un  men- 
fonge  fort  injurieux  à  Dieu  ,  à  l'Eglile  &  à  la  Reli-* 
gion ,  lequel  caufe  un  grand  fcandale  aux  Fidèles. 
Tous  les  (aints  Pères  en  ont  jugé,  ain/î  ;  aufli  ont-ils 
fort  loué  le  courage  des  Martyrs,  qui  malgré  la  vio- 
lence des  tourmens ,  ne  ceffoicnt  point  de  confefler 
hautement  la  Foi  de  Jefus-Chrifl.  La  crainte  de  per- 
dre la  vie  ne  peut  point  (ervir  d'excufb  à  ce  péché,, 
qui  apporte  immanquablement  la  mort  à  l'ame  s» 

On  peut  nier  la  Foi  de  trois  manières. 

le.  De  vive  voix  &  par  écrit,  quand  on  nie  quelque 
vérité  de  Foi,  ou  qu'on  déclare  férieulement  qu'on 
n'efl:  pas  Chrétien,  ou  qu'on  n'efl  pas  Catholique. S.  Au- 
guflin  nous  en  avertit  dans  le  Traité  1 1 3 .  fiir  S.  Jean  '', 


/  Qui  negaverît  me  coram 
hominibiis,  ntrgabo&  ego  eum 
corani  Pâtre  raeo  qui  in  coclis 
eft.  Matth,  lo. 

g  Timendo  mortem  carnis 
tua» ,  mortem  dauis  animx  tux  ; 
quanta  cnim  vita  eft  confiitri 
Cliriftum  ,  tanta  mors  eft  ne- 
gare  Chriftum.  Aui>;.  Traâ,  66. 
in  Jjaiu  relue,  Can,  Non  fo- 


h  Debemus  advertere  non 
folixm  ab  eo  negari  Cluiftura  9 
qui  dicit  cum  non  cflc  Chrif- 
nim  ;  fed  ab  illo  etiam  qui  cum 
fit ,  negat  fe  cfle  Clirillianum  ; 
Dominus  enim  non  ait  Petro  : 
Difcipulummeum  re  negabis  , 
fed  me  negabis  :  negavit  ergo 
ipfum  ,  ciirn  fe  negavii  ejm 
Difcipuliim» 


^^  Conférences   d'Angers  ,"* 

De  même ,  on  nie  fa  Foi  en  certains  pays ,  quand  (M 
dit  qu'on  n'eft  pas  Papifte,  C'efl  par  cette  raifon  que 
S.  Cyprien  ,  en  plufieurs  de  Tes  Lettres  ,  &  particuliè- 
rement dans  la  3 1.  &  dans  le  Traité  deLapJîs,  blâme iî 
fort  ceux  qui  dans  la  perfécution  avoient  pris  des  Bil- 
lets des  Magiftrats ,  dans  lefquels  il  étoit  marqué  qu'ils 
avoient  fàtisfait  à  FEdit  de  l'Empereur ,  qui  enjoi- 
gnoit  à  tous  les  Chrétiens  de  fàcrifier  aux  Idoles  , 
quoiqu'ils  ne  l'eufTent  pas  fait.  Ce  crime  lui  parut  ii 
gran4 ,  qu'il  fit  fubir  la  pénitence  publique  àx:eux  qui 
y  étoient  tombés. 

Que  fi  on  nioit  feulement  qu'on  fût  Prêtre  ou  qu'on 
eût  dit  la  MefTe,  quoiqu'on  péchât,  ce  ne  fèroit  pas 
renier  la  Foi ,  mais  feulement  nier  un  état  &  une  ac- 
tion fans  lefquels  on  peut  être  Chrétien  &  Catholi- 
que. 

C'eft  aulïi  en  quelque  manière  nier  la  Foi ,  que  dé 
îouer  ou  approuver  une  faufTe  Religion ,  difant  par 
exemple ,  qu'on  peut  fe  fàuver  parmi  les  Hérétiques. 

2°.  Par  des  adions  ;  lorfqu'on  fait  quelques  Ades  , 
qui  dans  l'opinion  commune  ,  efl  un  figne  d'apoftafie , 
comme  efl  celui  de  fe  faire  circoncire ,  de  brûler  de  l'en- 
cens devant  une  Idole,  de  pratiquer  les  Cérémonies 
des  Hérétiques  ,  comme  de  faire  la  Cène  avec  les  Cal- 
vinifles.  Mais  fi  les  aftions  qu'on  fait,  quoique  com- 
munes avec  les  Infidèles,  peuvent  fè  faire  pour  une 
autre  fin  que  pour  profefier  la  faufTe  Religion,  on  ne 
renonce  pas  fa  Foi  en  les  faifant,  fi  ce  n'eft  qu'on  les 
fit  ou  en  haine  de  la  Religion  Chrétienne ,  ou  pour 
jprotefter  qu'on  efl  de  quelque  faufTe  Sede.  C'eft  fur  ce 
principe  que  l' Apôtre  S.Paul,  dans  la  i.  Epitre  aux 
Corinthiens,  chap.  8.  permet  aux  Fidèles  de  manger 
des  viandes  immolées  aux  Idoles  pour  fe  nourrir,  quand 
il  n'y  a  point  de  fcandale  à  craindre. 

On  peut  conclure  de-là  qu'un  Catholique ,  qui  fans 
une  très-grande  néceffité,  mangeroit  de  la  viande  les 
jours  où  elle  ell:  défendue  par  TEglife ,  ou  qui  affifle- 
loit  aux  AfTembiées  ou  Sermons  des  Hérétiques  dans 
les  Etats  d'un  Prince  hérétique ,  qui  en  haine  de  la  Re- 
ligion Catholique ,  auroit  ordonné  à  Tes  Sujets  i'ufâge 
^e  la  viande  à  cçs  jours-là,  ou  c[ui leur  auroic  enjoint 


fur  les  Commandcmens  de  Dieu»        '49' 

tîe  Ce  trouver  aux  Aiïemblces  &  Sermons  dans  les  Tem- 
ples des  Hérétiques  ,  pour  faire  preuve  de  leur  Reli- 
gion ,  péclieroit  contre  les  défenles  qui  nous  font  fai- 
tes par  le  précepte  de  la  Foi,  &  feroit  cenfé  la  nier^ 

Toutefois,  fi  hors  de  cette  circondance  un Catho* 
lique  fe  trouvant  parmi  des  Hérétiques ,  mangeoit  de 
la  viande  pour  éviter  leur  perfécution  ,  ou  afilftoit  aux: 
Cérémonies  ou  Sermons  qu'ils  font  dans  leurs  Tem^ 
pies  par  une  vaine  curiofité ,  il  ne  feroit  pas  cenic  re-. 
nier   la  Foi,  quoiqu'il  ne  fut  pas  exempt  de  péché« 

30.  Par  les  chofes  dont  on  (e  lert,  comme  fi  étant 
parmi  les  Infidèles ,  on  Ce  revétiffoit  des  habits  particu-» 
liers  de  leur  Religion ,  tels  que  font  les  vctemens  dont 
leurs  Prêtres  s'habillent  dans  leurs  Temples  ,  ou  qu'ent 
certains  pays  on  Ce  fèrvit  d'habits  communs ,  mais  fait» 
d'une  manière  particulière ,  en  ligne  de  la  faufie  Re-\ 
lifrion  qu'on  profefTe,  comme  eft  le  Chapeau  jaune 
que  les  Juifs  font  forcés  de  porter  en  Italie,  Mais  (t 
on  s'habille  feulement  à  la  mode  de  la  Nation  infî'-* 
déle  parmi  laquelle  on  demeure ,  ce  neû  pas  nier  (k 
Foi.  Tertullien  en  demeure  d'accord  dans  le  Livre  de 
ridolatrie,  chap.  18.  où  il  juftifie  la  conduite  de  Jo- 
feph  en  Egypte,  &  celle  de  Daniel  à  Babyione,  où 
ces  deux  grands  Hommes  ne  firent  point  de  difficulté 
de  porter  fur  eux  les  marques  de  la  liberté  qu'on  leuc 
avoit  donnée ,  ni  celles  de  la  dignité  à  laquelle  ils 
avoient  été  élevés,  parce  que  ces  marques  ne  les  atta- 
choient  point  aux  Emplois  de  la  Religion ,  ni  au  culte 
des  Idoles;  Ci  elles  les  y  euffent  attachés,  certaine-^ 
ment  ils   ne  s'en  feroient  jamais   ornés  ". 

Nous  avons  dit  qu'il  n'eft  pas  permis  de  feindre  d'ê" 
ire  d'une  autre  Religion  ;  ainfi  un  homme  qui  feroit 
Semblant  d'être  ou  Turc ,  ou  Juif,  ou  Calvinifte, 
quand  même  il  ne  renonceroit  pas  exprefTément  à  la. 


n  Si  fuçeftus  ille  Sacerd'-tis     viflTe  ,  nec  Belem  ,  nec  Draco- 
aut  aliqiiibus  Idoiorum  ofïîciis      neni  colcre,  qiiod  multô  poltcà 
adftringcretur  ,    utiquc   i.intat 
fandltatis  &  conftantlae  viri  fla- 
tim  habicus    inqmnaios  recu- 
faf^cnt  ,  ilatimque  apparuiflfet 


Daniclem  Idolis    non  dcfcr- 


appaiiiir.  Simplcx  gitur  pur- 
pura illa  ,  nec  j  <.m  digniraria 
er.1t ,  fcd  ingeniiitatis  apud 
Baibaros  infi^^ne.  Tertull,  d9 
IdoL  cap,  i8< 


Tome  I,  C 


fa  Conférences  d'Angers; 

Religion  Catholique  ,  &  qu'il  ne  diroit  rien  contre  la 
foi  ,  pécheroit  très-griévement  :  Eleazar  en  étoic 
pleinement  convaincu  ,  car  il  ne  voulut  jamais  déférer 
au  confeil^  de  Tes  amis  qui  ne  demandoient  pas  qu'il 
renonçât  à  fa  Religion,  ni  qu'il  fit  rien  de  contraire 
à  la  Loi,  m.ais  feulement  qu'il  feignît  de  le  faire  pour 
éviter  la  mort,  en  fouffrant  qu'on  lui  préfentât  des 
viandes  qui  lui  étoient  permifes  °.  Il  aima  mieux  per- 
dre la  vie ,  que  de  feindre  d'avoir  abandonné  fa  Reli- 
gion, &  il  croyoit  être  obligé  d'en  ufer  ainfi  fous 
peine  de  péché  mortel,  comme  il  le  déclare  par  ces 
paroles  :  Nam  etfi  in  p-afenii  tempore  fuppliciis  hominwn 
erîpar  )  fed  mardis  Omnîpoismis  j  nec  vivus,  nec  de-^ 
funùus  ejfugiam.  i,  Machab.  chap,  6. 

Ce  feroit  s'abufèr  que  de  croire  qu'on  ne  pèche  pas 
contre  les  défenfes  qui  nous  font  faites  par  le  précepte 
de  la  Foi ,  quand  par  complaifance  on  veut  paroitre 
entrer  dans  le  lèntiment  de  ceux  qui  combattent  des 
vérités  de  Foi  que  l'Eglife  approuve  ,  ou  qui  foutien- 
îient  des  opinions  qu'elle  a  condamnées ,  ou  quand  on 
Ibuffire  qu'on  avance  en  notre  prélence  des  erreurs  con- 
tre la  Foi ,  ou  de  méchantes  maximes  contre  l'Evan- 
gile, lorique  l'on  a  quelqu'autorité  ou  quelque  moyen 
pour  l'empêcher  ,  ou  quand  on  ne  rejette  pas  politi- 
vement  ces  erreurs  &  ces  mauvaifes  maximes ,  lorl^ 
qu'on  juge  que  l'honneur  de  Dieu  &  l'utilité  du  pro- 
chain, demandent  de  nous  que  nous  foutenions  la 
vérité. 

Tous  les  Chrétiens  ne  /ont  pourtant  pas  obligés  de 
disputer  contre  les  Hérétiques  ,  pour  défendre  la  Foi» 
C'eft-là  le  devoir  des  Eccléliaftiques ,  car  c'eil  prin- 
cipalement en  eux  que  doit  réfider  la  fcience  de  la 
Foi  ;  mais  ceux  qui  ne  l'ont  pas ,  ne  doivent  point 
s'engager  dans  ces  fortes  de  difj^utes ,  même  il  ne  fauC 
pas  que  les  dodes  le  faflent  fluis  néceilité  ou  fans  une 
évidente  utilité;  parce  que  fôuvenc  les  Hérétiques 
n'entrent  pas  en  dilpute  pour  s'cclaircir  de  la  vérité  , 
mais  feulement  pour  faire  croire  au  peuple  qu'ils  ont 


0  Rocabsnt  afferri  carnes 
quibiis  vcfci  licebat ,  ut  finiu- 
larciur  manducafle  ,  iîcut  Rex 


imperaverat  He  facrificii  carni*" 
bus ,  ut  hoç  fai^o  à  n*ortc  libe-ç 
rarctuu 


furies  Commandemcns  de  Dieu.       Jï 

^  le  deiïlis  ,  ou  du  moins  qu'on  n'a  pu  les  convain- 
^  'Cre  :  d'où  il  arrive  fouvent  que  ces  difputes  ne  pro- 
duifent  point  d'autres  efîets  que  c«uk  donc  parle  Ter- 
'  rullien  oans  le  Livre  des  Prefcriptions,  chap.  i^.M 
ipfo  ccngrcdU  frmos  qtiidem  fatigant ,  infirmas  capiunt , 
medios  citm  fcru^ulo  dhvittunt. 

Quant  aux  Laïques ,  le  Pape  Alexandre  IV.  dans 
le  chap.  Quicumque  de  Harcticis ,  in  6\  leur  dcTend 
fur  peine  d'excommunication  ,  de  difputer  des  ventes 
de  la  Foi  contre  les  Hérétiques.  înhibemus  ne  citi-^ 
qiiam  ha'iccs  pcrfona  liceat  fuhlicè  yel  privatim  de  Fide 
CaîhoUcâ  dîfputare  ;  qui  vero  contra  fecerit ,  excommH-^ 
mcanonis  laqueo  innodetur. 

Cependant  quelques  Dodeufs  eftiment  que  ce  Pape 
îie  prétend  pas  défendre  par-là  aux  Laïques  f^avans 
dans  la  Foi ,  de  difputer  en  particulier  lorfqu'il  n'y  a 
point  de  danger  pour  eux  ni  pour  les  AfTulans.  Eieit 
plus ,  il  femble  que  s'il  n'y  avoir  point  d'Eccléfiafti- 
que  r^avant  dans  un  endroit,  &  qu'il  y  eût  du  périf 
que  les  fîmples  fuflent  féduits  par  les  Hérétiques ,  uil 
Laïque  qui  feroit  parfaitement  instruit  du  point  de  Doc- 
trine dont  il  s'agiroit ,  pourroit  ,  &  même  devrolt 
entrer  en  difpute  avec  les  Hérétiques  pour  rafsùrci: 
les  foibles. 


IV,     QUESTION. 

Qiieh  font  les  péchés  qui  font  oppofés  à  la  Foi  .^ 

Qui  peut  ah  foudre  les  Hérétiques  ,  Gr  tjl'il 

permis  de  lire  leurs  Livres  ? 

NO  u  s  entendons  parler  ici  des  péchés  qui  lonC 
tellement  oppofjs  à  la  Foi,  qu'ils  ne  peuvent 
en  aucune  manière  compatir  dans  l'ame  avec  la  Foi 
habituelle,  mais  qui  l'en  banniiïent  entièrement.  Ces 
péchés  font  l'Infidélité,  rA;,-oiLifie  &  l'H.'réfle. 

On  diftin jue  deux  fortes dlnfid'iités.  L'une  qu'on 
•ai>i;>eUe  négûûve  ^  ^  i'ilUtrç  ^u'on  appelle  pontive. 

Ci] 


y2  Conférences    d'Jngers , 

^  L'nfidélité  négative,  efl  le  manque  de  Fol  qui  ^ 
trouve  en  ceux  qui  n'ont  jamais  entendu  parler  des 
Myfleres  de  la  Religion  de  Jefus-Chrifl.  L'ignorance 
de  ces  mylîeres,  ne  venant  ni  de  négligence,  ni  de 
honte  qu'ils  ayent  eu  de  s'en  faire  inftruire,  mais  de 
ce  qu'ils  n'en  ont  jamais  oui  parler,  &  étant  par  con- 
féquent  invincible  ,  leur  infidélité ,  félon  le  fentim.ent 
de  S.  Thomas  dans  la  i.  2.  q.  10.  art.  i.  n'elî  pas  un 
péché  ,  mais  plutôt  une  peine  du  péché  ,  parce  qu'une 
telle  ignorance  des  choies  Divines  eft  une  fuite  du 
péché  de  notre  premier  père. 

Ceux  qui  font  infidèles  de  cette  manière ,  ne  font 
pas  dam.nés  pour  le  péché  de  l'Infidélité ,  mais  pour 
d'autres  péchés  dont  on  n'obtient  point  le  pardon 
(ans  la  Foi.  C'eft  pour  cela  que  notre  Seigneur  dit 
en  S.  Jean  chap.  ï$.  Si  non  venijfem  &  locutiiseis  fuif- 
fem,  feccamm  non  haherent.  Quoique  ces  fortes  d'In- 
fidèles ne  pèchent  pas  en  errant  contre  les  articles  de 
la  Foi  que  la  raifon  naturelle  ne  peut  en  aucune  ma- 
nière découvrir,  &  que  nous  ne  connoifixins  qu'au- 
tant qu'il  plait  à  Dieu  de  les  révéler  ,  néanmoins  s'ils 
errent  contre  les  articles  que  nous  connoiiïbns  natu- 
rellement par  les  lumières  de  la  raifon,  comme  s'ils 
n'adorent  pas  un  Dieu  ,  s'ils  fe  font  plu/ieurs  Divini- 
tés ,  s'ils  rendent  à  quelque  créature  que  ce  foit  le 
culte  fbuverain ,  qui  n'eil  dû  qu'à  Dieu  fèul ,  s'ils  n'ob-< 
fervent  pas  le  Décalogue  ;  ils  font  inexculables ,  fui- 
vant  la  Doftrine  de  S.  Paul  dans  le  i.  &  1.  chap.  de 
l'Epitre  aux  Romains  ;  car  la  nature  nous  enfeigne  qu'il 
jî'y  a  qu'un  feul  vrai  Dieu ,  &  elle  nous  diâe  les  pré-^ 
ceptes  du  Décalogue. 

L'infidélité  pofîtive  efl  la  faufTe  Religion  de  ceux 
qui  ne  croyent  pas  en  Jefus-Chrifl ,  quoiqu'ils  ayent 
oui  parler  de  lui.  On  dit  ordinairement  qu'il  y  en  a 
trois  efpeces ,  qui  font  le  Paganifîne  ,  le  Judaidne  & 
le  Mahométifme.  Si  on  rejette  entièrement  l'Evan- 
S^iiede  Jefus-Chrift ,  &  qu'on  adore  les  Idoles  oufîiux 
Dieux ,  c'efl  le  Paganifhie.  Si  on  rejette  la  Religion 
de  Jefus-Chrifl  &  qu'on  fuive  celle  de  Mahomet ,  c'efî 
le  Mahiométifme.  Si  on  admet  l'Ancien  Teflament , 
jnais  qu'on  ne  croie  pas  que  I9  Meffiç  foie  venu ,  c'eiî 
le  Judaifine. 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,        y^ 

On  peut  ajouter  une  quatrième  cfpcce ,  (çavoir ,  l'A- 
rcillne  qui  ne  reconnoit  aucun  Dieu  ,  ni  vrai  ,  ni 
faux. 

L'Hcrc/ie  approche  beaucoup  de  l'Infidclitc  ,  en  ce 
que  les  Hérétiques  font  un  choix  des  articles  de  Fot 
qu'ils  veulent  croire  :  ils  en  choifîiïent  quelques-uns , 
comme  leur  paroifTant  plus  vraisemblables:  ils  rejet- 
tent &  condamnent  les  autres ,  &  fouvent  ils  en  in- 
iroduifent  de  nouveaux  à  leur  fantai/ie;  ce  qui  efl 
Zout-à-fait  oppofé  à  la  Religion  Catholique ,  qui  fait 
profeflion  de  croire  généralement  tout  ce  que  Dieu 
a  révélé  à  Con  Eglife,  &  rien  autre  chofe,  comme 
TertuUien  le  déclare  dans  fôn  Livre  des  Prefcriptions 
contre  les  Hérétiques,  chap.  6,  Nihil  exnojlro  arhhrto 
inducere  licet,  fed  me  eligere ,  quod  aliquis  de  arbitrio 
fuo  induxerit. 

L'Apoftafîe  ,  félon  S.  Thomas ,  dans  la  i.  2.  q.  12. 
art.  I.  (e  peut  prendre  dans  un  fèns  étendu,  &.  elle 
fîgnifie  un  abandon  ou  une  réparation  de  Dieu.  C'efl 
en  ce  lens  que  dans  le  chap.  z»  d'Ezéchiel,  Dieu  dit 
à  ce  Prophète  qu'il  l'envoyoit.vers  un  Peuple  apo- 
fiat  qui  s'étoit  retiré  de  lui ,  &qui  avoit  violé  (on  al- 
liance 3.  On  peut  ainfî  donner  le  nom  d'Apoftafîe  à 
tout  péché  mortel ,  pui(qu'en  le  commettant  on  quit- 
te Dieu  pour  s'engager  dans  le  parti  du  Démon. 

Les  Théologiens  prennent  ordinairement  i'apoiîa- 
(îe  dans  un  (èns  moins  étendu ,  &  ils  en  marquent  trois 
efpeces ,  fçavoir,  l'Apodafie  de  la  Foi,  de  l'OrHre 
&  de  la  Religion.  Les  deux  dernières  ne  (ont  pas  di- 
reftement  oppofées  à  la  Foi ,  il  n'y  a  que  la  pre- 
mière. On  peut  la  définir  un  abandon  entier  qu'une 
personne  baptifée  fait  delà  Foide  Jefus-Chriit,  pour 
profelTer  le  Judaifme ,  le  Paganilhie ,  le  Mahométif 
me ,  l'Athéifine  ou  le  Déifine. 

C'efl:  un  péché  plus  énorme  que  l'Infidélité ,  parce 
que  la  circonflance  de  l'abandon  de  la  Foi  ajoute  une 
nouvelle  malice  à  celle  de  l'efpece  particulière  d'Infi- 
délité que  les  Apoflats  embraffent  ;  car  comme  dit  St 

a  Mitto  ego  te  ad  filioslf-  i  patres  eorum  przvaricati  funt 
raël,  ad    Gantes   apoftatrices     paClum  meuni. 
Ji-ix  reçcûetun^  à  me  ,  i^ fi  &  J 


5*4  Conférences  d'Angers  ; 

Aug.  dans  le  Liv.  i  i ,  de  la  Cité  de  Dieu ,  chap.  i^,utt 
déierteur  de  la  Foi  qui  en  devient  Tennemi ,  eft  pire 
que  celui  qui  ne  l'a  jamais  reçue  ^.  S.  Pierre  nous  l'en- 
feigne  dans  le  chap.  2.  de  fa  féconde  Epitre.  MelÎMS 
erai  illis  non  cognofcere  viam  jufihics ,  cuiam  pojl  agni» 
tionem  reirorfiim  converti. 

L'Apoilafie  diffère  de  l'Héréfîe  ,  en  ce  que  l'Apo-^ 
flat  abandonne  entièrement  tous  les  Articles  de  Foi  & 
renonce  Jefiis-Chrift ,  au  lieu  que  l'Hérétique  ne  nie 
que  quelques  Articles  de  Foi ,  reçoit  les  autres ,  &  fait 
frofeffion  d'appartenir  à  Jefus-Chriiî, 

On  diflingue  trois  fortes  d'Apoftafîes  de  la  Foi.  L^ 
première  efl  purement  intérieure,  C'eiî  qu^id  dans  le 
cœur  on  renonce  à  la  Foi  de  Jeius-Chrift  fans  le  ma- 
nifefler  en  aucune  manière  au  dehors ,  ainfi  que  font 
les  Athées,  qui  vivent  comme  des  Chrétiens,  &  qui 
dans  l'ame  n'ont  aucune  Religion. 

La  féconde  eft  purement  extérieure,  c*efl  lorfqu'on 
fait  femblant  d'embralî'er  une  faulî'e  Religion ,  fânç 
néanmoins  renoncer  intérieurement  à  celle  de  Jefus- 
Chrifl ,  ainfi  que  plufieurs  Chrétiens  font  étant  pris  pao 
les  Turcs. 

La  troifiéme  efl  intérieure  &  extérieure  tout  enfèm-* 
bîe  ;  c'efl  lorfqu'ayant  renoncé  intérieurement  à  la  Foi 
de  Jefus-Chrifi ,  on  le  fait  connoitre  par  fes  adions, 
comme  faifoient  dans  les  premiers  fîecles  de  l'Eglifa 
quelques  Chrétiens  lâches ,  qui  retournoient  au  Paga.v 
îîifine. 

L'Apofîafîe  de  l'Ordre  efl  un  abandon  qu'un  homme 
engagé  dans  les  Ordres,  fait  de  fon  autorité  privée 
de  rhabit  Ecclé/iaftique ,  à  deifein  de  ne  le  plus  por* 
ter  &  de  vivre  en  féculier ,  comme  fait  un  homme  qui 
fe  marie  ou  qui  fe  fait  fbidat.  Cela  doit  faire  penfec 
aux  Clercs  promus  aux  Ordres  fâcrés  qui  ne  portent 
ni  tonfiire  ni  habit  eccié/iaflique ,  &  mènent  une  vie 
toute  féculiere,  pour  qui  ils  peuvent  paffer  dans  l'ef^ 
prit  de  ceux  qui  fçavent  les  règles  de  l'Egliie.  Celui 


h  Cîim  pejor  fît  defertor  Fi- 
^ei,&  ex  deftrtore  oppuçna- 
«cr   ejus  ctfe^ius  >   quara  iile 


qui  non  deferuît  j  quam  nun« 
(juam  tenuita. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,       yy 

jqw'i  quitte  l'état  Eccléfïaftique  avec  difpenfe  du  Pape  , 
n'eft  pas  Apodar, 

L'Apoftafîe  de  la  Religion  eft  un  abandon  criminel 
qu'un  Religieux  profès  dans  une  Religion  approuvée 
fait  de  cette  Religion  de  fbn  autorité  privée  ,  dans 
le  defiein  de  ne  plus  retourner  dans  fcn  Monaftere, 
mais  de  vivre  dans  le  Monde,  ou  comme  un  Laïque  , 
ou  comme  Clerc  j  (bit  qu'il  quitte  l'Habit  de  Ton  Or- 
dre, fbit  qu'il  le  con(erve. 

On  doit  conclure  de  cette  définition  qu'un  Reli- 
gieux ,  qui  ayant  une  cau(è  légitime ,  abandonne  avec 
tlirpenfe  du  Pape,  la  Religion  qu'il  avoit  embrafTée, 
n'efl  pas  Apodat,  ni  celui  qui  ed  promu  àl'Epilcopat, 
ni  même  celui  qui  lans  difpenfe  du  Pape,  le  retire  dans 
un  Ordre  moins  auilere ,  quoique  celui-ci  pèche.  Bien 
plus,  les  Canonilles  difent  qu'un  Religieux  qui  fort 
de  fbn  Monallerepar  libertinage  pour  quelque  temps  > 
encore  qu'il  quitte  Con  Habit,  n'eft  pas  cenfé  au  for 
de  la  conscience  ctre  tombé  dans  l'Apodafie  ,  pourvu 
qu'il  ait  la  volonté  de  retourner ,  parce  qu'ils  eftiment 
que  le  defTein  de  ne  plus  retourner  dans  la  Religion  , 
eft  une  condition  effentielle  à  i'Apofta/îe.  Cela  n'em- 
pêcheroit  pas  que  dans  le  fer  extérieur,  il  ne  fût  ré- 
puté &  puni  comme  ADofîat. 

On  peut  déHnir  l'Hérélie  une  erreur  manifeôement 
tDppoféeà  quelque  article  de  Foi  que  l'Eglife  nous  pro- 
pofè  de  croire,  &  fbutenue  avec  opiniâtreté  par  une 
perlbnne  qui  a  été  baptifje, 

L'Héréiie  eft  une  erreur ,  c'eft-à-dire ,  un  jugement 
de  l'entendement  ,  qui  croit  qu'une  chofè  véritable 
eft  fauiïe,  ou  qu'une  chofe  fauflii  efl  véritable.  Si  ce 
jugement  regardoit  toute  la  Foi  Catholique  en  gé- 
néral ,  ce  ne  fèroit  pas  Hérélîe,  mais  Apolhfie;  mais 
auffi  fi  ce  jugement  ne  regardait  qu'un  feui  article 
de  Foi ,  ce  (e^-oit  une  Héréiîe,  s'il  y  avoit  de  l'opi- 
niâtreté ,  quoiqu'on  approuvât  tous  les  autres  arti- 
cles ;  &  on  ne  pourroit  pas  dire  que  celui  qui  (eroit 
dans  cette  erreur  a  corfervé  la  Foi ,  puifju'ii  n'admet- 
troit  les  autres  articles  de  Foi ,  que  parce  qu'ils  lui 
femblent  vraifèmblables  ,  &  non  parce  que  FEglile 
^s  lui  propofe  connue  révélés  de  Dieu. 

C  iv 


y  6  Conférences  d'Angers  j 

On  a  dit  que  l'Héré/îe  eft  une  erreur  oppoféeà  quel- 
que article  de  Foi,  que  l'Eglifè  nous  propofe  de  croi-' 
re  ;  car  un  Sentiment  contraire  à  une  vérité  que  l'E- 
glife  ne  nous  oblige  pas  de  croire ,  parce  qu'elle  ne  la 
regarde  pas  comme  immédiatem.ent  révélée  de  Dieu  , 
n'eft  pas  une  héré/îe ,  mais  une  opinion  erronée.  C'eft 
pourquoi  le  Concile  de  Confiance  dans  la  SeiT.  8.  di- 
Singue  entre  les  Proportions  hérétiques,  &  celles  qui 
font  erronées ,  &  qui  fentent  l'héréfie. 

Une  proportion  hérétique  eft  celle  qui  eft  forrn^l*- 
ïement  oppofée  à  une  vérité  qui  eft  évidemmentrd& 
foi,  étant  reconnue  pour  telle  parTEglile,  qui  nous  - 
oblige  de  la  croire;  Ibit  que  cette  vérité  Coit  énoncée 
en  termes  exprès  dans  l'Ecriture  iainte,  fbit  qu'elle 
ibit  feulement  fondée  fur  la  Tradition.  Une  Propofî- 
lion  erronée  eft  celle  qui  eft  oppofëe  à  une  vérité 
que  l'Eglife  approuve  comme  paroiffant  fiiivie  d'une 
vérité  révélée  de  Dieu,  mais  que  l'Eglife  ne  nous  pro- 
pofe pas  comme  un  article  de  Foi ,  ne  la  jugeant  pas 
immédiatement  révélée  de  Dieu. 

Celui  qui  s'attache  à  fbutenir  une  opinion  erronée^ 
en  matière  de  foi ,  pèche  très-griévement ,  quand  il 
a  été  repris  de  fbn  erreur  par  d'iiabiles  gens  qui  lui  en 
onr  fait  voir  les  mauvaifes  conféquences. 

Un  Catholique  ne  devient  point  Hérétique  jufqu'à 
ce  qu'il  fbutienne  fbn  erreur  avec  opiniâtreté,  c'eft- 
à-dire ,  avec  deffein  de  contredire  la  parole  de  Dieu 
ou  la  dccifion  de  l'Eglife  quand  elle  lui  eft  connue. 
S.  Auguflin  le  dit  nettement  dans  le  Livre  4.  du  Ba- 
ptême contre  les  Donatilles,  chap.  16.  Iftum  H^reth^ 
cum  nondum  dico  ,  nifi  mamfejlata  Jîbi  Do£îrinà  Cathc^ 
licœ  Fidei  refi/Jere  maluerit ,  &  illud  quod  tenebat,  e/f- 
gerit.  Mais  luivant  le  fentiment  de  ce  Saint  Docteur , 
dans  le  Liv.  18.  de  la  Cité  de  Dieu ,  chap.  5  i.  ceux-là 
ibnt  Hérétiques  qui  perfiilent  à  foutenir  de  mauvaifes 
opinions  en  matière  de  Foi ,  quand  ils  fçavent  que 
l'Eglife  les  a  condamnées ,  ou  qu'elle  a  décidé  le  cort- 
traire  *^.  ■ 

c  Qui  ergo  în  Ecclefia  Chri-  [  num  rcflumque  fapiant ,  refî- 
fti  .noibidiim  aliquid  pravum-  fluni  contumacittr ,  fuarjiic  pc 
«juc  fajt'iunt  j  fi  coiiep»  \x\  fa-  l  ftifeia  &   SftQriifcra  Uogaiacî 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,       ^7 

11  y  a  donc  deux  chofès  absolument  requifês  pour 
faire  l'Hcrctique  ,  (Ravoir  ,  une  erreur  dans  l'entende- 
ment manifeftement  oppofce  à  quelque  article  de  Foi, 
&  ropiniâtretc  dans  la  volonté,  qui  ne  veut  pas  le 
fôûmettre  à  ce  que  l'Eglifê  nous  oblige  de  croire.  Auflî 
voyons-nous  que  quand  i'Egli(e  condamne  les  erreurs 
des  Auteurs  qui  ont  fournis  leurs  (entimens  à  Ion  juge- 
ment, (bit  qu'ils  (oient  morts,  (bit  qu'ils  (oient  en- 
core vivans,  elle  épargne  leur  per(bnne,  8c  (e  con- 
tente de  prononcer  une  cenfure  contre  leurs  Dogmes, 
K^ous  en  avons  un  fameux  exemple  dans  la  perlonne 
de  FAbbé  Joachim  ,  dont  la  dodrine  fut  profcrite  par 
le  IV.  Concile  deLatran,  (bus  le  Pape  Innocent  III, 
làns  que  (on  nom  y  fût  flétri  en  aucune  manière  ^. 

On  eft  cenfé  défendre  avec  opiniâtreté  (bn  erreur, 
non-feulement  quand  on  fc^-ait  que  l'opinion  dont  on  a 
fait  choix  efl  contraire  à  la  Foi  que  Dieu  a  révélée, 
ou  àunedéci/îon  de  l'Eglifê  Catholique,  &  qu'on  per- 
fide à  y  adhérer,  mais  aufli  iorfqu'encore  qu'on  igno- 
re que  fbn  opinion  (bit  contraire  à  la  Foi,  &  que  mê- 
me on  f^ache  qu'elle  n'a  pas  enclore  été  condamnée  par 
l'Eglifê  ,  on  ell  dans  le  defTem  de  ne  s'en  pas  départir, 
mais  au  contraire  de  perfîfter  a  la  fbûtenir ,  quand  mê- 
me l'Eglifê  la  condamneroit  dûiis  la  fuite. 

Pour  celui  qui  eu.  dans  l'erreur  ,  ne  (cachant  pas  que 
l'Eglifê  ait  condamné  fbn  opinion,  ni  qu'elle  fbit  con- 
traire à  la  Foi ,  mais  qui  e(ï  dans  la  difpofition  d'ef^ 
prit  de  s'en  tenir  au  (entiment  de  l'Eglifê,  quand  elle 
aura  porté  fbn  jugement ,  il  n'eft  pas  cenfé  défendre 
fon  erreur  avec  opmiâtreté.  C'efl  fur  ce  fondement  que 
nous  avons  dit  qu'on  excufbitd'Hérélîe  celui  qui  avant 
que  l'Eglifê  ait  prononcé  fc)n  jugement  fur  une  que- 
ftion ,  a  déclaré  qu'il  fbumettoit  fbn  fèntiment  à  la 
décifîon  de  l'Eglifê  ;  car  on  prélume  qu'il  parle  fîn- 
cerement.  Si  l'ignorance  fait  dire  à  ceux-ci  quelques 

emcndare  nolunt ,  fcH  defcnfa-  î  etiam  corrigenda  ,  dlélans  Epi- 


re  pcrfîftunt ,  Hsererici  fî.inr^ 

d  (^In^niam  idem  Joachim 
omnii  fcrip;a  (iia  nobis  alTi- 
gnari  mandaverit,  Àpollolics 
Se  dis  Judicio  approbauda  ,  feu  | 


ftolam  ,  cui  propriâ  manu  fiib* 
fcripilt,  in  qiia  hrmiter  confît?- 
t'jr  le  illamFidcmienere,(juaïn 
Komana  cenct  EcclcHa. 

Ç  V 


j^  Conférences   d* Angers  ; 

paroles  qui  ne  (oient  pas  orthodoxes ,  la  difpo/îtion  ^ 
leur  cœur  les  rend  Catholiques  par  avance.  S.  Augu- 
ûin  en  juge  ainfî  dans  le  Livre  3.  de  l'Ame  &  de  Ton 
origine,  chap.  15.  ^  On  peut  encore  voir  ce  que  dit 
ce  Père  dans  la  Lettre  ï6i,  qui  efl  la  43.  félon  la  nou- 
velle édition. 

Par  la  même  raifon  ,  S.  Thomas  dans  la  2. 2.  q.  i  r. 
art.  2.  dans  la  réponfe  à  Fobjedion  3.  excufe  d'Hère- 
fîepluiieurs  Dodeurs,  qui  ont  avancé  des  erreurs  dans 
des  matières  de  Foi  que  l'Eglife  n'avoit  pas  encore- 
décidées,  .  ;    . 

Quoique  celui  qui  ell  prêt  de  corriger  (on  erreur^ 
quand  il  Icaura  qu'elle  eil  condamnée  par  TEglifè,  ne 
Ibit  pas  Hérétique ,  néanmoins  il  n'efl  pas  exemt  de 
péché ,  il  Ton  erreur  vient  d'une  ignorance  cralTe  &  af- 
îeâée,  dans  laquelle  il  n'eft  que  par  fa  faute;  igno^ 
rant  ce  qu'il  doit  Içavoir  &  qu'il  a  pu  apprendre. 

L'Héré/ie  peut  être  purement  intérieure ,  c'ell-ài-^ 
dire,  être  aufonddel'ame,  fans  fe  manifefler  au-de- 
hors,  ou  purement  extérieure,  comme  elle  eiî ,  quand 
les  lignes  extérieurs  d'Héréiie  ne  procèdent  pas  d'un 
clprit  hérétique..  Elle  eft  intérieure  &  extérieure  tour 
!enlemble>  lorlqu'on  adhère  avec  opiniâtreté  à  quel- 
que eri-eur  contraire  à  la  Foi ,  &  qu'on  le  fait  connoi-- 
xre  au-dehors.  L'PIéré/îe  [n'efl  un  cas  rélervé  ,  que 
îorlqu'elle  a  ces  deux  qualités  ,  l'Eglile  n'étant  point: 
dans  l'ufàge  deréierverles  péchés  purement  intérieurs 
d  caufe  de  la  difficulté  qu'il  y  a  de  difcerner,  fi  les 
ades  intérieurs  font  volontaires  ou  non.  Même  il  y  a 
bien  des  Diccèfes  où  i'Héréfie  n'efl  un  cas  rélervé  que 
îorfqu'elle  efl  publique  en  quelque  manière.  Cette 
condition  ef^  requife  dans  ce  Diocèfe  ;  &  c'efl  en  ce 


e  Ablît  autem  utte  arbitre- 
ris  ,  haec  opin^ndo  ,  à  Fide  Ca- 
tholicâ  recefTiIie,  quamvis  ca 
lînt  Fidei  adverfa  Catholi.  se  ; 
fi  coram  Deo  ,  cujus  n\  niiUins 
corvée  ociihis  faliitur ,  vcraci- 

tei  dixifie  refi  icis ftu- 

«3ere  te  fen^iper  etiara  propriam 


rabllis  iletegarur,  co  qi  od  f?» 
tibi  cordi ,  proprio  dami.ato 
judJcio  ,  mtliora  magis  ,  & 
<jùa  fînt  veriora  f«dari,  Mis 
quippe  aninnis  ctiam  in  d'di» 
ptr  ignorantlam  non  Carhoii- 
cis  ,  ipsa  eft  correftionis  prae-^ 
meditatione  ac  ptsepaution^ 
,  CatholicUî». 


fur  Us  Commandemcns  de  Dieu,       yp 

fêns  qu'on  doit  prendre  ces  paroles  de  la  Table  des 
cas  rcfervcs.  Hitrejis  Ù"  hchi'ma  ,  quts  quis  esterius 
apertè projuetiiy.  Cependant  les  Canonises  cilimentque 
celui  qui  eft  véritablement  Hérétique  d.ms  le  cœur» 
encourt  l'excommunication,  quand  il  donne  quel- 
ques lignes  extérieurs  de  Ion  héré/îe,  encore  qua  per-- 
lonne  n'ait  remarqué  ces  figues.  Il  fuffit  qu'ils  (oient 
fentîbles. 

Ceux  qui  par  légèreté ,  par  complaifTince  ou  par 
crainte  ,  avanceroicnt  queljues  propo/îtions  héréti- 
ques ,  ou  donneroient  des  lignes  extérieurs  d'héréfie, 
^mais  qui  conferveroient  intérieurement  la  Foi ,  quoi- 
qu'ils fuflent  de  mauvais  Chrétiens,  ils  ne  (èroieni: 
pas  proprement  Hérétiques  ;  ainfî  leur  péché  ne  fè-oit 
pas  un  cas  réiervé.  Se  ils  n'encourroient  pas  l'ex- 
communication portée  contre  les  Hérétiques  ;  car 
TEglile  ne  la  prononce  que  contre  ceux  qui  font  vé- 
ritablement Hérétiques,  c'eil-à-dire ,  qui  le  font  in- 
térieurement &  extérieurement  ;  néanmoins  ils  lè-: 
roient  conlidérés  comme  Hérétiques  dans  le  for  exté- 
rieur, &  ils  doivent  le  comporcer  comme  s'ils  étoient 
excommuniés  ,  à  l'égard  de  ceux  qui  ((gavent  leur 
faute  ,  &  qui  ignorent  s'ils  font  Catholiques  dans 
J'ame. 

On  n'excufepas  d'Héréfte  ceux  qui  veulent  qu'oit 
rexamine  les  queftions  en  matière  de  Foi,  lorlque. les 
Papes,  ou  les  Conciles  Nationaux  ou  Provinciaux, 
ont  décidé  ce  qu'on  en  doit  croire ,  Se  que  leurs  déci- 
fions  (ont  approuvées  par  le  confèntement  de  i'Eglile  , 
fbit  exprès ,  foit  tacite  ;  car  ces  fortes  de  gens  mar- 
quent par-là  qu'Us  refufent  opiniâtrement  de  Ce  (bu- 
mettre  à  l'autorité  de  l'Eglifè,  ne  voulant  point  ac-» 
-quiefcer  à  fon  jugement. 

Le  droit  d'abfoudre  de  VHéréCie  appartient  incon-* 
teflablement  aux  Kvéques.  Ils  peuvent  non-feulement 
abfoudre  dans  le  Tribunal  de  la  Pénitence  de  THéréfie 
fecrerte  &  cachée,  ain'i  qu'il  eft  marqué  parle  Conci- 
le de  Trente  dans  la  Seff.  24.au  chap.  6.  de  la  Réforma- 
tion ;  ils  ont  aufll  le  pouvoir  de  reconcilier  à  Dieu  par 
l'abfolution  (cK--amentelie  les  Hérétiques  déclarés  de 
tonnus.  publiquement  ^our  tels  ^  Si,  celui  de  les  faire 


'£o  Conférenses   d'Angers, 

rentrer  dans  le  fein  de  l'Eglile  ,  en  leur  donnant  Tab-' 
Iblution  des  cenfures  ,  après  avoir  reçu  leur  abjura- 
tion. L'Eglife  a  reconnu  ce  pouvoir  dans  tous  les  fic- 
elés» 

Nous  voyons  dans  le  dernier  chapitre  du  Livre  ^, 
de  la  vie  de  Conflantin ,  écrite  par  Eufebe  ,  que  les 
Evéques  admettoient  à  la  Communion  de  l'Eglife  , 
les  Hérétiques,  qui  à  l'occa/ion  des  Edits  de  cet  Em- 
pereur ,  fe  préfèntoient  à  eux  pour  faire  abjuration  de 
îeurs  erreurs.  ;  •  *■  ^ 

Le  premier  Concile  de  Conlîantinople ,  qui  èjtl  le  ' 
iêcond  général,  laifla  aux  Evéques  par  le  Canon  7.  le 
loin  d'exécuter  tout  ce  qui  avoit  été  prelcrit  par  le 
Concile ,  pour  la  réconciliation  des  Hérétiques   qui 
leviendroient  à  l'Eglifè, 

S.  Bafile  dans  la  Lettre  ^4.  aux  Occidentaux  ,  nous 
apprend  qu'Euftathe  de  Séballe  ayant  fait  abjuration 
^e  l'Arianiiine  entre  les  mains  d'Hermogene,  Evé- 
que  de  Céfàrée,  reçut  de  lui  rabfolution  de  l'Hé- 
réiîe. 

Le  Pape  Sirice ,  dans  la  Lettre  à  Himere  de  Tar^- 

fone ,  attelle  que  fuivant  la  décifîon  du  Concile  de 
ficée ,  les  Hérétiques  qui  revenoient  à  i'Eglife ,  y 
ctoienr  reçus  par  l'impoiîtion  des  mains  des  Evéques. 

Il  eft  rapporté  dans  l'adion  6»  du  Concile  d'E- 
phèle,  que  ceux  d'entre  les  habitans  de  Philadelphe 
qui  avoient  été  infeâiés  de  l'héré/îe  de  Neflorius ,  l'ab^ 
jurèrent  devant  Théophane  leur  Evéque. 

Le  fécond  Concile  d'Arles  de  l'an  451.  parle  dans 
le  canon  17.  de  la  Réconciliation  des  Hérétiques,  d'une 
jnaniere  qui  fait  bien  connoître  que  c'étoit  l'Evéque 
qui  les  failoit  rentrer  dans  la  communion  de  TEglifc. 
Le  premier  Concile  d'Angers,  tenu  en  Fan  453.  le 
jnarque  aufli  fort  clairement  dans  le  canon  12. 

Luce  IIL  qui  fut  élevé  fur  le  Saint  Siège  au  moii 
d'Août  de  l'an  1181.  reconnoît  dans  le  chapitre  Ad 
fibolend^m,  de  Hûereticis ,  que  les  Evéques  font  enpo^ 
felTion  de  recevoir  les  abjurations  des  Hérétiques  ,  & 
de  les  réconcilier  à  Dieu  &  à  I'Eglife. 

Bonif^ice  VIII.  dans  le  chap.  Ver  hoc  &  dans  les 
^€ux  fuivans,  au  iixeds  Hisrmdi  in  (i\  déclare  q^iiè 


fur  les  Comman démens  de  Dieu*       6t 

les  Evcques  ont  le  même  pouvoir  que  les  Inquifîteurs  j 
pour  tout  ce  qui  regarde  les  Hérétiques. 

Les  Statuts  Synodaux  de  plu/ieurs  Diocc(ès  faits  en 
divers  temps,  nous  fournirent  des  preuves,  comme 
les  Evcques  ont  ufé  de  ce  droit. 

Par  les  Ordonnances  S)  nodales  de  Guillaume  de 
Beaumont,  Evcque  d'Angers  ,  faites  en  l'an  \z\6.  il 
ell  ordonné  qu'on  renverra  les  Hérétiques  àTEveque, 
pour  recevoir  de  lui  Tablblution  de  leur  crime. 
,  Les  Statuts  Synodaux  du  Diocèie  d'Amiens,  faits 
en  l'an  i-^  i  i.  N.codeme  de  l'Escale,  Eveque  de  Fri- 
fingen  ,  dansles  ConiKtutions  qu'il  fit  en  1440.  &  Jean 
de  Reli ,  Evcque  d'Angers ,  dans  les  Ordonnances  qu'il 
publia  en  (on  Synode  de  l'an  I45'3.  failànt le  dénom- 
brement des  cas  rélervés  à  l'Eveque  mettent  l'Héréfie 
au  nombre  de  ces  cas,  &  défendent  aux  Prêtres  d'en 
ablbudre. 

Les  Bulles  in  Ccena  Domîni ,  publiées  par  Pie  V. 
Sixte  V.  &  Grégoire  XIIL  avoient  fait  douter  quel- 
ques-uns ,  fi  ce  droit  n'étoit  point  rcfèrvé  au  Pape, 
Ce  qui  donna  lieu  aux  Pères  du  Concile  de  Rouen  de 
l'année  1 5  8 1.  &  à  ceux  du  Concile  de  Tours  tenu  en 
1583  de  demander  à  Grégoire  XIIL  qu'il  accordât  aux 
Evcques  de  ces  Provinces ,  le  pouvoir  d'ab(oudre  les 
Hérétiques.  Voici  les  termes  de  la  Relation  du  Con- 
cile de  Rouen  au  Pape ,  qui  ell:  à  la  fin  de  ce  Con- 
cile ^  Les  Pères  du  Concile  de  Tcurs  prièrent  en  ou- 
tre le  Pape  de  vouloir  accorder  ce  pouvoir  à  leurs 
Vicaires  Généraux,  leurs  Officiaux,  &  leurs  Péni- 
tenciers, reconnoiiîant  qu'il  leur  étoit  interdit.  Afuii 
Sanfihate ... .  Jupplex  Synodus  quam  potejî  ejjlagitat 
«bnixè  ut  Epifcopis  ProvincLs  eorumque  Vicariis  Officia'* 


/CircaDecretiim  cîecafihus 
rcfervatis  ,  ubi  dicittir  ex  Con- 
cilio  Tridentino  Epifcopos  ab- 
folvcre  ab  Hxre(l,videtiir  con 
ira  Buliam  de  Cœna  Doniini, 
&  rtTcrva;iorirm  f.'.Jtnm  ptr 
DD,  Pios  Qiiartum  &  Quin- 
tnm  ,    ffd  potius  pliires  tnane- 

Jpuiit  in  hxicii  ;  ç^iaiQ  pio^ tci 


eam  mîttant  ad  Sedem  Apofto» 
licam ,  &  intereà  dum  mittitur  , 
&  expCi^tatiir  abfoliitio  ,  mul- 
tx  incidcre  poflfunt  tentatio-» 
nés  ,  &  mutationes.  Ideo  hu- 
millimè  fupplicant  Epifcopi  , 
uc  dignetur  Sua  Sanclitas  illia 
poreft  tem  ex  DecreioTtidcft^ 
tini  ccnccdciej 


è2'  Conférences  d^ Angers  l 

libus  &  Vœnhentiariis  faciiltatem  ab  hœrefi  abfolvendii 
ac  Hareticos  Ecclejia  reflituendi  ils  iinerdictam ,  conce-* 
dere  dignetur,  Quofacilius  Harefis  lahe  infecli,eâdem  eju- 
raid  ,  ad  Ecclejiœ  Catholicx  gremium  revenantur. 

La  Congrégation  des  Cardinaux  ,  interprètes  du 
Concile  de  Trente ,  a  même  déclaré  que  le  Pape  Pie  V. 
avoit  dérogé  au  Décret  de  laSeffion  24.  du  Concile  de 
Trente,  &  qu'ainfî  les  Evéques  n'avoient  plus  le  pou-» 
voir  d'abfcudre  de  THéréiie  au  for  de  la  conicience, 
C'eft  aufTi  le  fentiment  de  plu/leurs  Dodeurs  Uitra^ 
montains,  qui  font  cités  par  Barbo(à  fur  le  chap.^. 
de  la  Se/ïion  24.  du  Concile  de  Trente. 

Mais  outre  que  ces  Bulles  de  Pie  V.  de  Sixte  V.  & 
de  Grégoire  XIII.  ne  {ont  pas  reçues  dans  le  Koyau-» 
me  &  n'y  font  point  Loi ,  elles  ne  renferment  aucune 
claufe  dérogatoire  au  Décret  du  Concile  de  Trente. 
Quelle  apparence  y  a-t-il  que  ces  Papes  euiïent  voulu 
oter  aux  Evéques  un  droit  dont  ils  font  en  polTeflîon 
immémoriale,  &  qui  a  été  reconnu  par  les  Conciles  & 
par  les  anciens  Papes  ? 

La  chofe  ne  fouffre  à  préfênt  aucune  difficulté  en 
France,  &  la  pratique  de  toutes  les  Eglifes  du  Royau- 
me, eft  uniforme  fur  cefùjet.  On  n'y  regarde  point 
le  Concile  de  Trente  comme  la  règle  pour  recevoir 
l'abjuration  de  THéréfie,  &  abioudreles  Cendires  qui 
y  font  attachées  ;  puifqu'il  ne  permet  aux  Evéques 
que  d'abfbudre  de  î'Héréiie  cachée  ,  &  qu'il  réferve  à 
eux  fèuls  ce  pouvoir.  Reflridion  qui  n'a  point  lieu 
dans  le  Royaume  ;  au  contraire ,  comme  remarque 
M.  de  Sainte-Beuve  dans  le  tome  de  Tes  Réfblutions. 
cas  5)1.  L'ufàge  de  toutes  les  Eglifes  de  France  efl, 
que  non-feulement  les  Evcques  ,  mais  encore  leurs 
grands  Vicaires  &  leurs  Pénitenciers ,  font  dans  la 
pratique  d'abfbudre  de  FHéré/ie  &  des  Cenfures- 
qui  en  font  les  peines ,  fans  que  les  Papes  qui  ne  peu- 
vent ignorer  cet  uGige,  s'y  oppofènt  ou  s'en  plaignent» 
Ils  font  par  conféquent  cenfés  y  confèntir  &  l'approu- 
ver. 

Bien  plus,  il  y  a  un  grand  nombre  de  Diocèfês  ou: 
la  Coutume  efl:  de  commettre  des  Prêtres  pour  rece— 
Iroir  rabjuratiou  des  Héiéci^ues  3^  &  leur  donuei  au 


fur  Us  Commandemens  de  Dien.       6^ 

fov  extérieur  ,  rabfcîlutlon  de  rficrc/îe  &  des  Cenfli-» 
res  qui  y  (ont  attachées.  Les  Rituels  d'Angers,  d'E' 
vreux,  de  Bourges,  de  Chartres,  de  Meaux,  &  le 
nouveau  Rituel  de  Paris ,  en  font  foi.  On  voit  par 
le  chapitre  26.  du  Concile  de  Mayence  de  Tan 
1^45'.  que  cet  ulage  étoit  déjà  établi  dans  le  Diccè(ê 
de  Mayence, 

Il  faut  empêcher  le  plus  qu'on  peut,  que  les /îm» 
pies  &  les  foibles  dans  la  Foi ,  ne  converfent  familieir 
rement  avec  les  Hérétiques.  L'Fglife  en  a  fait  des  dé* 
fenles  en  plu/îeurs  Canons;  & /i  en  d'autres  tem.s  elle 
'  fènible  permettre  aux  Fidèles  la  fréquentation  des  Hé> 
rétiques  ,  ce  n'eft  qu'à  ceux  qui  (ont  capables  de  les 
gagner  &  de  les  ramener  dans  Ion  lein. 

Laledure  de-  leurs  livres  étant  au  moins  une  (ôurc^ 
de  doutes  contre  la  Foi ,  il  eft  du  devoir  des  Fadeurs 
de  faire  comprendre  à  ceux  dont  ils  ont  la  diredion  ^ 
qu'ils  ne  peuvent,  ni  retenir,  ni  lire  les  livres  des  Hé^ 
rétiques ,  qui  traitent  de  la  Religion ,  (ans  en  avoir 
obtenu  la  permiflion.  Ceux  qyi  (e  Tentent  foibles  dans 
la  Foi,  ne  doivent  pas  la  demander,  a  moins  que  leur 
emploi  &  quelque  cau(è  légitime  ne  les  y  obligent. 

On  a  (buvent  éprouvé  que  la  ledure  des  Livres  hé-* 
rétiques ,  gâte  l'efprit  ;  non-(eulement  des  ignorant 
&  des  demi-f^-avans ,  mais  aufli  des  dodes  ;  car  la  do-^ 
étrine  des  Hérétiques  eft  comme  la  gangrené  ,  félon 
S.  Paul  dans  l'Epitrei.A  Timothée,  chap.  t,  s  C'elî 
par  cette  raifbn  qu'on  a  eu  grand  Coin  d'empêcher  que 
les  livres  des  Hérétiques  ne  fuflent  entre  les  n.ains  des- 
Fidéles ,  à  moins  que  leur  emploi  ne  les  engageât  à 
défendre  la  vérité  de  la  doArine  de  l'Eglife  contre  les 
attaques  de  (es  ennemis.  S.  Léon ,  dans  le  chapitre  I5'«- 
de  (il  Lettre  5? 3.  qui  eft  la  15.  dans  la  nouvelle  édition  , 
veut  qu'on  brûle  les  livres  des  Prilcillianilles.  Le  fe- 
eond  Concile  de  Nicée,  dans  le  Canon  p,  ordonne 
que  les  écrits  faits  contre  les  Images  ,  foient  portés  an 
Secrétariat  de  l'Evcquc  de  Conflantinople  ,  pour  y  ctr^i 
renfermés  avec  les  autres  livres  des  Hérétiques  ''. 


g  Setmo  eorura   ut  cancer 
fer}  ic. 
If-  OûMiia  ^uetilia  ludibiia  , 


infanafqtiç  dcbarchationcs  at» 
que  lOnlcriptrî  ,qiixf'ls6  con«^ 
U4  YCQcrabilcs  iniag;ne^  f^bt^i 


é^  Conférences    d^Jn^ers , 

L'Empereur  Conftantin  voulant  féconder  les  bonneî 
intentions  du  premier  Concile   de  Nicée ,  qui  avoit 


abominable  dodrine.  L'Ordonnance  de  cet  Empe- 
reur fe  trouve  dans  une  de  fes  Lettres ,  écrite  aux  Évê- 
ques  &  au  Peuple  ,  rapportée  par  Socrate  dans  le  Li- 
vre i.de  rhiftoire  Eccléfîaflique ,  chap.  6. 

Les  Fidèles  /impies  &  peu  inftruits  dans  la  Foi,  pe^> 
chent  en  lifànt  les  livres  des  Hérétiques,  &  même  les 
dodes  qui  les  li(ent  (ans  nécefTité  ,  ou  avec  danger 
évident  de  Ce  pervertir.  Cela  leur  eft  défendu  par  le 
Droit  divin  naturel ,  qui  nous  avertit  de  ne  nous  pas 
expofèr  au  péril  de  nous  perdre  ;  car  celui  qui  aime  le 
péril ,  y  périra  '. 

Ce  péché  eu  un  cas  réservé  à  l'Evêque  en  ce  Dio- 
cèfe.  Il  efl  employé  dans  l'article  14.  de  la  Table  des 
Casréfervés,  que  Charles  Miron  Evéque  d'Angers, 
fit  imprimer  dans  l'année  1615.  qu'on  trouve  à  la  page 
3éz.  des  Statuts  du  Diocèfe.  La  lecture  &  rétention  des 
livres  qui  traitent  ex  profefTo  de  Vhéréfie.  Les  Evéques 
d'Angers  ont  depuis  continué  de  le  mettre  au  nombre 
des  cas  réfervés,  excepté  M.  le  Peletier,  quifitdref^ 
fer  dans  l'an  i  <55> 3 .  une  table  où  il  ne  (e  lit  point  ;  mais 
M.  Poncet  de  la  Rivière ,  ayant  reconnu  que  (bus  ce 
prétexte  plu/ieurs  ner(bnnes  (e  licencioient  à  lire  des 
livres  remplis  de  l'Héréfie  Jan(ènienne  ,  fit  remettre 
ce  péché  dans  la  table  des  cas  réfervés ,  qu'il  fit  pu- 
blier en  fbn  Synode  de  l'année  17 1 1 .  LeClio  vel  retentio 
librorum  Hcereticorum. 

L'Eglifeen  condamnant  les  erreurs  de  certains  Hé- 
rétiques en  différens  tems ,  a  fait  des  défenfes  de  lire 
leurs  livres.  Nous  en  trouvons  dans  les  conciles  d'E- 
phèfê,  de  Calcédoine,  de  Confiance  à  l'égard  des  li- 


ftint,  «lari  oportet  in  EpiTcopio 
ConHantinopoleos ,  m  recon- 
daiitur  cumcaeterorum  Hfieti- 
eorum  libris.  Si  veto  quis  in- 
yemiis  fiierithaccocciilrare  ,  fi 
^uivieai  Epifcopus  9Ut  Presby 


ter,  vel  Diaconusfi;crit,  depo» 
natnr  ;  fi  vero  Mofiachus  ant 
Laïcus ,  anathcmarifetiir.^ 

i  '^\\\  amat  perici>limi ,  in  il-» 
lo  peribitf  Eçclu  3> 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,        6^ 

vres  de  Neftorius,  d'Eutyche,  de  Wiclef ,  dans  les 
Bulles  de  Léon  X.  &  de  Paul  III.  à  Tcgard  de  ceux  de 
Luther.  Nous  en  avons  de  particulières  dans  ce  Dio- 
cèse ,  qui  ont  été  faites  par  Fran<^ois  de  Rohan  &  Ga- 
briel Bouvery,  Evcques  d'Angers,  dans  leurs  Synodes 
de  If  13  ,  1514,  1515  ,  M  44.  pour  empêcher  qu'on  ne 
lût  les  écrits  des  Luthériens.  Mais  nous  ne  voyons  pas 
qu'il  y  ait  aucune  Ordonnance  Eccléliaftique,  généra- 
lement reçue  par-tout  ,  qui  interd^fè  abfôlument  la 
le(fture  de  tous  les  livres  Hérétiques  qui  ont  paru  )\.\C' 
qu'à  préfent ,  &  tous  ceux  qui  paroitront  dans  la  fuite. 
Il  eft  bien  vrai  que  dans  la  dernière  des  Règles  que  le 


vres  UCJCUUU5 ,   ijui  a.  clc  uiciic  pai  iuiuic  uu  v^unciicr 

de  Trente,  lefquelles  on  trouve  ordinairement  à  la 
fin  de  ce  Concile ,  &  encore  dans  la  Bulle  in  dxna  Do* 
mini,  il  eft  défendu,  fur  peine  d'excommun  cation  â 
encourir  parle  (eul  fait,  de  lire  les  livres  Hérétiques, 
Mais  nous  ne  pouvons  diflimuler  que  l'indice  &  la 
Bulle  in  Cœna  Domirà,  n'ayam  été  ni  publiés  ni  re- 
çus dans  ce  Royaume,  ils  n'y  font  pas  loi,  &  qu'ainfî 
on  n'y  encourt  point  l'excommunication  portée  nar 
ces  Conllitutions  Apoftoliques  pour  lire  les  livres  Hé- 
rétiques, quand  on  pèche  en  les  lifànt  :  mais  aufîi  il 
■faut  demeurer  d'accord  qu'on  encourt  cette  cendire  ,  /î 
elle  eft  prononcée  par  les  Ordonnances  particulières 
des  Diocèles. 

Nous  avons  dans  le  Diocèfè  d'Angers  des  Statuts 
faits  par  Charles  Miron  dans  les  atinces  if5>4,  1600, 
&  T6if.  qui  menacent  d'excommunication  ceux  qui 
retiennent  ou  qui  lilent  des  Livres  hérétiques.  D^yèK- 
dû}2s  a  tomes  perfonnes  de  noire  Diocèfe  la  let'ture  ,  ô^ 
rétention  des  Livres  hérétiques  ,&  oh  ils  feront  trouvés-, 
ordonnons  iceiix  être  bridés  y  fur  peine  d'excommunica- 
tion contre  ceux  qui  les  liront  ou  retiendront. 

Il  faut  au  fil  demeurer  d'accord,  qu'un  Evêquc  qui 
s'apperçoit  que  lès  Diocéfains  fe  corrompent  par  la 
ledure  d'un  livre,  peut  la  leur  interdire  fur  peine 
d'excommunication,  à  encourir  par  le  (èul  fait;  & 
tn  doit  tenir  jpour  certain  ^que  û  k  Pape  en  condai^ 


"§6  Conférences   d* Angers  ; 

nant  quelque  Propo/îtion  d'un  livre,  avolt  défendu 
de  le  garder  eu  de  le  lire ,  fur  peine  d'une  telle  cen- 
lui-e,  &  que  (a  Bulle  eût  été  reçue  dans  le  Royaume, 
ceux  qui  retien droient  ou  liroient  le  livre  fans  per-, 
jniirion  ,  encourroient  la  cenlîire. 

Les  Evéques  de  France  font  en  droit  &  en  pofrefTion 
de  donner  la  permiffion  de  lire  les  livres  défendus, 
comme  a  remarqué  M.  de  Sainte-Beuve  dans  le  troi- 
fîeme  tome  de  Tes  Réfbiutions. 

C'eft  le  lèntlment  le  plus  commun  parmi  les  Doc- 
•leurs  de  la  Faculté  de  Théologie  de  Paris  ,  qu'en 
France  où  l'Inquifltlon  n'eft  point  érabiie,  les  Doc- 
teurs en  Théologie  ont  de  droit  la  permifïion  de  lire 
les  livres  défendus;  car  étant  inftitués  non-feulement 
pour  expliquer  les  Ecritures  fàintes ,  &  enseigner  la 
Dodrine  de  i'EglKe,  mais  aulTi  pour  en  défendre  la 
vérité  contre  tous  ceux  qui  l'impugnent,  &  réfuter 
leurs  erreurs  qiu  s'élèvent  contre  la  Foi  ;  étant  de  pluj 
en  pofTelliGn  de  porter  un  Juge:r  enr  dodrinal  des  li- 
vres ^  d'y  donner  leur  approbation  ,  il  leur  faut  lire 
toutes  fortes  de  livres ,  autrement  ils  ne  pourroisnt 
fàtisfaire  à  leurs  devoirs  :  ils  font  donc  cenfés  avoip 
Ja  permiiïion  de  les  lire. 

Ce  qui  ert  rapporté  de  Denis,  Evcque  d'Alexan-*» 
drie,  par  Eufebe  dans  le  liv.  7.  de  Trlilioire  Ecclé^ 
fîailique  au  chap.  6.  félon  la  ver/ion  de  Chriflophor.-» 
fbn  ,  pourroit  fervir  à  appuyer  ce  raisonnement.  Eu- 
febe dit  que  ce  grand  Eveque ,  ayant  été  averti  par  un 
de  fes  Prêtres  de  s'abftenir  de  la  iedure  des  livres  des 
Hérétiques  ,  à  laquelle  il  fe  donnoit  fréquemment , 
eut  une  vi/îon,  &  entendit  une  voix  du  Ciel  qui  i'ex- 
hortoit  de  continuer,  parce  qu'il  étoit  ferme  dans  la 
Foi  ,  &  qu'il  avoit  été  appelle  pour  confondre  le$ 
Hérétiques  ^, 


t  At  cùm  quidam  ex  numéro 
Presbyterorum  me  veiaret  de 
terreretque  à  legendo,  ne  turpi 
pravitatis  &  peiveiTa;  eorum 
doâ:rin£  coûii"»  confamina- 
rer  ,  meam  cnim  mentem  eo- 
f^m  iabe  poiluiailcruit^  cùm- 


que  vers  meo  quidem  j^dicio  i 
diceret,  viHo  quardam  ccclitùf 
aci  me  dimllfa,  me  ronfirmavit  ; 
&  vox  ad  aores  ebpfa ,  man'fe- 
ftè  praerepit  ad  h'.mc  mo;Uim  • 
Omncslibros  qiiosfumi?  iiima- 
nus  2  evolve  fedulo  j  nam  fa» 


fur  Us  Commande  mens  de  Dieu,       6^ 

Ceux  qui  ont  la  permilfion  de  lire  les  livres  défen- 
dus ,  s'ils  voyent  que  leur  foi  foit  ébranlée  par  les 
doutes  que  cette  ledure  fait  naître  dans  leurs  efpnts, 
&  qu'ainfî  ils  (oient  expofés  au  péril  de  la  perdre,  ne 
peuvent  (ans  péclié  continuer  de  les  lire ,  (ous  pré-* 
texte  de  la  permiflion  qui  leur  a  été  accordée. 

Les  Pa(^eurs  doivent  aufll  prendre  toutes  les  précau- 
tions poiîîbles  pour  empêcher  la  le«fhire  des  Lyres  im- 
pies &  les  entretiens  trop  libres  (Iir  les  matières  de  la 
roi  &  delà  Religion,  qui  ne  (ont  que  trop  fré  ]uens 
.<lans  notre  (lécle;  car  plufleurs  Libertins  (è  font  un 
plaifir  de  faire  de  mauvaifcs  plai(antcries  (ur  les  cho- 
fês  (îiintes,  (e  moc quant  des  cérémonies  de  l'E^Kfe  & 
des  Minières  des  Autels  :  (e  jouant  des  Loix  divines. 
&:  Ecciéfiafliques  :  employant  les  paroles  de  la  (Iiinte 
Ecriture  pour  (butenir  leurs  railleries.  On  voit  crdi- 
nairemen'  que  ces  perfonnes  tombent  peu  à  peu  dans 
rinfenfîbilité  ,  &  qu'à  la  fin  ils  n'ont  plus  de  Reli- 

fion.  Ceux  même  qui  les  écoutent  avec  plaifir,  tomb- 
ent infenHblement  dans  ce  malliour.  Le  Concile  de 
Trente  ,  dans  la  Seflicn  4.  à  ia  fin ,  a  tdché  do  répri- 
îrier  cette  témérité,  en  condamnant  l'abus  des  paro-» 
les  de  la  (àinte  Ecriture,  &  enjoignant  aux  Eveques 
de  punir  ceux  qui  en  (croient  coupables. 

Enfin  nous  remarquerons  qu'on  pèche  contre  la 
Foi ,  quand  on  croit  que  tour  homm.e  peut  être  (àuvé 
de  quelque  (êcle  qu'il  {^gh  ,  pourvu  qu'il  croie  mxx. 
Dieu,  &  qu'il  vive  moralement  bien,  obfervanclea 
préceptes  de  la  Loi  naturelle. 

On  peut  aufîl  pécher  contre  la  Foi  par  excès,  eti 
croyant  qu'une  opinion  eft  un  dogme  de  foi,  laquelle 
ne  l'eil  véritablement  pas  ,  &  taxant  d'Hérétiques 
ceux  qui  font  dans  un  fentiment  contraire. 

tîs  habes  viriiim  &•  firrr.itatisad  |  erat  ,   cur  in  initio   ad  FideflB 
qujfq-.ie  tiimconvMctnJa  ,tiin>     Chiifti  Yocatus  fuetis* 
€Xf  loranda  j  at^uc   l.sc  caula  I 


fî'^i^'f» 


ZB  Conférences   d'Angers, 

XXXXXX)^  XXXXXXXXXXXXXXXX 

RESULTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 

t£S  COMMANDEMENS  DE  DIEU. 

Tenues  au  mois  de  Juin  1713. 


fjyjmwjBwaww— — ww 


PREMIERE     QUESTION. 

(^uejl-ce  que  VEfpérance  ?  Sommes-nous  obligés 

de  produire  des  ABes  d^Efpérance ,  ^  en 

quel  tems  f 

PA  R  le  mot  êiEfférance  ^  on  entend  quelquefois  la 
chofe  même  qu'on  efpere  ;  c'eft  en  ce  fens  que 
fàint  Paul  dit  dans  le  i.  chap.  de  l'Epitre  à  Tite  ,  £x« 
pédantes  beatam  ffem.  Quelquefois  on  entend  la  caufe 
qui  nous  fait  le  bien  que  nous  délirons  -,  c'eft  ainfî  que 
nous  difbns  à  Dieu  qu'il  eft  notre  efpérance  :  Çluo' 
niam  tu  es.  Domine ,  ff  es  mea,  Pfl  570.  Et  parce  que 
la  (àinte  Vierge  nous  obtient  par  Ion  interceffion  le  fe- 
coursduCiel,  nous  l'appelions  notre  efpérance  :  Vîta, 
dulcedo^  &fpesno/}ra.F?ir  le  terme  à^Efférancc  ^  nous 
prétendons  ici  figniiier  une  vertu  furnaturelle  &  les 
aftes  qu'elle  produit.  L'Apôtre  l'emploie  en  ce  fèns 
dans  la  première  Epitre  aux  Corinthiens ,  chapit,  13^ 
fimç  mnisnwmmfidçsf  S^cs^  Char it as. 


fur  les  Commanàemtm  de  Vleut        (5*^ 

L'Efpcrance  e(l  une  vertu  théologale  infufê,  par 
laquelle  nous  attendons  avec  confiance  &  certitude 
par  le  fecours  de  Dieu ,  la  béatitude  éternelle ,  &  les 
moyens  pour  y  parvenir. 

En  difiint  que  rEfpcrance  eft  une  vertu  infufe  ,  on 
veut  marquer  qu'elle  efl  une  habitude  furnaturelle 
que  nous  ne  pouvons  avoir  de  nous-mêmes  ;  c'eil  Dieu 
qui  la  répand  dans  nos  âmes.  Aufli  fâint  Paul  dans  le 
ch.  i<),  de  l'Epitre  aux  Romains  ,  l'appelle  le  Dieic 
d'efpérance  i  qui  nous  comble  de  paix  &  de  joie  dans 
n'être  Foi ,  afin  que  notre  efpérance  croifTe  toujours 
de  plus  en  plus  par  la  vertu  &  la  puiflance  du  S.  EC 
prit'i.  Et  c'ell  de  Dieu  que  nous  vient  toute  grâce  ex-« 
cellente  &  tout  don  parfait,  comme  le  dit  S.  Jacques 
dans  le  premier  chap.  de  ion  Epître  :  Omne  datum  of-«' 
tîmum  ô"  omne  donum  perfe^um  defurfum  ej}  defcendens 
^  Paire  luminum. 

On  la  nomme  Théologale,  parce  qu'elle  a  pouiî 
objet  Dieu  même ,  qu'elle  regarde  comme  notre  fin 
dernière  ,  qui  doit  faire  notre  bonheur  éternel ,  & 
comme  la  caufe  efficiente  de  notre  (alut,  que  nous  ne 
pouvons  opérer  Hins  le  (ecours  de  (a  grâce. 

Par  l'Efpérance ,  nous  attendons  la  béatitude  éter--; 
nelle  ;  car  l'ade  propre  de  Fefpérance  efl  un  défîr 
efficace  d'obtenir  la  béatitude  que  nous  concevons 
ctre  un  bien  difficile  à  avoir,  auquel  cependant  nous 
pouvons  arriver;  car  il  eH  certain,  comme  remarque 
liiint  Thomas  dans  la  i.  2.  q.  40.  art.  i.  qu'on  n'efperç, 
point  ce  qu'on  juge  ne  pouvoir  acquérir  '», 

Par  FElpérance  ,  nous  attendons  la  béatitude  ave0 
confiance  &  certitude;  car,  feion  le  langage  de  fàint 
Paul  dans  le  chap.  6.  de  l'Epitre  aux  Heureux ,  c'eft 
une  ancre  qui  nous  retient  attachés  aux  promefTesde 
Dieu  dans  les  tentations  de  cette  vie  <^. 

Nous  attendons  auiTi  les  moyens  néceiTaires  pour 
parvenir  à  la  vie  éternelle  ,  parce  que  ,  comme  dit  Iç 


a  Deus  aiitem  fpci  replcat 

vos  oninigaudio  &  pace  in  crc- 

dendo,  ur  abundetisin  Spe  & 

virtute  Spiritùs  fandi. 

b  Nuiius  movcciii  aJ  id  «^uod 


xftimnt  impofribile  adipiTci. 

c  Confugimiis  ad  tencndiin 
'iropofiam  fpem  ,  quam  ûcn^ 
anchorain  I.  ibcmuj  animât  ti;-* 
tam  ac  flniiani* 


^5  Conférences   (T Angers  ,* 

încme  Apôtre  chap.  6.  de  i'Epitre  aux  Romaîiis ,  la 
vie  éternelle  eftune  grâce  &  un  don  de  Dieu.  Gratta 
Dei  viia  aterna ,  &  que  félon  lui  dans  le  3.  chap.  de 
iai.  aux  Corinthiens,  nous  ne  fbmmes  pas  capables 
de  former  aucune  bonne  penfée ,  comme  de  nous- 
mêmes  ,  mais  ced  Dieu  qui  nous  en  rend  capables  ; 
/î  nous  croyions  pouvoir  obtenir  la  béatitude  par  nos 
propres  forces  fans  la  grâce,  ou  fans  faire  de  bonnes 
œuvres ,  notre  eipérance  feroit  vaine  ,  &  ne  feroit 
qu'une  pure  préfomption.  Il  faut  donc  attendre  de 
Dieu  les  moyens  nécelTaires  pour  arriver  à  la  vie  éterr 
nelle ,  c'eft-à-dire ,  les  grâces  qui  nous  (ont  données 
par  Jelùs-ChiH  pour  être  juiles  en  la  préfence  de 
Dieu ,  &  pour  faire  de  bonnes  œuvres  ;  car  il  faut  aufïi 
notre  coopération  pour  mériter  la  vie  éternelle. 

Par  l'Eipérance ,  nous  pouvons  même  attendre  de 
Dieu  les  biens  temporels,  comme  des  moyens  qui 
peuvent  fervir  à  nous  faire  arriver  à  la  béatitude  ;  caf 
nous  pouvons  efpérer  de  Dieu  tout  ce  que  nous  lui 
demandons  dans  la  prière  que  notre  Sauveur  nous  a 
enfeîgnée ,  &  c'eil:  Dieu  qui  donne  ces  biens;  m.ais 
nous  ne  devons ,  ni  les  fbuhaiter  ni  les  demander  que 
par  rapport  au  (alut,  c'eil-à-dire,  autant  que  Dieu 
juge  qu'ils  peuvent  nous  y  être  profitables. 

Nous  avons  dit  que  nous  attendons  la  vie  éternelle 
par  le  (êcours  de  Dieu ,  car  il  n'eit  pas  polîible  d'y 
parvenir  par  les  feules  forces  de  la  nature  ;  c'eil  pour- 
quoi on  dit  mieux  ,  nous  attendons  la  vie  éternelle  , 
qu'on  ne  4lt  nous  l'efpérons  ;  parce  que  comme  re- 
marque laint  Thomas  dans  la  î.  i.  q.  40.  art.  2.  dans 
la  répcnle  à  la  première  objedion.  Quod  aliqiiis  fpe-», 
ratper  pro-priam  viriuum  adipijci ,  non  dicimr  expec" 
tare  y  fed  jperare  tantum  ;  feu  proprie  àicitur  expcClare  ^ 
^uod  (pcrat  ex  auxilio  tir  nuis  adence. 

L'Eipérance  a  donc  pour  obiet  propre  &  principal 
3a  béatitude  éternclie ,  qui  con/îile  à  pofféder  Dieu. 
3Les  autres  bicrs  ij?irituels  ,  &  même  les  temporels  y 
€n  tant  qu'Us  nous  font  utiles  pour  le  falut ,  font  lôn 
pbiet  moins  principal. 

<^uoif]|iie  rEfprrance  ait  toujours  le  même  objet ,' 
çlle  n'eit  pas  Jia  mcme  en  tous  les  Chréùens,  EUe  ei{ 


fur  les  Commandement  de  Dieu,        ft 

Accompagnée  de  h  Charité  dans  les  uns  ,  elle  en  e{! 
fcoarce  dans  les  autres.  Quand  rEfpcrance  eft  féparce 
de  l'amour  de  Dieu,  elle  e(l  morte,  imparfaite,  in- 
forme, iniurrilànte  ,  &  elle  n'agit  que  rarement.  Elle 
en  efl  empêchée,  tantôt  par  les  reproches  de  la  mau- 
vaife  confcience.  Ilh-  f^crat ,  dit  Saint  Auguilin  fur  le 
Pfeaume  31.  qui  bonam  ccnfkntiam  gerit  ;  qiiem  vero 
pinpt  mala  confcicmîa  ,  retrahit  fi  àffe  ;  tantôt  par  la 
cupidité  qui  nous  tient  attachés  aux  biens  de  la  terre, 
&  nous  fait  oublier  ceux  du  Ciel,  lefquels  nous  n'eÇ- 
p,érons  point  /î  nous  ne  les  défirons  ardemment;  mais 
comment  les  dé/ire-t-on  /îon  ne  les  aime  pas?  Si  l'El^ 
pérance  agit  quelquefois  (ans  la  charité ,   Tes  œuvres 
quoique  (urnjturelles  ,   ne  font  que  des  dif|)o/itions  à 
la  iulHfication  ,  &  elles  ne  peuvent  mériter  la  vie  éter- 
nelle. Quand  rEfpéranceell  accompagnée  de  l'amour 
de  Dieu,  c'eft  une  efpérance  vive,  c'eft  i'efpérance 
des  bons  Chrétiens ,  félon  ce  que  dit  S.  Pierre  dans  fâ 
ï.  Epitre  ch.  î.  Benedicius  Det^is  &  Pater  Domini  nojîri 
Jefu-Chrifi ,  quificiindv.m  mifiriccràiam  Çnam  magnam 
regeneravtt  nos  in  fpcrn  vivam.  Cette  Elpérance  nous 
établit  dans  une  confiance  qui  n'eft  point  trompeulê. 
S.  Paul  nous  Taffure  dans  le  chap.  5,  de  l'Epitre  au)f 
Romains  ^.  Car  quand  notre  caur  ne  nous  condamne 
point,  nous  avoris  de  l'alTurance  devant  Dieu  *^. 

Il  n'y  a  que  les  Hérétiques  qui  confondent  la  Foî 
avec  rEfpcrance.  L'Apotre,  dans  le  13.  chap.  de  la 
première  Epitre  aux  Corinthiens  ,  les  didingue  trop 
clairement  pour  qu'il  relie  le  moindre  doute  llir  cela. 
Jstiric  auiim  manent  Fi  des ,  Spcs ,  CJiaritas ,  tria  Imc.  H 
met  non-feulement  une  diftcrence  entre  la  Foi ,  l'EA 

Î)ér«ince  6{  la  Charité,  mais  mcnie  une  oppofîtion  re- 
ative;  quand  il  ajoute  :  Majcr  autcm  horiim  ejî  Cha" 
ritas,  il  ne  regardoit  donc  pas  la  Foi,  l'Elpcrance  & 
la  Charité ,  comme  une  même  vertu  ;  car  on  ne  peut 
pas  dire  qu'une  chofe  foit  plus  grande  par  rapport  à 
jbi-mcme,  mais  bien  par  rapport  à  une  autre. 

Quand  nous  avons  dit  que  i'Efpérance  nous  fait  at-i 

d  Spes  aurcm  non  confun-  1  e  Si  cor  noPrirn  non  repre- 
<îit,qiiia  Charitas  Dâ  dlrfufa  j  hcndjiit  nos,  lî  luciam  habe"» 
^tin  coidibus  noihis.  I  taus  ad  Deum.  i.  Joan»  i^ 


^:2'  Conférences  d'Angers, 

tCi.dre  la  béatitude  avec  confiance  &  certitude,  nous 
n'avons  pas  prétendu  dire  qu'elle  ne  fiit  point  mêlée 
de  crainte.    L'Efpérance  eft  certaine  d'elle-même  , 
parce  qu'elle  eft  fondée  fur  la  promefle  de  Dieu ,  qui 
ne  peut  nous  tromper ,  &  qui  ne  le  veut  point  ;   fur 
û.  toute-puiffance ,  lur  fa  bonté,  fur  (a  miféricorde  ; 
c  eft  pour  cela  que  fàint  Paul  dit  dans  la  2.  Epitre  à 
Timothée  chap.  i.   qu'il  fçavoit  qui  étoit  celui  à  qui 
il  avoit  confié  fcn   dépôt ,  &  qu'il  le  croyoit  afTez 
puiffant  pour  le  lui  garder  ^,  Ain/î  l'Elpérance  (ûppo(è 
dans  notre  efprit  une  convidion  caufée  par  la  Foi»:: 
qui  nous  alTure  que  Dieu  eft  une  fource  inépuilabXe 
de  bonté ,  qu'il  eft  tout-puiiïant ,  &  qu'il  nous  a  pro^. 
mis  la  béatitude  éternelle ,  à  laquelle  il  nous  condui- 
ra,  fi  nous  fommes  fidèles  à  fa  grâce ,   comme  le 
Concile  de  Trente  l'enfeigne  dans  le  13.  chap,  de  la 
SelT.  6,  6  Mais  cela  n'empêche  pas  que  l'Efpérance  ne 
loit  incertaine  à  notre  égard ,  &  qu'elle  ne  doive  être 
mêlée  de  crainte  ,  parce  que  nous  pouvons  à  tout 
mojnent  manquer  à  ce  que  Dieu  dem.ande  de  nous , 
pour  arriver  à  l'effet  de  Tes  promeffes ,  &  que  nul  ne 
îcait  s'il  eft  digne  d'amour  ou  de  haine ,  &  s'il  perfé- 
verera  jufqu^à  la  fin  ^,  C'eft   pourquoi  le  Concile  de 
Trente  ajoute  à  ce  que  nous  en  venons  de  rapporter, 
ces  paroles  de  fàint  Paul  dans  la  première  Epitre  aux 
Corinthiens  chap,  i.  Que  celui  qui  croit  être  ferme, 
prenne  bien  garde  à  ne  pas  tomber  '.  Car  nous  avons 
tout  fujet  d'appréhender  que  nous  n'empêchions  par 
notre  faute ,  que  les  promeffes  de  Dieu  ne  s'accomplit 
lent  en  notre  faveur;  c'eft  pour  cela  même  que  S.Paul 
nous  avertit  de  travailler  à  notre  fâlut  avec  crainte  & 
tremblement  ^.  C'eft  être  téméraire  que  de  Ce  flatter 
qu'on  obtiendra  certainement  le  falut ,  mais  il  faut 
croire  que  Dieu  nous  le  peut  donner ,  &  que  même  il 


/  Scîo  cui  credidi ,  &  ccrtus 
ifuin  quia  potens  elt  depofitum 
fncum  fervarc. 

g  Deusenim,  nifi  ipfi  ho- 
Biines  illius  gratis  dcfuerint  , 
Jfîcut  cor^it  o]J4is  bonum }  iia 
g>erfîciet. 


h  Nefcit  homo ,  iitrum  amo« 
re,  an  odio  dignuî  fit.  Eccl.  9. 

i  Qui  fe  exiftimat  llare  ,  vi-s 
dear  ne  cadat. 

h  Cum  tim  re  &:  treraore 
vrftram  falutera  operamini. 
Ad  ttidi£,  a. 

veut 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,       Jj 

veut  le  donner  à  tous  ceux  qui  feront  avec  le  fecourîî 
de  (a  grâce  ,  ce  qui  cil  ncccffaire  pour  l'obtenir  ;  il 
faut  auflTi  avoir  la  confiance  ,  que  nous  ferons  de  ce 
nombre,  en  obfervant  les  Commandemens  de  Dieu. 
Cette  confiance  n'exclut  pas  toute  crainte  ,  elle  n'ex- 
clut que  le  dcfelpoir  ;  Se  la  crainte  ne  détruit  pas  li 
confiance  en  Dieu  ,  puifque  ,  félon  le  Prophète  ,  ceux 
qui  craignent  le  Seigneur  ,  ont  mis  au  Seigneur  leuc 
elpérance  '. 

Nous  devons  mettre  notre  efpcrance  en  Dieu  ,  &: 
ixg.n  en  autre  chofe.  Celui  quiefpere  en  Dieu,  n'eft  ja- 
mais confondu  '".  Dieu  feul  peut  nous  rendre  heureux, 
Duifqu'il  ell:  feul  tout-puifT.int  &  infiniment  bon  :  tout 
autre  appui  eft  un  appui  fragile  &  trompeur  ".  M.m- 
dit  eft  l'homme  qui  met  fa  confiance  en  autre  chofe  > 
&  heureux  eft  celui  qui  met  fà  confiance  au  Seigneur, 
le  Seigneur  fera  Ton  libérateur  °. 

Quoique  nous  devions  efpérer  en  Dieu  comme  en 
la  première  &  principale  caufe  de  notre  béatitude, 
nous  pouvons  efpérer  en  quelques  créatures  ,  parce 
qu'elles  contribuent  en  quelque  manière  à  nous  obte- 
nir de  Dieu  cette  béatitude  ;  c'eft  pourquoi  nous  nous 
p.drefTons  aux  Saints  ,  pour  obtenir  de  Dieu  les  grâces 
qui  lîous  font  néceflaires.  Licet  autem  J^erare  j  dit  S» 
Thomas  dans  la  i.  2.  q.  17.  art.  4.  de  aliquo  homme  , 
vel  de  aliqua  creatura  ,  ficut  de  agente  fecimdario  ô* 
injlrumentali  per  quod  alicjitis  adjuvatur  ad  quacitmque 
hona  confequenda  in  heatitiidinem  ordinata  ;  &  hoc  mo^ 
do  ad  Santios  convertimur ,  ô"  ah  hominibits  etiam  ali-^ 
qua  petimiis. 

Il  ell  nécelTaire  de  nécefTité  de  moyen  &  de  pré- 


l  Qui  liment  Dominum  , 
fperavenuit  in  Domino,  i'/aU 
113. 

m  D^iis  meus,  in  te  confîiîo, 

non  erubeftam Utiiv^ifi 

qui   Tiiftincnt  te,   non  cf^nhin 
deritur.  i^fal.  24.  Scirotequia 
nulliis  fjjcravit  in  D<-'mino  ,  & 
«onfufHs  cft.  Ecili.  i, 

n  lîonum  efl  fperare  in  Do 


n\ino  ,  nuàm  confidrfie  in  ho- 
lune.  P/û/.  IJ7.  Noliteion- 
fidere  in  Prmcipibus  ,  in  filiij 
hominum  ,  in  ijuibus  non  efl 
'■alu<:.  h'ftll.   J4.5. 

0  MUcd  dus  homo,  quicon-" 
fi  lit  m  homine.  .  .  Bu'.cdi  "lui 
VT  Tui  confîdit  m  Domino. 
J.rem.  >  7. '^uonam  m  e  fpe- 
uvit ,  libcrabo  er.m.  ;  Jal,  po» 


Tome  U  D 


74  Conférences   d'Angers, 

cepie  aux  adultes ,  de  produire  des  aftes  intérieurs 
d'Eipérance  dans  le  cours  de  leur  vie  pour  être  fauves. 
Que  l'Elpérance  foit  un  moyen  abrolument  nécefTaire 
pour  être  fàuvé  ,  on  peut  en  apporter  pour  preuve  , 
ce  que  nous  avons  dit  de  la  nécefTité  de  la  Foi.  Aufïi 
l'Ecriture-Sainte  ,  quand  elle  parle  de  la  Foi  &  de  Tes 
effets ,  a  coutume  de  joindre  l'Efpérance  à  la  Foi ,  & 
d'en  parler  de  la  même  manière.  Il  y  a  une  fi  grande 
liaifbn  entre  ces  deux  vertus  ,  que  tout  ce  que  l'une 
croit  devoir  arriver  ,  l'autre  l'attend  ,  comme  ditfàint 
Bernard  dans  le  fêrmon  lo.  furie  Pfeaume  5.  P 

Comme  Dieu  ne  veut  pas  fàuver  les  adultes ,  fâh^ 
qu'ils  coopèrent  par  leur  volonté  à  leur  fàlut ,  il  leur 
efî  nécefTaire  ,  fliivantla  dodrine  du  Concile  de  Tren- 
te ,  dans  le  chap.  6,  de  la  SefT.  6,  de  produire  des  ades 
d'Eipérance  pour  fe  difpofèr  à  la  j unification.  Inuti- 
lement l'homme  croiroit  qu'il  y  a  un  Dieu  ,  qu'il  ed 
rempli  de  miféricorde  ,  qu'il  pardonne  les  fautes  à 
ceux  qui  s'en  repentent ,  &  qu'il  récompenfe  ceux 
qui  le  cherchent ,  s'il  n'efpéroit  obtenir  de  Dien  ces 
faveurs  ;  en  les  efpérant  avec  confiance ,  il  obtient  le 
pardon  de  Tes  fautes  ^  ,  enfin  il  obtient  la  vie  éternel- 
le. C'ell  pour  cela  que  S.  Paul  dit  que  nous  fommes 
iàuvés  par  l'efpérance  ^ 

Nous  concluons  de-là  qu'il  efl  nécefTaire  de  nécef^ 
fité  de  moyen  ,  à  ceux  qui  ont  l'ufàge  de  la  raifbn  ,  de 
produire  des  ades  d'Efpérance  pour  être  fauves  ,  Se 
par  conféquent ,  cela  leur  eft  auffi  nécefTaire  de  né- 
celTîté  de  précepte  divin.  Ce  précepte  nous  oblige  de 
mettre  notre  confiance  en  Dieu  ,  d'attendre  de  lui  le 
pardon  de  nos  péchés ,  la  béatitude  éternelle  &  les 
moyens  pour  y  parvenir  ;  cette  obligation  nous  efl 
marquée  en  tant  d'endroits  de  l'Ancien  &  du  Nou- 
veau Teframent,  qu'il  feroit  fort  difficile  de  les  ra- 
mafler  tous  enfemblç ,  comme  a  remarqué  S.  Auguf^ 


p  Germana  Fidei  Speique 
cognatio  evt ,  ut  quod  il  la  fiitu- 
rum  crédit ,  haec  fibi  incipiat 
fperarî;  futurum ,  . .  Dicit  Fi- 
«ics  :  parata  funt  magna,  ôc  in- 


excogitabilia  bona  à  Deo  fi- 
delibus  fuis.  Dicit  fpes  :  illa 
mihi  fervantiir. 

r  Spe  falyi  fa<^i  rumus.  Ai 
Rom,  i^ 


fur  les  Comitiandemms  de  Dieu.       7;* 

lin  dans  le  traite  83.  fur  l'Evangile  de  (Iiint  Jean  '. 

Nous  nous  contenterons  de  rapporter  quelques  paf- 
fàges  où  ce  précepte  paroit  plus  clairement  exprime. 
Sacrificate  facrificium  jiifiitia:  ,  &  fperaie  in  Domino» 
P(al.  /^,Spera  in  Domino j  &  fac  bonitatem.  Pdil.  36.  Sfe- 
rate  in  eo  omnis  congregaiio  popdi.  Plal.  6\.  Dirige 
viam  îtiam  ,  &  fbera  in  illum , . .  Qui  timetis  Dominum 
fperute  in  illum.  Èccli.  i.  Spera  in  Deo  tuofemper.  Ofée, 
li.  Tcneamus  fpei  nojlrx  confcjjïonem  indeclinabilcm, 
Heb.  10.  Sperate  in  eamquxvobis  offertar  gratiam,  i« 
Petr,  CI. 

Quand  ce  Commandement  ne  (e  trouveroit  point 
tant  de  fois  répété  dans  les  (aintes  Ecritures ,  ces  pa-, 
rôles ,  Je  fuis  le  Seigneur  votre  Dieti^  qui  fervent  coin-' 
me  de  Préface  au  Décalogue  ,  nous  le  devroient  faire 
connoître.  Dieu  ,  en  nous  disant  qu'il  eft  notre  Dieu  y 
nous  dit  par  conféquent  qu'il  eil  notre  fbuverain  bien, 
notre  unique  fin  ,  notre  béatitude ,  qu'il  eft  plein  de 
miféricorde  &  de  bonté  ,  &  qu'il  eft  fidèle  dans  (es 
promeffes  ,  &  par-là  il  nous  oblige  de  le  dé/îrer  &  de 
tendre  uniquement  à  lui.  Il  n'e  faut  donc  pas  s'éton- 
ner fi  le  Pape  Alexandre  VII.  &  le  Clergé  de  France 
ont  condamné  cette  Proposition  :  Howo  nullo  unquam 
vitx  fuce  tempore  tenetur  eliccre  aôlum  Fidei  ,  Spei  ô* 
Charitatisy  ex  vi  prxceptoriim  divinorum  ad  eas  virtutes 
pertinentium. 

Ce  Commandement ,  en  tant  qu'il  efl  afiîrmatif , 
nous  oblige  à  produire  des  ades  intérieurs  d'Efpé- 
rance  dans  le  cours  de  notre  vie  ,  mais  non  pas  ea 
tout  tems  ou  à  tout  moment.  Il  ell  même  affez  dif- 
ficile de  marquer  précifément  le  tems  oii  ce  précepte 
nous  oblige  direâ:ement&  par  lui-même. 

Les  Théologiens  dilent  communément  que  nous 
fbmm^es  obligés  de  produire  des  ades  intérieurs  d'E(^ 
pérance. 

I.  Quand  nous  avons  l'ufàge  parfait  delà  railon, 
&  que  nous  fommes  fuffifàmmentinftruits  qu'il  y  aune 
béatitude  lurnaturelle  qui  nous  eft  préparée. 

5  De  Fide  nobis  quàm  miilta     gère  ?  Quis  enumerando  ruffi-- 
n»Bndata  funt  ,  quàm  multa  de     ccre  î 
Spe  ;  Quis  poteft  cuin^a  colli- 

Dij 


7(î  Conférences   d'Angers ," 

X.  A  rarticle  de  la  mort  ;  c'efl  pourquoi  les  VaC- 
teurs  qui  aiTiilent  les  mcurans  ,  ont  foin  de  leur  faire 
produire  des  ades  d'Efpérance  de  la  réfurredion  de 
kur  chair  &  de  la  vie  éternelle  ,  à  laquelle  ils  doivent 
bien-tôt  pafTer. 

3.  Quand  nous  Tentons  de  violentes  tentations  de 
défefpoir  ,  qu'on  ne  peut  vaincre  que  très-difficile- 
ment fans  faire  des  aètes  d'Efpérance. 

Oeû  une  iliufion  des  Faux-Myftiques  que  de  croire 
que  les  Chrétiens  qui  aiment  véritablement  Dieu ,  lui 
font  un  facriiice  fort  agréable  ,  lî  lorfque  leur  4lut 
leur  paroit  défefpéré  ,  ils  Ce  déportent  de  toute  efpé- 
rance  de  la  vie  éternelle  par  le  motif  d'un  amour  pur 
&  pleinement  déiintérefTc.  Ce  fentiment  a  été  con- 
damné par  Innocent  XII.  dans  la  Conflitution  qu'il 
fit  publier  en  l'an  165)5?.  contre  le  livre  intitulé  ,  Ex- 
plication des  Maximes  des  Saints  ;  Conftitution  reçue 
par  les  Evéques  de  France  ,  &  enregiflrée  au  Parle-", 
ment  le  14.  du  mois  d'Août  de  la  même  année  ,  en 
conféquence  des  Lettres-Patentes  données  par  le  Roi. 

Il  y  a  auffi  des  occafîons  où  le  précepte  de  l'Efpé- 
rance  nous  oblige  indireftement  &  par  accident, 
comme  parlent  les  Théologiens  ,  c'ell-à-dire ,  à  rai- 
fon  de  quelqu'autre  chofe  que  nous  devons  faire.  Ces 
©ccafions  font  : 

I<'^  Lorfque  nous  (ômmes  obligés  de  nous  appro- 
cher du  fàcrement  de  Pénitence  ;  car  félon  le  Conci- 
le de  Trente  ,  à  l'endroit  qu'on  vient  de  citer ,  l'Ef^ 
pérance  ell  une  difpofition  nécelTaire  pour  obtenir  la 
jiiflification  ;  il  ne  peut  y  avoir  de  véritable  péni- 
tence làns  l'Efpérance.  hlano  ,  dit  S.  Ambroife  au 
liv.  I,  de  la  Pénitence  chap.  i.  fotejl  bene  agere po^ni" 
tentiam ,  niji  'feraverit  indulgentiam.  Un  cœur  n'eiî 
point  fàlutairement  converti ,  fi  au  même  tems  qu'il 
efl  touché  du  regret  de  Tes  fautes ,  il  n'en  attend  de 
Dieu  le  pardon,  dit  S.  Fulgence  dans  la  lettre  7.  aui 
ehap.  5.  ^ 


t  Saliibris  converfîo  duplici 
xaiione  confiûir,  fi  nec  pœni- 
tentia  fperantem ,  nec  fpes  de- 
leràr  pa-niten^îm  j  ac  per  hoc  j 


fi  jex  toto  corde  quirquam  re* 
nuniiet  peccato  fuo  ,  &  tota 
eorde  fpem  ponat  remifTiçnîl 
in  Deo^ 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu ,'       77 

l^.  Lorfque  nous  fommes  obliges  de  prier  ;  car  en 
Vain  nous  aemiinderions  à  Dieu  ce  que  nous  n'efpc- 
rerions  pas  obtenir  de  lui ,  au  lieu  que  celui  qui  efpere 
au  Seigneur  ,  eil  environne  de  Hi  niifcricorde  ". 

30.  Lorfque  nous  fommes  dans  l'adver/îtc  ;  alors 
comme  nCtre  efpérance  eft  chancelante  ,  &  que  notre 
afFeiflion  Ce  porte  aux  biens  de  la  terre,  notre  afflic- 
tion ne  naifTant  fouvent  que  du  regret  que  nous  avons 
de  nous  voir  prives  de  ces  biens ,  il  faut  Ce  fortifier  & 
te  confoler  par  l'attente  des  biens  éternels  auxquels 
tious  devons  afpirer  ,ain/î  que  S.  Paul  nous  en  avertit 
dans  le  5.  &  12.  chap.  deTEpître  aux  Romains  ^. 

En  ces  rencontres  on  ne  commet  pas  un  péché  par- 
ticulier contre  l'Elpérance  ,  fi  on  manque  à  produire 
un  ade  formel  de  cette  vertu.  Il  en  eft  de  l'Efpérance 
comme  de  la  Foi  en  certaines  occafions  ,  que  nous 
avons  marquées  dans  la  réponfe  à  la  troi/ieme  ques- 
tion de  la  Conférence  précédente  ;  il  (liffit  qu'on 
produire  un  afte  d'une  autre  .vertu  ,  dans  lequel  TElr- 
pérance  Ce  trouve  en  quelque  manière  renfermée. 

Un  Chrétien  qui  eft  tant  (oit  peu  zélé  pour  Ion  (a- 
lut ,  n'attend  pas  à  produire  des  ades  d'Efpcrance  , 
quand  il  y  eft  obligé  ,  il  Ce  regarde  Ibuvent  comme  un 
Voyageur  qui  doit  tendre  à  une  autre  Patrie  que  celle 
de  ce  monde  :  il  Ibupire  pour  les  biens  ineffables  que 
Dieu  a  préparés  à  Ces  Elus  dans  l'autre  vie.  L'Elpéran- 
ce  qu'il  nourrit  dans  Con  cœur  ,  de  jouir  un  jour  de 
cette  vie  bienheureufe  ,  l'empcche  de  s'attacher  aux 
biens  de  la  terre  ;  elle  lui  fait  mépriser  les  maux  pré- 
fèns ,  elle  le  confole  dans  les  afflidions  de  cette  vie, 
coinme  S.  Paul  nous  le  fait  remarquer  dans  la  pre- 
mière Epitre  auxThefliiloniciens  chap.  4.  v  Cette  at- 
tente le  foùtient  également  contre  l'adveriité  &  con- 
tre la  profpérité  ;  rien  n'eft  donc  plus  convenable  à 
un  Chrétien ,  que  de  demander  très-fouvent  à  Dieu 
qu'il  augmente  Ton  efpérance ,  &  d'y  travailler  de  Coïi 


u  Spcrantem  aiitcm  in  Do- 
mino mifericordia  circumda- 
bit.  Pfal.   3i. 

X  Cjloriainiir  in  fpe  gloriï 
IJliorum  Del ,  non  foltiin  au- 


tem,  fed  gloriamurin  tribula- 
tionibiis...  Spe  gaudentcs ,  in 
trihiilatione  patientes, 

y  Non  contrifteniini  fîciUtSc 
c«;eri  'jui  fpem  non  habenc, 
D  iij 


7 s  .  Conférences  (T Angers; 

coté  ,  s'entretenant  des  penfées  qui  peuvent  faire 
naître  dans  Ton  cœur  le  dégoût  de  la  vie  préfente  & 
Famour  de  la  vie  éternelle  ;  &  rien  n'eft  plus  dange- 
reux que  de  laifTer  diminuer  (on  efpérance  ,  faute 
d'en  exercer  des  ades ,  &  de  s'occuper  des  objets  qui 
îa  réveillent  &  l'animent  ;  ce  qui  arrive  à  ceux  qui 
penient  beaucoup  aux  biens  de  la  vie  préfente ,  & 
peu  à  ceux  de  l'autre. 


peu 


IL     QUESTION. 

Quels  péchés  peut-on  commettre  contre  la 
vertu  d  Efpérance  f 

N  pèche  contre  l'Efpérance  ,  comme  contre 
_  toutes  les  autres  vertus ,  par  deux  extrémités  > 
fçavoir  ,  par  défaut  ou  par  excès.  Par  le  défaut  d'ef- 
pérance  ,  on  tombe  dans  le  déièfpoir  ;  &  par  l'excès,, 
on  tombe  dans  la  préfbmption. 

Le  même  Commandem.ent  qui ,  comme  affirma- 
îif ,  nous  ordonne  de  produire  en  certains  tenis  des 
aâ:es  d'Ei|-)érance  ,  nous  défend  ,  comme  négatif,  de 
nous  laifFer  aller,  en  quelque  tems  que  ce  (bit,  au 
déièfpoir  ou  à  la  préfomption.  L'un  8c  l'autre  de  ces 
péchés  ,  dit  S.  Auguflin  dans  le  Traité  33.  fur  l'E- 
vangile de  iaint  Jean  ,  nous  met  en  danger  de  nous 
perdre  dans  des  occafions  différentes  ,  &  par  des  af- 
fedions  toutes  contraires. 

Le  defefpoir  efl  une  défiance  qu'on  a  de  ne  pou- 
voir obtenir  la  vie  éternelle  ,  ni  les  moyens  nécel- 
faires  pour  y  parvenir.  On  regarde  cela  comme  im- 
pofTible  i  d'où  il  arrive  qu'au  lieu  de  faire  quelque 
effort  pour  polTéder  ces  biens ,  on  s'en  dégoûte ,  & 
on  néglige  ce  qu'il  faut  faire  pour  y  parvenir. 

La  préfomption  efl  une  vaine  &  téméraire  attente, 
de  la  vie  éternelle ,  &  des  moyens  néceffaires  pour 
l'obtenir,  qui  n'efl  appuyée  fur  aucun  fondement  Co- 
lide  -j  carie  préfomptuçax  attend  la  béatitude,  ou  CQm-* 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu.       J^ 

ti"ie  une  choCe  qui  lui  eft  due  ,  ou  il  l'attend  pu- 
rement de  la  mifcricorde  de  Dieu  ,  (iins  vouloir  faire 
de  bonnes   œuvres. 

Le  dcfefpoir  &  la  préfbmption  fc^nt  quelquefois 
accompagnés  de  penfces  contraires  à  la  Foi ,  com- 
me lorfqu'on  croit  qu'il  efl  impolTiblc  d'accomplir 
les  Commandemens  de  Dieu  ,  ou  qu'on  doute  que 
l'Eglife  ait  le  pouvoir  de  remettre  toutes  fortes  de 
péchés  ,  ou  qu'on  juge  pouvoir  acquérir  la  vie  éter- 
nelle par  fes  propres  mérites  fans  le  fecours  de  la 
Grâce  ,  ou  qu'on  s'imagine  qu'on  peut  être  fauve 
par  la  (eule  Foi  ,  fins  faire   de  bonnes  œuvres. 

Quelquefois  le  défefpoir  &  la  prélbmption  ne 
font  accompagnés  d'aucune  penfée  contraire  à  la 
Foi  ;  ce  qui  arrive  affez  ordinairement  aux  Catho- 
liques ,  lorfqu'iis  tombent  dans  ces  péchés  par  im- 
prudence &  par  témérité ,  fins  former  aucun  juge- 
ment fpéculatif  qui  foit  oppofé  à  la  vérité  de  la  Foi , 
quoique  effedivement  ils  en  forment  un  faux  dans 
la  pratique  :  comme  quand  'un  homme  croit  que 
Dieu  ne  lui  pardonnera  pas  les  péchés  ,  (ans  pour 
cela  croire  que  Dieu  ne  puilTe  ou  ne  veuille  pas  les 
pardonner.  Ce  qu'on  peut  expliquer  par  ces  paro- 
les de  faint  Thomas  dans  la  2.  i.  q.  lo,  art.  z.  Sicm 
ille  qui  for  nie  amr  eligendo  fornicationem  ut  bonum  jioi , 
m  nunc  habet  corruptam  cçflimationem  in  particufari  ; 
cum  tamen  retimat  univerfalem  cejlimationem  veram 
fecundum  jidem  ,  fcilicet  qiiod  fornicatio  fit  ■peccattnn 
mortaJe  ;  <&  f  militer  aliquis  retinendo  in  univerfaîi 
veram  cnflimationem  Fidci  ,  quqd  fcilicet  ejl  rcmiffo 
feccatorum  in  Ecclefta  ,  fotejî  tamen  pati  momm  dcf- 
ferationis  ,  quod  fcilicet  fibi  in  tali  fatti  exiflenti  non 
fît  fperandum  de  venia ,  corruptd  ajlimatione  ejiis  circa 
-particidare. 

On  doit  déclarer  en  confeffion  quand  le  défefpoir  & 
la  préibmption  font  accompagnés  de  penfées  contrai- 
res à  la  Foi ,  auxquelles  on  a  donné  ^n  conlèntcmcnt  ; 
parce  qu'en  cette  circonftance  ces  péchés  détruifent 
la  Fo/  &  l'Efpérance  ;  mais  quand  ils  (ont  fans  ces  for- 
tes de  péchés,  ils  n'éteignent  que  l'Eipérance  ,  quoi- 
qu'ils marquent  une  foi  foibie  ^  imparfaite. 

D  iv 


So  Conférences   (T Angers , 

Ces  deux  péchés  (ont  de  leur  nature  mortels  5 
parce  qu'étant  oppofés  à  une  vertu  Théologale  qui 
a  Dieu  pour  objet ,  ils  nous  détournent  directement 
de  Dieu  ;  &  c'eft  en  cela  que  coniîde  principale- 
ment la  malice  du  péché  mortel ,  comme  remarque 
S.  Thomas  dans  l'art.  3.  de  la  même  queflion.  Cum 
enim  virmtes  Theologica  habeant  Deum  pro  objeCio  , 
^eccata  eis  oppojîta  important  direClè  ^  principaliter 
averfionem  a  Deo.  In  quolibet  autem  peccato  mortali 
frincipalis  ratio  mali  &  gravitas  eft  ex  hoc  qmd  aver^ 
tit  fe  a  Deo.  Ce  (ont  même  des  péchés  contre  le 
Saint-E(prit ,  puifqu'ils  font  mépri(er  (on  fecours  ,  par 
ïe  moyen  duquel  nous  nous  retirons  du  péché  ,  &  en 
faifons  pénitence. 

Le  défaut  du  con(êntement  &  la  légèreté  de  la  ma- 
tière ,  excufent  quelquefois  du  péché  mortel  le  dé(e(^ 
poir  &  la  pré(bmption.  Il  y  a  pourtant  des  Théolo- 
giens qui  eiriment  qu'il  n'y  a  que  le  défaut  de  con(en- 
lement  qui  puifTe  faire  que  le  dé(è(poir  ne  Toit  que  pé- 
thé  véniel. 

Quand  ces  péchés  nous  ont  une  fois  détaché  de 
Dieu  ,  ils  nous  précipitent  dans  toutes  (brtes  de  dé- 
réglemens.  Sublatâ  Spe  ,  dit  (aint  Thomas  dans  le 
même  art.  irrefrœnatè  homines  labuntur  in  vitia ,  Ô" 
u  bonis  ojeribus  retrahiintur.  L'Apotre  (àint  Paul  le 
dit  du  défefpoir,  dansle  ch.  4.  de  l'Epîtreaux  Ephé- 
iîens.  Ç)ui  defperantes  ,  fcmetipfos  tradi^^erunt  impiidi- 
citia  ,  in  operaiionem  immunditice  omnis  ,  in  avari- 
liam,  C'efl  pourquoi  (aint  Auguftin  (iir  le  Pfeaume 
144.  nous  avertit  que  l'un  &  l'autre  de  ces  péchés 
e(i:  fort  à  craindre  &  fort  dangereux  ^. 

On  obtient  très-difficilement  le  pardon  du  défef- 
poir ,  parce  que ,  dit  (àint  Fulgence  dans  (a  feptie- 


a  Et  fpes  &  fieTperiitio  tî- 
tnenda  eft  in  peccaris  :  Videte 
vocem  defperaniiî  ad  augenda 
peccata  ,  éc  videte  vocem  (pe- 
rantis  ad  augenda  peccata  ,  & 
qucinodo  Ht  inné  voci  occiir- 
rit  providentia  &  mifericordia 
Dti   Audi  vocem  dcfperanris  : 


jam  datnîiapdus  fum,']uare  non  {  culofurau 


facio  cuidquid  volo?Ai;d:  & 
vocem  fperantis:  mifericordia 
fJei  magna  eft ,  quando  me 
convertero  ,  djmitiei  mih:  om- 
nia;quare  non  facio  quidviuid 
volo  1  Defperat  ur  pecctt,  fpe- 
rat  ut  peccet.  Utrumqi:e  mc- 
tucndum  cil  y  ucrumc^uc  ptti» 


/" 


-k:.<j 


"ur  les  Commandcmens  de  Duu.        8  r 

me  Lettre ,  ch.  4.  celui  qui  tombe  dans  ce  pcché 
s'oppole  lui-mcme  à  ce  qu'on  lui  pardonne  ^.  Ce  qui 
fait  dire  à  I/idore  de  Scviilc  dans  le  livre  i.  des 
Sentences  &  du  Souverain  Bien  ,  chap.  14.  Que  c'eft 
tomber  dans  l'Enfer ,  que  de  dcTefpérer  de  Ton  là- 
lut.c 

Le  Démon  a  accoutume  de  fblliciter  les  gens  de 
bien  au  dcfelpoir  ,  parce  qu'ils  ont  plus  l'idée  de  la 
grandeur  de  leurs  péchés  &  de  leur  foibleffe ,  &  il 
.  "tente  de  prcfomption  les  médians ,  afin  d'empêcher 
ue  la  crainte  ne  les  fafîè  (ortir  de  leur  malheureux 
-ctat.  C'eft  pourquoi  quand  des  âmes  timorées  s'ac- 
cufent  en  confeAion  de  s'être  laifTées  aller  au  déCeC- 
poir  ,  il  ne  faut  pas  toujours  juger  qu'elles  aient 
pour  cela  commis  des  péchés  mortels  ;  il  faut  exa- 
miner fi  les  (entimens  de  défèfpoir  étoient  tout-à- 
fait  volontaires  ou  involontaires.  On  préfume  qu'ils 
ont  été  volontaires  ,  quand  ils  ont  empêché  de  faire 
quelque  bonne  oeuvre  de  commandement  ou  de  con- 
ieil  -,  au  contraire  c'eft  un  /iene  que  le  défeipoir  n'a 
pas  été  volontaire  ,  quancT  il  n'a  pas  fait  omettre 
aucune  bonne  œuvre. 

On  pèche  par  défefpoir  en  plufîeurs  manières. 

I''.  Quand  on  de(e(pere  de  Ton  fâlut  ,  comme  fê 
croyant  du  nombre  des  réprouves. 

1'^.  Lorsque  Ce  défiant  de  la  miféricorde  de  Dieu, 
on  dé(e(pere  d'obtenir  le  pardon  de  fes  péchés ,  à 
caufè  de  leur  nombre  ou  de  leur  énormité.  On  imite 
en  cela  Gain  ,  qui  répondit  au  Seigneur  ,  que  (on 
iniquité  étoit  trop  grande  pour  pouvoir  en  obtenir 
le  pardon  :  on  fuit  l'exemple  de  Judas ,  qui ,  com- 
me dit  S.  Léon  dans  le  Sermon  troifieme  de  la  FàC- 
fion  du  Seigneur ,  fut  le  plus  méchant  &  le  plus 
malheureux  de  tous  les  hommes  ^,  Ce  fut  moins 
le  crime  qu'avoit  commis  ce  Traître ,  qui  le  fit  pé- 

h  Sibi  remitti  non  finit ,  qui  |  d  Sccleflior  omnibus  ,  Ju.l», 
defperandoconrrafeindulgen-  &infc]iciorextltiiti,  oiiem  non 
t\x  ofliurn  clatiferit.  rœnirentiarcvocavir  ad  Doir.i- 

c  Dcfpcrarccll  iniiifefnum  iii:iïj,fed  defpcraiio  traxic  ad 
defccnrîerc,  |  laoïivuTii. 

D  V 


s 2  Conférences   d'Angers^ 

rir  ,  que  le  défefpoir  où  il  Ce  laiffa  aller.  Judam  tra-* 
ditorem  ,  dit  fàint  Augullin  dans  l'Homélie  27.  en- 
tre les  50.  Homélies  ou  Sermon  351,  non  tam  fce" 
lus  quod  commifit ,  quam  indulgemix  defperatio  fecit 
^enitiis  interire. 

Les  plus  criminels  &  ceux  qui  mènent  la  vie  la 
plus  fcandaleufe  ,  n'ont  pas  fujet  de  défefpérer  de 
leur  (àlut  ,  car  il  n'y  a  rien  d'impolTible  à  Dieu  ;  & 
il  fe  plaît  quelquefois  à  verfer  plus  abondamment  Tes' 
grâces  fur  ceux  qui  ont  été  les  plus  remplis  de  pé- 
chés. Se  perfuader  que  la  grandeur  des  péchés  pa(^ 
fés  ,  eft  une  railbn  de  défefpoir ,  c'efl  aller  direde- 
ment  contre  la  grandeur  de  la  miféricorde  de  Dieu 
&  de  J.  C.  qui  a  voulu  que  fà  mort  fût  le  remède 
du  crime  des  Juifs  mêmes  qui  l'avoient  crucifié.  Le 
plus  grand  fcélérat  peut  s'aiïurer  que  Dieu  ne  veut 
point  la  m.ort  de  l'impie  ,  mais  il  veut  que  l'impie 
le  convertiffe  ;  &  en  quelque  tems  qu'il*  fe  conver- 
tilTe ,  fon  impiété  ne  lui  nuira  point.  Dieu  nous  le 
protefle  par  la  bouche  du  Prophète  Ezéchiel  chap. 

3°.  Quand  on  défefpere  de  pouvoir  fe  corrigera 
caufe  de  l'inclination  qu'on  a  au  mal ,  de  la  force 
des  mauvaifes  habitudes  &  de  la  connoifîànce  de  fa 
foibleffe  ,  ce  qui  fait  qu'on  s'endurcit  dans  le  péché> 
tomme  ceux  qui  difent  dans  le  chap.  18.  de  Jéré- 
ïïiie.  Defperavimtis  -poj}  cogitationes  nojlras  ibimus  ,  Ù" 
îmufquîfquç  pravitatem  cor  dis  fui  malt  facicmus. 

4*^.  Lorfque  con/idérant  la  grandeur  &  l'excellence 
de  la  gloire  célefle ,  &  la  bafTelTe  de  la  nature  hu- 
maine ,  on  n'oie  afpirer  à  cette  gloire  ,  &  qu'ons'a- 
bandonne  aux  plaifirs  des  fens  ,  ou  qu'on  demeure 
dans  l'indolence  &  dans  la  nonchalance  ,  fans  nen 
faire  pour  arriver  à  la  vie  éternelle.  Il  efl  vrai  que 
la  gloire  du  Ciel  elî  beaucoup  au-delTus  des  hom- 
mes mortels  qui  ne  font  que  terre  &  que  cendre  ; 
înais  nous  devons  confidérer  que  Dieu  qui  nous  Ta 


t  Impieras  non    nocebit  ei  j  fuerit  ab  impietatc  fua» 
jn  ^lucum'jue  die    converfus 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.         S 5 

promile  ,  &  qui  nous  a  donne  un  gîige  de  (a  pro- 
meffe  dans  la  mort  de  Jefus-Clirifl  Ton  Fils  unique, 
étant  tout-puiffant ,  peut  faire  d'un  homme  un  Ange, 
comme  il  a  fait  Thomme  de  rien  ,  dit  S.  Auguftin 
llir  le  Pfeaume  148.  ^ 

50.  Lorfqu'à  l'occafion  de  quelque  maladie  ou  de 
quelque  adverfité  ,  on  Ce  dcfire  la  mort ,  ou  qu'ont 
ie  la  procure  ,  ou  qu'on  appelle  le  Démon  à  (on 
aide ,  au  lieu  d'avoir  recours  à  Dieu  &  de  mettre  (à 
confiance  en  (a  bonté  ;  car  nous  ne  devons  pas  feu- 
lement efpérer  le  fiilut  éternel  de  la  part  de  Dieu  , 
mais  auffi  nous  devons  efpérer  de  lui  la  délivrance 
de  tous  les  maux  de  cette  vie.  Il  a  promis  qu'il 
écouteroit  ceux  qui  crieroient  vers  lui  dans  leurs  af- 
flidions.  Clamahit  ad  me  &  ego  exaudiam  eum  :  cum 
ipfo  Jum  in  trihulatione ,  eripiam  eum.  Pfalm.  po.  Ce 
qui  fait  dire  à  faint  Bernard  dans  le  neuvième  Ser- 
mon fur  ce  Pfeaume.  Numera  trihulatione  s ,  Jecun- 
àum  muhitudinem  earum  ,  confolationes  ejus  Icetijica^ 
bunt  animam  tuam  ,  dummodo'  ad  alium  non  conver^ 
taris  3  dummodo  clames  ad  eum  ,  dummodo  fperes  in 
eum, 

6°.  Lorfque  le  voyant  prive  des  (ecours  temporels, 
on  manque  de  confiance  à  la  providence  de  Dieu  ; 
de  forte  qu'on  s'applique  avec  trop  de  foin  &  d'in- 
quiétude à  s'afTurer  les  chofès  nécefïaires  à  la  vie 
dont  on  a  befoin  ,  ou  à  amalfer  des  biens  tempo- 
rels ,  qu'on  défire  ainfî  avec  plus  d'ardeur  que  les 
éternels.  C'efl  ce  foin  démefliré  (&  cette  inquiétude 
que  le  Seigneur  condamne  dans  le  chap.  6.  de  faint 
Matthieu  b. 


/  Quitl  fumus,  ut  ibi  fimiis  r* 
Morta'es  ,  projcdi  ,  ab;edti  , 
terra  &  cinis.  Scd  qui  promi- 
fit ,  Otr.nipotens  eft  ,  fi  ad 
nos  attendamus  ,  quid  fiimus  ? 
Si  ad  illum  ,  Dcus  eft  ,  Oni- 
nipotcns  eit  :  non  eft  fado- 
rus  Angelum  ex  liomine  , 
qui  fecit  homincm  ex  nihiloi* 
Aux  verô  pro  minimo  habet 
Dcu*  hominim  propicr  ^uem 


mori  vohiir  Unicum  fuum  > 
Attendamus  ad  judicium  di- 
letcioni?  promifTionis  Dci  ta- 
lcs arrhas  accepimus  :  tcne» 
mus  mortem  CliriAi. 

l^  Nolite  thefaurifare  vobîs 
tlitfaiiros  in  terra.  .  .  .  Quxrire 
crofo  primùm  Reenum  Dci , 
ik  Jiifiiriam  ejus,  S<  hic  om- 
njs  adjicicntur  voliis, 

D  vj 


S^-  Conférences  d'Angers, 

ïi  ne  faut  pas  pour  cela  fe  perfîiader  qu'il  foit  dé- 
fendu d'apporter  un  foin  raifonnable  &  modéré  a 
le  pourvoir  des  chofes  nécefTaires  à  la  vie  ,  &  à  ac- 
quérir des  biens  de  ce  monde  ,  on  doit  même  le  faire 
j)our  éviter  l'oi/iveté  ,  &  ne  pas  tenter  Dieu.  Le  Sei- 
gneur en  avertit  Adam,  en  lui  difant  dans  le  ch. 
3.  de  la  Genèfe  ,  qu'il  mangeroit  Ton  pain  à  la  Tueur 
de  (on  vilàge.  Saiomon  nous  en  a  fait  fouvenir  dans 
le  6.  chap.  des  Proverbes  ,  quand  il  renvoyé  le  pa- 
refîeux  à  la  fourmi ,  qui  ramafîe  durant  l'été  de  quoi 
fe  nourrir  pendant  l'hiver. 

Enfin  ,  on  pèche  par  dé(èfpoir ,  quand  on  celTe  de 
prier  le  Seigneur  ,  parce  qu'on  n'obtient  pas  promip- 
tement  ce  qu'on  lui  demande  ,  Se  qu'on  croit  de- 
voir être  profitable  au  falut.  Jefus-Chrifl  nous  enfèi- 
gne  dans  le  chap.  11.  de  S.  Luc,  qu'il  ne  faut  pas: 
pour  cela  fê  rebuter  de  la  prière ,  mais  prier  avec 
persévérance.  Si  le  Seigneur  diffère  pendant  quel- 
que tems  à  nous  exaucer  ,  il  viendra  une  heure  dans 
laquelle  il  nous  exaucera  ^.  Souvent  Dieu  ne  dif- 
fère à  nous  accorder  ce  que  nous  lui  demandons  , 
que  pour  nous  le  donner  dans  un  tems  plus  fiivo- 
xable.  Quœdam  enim  non  negantur  ,  dit  faim  Auguflin 
dans  le  Traité  101.  fur  l'Evangile  de  S.  Jean  ,  fed 
tit  congruo  dentur  tempore  ,  dijjeruntur. 

On  pèche  contre  rËfpérance  par  préfômption ,  en 
fe  fiant  trop  dans  la  miféricorde  de  Dieu  ou  en  foi- 
Hiême.  Ce  qui  arrive  : 

î.  A  ceux  qui  continuent  de  vivre  dans  l'habi- 
tude du  péché  ,  croyant  que  quelque  vie  qu'ils  mè- 
nent ,  Dieu  leur  fera  la  grâce  de  leur  donner  du 
tems  pour  fe  convertir  à  la  fin  de  leur  vie  ,  &  lui 
demander  pardon  de  leurs  crimes,  ou  qui ,  fans  chan- 
ger de  vie  ,  s'imaginent  que  lorfqu'iis  voudront , 
Dieu  leur  donnera  la  grâce  de  la  conver/îon.  C'eiî 
èvte  bien  téméraire  de  fe  ner  ainfî  dans  la  bonté 
de  Dieu ,  &  de  ne  pas  craindre  d'irriter  fa  colère  , 
qui  efi  à  tout  moment  prête  à  éclater  contre  les  pé- 
cheurs   qui   vivent   tranquillement  en    cette  faufTâ 

h  si  mcram  fecerit ,  expec-  j  &  noa  tardabit.  Hdhdçuç^  £1 


fur  Us  Cormn an  démens  de  Dieu,       Sf 

tonfiance  ,  comme  rEcclc/iaflique  nous  en  avertit 
ch.  5  '.  Certainement  Dieu  ne  nous  laide  pas  vivre 
pour  nous  donner  le  tems  de  pccher.  Ncrnini  dédit 
fpatiitm  peccandi  ,  dit  le  même  Ecclcfiaflique  dans 
le  ch.  i^.  La  mort  nous  furprend  fbuvent  au  mo- 
ment que  nous  y  pen(bns  le  moins  ,  &  le  Fils  de 
JDicu  vient  pour  nous  juger  dans  le  tems  que  nous 
ne  l'attendons  point  ^.  Quoique  cette  préfomption 
Jie  (iippole  pas  un  (entiment  hérétique  en  celui  qui 
s'y  laiiïe  aller  ,  elle  efl:  néanmoins  un  très -grand  pé- 
ché. 

1.  A  ceux  qui  véritablement  s'abftiennent  de  pé- 
cher ,  mais  qui  s'appuient  tellement  fur  la  miféri- 
corde  de  Dieu  ou  fur  les  mérites  de  Jeflis-Chrift, 
qu'ils  Ce  flattent  d'obtenir  le  pardon  de  leurs  fau- 
les  &  la  béatitude  éternelle  ,  fans  faire  pénitence  y 
ians  approcher  des  Sacremens  ;  en  un  mot,  fans  la 
pratique  des  moyens  auxquels  la  Sagefîè  Divine  a 
attaché  le  falut  des  hommes ,  s'imaginant  que  par  des 
/impies  prières ,  fans  bonnes-  œuvres  ,  ils  s'aiïure- 
ront  fuffilamment  la  gloire  éternelle.  Ceux  qui  vi- 
vent  dans  cette  fauffe  &  téméraire  confiance ,  efpe- 
rent  en  vain  pouvoir  éviter  la  condamnation  de 
Dieu  ;  ils  ne  mépriferont  pas  impunément  fa  pa- 
tience :  fâ  juftice  leur  fera  fèntir  les  peines  qu'ils 
méritent  K 

On  approche  fort  de  l'une  &  de  l'autre  de  ces 
préiomptions  ,  lorfque  fous  prétexte  qu'on  fait  quel- 
ques œuvres  qui  paroilTent  bonnes,  comme  feroient 
des  aumônes  ,  &  qu'on  reçoit  l'abfolution  des  Prê- 
tres à  qui  l'on  confefTe  fes  péchés  ,  on  efpere  ap- 
paifer  la  colère  de  Dieu  ,  quoiqu'on  ne  quitte  point 


î  Non  tardes  conveiti  al 
Pominum  ,  &  ne  d  rfVras  de 
die  i  )  dieni.  Subito  enim  ve 
nitt  ira  ilhus  ,  Si  in  tempore 
vind'die  difperilei  te. 

i'  Qnâ  horânon  put^tis  ,  Fi- 
lins Hoïîùnis  venict.  Zlîir.  12. 

/  EAi'Umas  hoc  ,  ô  homo»..., 
q".îia  tu  effiipies  judicium  Dci. 
An  divicisiâ  bonit^tis  cjus  ^  ^ 


patientije  ,  &  longanimiratls 
contemnis  ?  Ignoras  quoriiam 
benignitJS  Dci  ad  pœniten- 
tiam  te  aKlucit  ?  SeciincUim 
aaitem  duritiam  tuain  ,  ^  im« 
pœnitens  cor  ,  thefaiirif^s  tibi 
iram  in  die  irae  cSr  jufti  judi- 
cii  Dei ,  qui  reddet  uniciii- 
qiie  fecundùm  opcra  ejust  Ad 
Romy  2» 


su  Conférences    d^ Angers , 

ajluellement  le  péché  &  qu'on  continue  de  vlvtâ 
dans  le  dérèglement  :  on  a  juile  fiijet  de  craindre 
que  ces  aumônes  &  ces  autres  bonnes  oeuvres  ne 
loient  entièrement  inutiles  &  ne  fervent  point  à  ra- 
cheter les  péchés.  Quamlibet  largas  eleemofynas  ali- 
quis  tribuat ,  dit  S.  Eloi  Evéque  de  Noyon ,  dans 
l'Homélie  6.  pour  le  Jeudi-Saint ,  fi  captalia  crimi- 
ma  non  déclinât ,  timeo  ne  falsâ  temeritate  deceptus  , 
^  pecuniam  perdat ,  &  peccamm  non  redimat, 

3.  Ceux-là  font  coupables  de  présomption  ,  qui 
au  lieu  de  s'appuyer  lur  la  toute-puiflance  &  la  mi- 
féricorde  de  Dieu  ,  croyent  que  leur  fàlut  efl  en- 
tièrement entre  leurs  mains ,  &  qu'il  ne  dépend  que 
de  leur  volonté  ,  fe  perlùadant  pouvoir  faire  le  bien 
&  acquérir  la  béatitude ,  làns  le  fêcours  de  Dieu  & 
par  leurs  propres  forces.  Ceux-là  courent  grand  rif- 
que  de  perdre  la  Foi  &  i'Eipérance ,  cette  présomp- 
tion naifTant  (buvent  d'une  idée  fauiïe  qu'ils  Ce  font 
des  forces  de  la  nature  hum.aine. 

On  ne  peut  excufer  de  cette  forte  de  préfbmp- 
lîon  ceux  qui  mettent  entièrement  leur  confiance 
en  eux-mêmes  ou  en  quelque  autre  créature  ,  par 
exemple  ,  dans  leur  efprit ,  dans  leurs  richeiTes ,  dans 
leur  crédit  ou  en  celui  de  leurs  amis.  L' Apôtre  S. 
Paul  dans  la  I^^.  Epître  à  Timothée  chap.  6.  lui  re- 
commande de  faire  connoître  ce  péché  aux  perfbnnes 
riches  "^.  Ifaie  dans  le  chap.  31.  prononce  un  juge- 
ment de  condamnation  contre  ces  prélbmptueux  dans 
la  perfbnne  des  Juifs  qui  defcendoient  en  Egypte 
pour  y  chercher  du  fecours  ". 

On  pèche  auffi  par  préfbmption  ,  lorique  dans  les 
tentations  violentes  on  néglige  d'avoir  recours  à 
Dieu  par  la  prière ,  pour  lui  demander  les  grâces 
ïiécefTaires  pour  furmonter  les  tentations  &  accom- 
plir fes  Commandemens.  Souvent  la  force  ne  nous 


m  Divitibus  liujus  fsciili 
pricipe  non  fublimè  fapere  , 
req'ie  fperare  in  incevto  di- 
vitiariim  ,  fed  in  Deo  vivo, 
^ui  prxflat  nobis  omnia  abiin- 
<dc  ad  fcuenduiB, 


n  Vs  qui  dcfcendant  in 
yEpyptum  ad  aiixiliumin  eauis 
fperantes,  &  habentcs  fidu- 
c'\?i\r\  \n  qiiadrigis  ....  &  nnn 
fiintcoiififi  per  faPLÏ'.im  Ifraël, 
&  Dominum  nonre^iiiricruaïi 


fur  les  Commandemens  de  Dku,        87 

manque  en  ces  occafions ,  que  parce  que  nous  ne 
la  demandons  pas  à  Dieu  °.  Il  efl  confiant  ,  félon 
S.  Auguflin  dans  le  livre  du  Don  de  la  perfévcrance 
chap.  6.  qu'il  y  a  des  grâces  que  Dieu  ne  donne 
qu'à  ceux  qui  le  prient. 

On  n'eft  pas  exempt  de  prcfômption ,  lorlque  dans 
les  befoins  temporels  ,  on  n'employé  que  des  moyens 
humains  ,  &  qu'on  néglige  entièrement  d'implorer 
le  fecours  du  Ciel.  On  s'expofè  ainfî  à  encourir  la 
jnalédidion  dont  le  Seigneur,  dans  le  chap.  17.  de 
Jçrémie  ,  menace  celui  qui  met  (a  confiance  en 
l'homme,  qui  fe  fait  un  bras  de  chair  ,  &  dont  le 
cœurfe  retire  du  Seigneur  ^. 

Il  eft  évident  que  la  préfbmption  vient  de  l'or- 
gueil dont  le  cœur  eft  plein  ;  c'efl  pourquoi  fî  on 
veut  Ce  prcierver  de  ce  péché  ,  il  faut  le  remplir 
l'efprit  de  fentimens  d'humilité  ,  con/îdérant  fa  baf- 
feiTe,  fes  infirmités ,  fes  défauts  &  fà  foibleïïe,  ne  fe 
glorifiant  que  dans  l'Efpérance  de  la  gloire  des  En- 
fans  de  Dieu  ^,  Car  il  n'y  aura  d'heureux  que  ceux 
dont  le  nom  du  Seigneur  a  été  TElpérance ,  &:  qui 
n'ont  pas  regardé  les  vanités  &  les  vaines  folies  ^ 

Comme  le  délelpoir  naît  ordinairem.ent  du  dé- 
goût qu'on  a  des  biens  fpirituels  que  les  Théolo- 
giens appellent  AcecUam  ,  &  qui  n'eft  autre  choie 
qu'une  certaine  trifteffe  ,  qui  abat  &  décourage  notre 
elprit  de  la  recherche  de  ces  biens ,  nous  les  faifant 
regarder  ccmme  des  chofes  trop  pénibles  ;  pour  évi- 
ter de  tomber  dans  le  délelpoir  ,  il  faut  renoncer  à 
toutes  les  affedions  terreiîres ,  à  l'attache  aux  biens 
de  ce  monde  ,  8c  aux  plaifirs  des  fens.  Quand  nous 
en  ferons  détachés ,  nous  nous  porterons  avec  joie 
à  délirer  les  biens  fpirituels  &  éternels;  car,  com- 
me remarque  fiiint  Bernard  dans  le  Sermon  5.  fur 
FAlceniion,    il  elT:  confiant  que   quand  notre  cœur 


o  Non  haberis  proptcr  quod 
non  polhilTtis.  Jacob.  4. 

p  Malc(îidus  homo  oui  con- 
fiait in  hon.ine,  6<  ponit  car- 
nem  br.icl  inm  fmun  ,  &  à 
Poniino  rcccdit  ccr  ejus« 


(j  Gloriemur  in  Spe  gloris 
filiortim  Dei.  Ad  Rcrn,  j-, 

r  Heatiis  vir  cujus  ell  nomen 
Domini  Spcs  ejus  ,  &  non  ref- 
ptxit    in   vanitates  &  infanisô 


88  'Conférences  (T Angers , 

v,fi:  occupé  du  défît  des  biens  temporels  ou  des  plaî- 
fîrs  charnels ,  celui  de  Dieu  s'éteint  bien-tot  dans  notre 
ame  ;  bien  loin  de  fouhaiter  d'être  délivrés  des  mi- 
feres  de  cette  vie  ,  &  d'afpirer  à  une  autre  ,  on  re- 
garde la  terre  comme  un  lieu  de  félicité ,  &  on  neC- 
pere  point  d'autre  béatitude. 

Saint  Auguftin  dans  le  Sermon  351.  ou  Homélie 
2,7.  entre  les  50.  Homélies,  nous  propofe  deux  re- 
mèdes contre  ces  deux  péchés  ;  f^avoir  ,  la  pénitence 
&  la  méditation  fiir  l'incertitude  de  l'heure  de  la 
mort  s.  On  peut  voir  ce  que  ce  Père  dit  dans  le 
traité  33.  fiir  S.  Jean. 


s  Ne  defperando  angeamus 
peccata  ,  propofitus  eft  pœni- 
leniiae  portus  j  rurfus  ne  fpe- 


rando  aiigeamus,  datus  eft  diej 
mords  incercus» 


III.      QUESTION. 

Qu^ejl-ce  que  la  Charité  ?  Dieu  nous  a-t-il 
commandé  de  ï aimer  ^  ù'  comment  doit- où 
entendre  ces  paroles  : 

Vous  aimerei  le  Seigneur  votre  Dieu  de  tout 
votre  cmur  ,  &'c. 

A  Charité ,  fuîvant  l'idée  que  les  (âintes  Ecrî- 
tures  &  les  (aints  Pères  nous  en  donnent ,  eH 
im  amour  par  lequel  nous  aimons  Dieu ,  &  le  pro- 
chain par  rapport  à  Dieu.  C'ell  en  ce  (ens  que  l'A- 
pôtre S.  Paul  prend  le  terme  de  Charité ,  quand  il 
oit  que  la  Charité  eft  patiente,  qu'elle  eft  douce  & 
bienfaifànte. 

Les  Théologiens  ont  coutume  de  définir  la  Cha- 
rité ,  une  vertu  Théologale  infufe  ,  qui  nous  porte 
à  aimer  Dieu  pour  lui-même  par-defTus  toutes  cha- 
fes ,  &  le  prochain  comme  nous-mêmes  par  rapport 
à  Dieu. 

La  Charité  eft  une  vertu  Théologale,  puifqu'ellç 


far  les  Commandement  de  Dieu  ;       S^ 

<ï  Dieu  pour  premier  &  principal  objet.  Elle  ne  s'at- 
tache pas  feulement  à  une  des  perfedions  divines, 
mais  à  Dieu  tout  entier ,  le  regardant  comme  le 
fciuverain  bien ,  qui  renferme  en  loi  toutes  fortes 
de  perfedions  ;  de  ibrte  que  tous  les  attributs  de  Dieu  ^ 
Ces  décrets  ,  Tes  commandemens  ,  fes  jugcmens  lui 
plaifènt  ;  ce  qui  fait  dire  à  TEpoufê  des  Cantiques , 
dans  le  chap.  5.  que  Ion  Bien-aimc  eil  tout  aima- 
ble a. 

Cette  vertu  a  cela  de  commun  avec  la  Foi  & 
rEfpcrance  ,  qu'elle  efl  une  habitude  infufè.  Hxc  om- 
fiia  j  dit  le  Concile  de  Trente  ,  TefT.  6.  ch.  j.fimul 
infufa  accipii  h.cmo  per  Jcjïim  Chrillum  ,  cui  inferiutr , 
Fidim ,  Spem  &  Charitatem.  La  Charité  ne  s'acquiert 
point  par  des  ades  d'un  amour  naturel ,  c'efl  un  don 
que  le  S.  Efprit  répand  dans  nos  cœurs ,  comme 
nous  l'apprend  i'Apotre  dans  le  ch.  5.  de  l'Epitre 
aux  Romains  ^,  Cette  habitude  nous  fait  produire 
des  ades  d'amour ,  qui  ne  font  autre  chofe  que  la 
Charité  aduelle. 

Nous  aimons  Dieu  pour  lui-même  par  la  Chari- 
té ;  nous  nous  attachons  à  Dieu ,  confidéré  en  lui- 
mtme  ,  &  non  A  caufe  de  nous;  ainfî  le  motif  prin- 
cipal de  cet  amour  eft  la  pure  gloire  de  Dieu ,  en 
quoi  l'amour  de  charité  diP^ere  de  l'amour  d'efpé- 
rance ,  dont  le  motif  efî  notre  félicité  que  nous  at- 
tendons de  Dieu;  ce  qui  rend  cet  amour  merce- 
naire &  intérelîé  :  c'efl  pourquoi  S.  Paul  dit  dans  le 
chap.  13.  de  la  première  aux  Corinthiens,  que  la 
Charité  efl  plus  parfaite  que  l'Efpérance.  Cependant  , 
quoique  nous  aimions  Dieu  pour  notre  propre  in- 
térêt par  l'amour  d'efpérance  ,  cela  n'empêche  pas 
que  nous  ne  l'aimions  principalement  pour  lui-mê- 
me ,  &  que  nous  le  préférions  à  nous-mcmes. 

Certainement  on  peut  aimer  Dieu  &c  le  fèrvir  par 
la  pratique  de  toutes  les  vertus ,   en  vue  de  la  ré- 


a  Torus  dL-flderabllis  Dilcc-  f  riions  noftri;  pcr  Spin'nim  fan-» 
tijs  mcus._  j  aiim^ui  dams  eltnobis, 

i  Charitas  ditFufa  cft  in  cor- 


^Ô  Conférences  cP Angers; 

cjmperifê.  David  déclare  dans  le  Pfèaume  iiB*  qu'il 
l'aimoit  de  cette  manière.  Inclinavi  cor  meum  ad 
faciendas  ju/Iifcationes  mas  in  mernufn ,  propter  retri- 
butionem.  S.  Auguftin  étoit  bien  periuadé ,  que  cet 
amour  ,  quoique  moins  pur  ,  n'étoit  nullement  blâ- 
mable. Iffa  merces  tua  fumma ,  dit  ce  Père  fur  le 
Pfeaume  134.  Deus  ipfe  erit,  quem  gratis  diligis , 
&JÎC  amare  debes ,  ut  ip;u7n  pro  mer  ce  de  dejîderare 
non  dejînas,  qui  fohis  te  faàet.  Le  Concile  de  Trente 
dans  le  31.  Can.  {êfT.  6.  a  prononcé  anathcme  con- 
tre ceux  qui  loutiendroient  le  contraire  '^.  Et  le  Pa- 
pe Innocent  XII.  a  condamné  la  dodrine  des  Faux 
Myilîques  ,  qui  difent  qu'il  y  a  un  état  habituel  de 
pur  amour  de  Dieu  ,  qui  ell  la  Charité  parfaite  ,  où 
l'homme  aime  Dieu  feul  confîdéré  en  lui-même , 
làns  aucun  mélange  de  motif  intérelTé ,  ni  d'efpérance 
ni  de  crainte.  Cette  condamnation  eft  portée  par  la 
Conftitution  de  ce  Pape,  du  ii.  Mars  j6pp,  contre 
le  livre  intitulé  ,  Explication  des  Maximes  des  Saints  ^ 
fur  la  vie  intérieure ,  &  elle  a  été  reçue  par  tout  le 
Clergé  de  France.  Voici  la  première  proportion 
qui  y  eft  condamnée.  Daiur  habituaîis  fîatus  amoris 
Dei  3  qui  ejl  Charitas  piira  ,  &  fine  ulla  admixtione 
motivi  proprii  interejje  ;  neqiie  timor  pœnarum  ,  neqiie 
dejlderium  remunerationum  habem  amplius  in  eo  par^ 
tem. 

Nous  ne  devons  pourtant  pas  nous  propofèr  la 
récompenfe  pour  la  fin  principale  de  notre  amour  , 
de  forte  que  /î  nous  ne  l'avions  point  en  vue,  nous 
n'aimerions  pas  Dieu,  C'efl  en  ce  lens  que  S.  Ber- 
nard dit  dans  le  Livre  De  diligendo  Deo  ,  ch,  7.  Deiim 
amans  anima  jillud ,  pr ester  Deum ,  amoris  fui  pramium 
non  requirit ,  aut  fi  aliud  requirit ,  aliud  pro  certo  , 
non  Deum  diligit. 

A  plus  forte  raifbn ,  nous  ne  devons  pas  aimer 
Dieu ,  uniquement  à  caufe  des  biens  temporels  que 
nous  attendons  de  lui  ;  aimer  ainfi  Dieu  ,  ce  n'efl 
pas  l'aimer  ,  c'eft  aimer  Tes   biens ,  &  ne  regarder 

c  Si  quis  dixerit  juftifica-  j  sternœ  mcrcedis  bene  opéra- 
tum    peccare  ,    dum    intuitu     îur,  anatheraa  du 


fur  les  Comm an  démens  de  Dieu.        f)  1 

Dieu   que   comme   l'indrument   nccefTaire  pour  les 
avoir  ^. 

La  Charité  eft  auffi  un  amour  d'amitic  ,  car  cet 
amour  eft  réciproque  ,  puifque  Dieu  aime  ceux  qui 
l'aiment  ,  &  qu'il  Ce  communique  à  eux ,  comme- 
Jcfus-Chrift  nous  le  déclare  dans  le  chap.  14.  de  S. 
Jean  «.  Ce  qui  fait  dire  à  l'Auteur  du  Sermon  fur 
le  Riiptcme  de  J.  C.  parmi  les  Ouvrages  de  S.  Cy- 
prien  :  Qu'il  eftjufle,  6  Seigneur,  de  vous  aimer, 
puifque  vous  nous  aimez  vous-même,  nous  l'avons 
oui  de  votre  bouche  '  ! 

Par  la  Charité  nous  aimons  Dieu  par-deffus  tou- 
tes choses;  car  elle  fait  que  nous  aimons  Dieu  plus 
que  nous-mêmes  &  plus  que  toutes  autres  choses  qui 
foient  dans  le  monde  ;  i\  bien  que  comme  Dieu  a 
fait  toutes  cho(es  pour  lui,  nous  défirons  que  tout 
tourne  à  fa  gloire,  nous  lui  rapportons  tout ,  nous 
renoncerions  plus  volontiers  à  tout  ce  que  nous 
avons  de  plus  cher  au  monde,  que  de  l'offenfer, 
nous  fôuhaitons  que  tout  le  nîonde  l'aime  &  nous 
fouffrons  véritablement  quand  nous  voyons  qu'on 
l'offenfè.  La  Charité  ne  peut  être  fans  cette  difpc- 
fîtion  de  cœur.  Le  Sauveur  nous  le  fait  connoître 
quand  il  dit  dans  le  chap.  10.  de  S.  Matthieu  :  Celui 
qui  aime  [on  fere  on  fa-mer e  -plus  que  moi,  nejl  pas 
digne  de  moi  ;  &  celui  qui  aime  [on  fis  ou  fa  fille 
^lus  que  moi ,  n'ejl  pas  digne  de  moi. 

La  Charité  nous  fait  aufîi  aimer  le  prochain  ; 
mais  ce  n'efl  que  par  rapport  à  Dieu  que  la  Cha- 
rité nous  le  fait  aimer  ;  fi  nous  l'aimions  pour  d'au- 
tres vues  &  non  par  rapport  à  Dieu ,  ce  ne  (èroit 
pas  faire  un  ade  de  Charité.  S.  Grégoire  le  grand 
nous  en  avertit  dans  l'Homélie  zS.  fur  les  Evan^ri- 
les.  St  quîs  quemlihet  amat ,  fed  propter  Deitm  non 
amatj  charitatcm  non  hahet,fed  habere Je  putat» 


d  Si  ideo  colis  Deum  ,  quin 
dai  t^bi  fiindum  ,  non  cum 
culriirus  es  ,  quia  tollit  tibi 
fiindiim.  /iiig.  inPfil.4-i. 

e  Qui  diligit  me,  dilige- 
luî  i  Tatre  mc-o ,  &  ego  di- 


ligam  ciim  ,  &  manifeflabo  ci 
mt'iprum. 

/  Jiiftiim  cft  ,  Domine  ,  \\z 
dihgamiis  te hoc  ,  Do- 
mine ,  ex  ore  cuo  audivimus^ 


|!i'  Conférences  i^ Angers] 

Par  la  Charité  nous  nous  aimons  aufTi  nous-mé-* 
mes ,  mais  ce  n'efl  que  par  rapport  à  Dieu ,  ne  cher- 
chant notre  bonheur  qu'en  lui ,  &  ne  tendant  qu'a 
lui  uniquement.  S'aimer  foi-méme,  c'efl  vouloir  être 
heureux  ,  &  nous  ne  pouvons  l'être  qu'en  pofledant 
Dieu  ;  nous  ne  nous  aimons  donc  nous-mêmes  com- 
me il  faut ,  qu'en  nous  aimant  par  rapport  à  Dieu, 
L'amour  de  nous-mêmes  n'eft  pas  un  amour  réglé 
quand  il  s'arrête  en  nous-mêmes  ,  &  qu'il  ne  s'eîe- 
ve  pas  jusqu'à  Dieu  qui  en  doit  être  la  véritable 
fin. 

Saint  Auguilin  dans  le  livre  t.  de  la  Doêlrine 
Chrétienne,  ch.  23,  nous  fait  remarquer  qu'encore 
qu'il  y  ait  quatre  chofes  que  nous  devions  aimer  > 
dont  la  première  eft  au-delTus  de  nous ,  qui  eil  Dieu  : 
îa  féconde ,  c'eft  nous-mêmes ,  c'efl-à-dire ,  notre  ame  : 
la  troifieme  ed  autour  de  nous ,  c'eft-à-dire ,  les  créa- 
tures intelligentes  :  la  quatrième  eft  au  deffous  de 
lîous,  c'eft  notre  corps  ,  &  les  êtres  privés  de  raifbn; 
îiéanmoins  il  n'a  point  été  néceflaire  de  faire  à 
l'homme  aucun  commandement  pour  l'engager  à 
aimer  la  (econde  &  la  quatrième  de  ces  chofes  ;  car 
encore  que  l'homme  s'écarte  de  la  vérité  ,  il  n'ou- 
blie point  à  s'aimer ,  ni  à  aimer  fon  corps  8. 

Ce  même  Père  rend  une  autre  raifbn  dans  la  let- 
tre 52.  où  expliquant  pourquoi  J.  C.  a  dit  dans  le 
chap.  %%,  de  S.  Matthieu  que  toute  la  Loi  &  les 
Prophètes  étoient  renfermés  en  deux  préceptes ,  & 
qu'il  n'a  pas  dit  en  trois  ;  puifque  la  Loi  de  Dieu 
commande  à  l'homme  d'aimer  Dieu,  foi-même  & 
fon  prochain ,  c'eft  ,  dit  ce  Père  ,  parce  que  nous 
lie  devons  nous  aimer  que  pour  Dieu  ,  c'eft-à-dire , 
par  l'amour  que  nous  portons  à  Dieu  y  s'aimer  au^ 
irement  ,  c'efl  fe  haïr  ^, 


g  Cùm  quatuor  (înt  diligen- 
da  5  unum  quod  fupra  nos  eft  , 
alterum  ,  quod  nos  fumiis  ; 
trrtium  ,  quod  juxta  nos  eft  ; 
qiiartum  ,  quod  infra  nos  eft  , 
fie  fecundo  &  quarto  nulla 
prxcepta  danda  erant.  Quan- 
jtumlibet  enim  Homo  excidat 


à  veritate  ,  nian?t  îllî  diledio 
fuî  &  dileitio  corporis  fui. 

h  Cùrr»  tTcTo  illà  dileffeion? , 
quam  divina  Lex  impc.at ,  de- 
beat  liomo  diligere  Dcum  , 
ô:  feipfum  ,  &  proxinium  ,  non 
tamen  ex  hoc  tria  prjecepta 
data  funt  5  ne  diduru  cil:  itt 


fur  Us  Cowmandanens  de  Dieu,       p  J 

Dieu  eft  toujours  le  premier  &  le  principal  objet 
delà  Charité.  Elle  l'aime  lui  feul  pour  lui-mcme, 
parce  qu'il  eft  le  fouverain  bien  ,  &  lui  feul  lui  faic 
aimer  toute  autre  ciiole  par  rapport  à  lui.  Chariias , 
dit  S.  Auguftin  dans  le  livre  3.  de  la  Dodrine  Cliré- 
tienne ,  chap.  10.  ejl  motus  animi  ad  frttenùum  Dea 
propter  ipfum  ,  &  fe  atque  proximo  ,  proper  Detitn.  Les 
créatures  de  quelque  nature  qu'elles  foient  ne  font 
qu'un  objet  fubordonnc ,  puifque  la  Charité  ne  les 
aime  qu'autant  qu'elles  ont  du  rapport  à  Dieu,  & 
qu'elles  peuvent  contribuer  à  lîi  gloire. 

La  Charité  habituelle  e[i  néceflaire   de  nécelTitc 
de   moyen  ,  car  fims  elle  les    hommes  ne  peuvent 
obtenir  ni  la  vie  éternelle  ni  le  pardon  de  leurs  pé- 
chés ,   puilque  les  péchés  ne  font  point  remis   fans 
que    Dieu   répande  la   Charité  dans  les  cœurs.   La 
Charité  habituelle  que  les  Enfans   ont  reçue  au  Bap- 
tême leur   fuffit  pour  entrer   dans  le   Ciel  ,   quand 
ils  meurent  avant  l'ufàge  de  railôn ,  de  même  que 
la  Foi  &  FEfpérance  habituelles- 
Dieu  ne  s'ed  pas  contenté   de  nous  faire  connoî- 
tre  ce  qu'il  étoit ,  pour   nous  engager  à  l'aimer  ,   il 
rous   en  a  fait  un   Commandement  exprès  dans  le 
chap.  6.  du    Deutéronome.   Fous  aimerez  le  Seigneur 
votre  Dieu  de  tout  votre  cœur ,  de  toute  votre  ame  , 
Ù"  de  toutes  vos  forces.  Ces  Commandemens  que  je  vous 
donne  aujourd'hui  feront  gravés  dans  votre  cœur  \  Jeflis- 
Chrift  dans  le  chap.  ii.  de  S.  Matthieu  ,   nous  a  re- 
commandé l'exécution  de  ce  Commandement,  com- 
me étant  le  premier  &  le  plus  grand  de  tous  ceux 
que  Dieu  a  fait  à  l'homme.   Diliges  Dominum  Dentn 
tatim  ex  toto  corde  tuo ,  &  in  tota  anima  tua ,    &  in 
tota  mente  tua.  Hoc  ejl  maximum  &  primum  manda-t 


hîs  tribus  ,  fed  in  his  duobus 
prxceptis  tota  Lex  pcndet  & 
Prophets.  . .  .ut  intelligeretur 
riillam  effe  aiiam  dileiftioncm, 
quâ  quiî  diligir  fciprum  ,  nilî 
quod  diligit  Dt-um  ;  qui  enim 
aliier   fe    diligit,    potiùs   fc 


odllTe  diccndiis  eft. 

i  Diliges  DominuiT!  Dcuirt 
tiuim  ex  tcto  corde  tuo  ,  Se  ex 
tota  anima  tua,  &  ex  tota  for- 
titudine  tua  ;  eru.itque  vcrba 
l.of c ,  qux  ego  pra^cipio  libl  ho- 
diè  ^  in  corde  tuo* 


p^  Conférences   £  Angers  l 

nmi'  Quoique  ce  Commandement  ne  Coït  pas  tnaf- 
que  expreflëment  dans  le  Décalogue ,  on  peut  le 
tirer  néanmoins  de  ces  paroles ,  ]e  fuis  le  Seigneur 
'votre  Dieu  ;  car  /î  le  Seigneur  eft  notre  Dieu  ,  il  le 
faut  aimer  ;  il  n'y  a  pas  lieu  d'en  douter. 

L'homme  eft  fait  pour  aimer  Dieu  ,  c'ell  la  fin 
de  fà  nature;  Dieu  ne  l'a  créé  que  pour  cela.  Si 
l'homme  n'aime  Dieu  ^  il  fera  malheureux  ;  car  Ton 
unique  bonheur  confiile  à  aimer  Dieu  dont  il  a  tout 
reçu.  Ce  qui  fait  regarder  à  S.  Auguftin  avec  éton- 
nement ,  le  précepte  que  Dieu  a  fait  aux  hommes 
<ie  l'aimer  ;  car  quel  befoin  Dieu  a-t-il  d'être  aimé 
de  l'homme  !  Dieu  ne  poflede-t-il  pas  toute  forte 
de  biens  pi)r  Ton  efTence  ï  Et  qu'efl-ce  que  l'homme , 
qui  n'a  rien  qu'il  n'ait  reçu  de  Dieu  l  Qu'efl-ce  que 
je  fuis  ,  dit  S.  Auguftin  ,  dans  le  livre  i.  de  fès 
Confefifions,  au  chap.  5.  pour  que  Dieu  m'ordonne 
de  l'aimer  ,  &  qu'il  le  fâche  contre  moi ,  fi  je  ne 
l'aime  ^  ? 

L'amour  de  Dieu  n'efl  donc  pas  la  matière  d'un 
pur  confèil  que  Jefus-Chrift  ait  donné  aux  Chrétiens  ; 
jl  nous  efl  exprefTément  commandé  ;  puifque  le  Sau- 
veur interrogé  par  les  Pharifiens ,  quel  étoit  le  plus 
grand  Commandement  de  la  Loi  du  Seigneur,  a 
proteflé  hautement  que  c'étoit  celui  que  Dieu  nous 
a  fait  de  l'aimer  de  tout  notre  cœur,  C'efl  à  ce 
précepte  que  fè  rapporte  toute  l'étendue  de  la  Loi , 
comme  au  centre  &  à  la  fource  de  la  piété  chré- 
tienne. Plenitudo  le  gis ,  dileSîio ,  ait  VAçotte  dans  le 
çh.  13.  de  l'Epître  aux  Romains. 

Ces  paroks ,  Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu 
de  tout  votre  cœur ,  àe  toute  votre  ame  ,  de  toutes  vos 
forces  y  de  tout  votre  efprit,  nous  font  comprendre, 
I.  Que  nous  devons  aimer  Dieu  d'un  am.our  de 
préférence  à  toutes  les  créatures  ;  ce  que  les  Théo- 
logiens appellent  aimer  Dieu  par-dejfus  toutes  chofes 
apréciativement  ;  ceU-SL-dÏTe.,  que  nous  devons  préfé- 
rer Dieu  à  toutes  les  créatures ,  &  mettre  en  Dieu 

fc  Quid  tibifum  ipfe  utama-  j  irafcarismihl  àminerisingea- 
fi  te  jubeas  à  aie,  &  nifî  faciam  j  tes  mifcrias  i 


fur  les  Cominandemens  de  Dieu*       p  J 

tiotre  fbuverain  bien  &  notre  dernière  fin.  Summum 
honum,  dit  S,  Auguftin  dans  le  livre  des  Mœurs  de 
l'Egli^  au  chap.  ii.  quod  eiiam  optimum  diciiur , 
non  modo  dtligendum  ejje  nemo  ambigit ,  fed  ita  dili- 
rendum  j  ut  nihil  amplias  diligere  dcbeamus ,  idquejî^ 
gnificatur  &  esprhîiitur  qttando  dictiim  ejt ,  ex  tota 
anima  y  &  ex  toto  corde,  Ù"  ex  totâ  mente.  Le  Com- 
mandement que  Dieu  nous  a  fait  de  l'aimer,  nous 
obligeant  à  l'aimer  par-defTus  toutes  chofès,  on  pè- 
che mortellement,  Cl  on  aime  quelque  créature  plus 
ou  autant  que  Dieu.  L'amour  de  Dieu  doit  donc 
attacher  C\  fortement  &  /i  pleinement  notre  volonté 
â  Dieu  ,  qu'aucune  cholè  ne  puiffe  nous  en  féparer, 
&  que  nous  ne  craignions  rien  tant  que  de  lui  dé- 
plaire, comme  S.  Paul  le  difoit  dans  le  ch.  8.  de 
î'Epitre  aux  Romains  :  Je  fuis  ajfuré  que  ni  la  mort , 
iii  la  vie  ,  ni  les  Anges  ,  ni  les  Principautés ,  ni  les 
Puijjances 3  ni  les  chofes  préfentes,  ni  les  futures ,  ni 
la  violence ,  ni  toute  autre  créature  ne  me  -pourra  ja-* 
mais  féparcr  de  l'amour  de  Di^u. 

Si  on  Ce  plaît  en  quelque  créature  que  ce  fbit , 
autant  qu'en  Dieu ,  c'eft  mettre  (a  dernière  fin  dans 
la  créature,  c'ell  l'aimer  au  préjudice  de  Dieu,  c'efl 
la  lui  préférer,  ou  du  moins  la  lui  égaler.  Certai- 
nement cet  amour  ell  contre  l'ordre  naturel ,  qui  ne 
permet  pas  que  l'homme  qui  efl  égal  aux  créatures 
intelleâiuelles ,  &  fupérieur  aux  corporelles,  &  à  qui 
Dieu  a  donné  la  capacité  de  jouir  de  lui ,  s'attache 
à  autre  chofe  de  moins  qu'à  Dieu.  L'amour  que  nous 
devons  à  Dieu,  doit  être  fort  comme  la  mort  ,  fui- 
yant  l'expreffion  de  l'Epoufe  des  Cantiques  '  ,  il  doit 
nous  réparer  de  tout  ce  qui  neû  pas  Dieu  ,  ou  qui 
n'a  pas  du  rapport  à  Dieu.  Il  ne  nous  ell  pas  per- 
mis en  aucune  partie  de  notre  vie  de  jouir  d'aucune 
autre  chofe  que  de  Dieu  ,  dit  S.  Auguflin  dans  le 
livre  I.  de  la  Dodrine  chrétienne  au  ch.  iz.  Nous 
fômmes  obligés  ,  s'il  le  prélente  quelque  autre 
objet  à  aimer  ,  de  le  rapporter  à  Dieu  ,  qui  ell 
le  feul  objet  où   tout  l'eftort  de  notre  amour  dqit 

/  Fortij  ut  mors  dilciftio.  Cane,  Ij 


'^'6  Conférences  d'Angers, 

tendre  •".  Bien  plus  fî  on  veut  jouir  de  Dieu  ,  II  faut 
fe  détacher  entièrement  de  la  créature,  car  la  moin- 
dre attache  qu'on  y  a  ,  eft  comme  une  glu  qui  em- 
barrafTe  l'ame  &  TempécKe  de  s'élever  vers  Dieu  "• 

Il  ne  nous  ell  pas  commandé  d'aimer  Dieu  au- 
tant qu'il  eft  aimable ,  cela  eft  impofTible  à  la  créa- 
ture; car  Dieu  étant  infiniment  bon ,  il  efl  infini- 
ment aimable,  &  la  capacité  de  la  créature  eft  très- 
bornée.  11  ne  nous  elt  pas  même  commandé  d'aim.er 
Dieu  par-delTus  toutes  ciiofes  intenfivement,  c'efl-à-di- 
re,  avec  le  plus  grand  effort,  avec  la  plus  grande  ar- 
deur, avec  la  plus  grande  véhémence  qu'il  efl  pof^ 
iible  d'aimer.  Quoique  DieujTiérite  d'être  aimé  de  cette 
manière ,  il  ell  trop  bon  pour  vouloir  caufer  tant  de 
peine  aux  con (bien ces,  qui  feroient  toujours  dans 
ï'inquiétude,  fî  elles  avoient  ce  fervent  degré  d'a- 
înour.  Cet  am.our  ne  convient  qu'aux  Bienheureux, 
qui  jouiffent  de  la  préfence  de  Dieu ,  &  voient  Coa 
effence  à  découvert. 

z.  Que  nous  devons  dreffer  toutes  nos  intentions 
vers  Dieu ,  fbumettre  notre  entendement  à  Dieu  , 
régler  toutes  nos  inclinations  félon  Dieu  ,  &  obéir 
ià  Dieu  en  toutes  nos  adions  extérieures.  S.  Tho- 
mas d.ans  la  i.  z.,  q.  44.  art.  4,  entend  en  ce  (ens 
ces  paroles.  Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  de 
tout  votre  cœur  j  &c.  Vrctcipitur  ergo  nobis  ut  tota  m^ 
tentio  nojlra  feratur  in  Deurn  ,  quod  ejl  ex  toto  .corde  ; 
€^  quod  intelîeCîus  nojler  jiibdatur  Deo,  quod  ejî  ex 
tota  mente  ;  &  quod  appetitus  nojier  .regufeiur  fecun-' 
dum  Deum,  quod  ejî  ex  tota  anima;  &  quod  extcrior 
ddiis  nojier  cbediat  Deo ,  quod  eft  ex  tota  fortitudine , 
vel  virtute ,  vel  viribus  Deum  diligere. 

Le  Commandement  d'aimer  Dieu  pris  en  ce  lêns, 
ne  s'accomplira  dans  la  perfedion  que  dans  le  Ciel  y 

m  Cùrti  autem  ait  ,  toto  ;  in  ammum  ,  illuc  rapiatur  qno 
corde,  totâ  anima,  tocâ  men-  ;  totiis  diledionis  impttus  cur- 
te  ,  iiuilam  vitae    noflrx  par-  j  rit. 

tem  reliquir  qiiae  vacare  de- j  n  C'bligata  anima  amore  ter- 
beat ,  &  qiia(î  locum  dare  ut  j  reno,  qu^fi  vifcum  habet  in 
alla  re  velir  fîeri ,  fed  qiiid-  1  pennis  ,  volare  non  poteft. 
^uid  aliud  diiigendum  vef^erit  j  Au^,  ia  FfaU  lai. 

OU 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,       ^7 

crà  nous  aurons  une  connoJffance  pleine  &  parfaite 
de  la  bonté  infinie  de  Dieu,  &  où  chacun  aimera 
Dieu  aftuellernent  fans  interruption  &  autant  qu'it 
pourra  l'aimer  ;  cela  n'empcclie  pourtant  pas  que  dans 
cette  vie  mortelle,  nous  ne  foyons  obliges  de  procu- 
rer en  nous ,  tant  qu'il  nous  efl  pofîible ,  1  accroiffement 
de  cet  amour  &  de  nous  y  avancer  de  plus  en  plus  :  ce 
que  nous  ne  pouvons  faire  ,  fi  cet  amour  n'efl  raffec-» 
tlon  dominante  de  notre  cœur.  Il  faut,  fuivant  la  doc- 
trine de  S.  François  de  Sales,  dans  le  liv.  ro.  de  l'a- 
mour de  Dieu  ,  que  l'amour  de  Dieu  prévale  (iir  toutes 
les  affedions  de  notre  cœur  &  (lir  toutes  nos  paflions. 
11  doit  occuper  toute  notre  ame  &  gouverner  toutes 
nos  puiflTances,  il  doit  remplir  tout  notre  efprit  &  ani- 
mer toutes  nos  penfces,  il  doit  régler  toutes  nos  paro- 
les &  toutes  nos  adions ,  &  employer  toutes  nos  for- 
ces. Nous  devons  faire  avec  amour  tout  ce  que  nous 
faifbns".  En  un  mot,  l'amour  que  nous  devons  à  Dieu 
doit  le  rendre  le  maître  de  tout  ce  que  nous  Ibmmes. 
Dieu  ne  veut  point  que  notre  'cœur  (bit  partagé  entre 
lui  &  la  créature  ;  il  veut  le  pofTéder  tout  entier. 

Quand  l'amour  de  Dieu  l'emporte  par  deflus  toutes 
nos  affedions ,  on  ne  veut  que  la  gloire  de  Dieu ,  on 
n'agit  que  par  ce  motif,  on  n'a  point  d'autre  volonté 
que  la  fienne,  onne  penle  qu'à  lui  plaire.  Quand  Itj 
cœur  efl:  rempli  de  l'amour  de  Dieu ,  on  efl:  convainc 
eu  que  Dieu  eil  le  Ibuverain  bien  ,  que  hors  de  Dieu 
il  ne  peut  y  avoir  de  bien ,  on  n'a  point  d'autres  fen-« 
timens  que  ceux  de  Dieu  ,  on  reçoit  &  on  approuva, 
toutes  les  vérités  qu'il  a  révélées  à  Con  Eglile,  &  oit; 
s'y  Ibumet  volontiers.  Quand  Dieu  occupe  nôtres 
ame,  nos  (ens  (ont  réglés  luivant  (a  volonté,  nos  dé- 
fîrs  ne  Ce  portent  à  rien  qui  lui  puilfe  déplaire.  Quand 
l'amour  de  Dieu  nous  fait  agir  de  toute  notre  force» 
nous  pafl^ons  par  defTus  toutes  les  difficultés  qui  le 
rencontrent  à  accomplir  les  Commandemens  ;  fi  bie-i 
que  nous  (buffririons  plutôt  la  mort  que  de  les  violet! 
volontairement.  On  peut  voir  ce  que  S.  Bernard  dit 
A  ce  lujet  dans  le  Sermon  zo.  llir  les  Cantiques. 

0  Oirnia  vcftra  in  charitatc  fiant,  i«  ai  Cor.  r.  i^, 
Tome  I,  h 


5?  8  Conférences   £  Angers  ^ 

'  Quoiqu'on  ne  puifTe  pas  obferver  ce  précepte  de. 
l'amour  de  Dieu  auifi  parfaitement  fur  la  terre  que 
dans  le  Ciel ,  il  eu.  pourtant  vrai  qu'on  peut  l'obfer- 
ver  pendant  cette  vie,  comme  les  autres  Comman- 
demens  de  Dieu,  &  on  ne  pèche  pas,  pourvu  qu'on, 
ait  le  déiîr  de  plaire  à  Dieu ,  &  que  les  puifTances  de 
notre  ame  ne  foient  occupées  d'aucun  amour  illicite  ; 
de  forte  qu'on  ne  penfe  &  qu'on  ne  veuille  rien  qui 
fbit  contraire  à  l'amour  de  Dieu.  S.  Thomas  i'enfei- 
gne  ainfi  dans  la  i.  z.  q.  24.'art.  8.  &  dans  le  corps  de 
l'article,  &  fur  le  livre  3.  des  lèntences,  dift.  27.  q, 
3.  art.  4. 

Nous  dirons  ici,  pour  la  conlôlatlon  des  âmes  qui 
aiment  Dieu  ,  qu'elles  ne  doivent  pas  fe  perfuader 
être  lans  amour  pour  Dieu ,  lorfqu'eiles  s'apperçoi- 
vent  que  les  afleftions  pour  les  chofes  de  ce  monde 
font  des  impreffions  plus  fen/îbles  lur  leur  cœur  que 
celles  qu'elles  ont  pour  Dieu.  La  grande  fenfibilité 
dans  les  afi^edions  pour  les  créatures,  vient  de  ce  que 
îeur  objet  étant  fenlible  ,  frappe  plus  vivement  l'ima- 
gination ,  qu'un  objet  Ipirituel  tel  qu'eft  Dieu  ;  mais 
il  faffit  que  l'imprelfion  que  l'amour  de  Dieu  fait  dans 
le  cc"ur  Ibit  la  plus  forte ,  quoique  moins  fenlible  ;  Se 
on  doit  juger  qu'elle  ell  la  plus  forte ,  quand  on  efl 
intérieurement  dans  la  di(pofition  de  renoncer  pour 
Dieu  à  toutes  iesaffedions  leniîbles,  s'il  étoit  nécel^ 
faire ,  quand  on  s'abflient  de  toute  adion  mauvaise 
parle  délir  de  plaire  à  Dieu,  quand  on  efl  foigneux 
d'éviter  tout  ce  qui  peut  diminuer  en  nous  fon  amour, 
&  qu'on  efi  prêt  d'embrafier  tous  les  moyens  de  fe  le 
conlèrver  ,  quand  on  ell  zélé  pour  l'honneur  &  la 
gloire  de  Dieu ,  &  qu'on  n'eil  point  indiffèrent  à  ca 
qui  les  peut  bleffer  j  mais  fi  on  mené  une  vie  molle  , 
oifive  &  délicieufe,  &  que  le  jeu  &  le  divertilîement 
enfafTentle  capital;  fî  on  ne  fonge  qu'au  monde,  & 
qu'on  penfe  rarement  à  Dieu;  fî  on  ne  s'occupe  que 
des  honneurs  &  des  grandeurs  du  monde,  &  qu'on 
n'en  confidere  point  la  vanité  ,  qu'on  ne  fente  point 
en  foi  d'inclination  qui  en  retire  ;  fî  on  ne  fê  trouve 
point  porté  a  s'humilier,  à  aimer  les  fouiFrances,  à 
pratiquer  la  pénitencç  j  c'çft  une  marque  trop  çertai-!; 


fur  les  Commandcmms  de  Dieu,        99 

t\ù  que  l'amour  de  Dieu  n'eft  point  dans  notre  coeur. 

3.  Que  nous  devons  rapporter  toutes  nos  adions  k 
Dieu.  Soit  que  nous  buvions  ,  foit  que  nous  mangions , 
foit  que  nous  fafTions  quelque  chofe  que  ce  puifl'e  être  , 
nous  devons  le  faire  pour  la  gloire  de  Dieu,  fuivant 
la  dodrine  de  S.  Paul  dans  la  première  Epitre  aux  Co- 
rinthiens au  ch.  10.  &  dans  celle  aux  Colofl'iens  au 
ch.  3.  Puisqu'il  ne  nous  efl  pas  permis  d'aimer  aucune 
créature  pour  elle-même ,  il  faut  que  nous  ne  Tai- 
mions  que  par  rapport  à  Dieu  ;  pui(que  nous  Ibmmes  « 
par  notre  nature ,  les  (erviteurs  &  les  efclaves  de 
Dieu ,  nous  (bmmcs  obliges  d'agir  pour  lui  dans  tous 
les  momens  de  notre  vie  :  puilque  nous  appartenons 
à  Dieu  par  titre  de  créature  ,  toutes  nos  adions  doi- 
vent être  à  lui  :  puisque  Dieu  eu.  notre  dernière  fin, 
nous  devons  tendre  a  lui  par  toutes  nos  aftions,  & 
les  lui  rapporter  toutes;  ainfî  que  ceux  qui  ont  l'ambi- 
tion pour  fin  ,  rapportent  à  leur  grandeur  toutes  leurs 
adions  ;  s'ils  étudient ,  s'ils  traYaillent ,  s'ils  parlent  y 
c'eft  par  ce  motif,  ils  nepenfent  qu'à  cela;  c'efl  ce 
qui  leur  fait  faire  choix  de  leurs  emplois  ;  c'eft  ce  qui 
les  occupe  tous  ;  c'ed-là  la  règle  par  laquelle  ils  ju- 
gent de  toutes  choses. 

Un  bon  moyen  pour  rapporter  toutes  nos  aflions 
à  Dieu ,  c'eft  de  penfer  le  matin  aux  adions  qu'on 
doit  faire  le  jour,  de  faire  attention  à  ce  que- la  Loi 
de  Dieu  nous  ordonne  à  leur  (ujet ,  de  les  régler  fur 
cela,  &  de  former  le  deiïein  d'obéir  à  Dieu  en  tout, 
enfuite  Ce  mettre  à  exécuter  ce  qu'on  doit  faire  ;  &  s'il 
arrive  que  la  cupidité  nous  porte  à  faire  quelque  cho- 
fe qui  no  le  rapporte  pas  a  Dieu ,  renouveller  la  ré(b-« 
lution  qu'on  avoit  prile  le  matin. 

Il  n'eft  pas  nécelTaire  pour  que  toutes  nos  aftions 
iôient  faites  pour  Dieu,  d'être  toujours  aduellement 
occupés  de  Dieu ,  &  de  lui  rapporter  chaque  aftioa 
par  un  aéte  formel  d'amour.  Dieu  ne  nous  a  pas  im^* 
pofé  une  obligation  fi  difiicile  à  obferver.  Il  fufîit, 
comme  nous  avons  dit,  que  le  défir  d'obéir  à  Dieu  & 
de  lui  plaire,  foit  virtuellement  le  principe  de  no^ 
adions ,  n'ayant  point  été  rétraété  par  aucun  amouc 
qui  lui  foit  oppolc  ,  de  forte  que  nous  açTifuons  en 


XOO  Conférences   d'Angers, 

vertu  du  déCiv  que  nous  avions  formé  de  plaire  à  Dieu' 
en  tout.  Cela  fait  que  nos  penfées ,  nos  paroles ,  nos 
aftions  (ont  dans  l'ordre ,  &  (è  rapportent  à  Dieu  di- 
redement  ou  indiredemem. 


IV,      QUESTION. 

Sommes-nous  obligés  de  produire  des  AEles  d'A- 
mour  de  Dieu?  Quand  doit-on  les  produire  y 
ù"  quels  péchés  font  particulièrement  oppofés 
à  la  Charité  r 

I  on  veut  parler  en  termes  de  l'Ecole ,  il  s'agît 
dans  la  première  partie  de  cette  Queftion  ,  de 
i^avoir  fi  la  Charité  aduelle  efl  néceflàire  de  néceflité 
de  précepte  aux  Adultes  pour  être  fauves  ;  à  quoi  nous 
répondons  que  ceux  qui  ont  l'ufàge  de  la  raifon, 
{ont  obligés,  fous  peine  de  péché  mortel,  de  produi- 
re des  ades  formels  d'amour  de  Dieu  pour  obtenir 
la  vie  éternelle.  Le  Commandement  que  Dieu  nous 
fait  de  l'aimer,  nous  oblige  diredement  &  par  lui- 
même  à  produire  des  Aftes.  Le  Pape  Alexandre  VII, 
l'a  déclaré  par  Ion  Décret  du  14.  Septembre  1665, 
dans  lequel  il  a  condamné  cette  Propofîtion  :  Homo 
nullo  unqtiam  vitœ  [ux  tempore  tenenir  eîicere  aCîiim 
Fidei,  Sfei ,  Charitatis ,  ex  vi  fr^eceptorum  ad  eas  vir^. 
tutes  feninemiiim. 

Nous  établirons  deux  Propofitions  pour  foûtien  de 
cette  réponle, 

La  première  efl ,  que  le  précepte  d'aimer  Dieu  > 
n'eft  pas  un  précepte  général  auquel  on  làtisfaffe  en- 
tièrement en  accomplilîant  les  autres  Commandemens 
que  Dieu  nous  a  faits  ;  rnais  un  précepte  particulier 
qui  nous  impole  une  obligation  fpéciale,  différente 
de  celle  des  autres  Commandemens  de  Dieu.  La  Fa- 
culté de  Théologie  de  Paris  en  l'an  1665.  &  le  Clergé 
de  France  en  1700,  nous  ont  fait  connoître  que  c'é-* 
toit-ià  leur  lêntiment  j  quand  ils  ont  condamné  cette 


fur  les  Commun  démens  de  Dieu.     lOl 

Propo/îtion  :  Vrœce^tum  amoris  Dei  &  proximi  non  ejl 
fpeciale  ,  fed  générale  ,  cui  per  aliorum  frieceptontm 
ûdimpletioriem  fatisjit. 

Il  n'y  a  pas  d'apparence  de  croire  que  Dieu  qui  a. 
pris  le  foin  de  faire  des  Loix  à  l'homme  pour  régler 
les  opérations  de  Ton  ame,  les  mouvemens  de  les  (ens 
&;  les  aftions  de  les  membres ,  ne  lui  en  ait  pas  fait 
une  particulière  pour  régler  les  inclinations  de  la  vo- 
lonté ,  qui  eft  la  principale  faculté  de  l'ame ,  &  dont 
les  différens  amours  rendent  les  hommes  bons  ou 
mauvais  ,  ainfi  que  remarque  S.  Auguftin  dans  la  Let- 
tre i^^.quiétoit  autrefois  la  51.  àMacédonius  ^. 

La  féconde  Propofition,  qui  eft  une  (liite  de  la  pré- 
cédente ,  c'eft  que  Dieu  en  nous  enjoignant  de  l'aimer 
par  deffus  toutes  chofes,  nous  a  non-lèulement  com- 
mandé de  l'aimer  d'un  amour  effectif,  qui  con/îfte  à 
faire  le  bien  qu'il  nous  a  ordonné  ,  &  à  s'abftenir  du 
mal  qu'il  nous  a  défendu  ;  mais  qu'il  nous  a  encore 
commandé  de  l'aimer  d'un  véritable  amour  affedif  » 
c'e(l-à-dire  ,  de  produire  des  'ades  formels  d'amour 
qui  nous  portent  vers  lui  &:  nous  attachent  à  lui.  La 
manière  dont  ce  précepte  eft  énoncé  dans  la  fainte 
Ecriture  ,  nous  doit  perfuader  qu'on^-ne  peut  y  (atis- 
faire  en  demeurant  dans  un  état  où  l'on  le  contente- 
roit  de  n'avoir  point  de  haine  pour  Dieu  ;  mais  qu'il 
faut  nécefïàirement  fiire  quelquefois  des  a(5les  inté- 
rieurs d'amour  de  Dieu ,  làns  quoi  nous  ne  pouvons 
pas  efpérer  d'obtenir  la  vie  éternelle.  Jefus-ChriH 
nous  l'a  déclaré  lui-même  en  approuvrant  dans  le  ch, 
10.  de  S.  Luc  la  réponle  de  ce  DoAeur  de  la  Loi, 
qui  lui  avoit  avoué  que  pour  pofi'éder  la  vie  éternelle 
il  falloit  aimer  Dieu  de  tout  Ion  cœur ,  de  toute  loîi 
ame,  de  toutes  les  forces  &:  de  tout  Çon  elprit,  &  que 
la  Loi  l'ordonnoit  ainfî.  C'eft  pourquoi  le  Pape 
Alexandre  VIII.  par  (on  Décret  du  14.  Août  i65>o. 
&  le  Clergé  de  France  dans  l'AlTembiée  de  1700.  one 
prolcrit ,  comme  hérétique  cette  Propolîtion  :H«wc,, 

a  Mores  nofrri  non    ex  co  T  nec  faciunt    bonos  vel  milos 


qnod  quifque  novir ,  fcd  ex  eo 
juod  diligiij  dijudicari  foicnt  ; 


mon-s ,  nifi  boni   vel  mali  a* 
morts. 

E  iij 


102  Conférences  d'Angers , 

'fmm  ultîmum,  homo  non  tenetur  amare ,  neque  in  prut* 
cipo  3  neque  in  decurfit  vitafu^  moralis. 

Il  ne  faut  pas  s'imaginer  qu'on  faffe  des  véritables 
zdes  d'amour  de  Dieu ,  parce  que  l'on  prononce  de 
bouche  certaines  formules  d'aftes  qu'on  trouve  dans 
les  Livres  de  dévotion.  Si  nous  nous  contentons  de 
dire  à  Dieu  que  nous  l'aimons ,  fans  l'aimer  efFedive- 
ment,  nous  fommes  des  menteurs ,  comme  David  le 
reproche  à  plufîeurs  dans  le  Plèaume  jj.Et  dilexerunt 
eiim  in  orejùo ,  ù"  linguâfuâ  mentiti  fum  ei. 

Ces  modèles  d'ades  d'amour  de  Dieu  font  vérita- 
blement très-utiles  ;  ils  fervent  beaucoup  à  exciter 
ram.our  de  Dieu  dans  les  cœurs,  quand  ils  font  pro- 
noncés avec  attention  ,  mais  ils  ne  font  par  eux-mê- 
mes que  des  penfées  d'amour  de  Dieu,  qui  nous  mon- 
trent les  motifs  dont  doit  naître  cet  amour  ;  &  fî  ces 
penfées  n'excitent  en  notre  volonté  des  mouvemens 
qui  la  portent  à  prendre  Dieu  pour  Con  partage  & 
pour  fà  dernière  fin,  &  à  s'attacher  uniquement  a  lui, 
ce  ne  iont  nullement  de  véritables  ades  d'amour  de 
Dieu  ;  car  l'amour  de  Dieu  n'efl  pas  une  penfée  de  l'ef^ 
prit ,  m.ais  un  mouvement  de  la  volonté  ,  qui  veut 
jouir  de  Dieu.  Gharitatem  voco  animi  mcmm  ,  adfruen-- 
dum  Deo  froper  ipfum ,  dit  S.  Auguflin  dans  le  livre 
3 .  de  la  Dodrine  Chrétienne ,  chap.  i  o. 

Nous  ne  (bmmes  pas  obligés  de  produire  à  tout 
moment  des  aétes  d'amour  de  Dieu  ;  mais  auffi  il  ne 
fufîit  pas  pour  accomplir  le  précepte  de  l'amour  de 
Dieu  d'en  produire  un  ade  dans  (a  vie,  ou  tous  les 
cinq  ans,  ou  quand  on  a  befoin  d'être  juftifîé  ,  &  qu'on 
ne  le  peut  être  par  une  autre  voie ,  ou  leulement  à 
l'article  de  la  mort.  Pour  foutenir  ce  que  nous  difbns 
ici,  c'eiî  aifez  d'alléguer  la  condamnation  que  le  Pape 
Innocent  XI.  par  fon  Décret  de  l'an  1675».  le  Clergé 
de  France  dans  l'année  170c.  &  la  Faculté  de  Paris 
en  l'an  1665.  ont  fait  des  quatre  Proportions  qui  fui- 
vent  : 

An  peccet  mcrtaliter,  qui  aÛum  dileCïionis  Dei  Je - 
mel  tannim  in  vita  eliceret  ?  condemnare  non  audcmus, 

Trobabiîe  eft ,  ne  fmgulis  quidem  rigorosè  quiaquen* 
niis  perfe  obligare  prxceptiim  Qharitatis  çrgaVmm^. 


fur  les  Commandement  de  Dieu.     103 

Tune  folitm  ohligat  j  qiiando  tenenntr  jiifJiJicari ,  Ù". 
non  habemus  aliam  viam  qiiâ  jujlif.cari  ^ojtumits. 

rraceptiim  arnoris  Dei per  fe  tantam  obligat  in  artî- 
citlo  mortis. 

Ces  cenfiires  nous  doivent  faire  comprendre  que 
nous  fbmmes  obliges,  prccifcment  par  le  comman- 
dement de  Dieu  ,  de  produire  fouvent  dans  le  cours 
de  notre  vie  des  ades  de  cet  amour. 

Si  quelqu'un  vouloit  encore  douter  de  cette  obliga- 
tion ,  il  faudroit,  pour  l'en  convaincre  ,  lui  fiiire  faire 
attention  à  tout  ce  que  dit  Moife  aux  Ilraélites  de  la 
part  de  Dieu  ,  quand  il  leur  annonça  le  Commande- 
ment que  le  Seigneur  leur  fai(bit  de  l'aimer  de  tout 
leur  cœur,  de  toute  leur  ame  ,  &  de  toutes  leurs  for- 
ces. Il  leur  dit  tout  de  fuite,  ain/î  qu'il  efl  marqué 
dans  le  ch.  6,  du  Deutcronome  :  Ces  Commandement 
feront  gravés  dans  votre  cœur  ;  Vous  les  méditerez  dans 
votre  maifon,  dans  vos  voyages ,  dans  votre  fomrneil , 
à  votre  réveil  ;  Vous  les  aurez  attachés  a  vos  mains  ^ 
Vous  les  aurez  toujours  devant  les  yeux  ;  Vous  les  écrirez 
fur  vos  portes.  Y  a-t-il  quelque  apparence  qu'on  eût 
recommandé  fi  fortement  un  amour  qui  ne  dût  être 
qu'un  amour  oifif ,  &  qui  ne  le  fit  (entir  que  très-ra- 
rement ?  Nous  nous  abuserions  C\  nous  croyions  que 
l'amour  de  Dieu  (e  pût  conferver  long-temps  dans  l'a- 
me  d'un  homme  qui  a  Fulage  de  la  rai(bn,  (ans  être 
nourri  &  entretenu  par  des  ades  formels  d'amour  > 
qui  (oient  capables  de  rcfifter  à  la  cupidité ,  qui  tend 
fans  cefTe  à  (e  rendre  maitreffe  de  notre  coeur.  Pen- 
fbns  donc  que  tandis  que  nous  fommes  dans  ce  mon- 
de, nous  (ommes  des  voyageurs  qui  marchons  dans 
un  heu  d'exil  &  de  miferes,  où  nous  ne  devons  point 
nous  arrêter,  mais  nous  hâter  d'aller  à  Dieu  ,  qui  efl 
notre  fin  unique,  &  en  qui  feul  conCi^Q  notre  félicite. 

Il  efl  dilhcile  de  fixer  précifément  le  tems  auquel 
le  précepte  de  l'amour  de  Dieu  nous  oblige  directe- 
ment &  par  liii-mcme  à  en  furc  des  aftes. 

Plufieurs  Théologiens  ertiment  avec  S.  Thomas 
dans  la  i.  2.  q.  8i?.  art.  6.  qu'on  efl  obligé,  fous  peine 
dépêché  mortel,  de  faire  un  afte  d'amour  de  Dieu , 
aufTi-tôt  qu'on  a  att.ûnt  l'ufàge  de  la  raifon ,  &  qu'on 

E  iv 


104  Conférences    (T Angers  y 

eu  en  état  de  rapporter  avec  délibératiQn  toutes  fè$ 
adions  à  une  fin  ;  car  alors  on  a  la  liberté  ncceffaire 
pour  fe  tourner  vers  Dieu  ou  vers  la  créature  ,  &  on 
efl  obligé  de  fe  tourner  vers  Dieu  &  de  lui  rapporter 
tout  comme  a.  la  fin  dernière.  Plu/ieurs  autres  Doc- 
teurs croyent  que  dans  ce  crépufcule  de  la  raifon  ,  le 
manque  de  connoilTance  excufe  les  enfans  de  péché 
mortel. 

Comme  les  enfans  quand  ils  commencent  à  avoir 
Tu-age  de  la  raifon,  s'en  fervent  rarement  pour  s'ap- 
pliqi  er  à  Dieu ,  les  pères  &  les  mères  &  ceux  qui  les 
Gonduilent  ,  doivent  tâcher  ,  par  toutes  fortes  de 
moyens,  de  leur  infpirer  ,  dès  leurs  plus  tendres  an- 
nées des  fèntimens  qui  les  portent  à  faire  ce  que  Dieu 
demande  d'eux  quand  ils  ont  atteint  l'âge  de  raifon: 
s'ils  ne  veulent  pas  expofer  leur  fa '.ut  en  négligeant 
celui  de  leurs  enfans  ,  il  faut  qu'ils  les  accoutument  à 
fe  fcuvenir  de  Dieu  pendant  la  journée,  à  l'adorer 
j)lu/ieurs  fois  avec  le  plus  de  refped  qu'ils  peuvent,  à 
s'offrir  à  lui ,  à  le  prier  de  les  conferver  dans  la  grâce 
qu'ils  ont  reçue  ou  Baptême;  il  faut  qu'ils  les  portent  à 
faire  leurs  petits  exercices  dans  la  vue  de  Dieu,  &  à 
s'humilier  d.evant  lui  pour  les  fautes  qu'ils  auroienc 
çommiCes, 

Tous  les  Dodeurs  conviennent  que  nous  (ommes 
particulièrement  obligés  de  faire  des  ades  d'amour  de 
Dieu,  lorfque  nous  fbmmes  à  l'article  de  la  mort,  & 
que  nous  fentant  coupables  de  péché ,  nous  n'avons 
point  d'autre  moyen  pour  nous  réconcilier  avec  Dieu. 
Nous  ne  craindrons  point  de  dire  que  nous  y  fbmmes 
même  obligés,  quand  nous  nous  jugerions  innocens; 
nous  devons ,  à  l'exemple  des  Vierges  fages ,  qui  al- 
lumèrent leurs  Lampes  pour  aller  au-devant  de  l'E- 
poux, nous  préparer  à  la  jouiliance  de  Dieu  par  un 
ardent  amour.  Aufli  c'ell  la  coutume  générale  des 
Payeurs  de  faire  faire  aux  mourans  des  ades  de  Foi  ^ 
d'Eipérance. 

Il  y  a  d'autres  occafîons  où  le  précepte  de  l'amour 
de  Dieu  nous  oblige  indiredement,  &  à  raifon  d'au- 
tres chofes  que  nous  lommes  tenus  de  faire;  ce  qua 


far  les  Commandemens  de  Dieu,     loy 

les  Théologiens  appellent  obliger  par  accident.  Ces 
occafTons  font  : 

1.  Lorsque  Ce  fèntant  coupable  de  quelque  pcchc 
mortel ,  on  efl  oblige  d'adminillrer  un  Sacrement  (îins 
pouvoir  auparavant  recevoir  l'abfolution  du  Prêtre  ; 
parce  qu'alors  on  doit  produire  un  ade  de  contrition 
parfaite ,  qui  renferme  virtuellement  en  foi  l'amour 
de  Dieu. 

2.  Dans  les  tentations  prefTantcs,  où  nous  devons 
craindre  de  perdre  la  Cliarité;  c'eft  pourquoi  il  fauc 
nous  y  enraciner  &  nous  y  fonder  ^. 

3.  Quand  nous  avons  re^^u  de  Dieu  quelque  bienfait 
confidcrable ,  qui  efl:  une  marque  de  (on  amour  ;  il 
faut  par reconnoiffance  l'aimer,  pour  ne  pas  tomber 
dans  le  péché  d'ingratitude. 

4.  Quand  nous  venons  à  la  (àinte  Table,  où  nous 
recevons  le  précieux  gage  de  l'amour  de  Jefus-Chrifr 
pour  nous* 

5".  Quand  nous  prions  Dieu,  ou  que  nous  afllftons 
au  (àcrificc  de  la  MelTe,  de  cra:inte  que  Dieu  ne  nous 
reproche  que  nous  ne  Tlionorons  que  des  lèvres,  & 
que  notre  cœur  eft  bien  éloigné  de  lui  *=.  Pouvons-- 
nous  dire  à  Dieu,  que  Con  Nom  (oit  (àndifîé ,  que 
fbn  Royaume  arrive  ,  que  (à  volonté  (oit  faite,  fî. 
nous  ne  dé/irons  (à  gloire  plus  que  toute  autre  cho- 
fe  ;  ce  qui  efl  aimer  Dieu  véritablement.  On  peut 
voir  fur  ce  fujet  S.  Cyprien  dans  le  liv.  de  l'Oraifbn 
Dominicale, 

Enfin  nous  devons  produire  des  afles  d'amour  de- 
Dieu  pour  augmenter  en  nous  Ton   amour,    &  nouS' 
avancer  dans  la  juflice  ;  car  l'amour  de  Dieu  ne  nous- 
efl  point  commandé  dans  une  certaine  mefure.  C'efî 
pourquoi  S.  Bernard  dit  dans  le  chap.  i.  du  liv.  de  di- 
ligcndo  Deo  ,  que  la  manière  d'aimer  Dieu  ,  eft  dé  l'ai- 
mer fîms  mefiire  ^.  Il  ne  faut  donc  pas  que  nous  nous- 
contentions  d'une  certaine  melure  d'amour ,   mais  il. 
faut  que  nous  nous  efforcions  de  nous  avancer  de  plui. 


è  In  Cliaritate  raUcati  Se 
fun-lati.  Ad  Ephef,  3, 

c  Populiis  hic  labiis  me  ha- 
StOTii.,  cor  autem  corum  longe 


tfl  à  me.  Mat 'h,  15. 

d  Modns  diligendi  Deum,, 


hnc  mod«  diligere. 


^ 


'To6  Conférences  d'Angers  y 

en  plus  dans  l'amour  de  Dieu,  chacun  félon  nosfor-^ 
ces  comme  des  voyageurs ,  dont  les  uns  vont  plus 
vite  5  les  autres  plus  lentement ,  mais  qui  avancent 
tous  vers  le  terme  de  leur  voyage.  Le  Concile  de 
Trente  nous  fait  remarquer  dans  lafefT.  6.  ch.  lo.  que 
l'Eglile  demande  a.  Dieu  cet  accroilTem.ent  d'amour 
&  de  juflice ,  quand  elle  dit  Le  Dim.anche  xiii.  après- 
la  Pentecôte  :  Da  nobis  Fidei ,  Spei  &  Charhaiis  aiig- 
mentiim. 

Il  s'enfuit  de-là ,  que  l'omiflicn  des  ades  d'amour 
de  Dieu  ell  en  diverfes  rencontres  un  péché  ;  mais  ce 
péché  n'ell:  pas  toujours  mortel,  il  n'elî:  fouvent  que 
véniel.   Nous  ne  fbmmes  pas  aufH  toujours  obligés 
d'expliquer  diredement  &  exprefTément  ce  péché  en 
Confefïion ,  il  fuffit  de  le  confefler  indire<ftement  en- 
exprimant  les  péchés  de  Commifïion  &  d'Omilron 
qui  le  renferment.  Par  exemple,  fi  on  s'accufe  d'avoir- 
négligé  de  prier  Dieu ,  ou  de  le  remercier  de  (es  bien-- 
faits ,  ou  d'avoir  iliccombé  à  des  tentations  contre 
l'amour  de  Dieu  ,  on  d'avoir  trop  aimé  le  monde , 
ou  de  ne  s'être  occupé  entièrement  que  des  chofès  du 
monde ,  fans  avoir  penfé  a.  Dieu.  S'accufer  de  ces  fau- 
tes ,  c'eil  fe  confefler  d'avoir  omis  d'aimer  Dieu,  & 
d'avoir  négligé  les  moyens  de  faire  croître  cet  amour,. 

Tout  péché  eu  contraire  au  commandement  de  l'a- 
mour de  Dieu  &  en  efl  un  violement ,  puifqu'il  n'y  a 
aucun  péché  qui  fe  commette  fans  l'amour  de  la  créa- 
ture ,  &  que  l'amour  de  la  créature  efl  contraire  à  l'a- 
mour de  Dieu  ;  fi  bien  que  qui  aimeroit  bien  Dieu  , 
ii'aimeroit  aucune  créature  au  préjudice  de  Dieu.  11 
y  a  pourtant  des  péchés  qui  font  direftement  oppo- 
ûs  à  la  Charité ,  &  qui  nous  font  particulièrement 
défendus  parle  Précepte  de  la  Charité,  en  tant  qu'il 
efl  négatif.  Ces  péchés  font  la  haine  de  Dieu,  &  le- 
dégoût  des  chofes  fpirituelles  qu'on  nomme  commu- 
nément la  parefTe  ,  8c  que  les  Théologiens  appellent 
Acedia. 

Haïr  Dieu  efl  un  trcs-grand  péché  ,  chacun  en  efl 
pleinement  convaincu,  mais  on  n'efl  pas  afTez.  per- 
(uadé  que  ce  péché  foit  aufîi  commun  qu'il  e([  dans, 
h  mondç  y  parce  ^u'on  jie  £ùt  £as  aitenùoji  «ju'efl:^ 


fur  les  Commandemms  de  Dieu,     107 

tore  que  l'on  ne  puiflb  hair  Dieu  ,  confideré  en  lui- 
mcme  comme  le  foiiverain  bien,  on  le  hait  pourtant 
à  cau(e  de  Tes  Jugemens  &  de  fa  Juftice,  quand  on  le 
confidere  comme  vengeur  des  crimes ,  ou    comme 
auteur  de  quelques  maux  que  l'on  (ouffre  ,  ou  de  quel- 
ques peines  qu'on  craint.  Ah  aliqiiihus ,  dit  S.  Tho- 
mas dans  la  2.  1.  q.  34.  art.  r.  Deiis  odio  haberi  poteJl,m 
quantiirn  fcilket  apprchenditur  peccatoriim  prohibitor  Ô* 
fœnanim  inflJÛor.  En  effet,  on  reconnoit  fouvent  pac 
expérience    que   plufîeurs  pécheurs  con/idcrant  que 
leurs  péchés ,  pour  lefqueis  ils  ne  peuvent  concevoir! 
d'averfion,  déplaifent  à  Dieu,  &  qu'il  les  en  punira, 
haiffeni  Dieu  ,  pui(qu'ils  voudroient  qu'il  n'y  eût  point 
de  Dieu  ,  ou  que  Dieu  ne  punit  point  leurs  péchés^ 
Souvent  ces  miférables  accompagnent  de  paroles  de 
murmure  ces  déteftables  tentimens;  ils  fe  plaignent 
que  Dieu  les  traite  trop  févérement  ,    &  qu'il  leur 
commande  des  chofes  trop  difficiles ,  &  ils  rejettent 
leurs  fautes  lur  Dieu.  Ce([  de  ces  (brtes  de  gens ,  dont 
S.  Auguftin  dit  dans  le  Traité  957.  fur  S.  Jean  :  Que  ce 
font  des  miférables ,   qui  voulant  être  méchans ,  ne 
veulent  pas  qu'il  y  ait  une  vérité  qui  les  condamne.  Ils 
ne  veulent  pas  qu'elle  foit  ce  qu'elle  ed ,  au  lieu  qu'ils 
devroient  vouloir  ne  pas  être  ce  qu'ils  font  ^. 

Ce  que  l'on  appelle  dégoût  des  choies  Ipirituelles , 
eft  proprement  une  trifteUe  &un  dégoût  du  fervice  de 
Dieu  ,  qui  le  font  paroitre  trop  pénible  ,  qui  font- 
qu'on  om.et  (es  devoirs  envers  Dieu  plutôt  que  de  Ce 
faire  violence,  qui  donnent  de  l'averlîon  pour  la  pa- 
role de  Dieu,  qui  caufent  de  la  répugnance  pour  la^ 
piété,  qui  rendent  infupportables  les  peribnnes  qui- 
travaillent  a  procurer  îa  gloire  de  Dieu. 

Quand  ce  dégoût  ed  confîdérable ,  il  éteint  entiè- 
rement la  Charité  ,  dont  le  propre  eft  de  nous  rendre 
fervens  &  zélés  pour  le  (ervice  &  la  gloire  de  Dieu  y 
parconféquent ,  c'efl  un  péché  mortel  de  la  nature. 

Il  faut  prendre  g?.rde  que  ce  dégoût  peut  n'être  que 


e  O  mifcrî  liomincs  !  qtii 
«iim  elfe  volum  m'.li  ,  nolunt 
«û'c  vexiutcm^c^uâdamnantur 


mali  ;  nohint  entm  csm  ef!« 
qviod  cft  ,  ciim  fcipfos  dcbeaati 
noUe  eflb  quod  fnnt». 

E  v^jj 


!io8  Conférences  a  Angers] 

fcnfîble,  involontaire  &  feulement  dans  la  partie  îîï-^ 
férieure  de  l'homme  ;  alors  il  n'eft  pas  un  véritable- 
péché  ,  mais  feulement  une  foiblefTe  qui  peut  être  une 
occafîon  de  vidoire  &  de  vertu.  Il  peut  aufTi  étra 
dans  la  partie  fupérieure  de  l'ame ,  &  être  tout-à-fait 
volontaire  ;  alors  s'il  domine  tellement  dans  l'ame 
qu'il  ne  lailTe  aucune  affedion  pour  le  (èrvice  de  Dieu , 
îl  eft  certainement  un  péché  mortel  ;  mais  s'il  eft  pea 
confidérable,  &  qu'il  caufe  feulement  une  pélànteur 
d'efprit,  qui  n'empêche  pas  qu'on  ne  falTe  fon  devoir, 
quoiqu'avec  quelque  forte  de  négligence ,  il  n'efî 
cju'un péché  véniel ,  mais  très-dangereux,  parce  qu'il 
conduit  infenfîblement  à  un  miférable  état. 

On  pèche  aulïi  contre  le  commandement  dé  Ta- 
snour  de  Dieu ,  quand  la  honte  &  le  refped  humain, 
îîous  empêchent  de  faire  le  bien  qui  eft  d'obligation  ; 
c'ed  une  marque  qu'on  préfère  la  créature  au  Créa-» 
seur. 


fur  les  Commandcrnens  de  Dieu,     lo^ 

^Vl  i-'X  ))(  à  à-'ilE' »- lie-  M  K  A-*  «  à  m  *  w. -à  à  %  *  *  i^^-^ 

RESULTAT 

D  E  S 

CONFÉRENCES 

S  U  R 

LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU. 
Tenues  au  mois  de  Juillet  1713. 

PREMIERE     QUESTION. 

Qu'eJl'Ct  que  la  vertu  de  Religion ,  &  j^we/j  e/î: 
yà«r  /ex  A5les  ? 

ÏL  efl  confiant  que  les  trois  premiers  préceptes  du 
Décalogue  regardent  particulièrement  la  vertu  de;. 
Religion,  &  qu'ils  nous  en  ordonnent  la  pratique  :  le 
premier,  en  nous  enjoignant  la  fidélité  envers  Dieu  > 
&  nous  défendant  d'honorer  d'autres  Dieux  que  lui  : 
le  fécond,  en  nous  commandant  de  porter  le  refpeâ: 
à  Ion  S.  Nom  &  :i  tout  ce  qui  le  touche  d'une  manière 
particulière,  &nous  défendant  de  commettre  aucune 
irrévérence  contre  lui ,  contre  (on  Nom  ou  contre  les 
chofes  qui  lui  (ont  confâcrécs  :  le  troi/îeme  ,  en  nous 
prefcrivant  le  tems  &  la  manière  de  rendre  le  culte 
qui  efl  dû  à  Dieu,  &  nous  défendant  de  vacquer  aux 
œuvres  fèrviles  certains  jours  de  la  femaine.  Il  efl 
dencà  £ro£os  de  pariçr  dek  vertu  de  Religion  avax^ 


lîà  Conférences  d'Angers, 

^ue  d'entrer  dans  le  détail  des  obligations  qui  noûï^ 
iont  prefcrites  paries  crois  premiers  Commandemens- 
du  Décalogue. 

Soit  qu'on  tire  du  verbe  Rtlego ,  l'origine  du  mot 
Religio^  parce  qu'on  doit  lire  &  relire  les  chofes  qui 
regardent  le  culte  de  Dieu ,  foit  qu'on  la  tire  du  ver- 
be Religo ,  parce  que  la  Religion  efl  un  lien  qui  nous 
tient  attachés  à  Dieu ,  la  Religion  eil  une  vertu  Mo- 
rale, qui  nous  porte  à  rendre  à  Dieu  l'honneur  &  le 
culte  qui  lui  font  dûs ,  comme  étant  le  premier  Prin- 
cipe ,  le  Seigneur  fbuverain ,  &  la  fin  dernière  de 
toutes  chofès. 

La  Religion  efl  une  vertu  Morale,  parce  qu'en' 
nous  portant  à  faire  des  adions  honnêtes  &  louables  ,. 
elle  rend  nos  mœurs  bonnes  &  réglées  :  elle  eft  une 
fuite  de  la  vertu  de  juflice.  Ce  n'eft  pas  une  vertu 
Théologique  qui  ait  Dieu  pour  objet  immédiat,  Dieu 
n'en  efl  proprement  que  la  fin ,  en  tant  que  tous  les 
ades  de  Religion  fe  font  pour  fon  honneur  &  pour  fà 
gloire.  Son  objet  propre  efl  le  culte  dû  à  Dieu  qu'elle 
nous  fait  lui  rendre,  comme  l'enfèigne  S.  Tliomas 
dans  la  2.  1.  q.  8i.  art.  5.  Non-fèulement  elle  nous 
fait  concevoir  une  haute  eflime  de  Dieu  ,  mais  elle 
nous  fait  encore  reconnoitre  par  différentes  adions 
l'excellence  de  la  Majeflé  divine  &  fon  fbuverain  Do- 
maine, &  elle  nous  fait  lui  marquer  notre  fôumifTion 
&  notre  dépendance. 

Il  y  a  deux  fortes  d'ades  de  Religion  ,  les  uns  quî 
lui  font  propres,  qu'elle  produit  immédiatement  par' 
elle-même  ,  comme  l'adoration  &  le  facrifice  :  les 
autres  que  la  Religion  ne  produit  pas  immédiatement 
par  elle-même  ,  m.ais  par  le  moyen  des  vertus  fbu- 
mifes  à  fôn  empire  ,  auxquelles  elle  fait  faire  des  ac- 
tes en  vue  d'honorer  Dieu.  Les  premiers  fbnr  appelles 
par  les  Théologiens  aBas  eliciti  :  on  nomme  les  au- 
tres a^us  imper ati.  C'eft  en  ce  fécond  fens  que  les 
ades  de  miféricorde,  de  tempérance  &  de  plu/ieurs 
autres  vertus  peuvent  (  comme  l'enfèigne  S.  Thomas 
dans  la  même  queflion  à  l'art,  i.  dans  la  répcnle  à  la 
ï.  objedion  )  être  appelles  des  ades  de  Religion. 
C'efl  de-Li  que  S,  Jacques  au  çh*  i«  de  (on  Epure ,  dis 


fur  les  Commandemcns  de  Dieu,     1 1 1 

que  la  Religion  Se  h\  piété  pure&  fiins  tache  aux  yexiK 
de  Dieu  notre  Père  ,  con/îlle  à  vifiter  les  orphelins 
&  les  veuves  dans  leur  afflidion,  &  à  Ce  conferver  pur 
de  la  corruption  du  ficelé  ^. 

Les  adcs  propres  de  la  Religion  Ce  divifent  en  inté- 
rieurs &  en  extérieurs  ;  car  le  culte  de  Dieu  peut  être 
intérieur  &  extérieur.  Nous  pouvons  reconnojtre  Ton 
excellence  &  lui  protéger  notre  dépendance  au-de- 
dans  de  nous-mêmes  par  des  ades  purement  de  l'ef^ 
prit ,  comme  font  les  Anges  dans  le  Ciel ,  &  les  Fi- 
dèles fur  la  terre.  Nous  le  pouvons  faire  aufïî  au-de- 
hors  par  des  actions  du  corps  ,  comme  nous  le  faiibns 
quand  nous  fléchifl'ons  les  genoux  ,  ou  que  nous  nous 
inclinons  pour  adorer  Dieu.  C'eil  ce  que  nous  a  voulu 
faire  entendre  David  dans  le  Pf.  83.  quand  il  dit  que 
fôn  cœur  &  (a  chair  failbient  éclater  par  des  tranfports 
de  joie  le  refped  &  l'amour  qu'ils  avoient  pour  le 
Dieu  vivant  ^. 

Les  ades  intérieurs  de  la  Religion  font ,  la  Dévo- 
tion &  rOraifbn. 

La  Dévotion  eft ,  félon  l'Auteur  du  Livre  qui  a 
pour  titre ,  de  Spiritu  Ô*  Anima  ,  parmi  les  œuvres 
de  S.  Auguftin ,  une  pieufe  &  une  humble  affedion  de 
la  volonté  envers  Dieu  :  humble  par  la  connoilîïmce 
de  notre  foibleffe  :  pieufe  par  la  confidération  de  la 
bonté  infinie  de  Dieu  ^.  Cette  affedion  fait  qu'on  ai- 
me à  honorer  Dieu  ,  qu'on  fe  porte  avec  joie  a.  touc 
ce  qui  regarde  fbn  culte  ,  qu'on  a  du  zélé  pour  pro- 
curer (a  gloire,  &  qu'on  le  confacre  avec  plaifir  à  fon 
fervice.  Le  Pfalmille  nous  le  marque  dans  le  Pfeaume 
76.  quand  il  dit,  que  lefbuvenir  de  Dieu  lui  donnoit 
du  plaifir  ^, 

Les  Eccléfiafliques  qui  par  leur  état  font  dévoués  à 


a  Religio  mitnda  8c  imma 
culara  apud  Dtuai  &Patrem  , 
hïc  c  ft  ,  vifitare  pupillos  ,?f  vi- 
diias  in  tribiilaiionc  eoium  ,  d' 
immaciilatiim  fe  ciiitodire  ab 
hoc  r»ci)lo. 

b    Cor  meiim  &    caro  mea 
«uIuYcrwin  in  Deum  viviim». 


c  Plus  &  humilis  affeâns  in 
Deiim  :  bumiliç  ex  confcitri" 
tià  infirmitatis  proprist  :  pins 
ex  con/idcratione  .cUmcntix 
divinar. 

d  Memor  fui  Del  ,  Si  dclcc» 
tacus  fum*. 


Ftiâ"  Conférences  £jngerSy 

Dieu  &  confàcrés  à  Con  (êrvice ,  &  qui  par  confe-i 
quent  font  obligés  d'être  plus  dévots  que  les  fimpley 
Fidèles  ,  doivent  luivre  cet  exemple  du  Prophète,  ne 
pas  dire  leur  Office  avec  précipitation  &  par  manière 
d'acquit ,  ne  pas  faire  négligemment  les  fondions  de 
leur  miniftere,  &  ne  pas  s'acquitter  avec  nonchalance 
de  leurs  obligations, 

La  dévotion  efl  un  don  de  Dieu ,  qu'il  faut  deman*- 
der  dans  la  prière,  &  à  laquelle  on  doit  s'exciter  par 
la  contemplation  de  l'excellence  de  Dieu ,  de  (à  bon-- 
ré  infinie  ,  de  la  foiblefle  de  notre  nature  &  de  nos 
propres  défauts.  David  nous  apprend  au  Pf.  38.  que 
c'eft  dans  cette  méditation  que  s'allumele  feu  de  la' 
Gharité  «. 

L'Oraifbn  efl  une  élévation  de  l'efpnt  à  Dieu  ,  par 
laquelle  nous  lui  demandons  les  choies  qui  nous  con- 
viennent :  E/î  afcenfus  mentis  in  Detim  ,  dit  S,  Jean  de 
Damas  au  liv.  3 .  de  la  Foi  orthodoxe,  ch.  2 4.  ou  fi  l'or» 
veut,c'eftuTi  entretien  de  l'efprit  &  du  cœur  avec  Dieu, 
dans  lequel  nous  lui  faifbns  connoîtrele  defir  que  nous 
a-zons  d'obtenir  de  lui  quelque  choCe  :  Çlitiprecamr  , 
cttm  Deo  colloquimr  ,  dit  S.  Chrylbftome  dans  le  fé- 
cond Jifcours  de  la  Prière.  Elle  ed  fondée  fur  la  Foi 
&  fur  l'Efpérance  que  nous  avons  en  Dieu  ;  car ,  com- 
me nous  enfèigne  l'Apôtre ,  ch.  10.  de  TEpitre  aux 
Romains ,  on  n'invoque  point  le  nom  de  celui  dans 
lequel  on  ne  croit  pas  ^ ,  Se  Ci  nous  voulons  obtenir 
de  Dieu  ce  quenous  défirons ,  il  faut ,  félon  S*  Jacques 
chap.  I.  de  fon  Epître,  lui  demander  avec  foi  fans  au- 
cun doute ,  c'eft-à-dire ,  avec  une  ferme  efpérance  s. 

Il  eu  certain  que  la  prière  efl  un  afte  de  Religion  , 
puifque  ,  comme  remarque  S.  Thomas  %.  2.  q»  83. 
art.  3 .  nous  rendons  à  Dieu  par  la  prière  l'honneur  & 
le  refped  qui  lui  font  dûs.  En  priant  Dieu ,  nous  lui: 
déclarons  notre  indigence  &  notre  bafTefTe  ,  nous 
avouons  notre  dépendance  ,  &  nous  nous  foumettons 
à  lui,  nous  reconnoilTons  fà  bonté  infinie  qui  diflri- 


e  In  medUatlone  meâ  esar- 
tercet  ignis, 
/  ^^lomodo    ergo   invoca- 


bunr,  in  quem  non  credidc' 
runt. 

g    Poftulet   autem   in  fidc- 
r.ihil  h^eiluos*- 


fur  Iti  Commun  démens  de  Dieu,     1 1  j 

bue  les  biens  aux  créatures  félon  fîi  volonté  ,  &  nous 
çroteftons  qu'il  eft  le  maître  &:  l'auteur  de  tous  les 
biens,  nous  adreffant  à  lui  pour  obtenir  tous  nos  be- 
(bins  ;  c'efl  pourquoi  David  fbuhaitoit  que  le  Se'i- 
gneur  regardât  les  prières  comme  un  (àcrifice  qu'ilr 
Iji  oflroit  ^, 

L'Oraifon  eftauffi  un  don  de  Dieu,  l'Ecriture-Sain- 
te  nous  l'apprend  dans  le  chap.  li.  de  Zacharie  ,  oii 
Dieu  promet  qu'il  répandra  fur  la  Maifon  de  David  & 
lûr  les  Habitans  de  Jérusalem  un  Elprit  de  grâce  &  de 
prières  ' ,  &  encore  dans  la  première  Epitre  aux  Co- 
rintbiens  au  ch.  12.  où  l'Apôtre  nous  aiTure  que  per- 
Ibnne  ne  peut  dire  ,  Jefus  Seigneur ,  que  par  le  S.  E(^ 
prit  ^»  S'entretenir  avec  Dieu  ,  c'efl  quelque  choie 
trop  au-deffus  des  forces  de  l'homme  pour  qu'il  le 
puiffe  faire  (ans  que  (a  foibleffe  fbit  aiaée  du  lecours 
de  la  grâce  du  S.  Efprit.  Q^uantum  fit  ,  dit  S.  Chryfclr 
tome  dans  le  dilcours  qu'on  vient  de  citer ,  honù" 
nem  in  àivimim  coîloquiiim  venire ,  nemo  ejl ,  qui  nef- 
ciat .  .  .  feri  nuUomodo  poîe/l ,  îfr  homo  fine  diviiii  Spi^ 
ritûs  ope  divinam  ferat  confueuidiiiem.  Dieu  donne 
cette  grâce  à  tous  les  hommes ,  puisqu'il  les  veut  tous 
fàuver  ;  s'ils  ne  font  pas  ,  c'efl  leur  pure  faute. 

Les  Ades  extérieurs  de  la  Religion  ,  (ont  l'Adora- 
tion ,  le  Sacrifice  ,  les  ORVandes ,  les  Prières  vocales , 
les  Louanges  ,  les  Actions  de  Grâces ,  le  Vœu  &  le 
Jurement.  Ces  Ades  extérieurs  pour  ctre  méritoires 
devant  Dieu  ,  doivent  être  accompagnés  des  ades  in- 
térieurs qui  répondent  à  ces  marques  fen/ibles  de  Re- 
ligion. Car  ce  font  des  (ignés  qui  doivent  lervir  à  éle- 
ver notre  efprit  vers  Dieu ,  pour  lui  rendre  l'honneut 
6c  le  re(ped  qui  lui  font  dûs. 


h  Diriganir  oratio  mea  fient 
jncenfum  in  conrpc(flu  ni->  : 
«levatio  m:iniuim  mcarum  fa- 
crilicium  vefpertinum.  Pfal. 
143. 

i    Ejfaa.iam    fuper  (îomnm 


Davitl ,  &  fuper.  habiratorc* 
Jcrufalem  fiMritum  gratix  de 
ptetum. 

/b  Nemo  potcft  diccrejDo— 
minus  Jcfus  ,  niû.  in.  ijpirito. 
Saiîclo. 


'^T^/%^ 


Xï^  Conférences   a  Angers  ^ 


UULA4M1B1'  wiNnwi'.j.wgfejj.T  m'jvtntmtam 


IL      QUESTION. 

Sommes-nous  obligés  de  prier  Dieu,  O  de  quelle 
manière  devons-nous  le  prier  ? 

LA  Prière  ell: ,  ou  intérieure  ou  extérieure.  La 
Prière  intérieure  qu'on  nomme  ordinairement 
VOraifon  Mentale  ,  eu  celle  qu'on  fait  au  fond  du 
cœur  ,  fans  la  produire  au-dehors  par  aucune  parole  ; 
c'eft  ain/î  que  Anne  ,}Mere  de  Samuel ,  prioit  devant 
le  Seigneur.  Il  ell  marqué  au  ch,  i .  du  liv.  i  .jdes  Rois, 
qu'elle  parloit  dans  Ton  cœur,  &  que  l'on  voyoit  feu- 
lement remuer  Tes  lèvres ,  fans  qu'on  entendit  aucune 
parole  ^.  David  parie  de  cette  prière,  lorfqu'il  dit  au 
tC  i8.  que  fon  cœur  méditoit  toujours  dans  la  pré- 
fence  de  Dieu  ^. 

La  Prière  extérieure  efl  celle  qui  fe  manifefte  au- 
dehors  par  des  paroles  ,  &  qu'on  nomme  par  cette 
raifon ,  Trière  Vocale,  Il  en  eft  fouvent  parlé  dans  la 
Sain.e  Ecriture,  Le  Prophète  O^ée  ,  ch.  14.  verfet  3. 
ia  nomme  le  Sacrifice  des  lèvres.  Jefus-Chriil  nous  en 
a  appris  i'uiàge  ,  en  compolant  l'Oraifbn  qu'on  ap- 
pelle Dominicale,  L'ApÔtre  S.  Paul  nous  y  exhorte 
fortement.  Offrons  fans  ceffe  ,  dit-il ,  dans  l'Epitre 
aux  Hébreux  ch.  13.  par  J.  C.  à  Dieu  unehoftiede 
louange  ,  c'efl-à-dire ,  le  fruit  des  lèvres  qui  rendent 
gloire  à  fbn  Nom  ^,  Rempliflez-vous  du  S.  Efprit ,  dit 
le  même  Apôtre  aux  Ephéfiens  ch,  5.  vous  entrete- 
nant de  Pfeaumes ,  d'Hymnes  &  de  Cantiques  fpiri- 
tuels  ,  chantant  &  pfalmodiant  du  fond  de  vos  cœurs  , 
à  la  gloire  du  Seigneur.  Ce  qu'il  répète  aux  Colof^ 
fîens  chap.  3. 

a  Anna  loquebauir  in  corne  \  confpefcu  tuo  ferr,per. 
rio,tantiimquelabia;llii.s  mo-  |       c  Fer  ipTiim  crgo  offeramus 
vebaniur  ,  &  vox  pcnitùs  non  '  hofti.im  laudis  femper  Dco  ,  id 
awdiebatiir.  !  eft,  frutlam  labiorucncOi;fiua«» 

b  Meiiitaûo  cordis  md  in  '  tiua^  Noniini  ej.us« 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,      1 1 5* 

Il  nous  efl  absolument  ncceffaire  de  prier  Dieu ,  Se 
de  lui  demander  les  chofes  dont  nous  avons  befbin  , 
Se  que  nous  pouvons  efpcrer  de  fa  bonté.  Nous  n'a- 
vons rien  que  nous  ne  recevions  de  lui.  Nous  ne  pou- 
vons de  nous-mcmes  rien  faire  dans  l'ordre  du  filut, 
pas  même  former  une  bonne  penfie  ;  tout  nous  vienc 
de  Dieu  par  J.  C.  Non  quod  [uj^cicntes  fimiis  cogitarc 
aîiqtiid  a  nohis  qitaft  à  nobis  ,  Jed  fiijjicientia  nojïra  es 
Deo  ejl  p  dit  l'Apotre  dans  la  féconde  aux  Corinthiens 
ch.  3.  C'eft  ce  be(t)in  du  fècours  de  Dieu,  &:  cette 
indigence  ,  qui  portoient  David  à  conjurer  le  Sei- 
gneur de  TafTifter.  Vour  moi ,  di(bit-il  ,  je  fuis -pauvre 
&  mifcrahle  j  ajjijîcz-moi  ,  6  mon  Dieu  ^. 

Si  iDieu  communique  quelques  grâces  fans  qu'on  les 
lui  ait  demandées ,  il  y  en  a  beaucoup  que  Dieu  n'ac- 
corde qu'à  ceux  qui  les  lui  demandent ,  comme  font 
l'augmentation  de  la  grâce  fàndifîante,  le  don  de 
perfcvérance  dans  le  bien.  Conjiat ,  dit  S.  Auguflin 
au  Livre  du  Don  de  la  Perfévérance  ch.  i^.  Deum 
alia  danda  etiam  non  orannbus ,  ficm  initium  Fidei , 
alia  non  nifi  orantihus  praparajfc  ,  ficut  ufque  in  fnem 

Î^erfeverantiam,  Ce  font  ces  grâces  que  S.  Jacques  dans 
e  ch.  4.  de  fon  Epitre,  dit  que  nous  n'avons  point, 
parce  que  nous  ne  les  demandons  pas  à  Dieu.  Nonha-' 
heiis  propter  quod  nonpojlulaiis.  La  prière  efl  donc  un 
moyen  pour  obtenir  les  grâces ,  fans  lefquelles  nous 
ne  pouvons  arriver  à  la  vie  éternelle. 

La  prière  efl:  de  précepte  divin.  Ce  précepte  nous 
eft  marqué  par  ces  paroles  de  Notre-Seigneur  en  S. 
Luc  ch.  18.  il  faut  toujours  prier  &  ne  fè  lafler  point 
de  le  faire  ^ ,  &  par  ces  autres  paroles  du  ch.  7.  de  S. 
Matthieu ,  Tetiie  &  dahitur  volais ,  Demandez  8c  on 
vous  donnera.  Fetere  ^  dit  S.  Thomas  2.  z.  q.  83.  art. 
3.  dans  la  réponfe  à  la  z.  objedion  ,  cadit  fuh  prcscepto 
rcligionis  y  qitod  quidcm  pritceptum  ponitnr.  M^.ttU,  7« 
uLi  dicitiir ,  Vsiiie  &  acciùieiis,  C'efi:  de-là  que  l'Egli- 
fè  ,  avant  que  de  chanter  a  la  iVlefTe  l'Oraifbn  Demi-* 


d  Ego  vcio  egeniis  &  paupc r 
fiim  ,  Deus ,  adjiiva  me,   tf. 


e  Oportet  fempcr    orarc  •'k 
non  dcficerc. 


fïï^  Conférences    d^ Angers  ^ 

jilcale ,  protefte  que  ceû  fùivant  l'inflruâion  qu^ell^ 
a  reçue  de  Dieu ,  &  pour  obéir  à  Ces  Commandement, 
qu'elle  ofe  dire  :  Notre  Père  qui  êtes  dans  les  Cieux. 
traceptis  falutaribus  moniti ,  &  divinâ  injînutione  for^ 
mati ,  audemus  dicere. 

Si  J.  C.  nous  a  fait  un  précepte  de  la  prière  ,  il 
îious  en  a  donné  l'exemple  lui-Tnême  pour  nous  ani- 
mer, aufli  bien  par  Tes  avions  que  par  Ces  paroles  ,  à 
oblerver  ce  Commandement.  Il  a  pafle  une  bonne 
partie  de  (a  vie  en  prière  ;  il  n'entreprenoit  rien  d'im- 
portant qu'il  ne  s'y  préparât  par  la  prière.  Quand  il 
appella  les  Apôtres ,  il  alla  fîir  une  montagne  pour 
prier  ,  &  il  y  pafTa  toute  la  nuit  en  prière  ^. 

Il  n'efl  pas  facile  de  déterminer  en  quel  tems  le 
précepte  de  la  prière  oblige.  On  convient  pourtant 
qu'on  ell  obligé  de  prier  : 

1.  Lorfque  l'on  doit  prévenir  la  tentation  ou  la 
combattre.  Qrandum  ^  dit  S.  Auguilin  dans  le  Traité 
53.  flir  S.  Jean  ,  ne  fucumhat  înjtrmitas.  Le  Seigneur 
nous  l'a  recommandé  dans  l'avertifTement  qu'il  donna 
à  fès  Difciples  au  Jardin  des  Oliviers  :  Vigilate  &  orof 
te  j  lit  non  iKtretis  in  tentationcm.  Mattli.  26. 

2.  Loi-fqu'on  doit  s'exciter  à  la  contrition.  C'efîruîi 
damnable  orgueil ,  étant  coupable  de  péché,  que  de 
croire  qu'on  en  obtiendra  le  pardon  ,  fans  qu'on  prie 
Dieu  de  nous  l'accorder  ;  auffi  J.  C.  nous  a  appris 
à  le  demander  :  Dimhte  nobis  débita  no/Ira.  Les  an- 
ciens Géans  ,  dit  l'Eccléfiaftique  ch.  ré.  n'obtinrent 
point  le  pardon  de  leurs  péchés ,  &  ils  furent  détruits 
a  caulè  de  la  confiance  qu'ils  avoient  en-  leurs  pro- 
pres forces  s. 

3.  Lorsqu'on  dait  entreprendre  quelque  affaire  im- 
portante à  la  gloire  de  Dieu  ,  ou  qu'on  e(l  obligé 
d'accomplir  quelque  commandement  ;  car  quoique 
les  Commandemens  de  Dieu  ne  foient  pasimpofli- 
blés ,  &  que  nous  les  accomplillions  fî  nous- voulons  > 


/  Exiit  in  montem  orare ,  8t 
€rat  pcrnodans  in  orationc 
Pci.  Luc,  6. 

S  Non  exoraverunt  pro  pec- 


catis  fuisantJquiGigantes  ,  <î"î 
Heftruâri  funt ,  confidentes  fuae- 
vinuti. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.      1 17 

i^canmoins  comme  c'eft  le  Seigneur  qui  prépare  no- 
tre vo-lontc  ,  il  faut  le  prier  pour  l'engager  à  la  pré- 
parer ,  efpcrant  que  la  ferveur  de  nos  prières  nous  ob- 
tiendra la  facilité  d'accomplir  fes  Commandemens. 
Cermm  eji ,  dit  S.  Auguftin  dans  le  Livre  de  la  Grâce 
&  du  libre  arbitre  ch.  1 6.  not  mandata  fervare  Jî  volu' 
mus  y  fed  quia  pr^paramr  volumas  a  Domino  ,  ab  illo 
pctendum  e/}  ut  tantum  velimus ,  quantum  jufficit  ut  vo- 
lendo  faciamus.  Uhi  difficultatem ,  dit  le  même  Père 
dans  le  Livre  de  la  ^^ature  &  delà  Grâce  chap.  68, 
aliquam  fentiunt  JideliJJïmis  &  ferfeverantijjîmispreci^ 
bus  i  &  mifericordix  promptis  operibus  facilitatem  à  Do' 
mino  impeirare  perfijîant. 

4.  Lorfqu'on  eft  malade  ,  affligé ,  perfécuté ,  qu'on 
efl  en  danger  pour  l'ame  ou  pour  le  corps  ,  en  un  mot, 
dans  les  befbins  extraordinaires  ,  dans  le  tems  d'af- 
flidion  &  de  calamité  publique.  Le  .Seigneur  nous  en 
avertit  lui-même  par  la  bouche  du  Prophète  Roi.  PfZ 
49.  Invoquez-moi  dans  vos  affligions ,  &  je  vous  en 
délivrerai ,  Invoca  me  in  die  ajflicîionis  ,  ô"  eruam  te, 
Tobie  (cç'ut  bien  mettre  cela  en  pratique  ,  fe  lentant 
piqué  des  injulles  reproches  que  fà  femme  lui  faifbit  y 
il  pria  le  Seigneur  avec  larmes  ^. 

5.  Lor/qu'on  (c^^ait  que  le  prochain  efl  dans  une  ex- 
trême nécefflté  fpirituelle.  Priez,  les  uns  pour  les  au- 
tres ,  afin  que  vous  foyez  (auvés ,  dit  S.  Jacques  dans 
le  ch.  5.  de  Con  Epître  \ 

Comme  ces  cas  dans  lesquels  la  prière  ed  de  pré- 
cepte ,  font  alTez  ordinaires  ,  ceux  qui  demeurent 
long-tems  flins  prier  ,  pèchent  par  omifTion  contre  ce 
précepte  ,  &  même  quelquefois  mortellement.  Ceux 
qui  ne  prient  ni  foir  ni  matin  ,  vivent  ordinairement 
(ans  Religion  ,  comme  des  Athées. 

Il  faut  prier  (ans  cefTe  pour  obéir  au  Seigneur  ^^ 
L'Apôtre  avertit  les  Theiïaloniciens  de  cette  obliga- 
tion :  Sine  intermijjîone  orate.  au  chap.  ^.  Il  recom- 
mande la  mcme  chofv?  aux  Colofllens ,  chap.  4,  OrAt 


h  Ingemuit ,  3c  cœpit  orarc 
^unr\  lacrymis.  Tob,  3, 

i  Ontc  pro  inviccra  ^  uî  fal- 


vemini, 

h  Oporret  fcmpn  orarc  ^ 
non  dcâ«cict 


tl8  Conférences  d'Angers, 

tioni  injlatê ,  vigilantes  in  ea.  Saint  Pierre  nous  doiiiie 
Je  même  avis  dans  (a  première  Epicre  ch.  4.  Vigilate 
m  orationibiis,  Aufii  c'étoit  la  pratique  des  premiers 
Chrétiens.  Il  eft  dit  au  ch.  i.  des  Ades  qu'ils  perfé- 
véroient  tous  dans  un  même  efprit  en  prières  ^  ;  ce 
qui  marque  au  moins  l'obligation  de  prier  fouvent. 

Il  n'eil  pas  néceffaire  de  louer  ou  prier  toujours 
Dieu  de  bouche  ,  ou  de  penfer  toujours  aduellement 
à  Dieu.  Les  occupations  indilpenfables  de  la  vie  ren- 
dent cela  impolfible  ,  mais  elles  n'empêchent  pas  que 
nous  ne  puifîions  conferver  toujours  dans  notre  cœur 
un  déiir  qui  nous  porte  à  nous  unir  à  Dieu  dans  le 
Ciel.  Si  ce  déiîr  lubfille  toujours  au  fond  du  cœur  ,  & 
qu'il  ne  (bit  point  interrompu ,  notre  prière  eft  con- 
tinuelle ,  félon  le  fentiment  de  S.  -A.uguilin  dans  la 
Lettre  m.  qui  eft  la  130.  de  la  nouvelle  édition  "\ 
C'étoit  cette  vie  éternelle  que  David  dé/îroit  &  de- 
mandoît  à  Dieu  :  Unam  peiii  à  Domino  ,  kanc  reqiii- 
ram  ,  ut  inhabitem  in  domo  Domini  omnibus  diekus  vi- 
ta  mea.  Pfàl.  26.  Par  ce  défîr  continuel  de  la  vie  éter- 
nelle nous  accomplifîbns  à  la  lettre  le  précepte  qui 
nous  a  été  fait  de  prier  toujours  ". 

Pour  empêcher  que  ce  déiîr  ne  foit  interrompu  » 
rien  n'eft  iî  utile  que  d'élever  fbn  cœ'ur  de  tems  en 
tems  vers  Dieu  par  de  courtes  Oraifbns  jaculatoi- 
res ,  comme  faifcient  les  Moines  d'Egypte  au  rap- 
port de  S.  Augulîin  ,  Lettre  lai.  Ils  avoient  éprou- 
vé ,  félon  que  l'ajlure  Cafîîen  dans  le  livre  11.  de 
rinflitution  des  Moines  chap.  10.  que  ces  (brtes  d'O- 
raifbns  avoient  une  force  merveilleufè  pour  nous  te- 
nir attachés  à  Dieu  ,  &  nous  garantir  des  attaques 


l  Hi  omnes  eraftt  perfeve- 
rantes  unanimiter  in  oratione. 

m  Quod  ait  Apoftolus  ,  Sine 
jntcrmiflione  orate  «  quid  eft 
aliud  (juàmbeatam  vitam  ,  qua 
nu'la  nili  aercrna  eft ,  zbeoqui 
eam  folus  dare  poteft  ,  fine  in» 
termifTione  defiderare?Semper 
«rrgohancà  Domino  Dco  àcCi- 


n  Ipfum  defiderlnm  tuiim  , 
otatio  tua  eft  ,  &  fi  continuum 
dcfidcrlum, continua  oratio..., 
Quidcjuid  aliud  agasj  fi  defide- 
rasillud  fabbaturu  ,  non  ifiter» 
mittis  orare  ;fi  non  vis  inter- 
mitterc  orarc,  noli  inieriT.iiic- 
re  dcfiderare  :  continuum  defi- 
dcrium  tuum  ,  continua  vo  ^ 
lua  eft.  Au£*  in  i'f,  17» 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     t  tçf 

flu    Démon  °.   Les   Pfeaumcs  de  David  font  pleins 
de  ces  Oraifons  jaculatoires. 

Notre  prière  ne  doit  pas  ctre  feulement  vocale , 
11  faut  néceflaireincnt  que  la  Vocale  renferme  la 
Mentale  ,  pour  être  une  véritable  prière  ,  car  la 
Prière  de  foi  exige  deux  chofes.  La  première,  eft 
]a  volonté  ou  le  délîr  d'obtenir  ce  qu'on  deman- 
de :  prier  Dieu  fans  ce  dc/ir  ,  ce  n'eft  pas  le  prier, 
mais  Ce  mocqucr  de  lui.  La  (cconde  ,  eft  l'attention 
d'cfprit  à  ce  qu'on  demande  ,  &  à.  qui  on  parle. 
Plier  fans  attention  ,  ce  n'eil  pas  honorer  Dieu  , 
mais  manquer  au  refpeâ:  qui  lui  eft  du.  On  joint  les 
paroles  à  l'Oraifon  Mentale  ,  parce  qu'étant  com- 
pofés  d'un  ame  &  d'un  corps  ,  il  faut  que  l'une  & 
l'autre  partie  rendent  à  Dieu  l'honneur  qui  lui  efl 
du  ,  &  il  ne  fuffit  pas  de  croire  que  Dieu  efl  l'auteur 
de  tous  les  biens  ,  il  faut,  le  confeffer  de  bouche, 
Adjungitur  Vocalis  Oratio  ,  quafi  ad  ratîonem  debiti , 
dit  S.  Thomas  i.  i.  q.  83.  art,  iz.  ut  fcilicct  homo 
Deo  ferviat  featndlim  ilîtid  totùm  qitod  ex  Deo  habet , 
id  efl  )  non  forum   mente  ,  jed  etiam  corpore. 

On  eil  obligé  de  prier  avec  attention  ,  car  Dieu 
fe  plaint ,  par  le  Prophète  IHiie  ,  que  fon  Peuple 
ne  l'honore  que  des  lèvres  ;  Se  Notre-Seigneur  le  re- 
proche aux  Juifs  ,  leur  difmt  dans  le  chap.  17.  de 
iaint  Matthieu  :  Bene  prophetavit  de  vobis  Ifa'ias ,  di^ 
cens,  Populus  hic  labiis  me  honorât  ,  cor  nutem  eo- 
rtim  longe  ejî  a  we  ;  il  faut  donc  que  le  cœur  foit 
d'intelligence  avec  la  bouche  quand  on  prie. 

L'attention  n'eft  pas  feulement  néceffiire  dans 
les  prières  d'obligation  ,  mais  encore  dans  celles  qu'on 
fait  librement  ,  parce  qu'on  efl  toujours  obligé  de 
parler  à  Dieu  avec  refpeâ:. 

Il  faut  dire  la  même  chofê  de  ceux  qui  afîîflent  à  la 
MefTe  ,  quoiqu'il  fbit  pourtant  vrai  qu'ils  font  moins 
coupables  que  s'ils    avoient  obligation  de  l'enten^. 


0  Utiliùs  cenfent  brèves  qui* 
idem  fcd  creberrimas  orario- 
njs  ficri  :  ilhid  quidcn  ,  ut  frc- 

t^iicoûtts  Dominum  dcptcran- 


tcj ,   iiiglrer   eidem    cohxrçrc. 
po/Tiaïus  :  hoc  vcrô  ut  iiifidian- 
tis    Diaboli    jacuia     fucciiUti 
brcvua(e  vitemus* 


T^o  Conférences   £  Angers, 

are  ;  c*efl  pourquoi  quand  on  s'accufe  en  coftfe/^ 
iîon  d'avoir  manqué  d'attention  en  Tes  prières  ,  il 
faut  expliquer  fî  elles  étoient  d'obligation  ou  feule- 
ment de  dévotion. 

Les  diftradions  ,  qui  font  des  défauts  d'attention  > 
ne  font  des  péchés  que  quand  elles  font  volontaires, 
alors  elles  rendent  nos  prières  tout-à-fait  inutiles  & 
làns  fruit,  C'efl  fe  flatter  mal-à-propos  que  de  croire 
que  Dieu  nous  écoutera  pendant  que  nous  ne  nous 
écoutons  pas  nous-mêmes ,  &  qu'il  fè  fouviendra  de 
nos  demandes ,  tandis  que  nous  ne  penfbns  pas  mê- 
me à  ce  que  nous  lui  demandons,  Quomodo  te  aU" 
àiri  fojluîans  à  Deo  ,  cum  te  ipfe  non  atidias  ,  dit  S. 
Cyprien  dans  le  livre  de  l'Oraifbn  Dominicale.  Vis 
ejjè  Deum  memorem  tut  cum  rogas ,  quando  tu  ipfe 
memor  tui  non  fis.  Si  les  diflradions  font  involon- 
taires ,  Dieu  a  égard  à  notre  foiblefTe  ,  &  nonobflant 
ces  diftradions ,  il  ne  laifTe  pas  de  nous  exaucer,  S. 
Thomas  l'enfeigne  ainfî  dans  l'art.  13.  de  la  même 
queflion ,  dans  la  réponfe  à  la  troifieme  objedion. 
Si  qtiis  ex  propofito  in  oratione  mente  evagetur ,  hoc 
feccatiifn  ejl ,  &  impedit  orationis  fru6iiim  . . .  eva-" 
gatio  vero  mentis  qua  fit  prœter  propofiaum  ,  orationis 
fru6ium  non  tollit. 

Les  diilradions  peuvent  être  volontaires  ,  ou  en 
elles-mêmes  ,  ou  en  leur  principe.  Les  diflradions 
font  volontaires  en  elles-mêmes ,  quand  on  penfe  de 
propos  délibéré  à  autre  chofe  qu'à  fa  prière.  Elles 
îbnt  volontaires  dans  leur  principe  ,  quand  elles 
font  l'effet  de  la  difïipation  volontaire  où  l'on  s'efl 
laifTé  aller  ,  ou  de  l'amour  du  m.onde  dont  on  efl 
plein. 

Pour  éviter  ces  dernières  diflradions  ,  il  faut  pré- 
parer Ton  efprit  avant  la  prière  ,  comme  l'Eccléfiaf^ 
lique  le  dit  chap,  18  p.  Cette  préparation  confifle 
à  fe  recueillir  en  foi-même ,  banniffant  de  fôn  efprit 
•îoute  affaire  temporelle  ;  à  fe  mettre  en  la  préfence 
<le  Dieu  ,  l'appellant  à  notre  fècours  ,  comme  fait 
J'rEglife,  qui  avant  que  de  prier  a  coutume  dédire 

f  Ame  or^tionena  pra^pdra  animam  tuamt 

A  Dieu 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     1 2 1 

Ti  Dieu.  Dens  in  adjutoriiim  tneiim  intende ,  à  pen- 
fcr  férieufementà  ce  (^u'on  va  faire,  dirigeant  Ton  in- 
tention à  Dieu. 

On  n'efl  pas  oblige  d'avoir  continuellement  une 
attention  adueile  pour  ne  pas  pécher  dans  la  priera, 
mais  il  fuffit  d'avoir  une  attention  virtuelle ,  qui  n'eft 
que  l'attention  aduelle  ,  qui  perlcvere  moralement 
juiqu'à  ce  que  Ton  ait  révoquée  par  une  diftradion 
pleinement  volontaire  ;  puifque  ce  ncïi  que  par  la 
vertu  de  la  première  intention  que  l'on  continue  de 
prier.  Now  ex  necejjîtate  rcquiritur  ,  dit  S.  Triomas 
z.  î,  q.  85.  art.  13.  quod  attentio  adjit  orationi  fer 
totiim ,  fed  vis  primée  intentionis  qud  aliquis  ad  oran-^ 
dum  accedit ,  reddit  totam  orationçm  meritoriam ,  Jiata 
in  aliis  meritoriis  aClibus. 

Saint  Tiîomas  dans  le  même  endroit,  enfèigno 
qu'il  y  a  trois  fortes  d'attentions  qu'on  peut  avoir  eit 
priant;  car  on  peut  premièrement  faire  attention 
aux  paroles  pour  les  bien  prononcer,  &  n'en  point 
oublier.  Cette  forte  d'attention  eft  néceflaire  poun 
la  prière  vocale  ,  fi  bien  qu'on  ne  flitisferoit  pas  à 
celle  qui  feroit  d'obligation  ,  fi  on  parcouroit  un  Li- 
vre de  prières  feulement  avec  les  yeux  fans  remuée 
la  langue.  Mais  cette  attention  ne  fuffit  pas ,  parce 
que  la  prière  ell:  un  Ade  de  Religion  ,  &  une  éié- 
vacion  de  l'efprit  à  Dieu,  ce  qu'elle  ne  peut  ctre 
avec  la  feule  attention  aux  paroles  ;  c'ell  pourquoi 
le  Clergé  de  France  a  condamne  dans  rAlfembiée 
de  1700.  cette  Propofîtion.  Prcecepto  faiisfacit  qui 
volumarie  labiis  tanilim  ,  non  aiitem  mente  ,  orat. 

Secondement  ,  on  peut  faire  attent'on  au  fèns 
des  paroles,  &  cette  attention  n'efl  pas  néceflaire, 
car  autrement  les  perfbnnes  fimples  &  les  femmes 
ne  prieroient  point,  quand  ils  réciteroient  quelques 
prières  en  langue  latine, 

Troifîémement ,  on  peut  faire  attention  à  Dieu  qu'on 
loue  &:  qu'on  prie,  pour  en  obtenir  quelque  grâce. 
Saint  Thomas ,  dans  l'endroit  qu'on  vient  de  citer  y 
croit  que  les  plus  /impies  peuvent  avoir  cette  at- 
tention ,  qui  efl  tellement  néceffaire  ,  que  la  fé- 
conde attention  n'efi  pas  ruffiiknte  fans  elle;  ainlî 
Toms  1%  F 


122  Conférences  à' Angers  ; 

un  Cîerc  qui  lirolt  fôn  Bréviaire  feulement  pouf 
s'inflruire,  ne  làtisferoit  pas  à  l'obligation  qu'il  a  de 
le  dire.  Tertia ,  dit  S.  Thomas ,  c^uâ  auenàitur  ai 
fnem  orationis ,  fcilicet ,  ad  Deum  &  ad  rem  pro  qud 
cratur ,  qua  qtiidem  efl  maxime  neceffaria ,  &  hanc 
etiam  pof,unt  habere  idiotœ,  La  raifon  qu'on  rend  de 
la  néceffité  de  cette  troifieme  attention  ,  c'eft  que 
la  prière  ell  une  demande  qui  fait  connoitre  à  Dieu 
les  delirs  de  notre  cœur,  le  fuppliant  de  les  exau-. 
cer. 

Nous  devons  demander  à  Dieu  dans  nos  prières , 
îa  vie  éternelle  ,  &  tout  ce  qui  ell  un  moyen  né- 
cefTaire  pour  y  parvenir ,  par  exemple ,  la  rémiffion. 
de  nos  péchés,  les  Vertus  Théologales  &  Morales, 
la  grâce  d'accomplir  dignement  les  Commandemens 
ée  Dieu  &  de  TEglile  &  les  devoirs  de  notre  état , 
le  bon  ufage  des  grâces  &  la  perféverance  dans  le 
bien.  Quœrite  ■primum  Regnum  Dei  &  Jujlniam  ejus, 
C^  lîcec  omnia  adjickmur  vobis.  Matth.  6,  C'efl-là 
notre  bien ,  c^'eft-là  ce  que  nous  devons  défîrer ,  c'ell 
la  fin.  où  nous  devons  tendre  '3. 

Pour  les  choies  qui  peuvent  nous  conduire  au 
Royaume  de  Dieu  &  à  la  Jufiice,  mais  qui  ne  iont 
pas  un  moyen  nécefïaire  pour  y  arriver ,  comme 
lônt  toutes  les  choies  temporelles ,  les  biens  ,  les 
avantages,  ioit  de  feiprit,  foit  du  corps,  de  la  na- 
ture ou  de  la  fortune  ;  il  ne  faut  ni  les  fbuhaiter, 
ni  les  demander  à  Dieu  qu'autant  qu'il  conncît  qu'el- 
les nous  conduiront  à  lui ,  &  qu'elles  contribueront 
a  notre  faiut  éternel  ;  /î  nous  les  défîrions  ou  les 
demandions  pour  elles-mêmes  uniquement ,  nous 
nous  éloignerions  de  Dieu  ,  &  nous  nous  propoie- 
rions  deux  fins  dernières ,  comme  dit  S.  Augudin , 
uu  même  endroit,  chap.  17  '^^ 

ç  Regnum  ergo  &  Juftitîa  '  ria  . .  .  .  ne  cùm  ifla  qiiaeratis 
Dei,  bonum  noitium  cft,  &  i  illinc  avertaiT,ini ,  aut  ne  duos 
hoc  appctendum,  &  ibl  finis  j  fines  condituatis  ,  ut  &  Rcg- 
conftKuendus.  Au;:.  L  2.  ds  num  Dei  vr<^|"fr  fc  appetatis 
f'.rm,  Dcjniniin  Monte  c,  16.  '  &  ilta  netcliaria  ,  fed  hzc  po- 

r   Non    dixit  ,  deinde    ifta  j  tius  piopier  illudo 
^userite ,  g_uamvi5  fini  neccûk-  i 


fut  les  Commandemens  de  Dieu.     125 

Quelque  choie  que  nous  demandions  à  Dieu  « 
il  fiiut  la  lui  demander  au  nom  de  J,  C.  c'eft-à- 
dire,  par  Tes  mérites  Se  en  union  evcc  lui;  car  il 
n'y  a  point  d'autre  Nom  en  qui  nous  puKfions  être 
fauves  :  il  eu.  notre  Médiateur,  c'eft  par  lui  que  nous 
avons  accès  auprès  de  Dieu.  S.Pierre  nous  ledit  dans 
lech.  4.  des  Ades  des  Apôtres,  &  lainr  Paul  dans  la 
première  Epltre  à  Timothée  au  chap,  z. 


rjMiMj  II  ■■■  I  wr-mxtmt'rmkmu.uia 


III.      QUESTION. 

Qiieft-ce  que  V Adoration  ?  Combien  y  en  a-uil 

de  fortes ,  Cr  nous  efl-eile  commandée  par 

le  premier  précepte  du  Décalogue  ^ 

L'Adoration,  généralement  parlant,  ell  une  a<f^ion 
extérieure  d'abaiflement,  &  de  refped  ,  par  la- 
quelle on  révère  Texcellence  de  quelqu'un ,  qui  eft 
élevé  au-defTus  de  nous. 

Le  terme  à'adorare  ,  d'où  les  François  ont  fiu't 
celui  d'adorer ,  ne  fignifie  pas  toujours  cette  Ado- 
ration fuprcme,  qui  n'eft  due  qu'à  Dieu  feul  ,  la- 
quelle efl  proprement  un  afte  de  Tame ,  par  lequel 
i'Iîomme,  en  conhdérant  d'un  côté  fa  baiïefle  &  (à. 
milere,  &de  l'autre  la  Maieilé  infinie  delà  Divinité, 
s'humilie  profondément,  s'anéantit  devant  Dieu,  Se 
donne  des  marques  extérieures  de  cette  humiliation 
par  fès  proilernations  :  c'efl  pour  cela  qu'on  l'appelle 
Adoration  de  Latrie ,  d'un  mot  Grec  qui  /îgnifie 
«ivoir  une  grande  frayeur,  ce  qu'infpire  la  prélènce 
d'un  objet  parfait  &  infini,  comme  efl:  Dieu.  C'ell 
en  ce  fens  qu'il  eft  dit  en  S.  Matthieu  chap.  2.  que  les 
Mages  Ce  profternanc  en  terre ,  adorèrent  l'Enfanc 
Jefus  ^. 

Le  terme  d'^ior^re,  fignifie  aufTi  s'incliner,  Ce  prol"^ 
ïerner,  &  témoigner  par  une  pofluro  humble  &  fou» 

a  Et  procidciucs }  adoraverunt  cuju* 

F  {] 


124  Conférences   d^ Angers  l 

mife  ,    les  fentimens   refpedueux  que   Ton  a   pôui* 
quelque  perfonne  élevée  au-deffus  de  nous,  ou  pour 
quelque  créature  qui  mérite  par   fes  perfedions   no- 
tre vénération.  C'eil  dans  ce  lens  que  l'Ecriture  {àinte 
dit  au  chap.  z-^.  de  la  Genefe    qu'Abraham  adora 
les  enfans  de  Hetli  ^.   Et  dans   le  3.  livre  des  Rois 
chap.  I.   que  Betfàbée  s'inclina  profondément  devant 
David ,  &  Tadora.  Inclinavh  fe  Betfabée  »  &  adoravit 
Regtm.  Cela  vient  de  ce  que  le  mot  adorare ,  ligni- 
fie félon    fon  étymologie  autant  que  ii  l'on  difoit , 
ûd  es  marmm    applicare ,  mettre  la  main  à  la  bou- 
che ,  c'e(l-à-dire ,  baifer  la  main  pour  fàluer.  Grotius 
fameux  Protefîant  en  demeure   d'accord  flir   le  fé- 
cond Commandement    du  Décaiogue.   S.   Grégoire 
de  Nazianze  dans  i'Oraiibn  38.  &  S.  Jérôme  dans 
le  Livre  3.  de  fon  Apologie  contre  Ruflice,  &  dans 
la  Lettre  à  Marcelle,  ont  pris  l'adoration  en  ce  fens. 
Ce  n'eft  donc  pas  par  le  terme  à'adorare  qui  peut 
avoir  pluiieurs  fens ,  qu'il  faut  Juger  de  la  Foi  de 
i'Eglifè  ,  quand  on  le  trouve  dans  les  prières  publi- 
ques, mais  par  le  fens  que  l'Eglife  y  donne  &  par 
ia  déclaration  fblemnelle  qu'elle  fait  de  fa  créance  ; 
cependant  il  faut  demeurer  d'accord  que  le  plus  fou- 
vent  on  emploie  les  termes  à'adorare  &  d'adorer ,  pour 
fignifier  l'honneur  &  le  culte  fbuverain  qui  ne  font 
dus  qu'à  Dieu,  Cela  efl  venu ,  comme  quelques-uns 
prétendent ,  de  ce  que  les  Payens  dans  le  culte  qu'ils 
rendoient  à  leurs  Dieux ,  portoient  la  main  à  la  bou- 
che ,  comm.e  remarque    Pline   en  fon   Hifloire  na- 
turelle ,  au  livre  z8.  ch.  2.  C'eil  pour  cela  que  Job, 
ch.  31.  dit  que  fa  bouche  n'a  point   baifé  fa  main 
pour  adorer  le  Soleil  &  la  Lune.   Si  vidi  folem  cum 
fulgeret,  &  lunam  incedmtem  clarh,, ,&  ofculatus  fum 
manum  meam  ore  meo. 

On  peut  donc  appeller  Adoration  non-feulement 
le  cuite ,  par  lequel  nous  reconnoilîbns  la  fbuverai- 
ne  Majeflé  de  Dieu ,  &  lui  marquons  notre  foumif^' 
iîon   &   notre  dépendance  ,  mais  aufTi  le  refpcâ  8C 

h  Siirrexit  Abraham,  8cz(^o-  |  cîelicet  Heth, 
ravit  populuip  tetrse  Filios  vi- 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      12  j 

là  vénération  que  nous  tcmoignons  à  quelque  créa- 
ture à  caule  de  (on  excellence.  On  remarquera , 
qu'il  n'eft  pas  dit  dans  le  l'^^  Commandement  qu'on 
n'adorera  que  Dieu  feul  ;  mais  qu'il  eft  dit ,  qu'on  ne 
fervira  que  Dieu  feul.  S.  Auguftin  ,  queftion  ii.  fut 
la  Genefe,  nous  avertit  d'y  prendre  garde  ^* 

Lorfque  l'excellence  que  nous  révérons  en  une 
créature,  n'eft  que  corporelle  8c  politique,  cette  ado- 
ration n'ell  qu'un  ade  de  civilité  &  un  fàlut  ref- 
pedueux ,  &  non  pas  un  ade  de  Religion.  Tel  efl 
l'honneur  que  nous  rendons  aux  Rois  &  aux  Souve- 
rains. Mais  {{  nous  honorons  une  créature  à  caule 
d'une  excellence  Spirituelle  &  par  rapport  à  Dieu , 
cette  adoration  efl  un  culte  religieux. 

Il  ne  faut  pas  juger  de  ces  diverfès  adorations  pac 
la  pofture  du  corps  de  celui  qui  les  rend  ,  mais  pac 
les  fentimens  de  fbn  ame  ;  car  quoique  la  poflure 
du  corps  (bit  la  raème  dans  ces  adorations,  on  doit 
avouer  que  les  (entimens  do  l'ame  y  (ont  extrême- 
ment diftérens.  Dans  l'adoration  qu'on  rend  à  Dieu, 
l'ame  s'anéantit  devant  le  Créateur  ;  dans  l'adora- 
tion qu'on  rend  à  la  créatu'-e  ,  l'ame  exprime  feu- 
lement les  fentimens  de  refpeâ:  &  de  vénération , 
que  l'élévation  ou  l'excellence  de  quelque  créature 
excite  en  elle. 

Il  y  a  trois  (brtes  d'adorations ,  qui  (ont  de  vé- 
ritables ades  de  religion  ;  (Ravoir ,  celle  de  Latrie  > 
dHyperdulie ,  &  de  Dulie. 

Nous  donnons  le  nom  éC Adoration  de  Latrie  au 
culte  qu'on  rend  à  Dieu  comme  au  premier  principe, 
au  Conservateur  &  à  la  dernière  fin  de  toutes  les 
créatures  :  par  ce  culte  nous  reconnoiffons  la  diC- 
tance  infinie  qu'il  y  a  entre  fa  Majedé  &  notre  néant  ^ 
&  la  dépendance  continuelle  que  nous  avons  de  lui 
dans  l'ordre  de  la  n;iture  &  de  la  grâce.  Ce  culte  ne 
peut  être  rendu  qu'à  Dieu  feul,  fuivant  ces  paroles 
de  J.  C.  en  S.  Matthieu  ch.  4.   Deum  timm  adora-. 


c  Animadvertcndiim  eft  in 
eoJem  prxccpto  ,  non  didum  ; 
Dorr.iniim  Dcura  nnim  folum 
^dorabis ,  ficiu  divlumelt,  Ci 


illi  follfcrvies. .  .  .  .talisenîm 
fcrvitus  nonnifi  Deo  dcbctiir  , 
imdc  damnancur  idololatr.v. 


F  iij 


'1^6  Conférences  d^ Angers  ^ 

his  y  &  ilîi  foli  fervies.  Comme  la  Majeflé  de  Diea 
eft  infiniment  au-delTus  de  toutes  les  créatures ,  il  efl 
jufte  que  Thcmme  rende  à  Dieu  un  honneur  fîngu- 
iier. 

Quoique  l'Ecriture  (âinte  fe  ferve  tantôt  du  mot  de 
Latrie ,  &  tantôt  de  celui  de  Dulie  ^  pour  marquer 
le  culte  qu'on  rend  à  Dieu  ;  néanmoins  comme 
3Î0US  n'avons  ni  dans  la  langue  Grecque ,  ni  dans  la 
Latine,  ni  dans  la  nôtre,  aucun  terme  propre,  qui 
exprime  nettement  le  culte  fîngulier  que  la  Majellé 
<de  Dieu  mérite  qu'on  lui  rende,  l'ulage  de  FEgli- 
fè  a  été  d'appeller  ce  culte  V Adoration  de  Latrie  ,. 
&  de  donner  le  nom  de  Diilie  au  culte  religieux  que 
Tious  rendons  aux  Anges  &  aux  Saints ,  entant  qu'ils 
iônt  les  amis  &  les  ferviteurs  de  Dieu  ;  car  l'hon- 
neur qu'on  leur  rend  ne  peut  être  appelle  religieux , 
qu'à  caulè  qu'il  le  rapporte  JiécefTairement  à  Dieu 
«comme  à  fa  lin. 

Nous  apprenons  de  S.  Auguflin,  liv.  lo.  de  la 
Cité  de  Dieu,  chap.  i.  que  cet  ulage  étoit  établi 
dès  (on  tems.  Hic  ejl  Divinitati ,  dit  ce  Père ,  vel 
jl  expreJfÎHS  dicendum  ejî ,  Deitati  debitus  ctiltus ,  prop^ 
ter  quem  uno  verbo  fignif.candum  ,  quoniam  mikifatis 
idoneum  non  occurrit  latihum  ,  grceco  uhi  riecejje  ejl  in-* 
Jîniio  quid  velim  dicere.  Latriam  quippè  nojîri ,  ubicum- 
que  [antiarum  fcripturarum  pojitum  ejl ,  interpretati 
funt  fer-viiutcm.  Sed  ea  fervitus  qux  debetur  kcmini- 
hîîs  j  fecundîim  quam  pmcipit  Apojhlus  fervos  dcminh 
fubdiios  ej[e  debere ,  alio  nomine  grcecè  nuncupari  foleu 

On  nomme  Hyperdulie  le  culte  qu'on  rend  à  la 
£àinte  Vierge.  Comme  la  qualité  de  Mère  de  Dieu  la 
relevé  au-delTus  de  toutes  les  autres  créatures  ,  8c  la 
fait  même  révérer  des  Anges  &  des  Saints  d'une  ma- 
nière toute  particulière  ,  les  hommes  l'honorent  d'un 
culte  fpécial.  C'efl  pourquoi  on  donne  à  ce  culte  le 
nom  à'Hyperdtdie. 

Par  ces  paroles  du  chap.  îo.  de  l'Exode ,  Non 
hahelis  dcos  aliènes  corc.m  me  ^  Dieu  nous  ordonne 
de  l'adorer  &  de  le  fervir  lui  feul ,  c'ell- à-dire,  de 
lui  rendre  l'honneur  &  le  refpeâ:  que  nous  lui  de- 
vons 5   conutne   ium  feul  notre  Créateur  ,  notre 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,      127 

(ouverain  Seigneur, FAuteur  &  le  Maître  de  tous  les 
biens.  Le  fcns  de  ces  paroles  nous  a  été  expliqué  par 
J.  C.  quand  il  dit  au  Démon  ,  Scripiim  ejî  :  Dominum 
tiiumadorabis y  &  illi  foli [ervia y  Matth.  4.  Aufli  l'on 
propofè  ordinairement  le  premier  Commandement 
du  Décalogue,  en  ces  termes.  Un  feulDku  tu  adore-, 
ras  &  aimeras  parfaitement. 

Dieu  s'ctoit  fervi  de  termes  négatifs  pour  com- 
mander aux  hommes  de  Fadorer  8c  le  fervir,  parce 
qu'il  vouloir  les  engager  à  Fadorer  lui  feul ,  ce  qui 
lie  Ce  pouvoit  mieux  faire  qu'en  les  détournant  & 
les  éloignant  du  culte  des  faufîes  divinités  ;  ainfî 
le  premier  précepte  du  Décalogue  en  défendant  aux 
hommes  le  culte  des  Idoles ,  leur  ordonne  de  rendre 
à  Dieu  le  vrai  culte  qui  n'eft  dû  qu  à  lui  feul.  Il  ed 
donc  négatif  à  l'égard  de  Fadoration  des  faux  Dieux, 
&  afïirmatif  à  Fégard  de  Fadoration  qui  doit  être  ren- 
due à  Dieu. 

On  peut  adorer  Dieu  en  deux  manières ,  inté- 
rieurement &  en  efprit  ,  ou'  extérieurement  &  de 
corps.  Adorer  Dieu  intérieurement ,  c'eft  lui  Cou- 
mettre  notre  efprit  &  notre  cœur  ,  &  nous  attacher 
à  lui  comme  à  notre  fbuverain  Seigneur  &  Maître. 
Adorer  Dieu  extérieurement,  c'eft  témoigner  à  Dieu 
^ar  quelques  adions  ,  ou  par  quelques  mouvemens 
de  notre  corps ,  le  relpeét  que  nous  avons  pour  Gl 
grandeur  infinie. 

L'homme  étant  compofé  d'un  corps  &  d'une  ame 
qu'il  tient  de  Dieu  &  qui  lui  appartiennent  égale- 
ment ,  il  eft  jufie  que  l'une  &  Fautre  de  ces  deux 
parties  honore  Dieu  à  Ci  manière ,  &  par  conféquent 
que  par  FabbaiiTement  de  notre  corps  ,  nous  lui 
proteiHons  le  refped  que  notre  ame  a  pour  Ci  di- 
vine Majeilé.  C'ed  dans  cette  vue  qu'on  doit  fléchir 
les  genoux,  étendre  les  mains,  Ce  proflerner  con- 
tre terre  en  adorant  Dieu.  Il  faut  que  ces  différentes 
poflures  du  corps  viennent  de  la  révérence  inté- 
rieure qu'on  a  pour  Dieu ,  &  qu'elles  augmentent 
en  notre  ame  le  refped  dont  elle  doit  ctre  péné- 
trée ,  comme  nous  en  avertit  S»  AuguHin  dans  le 

F  iv 


'laS  Conférences  d'Angers ', 

livre  de  cura  gerenda  fro  Mortuis ^  chap.  ^.  ^  Si  dans 
le  tems  que  nous  adorons  Dieu  extérieurement  aux 
yeux  des  hommes,  nous  ne  l'adorons  pas  intérieu- 
rement au  fond  du  cœur  ,  cette  adoration  bien 
loin  d'ctre  un  aâ:e  de  religion  ,  eft  une  efpece  de 
moquerie,  &  une  pure  illuiion.  Ceux  qui  adorent 
Dieu  de  cette  manière ,  font  des  hypocrites  &  Açs 
menteurs ,  parce  que  Tadoration  extérieure  n'eft  que 
le  iigne  de  l'intérieure  ;  or  témoigner  extérieurement 
ce  qu'on  n'a  pas  dans  le  cœur,  c'eft  être  menteur 
&  hypocrite. 

La  vraie  adoration  telle  que  doit  être  celle  des 
Chrétiens ,  eft  en  efprit  &  en  vérité ,  félon  ces  pa- 
roles de  Notre  Seigneur  ,  en  S.  Jean  ch.  4,  Ver't 
Adoratores  adorahunt  Tatrem  in  ffirku  ù"  verùate. 
On  adore  en  elprit  &  en  vérité  quand  les  marques 
extérieures  du  reipecf]:  qu'on  témoigne  à  Dieu  ex-^ 
primient  ce  qui  fe  palTe  dans  le  cœur ,  comme  l'ex- 
plique le  Concile  de  Bourges  de  Tan  1584.  ^  On 
peut  voir  S.  Thomas,  dans  la  féconde  q.  84.  art.  r. 

Pour  adorer  Dieu  en  vérité  ,  il  faut  en  outre  que 
l'adoration  loit  exem.te  d'erreur,  c'eft-à-dire,  qu'on 
adore  Dieu  dans  la  manière  qu'il  vetit  &  qu'il  doit 
être  adoré  ;  car  encore  qu'il  n'y  ait  point  de  péché 
à  adorer  le  vrai  Dieu  ,  il  peut  y  en  avoir  à  l'ado- 
rer d'une  manière  qui  ne  lui  foit  pas  convenable  r 
par  exemple ,  fi  on  lui  offroit  des  fàcrifices  remplis 
•de  cruauté,  tels,  que  certaines  Nations  barbares  en 
offroient  à  leurs  dieux,  comme  a  remarqué  faint  Au- 
guftin. 

L'Adoration  en  efprit  &  en  vérité ,   n'exclut  pas 


à  Cùm  bi  motus  corporis 
fieri ,  n.ll  motu  anirai  \  raece- 
dente  ,  non  pofunt  ,  eifdcm 
rurfiis  exteniis  viniilittr  fac- 
tis  ,  illc  in  erior  inviribili<; 
qui  eos  fecit  auger'.ir,  ac  per 
hoc  coidis  aff'eâiif  ,  r.ui  ut  fie 
rciu  iHa  ,  prxct (Tu  ,  q<.ia  ùxSi^ 
funt ,  crc'fcir, 

t  Vcr3  adoraîio  in.  fpuitu  & 


veritare  efie  débet.  In  rpîritu 
quidem  adônnt  ,  qui  n^'Cn  is 
alteclu  Deum  couint  In  veri- 
tare ,  qui  cuitu  extericrc  ô<.  çiîs 
operibîis  mentis  etfefti'.m  tcf- 
tantiir  ôc  exprim-jnr.  Pc^rfcda 
igituradoratio  eft  ,  cum  anima 
fiiTiui  &  corpore  divine  oblc-» 
quio  mancipamur» 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu,     129 

l'ufage  des  cérémonies  dans  le  culte  de  Dieu  ;  co 
font  des  marques  fenfibies  de  l'adoration  que  l'el^ 
prit  rend  à  la  fouveraine  Majeftc  de  Dieu  :  elles  font 
ncceflaires,  comme  a  remarque  (aint  Auguftin  dans 
le  liv.  1.9.  contre  Faufte  au  chap.  11.  pour  entrete- 
nir le  culte  extérieur  qui  eft  dû  à  Dieu,  auHi-pieiî 
que  l'intérieur  :  elles  fervent  à  élever  notre  efprit  &: 
notre  cœur  vers  Dieu  :  elles  nous  portent  à  la  piété 
&  à  la  dévotion  :  elles  nous  conduifent  aux  chofes 
fpirituelles  qu'elles  nous  répréfentent,  8c  dont  elles 
confervent  la  mémoire  parmi  les  hommes ,  félon 
la  remarque  de  faint  Auguflin  dans  la  lettre  iip.  H 
n'eft  donc  pas  permis  de  faire  des  railleries  des  cé- 
rémonies de  l'Eglife  :  c'ellun  péché  contre  la  vertu  de 
religion. 


IV.     QUES-TION. 

Quejl-ce  qiion  doit  oh  ferrer  ou  éviter  dam 
le  culte  des  Saints  ? 

NO  (j  s  (uppolons  comme  une  chofê  certaine  Si 
bien  prouvée  par  les  Controver/iiles ,  que  l'hon- 
neur qu'on  rend  dans  l'Eglife  Romaine  aux  Saints, 
;i  leurs  Reliques  &  à  leurs  Images,  n'efl  en  aucune 
manière  contraire  au  premier  précepte  du  Décalo- 
gue  ;  car  la  fin  de  ce  précepte  efl  de  défendre  Ti- 
dolatrie  ,  qui  n'cil  autre  chofè  que  de  rendre  à  la 
créature  l'honneur  fbuverain  qui  efl  du  au  Créateur  r 
or  les  fidèles  (ont  bien  éloignés  de  vouloir  rendre 
cet  honneur  aux  Saints.  Jamais  on  n'a  prétendu  les 
adorer  comme  des  Divinités ,  ce  feroit  une  idala- 
trie  que  l'Eglife  Romaine  n'approuveroit  ni  neto- 
lereroit  ,  Se  qu'elle  a  toujours  détefléc  ;  aufîi  ho- 
nore-t-elle  comme  Saints  ceux  qui  font  morts  pour 
combattre  ridolatne  &  pour  la  détruire.  L'EgJifê 
permet  feulement  de  rendre  un  culte  religieux  au>5 
Saints  j  çoimne  A  des  aaûs  de  Dieu  ^i  à  des  intet- 


.'T^O  Conférences   à' Angers  , 

ceffeurs  qui  le  prient  pour  nous.  Elle  les  honore  li 
caufe  des  grâces  dont  Dieu  les  a  comblés  ,  des  vic- 
roires  qu'ils  ont  remportées  fur  la  terre,  de  la  gloire 
dont  ils  jcuiflent  dans  le  Ciel ,  &  de  leur  union  in- 
time avec  J.  C.  leur  chef,  auquel  tout  honneur  Ce 
rapporte.  Ainfî  en  honorant  les  Saints,  on  honore^ 
le  Seigneur  même ,  comme  a  remarqué  fàint  Jérôme  > 
dans  le  Livre  contre  THérétique  Vigilance  Honc- 
ramus  rcliqaias  Marïyrum  j  m  eum  ciijus  funt  Marty- 
res adoremus.  Honoramus  fervos ,  uthonor  fervorum 
redundet  ad  Dcmînum.  L'Eglife  a  rendu  cet  honneur 
aux  Saints  dans  tous  les  iîecles.  Les  Saints  Pères  & 
îes  Hiftoriens  Eccléiiailiques  en  font  foi.  Vigilance 
pour  avoir  parlé  contre  l'invocation  des  Saints,  fut 
ïraité  par  faint  Jérôme,  de  Novateur  &  d'ennemi  de 
l'Eglife. 

i''.  En  invoquant  les  Saints,  nous  ne  devons  pas 
înettre  notre  efpérance  en  eux,  mais  en  Dieu  ,  jet- 
îant  dans  (on  (km  toutes  nos  inquiétudes  ,  parce 
qu'il  a  foin  de  nous ,  comme  nous  en  avertit  (aint 
Pierre  en  fa  première  Epître  ch.  5.  Gmnem  folîici^ 
mdinem  vejïram  projkiemes  in  eum ,  quoniam  ipji  cura 
ej}  de  vohis. 

z^.  Nous  ne  devons  pas  prier  les  Saints  de  nous 
accorder  un  tel  bienfait ,  ou  une  telle  grâce  ;  nous 
ne  devons  leur  adreffer  nos  prières  que  comme  à. 
des  patrons  &  à  des  intercelTeurs ,  qui  feront  écou- 
tés plus  favorablement  de  Dieu,  parce  qu'ils  (bnr 
plus  jufîes  &  plus  unis  à  J.  C.  que  nous.  Nous  les 
prions  de  nous  aider  de  leur  fècours  auprès  de  Dieu, 
êc  de  lui  demander  pour  nous  &  avec  nous  par  J.  C, 
ïes  choies  dont  nous  avons  befbin  ;  mais  nous  ne 
croyons  pas  qu'ils  ayent  la  vertu  ou  le  pouvoir  de 
îious  accorder  par  eux-mêmes  ces  choies,  au  lieu 
^ue  nous  regardons  Dieu  comme  l'unique  auteur  de 
ïîotre  fàlut  &  de  tous  les  biens  Ipirituels  Se  tempo- 
rels ,  qui  feul  peut  par  fa  propre  vertu  nous  accor-- 
cier  lui-même  ce  que  nous  lui  demandons ,  ain/î  que 
fai  t  Pierre  nous  l'apprend  dans  le  ch.  3.  des  Aftes. 
ei^  il  attribue  à  J.  C.  la  guérilbn  du  Boiteux  qui 
étTuan^oit  l'au^nônç  i  h  goijç   du  Tç^iplç^  tîunç 


z 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      13  î 

UTït  VOS  vidijiis  Ô'  nojlis  cotifrmavit  Nomen  ejus, 
Tcrt  pourquoi  nous  prions  Dieu  de  nous  donner  les 
biens,  ou  de  nous  délivrer  des  maux. 

De-là  vient,  comme  remarque  le  Catcchilme  du 
Concile  de  Trente  dans  la  quatrième  partie,  ch.  6. 
que  nous  ulons  de  deux  formes  de  Prières  fort  dif- 
férences. En  parlant  à  Dieu,  la  manière  propre  de 
prier  eft  de  dire,  V ar donnez-nous ,  comme  le  Seigneur 
dans  le  cliap.  2.  de  Joèl  ordonna  aux  Prctres  de  lui 
dire,  Ayez  -pitit'  de  nous,  Ecoutez-nous ,  Donnez-nous  ; 
mais  nous  nous  contentons  de  dire  aux  Saints ,  priez^ 
four  nous ,  hiiercédez  pour  nous.  En  quelques  termes 
que  foient  conclues  les  prières  que  l'Eglile  adreffe  aux; 
Saints ,  Ion  intention  les  réduit  toujours  à  cette  for-? 
me. 

30.  Nous  devons ,  fiiivant  le  Concile  de  Trente  > 
felf.  a 5.  au  Décret  de  Tinvocation  des  Saints,  prier 
les  Saints  de  nous  obtenir  de  Dieu  Tes  bienfaits  par 
fbn  Fils  J.  C.  En  effet ,  c'ed  par  J,  C.  &  en  (on. 
Nom ,  que  nous  obtenons  de  Dieu  les  bienfaits  que  nous- 
recevoiis  par  l'cntremife  des  Saints  ;  puilque  les  Saints 
mêmes  ne  prient  que  par  J.  C.  &  ne  font  exaucés 
qu'en  (on  nom.  C  e(l  par  cette  railbn  que  l'Eglife 
termine  toutes  (es  prières  par  Jelus-Chri  notre  Sei- 


gneur. 


Quand  on  honore  &  qu'on  prie  les  Saints  dans 
cet  eîprit  &  de  cette  manière ,  on  ne  fait  aucune 
injure  à  J.  C.  Médiateur  de  Dieu  &  des  hommes  , 
comme  le  qualifie  (àint  Paul  dans  la  première  à  Ti- 
mothce,  chap.  z.  Car  quoique  J.  C.  (oit  le  (eul  Mé- 
di?.Lcur  ab(biu ,  par  lequel  nous  pouvons  avoir  ac- 
cès auprès  de  Dieu  ,  parce  qu'il  nous  a  rachetés  , 
cela  n'empêche  pas  que  nous  ne  puilfions  avoir  re- 
cours aux  Saints  comme  à  des  Médiateurs  d'inter- 
cellîon  feulement,  qui  prient  Dieu  pour  nous,  s'ap- 
pu)  ant  non  fur  leurs  propres  mérites ,  mais  fur  ceux 
de  J.  C.  par  lequel  eux  &  nous  avons  accès  auprès- 
du  Père. 

4^^.  Lorfqu'en  invoquant  le  (ècours  des  Saints  orr 
récite  rOra:(bn  Dominicale  ,  Comme  font  ordinai- 
rement \)is  gens  qui  ne  f^avent  pas  lire  ,  ca  ndi 

F  vj 


1^2  Conférences    â^ Angers  l 

pfas  au::  Saints ,  mais  à  Dieu  qu'on  doit  adreffer  cette- 
5)rlere.  L'intention  de  celui  qui  la  récite  ,  doit  ctre 
félon  le  Catéchifiiie  du  Concile  de  Trente,  part.  4. 
ch.  6.  de  prier  le  Saint  devant  l'image  duquel  il  eft  à 
genoux  ,  de  fe  joindre  à  lui  pour  demander  à  Dieu 
en  fa  faveur  les  chofès  qui  font  énoncées  dans  cette 
Oraifbn.  Le -Concile  de  Cambrai  de  l'an  156).  avertit 
les  Pafteurs  d'en  inlîruire  leurs  peuples. 

5*^.  Il  ne  faut  pas  fe  perfuader  qu'un  Saint  ait 
tellement  le  crédit  d'obtenir  de  Dieu  la  guérifon 
d'une  certaine  maladie  ,  qu'un  autre  Saint  ne  puifTa 
împétrer  de  Dieu  pour  nous  la  même  faveur.  Cela 
<eil  fort  éloigné  du  fèntlment  de  l'Eglifè.  Cependant 
comme  Ton  fçait  que  Dieu  a  rendu  pluiîeurs  fois 
par  l'intercelTion  d'un  Saint  la  fànté  à  des  perfbn- 
îies  afuigées  d'une  telle  maladie  ,  on  peut  s'adrefler 
plutôt  à  ce  Saint  qu'à  un  2.utre ,  afin  qu'il  nous 
aide  de  (hn  crédit  auprès  de  Dieu  pour  obtenir  la 
même  fliveur  ,  efpérant  qu'il  continuera  de  nous 
donner  des  marques  de  fa  proteftion  ;  car  l'expé- 
rience prouve  que  Dieu  fait  au  tombeau  d'un  Saint 
des  miracles  qu'il  ne  fait  pas  au  tombeau  d'un  au- 
îre  Saint,  comme  faint  Auguftin  l'a  remarqué  dans 
îa  Lettre  137.  qui  ell:  la  78.  de  l'Edition  des  Perea 
Bénédidins ,  où  il  dit  qu'il  étoit  de  notoriété  publi- 
que qu'à  Milan  il  fe  faifoit  de  Ton  tems  aux  tom- 
beaux des  Martyrs  des  miracles  qui  ne  fe  fiiifoient 
pas  en  Afrique  aux  tombeaux  des  autres  fliints  Mar- 
iyrs  3.  Les  Fidèles  qui  invoquent  en  diverfes  m.aladies 
divers  Saints  ne  font  donc  rien  en  cela  qui  foit  con- 
tre la  véritable  dévotion ,  ou  contre  le  culte  qui  eil 
d-u  aux  autres  Saints. 

On  honore  les  reliques  des  Saints ,  parce  que 
ce  font  les  précieux  reftes  des  corps  qui  ont  été  Le 
Temple  du  faint  Efprit ,  &  qui  doivent  refrufciter  glo- 
rieux; &  on  peut  dire  que  cet  honneur  efl  approu- 
ve dans  l'Ecriture  fainte ,  car  nous  lifons  dans  le 
chap.  19,  des  Aâes  des  Apôtres ,  que  les  mouchoirs. 

a  Numquld  non  &  Affica  |  pîcn^  eft  r  Et  tamen  niîfciujintt 


fur  les  Commandçmcns  de  Dieu»     1 3  jf 

qui  avoient  touche  le  corps  de  ù'int  Paul  cnint  appll-' 
qucs  aux  malades  les  gucriffoient  de  leurs  maladies, 
JVIais  les  Payeurs  doivent  veiller  a  ce  qu'on  ne  mêle 
aucune  (uperflition  dans  ITionneur  qu'on  rend  aux  re- 
liques des  Saints.  On  doit  y  éviter  tout  fbupc^on  d'a- 
varice :  c'eft  un  crline  d'en  vouloir  faire  un  gain  for-r 
dide  ;  on  fait  tort  par-là  à  la  Religion, 

On  doit  renfermer  les  reliques  des  Saints  en  des 
Chafl'es  propres  ,  &  ne  point  les  en  tirer  pour  les 
faire  voir  à  découvert.  Nous  avons  lur  cela  une 
Ordonnance  du  quatrième  Concile  de  Latran  (bus* 
Innocei^t  III.  qui  eil  rapportée  au  chap.  Clim  ex  eo  , 
de  Reliqiiiis  &  vcner.  SanCl,  dont  voici  les  termes  : 
Cum  ex  eo  quvd  quidam  Sanfiorum  reliqiiias  expommt 
vénales  &  cas  pajjïm  ojlendunt  ,  ChriJUaHie  Religion 
ni  detracium  Jît  Jltpiiis ,  ne  inpojlerum  àetrahaïur ^pra^ 
Jcnti  Décréta  Jlaiitimus ,  tu  a.niqUiV  Reliqi'J^  amodo 
extra  capfum  nullatemis  oftendantur  ,  nec  cxponamur 
vénales. 

Il  faut  allumer  des  cierges-  ou  des  lampes  quand 
on  expo(e  les  reliques  des  Saints,  &  l'on  ne  doit 
point  (ouffrir  que  les  femmes  foient  aflifès  proche 
des  Reliques  qui  font  expod-es  à  la  vénération  du 
Peuple.  C'eft  aux  Eccléfiadiques  &  non  point  aux: 
Laïques  à  les  porter  dans  les  Prières  publiques. 

Nous  pouvons,  (ans  craindre  de  tomber  dans  Pi- 
dolatrie,  révérer  les  images  des  Saints.  Dieu  n'a  ja- 
mais défendu,  dans  l'ancienne  Loi,  que  les  Images 
ou  les  Statues  faites  pour  être  adorées  ,  ou  celles  qui 
pouvoient  induire  le  Peuple  à  l'idolâtrie  ;  mais  com- 
me nous  avertit  le  Concile  de  Trente  dans  le  Dé- 
cret que  l'on  vient  de  citer,  il  ne  faut  pas  s'ima- 
giner que  dans  les  images  des  Saints  que  l'Eglife 
expofe  à  la  vénération  du  Peuple ,  il  y  ait  quelque 
divinité  ,  ou  quoique  vertu  intérieure  qui  nous  Tes 
faffe  révérer  ;  on  ne  doit  pas  en  attendre  quelque  fe- 
cours ,  ni  y  mettre  (a  confiance,  comme  les  Payens 
la  mettoient  dans  leurs  Idoles  ,  ce  (croit  offenler 
grièvement  la  divine  MajeOé.  Dei  Majeflatem  vehe^ 
menter  lœdi  perfpicutim  ej} ,  dit  le  Catéchiline  de  ce 
Coiiciie  dms  la  troi/Ieine  partie  chap,  i,Jl  crçdaim 


t54  Conférences  d'Angers^ 

înejfe  in  Imaginibus  aliqua  divinhas  &  virîus  prop-i 
ter  quamfim  coîendœ ,  vel  quod  ab  eîs  aliquid  Jit  pe- 
Undum  ,  vel  quod  fïducla  Ju  in  Imaginihus  fgenda  ^ 
velmi  olim  febat  à  Gentibus ,  qux  in  Idoiis fvim  [tiam 
collocabant, 

Ainfî  lorfque  nous  prions  devant  Fimage  d'un  Saint , 
ce  n'efl  pas  à  cette  Image  que  nous  adreffons  notre 
prière  ,  mais  au  Saint  qu'elle  repréfente  ;  &  quand- 
nous  honorons  l'image  d'un  Saint ,  notre  intention 
ïi'ell:  pas  d'honorer  l'image ,  m.ais  d'honorer  en  pré- 
fènce  de  l'Image  Ion  Original.  L'honneur  que  nous 
rendons  aux  images  des  Saints  le  rapporte  telle- 
ment à  leurs  Origmaux,  que  par  le  moyen  des  Ima- 
ges que  nous  baifbns ,  &  devant  lefquelles  nous  nous 
mettons  à  genoux  ,  nous  adorons  J.  C.  &  hono- 
rons les  Saints  dont  elles  Ibnt  les  reflemblances , 
comme  l'enfèigne  le  Concile  de  Trente  dans  le  Dé- 
cret de  la  feiTion  2,5,  touchant  l'invocation  des 
Saints. 

Il  faut  empêcher  qu'on  ne  peigne  ou  qu'on  ne 
pare  les  images  &  les  figures  des  Saints  d'une  ma- 
nière indécente ,  inufitée  &  extraordinaire ,  &  avec  des 
ornemens  qui  Tentent  la  mollefTe  &  la  dilTolution  du 
fîecle,  &  faire  en  Ibrte  qu'il  n'y  ait  rien  de  profa- 
ne &  de  malhonnête  dans  les  Eglifès ,  comme  ibnr 
les  tapifferies  ou  tableaux  qui  repréièntent  des  nu- 
dités indécentes,  des  hiiloires  profanes-,  ou  apocry- 
phes ,  ou  contraires  à  la  tradition  de  i'Eglife ,  ou  les 
fauffes  divinités  du  Paganilme. 

Le  Concile  de  Trente  ne  veut  pas  qu'on  mette 
dans  les  Eglifès  ou  dans  les  lieux  fàints  aucune  Ima- 
ge nouvelle  &  extraordinaire  qu'on  n'avoit  pas  cou- 
tume d'y  placer  ,  qu'elle  n'ait  été  approuvée  par  l'E- 
vêque ,  quand  même  on  voudroit  la  mettre  dans  une 
Egiife  exemte  de  la  Jurifdidion  de  l'Ordinaire. 
Statuit  fanÛa  Synodus  nemini  licere  ullo  in  loco  ,  vel 
Ecclejîâ  etiam  qucmodolihet  exempta,  ullam  infolitani 
•ponere  vel  ponendam  curare  imaginem,  nift  ab  Epifco- 
-po  approbata  fuerit.  Par  ces  images  inlblites ,  on  n'en- 
tend feulement  pas  celles  qui  repréfentent  quelquer 
ehoft  profane  ;,  iùperiUùeiiTs  ou  fauITe  j  mais  iufli- 


fur  les  Commandanms  de  Dieu,     155^ 

telles  qui  représentent  des  hommes  morts  en  odeuL' 
de  fainteté  ,  que  l'Eglife  ii\i  piis  reconnus  poui: 
Saints. 

Il  ne  faut  jamais  placer  dans  les  Fglifes  aucune 
image  ou  figure  de  J.  C.  de  la  (Irinte  Vierge ,  ou 
des  Saints ,  qu'elle  n'ait  été  bénie  de  la  manière 
prefcrite  par  le  Rituel  de  chaque  Diocelè. 

Dans  les  Images  ou  figures  des  Saints  qu'on  pla- 
ce dans  les  Eglifes  pour  y  être  révérées,  on  ne  doit 
point  afFeder  d'imiter  les  traits  de  certaines  perfon- 
ncs  particulières,  ou  vivantes,  ou  mortes,  peur  les 
reprélcnter  au  naturel  fous  les  ornemens,  ou  fous  les 
rltres  des  Saints. 

On  doit  ôter  des  Eglifes  les  images  &  les  figu- 
res des  Saints  qui  font  diftbrmes  par  leur  attitude, 
ou  leur  ftrudure  ,  ou  leur  vétufié.  On  ne  doit  pas 
enluite  s'en  (ervir  à  des  ufàges  profanes  :  mais  fi  la 
matière  en  eft  de  toile ,  de  carton  ,  ou  de  bois ,  on 
doit  les  brûler  &  en  jettcr  les  cendres  lôus  le  pave 
de  l'Egli'e.  Si  ce  fi^nt  des  figures  de  terre  ou  de  pier- 
re ,  on  doit  les  enfouir  dans  l'îvglife  ,  ou  au  moins 
dans  le  Cimetière.  On  trouve  fiir  cela  des  réglemens 
dans  le  premier  &  le  quatrième  Concile  de  Milart 
fous  làint  Charles,  &  en  pluf^eurs  autres  qui  ont  été 
tenus  depuis  le  Concile  de  Trente  :  fcavoir  ,  en  ceirx: 
de  Tours,  de  Reims ,  de  Bourges ,  de  Toulouse ,  d'Aix 
en  Provence ,  de  Narbonne  5  d'Avignon ,  d'Aquilce  ^ 
de  Malines. 


'^'-^>^ 


11^6  Conférences  d'Angers^, 


RE  S  U  LTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 

LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU. 
Tenues  au  mois  d'Août  171 3. 

PREMIERE     QUESTION. 

Quels  font  les  péchés  contraires  à  la  venu  de 
Religion  ?  Quefî-ce  que  la  Superftition  ;  eji^ 
elle  condamnée  par  le  premier  Commande^ 
ment  du  Décalogue  f 

IL  y  a  quatre  péchés  parnculicrement  contraires  à 
la  vertu  de  Religion,  qui  (ont  la  Superftition,  le 
Sacrilège ,  Tlmpiété  &  la  Tentation  de  Dieu.  Ces 
péchés  lui  fbnt  oppcfés  ou  par  excès  ou  par  défaut. 
Nous  les  examinerons  les  uns  après  les  autres. 

La  Superltition ,  Pjion  Ladance  livre  4.  des  Infîitu- 
îicns'Divines  cli.  ^S'.  eil  un  faux  culte;  S.  Auguftin 
dans  le  livre  de  la  vraie  Religion  ch.  5'5.  Tappelle 
le  culte  &  le  triomphe  des  Démons,  Le  Concile  de 
Trente,  Seffion  iz.  au  Décret.  De  obfervnndis  & evi- 
îûndis  in  cddraiioiie  MiJpSj  dit  que  c'ell  la  fauffe  imi- 
tatrice de  la  Piéié  ;  feicn  quelques  Théologiens ,  c  eii 
un  çultç  Yain  ^  iiiuriie  ou  ù^ingereux^ 


fur  les  Com?nandemens  de  Dieu»      1 3  7 

Tous  conviennent  que  la  Superfticion  e(l  un  vice 
oppofc  à  la  Religion.  Cette  vertu  nous  apprenant  à 
rendre  à  Dieu  le  culte  que  nous  lui  devons.  S:  à  le 
lui  rendre  d'une  manière  digne  de  lui,  empêche  que 
nous  rendions  à  la  créature  un  honneur  qui  n'efl  dTi 
qu'au  Créateur.  La  Superftition  au  contraire  rend  à  lu 
créature  l'honneur  fouverain  qui  n'ed  du  qu'au  Créa- 
teur ;  ou  fi  elle  le  rend  au  Créateur,  ce  n'efl  pas  de 
la  manière  qu'il  le  veut  &  qu'il  lui  eft  dû.  C'efï  de-là 
que  S.Thomas,  2.  z.  q.  5?i.  art.  i.  dit  que  la  Super(^ 
lition  eft  un  vice  oppofé  à  la  vertu  de  Religion  par 
•excès.  Ce  n'eft  pas  que  la  Superftition  rende  plus 
d'honneur  à  Dieu  que  la  vraie  Religion  ,  ou  qu'on 
puifTe  rendre  à  Dieu  plus  d'honneur  &  de  relped  qu'il 
ne  mérite ,  puifque  fa  Sainteté  Se  (a  Majefté  étant  in>- 
finies ,  il  elT:  infiniment  plus  digne  d'honneur  &  de 
refped  que  les  créatures  ne  lui  en  peuvent  rendre  ; 
mais  c'eft  que  la  Superftition  rend  un  honneur  divin  à 
qui  elle  ne  le  doit  pas ,  ou  de  la  manière  qu'elle  ne 
doit  pas;  car,  comme  nous  venons  de  dire,  ou  elle 
rend  à  la  créature  un  honneur  fouverain  en  i'adoranc 
ou  lui  offrant  des  (acrifîces  comme  C\  elle  étoit  une 
Divinité ,  ou  elle  rend  à  Dieu  l'honneur  (ouverain 
qui  lui  eft  du  ,  mais  d'une  fa  ;on  qu'elle  ne  le  doit  pas , 
&  qui  n'eft  pas  agréaijie  à  Dieu ,  comme  le  feroient 
ceux  qui  voudroient  encore  ufer  des  cérémonies  des 
Juifs  dans  la  Religion  Chrétienne.  Voici  les  termes  de 
S.Thomas.  Sitperjtiiio  eft  vitîum  Religioni  oppojitumfe' 
cunù.m  excejjum  3  non  quia  plus  exhiùeat  in  cuttum  dt- 
'vinum  quc^m  vera  Religio  ,  fed  quia  eshihet  cuUum  di- 
vinum,  vel  cui  non  dc'et,  vel eo  mjio  quo  non  débet. 

La  Superftition  eft  de  foi  un  péché  mortel.  Moifè 
nous  le  fait  comprendre  dans  lech.  8.  du  Deutérono- 
lîie,  où  après  avoir  fait  le  dénombrement  des  Su-» 
perftitions  qui  étoient  alors  les  plus  u/itées  parmi  les 
Payons,  il  dit  que  Dieu  a  en  abomination  toutes  ces 
chofes,  &  qu'il  exterminera  ces  Peuples  à  caufè  de 
ces  fortes  de  crimes.  L'ignorance  &  l'inadvertcnce 
peuvent  pourtant  faire  qu  une  pratique  fuperftitieufe 
ne  foit  qu'un  péché  véniel. 

On  diftingue  jufqu'à  fix  fortes  de  Superftitions  î 


138  Conférences   d!j4ngers  j 

fçavoir ,  le  Culte  indu ,  Tldolatrie ,  la  Magie ,  le  Ma- 
léfice ,  la  Divination  &  la  vaine  Obfervance.  On  peut 
fubdivifèr  ces  (uperliitions  en  piufîeurs  efpeces ,  que 
nous  rapporterons  ci-après. 

Toutes  ces  fortes  de  Superftitions  nous  iont  défen^ 
dues  par  le  premier  Commandement,  par  lequel  Dieu 
nous  ordonne  de  n'avoir  peint  de  dieux  étrangers  en 
fa  préience ,  &  de  ne  point  rendre  à  d'autres  l'honneur 
qui  lui  ell  dû  a.  Voilà  pourquoi  S.  Auguftin  ,  dans  le 
liv.  2.  de  la  Dodrine  Chrétienne  chap.  10.  parlant  des 
Superftitions  en  générai ,  dit  qu'elles  comprennent 
tout  ce  qui  fe  fait  à  l'honneur  des  Idoles ,  ou  des  créa- 
tures qu'on  regarde  comme  des  Divinités  ''^. 

Dès-ià  que  toute  forte  de  Superllition  eft  un  vice 
oppofé  à  la  vertu  de  Religion  que  Dieu  nous  com- 
mande par  le  premier  précepte  du  Décalogue,  il  n'y 
a  nul  doute  que  ce  vice  ne  ioit  défendu  par  le  même 
précepte.  Si  quelqu'un  en  doutoit,  on  pourroit  ajou- 
ter que  toute  Superflition  étant  une  efpece  de  (bciété 
avec  le  Démon  ,  elle  (uppofè  un  pade  exprès  ou  du 
moins  tacite  fait  avec  lui.  D'où  vient  que  S.  Auguflin 
dans  le  même  livre  de  la  Dodrine  Chrétienne ,  chap. 
io.  21.  &  23.  appelle  les  Superllitions  VaCla  cum 
Dari.ombîîs  placita  atque  fœderata  j  pa^ia  Ù"  conventa 
ex  quadam  fejîifera  focistate  Hominum  Ô'  Damonum, 
Or  par  le  pade  on  reconnoitle  Démon  pour  martre  > 
on  le  réduit  en  lervitude  Ibus  (on  joug  ,  on  1  honore, 
&  on  abandonne  le  vrai  Dieu  ;  comme  s'en  plaint  S- 
JuHin  Martyr  dans  la  première  &  féconde  Apologie 
pour  les  Chrétiens ,  &  après  lui  S.  Cyrille  de  Jérulâ- 
lem  dans  la  première  Catéchefe  Myftagogique.  Au" 
gii*-îa ,  dit  ce  Père  ,  divinationes  ,  cmina  aut  amuleta , 
autinfcripiones  in  foliis ,  aut  alîiX  malœ  artes  j  &  criera 
hujufmodi ,  cultus  Diaboli  funt.  On  ne  peut  donc  pra- 
tiquer aucune  Superftition  fans  violer  le  premier  Com- 
mandement du  Décalogue ,  qui  nous  ordonne  de  ren- 
dre à  Dieu  feul  le  véritable  culte  qui  lui  eu  dû. 


a  Non  habebis  deos  aliènes 
coramme.  Exod.  20. 

b  Supeiftitiofum  efl  quld- 
Suid  inftiuitum  cft  ab  homini- 


bus  ad  facieada&colenda  Ido- 
la  ,  pcrtinens  vel  ad  colcndum 
ficut  Deum  creaturam  f  aitcia» 
ve  ullam.  creauirsc. 


fin'  Us  Commandement  de  Dieu,      139 

Ajoutez  que  la  Superflition  eft  une  efpece  d'Ido- 
lâtrie :  car  les  Superditieux  n'adorent  pa<;  le  vrai 
Dieu  ,  mais  les  phantônies  que  leur  imagination  a  for- 
més. S.  AuguQin  en  a  porté  ce  jugement  dans  le  Li- 
vre de  la  vraie  Religion  ch.  38  '^. 

On  ne  peut  en  aucune  manière  tolérer  parmi  les 
Chrétiens  les  pratiques  fuperftitieufès  ,  car  nous  ne 
pouvons  boire  le  Calice  du  Seigneur  &  celui  des  Dé- 
mons ,  TApotre  nous  le  défend  dans  la  première  Epi- 
tre  aux  Corinthiens  chap.  10  '*.  Aufïi  l'Eglife  nous 
fait  renoncer  à  Satan  ,  à  fcs  oeuvres  &  à  (es  pompes  , 
avant  que  de  nous  conférer  le  Baptême. 

Les  Saints  Pères  &  les  autres  Auteurs  Eccléfîafti- 
ques  ont  regarde  dans  tous  les  fiécles  les  Superflitions 
comme  des  relies  du  Paganilme,  oppofées  à  la  pureté 
de  la  Foi  Chrétienne,  &  comme  une  invention  du 
Démon  ,  qui  veut  avoir  des  adorateurs  &  une  religion 
à  fà  mode  ,  &  qui  tâche  de  tromper  les  fîmples ,  & 
de  les  détourner  par  les  artifices  ,  de  l'obligation  qu'ils 
ont  de  recourir  à  Dieu  dans  letlrs  adverlîtés  8c  dans 
leurs  besoins.  C'eft  pourquoi  les  Conciles  traitent  ceux 
qui  ajoutent  créance  à  ces  (brtes  de  vanités,  &  qui  les 

Ïiratiquent ,  comme  des  Apoftats  qui  ont  renoncé  à 
eur  Baptême  &  à  leur  Foi  pour  Ce  loumettre  à  l'em- 
pire de  Saran.  Ils  veulent  qu'on  les  chaiïe  de  raffem- 
blée  des  Fidèles.  Le  S9.  canon  du  quatrième  Concile 
de  Carthage  ,  l'ordonne  expreflément  ^. 

Le  Concile  de  Paris  de  l'an  815».  avertitles  Princes,' 
liv.  3.  ch.  1.  qu'ils  doivent  punir  d'autant  plus  rigou- 
reulementles  Superflitieux  ,  que  ces  miférables  ont  la 
malice  &  la  témérité  de  ne  point  appréhender  de  (èr-^ 
vir  publiquement  le  Démon  f. 


c  Efl  enim  aliiis  dcterior  & 
inferirr  cultns  nmiilachrcriim , 
quo  pliantafmat?  fiia  colinit  , 
&  c^iiid  jiiid  animo  errante  ciim 
fiiperbiâ  v-1  temerè  cogitando 
injaç^inati  fucrint  ,  reJi§ionis 
nomine  obfervanr» 

d  Nolovos  fieri  focios  dsr- 


inonioruQî  ;  non  potcftis  cali-     ma  niaia  ,  tjux  ex  litu  Geniir 


cem  Dominl  bibere  &  calice» 
dxmoniorum. 

e  Aiiptiriis  vcl  incantationi- 
bus  fcrvitnrem  à  conveuru  Ec» 
cîe!îx  fcparandiim  ,  (îmilitcr  & 
fupcrfiitionibiis  Jiidaicis,  vel 
fcriis  inlifrcnrem. 

/Ext.'int  &  alla  pemiciofidî* 


1^0  Conférences  d'Angers, 

Les  anciens  Canons  pénitentiaux  ,  publiés  par  An- 
toine Augiiftin  ,  ont  prefcrit  diverfes  pénitences  à 
ceux  qui  pratiquoient  des  Superditions.  Les  Papes 
Léon  X.  Adrien  VL  Sixte  V.  &  Grégoire  XV.  ont 
prononcé  différentes  peines  contre  eux  dans  les  Bul- 
les qu'ils  ont  faites  flir  cette  matière. 

Plufieurs  Conciles  provinciaux  qui  ont  été  tenus 
dans  les  deux  derniers  iiécles ,  tant  en  Fmnce  qu'en 
Italie  &  en  Allemagne  ,  ont  jugé  que  le  principal  foin 
des  Evéques  ,  étoit  de  prendre  garde  que  les  Héré- 
lîes  ,  les  Sortilèges  ,  les  Charmes  ,  en  un  mot,  les 
Superllitions  n'eulfent  aucun  cours  dans  leurs  Diocè- 
fès  ;  c'efl:  pourquoi  ils  ont  recommandé  aux  Evéques 
de  s'informer  exadement  de  ces  crimes  dans  leurs  vi- 
fites  :  ils  ont  enjoint  aux  Fidèles  de   déclarer  à  leurs 
Evéques  les  Magiciens ,  les  Sorciers  ,  les    Enchan- 
teurs ,  &  les  autres  peribnnes  qui  u(ênt  de  femblables 
Superllitions  ;  &  ils  ont  fait  des  Réglemens  pour  dé- 
raciner entièrement   toutes  les    Superftitions     qu'on 
pourroit  découvrir.  Mais  quelques  efforts  que  l'Egliie 
ait  fait  pour  les  exterminer  ,   cela  n'a  pas  empêché 
que   quelques-unes  ne  fe  fbient  tellement  enracinées 
parmi  les  peuples  ,   qu'elles  y  caufènt  encore  du  dé- 
Ibrdre  ;  c'efl  ce  qui  a  engagé  de  nos  jours  plufieurs 
Evéques  à  faire  de  nouvelles  Ordonnances  pour  dé- 
truire enfin  toutes   les  pratiques  lliperflitieufes.  On 
peut  voir  à  ce  Cu'ei  les  Ordonnances  &  Inilruflions 
Synodales  de  M.  Godeau  Evéque  de  Grafre&  deVen- 
ce  ,  de  M.  Joli  Evéque  d'Agen ,  de  M.  de  Clermont-» 
Tonnerre  Evéque  de  Noyon ,  de  M.  le  Cardinal  le 
Camus  Evéque  de  Grenoble  ,  de  M.  d^Aranthon  d'A- 
lex Evéque  de  Genève  ,  &c. 

On  ne  peut  apporter  trop  de   loin  pour  extirper 
cette  forte  de  crime  5  car  c'efl  par  les  Superllitions 


lium  remanfîfTe  dubiiim  non 
efl  ;  ut  funt  Ma^i  ,  Arioîi  , 
Sortilegi ,  Venefici ,  Divini  , 
Incantatores  ,  fomniatorum 
Conjedores  ,  quos  divina  Lex 
jrretraâ:abi!iterpuniri  jubet.,,. 
f^ui  uï  fuerinî  hujufmodi  ccm- 


pertivirî  feufœminx  intantùra 
difciplinâ  &  vigore  Piincipis 
acriiiscorrigendi  funr,in  quan- 
tum manifcftius  aufu  nefando 
&  teir.erario,  fervire  Diabolo, 
non  metuunt. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu*     14 1; 

îjue  le  Démon  rentre  en  pofTenion  des  âmes  des  Chré- 
tiens ,  dont  il  avoit  été  chaflc  par  le  Baptême  qui  les 
avoit  fait  enfans  de  Dieu.  (>'eft  par  les  Superfiitions 
qu'il  oblige  les  Chrétiens  de  renoncer  aux  vœux  fo- 
lemnels  de  leur  Baptcnie.  C'eft  par  les  Supenlitionç 
qu'il  leur  fait  perdre  l'efpérance  qu'ils  doivent  avoir 
en  Dieu  ,  pour  la  leur  faire  mettre  en  des  vanités  plei- 
nes d'iJlufions  Se  de  menfonges  :  enfin  ,  c'eft  par  le? 
Superftitions  qu'il  les  fait  tomber  dans  des  crimes 
énormes  qui  les  afTujettiirent  à  des  peines  ctcrnelles. 


II.      QUESTION. 

De  quelles  règles  peut-on  fe  fervir  pour  connoltre 
iily  a  de  la  fuperjlition  en  quelque  chofe  ,  &* 
que  doit-on  faire  pour  arrêter  le  cours  des 
fuperjîitions  f 

Voici  trois  règles  qu'on  peut  proposer  à  ce  (iijet  , 
dont  la  première  Ce  prend  du  côté  de  la  caufè 
eHiciente,  la  féconde  du  coté  de  l'effet, la  troilîeme  fè 
prend  de  la  manière  dont  la  chofe  Ce  fait. 

Première  règle.  Une  chofe  efl  fuperftitieufe  lorf^ 
qu'elle  fc  fait  en  vertu  d'un  padce  exprès  ou  tacite  avec 
le  Démon. 

On  fait  un  pade  exprès  avec  le  Démon,  1°.  Quand 
on  l'invoque  (bi-mcme  expreffément,  implorant  fon 
fecours ,  ou  qu'on  lui  prélente  une  requête  par  écrit  > 
foit  qu'on  le  voye  d'une  manière  fènlîbje  ,  ou  qu'on 
s'imagine  le  voir.  2°.  Quand  on  l'invoque  par  l'encre- 
mifê  d'un  autre  qu'on  lui  croit  affidé ,  ou  qu'on  fait 
un  pade  avec  une  perfbnne  qui  a  liaifbn  avec  lui , 
parce  qu'on  craint  de  traiter  visiblement  avec  le  Dé- 
mon, 3'\  Quand  ,  pour  Ce  procurer  le  fêcours  du  Dé- 
mon ,  on  employé  certains  fignes  ou  caradcres ,  dont 
on  fixait  que  les  Sorciers  ou  Magiciens  ont  coutume 
d'ufer. 

Dans  les  deux  premiers  cas ,  on  implore  par  des 


'î42  Conjérences   d'Angers  l 

.paroles  ou  des  écrits  l'aide  du  Démon.  Dans  le  tfôliie-i^ 
me ,  on  l'impicre  par  des  œuvres. 

Mais  pour  qu'il  y  ait  un  paâe  exprès  en  ces  ren- 
contres ,  il  faut  que  celui  qui  appelle  le  Démon  à  Ton 
aide  falle  de  Ton  coté  quelque  promefle  au  Démon  , 
comme  de  lui  obéir  ,  de  le  fervir  fidèlement ,  &  de 
renoncer  à  Jedis-Chrift.  On  peut  invoquer  expreffé- 
ment  le  Démon  &  Tappeiler  à  Ton  fecours ,  fans  rien 
lui  promettre  &  fans  rien  llipuler  avec  lui ,  alors  il  n'y 
.a  point  de  pade. 

Soit  qu'on  fafTe  quelque  convention  avec  le  Dé- 
mon ,  foit  qu'on  n'en  fafTe  aucune ,  c'efl  certainement 
un  très-grand  crime  que  de  l'invoquer  expreffément  ; 
puifque  en  l'invoquant ,  on  rend  à  la  plus  méchante 
ides  créatures  le  culte  qui  n'efl  dû  qu'à  Dieu. 

On  fait  un  pafte  tacite  avec  le  Démon  ,  lorfque  , 
fans  l'invoquer ,  fans  lui  rien  promettre  &  fans  rien 
attendre  de  lui ,  on  employé  ,  avec  efpérance  de 
xéuHir,  certaines  chofès  qui  n'ont  nulle  vertu ,  ni  na- 
turelle ni  furnatureile  ,  pour  produire  les  effets  qu'on 
en  attend.  La  Faculté  de  Théologie  de  Paris  l'a  jugé 
ainfî  dans  le  troifîeme  article  de  la  Cenfure  du  151. 
Septembre  13^8.  qui  efl  rapportée  toute  entière  par 
Gerfon  ^  ;  c'efl  aufTi  le  fentiment  de  S.  Thomas,  z.  Zé 
^.  96,  art.  z  ^» 

Les  Auteurs  qui  ont  traité  de  cette  matière,  remar- 
quent qu'on  employé  des  caufes  pour  produire  des  ef- 
fets qu'on  ne  peut  attendre  de  leur  vertu  naturelle  ou 
Surnaturelle. 

1°.  Lorfque  Ton  fe  fert  des  caufes  naturelles  pour 
produire  des  effets  furnaturels  ,  comme  font  ceux  qui 
fe  fervent  de  certaines  plantes ,  pour  découvrir  les 
penfées  les  plus  fècrettes  des  autres. 


a  Intendimus  paftum  effe  im- 
fîlicitum  in  orani  cbfervat  one 
fiiperiîitiosâjCujus  eiî'edus  non 
débet  à  Deo  vel  à  naturâ  raiio- 
nabiliter  expedari. 

h  Licct  caufas  naturales  ad- 
hibere  ad  proprios  effedus,  un- 
dc  Cl  naiuraliter  non  videantur 


I  pofle  taies  efTc^ïiis  caufare  , 
confequens  eft  quôd  ncc  adhl- 
beantiir  ad  hos  etîeiius  caufan- 
dos ,  tanquam  caufa,  fed  folutn 
quafi  figna  ,  &  fîc  pertinent  ad 
pa(Sa  fignifirationum  cumda:'» 
monibus  inita* 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     1^5' 

1°.  Lorlqu'on  joint  aux  caufbs  naturelles  certains 
/îgnes  ou  caradcres,  dont  on  f,ait  que  les  Magiciens 
eu  Sorciers  fe  fervent ,  ou  qu'on  a  trouve  dans  leurs 
livres,  ou  d'autres  figures  inutiles,  comme  fi  on  ne 
vouloit  prendre  médecine  que  dans  une  talTe  de  tel- 
le figure ,  &  fur  laquelle  il  y  auroit  certaines  lettres 
gravées. 

30.  Lorfque  pour  produire  certains  effets  naturels  » 
on  u(e  de  quelques  mots  obfcurs  ,  barbares  &  incon- 
nus ,  tels  que  Ibnt  ceux  qu'on  voit  dans  les  billets 
dont  quelques-uns  fe  fervent  pour  guérir  les  maladies, 
ou  qu'on  ajoute  à  des  caufes  naturelles  certaines  pa- 
roles ,  fuficnt-ciles  connues  ,  &  mcme  tirées  de  la 
Sainte  Ecriture  ,  fans  lef]uelies  on  ne  croit  pas  que  la 
chofe  qu'on  dc/ire  faire,  puifTe  rcuflir  ;  fur  quoi  on  peut 
voir  Anne  Robert,  au  livre  i.  des  chofes  jugées  ch.  5'. 

S.  Thom.as  1.  1.  q.  96.  art.  i.  dans  la  rcponfe  à  la 
première  objedion  ,  condamne  abfblument  de  Superf- 
tition  ces  deux  pratiques  ^.  La  railbn  qu'il  en  rend 
dans  le  corps  de  l'article ,  c'eft'que  C\  les  chofès  qu'on 
employé  ,  feniblent  ne  pouvoir  naturellement  pro- 
duire ces  fortes  d'effets ,  il  s'enfuit  qu'on  ne  les  em- 
ployé point  pour  les  produire  comme  caufes ,  mais 
feulement  comme  fignes ,  &  de  cette  manière  elles 
fe  rapportent  aux  pades  faits  avec  le  Démon. 

40.  Lorsqu'on  prononce  des  paroles  de  la  Sainte 
Ecriture  ,  ou  qu'on  employé  des  chofes  facrées  pour 
produire  de  vains  ou  de  ridicules  effets  ,  comme  pour 
faire  tourner  le  fas ,  ou  pour  faire  remuer  fur  un  fil  un 
anneau  (ans  y  toucher.  Le  Cardinal  Cajetan  rapporte 
à  ce  fùjet ,  une  choie  remarquable  dans  fi  Somme  , 
au  mot  Incantatio.  Il  dit ,  qu'un  jour  voulant  faire  voie 
qu'il  y  avoit  de  la  Superilition  à  faire  remuer  l'an- 
neau fur  un  fil ,  il  prit  un  fil  &  un  anneau,  &  pro- 
nonça le  verfet  du  Pfeaume  qu'on  prétend  faire  mou- 


c  Si  (împliciter  adhibcantur 
resnaturalesad  aliquos  ciTeclus 
producendos,  al  ijiios  put.m- 
tur  natuialem  hibcrc*  virtutem, 
Fion  ell  rup^rflirinfiim  vel  illi- 
cicum  ;  fi  verè  adjiin^antur  vel 


charafleres  aliqui  ,  vel  aliqua 
nomina  ,  vel  alix  quafCiimaue 
varije  obfervationes ,  qua?  ma- 
nifcltum  cft  naturaliter  effica* 
ciam  non  habere,  erit  fuperAi* 
tiofum  &  illicitum» 


ffj^^  Conférences   d'Angers  ^ 

voir  Tanneau  ,  en  protedant  qu'il  difoit  ces  paroles  à 
l'honneur  de  Dieu  à  qui  elles  avoient  été  adrelTées 
par  le  Prophète ,  au  lieu  de  les  prononcer  à  delTein  de 
faire  mouvoir  l'anneau  ,  &  l'anneau  ne  le  remua  en 
aucune  façon.  Ce  qui  montre  ,  dit  ce  Cardinal ,  que 
c'eil  le  Démon  qui  fait  branler  cet  anneau  lorfqu'on 
lui  adreffe  ce  verfet  du  Pfeaume  ,  car  il  fe  plait  à  (e 
faire  honorer  par  des  paroles  de  la  Sainte  Ecriture ,  & 
par  des  chofes  (àcrées.  Suivant  cela ,  c'eft  un  pafte 
tacite  avec  le  Démon  ,  quand  on  jette  une  figure  ou 
image  d'un  Saint  dans  de  l'eau  pour  faire  pleuvoir, 

5^.  Lorfque,  pour  obtenir  l'effet  de  Tes  prières,  on  le 
fert  de  paroles  qui  contiennent  quelques  faufletés  ou 
des  hifioires  apocryphes  ou  fabuleules.  Il  y  a  tout  lieu 
de  croire  que  le  Diable ,  qui  eft  le  père  du  menlbn- 
ge  ,  eft  l'inventeur  de  ces  pratiques  ,  &  par  confé- 
quent  que  c'eft  de  lui  &  non  de  Dieu  qu'on  attend 
l'effet  des  prières ,  car  Dieu  n'a  point  befbin  du  men- 
fbnge  pour  faire  ce  qu'il  veut. 

Il  arrive  quelquefois  que  des  gens  fîmples  &  grof^ 
fiers  obfèrvent  ces  deux  dernières  pratiques  de  bon- 
ne foi  &  même  par  dévotion ,  les  croyant  permifes  & 
religieufes  ,  &  n'en  attendant  l'effet  que  de  Dieu  :  d 
leur  ignorance  efî  excufable  &  non  affedée  ,  leur  pé- 
ché n'eft  que  véniel ,  ou  même  ils  font  exemts  de 
péché  ,  s'ils  font  dans  la  difpofîtion  de  s'abflenir  de 
ces  pratiques  5  quand  ils  font  avertis  de  leur  illu/ion. 
C'eft  le  fentiment  de  Cajetan  i ,  2 .  q.  ^  6 .  art.  4.  que  M. 
de  Sainte-Beuve  approuve  tom,  i.  de  Ces  réfolutions, 
cas  II.  Cependant  il  eft  du  devoir  des  Evéques  &  des 
Prêtres  de  travailler  avec  prudence  à  abroger  ces  for- 
tes de  pratiques. 

Seconde  règle.  Une  pratique  eft  fùperftitieufè  lorfque 
l'effet  qu'on  attend  furpaffe  l'induftrie  de  l'homme  ,  & 
ne  peut  être  raifbnnablement  attribué  à  la  nature ,  ni 
être  attendu  de  Dieu  ,  la  chofe  n'ayant  été  inftituée 
ni  de  Dieu ,  ni  de  i'Eglife  pour  produire  cet  effet  , 
alors  on  a  fujet  de  croire  qu'elle  a  rapport  à  un  paâ;e 
avec  le  Démon. 

Le  Concile  de  Malines  de  l'an  1^70,  nous  propofê 
cette  règle  dans  le  titre  des  Superftitions ,  nous  affu- 

rant 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      147 

rant  qu'il  y  a  de  la  Superflition  dans  toutes  les  [chodx 
qui  le  font  fàhs  l'autorité  de  la  parole  de  Dieu  ou  de 
l'Hglile,  avec  certaines  pratiques  &  certaines  ccrc- 
monies ,  dont  on  ne  peut  rendre  de  raifôn  valable  , 
&  deiquelies  néanmoins  on  attend  quelques  effets 
qu'on  n'efpcreroitpas  (ans  cela"^  :  cette  règle  a  été  ap- 
prouvée par  un  autre  Concile  tenu  dans  la  même 
Ville  l'an  1607.  tit.  15.  ch.  3.  ^ 

Suivant  cette  règle,  ceux-là  lont  coupables  de  Su- 
perflition, qui  fe  perluadent  qu'en  dilîint  une  certaine; 
Orailbn  qui  n'eft  point  approuvée  de  l'Eglife,  ou  en 
portant  une  certaine  marque  de  dévotion  ,  ils  ne 
mourront  point  en  péché  mortel ,  qu'ils  obtiendront 
la  vie  éternelle  ,  qu'ils  ne  pa {feront  point  par  le  Pur- 
gatoire ,  ou  que  la  lainte  Vierge  leur  apparoitra  à 
l'heure  de  la  mort. 

Il  s'enluit  au/îl  de  cette  règle,  que  c'ed  uneSuperl^ 
tition  que  de  s'imaginer  que  quand  on  efl:  treize  per- 
fbnnesà  mangera  une  même  table,  il  en  mourra  une 
dans  l'année  ;  car  ce  nombre  n'a  nulle  qualité  funefÎG 
pour  procurer  la  mort  ,  &  Dieu  ne  l'a  point  établi 
pour  en  être  un  pronollic.  Il  en  faut  juger  de  même 
de  l'opinion  où  quelques-uns  font,  qu'un  homme  qui 
eft  né  cocffé  eft  plus  heureux  qu'un  autre  ;  car  cette 
cocfre  n'a  aucune  proportion  naturelle  avec  le  bon- 
heur d'un  homme. 

Quand  on  e(])ere  un  effet  qui  (urpafle  les  forces  de 
la  nature  ,  il  faut  confîdérer  il  félon  la  lainte  Ecriture 
ou  félon  la  tradition  de  l'Eglifè  ,  il  doit  être  attribué 
à  Dieu  ;  &  au  cas  qu'il  n'y  ait  pas  lieu  de  le  lui  attri- 


d  Docet  hxc  Synoduî  cm- 
rem  ilium  reruai  uium  elfe  fu- 
p  rftitiofum  ,  qui  ùnv  vtrbo 
Dei  Se  f.cclefix  dnclnnâ  fit, 
praTcripcis  aliquibus  liubiis  & 
obf!.! v.iPtiis  ,  qiiarum  rsiiona- 
bilis  .n'ifa  rcddi  non  i-otcft  ,  îk 
fuluci.i  ;n  c^a  ccliocatLir  ,  ccrto 
expt-dancli  alir|«em  evcnrum . 
qui  fine  illis  ritibiis  ex  Salli-'lo- 
rii:n  interccffionc  non  fjjtr.irc- 
tutj  aiit  q Jx  m  cuitu  Sanvtoriim 

Terne  I. 


ex  temeritate ,  autquadamle- 
vitate  porius  quàni  pietate  ,  & 
v-'&  in  Dtum  religione  ficri 
vident'jr. 

e  Parochi  fiibditos  fuos  c\o- 
ecant  inter  cxr-  ra  fiiperftitio- 
fii'.n  tfie  expedare  'iuemcum- 
•  juc  etlcCtiim  a  cjua^umque  rc  , 
quem  Tes  illa  r.cc  ex  fua  iiacura, 
ncc  ex  inllifiitiont  divina  ,  nec 
ex  ordinationc  vclap,  robatio- 
ne  Ecclcfise  proc^uccre  potelt. 

G 


Jd.6  Conférences    (T Angers  y 

biier,  on  peut  dire  qu'il  eft  fupernitieux ,  &  qu*ilfiip- 
pofe  un  pade  avec  le  Démon, 

On  tombe  même  dans  la  Superftition ,  lorlqu  on  Ce 
fert  d'une  chofe  qui  a  la  vertu  de  produire  ce  qu'on 
veut  faire ,  fi  par  le  moyen  de  quelque  vaine  circonf^ 
tance  Teitet  eft  produit  d'une  manière  extraordinaire, 
comme ,  par  exemple ,  fi  ce  qui  ne  peut  être  fait  qu'en 
une  heure ,  ell  produit  dans  un  inftant. 

A  l'égard  des  effets  qu'on  attend  des  cérémonies 
infHtuées  pari'Eglife,  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  y  ait 
de  la  Superfîition  ,  quand  on  n'ajoute  à  ces  cérém.o- 
nies  rien  de  faux,  de  fuperflu  ou  d'étranger  ;  car  quoi- 
qu'elles ne  produifent  pas  naturellement  les  effets 
pour  lefquels  elles  font  établies  ,  néanmoins  comme 
-c'eil  Dieu  qui  a  donné  à  l'Eglife  le  pouvoir  de  les 
infdtuer,  on  n'attend  ces  effets  que  de  Dieu.  On  ne 
peut  donc  taxer  de  Superftitions  les  exorcifmes  dont 
l'Eglife  fe  fert  pour  chaffer  les  Démons ,  ni  les  prières 
qu'elle  fait  pour  conjurer  les  infedes  qui  ravagent  les 
fruits  de  la  terre  ;  car  il  eil  confiant  que  Jefus-Chrifî 
a  donné  à  fon  Eglife  dans  la  perlbnne  des  Apôtres  , 
le  pouvoir  de  chaffer  les  Démons ,  de  fouler  aux  pies 
les  ferpens  &  les  fcorpions ,  &  toute  la  puiffance  de 
l'ennemi  ,  comme  il  eft  dit  dans  le  chap.  lo.  des 
Evangiles  lelon  S.  Matthieu  &  félon  S.  Luc. 

Trcijicwe  règle.  Une  chofe  eil  fuperftitieufê,  lorf^ 
qu'elle  eft  accompagnée  de  certaines  circonftances  ou 
conditions  vaines,  inutiles,  ou  ridicules,  qu'on  croit 
■jiéceifaires ,  pour  produire  un  effet  naturel  ou  furna- 
turel  qu'on  en  attend*,  circonftances  qu'on  fc^-ait  n'a- 
voir ,  ni  de  leur  nature ,  ni  de  l'inftitution  de  Dieu 
ou  de  l'Eglife  aucune  vertu  pour  produire  cet  effet. 
Comme  lorfqu'cn  porte  fiir  foi  certaines  herbes  en 
certain  nombre  ,  cueillies  à  certains  jours ,  à  certains 
momens ,  en  certains  lieux ,  pour  être  heureux  au 
jeu  ;  ou  îorfqu'on  croit  qu'on  fera  préfervc  de  tous 
maux  en  portant  fur  foi  l'Evangile ,  In  p-incipo  erae 
Vcrbîirn,  pourvu  que  cet  Evangile  (bit  écrit  fur  du 
parchemin  vierge ,  ou  écrit  à  telle  heure ,  ou  de  telle 
manière ,  ou  renfermé  dans  un  certain  vaifl'eau ,  ou 
fuf^endu  avec  tant  de  fils  ;  ou  lorfque  l'on  elpere  être 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu,     147 

guéri  de  la  ficvre,  en  difânt  trois  fois  l'Orailon  Do- 
minicale avant  le  (blcil  levé.  Il  y  a  en  cela  de  la  Su- 
perrtition  ,  puifque  ,  comme  remarque  le  Cardinal 
Cula  dans  le  fermon  qu'il  a  fait  fur  ces  paroles  :  Ibant 
Maz^i  quam  vider  ani ,  tom.  i.  des  Exercices,  liv.  i. 
ch,  8.  on  fait  confiner  l'efficace  des  paroles  de  l'Evan- 
gile &  de  rOraifon  Dominicale  dans  une  circonf^ 
tance  vaine  &  inutile;  c'ell:  aufTi  le  (êntiment  de  S. 
Thomas,  2,  z,  q.  96»  art.  4.  ^. 

Par  ces  deux  dernières  règles ,  on  condamne  de 
Superflition  toutes  les  oraifbns  qui  donnent  affurance 
à  ceux  qui  les  difent ,  qu'immanquablement  ils  ob- 
tiendront le  bien  fpirituel  ou  temporel  qu'ils  en  atten- 
dent ,  ou  qu'ils  éviteront  le  mal  qu'ils  craignent  ; 
comme  aum  celles  qui  pour  des  caules  légères  pro- 
mettent des  indulgences  exorbitantes.  Ces  alfurances 
&  ces  promefTes ,  qui  ne  paroilTent  fondées  que  (un 
de  prétendues  révélations  non  approuvées  de  l'Eglise  > 
font  des  rufes  du  Démon  qui  veut  par  là  engager  les 
hommes  à  pécher  plus  librement ,  &  à  s'expoler  â 
mourir  dans  le  péché.  On  trouve  fouvent  de  ces  for- 
tes de  prières  en  de  petits  livres  que  les  Colporteurs  SC 
Merciers,  qui  courent  les  campagnes,  débitent  aux: 
Payfàns.  Le  Concile  de  Malmes  de  l'an  15 70.  avertie 
qu'on  prenne  garde  d'y  ajouter  foi.  B  Le  Concile  de 
Cambrai  de  l'an  1565.  avoit  déjà  condamné  ces  (or-' 
tes  de  dévotions  fuperflitieufes ,  comme  des  abomi-5 
nations  '>. 


/  Si  fpes  habeatur  in  modo 
fcribendi  aut  liganJi  ,  aiit  in 
cjuacumque  hujufmodi  vanitaïc*, 
qiiï  ad  (livina  n  rcveren'itin 
Honpertinc;m  ,  hoc  judica  etiir 
fupeiftitiofuni. 

g  Ne  circimifnr.>n(iRC|uib"( 
dam  ,  aut  etiam  cum  priviickjio 
imprefTij  libellis  tcm<  rc  fiilcir. 
•dhiucant  ,  qui  ex  ievilMis  aut 
fupcrfnti'.fis  caiifis,  inc  rri'que 
revelationibiis  inimodicas  & 
phis  t.'YjÔ  exoibitanre.v  pclli 
centur  indulgeniias^ctiiïlmum 
ii  promiiTionc  conùnca.u  cet-  , 


torum  efFc£tiium ,  periculorum' 
f  ilicct  cvitaiionetn  ,  à  gladiis, 
à  tormentis  ,  ab  cquisj  àpefte  , 
a'it  libciationcm  certam  à  Pur-« 
gatorio, 

h  Abominandam  eflfe  eonim 
vanitatt-m  ac  fupcrftitionem  , 
^^!ii  cer-ô  poliiceniur  non  er 
hac  vita  niigr.îinros  fi:  c  pœni- 
entia  &  facraiiK'ntis  illos  qui 
hune  ilitimve  ex  divis  cohie- 
rinf  ,  qui  fccuri  atciii  in  rcbuf 
gcrendis,  f.Mtunx  ctrrtim  de 
optatum  evcntum  iifdem  pio< 
miuunc. 


14-8  Conférences   d'Jngers, 

Pour  remédier  aux  Superfîitions ,  le  quatrième  Con- 
cile de  Milan  fous  S.  Charles,  enjoint  aux  Curés  qui 
découvrent  qu'il  y  a  quelque  pratique  extraordinaire 
qui  a  cours  dans  leur  ParoifTe  ,  de  s'en  informer  foi- 
gneufement,  afin  d'en  donner  avis  à  l'Evéque,  s'ils 
jugent  que  (on  autorité  foit  nécelTaire  pour  la  déra- 
ciner. 

Les  Confefieurs  à  qui  un  pénitent  s'accufê  de  quel- 
que chofe  qui  leur  paroit  iîifpeéte  de  Superftition ,  doi- 
vent examiner  attentivement  /î  elle  a  du  rapport  à 
quelqu'une  des  règles  que  nous  venons  de  propoler. 
Si  elle  y  en  a ,  quoiqu'elle  ait  quelque  apparence  de 
piété  ou  de  dévotion ,  il  efl:  de  leur  devoir  d'enjoin- 
dre au  pénitent  de  s'en  abflenir  jufqu'à  ce  qu'eux-mé- 
ines   Ce  foient  éclaircis  de   la   vérité  ;  &  qu'ils  l'en 
ayent  inllruit,  &  de  lui  faire  comprendre  que  quand 
même  il  auroit  été  exempt  de  péché  julqu'à  ce  mo- 
ment, à  cauie  de  la  /implicite  &  de  la  bonne  foi  avec 
îefquelles  il  agiiïbit ,  n'ayant  jamais  été  averti ,  Se 
n'ayant  jamais  foupçonné  que  ces  pratiques  fufîent 
contraires  à  la  Religion  ,  il  deviendroit  coupable  d'un 
péché  mortel  en  continuant  de  pratiquer  la  même 
choie,  après  les  défenfes  qui  lui  en  auroient  été  fai- 
les.  Car  il  n'y  a  que  la  /implicite ,  la  bonne  foi  ou  l'i- 
gnorance qui  puifle  excu/èr  de  péché  mortel  ceux  qui 
pratiquent  quelque  Superllition  ,  fans  faire  de  pade 
exprès  avec  le  Démon  ;  comme  font  ceux  qui  tom- 
bent dans  quelque  vaine  obfervance ,  qui  Ce  fervent 
de  prières  ou  de  fîgnes  de   croix  ,  ou  d'autres  chofes 
fèmblables  pour  guérir  différentes  maladies ,  tant  des 
hommes  que  des  animaux ,  ou  pour  découvrir  quel- 
que chofe  cachée  ou  future,  croyant  qu'il  n'y  a  point 
de  péché  en  ce  qu'ils  font,  &  ne  foupçonnant  en  au- 
cune manière  qu'il  y  ait  un  pade  avec  le  Démon  , 
parce  qu'ils  ont  vu  faire  ces  chofes  à  leurs  parcns ,  ou 
parce  qu'ils  font  perfuadés  que  l'effet  qu'ils  en  atten- 
dent peut  être  produit  par  les  moyens    qu'ils   em- 
ploient, qu'ils   efliment  être   purement  naturels  ou 
.erre  des  pratiques  de  dévotion ,  ou  parce  qu'ils  font 
dans  la  dilpo/îtion  de  renoncer  à  tout  paéle  fait  avec 
le  Démojn ,  s'il  y  en  avoii  que^u'un»  Mais  quand  on 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,       14^ 

cloute  que  les  moyens  dont  on  fe  fèrt  (oient  ou  vains 
&:  inutiles ,  ou  qu'ils  puifTcnt  produire  les  effets  qu'on 
en  attend  ,  ou  que  l'on  a  été  averti  que  ces  pratique»; 
font  fuperftitieufes  &  fuppofent  quelque  pacle  fait 
avec  le  Démon  ,  &  que  l'on  y  retombe  volontaire- 
ment, il  n'y  a  plus  alors  ni  ignorance  ,  ni  /implicite  > 
ni  groffiéreté  d'efprit  qui  excule  de  péché  mortel  , 
quelque  proteftation  que  l'on  fafTe  de  renoncer  à  tout 
pade  avec  le  Démon ,  parce  qu'on  s'attend  toujours 
à  un  effet  qui  ne  peut  être  produit  que  par  le  Démon  , 
en  vertu  du  premier  pade  qu'un  autre  a  fait  autrefois 
avec  lui.  On  doit  donc  s'abftenir  entièrement  de  tou- 
tes ces  fortes  de  pratiques  qui  font  tout-^à-fait  indi- 
gnes d'un  Chrétien  '. 

Quand  un  pénitent  le  confelTe  d'avoir  pratiqué 
quelque  Superilition ,  le  Confeffeur  doit  auffi  exami- 
ner /i  c'efî  par  /implicite,  par  ignorance,  ou  par  ma- 
lice qu'il  l'a  fait  ;  car  il  faut  faire  différence  entre 
ceux  qui  s'adonnent  aux  Superflitions  par  une  trop 
grande  /implicite  ,  &  ceux  qui  s'y  adonnent  par  ma- 
lice, puifque  les  premiers  font  iouvent  excu/àbles,  8c 
que  les  autres  ne  le  (ont  jamais.  On  met  au  nombre 
des  premiers  les  femmes ,  qui  après  leurs  couches  ne 
veulent  pas  commencer  à  aller  à  la  Meffe  un  Vendre- 
di,  ou  qui  ne  veulent  pas  faire  la  leffive  ce  jour-là, 
craignant  qu'il  ne  leur  arrive  quelque  malheur.  Le 
Confe/Teur  doit  inflruire  ces  (brtes  de  perfbnnes,  les 
faire  renoncer  à  ces  pratiques  /uperflitieufes,  &  leuc 
faire  prendre  la  réfblution  de  n'y  plus  retomber. 

Pour  ceux  qui  s'adonnent  par  malice  aux  fliper/lf- 
tlons ,  comme  font  ceux  qui  u/ent  de  Con'dhges ,  ou 
de  maléfices,  ils  ne  /ont  point  excufàbles ,  car  ils  ne 
s'en  fervent  que  pour  f«\ire  du  mal  au  prochain,  ain/î 
ils  (çavent  bien  que  leur  adion  eft  mauvai/e  par  ellè- 
mcmc.  Quand  il  s'en  pré/ente  quelqu'un  de  cette  for- 
te ,  le  Confe/Teur  doit  lui  faire  expliquer  quelle  e/1  la 


2  Omiiesartes  hujtifmodi  vcl 
rugatoris  ,  vcl  noxi;c  fiipcrlU- 
tionis  ex  qiiadam  pcftifcra  fo- 
cietaie  Hominum  &  D.rnio- 
num  ,  ^ua/î  patia  infiddis  & 


dolofjr  amicitix  conftîruta  ,  pc- 
nitùs  funt  repiidianda  ,  «S:  fii- 
gicnda  CHriltiano.  Auguji,  de 
Doclr»  ChriJÎ,  l.  z.c.  i^, 

G  iij 


I  ço  Conférences   à^ Angers  ; 

Superflition  qu'il  a  pratiquée.  Il  y  en  a  qui  font  ac- 
compagnées d'un  pade  exprès  fait  avec  le  Démon  ; 
d'autres   n'ont  rapport  qu'à  un  pade  tacite.    Si  le 
Confeffeur  juge  qu'il  y  a  eu  un  pade  exprès  fait  avec 
le  Démon,  il  doit,  ï».  faire  des  prières  &  même  des 
exorcifmes  fecrets  fi  l'Evéque  le  juge  néceffaire.  î».  H 
doit  s'informer  du  Pénitent  s'il  n'a  point  renoncé  à  la 
foi  de  J.  C.  au  nom  de  Chrétien  ,  au  Baptême ,  s'il 
n'a  point  proféré  de  blaipliémes  contre  la  fainte  Vier- 
ge ou  contre  les  Saints ,  s'il  n'a  point  eu  des  fenti- 
mens  hérétiques  contre  la  Foi ,  &  s'il  ne  les  a  point 
manifeilés  à  quelqu'un,  s'il  n'a  point  invoqué  le  Dé- 
mon ,  s'il  n'a  point  fait  ferment  de  ne  jamais  adorer 
la  làinte  Euchariflie ,  s'il  n'a  point  feulé  aux  pies  les 
images  de  J.  C.  ou  des  Saints  ;  s'il  n'a  point  promis  de 
ne  jamais  déclarer  en  confefTion  le  pade  fait  avec  le 
Démon;  fî  le  Démon  de  fôn  côté  ne  lui  a  point  don- 
né quelques  fignes  ou  figures ,  quelques  caraAeres  ou 
quelques  billets  ;  en  ce  cas  le  ConfefTeur  doit  l'obli- 
ger à  faire  profefïion  de  la  foi  de  J.  C.  à  renouveller 
ïes  vœux  qu'il  avoit  fait  au  Baptême ,  à  renoncer  aux 
ceuvres  &  aux  pompes  du  Démon  &  à  tous  pades  & 
engagemens  qu'il  auroit  contraétés  avec  lui.  Quand 
même  le  pénitent  n'auroit  point  renoncé  à  la  Foi,  il 
eft  très-expédient  de  lui  en  faire  faire  une  profeiriciî 
Sommaire.  3°.  Le  Confeffeur  doit  retirer  du  pénitent 
îous  les  fignes  de  (on  engagement  avec  le  Démon  , 
toutes  les  choies  dont  il  fe  fervoit  pour  fes  mauvais 
deiïeins ,   &  les  livres  de  magie  ,  s'il  en  avoit  ,  afin 
de  les  brûler.  S.  Paul  en  ufà  de  même  avec  les  Magi» 
ciens ,  qui  avoient  embralTé  la  foi  de  J.  C.  ain/i  qu'il 
eft  marqué  dans  le  ch.  r5).des  Ades  des  Apôtres, 4°.  Il 
doit  lui  enjoindre  de  réparer  tout  le  tort  qu'il  a  caufé 
<iu  prochain ,  foit  en  fbn  corps  ,    fbit  en  fès  biens , 
(bit  en  Ton  honneur  &  même  le  lui  faire  réparer  avant 
que  de  i'abfoudre  ,  fi  cela  efî  pofïible.  5°.  Il  doit  l'ex- 
horter de  fréquenter  les  Sacremens  ,    &  en  même 
tems  lui  faire  connoitre  combien  il  importe  de  n'en 
pas  abufer.  6°.  Il  doit  lui  perfuader  d'être  dévot  a  la 
fainte  Vierge ,  &  de  porter  fiir  lui  une  figure  de  J.  C. 
en  Croix  &  des  reliques  des  Saints  bienavéxées.  7^.  U 


fur  les  Commart démens  de  Dieu,      i  y  i 

doit  employer  tous  (es  foins  pour  le  rendre  capable 
de  recevoir  rabfolutlon  &  lui  impofer  une  pcnirence 
proportionnée  à  les  crimes.  Ss^avoir  s'il  doit  lui  diffé- 
rer Tablblution  pendant  un  eipace  de  tems  con/îdé- 
rable  ;  il  y  a  des  Dctfteurs  qui  croyent  qu'il  le  faut 
faire,  pour  s'aiïlircr  (î  le  pénitent  eu.  dans  une  rcibiu- 
tion  ferme  &  lîncere  de  quitter  entièrement  ce  crime. 
C'étoit  le  fentlment  de  S.  Auguftin ,  car  il  nous  alTu- 
Jre  ,  écrivant  fiir  le  PC  6i.  qu'il  avoit  différé  quelque 
tems  la  réconciliation  d'un  Magicien  qui  s'étoit  con- 
verti ^,  D'autres  Dodeurs  eiîiment  que  fi  le  Confef^ 
feur  a  le  pouvoir  d'abfoudre  de  ce  crime,  qui  eO.  or- 
dinairement un  cas  réservé  ,  il  ne  doit  pas  différer 
J'ablolution  à  un  autre  tems  ,  s'il  juge  le  pénitent 
aiïez  bien  dirpcfé.  Leur  railon  efl ,  que  le  paéle  (aie 
avec  le  Démon  ,  lui  donne  un  grand  pouvoir  fur  ceux 
qui  l'ont  fait  ;  de  forte  que  jusqu'à  ce  qu'ils  ayent  été 
abfous ,  il  les  tr.iite  avec  beaucoup  de  cruauté ,  Se 
par  ce  moyen  il  les  empêche  de  retourner  à  leur  Con- 
lelTeur  ,  ou  s'ils  y  retournenjt  ,  il  leur  fait  fouvent 
délavouer  le  péché  dont  ils  s'étoient  acciifés.  Sans 
décider  de  ces  deux  fentimens ,  ce  qu'on  peut  dire 
de  plus  certain  ,  c'efl  que  le  Confefleur  doit  fe  com- 
porter félon  les  difpofitions  qu'il  voit  dans  le  péni- 
tent ,  &  prendre  de  juftes  précautions  pour  ne  pas  ex- 
pofer  les  Sacremens  à  une  profanation. 


t  Sciatis  emn  tamcn,Fr3trcs, 
olim  pilfaread  Pccltfiam  antc 
Pafcha,  ante  Pafcha  enimcoci'it 
petere  dt  EccleHa  Chrifti  mcdi- 
cinam  j  fed  quia  lalis  ti\  arsin 


qu3  exercitarus  erat,  qiix  fuf- 
pcâa  effet  de  mcndacio  aique 
fallacia  ,  «'ilatus  cft  ne  tentaret 
&  aliquando  tamtn  admifTus  eft, 
ne  periculofiùs  tencareiiir. 


Hf    H» 

-Mr 


Vf 


1^2  Conférences    d^ Angers, 


III.      QUESTION. 

Queji-ce  quon  entend  par  le  Culte  indu  ? 

LE  Culte  indu  eR.  celui  qu'on  rend  à  Dieu  de  la 
manière  qu'on  ne  le  doit  pas.  Il  y  en  a  de  deux 
fortes-,  l'un  efl  pernicieux,  l'autre  eftfaperflu.  Ils  font 
tous  deux  fuperilitieux  &  illicites. 

Le  Culte  pernicieux  efl  celui  qui  fîgnifie  une  chofe 
faulTe ,  &  qui  rend  ainfi  au  vrai  Dieu  un  faux  honneur» 
Si  ^er  cultum  exîeriorem  ,  aliquid  falfum  fignificamr  , 
erit  cultus  perniciofus ,  dit  S.  Thomas  i,  i.  q.  53.  art.  i. 
tel  efl  celui  des  Juifs  d'aujourd'hui ,  qui  par  les  céré- 
monies de  la  loi  Mofàïque ,  repréfentent  les  myfleres 
de  la  foi  de  J.  C.  comme  s'ils  n'étoient  pas  encore  ac- 
complis. 

On  tombe  dans  ce  péché.  1°.  Lorlqu'on  publie  de 
faux  miracles  pour  les  faire  croire.  Comme  l'on  doit 
avoir  du  refped  &  de  la  vénération  pour  les  miracles 
qui  font  indubitables  ;-  de  même  Ton  doit  témioigner 
beaucoup  d'averlion  contre  ceux  qui  font  inventés  à 
plaifir  ,  fiir  quoi  on  peut  voir  ce  que  dit  Guibert ,  Abbé 
de  Nogent  au  Diocefe  de  Lacn ,  livre  i.  de  SanClis  & 
€orum  fignorihus  3  ch.  ^, 

C'eîl:  pour  cela  que  l'Eglifê  apporte  tant  de  pré- 
caution pour  la  publication  des  miracles ,  &  qu'elle 
défend  d'en  publier  de  nouveaux  ,  fans  qu'ils  ayent 
cté  vérifiés  par  i'Evéque.  Nous  en  trouvons  une  dé- 
ierSe  exprefîe  dans  les  Conciles  de  Noyon  de  l'an 
1344.  canon  iz.  &deSens  de  l'an  1518.  dans  le  40. 
Décret  concernant  les  moeurs.  Jean  Olivier  Evéque 
d'Angers  s'y  conforma  dans  l'Ordonnance  Synodale 
qu'il  fit  fur  ce  fujeten  1534.  Le  Concile  de  Trente  a 
renouvelle  ces  défenfes  ,  fefTion  z5.  dans  le  Décret  fur 
l'invocation  des  Saints.  Elles  ont  été  réitérées  par  di- 
vers Conciles  Provinciaux  ,  tenus  depuis  ,  comme 
font  celui  de  Cambrai  de  l'an  1565.  le  4^,  de  Milan  j. 


far  les  Commandemem  de  Dieu,     i^^ 

Ceux  d'Aix  &   d'Aquilce,   &  encore  parrAfTemblée 
générale  du  Clergé  de  France  de  l'an  1 64^. 

z».  Lorfqu'on  débite  de  fauffes  révélations  ou  de 
faufles  vifions;  ceux-là  font  un  tort  extrême  à  l'Egli- 
fe ,  qui  s'imaginent  ne  pouvoir  faire  approuver  les 
belles  adions  des  Saints,  s'ils  ny  mêlent  de  ces  for- 
tes de  faufTetés  ;  ils  donnent  lieu  par-là  aux  libertins 
de  le  mocquer  des  miracles,  &  aux  gens  de  bien  de 
gémir  ,  voyant  que  des  âmes  pieufès  rendent  indiP 
crétement  au  menlbnge  des  hommages  qui  ne  ibnt  dûs 
qu'à  la  vérité. 

3".  Lorfqu'on  veut  faire  palTer  de  faufles  reliques 
pour  de  vraies  reliques  de  Saints,  car  c'eft  vouloir 
faire  rendre  un  culte  religieux  à  des  chofes  à  qui  on 
ne  le  doit  pas,  &  qui  n'en  méritent  aucun.  C'ert  or- 
dinairement l'elprit  d'avarice  qui  pouffe  à  faire  cette 
ruppofirion. 

S.  Auguftin  dans  le  liv.  de  ofere  Monachorum^  au  ch« 
18.  Ce  plaint  que  de  fbn  tems  certains  hypocrites» 
qu'il  traite  d'émiffaires  du  Démon  ,  couroient  les 
Provinces  en  habit  de  Moines  ,  vendant  des  reliques 
qu'ils  difoient  être  des  reliques  de  Martyrs  ^. 

Saint  Grégoire  le  Grand,  liv.  3.  de  Ion  régître 
lettre  30.  (e  récrie  contre  des  Moines  Grecs  ,  qui 
étant  venus  à  Rome,  avoient  tiré  des  offemens  d'hoin- 
mes  des  tombeaux  qui  étoient  proche  de  TEglife  de 
S.Paul,  pour  les  emporter  en  Grèce  5  &  y  faire  croire 
que  c'étoient  de  fiantes  Reliques. 

L'Eglife ,  pour  prévenir  cet  abus ,  a  fait  pluheurs 
réglemens  touchant  l'examen  des  Reliques  douteufes. 
Innocent  III.  chap.  Cum  ex  eo ,  de  Reliqitiis  &  vener^ 
SanÛ.  défend  de  révérer  publiquement  aucunes  Re- 
liques nouvellement  trouvées  ,  qu'auparavant  elles 
n'ayent  été  approuvées  parle  Pape, 

Le  Concile  de  Trente ,  dans  l'endroit  qu'on  vienc 
de  citer,  veut  qu'elles  foicnt  reconnues  par  les  Evc- 
qucs ,  avant  que  d'être  expofées  à  la  vénération  des 
Fidèles  ,  &  que  les  Eveques  appellent  des  gens  f^avans 

û  Membra  Martyrurn  ,  lî  tamcn  Martyrum  vcn'^itanr. 

G  V 


IJ4  Conférences  d'Angers  i 

&  pieux  pour  en  faire  l'examen  avec  eux  ^  :  LeJ 
Conciles  Provinciaux ,  qui  ont  été  tenus  depuis  en 
France  Ce  font  conformés  au  règlement  du  Concile 
de  Trente.  Tous  ces  Conciles  ont  jugé  qu'il  y  avoit 
moins  d'inconvénient  à  ne  pas  rendre  aux  Reliques 
de  quelques  Saints  l'honneur  qui  kur  ell  dû  ,  que  de 
îe  rendre  à  des  olTemens  de  fcélerats ,  comme  parle 
îe  Concile  de  Tours  de  l'an  1583.  ^, 

Si  dans  l'examen  qu'on  fait  des  Reliques ,  on  en 
îrouve  dont  il  y  ait  de  bonnes  raifons  de  douter  qu'elles 
foient  d'un  Saint,  il  faut  les  enterrer  dans  le  parvis 
de  l'Egiife  ou  le  long  des  murs ,  de  peur  que  le  peu- 
ple ignorant  n'en  prenne  occafion  de  tomber  dans  la 
Superftition.  Amolon ,  Archevêque  de  Lyon,  donne 
ce  confeil  à  Theobolde  Evêque  de  Langres ,  dans  la 
Lettre  qu'il  lui  a  écrite  au  fiijet  des  olTemens  d'un  pré- 
tendu S.  Anonyme,  que  des  Moines  avoient  apportés 
d'Italie  dans  l'Egliie  de  S.  Bénigne  de  Dijon.  On  ne 
doit  point  craindre  de  pécher  en  cette  occafion  par 
zrop  d'exaditude  ;  car  Dieu  veut  que  nous  agiflions 
avec  beaucoup  de  prudence  &  de  précaution  dans  les 
chofèi  de  la  Religion ,  dit  Amolon  ^, 

4<'.  On  tombe  ,  félon  plufîeurs  Auteurs  ,  dans  la 
Superilition  du  culte  pernicieux ,  lorsqu'on  expofe  ,  a 
la  vénération  des  Fidèles ,  de  làintes  Reliques  fous 
Je  nom  d'un  Saint ,  quand  on  a  une  connoifîance  en- 
tière &  certaine  qu'elles  ne  (ont  pas  de  ce  Saint  ;  car 
jl  y  a  en  cela  un  menfonge  considérable  :  c'eft  le  Cen- 
îiment  de  l'Abbé  Guibert  dans  le  3.  ch.  du  liv.  qu'on- 


b  Statuit  fanûa  Synodus  nec 
Bovas  Reliquias  recipiendas  , 
îîifi  eodem  rccognofcenre  àc 
approbante  Epifcopo,  qui  fîmul 
«tque  de  iis  aliquid  coroperrum 
-habuerit,  adhibitis  in  confîlium 
Theologis  &  aliis  piis  viris  ,  ea 
iàciat ,  qux  veritari  &  pietaii 
i.onfemanta  jiïdicaverif. 

c  Sacris  qiiippe  fanftionibus 
n;î>gis  adverfari  ctrtum  eft,  im- 
|-  rorum  &  fceleratorum  ofla  , 
iii'iao  JCionoie   colère  1  ^uàoi 


veras  Sandorum  Reliquias  dé- 
bita veneratione  carerePe  Fef- 
tor'um  cultu. 

d  Nec  meruerc  debemus  ne 
forte  ex  hac  diligentia  aliquanî 
otTenfionem  incurramiis  ;  viile 
enim  Omnipotens  Deiis  nos  in 
rébus  fuis  camos  efle  atoue  dif- 
cretos  jiixta  prseceptum  Apof- 
toli  diccntis  :  Omnia  prohate  , 
quod  bonum  eft  tcnete,  ab  om- 
ni  fpccie  inala  aVftinetc» 


fur  les  Commandement  de  Dieu»     l^f 

"Vient  de  citer,  où  parlant  du  Chef  de  S.  Jean-Baptif^ 
te  ,  que  différens  Moines  prctendoient  avoir,  il  dit  : 
Qiiodji  Joannis'BaptiJîa:  non  ejî ,  alicujus  veru  SanCii 
ej}  i  non  médiocre  tamen  mendacii  maliim  ejl  ;  mais  cet 
Auteur  déclare ,  dans  le  chapitre  fuivant ,  qu'il  ne 
croit  pas  qu'il  y  ait  un  pcchc  à  honorer  de  bonne  foi 
les  Reliques  d'un  Saint  (ous  le  nom  d'un  autre,  dont 
véritablement  elles  ne  (ont  pas  *. 

5°.  Lorsqu'on  invoque  ou  qu'on  honore  des  hom- 
mes morts  comme  Saints ,  qui  ne  le  (ont  pas  en  ef- 
fet ,  ou  qu'on  a  tout  fujet  de  croire  n'ctre  pas 
Saints  ;  par  exemple  ,  des  gens  morts  dans  l'héré- 
lîe  ,  quand  même  ils  auroient  (buffert  le  martyre 
pour  la  religion  Chrétienne.  L'Abbé  Guibert  ch.  ii. 
parle  avec  beaucoup  de  zèle  contre  le  culte  de  ces 
faux  Saints ,  qu'il  dit  être  dégradés  par  leur  propre  au- 
torité ^. 

Dans  tous  les  fîccles  de  rEgli(ê,  quand  les  Payeurs 
ont  découvert  qu'on  rendoit  un  culte  religieux  à  de 
faux  Saints ,  on  a  fait  tout  -ce  qu'on  a  pu  pour  l'abro- 
ger. Le  Concile  de  Laodicée,  canon  34.  a  prononcé 
anathéme  contre  les  Chrétiens  qui  honoroient  de 
faux  Martyrs.  Lucile  ,  Dame  puinante  de  Carthage, 
comme  rapporte  Optât  dans  le  liv.  i.  contre  Parmé- 
nien  ,  fut  reprife  fortement  par  l'Archidiacre  Ceci- 
lien  ,  de  ce  qu'avant  que  de  faire  la  (âinte  Commu- 
nion ,  elle  baifoir  l'os  d'un  homm.e  mort ,  qui  n'étoit 
pas  reconnu  publiquement  pour  un  Martyr.  S.  Martin  , 
au  rapport  de  Severe  Sulpice  dar>s  la  vie  de  ce  Saint , 
fit  démolir  un  Autel  qu'on  avoit  érigé  A  l'honneur 
d'un  voleur  qu'on  regardoit  comme  un  Saint  :  Char- 
lemagne  au  livre  prem.ier  de  (es  Capitulaires  chap.  42. 
ordonna  qu'on  ne  rendit  aucun  honneur  aux  faux: 
jioms  des  Martyrs,  ou  aux  Saints  dont  Ja  mémoire 
ctoit  incertaine  g.  Alexandre  III.  fit  défenfes  qu'on 


e  Utrum  eoriim  Rcliquii  , 
ciim   altéra?    pro  alteiis  iiono- 
xanrir  ,  &   non   fîn*  tins  ctijiis 
cfTc    jnitanriir,  aliniiid   perni 
«ioûim    cokntiliis  iaiportare 


crcdantiir  :  Quod  ego  non  a.T- 
timo. 

/Qiios  fuî  ipforum  autoritas 
exaiidorar. 

^  Ut  falfa  noo-ina  Martyrom 

G  vj 


Il  5*6  Conférences  d* Angers  l 

rendit  aucun  honneur  à  un  homme  qui  avoir  été  tûc 
étant  yvre  ,  que  cependant  on  révéroît  comme  un 
Saint  ^* 

Il  n'efl  pas  permis  d'invoquer  ou  d'honorer  pubh*- 
quement  comme  Saints  des  hommes  morts,  dont  la 
Sainteté  n'a  point  été  reconnue  par  TEglife,  quand 
même  ils  opéreroient  des  miracles.  Alexandre  III. 
dans  le  même  chapitre ,  déclare  qu'il  faut  que  leur 
lainteté  foit  reconnue  par  le  fbuverain  Pontife.  Cum 
edam  Jî  fer  eum  miraaila  fièrent  y  non  liceret  vobis  /p- 
Jum  pro  SanCio  3  a'ofque  atitoritate  Romana  Ecchjîœ  ve- 
nerari.  On  peut  néanmoins  prier  en  particulier  un 
homme  mort  en  odeur  de  (àinteté  ,  quoique  fa  làin- 
îeté  n'ait  pas  encore  été  déclarée  par  i'Eglifè.  C'ell  Is 
iëntiment  de  l'Abbé  Guibert  chap.  4.  ^ 

6^.  Lorfqu'on  expoie  à  la  vénération  des  Fidèles 
de  faulTes  Images  ;  car  comme  nous  ne  révérons  les 
Images  qu'à  caufe  de  ce  qu'elles  nous  reprélèntent , 
ïicus  ne  pouvons  honorer  celles  qui  font  naître  dans 
notre  efprit  une  idée  contraire  à  la  vérité  ,  ou  qui 
nous  inipirent  une  faulTe  doélrine ,  fans  leur  rendre 
ain  culte  faux  &  fuperflitieux  ;  c'efl  pourquoi  le  Con- 
cile de  Trente,  dans  le  Décret  qu'on  a  cité  ,  défend 
expreffément  qu'on  en  place  de  telles  dans  les  Egli- 
fes  ^,  Il  arrive  de  ces  faufîes  Images ,  que  ce  qui  de- 
vroit  être  honoré  d^s  Fidèles  devient  méprifàble , 
comme  remarque  le  dernier  Concile  de  Tours ,  dans 
le  titre  qu'on  vient  de  citer  '. 

Plu/ieurs  des  Conciles  Provinciaux  qui  ont  été  te- 
31US  depuis  celui  de  Trente ,  foit  en  France ,  foit  en 


Si  incertï  Sandorum  memoriae 
sion  vcnerentiir. 

h  Cap.  Cùm  audivimus  5  de 
reliq.  6*  vener.  Sanêî» 

i  aicm  Deiira  ,  qui  eura  ,  de 
«q«o  tft  incertns   expoftic ,  ir 
.Tiï'^t  ,   ira  er.m  fi  fîdcliter  San- 
f'um   crcd.iis  ,    qui   non   ell 
it^ftus  exorer,  pbcat* 

fr'Nulise  f;ilfî  dpgmatis  ima-: 
igiacs  5&  rudibus  f  cricuIoC  er- 


roris  occafionem  pr.tbentes  » 

flatuantiir. 

i  Nevc  quid  in  tcmplis  fcrip- 
turanim  veritati  aur  probaris 
EccleHaflicis  hlRoriis  contrj»- 
riiim  fculparur  ,  sut  pinganir» 
(juài-n  diltriétiflin.è  proh'be- 
mus  ,  ne  c,i)od  ?.b  liorr.iniln-is 
fumroo  eft  habcndum  in  liono 
rç  ,  hue  modo  vilefur* 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     1/7 

d'autres  Royaumes,  ont  rciLcrc  cette  dcfenfe.  Le  pre- 
mier Concile  de  Milan  fous  S.  Charles  a  nicme  fore 
"prudemment  défendu  de  repréfènter  dans  les  Images 
aucunes  de  ces  hiiloires,  qui  ne  font  autorifces  ni  pac 
l'Eglile  ni  par  des  Auteurs  approuves ,  &  qui  ne  font 
fondées  que  fur  la  vaine  opinion  du  Vul;^aire. 

Le  culte  indu  pernicieux  étant  oppofc  à  la  vérité 
de  la  Foi  &  de  la  Religion,  renferme  une  grande  ir- 
révérence contre  Dieu  ,  &  par  conféqucnt  ed  de  Coi 
péché  mortel ,  faivant  la  dodrine  de  iàint  Augullin, 
dans  le  livre  contre  le  men(bnge  ,  ch.  4.  &  de  S.  Tho- 
mas 2.  z.  q.  97,»  art.  2.  Ce  péché  e(ï  d'autant  plus 
dangereux ,  qu'on  s'en  corrige  difficilement ,  parce 
que  Ibuvent  on  croit  faire  une  action  de  piété  &  ho- 
norer Dieu  ,  ainfî  qu'a  remarqué  l'Abbé  Guibert  liv« 
$.  ch.  ï.  »". 

On  peut  voir  ce  que  S.  Auguflin  die  dans  le  livre 
devera  Relizione  -,  ch.  <<.  pour  détourner  les  homm^ea 
de  ce  pcchc. 

Le  culte  (uperflu  efl  celui,dans  lequel  on  employé 
des  pratiques  vaines  ou  inutiles  qui  n'ont  été  infa- 
tuées ni  de  Dieu  ni  de  l'Eglife ,  ou  qui  ne  (ont  pas 
communément  ufitées  dans  l'Eglile.  C'eft  la  notion 
que  nous  en  donne  S.  Thomas,  2.  i.q.  5)3.  art.  2.  "• 

Ce  fàint  Dodeur  nous  apprend  que  c'efl:  un  culte 
Tuperflu  ,  lorf-iu'en  penlànt  honorer  Dieu  ,  on  fait 
des  choies  qui  ne  font  point  autorifées  par  l'Eglile  , 
lef^uelles  n'ont  point  de  rapport  à  la  vénération  inté- 
rieure qui  ed  due  à  Dieu ,  qui  ne  concernent  point  (a 
gloire ,  qui  ne  contribuent  en  aucune  manière  à  éle- 
ver l'efprit  vers  lui,  &  qui  ne  peuvent  lèrvir  à  mo- 
dérer la  concupilcence  de  la  chair. 

(Changer  les  cérémonies  que  l'Eglife  a  accoutume 
d'obfcrver  dans  la  célébration  du  (àcrifice  de  la  MelTe, 


m  Cùm  enjm  cîc  Dco  aiit 
crltur  aut  diJtur  aliquod  , 
qu  ni  ipllus  vcriiatis  telHino- 
niic  h.uiil  (iiibic  obludctiir ,  tii- 
niiru  VI  accidic  ut  tamô  detc- 
ïiiis  ,  qtp.nto  incoirigibiliiis 
nieascxcrrarcptobscur  ,  dum 


fiib  fietatis  colore  peccatur. 
n  Si  aliquid  fit  prjfter  Dci  & 
Ecclelîje  inlViturionem  ,  vcl 
contra  confiietudinem  con^Dii- 
nem.  .  .  .  totiim  hoc  reputan- 
dum  cfl;  fii^effliium&ru^'trlU- 
tiofuKu 


îjS  Conférences   cT Angers  l 

ou.  dans  l'adminiflratlon  des  Sacremens ,  y  ajou-» 
ter  ou  y  diminuer,  ou  y  fubflituer  de  nouveaux  rits  , 
ceû.  un  culte  fuperflu  que  le  Concile  de  Trente  délàp-* 
prouve  fi  fort,  que  dans  le  can.  13.  de  la  feiT.  7.  il 
prononce  anathéme  contre  ceux  qui  difent  que  cela 
efl  permis  5  &  dans  la  CeiT.  zz.  au  Décret  concernant 
ce  qu'on  doit  obfèrver  à  la  MelTe ,  il  recommande 
aux  Evéques  d'empêcher  cet  abus  par  les  voies  Cano- 
niques o. 

Dire  à  la  MefTe  l'hymne  ,  Gloria  in  exceljis ,  ou  le 
Symbole,  ou  Alléluia  ,  ou  quelqu'autre  Oraifon ,  ou 
faire  des  fignes  de  croix  ,  ou  des  bénédidions  lorique 
cela  ne  Ce  doit  pas  faire ,  félon  les  Rubriques  reçues 
&  approuvées  de  l'Eglile  ;  célébrer  la  MefTe  avec  des 
ornemens  de  différente  couleur ,  de  celle  dont  l'Eglife 
fe  fert  dans  le  jour  :  ne  vouloir  célébrer  qu'avec  des 
ornemens  précieux,  ou  à  l'Autel  le  mieux  orné-  fous 
prétexte  d'une  plus  grande  dévotion  :  ne  vouloir  cé- 
lébrer ou  entendre  la  Meffe  qu'à  une  certaine  heure  y 
ou  qu'à  un  certain  Autel  :  ne  vouloir  entendre  la 
JVlelTe  que  d'un  Prêtre  qui  porte  un  tel  nom ,  ou  que 
de  fon  Confeffeur  :  vouloir  en  communiant  recevoir 
deux  hofties  :  ne  vouloir  communier  que  par  les 
mains  de  fon  ConfelTeur ,  ou  feulement  des  hoflies 
par  lui  confàcrées  ,  ce  que  plufieurs  femmelettes  af- 
fedent  :  ne  vouloir  pas  liler  le  jour  du  Vendredi- 
Saint,  ou  les  autres  Vendredis  de  l'année  ,  quoiqu'on 
vaque  à  d'autres  œuvres  ferviles ,  tout  cela  eil  un  cul- 
te fuperflu  &  fiiperfîitieux  qu'on  couvre  du  prétexte 
fpécieux  de  dévotion  ;  car  on  fait  confîfler  la  piété 
dans  des  circonflances  vaines  &  inutiles ,  &  c'efl  d'el- 
les qu'on  attend  l'effet  qu'on  délire.  On  doit  regarder 
comme  un  culte  fliperflitieux  ,  &  non  pas  comme  une 
dévotion  fblide  &  bien  réglée  ,  l'attache  que  quelques 
perfbnnes  ont  à  faire  dire  un  certain  nombre  de  Mef^ 
iês  5  ou  à  y  allumer  un  certain  nombre  de  cierges  , 


0  Ne  fuperflitioni  locusali- 
qni5  detur  ,  e:îiâo  &  pœnis 
propoficis  caveant ,  ne  Sacer- 
<1ott's  aliis  qiiàm  dcbitis  horis 
«eleUent,  neve  ihus   aiios , 


aiit  allas  caeremonias  ,  Se  preces 
in  MilTarum  ceUbatione  adhï- 
b.-ant,  priter  eas  quae  :*b  t'c- 
eleHa  rroba'*  ac  freijucnti  ,  & 
lâudab'iii  ufu  icce;uaE  fuciiuî* 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     ijg 

<3iins  la  penfce  que  c'eft  prccifcment  ce  nombre  de 
îvlcfîbs  ou  de  cierges  allumes  ,  qui  contribue  à  nous 
obtenir  de  Dieu  ce  que  nou*;  lui  demandons. 

Le  Concile  de  Trente,  felT.  ii.  enjoint  aux  Eve* 
ques  de  corriger  cet  abus  P.  On  ne  doit  pas  pour  cela 
croire  que  ce  (oit  une  fiiperflition  de  faire  dire  neuf 
ou  trente  MefTcs  ,  (elon  l'ulàge  des  FJglifes. 

Plufieurs  perlbnnes  donnent  dans  ces  fortes  de  fli-»' 
perftitions  par  ignorance  ,  par  grofficretc  ,  par  /im- 
plicite ,  ou  mcme  par  dévotion  ,  ce  qui  fait  que  fou- 
vent  ce  pèche  n'eft  que  véniel. 

Il  n'efl  mortel  que  quand  les  chofès  que  nous  ve- 
Tious  de  marquer,  fe  font  par  un  paâ:e  exprès  ou  tacite 
fait  avec  le  Démon  ,  ou  par  un  mépris  form.el  des 
règles  de  TEglile  ,  ou  avec  (candale  ,  ou  que  Ton 
joint  aux  chofes  fàintes  des  chofes  qui  (ont  mauvai- 
les  d'elles-mêmes ,  comme  (croient  des  paroles  ou 
des  chanlbns  deshcnnétes  ou  impies ,  ouquelechan^ 
gement  qui  (e  fait  dans  les  cérémonies  de  la  Meiïe  ou 
des  Sacremens  ,  eft  très-confidérable  ,  c'eft  pourquoi 
U  faut  expliquer  ces  circonfiances  dans  la  ConfeC- 
.(îon. 

Quand  on  voit  que  les  perfbnnes  /impies  &  ver- 
tueu/es  donnent  par  dévotion  dans  des  pratiques  fu- 
perftitieu/ès ,  on  ne  doit  pas  pour  cela  négliger  de  les 
avertir  de  s'en  retirer  ;  il  faut  leur  apprendre  que  no- 
tre religion  ne  con/i/le  pas  dans  un  culte  arbitraire, 
mais  dans  un  culte  rendu  à  Dieu  en  efprit  &  en  vé- 
rité ,  &  de  la  manière  que  l'Eglife  Catholique  i'enfei-: 
gr\^  &  le  pratique. 


p  Qiiarumdam  verô  Mi/Ta- 
mm  &  candelariim  ccrtum  nu- 
xneruni ,  ^ui  magis  à  fupcrrti- 


riofo  cultu  ,  quàm  à  vera  reli- 
gione  ,  inventus  eft ,  omnino 
ab  £ccle/îa  removcant. 


^^ëk^-^ 


't6o  Conférences    d'Angers  ^ 


IV.     QUESTION. 

Q,uejl-ce  que  Vîdolâtrk  b"  la   Magie  ? 

LE  mot  à'Idole  efl  déterminé  dans  les  Saintes 
Ecritures ,  à  iîgnifier  les  faux  Dieux  ,  parce 
que  les  Payens  adoroient  non-feulement  les  créatu- 
res ,  mais  auiTi  les  images  &  les  figures  de  ces  créatu- 
res. Saint  Paul  nous  l'aflure  dans  le  premier  chap. 
de  l'Epitre  aux  Romains  ^.  lis  y  mettoient  leur  con- 
fiance ,  comme  nous  apprend  David  ,  Pf.  1 1 3  ^.  Tout 
ce  qu'on  honore  donc  comme  Dieu  ,  &  qui  ne  l'efî 
pas  ,  eft  une  Idole  ,  félon  ces  paroles  du  livre  pre- 
mier des  Paralipomenes  au  chap.  16.  Omnes  DU  po* 
pulorum  Idola. 

L'Idolâtrie  efl  une  Superflition  qui  rend  à  quel-* 
qu'autre  chofe  qu'à  Dieu ,  l'honneur  &  le  culte  fou- 
verain  qui  ne  font  dûs  qu'à  lui  feul.  Ce  cuite  & 
cet  honneur  fe  rendent  ou  en  fiéchifTant  les  genoux 
devant  une  faulfe  divinité  ,  ou  en  l'invoquant  ,  ou 
en  brûlant  de  l'encens  lur  fes  Autels  ,  ou  en  lui 
offrant  des  Sacrifices  ,  ou  en  célébrant  des  jeux  à 
ion  honneur. 

Saint  Paul  regardoit  l'Idolâtrie  comme  une  Su- 
perflition  ;  car  voyant  que  la  ville  d'Athènes  ctoit 
fort  attachée  à  l'Idolâtrie  ,  il  reprocha  aux  Athé- 
niens qu'ils  étoient  (ùperflitieux  en  toutes  chofes  , 
ain/î  que  le  rapporte  S.  Luc  ,  chap.  17.  des  Ades  ^* 
Auffi  S.  Auguflin  liv.  z.  de  la  Doctrine  Chrétien- 
ne ch.  20.  dit  que  tout  ce  qui  a  été  établi  par  les 
hommes,  pour  faire  des  Idoles  ou  pour  les  adorer, 
&  tout  ce  qui  regarde  le  culte  qu'on  rend  à  la  créa- 


a  Et  miitaversint  |ïî<iriaîTi 
incorriiptihilis  Dei  in  fiaùlitu- 
dinem  imaglnis  corrtiptibilis 
horri'nis  ,  &  volucrum  ,  &  qiia- 
driipe  him  ,  &  fcrpentium. 

b  5i:uiles  illis  âsm  <j,ui  U- 


chint  es,  &  omnes  qui  conS- 
dunr  in  illis. 
c  Videns  idolclatrix  dedîtaïQ- 
civitatem Viri  Aihtnien» 

fes  per  omniaqinll  fiiperfliào» 
iiores  vos  vi^to» 


fur  Us  Commandement  de  Dieu,     l6ï 

nire  comme  à  une   divinité  ,   cft  fuperftitieux  '^.  ^ 

On  diftingue  trois  fortes  d'Idolâtrie  ;  Tldolatrle 
complette  ,  l'Imparfiiite  &  la  Simulce. 

L'Idolâtrie  complette  eft,lorrqu'on  rend  intcrieu- 
rement  &  extérieurement  à  une  créature  comme  à 
une  divinité  ,  le  culte  louverain  qui  n'eft  dû  qu'au 
Créateur, 

Ce  péché  dans  un  homme  baptiPé  ,  renferme  l'In- 
fidélitc  &  i'Apoflafie.  C'ell  de  foi  le  plus  grand  de 
tous  les  ctimes ,  parce  qu'il  s'attaque  direélement 
à  Dieu  \  car,  comme  enfeigne  (aint  Thomas  2.  i.q- 
^4.  art.  m.  quand  on  rend  à  la  créature  l'honneur 
qui  n'eil  dû  qu'à  Dieu  feul  ,  on  fait ,  autant  qu'on 
le  peut ,  un  autre  Dieu  dans  le  monde ,  tâchant  de 
diminuer  la  puifTance  fouveraine  du  vrai  Dieu  ^.  Ter- 
tullien  de  Idolol.  c.  i,  l'appelle  principale  crimen  gC' 
neris  hiimani  ^  fawmum  faculi  reatum  ;  S.  Cypriea 
Epift.  10.  Summum  delitlum  ;  S.  Grégoire  de  Na- 
zianze  Orat.  38.  Extremum  &  primum  malorum  ; 
Ladance  au  livre  i.  des  Inftitutions  divines  ,  Sce^ 
lus  inexpia!,  il e. 

L'Idolâtrie  n'eft  qu'imparfaite  ,  quand  on  fait  un 
pafte  exprès  ou  tacite  avec  le  Démon  ,  Co'it  en  in- 
voquant (on  nom ,  implorant  fbn  (ecours  ,  le  con- 
fultant  ,  lui  promettant  quelque  choie  pour  réufllc 
en  quelque  deffein  ,  portant  quelque  image  conju- 
rée en  (on  nom  ,  ou  quelque  autre  (îgne  à  (on  hon- 
neur ;  fe  feA'ant  de  fes  ligatures  ,  ou  croyant  que  (es 
caradères  ont  la  vertu  admirable  qu'on  leur  attri- 
bue. Dire  que  cela  ne  (bit  pas  une  e(pece  d'Idola- 

â  Superflitiofitm  efl    quid- î  totum  reipiblicat  perturbât  or- 


qiiiJ  inditucum  c(l  ab  homi- 
nibus  al  fa.iendi,  &  coîfn;l,i 
idcia  pcrtincns,  vel  ad  coicn- 
dum  Hciit  Do'.im  creaturam , 
partcrnve  ullam  creatnra. 

e  Sicut  in  terrena  rcpiibli- 
ca  graviflfimiini  tlïe  vidctur  , 
•jiiôd  alu;iiis  bonortm  rtgii'm 
alieri  in^p',ndat  ,  quàm  vcro 
Rcgi  >  quia  «juantum  in  fc  clt  j 


dinem  ,  ita  in  peccatis  qii2 
contra  Deuni  comn.ittiinriir  , 
qt'x  raTien  fiint  maxiiDaj  gra- 
vjfTinnim  efle  viietur,  qiiôd 
mIkjius  hnnorcm  divinum  crca- 
tiirjf  impendar,  quia  quartiun 
cit  in  fe  ,  facir  iiliiim  Dtun» 
in  mun  1o  ,  minuens  principa' 
lutn  divinum. 


\i62  Conférences   d'Angers  j 

tAç  ,  c'efl  une  erreur  félon  le  fentiment  de  la  Faculté 
de  Théologie  de  Paris  ,  dans  la  Cenfure  du  ip.  Sep- 
tembre 1398  f.  Quoique  l'on  ne  croye  pas  que  le 
Démon  fbit  un  Dieu ,  néanmoins  en  pratiquant  ces 
chofès  ,  on  lui  rend  un  honneur  &  un  culte  ,  &  on 
met  fa  confiance  en  lui ,  comme  fi  on  le  croyoit  une 
Divinité. 

Cette  Idolâtrie  renferme  quatre  efpeces  ,  qui  dif- 
férent entr'elies  par  rapport  à  la  fin  qu'elles  fc  pro- 
pofent.  Si  on  fait  un  pacle  avec  le  Démon  dans  le 
deffein  de  faire  des  chofes  grandes  &  furprenantes , 
c'elî  magie  ;  fi  c'efl  pour  coiinoitte  favenir ,  c'efî 
divination  ;  fî  c'efl  pour  faire  du  mai  au  prochain-,  c'efl 
maléfice  ;  fî  c'elî  pour  Ce  procurer  du  bien  ou  à  fon 
prochain  ,  c'efl  vaine  obf^rvance.  Que  fî  par  un  mo- 
tif de  curiofîté ,  on  vouioit  obtenir  la  connoifTance 
des  chofes  à  venir  par  le  fecours  des  Anges  ou  des 
autres  Saints ,  ce  ne  feroit  pas  une  Idolâtrie  »  mais 
ce  feroit  tenter  Dieu. 

On  peut  dire  qu'il  y  a  une  autre  efpece  d'Idolâ- 
trie imparfaite ,  qui  eft  celle  des  gens  qui  aiment  le 
monde  ,  car  ils  mettent  leur  amour,  leur  confiance, 
leur  attachement  dans  les  honneurs  ,  les  richefies  » 
les  plaifîrs  du  monde  ;  c'eil  par  cette  raifbn  que  faint 
Paul  dit  que  l'impureté  &  l'avarice  font  une  Idolâ- 
trie ?. 

L'Idolâtrie  fîmulée  efl  celle  qui ,  par  crainte  ou 
par  complaifànce  ,  rend  extérieurement  le  culte 
fouverain  à  une  Idole  ,  fans  croire  que  ce  fbit  une 
Divinité  ,  &  fans  aucun  delTein  de  s'y  fbumettre.  Ce 
péché  efl  mortel  &  très-énorme  :  ceÙ.  un  menfon- 
ge  pernicieux  par  lequel  on  viole  le  Commande- 
ment que  Dieu  nous  a  fait  de  confefTer  la  Foi  de- 
vant les  hommes.  Tertuilien  ,  S.  Cyprien  &  les  au- 


f  Qiiôd  uti  talibus  ,  &fidem 
dare  ,  non  lit  idololarria  aiic 
înfi.ielitas  ,  error.  ...»  Quôd 
inire  padbim  cum  dsemonibas , 
taciriim  wi  exprellum  ,  non 
fn  idololatria,  vel  fpecies  Jdo- 
ioiatri*  &  Apoftafia ,  error.      J 


g  Intelligentes  ,  quôd  om« 
nis  fornicator,  aut  imnv.irjdus  , 
aut  avarus  ,  qucd  eft  Idolo- 
riin»  fcrvitus  ,  non  h<rt)et  hst- 
redicatem  in  regno  Chriûi  & 
Oei. 


fur  les  Commandemem  de  Dieu,      î  6^ 

très  Pères  qui  ont  écrit  durant  les  perf^utions  des 
Empereurs  payens  ,  &  après  eux  (aint  Auguftin  ,  Ce 
font  fort  recrics  contre  ce  crime ,  comme  étant  très- 
injurieux  à  Dieu. 

La  Magie  prife  généralement ,  eft  un  art  qui  ne 
fe  fcrvant  que  des  forces  créées  ,  fait  des  chofes  ex- 
traordinaires &  furprenantes  ;  aufli  ce  nom  fe  prend 
en  bonne  &  en  mauvaise  part ,  félon  les  bons  &  les 
mauvais  effets  qu'on  attribue  à  la  Magie.  Ces  effets 
lont ,  ou  naturels ,  ou  artificiels ,  ou  diaboliques ,  com- 
me remarque  S.  AuguHin  dans  le  livre  ii.  de  la 
Cité  de  Dieu  ,  chap.  6.  &  ceû  pour  cela  qu'on  di- 
vine la  Magie  ,  en  Magie  naturelle ,  artificielle  & 
diabolique. 

La  Magie  naturelle  produit  des  effets  extraordi- 
naires 8i  merveilleux  par  les  (eules  forces  de  la  na- 
ture ,  comme  quand  Tobie  fut  guéri  de  (on  aveu- 
glement par  le  foye  de  ce  polffon  qui  fortit  du 
Tigre  pour  dévorer  le  jeune  Tobie  ,  commue  il  eit 
dit  dans  le  ch.  6.  &  ii.  de  Tobie.  S.  Auguilin  rap- 
porte difi'érens  exemples  de  cette  Magie  dans  le 
même  livre  de  la  Cité  de  Dieu ,  clian.  53. 

La  Magie  artificielle  produit  auffi  des  effets  fiir- 
prenans  ,  mais  c'efl  par  l'induflrie  des  hommes.  On 
peut  en  apporter  pour  exemple  un  grand  nombre 
de  machines  qu'on  a  inventées  dans  ce  fiécle,  &  les 
tours  d'adreffe  &  de  foupleffe  qu'on  voit  faire  aux 
danfeurs  de  corde  8c  aux  joueurs  de  gobelets.  Saint 
Auguflin  ,  au  même  endroit ,  remarque  que  de  Ton 
tems  on  faifbit  tant  de  chofes  admirables  par  le 
moyen  des  méchaniques  ,  que  ceux  qui  ne  Hj-avoient 
pas  cet  art ,  les  croyoient  divines, 

La  Magie  diabolique ,  à  qui  on  donne  le  nom  de 
Mape  noire  ,  efl  un  art  qui  produit  par  le  mini(îere 
du  Déni  on  des  effets  extraordinaires  &  furprenans  ^ 
qui  furpalTent  les  forces  de  Ja  nature  &  celles  des 
Iiommes ,  mais  non  pas  celles  des  Démons.  Cela  pa- 
rut viflblement  dans  les  Magiciens  de  Pharaon  ,  qui 
imitèrent  par  leurs  enchantemens  les  véritables  mi- 
racles que  Dieu  opéroit  par  Moife ,   comme  il  ell 


:ï(?4  Conférences  d"^ Angers  > 

ait  au  ch.  8.  de  l'Exode  ^,  Cette  Magie  fuppofè  ne- 
ceflairement  un  pade  exprès  ou  tacite  avec  le  Dé- 
mon ;  c'elt  de-là.  que  le  Pape  Jean  XXII.  dans  fà 
Bulle  Super  illius  Spécula  ,  &  Sixte  V.  dans  celle 
qui  commence  par  ces  paroles  ,  Ca  îi  &  Tcrrœ  Crea^ 
ter  -i  qu'il  publia  en  1586.  contre  l'Afirologie  judi- 
ciaire ,  appliquent  aux  Magiciens  ces  paroles  du  ch. 
z8.  d'Ifaie.  I erciijfimus  fœdum  cum  morte  ,  &  cûm  in- 
ferm  fecimus  paùaîm.  Perfbnne  ne  peut  douter  que 
cette  Magie  qui  eft  une  efpece  d'Idolâtrie  ,  ne  fcit 
toujours  fuperilitieufe  &  illicite. 

Aufli  les  Pères  &  les  Conciles  la  condamnent 
comme  un  crime  exécrable  &  très-pernicieux  ,  que 
la  Loi  de  Dieu  ordonne  en  termes  exprès  de  punit 
de  mort  K  C'eft  pour  cela  que  les  Evéques  de  France 
afiembiés  à  Melun  l'an  1575).  déclarent  qu'on  doit 
empêcher  avec  toute  la  diligence  &  tout  le  foin 
poflîble ,  que  les  Magiciens  ne  fe  multiplient ,  & 
qu'il  faut  les  exterminer ,  félon  les  canons  des  an- 
ciens Conciles  ^.  Le  /ixieme  Concile  de  Paris  de 
l'an  81p.  liv.  3.  ch.  z.  exhorte  les  Princes  aies  pu- 
nir. Le  Droit  Civil  a  décerné  diverfes  peines  con- 
tre eux. 

La  Magie  eli  fondée  lur  un  paâ:e  exprès ,  quand 
on  a  invoqué  exprefTément  le  Démon  en  quelqu'une 
des  manières  que  nous  avons  expliquées  au  com- 
mencement de  la  féconde  Quelîion.  Elle  eft  fondée 
fur  un  pafte  tacite  ,  non-(eulement  quand  on  Ce  lèrt 
des  fîgnes  fuperflitieux  ,  dont  on  fcait  que  les  Ma- 
giciens u(ènt  ,  lefquels  ^on  a  appris  par  la  lefture 
de  leurs  livres  ,  ou  dans  leur  converfàtion  i  mais  aufli 


h  Fecerunt  fimiliter  maîe- 
ficii  /îçyptioriim  incantationi- 
bus  fuis. 

i  Malefîcos  non  patieris  vi* 

vere.  ExoJ,  22. 

h  Qiiamobrem  cîiligenter  & 
acciiratè  Jaboraridi.ini  ,  ne  hscc 
ptilis  altiùs  radices  agat ,  fed 
|uxta  vettrum  Canoimm  Con- 


cilicrum  Aricyr^nfîs ,  Laodi- 
ceni  ,  Carthaginen/îs  ,  Toleta- 
ni  &  Aureliaficnfis  Décréta 
extera-.inentur  unà  curn  Ario- 
lis  ,  Divinatoribiiy,  Sorcilcgis, 
Necromanticis,  Pyrc-manticis  » 
Chiromanticis,  Hydioaaanùcij 
perfonis. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     i^^ 

quand  par  une  ignorance  criminelle  ,  on  Ce  (ert  de 
ces  fortes  de  lignes  ,  ne  (cachant  pas  qu'ils  (oient  (u- 
perfîitieux  &  inventes  par  le  Dcmon  ,  parce  que 
Ton  a  néglige  de  s'inilruire ,  ou  qu'on  n'a  pas  a(^ 
fiûé  aux  Catcchifincs ,  ou  inflrudions  qu'on  fàk  dans 
les  ParoifTes. 

Dans  ce  Dioccfè  ,  c'eft  un  cas  rciervé  que  le  pé- 
ché de  ceux  qui  font  des  cho(es  qui  furpafTent  les 
forces  de  la  nature  &  celles  de  l'art ,  par  l'aide  du 
Démon ,  auquel  ils  Ce  font  engagés  par  un  pade 
exprès  ;  c'elî  ce  que  l'on  entend  dans  l'article  6» 
des  cas  réfervés  par  ces  paroles ,  Peccatum  Magies 
ciim  expnjja  D.emonum   invccaiione. 

Quant  à  la  Magie  naturelle  &  artificielle  ,  elles 
(ont  bonnes  en  elles-mêmes  comme  les  autres  arts  y 
£<.  elles  ne  font  nullement  fuperilitieules.  La  Magie 
naturelle  n'efl:  proprement  qu'une  connoifîance  des 
{ècrets  de  la  nature  les  plus  cachés ,  &  de  la  vertu 
fînguliere  des  caufes  naturelles^ qu'on  applique  d'une 
manière  convenable  ;  d'où  il  s'enfuit  des  effets  que 
les  ignorans  prennent  pour  des  miracles ,  ou  pouL* 
des  enchantemens. 

La  Magie  artificielle  efî  un  art  ingénieux ,  qui  fait 
des  chofes  extraordinaires  par  le  moyen  des  princi- 
pes de  l'Aftronomie ,  de  la  Géométrie  ou  de  l'A- 
rith-métique ,  ou  par  la  foupleffe  des  mains  ,  ou  pac 
l'agilité  du  .corps. 

Quoique  la  Magie  naturelle  &  l'artificielle  ,  fî 
on  les  confidere  en  elles-mêmes  ,  fbient  permifes  , 
elles  peuvent  par  accident  devenir  mauvaifès  &  cri- 
minelles ,  à  caufe  des  circonftances  dont  elles  le 
trouvent  revêtues,  comme  il  arrive,  i^.  Quand  on 
s'en  fert  à  mauvais  deffein ,  ou  pour  une  mauvai(e 
fin.  1*^.  Quand  il  en  naît  du  (candale ,  &  que  l'on 
donne  lieu  de  croire  que  les  effets  qu'elles  produi- 
fent ,  viennent  du  Démon.  3°.  Quand  elles  caufènt 
quelque  dommage  au  corps  ou  à  l'ame  du  prochain, 
ou  de  ceux  même  qui  s'adonnent  à  ces  fortes  d'arts, 
comme  il  arrive  fouvent  aux  danfeurs  de  corde. 
Il  e'X  plus  aifé  de  difcerner  la  Magie  artificielle 
d'avec  la  diabolique ,  que  k  naturelle  ;  car  pour  faire 


't66  Conférences   d^ Angers  ; 

connoître  qu'une  chofe  le  fait  par  i'induflrie  de  l'hom- 
me ,  il  ne  faut  que  faire  voir  à  découvert  la  manière 
dont  elle  fe  fait  ;  mais  comme  les  caufès  naturelles 
ont  des  vertus  fingulieres  qui  font  cachées  &  in- 
connues ,  le  Diable  Ce  fert  de  ce  prétexte  pour  trom- 
per les  hommes ,  ainfi  on  peut  s'y  méprendre  plus 
facilement.  Il  ne  faut  pourtant  pas  s'imaginer  que 
tout  ce  qui  nous  eft  nouveau  &  nous  paroit  fiirpre- 
nant ,  foit  de  l'invention  du  Démon,  Saint  Auguf^ 
tin  nous  donne  cet  avis  dans  le  liv.  zi.  de  la  Cité 
de  Dieu  ,  cliap.  4.  où  il  nous  fait  faire  attention  à 
plufieurs  effets  naturels  qu'on  croiroit  miraculeux 
il  on  n'y  étoit  point  accoutumé. 

Pour  connoitre  fi  ce  qui  fe  fait  contre  les  règles 
ordinaires  de  la  nature  ell  un  effet  purement  natu- 
rel ,  on  peut  fe  faire  une  règle  ,  qui  efl  de  croire 
naturels  tous  les  effets  extraordinaires  qui  naifTe nt  de 
l'application  des  caufes  fécondes  ,  quand  pour  leur 
faire  produire  ces  effets  ,  on  n'y  joint  aucune  vaine 
obfêrvance  ,  comme  font  certaines  paroles  ,  certaines 
images  ou  figures  ,  ou  certains  caradères ,  &  qu'on 
n'obferve  aucune  circonlîance  vai"e,  inutile  ou  ri- 
dicule ;  mais  fî  on  mêle  quelqu'une  de  ces  fliper/li- 
tions  ,  com.me  néccffaire  pour  la  produdion  de  l'ef- 
fet qu'on  attend  ,  alors  il  faut  juger  que  la  chofe  ne 
fe  fait  pas  par  la  vertu  naturelle  des  caufès  fécon- 
des ,  mais  par  le  miniflère  du  Démon, 


fur  les  Co7nm an  démens  de  Dieu,      l  (yj 
XXXXXXXXXXsXXXXXXXXXXXXX 

R  à  s  V  L  TA  T 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 
LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU. 

Tenues  au  mois  de  Septembre  iji^' 


PREMIERE     QUESTION. 

Q_uejl-ce  que  la  Divination  ,  Cr  combien  y  en 
a-t-ii  de  Jones  ? 

LA  connoifTance  certaine  &  infaillible  de  Ta- 
venir  eft  fi  propre  &  fi  particulière  à  Dieu, 
que  le  Prophète  I(âïe  ,  chap.  41.  la  propofe  comme 
une  preuve  conlLmte  de  !a  Divinité  :  Dccouvrez,- 
nous  ,  dit-il ,  ce  qui  doit  arrive"  h  l'avenir  ,  &  nous 
reconnoitrons  que  vous  êtes  des  Dieux  ^.  Pour  l'iiom- 
me  ,  il  ne  peut  pas  avoir  cette  conno  (Tance  ;  i'Fccié- 
lîi  (lique  l'iifllire  au  chap.  8  ^,  Ce  qui  a  donné  occa- 
fion  à  Ttrtuyi.en  de  dire  dans  (on  Apologétique  ch« 
10.  Idor^eum  opi'DiT  !efii}nyi-:i'.>yi  ^'^  -  •-  ■: ,  icriius  d:-' 
vinationis.  Dieu  rend  quelque"  .âmes  parti- 


a  Annunriare  quar  venur» 
r*Mt  v\  f  ;t'.iaiai  ,  &  fcicmuj 
^u  Dii  clhs. 


.  t  nullo  fcirc 


'Y6S  Conférences    d'Angers , 

cipans  de  cette  connoifTance  ,  leur  révélant  les  cho"^ 
Ces  à  venir  ,  comme  on  l'a  vu  dans  la  perfonne  des 
Prophètes  ;  mais  on  ne  doit  ni  la  défirer  ni  l'atten- 
dre de  Dieu  ,  fans  un  inflind  particulier  de  fa  grâce  : 
ce  feroit  le  tenter. 

Il  n'eft  pas  queftion  ici  de  la  connoifTance  des 
chofes  futures  ,  qui  nous  vient  de  Dieu  ,  &  que  fàint 
Paul  au  chap,  12.  de  la  première  aux  Corinthiens, 
appelle  Prophétie  ,  mais  d'une  connoifTance  fuperfli- 
tieufe  &  mauvaife  que  le  Démon  peut  donner  aux 
hommes  ;  car  par  la  divination  on  n'entend  autre 
choie  qu'une  connoifTance  ,  par  le  moyen  de  laquelle 
on  fçait  les  cliofes  qui  font  à  venir  ,  ou  qui  font 
fort  cachées  &  éloignées  de  la  portée  &  de  la  ca- 
pacité naturelle  des  hommes  ,  en  invoquant  le  fe- 
cours  du  Démon  par  un  pade  exprès  ou  tacite.  C'efl- 
là  l'idée  qu'en  donne  S.  Thomas  2.  i,  q.  ^5,  art.  i  <^. 

Il  eft  aifé  de  voir  qu'il  ne  faut  pas  comprendre 
fous  le  m.ot  de  divination  la  connoifTance  que  les 
Phiiofbphes ,  les  Aflronomes  &  les  Médecins  ont 
de  certains  effets  naturels ,  qui  dépendent  des  caufès 
qui  agifTent  nécefTairement ,  &  toujours  d'une  même 
manie/e. 

La  divination  efl  quelquefois  appuyée  fur  une 
invocation  exprefTe  du  Démon  ,  dont  on .  implore  le 
fecours  par  fbi-meme  ou  par  Tentremife  des  Ma- 
giciens ,  afin  qu'il  faffe  connoitre  les  chofes  cachées 
qu'on  défire  fçavoir.  Il  n'y  a  nul  doute  que  cette 
divination  ne  foit  d'elle-mcme  un  péché  mortel  très- 
grief  ^  car  quand  même  le  Démon  nous  prédiroit ,  ou 
nous  manifefîeroit  des  chofes  véritables ,  comme  il 
peut  le  faire  ,  connoifTant  par  la  vivacité  de  fon 
efprit  des  chofes  qui  paffent  la  capacité  naturelle 
des  hommes  ,  nous  ne  devons  point  avoir  recours 
à  un  tel  maître  qui  ne  nous  propofe  des  vérités  qu'à 

c  Omnjs  divinatio  ex  ope-  '  biisfuturori-m ,  ut  mentes  ho- 
rarnnc  daemoniiiH  provenit  ,  ;  minum  implici.nt  vanitate  de 
vel  qnu  exprefiè  daemones  ■  qua  dicitur  r/a.'.  ^«^.Nonref- 
invocaiitur  ad  fuiura  m^mifcf-  :  pexit  in   vanitaies  &  inlanias 


tanda ,  vel  quia  daeinones   in 
gerunt  fe  variis  inçiuiriuoni- 


falfas* 

delTein 


fur  les  Comrnandcmem  de  Bleu.     i6y 

ilcHl'ln  de  nous  accoutumer  à  le  croire,  pour  enfulta 
nous  faire  tomber  dans  les  pièges. 

Quelquefois  la  divination  elt  (ans  une  invocation 
rxprefTe  du  Démon ,  comme  quand  on  s'eftbrce  de 
coiinoitre  les  choies  cachées  ou  futures  ,  par  des 
moyens  qui  ne  peuvent  les  fiiire  connoitre  naturel- 
lement, &  n'ont  aucun  rapport  aux  chofes  dont  on 
dénre  avoir  la  connoiflimce.  Quoiqu'en  ce  cas  on 
n'implore  pas  le  fecours  du  Démon  expreflcment  > 
c'ed  poui-tant  par  Ton  moyen  qu'on  veut  découvrit 
ces  chofes.  Varia .,  dit  S.  Tiiomas  dans  la  même  quet^ 
tion  5?  5.  art.  z,  inquifuio  futur  or  um  ejl ,  qiiando  ali- 
qnis  fitturum  prisnojcere  tentât ,  uncw  pr^a-najci  non  po~ 
tejl ,  &  à  l'art.  3.  Vrater  inteniior.em  hcmi.iis  fe  occul- 
ta Da:mon  ingerit ,  ad  prienuntianditm  futura  quidam 
alla:  hcminibîis  ftim  ignorata. 

Il  faut  donc  dire  que  la  divination  en  général  efl 
mauvaile  &  illicite  ;  auffi  Dieu  l'a  en  abomination , 
comme  la  magie  ;  il  défend  également  de  confiil- 
ter  les  Devins  &  les  Magicie'ns  ,  &  il  menace  de 
mort  &  les  Magiciens ,  &c  les  Devins ,  &  ceux  qui 
les  confuhent  '^.  Elle  nous  fait  même  comprendre 
dans  le  premier  Livre  des  Paraiipomenes  chap.  10. 
que  Saul  mourut  pour  avoir  confulté  une  femme 
PythonifTe. 

Les  Conciles ,  pour  arrêter  le  cours  de  la  Magie 
&  de  la  Divination  ,  ont  aufïi  fait  de  rigoureulès 
défeiiles  de  confulter  les  M.igiciens  &  les  Devins  y 
de  leur  ajouter  aucune  créance  ,  ou  de  les  intro- 
duire dans  les  maifbns  :  Ils  imposent  plufieurs  an- 
nées de  pénitence  ,  à  ceux  qui  auroient  la  téméri-< 
té    de   le   faire  >    &   même  Ils  les  excommunient  ^ 


à  Non  declincris  a<i  Ma- 
gos  ,  nt-c  ab  Ariolis  f.ifcir-j- 
miiii  ,  ut  polluamini  pcr  c^r, 
Lfi/ir.  cjp,  19  Anima  qtiaf  de 
clinavericad  Magos  &  Arioloi, 
&  fornicata  fueritciim  cis,  po- 
nam  facicm  mcam  c  ^nrra  cam  , 
&.  iincrficia'n  eam  dt;  mcdio 
populi   fui.     Levic.    cjp%    xo 


Non  inveniatur  in  teqiil  Ario- 
los  fci^citetur  .  nec  qui  l'ytho- 
Dcs  conf'ilat ,  ncc  Divinos  » 
atit  quar'at  à  morîuis  vcrita- 
tcm  :  Omnia  tni.n  hxc  abo- 
ininatur  Domin.u  ,  &  propter 
iftiuf.nodi  fcckra  dc-lcbic  cos 
i'iintroitu  f.io.  Dtutiroa»  cap, 
18. 


Tome  I,  H 


lyo  Conférences   d^ Angers, 

'comme  ont  fait  le  Concile  d'Ancyre  ,  canon  i", 
rapporté  par  Gratien  au  canon  Q«z  divinationes  ,  c, 
26.  q.  5.  celui  d'Agde  de  l'an  506.  can.  42.  le  pre- 
mier Concile  d'Orléans,  can.  23.  le  quatrième  Con- 
cile de  Tolède  ,  can.  2p.  le  Concile  Quinifexte  in 
Trtillo  ^  can.  61.  le  premier  Concile  de  Rome  fous 
Grégoire  II.  can.  12.  le  fîxieme  Concile  de  Paris, 
de  l'an  82p.  liv.  3.  chap.  2.  celui  de  Londres,  de 
l'an  1125.  can.  15.  celui  de  Valladolid  ,  dans  le 
Diocefe  de  Palenza  en  Caftille,  tenu  l'an  1322.  can. 
24.  le  premier  Concile  de  Milan  fous  S.  Charles, 
première  part.  ch.  10.  celui  de  Bordeaux  de  l'an 
1583.  ch.  7.  celui  de  Mexico  de  l'an  15" 85.  au  livre 
5".  tit.  6.  celui  de  Malines,  de  l'an  1607.  au  tit.  i^, 
ch.  I.  celui  de  Narbonne ,  de  l'an  1605».  chap.  3. 
les  Ordonnances  Synodales  &  les  Rituels  d'une  in^ 
finité  de  Diocefes. 

C'efl  même  à  préfênt  une  pratique  presque  uni- 
verfelle  dans  tous  les  Dioceles ,  qu'on  dénonce  pour 
excommuniés  tous  les  Dimanches  au  Prone  de  la 
MefTe  ParoiiTiaie  les  Devins  &  Magiciens ,  tous  ceux 
qui  ufent  d'Arts  Magiques ,  ceux  qui  ont  recours  à 
eu:,  ou  leur  adhérent.  L'Eglife  donne  par-là  un  té- 
moignage public  de  l'averlion  qu'elle  conférée  pour 
ces  redes  du  Paganifhie. 

Il  n'eil  donc  jamais  permis  de  confulter  les  De- 
vins fous  prétexte  d'évitel^-un  danger  qui  eft  fort  à 
craindre ,  de  retrouver  une  chofe  de  conféquence 
qu'on  a  perdue ,  de  réparer  un  dommage  confidéra- 
ble ,  de  recouvrer  la  ùiiué  qui  eft  déferpérée  ,  parce 
que ,  comme  décide  S.  Thomas ,  2.  2.  q.  5)5.  à  l'art.  4, 
dans  la  réponle  à  la  troiiîeme  Objedion ,  Nulla  mi- 
litas temporalis  foteji  comparari  detrimento  ffirimalis 
faluîis  ,  quod  imminct  ex  inquijitione  occultorum  per  dit' 
monum  invocationem.  C'ell  aulTi  le  fèntiment  de  la 
Faculté  de  Théologie  de  Paris,  dans  l'art.  15.  de  la 
Cenfure  du  mois  de  Septembre  1398. 

Le  même  S.  Thomas  art.  3.  diftingue  trois  gen- 
res de  Divinations  ,  qui  répondent  aux  trois  ma- 
nières dont  le  Démon  fe  fert  pour  concourir  avec 
les  Devins  dans  la  prédiftion  des  chofçs  fuiures.  L4 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     171- 

ptemiere  de  ces  manières  efl  l'invocation  exprelîe 
du  Démon  :  la  féconde  cil  la  conlîdcratioii  de  l'or- 
dre &  de  la  difpo/ition  des  choies  qui  n'ont  aucun 
rapport  avec  l'effet  qu'on  veut  connoitre  r  la  troi- 
fieme  eft  lorfque  le  Dcmon  s'ingère  en  ce  qu'on 
fait  pour  prévoir  l'avenir.  Quoique  l'on  n'invoque 
point  expreiTément  le  Démon  dans  les  deux  dernières 
manières,  c'eft  pourtant  lui  qui  (e  mcle,  (ans  qu'on 
y  prenne  garde ,  &  contre  l'intention  des  hommes  , 
de  leur  faire  connoitre  les  choies  à  venir  par  ces 
fortes  de  moyens ,  dans  le  deflein  qu'il  a  de  les  em- 
barraiïer  par  ces  prédidions  trompeuies ,  qui  font  capa- 
bles de  les  corrompre  &  de  les  engager  dans  toutes 
fortes  d'impiétés. 

Le  premier  genre  de  divination  contient  neuf  ef^ 
peces;  f^avoir,  le  Preftige  ,  la  Divination  par  les  lon- 
ges, la  Nécromancie  ,  la  Pythonique,  la  Géomance, 
rHydromancie,rAiromancie,  la  Pyromancie  &  l'A- 
rufpice.  S.  Thomas  explique  toutes  ces  efpeces  de 
divinations. 

Le  fécond  -genre  de  divination  comprend  les  fîx 
efpeces  qui  (liivent  ;  (cavoir,  l'Aftrologie  judiciaire, 
qui  tache  de  prédire  les  chofes  futures  qui  regardent 
les  personnes ,  en  dreffant  une  ligure  de  corps  cé- 
lelîes ,  ôc  de  leurs  regards  à  l'heure  &  au  moment 
de  la  naiffance  de  quelqu'un.  L'Augure ,  par  lequel 
on  veut  au  chant  des  oiieaux  prédire  les  chofes  fu- 
tures. L'Aufpice,  par  lequel  on  s'efforce  de  les  pré- 
dire par  l'inlpedion  du  mouvement  des  oifèaux.  Le 
Préfàge;  par  lequel  on  veut  prédire  l'avenir  par  les 
paroles  des  hommes  ,  proférées  (ans  deffein  &  (ans 
intention.  La  Chyromancie  ,  par  laquelle  à  VinCpeC" 
t'ion  de  la  main  &  de  fès  lignes  on  prédit  l'avenir. 
La  Spatulamancie ,  par  laquelle  on  veut  prédire  l'an 
venir ,  par  l'infpedion  des  (îgnes  qui  paroilfent  dans  la, 
partie  des  animaux. 

Le  troi(îeme  genre  comprend  deux  e(peces  prin- 
cipales. La  première  eft  ,  la  Géomance  qui  el\  un- 
art  qui  confide  à  faire  de  la  main  droite  au  hazard 
&  Hms  compter ,  pluiieurs  lignes  inégales  de  points 
fur  un  morceau  de  papier  ,  &  ^ui  par  les  moyens 

H  ij 


17^  Conférences  d^ Angers  y 

des  figures  que  font  ces  points,  veut  prédire  Pave- 


prédire  i  avenir  par  quelques  fignes  qui 
paroifTent  fur  ia  terre;  la  féconde  e(pece  eft  le  fort; 
f^avoir ,  quand  par  l'inlpedion  de  quelques  figures 
de  plomb  fondu  jette  dans  Feau,  ou  en  tirant- des 
billets  écrits  ou  non  écrits  mis  en  un  chapeau ,  ou 
en  tirant  à  ia  courte-paille  :,  ou  en  jettant  des  dez 
pour  voir  qui  fera  le  plus  de  points  ,  on  prétend 
prédire  l'avenir  ,  ou  découvrir  celui  qui  a  éit  une 
telle  aélion. 

On  feroit  trop  long  Ci  on  s'arrétoit  à  expliquer 
en  détail  toutes  ces  ditiérentes  espèces  de  divinations. 
Pour  faire  voir  au'elles  font  toutes  faperilitieufes  & 
illicites,  on  Ce  contentera  de  parler  de  quelques-unes 
des  plus  remarquables ,  &  il  ne  (era  pas  difficile  de 
faire  l'application  aux  autres ,  de  ce  que  l'on  aura  dit 
de  celles-là. 

Nous  commencerons  par  l'Adrologie  qui  eft  une 
fciençe  qui  prédit  les  chofes  à  venir  p^ir  l'infpedion 
des  Adres  :  elle  eft  permife ,  quand  elle  n'entreprend 
de  prédire  que  les  chofes  qui  doivent  nécefHiirement 
arriver,  félon  le  cours  ordinaire  que  Dieu  a  établi 
dans  la  nature ,  comme  font  les  Ecliplès  du  Soleil 
Se  de  la  Lune,  les  révolutions  des  Saifbns ,  lesccn- 
jonâicns  des  Planètes ,  leurs  oppo/îtions.  La  rai(bn 
en  que  ces  effets  étant  certains  &  néceiïaires  ,  on 
peut  en  avoir  une  conno.ffance  certaine  :  c'ell  le 
lentiment  commun  des  Dofteurs ,  après  S.  Thomas 
2.  1.  q.  9$.  art.  5'.  L'Aftrologie  efl:  défendue,  quand 
elle  Ce  mêle  de  prédire  les  evenemens  qui  font  con- 
tingens,  les  chofes  caflielles ,  ou  les  actions  qui  dé- 
pendent de  la  volonté  de  l'homme,  &  qu'il  peut  li- 
brement faire  ou  omettre ,  parce  que  ces  chofes  ne 
Ibnt  point  des  effets  certains  ou  néceffaires  qui  foienc 
caufés  par  i'imprefîion  des  corps  célefies. 

C'efî  donc  en  vain  que  les  Aflrologues  prétendent 
par  le  cours  des  Aflres  &  leurs  différent  afpeds , 
au  moment  de  la  nailîànce  des  perfbnnes ,  tirer  des 
liorofcopes  ^  dç  forcaer  des  jugçjiiens  certains  &  a(^ 


fur  Us  Commande  mens  de  Dieu.     173 

Turcs  fur  les  avions  libres  des  hommes  qui  dépen-" 
dent  de  leur  volcntc  ,  fur  la  fuite  de  leur  vie,  &  fut 
les  autres  cliofes  purement  cafuelles  ;  &  c'efl:  une  (ù- 
perllition  criminelle  de  les  confulter,  &  de  leur  faire 
drelTer  fon  horofcope ,  &  de  s'arrêter  à  leurs  obfer- 
vations  ;  car  s'il  arrive  qu'ils  ayent  devine  quelque 
chofê,  ce  ne  peut  être  que  par  hazard  ou  par  l'invo- 
cation du  Dcmon.  On  ne  doit  donc  ajouter  aucune 
foi  à  ces  trompeurs  qui  veulent  réduire  les  hommes 
à  une  mifcrable  fervitude  ,  comme  remarque  S.  Au-, 
guftin  dans  le  liv.  i.  de  la  Dodrine  Chrétienne, 
au  ch.  îi  ^. 

L'Aftrologie  judiciaire  ,  qui  prétend  prédire  ces 
fortes  de  chofls  avec  autant  de  certitude  que  fi  el- 
les étoient  préfentes  aux  yeux  des  Aûrologues  ,  efî 
donc  une  (cience  vaine,  trompeufè  &  remplie  d'ex- 
travagances. C'eiî  de-là  que  le  Prophète  Ilàie  dans 
le  ch.  47.  annonçant  aux  Babyloniens  la  ruine  de 
leur  ville ,  leur  dit  par  moquerie  en  les  indiltant , 
que  s'ils  veulent  fçavoir  les  malheurs  qui  leur  doi- 
vent arriver,  ils  n'ont  qu'à  confulter  les  Aflrologues, 
&  qu'ils  voyent  s'ils  les  fiuveront  ^,  Auifi  Jércmie 
chap.  10.  avertit  de  la  parc  de  Dieu  les  Ifraéiites  de 
ne  point  craindre  les  fignes  du  Ciel ,  comme  les  Na- 
tions les  craignent  B.  D'où  l'on  peut  conclure  que 
l'Aftrologie  judiciaire  eft  condamnée  par  la  Loi  de 
Dieu ,  comme  un  refte  du  Paganifhie. 

Elle  eft  auffi  condamnée  par  les  Loix  Humaines , 


e  Neque  illi  al)  hoc  génère 
fiipcrflitionis  perniciofx  ft  grc- 
gandi  fiint,  quiolim  Gen  tMia- 
ci  propcer  natalium  dierum 
confidcrationcs  ,  nunc  aiiiem 
vulgè  Mathematici  vocantur  ; 
naiii  &  ipfi  quamvis  veiani  fiel- 
laium  pofitioncm  ,  cum  quif 
que  nafcitur  ,  confeft-'ntur  >  t^ 
aliquantlo  ctiam  pcrvcrticcnt  , 
taniçn  quod  indè  conantur  , 
vcl  a£lioncs  iiolîras,  vcl  ac 
rionum  éventa  pr*dicerc  ,  ni- 
ptxïi  errant,  ^  vendun;  impe- 


ritis  hominibus  mîfcrabilem 
fervitiuera. 

/  Stent  ôc  filvenr  te  Augu-> 
res  Cœli  i  qui  contcmplaban- 
tiir  lidcra  &  fiippiitabant  nicn* 
Tes,  ut  ex  cis  annuntiarent  vcn- 
tiira  tibi.  Ecce  fadi  font  quafî 
ftipula  ,  ignis  combufTit  cos  : 
non  libcrabiint  animam  fuana 
de  manu   flammx. 

g  A  fignis  Cœli  noîite  me- 
tuere  ,  quae  timent  genici  : 
quia  legcs  populoruca  vanx 
lunt, 


Ï74  Conférences  d^Angen, 

Ecclé/îaillques  &  Civiles,  comme  l'on  peut  roîi* 
dans  le  Concile  d'Ancyre  ,  canon  24.  le  fécond  de 
Brague,  canon  8.  celui  d'Agde,  canon  41.  de  Pa- 
ris en  82p.  liv.  3.  ch.  2,  le  quatrième  de  Tolède, 
canon  28.  ceux  de  Milan,  de  Reims,  de  Bordeaux, 
^e  Touloulè,  de  Narbonne  &  de  Malines,  qui  ont 
été  tenus  depuis  le  Concile  de  Trente ,  &  dans  le 
Code  Théodo/ien  &  celui  de  Juftinien ,  où  l'on 
trouve  des  Loix  des  Empereurs  qui  ordonnent  qu'on 
chafle  de  Rome  &  des  autres  Villes  ces  (brtes  d'A{^ 
irologues,  &  qu'on  les  transporte  dans  des  Pays  éloi- 
gnés. 

Nos  Rois  dans  les  Ordonnances  d'Orléans  art.  16», 
êc  de  Blois  art.  36.  veulent  que  tous  Devins  &  fai- 
lèurs  de  Pronoftications  &  Almanachs,  excédant  les 
termes  de  l'Ailrologie  licite ,  fôient  punis  extraordi- 
îiairement  &  corporellement,  &  défendent  aux  Im.pri- 
meurs  &  Libraires  (iir  les  mêmes  peines ,  d'imprimer 
ou  expofer  en  vente  aucuns  Almanachs  ou  Prono£^ 
îieations,  qu'ils  n'ayent  été  vus  par  l'Evéque. 

Le  Pape  Sixte  V.  fit  publier  au  mois  de  janvîei? 
de  l'année  158e.  une  Conftitution  qui  commence 
par  ces  mors  ,  Calî  ô"  Terra  Creator ,  par  laquelle 
il  ordonne  qu'on  faffe  une  exade  recherche  de  ceux 
qui  polTédent  l'Aftrologie  judiciaire  ,  &  qui  veulent 
par  cet  art  imaginaire  prédire  les  évenemens  con- 
lingens ,  les  cas  fortuits ,  &  les  adions  qui  dépen- 
dent de  la  volonté  des  hommes.  Bien  plus  ,  il  veut 
qu'on  prononce  contr'eux  les  peines  Canoniques, 
quand  même  ils  protefleroient  qu'ils  ne  prétendent 
point  donner  pour  certaines  les  chofes  qu'ils  prédirent  > 
parce  que  cette  proteftation  n'empêche  pas  que  ce& 
fortes  de  prédidions  ne  foient  fuperlHtieu(ès  &.  pré- 
judiciables au  Public. 

Si  on  veut  être  pleinement  perfiiadé  qu'on  ne  doit- 
donner  aucune  créance  aux  Devins  ou  Allrologues, 
il  ne  faut  que  lire  Tertullien  dans  le  livre  de  l'Ido- 
lâtrie, ch.  5?.  Origene  rapporté  par  Eufebe  liv.  6, 
de  la  préparation  Evangélique ,  ch,  5».  Saint  Ba/ile, 
Homélie  6.  fur  l'Hexaméron  ou  de  la  création  du 
monde,  S,  Arabroife  liv.  ^*  fur  la  mçnie  matière  ch» 


fur  les  Connnan démens  de  Dieu,     ijf 

i\»  S,   Auguftin  livre  4.  de  les  Confeflions ,  ch.  3- 
le  livre   1.  de  la   Dodrinc   chrétienne   aux   ch.   zi* 
&  li.  livre  1,  de  la  Genefe  à  la  lettre,  ch.   17.  & 
dans  les  huit  premiers  chap.  du  livre   5.  de  la  Ci- 
te de  Dieu,  &  S.  Grégoire  le  Grand,  Homélie  lo, 
fur  les  Evangiles.  Ces   Pères  marquent   non-leule- 
ment  du  mépris,  mais   aufifi  de  l'indignation  &  de 
l'horreur  pour  ceux  qui   fê   mêlent  de   pronodiquer 
l'avenir ,  ou    de  découvrir   les    chofès  cachées    par 
rAftrologie  judiciaire.  Ils  les  traitent  de  fourbes ,  d'im- 
pofteurs  8c  d'infâmes,  qui  gagnent  leur  vie  en  trom-' 
pantles  liommes.  Ils  condamnent  leurs  oblervations» 
comme  des  illufîons  &  des  fauffetés  introduites  par  la 
rufe  du  Démon ,  particulièrement  celles  qui  Ce  font 
Tur  le  point  de  la  naiiïànce  des  hommes ,  afin  de  jugen 
par-là  de  leur  deftinée ,  qu'on  fait  faufTement  dépen-» 
cire  des  Etoiles. 

Qu'on  juge  de-la  fi  on  peut  (ans  péché  mortel  s'ar- 
rêter aux  Horofcopes  ,  comme  à  des  prédidions  cer~ 
taines  de  l'avenir.  On  ne  croit  pourtant  pas  que  le  pé- 
ché fût  mortel ,  fi  on  ne  regardoit  les  Horofcopes  que 
comme  des  conjedures  que  l'on  peut  fonder  en  quel- 
que manière  fur  l'imprefîion  que  les  corps  célefles  fon.L 
par  leurs  influences  îur  les  puilTances  feniitives,  dont 
l'ame  dépend  dans  (es  opérations. 

C'eft  avec  rai(bn  qu'on  traite  de  (uperllitions  la 
Chiromancie  &  la  Phyfîonomie ,  par  Ie(quelles  on 
prétend  connoitre  avec  certitude  les  mœurs  &  les 
inclinations  des  liommes  par  l'infpedion  du  dedans  de 
la  main ,  &  des  lignes  qui  s'y  rencontrent  ;  ou  en  con- 
fîdérant  les  traits  &  les  linéamens  du  vi(âge ,  &  ju- 

fer  par-là  des  adions  particulières  des  hommes  ouî 
es  chofes  qui  leur  peuvent  arriver  du  dehors ,  ou 
de  celles  qui  ne  doivent  pas  leur  arriver  nécefTai- 
rement ,  mais  qui  font  en  leur  liberté  ;  car  tout  cela 
ne  dépend  ni  du  tempérament  des  hommes,  ni  de 
la  difpofition  de  leur  corps.  Les  linéamens  &  les 
iîgnes  qui  paroilTent  dans  la  main  ou  fur  le  vifage  > 
peuvent  tout  au  plus  fervir  de  fondement  à  des  con- 
jedures  fort  incertaines  fur  les  inclinations  des  hom- 

H  iv 


xqG  Conférences   d'Angers, 

ïTies  ;  car  il  arrive  fouvent  que  la  raifbn  &  la  grac^ 
corrigent  dans  les  hommes  les  mauvaifes  inclina- 
tions qui  peuvent  leur  avoir  été  imprimées  par  la 
nature ,  &  qu*elles  donnent  à  leurs  âmes  des  pentes 
toutes  différentes  de  celles  qui  paroilTent  fur  leurs 
vifàges  8c  flir  les  autres  parties  de  leurs  corps.  Le 
premier  Concile  de  Milan  fous  S.  Charles,  dans  le 
titre  des  Arts  Magiques  ,  veut  qu'on  réprime  la  li- 
cence  de  ceux  qui  fe  mêlent  de  deviner  par  finlpe- 
^ion  des  ongles  &  des  traits  du  vifage.  Ex  unguhim  <^ 
Uneamemomm  ctrûoris  infpcùHone. 

Les  livres  qui  traitent  de  la  Chiromancie  ,  font 
condamnés  par  la  neuvième  des  règles  drelTées  par 
l'ordre  du  ConciJe  de  Trente  ,  pour  être  miles  au 
commencement  de  l'indice  des  Livres  condamnés  , 
&  M.  de  Sainte  Beuve  a  eu  raifon  de  dire  dans  le 
tome  3.  de  Tes  Réfoluticns.  cas  171.  qu'on  ne  peut 
garder  ces  livres  par  curiolîté  ,  pour  fçavoir  ce 
qu'ils  contiennent,  mais  feulement  pour  les  réfuter, 
quand  on  y  eft  obligé  par  Ton  caractère  &  par  la. 
profelïîon, 

C'ell  donc  un  péché  de  dire  la  bonne  avanture  , 
8c  l'on  ne  doit  point  le  louffnr  faire  à  ces  coureurs, 
qu'on  nomme  ordinairem.ent  EfTyptie^s  ou  Uohémkns , 
qui  ne  cherchent  qu'à  attraper  l'argent  de  ceux  qu'ils 
trompent.  Le  premier  Concile  de  Milan  Ibus  S.  Char- 
'  les  5  celui  de  Malines  de  l'an  1607.  les  Statuts  dj 
Diocefe  de  S.  Malo  ,  de  Tan  ï6i8.  veulent  qu'on 
les  punifTe  &  qu'on  les  chaiïe.  M.  le  Cardinal  le  Ca- 
mus dans  Tes  Ordonnances  Synodales ,  enjoint  aux 
Curés  du  Dioceie  de  Grenoble ,  de  déclarer  excom- 
muniés au  Prone  de  la  Melfe  paroifiiale  ,  ceux  quipro- 
mettent  de  dire  la  bonne  avanture. 

Les  Augures  &  les  Aufpices  avoient  autrefois  tel- 
lement la  vogue  ,  que  les  Payons  nefaifbient  pas  la 
moindre  chofe  fans  les  avoir  auparavant  conliikés. 
lis  tiroient  du  vol,  du  cri,  du  chant,  du  manger  & 
du  boire,  &  de  quelques  autres  mouvemens  des  Oi- 
lèaux ,  de  bons  ou  de  mauvais  prélâges ,  qu'ils  croy oient 
û  sûrs  &  fi  certains ,  qu'ils  régloient  fur  eux  ieurj 


fur  les  Commandemem  de  Dku,      177 

^ntreprifes,  Ceft  de-lA  que  l'Ecriture  faintc  fait  dc- 
fcnle  en  tant  d'endroits  d'oblerver  les  Augures  ,  & 
que  les  Saints  Pères  Te  font  Ç\  fort  recrics  contre 
ces  malheureufes  pratiques  que  le  Dc-mon  avoit  in- 
troduites ,  pour  impofcr  à  la  folle  crédulité  des  Peu- 
ples idolâtres  ,  comme  remarque  S.  Cyprien  dans 
le  livre  de  la  Vanité  des  Idoles,  &  après  lui  Jean 
de  Salisbery  ,  Evcque  de  Chartres,  dans  Ton  bel  Ou- 
vrage, intitulé  Policratique  3  ou  des  Badincrics  des 
Seigneurs  de  Li  Cour. 

Par  ces  augures  fuperllitieux  qu'on  nomme  arti- 
ficiels, comme  ayant  été  inventés  par  les  hommes 
dans  le  tems  du  Paganifme  ,  on  entend  ceux  donc 
on  fe  iert  pour  deviner  les  chofes  qui  doivent  ar- 
river, non  pas  néceffairement,  mais  librement,  ou 
dont  les  évenemens  font  contingens  ;  par  exemple , 
pour  ll^avoir  fi  on  doit  entreprendre  une  telle  affaire^ 
ou  ne  la  pas  entreprendre  ;  iî  un  voyage  réuffira  ,  ou 
ne  réudlra  pas. 

Il  y  a  certains  augures  ou  préfîiges  naturels  qui 
dépendent  de  Tordre  que  Dieu  a  établi  dan^;  la  na- 
ture,  lefquels  font  comme  invariables,  &  annoncent 
des  efiets  qui  arrivent  néceflairement.  Tels  (ont  ceux 
que  les  mariniers  &  les  laboureurs  tirent  des  météo* 
res ,  des  élémens,  des  plantes  &  des  animaux,  pour 
prédire  la  tempête  ou  la  bonace,  la  piuye  ou  le  beau 
tems ,  l'humidité  ou  la  lechereffe  &  d'autres  effets  fem- 
blables.  On  ne  prétend  pas  condamner  ces  préfàges  y 
on  peut  même  de  ces  paroles  de  Jérémie ,  chap.  8, 
Milvus  in  Cœlo  co^novh  tcmpus  Juum ,  turtiir  ô"  hi" 
riindo  ^  ciconia  ciijlodicriint  tempus  adventûs  fui 
conclure  qu'ils  (ont  permis.  '  * 

Ceft  aufli  une  (îiperftition  que  de  Ce  fonder  (ur 
de  certaines  rencontres ,  ou  fur  de  certains  évene- 
mens qui  arrivent  dans  la  vie  par  hazard  &  (ans 
delTein,  pour  en  tirer  des  préfîiges  de  bonheur  & 
de  malheur,  &  prendre  fur  eux  des  meflires  pour 
faire  certaines  ad:ions ,  ou  ne  les  pas  faire  :  quoi- 
que ces  évenemens  n'ayent  aucun  rapport  aux  cho- 
fes qu'on  craint  ou  qu'on  délire ,  comme  lorftiu'on 
croie  que  c'eU  un  mauvais  préfâge  fi  on  entend  ic 

H  Y 


'J78  Conférences  d'Angers l 

Ibif,  ou  la  nuit ,  un  hibou,  ou  un  orfraie  crier  furie 
toh  de  la  maifbn  ,  ou  un  corbeau  croafTer  en  cer- 
tain tems ,  ou  fi  le  coq  a  chanté  à  une  heure  indue  , 
ou  fi  en  (brtant  de  la  maifon  on  rencontre  un  lièvre  , 
vin  ferpent ,  un  borgne  ou  un  boiteux  ;  qu'au  con- 
traire il  arrivera  du  bonheur,  fi  l'on  rencontre  le 
matin  un  loup  ,  ou  une  chèvre  ,  ou  un  crapaut  ; 
que  ce  font  des  prclages  de  bonne  ou  mauvaiie  for- 
tune, quand  on  entend  tonner  à  droit  ou  à  gauche, 
quand  en  fbrtant  le  matin  de  la  maifbn,  le  premier 
pas  qu'on  fait  efl  du  pié  droit  ou  du  pie  gauche  , . 
quand  en  marchant  dans  un  chemin ,  un  certain  nom- 
bre de  pies  volent  à  notre  droite  ou  à  notre  gau- 
che  ;  qu'il  arrivera  malheur ,  quand  étant  à  table , 
on  renverfe  la  faliere,  ou  quand  quelqu'un  nous  ren- 
contrant au  matin  en  chemin  nous  demande  où  nous 
allons. 

Cependant,  comme  remarque  Jean  de  Salisbery 
dans  le  livre  i.  du  Policratique  ,  dernier  chapitre, 
îl  y  a  une  infinité  de  gens  qui  ajoutent  foi  à  ces  imper- 
tinences ,  &  les  regardent  comme  des  préfages  cer- 
tains ;  ce  qui  efî  une  illufîon  pitoyable  que  les  Saints. 
Pères  condamnent,  entr'autres  S.  Eafîle  fur  le  chap, 
2.  d'Ifàïe,  S.  Chryfoflome  Homélie  21.  au  Peuple 
d'Antioche ,  S.  Auguftin,  livre  2.  de  la  Dodrine 
Chrétienne,  chap.  20.  aufquels  fe  font  conformés  le 
premier  Concile  de  Milan  fous  S.  Charles,  &le  Con- 
ùle  de  Bordeaux  de  l'an  1583. 

En  effet,  on  ne  peut  apporter  aucune  raifbn  tant 
(bit  peu  apparente,  pour  autorifèr  ces  extravagan- 
tes obfervations ,  &  on  efl  forcé  d'avouer  qu'il  n'y' 
a  rien  de  plus  frivole,  ni  de  plus  ridicule  que  de 
régler  fes  adions  &  fà  conduite  fur  de  pareilles  ren- 
contres ,  qui  n'ont  point  de  caufe  certaine ,  qui  ne 
dépendent  que  du  hazard,  Se  a.  qui  on  peut  donner 
également  une  bonne  ou  mauvaife  fîgnificaiion  : 
On  peut  voir  fîir  cela  Pierre  de  Blois,  dans  fa  let- 
tre 55. 

Nous  ajouterons  pour  la  confblation  des  âmes 
timorées  ,  qui  ont  renoncé  à  ces  ridicules  obfèrva- 
lions ,  que  la  er^ipte  que  l'oa  ftjjt  çjiçore  ^  lorf^u'on- 


fur  Us  Co  mm  an  démens  de  T)Leiu     1 79 

trouve  des  /îgnes  qu'on  a  cru  autrefois  éire  de  mau- 
vais augure ,  n'éjkju'un  refte  de  la  mauvaife  habitude , 
qu'on  ne  peut  pas  empêcher  aufii-tot  qu'on  c(ï  averti 
qu'il  y  a  du  mal  dans  ces  (ortes  d'oblervations.  Cette 
crainte  n'eft  point  un  péché  ,  pourvu  qu'on  y  renon- 
ce, &  qu'on  n'ajoute  plus  foi  à  ces  vaines  rencon- 
tres. 

Les  Auteurs  qui  ont  traite  de  cette  matière,  cfli- 
ment  que  cette  forte  de  fuperiîition  efl  plutôt  une 
vaine  obiervance  qu'une  Divination ,  en  ce  que  dans 
la  Divination,  on  cherche  à  deiïein  des  /îgnes  pour 
iîç'avoir  l'avenir,  ou  les  chofès  cachées,  mais  en  cel- 
le-ci on  tire  feulement  des  conjedures ,  de  ce  qui  fe 
pré  fente  par  hazard  fims  qu'on  le  cherche. 

Les  fongcs  fbrv'ent  quelquefois  à  la  divination  ,■ 
quelquefois  ils  fervent  à  de  vaines  obfervances.  On 
peut  dire  généralement  parlant  que  l'un  &  l'autre  ufà- 
ge  efl  fuperflitieux.  Aufïi  Dieu  défend  aux  Ifraélites 
d'obfèrver  les  fonges  ^y  &  l'Eccléfiaflique  dans  le  ch» 
514.  nous  apprend  que  les  fonges  ont  fait  tomber  plu-, 
fleurs  perfbnncs  dans  l'erreur  •. 

Les  Conciles  &  les  fâints  Pères  blâment  fort  ceux 
qui  s'arrêtent  aux  fonges  :  ils  difent  que  cette  fliper-^ 
Ôition  efl  une  cfpece  de  culte  qu'on  rend  aux  Idoles  , 
une  refle  de  Paganifme ,  une  invention  du  Démon  & 
une  déteflable  pratique.  C'efl  ainfi  que  parlent  S.  Cy- 
rille de  Jérufiilcm  dans  la  première  Catécliefe  Myfia- 
gogique ,  S.  Grégoire  le  Grand  liv.  8.  des  Morales 
fur  Job  au  ch.  13,  &  le  Concile  de  Paris  de  l'an  81^0 
liv.  3,  chap.  z. 

Jean  de  Salisbery  liv.  i.  du  Policratique  chap.  ijà 
eflime  que  ceux  qui  s'arrêtent  aux  fonges,  s'écartent 
de  la  foi  &  de  la  raifon  tout  enlèmble  ^.  Le  premier 
Concile  de  Milan  fous  S.  Charles  ,  ordonne  aux  Eve- 


h  Nec  obfervabitis  fomnia. 
Levit»  19,  Non  invcnia  ur  in 
te  qui  obfcivet  fomnia.  Dcur, 
XS. 

i  Multos  crrare  fecerunt 
fomnia». 


k  Qilifquiscrcdiilitatern  fiiam 
fignificationibus  aJUgat  fom- 
nioriim  ,  planum  cft  qiiin  tam 
à  finceritatc  fidci  ,  qu.im  à  tra" 
niitc  ratiouis  exorbitar. 


H 


V) 


1 8  ô  Co nfére n ces    d'Angers  j 

ques  d'employer  contre  eux  les  peines  Ecclé/îafliques 
pour  les  punir. 

Mais  parce  qu'il  y  a  différentes  caufès  de  fonges, 
jl  faut  parler  différemment  des  longes  en  particulier 
par  rapport  aux  caufes  d'où  ils  naiffent  ;  car  il  y  a 
des  Congés  dont  Dieu  eft  l'auteur  :  les  exemples  d'A- 
bimelech ,  de  Jacob ,  de  Laban ,  du  Patriarche  Jo- 
ieph  ,  de  Pharaon ,  de  Nabuchodonofor  ,  d'd  Pro- 
phète Daniel,  de  Judas  Machabée,  des  trois  Mages , 
de  S.  Jofeph ,  font  des  preuves  convaincantes  que 
Dieu  avertit  les  hommes  de  certaines  choies  pendant 
le  fommeil  par  des  Congés  ;  &  il  eft  remarqué  dans  le 
livre  des  Rois  au  chap.  z8.  que  Saul  coniultale  Sei- 
gneur, &  que  le  Seigneur  ne  lui  répondit  ni  parles 
ibnges  ,  ni  parles  Prêtres,  ni  par  les  Prophètes  ^. 
C'eil  de  ces  longes  qu'on  doit  entendre  ces  paroles  àm 
ch.  iz.  des  Nombres.  Si  qtiis  fueritimer  vos  Fropheta 
Domini  in  vijione  ,  apparebo  ei  vel  per  f omnium  loqitar 
ad  illum. 

Si  on  étoit  certain  que  Dieu  fût  Fauteur  d'un  fôn- 
ge,  il  faudroit  y  ajouter  foi,  en  faire  la  règle  de  là 
conduite  &  obferver  tout  ce  qu'il  prefcriroit,  autre- 
ment ce  leroit  s'oppoler  à  la  volonté  de  Dieu  ;  maij 
comme  a  remarqué  S.  Grégoire  de  Nyfle  dans  le  livre 
de  la  Formation  de  l'homme,  ch.  13.  il  arrive  très- 
rarement  que  Dieu  nous  avertifle  par  des  fonges  ,  & 
il  ne  le  fait  que  pour  de  grandes  railôns ,  qui  Ibuvent 
îie  regardent  que  le  bien  public.  Quand  il  le  fait  ,  il 
nous  donne  à  connoître ,  par  de  certains  témoigna- 
ges intérieurs ,  que  c'eft  lui  qui  envoyé  cesibnges. 

On  connoît  qu'un  fbnge  vient  de  Dieu.  1°.  Si  la 
choie  propofée  dans  le  longe  eil:  bonne.  2,°.  Si  elle  efî 
propofée  clairement.  3°.  Si  le  longe  lailTe  l'ame  tran- 
quille, plus  humble  î^  plus  fervente  dans  la  Prière. 
Quand  même  ces  lignes  accompagneroient  unfonge^ 
îl  faut  uler  d'une  grande  prudence,  pour  bien  juger 
de  quelle  part  il  vient ,  parce  que ,  comme  dit  S.  Gre- 
go.re  le  Grand  dans  le  livre  8.  des  Morales  chap.  13, 

i  ConfulLiir  Dominum<S:  non  (  nia,   neqiie  pcr    Sacerdoces  j 
î«fpondiî  ei  ncf^ue  pes  fom-  (  neg^ue  pet  Propheu^»^ 


fur  les  Commandemens de  Dieu.      iSï 

on  difcerne  difficilement  par  quelle  imprefTioii  les 
fonges  (ont  Ciuifcs  ''\ 

Quant  aux  longes  qui  reprcfentent  des  choies  inu- 
tiles ou  ridicules ,  ou  qui  portent  à  faire  des  recher- 
ches vaines  &  curieufcs ,  ou  à  pénétrer  dans  l'avenir  y 
îi  ne  faut  pas  s'imaginer  que  Dieu  en  ibit  l'auteur. 
On  peut  appliquer  à  ces  fonges  ce  qui  eit  dit  dans  le 
ch.  z/\.  de  l'Kccléfiaflique,  que  les  imprudens  bâtif- 
fent  fur  les  fonges  ".  C'eft  un  péché  que  d'y  aioûter 
foi ,  &  ce  péché  eft  mcme  mortel ,  fi  on  préfume , 
par  le  moyen  de  ces  fonges ,  deviner  les  choies  futu- 
res, qui  dépendent  de  la  volonté  des  hommes,  ou 
qui  font  purement  contingentes  ,  ou  fi  on  règle  (a 
conduite  fur  eux  ,  ou  Ci  précifément  en  vue  du  fonge, 
on  omet  ce  qui  eù.  d'obligation. 

Il  y  a  des  fonges  qu'on  appelle  naturels ,  parce  qu'ils 
ont  des  caufes  naturelles.  Ils  viennent  pour  l'ordi- 
naire du  tempérament  ;  car  les  bilieux  ont  d'autres, 
fonges  que  les  languins  :  les  fanguins  que  les  mélan- 
coliques, &  les  mélancoliques  que  les  pituiteux.  Le 
différent  mélange  des  quatre  premières  qualités  qui 
font  le  chaud,  le  froid,  l'humide  &  le  fec,  eau  fe  dif- 
férons mouvemens  dans  l'imagination.  Par  ces  fortes 
de  fijnges  on  peut  juger  fins  péché  des  difpofitions 
&  des  affedions  du  corps  qu'on  ne  connoiiToit  pas  au- 
paravant. C'ell  pour  cela  que  S.  Thomas  dit  dans  la 
z.  2.  q.  5>«) .  art.  6.  que  les  Médecins  alTurent  qu'il  faut 
faire  attention  aux  fonges  des  malades,  afin  de  con- 
noitre  les  difpofitions  du  dedans.  Medici  dicnnt  ejje 
in:endendum  fomniis ,  ad  cognofcendum  interiores  dif- 
■psfitioncs. 

Il  y  a  d'autres  fonges  qu'on  appelle  Moraux ,  qut 
font  produits  parles  pcnfées ,  par  les  adions,  parles 
défirs  ou  par  les  di(cours  qui  ont  précédé,  &  dont  ils 
(ont  des  fuites;  nous  connoifTons  par  expérience  que 
nous  avons  la  nuit  des  fonges ,  qui  ont  beaucoup  de 
liailon  à  ce  que  nous  avons  ou  penfé,  ou  dit,  ou  fait, 
ou  défiré  dans  le  jour.  C'efi  de-ki  qu'il  ell  dit  dans 


m  T^nco  cis  crcdi  (l'.flfic;- 
liùs  débet  ,  qii  inco  à  c:<  c;iio 
ira^ulfu  venian: ,  facilius  non 


chicet. 

n  Somnia  cxcollunt  inagru-* 
dcntcsv 


.î82  Conférences  d^ Angers  i 

i'Eccléiîaflique  chap.  5,  que  la  multitude  des  fôln^ 
produit  les  Congés  ».  On  ne  doit  s'arrêter  en  aucune 
manière  à  ces  fonges.  C'eft  une  pure  fuperllition  de 
prétendre  connoître  par  leur  moyen  les  événemens 
cadiels. 

Le  Démon  elî  aufTi  auteur  des  fonges  ;  ceux  qui 
nous  portent  à  mai  faire,  viennent  ordinairement  de 
lui  -,  car  le  Démon  qui  tente  les  hommes  pendant 
qu'ils  veillent ,  tâche  aufli  de  les  flirprendre ,  tandis 
Qu'ils  dorment  ;  il  leur  trouble  l'imagination  par  di- 
verfès  illufions ,  pour  les  £iire  tomber  dans  Tes  piè- 
ges ,  comme  remarque  S.  Grégoire  le  Grand  à  l'en- 
croit  qu'on  a  cité.  Peribnne  ne  peut  douter  que  ce  ne 
ibit  péché  de  croire  à  ces  fbnges. 

La  divination  par  le  fort ,  n'eft  pas  moins  fùperf^- 
tltieufe  que  les  autres  dont  nous  avons  parlé.  C'efl 
proprement  ce  qu'on  doit  appeller  Sortilège  ;  mais  le 
peuple  a  donné  une  fignification  plus  étendue  à  ce 
terme ,  iî  bien  qu'à  préiênt  on  l'employé  pour  figni- 
fier  la  Magie  &  le  Maléfice ,  &  on  nomme  ordinaire- 
ment un  Magicien  un  Sorcier. 

Il  n'efl:  pas  abfolument  défendu  de  tirer  au  fort  ^ 
mais  aufa  tout  ulâge  du  fort  n'eil:  pas  permis ,  c'eft 
pourquoi  il  faut  diftinguer  avec  les  Théologiens  trois 
îôrtes  de  forts.  Le  premier  ,  qu'on  appelle  fort  de 
divifion  ou  de  partage  ,  Sors  diviforia  y  qui  efl:  lorf^ 
que  pour  partager  des  biens,  ou  pour  adjuger  un  ofïî- 
ee  ou  une  charge ,  ou  pour  faire  fbuffrir  une  peine  » 
on  tire  au  fort  pour  connoître  la  perfbnne  à  qui  la 
chofè  échéera.  Le  fécond ,  qu'on  nomme  fort  de  con- 
fîiltation,  Sors  confultoria ,  qui  efl:  quand  on  jette  le 
fort  pour  fçavoir  ce  qu'on  doit  faire  en  certaines  oc- 
eafîons  ou  en  certaines  circonfîances.  Le  troifieme, 
à  qui  l'on  donne  le  nom  de  fort  de  divination  ,  Sors^ 
divinatoria ,  efl  celui  dont  on  Ce  fert  pour  découvric 
les  chofes  à  venir  ,  ou  qui  font  cachées  Si.  hors  de  la 
portée  naturelle  de  l'efprit  de  l'homme.  ïl  efl  permis 
defè  (èrvir  du  fort  de  divifîon  pour  partager  une  fùc- 
cefTion  ou  pour  finir  un  Procès ,  lors  priiicipalemei^t 

•  Mukas  curas  feg^uuntur  fomnia^ 


fur  les  Commandemms  de  Dieu,       ïSj' 

ljU*on  n'a  pas  d'autre  moyen  de  s'accorder  les  un: 
avec  les  autres.  Ceft  pour  cela  qu'il  efl  dit  dans  le 
chap.  i8.  des  Proverbes,  que  le  fort  app^ife  les  diffe-' 
rends,  &  qiiil  ejl  l'arbitre  entre  les  grands  mêmes  \\ 
Pliais  il  faut  attendre  de  Dieu  la  diredion  du  fort, 
fuivanc  ces  paroles  du  ch.  i6.  des  Proverbes.  Sortes 
mittiintiir  in  fwinn ,  fed  à  Domino  temperantur.  C'eft 
de-là  qu'il  cil  dit  dans  le  Canon,  Sors ,  ch.  z6,  q.  z« 
que  le  Ibrt  fait  connoître  la  volonté  de  Dieu  'J.  Il 
faut  encore  que  le  fort  fbit  accompagné  de  certaines 
conditions, 

La  première  efl ,  qu'en  tirant  au  fort ,  il  ne  (e  fafîe 
rien  contre  la  Juflice,  c'eft  pourquoi  fi  on  veut  rcgler 
quelque  chofe  par  le  fort,  il  faut  que  le  droit  des  par- 
tics  paroifTe  égal;  par  exemple,  fi  pour  nommer  à  un 
emploi  ou  à  un  office  féculier ,  on  tire  les  compéti- 
teurs au  fort,  il  faut  qu'on  les  en  croye  également  di- 
gnes ,  alors  il  y  a  de  la  prudence  à  Ce  fèrvir  du  fore 
pour  le  bien  de  la  paix  ,  &  pour  oter  toutes  les  con- 
teflations  qui  pourroient  naître. 

C'efl  fur  ce  principe  de  l'égalité  des  perfonnes  que 
S.  Auguftin  ,  dans  la  lettre  i8o.  à  Honorât,  laquelle 
efl  la  12,8.  dans  la  nouvelle  édition,  juge  que  durant 
le  tems  d'une  perfécution ,  lorfque  les  Prêtres  d'une 
Eglife  lui  font  également  utiles  &  néceffaires ,  &  qu'iî 
faut  que  quelqu'un  d'eux  forte  de  la  Ville  ,  on  peut 
tirer  au  fort  à  qui  y  demeurera  ,  ou  à  qui  en  fbrtira» 
C'efl  encore  fur  ce  même  principe  que  ce  Père  ,  dans 
le  livre  premier  de  la  Dodrine  Chrétienne  chap.  28. 
dccideque,  quand  on  veut  donner  aux  pauvres  un 
bien  qui  ne  fe  peut  partager,  on  peut  tirer  au  fort  le 
pauvre  qui  l'aura  ,  parce  que  la  charité  n'a  point  ac^- 
ception  des  perfonnes. 

La  féconde ,  qu'il  y  ait  une  nécefTité  de  jetter  le 
fort ,  car  s'il  n'y  en  a  aucune  ,  c'efl ,  félon  S.  Thomas 
1.  2.  q,  5>5,  art.  8.  vouloir  tenter  Dieu  &  négliger  les 


p  Contradiâiones  comprimit 
fors  ,  êc  inter  potentcs  (luotiue 
(tijiidicar. 

fi  Sûf  j  non  ali<juid  raali  cfl , 


fed  res  efl  in  dubit^tione  huma- 
na  divinam  indicans  volunta* 
ce  m» 


tSzj-  Conférences   £Jngèfs, 

moyens  humains  qu'il  nous  fournit  pour  nous  détér-^ 
miner  à  faire  quelque  choie  ou  à  ne  la  pas  faire. 

La  troiiieme ,  qu'il  ne  s'agifTe  ni  de  dignités  ,   ni 
bénéfices  Ecciéfiaftiques  ;  parce  que  i'uiàc^e  du  fort 


de 
efl 


exprelTément  défendu  dans  les  éle<5tions  Ecciéfiaftique^ 
par  le  Pape  Honoré  III.  dans  le  chapitre  Ecclejïa  ,  de 
Sortîlegiis» 

On  ne  doit  point  fe  jfervir  du  fort  pour  confiilter 
Dieu  ,  à  moins  que  Dieu  même  ne  nous  l'inipi- 
re ,  comme  il  fit  aux  Apôtres  afTemblés  pour  l'élec- 
tion de  S.  Matthias  ;  ainfi  il  arrive  très-rarement 
qu'il  foit  permis  de  fè  fervir  de  ce  moyen  pour  con- 
noitre  la  volonté  de  Dieu  ;  encore  faudroit-il  ufêr 
d'un  grand  refiDed  envers  la  Divine  Majeflé ,  à  l'exem- 
ple des  Apôtres  ,  qui  prièrent  tous  enfemble  le  Sei- 
gneur de  leur  montrer  lequel  de  Jofeph  ou  de  Mat- 
thias il  avoir  choifî  pour  Apôtre ,  ainfi  que  le  vénéra- 
ble Bede  remarque  flirle  ch.  i.  des  Ades  ^. 

Le  fort  de  divination  ,  de  quelque  m.aniere  qu'on  le 
pratique  pour  découvrir  les  choies  à  venir ,  ou  celles 
qui  font  cachées  ou  perdues,  ell  toujours  fuperlli- 
tieux  &  criminel ,  parce  qu'il  fuppofe  un  pade  tacite 
ou  exprès  avec  le  Démon  ,  car  il  n'a  rapport  à  aucune 
inftitution  Divine  ou  Ecciéfiaflique. 

L'ufàge  de  ce  fort  eft  profcrit  dans  le  ch.  ii.  d'E- 
zéchiel  &  par  tous  les  Conciles  qui  ont  condamné  les 
Sorciers  &  les  Sortilèges,  &  particulièrement  par  le 
Canon  Scrtes ,  ch.  z6.  q.  5.  qui  efl  tiré  de  la  lettre  de 
Léon  IV.  aux  Evéques  de  Bretagne  ,  qui  avoient  coù- 
lume  de  fe  fervir  de  forts  dans  leurs  jugemens.  Ce 
Pape  en  défend  l'ufîige  à  tous  les  Chrétiens  fiir  peine 
d'Anathème. 

Il  n'eft  donc  pas  permis  de  vouloir  découvrir  les 
chofes  futures  ou  cachées  en  ouvrant  le  livre  des  fàin- 
îes  Ecritures ,  &  en  s'arretant  au  premier  mot  qui  fe 
prèfente  à  l'ouverture  du  livre.  Le  Concile  d'Agde  de 
l'an  506.  canon  41,  &  le  premier  d'Orléans  canon 


r  Si  qui  necefTitare  aliquà 
covnpulfi  ,  Dcuin  piitaiu  forti- 
Bus,  exerr.pio  /, poftolcriim  , 
elle  cinluiendiinij  vidcant^oc 


ipfos  Apoflolos,  nonnifi  col- 
lège fratrum  cœtu  &  prccibus 
ad  Deum  fufis  cgifle. 


fur  les  Comm  an  démens  de  Dieu,     1 8  y 

^0.  condamnent  cette  pratique ,  que  Saint  Auguftin 
av  oit  dcja  blâmée ,  quoiqu'il  crut  que  ce  ne  fut  pas  un  H 
grand  pcchc  que  de  confuiter  les  Démons  *. 


s  Hi  \efô  qui  <lc  paginisE- 
vangelicis  ioite»  legiint  ,  ctll 
©ptandum  elt  ,  ut  hoc  pocius 
JCaiiant  ,    quam  ad    Daemonia 


confulendj  concurrant ,  tamen 
etiani  ifta  mihi  difplicet  coii- 
fuctudo.  Epijl*  ad  Jaii,  dp» 
»o. 


II.      QUESTION. 

Quejî  ce  que  la  vaine  Obfervance  y  &  combien 
y  en  a-t  il  de  fortes  ? 

LES  Théologiens  ont  coutume  de  définir  la  vaine 
Oblervance  une  (uperilition,  par  laquelle  on  le 
fort  des  moyens  frivoles  qui  rCont  naturellement  au- 
cune vertu,  pour  produire  l'effet  que  l'on  en  efpere  , 
&  qui  n'ont  point  été  inflitués  de  Dieu  ni  de  l'Eglife 
pour  cela;  comme  lorfqu'on  u(e  de  quelques  paro- 
les, de  certains  billets,  de  quelques  figures  pour  gué- 
rir des  maladies  ,  lorfqu'on  porte  certaines  herbes 
pour  être  heureux  au  jeu ,  ou  pour  découvrir  les  (e- 
crcts  des  autres.  S/  adjungantur  y  dit  S.  Thomas  z.  z« 
q.  s>6,  art.  z.  dans  la  répon(e  à  la  première  objedion  , 
vel  caractères  aliqiii ,  vel  aliqua  nomina  j  vel  alia  qua-^ 
cumque  variai  objervaiiones  ,  quas  manifejlum  ejî  natu- 
raliier  ejfcaciam  non  habere ,  erit  faperjdiiofum  ^  illi- 
citiim. 

On  tombe  dans  la  vaine  ob(ervance,  non-feule- 
ment quand  pour  produire  quelques  effets  ,  on  ufe 
d'un  moyen  qui  n'a  point  naturellement  la  vertu  de 
les  produire,  &  qui  n'a  point  été  inflitué  de  Dieu  ou 
de  l'Eglife  pour  cela ,  mais  encore ,  comme  nous 
l'avons  dit  dans  la  réponfe  à  la  queftion  précédente, 
lorfqu'on  croit  que  certaines  choies  font  des  fignes  de 
quelques  événem.ens  heureux  ou  malheureux  ,  quoi- 
qu'elles n'ayent  aucun  rapport  à  ces  fortes  d'évéiie-» 
jmens. 


if  8^  Conférences  d'Angers  ^ 

Toutes  les  vaines  Obfèrvances  (ont  indignes  d'uîl. 
Chrétien ,  Dieu  a  en  averfîon  ceux  qui  s'y  arrêtent» 
Le  Prophète  David  nous  le  dit  dans  le  Vf.  30.  Odijïi 
obfervantes  vanitates  fupervacuè.  S.  Augullin  au  liv.  2. 
de  la  Dodrine  Chrétienne,  chap.  20.  &  23.  ellime 
qu'elles  fuppofent  de  nécefTité  un  pade  avec  le  Dé* 
mon^. 

On  pèche  mortellement  dans  les  vaines  obfêrv^an- 
ees ,  lorfqu'on  confulte  exprelTément  le  Démon ,  ou 
que  l'on  fait  un  pade  exprès  avec  lui ,  ou  qu'étant 
averti  qu'une  telle  vaine  obfervance  eft  appuyée  fur 
un  pade  fait  avec  le  Démon  ,  on  continue  de  la  met- 
tre en  pratique  ;  car  quelque  proteftation  que  l'on 
fafle  de  renoncer  à  tout  pade  avec  le  Démon ,  on 
s'attend  toujours  à  un  effet  qui  ne  peut  être  produit 
que  par  le  Démon  en  vertu  du  premier  paAe  qu'un 
autre  a  fait  autrefois  avec  lui  ;  ainfî  on  invoque  alors 
Sciemment  le  Démon.  Que  û  après  avoir  renoncé  à 
tout  pade  avec  le  Démon  ,  on  pratiquoit  quelque  ob- 
fèrvance  feulement  pour  en  faire  voir  la  folie  &  l'il- 
iufion,  comme  le  Cardinal  Cajetan  dit  dans  (à  fom* 
me  au  mot  Incantatio ,  l'avoir  fait  une  fois ,  il  n'y  aU" 
roit  nul  péché. 

Lorfqu'on  tombe  de  bonne  foi  dans  quelque  vaine 
obfervance  ;  ignorant  &  ne  Soupçonnant  m.éme  pas 
qu'elle  (uppofè  quelque  pade  avec  le  Démon ,  corn-* 
me  il  arrive  aux  gens  iimples  &  grofllers ,  il  n'y  9, 
que  péché  véniel. 

Pour  l'ignorance  crafTe  ou  affedée ,  elle  n'exemp- 
teroit  pas  de  péché  mortel ,  telle  efl:  celle  des  person- 
nes qui  par  leur  profeflion  font  obligées  de  (çavoir  ce 
que  c'eft  que  vaine  obfervance ,  ou  qui  en  ont  été  llif- 
fifamment  inftruites,  ou  qui  ont  pu  aifément  l'être,  en 
affiliant  aux  Catéchifmes  ou  inflrudions  familières  de 
leurs  Palpeurs ,  mais  qui  ont  négligé  de  s'y  trouver ,  le 
pouvant  faire ,  ou  qui  ont  en  quelque  manière  que  ce 
ibit ,  doujté  que  ces  obfèrvances  fulïènt  vaincs  &  illu* 

a   Omnes    artes  huiufmodi  monum  ,  qnafî  pada   infidelij 

vel  nugatoriae ,  vel  noxiae   fii-  &  dolofae  amicitix  conftitutse  , 

perftitionis  exquadam  peflife-  peaitùs  funt  repiidianda  &  fu.-» 

«a  focietate  hominum  &  Dx-  giendaChriftiano» 


fur  les  Cmnmandemens  de  TJleul     'l2y 

foires ,  ou  qu'elles  fuppofafrent  quelque  pade  avec  le 
Démon,  &  qui  n'ont  pas  eu  foin  de  s'en  faire  cclair- 
cir.  C'eft  pour  cela  que  le  Concile  de  Malines  de  l'an 
J607.  au  tit.  T^.ch.  3.  enjoint  aux  Pafteurs  d'être  foi- 
gneux  d'inflruire  leurs  peuples ,  que  tout  Chrétien 
doit  s'abflenir  entièrement  des  fuperftitions  ^. 

Nous  ferions  infinis  fi  nous  voulions  rapporter  tou- 
les  les  vaines  oblervances  qui  ont  cours  en  divers 
Royaumes  ,  oij  les  Catholiques  mêmes  s'adonnent  fans 
y  penfer  à  ces  pratiques  paycnnes ,  ce  qui  a  donne 
occafion  à  plufieurs  Eveques  d'enjoindre  aux  Pafteurs 
dans  leurs  Ordonnances  fynodales,  de  s'appliquera 
înftruire  les  Fidèles  de  ces  fuperflitions ,  afin  d'em- 
pêcher qu'ils  ne  s'engagent  dans  un  culte  contraire  à 
celui  du  vrai  Dieu. 

Comme  Ton  peut  aiïez  facilement  connoître  la 
faulTeté  &  l'illufion  de  la  plupart  des  vaines  oblervan- 
ces par  l'application  des  trois  règles  que  nous  avons 
propofées  ,  nous  ne  nous  arrêterons  point  à  examiner 
en  particulier  toutes  les  vaines  oblervances  ,  nous  en' 
parlerons  feulement  en  général. 

On  leur  donne  différens  noms  félon  la  variété  Aet- 
effets  qu'on  en  attend.  On  les  nomme  obfcrvances  des- 
jours y  Aes  événtmetis  ,  des  famés  ,  des  chofes  facrées. 

Il  y  en  a  une  qu'on  nomme  VArt  Notoire ,  par  l3.< 
quelle  on  Ce  flatte  d'obtenir  par  infiifion  ,  fans  peine  & 
fans  travail ,  certaines  (ciences  en  révérant  certaines 
figures  ou  images ,  qu'à  jufle  titre  on  peut  dire  être 
magiques  &  diaboliques  ,  qui  ne  représentent  ni  Dieu 
ni  les  Saints  ,  prononc^ant  certains  mots  inconnus  » 
Joignant  à  cela  certaines  prières  à  certaines  heures» 
obfèrvant  certain  nombre  de  jeûnes  &  d'autres  céré- 
monies ridicules.  Cet  art  ,  félon  le  fenciment  de  So 
Thomas  dans  la  i,  z.  q.  96,  art.  i.  eil  unp  curiofitç 
criminelle  par  laquelle  on  tente  Dieu* 


b  Quoniam  rudis  pomliis 
farpe  ex  ignorantia  fupcrlliiio- 
nibus  incjuinatur,  Parochi  ftib- 
ditos  fuos  diiigentcr  de  illis 
docc.int  ;&  intcr  caetera  fnpcr- 
ftiîiofmn  efle  expeftarc  ^u<m- 


cumque  effeâum  à  quacumquC 
rc  ,  (]uetn  res  illa  nec  ex  fua 
natura  ,  nec  ex  infiitiiùone  di- 
vina  ,  nec  rx  ordinatione  vcl 
approbatione  Ecclciîis  produ- 
ceie  pote(l» 


tîS  Conférences   d^ Angers , 

On  ne  peut  fans  péché  mettre  cet  art  imaginaire 
en  pratique ,  car  il  ruppofe  un  pade  avec  le  Démon^ 
qui  en  vain  nous  promet  de  nous  communiquer  les 
fciences  ,  puifqu'il  neû  pas  en  Ton  pouvoir  d'éclairer 
notre  entendement. 

On  ne  peut  pas  dire  abfolument  que  ce  (bit  une 
fliperltition  d'obferver  les  tems  ;  car  il  n'y  a  nul  pé- 
ché à  le  faire  ,  par  rapport  a  des  effets  purement  na- 
turels ,  qui  dépendent  de  l'influence  des  corps  célel^ 
tes ,  &  qui  arrivent  félon  l'ordre  que  Dieu  a  établi 
dans  la  nature.  On  ne  peut  donc  blâmer  ni  les  Mé- 
decins ,  ni  les  Laboureurs  ,  ni  les  Vignerons  ,  ni  les 
Mariniers  ,  de  ce  qu'ils  obfervent  les  jours ,  les  mois  9 
les  lunes  dans  les  maladies  ,  dans  l'agriculture ,  dans 
la  navigation.  Il  eft  certam,  comme  remarque  S.  Au- 
guftinch.7.  delà  lettre  ii^».  à  Januarius,qui  eft  la  5^, 
de  l'édition  des  Pères  Eénédidins  ,  que  le  cours  réglé 
des  aftres  &  les  révolutions  des  tems  varient  la  tem- 
pérature de  l'air  &  des  humeurs ,  &  font  la  difiérence 
des  fïiifbns  de  l'année.  En  effet  ,  il  a  été  dit  dans  la 
eréation  des  aftres ,  qu'ils  feroient  comme  des  lignes 
qui  marqueroient  les  làilbns  ,  les  jours  ,  les  années  , 
Fiant  Itiminaria  in  jirmamemo  Cali .  .  .  .  ô^Jint  injîgna 
Ô"  um-pcra  ,  &  dies ,  &  annos.  GeneC  ch.  i.  ain/i  ce 
n'eft  pas  une  fùperftition  que  de  cueillir  les  herbes  en 
certaines  laifons  où  elles  ont  plus  de  vertu  &  plus  de 
force ,  ou  d'abbattre  les  arbres  en  certaine  fîtuation  de 
la  Lune  ,  parce  qu'ils  font  moins  fujets  à  le  corrom- 
pre ,  pourvu  qu'on  ne  s'arrête  point  à  quelque  vaine 
circonftance ,  comme  font  ceux  qui  ne  veulent  cueil- 
lir les  herbes  ,  ou  les  branches  d'arbres  que  le  jour  de 
la  Fête  de  fàint  Jean-Eaptifte  ,  ouïe  premier  jour  du 
mois  de  Mai  avant  le  Soleil  levé  ,  pour  faire  certains 
remèdes  ,  dans  la  penfée  qu'elles  n'auroient  pas  la 
même  vertu  ,  fi  elles  étoient  cueillies  un  autre  jour  , 
ou  à  une  autre  heure.  Ce  qui  eft  défendu  par  le  canon 
Non  liceat ,  c.  x6.  q.  5.  Nec  in  colle£ïionihus  herbarum 
quce  médicinales  fnnt  3  aliqiias  obfervationes  aiit  incan- 
tationes  liceat  attendere. 

Ce  fèroit  fans  railbn  qu'on  prétendroit  excuser  de 
^perftition  ceux  qui  obfervent  les  jours ,  les  tems  y 


fur  tes  Commandemens  de  Dkii ,     I  Sp' 

Tes  îinnces  par  rapport  aux  choies  qui  ne  dépendent  nî 
de  l'influence  des  corps  céielles  ,  ni  de  l'ordre  de  la 
nature  ,  &  fur  lefquelles  les  aftres  n'ont  aucun  pou- 
voir ,  tels  que  font  les  cvcnemens  fortuits  ,  les  opéra- 
tions de  l'entendement  &  les  allions  libres  de  la  vo- 
lonté. 

S.  Chrvfodoine  dans  l'Homélie  qu'il  a  faite  contre 
ceux  qui  obfervent  les  nouvelles  Lunes;  S.  Auguftiii 
dans. la  lettre  à  Januarius  qu'on  vient  de  citer ,  8c  dans 
l'cxpontlon  de  TEpitre  de  S.  Paul  aux  Galates  fur  le 
ch.  4.  &  l'Auteur  des  Commentaires  furies  Epitresde 
S.  Paul  attribués  à  S.  Ambroife,  eftiment  que  c'ell  de 
cette  vaine  obfervance  que  S.  Paul  fe  plaint  écrivant 
?.ux  Galates  ,  comme  d'une  choie  qui  rendoit  inutiles 
les  travaux  qu'il  empioyoit  pour  la  conver/ion  de  ce 
peuple,  quand  il  dit  ch.  4.  Dics  obfervatis  &  menfes^ 
Ù"  tempora  ,  &  annos ,  timeo  vos  ne  forte  fine  caufa  la- 
loravcrim  in  vobis. 

Ces  Pères  blâment  fort  ceu-x  qui  s'imaginent  qu'il  y 
a  des  tems  heureux  &  des  tems  malheureux  ,  &  qui 
dans  cette  fauffe  permafion  ne  veulent  pas  faire  cer- 
taines chofes  en  certains  tem.s,  &  en  attendent  un  au- 
tre pour  la  faire ,  croyant  que  s'ils  la  faiioient  en  un 
tel  tems  ,  iis  n'y  réufliroient  pas ,  comme  fi  tous  les 
jours  n'ctoient  pas  bons  de  leur  nature  ,  &  qu'on  ne 
pût  avec  l'aide  de  Dieu  bien  faire  en  tous  tems  &  à 
toutes  heures.  Ainfi ,  félon  la  dodrine  de  ces  Pères  , 
ceux-in  donnent  dans  la  lupen'iition,  qui  ie  perluadent 
que  s'iL  (ont  heureux  un  certain  jour,  tout  le  relie  de 
l'année  lora  pour  eux  une  fuite  de  profpérités ,  ou  qui 
4ie  veulent  point  faire  de  commerce  dans  un  tel  mois, 
parce  qu'une  teJle  étoile  domine  ,  ou  qui  ne  veulent 
point  planter  de  la  vigne  dans  une  année  ,  parce 
qu'elle  eil  biffextile;  ou  qui  refuient  de  travailler  cer- 
tain jour  do  la  femains ,  comme  le  Jeudi ,  de  crainte 
de  s'attirer  quelque  malheur ,  ce  que  S.  Auguftin  ,  (cr- 
mon  nf,  traite  deHicrilége,  ouquine  veulent  pas  (ê 
baigner  les  Mercredis  &  Vendredis  ,  ce  que  le  Pape 
Nicolas  condamne  dans  la  réponfe  à  l'art.  6.  des  Bul- 

fares  ,  ou  qui  défendent  qu'on  faffe  la  lelTive  les  jours 
e  Quatre-teiiis ,  ou  qui  ne  veulent  pas  filer  depuis  le 


'1C}0  Conférences  d'Angers  ^ 

Mercredi  de  la  Semaine-fàinte  jusqu'au  Jour  de  Pa-»' 
ques  ,  ou  qui  ne  veulent  pas  commencer  un  bâti- 
ment ,  ou  entreprendre  un  voyage  un  des  jours  mal- 
heureux, que  les  faifeurs  d'Almanachs  difent  avoir^été 
révélés  par  un  Ange  au  Patriarche  Jofeph  étant  en 
Egypte ,  &  qui  pour  cela  font  appelles  Jours  Egyp^ 
tiens ,  ou  qui  ne  veulent  pas  contrafter  mariage  les 
jours  de  Mercredis ,  s'imaginant  que  leur  mariage  ne 
feroit  pas  heureux. 

S,  Auguflin  en  Ion  Manuel  ch,  75».  dit  que  ces  fortes 
de  vaines  obfervances  ne  feroient  regardées  que  com- 
me de  légères  fautes,  lans  que  la  Sainte-Ecriture  nous 
apprend  qu'elles  font  plus  grieves  qu'on  ne  penle  ^, 

Le  Pape  Nicolas  I.  dans  la  réponfe  aux  Bulgares , 
art.  34.  &  35.  traite  ces  fortes  de  fuperflitions  d'œu- 
vres  du  Démon,  auxquelles  nous  avons  renoncé  dans 
le  Baptême.  Un  Concile  de  Rouen  qu'on  croit  avoir 
été  tenu  fous  Clovis  le  jeune  ,  prononce  anathëme 
contre  ceux  qui  s'arrêtent  à  obferver  les  mois  &  les 
heures  ,  dans  la  penfée  qu'une  chofe  réuflfira  ou  ne 
réufTira  pas. 

Le  Concile  i.  de  Milan  fous  S.  Charles  dans  la  i. 
part,  au  tit.  10.  &  celui  de  Bordeaux  de  l'an  1583,  en- 
joignent aux  Curés  de  reprendre  fortement  ceux  qui 
obfervent  les  jours  &  les  momens ,  pour  entreprendre 
ou  pour  achever  leurs  affaires ,  ou  qui  s'imaginent 
qu'il  y  a  des  jours  heureux  &  des  jours  malheureux, 
Lorfqu'on  fe  fert  de  moyens  vains ,  inutiles  &  dif^ 
proportionnés  ,  pour  procurer  la  fànté  aux  hommes  8c 
aux  bêtes  ,  ou  pour  préfèrver  les  uns  &  les  autres  de 
quelque  mal  ou  de  quelque  accident  fâcheux  ,  c'efl 
l'obfèrvance  des  fàntés  :  elle  efl  très-condamnable  , 
particulièrement  dans  les  Chrétiens,  auxquels  la  Reli- 


c  Qiiaeleviffima  putarentur , 
nîfi  in  Scripturis  demonftfaren- 
turopinionegraviora.Qiiis  «fti- 
marec  quàm  magnumpeccatuin 
fn  ,  dics  obfervare ,  &  menfes, 
&  annos  ,  &  tempora ,  fient  ob- 
fervant  qui  ccrtis  diebus  ,  five 
xnenfibus ,  fivc  annij  volunc 


vel  nolunt  alîquîd  Inchoare  ) 
eô  (juod  fecundùm  vaiias  doc- 
trinas  hominum  faufta  vcl  in- 
faiifta  exiftimcnt  tempora  ,  nifi 
hiijus  mali  magnitudincm  ex  li- 
more  Apoftolipenfaremus,  qui 
talibus  ait  :  Timeo  vos  ne  fine 
caufa  labcraveiim  in  vobis» 


far  Us  Comman démens  de  Dieu,      XÇt 

^lon  apprend  qu'ils  doivent  mettre  leur  confiance  en 
Dieu  ;  ce  qui  ne  les  empcclie  pas  de  fe  (ervir  dans  leurs 
maladies ,  ou  pour  la  confervation  de  leur  (antc  ,  des 
remèdes  &  des  prcfervatifs  naturels  que  la  Médecine 
met  en  ufage  ;  car  ils  font  l'ouvrage  du  Très-Haut  y 
&  l'homme  fage  n'en  a  point  d'cloignement  ,  ainfî 
qu'il  eft  dit  dans  le  ch,  38.  de  l'Ecclcfiailique  ,  Al" 
iijfimiis  creavit  de  terra  medicamenta  j  vir  prudensnon 
abhorrebit  ilîa. 

Le  Dcmon  {I^acliant  que  les  hommes  (ont  fort 
attentifs  à  la  confervation  de  leur  (àntc  ,  a  pris  de-là 
occafion  de  leur  fuggérerplufieurs  remèdes  ouprcfer- 
vatifs  (uperftitieux  contre  les  maladies,  afin  de  s'infî-» 
nuer  dans  leurs  efprits ,  &  de  fe  faire  rendre  fecrete- 
ment  l'honneur  qui  n'eft  du  qu'à  Dieu.  Tels  font  ceux 
qu'on  nomme  en  latin  VhylaCleria  ou  Amuleta  ,  &  en 
fran(^ois  Prcfervatifs  ou  Phyladcres  ,  les  anneaux ,  les 
nœuds  ,  les  ligatures  ,  les  brevets  ou  billets ,  les 
figures  ,  les  paroles  ,  les  caraftères  dont  on  fe  fert 
pour  guérir  les  maladies  ,  ou  s'en  prc(erver  ,  les  at- 
tachant au  col ,  au  bras ,  aux  jambes  des  hommes 
ou  des  bctes. 

On  doit  rejetter  tous  ces  prétendus  remèdes ,  (oit 
qu'ils  (oient  joints  à  des  caufes  naturelles ,  (bit  qu'ils 
en  foient  entièrement  féparés.  Ce  font  des  reiles  de 
ridolatrie  &  des  inventions  Diaboliques.  Au  moins 
ils  fuppofent  un  pade  tacite  avec  le  Démon  ;  car 
toutes  ces  chofes  n'ont  ni  de  leur  nature,  ni  de  l'info 
titution  de  Dieu  ou  de  l'Eglile  ,  aucune  vertu  pour 
conlerver  la  vie  aux  hommes,  ou  aux  animaux,  ou 
pour  les  garantir  des  maux  ou  des  dangers. 

C'ed  ainfi  qu'en  ont  jugé  S.  Cyrille  de  Jérufalem 
dans  la  1 .  Catéchefe  Myftagogique  ,  S.  Grégoire  de 
Nazianze  dans  le  difcours  (ur  le  Baptcme.  S.  Bafile 
fur  le  Pf.  ^4.  S.  Chryfoftome  ,  Homélie  8.  furl'Epî- 
ire  de  S.  Paul  aux  Colofllens ,  où  il  dit ,  quec'eft  (a- 
crifier  aux  Idoles  ,  que  d'attacher  au  col  d'un  enfant 
un  de  ces  Prc(ervatifs  qu'on  nomme  Amuleta  ,  quand 
même  on  auroit  invoqué  le  nom  de  Dieu  ,  &  qu'on 
n'auroit  fait  rien  autre  cho(e ,  &  S.  Auguflin  liv.  4. 
de  la  Do<ftrine  Chrétienne  ,  ch.  lo.  &  z^.  &  au  Ser- 


^i^^*  Conférences   (T Angers  , 

mon  3^.  de  diverfis  ,  qui  efl  le  i86,  de  réditlon  dèl 
PP.  Bénédidins. 

S.  Eloi  5  Evéque  de  Noyon ,  dans  le  Sermon  au 
peuple  que  S.  Ouen  rapporte  dans  fa  vie  liv.  i.  chap, 
15.  avertit  Tes  Diocélàins  de  fe  donner  de  garde  de 
pendre  au  col  d'un  homme  ou  d'une  béte  des  ligatu- 
res ,  quand  même  on  leur  diroit  qu'elles  ne  renfer- 
ment que  des  paroles  de  FEcrltute-Sainte  ,  parce  que 
ce  n'eft  pas-là  un  remède  propofé  par  J,  C.  mais  un 
poifbn  inventé  par  le  Démon  :  Quia  non  efi  in  eis  re- 
wedium  ChriJIi ,  fed  vetienum  Diabcli. 

Le  Concile  de  Laodicée  ,  canon  3  e.  ordonne  qu'on 
chafTe  de  l'Eglife  ceux  qui  le  fervent  des  Phyladeres  : 
ce  canon  fe  trouve  répété  dans  le  68.  du  Concile 
d'Agde  de  Tan  506. 

Le  Concile  Quinifexte  in  Trulîo  ,  canon  61.  retran- 
che de  la  Communion  pour  fîx  ans  ,  ceux  qui  don- 
nent de  ces  Phyladeres  ou  Préfervatifs  ^  &  s'ils  con- 
tinuent de  le  faire ,  il  veut  qu'ils  (oient  chafTés  pcuc 
toujours  de  l'Egiilè. 

Le  Pape  Nicolas  L  dans  la  réponlè  aux  Bulgares 
art.  7^.  leur  apprend  que  les  Décrets  Apoftoliques 
veulent  que  l'on  frappe  d'anathéme  ceux  qui  le  fer- 
vent des  Préfervatifs  ou  ligatures ,  &  qu'on  les  chaife 
hors  de  i'Eglilè. 

Les  Pères  du  Concile  de  Tours  de  l'an  1583.  étant 
informés  que  ces  fortes  de  remèdes  fuperilitieux 
étoient  fort  en  vogue  dans  ces  Provinces ,  firent  dans 
le  titre  de  la  Profefîion  de  la  Foi ,  de  très-rigoureu- 
fès  défenfes  aux  Eccléfialliques  &  aux  Laïques ,  de  le 
fèrvir  àts  Préfervatifs  fliperllitieux  ,  &  d'y  ajouter  foi 
en  quelque  manière  que  ce  fbit  ;  &  ils  renouvelle - 
rent  le  42,  canon  du  troi/îeme  Concile  tenu  dans  la 
même  ville,  (luia  vero  ,  dilent  ces  Pères ,  non  pauci 
Ivîagos ,  Incantatorcs  ,  MaUfcos  ,  Sortilèges  Ù"  Super" 
Jiiiiofos  adeunt  ut  a  fuis  vel  fnorum  morbis  turationem, 
auxilium  opemve  inveniant ,  ecrumque  confilio  Fhylac^ 
terta,  Annulos ,  Schedas ,  CharaCîeres  pro  amiileiis  cum 
certa  precum  formula  ,  verhis  eiiam  incognitis  conccpta, 
Ô'fuhmijpi  vGce  prolata  ,  defcrunt  ;  idque  non  fine  gra-^ 
vi  animarumfuarum  darrno  atque  periculo ,  esigtnuque 

ak 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     îç)  j 

ûA  incaïuis  Sacerdotibns  Anmiloriim ,  VhylaCleriorum , 
Schcdularum  &  CharaCierum  benediCîiones.  Omnibus 
fr.tfcnim  Ecclefiajîicis ,  fiib  dcpoftionis  ,  Laicis  vero 
fitb  excommunie  adonis  pœna ,  ut  a  ■prœdiclis  omnibus 
abjlineant ,  hifve  fidcm  quâcumque  ratione  abhibeant  , 
frohibemus  ;  aliifque  prœterek  juris  &  arbitrii  pénis 
hujus  decreti  comempiores  co'érceantur. 

Scueriier  ac  diflriclt  Sacerdotibns  pracipientcs ,  ut 
juxtà  Turonici  tertii  Decretum  doceant  fidèles  populos  ^ 
magicas  artes ,  incantationefque  quibujlibet  injirmitaii- 
iiis  hominam ,  nihil  pojje  afferre  rcmedii ,  aut  animali- 
bus  languentibiis  ,  ciaudicamibufve  vel  ciiam  moribun~- 
dis  j  quîcquam  prodejfe  ,  nec  ligaturas  ojjîum  vel  herba- 
rum  Juperftiiiosè  compacîarum  cuii^uara  mortalium  ad^ 
hibitas  ejfe  adjumento  ,  fed  ijlkcec  om.iia  nihil  aliuà  du- 
cere ,  quam  occultos  antiqui  hojlis  laqueos  hamanafque 
decipulas ,  quibus  humanum  genus  inefcare  ,  atque  tan- 
dem perdere  enintur. 

Les  Conciles  de  Reims  &  de'Bordeaux  de  la  même 
année  1^83.  &  celui  de  Narbonne  de  1609,  fè  font 
aufli  efforces  de  donner  aux  Fidèles  de  l'horreur  de 
tous  ces  vains  Préservatifs. 

Il  y  a  beaucoup  de  Phyladeres  ou  Préfervatifs ,  qui 
(e  font  avec  des  mots  qu'on  écrit ,  ou  avec  des  paro- 
les qu'on  prononce  :  mais  c'eft  (Ims  fondement  qu'on 
attribue  aux  paroles  la  vertu  de  guérir  les  maladies  , 
ou  d'en  préferver  les  hommes  ou  les  bctes.  Quelles 
que  puiffent  être  les  paroles ,  fbit  qu'elles  fîgnifienc 
quelque  chofè ,  ou  qu'elles  ne  fîgnifient  rien ,  qu'el- 
les foient  prononcées  de  vive  voix  ,  ou  écrites  de 
quelques  manières  qu'on  voudra ,  elles  n'ont  ni  de 
leur  nature,  ni  de  î'inilitution  des  hommes  aucune 
vertu  ,  pour  guérir  les  maladies  du  corps,  ou  pour  dé- 
livrer de  certains  dangers.  C'eilie  (entiment unanime 
desTliéologiens  &  des  habiles  Médecins.  Il  a  été  ap- 
prouvé par  les  Conciles  qui  condamnent  générale- 
jnent  l'ulage  de  toutes  (brtes  de  Phyladeres. 

Si   les  paroles  avoient  de  leur  nature  la  vertu  de 

Î guérir  les  maladies,  il  faudroit  qu'elles  fignifiaffenc 
a  même  choie  par  tout  le  monde,  la  nature  étant  la 
|ncme  dans  tous  les  pays  \  mais  (buvent  les  mcmcs 
Tome  I,  i; 


jlç^/^  Conférences   (TAngers , 

paroies^fîgnlfient  différentes  chofes  en  dîfferens  pays* 
Elles  n'ont ,  de  rinllitution  des  hommes ,  d  autre  ver- 
tu que  d'exprimer  les  penfées  de  l'elprit  ;  c'eit  de-là 
qu'elles  ont  le  pouvoir  d'exciter  les  partions  de  l'ame 
par  les  chofes  qu'elles  lignifient.  Si  on  prétend  qu'el- 
les ont  la  vertu  de  produire  quelques  autres  effets ,  ce 
ne  peut  être  qu'une  vertu  flirnaturelle.  Or  nous  ne 
voyons  ni  dans  l'Ecriture  ni  dans  la  Tradition ,  que 
Dieu  ou  l'Eglife  leur  ayent  donné  cette  vertu  flirna- 
turelle. Il  s'enfuit  donc  que  les  effets  qu'elles  opèrent 
font  produits  par  les  Démons,  en  conféquence  d'un 
pacte  exprès  ou  tacite  fait  avec  eux.  S.  Auguftin  en 
penfe  ainfi  dansle  liv.  2.  de  la  Dodrine  Chrétienne 
cil.  io.  Ad  hoc  {faCiorum)  gemis,  dit  ce  Père ,  *^r- 
tinent  cmnes  etiam  ligatura  atqiie  remédia,  que  medico- 
rum  quoque  meàicina  commendat ,  five  in  fracantatio-^ 
nibus  ,jivè  in  quîhufdam  nous  quos  carafleres  vocam  , 
ftve  in  quihufdam  rébus  fafpendendis  atque  iiligandis  , 
vel  etiam  optandis  quoàam  modo ,  non  ad  temperationem 
corporum  j  fed  ad  quafdam  fignificationes  aut  occultas  y 
aut  etiam  manifejlas,  qua  mitiore  nomine  Phyjica  vc- 
cant  ut  quajî  non  fuperjlitione  impUcare,  fid  naturâ 
p-odejje  vidcantur. 

Les  conjurations  ou  exorcifmes,  &  les  bénédic- 
tions ou  oraifbns  qu'on  dit  fans  approbation  de  l'E-- 
gliie ,  pour  guérir  certaines  maladies  des  hommes  Se 
des  bétes ,  ou  pour  conjurer  les  chenilles ,  les  faute- 
reiies  ou  autres  infedes,  ont  rapport  aux  vaines  ob- 
fervances.  La  plupart  font  ridicules,  mal  digérées, 
&  toutes  font  fufpedes  de  fuperilition.  Si  elles  opè- 
rent quelque  effet  merveilleux,  on  ne  peut  dire  »  fms 
une  témérité  criminelle ,  qu'elles  le  produifènt  pa? 
rimlitution  de  Dieu  ou  par  celle  de  l'Eglife;  puif^ 
que  nous  n'en  trouvons  rien ,  ni  dans  les  faintes  Ecri- 
tures, ni  dans  la  Tradition,  &  qu'elles  n'ont  point  été 
approuvées  de  TEglife  ;  on  doit  donc  juger  qu'elles 
fuppofent  quelque  pade ,  au  moins  tacite  avec  le 
D.cmon. 

Aulfi  nous  ne  voyons  point  que  les  Saints  ,  qui 
avcient  reçu  de  Dieu  le  don  de  guérir  les  maladies  » 
î'attaçhafTent  fçrupulsufenient  &  luperflicieufement  ^ 


fur  hs  Commaniemàis  de  Dieu,     ipj* 

'tcrtaines  orai(bns  particulières  &  non  approuvées  de? 
l'Eglilè  ,  ou  qu'en  fe  fervant  d'oraifiins,  ils  le:i  rc- 
citall'ent  à  certaines  heures,  à  certains  jours,  dans 
cert^'.ines  circonftances  ,  avec  certaines  ccrcnionies  , 
comme  font  ceux  qui  prétendent  guérir  les  maladies  > 
en  diflmr  certaines  oraifbns ,  dans  lefqueiles  (ouvenc 
ils  abufent  des  paroles  de  l'Ecriture  fàinte  ou  des  Of- 
fices de  TEglife.  Les  Saints  Ce  lervoient  tantôt  d'une 
façon  ,  tantôt  d'une  autre  ,  du  don  que  Dieu  leuc 
avoit  accordé  de  guérir  les  maladies  ;  ils  s'en  (ervoient 
par  l'ordre  de  Dieu ,  ils  s'en  fervoient  pour  confirmer 
la  vérité  de  ia  Religion  chrétienne,  pour  convertir 
les  Infidèles  à  la  Foi  catholique ,  &  pour  donner  plus 
de  créance  à  l'Evangile  qu'ils  annonçoient.  Ceux  qui 
à  prélent  fe  vantent  de  guérir  les  maladies  par  des 
oraiions ,  n'ont  ni  ces  vues ,  ni  ces  motifs  :  c'ell  ou 
la  vanité,  ou  l'avarice  qui  les  fait  agir,  &  ils  obfer- 
vent  avec  grand  (bin  certaines  manières  de  toucher 
les  malades  &  certaines  cérémonies ,  &  ils  employent 
plu/îeurs  choies  fort  fulpedes  de  luperflition ,  comme 
ont  remarqué  les  Pères  du  Concile  de  Mexico  de  l'an 
158^.  liv.  5.tit.  6.  §.  3. 

Quand  même  on  attendroit  de  Dieu  lêul  l'effet  de 
ces  Oraifons  ,  ce  ne  fèroit  que  par  forme  de  miracle; 
or  c'eft  tenter  Dieu  de  lui  demander  des  miracles 
continuels  :  on  ne  doit  donc  point  fbuffrir  Tufàge  de 
ces  (ortes  d'Orai(bns  ,  quoiqu'elles  paro^fTent  pieufès 
Se  compofées  de  paroles  qui  (ont  prifès  de  la  fâinte 
Ecriture;  car  le  Démon  n'y  fait  entrer  ces  laintes 
paroles,  qu'afin  d'en  faire  trouver  le  poium  agréable, 
y  mêlant  un  peu  de  miel ,  comme  parle  S.  Augulliii 
dans  le  traité  7.  fur  le  chap.  i,  de  l'Evangile  de  Saint, 
Jean  *• 

a  Fîngiint  fpiritus  malî  Dm-  \  tationibus  fiilsnomen  Cbridî , 
bras  qiiafdam  honoris  fil.imcc-  quia  jain  non  i)oUiinr  fcilncccc 
iplîs ,  ut  iic  decip'iant  eos  cjui  Chnftianos  ,  ut  dcm  venentim, 
ftqtumtur  Chriftum.  Uf<jue  addunt  mtUJs  aliqu.;ntùm  ,  uc 
adcT»  ,  Fratres  mei  ,  ut  iJli  ipfi  pcr  id  quid  duUe  e(t  .  la.eac 
qui  feducunt  f.er  ligaturas ,  pcr  quod  amarum  cft,  &  bibatur  ad 
prarciintation.^s  ,  per  nuchina-  pciuiciem» 
menu  iniir.ici  mifccant  pr*tan  ■  1 


1^6  Conférences  cT Angers  ï 

L'u(age  de  ces  fortes  d'enchantemens  eu  condam- 
né par  divers  Conciles  Provinciaux  tenus  depuis  le 
Concile  de  Trente,  par  les  Statuts  l)'nodaux  &  par 
les  Rituels  de  piufieurs  Diocèfes,  qui  font  défenfes 
aux  Prêtres  de  fe  fervir  d'autres  conjurations,  ou  d'au- 
£res  bénédidions ,  que  celles  qui  font  marquées  dans 
le  Pontifical,  dans  les  Rituels  &  dans  le  Miflel,  ou  d'y 
ajouter  d'autres  cérémonies  ou  prières  fous  quelque 
prétexte  que  ce  (oit. 

Si  on  permettoit  aux  particuliers  qui  n'ont  ni  ca- 
raétere  ni  autorité  pour  cela  de  compofer  à  leur  fan- 
taisie des  oraifcns ,  des  bénédidions  ou  des  exorcil^ 
mes  pour  délivrer  les  hommes  ou  les  bétes  de  mala- 
dies &  de  dangers ,  on  donneroit  lieu  à  mille  impof- 
teurs  de  tromper  les  /impies.  L'Eglife  d'Afrique  pour 
prévenir  cet  abus ,  recommandoit  aux  Exorcilles  dans 
leur  ordination,  d'apprendre  par  cœur  les  exorcif- 
mes  qui  étoient  contenus  dans  le  livre  qu'on  leur  met- 
toit  en  main  ;  comme  il  ell  dit  dans  le  canon  7.  du 
Concile  4.  de  Carthage. 

On  ne  prétend  pas  pour  cela  condamner  en  aucune 
manière  la  coutume  des  Rois  de  France,  qui  touchent 
ceux  qui  font  malades  des  Ecrouelles.  Les  étrangers 
même  &  les  médecins  reconnoiiïent  que  nos  Rois  ont 
le  pouvoir  de  les  guérir  par  une  grâce  particulière 
qu'ils  re:joivent  de  Dieu. 

Enfin  il  y  a  une  fùperflition  qu'on  nomme  V  Oh  fer- 
vance  des  ckofes  facrées ,  qui  eft  un  abus  qu'on  com- 
met dans  i'ufàge  de  la  parole  de  Dieu,  des  Reliques 
des  Saints ,  des  Croix  &  d'autres  marques  fenfibies  de 
dévotion. 

j*^.  Quand  on  les  porte  avec  des  circonilances  vai- 
nes ,  ridicules  &  fuperRitieufès ,  comme  font  ceux 
qui  portent  l'Evangile  de  S.  Jean  ,  Jn  principio  erat 
Verlmm  3  pendu  à  leur  col,  fe  perfuadant  que  ces  feu- 
les paroles  évangéliques  ont  une  vertu  que  les  autres 
paroles  divines  n'ont  point ,  ou  qu'il  ell  néceffaire 
qu'elles  foient  écrites  par  une  certaine  personne,  à 
un  certain  jour,  fur  une  certaine  matière,  ou  liées  ou 
attachées  de  telle  manière,  fims  quoi  elles  feroienc 
inutiles,  ou  qui  accompagnent  ces  paroles  éyangcii-. 


fur  les  Commandement  de  Dieu.      1^'J 

^ues  de  mots  barbares  &  inconnus  ,  ou  qui  y  mêlent 
quelques  fauiïetcs;  &  ceux  auHl  qui  ne  veulent  por- 
ter que  des  Croix  où  il  y  ait  certains  mots  gravés 
d'une  telle  manière,  ou  qui  ne  (oient  faites  que  d'une 
telle  matière,  ou  que  pour  ctre  prclervés  d'un  certain 
mal,  ou  qui  ne  veulent  avoir  (ur  eux  que  des  Reli- 
quaires d'une  telle  figure,  ou  qui  mettent  tellement 
leur  confiance  dans  les  Croix  &  dans  les  Reliques 
qu'ils  portent,  qu'ils  croyent  qu'elles  font  capables  de 
leur  obtenir  le  bien  fpirituel  ou  temporel  qu'ils  défi- 
rent ,  (ans  fe  mettre  en  peine  de  faire  de  bonnes 
œuvres. 

z».  Quand  on  fe  fert  des  chofes  fàcrces  pour  opé- 
rer des  effets  qu'elles  n'ont  point  la  vertu  de  produire 
ri  de  leur  nature  ni  de  l'inllitution  de  Dieu  ou  dei'E- 
glife ,  fê  perfiiadant  néanmoins  qu'infailliblemenc 
elles  opéreront  ces  effets  merveilleux.  Telle  efl:  la 
fuperflition  de  ceux  qui  portent  fur  eux  l'Evangile  de 
S.  Jean,  In  principio  erat  Verbilm  ,  des  Reliques,  des 
Croix,  la  figure  de  la  Piaye  dont  le  côté  de  notre  Sei- 
gneur fut  percé ,  comme  des  affurances  de  ne  point 
mourir  de  mort  fubite  ,  ou  lans  confefTion  ,  de  ne 
point  périr  par  l'eau  ou  par  le  feu,  de  n'être  point 
bleffés  à  la  guerre. 

Quoique  dans  ces  fortes  de  pratiques  il  y  ait  une 
apparence  de  piété  ,  &  qu'elles  ne  fe  fbient  introdui- 
tes parmi  les  fîmples  que  fous  le  prétexte  de  la  dévo- 
tion, cela  n'empcche  pas  ,  comme  l'enfeigne  Gerfbn 
dans  le  traité  des  erreurs  qui  regardent  la  Magie,  au 
§.  3»  qu'on  ne  doive  travailler  à  les  déraciner  entiè- 
rement. 

S.  AuguQin  dans  le  traité  7.  fur  le  cliap.  r.  de  l'E- 
vangile de  S.  Jean  nous  apprend  que  de  Çon  tems  il  y 
avoit  des  perfonnes  qui  étant  malados  au  lit  fe  fai- 
foient  attacher  A  la  tcte  l'Evangile  de  S.  Jean,  pour 
fe  guérir  de  la  fièvre  &  des  douleurs  de  tcte,  ce  qu'il 
n'approuve  pas  par  la  raifon  que  l'Evangile  n'a  point 
été  fait  pour  guérir  les  maladies  du  corps ,  mais  que 
le  S,  Efprit  l'a  didc  pour  d'autres  fins.  Cependant  ce 
Père  marque  avoir  de  la  joie  de  les  voir  préférer  l'E- 
.vangile  aux  Ligatures ,  &  par-lù  il  fait  connoitre  que 

I  iij 


1  c)  8  Co  nférc n  c es   d'Angers , 

félon  lui  c'étoit  un  mal  de  mettre  TEvangile  à  fa  tèee 
pour  Ce  guérir,  mais  que  ce  n'en  étcit  pas  un  /î  grand 
^ue  d'aToir  recours  aux  Ligatures  ^. 

Il  ne  faut  pas  pour  cela  blâmer  ceux  qui  portent 
l'Evangile,  In  principio  erat  Vtrbum ,  pendu  à  leur 
col,  ou  des  Reliques  des  Saints,  ou  des  Croix,  ou 
quelqu'autres  marques  extérieures  de  piété  approu- 
vées par  i'Eglife,  s'ils  les  portent  avec  une  toi  hum- 
ble, avec  confiance  en  Dieu,  par  refpeél  pour  les 
Saints  &:  par  une  dévotion  pure,  où  ils  ne  mêlent 
rien  de  fliperftitieux.  On  peut  voir  fur  cette  matière 
S.  Thomas  z,  z,  (\.p6,  art.  4,  li  eH  conforme  a  ce  que 
nous  venons  de  dire. 

Enfin  nous  difons  qu'on  ell  coupable,  non-(eule- 
Tnent  quand  on  s'adonne  aux  (uperftitions  dont  nous 
avons  parlé ,  m.ais  aufTî  quand  on  coniuite  ceux  qui  en 
font  profelTîon  ,  quand  on  participe  à  leur  crime , 
donnant  aide  ,  confeil  eu  protedion  à  ceux  qui  les 
commettent ,  quand  on  leur  applaudit  par  des  louan- 
ges ou  par  quelques  autres  marques  extérieures,  ou 
quand  en  les  autorife  par  le  filence  ,  étant  obligé  par 
ion  état  à  le  rom.pre  ;  car  alors  c'eft  approuver  ces 
fuperlîitions ,  que  de  Ce  taire. 


h  Ctira  capnt  tibi  doletlau- 
ï^amu.s  h  Evangcliiim  ad  capui 
îibi  pofueris  &  non  ad  ligarii- 
ras  cucurreris.  Ad  hoc  enim 
peià'jfta  eft  infirmiias  homi- 
num,  &  ita  plangendi  fiint  ho- 
înines  qui  currunt  ad  ligaturas  , 
Ut  gâudeamus  f^uaiido  videmus 


hominem  in  \e(\o  fuoconftiîii-." 
tiiin  ,  )a'5tari  ftbribiis  &  dolo-» 
iibiis,nec  alicubi  fpcmporuif- 
fe  nifi  ut  Hbi  Evangelinm  ûd, 
capiit  concret  non  quia  ad  hoc 
faûiim  eft  ,  fed  quia  prïlaîum. 
eft  Evangelium  lisaïuiis* 


%|iif* 


n 


%.^ 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     199 


II L     QUESTION. 

QueJî'Ce  que  le  Maléfice  ,  &'  quels  font  Us 

moyens  dont  on  peut  fe  fervir  pour  ôter 

les  Maléfices  ? 


l 


LE  Maléfice  e(î  un  art  de  nuire  aux  autre?  par  la 
puifnince  du  Démon  ,  c'eft  une  efpece  de  Ma- 
ie ;  d'où  vient  que  les  Magiciens  font  appelles  Ma- 
ef.ciy  félon  la reniarque  de  faint  Ifidore  de  Seviliedans 
le  liv.  8.  des  Origines  ,  cliap.  5?. 

Cette  fuperftition  eft  un  péché  mortel  de  fâ  nature, 
non-feulement  pr.rce  qu'elle  iiippofè  un  pa(5te  avec  le 
Démon,  mais  encore  parce, qu'elle  fait  tort  au  pro- 
cliain. 

On  diflinguc  ordinairement  trois  fortes  de  Maléfi- 
ces. Le  Somnifère  ,  l'Arnoureux  &  l'Ennemi. 

Le  Maléfice  fbmnifere,  n'eft  autre  choie  que  cer- 
tains charm.es  ou  certaines  pratiques,  dont  les  Sor- 
ciers fe  fe-vcnt  pour  endormir  les  hommes  ou  les  bê- 
tes, afin  de  pouvoir  commettre  impunément  quelque 
crime.  Le  Maléfice  am.oureux  que  les  Poètes  Latins 
nomment  Phyltra  ,  efl  tout  ce  qui  fe  fait  par  iliggef- 
tion  du  Démon  pour  infpirer  un  amour  impudique. 
Il  en  efl"  parlé  dans  le  chap,  6.  de  Baruch.  &  dans  le 
3.  de  Nahum.  Le  Maléfice  ennemi  eft  tout  ce  qui  efl 
employé  en  vertu  d'un  pade  fait  avec  le  Démon , 
pour  caufer  du  dommage  au  prochain  ou  dans  Coi\  eC- 
prit ,  ou  dans  fon  corps  ,  ou  dans  fes  biens  de  for^ 
-tune. 

Quand  on  fut  du  mal  au  prochain  par  le  moyen 
des  caufes  naturelles  ,  applicando  a^iva  fa]Jîx:is ,  com- 
me parlent  les  Philofophes  ,  ce  n'efl  pas  un  Maléfice  ; 
mais  quand  pour  caufer  du  mal  au  prochain  ,  on  le 
fert  de  moyens  frivoles  &  ridicules  ,  qui  ne  peuvent 
en  aucune  manière  fervir  A  appliquer  la  vertu  des  cau- 
fes naturelles  pour  produire  cet  efîet ,  c'efî  un  vér;- 

I  iv 


200  Conférences   d'Angers , 

table  Maléfice;  comme  lorfqu'en  perçant  avec  une 
aiguille  ime  image  de  cire  en  une  certaine  partie ,  on 
fait  fouffrir  des  douleurs  extrêmes  à  un  homme  dans 
la  partie  reprélentée  par  celle  qui  a  été  piquée  ,  ou 
lorsqu'on  pend  à  une  cheminée  les  dedans  d'un  ani- 
jîial  qu'on  croit  être  mort  de  Maléfice  ,  afin  que  ie 
Sorcier  qui  l'a  fait  mourir  (èche  peu  à  peu,  &  meure 
enfin  miîerablement. 

Dieu  en  défendant  abfolument  à  Moïfè,  dans  ïe 
22  ch.  de  l'Exode ,  de  laifler  vivre  aucune  perfon ne 
xjkI  ufe  de  Maléfices  ^  ,  &  en-  ordonnant  à  (on  peuple 
au  ch.  i8.  du  Deutéronom.e,  de  ne  fbufeir  qui  que  ce 
Toit  qui  faffe  profefïion  de  Maléfice ,  nous  a  fait  con- 
jîoître  qu'il  les  avoit  en  horreur. 

Les  Pères,  les  Conciles  &  les  Papes,  que  nous 
avons  cités ,  pour  faire  voir  que  la  Magie ,  la  Divma- 
tion,  &  la  vaine  Oblervance  font  des  eipeces  d'ido- 
lâtrie ,  des  relies  du  Paganifine ,  des  ruies  du  Démon , 
&  des  illuficns  des  âmes,  difent  la  même  choie  dc5 
Maléfices,  &•  veulent  qu'en  (e  lèrve  des  peines  Eccié- 
fîaftiques  pour  en  arrêter  ie  cours.  Les  Loix  Civiles ,, 
lapportées  dans  le  Code  Juftinien  liv.  9,  tit.  t8.  de 
Malefcis  &  Maihcmaticis  ,  ordonne  qu'on  puniffe  très^ 
févérement  les  auteurs  des  Maléfices  &  ceux  qui  ea 
nient. 

Il  n'ell  Jamais  permis  de  le  fervir  de  Maléfice,  oh 
de  quelqu'autre  fuperliition  pour  oter  un  autre  Malé- 
fice ,  ni  d'engager  un  Magicien  à  rompre  par  un  Ma- 
léfice ,  un  Maléfice  qui  a  été  jette  fur  quelqu'un  ;  par- 
ce que,  félon  S.  Paul  dans  le  3.  chap.  de  l'Epitre  aux 
Romains ,  il  n'eft  jam.ais  permis  de  faire  le  mal  y 
afin  qu'il  en  arrive  du  bien  ,  &  l'on  ne  doit  jamais 
avoir  aucune  (bciété  avec  le  Démon. 

La  Faculté  de  Théologie  de  Paris  a  établi  en  ter- 
mes exprès  ce  lentiment  dans  la  fameufe  cenfure  qu'el- 
le prononça  le  15?.  Septem.bre  1398.  contre  les  Arts 
ir^agiques.  On  peut  l'appuyer  de  l'autorité  de  l'Ecri- 
ture fainte,  qui  défend,  ch.  ip.  &  20.  du  Lévitique 
de  confuiter  les  Devins  &  les  Magiciens, 

a  Malcficos  non  paîieris  vivere» 


fur  les  Co  mm  an  démens  de  Dieu,     201 

Bien  loin  que  l'Egiife  ap{)rûuve  qu'on  le  ferve  d'un 
I\lalctîce  ou  de  quel]ue  fupenlition  pour  occr  un  au- 
tre Maléfice,  le  Rituel  Romain  Tizve  de  exorcij'andis 
Oûfijfis,  le  défend  expreflcment  en  ces  termes ,  qui  (ont 
rapportés  dans  le  Rituel  de  ce  Dioccfe  au  même  Titre. 
AÎiqui  oflenditm  faûum  Ma/ejicium  &  a  qui  jus  fit  fac^ 
titm,  &  modiim  ad  iîlud  dijjipaiidum ,  fcd  cax  eat  ne  ob 
hoc  ad  MagQS ,  vtl  ad  Sagas,  vel  ad  alios  quam  ad  Ec" 
clefiœ  minijhos  ,  confugiat ,  illdve  fuperjniione  aut  alio 
modo  illkito  utatur, 

S.  Léon,  dans  le  Sermon  15?.  de  la  PafTion  de  notre 
Seigneur  ch.  5.  nous  avertit  qu'il  faut  plutôt  (ôuffrir* 
toutes  fortes  de  maux  de  la  part  du  Démon ,  que  de  cher- 
cher à  s'en  préferver  enfailànt  amitié  avec  lui  ^.  C'ed 
pourquoi  le  Can.  Si  per  Sortiarius  ^  ch.  33.  q.  i.  re- 
commande à  ceux  qui  font  afH:gés  de  quelque  I\ialéfi- 
ce ,  d'avoir  recours  à  la  pénitence  ,  aux  aumônes ,  à 
la  prière,  aux  jeûnes,  aux  exorcifines ,&  autres  re- 
mèdes fpirituels  approuvés  de  i^Egliiè  ,  comme  (ont 
le  fàcrifice  de  la  Meffe  ,  les  Sacremens ,  les  prières 
de  rEgli(e,  celle  des  gens  de  bien,  l'invocation  du 
faint  Nom  de  Jefus  &  de  celui  delà  Vierge  Marie, 
le  (igné  de  la  Croix,  Finterceflîon  &  les  Reliques  des 
Saints ,  le  pain  &  le  vin  bénis  (elon  les  cérémonies 
de  l'Eglile.  Ce  fbnt-là  les  armes  dont  nous  devons 
nous  (èrvir  contre  les  attaques  du  Démon  ,  &  contre 
les  Maléfices. 

On  doit  auQl  employer  les  remèdes  naturels  pro- 
pres à  guérir  les  maladies  caufées  par  le  Maléfice  ,  & 
purger  les  humeurs  dont  le  Démon  (e  (ert  pour  trou- 
bler l'imagination  de  la  perlbnne  maléficiée  ,  ou  pour 
altérer  (Ii  (anté  corporelle. 

Si  Ton  n'eft  pas  toujours  délivré  des  Maléfices  par 
les  remèdes  (pirituels  approuvés  de  l'Egiife,  c'ed  (bu- 
vent  la  peine  des  péchés  des  perfbnnes  maiénciéesj 
c'ell  aufli  fouvent  pour  leur  lalut ,  parce  que  les  afHic- 


l>  Mul'is,  quoddolcndiim  eff, 
îta  per  neouitijm  fimnlarioni'j 
i  lu  Uint ,  ut  qtii,1;>m  illoi  &  ti- 
meant  pati  inicnjos  &  vciinc 
h4b:rc  ^iàcacos  ,  cii;a  bénéfi- 


cia darmnnum  omnibus  dm  no- 
ccntiora  VI  Ineribiis  ,  quia  ru  • 
tiii<;  eft  homini  inir.ùcitiam  dia» 
boli  meriuflc  ,qiiàin  pacem» 

I  T 


202  Conférences  d^ Angers, 

tious  temporelles  leur  font  évirer  le  péché ,  8c  prztU 
Quer  la  vertu  de  patience.  S.  Aiiguftin  liv.  22.  de  la 
Cité  de  Dieu,  ch.  22.  ajoute  que  Dieu  ne  permet  pas 
toujours  que  les  hommes  foient  guéris  par  ces  fortes 
de  moyens ,  de  crainte  qu'ils  ne  s'attachent  à  la  Reli- 
gion que  par  intérêt  &  en  vue  des  biens  temporels  '^. 

Le  Canon  Non  liceat  c.  26.  q.  5.  condamne  à  cinq^ 
îiiis  de  pénitence  ceux  qui  font  venir  dans  leurs  mai- 
ions  des  Sorciers  ou  des  Devins ,  afin  qu'ils  otent  les 
Maléfices  que  l'on  a  jettes  fur  eux  ou  fur  leurs  ani- 
maux ^, 

Il  n'efl  pas  même  permis  d'accepter  l'offre  d'un 
Sorcier  ou  de  quelqu'autre  perfonne  qui  promettroit 
de  faire  ceffer  un  Maléfice  par  un  autre  Maléfice;  car, 
félon  S.  Paul  dans  le  premier  ch.  de  l'Epitre  aux  Ro- 
mains ,  il  efl  défendu  de  confentir  au  péché  d'un  au- 
tre ;  &  quoiqu'on  ce  cas  le  Sorcier  foit  tout  prêt  de 
faire  ce  qu'il  offre,  on  l'induit  toujours  à  commettre 
îe  péché ,  ce  qui  ne  fe  peut  faire  innocemment. 

Si  on  dit  qu'il  eiî  permis  d'exiger  le  ferment  d'un 
Païen  qui  jurera  par  fes  faux  Dieux ,  que  l'on  peut  de- 
mander les  Sacremens  à  un  miéchant  Prêtre  qui  fe  pré- 
fente pour  les  adminifirer,  on  répondra  qu'il  y  a  une 
grande  différence  entre  ces  adions  &  la  deflrudioii 
d'un  Maléfice  par  un  autre  Maléfice.  Ces  adions  fe 
peuvent  faire  fans  crime,  n'étant  pas  mauvaifes d'elles- 
mêmes  ;  car  un  Païen  peut  jurer  par  le  vrai  Dieu,  & 
on  ne  lefbllicite  pas  de  jurerpar  les  faux  Dieux ,  mais 
fimplernent  de  jurer;  un  Prêtre  peut  fe  purifier  de  fes 
péchés  avant  que  d'adminiflrer  les  Sacremens  ;  ainfî 
on  ne  les  induit  pas  à  upie  chofe  mauvaife  par  elle- 
même  ,  ni  à  un  péché,  mais  à  une  chofe  qui  efl  bon- 
ne de  fa  nature ,  &  quife  peut  faire  fans  péché.  Mais 


Vf 


tiam  ipfa  bcncfîcia  tribuur.tur 
j)ftentibus ,  ne  j-ropier  hoc  re- 
liL'io  qtisraiur,  quse  propter 
aliam  ma^is  vit^m  ,  ubi  nala 
non  erunt  omninô  ulla  ^  «iU2« 


renda  ef^. 

d  <,i  qiiis  Paganorum  confue- 
tudincm  fequcns  ,  Divines  & 
Sortilcgos  in  domum  ftiam  in- 
troduxtrlt .  quajfi  ut  malmn  io- 
t)is  mittanr,aut  malet  cia  in- 
venianc,  quinc^ue  annis  j:cEni- 
jcniiâip  aganij 


fur  hs  Commandemens  de  Dieu,      203 

Dn  Sorcier  ne  peut  rompre  un  Maléfice  par  un  autre 
Maléfice,  qifii  n'ait  focictc  avec  le  Démon  ,  &  qu'il 
n'agifTe  en  vertu  d'un  paAe  fait  avec  lui,  ce  qui  ne 
peut  Ce  faire  (Ims  crime.  Quand  on  a  donc  une  certi- 
tude morale  que  le  .Aîaléficc  ne  (era  rcmpu  que  par  un 
autre  Maléfice,  on  ne  doit  pas  accepter  l'oftVe  de  ce- 
lui qui  fe  prcfenteroit  pour  le  faire.  Or  l'on  ei\  mora- 
lement certain  que  le  Maléfice  fera  oté  par  un  autre 
Maléfice  ou  par  quelque  fuperilition ,  lo'-rque  la  per- 
fonne  qui  s'offre  à  l'oter  n'ell  pas  l'auteur  du  Alaléfî- 
ce,  ou  n'a  pa-;  (l^u  de  l'Auteur  la  manière  dont  le  Ma- 
léfice a  été  jette. 

Si  l'auteur  même  du  Maléfice  s'offroit  à  Foter ,  ou 
fi  le  connoilTant,  on  l'en  prie,  ou  fi  on  l'y  contraint, 
&  qu'on  n'ait  point  lieu  de  croire  que  le  Maléfice  fera 
détruit  par  un  autre  Maléfice,  cela  jfê  peut  faire  fims 
péché  du  coîé  de  la  perfonne  maléficiée  ,  pourvu 
qu'elle  renonce  fincérement  à  tout  pade  avec  le  Dé- 
mon, &  à  vouloir  Ce  fervir  «n  aucune  manière  de  Con 
aide. 

Conféquemment  nous  dirons  qu'il  efi  perm.is  de  dé- 
truire les  fignes  magiques  des  Maléfices  ,  pour  empê- 
cher l'effet  du  pade  qui  auroit  été  fait  avec  le  Dé- 
mon. Ce  n'ell  pas  qu'on  croye  que  ces  Cignes  ayenc 
aucune  vertu  ou  aucun  pouvoir ,  mais  c'efi  qu'on  eCki- 
me  que  le  Démon  ,  fuivant  ia  convention  arrêtée 
avec  lui,  continuera  de  nuire  par  la  permifilon  de 
Dieu,  tandis  que  le  Ggne  du  pade  fubfifierA  :  bieni 
loin  qu'il  y  ait  en  cela  rien  de  criminel,  ceû  un  mé- 
pris que  l'on  fait  de  la  puifTance  du  Démon  que  l'on 
déteÛe.  C'ert  pour  cela  que  le  Rituel  Romain  &  celui 
d'Angers  dans  le  Tit.  dt  cxorcifandis  Où  fe  (fis  y  ordon- 
nent aux  Exorcilîes  de  commander  au  Démon  qu'il 
ait  A  déclarer  s'il  efi  détenu  dans  le  corps  du  Poficdé 
par  quelques  fignes  ou  par  quelques  infirumensde  Ma- 
léfice, 8c  où  ils  font,  afin  qu'on  les  brûle  '^, 


e  Jubcat  D.^monem  diccrc,  j  mcnta  ,  quae,  fî  ObrcflTus  ore 
an  c'ccinf-?n!i  in  iilo  corpore  fi^mpferit ,  cvo.nar,  veWî  aliU 
ob  aiiu(i-.^m  opcrarn  maçicjm  ,  extra  corpus  fucrint ,  ea  rcve* 
auc  makfica  figna  ,  vclinftru-  I  lei  ,  &  inventa  cr>mburari;v.r^ 


I 


VJ 


r04  Conférences    à^ Angers  ; 

Il  eiî  donc  permis  de  chercher  les  /îgnes  magîqiîej;^ 
&  de  tâcher  de  les  découvrir ,  afin  de  les  détruire , 
pour  obliger  le  Démon  à  cefTer  de  nuire ,  ou  pour  re^ 
couvrer  la  (ànté.  On  ne  voit  pas  qu'il  y  ait  en  cela 
rien  d'illicite;  car  encore  qu'il  ne  foit  pas  permis 
d'attendre  aucun  effet  d'un  pade  avec  le  Démon ,  il 
jî'a  jamais  été  défendu  de  détruire  le  pade  que  d'au- 
ires  auroient  fait  avec  lui,  8c  celui  qui  tâche  de  dé- 
truire les  /îgnes  magiques,  n'a  pas  intention  d'invo- 
quer le  Démon  pour  le  faire  cefTer  de  nuire ,  il  veut 
ièulement  ruiner  fbn  ouvrage  &  Vy  forcer  lui-même , 
non  pas  en  le  priant,  mais  en  lui  commandant  de  la 
part  de  Dieu  &  en  Ton  faint  Nom, 


t£&jiSïiïiSiiiiiA. 


IV.      QUESTION. 

^u'ejî'ce  que  le  Sacrilège  ?  Quelles  en  font  les 
différentes  efpeces  ?  Queft-ce  quon  entend  par 
r Impiété ,  Gr  qu^efî-ce  que  tenter  Dieu  f 

LE  mot  de  Sacrilège  pris  généralement,  fîgnifîe 
toute  forte  d'irrévérences  commifes  contre  Dieu-, 
Dans  le  fèns  étroit  il  fignifie  l'abus  qu'on  fait  des  cho- 
ies faintes  ou  facrées  avec  profanation. 

Abufer  des  chofes  fiiintes  ou  fàcrées,  ceù.  s'en  fer- 
vir  à  des.  ufâges  oppofés  à  ceux  auxquels  elles  font 
deflinées  ;  en  quoi  il  y  a  toujours  profanation  ,  quand 
cela  £ê  fait  avec  coiindifTance  &  de  propos  déli- 
béré. 

On  peut  abufer  des  chofês  fàintes  en  deux  maniè- 
res. \^,  En  s'en  fèrvant  à  des  ufages  qui  en  foi  font 
licites ,  &  qui  ne  deviennent  mauvais ,  que  parce 
qu'on  y  employé  des  chofes  fàcrées  &  uniqueme'ît 
deilinées  au  culte  de  Dieu.  Tel  fut  le  crime  de  Pal- 
thazar  ,  qui  dans  un  feflin  qu'il  donna  aux  Grands  de 
fo!)  Royaume,  fe  fervit  pourboire  des  vailTeaux  que 
fon  père  avoit  enlevés  du  Temple  de  Jerufliiem,  ^QSiXp, 
3Qse  il  eil  rapporté  dans  le  ch.  5 .  de  DaJÙel* 


fur  Us  Co  mm  an  démens  de  Dieu»      20  f 

1°.  En  Ce  (ervantdeschofes  (acrces  à  des  udiges  qui 
font  de  foi  illicites  &  criminels,  comme  font  les  En- 
chantemens  &  les  Sacrilèges,  pour  lefqiiels  les  Magi- 
ciens Ce  fervent  ordinairement  de  ce  qu'il  y  a  de  plus 
Saint.  Sous  le  nom  des  choies  Saintes  ou  Sacrées, 
nous  entendons  toutes  celles  qui  par  une  loi  divine  ou 
ecclc/iaflique  (ont  condicrées  à  Dieu ,  ou  qui  félon 
le  rit  public  de  FEglile,  font  deftinces  au  culte  de 
Dieu ,  Icfquelles  ont  ainfî  un  rapport  fpccial  à  Dieu , 
&.  en  cette  qualité  méritent  qu'on  aie  pour  elles  un 
refpeâ:  paiticulier;  de  forte  que  /î  on  les  traite  indi- 
gnement ,  on  peclie  contre  la  vertu  de  religion  ,  & 
rinjure  rejaillit  fur  Dieu  même. 

Le  Sacrilège  eu.  de  fà  nature  un  péché  mortel,  qui 
eft,  comme  nous  venons  de  dire,  oppofé  à  la  vertu 
de  religion.  Il  eft  facile  de  juger  de  i'énormité  de  ce 
crime  par  la  griévcté  des  peines  dont  les  fàintes  Ecri- 
tures, ch.  10.  du  Lévitique,auliv.  i.  des  Rois,  ch.4.& 
6.dansleliv.  i.ch.6.  &  dans  le  ch.  5.  de  Daniel,  nous 
apprennent  que  Dieu  a  puni  les  facriléges  de  Nadab  8C 
d'Abiud  fils  d'Aaron,  d'Ophni  &  de  Phinces  enfans 
d'Heli,  des  Rethfamites,  d'Oza ,  qui  eut  la  témérité  de 
porter  la  main  à  f  Arche  d'alliance,  de  Balthazar  qui 
profanales  vafes  facrés  de  la  maifbn  du  Seigneur,  Sec, 

La  colère  que  Jefds-Chriil  fit  paroître  contre  ceu:i 
qui  vendoient  des  bœufs  &  des  moutons  dansleTem- 
pie,  comme  il  eft  rapporté  dans  le  2.  ch.  de  l'Evan- 
gile feJon  S.  Jean ,  nous  doit  infpirerune  grande  hor- 
reur de  ce  péché  ;  auffi  les  loix  civiles  ont  prononcé 
la  peine  de  mort  contre  ceux  qui  font  coupables  de 
certains  Sacrilèges. 

Le  Sacrilège  fe  divifê  en  trois  ef})eces,  fuivant  le 
différent  genre  des  chofes  fiiintes  contre  lefqueiles  on 
le  commet,  qui  font  les  perfbnnes  eccléfiafHques  ou 
religieufès,  les  lieux  faints ,  &:  les  choies  qui  fervent 
au  culte  de  Dieu.  On  commet  un  Sacrilège  contre  les 
perfônncs  eccicnaili]ues,  lorfqu'on  frappe  par  i'inili- 
gation  du  Démon  un  Ecclé(:aflique,  un  Religieux  ou 
une  Religieufe,  ou  lorfqu'on  commet  un  péché  d'im- 
pu'-cté  avec  une  perfonnc  engagée  dans  les  Ordres 
fdtrés ,  ou  qui  a  fait  profeifion  de  challeté ,  coinra.e 


iio6  Conférences   d'Angers , 

EiuiTi  iorfque  ces  perfonnes  tombent  dans  quelque  pe-^ 
ché  d'impureté ,  foit  que  ces  impuretés  ne  foiQUî  que 
dans  la  volonté ,  foit  qu'elles  s'accompliiTent  par  des 
adions;  parce  que,  fuivant  l'opinion  commune  des 
Théologiens ,  ces  péchés  font  cenfés  bleiïer  direde- 
ment  la  fainteté  des  perfbnnes  ecclé/iaftiques.  Les 
autres  péchés  qu'une  perlbnne  facrée  commet ,  ou 
qu'on  com.met  contre  elle^  ne  font  pas  proprement 
des  (àcriiéges  ;  de  forte  que  fî  on  Ce  fâche  contre  une 
perfônne  lacrée,  uns  lui  faire  aucune  violence,  ouiï 
on  lui  vole  une  chofe  profane,  ou  fî  une  perfônne  fa- 
crée Ce  fâche  ou  fiit  quelque  vol,  ce  ne  font  pas  pro- 
prement là  des  fàcriléges ,  ces  fautes  n'attaquant  pas 
diredement  la  fainteté  des  perfbnnes.  lllud  fclum  pec- 
catum  facrce  perfona  facrileginm  e(î ,  dit  S.  Thomas 
2.  2.  q.  iP^.  art.  3.  dans  la  réponfe  à  la  trolfîeme  ob- 
jedion,  quod  agitiir  direâïè contra  ejus  fan^iitaiem. 

Les  Canonises  prétendent  qu'on  commet  en  quel- 
que manière  un  fàcrilége  contre  les  perfbnnes  ecclé- 
iiaiîiques ,  quand  on  les  traduit  devant  les  Juges  Cé- 
culiers  contre  la  difpofition  des  Canons.  Mais  il  fauc 
obfèrver  que  ,  félon  les  Ordonnances  du  Royaume  , 
ies  Clercs  ne  jouifTent  pas  du  privilège  du  for  Ecclé- 
fîafîique  en  toutes  fbrtes  de  caufès ,  &  que  pour  en 
]oiiir  il  faut  qu'ils  fbient  promus  aux  Ordres  (acres  , 
ou  au  moins  qu'ils  foient  pourvus  d'un  Bénéfice,  ou 
attachés  au  fervice  d'une  Eglife,  ou  écoliers  étudians 
aéiueilement ,  comme  il  ed:  porté  par  l'art.  4c.  de 
l'Ordonnance  de  Moulins  ,  &  par  la  Déclaration  du 
Roi  Charles  IX.  du  mois  de  Juillet  1566.  fur  cet  ar- 
ticle 40. 

Les  lieux  fâints  contre  leiquels  on  peut  commettre- 
un  fiicriiége,  fbnt  ceux  qui  ont  été  confacrés  ou  bénis 
parl'Eveque  ou  par  fa  permifTion,  afin  qu'on  y  of^re 
le  fàint  facrifice  de  la  MefTe,  ou  qu'on  y  adminflre 
les  Sacremicns,  ou  qu'on  y  célèbre  l'Ofïice  divui ,  ou 
qu'on  y  enterre  les  corps  des  fidèles,  com.me  font  les 
Eglifes,  les  Ch.apelles ,  les  Cimetières.  Ces  lieux 
étant  devenus  faints ,  on  ne  doit  plus  s'en  fervir  pour 
des  ufàgcs  profanes,  &  on  doit  les  relpeéter. 

On  commet  un  fàcrilége  à  l'égard  de  ces  lieux.  5 


fur  les  Commandernens  de  Dieu,     2(yy. 

1^,  Quand  on  viole  ]'.i  faintetc  par  des  a(5tions  ccn- 
tr.iircs  au  culte  de  Dieu  pour  lequel  ils  (ont  dcflinés  5 
ce  qui  arrive  quand  on  ruine  ks  Egiiles  ,  qu'on  les 
Lriiie  ,  qu'on  les  pille  ,  qu'on  en  brife  les  portes  ^ 
qu'on  les  fouille  par  un  homicide,  par  une  eftuficn 
considérable  du  fang  humain,  par  une  fornication, 
ou  une  pollution  volontaire  ,  par  la  fcpukure  d'un 
infidèle,  d'un  homme  non  baptilc  ,  d'un  hcrctiquc 
ou  d'un  excommunié  nommément  dénoncé  ,  ou 
qu'on  les  convertit  en  des  lieux  profanes ,  comme 
lorfqu'on  en  fait  des  Greniers,  des  Etabics,  ou  des 
Ecuries. 

1^,  Quand  on  fiit  dans  ces  lieux  des  a(fî'ions  pro-- 
fiincs  qui  (ont  centre  le  refpeâ:  qui  leur  eft  du ,  le(^ 
quelles  à  railbn  de  l'irrévérence  qu'elles  renfermenc 
ou  du  trouble  qu'elles  apportent  à  i'Olîice  divin,  ou 
du  (candale  qu'elles  cauient,  peuvent  être  un  péché 
mortel;  comme  quand  on  y  tient  un  marché,  on  y 
fait  trafic  de  quelque  marçhandife  que  ce  (bit ,  on  y 
joue,  on  s'y  promené,  on  y  cau(e,  on  y  plaide,  on 
y  tient  des  affemblées  profanes,  on  y  rcprc(ente  des 
jeux  ou  des  farces. 

Le  Pape  Grégoire  X.  dans  le  Concile  de  Lyon  z 
défendu  que  ces  fortes  de  chofes  fe  f  ffent  dans  les 
lieux  (àints.  Voici  les  termes  de  fbn  Décret,  qui  efi 
rapporté  au  ch.  Dccet.  de  immiinitatc  Ecclejïarnm'm  6'^^ 
Niilliis  in  locis  eifdim  ,  hi  quibus  ci:m  pace  ù"  qiiiet'f 
uota  conienh  ceJcLrare  ,  fcditioyicm  excite t ,  ccKClama-' 
tionem  moveat,  im^etumque  commiitaî.  CcJJlat  in  Iccis 
illis  unizerfitawm  &  jocietatum  qitariimlibet  Concilia > 
Conciones  ù"  pttUica  Tarlomenid.  Cejfent  vana  &  muho 
fcrii]is  fœda&  frofaua  colloqiiia.  Ccjjhit  ccnfahiilaiionct 
qiia:Jibct.  Sint  pofiYLmo  qu^cumque  alia  y  qux  divimim 
pojfiou  lurbare  O-f.ciiim,  am  gcuIcs  divina  MajefiatiJ' 
cjj'endcreah  ipfis  prorfiis  extranca ,  ne  ubi  feccaicnmt  cjî 
venia  poJIuLwda,  ihi  peccandi  dcttir  cccafio ,  aiu  dcprc-^ 
hendantur  peccata  ccmmiui,  Ccjjem  in  Ecclcjiis  car  uni- 
que Camcteriis  ncgociationcs  &  pmcipue  mn.diihV'um  ac 
fori  citjttfcu?nque  tiimiiltus  ;  omriis  in  eis  fivcnJariitmjU" 
diciori-m  Jîrcpims  conqtiiejcat  ;  ntilla  inibi  caufa  pîf 
La'icos,  crimi.ialis  maxime,  agitçiuït 


i:o8  Conférences  d^ Angers  ; 

La  troifieme  efpece  de  Sacrilège  Ce  commet  cofttr^ 
les  chofes  qui  fervent  au  culte  de  Dieu.  On  divife  ces 
chofes  en  cinqclafles,  dont  la  première  comprend 
les  Sacremens.  Si  en  les  adminifîrant  il  arrive  quelque 
manquement  qui  en  empêche  la  validité,  Ci  on  les 
adminilire  en  état  de  péché  mortel,  fî  on  les  reçoit 
indignemient.  Ci  on  les  vend  ou  on  les  acheté,  fi'oii 
y  change  notablement  les  cérémonies  ou  rits  accou- 
tumés ,  ou  /î  on  y  en  introduit  d'autres  ,  on  commet 
des  facriiéges  ;  &  comme  TEuchariftie  eft  le  plus  no- 
ble &  le  plus  excellent  de  tous  les  Sacremens,  le  plus 
grand  de  ces  (acriiéges,  efl  loriqu'on  viole  ou  qu'on 
profane  ce  Sacrement  en  quelque  manière  que  cefoit. 
On  eft  cenfé  le  profaner,  Ci  l'on  ne  conferve  pas  avec 
décence  la  (àinte  Euchariftie,  ou  fî  Ton  néglige  tel- 
lement de  renouveller  les  eCpeces  facrées,  qu'elles  fè 
corrompent  faute  d'avoir  été  renouvellées  félon  l'u- 
fàge  du  Diocelè. 

On  regarde  auffi  comme  un  Sacrilège  le  mauvais 
ufàge  du  iaint  Chrême  &  des  faintes Huiles,  comme 
feroit  de  les  manger,  ou  de  s'en  fervir  à  d'autres  ufa- 
ges  que  ceux  auxquels  l'Egliiè  les  employé.  C'eft 
aufîl  en  quelque  manic-e  un  facrilége  que  de  les  lail- 
fer  corrompre,  &  de  ne  pas  tenir  nets  &  propres  les 
Sacraires  ou  les  Fonts  baptifmaux ,  &  de  foufinr  qu'il 
s'y  amaffe  des  ordures. 

On  rapporte  à  cette  eCr,ece  de  (acrilége  l'abus  qu'on 
fait  des  céréinonies  de  TEglife  en  les  repréfentant  par 
bouffonnerie  ou  en  les  tournant  en  ridxuie. 

Nous  m.ettons  dans  la  féconde  ciafîe  les  vafes  fâ- 
crés ,  comme  font  les  Calices ,  les  Patènes ,  les  Ci- 
boires &  les  Corporaux.  S'en  fervir  à  des  ufàges  pro- 
fanes ,  c'efl  un  facrilége  que  le  feptieme  Concile  gé- 
néral dans  la  définition  de  foi  rapportée  dans  la  fep- 
tieme adion  ,  &  le  troifieme  Concile  de  Eragues 
qu'on  croit  avoir  été  tenu  en  l'an  675.  punilTent  de  la 
dépofition  dans  la  perfbnne  des  Clercs ,  8c  de  l'ex- 
communication dans  celle  des  Laïques.  Ce  feroxt  pa- 
reillement un  facrilége  de  vendre  la  binéd.dion  de 
ces  vaiffeaux,  ou  de  les  vendre  plus  cher  fous  pré- 
texte qu'ils  font  bé»is. 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu.     20^ 

C'eft  un  péché  qui  approche  de  ce  (âcrilége ,  que  de 
toucher  ces  va(es,  quand  on  neù.  pas  dans  les  Ordres 
làcrés ,  ou  qu'on  n'en  a  pas   obtenu  la  permidion. 

Dans  la  troi/iemc  clafle  (ont  compris  le  texte  des 
fàints  Evangiles,  les  Reliques  des  Saints,  les  Croix, 
les  Images  de  Jefus-Chriil  &  des  Saints.  Quand  on 
les  foule  aux  pieds,  qu'on  les  brife,  qu'on  les  désho- 
nore ,  on  commet  un  lîicrilcge ,  contre  lequel  le  (ep- 
tieme  Concile  général  prononce  pareillement  la  dé- 
po/îtion  &  l'excommunication. 

C'eft  un  crime  qui  a  du  rapport  à  ce  fàcrilége,  que 
de  fe  fervir  des  paroles  &  des  (entences  de  la  (ainte 
Ecriture  pour  des  fupenlitions ,  pour  des  bonne- 
ries,  pour  des  hiftoires  fabuleufès,  pour  des  Hatteries 
ou  des  détradions,  pour  des  libelles  diftamatoires* 
Le  Concile  de  Trente,  rèfîion  4.  veut  que  les  Évêques 
s'efforcent  de  réprimer  cet  abus  par  les  peines  de 
droit  &  par  d'autres  arbitraire,s  ^, 

On  peut  encore  mettre  dans  ce  rang  le  Pain  béni, 
l'Eau  bénite,  8c  le  Cierge  Pafcal.  C'efl:  une  efpece  de 
fàcrilége  que  de  les  profiiner  ;  par  exemple,  fî  on 
donne  le  pain  béni  à  manger  aux  chiens. 

La  quatrième  claiïe  renferme  les  ornemens  dont 
fe  revêtent  les  Miniiires  de  i'Égiifb,  &  ceux  dont  on 
pare  les  Autels.  Il  y  a,  (elon  le  (entiment  des  Pères  du 
troifiéme  Concile  de  Eragues,  un  (Iicriiége  à  les  con- 
vertir a  d'autres  ufàges  :  aufll  ce  Concile  prononce  des 
peines  ecclé/îalliques  contre  ceux  qui  olènt  le  faire  ^\ 


n  Sicrofan^a  Synodus  teme- 
ritat-m  il  au  rcprimcre  vo 
lenv  ,  ijiiâ  a(l  profjm  qiKïrjiic 
conv.T  iintii  •  ,  &  torq'icntur 
verba  Se  ffnten-ix  TacraeStrip 
tiira?  ,  ad  fciirrili,.  fciiicct,  fa- 
btilofa  ,  vana  ,  adnlattones  , 
«ivtrecV^tionts  ,  Tup^ilticiones 
jmpi<is  ,  &  diabolicas  incanta- 
tionos  ,  divinationes  ,  fortes  , 
lii)ellos  eria  M  famofos  ,  man- 
dat &  prxcipir,  atl  rollen:!ain 
hii)»fajo.1i  irrevcrennann  & 
(comcn)ptum  ,    ne    de  ca::cro 


quîrquam  qiiomodolibct  verba 
^rriptiirx  furi  a;i  hïc  (5f  fini- 
lia  auclcac  iifurfiarc.  Ut  omiiea 
hnjus  gcneris  honiincs  ,  îeme- 
ratores  Se  violatorcs  verbi 
Dti  ,  juris  ôc  arbitrii  [  œnis  per 
tpifcopos  coerceantiir. 

b  Sub  hac  qiioqne  damnatio- 
nis  ff  ntemia  Si  illi  obnoxii  te- 
nebuntdr  ,  qui  ecclefianica  or- 
nementa ,  vêla,  vel  alia  qiix» 
libet  indumînta  atque  etiara 
iitcnfîlia  fcicado  in  fuos  uC>A^ 
tiAnAuierimt 


tiîO  Confàeîîces   d'Angers , 

On  ne  peut  donc  excufer  ceux  qui  Ce  fervent  des  chaps 
pes  d'Egiife  pour  couverture  de  lit. 

Le  Canon  ad  Nti^tianim ,  did.  i.  de  Confecratione, 
défend  que  l'on  falle  fervir  les  ornemens  d'Eglifèaux 
pompes  des  noces.  Le  Can.  Aharis ,  &  le  Can.  Nemo^ 
au  même  endroit,  ordonnent  qu'on  ne  mette  point 
iur  les  Autels  des  nappes  qui  ayent  fervi  à  couvrir  les 
corps  des  Morts. 

On  regarde  comme  des  (âcriléges  ceux  qui  fe  dégui- 
fent  en  habit  d'ecclcfiaftique ,  de  Religieux  ou  de  Re- 
îigieu(ès  dans  les  Bals,  Comédies  ou  Farces. 

Enfin  on  met  dans  le  cinquième  rang  les  biens  meu- 
bles ou  immeubles  deihnés  à  l'entretien  des  Fabriques 
&  des  Miniilres  de  l'Eglife  ;  ainfi  on  n'eiî:  pas  exempt 
de  facrilége  quand  on  uParpe  les  dîmes  ou  les  autres 
droits  qui  appartiennent  aux  Egliies ,  ou  quand  on  ra- 
vage les  terres  de  TEglifè,  ou  que  Ton  s'empare  des 
dom.aines  dépendans  des  bénéfices;  cr.r  quoique  ces 
biens  foieiit  de  leur  nature  temporels  Se  profanes,  la 
deftination  qui  en  a  été  faite  les  a  rendus  facrés.  Ce 
qui  a  fait  dire  à  S.  Thomas  i,  i.q.  99,  art.  3,  que  qui- 
conque pèche  par  rapport  à  ces  biens ,  tombe  dans  un 
fàcrilege  *^. 

Il  faut  expliquer  en  confefïion  la  nature  du  (âcrilége 
qu'on  a  commis ,  parce  que,  comme  enfeigne  S.  Tho- 
mas dans  le  même  endroit ,  le  fàcrilege  félon  les  dif^ 
férentes  eipeces  renferme  une  différente  malice ,  & 
toutes  choies  étant  d'ailleurs  égales  ,  il  eft  plus  ou 
inoins  énorme  à  proportion  que  la  choie  facrée  qu'on 
traite  avec  irrévérence  efl  plus  ou  moins  fàinte. 

Les  chofes  font  en  difterens  dégrés  de  fainteté  félon 
le  différent  rapport  qu'elles  ont  à  Dieu  ;  car  plus  une 
chofe  y  a  rapport,  plus  elle  eH:  digne  de  refpeft,  plus 
elle  eîï  fainte,  plus  elle  ell  ilicrée.  Ainiî  comme  les 
personnes  ont  un  rapport  à  Dieu  plus  immédiat  que 
n'ont  les  lieux  fàcrés ,  puifque  la  làinteté  du  lieu  lè 
rapporte  aux  perPonnes,  félon  ce  qui  éfl  dit  dans  le 
li\.  z,  des  JMachabées  ch.  5.  que  Dieu  n'a  pas  choifî 


c  Quicumqne  contra  qiiod-  |  crimen  facrileeiî  incurriî» 
^.umçj^ue  pra?di*5ioriim  peccàC, 


fur  les  Commandemens  de  Dieu*      2.11 

le  peuple  àcauie  duTeinple,  mais  le  Temple  à  cau(ê: 
du  peuple;  le  fucrilcge  qu'on  commet  contre  les  per- 
fonnes,  ell  plus  énorme  que  celui  qu'on  commet 
contre  len  lieux  (ainrs ,  fLippofc  que  toutes  chcfes 
foient  d'ailleurs  égales;  car  frapper  légèrement  un 
Prêtre  eft  un  péché  moins  grief  que  de  piller  une 
Eglife  avec  fracfîure. 

De  plus  le  làcniége  renferme  (buvent  plu/îeurs  dijp' 
férens  péchés  auxquels  il  ajoute  une  nouvelle  malice,, 
outre  qu'il  y  a  dt-S  H'xriléges  qui  entraînent  avec  eux 
l'obligation  de  fatisf^^ire,  ou  dcreftitucr,  &  qu'à  d'au- 
tres il  y  a  des  cenfures  attachées;  c'ell  pourquoi  il  no 
faut  j)2c  manquer  d'e>ipliquer  en  confefTicn  l'efpece  du 
fàcriiéi^e. 

Saint  Thomas  au  même  endroit  remarque  que  dans 
chaque  ellxce  de  lacrilége ,  il  fe  rencontre  aufii  difie- 
rens  degrés  de  malice ,  car  la  mcme  irrévérence  coni- 
lîiife  di.ns  un  Cimetière,  n'cd  pas  li  gricve  que  ii  elle 
avoir  été  ccmmife  dans  une  E'glifé;  de  même  le  viole- 
ntent qu'on  fait  de  la.  faincecé  d'une  Eglife  en  y  répan- 
dant le  (ang  d'un  homme,  ell  bien  plus  grand  que  il  on 
y  fait  un  vol. 

Le  (acriiége  peut  devenir  véniel,  par  l'inadver- 
tence  ,  par  le  manque  de  conlentement,  par  la  lé- 
gèreté de  la  matière  ,  ou  par  l'ignorance  du  cou- 
pable. 

Quoique  l'abus  de  toutes  les  choies  consacrées  à 
Dieu  (oit  un  lacrilége,  néanmoins  il  n'y  a  que  l'abus 
delà  trcs-Hiinte  Euchariftie,  du  Chrême  &  des  laintes 
Huiles,  qui  (bit  un  cas  réfervé  dans  ce  Diocefe;  en- 
core faut-il  qu'il  (bit  fait  malicieufement,  par  mépris 
&  avec  impiété,  comme  (i  on  jette  par  terre  l'Euclia- 
riil'e,  on  la  foule  aux  pieds,  on  la  donne  à  manger 
aux  bctes ,  on  s'en  fert  pour  des  maléfices  ou  des  cn- 
chantemens  ;  ou  fi  l'on  traite  avec  la  mcme  indignité 
le  Chrême  ou  les  (îiintes  Huiles,  ou  fî  l!on  s'en  lert  à 
des  ufages  proLnes  ou  mauvais. 

Pour  ceux  qui  en  abufent  par  inadvertcnce  ou  par 
ignorance,  ils  ne  tombent  pas  dans  le  cas  réfervé, 
parce  que  l'abus  n'eil  que  matériel,  ni  ceux  non  plus 
^ui  par  dévQtion  fe  fs^rvem  des  chofcs  facréçs  poui^ 


'212  Conférences  d'Angers  l 

d'autres  ufàges  que  ceux  pour  lefquels  elles  ont  ht 
înflituées  ;  par  exemple ,  ceux  qui  fe  ferviroient  àt5 
iàintes  Huiles  pour  guérir  une  maladie;  parce  qu'il  ne 
fiiffit  pas  qu'il  y  ait  abus  pour  que  le  cas  foit  rélervé", 
mais  il  faut  que  cet  abus  foit  accompagné  d'impiété, 
Frofa'tiaiio  feu  imphis  ufus  facrofanÙce  Eucharijlice  , 
CJirifmcitis  j  Ù'  Ofei  fanfli.  ï\  n'eft  cependant  pas  per- 
mis de  fe  fervir  par  dévotion  du  Chrem.e  &  des  iaintes 
Huiles  pour  d'autres  uiâges  que  ceux  auxquels  ils  font 
dellinés,  comme  nous  l'avons  déjà  dit.  Le  Concile 
VI.  d'Arles  de  l'an  813.  ncus  le  fait  entendre  dans  le 
18.  Canon,  oij  il  ordonne  aux  Prêtres,  de  garder  le 
S.  Chrême  enfermé  (ous  la  clef,  &  leur  défend  fous 
peine  de  dépofîtion  d'en  donner  à  perfonne  pour  fer- 
vir  de  remède  ,  ou  pour  quelque  autre  raifbn  que  ce 
foit,  parce  que  c'eft  une  eipece  de  Sacrement  qui  ne 
doit  être  touché  que  par  les  Prêtres.  Ut  Tresbyteri  fub 
jtgillo  cuJJoàiant  Ckrifma ,  Ù"  ntilli  fitb  ^rœtexiu  medi^ 
chiœ  vel  ciijujlîbet  rei ,  dcnare  Drcefumant.  Genus  enim 
facranienti  efi  Ù"  non  ab  aliis  nifi  a  Sacerdoiibus  contin- 
gi  débet  3  qiiod  fi  fecerint i  honore  tiriventur.  On  trouve 
unefèmbiable  Ordonn.  dans  le  Concile  de  Mayence  , 
Can.  zj.  &  dans  le  3^.  de  Tours,  Can.  20.  qui  ont  été 
tenus  la  même  année  8 13. 

On  appelle  ordinairement  impiété  toute  injure  faite 
à  Dieu;  mais  ce  terme,  dans  un  fens  moins  étendu  , 
fignifie  manquer  de  religion ,  n'avoir  point  de  (enti- 
ment  des  chofes  du  Ciel  ,  négliger  entièrement  le 
lalut  de  fbn  am^e,  faire  gloire  de  fès  crimes  :  c'efl 
ain/i  que  S.  Grégoire  le  Grand,  liv.  25.  des  Morales 
fiir  Job,  ch.  10.  prend  le  mot  d'impiété. 

Tenter  Dieu,  c'eft  dire  ou  faire  quelque  chofe  fans 
aucune  jufîe  cau(e  pour  éprouver  la  puilfance  ,  la 
bonté,  ou quelqu'autre  des  perfeftionsde  Dieu  parun. 
effet  extraordinaire,  ou  attendre  de  lui  quelque  choie, 
iàns  (e  (ervir  des  moyens  que  nous  avons  en  mam ,  ou 
lui  demander  fans  nécefrité&  fans  fondement  ce  qu'il 
ïi'a  pas  promis. 

Il  efl  défendu  :\  l'homme  au  ch.  6,  du  Deutero- 
nome,  de  tenter  Dieu  '^.  Notre  Seigneur  appliqua  cef 

4  Non  teiHitbis  Dominum  Dcum  tuum» 


fur  les  Commandemens  de  Dieu»     21^' 

paroles  au  Démon  qui  lui  dit  de  fe  précipiter  du  haut 
du  Temple  ,  comme  il  efl  rapporté  dans  le  4.  ch.  de 
S.  Matthieu. 

Ce  péclié  e(l  mortel  de  lui-même  ;  car  c'ell  une 
grande  irrévérence  que  la  créature  commet  contre 
Dieu  ,  que  de  prélumer  qu'elle  fera  changer  (elon  (on 
caprice  les  loix  delà  divine  Providence.  Ce  fut  en  pu- 
nition de  ce  crime  que  les  Ifraélites  n'entrèrent  pas 
dans  la  Ter-e  promise  à  leurs  pères  *. 

Quelquefois  l'infidélité  fe  trouve  jointe  à  la  tenta- 
tion de  Dieu  ,  comme  il  arrive  quand  quelqu'un  qui 
doute  de  la  fcience  ou  de  la  puifTance  de  Dieu  ,  veut 
réprouver  par  quelque  miracle. 

Dieu  veut  qu'on  employé  les  moyens  qui  (ont  dans 
l'ordre  de  (à  Providence  ;  y  manquer  ,  c'ell  le  tenter , 
félon  S.  Aug'iflin,  liv.  zi.  contre  Faufte  ,  ch.  36.  & 
dans  le  liv.  du  travail  des  Moines^  ch.  17.  Ainfi  c'efl 
tenter  Dieu  ,  que  d'efpérer  qu'il  nous  pardonnera  nos 
péchés  (lins  que  nous  fafïions'pénitence  ,  ou  (ans  que 
nous  recevions  les  Sacremens.  C'eft,  félon  FEccléfiaf^ 
tique  ,  ch.  18.  tenter  Dieu  ,  que  d'attendre  qu'il  nous 
accordera  l'effet  de  nos  prierez,  quand  nous  prions  (ans 
aucune  préparation  ,  &  fans  aucune  attention  ^.  Ce 
(eroit  tenter  Dieu  que  de  croire  qu'il  nous  fera  vivre 
fans  que  nous  mangions ,  ou  d'attendre  de  lui  qu'il 
nous  donnera  ce  qui  nous  eiî  néceffaire  fans  que  nous 
travaillions  pour  l'amaffer.  C'efl  tenter  Dieu  que  de 
s'expofer  témérairement ,  &  contre  l'ordre  de  (a  Pro- 
vidence ,  à  de  grands  dangers  ,  (oit  pour  l'ame  ,  (bit 
pour  le  corps,  (bus  prétexte  qu'on  efpere  que  Dieu 
nous  en  préfèrvera. 

Ce  n'cil  pas  tenter  Dieu ,  que  d'efpcrer  que  quelque 
grands  pécheurs  que  nous  (oyons  ,  il  nous  fera  mile- 
ricorde  en  changeant  de  vi.'  ,  &C  faifant  pénitence  , 
parce  que  ceJa  eft  félon  l'ordre  &  qu'il  Ta  promis.  Ce 
ne  (èroitpas  non  plus  tenter  Dieu  ,  que  de  lui  deman-" 

e  Tentaverunt  me  jam  per  |      /  Antc   orationem  pr«para 


deceni  vices.  ....  .non  vule- 

btint  tcrram  pro  qua  jiiravi  pa- 
uibus  corum.  Numcr,  14.. 


anin.afp.  tuam,&  noli  e(lc'][uafi 
homo  ç^ui  umat  Dcum. 


^"Î4  Conférences    â^' Angers  , 

der  avec  humilité  &  rc/ignaticn  â  fa  volonté  ,  qu'il 
falfe  un  miracle,  s'il  avoit  ordonné  qu'on  lui  deman- 
dât, comme  il  fit  à  Achaz  ,  ainfi  que  nous  liions  dans 
le  ch.  7.  d'Ilaïe ,  ou  fi  une  néceifité  très-prefîîinte  nous 
y  forçoit,  ne  pouvant  faire  autre  chofe  ,  comme  fit  Jo- 
fâphat  9  qui  craignant  de  n'avoir  pas  allez  de  force 
pour  réfifler  à  une  multitude  prodigieule  d'ennemis 
qui  venoient  fondre  fur  les  Ilraéiites,  demanda  à  Dieu 
qu'il  fit  juftice  de  ces  gens-ià  8.  Et  comme  il  eft  mar- 
qué dans  le  ch.  4.  des  Ades  que  firent  les  Fidèles ,  qui 
pour  furmonter  l'oppo/îtion  que  les  Prêtres  &  les  prin- 
cipaux des  Juifs  apportolent  à  la  prédication  de  l'E- 
vangile, demandèrent  à  Dieu  le  pouvoir  de  faire  des 
guériibns  miracuieufes  &  des  prodiges  pour  ceux  d'en- 
tre eux  qui  annonçoient  l'Evangile  de  J.  C.  Da  fervis 
mis  cum  omnifiducia  loquiverbum  mum,  Ù"  in  eo  quod 
manum  tuam  extendas  ad  fanitates  3  &  figna  ,  &  ^ro' 
digia. 


g  In  nobis  quiJem  non  eft 
tanta  fortitiu^o  ut  pcfTin  us 
huic  nu.ititu.^ini  rcfiltere  rua* 
jrruic  fuper  nos.  Sed  cum  igao* 


remus  qulcl  agere  <3tb°arnus, 
h  c  folum  hahcm'if  rclidui ,  ut 
''Culr^s  n'^ftrosdirig  !nui<.  ad  tCj 
iiv»  2.  Paraiipom»  cap.  20* 


^^^  ^^^m,^ 


m. 


fur  hs  Comman démens  de  Dieu,     215" 

i^  . .%  A.  iiv  -^A  -^  <v  4»  ^•'  A  4^  4»  ^  -^  *S»  ^  <:»  ->)-•  *v  ^  ^  A.  ^fi-i^Aà 
^'-f  A  n  -îli-  «  *-^-  y-  x  *  »  *-  y'.  -«  «  »  -à  -»  à"  *  >*   ''^  **  '»»' 

aVï   Ù-»  >it  H  -îi  •»•  -M-H  --Jf-  w-  -»->!-  »•  »  k  »•  *■  u  x:  *  «  »;  ^Ji 
Ti  •  W  ^  V  *  *  *  ^  4^^  ■<>■  <.♦  •>  V  *  V-  *■  **•  '»  t  V  ■*•  ï^ 

RESULTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 

LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU, 

Tenues  au  mois  d'Oélobre  171 3. 


PREMIERE     QUESTION. 

Queji  ce  qui  nous  efl  défendu 'par  h  fécond  pré^ 
cep  te  du  DJcalogue  f  QiCeft-ce  que  le  jure-^. 
ment ,  comment  le  divife-t-on  ?  Eft-'d  quel-^ 
quefois  permis  de  jurer  f 

LE  fécond  Cc:nmandemen:  qui  eft  conçu  en  ce$ 
termes  dans  le  ch.  10.  de  rj::>xode  :  Vous  ne  pren-^ 
drez  -point  envain  le  'Nom  dii  Seigneur  votre  Dieu  :  Non 
/yjurncs  Komen  Dci  tut  in  vamim  ,  eil  &  ncgatif  &  affir- 
matif.  Il  nous  dciend  de  profaner  le  lîunt  Nom  de 
Dieu  ,  Se  nous  ordonne  de  l'honorer. 

On  honore  le  Nom  de  Dieu  ,  non-lèulement  quand 
on  le  confelTe  devant  les  hoianies ,  en  fîiifmt  pro-« 
felfion  de  la  Foi,  qu'on  l'invoque  dans  la  prière,  qu'on- 
le  loue  par  les  adions  de  grâces ,  qu'on  l'annonce  par 
la  prédication  de  TF-vangile  ,  qu'on  le  bénit  d.ms  le 
^itcours ,  parlant  avec  reipe  de  Dieu  &  de  rju*-  ce 
qui  le  concerne ,  ou  qu'on  fait  des  vaux  en  fbn  bon-» 


!2.i6  Conférences  d'Ân^erç, 

îieur;  maïs  auflî  lorfqu'on  l'employé  iaintement,  pour 
attefler  quelque  vérité  ,  quand  la  néceflité  ou  le  bien 
public  le  demande  :  comme  nous  i'enfeignent  ces 
paroles  du  6,  ch.  du  Deutéronome  :  Domimim  Deum 
tuum  ùmebis ,  &  illi  foli  fervks ,  ac  per  Nomen  illhis 
jurahis. 

Ce  Commandement  nous  ordonne  de  ne  jurer  ^ 
quand  la  nécelTité  le  requiert,  qu'a\ec  un  tiès-pro- 
fond  re(peâ: ,  &  il  nous  défend  d'abufer  du  nom  de 
Dieu  par  des  juremens  indi(crets  &  téméraires  ,  par 
des  parjures  ,  ou  par  des  blafphémes» 

Le  violement  des  vœux  &  les  irrévérences  contre 
Dieu  &  contre  les  choies  qui  lui  font  confacrées  , 
nous  Ibnt  aufîi  défendus  par  ce  précepte.  S.  Thomas 
2,.  X.  q.  lii.  art.  3,  comprend  tous  ces  péchés  fous  le 
nom  d'irréligion. 

La  juflice  de  ce  Commandement  ell  connue  à  tous 
les  hommes  ;  car  qui  ell-ce  qui  ne  fçait  pas  que  quand 
on  aime  une  perfonne  on  n'en  parle  qu'avec  honneur 
&  avec  refpeâ:  ?  Celui  qui  en  parleroit  autrement  , 
croiroit ,  avec  raifbn  ,  lui  faire  une  injure,  hi  alicu^ 
jus  viri  reverendi  mimor  es  fine  reverentia  ,  contume^ 
liam  tutas.  Or  nous  avons  une  obligation  indifpenfà- 
ble  di'aimer  Dieu.  Nous  ne  devons  donc  prononcer 
fon  Nom  qu'ayec  tout  le  refped  qui  efl  dû  à  là  divine 
Majeflé  ;  jfi  nous  y  manquons ,  nous  nous  rendons  cri- 
ininels,  &  nous  méritons  d'être  punis  de  Dieu  ;  auHî 
le  Seigneur  a  joint  des  menaces  au  commandement 
qu'il  nous  a  fait ,  de  ne  point  jurer  (on  Nom  en  vain  ^, 
Ce  qui  a  donné  au  Concile  de  Cologne  de  l'an  153^. 
occaiion  de  dire  que  le  violement  de  ce  précepte  at- 
tire (ur  nous  les  calamités  &  les  miferes  que  nous  ref- 
fentons  en  cette  vie. 

Le  jurement  eft  un  afte  de  religion  ,  par  lequel  on 
prend  Dieu,  à  témoin  de  ce  que  l'on  dit ,  de  ce  que 
Ton  fait,  ou  de  ce  que  l'on  promet. 

On  a  dit  que  le  jurement  eft  un  ade  de  religion  , 
|»arce  qu'en  jurant  on  rend  à  Dieu  un  honneur  louye- 


a  Nec  enim  habebir  infon-  1  ferit  nomen  Dei  fui    fiuflrà, 
Sem  Dominas  eum^uialTuinp-  j  RxoL  ao. 

raini 


fur  les  Comm  an  démens  de  Dieu,     lij 

raîn ,  confeflànt  qu'il  eft  l'auteur  de  toute  vérité  ; 
qu'il  eft  la  vérité  incme,  infaillible  &  immuable, 
qu'il  connoît  parfaitement  &:  pénètre  ce  qui  eft  de 
plus  caché  dans  le  coeur  de  riiomme,  &  qu'on  a  re- 
cours à  Ion  témoignage  comme  au  fouverain  Sei- 
fneur  de  toutes  chofes  :  c'elî  par  cette  raiibn  que  S» 
'homas  i.  i.  q.  89.  art.  4.  dit  que  le  jurement  eil:  un 
iide  du  culte  de  Latrie. 

Pour  que  le  jurement  foit  un  ade  de  religion,  il 
faut  qu'il  foit  fait  avec  vérité,  avec  jugement  &  avec 
uiftice  ,  comme  nous  l'expliquerons  ci-aprcs  ;  lorf^ 
qu'il  lui  manque  une  de  ces  conditions ,  il  n'eil  plus 
un  ade  de  vertu,  mais  une  adion  qui  déshonore  le 
nom  de  Dieu. 

Quand  les  Païens  juroient  par  leurs  Idoles  ou   par 
leurs  faux  Dieux,  ces  (ermens  n'étoientpas  de  véri- 
tables juremens  ni  des  ades  de  religion ,  mais  d'Idolâ- 
trie, que  Dieu  défend  dans  lech.  13.  de  l'Exode.  Ter 
rtomen  externoriim  Deorum  non  jurabitit.  C'efl  pour- 
quoi les  premiers  Chrétiens  refufoient  de  jurer  par  le 
Pénie  des  Célars ,  comme  Eulebe  le  rapporte  de  (aint 
olycarpe  au  liv.  4.  de  l'hiftoire  Ecclé/iaiiique  ch.  15^. 
Leur  railon  étoit  que  le  Génie  paffoit  pour  un  Dieu 
parmi  les  Païens  ;  les  Chrétiens  ne  craignoient  pas 
néanmoins  de  jurer  par  le  (àlut  des  Em.pereurs  ;   & 
même  S.   Grégoire  ,   en  faifànt  prêter   ferment   aux 
Evcques  fchiunatiques  qui  fê  réunilToient  à  l'Eglife, 
les  faifbit  jurer  :  YerDeum  omnipotentcm,  per  J'an^a 
Evangelia  Ô"  falutem  geniumque  illufrium  domînorum 
nejîrorum  Rempuhlicam  guhernamium.  Comme  nous 
l'apprenons  du  liv.  10.  de  (on  regîQre,  lettre  31. 

Il  eft  à  remarquer  que  S.  Grcijoire  ne  prend  pas  ici 
le  mot  de  Genium  au  mcme  lens  que  les  premiers 
Chrétiens  dans  le  tems  du  paganifme,  mais  il  entend 
par  le  génie  des  Empereurs,  leurs  Anges  Gardiens. 

L'invocation  qu'on  fait  du  nom  de  Dieu  par  le  fer- 
ment ,  eft  bien  différente  de  celle  qu'on  en  fait  dans 
la  prière  :  en  priant  nous  invoquons  Dieu  pour  en 
lecevoir  du  fecours  &  des  grâces  :  en  jurant ,  nous 
employons  le  témoignage  de  Dieu  pour  confirmer  ce 
que  nous  alTuronsi  car  la  fin  que  nous  nous  propo- 
Imç  I,  K 


22 1 8  Conférences   d'Angers  ; 

fôns  dans  le  jurement,  eft  qu'on  ajoute  foi  à  ce  que 
nous  difons,  parce  que  Dieu  qui  n'i?nore  rien,  &  qui 
efl  la  vérité  même ,  ne  peut  être  témoin  du  menfon- 
ge,  &  nous  proteftons  parle  jurement,  que  fila  cho- 
fè  n'étoit  pas  vraie,  nous  n'ofèrions  appeller  Dieu 
pour  la  certifier  ;  mais  que  n'ayant  point  d'autres 
preuves  Tuffifantes  pour  en  faire  connoitre  la  vérité  ; 
nous  fbmmes  obligés  d'avoir  recours  au  témoignage 
de  Dieu  qui  efl:  infaillible  &  infiniment  au-delTus  de 
celui  de  toutes  les  créatures. 

C'eH:  de-là  que  le  jurement  efl;  la  plus  grande  afTu- 
rance  que  les  hommes  puiflent  donner  pour  terminer 
leurs  diftérends,  comme  dit  S.  Paul  dans  le  ch.  6,  de 
l'Epître  aux  Hébreux  ^. 

On  peut  prendre  Dieu  à  témoin  ou  exprefTément 
ou  implicitement.  On  le  prend  de  la  première  ma- 
nière, quand  on  implore  en  termes  exprès  Ion  témoi- 
gnage ,  comme  lorfqu'on  dit  :  Dieu  me  foit  tétnoin  ; 
fatteJJe  Dieu  :  on  invoque  implicitement  le  témoi- 
gnage de  Dieu ,  quand  on  dit  :  Vive  Dieu  ou  par  Dieu, 

De  quelque  manière  qu'on  prenne  Dieu  à  témoin 
d'une  chofe,  c'eft  un  jurement  félonie  fentiment  de 
S.  Auguflin,  dans  le  fèrmon  i8.  des  paroles  de  l'A- 
pôtre, qui  eiï  à  préfent  le  i8o.  de  l'édition  des  Pères 
Bénédidins.  Ce  Père  condamne  ceux  qui  difènt  le 
contraire  ^. 

On  eilime  cependant  que  quand  on  dit  devant 
Dieu  y  Je  vous  ajoure  que  cela  efl ,  Dieu  fçait  fi  je  dis  Ix 
vérité ,  Dieu  voit  la  chofe ,  Dieu  connoît  ma  -penfée  ;  En 
vérité ,  en  confcience,  certain eruem.  Si  on  ne  fe  (ert  de 
ces  manières  de  parler ,  que  comme  de  (impies  affiir- 


h  Et  omnîs  controve  'fiae  eo- 
rum  finis  ,  adconfirmationem, 
cft  juramcntDm. 

c  Non  vos  fa.llantqui  ncfcio 
quomodo  volentes  ipfas  jiira- 
tionçs  difccrnere,  vel  potiùs 
non  înrçliigere ,  dicunt  ,  non 
efle  jiirationem  ,  quando  dicit 
homo  j  fcit  Deus  ,  teffis  elt 
Deus ,  invoco  Deum  fiiper 
animaiïi  meam  rerum  me  dice- 


re.  Invocavit ,  inquit ,  Deum  ; 
teftem  fecit  Deum  ,  numqnid 
juiavit  ?  Qui  haec  dicunt,  ni- 
hil  aliud  volunt ,  nili  invocato 
Dec  tefte,  menti-i.  liane  verô 
quifquis  es  pravi  cordis  ,  fi  di- 
cas  ,  per  Deum  ,  juras  ;  fî  di- 
cas ,  tellis  efi:  Deus,  non  juras  f 
Quidenimeft  per  Deum  ,  nifj 
tellis  ed  Deus'' Aiitquideft, 
tcftis  eA  Peus,  nifi  per  DeumC 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     2ip 

mations ,  &  qu'on  n'ait  point  intention  de  jurer,  mais 
feulement  d'affurer  qu'on  ne  ment  pas ,  mais  qu'on 
parle  comme  l'on  penfè,  ce  ne  font  pas-là  des  jure- 
mens  non  plus  que  les  expreflions  fuivantes  :  Foi 
d'homme  d'honneur,  foi  de  Gentilhomme ,  foi  de  Prêtre, 
foi  de  Chrétien,  parce  qu'en  ce  cas  l'on  ne  prend  pas 
Dieu  à  témoin,  mais  l'on  aflure  qu'on  dit  la  vérité 
comme  on  doit  la  dire,  &  a  coutume  de  la  dire  un 
homme  d'honneur,  un  Prêtre,  un  Gentilhomme  ,  un 
Chrétien. 

Pareillement  lorsqu'un  homme  dit  far  ma  foi  oic 
ma  foi ,  &  qu'il  ne  (e  fert  de  ces  termes  que  comme 
d'une  fa(^on  ordinaire  de  parler,  qui  ne  fignifie  rien  , 
ou  qu'il  n'entend  parler  que  de  la  foi  humaine  ,  il  ne 
jiire  pas,  car  il  veut  feulement  dire,  vous  devez  ajoit^ 
ter  foi  à  mes  paroles ,  parce  qu'elles  font  véritables  ;  mais 
comme  ces  termes  font  ambigus,  que  plufîeurs  gens 
fimples  les  prennent  pour  des  juxemens ,  &  que  même 
il  y  a  des  auteurs  qui  le  croyent,  il  eft  du  devoir  d'un 
Chrétien ,  &  particulièrement  d'une  perlbnne  enga- 
gée dans  les  Ordres  ou  dans  l'état  religieux  de  s'en 
abllenir ,  de  crainte  d'être  un  fujet  de  Icandale.  C'efl 
l'avis  que  donne l'Eccléfiaflique chap.  13.  ^,  Qne/iun 
homme  en  affûrant  quelque  chofe  par  (a  foi  ou  fur  (à 
foi,  entf.ndoit  la  foi  par  laquelle  il  croit  les  myfteres 
delà  Religion,  ce  (eroit  un  véritable  jurement,  car 
ce  ieroit  jurer  par  Dieu  même  qui  efl:  l'auteur  des  vé- 
rités que  la  foi  nous  enseigne;  &  fi  en  jurant  ainfî 
on  avoit  fait  un  menlbnge ,  ce  (èroit  un  véritable 
parjure. 

Il  faut  donc  bien  examiner  quelle  efl  l'intention 
de  ceux  qui  le  fervent  de  quelques-unes  de  ces  fortes 
d'expredions  dans  leurs  difcours  ;  car  s'ils  avolent  in- 
tention d'appeller  par-là  Dieu  à  témoin  ,  ce  fèroit 
de  vrais  juremens ,  comme  étoit  celui  de  i'Apôtre  > 
quand  il  diiblt  aux  Galates,  Je  vous  dis  devan:  Dietc 
que  je  ne  mens  point  ^^ 


d  Indifciplinatx  loqiiclx  non  |      e  Ecce  coram  Dec',  quianoii 
afTucfcai  os  tuum  ,  eftenimin  I  mentior.  Ad  GaUc.  i, 
ilU  vcrbum  pcccati,  J 


Z20  Conférences  d'Angers , 

Quand  des  gens  iîmples  ou  grofîlers  &peu  inflruits 
s'accufent  en  confefTion  d'avoir  juré  leur  foi,  ou  vrai- 
ment ,  ou  en  vérité ,  ou  en  confcience,  &  d'avoir  juré 
faux  en  fefervant  de  ces  manières  de  parler,  il  eft  de 
la  prudence  des  ConfefTeurs  de  ne  pas  d'abord  les  juger 
coupables  de  péché  mortel;  car  plufieurs  de  ces  fortes 
de  gens  s'imaginent  que  ces  manières  de  parler  (ont  de 
petits  juremens  qui  n'obligent  pas  fous  peine  de  pé- 
ché mortel, &  qu'il  y  a  d'autres  grands  juremens  dans 
îeiquels  on  prend  Dieu  à  témom,  qui  obligent  (bus 
peine  de  péché  mortel ,  &  dont  ils  Ce  donnent  bien 
de  garde  de  fe  fervir.  Ces  perfonnes  ne  font  pas  cou- 
pables de  péché  mortel  en  afïïirant  unmenfonge  avec 
ces  exprefllons ,  à  moins  qu'elles  n'ayent  eu  intention 
de  prendre  Dieu  à  témoin  de  ce  qu'elles  difbient.  Ce- 
pendant les  Confeiïeurs  leur  doivent  recommander 
d'avoir  foin  de  s'abllenir  de  ces  manières  de  parler. 
S'ils  ont  intention  de  jurer,  ce  font  des  fermens  qui 
font  des  péchés  ,  lorfqu'ils  ne  font  pas  accompagnés 
des  conditions  qui  rendent  le  jurement  licite.  Huma- 
na ai'ves,  dit  S.  Grégoire  le  Grand,  liv.  26.  des  Mo- 
rales ch.  7.  verba  taïia  jiiàicam,  qualia  forts  fonant . • 
àivina'verojudicia,  talia  forts  audiunt ,  qiiaîia  ex  in^ 
ùrnis  p'oferiintur. 

Il  eil  certain  qu'on  jure  non-lèulement  en  prenant 
Dieu  à  témoin,  comme  fait  S.  Paul,  Epitre  2.  aux  Co- 
rinthiens ch.  I.  Tejîem  Deum  invocoj  mais  aufli  en  y 
?ppellant  les  créatures,  comme  Moifè  dans  le  ch.  4. 
du  Deutéronome.  TeJJes  invoco  hodie  cœlum  ^  terram. 
Car  quand  on  jure  par  les  créatures ,  on  ne  les  regar- 
de pas  en  elles-m.émes ,  mais  comme  ayant  rapport 
3  Dieu  qui  en  eft  le  Créateur.  Ainfî  ce  ne  font  pas 
les  créatures  qui  donnent  la  force  &  l'autorité  au  ju- 
rement., mais  Li  Majellé  de  Dieu  qui  reluit  en  elles, 
comme  nous  l'apprend  Jefîis-Chrift  au  ch.  5.  &  23. 
de  faim  Matthieu,  Qui  jurât  in  Cœlo,  jurât  in  throno 
Dei ,  &  in  eo  qui  fidet  fuper  eum.  AufTi  ne  jure- 
t-on  que  par  les  créatures  les  plus  confidérables,  en 
qui  la  bonté,  la  vérité,  la  fainteté,  la  puilTance,  la 
Majellé  de  Dieu  &  CiS  attributs  reluifent  d'une  ma-, 
niere  liiiguliere,   C'eil  par  cette  raifon  >  j;omme  re^ 


fur  la  Commandemens  de  Dieu,      2  21 

marque  S.  Thomas  z,  i,  q.  89.  art.  6,  qu'on  jure  par 
les  faints  Evangiles ,  par  la  Croix  de  Jefus-Chrill , 
par  les  Saints  &  par  leurs  reliques ,  par  la  Foi  Catho- 
lique, parle  Ciel,  le  Soleil,  la  Terre.  Si  l'on  juroit 
par  des  créatures  viles  &  abjedes  ,  ce  ferment  paroi- 
troit  illulbire,  car  on  ne  penleroit  pas  qu'un  homme 
atteftdt  Dieu  dans  ces  fortes  de  créatures;  par  exem- 
ple, s'il  juroit  par  (on  bonnet,  par  fon  cheval. 

On  dira  peut-être  que  J.  C.  en  S.  Matthieu ,  nou? 
a  défendu  de  jurer  par  les  créatures  *".  On  avoue  que 
Jefus-Chrift  nous  a  fait  défenfe  de  jurer  par  les  créa- 
tures en  les  regardant  comme  des  Divinités,  ainfi  que 
faifoient  les  Ifraéiites ,  qui  juroient  par  les  Veaux 
d'or  que  Jéroboam  avoit  fait  élever  en  Samarie, 
lefquels  ils  traitoient  de  Dieux,  au  rapport  d'Amos  , 
ch.  8.  Vivit  Deits  titus  Dan.  Par  la  mcme  raifon  Op- 
tât de  Mileve  dans  le  liv.  î.  contre  Parménien,  blâ- 
me fort  les  Evcques  Donatiftes  de  ce  qu'ils  fôuffiroient 
que  ceux  de  leur  parti  juraïïent  par  les  perfonnes  des 
Evéques ,  parce  qu'ils  marquoient  par-là  fe  faire  ho- 
norer comme  des  Dieux  è. 

De  plus  ,  il  ell  défendu  de  jurer  par  les  créatures , 
les  conlîdérant  en  elles-mêmes,  &  s'arretant  à  leur 
feul  témoignage,  comme  s'il  étoit  infaillible;  car  ce 
lêroit  leur  rendre  un  honneur  fbuverain  qui  n'efl  dû 
qu'à  Dieu  feul.  S.  Jérôme  reproche  ce  crime  aux 
Juifs,  fur  le  ch.  6.  de  S.  Matthieu.  Judai  fer  Angeles, 
dr  urbem  Jerufalem ,  &  Templitm ,  &  elementa  juran- 
tes y  creaturas  refque  carnales  venerahantiir  honore  Ù" 
obfeqtiio  Dei.  Mais  il  ne  s'enfuit  pas  de-là  qu'il  (oit 
abfôlument  défendu  de  jurer  par  les  créatures,  de  la 
manière  que  nous  venons  de  l'expliquer,  &  quand  les 
Percs  du  quatrième  Concile  de  Carthage  ,  dans  le 
Canon  éi.  ont  fait  défenfès  aux  Clercs,  fous  peine 
d'excommunication,    de  jurer  par  les  créatures ,  ils 


/  Epo  dico  vobis  non  jurare 
omninô  ,  neque  per  Caliim  , 
rcque  p'  r  Tcrram  ,  neque  per 
Hicrofolymain  ,  neque  per  ca- 
put  tuumi  Cap,  s. 


g  Per  vos  jurant  &  perforât 
veftrai ,  jam  pro  Deo  habcre 
nofciintur  Solct  Deus  ad  prO" 
bandam  fidem  ,  in  jnratione  ab 
hominibus  nominari. 

K  iij 


à22  Conférehces  (T Angers, 

n'ont  pas  cru  que  cette  manière  de  jurer  fût  abiolu- 
ment  illicite  par  elle-même  ;  ils  ont  feulement  voulu 
empêcher  les  Clercs  de  s'accoutumer  à  jurer  fréquem- 
ment par  légèreté  &  (ans  discrétion. 

On  peut  encore  dire  que  J.  C.  en  faiiant  défenfês 
de  jurer  par  les  créatures,  a  voulu  corriger  l'erreur 
des  Scribes  &  des  Pharifiens  ,  qui  eftimoient  que  les 
juremens  qu'on  faifbit  par  les  créatures  n'engageoient 
à  rien ,  &  que  ce  n'étoit  pas  un  parjure  que  de  les 
violer,  à  moins  qu'on  n'eût  juré  par  certaines  créa- 
lures  qui  favoriloient  leur  avarice  .  comme  étoient 
l'or  du  Temple  &  les  onrandes  faites  à  Dieu.  Le  Sau- 
veur leur  fait  ce  reproche  au  cli.  23.  de  S.  Matthieu. 
V^  vobis ,  àticts  cceciy  qui  dicitis  quicumc^ue  juraverit 
fer  tcmflum ,  ràhil  ejî ,  qui  amem  jiiraicrit  in  aura 
templi ,  dèieî. 

Le  jurement  que  l'on  fait  par  les  créatures  pour 
être  licite  ,  doit  être  accompagna  des  mêmes  cir- 
conllances  que  celiu  dans  lequel  en  invoque  exprefTé- 
memle  nom  de  Dieu;  &  il  y  a  ia  mcnie  obùgation 
de  l'exécuter,  parce  qu'en  jurant  par  les  créatures  > 
on  eit  cenfé  jurer  par  Dieu  même,  comme  remarque 
S.  Auguflin  dans  le  liv.  i.  du  fermon  de  notre  Sei- 
gneur {ùr  la  Montagne,  ch.  17.  ^. 

On  divifè  le  jurement  en  verbal,  réel  &  mixte;: 
car  il  n'efl  pas  toujours  nécefTaire  d'ufer  de  paroles 
pour  jurer;  il  lliffit  d'u(èr  de  certains  lignes,  qui  font 
communément  reçus  pour  des  fermens  ,  comme  de 
lever  la  main  quand  un  Juge  exige  le  ferment ,  ou 
de  toucher  l'Evangile  en  certaines  occafions.  C'eft-là 
un  jurement  réel;  mais  /î  on  joint  ces  lignes  ou  d'au- 
tres femblables  aux  paroles  qui  expriment  le  jure- 
ment ,  c'elè  un  jurement  mixte.  On  le  fait  à  defieia 
d'imprimer  plus  de  refped  pour  le  ferment,  &  pour 
faire  davantage  concevoir  l'obligation  que  l'on  a  d'y 
être  fidèle.  Si  alors  on  fe  parjure,  le  péché  eft  bien 
plus  grief,  tant  parce  que  le  fcandale  efl  plus  grand. 


h  Cùm  juras  perCœlum  aut 
Terram  ,  non  te  arbitreris  non 
4ebete  Poruino  jusjurandum  » 


quia  per  eum  jurare  convince- 
ris,  cujiis  Cœlum  thronuseftj 
<5c  cujus  fçabcUum  lerravlt, 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     223 

que  parce  qii'il  y  a  plus  de  délibération ,  comme  re- 
marque S.Thomas,  z.  i.q.  5)8.  art.  3.  dans  la  réponse 
à  la  féconde  objedion. 

Le  jurement  verbal  necon/îfte  que  dans  les  parolcf 
qu'on  profère  pour  attefter  quelque  chofe. 

Le  leul  mot,  iwro,  je  le  jure,  prononcé  avec  in- 
tention de  jurer  pour  affurer  ce  que  l'on  dit,  ou  ce 
que  l'on  promet,  eil  un  véritable  jurement;  ainfi  il 
n'y  a  point  de  doute  que  quand  un  juge  interroge  une 
partie  fur  quelque  fait,  ou  lui  fait  promettre  quelque 
chofè,  lui  demandant  Ion  ferment,  &  que  la  partie 
répond  qu'elle  le  jure,  ce  ne  (bit  un  véritable  jure- 
ment; pui(que  l'intention  du  Juge  eft  d'engager  cette 
partie  parla  religion  du  (erment  à  dire  la  vérité,  ou 
a  tenir  (a  promeffe.  Mais  lorfqu'on  ne  défère  pas  le 
ferment  à  un  homme ,  &  qu'il  employé  dans  le  dif- 
cours  le  mot ,  Je  le  jure ,  comme  une  fîmple  affirma- 
tion pour  faire  comprendre  ,que  l'on  doit  auifi  tenit 
ce  qu'il  dit  pour  aufTi  sûr  &:  aufTi  vrai  que  s'il  juroit, 
cette  expreflîon  n'efl:  pas  un  iurement. 

On  doit  blâmer  ceux  qui  fe  fervent  dans  leurs  à'iC' 
cours  de  ces  expreffions  corrompues  (Pardi,  Mordi, 
Tetedi,  Parfangdi)  parce  que  dans  l'ufige  de  notre 
langue,  elles  femblent  lignifier  la  même  choCe  que 
(Par  D;eu,  Mort-Dieu,  Téte-Dieu,  Par  le  fang  de 
Dieu) ,  d'où  vient  qu'on  les  appelle  des  juremens  abré- 
gés ,  juramenta  deciirtata.  Plufîeurs  gens  en  font  éga- 
lement fcandalifés,  que  /i  on  prononçoit  tout-à-fait 
ces  juremens;  c'eft  pourquoi  les  Confeffeurs  doivent 
impofer,  à  ceux  qui  ont  contradé  .cette  mauvaife  ha- 
bitude ,  des  pénitences  propres  à  les  en  corriger;  cer- 
tainement ils  ne  font  pas  toujours  exculables  de  pè- 
che. Quand  même  ces  paroles  pafTeroient  pour  ne 
rien  /îgnifier,  &  quoique  ce  ne  fbient  pas  proprement 
des  juremens;  lor(que  les  perfonnes  qui  les  pronon- 
cent n'ont  aucune  intention  de  jurer,  on  n'en  doit 
pas  fouffrir  l'ufage;  parce  que  fi  la  langue  vient  à 
fourcher  à  ceux  qui  s'habituent  à  les  prononcer,  ils 
peuvent  facilement  jurer,  (Par-Dieu,  Mort-Dieu) 
fur-tout  dans  la  colère;  outre  qu'ils  s'expofent  à  pren- 
dre la  coutume  de  jurer  &  de  tomber  enfuite  dans  le 

K  iv 


224  Conférences  d'Angers, 

parjure.  C'eft  par  cette  raifbn  que  notre  Seigneur^ 
dit  S.  Augufîin  dans  lecliap.  17.  du  liv.  i.  du  Cevmon 
de  notre  Seigneur  fur  la  Montagne ,  a  défendu  aux 
Chrétiens  toute  forte  de  juremens  \ 

Quand  un  pénitent  s'accufe  d'avoir  dit  Pardi,  Mor- 
di ,  il  eft  du  devoir  du  Confeffeur  de  lui  demander 
s'il  avoit  intention  de  jurer,  au  G.  en  proférant  ces 
paroles  il  croyoit  faire  un  mal. 

Il  y  a  deux  autres  fortes  de  juremens,  l'un  qui  Ce  fait 
par  une  fimple  affirmation ,  on  l'appelle  ajfertoriiim  ; 
l'autre  qui  (è  tait  avec  promefTe  ,  on  l'appelle  tro- 
mijjorium.  Le  premier  (e  fait  pour  affurer  une  cnofê 
qui  eil  préfente  ou  pafîee.  Le  fécond  regarde  les  cho- 
ies à  venir  &  fe  fait  pour  alTurer  une  prom.efTe.  Le 
jurement  promilToire  renferme  toujours  l'afFertoire  ; 
car  celui  qui  jure  qu'il  fera  quelque  choie,  prend 
Dieu  à  témoin  que  dans  le  moment  il  a  la  volonté 
de  faire  ce  qu'il  promet.  Dans  l'aiTertoire ,  on  n'ap- 
pelle Dieu  que  comme  témoin;  dans  l'autre,  il  fèm- 
ble  qu'on  l'appelle ,  &  com.me  témoin  &  comme  cau- 
tion de  ce  que  Ton  promet. 

Souvent  en  jurant  on  fè  contente  d'atteller  Dieu, 
c'efl-à-dire,  de  l'invoquer  comme  témoin  de  ce  que 
Ton  jure.  Ce  jurement  fe  nomme  invocatoire.  Quelque- 
fois aufll  on  ajoute  l'exécration  ou  l'imprécation,  & 
c'efl  lorfque  non-feulement  on  prend  Dieu  pour  té- 
moin, m.ais  qu'on  l'appelle  encore  pour  juge  &  pour 
vengeur  du  parjure ,  en  fe  Ibuhaitant  du  mal  à  fbi- 
îîiéme  ou  à  d'autres,  Ç\  lachofe  n'efl:  pas  comme  on  l'a 
dit,  ou  bien  fî  on  ne  tient  pas  la  promefTe  que  l'on  fait. 
C'efl  comme  jure  S.  Paul  dans  la  i.  Epitre  aux  Corin- 
ihiens,  ch.  i.TePem  invoco  Deumin  artimummeam.Ori. 
donne  à  ce  jurement  le  nom  A' imprécatoire.  L'abus 
qu'on  en  fait,  efl  félon  S.  Augullin  furlePf.  y.le  péché 
le  plus  grief  qui  fe  commette  en  matière  de  jurement, 
parce  que  la  circonflance  de  l'exécration  ou  de  l'im- 
précation ,  renferme  une  plus    notable   irrévérence 


i  Ita  ergo  întelUgitur  prae- 
cepilU  Dorniniim  ne  iuretur, 
ne  qnif^uam  licui  bonum  ap- 


perat  iiisjiirandum  ,  &  affului- 
tate  jurandi  ad  perjnritin),  pe- 
confuctuiinem  deUbstur» 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.      22 y 

envers  Dieu,  C'efl  jurer  avec  imprccation  que  de  jurer 
par  fa  vie,  par  fa  tcte,  par  (es  enfans  i  car  c'eft  com- 
me fî  l'on  difoit,  que  Dieu  m'ote  la  vie,  la  tcte,  mes 
enfans. 

Le  jurement  par  lequel  on  fe  dé/îre  du  bien,  com- 
me quand  on  dit,  Dieu  (bit  à  mon  aide.  Dieu  me  (bit 
favorable.  Itame  Deus  adjuvet ,  ô'kcec  fan6îa  Evange^ 
lia.  Ce  rapporte  à  celui  qui  fe  fait  avec  exécration; 
car  comme  l'on  le  fouhaite  du  bien,  fî  on  dit  la  véri- 
té, de  même  on  Ce  dc/ire  du  mal.  Ci  on  ne  la  dit  pas. 

Le  jurement  Ce  divife  encore  en  fimple  &  en  fblem- 
nel.  Le  fimple  eft  celui  qui  Ce  fait  entre  pçrfonnes 
privées  (ans  aucune  (blemnité.  Le  jurement  folem- 
nel ,  eft  celui  qui  (e  fait  en  public  avec  quelque  (blem- 
nité; par  exemple,  en  touchant  de  la  main  l'Evangile 
ou  des  Reliques  de  Saints ,  ou  en  Juftice  devant  Con 
propre  Juge,  ou  devant  d'autres  Supérieurs ,  quoiqu'ils 
n'ayent  pas  la  qualité  de  Juges. 

Le  Seigneur  ne  nous  commande  pas  de  jurer,  maïs 
îl  nous  le  permet  quand  il  dit  dans  le  ch.  6.  du  Deu- 
téronome,  qu'on  ne  doit  pas  jurer  par  un  autre  que 
par  lui  ^,  Ces  paroles  nous  font  même  concevoir  que 
le  jurement  efl  un  aéte  de  religion  ;  c'efl  pourquoi 
David,  Pf.  61.  dit  que  ceux  qui  jurent  parle  Seigneur 
le  glorifieront  en  lui  '. 

Si  le  jurement  étoit  ablblument  un  mal ,  Dieu 
îi*auroit  pas  juré  comme  il  a  fait  pour  exciter  notre 
attention,  notre  crainte  &  notre  efpérance.  Juravit 
Dominus  ô'ijonfœnùebit  eum.  P(al.  109,  Et  parce  que 
Dieu  n'avoit  point  de  plus  grand  que  lui  par  qui  il 
pût  jurer,  il  a  juré  par  lui-même  pour  afilirer  la  pro- 
mefîe  qu'il  fit  à  Abraham,  comme  remarque  S.  Paul 
dans  l'Epitre  aux  Hcbreux,  ch.  6,  "^. 

L'Apôtre  S.  Paul  s'ell  auHl  (ervi  du  jurement  pour 
perfuader  à  ceux  à  qui  il  parloit ,  qu'il  leur  difoit  la 
vérité.  Nous  le  voyons  par  le  neuvième  verlet  du  ch 

k  Dominum  Deiim  niiim  ti-  j  m  AbraSx  promittcns  Deu5, 
mcbis  ,  &  illi  foli  fcrvies,  ac  [  quoniam  t^eminem  habuit ,  per 
j'crNomen  illius  jurabis.  J  qiierii  juraret  ,  majorcm  ,  )ufÀ" 

/    L:nidj|>iintur  oiuncs   qui  !  vie  per  fcmcupfum. 
jurant  ia  cp»  1 

K  Y 


a26  Conférences   d^ Angers  l 

I.  de  l'Epître  aux  Romains;  parle  23.  du  ch.  i.  de 
la  féconde  aux  Corinthiens,  &  par  le  8.  du  chap.  i. 
de  celle  aux  Philippiens.  Il  nous  a  fait  connoitre  par- 
là,  félon  S.  Auguflin,  au  livre  du  Menfonge,  ch.  i^, 
comment  nous  devions  entendre  ce  qui  efl  dit  dans 
l'Evangile.  Je  vous  dis  que  vous  ne  juriez  en  aucune 
fprte  ;  fc^^avoir,  de  peur  qu'en  jurant  vous  ne  contrac- 
tiez la  facilité  de  jurer,  &  que  de  cette  facilité  vous 
ne  pafTiez  à  la  coutume  de  jurer,  &  que  de  cette  cou- 
tume vous  ne  tombiez  enfin  dans  le  parjure  ".  Difons 
donc  que  le  jurement  eft  licite  lorfqu'il  eft  accompa- 
gné de  toutes  les  circonflances  requifes. 

S'il  refîoit  encore  quelque  doute  fur  cette  vérité  , 
qui  fèmble  avoir  été  conteflée  par  quelques  Pères  de 
l'Eglife,  l'approbation  que  l'Eglifè  Catholique  donne 
au  jurement  en  s'enfervant  en  diverfès  occafions ,  doit 
fuffire  pour  nous  convaincre  que  loin  qu'on  offenfe 
Dieu,  l'on  honore  fbn  Nom  en  jurant  par  nécefîlté 
pour  une  chofè  jufte  &  véritable  ,  comme  font  les 
Rois  qui  jurent  les  Traités  de  paix  qu'ils  veulent  gar- 
der, les  Officiers  qui  prêtent  ferment  à  leur  récep- 
uon,  les  particuliers  qui  font  ferment  en  Juflice  pour  ^ 
afTurer  la  vérité.  On  ne  peut  donc  excufer  d'erreur  les 
Anabaptifles  qui  refufènt  opiniâtrement  de  faire  au- 
cun ferment.  Il  y  a  même  péché  à  refufer  de  faire 
ièrment  quand  on  y  efl  obligé  par  la  charité  qu'on 
doit  avoir  pour  le  prochain ,  ou  par  l'obéiilànce  qui 
efî  due  à  un  Supérieur  qui  l'exige. 

Il  efî  aifé  d'accorder  ,  avec  les  autorités  de  l'Ecri- 
ture fàinte  que  nous  venons  de  rapporter  ,  les  dtfen- 
fes  de  jurer,  que  J.  C.  fait  aux  Chrétiens  en  S.  Mat- 
thieu, ch.  5.  en  ces  termes  :  Vous  avez  appris  qu'il  a 
été  ait  aux  Anciens  :  Vous  ne  vous  parjurerez  point. ... 
&:  moi  je  vous  dis  que  vous  ne  juriez  en  aucune  forte  °> 

n  JiT.ivît  ipfe  Apoftoliis  in  <  confuetudinem  ,  atque   ita  e% 


Epiflolis  fuis  ,  &  fie  ofiendit 
«juomcdô  accipicndiim  eflTet 
ïjiod  didum  eft ,  dico  vobis 
tir  xï  jiirare  omninô  ,  ne ''cili- 
<.et   jiiiando  ad  facilitatcm  ju- 


confucnuline  in  perjurium  de- 
cidatur.  Et  ideô  non  invenitur 
jutafle  nifî  fcribens  ,  ubi  con- 
fidfratio  cauiior  non  habct 
iingoam   nrscipitem. 


landi  Ncniaiur  ;e»facilJuiead        9  M^^^s  <iuia  diftur»  cft 


fur  les  Commandemens  de  Dieu»      ù.i'^ 

Par  ces  paroles  J.  C.  ne  défend  pas  abfolument  le 
jurement,  mais  l'abus  qu'on  fait  du  jurement,  dont 
il  veut  qu'on  s'abftiennc  autant  qu'on  peut  ;  car  il 
blâme  en  cet  endroit  l'erreur  des  Juifs,  qui  croyoient 
qu'il  étoit  permis  de  jurer  en  toutes  occafions  pour  les 
moindres  choies,  pourvu  qu'elles  fufTent  vraies.  Ain/ï 
il  condamne  ceux  qui  par  légèreté  jurent  (buvcntfans 
néceflité  &  fans  refped,  &  il  nous  fait  comprendre 
deux  chofes.  La  première,  que  le  jurement  n'ell  pas 
un  bien  de  lui-mcme,  &:  qu'il  ne  l'eft  que  lorlqu'il  ell 
néccfl'aire  ;  par  conféquent  qu'on  doit  s'en  abflenir  , 
à  moins  qu'une  véritable  néceffité  ne  nous  contraigne 
de  nous  en  fervir.  La  féconde,  que  l'on  ne  doit  pas 
s'accoutumer  à  jurer  ,  de  crainte  de  tomber  dans  le 
parjure  :  Ita  ergo^  dit  S.  Auguftin  liv.  i.  du  fermon 
lur  la  Montagne,  ch.  17.  inteliigiiur  pri£cepîjfe  Domi- 
mim  ne  jiiretur,  ne  quifquam  Jicut  bonum  appetatjusjti^ 
randum,  ù"  aJJIduitate  jurandi  ad  ■perjurium  per  con^ 
fuetiidimm  deïabatur,  C'efl  pourquoi ,  continue  ce 
Père ,  celui  qui  {(^ait  que  le  jurement  ne  doit  pas  ctre 
mis  au  rang  des  vrais  biens ,  mais  dans  celui  des  cho- 
fes nécellàires,  doit  s'en  abflenir ,  autant  qu'il  peut,  & 
n'en  ufer  que  dans  la  néceflité,  lorsqu'il  a  affaire  avec 
des  per(bnnes  qui  ont  de  la  peine  à  croire  ce  qui  leur 
efi:  avantageux  pour  leur  falut ,  /î  on  ne  leur  afTure 
par  ferment  p.  Quand  on  jure  en  par;eil  cas  ,  on  ne 
fciit  rien  contre  le  commandement  de  Dieu  ;  car  ce 
n'eft  pas  la  faute  de  celui  qui  jure  ,  mais  c'eft  l'incré- 
dulité de  la  peribnne  qui  oblige  de  jurer.  Non  ejl  con^ 
tra  preecepmm  juratîo ,  qins  a  malo  eJl,  non  jiiramîs  ,- 
fed  incredalitatjs  cjiu  cui  jurare  cogittir  ,  dit  S.  Au- 
guflin  au  liv.  de  l'expo/îtion  de  l'Epitre  aux  Galates, 
vers  le  commencement. 

Si  les  Chrétiens  étoient  tous  parfaits  ,  ils  n'auroient 
point  befoin  de  jurer  pour  aflurer  ce  qu^ils  difent; 

Atviqiiiç  ,  non  pc'iiira'ois.  ...  j  net  fe  quanrùm  portft,  wx  non 
Ego  aun  m  (iico  vobis.non  ;u-  j  eâ  uatiir  nifî  riectfTitate  :  cura 
rare  onrininr.  ^  ^         videt  figros  c(fe  liommcs  ad 

p  Quapcprcr  qui  intclligîr  ,  credendum  ,  (]iiod  eis  inile  cil 
non  in  bonis  T  d  in  njccHàriis  credcre  ,  nî  juratione  firmeiur. 
)uratioiu;m  habcndam  ,  refr«-  ' 

K  vj 


hiS  Conférences  d'Angers , 

comme  lis  ne  chercheroient  point  à  tromper,  oas'en 
tiendroit  à  leur  fîmple  difcours  avec  autant  d'afluran- 
ce  que  s'ils  juroient  ;  mais  comme  il  y  en  a  parmi 
eux  plus  de  foibles  que  de  parfaits,  le  jurement  efl 
quelquefois  nécefTaire ,  &  alors  ce  n'eft  pas  un  mal. 
Tu  autem^  dit  S.  Auguftin  dans  le  liv»  i.  du  Sermon 
iùr  la  Montagne,  non  maîum  facis  qui  bene  uteris  ju- 
ratione,  quce.  etfi  non  bon  a,  tamen  necejjaria  ejlj  ut  al- 
teri  ferfuadeas  quod  utiliier  perjuades ,  fed  a  malo  ejl 
illius  cujus  injiïmîtate  jurare  cogtris^ 


II.     QUESTION. 

(Quelles  font  les  conditions  qui  doivent  accom" 
er  le  Jurement  pour  1er      '     '•  '        ^ 
tout  Parjure  efi-il  pécl 


gagner  le  Jurement  pour  le  rendre  licite  ;  Gr 
tout  Parjure  efi-il  péché  mortel  ? 


LE  (àint  Efprit  nous  a  appris  parla  bouche  du 
Prophète  Jérémie ,  dans  le  chap.  4.  qu'il  y  a 
trois  conditions,  dont  il  eft  abfblument  nécefîaire 
que  le  jurement  loit  revêtu  pour  être  licite;  fcavoir, 
la  Vérité,  le  Jugement,  &  la  Juftice,  Jurabis  vivit 
Dominus  3  in  verîtate,  in  judicio  ô*  in  jujiitia.  Si  ces 
conditions  manquent  au  jurement,  il  eft  toujours  pé- 
ché, à  moins  qu'il  n'y  ait  de  l'inadvertence;  &  com- 
me il  e(l  dit  dans  le  Can.  Animadvertendum ^  ch.  rz, 
q.  2,  c'eft  un  parjure  &  non  un  jurement.  Animadver- 
tendiim  ejî ,  quod  jusjiirandum  hos  habeat  comités  Ve- 
ritatem ,  Judicium  atque  JufHiiam,  Si  ijla  defuerim , 
nequacfuam  erit  juvameiitum ,  fed  perjurium. 

S.  Thomas  2.  i.  q.  S 9,  art.  3.  dit  que  fi  le  jurement 
cft  (ans  vérité,  il  eft  faux  ;  s'il  eu.  lans  jugement ,  il 
eft  indiscret;  s'il  eft  (ans  iuilice,  il  e(l  injulte.  On  ne 
pèche  donc  pas  (eulement  lorfqu'on  jure  pour  affurer 
une  fauffeté,  mais  encore  lorfqu'on  jure  pour  confir- 
me^ une  choie  m.auvaifè  ou  inutile. 

La  vérité  doit  accompagner  le  jurement ,  puifque 
la  fin  du  jurement  eii  de  confirmer  la  vérité  i  maii 


fur  hs  Commandemens  de  Dieu.     229 

pour  Jurer  avec  vcritc ,  il  faut  que  la  choie  que  l'on 
affirme  avec  ferment  fuit  véritable,  &  que  celui  qui 
jure,  la  croyc  telle,  de  forteque  c'efl  un  parjure,  non- 
lèulement  quand  on  jure  qu'une  chofe  efl  véritable, 
qui  e(ï  faufTe  ,  &  qu'on  ferait  être  fauiïe,  ou  qu'on 
doute  être  fauife;  mais  aulH  lorfqu'une  choie  ell  en 
eftet  fauffe,  &  qu'on  jure  qu'elle  efl  véritable,  parce 
qu'on  croit  qu'elle  l'eil.  Le  premier  parjure  fe  nomme 
Formel  ,  parce  qu'il  avance  une  faufTeté  formelle. 
L'autre  Ce  nomme  Matériel ,  parce  qu'il  n'avance 
qu'une  faufTeté  matérielle. 

Il  y  a  de  la  différence  entre  ces  deux  loTes  de  par- 
jures. Le  premier  eft  plus  criminel  que  le  (econd,  & 
eft  toujours  mornel.  Le  (econd ,  quoique  ordinaire- 
ment criminel ,  ne  l'eu  qu'à  proportion  de  la  témé- 
rité plus  ou  moins  grande,  avec  laquelle  on  s'expofe 
à  jurer  (ur  un  fait  dont  on  n'ell  pas  iuffilàmment  ins- 
truit. C'eQ  le  lentiment  de  S.- Auguftin,  fèrmon  180, 
des  paroles  de  l' Apôtre,  qui  étoit  le  i8.  des  ancien- 
nes éditions  ^.  Et  dans  le  (ermon  10.  parmi  les  17. 
ajoutés  par  les  Théologiens  de  Paris.  Aliajia7ido  ^ 
nolens  homo  perjurat  cum  verum  pttat  ejfe  quod  juratn. 
Non  ej}  quidem  tantiim  feccatuniy  quantum  ejus  qui  [ci t 
falfitm  effe  &  tamen  jurât.  A  quoi  eft  conforme  ce  que 
dit  S.  Thomas  1.  2.  q.  98,  art.  i.  dans  la  réponfe  à 
la  première  objeélion.  Non  ita  ejî  perjurus  ille  quifal- 
fiim  jurât  quod  putat  cjje  verum ,  firut  ille  qui  veriim. 
jurât  quod  putat  ejfe  falfitm. 

Il  rcfijlte  de-là  que  celui  qui  jure  une  cholê ,  qu'il 
ne  croit  véritable  que  fiir  de  légères  conjeftures ,  îans 
avoir  apporté  la  diligence  nécefïàire  pour  en  décou- 
vrir la  vérité,  pèche,  puifqu'il  s'expofe  par-là  à  faire 
un  parjure.  Cette  témérité  eft  une  irrévérence  contre 


a  Homines  fairum  jurant, 
vel  cijm  fallu:  t ,  vcl  cùm  fal- 
Itintiir  :  aur  enim  putat  homo 
vcrLin>  elfe  qtird  falfum  tfl ,  & 
temerè  junt  ;  aiit  fcic  aiit  ;nit.\t 
falfiim  effe  ,  ôc  tamjn  pro  vcro 
jurât ,  Si  iii''ilominu3  cum  fcc- 
Icrc  jurât.  DilUn;  aiucm  ïiU 


perjuria ,  qiiae  duo  com-nemo- 
ravi.  Fac  illuni  iuraro  qui  ve- 
rum putat  cflc  ,  ôc  lanicn  fal- 
funi  clL  Non  ex  animo  iftc 
pcrjurat  .  fallitur  hoc  pro  veto 
habtt  quod  t'airum  cft  ,  non  pro 
re  Ml  A  ,  fcicàis  jurationcna  in- 
terponit. 


â'30  Conférences  (T Angers, 

le  S.  Nom  de  Dieu,  dont  on  ne  doit  point  fe  Cetvif 
pour  affirmer  une  chofe,  qu'on  n'ait  une  connoifTance 
certaine  qu'elle  eft  véritable. 

Cette  Dodrine  nous  eft  enfèignée  par  le  CatéchiA 
me  Romain ,  partie  troifîeme  fur  le  fécond  Précepte 
du  Décalogue,  ch.  3.  ^.  ï6.  Peccat ,  qui  qttod  verum 
ejî,  jurât,  idque  ita  fe  hahere  exifiimat ,  levihus  qui-- 
dem  conjeÛuris  adduÛus  ,  &  longé  peiitis.  Nam  etjî 
ejufmodî  jusjurandum  veriias  comhemr  j  fuhejl  aliquo 
modofalfum;  nam  qui  fc  negligenter  jurât,  in  magno 
-pejerandi  periculo  verfatiir. 

Celui-là  commet  aufïî  un  parjure  qui  aflure  avec 
ferment  qu'une  chofè  eft  véritable,  qui  Feft  en  effet, 
mais  qu'il  croit  pourtant  être  faulTe ,  puifqu'il  appel- 
le Dieu  pour  témoin  d'un  menfbnge.  Car  dire  une 
chofe  contre  ù.  penfée  ,  c'eft  mentir  :  Vutat  falfum 
ejfe ,  dit  S.  Auguftin  dans  le  même  lermon  180.  ô" 
jurât  tanquam  verum  fit ,  Ù"  forte  verum  efl  :  verbi 
gratta,.,,  àicitur  ei  vere  pluit  ;  verè  jurât  y  Ù'  tamen 
fluit  ibi  3  fed  ille  nefcit,  &  putat  non  pluijfe,  perjurus 
efl.  înierejl  quemadmodum  verbum  précédât  ex  animo  y 
ream  linguam  non  facit  nifi  mens  rea. 

Le  parjure  fè  divife  comme  le  jurement  en  affer- 
toire  &  en  promifToire.  Nous  venons  d'expliquer  l'ai? 
iertoire.  Le  parjure  promilToire  eft,  i*'.  lorfju'on 
promet  avec  ferment  de  faire  une  chofe  qu'on  a  in- 
tention de  ne  pas  accomplir  ,  ou  qu'on  n'a  pas  la 
volonté  d'accomplir;  car  on  jure  (ans  vérité,  on  ap- 
pelle Dieu  à  témoin  d'un  menfbnge.  2,*^.  Lorfjue 
làns  une  caufe  jufte  &  légitime  on  viole  le  ferment 
qu'on  avoit  fait  avec  intention  de  le  garder. 

On  divife  auffi  le  Parjure  en  Verbal,  en  Réel  &  en 
Mixte,  en  Simple  &  en  Soiemnel. 

Le  Parjure  eft  de  fa  nature  un  péché  mortel  oppo- 
fé  à  la  vertu  de  religion,  parce  que,  comme  raifbnne 
S.  Thomas  ,  1.  i,  q.  518.  art.  z.  &  3.  il  renferme  en  lui 
un  mépris  formel  de  Dieu,  &  une  grande  irrévérence 
contre  lui  en  l'appellant  à  témoin  d'une  fauffeté  , 
comme  fî  Dieu  ne  connoifl'oit  pas  la  vérité,  ou  qu'il 
pût  être  corrompu  pour  fervir  de  faux  témoin,  C'efl 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     23 1 

pour  cela  qu'il  efl  dit  au  ch.  19.  du  Lcvitique  ,  que 
ceux  qui  parjurent,  fouillent  le  Nom  de  Dieu  ^. 

La  Sainte  Ecriture,  dans  tous  les  endroits  où  elle 
parle  du  Parjure,  nous  le  reprcTente  comme  un  pé- 
ché. S.  Paul,  au  cil.  i.  de  la  première  à  Timothée, 
le  met  au  rang  des  plus  grands  crimes.  Dieu  dit  par 
la  bouche  du  Prophète  Malachie ,  ch.  3.  qu'il  vien- 
dra ctre  lui-mcme  le  Juge  &  le  témoin  contre  les  par- 
jures. Il  les  maudit  dans  le  ch.  5.  de  Zacharie. 

Saint  Auguftin,  fermon  180.  qu'on  vient  de  citer, 
dit  qu'il  faut  les  exterminer,  comme  des  bétes  cruel- 
les que  les  hommes  ont  en  horreur  <^. 

Il  y  a  des  Canons  qui  ordonnent  qu'on  impa(ê  aux 
parjures  des  jeûnes  de  quarante  jours  au  pain  &  i 
l'eau ,  &  de  rigoureufes  pénitences  durant  (ept  an- 
nées ,  Can.  Q^iiicumque -i  ch.  é.  q.  i.  Can.  Qui  com- 
pulfus.  Can.  Si  qitis  fejeraverit^  ch.  11.  q.  5.  D'au- 
tres veulent  qu'on  les  mette  en  pénitence  pendant 
trois  Carêmes.  Can.  Qui  pejerat,  Can.  Si  quiscoaÛtiSg. 
ch.  Z2.  q.  5.  D'autres  les  déclarent  infâmes  &  indignes 
d'être  crus  en  Juftice.  Can.  Ir.fumes ,  ch.  6.  q.  i.  Can» 
Si  quis  conviciiis <f  ch.  22.  q.  5.  Lequel  Canon  eft  ex- 
trait du   17.  du  Concile  premier  de  Maçon  de  l'an 

On  tire  de-là  une  preuve  qui  ne  nous  permet  pas 
de  douter  que  le  Parjure  ne  (bit  un  péché  mortel  trè?- 
grief.  î erjiirium  peccamrn  ejje  (x  grande  ^eccatum  ne- 
mûdiibitaty  dit  S.  Auguûin  lermon  180.  On  doit  ent 
avertir  le  Peuple,  comme  il  efl:  marqué  dans  le  Can» 
Vradicandum,  ch.  22.  q.  i.  rrœdicandum  ejl  etiam ^ 
ut  Verjurium  Fiàclcs  caveant ,  &  ah  hoc  fummoperè 
abjlineant  fcientes  hoc  grande  fceliis  ejfe ,  &  in  Lege  Ù*, 
in  Trop}:eiis y  &  in  Evangelio  prohihimm. 

Le  Concile  d'York  de  l'an  ii5?<^.  &  celui  de  Lon- 
dres de  l'an  1200,  pour  donner  plus  d'horreur  de  ce 


&  Non  pcrjtirabis  in  Nomine 
meo,  nec  poilues  Nomen  I)ci. 

c  D:\  alium  qui  fiit  falfum 
cflc  &  dicit  vcrum  tflc  ,  &  ju- 
rât t.mqiiam  Vf  uni  Ht  ,  quod 
fcit  ûlfum  cflc.  Vide  lis  t^vùm 


deteftanda  fit  bcllua  ,  &  de  ré- 
bus humanis  exterminanda  ? 
Quis  eiiam  hoc  fieri  velit  î 
On.ncs  homines  taie  deteftanc 
tut. 


5a 3 2         Conférences  à' Angers, 

crime,  en  avôient  réfervé  rabfolution  aux  Evéquesi 
Dans  le  Diocefe  d'Angers  il  n'y  a  que  le  parjure 
des  témoins  qui  dépofent  Faux  étant  interrogés  juridi- 
quement par  un  Juge  compétent  qui  foit  rerervé  ,  & 
il  faut  pour  cela  ,  i».  Que  le  parjure  foit  formel;  car 
fi  un  témoin  en  afiurant  une  chofe  faufTe  ,  croit  dire 
la  vérité,  ce  parjure  n'eft  pas  réfervé,  mais  lî  un  té- 
moin qui  doute  qu'une  chofe  foit  vraie  ,  l'aflure  de- 
vant un  Juge ,  comme  fi  elle  étoit  véritable ,  il  tom- 
be dans  la  réferve.  2°.  Que  le  Juge  foit  compétent , 
car  s'il  ell  incompétent,  il  n'e(l  point  le  Juge  du  té- 
moin qui  n'eft  pas  de  (on  reflort. 

La  réferve  ne  regarde  point  le  ferment  prêté  par 
un  témoin  devant  des  arbitres,  parce  qu'en  rigueur 
un  arbitre  n'eit  pas  un  Juge. 

Si  un  Juge  oublioit  de  faire  prêter  le  ferment  à  un 
témoin ,  le  faux  témoignage  que  celui-ci  rendroit  ne 
fèroit  pas  un  parjure,  mais  feulement  un  menfbnge 
fort  énorme  qui  feroit  réfervé,  parce  qu'il  eftdit  dans 
Tart.  5.  des  Cas  réfervés  à  JVl.  l'Evéque  d'Angers; 
Falfum  tefiimonium  &  pcrjurium,  f al  forum  tefihimfci" 
licet  y  coram  leghimo  Judice  Jafhim. 

L'inadvertence  &  le  défaut  de  délibération  peuvent 
faire  qu'un  homme  ne  pèche  que  véniellement,  en 
afTurant  par  ferment  une  chofe  qui  efl  fauffe  &  qu'il 
Tçait  être  fauffe,  ou  une  chofe  qui  efl  vraie  en  effet, 
mais  qu'il  croit  être  faufle  ;  par  exemple ,  quand  en 
parlant  il  échappe  à  un  homme  de  jurer ,  fans  faire 
attention  qu'il  jure  ,  &  fans  s'appercevoir  qu'il  jure 
faux,  ce  péché  n'efl  que  véniel;  car  cet  homme  ne 
femble  pas  jurer  volontairement ,  à  moins  qu'il  ne 
Jurât  par  une  mauvaifê  habitude,  qu'il  n'auroit  pas 
pris  à  tâche  de  détruire,  parce  qu'alors  fbn  jurement 
ièroit  volontaire  indiredement  ;  mais  fi  cet  homme 
s'appercevoit  qu'il  jure,  &  que  ce  qu'il  jure  efl  faux, 
ion  péché  fèroit  mortel ,  dit  Saint  Thomas ,  i, 
%,  q.  5)8.  art»  3,  dans  la  réponfe  à  la  féconde  ob- 
jedion  ^. 

d  nie  autem  qui  ex  lapfu  lin-  |  quo(ïiiirat,non  cxciifatur  hpcc- 
gu2  falfum  jurât  fîfjuidem  ad  1  cato  mortaii ,  ficut  nec  a  Dei 
ycrtatfe  jurare,&  falfum  cfle  |  comcmptu  : /i  auutp  hoc  uos 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     ^5  3 

Le  parjure  ne  peut  devenir  véniel  par  la  Icgcreté  de 
la  chofe  qu'on  afîlire,  parce  que  tout  ce  qui  Ce  fait 
avec  un  mépris  de  Dieu,  8c  une  irrévérence  contre 
lui ,  eft,  comme  i'enfeigne  S.  Thomas  z.  2.  q.  5>8.art.  3. 
un  péché  mortel.  Or  le  parjure  ,  quoique  fait  pour 
une  chofe  légère,  renferme  un  grand  mépris  de  Dieu, 
&  une  irrévérence  notable  contre  (on  (aint  Nom  , 
puifque  c'eft  appelier  Dieu  pour  témoin  d'une  faulfe- 
té.  C'eft  donc  un  péché  mortel  que  de  jurer  pour  zC- 
furer  un  léger  menfonge.  AufTi  le  Pape  Innocent  XI. 
en  fon  Décret  du  z.  Mars  167^.  a  condamné  cette 
propo/ition  qui  ell  la  24.  Vocare  Deum  in  tejlcm  men- 
dacii  U'tîs  y  non  ejr  tant  a  irreverentia ,  propter  quamve- 
lit  j  aiii  pnJJiiDtui  dumnare  homihem. 

S.  Tiiomas,  dans  l'endroit  qu'on  vient  de  citer, 
eflinie  que  bien  loin  que  celui  qui  par  raillerie  ou  par 
divertiflement,  jure  qu'une  choie  qu'il  ft^-ait  être  fauf^ 
fè  ,  eil  véritable,  Ibit  exempt  de  péché,  il  l'accroît 
davantage  par  le  peu  d'état  qu'il  fait  du  nom  de 
Dieu  «. 

Quelque  violence  qu^on  nous  fafle  pour  nous  en- 
gager à  jurer  à  faux ,  il  n'eŒ  jamais  permis  de  le  fai- 
re, même  pour  (auver  (a  vie.  Il  faut  plutôt  (buftrirle 
mal  qu'on  veut  nous  faire  ;  car  on  eft  toujours  crimi- 
nel,  pour  quelque  raifbn,  &  dans  quelque  occafion 
qu'on  fe  parjure  volontairement;  comme  on  le  peut 
conclure  du  Canon,  Qui  compilfus  ^  ch.  22.  q.  5.  f. 
C'eft  une  erreur  fort  grande  que  de  croire  le  contrai- 
re. S.  Auguftin,  liv.  2.  du  Mensonge,  ch.  18.  déplore 
le  fort  de  ceux  qui  le  perliiadent  que  cela  eil  per- 
mis s. 


advertat,  non  videtur  habere 
inrentionein  jur.uidi ,  «S:  idcô  à 
crimine  perjtirii  excufatur. 

e  lUc  qui  jncosè  pcrju'-at  , 
non  evirat  dlvinam  irrevcrcn- 
liani,  fcd  quantuni  ad  aliqiiid 
magis  aiiget ,  &  ickô  non  ex- 
cufatur à  peccato  niortali. 

/  Qui  compulfus  à  domino 
fciens  perjurat.  Utrique  funt 
{ierjuii  îk  dominus  &  miles: 


domînus  quia  prscepit:  miles 
quia  plus  dominum  quàm  ani- 
mam  diloxic. 

g  Quid  ,  quoi  vit.T  huius 
amarorcs  ne  liomo  moriatur  > 
non  taniùm  mentiri  ,  fed  etianx 
pejcrare  nos  volunt  ^  Et  funt 
m  eis  dodi ,  qui  etianr»  régulas 
figanr,  quando  dtbeat,  »Sc  quan« 
do  non  debcat  pcjcrati.  O  ubi 
dtis  fontci  lacrymacum,   ubi 


'234  Conférences  d'Angers; 

Il  femble  que  Wiclef  &  Jean  Hiis  avoîent  voulu 
renouvelier  cette  erreur;  car  Martin  V.  dans  la  Conf^ 
titution  Imer  cimÛas^  qui  efl  à  la  fin  du  Concile  de 
Confiance,  dans  laquelle  il  condamne  les  erreurs  de 
ces  deux  Hérétiques,  ordonne  qu'on  interroge  ceux 
qui  en  font  fbupçonnés,  s'ils  croyent  que  le  parjure 
qu'on  fait  pour  (àuver  fa  vie,  ou  celle  d'un  autre ,  foit 
péché  mortel  h. 

Celui  qui  étant  interrogé  juridiquement  par  Con 
Juge ,  fe  fert  d'équivoques  ou  de  reflriélions  menta- 
les en  jurant ,  commet  un  parjure  ,  iuivant  la  déci- 
fion  d'Innocent  XL  dans  Ton  Décret  de  l'an  167^,  où 
il  a  condamné  la  propofition  luivante,  qui  eflla  i6. 
33  Si  quelqu'un  jure  de  n'avoir  pas  fait  quelque  chofe 
35  qu'il  a  faite,  (oit  qu'il  jure  feul,  ou  en  préfence  d'au- 
M  très  perfônnes,  foit  étant  interrogé,  foit  par  diver- 
o->  tiflement,  foit  pour  quelque  autre  fin,  quand  même 
35  il  entendroit  dans  Ton  efprit  quelque  autre  chofe  qu'il 
35  n'a  pas  hite ,  ou  une  autre  manière  que  celle  dans 
35  laquelle  il  l'a  faite ,  ou  quelque  autre  addition  véri- 
35  table,  il  ne  ment  pas  en  effet,  &  n'eftpas  parjure  '\ 

On  peut  même  dire  qu'il  efl  doublement  coupable 
&  obligé  à  reftituer  tous  les  dommages  qui  nailTent  de 
fbn  jurement ,  parce  que  outre  l'injure  qu'il  fait  à 
Dieu  en  le  rendant  témoin  d'une  faulïeté ,  il  ufe  d'ar- 
tifice pour  tromper  fcn  prochain  ;  car  certainement 
fbn  intention  n'efl  pas  de  faire  connoitre  la  vérité  , 
mais  de  la  cacher  à  celui  qui  l'interroge  ,  afin  de  le 
tromper.  Cette  Dodrine  efl  conforme  au  Can.  Quacum- 
que  ,  ch,  iz.  q.  5,  ^,  Celui  donc  qui  répond  à  un  Juge 


nos  occiiltabimus  ab  ira  verita- 
tis  ,  fi  non  folùm  negligimus 
caveremendacia,  feH  aiidenius 
infuper  dccere  perjuria  f* 

h  Utriim  credanr  qiiod  per- 
jurium  fcienter  commilTum  ,  ex 
(juacumqijc  caiifa  vel  occafîo- 
nc  ,  pro  confervatione  \'nx 
corporalis  propriyvel  alterius, 
etiam  in  favorem  fîdci,  fît  mor- 
taie  pcccatum. 

i  Si  cjuis  folus  vel  coram  aliis 


five  înterrogatiis  ,  five  propriâ 
fponte  j  five  recreatlonis  caij- 
sA  ,  fîve  (jiiocurr.qiie  alio  hne 
juret  fe  non  fecifl'e  aliquid 
qiîèd  reverà  fecit ,  intellipen- 
do  imra  fe  aliquld  aliud  quod 
non  fecit,  vel  aiiara  viam  ab 
ea  in  qua  fecit  ,  vel  quodvis 
aliiid  addirum  verum  ,  reverà 
non  mcntitur,  neccfi  pcrjnrus. 
h  Qu^cumque  arte  vcrborum 
«juif^iic  jurct ,  Deus  uraen  ^vU. 


fur  les  Commandemem  de  Dieu.     23  7 

qui  a  droit  de  l'interroger  &  d'exiger  de  lui  le  fer- 
ment ,  eft  obligé  de  le  conformer  à  l'intention  du 
Juge  qui  l'interroge.  C'eft  pourquoi  Innocent  XI, 
dans  le  même  Décret,  a  condamné  cette  proportion 
qui  e/}  la  a  8.  te  Celui  qui  a  été  élevé  à  une  Magillratu- 
■*•>  re,  ou  à  un  Office  public,  par  une  recommandation 
33  ou  par  un  prélent,  pourra  avec  une  redridion  men- 
3j  taleprtterle  ferment  qu'on  a  accoutumé  de  réquî-rir 
9>  par  Tordre  du  Roi  de  (emblables  personnes  ,  fms 
33  avoir  égard  à  l'intention  de  celui  qui  exige  ce  fer- 
33  ment  ;  parce  qu'un  homme  n'eft  pas  tenu  de  confelr- 
y>  fer  un  crime  caché  '. 

La  cenfure  que  le  Clergé  de  France  a  prononcée 
en  l'année  1700,  contre  ces  deux  propofitions  ,  con- 
firme la  dodrine  que  nous  établiffons  ici. 

S.  Auguilin  l'avoit  déjà  enieigné,  lettre  115.  autre- 
fois iZ4.  où  il  dit  que  ceux-là  (ont  des  parjures  qui 
ne  latisfont  point  à  l'attente  de  ceux  qui  les  obligent 
à  jurer,  Perjuri  ftint  qui  fervaiis  verbis  expeÛatiortcm 
eorum  qiiiLus  juramm  ejl ,  decepcrum  ;  &  encore  dans 
la  lettre  ii6.  qui  étoit  la  125.  Ex^eCiationcm  eorum 
quibus  juratiir ,  quifqiiis  deceperh  non  potejî  ejfe  non 
ferjtints. 

Il  rélulte  de-là  que  celui  de  qui  l'on  exige  le  fer- 
ment avec  jullice  &  qui  jure  (ans  delTein  de  s'obliger, 
ou  (ans  vouloir  faire  la  chofe  à  laquelle  il  s'oblige  , 
fft  un  parjure  qui  appelle  Dieu  à  témoin  de  Ton  men- 
(onge  &  qui  veut  tromper  (en  prochain  par  (on  jure- 
ment. David  le  condamne  en  difant  ,  PH  14.  &  23, 
que  celui-là  demeurera  dans  le  Tabernacle  du  Sei- 
gneur qui  ne  trompe  point  le  prochain  dans  les  fèr- 
mens  qu'il  lui  fait  ;  Se  que  celui-là  montera  fur  la  Mon- 
tagne du  Seigneur ,  qui  n'a  point  fait  de  faux,  fermens 


confcicn-i»  tcftis  tft,  ita  hoc 
accipit  fient  il!e  cui  jurarur  , 
int.lligit  ;  Hu,^liciter  aiuen» 
rcus  fît  ,  qiiii  &  Dei  nomcn  in 
vanum  anumit ,  Se  proximum 
dolo  capit. 

/  Qui  mcdiantccommend.!- 
ûonc  vcl  munere  j  ad  Magif- 


trat'jm  vcl  Officium  piiblicum 
promotiiscA,  poterit  ciim  ref- 
ifidtionementali  \^rarftare  jura- 
mcntiim  r;iiod  de  mandate  Ré- 
gis à  /îniilibns  folctcxiiîi  ,  non 
liabito  rcfpcdu  ad  intentionfca 
exigcniis  ,  quia  non  teiictur 
fatcii  crimen  occultum» 


)2^6  Conférences    i'Jngêrs, 

pour  tromper  (on  prochain.  Celui  qui  fait  le  coft-^ 
traire  ne  peut  donc  efpérer  de  participer  à  la  gloire 
du  Seigneur.  C'eft  pourquoi  Innocent  XI,  &  le  Cler- 
gé de  France  ont  condamné  cette  propofition,  Cum 
caufalicitum  ejî  jurare  fine  animo  jurandi  ;  five  r es  fit 
levis  ,  five  gravis. 

Nous  ne  prétendons  point  néanmoins  (butenir  que 
ce  foit  toujours  un  parjure ,  quand  celui  qui  eft  inter- 
rogé par  un  Juge  ne  jure  pas  conformément  à  l'inten- 
tion du  Juge  qui  l'interroge.  Plu/îeurs  Auteurs  dont 
la  Morale  ne  paroit  pas  relâchée  ,  comxme  S.  Ray-^ 
mond  ,    S.  Antonin  ,  Angélus ,  Major  ,  S)  Iveftre  ^ 
Adrien  VI  ,   Cajetait  ,    Soto  ,   Viftoria  ,    Médina  , 
Bannes ,  Navarre  ,    Tolet ,  eftiment  que  quand  un 
homme  eft  interrogé  par  un  Juge  ,  contre  l'ordre  de 
la  Juitice  ;  par  exemple  ,  lorsqu'un  Juge  interroge 
quelqu'un  fur  des  chofes  fur  lefqu elles  il  ne  peut  ré- 
pondre fuivant  l'intention  de  ce  Juge  ,  fans  révéler 
des  vérités  dont  la  déclaration  eit  nuiiîble  au  public 
ou  au   prochain  ,   ou  à  lui-même  ,  que  la  Religion  , 
la  Juflice  ,  ou  la  Charité  défendent  de  publier  ,  & 
que  par  conféquent  il  ne  peut  découvrir  (ans  blefler 
ces  vertus  ,  il  n'eflpas  poflible  de  Ce  conformer  a  l'in- 
tention de  ce  Juge  ;  car  pour  qu'on  (bit  obligé  de 
répondre  (uivant  l'intention  de  celui  qui  nous  inter- 
roge ,  il  faut  qu'elle  (bit  jude  &  légitimée  ,  &  qu'il  ait 
droit  de  nous  interroger  dir  les  choies  dont  il  s'agit, 
(î  bien  qu'on  puifTe  (e  conformer  à  Ton  intention  (ans 
intéreffer  la  Religion  ,  la  Juftice ,  ou  la  Charité.  Si 
cela  n'étoit  pas  ainfî  ;  par  exemple  ,  ii  un  Juge  in- 
terrogeoit  un  homme  public  fur  une  chofe  qu'il  doit 
tenir  (ecrette ,  ces  Auteurs  croyent  que  celui  qui  eft 
interrogé ,  peut ,  en  répondant ,  Ce  fervir  de  paroles 
ambiguës  qui  ayent  plu/ieurs  fens ,  &  qu'il  entendra 
dans  un  Cens  auquel  il  prévoit  que  celui  à  qui  il  parle 
ne  les  prendra  pas ,  &  qu'en  cela  il  ne  fait  point  in- 
jure au  Juge  ,  parce  qu'un  Juge  n'a  droit  d'interroger 
Ton  jufticiable  ,  que  d'une  manière  jufle  &  juridique  ^ 
&  feulement  (lir  les  choies  qui  font  de  (à  compéten- 
ce ;  enfin,  qu'il  ne  commet  pas  un  parjure  ,  puifqu'il 
ne  fait  pas  un  menfbnge  j  car  le  men(bnge  ne  coniiilc. 


fur  les  Commandcmens  de  Dieu»     ^^y 

que  dans  l'oppofition  de  la  penfce  &  de  la  parole  ,  & 
cet  homme  ne  parleroit  point  contre  (a  penfce.  Il  faut 
néanmoins  prendre  garde  d'abufer  de  ce  principe  ,  & 
de  l'étendre  à  des  cas  où  la  Religion  ,  la  Juftice  ,  la 
Charité  ,  l'intérêt  public  ou  particulier  ,  non-feule- 
ment ne  défendroient  pas  d'aller  à  révélation  ,  &  de 
répondre  conformément  à  l'intention  du  Juge  ,  mais 
exigeroient  fbuvent  le  contraire. 

On  a  formé  la  queftion  ;  (îçavoir ,  s'il  ctoit  permis 
de  demander  le  ferment  à  un  homme  quand  on  (çait, 
ou  qu'on  foupçonne  fortement  qu'il  jurera  contre  la 
vérité.  On  a  répondu  avec  S.  Thomas  i.  ^,  q.  5?8.  art. 
4.  qu'il  faJloit  faire  difterence  entre  une  perfonne  pri- 
vée ,  qui  demande  en  (on  nom  le  ferment  à  une  autre, 
&  une  perfonne  publique ,  qui  le  demande  à  la  réquifî- 
tion  d'une  partie.  Une  perfonne  privée  ne  peut  en 
cette  circonllance  demander  le  ferment  d'une  autre  , 
parce  qu'on  doit  empêcher ,  a'utant  qu'on  le  peut , 
l'injure  que  Dieu  recevroit  de  ce  ferment ,  &  le  dom- 
mage fpirituel  qu'en  fouftriroit  le  prochain.  Saint 
Thomas  appuie  cette  réponfe  de  l'autorité  de  Saint 
Auguftin  ,  Sermon  180.  chap.  to.  où  il  dit  que  ceux 
qui  dans  cette  circonllance  contraignent  un  homme 
de  jurer,  font  homicides  de  fbn  ame  ;  car  quoique 
ce  fbit  lui  qui  fê  tue  ,  ce  font  eux  qui  lui  pouffent  la 
main  '".  Ce  Père  enfeigne  la  même  chofe.  Sermon 
508.  qui  étoic  autrefois  l'onzième  de  ceux  qui  avoient 
été  ajoutes  par  les  Dofteurs  de  Paris. 

Le  Concile  de  Mâcon  de  l'an  f  81.  Canon  7.  rap- 
porté par  Gratien  dans  le  Canon  Si  quis  convi6îu:  , 
ch,  ii.q.  5.  veut  que  ceux  quitombent  en  cette  faute, 
foient  privés  de  la  Communion  jufqu'à  la  ^n  de  leur 
vie. 

Une  perfonne  publique  ,  comme  eft  un  Juge  , 
peut  ,  lelon  l'ordre  de  la  iurtice  ,  exiger  le  ferment  de 
celui  que  l'on  f^ait  qui  jurera  contre  la  vérité  ,  mais 


m  Ipfe  qui  exigit  juramen- 

tnm fcit  cnm  fccifle  , 

novît  fccille  ,  vidit  fecific  ,  & 
f  o|;it  }uratc  ,  homicid»  eft.  U- 


le  enim  fur)  perjurio  fc  perc- 
mit  ,  fid  ilte  manum  in.reffi- 
cicjiris  &  expreffic  &  prtflu. 


^3^  Conférences   d'Angers , 

il  faut  qu'il  Coït  requis  de  faire  prêter  le  ferment* 
La  rai(bn  efl  qu'un  Juge  eft  obligé  de  fuivre  la  for-* 
me  prefcrite  par  le  Droit ,  &  qu'il  ne  doit  pas  juger 
félon  Tes  connoiiTances  particulières  ,  mais  félon  les 
preuves  qu'on  apporte  ,  &  la  preuve  n'eft  point 
complette  en  ce  cas ,  fi  elle  neH  confirmée  par  fer- 
ment. 

S'il  fè  commet  un  parjure ,  le  Juge  n'en  efl  point 
réputé  la  caufe  ,  car  ce  n'efl  proprement  pas  lui 
qui  exige  le  ferment ,  mais  la  Partie  à  la  réquifî- 
îion  de  laquelle  il  le  fait  prêter.  Non  videtur  Judex 
exigere  ,  fed  ille  ad  cujtis  injlantiam  exigit ,  dit  fàint 
Thomas.  Cependant  dans  cette  occafion  un  Juge  doit 
faire  ,  autant  qu'il  pourra,  fans  manquer  au  devoir  de 
la  charge  ,  pour  qu'on  n'en  vienne  point  à  la  pref^ 
tation  de  ferment  ,  fbit  en  conviant  le  demandeur 
de  fe  relâcher  fur  cet  article ,  fbit  en  avertifTant  ce- 
lui dont  on  défire  le  ferment ,  de  quelle  conféquen- 
ce  il  efl  de  jurer  à  faux.  Le  Juge  doit  en  outre  ob- 
lèrver  de  faire  prêter  le  ferment  avant  que  d'avoir 
entendu  les  témoins  produits  par  la  partie  adverfe  , 
&  de  ne  jamais  exiger  le  ferment  des  deux  parties 
fur  le  même  fait.  Cela  efî:  très-févérement  défendu 
par  le  Concile  3.  de  Valence  de  l'an  855.  Can.  11. 
parce  que  cela  ne  fè  peut  faire  qu'il  n'y  ait  une  des 
parties  qui  fe  parjure. 

Si  on  objedoit  qu'un  ferment  prêté  dans  cette 
circonflance  ne  peut  point  faire  foi ,  &  que  par 
conféquent  un  Juge  ne  doit  pas  l'exiger  ,  on  de- 
meureroit  d'accord  que  ce  ferment  ne  feroit  pas  foi 
par  rapport  au  Juge  qui  a  connoilfance  du  contraire  , 
mais  il  n'en  fèroit  pas  de  même  par  rapport  au  public 
qui  jugeroit  par-là  que  la  Sentence  n'a  pas  été  rendue 
incon/îdérément  &  fans  examen  de  caufe. 

Le  jugement  eft  la  féconde  condition  qui  doîc 
accompagner  le  jurement ,  c'eil-à-dire  ,  qu'il  ne  fauc 
point  juger  témérairement ,  indifcrétement,  avecpré- 
cipitation  ,  inconfîdérément ,  en  vain  ,  fans  néceflité  , 
mais  après  une  mûre  délibération  ;  après  avoir  con- 
fidéré  fi  on  a  des  preuves  certaines  de  la  vérité  de  la 
chofe  ;  s'il  y  a  une  véritable  néceflité  de  jurer,  fi  ie  fujet 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      2.^^ 

cfl  important ,  fi  on  a  le  pouvoir  d'accomplir  ce  qu'on 
promet ,  après  avoir  examine  le  lieu  &  le  tems  ,  mais 
toujours  avec  reiped  ,  failant  attention  à  l'excellence 
de  celui  dont  on  prononce  le  nom  ,  ne  le  prononc^ant 
jamais  par  efprit  de  colère  ,  de  haine  ,  de  vengeance  « 
ou  de  quelque  autre  paillon. 

1°,  Ceux-là  pèchent  par  le  défaut  de  cette  con- 
dition qui ,  comme  nous  avons  dit ,  jurent  une  cholê 
dont  ils  doutent  ,  ou  qu'ils  ne  croyent  véritable  que 
fiir  de  légères  conjectures.  Leur  péché  peut  n'être 
que  véniel ,  quand  ils  ont  apporté  quelque  diligence 
à  s'inflruire  de  la  vérité  de  la  choie  qu'ils  affirment, 
ou  qu'ils  en  ont  de  forts  indices. 

Ceux-là  pèchent  donc  aufîi  par  le  défaut  de  Ju- 
gement ,  qui  promettent  avec  ferment  une  choie 
qu'ils  (çavent  n'être  pas  dans  leur  pouvoir  &  qu'ils 
ne  prévoyent  pas  y  pouvoir  être.  Ce  jurement  man- 
que de  difcrétion  &  de  prudence  ,  comme  remarque 
laint  Thomas ,  z,  i,  q,  85».  art.  7. 

z*^.  Ceux  encore  qui  jurent  pour  des  choies  de  peu 
de  conféquence  &  lîins  néceffité  ,  car  Dieu  défend 
dans  le  chap.  10.  de  l'Exode  ,  de  prendre  fbn  Nom 
en  vain  ,  Non  ajournes  Notnen  Dei  mi  in  vanum  ;  & 
ceux-là  l'y  prennent ,  (elon  le  fentiment  des  Pères 
du  Concile  de  Trofly  ,  de  l'an  909,  Canon  1 1  ".  Peu- 
vent-ils croire  ne  pas  faire  injure  à  Dieu  en  l'ap- 
pellant  pour  témoin  en  des  bagatelles ,  pour  lefquel- 
les  ils  ne  voudroient  pas  employer  une  perfonne 
qui  tiendroit  un  haut  rang  l 

Quoique  ce  qu'ils  jurent  (bit  véritable  ,  qu'ils  en 
foient  certains  ,  que  Ja  choie  qu'ils  promettent  ne  (bit 
pas  mauvaile  ,  qu'ils  ne  penlent  point  à  tromper 
leur  prochain  ,  &  qu'ils  jurent  ai n fi  en  vérité  &  en 
Jufiice  ,  leur  jurement  manque  de  prudence  &  de 
refyeà  envers  Dieu  ,  &  eft  ain fi  un  péché  ;  mais  les 
Dodeurs  ne  conviennent  pas  entr'eux  que  le  péché 
fbit  toujours  mortel.  Plufieurs  ellimenc  que  l'irrcvc- 


n  Illc  Noraen  Del  fui  in 
varaim  afliimit ,  qui  in  qualibet 
fiivola  rc  ,  &  in  dolo  jiirans 
proximo   fuo  ,    ali^uando  in 


caufa  non  nccclTaria  ,  vcl  in 
verbo  otiofo  ,  Nomen  Sant^um 
cjus  in  tali  vaniiattf  aliumerc 
non  pavcfcit, 


a^O  Conférences  d'Angers  l 

rence  n*eft  pas  affez  notable  quand  il  y  a  quelque 
efpece  de  nécefTité  de  jurer  ,  ou  qu'il  en  revient 
quelque  utilité  ,  &  qu'il'  n'y  a  point  de  fcandale  , 
ni  de  danger  de  fe  parjurer.  Tous  demeurent  d'ac- 
cord que  la  circonftance  du  fcandale  peut  faire  que 
le  jurement  fait  fans  nécefTité  foit  un  péché  mor- 
tel. De  même  le  danger  de  fe  parjurer  peut  aufîi 
très-fouvent  le  rendre  mortel  ;  auquel  danger  font 
toujours  expofés  ceux  qui  ne  font  point  de  cas  de 
mentir  en  des  chofès  légères  ,  &  ceux  qui  ne  pro- 
noncent prefque  pas  une  parole  qu'ils  ne  jurent. 
Quis  efl  ,  dit  S.  Auguflin  fermon  i8o.  qui  non  faU 
latur  3  etjî  noluertt  faïlere  ?  Quis  ejl  homo  cui  non  fub- 
repat  fallacia  ,  &  tamen  juratio  ab  are  non  difcedit , 
frequematur  ?  Plura  fum  phrumque  juramenta  quàm 
verba. 

3°,  Ceux  qui  font  plufieurs  fermens  pour  une  mé- 
me  ehofe  où  un  flifïîroit  ,  &  ceux  qui  jurent  le 
Nom  de  Dieu  avec  emportement  ,  fans  avoir  pour 
lui  le  refpeâ:  qui  lui  efl  dû. 

4^.  Ceux  qui  s'accoutument  à  jurer  continuelle- 
ment. Les  S'^^  Pères  (e  récrient  avec  raifbn  contre 
cette  détefîable  habitude  qui  fait  qu'on  tombe  infen- 
iiblement  dans  le  parjure  ,  parce  que  ceux  qui  jurent 
fréquemment   ne  font    prefque   nulle  attention  s'ils 
jurent  vrai  ou  faux  ,  s'ils  font  afTurés  que  la  chofe  efl 
ou  n'efl  pas  ,  fi  la  chofè  efl  bonne  ou  mauvaifè,  s'il 
y  a  du  danger  de  fcandalifer  les  afTiflans  ,  ou  s'il  n'y 
en  a  pas.  Ce  qui  fait  dire  à  S.  Auguflin,  lettre  85». 
chap.  51.  qu'on  doit  s'abflenir  ,  le  plus  qu'on  peut, 
de  jurer  ,  &  que  même  il  vaut  mieux   ne  pas  jurer 
pour  afTurer  la  vérité  ,  que  de  s'expofer  à  commet- 
tre des  parjures  par  l'habitude  de  jurer  <>. 

Ce  Père  en  donne  pour  raifon,  Sermon  ï8o.  que 
celui  qui  jure  ,  peut  quelquefois  jurer  la  vérité  :  mais 
que  celui  qui  ne  jure  point  ,  ne  peut  jamais  jurer  à 
faux  ;  qu'il  n'y   a  point  de  sûreté  à  jurer  j  qu'il  efl 


0  Juration'm  cave  quantum 
potes.  Melius  qiiippe  nec  ve- 
Eum  juiatur,  ^u^m  jur^ndicon 


fijetiidine  ,  &  in  perjiirt'jm  Hr- 
pe  carlit  r  »  &  femper  perjurio 
pcopin^uatur* 

picme 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     '24.1 

ïncme  périlleux  de  jurer  la  vérité  ,  &  qu'il  e(i  tou- 
jours pernicieux  de  jurer  une  fauiïeté;  c'ed  pourquoi 
il  ne  faut  point  du  tout  jurer,  de  crainte  de  jurer  un 
nienfonge  p. 

On  peut  voir  ce  que  difent  contre  cette  habitu- 
de S.  Auguftin  au  livre  i.  du  Sermon  du  Seigneur 
fur  la  Montagne,  chap.  17.  &  dans  le  chap.  p.  du 
Sermon  i8o.  S.  Ambroife  au  livre  de  l'exhortation  à 
la  Virginité,  chap.  11.  Théodoret  queft.  41.  fur 
l'Exode.  Salvien  Evéque  de  JVIarfeille,  livre  4.  du 
Gouvernement  de  Dieu.  I/îdore  de  SéviUe  livre  i« 
des  Synonymes  ou  Soliloques,  chap.  10. 

Les  Conciles  &  les  Papes  ont  fait  plufîeurs  Or- 
donnances pour  déraciner  cette  maudite  coutume  ; 
nous  en  trouvons  dans  le  Concile  3.  de  Tours ,  de 
l'an  813.  Canon43.de  Trofly,  Canon  11.  de  Bour- 
ges de  l'an  1584.  Tit.  Z5».  &  dans  le  chap.  Etji  ChriJ^_ 
tus ,  de  jurejurando ,  qui  efl  d'Innocent  III. 

Quand  même  on  ne  leroit  pas  flijet  à  tomber  dans 
le  parjure,  on  Ce  doit  corriger  de  l'habitude  de  ju-^ 
rer  ;  car  le  jurement  ne  doit  pas  être  mis  au  rang 
des  bonnes  chofes  qui  (ont  dé/irables  par  elles-mê- 
Tnes  ,  mais  dans  celui  des  choses  nécefniires.  Il  en 
faut,  fuivantS.  Thomas  z,  z.  q.  S9.  art.  5.  raifbnner, 
comme  des  médecines  qui  ne  font  néceiïaires  que 
contre  les  maladies,  de  même  nous  ne  devons  em- 
ployer le  jurement  que  pour  vaincre  l'incrédulité  de 
ceux  à  qui  nous  avons  intérêt  de  faire  croire  une  vé- 
rité importante  ^. 

Les  ConfefTeurs  ne  doivent  pas  donner  l'abfolu- 
tion  aux  pénitens  qui  (ont  des  l'habitude  de  jurer  , 
&  à  qui  il  échappe  quelquefois  de  jurer  à  faux,  qu'ils 
n  ayent  formé  une  ferme  réfoiution  de  s'en  défaire  » 


p  Vis  ergo  longè  cfle  à  per- 
Jiirio  f  Jurare  noli«  (^ui  cnim 
j'.uat  ,  aliqdando  vcrurn  juraie 
porcA  i  qui  autem  non  j  .rar , 
nenHacuim  jiirarc  niinquam 
potcft.  «...  Ne  ergo  mendia - 
cîu  M  jures  ,  noli  )urare.  .  .  * 
Filfa  jiKario  txitiofaeit,  vcra 
jinatio    pericul  )ra  cft  ,   nulU 

Tçmç  I, 


juratio  fccura  cft. 

b  iicut  patet  ♦!£  medicina 
qu2  qiixritur  ad  .11' veiiifn- 
(liim  infira.itati.  Jiuam.ntura 
aurc'ii  qiixritiir  ad  fubvnien- 
dum  alictii  dcfcdii ,  quod  fci- 
licct  unus  honio  aiceri  difc(C« 
diti 


2*4^  Conférences  d'Angers  ^ 

&  qu'ils  n'ayent  auparavant  fait  effort  pour  la  dé- 
truire ;  car  s'ils  n'y  ont  point  travaillé ,  &  que  par 
cette  mauvaife  habitude  ils  jurent  à  faux,  quoique 
fans  y  faire  attention  &  fans  délibération,  leur  pé- 
ché ell:  néanmoins  mortel,  étant  volontaire  dans  la 
caulè,  comme  nous  l'avons  déjà  dit.  Pour  faire  chan- 
ger cette  mauvaife  coutume  aux  pécheurs.  S,  Char- 
les conleille  qu'on  leur  ordonne  quelque  pénitence 
qu'ils  faffent  incontinent  après  avoir  juré  ,  comme 
de  donner  une  telle  aumône,  de  faire  quelque  cour- 
te prière,  de  fè  frappter  la  poitrine  difant  leur  coul- 
pe,  de  fè  mordre  le  bout  de  la  langue,  de  baifêr 
îa  terre. 

Puifqu'on  ne  doit  point  jurer  fans  néce/Tité  ,  il 
efi:  du  devoir  des  Juges  de  ne  point  exiger  le  fer- 
ment des  parties  dans  les  affaires  de  peu  de  confé- 
quence,  particulièrement  quand  ils  peuvent  être  inf^ 
truits  de  la  vérité  par  une  autre  voye.  Il  efl  même 
de  leur  prudence  d'en  difpenfer  une  partie  quand 
l'autre  y  conient ,  &  qu'en  cela  ils  ne  vont  point 
contre  la  Loi.  Le  Concile  de  Cologne  de  l'an 
1 5  3  (^.  les  en  avertit  dans  l'explication  du  fécond  Com-5 
mandement  ^, 

La  Juftice  ell  la  troifîeme  condition  qui  doit  ac- 
compagner le  jurement  pour  qu'il  foit  licite  &  un 
Aâ:e  de  Religion ,  c'efl-à-dire ,  qu'il  faut  que  la  chofè 
qu'on  promiet,  ou  qu'on  menace  avec  jurement  de 
faire ,  (bit  bonne ,  jufle  &  honnête  ;  fî  elle  eil:  mauvai- 
fe ,  injufte  ou  déshonnête ,  on  commet  un  péché  ;  car 
celui-là  fait  injure  à  Dieu  qui  le  prend  pour  témoin 
de  fa  mauvaife  volonté. 


r  Juc^îces  in  exigentlis  ju- 
ramentis  plurimùm  dilcretos 
efi'e  oporter,  atque  adeô  ta- 
ies qui  pruifqiiam  juramenta  , 
vel  à  lirigantibus  ,  vel  à  tef- 
trbus  exigant ,  omnem  adhi- 
bcant  diligentiam  quo  jiira- 
menta  ea  fahem  ,  quae  com- 
moni  partium  confenfu  rcmit- 
ti  poiïunc  ,  remiitantur  ;  ac 


nuîla  (  nifi  rel  necefiRtate  aut 
gravitate  exigente  )  pracftcntur, 
qiiod  facile  perfuadebunr  liti- 
earoribus  ?  Si  affi  ment  nos 
h.mc  reverentiam  Deo  debe- 
re  ,  prsefcrtim  in  caufis  ac  ne- 
gotiis  tTiodici  momenti  .  undc 
non  fit  evidens  uriiitas ,  vcl 
public»,  Ycl  proximi  cxpeftan-; 
^da« 


I 


fur  les  Commàndemens  de  Dieu,     l^j 

Les  Dodeurs  ne  conviennent  pas  Ç\  le  (êrment  par 
lequel  on  jure  de  faire  un  mal  efl  toujours  péché 
mortel.  Pufieurs  font  d'avis  que  pour  juger  de  la 
nature  de  ce  péché,  il  faut  examiner  quel  eil  le  mal 
qu'on  a  juré  de  faire,  que  C\  ce  mal  eft  notable,  ce  ju- 
rement ell  péché  mortel  ;  mais  C\  le  mal  n'cfl  que  lé- 
ger, ils  croyentque  le  péché  n'efl;  que  véniel,  à  moins 
que  le  (candide  qui  Faccompagneroit  ne  le  rendit  mor- 
tel. Quoiqiie  ce  fentimcnt  loit  le  plus  commun  ,  nous 
n'ofons  aUurer  qu'on  ne  pèche  que  véniellement,  en 
prenant  Dieu  à  témoin  d'un  péché  véniel  qu'on  veut 
faire  ;  car  il  (èmble  qu'il  y  a  autant  en  cela  d'irré- 
vérence que  d'attefler  Dieu  pour  un  léger  menlbn- 
ge,  &  certainement  c'eft  un  bien  plus  grand  mal  de 
jurer  qu'on  fera  une  chofe  mauvaifè,  que  de  juren 
(ans  nécefllté  pour  afTurer  une  choIê  honnête  ou  in- 
diftcrente. 

De  quelque  opinion  qu'on  foit  fur  cet  article ,  le 
ConfefTeur  à  qui  un  pénitent  s'accufe  d'avoir  juré 
avec  menace  de  faire  un  mal,  doit  lui  faire  expli- 
quer quel  étoit  ce  mal  ;  par  exemple,  s'il  juroit  de 
tuer  ,  de  battre  ,  de  voler  ,  de  faire  un  adultère  , 
parce  que  le  péché  eft  dilTérent  félon  les  diiTérens 
ihaux  dont  on  menace.  li  doit  encore  lui  deman- 
der s'il  avoit  effectivement  la  volonté  de  faire  ce 
mal  ,  ou  s'il  juroit  fans  cette  volonté,  parce  que  le 
Jurement  eil  un  parjure  formel ,  lorfqu'on  n'a  pas 
la  volonté  de  faire  le  mal  qu'on  jure  de  vouloir 
faire. 

Le  ferment  ne  devant  pas  être  un  lien  d'iniquité  > 
fùivant  le  Canon  Imer  cjL.cra  C.  zi.  (\.  /f^,  junimen-* 
tîim  non  ob  hoc  fuit  injîitiii'.tm ,  ut  ejjet  xi.culum  ini- 
qtti/aiù.  L'on  n'eft  pas  obligé  de  l'cAécuter,  lorf- 
qu'on a  juré  de  faire  une  chofe  mauvaife.  Il  n'y 
a  pas  mcme  d'homme  cenfc  qui  doute  de  cette  vé- 
rité," comme  S.  Berr' rd  a  remarqué  dans  fli  lettre 
2I5>.  Qtuitnvis  nemo  fupicns  dubitet  illiciia  juramenta 
non  cjj'e  teneuda.  Cependant  comme  il  y  avoit  des 
gens  &  mcme  des  peuples  entiers  qui  étoient  dans 
un  fentimcnt  &;  dans  une  pratique  contraire,  le  Con- 
cile 8»  de  Tolède  3c  celui  de  Trofly  de  l'an  ^o^. 


244  Conférences   d^ Angers , 

en  ont  fait  une  défenfe  expreiïe.  Voici  les  paroles 
de  ce  dernier,  Canon,  ii.  Cùm  propter  caxendum per- 
juriam,  necejfe  fit,  Ji  forte  contigerit ,  fervare  jusjuran- 
dum.  lllud  tamen  volumus  omnibus  effe  notum ,  quod- 
àam  juramentum  nullo  modo  a  CkriJJianis  obfervandum, 
videlket  quo  maîum  aliquod  incautè  vel  eiiam  fcienter 
jurando  promitâtur. 

S.  Thomas  après  S.  I/îdore  de  Séville  liv,  2.  des 
Synonymes  ou  Soliloques  ch.  10.  nous  enfèigne  2.  2. 
q.  85».  art.  7.  dans  la  réponfe  à  la  féconde  objedion, 
que  c'efl  un  autre  crime  que  de  faire  le  mal  qu'on  a 
promis  par  un  tel  ferment  ^,  Celui  donc  qui  a  fait 
une  promefle  de  cette  Ibrte  avec  jurement,  au  lieu 
de  l'exécuter  ,  il  en  doit  faire  pénitence ,  (uivant 
la  décifion  d'Alexandre  III.  ch.  Quanta,  de  jureju- 
rando. 

Selon  fàint  Thomas  au  même  endroit,  celui  qui 
jure  de  ne  jamais  faire  ce  qui  n'eft  que  de  perfec- 
tion &  de  conseil,  peclie  en  faifànt  ce  jurement,  puif^ 
qu'il  jure  de  faire  une  chofe  qui  empêche  un  plus 
grand  ûien  ;  mais  il  ne  pèche  pas  en  gardant  Çon 
ferment  ,  quoiqu'il  feroit  mieux  de  ne  le  pas  gar- 
der. 

Avant  que  de  pafîer  à  une  autre  queflion,  il  efl  bon 
de  remarquer  qu'encore  qu'on  n'appelle  ordinairement 
parjure  que  le  jurement  qui  eft  fait  contre  la  vérité , 
néanmoins  les  SS.  Pères  appellent  un  parjure ,  le  jure- 
ment qui  n'eil  pas  fait  avec  juflice  ou  jugement.  Ce 
nom  lui  efl  donné  par  S.  Ambroife,  livre  i.  des  Offi- 
ces chap.  ^o.  &  liv.  3.  ch.  12.  par  S.  Jérôme,  rapporté 
dans  le  Canon  Ariimadvertendum ,  c.  22.  q.  2.  dont 
nous  avons  cité  les  paroles  au  commencement  de  cette 
queftion ,  par  Salvien ,  liv.  4.  du  Gouvernement  de 
Dieu ,  &  par  les  Pères  du  Concile  de  Lérida  de  l'an 
524.  Canon  7. 

Il  fiiut  encore  obferver  qu'il  y  a  des  imprécations 
ou  exécrations  qui  fe  font  ordinairemxent  par  colère 
&  par  emportement ,   comme  font  celle-ci ,  Dien 

5  Si  quîs  juret  fe  fatâunim  j  jurando  ,&  pecçatjuwiïicnîui|[| 

aii^Lio4  peccsiuro  { ^  peccavit  1  faticndo» 


fur  les  Commandemens  de  Dieu»      24/ 

^Me  damne ,  Je  veux  être  damné.  Je  me  donne  au  Dia- 
ble, Que  le  Diable  m'emporte ,  Que  la  terre  m'abyme  , 
Que  la  foudre  m'écrafe ,  Je  veux  être  hritlé  tout  vif. 
Ce  ne  font  pas-là  proprement  des  juremens,  à  moins 
qu'on  ne  les  profère  pour  affîrmef  ou  nier  quel- 
que chofb;  car  le  jurement  n'efl  que  pour  affurec 
une  choie  ,  &  ces  imprécations  ne  (ont  que  pour 
exprimer  Con  dépit  &  fa  colère  :  elles  font  néanmoins 
criminelles.  Si  on  les  proféroit  (ans  y  faire  atten- 
tion, &  fans  avoir  la  volonté  que  les  maux  arri- 
vafTent  à  celui  à  qui  on  les  ibuhaite  ,  ce  ne  feroit 
pas  un  péché  fort  notable  ,  à  moins  qu'il  n'y  eût 
quelque  circonflance  aggravante  ,  comme  fi  un  en- 
fant les  proféroit  contre  (on  Père  ou  fà  Mère ,  ou  un 
inférieur  contre  fôn  Supérieur.  Pour  les  imprécations 
qu'on  fait  contre  les  animaux,  elles  ne  font  pas  des 
péchés  mortels  ,  A  moins  qu'elles  ne  fbient  faites  par 
un  efprit  d'averfion  &  de  hai'ne  qu'on  a  contre  le  maî- 
tfe  des  animaux. 

Enfin  on  remarquera  que  ces  fortes  d'imprécations 
font  quelquefois  cont^'ues  eiT  termes  impies  &  quî 
déshonorent  Dieu  :  ce  font  alors  des  blafphêmes; 
c'eft  pourquoi  le  Confeffeur  doit  les  faire  exprimer, 
&  examiner  avec  quelle  intention,  elles  ont  été 
proférées,  C\  c'efl  avec  indignation  &  dépit  contre 
Dieu. 


II L    QUESTION, 

Ejl'On  obligé  d'exécuter    ce  qu'ion    a  promis 
avec  ferment ,  b'  quelles  font  les  caufes  qui 
peuvent  exempter  de  cette  obligation  ? 

IL  efl  confiant  qu'on  efî  étroitement  obligé  d'exé- 
cuter les  promefTes  qu'on  a  faites  avec  jurement , 
lorfque  les  choTes  promifes  font  pofTibles  ,  julles, 
honnêtes  &  railonnabies.  Quand  Dieu  n'auroit  point 
4it  au  ch.  30.  des  Nombres,   que  Ci  un  homme  s'o^ 

L  iij 


2.^6  Conférences  cP Angers , 

lié  par  un  ferment,  il  ne  doit  point  manquer  à  iâ 
parole,  mais  il  doit  accomplir  tout  ce  qu'il  a  pro- 
mis ^,  &  quand  il  ne  nous  ferait  point  recomman- 
dé dans  la  làinte  Ecriture  de  nous  acquitter  envers 
îe  Seigneur  des  fermens  que  nous  lui  aurons  faits  , 
la  raifbn  naturelle  nous  dide  qu'il  n'y  a  point  de 
lien  dont  l'obligation  foit  fi  forte  &  Ci  étroite  que 
celle  du  jurement.  Auifi  le  ferment  a  paru  refpec- 
table  aux  nations  les  plus  barbares;  &  dans  les  Tri- 
bunaux de  Juftice  on  a  toujours  condamné  les  hom- 
mes à  tenir  ce  qu'iJs  avoient  promis  avec  jurement. 
Nous  avons  fur  cela  plu/îeurs  Loix  dans  le  Code  de 
Juu-inien. 

Le  Pape  Alexandre  III.  dans  le  chap.  Dehitores  , 
de  jurejurav.ào  ^,  nous  fait  connoitre  quelle  force  le 
jurement  donne  aux  promelles ,  quand  il  dit  que  ceux 
qui  ont  amplement  prom.is  de  payer  des  ufures,  ne 
doivent  point  y  être  contraints ,  mais  que  s'ils  ont  con- 
firmé leur  promeffe  par  un  jurement ,  on  doit  les  y 
obliger. 

On  ne  peut  donc  excufer  de  péché  celui  qui  fans 
une  caufe  jufte  &  légitime  manque  à  exécuter  ce  qu'il 
N^  promis  avec  jurement.  Il  faut  convenir  avec  S.  Tho- 
mas z,  ?..  q.  85?.  art.  7,  que  la  vertu  de  religion  nous 
oblige  à  faire  ce  que  nous  pouvons  pour  que  les  cho- 
ies arrivent  de  la  manière  que  nous  les  avons  jurées  , 
afin  de  rendre  vrai  notre  ferment  ;  car  la  vérité  future 
eft  abfolument  requile  dans  le  jurement  promiffoire  y 
comme  la  vérité  préfente  ou  pafTée  ell  nécellaire  au  ju- 
rement affertoire;  fans  cette  vérité  le  jurement  pro- 
miffoire devient  criminel,  puifqu'il  rend  Dieu  témoin 
d'une  fauffeté  '^,- 


a  Si  quis  fe  conftrinxerit  )it- 
ramento  non  faciet  irritnm 
V  ibum  fuiifn  ,  fed  omnequod 
promifit .  impK'!>ir. 

h  Debitores.  . .  Si  de  ufiira- 
Tum  folutione  jiiraverint  ,  co- 
gendi  font  reddere  Domino 
juramenta.  .  .  Cùm  ufur»  fo- 
liit.T  fueiint ,  credi tores  ad  eas 
teftiruendas  funt  EccleHafticâ 


feveritate  ,  fi  necefle  fuerit, 
compellendi. 

c  in  jiiramento  quod  facien- 
Ja  prsftator  de  his  quae  funt 
fienda  à  nobis,  obligatio  cadit 
fuper  rem  quam  aliquis  jura- 
mento  firmavit  ;  tenctiir  enim 
aliquis  ut  faciat  vcrum  efî'e  id 
quod  juravit  ,  alioquin  detft. 
veritas  juramçnw*  iV  T/u 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     247 

Pour  fe  convaincre  davantage  de  cette  vérité ,  ojt 
peut  ob(erver  que  dans  le  jurement  promifToire  il 
y  a  comme  deux  propofîtions.  La  première  qui  regarde 
le  tems  prcfent,  eil  que  celui  qui  jure  a,  dans  le  tems 
qu'il  jure  ,  la  volonté  de  faire  ce  qu'il  promet ,  &  en 
ce  fens  fôn  jurement  eft  alTertoire,  &  doit  dans  ce  mo- 
ment être  accompagné  de  vérité.  L'autre  propofîtiori 
regarde  l'avenir;  fc^avoir,  que  celui  qui  jure  fera  la 
chofe  qu'il  promet,  en  ce  fens  fon  ferment  efl  obliga- 
toire, &  l'engage  à  faire  la  chofe  qu'il  a  promife , 
autrement  (on  jurement  deviendra  un  parjure  promit- 
ibire. 

L'obligation  d'exécuter  le  jurement  paffe  même 
aux  héritiers  du  défunt  qui  l'a  fait ,  fî  fa  promeffe  eft 
réelle  &  a  été  acceptée.  C'eft  une  charge  réelle  qu'il 
s'étoit  impofée ,  qui  pafTe  avec  l'hérédité  à  Ces  héri- 
tiers ;  cependant  fi  les  héritigrs  n'acquittent  pas  cette 
promeffe ,  ils  ne  font  pas  dés  parjures,  mais  ils  com- 
mettent une  injuflice  ;  car  l'obligation  fondée  fur  la 
vertu  de  religion  qui  nous  engage  à  faire  que  notre 
ferment  foit  vrai,  eu.  une  charge  purement  perfon- 
nelle  ,  &  ne  regardoit  que  le  défunt,  qui  ?tVoit  at- 
telle le  Nom  de  Dieu  pour  faire  foi  de  ce  qu'il  promet- 
toit. 

Le  violement  du  ferment  promifToire  efl  de  fâ  nature 
un  péché  mortel,  car  certainement  c'efl  commettre  une 
grande  irrévérence  contre  Dieu  que  de  ne  pas  accom- 
plir une  promeiTe  qu'on  a  autorifce  de  fbn  Nom  &  de 
Ion  témoignage  ,  puifque  c'efl  méprifèr  fbn  autorité 
fbuveraine. 

Tous  les  Théologiens  ne  conviennent  pas  que  ce 
violement  puiffe  devenir  péché  véniel  par  la  petitefTe 
de  la  chofe  promifè  qu'on  n'exécute  pas,  parce  que, 
difent-ils,  la  vérité,  qui  efl  la  même  dans  les  petites 
chofes  que  dans  les  grandes ,  efl  effentielle  au  jure- 
ment, &  en  n'accompliflant  pas  la  chofe  promife, 
quoiqu'elle  foit  de  peu  de  conféquence ,  on  fait  que 
le  ferment  manquant  de  vérité,  devient  faux  &  un  par- 
jure. 

Ajoutez  à  cela  que  ce  parjure  renferme  fbuvent 
W-  autre  péché  ,  d'où  il   tire  une  nouvelle  malice  j 

L  iv 


:24s  Conférences  d^Angers , 

car  par  rinexécution  d'une  promefTe  qu'on  a  faite  aiï 
prochain ,  on  pèche  fort  fréquemment  contre  la  jus- 
tice. 

S'il  y  avoir  quelque  circonflance  favorable  qui 
exemptât  de  l'obligation  de  garder  Con  ferment,  ce 
fèroit  quand  on  a  été  forcé  de  jurer  par  une  crainte 
griéve ,  comme  de  perdre  fon  bien ,  (à  vie  ou  fon 
honneur;  cependant  les  Doéleurs  elliment  que  l'o- 
bligation du  jurement  efl  fi  (àinte  &  /î  forte  ,  que 
la  crainte  n'eft  pas  une  bonne  &  légitime  exculè 
du  violement  qu'on  feroit  d'un  jurement  promiJToire, 
&  que  nonobftant  la  cra-nte  griéve,  il  a  la  force 
d'obliger  à  l'égard  des  chofes  qu'on  peut  faire  li- 
citement, de  forte  qu'on  doit  plutôt  Ibuffrir  un  dom- 
mage temporel  que  de  le  violer  ;  car  encore  qu'on 
n'ait  fait  le  ferment  que  par  force  &  par  crainte, 
néanmoins  il  eft  vrai  de  dire  qu'on  l'a  fait  volontai- 
rement &  librement.  Ainfî  celui  qui  n'accomplit  pas 
un  jurement  que  la  crainte  lui  a  extorqué,  pèche, 
à  moins  que  l'exécution  de  ce  qu'il  a  promis  ne  le 
rend't  criminel  devant  Dieu,  &  ne  portât  un  ohC- 
tacle  à  fon  lalut  éternel,  Alexandre  III.  le  déclare 
ch.  Si  vero  ,  de  jurejurando ,  en  ces  termes.  Si  vero 
aliquis  quempam  grarijjîmo  metu  fub  religione  jura.-^ 
menti  fuum  jus  re future  coegerit,  ipfumquejiti  reiinue-*. 
rit 3  quia  nos  confulcre  voluifi...  tibi  duximus  refpon^ 
dendum ,  quod  non  ejî  tutum ,  quemlihet  contra  juramen^ 
ium  fuum  venire,  nijî  taie  fit  quod  [ervatum  xergat  in 
interitum  faîuîis  aterna.  Ce  qu'on  peut  faire  en  cette 
occafion  eft  de  s'adrefTerà  l'Eglile,  avant  que  d'avoir 
accompli  fon  ferment  pour  en  être  relevé  par  une  dif^ 
penfè,  comme  il  efl  marqué  au  ch.  Debitores  ^  &  au 
ch.  Verum,  de  jurejurando  ;  &  fi  on  a  donné  la  chofe 
qu'on  avoit  promifè  par  force  ,  on  a  droit  de  la  ré-; 
péter. 

Quand  le  Pape  Céleflin  III.  dit  chap.  Verum  qu'on 
vient  de  citer ,  que  ceux  qui  violent  le  ferment  qu'ils 
ont  fait  par  l'impreifion  de  la  crainte,  ne  doivent 
pas  être  punis  comme  pour  un  crime  mortel,  il  ne 
veut  pas  dire  que  ce  ne  foit  pas  un  péché  mortel , 
,que  de  violçr  le  ferment  «jue  la  graintç  a  çxtorcjué  j^ 


fur  les  Commandemens  de  Dlcui     249 

hiaîs  il  veut  marquer  qu'en  horreur  du  crime  de 
ceux  qui  ont  fait  violence,  on  doit  au  for  extcrieuc 
avoir  pitié  de  ceux  qui  n'accomplirent  pas  le  jure- 
ment qu'ils  ont  été  forces  de  faire,  &  ne  les  pas 
punir  comme  des  parjures.  S.  Thomas  2.  z.  q.  5)8, 
art.  3.  dans  la  réponfe  à  la  première  objedion,  a 
ain/î  entendu  les  paroles  de  Ccleflin.  Ce  que  dit  ce 
Do(5leur  de  l'Ecole  (ervira  à  confirmer  ce  que  nous 
avons  établi.  Coatiio  ^  dit  S.  Thomas,  non  aufert  ju- 
Yamento  promijjorio  vim  obliganai,  ref^e^u  ejus  qtiocl 
licite  feri  poicjl ,  ô"  icleo  fi  aliquis  non  itnplcat  qitod 
coafius  juravit,  niJiilominus  perjurium  incurrit  ô'mor-' 
taliier  peccai.  Votefl  tamenper autoritatem  Summi  Vontifi" 
cis  ah  obligatione  eiiam  juramemi  abfolvi  ,  prœfenim  Jt 
coafius  fuerit  talimctn  qui  caiere  pojTei  in  conJîani.em  vi- 
rum.  Quod  auum  diciiur,  quod  taies  non  funt  ■pimiendi 
tanqitam  pro  mariai i  crimine ,  non  hoc  ideo  diciiur,  quia 
non  peccant  mortaliicr ,  fed  quitu  pœna  eis  minor  injii^ 
gitur. 

Concluez  de-ià  qu*un  homme  qui  a  promis  avec 
jurenient  à  un  voleur  qui  le  renoit  à  la  gorge  ,  de 
lui  donner  une  (brnme  d'argent,  s'il  le  laiile  allei! 
filin  Se  fàuf,  eu.  oblige  d^e  donner  cette  femme  i 
ce  voleur.  De  même  un  prisonnier  qu'on  a  relâché 
fur  la  foi  du  ferment  qu'il  a  fait  de  le  représenter  , 
eft  obligé  de  le  faire  ,  autrement  il  devient  un  par- 
jure. Les  Payens  m.émes  étoient  periuadés  de  cette 
vérité  ,  comme  S.  Auguflin  le  prouve  par  l'exem- 
ple d'Attilius  Regulus ,  Conful  Romain  ,  qui  ayant 
été  fait  prifonnier  en  Afripe  fut  envoyé  par  les  Car- 
thaginois à  Rome  avec  leurs  Ambaffadeurs  pour  loi- 
licirer  le  Sénat  de  faire  la  paix  ,  d'où  il  retourna 
à  Carthagepournepas  manquer  à  fbn  ferment;  quoi- 
qu'il fut  bien  perhiadé  qu'on  l'y  feroit  mourir  d'une 
manière  trcs-cruelie  ,  la  paix  n'ayant  pas  été  con- 
clue avec  les  Romains.  Nefcio  quis  ille  Regulus  (die 
faint  Auguflin  dans  la  lettre  a  Alipius  qui  efl  la 
214.  dans  les  anciennes  éditions,  &  la  125.  de  l'é- 
dition des  Bénédidins  )  nihil  in  Scriptttris  fan6îis  de 
imùiciate  falfn  jurationis  audierat,  nihil  de  Zacharix 
vvtitmine  didiceratf  &  nimintrn  Qarthaginenfibus  non 

L  T 


2yo  Conférences   d'Angers  y 

fer  Sacramenta  Chrijîi j  fedper  Dcemonum  înqmnamenta 
juraverat,  &  tamen  certijfimos  criicianis  &  horrendi 
exempli  mortem  non  ut  juraret  necejfitate  pertimuit  j  fed 
libéra  voîuntate ,  quia  jtiraverat ,  ne  pejeraret  exce- 
fit.  Et  Rcmana  tune  illa  cenjura  noluit  habere  non 
in  numéro  SanCîoriim ,  fed  in  numéro  Senatorum  ,  nec 
in  cale/ri  Gloria  ,  fed  in  terrefri  Curia  non  folv.m 
eos ,  qui  metu  m.onis ,  crudeîiumque  fœnarum  apertijji- 
me  pejerare,  quam  ad  immanes  hojies  remeare  malue- 
runt. 

Nous  difôns  bien  plus ,  que  fi  un  homme  jure  ex- 
lérieurement  fans  avoir  intention  de  jurer,  ou  fans 
defTein  de  s'obliger  ou  fans  vouloir  faire  la  chofe 
à  laquelle  il  s'oblige ,  il  ell  néanmoins  tenu  en  con- 
fcience  d'exécuter  la  choie  qu'il  a  promife  ;  car  en- 
core qu'il  n'y  fcit  pas  précifement  obligé  en  vertu 
du  ferment  qu'il  paroit  avoir  fait,  qui  n'efî  pas  pro- 
prement un  jurem.ent.  i.  L'ordre  de  la  Juflice  l'y 
oblige,  fi  la  tromperie  dont  il  a  ufé  ,  caufe  quelque 
dommage  au  prochain.  2.  Il  y  eft  obligé  à  raifbn 
du  fcandale  qui  s'enfliivroit  de  l'inexécution  de  Ton 
lèrm^ent.  3.  La  vertu  de  la  Religion  l'y  oblige,  puif^ 
qu'en  violant  ce  ferment  apparent,  il  commettrcit 
une  irrévérence  contre  Dieu.  Car  de  quelque  anifice 
qu'on  ufe  dans  fès  paroles ,  Dieu  les  prend  dans  le 
jfens  que  les  entend  celui  à  qui  on  jure,  comm.e  dit 
iàint  Ifidore  de  Scvilie  au  livre  2,  du  fcuverain  Eien^ 
chap.  31.  Quacumque  arte  verhoriim  quis  juretj  Der.s 
iamen  qui  confcieti.ia  tejiis  eft  ,  ita  hoc  accipit ,  f.cut 
iîle  cui  iuratur  ,  intelligit.  Auffi  celui  qui  auroit  Juré 
de  cette  manière ,  fèroit  condamné  au  for  extérieur 
a  accomplir  fcn  ferm^ent  dans  le  fèns  &  félon  la 
teneur  des  paroles  dans  lefquelles  il  aurcit  été  con- 
^û.  On  peut  voir  ce  que  dit  fâint  Thomas  z.  2.  q» 
8>J.  art,  7.  dans  la  réponfe  à  la  quatrième  objec- 
flon» 

Nous  avons  dit  qu'on  ne  peut  excufêr  dépêché  celui 
qui  (ans  une  caufe  jufre  &  légitime  m.anque  A  accom- 
plir fon  fèrm.ent;  s'il  en  avcit  \mQ^  il  feroit  excufable 
iùivantla  décifion  du  chap»  Pervenit  2.  du  chap.  Ad 
vojlrcm  3. du  chap,  ^jçuf  3.  au  titrç  de  jurejuranâQ dzns 
k  s  DécrétalsSt 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu.      2^1 

Il  y  a  deux  fortes  de  caufes  qui  exemptent  de  l'obli- 
gation  de  garderie  ferment.  Les  unes  empêchent  qu'on 
ne  contrade  cette  obligation  en  jurant.  Les  affres  font 
cefler  l'obligation  qu'on  avoitcontra-flce  en  jurant.  Les 
premières  viennent  ou  du  coté  de  la  perfbnne  qui  jure, 
ou  du  côté  de  la  matière  du  jurement  qui  ed  la  chofe 
qu'on  a  promile. 

Il  peut  arriver  en  différentes  manières  de  la  part  de 
laperfonnequi  jure  que  le  jurement  ne  produite  pas  l'o- 
bligation de  le  garder. 

1  °.  Quand  celui  qui  jure  n'a  pas  l'ufàge  de  la  raifon , 
car  pour  contrader quelque  obligation  par  un  ferment, 
il  faut  qu'il  foit  fait  volontairement  &  avec  délibéra- 
tion :  or  il  ne  l'eft  pas,  C\  celui  qui  le  fiit  n'eft  pas  li- 
bre &  capable  de  délibérer.  C'eft  de-là  qu'il  eft  dit 
dans  les  inflituts  de  Juftinien  liv.  4.  tit,  20.  que  les 
furieux  &lesenfans  nepeuventicontrader  aucune  obli- 
gation. 

2°.  Lorsque  celui  qui  a  JHré  a  été  fùrpris  par  quel- 
que erreur  ou  par  quelque  fraude,  (ans  laquelle  il 
n'auroit  jamais  fait  un  tel  ferment.  On  infère  cela 
du  ch.  Ci'.m  conîingat )  de  jarejurando.  La  raifon  eft 
que  ce  jurement  n'eft  point  volontaire,  puisqu'il  efl 
fans  contentement  de  la  part  de  celui  qui  l'a  fait, 
&  même  contre  ton  intention,  ou  tout  au  moins  il 
eft  conditionnel;  parce  que  cet  homme  n'a  entendu  ju- 
ler  qu'à  condition  que  la  chofefiit  telle  qu'il  la  con- 
cevoit.  Mais  pour  que  l'erreur  ou  la  fraude  exempte  de 
l'obligation  du  ferment,  il  faut  qu'elle  ait  été  la  caufe 
unique  ou  principale  du  ferment  ;  de  forte  qu'on  ne  Tau- 
roit  pas  fait  fi  on  n'avoitpoint  été  dans  l'erreur  ;  ou  com- 
îne  parlent  d'autres,  il  faut.que l'erreur  ait  été  quant, à 
la  fubflance  delà  matière  du  ferment,  fî  l'erreur  ou  la 
fraude  n'a  pas  été  la  caufe  du  ferment;  de  forte  que  fî  on 
n'avoitpas  été  dans  l'erreur  on  l'auroit  néanmoins  fait, 
oufî  on  n'étoit  dans  l'erreur  que  quant  aux  accidens  qui 
accompagnoient  la  matière,  le  ferment  n'en  efl  pas 
jnoins  obligatoire. 

En  ces  fortes  d'occaflons ,  pour  la  fureté  de  la  conf^ 
clence ,  on  doit ,  fuivant  l'avis  des  Dodeurs,  demander 
à  i'Eglife  la  difpcnle  de  Ton  ferment  5  car  on  ne  peut 

h   VJ 


]25'2  Conférences    d'Angers ," 

avoir  trop  de  refped  pour  le  Nom  de  Dieu  qu'on  a  pris 
à  témoin.  Jofué  &  les  autres  chefs  des  Israélites  nous 
en  ont  donné  l'exemple  en  épargnant  le  fàng  des  Ga- 
baonites,  nonobftant  les  murmures  du  peuple,  parce 
qu'ils  avoient  juré  aillance  avec  eux  au  Nom  du  Sei- 
gneur le  Dieu  d'Iirael,  fur  l'alTurance  que  les  Gabao- 
nites  leur  avoient  donnée,  qu'ils  étoient les  habitans 
d'un  pays  fort  éloigné  ;  comme  ileil  rapporté  dans  le  ch. 
5>.  de  Jodié.  Les  chefs  des  Ifraélites  auroient  pourtant 
pu  ne  pas  tenir  ce  ferment  qu'ils  n'avoient  fait  que  par 
fûrprile. 

3<>.  Lorfqu'en  Jurant  de  bonne  fol  &  fans  tromperie 
on  s'efl:  fervi  de  termes  généraux,  mais  avec  un  defTein 
formé  de  ne  s'obliger  qu'à  telle  chofe  v  alors  on  îieâ 
pas  obligé  en  confcience  au-delà  de  ce  qu'on  a  eu  la  vo- 
lonté de  promettre,  &  les  paroles  dans  lefquelles  le  ju- 
rement a  été  conçu,  doivent  être  entendues  fuivant  l'in- 
tention de  celui  qui  les  a  proférées,  parce  que,  comme 
dit  S.Grégoire,  rapporté  dans  le  Canon  Ûumanœ ,  ch. 
az.q.  ^ ,  Humana  aurestalia  verbanofirajudicant,  qua- 
lia  foris  fonant  ;  dhina  vero  judicia  talia  forts  aiidiunt , 
quai' a  ex  intimis profertmtur, 

40.  Quand  il  y  a  des  conditions  ou  reflridions  quî 
ibnt  fous-entendues  &  fîippofees  de  droit ,  ou  félon  la 
coutume  ,  quoiqu'elles  n'ayent  point  été  exprimées 
en  jurant,  le  ferment  n'engendre  point  d'obligation 
au-delà  de  ces  reflriftions,  parce  que  celui  qui  a  juré 
efi  cenfé  avoir  limité  Ton  intention  fiiivant  ces  condi- 
tions. 

Les  Canonifles  mettent  au  nombre  de  ces  reflriftions 
eu  conditions,  celles  quifiiivent. 

-La  première  eft,  fi  je  puis  faire  la  chofe  &  fî  je  la 
puis  faire  licitement  ;  car  un  homme  ne  prétend  point 
s'engager  à  faire  ce  qui  eft  impcfTible ,  il  ne  peut 
s'obliger  à  faire  ce  qui  efl  illicite.  Cela  eu  décidé  dans. 
ïe  chap.  QuereUm ,  de  jurejurando.  Comingit ,  au  mê- 
îTie  tit.  infextOj  &  dans  le  ch.  Si  diligenti  ^  de  fer 0  ccwi- 
fetenti. 

La  féconde ,  fî  la  promefle  qu'on  a  faite  en  faveur  de 
quelqu'un  a  été  acceptée ,  car  il  faut  qu'elle  fbit  ac- 
ceptée pour  obliger  j  &  juf^u'à  ce  ^ue  l'acceptauoa 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      2^^ 

en  ait  été  faite,  on  efl  toujours  en  droit  de  la  révo-' 
quer ,  parce  qu'on  ne  peut  pas  être  obligé  envers  un 
homme  qu'il  ne  le  veuille  :  néanmoins  fi  la  promefle 
a  été  faite  à  Dieu  ,  elle  n'a  point  beloin  d'ctre  ac- 
ceptée. 

La  troi/îeme ,  fî  les  choies  (ont  demeurées  dans  le 
même  état,  car  s'il  leur  étoit  arrivé  un  changement  fi 
confîdérable  qu'on  n'auroit  pas  juré  fi  on  Favoit  prévu, 
on  n'eft  pas  obligé  a  tenir  Ton  ferment;  comme  on  le 
peut  conclure  de  la  décifion  d'Innocent  III.  chap.  Query> 
admedtim  de  jurejur.  Mais  celui  qui  a  juré  ne  doit  pas 
toujours  s'en  croire  lui-mcme,  pour  juger  file  change»- 
ment  arrivé  efl  aflez  confidérable  pour  l'exempter  d'ac- 
complir fil  promefTe;  il  doit  dans  le  doute  garder  fi^n 
(êrmcnt,  s'il  le  peut  fiins  pécher,  &  il  eft  de  fon  de- 
voir de  confulter  fijn  Confeffeur  ou  un  autre  homme 
fiîge  &  prudent ,  pour  fij-avoir  s'ilpeut  en  confcience  ne 
le  pas  accomplir. 

On  remarquera  que  cette  condition  ou  refiridion  a 
(buvent  lieu  dans  les  fermens  comminatoires ,  que  les 
parens  &  les  maîtres  font  à  leurs  enfans  ou  à  leurs  dcK 
meftiques. 

Il  s'enfiiit  de  cette  condition  que  quand  on  s'eft  obli- 
gé par  ferment  envers  une  autre  perfi)nne,  qui  de  i^on 
côté  refuie  ou  néglige  d'exécuter  ce  qu'elle  avoir  pro- 
mis, on  n'efi:  pas  dans  l'obligation  de  garder  fon  ler- 
ment  :  Innocent  III.  l'a  décidé  chap. SfcMf  3.  de  jure-^ 
jurando.  Juramentum  autem  qiiod  Joannesfe  ajferit  praf- 
titijfe  ifi  de  affenfii  faChim  ejl  ittriufque  j  eum  non  ligat 
qui  p-itfùiiî  f  dum  ille  cai'praflitum  fiierat,  [ervare  ng^ 
gligit  quod  prowijit ,  8c  dans  le  ch.  Pervenit  2.  au  mê- 
me titre,  où  ileft  marqué  qu'on  n'eft  pas  tenu  de  garder 
la  foi  à  celui  qui  nous  en  manque. 

La  quatrième  ,  Ci  la  chofe  fe  peut  faire  fàufle  droit 
d'autrui  ;  car  on  ne  peut  promettre  que  ce  qui  eu  à 
foi  &  dont  on  eu.  maître,  &  non  point  ce  qui  appar- 
tient au  prochain  :  Ci  on  avoir  donc  juré  de  faire 
quelque  chofè  qui  fit  torr  aux  droits  du  prochain  y 
non-feulement  ce  ferment  n'obligeroit  point ,  mais 
même  on  pécheroit  en  l'exécutant.  Le  fernient  fiiit 
contre  k  iioit  du  5upcr;çur  u  çju^orte  donc  aucuni 


^5*4  Conférences  d'Angers; 

obligation,  au  contraire  il  eft  nul,  fi  le  Supérieur 
s'y  oppofe  :  cela  eft  décidé  par  Innocent  III.  chap. 
Venientes  ,  de  jurejurando  ;  &  tous  les  Dodeurs  de* 
meurent  d'accord  que  les  Supérieurs  peuvent  annul- 
îer  les  juremens  que  leurs  inférieurs  font  à  l'égard  des 
choies  dans  lefquelles  ils  dépendent  de  l'autorité  des 
Supérieurs.  Ils  fondent  leur  fentiment  fur  piufieurs 
chapitres  du  Droit  Canonique ,  &  encore  (ur  le  chap. 
30.  du  livre  des  Nombres,  où  il  eft  dit  au  verfet  6  m 
que  fi  une  jeune  fille  qui  eil  dans  la  maifon  de  ion 
Père  a  fait  un  ferment ,  &  que  le  Père  s^  foit  oppo- 
fé  auffi-tot  qu'il  lui  a  été  connu,  (on  ferment  fera 
nul,  &  elle  ne  fera  point  obligée  à  ce  qu'elle  aura 
promis. 

Nous  ajouterons  qu'on  doit  même  (ous-entendre 
dans  le  jurement  fila  choie  n'eft  point  nuifîble  au  pro- 
chain ;  car  fi  elle  l'ëtoit ,  on  ne  doit  pas ,  iuivant  la  doc- 
trine du  même  Innocent  III.  chap.  Cum  comingatj  de 
jurejurando  ,  tenir  fbn  ferment.  AuiTi  ce  Pape  dans  le 
ch.  Sicm  nojlris y  au  même  titre,  condamme  les  jure- 
mens qui  font  faits  au  déiâvantage  de  l'Eglife ,  &  il  les 
traite  de  parjures  ^. 

Concluez  de-là  qu'un  homme  qui  a  juré,de  ne  point 
Communiquer  le  iecret  de  compofer  un  remède  iàlu- 
taire,  n'eft  pas  tenu  de  gatder  ce  ferment,  quand  il 
ell  préjudiciable  au  prochain  ,  que  la  charité  nous 
oblige  indiipeniablement  de  fécourir  en  certaines  cir- 
conltances. 

On  doit  encore  fôus-entendre  dans  le  jurement 
toutes  les  autres  conditions  particulières  qui  ibnt 
propres  à  la  matière  du  ferment ,  &  qu'elle  llippofè 
de  droit  ou  par  la  coutume ,  parce  que  le  ferment 
n'en  efl  que  l'accefToire  qui  doit  fuivre  la  nature  du 
principal.  Ainiî  celui  qui  a  contradé  des  fiançailles 
avec  jurement ,  n'eiî:  pas  tenu  d'accomplir  ion  fer- 
ment ,  s'il  veut  fe  faire  Religieux  ;  &  celui  qui  a  juré 
de  ré/îder  continuellement  en  un  Bénéfice ,  peut  s'en 
abfenter  dans  les  cas  permis  par  le  Droit ,  fliivant  la 

d  Ncn  iurarrcnta  fed  f  p'ju-  I  contra  luilitatem  EcdeilafU- 
'tia  potius  dicenda  funt ,  ^u«  |  cam  atccniantur» 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu.     2^f 

âccl/îon  du  chapitre,  Ex  -parte  tua  z.  de  Qler.  non  refi-» 
dent. 

Il  peut  arriver  de  la  part  de  la  matière  du  jurement , 
qu'il  n'y  ait  point  d'obligation  de  tenir  le  ferment  dans 
les  circondances  fuivantes. 

Premièrement ,  /î  la  chofe  promifê  cfl  véritablement 
împofTible  ou  illicite;  car  fclon  les  règles  du  droit > 
nul  n'efltenu  A  l'impofllble ,  &  le  ferment  n'oblige  pas 
contre  les  bonnes  moeurs. 

Il  s'enfuit  de-là  que  C\  la  chofè  promifê  avec  jure- 
ment a  été  depuis  défendue  par  une  Loi  de  l'Eglife 
ou  du  Prince ,  on  n'eft  pas  obligé  d'accomplir  cette 
chofè. 

Si  dans  le  tems  qu'on  a  juré ,  la  matière  du  jurement 
étoitpoflible,  &c  qu'elle  ne  fbit  devenue  impoiTible  que 
par  quelque  événement  qu'on  n'a  pas  dû  prévoir,  on 
n'eft  obligé  de  faire  que  ce  qu'on  peut ,  &  on  eft  excufé 
d'accomplir  à  l'entier  (on  fepment,  comme  l'enleigne 
S.  Thomas  z,  z,  q.  Sp,  art.  7,  Ciim  aliquis  jurât  fe  pe- 
cuniam  joluturum  ^  quœ  eipojlmoditiv  vi  lel  furto  fubtra- 
hitur jtunc  videtur excufaïus  ejje  àfaciendo  quodjuravity 
licèt  teneatur  facere  quod  infe  efl. 

Pour  être  exempt  de  tenir  fôn  ferment,  il  ne  fuffit 
pas  que  la  chofè  promife  fbit  devenue  difficile  à  exécu- 
ter ,  &  qu'en  la  faifant ,  on  coure  rifque  de  quelque  dan- 
ger ou  de  quelque  perte;  mais  c'efl  une  raifon  pour  de- 
mander à  être  dir[:>enlc  de  fbn  jurement. 

Secondement,  fî  la  matière  du  jurement  efl  pure- 
ment indifférente  &  inutile,  &  que  la  promefTe  n'ait 
été  faite  qu'à  Dieu  feul ,  il  n'y  a  aucune  obligation 
de  faire  la  chofè,  quoiqu'on  ait  pris  Dieu  pour  té- 
moin ;  pnrce  que  cette  cliofè  ne  tourneroit  en  aucune 
manière  d  l'hcnncur  ni  à  la  gloire  de  Dieu;  m.ais  fî 
cette  clicfcqu:  étoit  Indiflérentc  d'elle-même  a  rapport 
à  une  bonne  fin,  il  y  a  cbligation  de  l'exécuter  ;  par 
exemple ,  fi  on  a  juré  de  ne  point  parier  à  une  telle 
perf-nne ,  afm  d'éviter  de  pc'cher,  on  doit  garder  ce 
ièrmc.".:. 

Si  en  avolt  juré  en  faveur  de  quelqu'un  de  faire 
une  chofc  îndiiTcr-jnte  ,  on  y  feroit  obligé  ,  pourv'ft 
^u 011  la  put  exécuter  fans  péché;  parce  que  dans  les 


'3.66  Conférences   à^ Angers  ^^ 

promefTes  faites  aux  hommes  on  ne  regarde  pas  G6 
qui  eft  de  meilleur  en  Toi ,  mais  ce  qui  leur  eft  plus 
agréable. 

Troifîémement ,  /î  la  chofe  qu'on  a  juré  de  faire 
empêche  qu*on  ne  fafle  un  plus  grand  bien  ;  par 
exemple,  iî  on  a  juré  de  ne  pas  pratiquer  les  confeils 
Evangéliques ,  il  n'y  a  point  d'obligation  de  tenir  ce 
ferment. 

Les  caufes  qui  font  ceffer  l'obligation  qu'on  avolt 
contradée  en  jurant  font  : 

1  ^,  Un  notable  changement  furvenu  à  la  matière  du 
jurement  qui  fait  qu'elle  n'eft  plus  la  mém.e  que  celle 
qu'on  a  jurée  ;  ain/î  celui  qui  a  juré  n'eft  pas  cenfé  avoir 
eu  intention  de  s'obliger  à  la  chofe  dans  l'état  où  elle 
fè  trouve. 

2°.  Quand  le  jurement  a  été  annuUé  par  le  Supé- 
rieur ,  comme  étant  fait  dans  une  matière  qui  dépendoic 
de  fôn  autorité ,  ou  par  une  perfbnne  qui  n'étoit  pas 
maitreffe  d'elle. 

3*^.  Si  celui  en  faveur  de  qui  le  jurement  a  été  fait ,' 
s  en  eft  relâché  &  en  a  fait  remife  ou  expreiTément 
ou  tacitement ,  &  qu'on  eft  certain  de  fon  intention  ;  car 
chacun  peut,  s'il  lui  plaît,  remettre  (es  droits  particu- 
liers, fuivant  la  dodrine  du  chap.  Trœtereay  deSponfi- 
libus  &  Matrimon.  Mais  il  faut  remarquer  avec  S.  Tho- 
mas i.  2.  q.  85>.  art.  9.  dans  la  réponlè  à  la  leconde 
objedion  ,  que  iî  le  jurement  a  été  principalement  fait 
à  l'honneur  de  Dieu ,  quoiqu'il  foit  fait  en  faveur  d'un 
homme,  cet  homme  n'en  peut  faire  la  remife,  parce 
que  ce  ferment  regarde  plus  Dieu  que  cet  homme  ;  par 
exemple ,  fî  Pierre  avoit  juré  à  Paul  de  fonder  un  Bé- 
néfice pour  l'en  faire  pourvoir,  Paul  ne  pourroit  pas 
faire  ceffer  cette  obligation  par  la  remife  qu'il  feroit  à 
Pierre  de  fà  promefTe. 

4*^.  Quand  on  a  obtenu  de  l'Eglise  une  difpenfè  oii 
une  commutation  de  fon  ju'-ement  :  car  i'Eglile  peut 
<iif[^enler  du  jurement  promiffoire  ou  le  commuer.  Ce 
pouvoir  efl  fondé  fîir  ces  paroles  de  J.  C.  à  fes  Apô- 
tres en  S.  Matthieu ,  chap.  18.  Ce  que  vous  délierez  fur 
la  Terre,  fera  délié  dans  le  Ciel.  Alexandre  III.  dans 
Je  ch.  5;*  vçro^  de  jurejurando  ^  nous  aiTure  que  TE- 


fur  Us  Commandemcns  de  Dieu,     25*7 

gîife  a  plufieurs  fois  ufé  de  ce  pouvoir.  A  fluribus 
pnedece^orihtts  nojlris  faClum  cjfe  recolitur  ,  quod  C/e- 
rici  qui  coa£li  mimjlerhim  Ecclefitx  ahjurarunt ,  de  ju^ 
ramento  ,  abfolutionis  benefciiim  meruerum. 

L'Eglifè  ne  peut  difpenler  du  jurement  aflertolre  : 
la  raifbn  eft  que  la  matière  de  cette  Cône  de  jurement 
eft  ou  une  chofe  prélente  ou  une  chofe  pafTée ,  qui  , 
par  confcquent ,  ne  peut  (e  changer  ;  mais  la  matière 
du  jurement  promifToire  eft  une  chofè  future  qui  peut 
le  changer  ,  &  de  permiie  devenir  illicite,  de  profi-> 
table  nuifîble  ,  de  pofTible  impofTîble ,  &  ainfî  cefTer 
d'ctrela  matière  légitime  d'un  jurement.  C'eft  ce  que 
déclare  l'Eglile  en  difpenfant  du  jurement  promif- 
.(oire. 

Selon  le  fentiment  commun  des  Dodeurs  ,  le  Pape 
feul  peut  difpenfer  du  jurement  promiffoire  qui  regar- 
de une  matière  ré(ervée  au  S.  Siège,  comme  (ont  les 
Vœux  de  Chaftetc  perpétuelle',  de  Religion  ,  de  Pè- 
lerinage en  Jérufalem  ,  au  tombeau  des  Apôtres  à. 
Rome ,  &  à  S.  Jacques  en  Compoftelle.  Ils  ajoutent 
qu'il  n'y  a  auHi  que  lui  feul  qui  puifTe  diipenfer  du 
ferment  qu'on  a  prcté  de  garder  les  Statuts  d'un  Col- 
lège ou  d'une  Univer/ité  qui  font  émanés  du  Saint 
Siège. 

Dans  les  autres  matières  les  Evéques  peuvent,  pour 
des  caules  judes  &  légitimes,  difpenfèr  du  jurement 
dans  l'étendue  de  leur  Diocèfe  ,  comme  auflî  ceux 
qui  ont  une  jurifdiclion  qua(i  Epifcopale,  &  les  Pré-, 
lats  réguliers  à  Tégard  de  leurs  Religieux. 

Ce  pouvoir  peut  être  délégué  à  un  Clerc  qui  n'eil 
pas  dans  les  Ordres  fàcrès  ;  mais  il  faut  prendre  garde 
que  celui  qui  eft  délégué  pour  difpenfer  des  vœux  ne 
Tell  pas  pour  dilpenler  du  jurement  ;  parce  que  la 
difpenfe  ,  comme  di(ent  les  Canonises ,  eilunecho(e 
odieufè ,  qui  ne  doit  pas  être  étendue  au-delà  de  ce 
que  les  termes  fîgnifient  pris  à  la  rigueur.  Aufîi,  fèloa 
le  Hyle  de  la  Cour  de  Rome,  le  privilège  de  dilpen- 
fer  du  jurement  ,  eft  diUingué  de  celui  de  difpenlec 
des  vœux. 

Les  caulès  légitimes  pour  accorder  la  difpenfe  des 
juremens  promilloires  faits  à  Dieu  ,  font,  leloii  içs[ 


iSjS  Conférences  à^ Angers  l 

Canonises ,  C\  la  chofè  promife  eft  devenue  beaucoup 
plus  diiicile  qu'elle  n'étoit  ;  fî  rexccution  du  jure- 
ment empéchcit  un  plus  grand  bien  ,  fe  préfentant 
quelque  autre  choie  de  meilleur  à  faire  ;  C\  la  chofe 
qui  paroilToit  utile  eft  devenue  ou  inutile  ,  ou  très- 
peu  utile  &  nuifîbie  ;  fî  l'obligation  du  jurement  flib- 
Mant ,  celui  qui  a  juré  le  trouveroit  fbuvent  expofé 
au  danger  de  pécher  ;  C\  le  jurement  a  été  fait  par 
ignorance  ou  par  légèreté  d'efprit  &  avec  précipita- 
tion ;  il  le  jurement  a  été  fait  par  erreur,  par  far- 
prile  ,  ou  par  contrainte. 

Il  n'eft  pas  nouveau  qu'on  accorde  dans  TEglife  la 
difpenle  des  juremens  promilToires  ,  nous  en  avons 
d'anciens  exemples.  S.  Athanafè  ,  dans  fa  lettre  au 
Moine  Dracontius ,  nous  apprend  que  ce  Moine  fur 
difpenfé  du  ferment  qu'il  avoit  fait  de  ne  jamais  de- 
meurer dans  Ton  Eglife  fî  on  le  faifoit  Evéque.  Saint 
Ambroife  ,  lettre  1 1.  à  l'Empereur  Théodofe  ,  lui  dé- 
clare qu'il  était  difpenfé  de  garder  un  jurement  qu'il 
avoit  fait  ,  qui  favorifbit  les  Juifs  &  les  Hérétiques 
Valontiniens.  In  hoc  me  ego  Dec  nojîro  fro  te  ohligo , 
nec  verearis  facramemum.  Numquid  Deo  difplicere  ])o- 
terit  i  quod  pro  ejus  emendatur  honorijîcentia.  Les  Pères 
du  Concile  8.  de  Tolède  ,  tenu  en  l'an  65 3. accordè- 
rent la  difpenfé  d'un  ferment  qui  étoit  préjudiciable 
à  l'Etat. 

L'Eglifê  ne  difpenfé  ordinairement  du  jurement 
fait  pour  confirmer  une  promeffe,  que  quand  lapro- 
mefTe  eQ.  faite  à  Dieu  feul  ;  fî  elle  étoit  faite  au  profit 
d'un  homme  qui  l'eût  acceptée  ,  on  ne  peut ,  parlant 
généralement ,  en  difpenfèr  ,  fans  le  contentement 
de  celui  au  profit  de  qui  elle  a  été  faite  ;  parce  qu'il  a 
un  droit  acquis  à  la  chofe  par  la  promeffe  ,  &  on  ne 
doit  pas  dépouiller  un  homme  de  Tes  droits.  Néan- 
moins les  Dodeurs  font  d'avis  que  l'on  peut  fans  re- 
quérir le  confèntement  de  celui  au  profit  de  qui  le 
jurement  a  été  fait  &  qui  l'a  accepté  ,  en  accorder  la 
difpenfé  ou  une  commutation  dans  les  occafîons  fiii- 
vantes  :  i».  Quand  il  y  a  lieu  de  craindre  que  l'exé- 
cution du  jurement  ne  tourne  au  défâvantage  del'E- 
<gUfè  ou  au  détriment  du  bien  public  5  par  exemple  ^ 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     2^ç 

(\  on  avoit  jure  à  un  voleur  qu'on  ne  le  dcnonceroit 
point,  z^.  Quand  le  jurement  a  ctc  extorque  par  con- 
trainte ,  par  dol  ou  fraude.  3''.  Quand  il  s'agit  de  pu- 
nir le  crime  de  celui  en  faveur  duquel  le  jurement  a 
été  fait.  Sur  ce  principe  ,  qui  eft  approuvé  dans  les 
cliai").  AbiuS  y  de  iis  quœ  vi  menive  ,  &c.  Ex  adminif- 
tratiohis  ,  &  bi  i-erl  ,  de  jurejurando  ,  celui  qui  a  juré 
à  un  créancier  de  lui  payer  des  intérêts  udiraires  , 
parce  qu'il  rc  vouloit  lui  prêter  Ton  argent  qu'à  cette 
condition  ;  &  celui  qui  a  juré  a  un  voleur  de  lui  don- 
ner une  certaine  Ibnime,  pour  fauver  fà  vie  que  le  vo- 
leur vouloit  lui  oter  ,  peuvent  obtenir  la  dilpenle  de 
leur  iuremcRt.  4°.  Si  en  donnant  difpenfe  du  jure- 
ment ,  on  cmptche  un  fcandale  qui  arriveroit.  5°. 
Quand  il  y  a  un  juile  fondement  de  douter  /1  le  jure- 
ment cLligf^  ou  n'oblige  pas  ,  fi  la  chofe  efl:  licite ,  fî 
elle  n'efl  noinr  nuifible  ou  prcjudx'able  au  prochain. 

Les  Juges  fcculiers  peuvent  iTidiredement  relâcher 
l'obligation  du  ferment  promifToire  ,  quand  il  eft  fait 
en  matière  temporelle  qui  eft  de  leur  compétence,  & 
que  les  perfbnncs  font  leurs  jui1:iciables  ;  par  exem- 
ple j  fi  on  a  forcé  injuftement  un  homme  à  jurer  qu'il 
donnera  une  (bmme  d'argent  qu'il  ne  doit  pas ,  un 
Juge  peut  en  connoifTance  de  cau(e  le  décharger  du 
payement. 

Si  le  jurement  eft  contre  la  juftice  ou  les  bonnes 
mœurs ,  la  chofe  qu'on  a  juré  de  faire  étant  ou  illi- 
cite ,  ou  deshonncte  ,  ou  injufte ,  on  n'a  point  befbin 
de  dilpenle  pour  s'exempter  de  la  faire  ;  mais  d'une 
abfolution  de  la  faute  qu'on  a  commife  en  failant  ua 
tel  jurement  ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  ,  nous 
fondant  fur  la  décifion  d'Innocent  III.  ch.  Quanto  ^ 
de  jurejurando,  Urbain  III.  l'a  aufll  décidé,  ch.  Ciim 
quidam  ,  au  même  titre  ^. 

Quand  une  promefTe  confirmée  par  ferment  a  été 
faite  A  Dieu  feul  &  ne  regarde  que  (on  honneur,  on 
peut,  fuivant  la  maxime  établie  par  le  ch.  Pervenù  , 

c  Illi  qui  jurant   non  loqui  |  trariiim  ration!,  injunâa  tamcn 


pain  vtl  matri  . . ,  .ahfolvcmli 
funt  ab  illiiis  obfcrvaniia  jtira- 
pîciui  cùm  illicitum  fit  &  con- 


cis ,  de  hoc  qiiod  malè  jurayC' 
raut  pcsniccntiâ  compecenrii 


â?ô  Ûonférences   d^ Angers  ^ 


que  choie  de  meilleur  &  de  plus  parfait ,  parce  que 
Dieu  eft  réputé  être  content  de  ce  qui  vaut  mieux  ; 
mais  fi  la  promefTe  eft  faite  au  profit  d'un  homme  , 
on  ne  peut  la  changer  (ans  fbn  confèntementen  quel- 
que chofe  de  meilleur,  parce  que  les  hommes  aiment 
quelquefois  mieux  ce  qui  leur  fait  plaifîr ,  que  ce  qui 
eft  meilleur  en  loi. 

On  raifcnne  à  peu-près  du  jurement  comminatoire 
comme  du  promifToire.  S'il  n'a  pas  été  accompagné 
des  trois  conditions  qui  doivent  nécefTairement  ac- 
compagner le  jurement  pour  le  rendre  licite  &  vali- 
de ,  il  n'y  a  nulle  obligation  de  le  garder  ;  par  exem- 
ple ,  /î  un  Père  avoit  fait  à  Ces  enfans  par  légèreté  ou 
par  emportement  ,  des  menaces  avec  jurement  dans 
le  tems  que  les  enfans  neméritoient  pas  la  peine  dont 
il  les  menaçoit ,  il  ne  feroit  pas  tenu  d'exécuter  fbn 
jurement ,  par  la  rai(bn  qu'il  auroit  juré  (ans  jugement 
une  cho(è  illicite  &  injuÂe  ;  mais  (i  le  jurement  com- 
minatoire a  été  accompagné  des  trois  conditions  re- 
quifes  ,  c'eil  un  péché  que  d'y  manquer,  a.  moins  que 
la  rai(bn  pour  laquelle  on  a  fait  les  menaces  ,  n'ait 
cefle  ou  ne  (bit  changée  ;  car  le  jurement  eft  cenfe 
avoir  été  fait  (bus  cette  condition  ,  au  cas  que  la 
caufè  ne  cefTe  point ,  ou  ne  (bit  pas  changée. 

La  caufe  eft  réputée  avoir  celîé  ou  être  changée ,' 
1°.  Quand  celui  contre  qui  les  menaces  ont  été  faites 
s'efl  corrigé  de  Tes  fautes  ,  ou  au  moins  en  a  demandé 
pardon  ,  &  marqué  être  dans  le  deffein  de  Ce  corriger, 
2°.  Quand  il  y  a  lieu  de  croire  que  le  châtiment  fe- 
roit  plus  nuifible  que  profitable.  3°.  Si  on  a  jufte  fu- 
jet  de  craindre  que  l'exécution  des  menaces  ne  cau(ê 
un  grand  mal ,  comme  feroitla  divifion  dans  une  Fa-i 
mille ,  ou  le  trouble  dans  une  Communauté, 


r>-»^/fe- 


fur  Us  Commandemens  de  DUu,     261 


IV.     QUESTION. 

Quejî-ce  que  le  Blafphême  P  EJî-il  toujours 
péché  mortel  f 

SAînt  Paul,  dans  le  ch.  3.  de  l'Epître  à  Tite  ,  en- 
tend par  le  mot  de  Blafphêmc  une  médilance.  Cet 
Apôtre  recommandant  à  (on  Disciple  d'avertir  les  Fi- 
dèles de  ne  médire  de  perionne  ,  Ce  fert  de  ce  terme  : 
Admone  illos  .  . .  neminem  blafphemare.  S.  AugulHn  , 
dans  le  livre  i.  des  Mœurs  des  Manichéens,  chap.  1 1« 
voulant  définir  le  Blalphcme  ,  prend  ce  mot  dans  le 
même  fens  ;  il  dit  que  blafphémer  c'ell  parler  mal  des 
gens  de  bien  ,  mais  en  même  tems  ce  Père  remarque 
qu'on  ne  le  fert  communément  du  terme  de  Blafphi'tne 
que  pour  /îgnifier  qu'on  parle  mal  de  Dieu  :  il  rend 
pour  railon  de  cet  ulage  qu'on  peut  quelquefois  avoir 
(ujet  de  douter  de  la  vertu  des  hommes,  mais  on  ne 
peut  jamais,  Hins  commettre  un  crime  ,  avoir  le  moin- 
dre doute  de  la  bonté  de  Dieu  ^,  Le  Blafphcme  eH 
donc  une  parole  injurieule  qu'on  dit  contre  l'honneur 
de  Dieu  ,  ou  en  lui  attribuant  quelque  défaut,  ou  en 
niant  qu'il  ait  quelque  perfedion  qui  lui  convient  ; 
par  exemple  ,  Ci  on  dit  que  Dieu  eli  cruel ,  qu'il  ell 
auteur  du  péché,  qu'il  n'eil  pas  jufle  ,  qu'il  n'ed  pas 
tout-puiflànt.  Les  Blalohémateurs  ne  pouvant  nuire  à 
Dieu ,  ni  lui  enlever  les  perfe(flions ,  aiguifent  leur 
langue  nour  les  deshonorer. 

Les  Théologiens  di(ent ,  avec  S.  Thomas ,  z,  i,  q, 
13.  art.  I.  que  le  Blafphcme  ctlune  injure  qui  attaque 
la  bonté  de  D.cu  ;  car  commj  Dieu  eil:  la  bonté  par 
efTence  ,  tout  ce  qui  convient  à  Dieu  appartient  à  (à 
bonté  ,  &  tout  ee  qui  ne  convient  point  à  Dieu  >  efl 


d  Eft  aiitem  bhfphemia,  cùm 
àlicj^ua  mala  dicunrnr  >'e  nobis. 
Itaque  jam  vulgo  blafohçn  i.i 
Aoa  accipiuir ,  niù  mala  vciba 


de  I)io  dicere,  de  hominibtis 
namquc  diibitari  poieft.  Dtus 
verà  tinc  controverlÎ4  bonus 
clt, 


0.62  Conférences  d'Angers  ; 

fort  éloigné  de  fa  bonté  qui  efl  Con  efTence  :  aîn/î  at- 
tribuer à  Dieu  ce  qui  ne  lui  convient  pas ,  &  lui  dé- 
nier ce  qui  lui  convient ,  c'eil:  s'efforcer  de  diminuen 
l'excellence  de  fà  bonté  ^. 

Comme  il  y  a  une  parole  intéHeure  &  l'autre  exté- 
rieure ,  il  y  a  deux  fortes  de  Biafphémes.  L'un  inté- 
rieur,  qu'on  appelle  Blafphême  de  cœur  ;  l'autre  exté- 
rieur ,  qu'on  appelle  Blaffhême  de  bouche  :  c'efl  pour- 
quoi le  Seigneur  dit  en  S.  Matthieu ,  ch.  15.  que  c'efl 
du  cœur  que  partent  les  faux  témoignages  &  les  Blaf^ 
phémes.  On  peut  aufïi  donner  le  nom  de  Blafphême 
extérieur  au  mépris  qu'on  fait  de  Dieu  par  des  mouve- 
mens  de  tête  &  par  des  gefles  outrageans  &  injurieux. 
Le  Biafphéme  intérieur  neû.  quelquefois  que  dans 
l'entendement,  &  quelquefois  il  ell  encore  dans  la  vo- 
lonté ,  comm.e  a  remarqué  S.  Thomas  dans  l'endroit 
qu'on  vient  de  citer. 

On  diflingue  trois  manières  de  biafphéme. 

La  première  fe  nomme  Enonciative ,  c'efl  quand  en 
affirmant  ou  niant  quelque  chofe  on  fait  injure  à  Dieu  , 
comme  lorfqu'on  lui  attribue  ce  qui  ne  lui  convient 
pas  ,  ou  qu'on  s'efforce  de  lui  oter  ce  qui  lui  con- 
vient. 

On  comprend  fous  cette  manière  le  biafphéme , 
qui  fe  commet  en  fbuhaitant  que  Dieu  n'eût  pas  les 
perfedions  qu'il  pofTede  ;  par  exemple  ,  fi  on  délîroic 
que  Dieu  ne  prit  point  foin  Aes  affaires  d'ici-bas , 
qu'il  ne  connût  ou  ne  punit  point  les  péchés  des  hom- 
mes. On  y  comprend  auiTi  le  biafphéme  de  ceux  qui 
parlent  des  perfedions  divines  en  doutant  ,  comme 
font  ceux  qui  dilent  :  Si  Dieu  ejl  jufie  ,fi  Dieu  eji 
tout'puijjant ,  comment  nempêcheH^il  pas  cela  ^  com-^ 
ment  foujfre-t'il  telle  chofe  ^ 


h  Nomen  blafpheraîae  Im- 
portare  videtur  quanidam  dero* 
gationeai  alicujus  excellcntis 
bonitati^  &  praecipuè  divins. 
Deiis  aiitem  eft  ipfa  efltnria 
verae  bonitatis,  undè  quia  Deo 
convenit ,  pcrtinet  ad  bonita- 
lem  ipflus ,  &  ^uid^uid  ad  ip- 


fum  non  pertinct ,  longe  efl  i 
ratinne  perfeélae  bonitaiis,  qiix 
ert  tijus  tffentia  ;  «jnicumqiie 
crgo  vel  ncgat  alicjuid  de  Deo 
quod  ei  convenir,  vcl  afierit 
d    Dec  qciod  fi  ncncor.venit  , 

derogat  divin*  bonitaii»  S*  T/jj 


fur  Us  Commande  mens  de  Dieu.      26^ 

Cette  maniera  de  blurphémer  eft  quelquefois  ac- 
compagnce  de  l'hércfie  ou  de  Tinfidélitc  ;  par  exem- 
ple ,  C\  un  homme  difoit  que  Dieu  n'a  pas  (bin  des 
bons  ,  qu'il  eil  injuile  ,  avec  une  perfua/îon  intérieure 
que  Dieu  eil  tel  qu'il  le  d.t,  il  leroit  un  infidèle  &  un 
blafphcmateur  ;  mais  il  arrive  rarement  qu'un  Chré- 
tien Catholique  profère  dans  cet  efprit  des  injures 
contre  Dieu  :  cela  ne  vient  ie  plus  fbuvent  que  d'un 
amour  dcibrdonné  qu'on  a  pour  les  créatures  ,  dont 
un  homm.e  fe  voyant  privé  ,  s'emporte  à  parier  mal 
de  Dieu  ;  de  forte  que  tel  qui  blalpheme  en  difànc 
que  Dieu  n'eft  pas  julle  ou  n'efl:  pas  miféricordieux  , 
étant  interrogé  ,  s'il  croit  qu'il  en  (bit  comme  il  dit  , 
répondra  qu'il  croit  que  Dieu  eil  juile  &  miféricor- 
dieux. 

La  féconde  manière  eft,  quand  on  blafphême  avec 
imprécation  ou  exécration  contre  Dieu  ,  lui  fbuhai- 
tant  du  mal  &  le  maudifTant  ,'ce  qui  eil  le  propre  des 
damnés  &  le  péché  des  défèipérés.  Il  échape  quelque- 
fois aux  joueurs  de  biafphémer  de  cette  manière 
quand  ils  perdent  leur  argent  ;  les  ConfefTeurs  doi- 
vent y  faire  beaucoup  attention. 

La  troifieme  manière  s'appelle  deshonorante  ;  c'efl 
quand  on  parle  de  Dieu  ,  de  les  attributs  &  des  cho- 
fes  qui  lui  conviennent,  d'une  manière  outrageante, 
ou  avec  mépris,  ou  par  mocquerie,  comme  faifbient 
les  Juifs  ,  qui ,  au  rapport  de  S.  Matthieu  ,  ch.  17, 
difbient  à  Jefus-Chrirt  attaché  à  la  Croix  :  Toi  qui  dé^ 
truis  le  Temple  de  Dieu  &  le  rétablis  en  trois  jours ,  que 
ne  tefauve-tu  toi-même  ?  Si  tu  es  le  Fils  de  Dieu  ,  def- 
cends  de  la  Croix?  C'eft  ainfî  queblafphémoit  l'Empe- 
reur Julien  l'Apodat  ,  lorfqu'adreflànt  la  parole  à 
J.  C.  il  di(bit  :  Tu  as  vaincu ,  6  Galiléen,  Tel  efl 
auflî  le  blafphcme  de  ceux  qui  jurent  par  la  mort,  par 
le  corps  ,  par  le  fàng ,  par  la  tête ,  joignant  à  ces 
mots  le  Nom  de  Dieu  ;  parce  qu'encore  que  ces  mem- 
bres conviennent  au  Fils  de  Dieu  incarné  ,  ils  les 
attribuent  à  Dieu  d'une  manière  qui  blefTe  le  refped 
qui  lui  elè  dû  ,  au  lieu  que  tout  ce  qui  appartient  à 
Dieu  mérite  d'ctre  honoré  Ibuverainement.  Ces  gens- 
Ufont  donc  outrage  à  Diçu  ,  &  profèrent  d'horribles 


Il6'^  Conférences    d^ Angers ," 

blasphèmes ,  fuivant  le  fentiment  du  Synode  de  Lan- 
grès  de  Tan  1404.  rapporté  par  Bouchel  en  Tes  Dé- 
crets de  TEglifè  Gallicane.  Qui  jurât  per  verba  ,  qucs 
fonant  in  Bhfphemiam  ,Jicut  qui  jurât  fer  intejlina  Dei, 
€tiam  fi  juret  veritatem  ,  graviter  peccat  :  encore  fui- 
vant celui  du  Synode  de  Troye  de  l'an  1417.  raoporté 
par  le  même  Auteur.  Sunt  nonnulli  tam  Laïci  quàm 
Ecclefiajîici  viri  qui  Redemptorem  fuum  turpiier  inhono- 
vantes ,  detejlabilia  in  ejus  blafphemiam  faciunt  jura- 
menta ,  puta  per  carnem  fuam  3  per  fanguinem  ,  per 
mortem  ,  per  plagas  ,  per  caput ,  per  vifcera  vel  aliud 
concernens  ejus  humanitatem  jurantes  &  ipfum  Redemp- 
torem noftrum  pro  nobis  omnibus  in  cruce  mortem  paf- 
fum,  iterlim  crucificant*  C'eft  pourquoi  quand  un  péni- 
tent s'accufè  d'avoir  juré  mort ,  tête  ,  ventre  ,  joi- 
gnant à  ces  termes  le  Nom  de  Dieu  ,  il  faut  lui  de- 
mander s'il  prononçoit  ces  paroles  avec  haine  ,  indi- 
gnation ou  dépit  contre  Dieu ,  ou  avec  mépris  du 
myftere  qu'elles  fignifient  ;  car  en  ce  cas  ,  ces  exécra- 
tions (ont  des  blafphémes  &  des  péchés  très-énormes. 
Si  le  pénitent  dit  qu'il  ne  penfbit  qu'à  la  créature  qui 
caufbit  (on  déplaifir  ,  (ans  faire  attention  à  ce  que 
fîgnifioient  ces  paroles  ,  (ans  aucune  mauvaife  affec- 
tion contre  Dieu  ou  contre  J.  C.  &  (ans  defiein  de 
rinjurier  ou  de  le  méprifèr  ,  comme  font  ceux  qui 
ians  aucune  habitude  de  colère  ou  de  blafphéme  , 
mais  uniquement  par  promptitude  ,  profèrent  ces  pa- 
roles quand  elles  leur  viennent  à  la  bouche,  (ans faire 
réflexion  à  ce  qu'ils  difent  ;  les  Dodeurs  eftiment 
que  le  péché  n'eft  pas  mortel  &  que  ce  ne  (ont  pas 
des  blafphémes.  S.  Thomas  (emble  être  de  ce  (enti- 
ment ,  a.  z.  q.  13.  art.  3 .  dans  la  réponfe  à  la  troifîeme 
objeâion.  Cependant  le  Pénitentiel  Romain  impo(e 
à  ceux  à  qui  cela  arrive,  un  jeûne  pendant  fept  jours 
au  pain  &  à  l'eau.  Si  jurafii  per  capilliim  Dei ,  aut 
c^put  ejus ,  vel  alio  modo  blafphemiâ  ufus  fueris  ;  fife* 
mel  nefciens  fecijïi  y  feptem  dies  in  pane  ù"  aquâ  pani- 
teat,  La  rai(bn  qu'on  peut  rendre  de  cette  féverité  , 
c'eû  qu'on  ne  peut  prononcer  ces  paroles  (ans  caufer 
idu  fcaadale,  &  fans  oftenferies  oreilles  pieufes. 

Lç 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     26 J" 

Le  Confeiïeur  à  qui  un  pénitent  s'accufe  d'avoir 
blalphcmc  doit  être  (bigneux  de  lui  faire  expliquer  de 
quelle  manière  &  avec  quelle  intention  il  a  blafphé- 
nié,  non-fèulement  parce  que  plufîeurs  gens  groifi^r» 
confondent  le  jurement  avec  le  blasphème  ,  8c  le  blaf- 
phcme  avec  le  jurement;  mais  encore  parce  que  les 
biafphémes  font  prelque  toujours  accompagnés  de  quel- 
ques autres  péchés  ;  comme  font  l'infidélité,  le  renie- 
ment de  la  Foi,  rhéré/Ie ,  le  défèfpoir  ,  la  haine  contre 
Dieu,  l'imprécation )  ce  qui  ajoute  une  nouvelle  ma- 
lice au  blafphcme. 

Le  blafphcme  peut  être  formel  ou  virtuel.  Il  eH  for- 
mel, quand  il  eft  prononcé  en  termes  exprès  contre 
l'honneur  de  Dieu  avec  intention  de  l'injurier  :  il  efl: 
virtuel,  quand  il  eft  prononcé  avec  attention  en  ter- 
mes qui  font  injure  à  Dieu  ou  en  eux-mêmes  ,  ou  par 
la  manière  qu'on  les  profère ,.  quoique  celui  qui  les 
prononce  n'ait  pas  une  intention  direde  de  déshono- 
rer Dieu. 

Suivant  le  chap.  Statuimus ,  de  Mahdtcis  ,  on  com- 
met un  blafphcme  quand  on  prononce  des  paroles 
injurieufês  contre  les  Saints  en  tant  qu'ils  ont  rapport 
à  Dieu  ;  parce  que  le  mépris  qu'on  fait  des  Saints  qui 
font  les  amis  de  Dieu,  en  qui  fa  fîiinteté ,  fà  bonté, 
fà  puifîîmce  éclatent  particulièrement ,  retombe  fiir 
Dieu ,  comme  l'honneur  qu'on  leur  rend  fe  rapporte  à 
lui  c. 

Il  en  faut  dire  autant  des  paroles  outrageufês  pro- 
férées contre  les  Sacremens  x)U  contre  les  (aintes  Ecri- 
tures ;  ainfî  c'eft  un  blafphcme  que  de  dire  que  \e$  Sa- 
cremens ne  fervent  à  rien,  que  les  fàintes  Ecritures 
font  remplies  de  fauffetés.  On  voit  par-là  qu'il  y  a  des 
blafphcmes  qui  font  immédiatement  centre  Dieu ,  & 
d'autres  qui  ne  (ont  pas  immédiatement  contre  Dieu  , 
mais  qui  retombent  fur  lui.  Les  Auteurs  qui  ont  traité 
de  la  pratique  du  Sacrement  de  Pénitence,  font  d'a- 
vls  qu'on  doit  expliquer  cette  circonftance  en  confef^ 


c  Statuioiu?  ut  C\  qiiis  contra 
Dcum  vcl  aliqueQï  SanJlorum 
fiiorum,  (Si  maxime  beatam  Vir- 
gincm  ,  lingiiam  in  blafphc'  i  ûcie^ 


miam  publiée  rclaxare'  prat- 
fiunprcrit,per  Epifcopum  fuum 
pœnx  l'ubdaiUr  infcrius  aano- 


266  Conférences   d'Angers  j 

iîon ,  à  cauie  des  difFérens  péchés  qui  le  trouvent  jointe 
aux  blalphémes. 

C'eli  auffi  un  blalphéme  que  d'attribuer  à  la  créa- 
ture ce  qui  ne  convient  qu'à  Dieu  (èul.  S.  Thomas , 
2.  z.  q.  13.  art.  i.  dans  la  réponfe  à  la  troifieme  ob- 
}e<flion ,  remarque  que  ce  blafphéme  n'eft  pas  d'une 
efpece  différente  de  celui  par  lequel  on  attribue  à 
Dieu  ce  qui  ne  lui  convient  pas  ;  parce  que  quand  on 
attribue  à  la  créature  ce  qui  ne  convient  qu'à  Dieu  , 
il  femble  qu'on  veuille  dire  que  Dieu  n'efl  qu'une 
créature  ^, 

On  peut  commettre  cette  forte  de  blafphéme  eit 
plufîeurs  manières.  1°.  En  attribuant  au  Démon  les 
miracles  de  Jeflis-Chrift  comme  faifoient  les  Juifs, 
z».  En  difant  que  les  chofès  d'ici-bas  font  gouvernées 
par  le  Démon  :  c'efl  l'opinion  des  Manichéens.  3°.  En 
attribuant  au  deflin  ou  aux  Aflres  tous  les  événemens 
qui  arrivent  dans  le  monde ,  comme  font  les  Aflro- 
îogues.  4<^.  En  égalant  ou  comparant  la  créature  à 
Dier. ,  comme  font  ceux  qui  difent  qu'une  chofe  qu'ils 
affurent  eft  auili  vraie ,  qu'il  efl  vrai  qu'il  n'y  a  qu'un 
Dieu ,  que  Dieu  eft  au  Ciel ,  ou  que  J.  C.  efl  Dieu, 
ou  qu'elle  eft  aulTi  vraie  que  l'Evangile.  50.  En  traitant 
de  divinités  les  créatures  ;  c'efl  le  péché  des  Amans 
pafîionnés  qui  ont  l'effronterie  de  qualifier  de  ce  titre 
les  femmes  qu'ils  aiment  éperduement.  Ils  fe  trompent 
quand  ils  veulent  s'excufer  fur  ce  qu'ils  ne  leur  don- 
nent ce  nom  qu'en  jouant  &  en  badinant ,  car  on  ne  fe 
moque  point  de  Dieu.  L' Apôtre  nous  en  avertit  au  ch. 
6.  de  i'Epître  aux  Galates.  Nolite  errare ,  Deus  non  ir^ 
ridetur.  Les  flatteurs  qui  donnent  à  des  hommes  la  qua- 
lité de  tout-puiffants  ou  d'immortels  ne  font  pas  exempts 
de  ce  péché. 

La  punition  dont  Dieu  châtia  Herode  Agrippa," 
nous  fait  comprendre  combien  Dieu  efè  irrité  contre 


à  Quôd  autem  ea  qi:ae  funt 
Deo  propria  ,  crcaturis  attri- 
buaniiir,  ad  hoc  periincre  vi- 
detiir,  quod  aliquid  ei  atrri- 
buatiir  quod  ei  non  convenit» 
Quld^uid  eaim  c{\"  Deo  pro- 


prium ,  efl  ipfe  Deus.  Attrî- 
buereautemid  quod  eft  Deo 
propriuni,  alicui  crcaturï  ,  cfi 
ipfLm  Dcum  dicece  idem  tic^<* 
turs. 


fur  tes  Commandemens  de  Dieu.     26 J 

Ceux  qui  donnent  aux  créatures  les  titres  honorifiques 
qui  lui  (ont  propres.  Ce  Roi,  pour  avoir  approuve  le 
blafphcme  que  le  peuple  Juif,  applaudiflant  à  la  ha- 
tangue  qu'il  failbit  aux  Ambadiideurs  des  Tyriens  &r 
des  Sydoniens  ,  commit,  en  difànt  que  c'ctoit  la  voix 
d'un  Dieu  &  non  pas  d'un  homme,  fut  frappe  au  même 
inftant  par  un  Ange  du  Seigneur  &  fut  mangé  des  vers  , 
comme  il  eft  rapporté  dans  le  chap.  12.  des  Ades  des 
Apôtres. 

Quoique  ceUx-là  ne  faffent  pas  un  blafphériie  n  un 
jurement,  qui  mêlent  les  noms  de  Dieu,  de  Jeflis- 
Chrift,  de  la  Vierge  Marie,  eu  des  Saints  dans  desdilr 
cours  vains,  profanes  &  ridicules,  on  ne  peut  pas  dire 
qu'ils  ne  pèchent  point ,  puisqu'ils  déslionorent  ces 
Noms  (àcrés,  contre  la  défenfe  qui  nous  eil:  faite  dans 
le  ch.  19,  du  Lévitique  ^,  &  dansTEccléfiaflique  ch. 
23.  ^",  Que  le  Nom  de  Dieu  ne-foit  point  (ans  ce(re  dans 
votre  bouche.  Ne  mêlez,  point  dans  vos  di(cours  les 
noms  des  Saints ,  parce  que  vous  ne  (erez  pas  en  cela 
«xempt  de  faute  &  de  punition  à  caufe  du  peu  de  reC- 
ped  que  vous  portez  à  ces  Noms  (îiints  ,  qu'on  ne  doic 
proférer  qu'avec  une  révérence  particulière  &  une  gran- 
de piété  ,  comme  S.  Paul  nous  l'apprend  ch.  2.  de 
l'Epitre  aux  Philippiens ,  où  il  dit  :  (lu  au  Nom  de  Jcfus 
tout  genou  fiéchijfe  dans  le  Ciel  y  fur  la  Terre,  Ô"  dans 
les  Enfers. 

Le  bla(phéme  a  toujours  été  regardé  comme  un  des 
plus  grands  crimes.  Dieu  l'a  jugé  digne  du  dernier  fup- 
plice  dans  le  ch.  24.  du  Lévitique.  Il  ordonna  à  Moile 
de  faire  lapider  par  tout  le  peuple  le  fils  de  Salumith 
qui  avoit  bla(phémé  dans  le  camp  des  Ifraéiites.  Da-« 
vid,  Pfeaume  36.  dit  que  ceux  qui  blalphcment  péri-; 
ront  («ms  reffource  s. 

Ce  péché  e(l  en  effet  très-énorme ,  pui(qu'il  femble 
attaquer  Dieu  en  lui-même  :  il  porte ,  dit  S.  Jérôme 
liv.  7.  furie  ch,  18,  d'Haie,   (à  rage  jufques  dans  le 


e  Nec  poilu  js  Nomen  Dci 
lui. 

/  Nominacio  Dci  non  fir  af- 
fidiu  in  ore  tuo  ,  &  nominibus 
Sanclorucn  non  admifcearis  , 


quoniam  non  eris  Immunis  ab 
eis 

g  Maledicintcsautera  eidif^ 
pcribuac. 


Mij 


26S  Conférences  (T Angers, 

Ciel,  ce  qui  fait  que  tous  les  autres  péchés  comparés 
à  celui-là,  paroiffent  en  quelque  manière  légers  h, 
S.  Thomas  en  parle  de  même,  z.  z.  q.  13.  art.  3. 

L'Ecciéfiaftique  juge  ce  crirr^e  fi  déteftable  qu'il  noCe 
le  nommer ,  fe  contentant  de  nous  le  repréfenter  en  pa- 
roles couvertes,  ch,  z^,f,  1$,  Ejl  &  alia  loqiiela  con- 
traria morti ,  non  inveniatur  in  hxreditate  Jacob.  Il  y  a 
une  autre  parole ,  qui  elVune  parole  qui  caufe  la  mort , 
leion  le  lens  du  texte  grec  ;  qu'elle  ne  (e  trouve  jamais 
dans  l'héritage  de  Jacob. 

L'Ecriture  lainte ,  fuivant  la  pratique  aflez  commune 
aux  Hébreux ,  pour  témoigner  l'horreur  que  Dieu  a 
pour  le  blaiphéme ,  fe  fèrt  de  paroles  toutes  contraires 
pour  exprimer  ce  péché ,  comme  on  le  voit  dans  le 
îiv.  de  Job  ch.  2.  où  (a  femme  lui  dit  :  BéniJJez  Dieu  & 
mourez  ;  c'efl-à-dire ,  prononcez  contre  le  Seigneur 
quelques  paroles  de  blafphême  &  mourez.  Bfwfc//c  Deo 
^  morere. 

Rien  ne  peut  mieux  nous  faire  comprendre  com- 
bien le  blafphéme  efl  défagréable  à  Dieu ,  &  quel  foin 
jious  devons  apporter  pour  ne  jamais  tomber  dans  cet 
horrible  péché ,  que  les  châtimens  terribles  dont  Dieu 
a  puni  ce  crime.  Nous  apprenons  par  le  Iiv.  3.  des 
Rois  au  ch.  20.  que  Dieu  fit  périr  plus  de  cent  vingt- 
fept  mille  Syriens  pour  punir  un  blafphéme  de  Bena- 
dab  Roi  de  Syrie.  Un  blafphéme  prononcé  par  Sen- 
nacherib  Roi  des  AfTyriens,  fut  caufe  qu'en  une  nuit 
cent  quatre-vingt-cinq  mille  hommes  de  fon  armée 
furent  exterminés  par  un  Ange ,  comme  il  ell  rapporté 
dans  le  Iiv.  4.  des  Rois ,  ch.  i^.  S.  Paul  nous  dit ,  dans 
la  première  à  Timothée  au  ch.  i.  qu'il  livra  Hyme- 
née  &  Alexandre  à  Satan,  parce  qu'ils  avoient  blaCV 
phémé. 

Quoique  le  Nom  de  Dieu  foit  beaucoup  déshonore 
parle  parjure,  il  l'efl  bien  davantage  par  le  blafphé- 
me. La  raifbn  qu'en  rend  S.  Auguflin  dans  le  livre 
contre  le  menfbnge ,  ch.   1^.  efl  que  par  le  parjure 


h  Nihll  horribiliiis  blaf- 
phemiâ,  quae  ponit  in  excelfum 
os  fiium  • .  ••  •  Omne  quippe 


peccatum  comparatum  blafphcri 
vaix  kvius  cH» 


fur  les  Coinman démens  de  Dieu,     2<jg 

on  prend  Dieu  à  tcmoln  d'une  chofe  fauffe,  mais 
par  le  blafphcme  on  dit  des  chofes  faufles  de  Dieu 
nicme  '. 

Qu'on  regarde  le  blafphcme,  foit  en  lui-même," 
foit  en  Hi  caufe,  on  ne  peut  douter  que  ce  ne  foit  un 
pcchc  trcs-grief  contre  l'amour  &  le  refped  qui  font 
dus  à  Dieu  ,  8c  même  beaucoup  plus  grand  que  Tin- 
fidélité;  car  le  blafphème  eft  un  affront,  une  injure, 
un  outrage  qui  deshonore  la  majellé  de  Dieu,  qui  s'ef^ 
force  delà  rabaiffer  &  delà  rendre  vile  &  mcprifabie. 
Or  c'eflun  bien  plus  ?rand  crime  de  couvrir  d'outra- 
ges la  perfbnne  d'un  Koi,  que  de  refufèr  de  lui  rendre 
l'honneur  qui  lui  eft  dû,  L'efprit  humain  ne  peut  pen- 
fer  qu'avec  horreur  qu'il  y  ait  des  gens  affez  inienfés  8c 
afTez.  animes  de  fureur  contre  Dieu  pour  vomir  des 
blafphêmes  contre  lui.  Les  Payens  ne  pouvoient  (buf- 
frir  qu'on  outrageât  leurs ,  Idoles  ,  parce  qu'ils  les 
croyoient  des  Dieux. 

Si  on  recherche  la  (ource  d'où  part  le  blafphème, 
on  trouvera  que  c'eft  une  averfion  contre  Dieu  ,  & 
une  impiété  fouveraine  ;  car  il  n'y  a  nulle  horreur,  nul 
plaifîr  &  nul  profit  qui  porte  àblafphcmer  :  il  n'en  eft 
pas  de  ce  pcchc  comme  des  autres  que  la  cupidité  fait 
commettre.  Il  n'en  revient  rien  a  un  blalphémateur  qui 
a  vomi  des  injures  contre  Dieu  ;  il  n'agit  donc  que  par 
un  ef[^rit  d'impiété  qui  eft  le  caradere  fingulier  de  la 
malice  du  Diable  :  cette  forte  de  péché  renfermant  un 
mépris  formel  de  la  bonté  de  Dieu ,  qui  eft  la  propriété 
perfbnnelle  du  S.  Efprit,  eft  véritablement  un  péché 
contre  le  S.  Efprit. 

Quoique  le  blafphème  (bit  de  fi  nature  un  péché 
mortel  trcs-grief,  il  peut,  en  certaines  occafions  , 
n'ctte  que  véniel;  par  exemple,  quand  un  homme 
dans  le  tranfport  de  fr  colère  s'emporte  à  dire  par 
précipitation  des  paroles  qui  vont  contre  l'honneur 
de  Dieu,  mais  fuis  penfer  À  ce  que  les  paroles  qu'il 
profère  f  gnifient ,  &  fans  aucime  maligne  af^edioii 

i  lAco  autf  m  pcjus  eft  blaf-  T  bctur  teftJs  Deus,  blarpheman- 
phcmire  quim  pejeraïc  ,  qiio-  do  autcm  de  ipfo  t.tlfadicuu-» 
^iam  pcjcrando  talfiB  ici  adlu-  1  lur  Dto. 

M  iij 


270  Conférences  d^ Angers  9 

contre  Dieu ,  &  ainfi  fans  prendre  garde  qu'elles  luî 
iôient  injurieufès ,  ce  n'eft  pas  proprement  un  blaf^ 
phéme ,  puisqu'il  eft  fans  intention  &  fans  volonté  de 
(diminuer  Thonneur  de  Dieu ,  &  ce  blafphéme  n'efl 
qu'un  péché  véniel,  étant  fans  délibération,  ou ,  com- 
me parlent  les  Théologiens ,  étant  indélibéré  ;  mais 
quand  un  homme,  en  proférant  des  paroles  injurieu- 
ses à  Dieu,  penfe  à  ce  qu'il  dit ,  &  réfléchit  fur  le  fens 
de  Tes  paroles  qu'il  s'apperçoit  être  contre  l'honneur 
de  Dieu,  c'efl  un  véritable  blafphém.e,  &  Ton  péché 
cil  mortel ,  quoique  la  palTion  le  tranfporte  ;  car  il 
eft  fait  avec  délibération ,  &  ainfi  avec  intention  de 
snéprifer  Dieu  ,  de  diminuer  &  d'avilir  l'honneur 
qui  lui  efl  dû;  ce  que  S.  Thomas  explique  par  l'exem- 
ple d'un  homme  qui ,  par  un  prompt  mouvement  de 
colère,  en  tue  un  autre,  s'appercevant  bien  de  ce 
qu'il  fait.  Blafphewia,  dit  ce  S.  Dodeur,  i,  1.  q.  13, 
art.  2.  dans  la  réponfè  à  la  troifieme  objedion,  -potejl 
abfqîie  delikeratîoiie  ex  fiirreptione  procedere  dupliciter. 
IJno  modo  ,  quvd  aliquis  non  advencu  hoc  quod  dicit  (ffe 
hlafphemiam ,  quod  fcteft  comin gère  dm  aliquis  fui  ko 
ex  aliqua  pûjjïone  in  verba  imaginata  frorumpii ,  quo- 
rum Jigyiijicationem  non  confidcrat  j  ù"  tune  ejl  feccatum 
veniale,  &  non  habet  propriè  rationcm  blafphemits ;  alio 
modo  j  quando  advertit  hoc  ejje  blafphemiam,  confiderans 
Jîgiîifcdta  verborum  y  ù"  tune  non  excufatur  a  peccata 
mortc.li  ,ficutnec  ille  qui  ex  fubito  motuirce  aliquem  oc' 
ci  dit  jiixta  fe  fedentem. 

Pour  bien  entendre  cette  dcdrine ,  il  faut  rem.ar- 
quer,  1°.  que  deux  cauies  peuvent  rendre  le  blafphé- 
me indélibéré.  La  première  ,  eH  la  violence  de  la 
pafîion  qui  trouble  tellement  l'efprit  d'un  homme  qu'il 
profère  des  paroles  de  blafphéme  fans  penfer  à  ce  qu'il 
dit ,  ne  faifànt  point  réflexion  à  ce  que  fîgnifient  fês 
paroles  ;  c'efî:  en  ce  fens  que  le  blafphéme  n'efl  que 
péché  véniel.  L'autre  caufè  eft  l'habitude  de  blalphé- 
mer  qu'on  a  contradée;  en  ce  cas,  il  faut  examiner  h 
le  blafphémateur  a  eu  une  véritable  douleur  de  fes 
blafphcmes  précédents ,  &  a  fait  tous  fes  eflbrts  pour 
corriger  fà  mauvaife  habitude  &  prévenir  fon  pen- 
chant à  cette  faute ,  puifqu'alors  l'on  peut  être  cxcufé 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     2'J  I 

^u  pcchc  ,  au  moins  de  péché  mortel;  mais  fi  cet 
homme  n'a  pas  fait  une  pénitence  fincere  de  Tes  hlzC- 
phcmes,  &  ne  s'eft  pas  efforcé  de  détruire  entière- 
ment (àmauvaife  habitude,  fcs  blafphcmes,  quoique 
proférés  fiins  délibération,  font  des  péchés  mortels, 
car  encore  qu'ils  foient  involontaires  en  eux-mêmes , 
ils  (ont  volontaires  dans  leur  caule,  qui  eft  l'habitude  ; 
&  c'ed  en  ce  fens  que  Tindélibération  n'excufe  pas  de 
péché  mortel  les  blafphémateurs.  z^.  Il  faut  remar- 
quer qu'il  n'eft  pas  nécelTaire  pour  que  le  bialphcme 
foit  fait  avec  délibération ,  que  le  blafphémateur  ait 
une  attention  direde  d'injurier  Dieu  ou  de  diminuer 
&  d'avilir  l'honneur  qui  lui  efl  du.  Il  n'y  a  que  les 
Damnés,  les  Athées,  les  Infidèles  &  les  Impies  qui 
blafphement  par  ce  motif.  Si  on  l'avoit  fait ,  il  fau- 
droit  nécefliiirement  expliquer  en  confeflion  cette  cir- 
conftance,  qui,  non-feulement  rendroit  le  blal]ohcme 
plus  énorme,  mais  encore  y  ajoiiteroit  la  malice  de 
quelque  autre  péché.  Il  fuffit  donc  que  le  blafphéma- 
teur ,  en  proférant  des  paroles  injurieufès  à  Dieu  , 
penfe  à  ce  qu'il  dit,  &  s'apperc^'oive  que  les  paroles 
qu'il  profère  font  outrage  à  Dieu  ou  par  leur  (Tgnifi- 
cation  ou  par  la  manière  dont  il  les  prononce  ;  car 
alors  ii  a  une  intention  indirede  de  déshonorer  Dieu  > 
quoiqu'il  agilTe  pai*  le  mouvement  de  quelque  pal^ 
fion. 

L'énormité  du  blafphcme  a  été  une  jufte  raifbn  pour 
le  mettre  au  nombre  des  casréfèrvés,  afin  d'empccher 
qu'un  péché  Ci  détefiable  ne  Ce  commit  avec  tant  de 
facilité. 

Autrefois  le  blafphcme  proféré  contre  les  Saints , 
étoit  réfervé  dans  ce  Diocefe,  aujourd'hui  il  n'y  a  que 
le  blafphcme  proféré  avec  intention  &  volonté  délibé- 
rée de  détefier  Dieu  ou  de  le  mépriler ,  qui  (bit  un  cas 
réfervé.  Blafphcmia  prolata  animo  &  voUintate  dclihc- 
ratâ  dete/landi  vel  conumnendi  Deum.  Il  n'eil  pasnécef^ 
lîiire  pour  cela  qu'il  fbit  proféré  en  public  ou  devant 
des  témoins. 

Ceux-là  tombent  dans  la  réfervé,  qui  faifânt  atten- 
tion à  ce  qu'ils  difent ,  attribuent  à  Dieu  des  chofès 
qui  ne  lui  conviennent  pas ,  ou  qui  lui  dénient  les 

J\l  iv 


's 7^  Conférences  d^ Angers , 

cîiofês  qui  lui  appartiennent  &  qui  lui  font  convena- 
bles ;  diiànt,  par  exemple,  que  Dieu  efl  injufte  oa 
<}u'il  ne  connoit  pas  toutes  choies.  Il  faut  dire  la  mé- 
jne  chore  de  ceux  qui  maudifîent  Dieu ,  le  rénient  ou 
VomilTent  contre  lui  des  paroles  impies,  outragean- 
tes ou  infâmes.  Pour  ceux  qui  blafphement  làns  aucun 
deflein  de  faire  injure  à  Dieu ,  mais  feulement  pour 
marquer  leur  fureur ,  ou  pour  intimider  ceux  à  qui  ils 
parlent,  quoiqu'ils  pèchent  mortellement,  ils  ne  com- 
ïnettentpas  un  cas  réfervé,  parce  qu'ils  n'ont  pas  une 
mauvaife  intention  contre  Dieu ,  ni  la  volonté  de 
diminuer  Thonneur  qui  lui  eil  dû  ,  ou  de  le  rendre  mé- 
pri  fable. 

L'Eglifè  ,  pour  infpirer  aux  Fidèles  Taver/ion  que 
mérite  un  crim.e  fi  horrible ,  a  ordonné  des  péniten- 
ces très-fcveres  ,  &  prononcé  des  peines  très-rigou- 
reufes  contre  les  blafphém.ateurs.  Le  Canon  Si  quis  > 
ch.  2  1,  q.  I.  veut  qu'on  dépofe  un  Prêtre  qui  a   blaf^ 
phémé,  &  qu'on  excommunie  un  Laïque  qui  efl  tom- 
bé dans   ce  crime.  Le  Concile  de  Bourges  de  l'an 
1584.  a  renouvelle  ce  Canon  dans  le  tit.  de  Blafphc- 
miis  ^  ajoutant  qu'on  eût  à  déférer  les  blafphémareurs 
aux  Juges  féculiers.  Grégoire  IX.  dans  le  ch.  Statui- 
7mîs 3  de  Maledicis ,  ordonne  que  celui  qui  aura  blaf^ 
phémé  contre  Dieu,  centre  la  làinte  Vierge  ou  con- 
tre quelque  Saint ,  fbit  exclus  de  l'entrée  de  i'Egiife 
pendant  iept  Dimanches  confécutifs;  que  tandis  qu'on 
chantera  la  MelTe,  il  fbit  devant  la  porte  dans  un  lieu 
où  tout  le  monde  le  puille  vo^r;  que  le  feptieme  Di- 
manche il  n'ait  ni  manteau  ni  chaufliire  ,  mais  une 
corde  au  col,  que  pendant  les  fèptfemaines  précéden- 
tes il  ait  jeûné  les  Vendredis  au  pain  &  à  l'eau  ,  &  qu'a 
ces  jours-ià  il  ait  nourri  quelque  pauvre  ,  fi  Tes  moyens 
lui  permettent;  que  s'il  refufe  d'accomplir  cette  péni- 
tence, on  lui  interdite  l'entrée  del'Eglifè  ;  &  qu'après 
lii  mort  Ton  corps  fbit  privé  de  la  fépuiture  Eccléfiafli- 
que.  Le  Concile  de  Ravenne  de  l'année  13  11.  a  re- 
nouvelle cette  Ordonnance. 

Le  Pape  Léon  X.  dans  le  ^^  Concile  de  Latran, 
Jules  III.  dans  la  Bulle  In  multis  ,  qu'il  fit  publier  eu 
l'année  1554.  &Pie  V.  dans  la  Bulle  QuÀm  priml'.m  y 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     2.j^ 

|>ublice  en  l'iinnce  1^56.  ont  fait  paroitre  leur  zèle 
contre  lesblafphcmateurs ,  les  condamnant  à.  des  amen- 
des pécuniaires,  &  prononçant  plufîeurs  autres  peines  , 
tant  contre  les  Écclcfîaftiques,  que  contre  les  Laïques 
qui  auroient  eu  l'inlolencede  proférer  quelque  parole 
injurieufe  contre  Dieu,  Notre-Seigneur  Jefus-Chrift 
ou  la  glorieufe  Vierge  Marie. 

Léon  X.  enjoint  a  tous  les  Fidèles  qui  entendent 
quelqu'un  blafphémer  ,  de  le  reprendre  fortement  > 
&  de  le  déférer  dans  trois  jours  aux  Juges  Ecclcfîaf^ 
tiques  ou  Séculiers,  &  il  accorde  dix  années  d'Indul- 
gence à  ceux  qui  l'auront  dénoncé.  Qiùcumque  vcro 
hlafph(mant€m  atidierint ,  etim  verbis  acriier  nbjurgare 
teneantur ,  Jî  citra  periculum  fuum  id  fieri  pojfe  cor,nn-' 
gct ,  aimqiie  déferre  vel  notrfcare  apud  Judiccm  Eccle^ 
fiafiiciim  jeu  Sitciilarim  intra  triduum  debeant.  La  mê- 
me choie  a  été  ordonnée  par  Pie  V.  par  le  Concile 
premier  de  Milan  ,  par  celui  de  Touloul^e  de  Tan 
15570.  partie  4.  ch.  1 3.  &  par  celui  d'Avignon  de  l'an 
1594.  tit.  58.  Le  Roi  Philippe  VL  dit  de  Valois,  dans 
fon  Ordonnance  de  Fan  1347.  avoit  permis  qu'on  jet- 
tât  des  ordures  aux  yeux  des  blafphémateurs  qui  fè- 
roient  attachés  au  Pilori,  pourvu  qu'il  n'y  eût  ni  pier- 
re ,  ni  autre  chofê  qui  les  pût  blelTer. 

Quoique  les  ConfefTeurs  ne  doivent  pas  aujourd'hui 
fliivre  à  la  lettre  l'ancienne  di(cipline  de  TEglile  à 
l'égard  des  blafphémateurs,  ils  doivent  s'en  (ervir 
peur  leur  donner  des  pénitences  proportionnées  à  l'é- 
normité  de  leur  crime,  &  ne  jamais  les  renvoyer  (ans 
leur  en  avoir  impofé  de  trcs-fcveres  ;  Léon  X.  dans 
fon  Décret,  rapporté  dans  le  Concile  de  L'atran ,  y 
oblige  les  Confeiïeurs.  In  for 0  atitem  confcientix  ncmo 
blajphctni.t  reus  ahfqiie  gravi(fima-pceniientia,feveri  Con- 
fejjoris  arbitrio  injunÛapofftt  abfolvi.  Pour  impofèr  ces 
pénitences ,  les  Confefleurs  ne  peuvent  fuivre  de  meil- 
leures règles  que  celles  qui  Cont  propofées  par  S.  Char- 
les Borromée  dans  les  f  nîlrudions  aux  ConfelTeurs pour 
adminillrer  le  (àcrement  de  Pénitence. 

Si  un  Pénitent  s'accule  d'avoir  blafphémé,  on  ne 
doit  pas  manquer  de  l'interroger  s'il  efl  dans  l'habitu- 
de de  ce  cryne,  C4r  en  ce  cas  il  fuut  lui  diflcrer  l'ab- 

iViv 


^74  Conférences    d'Angers , 

foiutîoîi  pendant  un  tems  coniîdérable ,  &  l'obligef 
à  venir  fouvent  à  confefîe  pour  lui  faire  corriger  cetce 
jnauvaife  habitude. 

Le  Concile  de  Bordeaux  de  l'an  1583.  chap.  7.  or- 
donne qu'on  prive  les  blafphémateurs  de  la  Commu- 
nion. A  blafphemiis  Fidèles  comminationedivini  judicii, 
Ccmmunionijque  privatione  deterreantur. 

Les  Rois  de  France  ont  joint  leur  autorité  à  celle 
de  TEglife ,  pour  empêcher  que  le  blafphéme  ne  prit 
racine  dans  leur  Royaume.  S.  Louis  fit  une  Ordon- 
nance contre  les  blafphémateurs ,  portant  peine  cor- 
porelle &  pécuniaire.  L'hiUoire  nous  apprend  qu'il 
les  faifoit  marquer  au  front  avec  un  fer  chaud,  ou 
leur  faifoit  couper  la  langue.  La  plupart  de  les  Suc- 
ceiïeurs  ont  fuivi  Ion  exemple.  Par  l'Ordonnance  de 
Philippe  de  Valois  de  13  47.  par  celle  de  Charles  VH. 
du  14.  Odobre  1460.  par  celle  de  Louis  XIL  du5>, 
JMars  T^io.  parcelle  de  Henri  IL  du  5.  Avril  i')^6, 
les  blafphémateurs  doivent  être  mis  au  Pilori  ;  &  en 
cas  de  récidive,  avoir  les  lèvres  fendues,  &  s'ils  ne 
peuvent  être  corrigés  par  ces  peines,  avoir  la  langue 
entièrement  coupée. 

Par  l'article  13.  de  l'Ordonnance  d'Orléans  &  par 
îe  3^,  de  celle  de  Blois,  il  efl  enjoint  aux  Juges 
Royaux  même,  fous  peine  de  privation  de  leurs  char- 
ges, de  faire  exécuter  ces  anciennes  Ordonnances 
contre  les  blasphémateurs.  L'Ordonnance  de  Mou- 
lins &  celle  de  Henri  IIL  du  4.  Décembre  1 5  8 1 .  veu- 
lent qu'on  punilTe ,  par  des  amendes  pécuniaires  les 
blafphémateurs;  en  cas  de  récidive,  qu'ils  foient  pu- 
jiis  corporellement.  Louis  XIIL  fit  le  10.  de  Novem- 
bre 16 17,  une  O'rdonnance  conforme  à  celle  de  Hen- 
ri lïL 

Henri  IV.  dans  l'article  $,  de  l'Edit  de  Tan  1606, 
ordonne  qu'à  la  diligence  de  fes  Procureurs  Géné- 
raux &  de  leurs  SublHtiits  ,  les  Ordonnances  faites 
par  fes  PrédécelTeurs  contre  les  blafphémateurs,  foient 
publiées  de  fîx  mois  en  fîx  mois  aux  audiences  des 
Jurifdidions  du  Royaume,  &  fait  défen fes  aux  Oiiî- 
ciers  de  modérer  les  peines  portées  par  icelles. 

Quoique  çç$  Ordoiinances  lôieiit  afTci  mal  obfg:-; 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     275" 

Vces,  on  trouve  cependant  dans  le  fécond  Tome  des 
Mémoires  du  Clergé  de  France  ,  chap.  ii.  plu/îeurs 
femblables  punitions  prononcées  par  le  Parlement  de 
Paris ,  qui  ont  été  exécutées.  Nous  y  en  ajouterons  une 
qui  eft  arrivée  de  nos  jours.  Jean  Hudon  ayant  été 
condamné  par  Sentence  du  Siège  Pré/îdial  d'Angers  , 
rendue  le  6.  Février  1709.  à  avoir  la  langue  percée 
dans  le  Pilori  de  cette  Ville,  8i  être  enfuite  attaché  à 
la  chaîne  pour  fervir  le  Roi  dans  Ces  Galères  à  perpé- 
tuité :  cette  Sentence  a  été  confirmée  par  Arrêt  du 
Parlement  de  Paris,  du  zi.  Avril  audit  an  1705».  & 
ledit  Hudon  renvoyé  prifonnier  à  Angers  pour  l'exé- 
cution de  ladite  Sentence. 

Les  Juges  qui  négligent  de  punir  les  blafphcma- 
teurs  (elon  la  rigueur  des  Loix ,  (ont  trcs-criminels  de- 
vant Dieu.  Léon  X.  les  en  avertit.  Le  Clergé  de 
France  ,  affemblé  à  Melun  en  1575?.  pria  très-iniîam- 
ment  les  Princes  &  les  Magiflrats  d'employer  toute 
leur  autorité  pour  déraciner  de  la  France  ce  détefta- 
ble crime,  en  puniiïiint,  félon  la  rigueur  des  Ordon- 
nances de  nos  Rois  trcs-Chrctiens ,  ceux  qui  en  ie- 
roien:  coupables. 


u 


vj 


a^6  Conférences  d'Angers  , 


RE  S  U  LTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 
LES  COMMANDEMENSDE  DIEU. 

Tenues  au  mois  de  Novembre  17 13. 


PREMIERE     QUESTION. 

Quejî-ce  que  le  Vœu ,  ^  quelles  conditions  font 
néccffaires  pour  le  rendre  valide  ? 

N  a  coutume  de  définir  le  vœu ,  une  promefTe 
d'un  plus  grand  bien  faite  à  Dieu  librement  & 
avec  délibération. 

îl  eiî  abfôlument  néceiTaire  aux  ConfefTeurs  de  bien 
«ntendre  le  (ens  de  cette  définition,  qui  leur  doit  fèr- 
vir  de  règle  pour  connoître  C\  les  pénitens  font  engd.gé^ 
dans  de  véritables  voeux,  comme  plufîeurs  (e  le  per- 
Jfiiadent,  &  fbuvent  fauflement. 

En  disant  que  le  vœu  elî  une  promelTe,  on  le  dil^ 
lingue  par-là  des  fimples  réfolutions  ;  car  le  vœu  ne 
con/ifle  pas  dans  une  /impie  rélbiution  de  faire  une 
chofe,  mais  dans  une  promefle  qui  ell  un  ade  efficace- 
de  la  volonté  qui  s'oblige  envers  Dieu  à  faire  quelque 
bonre  œuvre,  au  lieu  que  la  réfblution  de  faire  une 
bonne  œuvre  efl  lâns  ûuenàon  de  s'y  obliger  :  c'eH 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     277 

pourquoi  elle  n'engendre  pas  robligation  de  la  faire 
Cl  elle  n'a  été  fuivie  d'une  promefîe  ,  comme  on  peuc 
l'inférer  de  ce  qui  eft  dit  dans  le  Deutcronome  ,  ch, 
1 3 .  LorHiue  vous  aurez,  fait  un  vœu  au  Seigneur ,  vous 
jiedift'érerez  point  de  l'accomplir;  &  Ci  vous  différez, 
il  vous  fera  imputé  à  péché.  Mais  Ci  vous  ne  vous  êtes 
engagé  par  aucune  promeffe  ,  vous  ne  péchez  point  *• 
Par  exemple,  Ci  je  fais  réfolution  de  me  retirer  dans 
un  Monaftere  pour  y  prendre  l'habit  Religieux  ,  je 
ne  prétends  pas  par  cette  réfolution  m'obliger&  m'en- 
gager  à  prendre  l'habit  de  Religion  ,  comme  je  ferois 
h  je  dilois  ,  Je  promets  à  Dieu,  ou  je  fais  vœu  à  Dieu 
de  me  retirer  dans  un  Monaflere  ,  pour  y  prendre 
l'habit  Religieux  ,  &;  fi  je  change  de  réfolution  ,  je  ne 
pèche  pas,  luivant  la  déci/ion  d'Alexandre  III.  dans 
le   ch.  Liiteratiiram ,  de  Voto  &  Voti  redemptione  ^^ 

Si  on  faifoit  une  promeffe  à  Dieu  feulement  de 
bouche,  fans  un  confentement intérieur,  c'eft-à-dire , 
fans  intention  de  s'obliger ,  on  ne  feroit  pas  un  vœu  , 
quand  même  ce  ne  feroit  point  la  crainte  qui  auroit 
porté  un  homme  à  ufer  de  cette  dilTmiulation ,  trcs- 
criminelle  par  elle-même,  étant  une  irrévérence  con- 
tre Dieu. 

Quoiqu'on  mette  le  vœu  aTi  nombre  des  ades  de 
Religion,  fulvant  ces  paroles  d'Ifaie,  ch.  19.  Colent 
eum  in  hofiiis  &  mitncriùus,  &  Vota  vovehiim  Domino  : 
Il  n'efl  pas  nécefl^iire  pour  faire  un  vœu ,  d'exprimer 
la  promeffe  par  des  paroles  ou  par  quelqu'autre  figne 
extérieur,  il  fiifïit  pour  qu'elle  oblige  en  confcience, 
qu'elle  fbit  faite  intérieurement  à  Dieu  avec  intention 
de  s'obliger  à  faire  ce  que  l'on  voue,  parce  que  Dieu 
entend  bien  le  langage  du  cœur  '^, 


a  Cùm  Votum  vovcr's  Do- 
mino Dco  ttio  non  tardabis 
reddcrc.  *  ,,  Se  Ç\  moratus  fiic- 
ris  ,  repiitabitiir  tibi  in  pccra- 
tum.  Si  nr>liierispolIicCfi,  abf- 
que  peccato  cris. 

h  Cum  liorc  verba  protiilifti , 
non  (lit!  liîc  njonbor  ,  propo- 
ae(i«  ia  animo  (]^iiU(l  Kcligionis 


habitum  effes  aliquando  fiif- 
ccptiinij  :  tibi  rerpondcmiis  , 
quod  fi  plus  non  tfl  in  Voto 
proccflum  ,  tranTgreflor  judi- 
caii  non  pottris  ,  fi  non  im- 
pleas  quod  dixifli. 

c  Dominus  intuetur  cor.  i» 
Reg^  c.  16. 


S78  Conférences  d! Angers  y 

On  a  dit  que  le  vœu  e(l  une  promefTe  d'un  pliî5 
grand  bien,  c'efî-à-dire,  d'un  bien  qu'il  ell  plus  loua- 
ble de  faire  que  d'omettre ,  cornme  étant  d'une  plus 
grande  perfedion  ;  enfbrte  qu'il  faut  : 

1°.  Que  la  matière  du  vœu  foit  bonne  en  (bi,  & 
qu'elle  le  fbit  toujours,  comme  font  les  adions  de 
vertu.  Le  vœu  étant  une  efpece  de  confécration  qu'on 
fait  à  Dieu  de  quelque  chofe  pour  l'honorer,  il  faut 
que  la  matière  du  vœu  lui  (bit  agréable  ;  &  elle  ne 
peut  l'être  fi  elle  n'eft  bonne.  Une  choie  mauvaile 
par  elle-mêm^ ,  ou  par  la  fin  qu'on  fe  propofè ,  ne 
peut  donc  être  la  matière  d'un  vœu.  Certainement 
ce  ne  feroit  pas  honorer  Dieu  ,  mais  fè  moquer  de  lui , 
que  de  lui  promettre  qu'on  tuera  un  homme ,  ou  qu'on 
donnera  l'aumône  à  une  femme  pour  la  corrompre  , 
€u  qu'on  fera  une  adion  de  vertu  pour  acquérir  de  la 
vaine  gloire. 

Il  eft  cependant  vrai  qu'une  chofe  qui  efl  bonne 
d'elle-même  ,  mais  qui  peut  devenir  mauvaise  par 
quelque  événement ,  peut  erre  la  matière  d'un  vœu  ; 
mais  quand  la  chofè  efl  devenue  mauvaile ,  on  ne  doit 
pas  la  faire  pour  accomplir  (on  vœu  ,  car  on  péche- 
roit ,  &  la  promefTe  qui  ne  peut  s'exécuter  (ans  pé- 
ché, efl  impie  &  défagréable  à  Dieu,  comme  dit  S, 
Ifidore  de  Séville ,  liv.  2.  des  Synonymes.  In  mrp  vGt9 
muta  decretum.  Quod  incarne  vovijli ,  ne  facias ,  impia 
enim  ejî  promijfio  qiiafcelere  adimpletur.  S.  Thomas,  z, 
2.  q.  88.  art.  2.  dans  laréponfeà  lafeconde  objedion, 
apportepour  exemple  le  vœu  de  Jephté  ,  qui,  comme 
il  efl  dit  ch.  11.  des  Juges,  fit  vœu  à  Dieu,  que  s'il 
lui  donnoit  la  vi<floire  (ur  les  Ammonites ,  il  lui  of- 
friroit  en  holocauile  ce  qui  fortiroit  le  premier  de  (â 
JVIaifbn  pour  venir  au-devant  de  lui;  &  il  arriva  par 
iin  accident  fâcheux,  que,  comme  Jephté  retournoic 
en  (on  logis  ,  (à  fille  unique  fortit  la  première  au- 
devant  de  lui.  Ce  Père  infortuné  n'étoit  pas  oblige 
d'accomplir  ,  dans  la  per(bnne  de  (à  fille ,  ce  vœir 
indi(cret  fait  inconfidérement  ;  mais  Ci  au  lieu  de  (à 
£lie  il  eût  (brti  de  (on  logis  un  animal  qu'on  pût  Co- 
lon la  Loi  offrir  à  Dieu  en  fiicrifîce ,  Jephté  eût  étc 
cbli^é  de  l'offrir  ;  &  quand  l'Apotre  S.  Paul ,  d^ns  le 


fur  Us  Commanàemem  de  Dieu,      27P' 

cil.  1  T.  del'Epître  aux  Hébreux  ,  met  Jephtc  au  nom- 
bre des  Saints  de  l'ancien  Teftament ,  ce  n'eft  pas 
parce  qu'il  avoit  immole  (a  fille  ,  ce  qui  étoit  une 
action  impie ,  dont  il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  fit  pé- 
nitence ,  mais  parce  qu'il  avoit  cru  en  Dieu  d'une  fiai 
vive,  qui  lui  avoit  mérité  la  vidoire  fur  let  Ammo- 
nites. 

2<^.  Il  faut  que  la  choie  qu'on  voue  foit  meilleure 
que  celle  qui  lui  efl  oppofée,  &  par  conféquent  qu'el- 
le ne  foit  point  incompatible  avec  un  plus  grand 
bien  ,  puifque  le  vœu  le  fait  pour  honorer  Dieu  ;  car 
fî  la  choie  qu'on  voue  eu.  oppofée  à  un  plus  grand 
bien  ,  &  empêche  qu'il  ne  (e  falTe ,  étant  incompati- 
ble avec  lui,  elle  n'ell  pas  agréable  à  Dieu  &  ne  pro- 
cure pas  fon  honneur,  au  contraire,  elle  diminue  Ion 
culte  ;  c'eft  pourquoi ,  parlant  généralement ,  tout" 
ce  qui  efl  oppofé  aux  confeils  "Evangéliques ,  ne  peuc 
être  la  matière  d'un  vœu ,  de  (brte  que  ce  ne  feroit 
pas  un  vœu  ,  fi  quelqu'un  promettoit  à  Dieu  de  ne 
s'engager  jamais  dans  les  Ordres ,  ou  de  ne  jamais 
entrer  en  Religion  ;  par  cette  railbn  ,  la  promefle 
qu'on  feroit  à  Dieu  de  Ce  marier,  {{  on  la  confidere 
ablblument  en  elle-même,  ne  (eroir  pas  un  vœu  ;  car 
la  continence  ,  qui  efl  oppofée  à  ce  prétendu  vœu  , 
eft  un  plus  grand  bien  ;  cependant  R  on  regarde  cette 
promeffe  par  rapport  à  une  perfonne  à  qui  le  mariage 
eft  un  remède  abfolument  néceflaire  pour  éviter  l'in- 
continence, ou  dont  le  Mariage  eft  le  leul  moyen 
pour  procurer  la  paix  à  des  Peuples  ,  comme  cela 
peut  arriver  dans  la  perfonne  d'un  Prince  ou  d'une 
Princeffe ,  alors  le  Mariage  peut  ctre  la  matière  d'un 
vœu  qui  obligeroit  la  perlonne  qui  l'auroit  fait  à  (e 
marier.  Mais  en  de  pareils  cas,  on  ne  doit  rien  faire 
fans  avoir  confulté  Ce^  Supérieurs  Eccléfiaftiques. 

Une  choie  vaine  ,  inutile  ou  abfolument  indiffé- 
rente,  ne  peut  être  la  matière  d'un  vœu.  Ce  feroit 
une  folle  promefle  qu'on  feroit  à  Dieu  Ci  on  lui  pro- 
mettoit de  faire  une  chofe  de  cette  nature.  L'Ecclé- 
fiailique  nous  apprend  ch.  5.  qu'une  telle  promeffe  dc- 
plairoit  à  Dieu  ^  ;  c'eft  pour  cela  ^u'ii  eft  dit  dans  iç 

d  Dlf^Uçci  ei  iiiàlu  promifEo^ 


'iiSo  Conférences   d'Angers' ,' 

Can.  Non  pejerabis,  ch.  22.  q.  4.  qu'on  doit  tévoquet 
les  vœux  où  il  y  a  de  la  folie  ^,  Une  femme  qui  au- 
roit  ainfî  fait  vœu  de  ne  point  filer  le  Samedi  en  Thon- 
îieur  de  la  fàinte  Vierge,  ou  de  ne  point  travailler 
dans  la  Semaine  fàinte ,  ne  fèroit  nullement  obligée 
d'exécuter  ce  vœu  qui  tiendroit  beaucoup  de  Ir.,  vaine 
oblervance. 

Si  pourtant  une  chofe  qui  eft  de  foi  indifférente, 
eft  devenue  moralement  bonne  par  quelque  circonf^ 
tance,  elle  peut  être  le  flijet  d'un  vœu;  par  exem- 
ple ,  fî  quelqu'un  s'appercevant  que  l'entrée  en  une 
niailbn  lui  eft  une  occafion  de  péché  ,  fait  vœu  de  n'y 
point  entrer,  par  ce  motif  fbn  vœu  eft  valide  ,  &  il 
doit  l'obfèrver;  au  lieu  que  fi,  fans  aucune  raifon ,  il 
faifoit  ce  vœu ,  fbn  vœu  fêroit  ridicule ,  parce  que 
c'eft  une  chofe  purement  indifférente  que  d'entrer  en 
une  maifbn. 

S'il  arrive  que  quelqu'un  fafTe  vœu  d'une  bonne 
chofe  ,  pour  une  fin  indifférente  ;  comm.e  fi  un  hom- 
me fait  vœu  de  jeûner  afin  d'épargner  fon  bien,  otî 
eftimc  qu'il  eft  obligé  d'exécuter  fbn  vœu  &  de  chan- 
ger fon  intention.  Tous  les  Théologiens  néanmoins 
n'en  conviennent  pas. 

Nous  avons  dit  que  le  vœu  eft  une  promeffe  faite 
à  Dieu ,  car  c'eft  à  lui  feul  qu'on  fait  des  vœux ,  le 
vœu  étant  un  ade  du  culte  de  Latrie  qui  ne  fê  rend 
qu'à  Dieu  feul.  Il  eft  bien  vrai  qu'on  peut  faire  une 
promelTe  dire<5tem,ent  à  un  Saint,  &  que,  comme l'eii- 
feigneS.  Thomas  2.  2.  q.  88.  art.  5.  dans  la  réponfe  à 
la  troifieme  objeélion ,   cette  promefl'e  peut  être  la 
matière  d'un  vœu ,   en  tant  que  nous  faifons  vœu  a 
Dieu  d'accomplir  la  chofè  que  nous  avons  promile  a 
un  Saint  ;  mais  ce  n'eft  que  par  une  façon  de  parler 
populaire  &  impropre  qu'on  appelle  cela  faire  vœu  a 
un  Saint  :  à  parler  jufte,  c'eft  à  Dieu  qu'on  fait  vœu. 
V^vete  &  reddite  Dcmîno  Deo  veJJro.  Pfal.  75.  Si  en 
faifànt  un  vœu,  on  joignait  le  nom  d'un  Saint  a  ce- 
lui de  Dieu ,  difiint,  je  fais  vœu  à  Dieu  &  à  un  tel 
Saint,  cela  marqueroit  feulement  qu'on  fait  le  vœu  en 
l'honneur  d'un  tel  Saint,  ou  en  prcl'enee  d'un  tel  Saint  je 
e  Stulia  Vota  frangenda  fum» 


fur  Us  Co  mm  an  démens  de  Dieu,      2  8 1 

cpj'on  prend  à  témoin  ,  ou  qu'on  invoque  pour  obte- 
nir de  Dieu  par  Ton  interceffion  les  grâces  dont  on  a 
befoin ,  pour  accomplir  dignement  le  vœu  que  l'on 
fait ,  comme  $.  Paulin  demandoit  à  S.  Félix  qu'il  lui 
facilitât  les  moyens  d'arriver  à  Ton  Tombeau  où  il 
avoit  fait  vœu  d'aller, 

Obtritis  qtia  nos  mîmîca  retardant, 
Pande  vîas  faciles  ;  &Jî  properantibiis  ad  te 
Invidtis  hojlis  obejî ,  objecta  repagula  felUm 

On  remarquera  ici  en  pafTant  que  c'efl  une  ancien- 
ne coutume  dans  l'Eglile  de  faire  des  vœux  en  Thon- 
jîeur  des  Saints.  Nous  en  trouvons  des  exemples  dans 
le  premier ,  le  lecond  &  le  troi/ieme  poème  de  Saine 
Paulin  fur  S.  Félix,  dans  Grégoire  de  Tours,  dans  le 
Liv.  2, .  de  l'Hift.  de  France  au  ch.  7.  où  il  efl  dit  que  les 
gens  que  Clovisl.  avoit  envoyc's  àl'Eglifè  de  S,  Mar- 
tin ,  pour  implorer,  par  rintercellion  de  ce  Saint ,  le 
fècours  de  Dieu  contre  Alaric  Roi  des  Vifigcths ,  fi- 
rent des  vœux  à  S.  iMartln  ^  :  op.  en  trouve  de  plus  an- 
ciens exemples  dans  Eufebe  ,  liv.  iz,  de  la  Prépara- 
tion Evangélique,  ch.  8.  &  p.  en  Pallade  dans  l'Hit- 
toire  Lau/iaque  ch.  113.  &  en  plufieurs  autres  Ecri- 
vains Grecs. 

Enfin  on  a  dit  que  le  vœu  ed  une  promeiTe  faite  li- 
brement &  avec  dclibcration  ,  c'efl-à-dire ,  que  le  vœu 
doit  être  fiit  par  un  mouvement  libre  delà  volonté, 
&  après  avoir  penfé  férieufement ,  &  examiné  à  quoi 
on  s'oblige  par  le  vœu  :  car  pour  s'engager,  il  faut 
(Ravoir  à  quoi  on  s'engage,  y  penfcr,  l'examiner  & 
être  libre  pour  le  faire  :  ainfi  les  vœux  qui  ont  été 
faits  par  lc?éreté  d'efprit,  fi  inconfidérément,  &:  avec 
tant  de  prccipiLuion ,  qu'on  n'y  ait  fiit  aucune  ré- 
flexion ne  (ont  pas  proprement  des  vœux  ,  faute  de 
délibération,  parce  que,  comme  raifbnne  S.  Tho- 
mas dans  l'art,  t.  de  la  même  queflion  ,  la  promefîb 
qui  fait  l'effence  du  Vœu  ,  ell  une  fuite  &  un  effet  de 
la  réiblution  qu'on  a  prife  de  faire  une   chofc  ;  oc 

/  Vota  b.Mto  Confcflbri  promittcntcs» 


'âo2  Conférences    d'Angers  ; 

toute  réfôlutlon  doit  être  précédée  de  quelque  (déli- 
bération, puifque  c'eftl'aâe  d'une  volonté  délibérée  ; 
par  conféquent ,  il  faut  que  la  perlbnne  qui  fait  voeu , 
délibère  liir  la  chofe  qu'elle  veut  faire  ;  qu'elle  forme 
ia  réfblution  de  la  faire  ;  enfin  qu'elle  promette  d'ac- 
complir ce  qu'elle  a  délibéré  de  faire  S. 

La  délibération  requife  pour  rendre  un  vœu  valide  ," 
ne  doit  pas  être  plus  grande  que  celle  qui  eft  nécef^ 
faire  pour  faire  un  péché  mortel  ;  c'efl  pourquoi  com- 
me un  homme  qui  conlent  volontairement  à  une  ten- 
tation criminelle  dans  une  matière  de  conféquence  , 
pèche  mortellement,  quoiqu'il  ne  faffe  pas  attention 
a  plufieurs  chofes  qui  auroient  pu  lui  faire  (iifpendre 
fon  confentement ,  de  même  celui  qui  par  un  mou- 
vement fubit  de  dévotion ,  fait  volontairement  & 
avec  advertence  un  vœu  à  Dieu  en  de  certaines  cir- 
conftances  qui  l'en  auroient  détourné  s'il  y  avoif 
frdt  une  plus  férieule  attention,  eft  néanmoins  oblige 
d'accomplir  Ton  vœu  ;  mais  cette  légèreté  d'elprit  & 
cette  précipitation  (ont  une  caufe  pour  en  obtenir  la 
difpejifè. 

C'efl  une  condition  eflentielle  à  la  matière  du 
vœu  d'être  poiîibie ,  car  on  ne  peut  s'obliger  à  faire 
une  chofe  impcfTible,  Par  cette  raifon  on  regarde 
comme  nul  le  vœu  qu'on  auroit  fait  de  ne  jamais  pé- 
cher dans  tout  le  cours  de  la  vie ,  car  on  ne  peut 
s'exempter  de  tout  péché ,  fans  un  privilège  de  Dieu 
tout  particulier. 

Quand  quelqu'un  a  fait  vœu  d'une  chofe  qui  lui  efl 
en  partie  poiîibie,  &  en  partie  impoffible  ,  s'il  a  re- 
gardé cette  chofe  comme  failant  un  tout  avec  Tes  par- 
ties, &  ain/î  comme  un  feul  &  unique  objet  de  fbn 
vœu,  &  qu'il  n'en  ait  point  voué  les  parties  féparé- 
ment ,  il  n'ell  obligé  en  rien  à  accomplir  ce  vœu , 
quoique  ce  qui  eft  poflfible  puifTe  être  féparé  de  ce 
qui  eft  impclTible, 


g  PromliTio  procedit  ex  pro  - 
pofito  facicndi,  propolîtum  au- 
tern  aliqiiam  deliberatioriem 
prxcxigit ,  cùm  fit  aifliis  voliin- 
(Atis  deiiberatsf.    Sic  ergo  ad 


Votum  tria  ex  necefTîtate  re- 
quiriiruiir  ;  frimô  qiiidcm  de- 
liberatio  ,  fecundè  propolinijn 
voluntatis,  tertio  proaiifiio  in 
^ua  perficitur  ratio  Voti, 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,     2S5 

Pour  cclaircir  cette  dcci/îon  ,  nous  rapporteron.-î 
Ici  quelques  exemples.  Un  homme  a  fait  vœu  d'entrer 
en  Religion,  ou  de  jeûner  certains  jours,  (ans  avoir 
eu  une  intention  particulière  de  vouer  la  continence 
ou  l'abftinence  de  viande  ;  G  cet  homme  ne  peut  en- 
trer en  Religion  ,  ou  s'il  ne  peut  jeûner  les  jours  qu'il 
a  promis ,  il  n'efl  pas  oblige  de  garder  la  continence 
toute  (a  vie  ,  ni  de  s'abllenir  de  manger  de  la  viande 
les  jours  qu'il  ne  peut  jeûner  :  de  même  nous  dilons 
tju'un  homme  qui  a  promis  à  Dieu  de  faire  bâtir  une 
Églife ,  s'il  ne  peut  en  faire  faire  que  les  fondemens , 
n'y  eft  pas  obligé  en  venu  de  (on  vœu ,  parce  que 
quand  il  a  fait  (en  vœu  ,  il  avoit  dans  refprit  l'idée 
dune  Egli(e  (elon  toutes  (es  parties,  Se  (on  inten- 
tion étoit  conforme  à  cette  idée.  Au  contraire ,  (î 
quelqu'un  avoit  fait  vœu  de  jeûner  tous  les  jours  d'urr 
mois,  s'il  ne  peut  jeûner  un  jour  de  ce  mois ,  il  n'eft 
pas  dilpenfé  de  jeûner  les  autres  jours  du  même  mois , 
quand  il  peut  le  faire.  La  raifon  ed  qu'en  faifdnt  fou 
vœu  ,  il  n'a  pas  regarde  les  jours  de  ce  mois,  com- 
me faifànt  un  tout,  mais  fcparement,  non  colîeciivç- 
jed  divifan ,  comme  parlent  les  Théologiens. 

On  ne  peut  faire  vœu  d'une  chofe  qui  eft  nécefTaire 
d'une  néceiïité  ablblue  qu'on  ne  peut  par  conféquent 
éviter.  Ainfi  ce  (croit  follement  qu'on  feroit  vœu  de 
mourir  quand  il  plairoit  à  Dieu  ;  puisqu'il  n'eft  pas 
au  pouvoir  de  l'homme  d'éviter  la  mort,  ni  de  mou- 
rir que  dans  le  tems  qu'il  plaît  à  Dieu.  Mais  on  peut 
vouer  une  choie  qui  efl:  leulement  nécefl'aire  de  né- 
cefTité  de  moyen  pour  arriver  à  une  fin.  Ainfi  quoique 
dans  les  vœux  on  ne  promette  ordinairement  à  Dieu 
que  des  biens  de  furérogation ,  auxquels  on  n'efl  point 
obligé,  néanmoins  on  peut  s'engager  par  un  vœu  à 
f  lire  les  chofes  qui  nous  font  cominandées  par  le  Sei- 
gneur ou  par  l'Eglilè  ,  &  qui  (ont  néceffaires  au  falut, 
comme  l'on  peut  promettre  aux  hommes  les  choies 
aufiuellcs  on  efl  obligé.  La  raifon  qu'on  peut  rendre, 
c'ert  qu'il  fulfit  que  la  chofe  qu'on  promet  par  le  vœu 
fuit  poffible  &  meilleure  que  ce  qui  lui  eft  oppofé;  or 
il  efl  pofl'ible  d'obferver  les  Commandemens  de  Dieu 
&  de  l'Eglife ,  &  c'efl  un  plus  grand  bi^n  de  les  ob^ 
ièryer  que  de  les  négliger. 


'284  Conférences   d^ Angers  : 

On  peift  faire  vœu  en  deux  manières  dés  choies 
qui  nous  font  commandées ,   où  bien  avec  intention 
de  s'engager  de  nouveau  ,  comme  par  un  fécond  lieil 
à  faire  ces  chofes  ^  alors  il  y  a  une  double  obligatroti 
de  les  faire  :  l'obligation  du  Précepte ,  &  l'obligation 
du  vœu  ;  iî  bien  que  celui  qui  manqueroit  à  les  ac- 
complir, commettroit  un  double  péché,  &  il  fer  oit 
obligé  de  déclarer  cette  circonflance  dans  la  confef^ 
fîon  :  ou  bien  ce  vœu  fe  fait  fans  aucune  volonté  de 
s'impofèr  une  nouvelle  obligation,  mais  feulement 
pour  déclarer  qu'on  reconnoit  être  obligé  à  faire  ces 
choies ,  &  que  l'on  veut  s'en  acquitter.  C'efl  en  ce 
fèns ,  félon  S.  Auguflin  ,  fèrmon  7.  de  tempore ,  fuivant 
les  anciennes  éditions ,  que  feroit  vœu  une  perfonne 
qui  fe    connoifTant  adonnée  à  l'impureté  ,  diroit  à 
Dieu  :  Fiiffîme  Domine ,  mifericordiffime  Detts  ,  fiiffi- 
cîat  mihi  quod  hue  ufque  peccavi ....  quod  fcstoribas 
carnis  mea  fathfeci ,  jayn  mmc  te  jnfpirante  ^  voi'eo  me 
à  neauida  msa  converfurum. 

îi  y  a  trois  conditions  requifes  en  ceux  qui  s'enga-» 
gent  dans  des  vœux ,  afm  que  leurs  vœux  foient  vé- 
ritables &  valides  ;  fçavoir ,  la  connoiffance ,  la  li- 
berté &  le  pouvoir  de  difpofer  de  la  chofe  qu'on 
voue. 

La  conhoiflance  étant  nécefîàire  pour  pouvoir  s'o- 
bliger à  quelque  chofe ,  il  faut  abfblument  que  les 
peribnnes  qui  s'engagent  dans  des  vœux,  ayent  l'u- 
fage  entier  de  la  raifbn  ;  ainfi  les  vœux  que  font  ceux 
qui  en  font  entièrement  privés ,  ou  qui  ne  l'ont  pas 
encore  atteint ,  ou  qui  ont  la  raifon  troublée  par  une 
palfion  fi  violente  ;  qu'elle  ne  leur  en  laifle  pas  l'u- 
i^^ge  libre  ,  font  nuls  &  invalides.  Tels  font  les  vœux 
que  fait  un  homme  yvre  ,  un  fou ,  un  furieux  dans 
l'accès  de  la  folie  ou  de  la  fureur ,  un  homirie  qui  eft 
en  délire ,  un  enfant. 

Comme  ordinairement  on  n*a  l'ufâge  parfait  de  la 
raifbn  qu'à  l'âge  de  puberté ,  on  dit  généralement 
parlant  avec  S,  Thomas,  2.  2.  q.  88.  art.  5;.  que  les 
vœux  des  impubères  font  nuls  par  défaut  de  connoif- 
fance &  de  délibéraiion  ;  c'efl  fur  cela  qu'eft  fondé 
le  Can.  Firmay  ch.  20,  q,  i.  Firma  atmm  tune  ah 


fur  les  Coimnandemens  de  Dieu,     2 8 y 

fyofi'Jpo  Virginitaùs ,  ex  quo  adulta  cetas  ejfe  cœperit  > 
^  ta  qiix  [olet  apta  nuptiis  deptitari  ac  perfecïa.  S'il  ar- 
rive que  la  nature  foit  Ci  avancée  en    des  garerons, 
uvant  quatorze  ans  complets,  &  en  des  filles  avant 
douze,  qu'ils  ayert  afTez  de  connoiiïance  pour  pou- 
voir délibérer  ruftlfàmment   (ur  une  chofq  avant  que 
de  s'y  engager,  ce  qu'on  appelle  en  Droit  être  y  doit 
capaxy  ils  peuvent  Ce  lier  par  des  vœux  fïmples  ;  car 
le  droit  pofitif  ne   les  a  point  déclarés  inhabiles  à 
cela  ;  mais  le  Père  ou  le  Tuteur ,  fous  la  puifTance 
de  qui  ils  font ,  peut  annuler  leurs  vœux ,  comme  nous 
le  ferons  voir  ci-aprcs.  Quelque  connoiffance  que  les 
impubères  ayeni ,  ils   ne  peuvent  s'obliger  par  des 
vœux  (blemnels;  la  raif)n   de  cette  différence  eft  y 
comme  enfeigne  S.  Thomas  dans  le  mcme  article  , 
que  le  vœu  fimple  tire  toute  (à  force  de  la  délibéra- 
tion ,  par  laquelle  on  a  intention  de  s'obliger  à  faire 
ce  qu'on  promet ,  au  liçu  que  les  vœux  lolemnels 
n'ont  de  force  qu'autant  qu'ils  (ont  conformes   aux 
loix  de  l'Eglile   :  &  elle  a  jugé  que   les  impubères 
étoient  inhabiles  à  faire  des  vœux  folemnels ,  comme 
çn  le  voit  chap.  Non  foliim.  De  Kegularibus  in  6°m 
Par  le  Droit  nouveau,   établi  dans  la  fefTion  z<^.du 
Concile  de  Trente,  chap,   if.  des  Réguliers,  on  ne 
peut  s'engager  dans  aucune  Religion  par  un  vœu  ib- 
lemnel  avant  l'âge  de  feize  ans  accomplis.   L'Ordon- 
nance de  Blois,  art.  z8,  s'cft  confirmée  à  ce  Décrçt^ 
&  c'eH  ruHige. 

On  regarde  comme  nuls  par  défaut  de  connoinan- 
ce  les  VŒUX  qui  Ce  font  par  erreur  &  par  ignorance, 
1°.  Quand  l'erreur  &  l'ignorance  Cçnt  Ci  groliieres 
que  celui  qui  fait  un  va'u  ,  n'en  connojt  ni  la  nature 
ni  la  force ,  comme  s'il  ne  fcait  pas  que  le  va^u  oblige 
à  faire  ce  qu'on  a  promis. 

2°.  Quand  elles  regardent  la  fubHance  de  la  ma- 
tière du  vœu ,  ou  fes  conditions  effentiellcs  ;  par 
e:x:eniplp  ,  fipn  fait  vœu  d'entrer  dans  une  Société  ou 
Communauté ,  où  l'on  ignore  qu'on  (bit  obligé  par 
les  Conrtitutions  de  renoncer  à  la  propriété  de  Ces 
biens,  &  que  l'on  croye  qu'on  a  droit  de  les  retenir. 
(Ce  vœu  efl  nul,  à  moins  que  celui  qui  auroit  vouç 


'a26  Conférences   d'Angers , 

d'entrer  en  cette  Société  ,  n'eût  eu  une  Intention  gé- 
nérale de  s'obliger  à  tout  ce  qui  s'y  pratique ,  ou  quî 
s'y  doit  pratiquer, 

3^.  Quand  elles  roulent  fur  des  conditions  accident 
telles  qui  font  fi  importantes ,  qu'un  homme  fâge 
peut  regarder  ces  conditions  comme  efTentielles  ;  par 
■exemple,  fi  quelqu'un  a  fait  vœu  d'aller  à  Jerufaiem  , 
fe  perfuadant  qu'on  y  va  en  peu  de  jours  &  fans  s'em- 
barquer fur  la  mer. 

4°.  Quand  la  fin  principale ,  qui  a  porté  à  faire  le 
vœu  ,  étoit  tout  autre  qu'on  ne  l'a  cru  ;  comme  fi  un 
enfant  croyant  que  fbn  père  efl  dangereufèment  ma- 
lade, fait  vœu  d'un  Pèlerinage,  pour  obtenir  de  Dieu 
îa  fanté  à  Ton  père  ;  &  que  ce  père  fe  portât  parfai- 
tement bien ,  ou  fût  mort  dans  le  tems  que  le  vœu  a 
été  fait. 

Quand  l'ignorance  &  Terreur  ne  foulent  que  fur 
des  conditions  accidentelles  &  de  peu  de  conlequence, 
qui  ne  font  que  l'accelToire  du  vœu ,  il  n'en  a  ni  plus 
ni  moins  de  force ,  puifque  alors  la  volonté  confènt  à 
ce  qri  efl  de  principal  dans  le  vœu ,  &  que  le  principal 
attire  à  lui  l'accelToire. 

La  liberté  efl  aufH  nécefTaire  que  l'ufage  de  raifôn 
pour  la  validité  des  vœux  ;  &  ce  qui  prouve  que  ceux 
qui  n'ont  pas  l'ufàge  de  raifbn,  ne  peuvent  s'obliger 
par  des  vœux ,  fait  voir  que  ceux  qui  ne  font  point 
libres ,  ne  peuvent  non  plus  s'y  engager.  Par  exem- 
ple, les  foux  ,  les  furieux,  durant  leur  emportement 
&  les  enfans  qui  n'ont  pas  l'ufàge  de  la  raifbn  ,  ne 
peuvent  faire  des  vœux ,  parce  que  n'ayant  pas  afî'ez 
de  connoifTance ,  ils  ne  font  pas  en  état  de  faire  un 
choix  libre  &  volontaire ,  ainfi  que  le  reconnoît  In- 
nocent III.  chap.  Sicîu  ténor  ,  de  Regularibus  ^. 

L'Egiife  a  jugé  que  la  liberté  étoit  tellement  né- 
cefTaire pour  la  validité  d'un  vœu  ,  que  le  Concile  de 
Trente  5  feiTion  ij.  ch,  ly.  des  Réguliers)  ordonne 


h  Si  tamen  eo  tempore  quo 
Sacerdos  lator  praefentium,  po- 
fînis  extra  mentetn  afleri'ur, 
induttis  fuit  habita  Monachali  : 
cùm  alienacus  non  fentiac  %  ac 


per  hoc  non  valear  confenti- 
re  ,  eum  denunnctis  ab  obfcr- 
vatione  îvlonaftici  crdinis  aU-" 
folutum. 


fur  les  Commandcmens  de  Dieu.      2 87 

que  les  filles  qui  auront  pris  l'habit  de  Religion  ,  ne 
pourront  faire  profelfion  que  l'Eveque  ne  les  ait  exa- 
minées auparavant,  pour  voir  /î  elles  n'y  font  point 
contraintes;  fi  elles  n'ont  point  ctc  fcduites  ;  C\  elles 
ft^avent  ce  qu'elles  font ,  &  C\  elles  embrafient  cet  état 
volontairement  &  librement;  ce  qui  s'obferve  exac- 
tement dans  ce  Royaume  :  le  Décret  du  Concile  y 
ayant  été  reçu  par  l'article  iS.  de  l'Ordonnance  de 
Blois». 

Le  même  Concile  ,  pour  procurer  à  ceux  qui  font 
les  vœux  de  Religion,  cette  liberté  fi  néceflaire,  pro- 
nonce dans  le  chapitre  fuivant,  l'excommunication 
contre  toutes  fortes  de  perfonnes  de  quelque  condi- 
tion qu'elles  fiaient ,  qui  contraindroient  une  fille  à 
faire  la  profefllon  Religieule,  ou  qui  coopéreroient 
en  quelque  manière  à  une  profefiTion  qu'elles  fçau- 
roient  qu'une  fille  ne  fait  pas  de  Ton  plein  ^ré. 

Avant  ce  Concile,  les  Pape's  avoient  déjà  déclare 
que  l'Eglifea  en  averfion  les  vœux  auxquels  les  par- 
ties n'ont  pas  donné  leur  confêntement  avec  une  li- 
berté entière.  Cela  paroit  par  le  ch.  Sigiîijîcautm ,  par 
le  ch.  Cum  vinim ,  8c  par  le  ch,  Cumjinius  ,  dans  les 
Décrétales,  au  titre  de  Rce;ularibus. 

Ceux  qui  ufent  de  fineffe,  ou  de  mauvais  artifices, 
ou  de  fauffes  raifjns  pour  engager  les  jeunes  gens  à 
embrafTer  l'état  Religieux,  font  coupables  d'un  péché 
trcs-grief.  Ce  qui  le  doit  entendre  non-fèulement  des 
Parens ,  qui  tendent  par  ce  moyen  à  fe  défaire  de  leurs 
enfans  ,  qui  (ont  mai  faits,  ou  ont  peu  d'efprit,  ou  à 
fe  décharger  de  quelques-uns  pour  enrichir  les  autres  ; 
mais  audi  des  Religieux  Se  Religieufes  qui  llirpren- 
nent  ainfi  les  jeunes  perlbnnes ,  (bit  pour  enrichir 
leurs  mai(bns ,  foit  pour  favorifèrles  mauvais  defleins 


i  Libertati  protcffionis  Vir- 
ginum  i)eo  dicandarcm  prof- 
piciens  fana»  S) nodus,  lUtuit 
atqiie  dc>.ciinc  ,  ut  fî  puerlla 
qux  habit.ini  l<.tguljrcm  fufci- 
pcrv."  voliierit  ,  major  duodc- 
citii  zntHS  fit,  non  ante  cuni 
fufci^nac  ,  ikc  poltca  'i\^U  vci 


al  ta  profefTionem  emittat,quàtn 

txploraverir  K^)ifcopus 

V'jrginis  volimtatem  diligen- 
tcr  ,  an  coatla ,  an  feduda  fit , 
an  fciat  quid  agat ,  &  f\  volun- 
ras  ejus  pia  ac  libéra  cognii» 
tîicrit ,  &c. 


'288  Conférences   (T Angers , 

des  Parens.  Ce  n'eft  pourtant  pas  un  mal,  maïs  un 
bien",  félon  le  (èntiment  de  S.  Thomas,  2.  2.  q.  Sp» 
art.  p,  de  porter  les  jeunes  gens  à  embrafîer  la  vie  Re- 
îigieufe ,  quand  on  appercoit  en  eux  de  faintes  dilpo- 
fitions  pour  ce  genre  de  vie,  ou  qu'il  y  a  lieu  de  crain- 
dre qu'ils  fe  corrompront  dans  le  monde.  Au  contrai- 
re ,  ce  leroit  un  grand  mal  de  les  en  empêcher  ,  ou 
de  les  en  détourner  fans  de  bonnes  raifons,  particu- 
lièrement s'ils  y  ont  du  penchant.  S.  Chryfoiiome  li- 
vre 3.  adversus  vimperatores  vitx  Monajîicce ,  ch.  ip, 
blâme  fortement  ceux  qui  les  en  détournent,  &  ceux 
aufîi  qui  tâchent  de  les  en  détourner ,  quoiqu'ils  ny 
réufîiilent  pas  ^. 

lue  Concile  de  Trente,  feflion  25.  ch.  18.  de  Regu- 
laribus  ,  prononce  également  l'excommunication 
contre  toutes  fortes  de  perfbnnes ,  qui  fans  de  jufles 
caufes,  empêchent  avec  violence  les  filles  de  prendre 
le  Voile,  ou  de  faire  les  vœux  de  Religion,  comme 
contre  ceux  qui  les  y  contraignent. 

La  liberté  efl  tellement  necefTaire  dans  les  perfon- 
nes  qui  font  des  vœux  ,  qu'on  eflime  qu'un  vœu  fîm- 
ple  de  chafleté  qu'une  jeune  fille  fait ,  à  la  fbllicita- 
lion  de  fon  ConfefTeur ,  &  par  complaifànce  pour  lui  y 
ne  doit  pas  être  cenfé  valide.  C'eft  le  fèntiment  de  M, 
de  Sainte-Beuve, tome  2. de  fèsRéfblutions ,  cas  9^, 

Comme  la  crainte  ôte  quelquefois  la  liberté  du 
conlèntement  ,  &  que  quelquefois  elle  ne  Tote  pas  , 
on  demande  fi  elle  rend  toujours  les  vœux  nuls.  A 
cela  on  répond,  1°.  qu'une  crainte  légère  n'empê- 
che pas  la  validité  d'un  vœu  ,  puifqu'elle  n'empêche 
pas  qu'il  ne  fbit  volontaire  &  libre  ;  aulli  dans  le 
Droit  Canonique ,  on  n'a  point  d'égard  à  cette  crain- 
te 5  au  moins  dans  cette  matière ,  comme  nous  le 


t  Ne  fie  qiiidem  fiipplicîa 
evadcre  poflemus  :  cùm  &  his 
<]iii  ad  diligentioris  deledum 
vitae  properant ,  impedimento 
fiiifl'emus  ,  &  eos  mundanis  ré- 
bus obligatos  teneamus  ,   qui 


ad  Cccliim    cvolare  ciipiunr ,     bâtis,  ex  propofito  illos  deje 

«»»..„   :_     1:1 -•  _:/T~„-:. 


ac^us  in  auus  vers  Ubçjuùs 


emergere.  •  •  t ,  ïtaqHC  etfî  ni- 
hil  valueritis  ad  dejiciendos  & 
pervertendos  forres  filiorum 
animos  ,  hujus  lamen  iniquiffi- 
mi  conatûs  lanias  pocnas  dabi- 
tis,  quantas  >  fi  id  quod  cupie- 


voyons 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     289 

Toyons  ch.  Cum  dileClus ,  de  iis  aux  vi  metuve  ,  &Cm 
Ce  qui  eft  conforme  à  la  règle  du  Droit  Civil.  Va- 
ni  timoris  jujîa  excufatio  non  cjl.  i.  Que  Ci  la  crainte 
cû  grieve  &  capable  d'ébranler  un  homme  ferme  & 
confiant ,  il  faut  diftinguer  deux  fortes  de  craintes , 
Tune  qui  vient  de  quelque  caufe  naturelle  ou  inter- 
ne ,  telle  qu'eft  la  crainte  de  mourir  ,  caufce  par 
une  maladie  dangereuse  ,  celle  du  naufrage  ,  par 
une  tempête  ,  celle  de  la  damnation  éternelle ,  par 
\à  connoiflànce  de  nos  péchés.  Cette  crainte  ne  rend 
pas  les  vœux  nuls  &  invalides ,  pourvu  qu'ils  (oient 
faits  avec  délibération  ,  parce  qu'elle  n'ote  pas  la 
liberté  ,  puifqu'elle  ne  force  pas  la  personne  qui  fait 
\in  vœu  à  le  faire  ,  mais  elle  s'y  porte  d'elle-même 
pour  éviter  un  plus  grand  mal  ;  ain/î  cette  crainte 
n'eft  pas  la  caufe  ,  mais  feulement  l'occa/îon  du  vœu. 
C'efl  pour  cela  qu'Innocent  IH.  ch.  Sicitt  nobis  ,  de 
Rcgidiirihus  ,  veut  qu'un  Clerc  qui  le  voyant  malade 
à  l'extrémité  ,  avoir  reçu  l'habit  de  Chanoine  Ré- 
gulier qu'il  avoit  demandé  ,  fiif  contraint  par  l'auto- 
rité Eccléfiaftique  à  oblerver  la  règle  des  Chanoines 
Réguliers.  Que  C\  dans  cette  forte  de  crainte  ,  un 
homme  faifbit  vœu  par  un  mouvement  fubit  &  pré- 
cipité ,  &  (ans  délibération  ,  le  vœu  ne  (eroit  pas 
eenfé  valide. 

Il  y  a  une  autre  (orte  de  crainte  grieve  ,  qui  vient 
d'une  caufe  étrangère  &  libre  ,  &  il  faut  faire  de 
nouveau  une  diftindion.  Car  ou  c'eft  une  juile  crainte 
à  laquelle  on  a  donné  fujet  ;  par  exemple  ,  C\  un 
homme  craignant  d'ctre  puni  de  mort  pour  Tes  cri- 
mes ,  fait  vœu  de  Religion  ,  afin  d'éviter  le  dernier 
fupplice,  le  vœu  eft  valide.  La  Congrégation  des 
Cardinaux  pour  l'interprétation  du  Concile  de  Trente 
l'a  déclaré  au  rapport  de  Fagnan  fur  le  ch.  Si  qttis  , 
de  Regularibus,  Bien  plus  ,  il  une  femme  q\â  a  com- 
mis quelque  crime  énorme  ,  avoit  été  condamnée 
par  la  Jullice  à  faire  profellion  dans  un  Monaftere 
pour  y  finir  (es  jours  ,  (on  vœu  feroit  val.de  ,  Se 
elle  ne  pourroit  Ce  plaindre  de  la  violence  qui  lui 
auroit  été  faite  ;  parce  que  c'eft  une  peine  qu'elle  a 
juftement  méritée ,  &  qu'elle  pouvoit  éviter  en  s'abf^ 
Tome  U    ■  N 


a^o  Conférences   d'Angers, 

tenant  du  crime  qu'elle  a  commis.  Cela  paroît  décidé 
par  le  chap.  de  Regularibus  ,  au  titre  de  Simonia. 

Ou  c'eil  une  crainte  caufée  injuftement  à  une  per- 
ibnne  ,  à  defTein  de  lui  faire  faire  un  vœu ,  comme 
quand  un  Père  fait  de  mauvais  traitemens  ou  des 
menaces  violentes  à  fâ  fille  pour  l'engager  à  fe  faire 
Religieufe.  Le  vœu  (blemnel  qui  a  été  fait  par  cette 
crainte  eft  nul  ;  cela  eu  décidé  par  le  chap.  Perla- 
mm  ,  &  par  le  chap.  Ciim  dileClus  ,  de  Us  qux  vi  me- 
tuve  ,  Ù'c.  &  par  le  Concile  de  Trente  ,  Seflîon  i^, 
ch.  17.  de  Regularihiis.  Cependant  pour  (e  dégager 
de  ce  vœu  ,  il  faut  qu'il  foit  déclaré  nul  par  une  Sen- 
tence du  Juge  Eccléfiaflique ,  de  forte  qu'un  Reli- 
gieux qui  connoit  la  nullité  de  la  profeffion,  ne  peut 
de  Ton  chef  &  fans  autre  formalité  quitter  fbn  Or- 
dre ,  &  fe  rétablir  dans  fbn  premier  état  ,  félon  le 
même  Concile  au  même  endroit  chap,  151, 

Quelques  Dodeurs  difènt  pareillement  que  le  vœu 
fîmple  qui  a  été  extorqué  par  cette  forte  de  crainte 
efl  nul.  Les  raifons  qu'on  en  peut  donner  avec  la 
gloiê  fur  le  chap.  Ahhas ,  de  iis  qua  vi  menti  e  j  ù'c, 
font  que  nous  promettons  à  Dieu  par  le  vœu  une 
chofe  qui  n'eft  que  de  confèil  ,  à  laquelle  nous  ne 
(bmmes  obligés  par  aucun  commandement  ,  mais 
que  nous  fbmmes  maîtres  de  faire  ou  de  ne  pas 
faire  ;  c'ell  pourquoi  il  faut  que  le  vœu  fbit  fait 
avec  une  entière  liberté ,  autrement  il  ne  fèroit  pas 
u/i  vœu.  Or  il  n'y  a  rien  de  plus  oppofé  à  la  liberté 
du  confentement ,  que  la  violence  &  la  crainte  ,  lîii- 
vant  la  règle  né.  du  Droit  civil  au  Digelle  livre 
50,  tit.  17»  Nihil  cc7jfenfui  tam  contrarhim  efl ,  quant 
vjs  atque  metus  ,  quem  ccmprobare  ,  contra  boncs  mo- 
res e[t.  Et  certainement  Dieu  n'a  pas  agréable  les 
facrifices  qu'on  ne  lui  oflVe  que  par  force  &  non 
pas  volontairement.  Voluntarium  militem  Jîbi  eligit 
Chrijlits,  Can.  l>ion  ejl»  c.  15.  q.  i. 

Mais  comme  tous  les  Auteurs  ne  conviennent 
pas  fiir  cette  dernière  queflion  ,  &  que  l'opinion  con- 
traire fur  laquelle  on  peut  voir  Suarez  au  livre  i. 
de  Voio ,  ch.  7.  &  8,  paroît  très-bien  fondée  :  le  plus 
fur  &  h  plus  prudent  d^ns  ces  renconue$  eft  de  re^ 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     2p  î' 

courir  à  Tautorité  Eccléfiaftique  ,  pour  obtenir  di(^ 
pcnfe  d'un  vœu  fimple  qu'on  auroit  fait  par  force, 
ain/î  qli'on  le  doit  pratiquer  ,  fuivant  la  définition 
du  Pape  Alexandre  III.  au  ch.  Debitores  &  Si  vero 
de  jiirejurando  ,  à  l'égard  d'un  ferment  extorqué  pat 
une  {emblable  violence. 

Si  on  avoit  imprimé  de  la  crainte  à  une  personne 
fans  delTein  de  lui  faire  faire  un  vœu  ,  mais  pour 
un  autre  fujet  ;  par  exemple  ,  fi  un  père  châtie  ou 
menace  de  châtiment  fà  fille  pour  fès  débauches  y 
afin  de  lui  faire  changer  de  vie  ,  le  vœu  qu'elle  fe- 
roit  de  fe  faire  Religieufe  (eroit  valide  ,  &  elle  (è- 
roit  obligée  de  l'exécuter.  La  crainte  qu'elle  auroit 
eu  ,  n'auroit  pas  été  la  caufe  de  fbn  vœu  ,  mais  feu- 
lement l'occafîon. 

Enfin  ,  il  eft  nécefiaire  que  la  chofe  vouée  (oit  au 
pouvoir  de  la  perfonne  qui  fait  vœu ,  &  qu'elle  dé- 
pende de  fa  volonté  ,  ou  il  faut  avoir  le  contente- 
ment des  perfonnes  de  qui  la  chofe  dépend.  Il  s'en- 
fuit de-là  ,  que  les  Religieux  ne  peuvent  faire  cer- 
tains vœux  ,  ni  les  enfans  impubères ,  ni  le  marî 
(ans  le  consentement  de  fi  femme  ,  ni  la  femme 
fans  celui  de  fon  mari ,  à  l'égard  des  chofès  pour 
raifon  defquelles  ils  dépendent  l'an  de  l'autre  ,  ce 
que  nous  expliquerons  plus  amplement  dans  la  ré- 
ponfè  à  la  troi/îeme  Queftion» 

Quand  il  s'agit  donc  de  juger  fi  un  vœu  eft  véri- 
table &  valide  ,  il  faut  obferver  1°.  Si  celui  qui  a  voué 
étoit  en  état  &  en  pouvoir  de  le  faire;  s'il  a  été  li- 
bre ,  s'il  a  eu  la  connoiffince  de  ce  à  quoi  il  s'enga- 
geoit ,  &  s'il  l'a  fait  avec  une  pleine  délibération» 
i°.  S'il  a  véritablement  fait  une  promede  à  Dieu  avec 
intention  de  s'obliger.  3°.  Si  la  choie  à  laquelle  il 
s'eJft  oblige  eft  bonne  de  foi  ,  &  même  meilleure  que 
celle  qui  lui  elî  oppofée. 

Comme  le  vœu  efl  une  loi  pa-ticuliere  que  s'im- 
pofe  celui  qui  le  fait  ,  il  faut  interpréter  le  vœu  fiii- 
vant  l'intention  de  celui  qui  a  voué  ,  de  même  qu'il 
faut  expliquer  les  loix  publiques  fui/ant  l'intention 
du  Légiflateur  qui  en  eil  l'auteur  ;  &  C\  l'intention 
de  celui  qui  a  fait  voeu  ne  puroit  clairement  ,   on 

N  ij 


29 2  Conférences  d'Angers^ 

doit  entendre  fbn  vœu  fùivant  le  Cens  dans  lequel 
on  prend  communément  les  paroles  dont  il  s'efl 
ffrvi.  Cependant  il  faut  toujours  faire  plus  d'atten- 
tion à  l'intention  de  celui  qui  a  voué  ,  qu'à  Ces  paro- 
les ;  car  on  peut  énoncer  une  fimple  réfolution  dans 
les  mêmes  termes  dont  on  Ce  Cerz  pour  exprimer  un 
vœu  ;  par  exemple ,  un  homme  qui  fait  une  réfolu- 
tion de  ne  plus  jurçr ,  peut  dire,  je  promets  à  Dieu 
de  ne  plus  jurer,  il  n'a  pas  pour  cela  intention  de 
faire  un  vœu  ,  &  le  terme  je  promets ,  fignifie  félon 
fon  intention  ,  je  me  propofe  ou  je  fais  réfolution 
de  ne  plus  jurer, 


faeaBMas^BaBfggpjaHttJBia^atswiM 


II.      QUESTION. 

Combien  y  a-tnl  de  fortes  de  Vœux  ?  EJl-on 
obligé  d'obferver  les  Vœux  qu'on  a  faits , 
ou  ceux  que  d'autres  ont  faits 
pour  nous  ? 

N  divife  les  vœux  en  trois  claïïes  ;  dans  la 
première  on  met  les  Abfblus  &  les  Condition- 
nels ;  dans  la  féconde  ,  les  Perlbnnels ,  les  Réels  & 
les  Mixtes  ;  dans  la  troi/îeme,  les  Simples  &les  So- 
iem.nels. 

Le  vœu  abfblu  eft  celui  qui  ne  dépend  d'aucune 
condition  ,  c'eft  pourquoi  on  efl  obligé  à  l'accom- 
plir au  plutôt.  C'eil  de  ce  vœu  dont  on  doit  enten- 
dre ces  paroles  du  chap.  zj,  du  Deutéronome  ^, 

Le  vœu  conditionnel  eft  celui  qui  dépend  d'une 
condition  qu'on  y  a  mife.  Il  n'oblige  qu'après  que 
la  condition  eft  accomplie  ;  par  exemple  ,  je  promet» 
à  Dieu  de  me  faire  Religieux ,  C\  mon  père  guérit 
de  ik  maladie  ,  je  ne  fuis  tenu  d'accomplir  ce  vœu 


a  Cùm  votum  vovens  Do- 
vnino  Deo  ttio  ,  non  tardabis 
teddete  j  ^uia  re^yirei   iU«d 


Dominus  Deus  tuus  :  3c  fi 
moratus  fucris  ,  reputabitur  ti* 
bi  in  peçcatumt 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     spj;' 

qu'après  (à  guérifbn.  Cependant  tandis  qu'on  attend 
révcnement  de  la  condition  ,  on  ne  doit  pas  Ce  mettre 
hors  d'ctat  d'accomplir  Ion  vœu,lorrqLie  la  condi- 
tion fera  arrivée  ;  ainfi  celui  qui  auroit  fait  ce  vœu 
pécheroit  ,  s'il  Ce  marioit  avant  que  Ton  père  fùc 
mort  de  Cà  maladie. 

Pour  qu'un  vœu  (bit  conditionnel ,  il  faut  que  la 
condition  ait  été  appofée  à  la  promelTe  au  moment 
qu'on  l'a  faite  ;  car  fi  la  promefTe  a  été  abfolue  ,  &: 
qu'on  n'y  ait  ajouté  la  condition  qu'après  coup  ,  le 
vœu  efi  cenfé  abfblu.  Il  faut  en  outre  que  la  condi- 
tion Cous  laquelle  le  vœu  le  fait  ,  regarde  une  cho(e 
future  qui  peut  être  ou  ne  pas  être.  Si  la  condition 
eft  d'une  cho(e  présente ,  ou  pafTée  >  ou  qui  doit  né- 
Ceffairement  arriver  ^  par  exemple  ,  je  promets  à 
Dieu  de  garder  la  chafteté  ,  û  mon  père  eft  en  vic', 
ou  s'il  eft  mort  ,  ou  fi  le  Soleil  Ce  levé  demain  ,  le 
vœu  a  la  même  force  que  s'il  étoit  abfolu.  Car  C\  la 
condition  exille  au  moment  qu'on  fait  la  promefTe  à 
Dieu  ,  l'obligation  de  l'accomplir  a  lieu  dès  ce  mo- 
ment ,  &  une  chofe  qui  doit  necefTairement  arriver  , 
efl  regardée  comme  fi  elle  Tétoit  déjà. 

Le  vœu  conditionnel  efl:  quelquefois  un  vœu  pé- 
nal qu'on  fait  pour  s'abflenir  de  quelque  crime,  com- 
me fi  on  promet  à  Dieu  de  donner  cent  écus  aux: 
^^auvres  fî  l'on  Ce  parjure.  Ce  va^u  peut  être  dou- 
ble ,  car  un  homme  peut  en  même  tems  faire  vœu 
de  ne  fe  point  parjurer  ,  &  que  s'il  fe  parjure  ,  il 
donnera  cent  écus  aux  pauvres  ;  c'eft  ce  qu'il  faut 
expliquer  en  Confefïion. 

Le  vœu  perfonnel ,  eft  celui  qui  a  pour  matière 
nos  perfonnes  ou  nos  adlions ,  comme  lorfqu'on  fe 
confacre  à  Dieu  en  recevant  les  Ordres  facrés  ,  ou 
par  la  profefllon  Religieufe,  ou  qu'on  promet  à  Dieu 
île  jeûner  ,  de  faire  telle  prière  ,  d'aller  en  pèleri- 
nage,  &c.  Par  cette  forte  de  vœu  on  s'engan-e  per- 
fonnellement  ;  ainfi  c'efl  celui  qui  Ta  fait  qui  le  doit 
acquitter  lui-mcme  :  il  ne  peut  le  faire  accomplir  pac 
un  autre,  car  fôn  intention  a  été  de  s'obliger  fbi-mcme 
à  acquitter  fa  promefTe  ,  puifqu'il  promettoit  à  Dieu 
ce  qui  étoit  de  Con  propre  fait  &  non  du  fait  d'4u^ 

N  iii 


5p4  Conférences  £  Angers  » 

tru'u  C'eft  pourquoi  David  dit  PH  6^»  Seigneur ,  j^ 
m'acquitterai  envers  vous  des  vaux  que  mes  lèvres 
ont  proférés  ^.  Celui  donc  qui  a  fait  vœu  de  jeûner , 
îie  latisferoit  pas  à  fon  vœu  ,  s'il  engageoit  un  au- 
tre à  jeûner  pour  lui  ,  &  s'il  ne  peut  jeûner ,  il  n'efl 
point  obligé  de  charger  un  autre  de  jeûner  pour  lui. 
Il  n'y  a  même  que  celui  qui  a  lait  le  vœu  personnel 
qui  (bit  obligé  de  l'exécuter ,  Tes  héritiers  n'y  font 
point  tenus  ,  à  moins  qu'ils  n'ayent  ratifié  le  vœu 
par  leur  confèntement ,  en  ce  cas  ils  y  font  obligés , 
en  vertu  de  la  promefTe  qu'ils  ont  faite  au  défunt  de 
l'accomplir  pour  lui. 

Quand  le  Pape  Innocent  III.  dit  dans  le  chapitre'^ 
Quodfuper  his  au  même  titre  ,  que  fi  quelqu'un  avoit 
fait  vœu  d'aller  à  la  Terre-Sainte ,  &  qu'il  ne  pût  faire 
ce  voyage ,  il  pouvoir  faire  acquitter  fon  vœu  par 
un  autre  ,  il  ne  regardoit  pas  ce  vœu  comme  per- 
ibnnel ,  mais  comme  réel.  En  effet ,  il  étoit  prefque 
toujours  réel  en  ces  tems-là ,  car  on  ne  le  faifoit 
qu'en  vue  de  lècourir  les  Chrétiens  qui  gémilToient 
ibus  la  captivité  des  Infidèles. 

Le  vœu  réel  efl  celui  dont  la  matière  eft  hors  de 
îîous ,  comme  font  les  biens  temporels  ;  telle  eft  la 
promelFe  faite  à  Dieu  de  donner  une  Ibmme  d'ar-^ 
gent  aux  pauvres ,  de  faire  bâtir  une  Eglile. 

Le  vœu  mixte  eft  celui  dont  la  matière  efl  per- 
sonnelle &  réelle ,  comme  quand  on  promet  une 
adion  qu'on  doit  faire  foi-même  ,  &  tout  ensemble 
quelqu'autre  chofe  :  par  exemple  ,  fi  on  promet  à 
Dieu  d'aller  vifiter  les  Hôpitaux,  &  de  leur  faire 
des  aumônes  en  les  vifitant. 

Le  vœu  réel  pouvant  être  acquitté  par  un  autre 
que  par  celui  qui  l'a  fait ,  fes  héritiers  font  tenus 
de  l'acquitter  quand  il  ne  l'a  pas  accompli  lui-mê- 
me. C'efi:  une  dette  de  la  fuccelTion  qu'ils  doivent 
payer  ,  fuivant  la  décifion  du  ch.  Licet  de  veto,  du  ch. 
Si  haredes ,  de  teJJamer.tis j  8c  du  ch.  Ex  parte,  de  cen- 
fîbus.  Mais  cela  fe  doit  entendre  C\  la  fuccefTion  de 
celui    qui    a  voué   eft   capable   de  flipporter    cette^ 

h  Reddam  tibi  vota  mea  j  ^u«  diftinxerant  labia  mca» 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,     ^py 

charge,  &  (aufla  légitime  derhériticr,  celui  quia 
fait  vœu  n'a  pu  engager  cette  légitime;  d'où  vient 
que  S.  Auguftin  rapporté  dans  le  Can.  Quicumque 
c.  17.  q.  4.  difoit  que  C\  quelqu'un  deshéritoit  fes 
enfans  pour  faire  FEglife  Ton  héritière ,  il  cherchât 
un  autre  que  lui  qui  voulut  accepter  Ton  don,  mais 
qu'il  n'en  trcuveroit  point  qui  put  le  faire ,  fans  ir- 
riter Dieu  ^» 

Quant  au  voeu  mixte,  l'héritier  eft  obligé  de  Tac- 
qultter  en  tant  qu'il  eft  réel ,  quoiqu'il  n'y  foit  pas  obligé 
en  tant  qu'il  efl  perlbnnel. 

Le  vœu  Iblemnel  eft  une  promeffe  faite  à  Dieu  , 
par  laquelle  un  homme  ou  une  femme  fe  livre  & 
fe  confacre  tout  entier  au  (ervice  de  Dieu ,  &  qui  a 
été  acceptée  par  un  Supérieur  Eccléfiaftique  de  la 
part  de  l'Eglise  au  nom  de  Dieu.  La  folemnité  du 
vœu  ne  ccnfille  donc  pas  daus  la  feule  tradition  ou 
confécration  qu'on  fait  de  fa  perfonne  au  fervice 
de  Dieu ,  mais  auffi  dans  l'acceptation  qui  en  ed 
faite  au  nom  de  Dieu  ,  de  la  part  de  l'Eglife  :  el- 
le renferme  l'une  &  l'autre  ;  de-là  vient  que  les  vœux 
faits  dans  des  (bciétés  qui  ne  font  pas  approuvées 
de  l'Eglife  pour  un  état  Religieux,  ne  font  pas  des 
vœux  folemnels  de  Religion  ;  parce  que  les  Supé- 
rieurs de  ces  fbciétés  n'ont  pas  le  pouvoir  d'accep- 
ter ces  vœux  de  la  part  de  l'Eglife  au  nom  de  Dieu. 
Ajoutez  à  cela  que  félon  Tufâge  de  l'Eglife,  le  vœu 
fblemnel  doit  être  accepté  absolument  &  pour  tou- 
jours ,  puifqu'il  doit  être  perpétuel ,  tant  en  fon  ac- 
ceptation qu'en  la  tradition  de  la  perfonne  qui  fait 
le  vœu. 

Nous  reconnoilTons  deux  flirtes  de  vœux  folem'» 
Jiels,  le  premier  eft  la  profeffion  qu'on  fait  publique- 
ment dans  un  Ordre  Religieux  approuvé  par  l'E- 
glife, après  une  année  complette  de  Noviciat.  Le  fé- 
cond cft  le  vœ-u  tacite  de  chafteté  qu'on  fait  en  rece- 
vant un  Ordre  facrc. 


c  Quîcuniqiic  vult  cxhnfre-  1  fufcipiat  ,  non  Aiiguninum  : 
oato  filio  hctredem  facere  Ec-  irr.o  Dco  propitio  non  uliuni 
clcfiam  ,  qiijcrct  altenim   oui  I  invcoiet» 

N  iv 


a^6  Conférences  £  Angers  l 

Autrefois  on  regardoit  comme  un  vœu  fôlemneî 
ïa  prife  d'habit  de  Vierge  ou  de  Veuve  ou  de  Moine , 
quand  on  le  prenoit  avec  la  bénédidion  de  l'Evé- 
que  ;  quoique  Ton  ne  s'engageât  dans  aucun  Ordre 
Religieux  approuvé  de  l'Egiife.  Les  anciens  Monaf^ 
teresne  Ce  font  formés  que  de  cette  manière. 

Le  vœu  fimple  efl  tout  vœu  que  i'Eglile  ne  re- 
çoit pas  foiemnellement,  Toit  qu'on  le  fafîe  en  pu- 
blic ,  ou  en  particulier ,  de  bouche  ou  de  cœur. 

Un  vœu  n'eft  pas  fblemnel  pour  avoir  été  fait  en 
public.  Le  vœu  fait  en  public  a  bien  quelque  folem- 
nité ,  mais  ce  n'eil  qu'une  folemnité  humaine  ,  &  non 
pas  une  folemnité  Ipirituelle  &  divine ,  telle  qu'elle 
eft  requife  pour  rendre  le  vœu  folemnel,  comme  re- 
marque S.  Thomas  2.  2,  q.  88.  art.  7.  dans  la  réponfe 
à  la  troiiieme  objedion  *^. 

Le  vœu  fimple  fe  peut  faire  de  différentes  chofês 
qui  font  bonnes  d'elles-m.émes,  au  lieu  que  le  vœu 
Iblemnel  par  lequel  on  Ce  livre  &  on  (e  consacre  au  fer- 
Tice  de  Dieu ,  ne  fe  fait  que  de  la  vie  Religieufe ,  par 
îa  profellîon  dans  un  Ordre  approuvé,  ou  de  la  chaf^ 
jeté  par  la  réception  des  Ordres  (acres. 

Le  vœu  de  chafieté  attaché  à  la  profeiTion  Reli- 
gieufe,  ou  à  la  réception  des  Ordres  lacrés,  annulle 
ie  mariage  qu'on  voudroit  enfuite  contrader.  La  pro- 
fefTicn  Religieufe  annulle  même  le  mariage  déjà  con- 
tradé ,  pourvu  qu^il  n'ait  point  été  confommé.  Mais 
pour  le  vœu  fimple  de  chafteté ,  c'eft-à-dire ,  celui 
qui  a  été  fait  hors  de  la  ProfefTon  ReHgieufe,  ou  de 
îa  réception  des  Ordres  facrés ,  il  rend  feulement  il- 
licite le  mariage  qui  le  fuivroit  ;  de  forte  que  celui  qui 
a  fait  un  vœu  fim^ple  de  challeté ,  pèche  en  fe  ma- 
riant ,  mais  fbn  mariage  n'efl  pas  nul ,  fuivant  le  ch« 
Quod  votum,  de  voto  in  6°, 

Quoiqu'en  violant  un  vœu  fimple  on  pèche,  néan- 
moins le  péché  qu'on  commet  contre  le  vœu  folem- 


d  Vota  ex  hoc  quôd  fiiint 
in  piiblico  ,  poffunt  habere 
quaiîidam  folemniriitem  tjuma- 
ram  ,  non  autem  folcmnîtatcm 
ipiritufllem  C^cdivinam^fiçuiha- 


bent  vota  emiflTa  in  réceptions 
facri  Ordinis,  vel  in  profcf- 
fione  certs  regulï  ,  ctiaœ  û 
coram  |>aucis  fiant. 


fur  les  Commandemem  de  Dieu.     297 

nel,  efl  bien  plus  grief;  parce  qu'une  perfonne  qui 
a  fiiit  un  vœu  (blemnel ,  s'eft  engagée  au  fèrvice  de 
Dieu  ,  d'une  manière  plus  forte  &  plus  parfaite,  s'c- 
tant  donnée  8c  conHicrée  toute  entière  à  Dieu. 

Quand  on  dit  donc  qu'on  n'eil  pas  moins  obligé  a 
obferver  un  vœu  fimple  qu'un  vœu  folemnel,  on  ne 
prétend  pas  que  le  vœu  fimple  oblige  aufTi  étroitement 
que  le  fblemnel ,  on  veut  feulement  dire  ,  qu'on  eHc 
obligé  lous  peine  de  péché  mortel ,  d'accomplir  l'un 
&  l'autre  vœ-u.  Cette  dodrine  e(l  de  S.  Tiiomas  au 
même  article ,  dans  la  répcnfe  à  la  première  objec- 
tion. 

Il  nV  a  nul  doute  qu'on  ne  foit  très-étroirement 
obligé  a  accomplir  les  vœux  qu'on  a  faits  à  Dieu, 
Le  Seigneur  nous  le  commande  exprefTément  dans 
la  fainte  Ecriture  *^.  C'eft  donc  un  très-grand  pccric 
que  de  violer  les  vœux  qu'on  a  faits  à.  Dieu.  Le  Pa- 
pe Innocent  III.  le  dit  nettement  dans  le  chapitre 
Licèt  de  voto,  Lich  univerfis  liberum  fn  arhitrium  in 
vovendo ,  ufqtte  adco  tamcn  foluiio  necejfaria  ejl  pojl 
votum  f  ut  fine  froprio  falutîs  difpendio  alictti  non  //- 
ceai  refilire. 

La  raifbn  naturelle  nous  fait  comprendre  que  l'o- 
blieation  d'accomplir  le  vœu,  regarde  tous  les  vœux 
qui  (ont  véritables  Se  valides.  Car  fi  l'honneur  & 
la  juflice  ne  permettent  pas  qu'on  manque  à  exé- 
cuter les  contrats  qu'on  a  faits  librement  &  de  bonne 
foi  avec  les  hommes ,  à  plus  forte  raifon  la  fidéli- 
té que  nous  devons  à  Dieu ,  nous  oblige  à  tenir  les  pro- 
mefTes  que  nous  lui  avons  faites.  Si  nous  les  violons  » 
nous  commettons  une  infidélité  très-injurieufe  à  Dieu , 
&  qui  mérite  la  damnation  éternelle.  Auffi  S.  Paul 
dit  chap.  5.  de  la  première  Epitre  à  Timothée ,  que 


c  Ciim  votum  voveris  Do- 
mino Deo  tuo  ,  non  tardabis 
reddere  ,  quia  re^uirct  iilud 
J^ominus  Deus  tuiis  ;  Se  C\  mo- 
ratus  fiieris  ,  rcpiitabinir  tibi 
în  peccatum.  Si  noliicris  pol- 
liccii  ,  abfqdc  peccato  cris. 
QuoJ  aiuem  fcnicl  tgrcdiim 
cit  de  labiis  mis  ^  obfcivabij  ^ 


&  faciès  ficut  promifif^i  Do- 
mino. Deur,  c.  2?....Vovete 
&  reddite  Domino  Deo  vef- 
tro.  PJal.  75...  Si  quid  vovifti 
Deo  ne  moreris  rcddere  :  dif* 
plicet  enim  ci  infidelis  &  (tiiU 
tapromifTio,  fcd  qiiodcumquî 
voveris  redde.  Ecclef,  c,  >• 

N  T 


2p8  Conférences  d'Angers, 

celles  qui  avoient  été  mifès  au  rang  des  Veuves  y 
s'engageoient ,  en  fe  mariant ,  dans  la  condamna- 
tion par  le  violement  de  la  foi  qu  elles  avoient  donnée 
à  Jefiis-Chrift, 

Ceû  à  peu-près  ain/î  que  raifonne  Innocent  I.  en 
parlant  du  vœu  fîmple  de  chafteté ,  dans  la  féconde 
Lettre  à  Viârice  Evêque  de  Rouen  au  chapitre  13. 
Hce  vero  qux  necdum  facro  velamine  te6lce ,  tamen  in 
propojïto  virginali  femper  manere  prcmiferam ,  lich  ve- 
latœ  non  Jïm ,  Jt  forte  nupferirtt  ^  his  agenda  aliquanto 
tempore  pcenitentia  ejî  f  quia  fponfio  e arum  a  Deo  tene- 
batur. 

Namjî  înter  homines  folet  borne  fidei  contraCius  nullâ 
raîione  dijfolvi ,  quantb  magis  ijia  pollicitatio  ,  quam 
cum  Deo  pepigit  virgo  y  folvi  fine  vindiCia  non  de-^ 
het. 

Il  eft  vrai  qu'avant  que  d'avoir  voué  à  Dieu  une 
chofe  qui  n'étoit  que  de  confèil ,  il  nous  étoit  libre  de 
ïie  la  pas  faire  :  mais  depuis  que  nous  en  avons  fait 
vœu ,  nous  ne  pouvons  plus  nous  en  difpenfer.  La  Re- 
ligion nous  oblige  très-étroitement  à  faire  ce  que  nous 
avons  promis  par  notre  vœu  ^. 

Le  violement  des  vœux  étant  un  fâcrilege  qu'oit 
commet  contre  la  vertu  de  Religion ,  il  eu  par  lui- 
même  un  péché  mortel  ;  néanmoins  il  peut  quelquefois 
n'être  que  véniel  par  le  défaut  d'attention ,  ou  par  la 
légèreté  de  la  matière. 

Le  Concile  IV.  de  Carthage,  Can.  104.  traite  d'a- 
dulteres  les  péchés  que  les  veuves  qui  fe  ibnt  dévouées 
à  Dieu ,  commettent  contre  le  vœu  de  chafieté  qu'el- 
les ont  fait,  &  il  prononce  une  excommunication 
contr'eiles  s. 


/  Quîa  jam  vovifti  jam  te 
obftrinxifti ,  aliud  tibi  ficerc 
»on  liceu  Aug»  Epijî.  ixy, 
giids  45. 

g  Taies  crgo  pcrfonac  fine 
Cbriftl  norum  communione 
aaanfant  ,  quae  etiam  nec  in 
çonvivio  cum  Chriftianis  com- 


conjiiges  reatu  funt  virîs  fuis 
obnoyiœ,  ouantô  maçris  vidii^e 
(jU2  rtiigiofuatem  mutavenint 
crimine  adulterii  notabuntur^ 
fi  devotionemqiiam  Dcorpon* 
te  non  coaft.-e  ,  oltulcnint  > 
libidinojâ  cotruferiai  volup- 
tâte» 


\ 


fur  Us  Commanàemem  de  Dieu.     299 

Saint  Augiiftin  livre  de  bono  viduitatis  ,  cliap.  ii. 
eftime  que  leur  péché  eft  plus  grand  que  Tadukere  , 
parce  qu'une  femme  adultère  ne  manque  de  foi  qu'à 
un  homme,  au  lieu  qu'une  perfônne  qui  pèche  contre 
fon  vœu  de  chaileté ,  eu.  infidèle  à  Dieu  ,  A  qui  elle 
avoir  de  Ton  bon  gré  promis  la  foi  '\  Ce  péché  avoit 
paru  G  énorme  aux  Pères  du  Concile  d'Elvire  ,  qu'ils 
ordonnèrent  Canon  13.  qu'on  tmt  en  pénitence  jus- 
qu'à la  fin  de  leur  vie,  les  Vierges  qui  y  fêroient  tom- 
bées ,  &  qu'elles  ne  reçuiïent  la  Communion  que  dans 
ce  tems-là. 

Quoique  les  Dofteurs  conviennent  que  la  légèreté 
de  la  matière  excuie  de  péché  mortel ,  celui  qui 
manque  en  quelque  chofè  à  accomplir  un  vœu  qu'il 
a  fait  dans  une  matière  importante,  ils  ne  font  pas 
tous  d'accord  que  celui  qui  n'a  fait  vœu  que  d'une 
choie  de  peu  d'importance  ,  ne  pèche  que  vénielle- 
ment  en  manquant  de  l'exécuter;  par  exemple  ,  fî 
un  homme  qui  a  voué  de  dire  chaque  jour  la  Sa- 
lutation Angélique ,  ou  de  donner  deux  liards  aux 
pauvres ,  ne  pèche  que  vénieiiement,  quand  de  pro- 
pos délibéré  il  lailTe  paffer  un  ou  deux  jours  làns 
réciter  cette  prière  ,  ou  fims  faire  cette  aumône»  II 
femble  plus  vrai-femblable  que  Ton  péché  n'eft  que 
véniel,  parce  qu'on  doit  raifonner  du  vœu  comme 
des  Loix  &  des  Contrats  :  le  vœu  étant  une  loi  par- 
ticulière qu'un  homme  s'impole ,  &  une  efpece  de 
convention  qu'il  fait  avec  Dieu  :  or  il  eft  confiant 
que  les  Loix  &  les  Contrats  qui  ne  concernent  que 
des  choies  de  peu  de  conféquence,  ne  nous  obligent 
pas  fur  peine  de  péché  mortel  ;  ainfi  on  doit  dire 
que  dans  le  cas  propofé  il  n'y  auroit  que  péché  vé- 
niel. Si  pourtant  celui  qui  (e  feroit  engage  dans  un 
tel  vœu ,  prenoit  la  réfolution  de  ne  point  du  tout 
l'exécuter  ,  il  pécheroit  mortellement ,  parce  que  la 
matière  de  ce  vœu,  confidérée  tout  enlèmble  ,  ou 


h  Si  cn'm  qiioA  nullo  mo- 
^o  dubitandum  cft ,  ad  otTen- 
fxoncm  Chrifti  pcrtiner,  ciim 
mcmbrum  cjiis  Hdcm  non  fer- 
•vat  matico ,  «paniô  graviùs  of-  ,  i 


fenditur,  cùm  illl  ipfî  non 
fervatiir  fides  in  eo  quod  exi- 
gir  oblatum  ,  qui  non  excgcrat 
otTcreaduQi. 


N 


'1 


500  Conférences  d^ Angers  l 

comme  parlent  les  Théologiens  colle£îivè  fumptai  ell 
importante  &  de  conféquence. 

Autant  de  fois  qu'on  viole  volontairement  un  vœu 
qu'on  eft  en  état  d'accomplir,  on  commet  autant  de 
péchés.  Par  exemple ,  ft  quelqu'un  a  voué  de  ne  point 
boire  de  vin  les  Vendredis  de  chaque  femaine  ,  û 
après  en  avoir  bu  au  matin ,  il  en  boit  encore  dans 
la  fuite  du  jour  ,  ceû  un  nouveau  péché  qu'il  com- 
met. 

Celui  qui  a  fait  un  vœu  abfblu  fans  fe  prefcrire 
de  tems  ,  efl  obligé  de  l'accomplir  à  la  première 
commodité  :  en  ne  le  faifant  pas  &  en  différant  con- 
iidérablement ,  quand  la  matière  du  vœu  efl  d'im- 
portance &  qu'il  n'y  a  point  de  caufè  légitime  qui 
l'excufe,  il  pèche  très-griévement ,  fiiivant  ces  paro- 
les du  Deuteronome.  Si  mpratus  fueris  ,  repitabimr 
ùbi  in  -peccatum.  Saint  Thomas  queflion  ^S.  art.  3. 
dans  la  réponfe  à  la  troi/îeme  objedion ,  en  dit  pour 
xaifbn  que  l'obligation  du  vœu  vient  de  la  volonté 
de  celui  qui  l'a  fait  ;  s'il  a  donc  eu  intention  de  s'o- 
bliger à  accomplir  fbn  vœu  au  plutôt,  il  y  eft  cer- 
îtainement  obligé.  De  même  celui  qui  a  fait  un  vœ^i 
&:  qui  s'étoit  preferit  un  tems  déterminé  pour  l'ac- 
com^plir,  ou  qui  avoit  mis  une  condition  à  fbn  vœi?, 
ie  rend  coupable  de  péché  mortel  s'il  ne  l'a  pas  ac- 
compli dans  le  tems  qu'il  s'étoit  preferit,  ou  lorfque 
îa  condition  a  été  remplie ,  le  pouvant  faire  commet 
dément. 

On  a  ajouté  dans  ces  réfblutions  les  termes  de 
commodité  &  de  commodément ,  parce  qu'on  peut 
quelquefois  pour  de  bonnes  raifbns  ou  de  juftes 
caufes  ,  différer  l'exécution  de  fôn  vœu  à  un  tems 
plus  commode  &  plus  convenable.  Par  exemple ,  un 
jeune  homme  qui  a  fait  vœu  d'entrer  en  Religion  , 
})eut  remettre  fon  entrée  jufqu'à  un  âge  où  (a  fànté, 
fes  forces  ,  fbn  érudition  le  mettront  plus  en  état  de 
foutenir  les  fatigues  de  la  Règle ,  &  d'en  faire  les 
exercices  ;  mais  en  ces  oceafîons  on  doit  confulter 
iôv  Supérieur  Eccléliafîique,  pour  fe  conformer  à  fés 
avis. 

U  eu  fort  diîHçiJe  de  ^ét^rpuiiçr  ^uel  doit  ctie  k 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      301 

retardement  à  accomplir  un  vœu  ,  pour  que  le  pé- 
ché (bit  mortel.  Cela  dépend  beaucoup  de  la  matière 
du  voeu  &  des  circondances.  Les  Dodeurs  difènt  com- 
munément que  le  délai  devient  un  péché  mortel  y 
quand  en  différant  d'exécuter  un  vœu,  on  s'expo(e 
au  danger  de  le  violer,  ou  qu'on  Ce  met  hors  d'état  de 
pouvoir  l'accomplir ,  &  que  le  vœ-u  eft  d'une  choie  im- 
portante. 

On  peut  en  deux  manières  Ce  prefcrire  un  tems 
pour  un  vœu.  1°.  En  ayant  principalement  en  vue 
le  tems  qu'on  fè  prefcrit,  comme  fait  celui  qui  pro- 
met à  Dieu  de  jeûner  la  veille  de  la  fête  du  Saint 
dont  il  porte  le  nom.  z^.  En  regardant  ce  tems  com- 
me un  terme  au-delà  duquel  on  ne  veut  pas  différer 
l'exécution  de  (on  vœu ,  comme  fî  quelqu'un  failoit 
vœu  d'entrer  en  Religion  à  Pâques.  Dans  le  pre- 
mier cas  ,  /î  on  prévoit  ne  pouvoir  accomplir  (on 
vœu  dans  le  tems  qu'on  s'eft  prelcrit ,  on  n'eff  pas 
tenu  de  prévenir  ce  temps-là,  &  fi  on  n'a  pu  latis- 
faire  à  (on  vœu  dans  le  tems  pre(crit,  on  n'eft  pas 
tenu  de  l'accomplir  dans  un  autre  tems  :  de  mcme 
que  pour  (îitisfaire  au  précepte  d'entendre  la  Méfie 
le  jour  de  Dimanche,  on  n'eft  pas  tenu  de  l'entendre 
le  Samedi  ou  le  Lundi.  Dans  le  (econd  cas  ,  fi  on 
prévoit  ne  pouvoir  accomplir  (on  vœu  dans  le  terns 
qu'on  s'eft  prelcrit ,  on  doit  prévenir  ce  tems-là  Ci  on 
le  peut  ;  &  lorsqu'on  a  laiffé  palier  le  tems  prefcrit , 
on  ed  obligé  d'accomplir  (on  vœu  à  la  première  com- 
modité :  de  même  qu'un  homme  qui  a  manqué  de  faire 
ime  reilitution  dans  un  tems  marqué,  doit  la  faire  dans 
un  autre. 

Quoique  le  vœu  Cok  une  cho(è  très-agréable  à 
Dieu ,  &  que  l'on  ne  doive  jamais  Ce  repentir  d'a- 
voir fixé  (a  volonté  en  s'impo(ànt  par  un  vœu  la  né- 
cefllté  de  faire  le  pKis  grand  bien ,  comme  dit  S.  Au- 
gudin  dans  la  lettre  à  Armentnire  &  à  Pauline  '.  Néan- 
moins comme  il  y  a  une  étroite  obligation  d'ac- 
complir les  vœux ,  &  que  fouvent  la  foibleffe  de  l'a- 

i  Q'  ia  j.im   voviOi  ,  iam  te      vifiTc    pocnitcat  ,  immo  gaiidc 
obftrinx  (li  ,' .tliiH   ti'oi    ù.-re     ja:ii  tiyi  non  licçje* 
çoa  litet*  •  •  ncc  idco  te  vo-  ( 


5  02  Conférences  d'Angers  , 

ge  ,  ou  de  Telprit ,  ou  de  la  vertu ,  met  ceux  qui  les 
ont  fait,  par  légèreté  ,  dans  l'impuifTance  de  les  exé- 
cuter, ou  leur  faire  changer  de  volonté,  les  Con- 
feffeurs  ne  peuvent  ufer  de  trop  de  difcrétion,  ni 
apporter  trop  de  précautions  pour  permettre  aux  jeu- 
nes peribnnes  qu'ils  dirigent ,  de  faire  des  vœux , 
iur-tout  des  vœux  d'importance  &  difficiles  a  accom- 
plir, tels  que  font  le  vœu  /impie  de  chafîeté  perpé- 
tuelle ,  &  celui  d'entrer  en  Religion.  Ils  doivent 
éprouver  la  fermeté  de  leur  efprit  &  de  leur  vertu 
pendant  un  tems  confidérable  ,  leur  faire  faire  de  fé- 
rieufes  réflexions ,  fuv  l'obligation  qu'elles  contrade- 
ront ,  &  ne  leur  jamais  permettre  de  faire  des  vœux , 
qu'ils  n'ayent  une  certitude  morale  qu'elles  les  ac- 
compliront. Il  efl  même  de  la  prudence  des  Con- 
feiïeurs  de  ne  leur  permettre  de  faire  des  vœux  que 
pour  un  tems  &  très-rarement  pour  toujours.  Il  faut 
qu'ils  fbient  encore  plus  rélèrvés  &  plus  circonfpeds 
à  confeiller  à  leurs  pénitens  de  faire  aucuns  vœux  ; 
parce  que  les  vœux  ne  peuvent  être  faits  avec  trop 
de  liberté  ,  &  que  ceux  qui  font  faits  à  l'infiigaticn 
d'autrui ,  ne  font  pas  faits  fi  librement  que  ceux 
qu'on  fait  de  fbn  propre  mouvement ,  &  il  vaut  beau- 
coup mieux  ne  pas  faire  des  vœux ,  que  de  ne  les 
pas  tenir  quand  on  les  a  faits  :  comme  dit  l'Ecclciiafle 
chap.  5,  ^.  Les  ConfelTeurs  doivent  bien  aufC  fe  don- 
ner de  garde  de  faire  faire  à  leurs  pénitentes ,  ou 
de  leur  permettre  de  faire  vœu  qu'elles  leur  obéi- 
ront en  tout  ,  ou  qu'elles  ne  les  quitteront  jamais 
pour  aller  à  d'autres  ConfelTeurs  ;  outre  que  ces 
vœux  ne  font  pas  despromelTes  de  faire  un  plus  grand 
bien,  c'efl  que  fbuvent  les  fuites  en  font  mauvai- 
fes. 

Quand  on  eft  en  doute  d'avoir  fait  un  vœu ,  il  7 
a  des  Dodeurs  qui  croyent  qu'on  n'eft  pas  obligé 
de  l'accomplir ,  &  qu'on  n'a  befbin  d'aucune  difpen- 
fc- ,  parce  que  fliivant  la  maxime  du  Droit  In  àubio 
melior  eft  conditio  j^QjJidemis ,  &  que  dans  un  vœu  dou- 


yere ,  g^uim  poft  votum.  pto- 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,     303^ 

teux,  la  pofTeiïion  eft  pour  la  liberté  qui  eft  natu- 
relle à  l'homme,  dont  il  ne  doit  pas  ctre  prive  dans 
le  doute.  Il  y  en  a  d'autres  qui  font  d'un  fentimenc 
contraire ,  ils  difent  que  melior  ejl  condtûo  ejus  qui 
vovit.  Diana  dans  la  (econde  partie  de  fès  Ré(blu- 
tions  morales  Traite  17.  Rcfolut.  4^.  rapporte  les  Au- 
teurs de  ces  deux  diftcrens  fentimens.  Il  faut  avoir  re- 
cours à  l'Evcque  en  ces  occafions ,  pour  être  éclairé 
fur  fon  doute  ou  difpenfc  du  vœu  ;  car  il  efl  certain 
que  quand  il  y  a  lieu  de  douter  Ci  un  vc&u  fait  en  ma- 
tière réfervée  eft  valide ,  (oit  que  ce  doute  foit  de  droit 
ou  de  fait,  l'Evcque  peut  en  difpenfer  &  le  com- 
muer. 

Lorfqu'ayant  fait  un  voeu,  on  doute  feulement, 
fi  on  a  eu  alTez  de  liberté  pour  le  faire  ,  on  con- 
vient qu'on  eft  oblige  d'accomplir  le  vœu  ;  cum 
pro  €0  Jîet  pojfejjïo  ,  pyo  quo  ejî  jiiris  ■prafumptio.  Et  il 
eft  à  prcfumer  que  celui  qui  a  fait  un  vœu ,  l'a  fait 
avec  liberté,  à  moins  qu'on  ne  loit  certain  du  con- 
traire. Ce  fentlment  eft  foutenu  par  iaint  Thomas  fur 
le  1  vre  4.  des  Sentences  diftind.  38.  q.  i.  art.  2, 
queftioncule  i.  dans  la  réponfe  à  la  fîxieme  objec- 
tion '. 

Celui  qui  doute  s'il  agit  contre  (on  vœu  en  fai- 
fânt  une  certaine  adion  ,  doit  s'abftenir  de  la  faire  ^ 
autrement  il  pèche  en  s'expo(ânt  (ciemment  &  vo- 
lontairement au  péril  de  commettre  un  péché  mor- 
tel. 

Quand  quelqu'un  a  fait  un  vœu  pour  un  autre  , 
fans  Tavoir  confLilté,  &  que  celui  pour  qui  le  vœu 
a  été  fait  ne  veut  pas  le  ratifier  lorfqu'il  en  a  con- 
noiiïance ,  celui-ci  n'eft  nullement  obligé  à  l'ac- 
complir ,  parce  que  le  vœu  doit  être  volontaire  ; 
Ôc  l'on  ne  peut  pas  dire  que  celui  dont  on  n'a  point 
eonflilté  la  volonté  ait  fait  une  promelTe  volontaire. 
Mais  fi  celui  pour  qui  un  autre  a  fait  vœu  ,  l'a  ap- 
prouvé depuis  &  l'a  ratifié,  il  eft  tenu  de  l'exécuter 
comme  s'il  l'avoit  fait  lui-mcme,  parce  qu'en  i'ac- 

/  Si   niitem  (liibitrt  qiio  mo-   I  (lebcr  tutiorem   viam  eligerCj 
âo  fc    ia  YOYcndo  iiabueiit ,  j  ce  fe  difcriioloi  coœumuu 


304  Conférences   d'Angers, 

ceptant  librement  &  avec  connoifTance  il  s*y  eu  obH^' 
gé.  La  dernière  partie  de  cette  rérblution  eft  du  Pa- 
pe Innocent  III.  qui  déclare  dans  le  chap.  Ucèt  de 
voto ,  que  le  Prince  d'Hongrie  étoit  obligé  d'accomplir 
le  vœu  que  le  Roi  Ton  Père  avoit  fait  d'aller  à  Je- 
rufàlem  ;  parce  que  n'ayant  pii  le  faire  ,  il  l'en  avoit 
chargé  avant  que  de  mourir,  ce  que  le  Prince  Ton 
fils  avoit  accepté  de  Ton  plein  gré ,  &  promis  d'exé- 
cuter. 

Mais, dit-on,  iln'étoîtpas  néceffaire autrefois  qu'un 
enfant  fit  lui-même  volontairement  profeffion  Re- 
îigieufe  ,  pour  être  engagé  dans  l'état  Religieux , 
mais  il  fuffifoit  que  Tes  parens  TeufTent  offert  à  un 
Monaftere ,  c'ell-à-dire ,  qu'ils  l'y  eulTent  voué  pour 
y^  être  Religieux  :  car  il  eft  dit  dans  pluiieurs  an- 
ciens Can.  que  c'ell  ou  la  dévotion  des  parens,  on 
la  propre  profeffion  qui  fait  les  Moines ,  &  que  l'en- 
gagement contradé  avec  un  Monaftere,  de  l'une 
ou  de  l'autre  de  ces  manières ,  empêche  qu'une  per- 
fbnne  ne  puifTe  retourner  dans  le  fîecle.  C'eft  ainfî 
que  parlent  les  Pères  du  quatrième  Concile  de  To- 
lède, de  l'an  633.  Can,  48.  Monachum  aut  paterna 
devotio  aut  propria  profejjio  facit,  Qttidquid  horum 
fuerit  obligatum ,  tenebh.  Froinde  his  ad  mundum  re- 
'vertendi  intercludimus  aditurn ,  ô"  omnes  ad  fceculum  in- 
terdicimus  regrejjus.  Ce  Canon  eft  rapporté  par  Gra- 
tien  c.  zo,  q,  i,  où  l'on  en  trouve  plufieurs  autres  con- 
formes. 

A  cela  on  répondroit  que  ces  Canons  doivent 
s'entendre  des  enfans  qui  ayant  été  offerts  dans  leur 
bas  âge  par  leurs  parens  à  des  Monafleres ,  avoient 
approuvé  depuis  qu'ils  avoient  atteint  l'âge  de  raifbn , 
l'offrande  que  leurs  parens  avoient  faite  à  Dieu  de 
leurs  perfbnnes.  Pour  preuve  que  ces  Canons  doi- 
vent s'entendre  favorablement  pour  les  enfans ,  & 
que  leur  consentement  étoit  fous-entendu ,  il  ne  faut 
que  ce  que  dit  fàint  Bafile  dans  la  lettre  à  Amphilo- 
chius  ch.  18,  où  il  nous  apprend  que  quand  les 
jeunes  filles  qui  avoient  été  mifes  dans  les  Monaf^ 
teres  par  leurs  parens  ,  avoient  atteint  un  certain 
âge,  oa  avoû  foin  de  ks  interroger,  û  elles  raùr; 


fur  Us  Commandernens  de  Dieu,     ^oy 

Hoîent  par  leur  confèntement ,  ce  que  leurs  parens 
avoient  fait;  ce  qui  doit  faire  comprendre  que  TE- 
glifê  n'approuvoit  point  les  profefTions  Religieufès  , 
auxquelles  les  enfans  n'avoient  pas  donne  leur  con- 
fèntement depuis  qu'ils  avoîent  été  en  état  de  le 
faire. 

Aufli  fàint  Léon  le  Grand,  dans  la  Lettre  pi.  à 
Ruftique  de  Narbonnc  ,  parlant  des  filles  qui  après 
avoir  pris  l'habit  virginal  le  marioient  ,  ne  con- 
damne de  prévarication  ,  que  celles  qui  n'avoienC 
pas  été  contraintes  par  leurs  parens  à  prendre  cet 
habit ,  mais  qui  l'avoient  pris  de  leur  propre  mou- 
vement. Vuellce  ■  qucc  n9n  coadae  parentum  imperio  , 
Jed  fpontaneo  judicio  propofitum  atque  Habitum  fufce^ 
ferunt^  ft  pojlea  nupiias  eligant ,  prcevaricantur.  Ces 
paroles  font  rapportées  par  Gratien  c.  lo.  q.  i.  Can. 

Nous  voyons  au  même  endroit  de  Gratien,  Can. 
Skuî  ^  qui  eft  tiré  d'un  Concile  tenu  (bus  Eugène  IL 
qui  fut  élu  Pape  en  82.4.  que  ceux  qui  avoient  été 
enfermés  malgré  eux  dans  les  Monaileres ,  n'étoient 
contraints  d'y  demeurer  qu'autant  qu'ils  le  vouloient, 
à  moins  qu'il  n'y  eût  eu  de  julles  caufes  pour  les  y  en- 
fermer "''. 

Il  avoit  déia  été  fait  un  Semblable  règlement  dans 
ie  Concile  de  Rome  fous  Léon  IV.  Can.  31.  Alexan- 
dre III.  &  Clément  III.  s'y  (ont  conformés  ch.  Si- 
gntficattim ,  &  ch.  Ciim  virum  ,  au  titre  de  Regularibus  , 
dans  les  Décrétales. 

La  rénovation  des  vœux  qu'une  perfonne  qui  au- 
roit  été  forcée,  feroit  librement,  fuppléeroit  au  dé- 
faut de  liberté  qui  s'ctoit  rencontré  dans  fa  Profe(^. 
iion. 


m  Siciitqui  Monafleria  ele- 
gerunt  ,  à  Monaftenis  cgicdi 
non  permittuntur ,  ita  hi  tjui 


Iriviti  fine  jufta  offerfionis  cau- 
fa  funi  inriomifTi  ,  ni  G  voleft-« 
tes  non  leneantur. 


!^o6  Conférences  d^ Angers^ 


IIL     QUESTION. 

Quelles  caufes  peui^ent  faire  cejjer  V obligation 
d'' accomplir  les  Vœux  ? 

L'OEtiGATiON  des  vœux  cefle  par  le  chan- 
gement de  la  matière ,  par  Tirritation  ou  caf- 
lâtion  du  vœu ,  par  la  di(penfe ,  ou  par  la  commu- 
tation. 

Le  changement  qui  arrive  à  la  matière  du  vœu , 
fait  ceffer  l'obligation  de  l'accomplir  ,  quand  il  eft 
fî  considérable  que  la  matière  du  vœu  n'eft  plus  la 
même  que  celle  qu'on  a  vouée. 

Pour  éclaircir  cette  propo/îtion ,  on  peut  dirtin- 
guer  trois  efpeces  de  changemens.  La  première  eft, 
lorlqu'après  le  vœu  fait,  la  chofe  promife  à  Dieu  efl 
rédaite  à  un  état  oii  elle  n'auroit  pu  être  la  matière 
d'un  vœu  :  comme  il  arrive  quand  la  chofe  promife 
ell  devenue  impodible  ,  niauvaife,  ou  moins  bonne 
que  celle  qui  lui  eft  oppofée. 

Si  l'empêchement  qui  rend  la  chofe  impofîlble  doit 
durer  toujours ,  &ne  peut  aucunement  être  levé  ,  l'o- 
bligation du  vœu  eft  entièrement  éteinte  ;  mais'  fî 
cet  empêchement  ne  doit  durer  que  pendant  un  tems , 
&  peut  être  levé  ,  l'obligation  du  vœu  efl  feulement 
fufpendue ,  tandis  que  l'empêchement  fùbfîfle. 

Quand  la  chofe  vouée  n'efl  pas  devenue  entière- 
ment impoifible ,  de  forte  qu'encore  qu'on  ne  puifîe 
l'accomplir  en  entier  ,  on  peut  néanmoins  l'exécuter 
en  partie ,  on  efl  obligé  de  faire  tout  ce  qui  efl  en 
Ion  pouvoir. 

Si  ce  qui  fait  la  matière  du  vœu  n'a  pas  été  pro- 
mis ,  comme  compofànt  un  fêul  tout  ;  par  exem- 
ple ,  fî  un  homme  étant  en  bonne  fànté ,  a  fait  vœu 
de  veiller  &  de  jeûner  plufîeurs  jours  par  chaque  (e- 
maine,  &  qu'étant  devenu  infirme  ,  il  ne  puiffe  plus 
pi  jeûner  ^  ni  veiller  fi  fréquemment ,  il  n'efl  pas  abr 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     307 

{olument  exempt  de  jeûner  &  de  veiller  pendant 
quelques  jours  de  la  femaine  ;  mais  il  doit  le  faire 
autant  de  jours  qu'il  le  peut.  C'efl  le  lènciment  de 
S.  Thomas  dans  la  z.  z.  q.  88.  art.  3. 

Ce  Dodeur  à  l'art,  précédent  dans  la  réponfè  a 
la  troifieme  objedion  ,  nous  avertit  qu'en  ces  ren- 
contres on  ne  doit  pas  s'arrêter  à  (on  propre  juge- 
ment ,  parce  qu'on  ne  juge  pas  toujours  (àinement 
die  ce  qui  nous  touche  ,  mais  qu'avant  que  de  rien 
relâcher  de  Ton  vœu ,  on  doit  expofer  au  Supérieur 
Eccléfiaftique  l'état  où  l'on  fè  trouve  ,  afin  qu'il  ju- 
ge s'il  y  a  obligation  d'exécuter  le  vœu  en  entier  , 
ou  en  partie ,  ou  s'il  eil  expédient  de  le  changer  y 
ou  d'en  d.fpenfer;  comme  nous  voyons  par  le  ch. 
Quod  fupey  his ,  da  Voto  ,  qu'on  avoit  confulté  Inno- 
cent iii. 

Si  on  fait  des  vœux  en  différens  tems ,  dont  l'un 
fbit  incompatible  avec  l'autre  ,  il  faut  accomplir  le 
dernier  ,  s'il  eft  d'une  cho(e  qui  fbit  plus  parfaite  & 
plus  agréable  à  Dieu  ,  que  celle  qu'on  a  promife 
par  le  premier.  Le  vœu  étant  une  loi  qu'on  s'efl 
impofée  volontairement ,  le  moins  digne  doit  céder 
au  plus  digne  ;  que  C\  l'un  &  l'autre  vœu  eft  égale- 
ment agréable  à  Dieu  ,  il  faut  accomplir  le  pre- 
mier ,  parce  que  le  dernier  étoit  nul  à  caufe  de 
l'obligation  contractée  par  le  premier  ;  fi  on  eft  en 
doute  ,  lequel  des  deux  vœux  e(l  le  plus  parfait  &  le 
plus  agréable  à  Dieu  ,  il  faut  acccomplir  le  premier, 
car  il  n'a  pas  été  rendu  inutile  &  (ans  effet  par  le 
dernier. 

Nous  avons  déjà  dit  que  fi  une  cholê  qui  étoît 
bonne  quand  on  l'a  vouée ,  efl  devenue  mauvaise 
dans  la  fiiite  ,  bien  loin  qu'on  {bit  obligé  d'exécu- 
ter le  vœu  ,  on  pèche  en  l'accompliflant.  C'efl  pour 
cette  raifôn  que  S.  Thomas  2.  2.  q.  88.  art.  2.  après 
S.  Jérôme  ,  blâme  Jephté  d'avoir  tué  (à  fille  pour 
ITitisfiiire  au  vœu  qu'il  avoit  fait,  avant  que  decom-i 
battre  les  Ammonites. 

Lorfque  la  chofe  qu'on  a  vouée  eft  devenue  moin» 
bonne  que  celle  qui  lui  efl  oppofée  ;  le  vœu  n'obhge 
pas  à  la  pratiquer  ,  puifque  le  vœu  doit  ctre  de  fairq 


50 8  Conférences   d'Angers  y 

le  plus  grand  bien.  Saint  Auguflin  dans  la  lettre  7^; 
au  Comte  Boniface  ,  nous  apprend  que  ce  fut  fur 
ce  principe  qu'il  s'appuya  pour  l'empêcher  d'exécu- 
ter le  vœu  qu'il  avoit  fait  d'embrafîer  l'état  Monafti- 
que  ;  ce  Père  jugeant  que  Boniface  feroit  plus  de 
bien  à  l'Eglife  ,  en  continuant  d'exercer  û  charge 
dans  le  iiéele ,  qu'en  Ce  renfermant  dans  un  MonaP-. 
tere  ^, 

La  féconde  efpece  de  changement  eu  quand  la 
fin  prochaine  &  principale  qui  a  porté  une  perfonne 
à  faire  un  vœu  ,  a  cefTé  d'être  ;  par  exemple  ,  fî  on 
avoit  fait  vœu  de  donner  une  aumône  à  un  tel  pau- 
vre pour  le  tirer  de  la  milere ,  &  qu'il  fût  devenu 
riche,  il  n'y  a  plus  d'obligation  de  lui  faire  cette 
aumône  ;  ou  fî  on  avoit  voué  d'aller  vifiter  une 
Eglife  pour  obtenir  la  guérifbn  d'un  père  ,  &  qu'in- 
continent après  le  vœu  fait ,  ce  père  fut  mort ,  l'o- 
bligation du  vœu  ne  lubfîfleroit  plus.  S'il  n'y  a  qrre 
la  fin  moins  principale  qui  ait  ceffé  ,  l'obligation  du 
vœu  n'eit  pas  entièrement  éteinte  ;  par  exemple  ,  fî 
une  perfonne  avoit  fait  vœu  d'aller  en  pèlerinage 
à  Rome ,  &  avoit  été  portée  à  faire  ce  vœu  par  le 
défir  d'y  voir  un  de  fes  amis  ,  dont  elle  auroit  de- 
puis appris  la  mort ,  elle  feroit  néanmoins  obligée 
d'exécuter  fbn  vœu ,  fliivant  la  décifion  d'Innocent 
III,  dans  le  ch.  Magna  ,  de  Voto, 

La  troifîeme  efpece  de  ce  changement  efl ,  lorf^ 
que  les  circonflances  qui  accompagnoient  le  vœu 
iont  tellement  changées ,  &  qu'il  efl  furvenu  des 
difficultés  fî  grandes ,  que  la  matière  du  vœu  n'efî: 
plus  la  même  au  jugement  des  gens  fàges ,  de  forte 
qu'il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  fî  un  homme  avoit 
prévu  que  les  choies  fufTent  venues  en  cet  état ,  il 
n'auroit  jamais  fait  le  vœu  qu'il  a  fait  ;  par  exem- 
ple ,  fî  un  homme  riche  après  avoir  voué  de  faire 
une   fondation   au   profit  d'une  Eglife  ,  avoit  fouf- 

a    Ut  autem  non  faceres  ,  1  folâ  intentionc  ageres  ,  ut  dc- 
quid    te    revocavit ,  ntfi  quia      fenfg  ab  infcflationibus  Bar- 
conlîderafti  rflendcntibu'  no-     barorum   quietam  A  trant^uiip 
bis,  quantum  prodeffetChrifd     lam  vitam  agercnt, 
£ccleiiis  ^uod  agetjas  ^  fi  eâ  1 


fur  Us  Commàîî démens  de  Dieu,     ^Op 

fert  une  Ci  grande  diminution  de  fortune ,  qu'il  ne 
pût  exécuter  Ion  vœu  (îms  Ce  réduire  à  une  extrê- 
me pauvreté  ,  en  ce  cas  l'obligation  du  vœu  auroit 
cefle. 

En  toutes  ces  occasions  il  ne  faut  pas  manquer  de 
confulter  le  Supérieur  Ecclé/iaftique  fur  ce  que  l'on 
doit  faire  ,  de  crainte  de  s'abufer. 

Le  manquement  de  la  condition  appofée  au  vœu  >' 
efl  une  efoece  de  changement  dans  la  matière  du 
M-œu.  Nous  avons  dit  que  le  vœu  conditionnel  n'o- 
blige qu'après  que  la  condition  eil  accomplie  ;  ainfî 
quand  on  a  fait  vœu  Cous  une  condition,  Ci  elle  ne  s'ac- 
complit pas  ,  on  n'efl  point  tenu  d'exécuter  le  vœu  > 
car  le  vœu  n'oblige  que  fuivant  l'intention  de  celui 
qui  l'a  fait. 

Il  réfulte  de-là ,  qu'un  jeune  homme  qui  a  voué 
de  Ce  faire  Religieux  dans  u-n  tel  Monaftere  ,  eft 
déchargé  de  fon  vœu  ,  fî  on  refuie  de  l'y  recevoir, 
ou  fi  après  y  avoir  été  reçu  on  le  renvoyé  ,  parce 
que  (on  vœu  renfermoit  cette  condition,  fi  on  veut 
iTi'admettre  dans  ce  Monaftere.  Mais  il  faut  remar- 
quer que ,  (i  un  jeune  homme  en  vouant  de  le  faire 
Religieux  dans  un  tel  Monaftere  ou  en  un  tel  Or- 
d-re  ,  a  eu  premièrement  &  principalement  intention 
de  Ce  faire  Religieux  ,  &  qu'enluite  il  ait  choifi  un 
leJ  Ordre  ou  un  tel  Mona'lere  ,  il  n'eft  pas  dé- 
chargé de  l'obligation  de  Cow  vœu  ,  pour  s'être  pré- 
fente de  bonne  foi  aux  Supérieurs  de  cet  Ordre  ou 
de  ce  Monafiere  ,  &  en  avoir  été  refuse  ou  ren- 
voyé après  y  avoir  été  reçu.  Il  doit  Ce  présenter  à 
un  autre  Monaftere  ou  à  un  autre  Ordre  afin  d'y 
eue  admis  ,  puifque  là  principale  intention  a  été 
de  le  conlacrer  à  Dieu  ;  mais  quand  un  jeune  hom- 
me ,  par  une  raifôn  particulière  ,  a  fait  vœu  détermi- 
nèrent d'entrer  dans  un  tel  Ordre  ou  dans  un  tel 
Monaflere  ,  qu'on  refuie  de  l'y  recevoir  ,  &  qu'il  ait 
fait  ce  qu'il  a  du  pour  s'en  rendre  digne  ,  il  n'eft 
point  obligé  de  Ce  prélenter  à  un  autre  ,  &  il  e(ï  dé- 
cliargé  de  l'obligation  de  fon  vœu  ;  mais  il  ne  le 
feroit  pas  entièrement ,  Ci  par  fii  faute  il  n'avoit  pas 
été  admis  ou  à  prendre  l'habit  >  ou  à  faire  profeflion 


5 10  Conférences  d'Angers  î 

dans  ce  Monaflere  ou  dans  cet  Ordre  ,  parce  qu*a-à 
lors  ce  feroit  lui  qui  auroit  empêché  que  la  condi- 
tion renfermée  dans  (on  vœu  ne  s'accomplît  ,  &  il 
fèroit  obligé  de  faire  pénitence  du  péché  qu'il  au- 
roit commis  en  Ce  rendant  volontairement  incapa- 
ble de  (àtisfaire  à  fon  vœu.  S.  Thomas  Tenfèigne 
ain/î  1.  2.  q.  88.  art.  3.  dans  la  réponfe  à  la  féconde 
Objedion.  Ille  qui  vovit  Monajïerium  aliqucd  intra^ 
re  ,  débet  dare  operam  quantum  fotejî  ut  ibi  recipiatur, 
Etji  quidem  intentio  ejus  fuit  fe  ohligare  ad  Retigionis 
ingrejfum  -principaliter  j  Ù"  ex  confequenti  elegit  hanc 
Religionem  ,  vel  hune  Lùcufn  quaji  Jïbi  magis  con- 
gruentem  ,  tenetur  ,  Jî  non  -potejl  ibi  recipi ,  aliam  Re~ 
ligionem  intrare  :  Si  autem  principaliter  intendit  fe  obli^ 
gare  ad  hanc  Religionem  y  vel  ad  hune  Locum  ,  pr op- 
ter fpecialem  complacentiam  hujus  Religionis  vel  Loci  , 
non  tenetur  alibi  intrare  fi  eum  illi  recipere  nolunt.  Si 
vero  incidit  in  impofjîbilitatem  implendi  Votum  ex  pro- 
pria culpa  ,  tenetur  infuper  de  propria  culpa  praterita 
fœnitentiam  agere.  Sicut  Mulier  qux  vovit  virginita- 
tem  j  fi  pcjîeà  corrumpatur  ,  non  folnm  débet  fervare 
quod  potejî ,  fcilicet  perpetuam  continentiam  ,fed  etiam 
de  eo  quod  admifit  peccando  pœnitere. 

L'irritation  ou  calTation  des  vœux  eft  aufTi  une  des 
caufès  qui  fait  celTer  l'obligation  de  les  accomplir  ; 
car  irriter  un  vœu ,  c'eft  proprement  le  rendre  nul. 

Le  droit  d'irriter  ou  d'annuller  les  vœux  appar- 
tient aux  Supérieurs  ,  à  l'égard  des  inférieurs  qui 
font  Ibus  leur  puiflance  ,  quant  à  leur  perfbnne  ,  ou 
quant  à  leur  volonté  ,  ou  quant  à  la  matière  du 
vœu  ;  car  celui  qui  eft  fous  la  puiiïànce  d'autrui , 
n'étant  pas  maître  des  chofes  pour  raifon  defquelles 
il  eft  fournis  ,  ne  peut  dependemment  de  fon  Supé- 
rieur en  difpofer ,  autrement  il  feroit  tort  aux  droits 
de  fon  Supérieur.  Il  ne  peut  donc  faire  vœu  de  ces 
choies  que  fous  fon  bon  plaifir  ,  comme  l'enlèigne 
Saint  Thomas  1.2.  q.  88.  art.  8.  Votum  efî  promif- 
fio  quadam  Deo  faCla  :  nullus  autcm  potejl  fi  frmiier 
obligare  ad  id  quod  (Jl  in  poteflate  alterius  ,  fed  folv.m 
ad  id  quod  efl  omnino  in  fiia  poteflate.  Quicumque 
amem  efî  fubjeClus  alicui  quanmm  ad  id  in  qno  efi 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     3 1 1' 

fuhjecîtts  y  non  efl  fu£  poteJJatis  facere  qiiod  viilt ,  fed 
de  pende  t  ex  voluntate  alierius,  &  ideo  non  potejl  fe  per 
Votum  firmhcr  obligare  in  his  in  quibus  alteri  fubji- 
citiir  Jine  confenfu  fui  Sufierions.  C'eil  pourquoi  ,  R 
le  Supérieur  refufe  de  donner  (on  consentement  au 
voeu  qu'a  fait  celui  qui  lui  eil  (oumis  ,  le  vœu  ell 
annuUc,  irritiim  faCium  ej}  ^  comme  parlent  les  Théo- 
logiens ;  &  étant  ainfi  annullc  ,  l'obligation  de  l'ac-- 
complir  ceiTe  entièrement  ;  fi  au  contraire  le  Supé- 
rieur y  donne  Ton  consentement ,  le  voeu  flib/irte. 

Inférez,  de-là  que  tous  les  vœux  que  font  ceux  qui 
font  fous  la  puiiTance  d'autrui ,  renferment  effentiel- 
lement  cette  condition  ,  fi  le  Supérieur  y  content  , 
ou  Cl  le  Supérieur  ne  s'y  oppole  point  ;  c'eil  pour- 
quoi ils  ne  pèchent  pas  en  faifànt  des  vœux  ,  &  ils 
iont  obligés  à  les  accomplir  ,  quand  ceux  dont  ils 
dépendent  y  donnent  leur  coRfentement  exprès  ou 
tacite  ,  comme  il  eft  marqué  dans  le  chap.  30.  du 
livre  des  Nombres  depuis  le  verfet  4.  jufqu'à  la  fin. 
Voici  comme  S.  Thomas  s'explique  flir  cette  ma- 
tière à  Tendroit  qu'on  vient  de  citer  dans  la  répon(ê 
à  la  quatrième  Obiedion.  Licct  Vomm  eorum  qui  funt 
alttrius  poiejlan  Cuhaiii  ,  non  fit  jirmiim  fine  confenfu 
ecrum  qiiihus  fabjiciunmr  ,  non  lamen  peccant  vovendoy 
quia  in  eorum  Voto  inteUigitur  débita  condiiio  ,  fcili-- 
cetyji  fuis  Superioribus  placuerit  ,vel  Ji  non  renitantur  ; 
&  à  l'art.  9,  dans  la  rcponfi,^  à  la  féconde  Obiedion  : 
Vota  eorum  qui  funt  in  poieflaie  aliorum  ,  habcnt  coK" 
ditïonem  implicitam ,  fcilicet  Jï  non  revocentur  à  Sti" 
periore  ex  qua  Ucita  &  valida  redduntur  ,  fi  conditio 
^xiflat. 

Avant  que  d'expliquer  quels  font' les  Supérieurs 
qui  peuvent  irriter  les  vœux  de  leurs  inférieurs ,  il 
faut  riippofi3r  qu'on  peut  irriter  les  vœux  en  deux 
manières  ;  fi^avoir  ,  direftement ,  ou  indi'-edement. 
L'irritation  direde  qu'on  nomme  ainfi  ,  parce  qu'elle 
tombe  diredement  fur  le  vœu  ,  le  rend  abfolumenc 
nul ,  &  cicint  entièrement  l'obligation  de  l'accom- 
plir. C'eft  le  Supérieur  à  qui  la  personne  ,  ou  la 
volonté  de  celui  qui  voue ,  eft  ioumiSe  ,  qui  peut 
annuller  de  cette  manière  les  vœux.  L'irritation  ii> 


5  î  2  Conférences   d'Jngers  ; 

direde  eft  plutôt  une  fufpenfion  de  rexécutîofl  y 
qu'une  extinftion  du  vœu  ;  elle  tombe  feulement 
ûiT  la  matière  du  vœu.  Celui  de  qui  dépend  cette 
matière  ,  encore  que  la  volonté  de  celui  qui  fait  le 
\œu  ne  lui  Toit  pas  ablblument  {bumife ,  peut  en  fuP 
pendre  l'exécution  ;  lorfqu'en  l'exécutant ,  on  feroiti 
tort  aux  droits  qu'il  a  llir  la  matière  de  ce  vœu  ; 
c'eft  pourquoi  fi  l'exécution  du  vœu  cefTe  de  lui  être 
préjudiciable ,  l'obligation  du  vœu  recommence.  On 
peut  tenir  fur  cela  pour  maxime  certaine  ,  que  ce- 
lui qui  a  des  droits  fur  la  matière  du  vœu  ,  confèr- 
ve  fiir  cette  matière  après  le  vœu  qu'un  autre  en  a 
fait  ,  les  mêmes  droits  qu'il  y  avoit  auparavant.  Par 
conféquent  fi  avant  le  vœu  il  avoit  droit  d'interdire 
Tufage  de  cette  matière  ,  il  le  peut  faire  pareille- 
ment après  ,  &  ainii  annuller  indiredement  fbn 
vœu. 

Les  Supérieurs  réguliers  peuvent  irriter  direde- 
jnent ,  c'ell-à-dire  ,  annuller  entièrement  tous  les 
vœux  des  Religieux  Profès  qui  leur  font  fbumîs ,  ex- 
cepté le  vœu  de  pafTer  dans  un  Ordre  plus  réformé, 
La  raifbn  qu'on  en  peut  rendre  avec  S.  Bafile  au  ch. 
28.  de  Tes  Conftitutions  monafliques  ,  c'efl  que  les 
Religieux  par  leur  vœu  de  pauvreté  &  d'obéilTance , 
ont  renoncé  au  droit  de  difpofer  de  leur  perfonne  & 
d'aucune  autre  chofe ,  &  en  ont  fait  un  tranfport  à 
leurs  Supérieurs ,  comme  il  efl  dit  Can.  Non  dicatis  , 
ch.  iz.  q.  I.  &  ch.  Sz  Reiigiofus,dc  Elecïione  in  Sexto  ; 
ceCc  pourquoi  tous  les  vœux  qui  fè  font ,  renferment 
cette  condition,  fi  le  Supérieur  y  confent ,  ou  fi  le  Su- 
périeur ne  s'y  oppofe  point  ;  &  le  vœu  étant  une  ac- 
tion de  vertu  qui  contribue  à  la  perfection  qu'un  Reli- 
gieux a  vouée  ,  il  peut  en  faire  fous  cette  condition  , 
pourvu  que  l'objet  de  fbn  vœu  ne  foit  pas  capable  de 
troubler  l'ordre  de  Ton  Monaflere ,  &  ne  préjudicie 
en  rien  aux  droits  de  fbn  Supérieur, 

On  ne  peut  conclure  le  contraire  du  Canon  Mo- 
tiacho  <,  c.  zo,  q.  4.  car  ces  paroles,  Monacho  non  licet 
vovere  jlne  confenfu  Abbans  ;  fi  aiuem  voverit ,  fran- 
gendum  erh-y  fîgnifent  feulement  que  les  Religieux 
ne  doivent  pas  faire  des  vœux  témérairement  &  par 

légèreté  > 


fur  les'Commandetmns  de  Dieu,     31^ 

icgcretc,  (ans  confulter  leurs  Supérieurs,  parce  qu* 
Tj'ils  s'oppofent  à  leurs  vœux  ils  font  nuls.  Au  refte  U 
paroît  par  ce  terme  frangoidurn  eric ,  qu'un  Religieux: 
elî  véritablement  Jié  par  le  vœu  qu'il  a  fait,  quand 
ion  Supérieur  ne  s'y  oppolc  p<3int  ;  car  on  ne  rompt 
point  un  lien  qui  n'eft  pas  :  il  efl  donc  obligé  de  gar- 
der fon  vœu,  julqu'à  ce  quelbn  Supérieur  s'y  oppore  » 
&  après  que  fon  Supérieur  y  a  confenti. 

Nous  avons  excepté  le  vœu  d'entrer  dans  un  Of" 
dre  plus  réformé ,  parce  que  (uivant  la  décifion  d'In^ 
nocent  III.  dans  le  ch.  Licèt,  de  Regidaribiis 3  un 
Religieux  prafès  peut  pafTer  dans  un  Ordre  d'une 
plus  étroite  Obfervance ,  après  en  avoir  demandé  la 
ptrmiflîon  à  fon  Supérieur ,  mais  il  n'eft  pas  beloin 
qu'il  l'obtienne.  S'il  y  avoit  pourtant  lieu  de  croire 
qu'un  Religieux  n'eût  formé  ce  deflein  que  par  légè- 
reté d'efprit ,  le  Supérieur  doit  e.xaminef  Tes  motifs  & 
en  juger  comme  il  cil  dit  dans  ce  mcme  chap.  SiipC' 
rîoris  efl  jttdîcium  requirenditm. 

Le  Supérieurrégulier  nepeutannuUer  levœu  qu'urt 
Novice  auroit  fait,  parce  que  le  Novice- eil  encore 
maître  de  lui  ;  néanmoins  le  Supérieur  peut  en  C\xÇ- 
pendre  l'exécution,  quand  mcme  le  vœu  fèroit  per- 
sonnel; mais  le  Novice,  s';lnc  fait  pas  profefîijn,  de- 
meure dans  l'obligation  de  gr.rder  (on  vœu. 

Le  Pape  étant  le  Supérieur  (buverain  de  tous  les 
Réguliers  qui  lui  promettent  tous  obéifïance,  peut  an- 
uuller  les  vœux  qu'ils  font. 

Le  père,  ou  celui  qui  fient  lieu  de  père,  peut 
irriter  diredement  tous  les  vœux,  tant  réels  que  per-^ 
l7)nnels ,  que  font  les  enfans  encore  impubères.  Cela 
cil  décidé  par  le  Droit  Canonique,  Can.  Puella  ^  c, 
îo.  q.  1.  Vticlla  fi  atne  ditodecim  annos  cetatis  fponte 
fuà  facrum  velamen  ajfumpfirit ,  pojjunt  Jïatim  pur  enta 
ejiis  vel  tutoyés  id  fatlum  irritum  facere  y  fi  volue^-int^ 
Il  dépend  donc  de  la  volonté  du  père  d'annuller  our 
de  rendre  valide  le  vœu  qu'a  fait  (on  enfant  impu-j 
berc. 

Cette  décifîon  eft  fondée  (ur  le  droit  naturel  , 
qui  oblige  les  pères  à  prendre  tout  le  (bin  de  leurs 
enfans ,  tandis  qu'Us  (uni  d^ns  un  âge  où  il«  n'ont 


314  Conférences  d^ Angers , 

pas  afiez  de  raifbn  ni  de  jugement  pour  Ce  conduire 
&  régler  leurs  adions.  Elle  eft  encore  fondée  fur  le 
droit  divin  poiicif ,  qui  eil  énoncé  au  chap.  30.  du  li- 
vre des  Nombres  verfet  6.  où  il  ell  dit ,  que  fi  le 
père  s'eil  oppofé  au  vœu  de  la  fille  qui  ell  jeune  & 
dans  la  mailon ,  aulTi-tot  qu'il  lui  a  été  connu .,  le  vœu 
ôc  le  ferment  de  cette  fille  feront  nuls ,  &c  elle  ne  fera 
point  obligée  à  ce  qu'elle  aura  promis ,  parce  que  fbn 
père  s'y  eil  oppofé  ^. 

Nous  difbns  donc  que  le  fils  de  famille  avant  Fi- 
ge de  quatorze  ans ,  &  la  fille  avant  l'âge  de  dou- 
ze ,  ne  pouvant  diipofer  de  leurs  perfonnes  ni  de 
leurs  volontés  indépendamment  de  leur  père  ,  fous  la 
puifTance  duquel  ils  font  tellement ,  qu'ils  font  répu- 
tes faire  une  même  perfbnne  avec  lui,  ne  peuvent 
s'engager  irrévocablement  par  des  vœux  contre  fà 
volonté,  quand  même  ils  auroient  en  cet  âge  alfez 
de  connoilTance  pour  délibérer  fur  ce  qu'ils  doivent 
faire.  Le  père  peut  donc  les  annuUer  en  s'y  oppclant , 
ou  les  ratifier  en  y  donnant  Ion  confentement.  Quand 
le  père  vient  à  perdre  la  vie  ou  l'efprit ,  ce  pouvoir 
appartient  à  la  mère ,  fi  elle  n'a  point  perdu  la  tu- 
telle de  les  enfans ,  &  au  défaut  de  père  &  de  mère ,  au 
tuteur. 

Quant  aux  enfans  qui  ont  atteint  l'ufîige  de  pu- 
berté ,  qui  ne  font  pas  émancipés  &  vivent  fous  la 
puifian ce  paternelle,  ils  peuvent  faire ,  indépendam- 
ment de  leurs  pères ,  des  vœux  fimples  ,  perfonnels , 
flir  le  choix  d'un  état ,  comme  de  chafretc  &  d'en- 
trée en  Religion,  Se  encore  d'autres  vœux  perfon- 
nels ,  comme  de  s'abftenir  de  manger  de  la  viande 
toute  leur  vie ,  d^a'ler  chaque  année  en  pèlerinage 
à  une  telle  Eglife,  de  faire  un  long  voyage  par  dé- 
votion ,  parce  qu'en  cet  âge  ils  ont  l'ufage  de  la 
raifbn ,  &  par  conféquent  de  leur  liberté  naturelle  , 
qui  confiiie  à  être  les  maîtres  de  leurs  adicns,  Ainii 
leurs  pères  ne  peuvent  pas  irriter  diredemeat  ces 
fortes  de  vœux,  quand  les  enfans  les  font  fans  leur 


h  Sin  autem  ftatim  ut  aiidie- 
rit ,  contradixcrlt  pater  ,  &  vo- 
ta  &  juramcnca  ejuj  (  lilix  ) 


irrita  eriint ,  nec  ohnoxia  ïe- 
nebinir  fponlîoni  co  (^uod  con« 


fur  les  Commande rrnns  de  Dieu*     3  ry 

conlentement,  mais  ils  peuvent  les  irriter  indirecfte- 
mcnt ,  c'eiWi-dire  ,  en  fufpendre  l'exécution  lorf- 
qu'il  y  a  raifon  de  le  faire  :  comme  quand  Tauto- 
litc  paternelle  ou  la  famille  qu'il  appartient  au  père 
de  rc^^ler ,  &  dans  laquelle  il  peut  contenir  Ion  en- 
fant ,  en  fouffre  quelque  préjudice.  Par  exemple  ,  un 
pcre  peut  empêcher  ion  enfant  de  faire  des  voyages 
de  dévotion  ,  tandis  qu'il  eft  en  la  puifîance  Ôc  qu'il 
demeure  en  la  maifon. 

Si  pourtant  l'autorité  paternelle  n'étoit  point  bleffée  > 
ni  l'ordre  de  la  famille  troublé  par  un  vœu  perfônnel 
qu'un  enfant  auroit  fait  après  Tâge  de  puberté ,  com- 
me feroit  le  vœu  de  faire  quelques  courtes  prières  ,  de 
remplir  certains  devoirs  de  Religion  ,  par  exemple  , 
d'aller  à  ccnfelTc  une  fois  le  mois ,  un  père  ne  pour* 
toit  en  fufpendre  l'exécution. 

Pour  les  vœux  réels  qui  regardent  les  chofès  (ur 
lefquelles  les  pères  ont  autorité  ,  comme  Supérieurs 
domeftiques  ,  quand  les  enfalis  qui  vivent  fous  la 
puifTance  paternelle  ,  en  font  après  avoir  atteint  l'â- 
ge de  puberté ,  les  pères  les  peuvent  irriter  direde- 
ment ,  fur-tout  s'ils  font  préjudiciables  à  leurs  droits  , 
ou  nuifibles  à  la  tranquillité  domeftique;  parce  qu'un 
enfant  qui  n'eii  pas  émancipé  n'a  point  de  biens  qui 
lui  fjient  propres ,  ou  s'il  en  a ,  il  nen.  a  pas  l'ad- 
minitlration  ,  à  moins  que  ce  ne  foit  de  ces  biens 
qu'on  nomme  Cajlrenfui  ou  qnaji  caftrevjia.  Un 
père  peut  donc  annuUer  le  vœu  que  fan  enfant  au- 
roit fait  de  donner  des  aumônes ,  de  fe  vêtir  de  telle 
manière. 

Mais  pour  qu^un  père  puifTe  annuUer  les  vœux  fait» 
par  (on  enfant ,  il  faut ,  félon  les  Canonilles  ,  qu'il  s'y 
oppofe  dans  l'an  &  jour  qu'il  en  a  connoifTance  ;  cac 
s'il  laiffe  paifer  plus  d'un  an  fans  s'oppofer  au  vœu  de 
Ion  enfant ,  dont  il  a  connoifîîmce,  il  elî  cenfé  l'avoic 
ratifié.  Les  Canonises  appuyent  leur  avis  fur  le  Ca- 
non Puella^  c.  lo.  q.  i. 

Cependant  fî  le  père  avoir  donné  fon  confente-' 
ment  au  vœu  réel  que  (on  enfant  avoit  fait,  &  que 
dans  la  fuiie  il  trouvât  que  ce  vœu  fut  trop  nuifi- 

oij      - 


5 1 5  Conférences  d'Angers , 

bie  à  Ces  droits  ou  à  fa  famille ,  il  peut  révoquer  le 
confèntement  qu'il  avoit  donné  à  ce  vœu  ;  car  ce  n'é- 
toit  qu'une  fimple  perniifFion  de  difpofer  d'une  chofè 
fur  laquelle  le  père  adroit;  permiflion  révocable  à  fa 
volonté. 

Les  maîtres  peuvent  aufli  annuller  les  vœux  de 
leurs  ferviteurs ,  lorfqu'ils  font  incompatibles  avec  le 
fervice  que  les  ferviteurs  leur  doivent  ,  ou  qu'ils 
font  en  quelqu'autre  manière  préjudiciables  à  leurs 
droits,  fans  cela  les  maîtres  ne  les  peuvent  annul- 
ler. Ainfi  un  ferviteur  peut  faire  un  vœu  qui  ne  faffe 
aucun  tort  à  Ton  maître,  &  en  ce  cas  il  eft  obligé  de 
le  garder. 

Le  Mari  peut  annuller  &  fîifpendre  les  vœux  que 
fait  fa  femme,  &  même  ceux  qu'elle  a  fait  avant 
leur  mariage  ,  &  la  femme  pareillement  ceux  de 
fbn  mari ,  quand  ces  vœux  troublent  la  paix  du  mé- 
nage, ou  qu'ils  font  nuilîbles  à  la  fociété  conjugale, 
ou  qu'ils  peuvent ,  avec  raifbn  ,  déplaire  à  l'autre 
pr  rtie  &  la  chagriner ,  comme  le  vœu  de  s'abflenir 
de  manger  de  la  viande ,  d'aller  en  pèlerinage  à  un 
lieu  fort  éloigné  ,  de  fe  lever  la  nuit  pour  prier ,  &c. 
Le  Can.  Manjjejlum ,  c.  33.  q.  5.  le  dit  du  Mari  c.  La 
laifon  ed  la  même  pour  la  femme  ;  mais  comme 
ï«  mari  eft  ,  félon  S.  Paul  dans  la  première  Epî- 
tre  aux  Corinthiens  ch.  11.  le  chef  de  la  femme, 
Ton  pouvoir  eft  plus  étendu  que  celui  de  la  femme  ; 
néanmoins  dans  les  chofes  où  le  mari  &  la  femme 
ont  également  droit,  ils  peuvent  aufli  également  an- 
nuller les  vœux  l'un  de  l'autre  ,  comme  feroit  le 
vœu  de  continence,  parce  que  dépendant  l'un  de 
l'autre  pour  l'ufàge  du  mariage ,  félon  le  même  Apô^ 
tre  chap,  7.  ils  ne  peuvent  faire  vœu  fur  cela  que 
d'un  commun  confentement  :  comme  S.  AugulHn 
dans  la  lettre  qu'on  a  déjà  plusieurs  fois  citée  ,  en 
avertit  Armentaire  &  Pauline  fa  femme  ,  les  exhor-. 


€  ManifeRum  eft  itavoluifle 
legcra  ,  fœn  inam  cfte  fub  vi- 
(o ,  ut  nuUa  voca  cjus ,  qux 


abftinentiz  causa  voverît,  red* 
ciantur  ab  ea  ,  niH  autor  y\\ 
fuerit  perœi«€iwlo. 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,     317 

tant  de  garder  la  continence  qu'ils  avoient  voue  d'un 
commun  avis  ^* 

Quand  le  mari  &  la  femme  ont  refpedivcment 
voué  d'un  confentement  commun  de  garder  la  conti- 
nence comme  ils  peuvent  le  faire,  ni  Tun  ni  l'au- 
tre ne  peut  annuUer  ce  vœu ,  parce  qu'ils  font  en  cela 
entièrement  égaux,  le  mari  n'y  ayant  pas  plus  dç 
droit  que  la  femme,  &  ils  ne  peuvent  fe  rendre  ou  (e 
demander  le  devoir  du  mariage,  à  moins  qu'ils  n'ayenï 
obtenu  la  difpcnfe  de  leur  vœu.  C'efl  le  fentiment  com- 
mun des  Théologiens.  Ilsl'appuyent  fur  le  Can.  (^uod 
Deo  ,  c.  33.  q.  5.  quieQ  tiré  de  la  lettre  199-  de  S.  Au- 
guftin  dans  les  anciennes  Editions,  qui  eft  la  261.  de 
celle  des  Bénédidins  ^. 

Mais  lorfqu'il  n'y  a  qu'une  des  parties  qui  a  fiic 
vœu  de  continence ,  &  que  l'autre  a  feulement  don- 
né fon  conlentem.ent  à  ce  vœw ,  cette  partie  peut- 
elle  enfuite  annuller  le  vœu  en  révoquant  fon  con- 
fentement? Les  Dodeurs  répondent  communément 
qu'elle  ne  le  peut  pas ,  par  b  raifbn  que  nous  ve- 
nons de  rendre  que  Gratien  apporte  fur  le  Can.  Ma- 
nifejltim  ^  c.  33.  q.  5.  que  le  mari  &  la  femme  font 
égaux  dans  Tulage  du  mariage  ,  l'un  n'ayant  pas 
plus  de  droit  que  l'autre.  La  partie  qui  révoqueroit 
en  cette  occaiîon  (on  confentement,  pécheroit  griè- 
vement ;  car  elle  feroit  injure  à  Dieu  en  voulant  fms 
une  grande  néceflité  &  (ans  une  forte  railbn,  con- 
vertir à  un  u(age  profane  une  chofe  qui  a  été  pro- 
rniCe  &  confàcrée  à  Dieu  ;  &  la  partie  qui  rendroit 
le  devoir  pécheroit  aufli,  puifqu'elle  agiroit  contre 
un  vœu  dans  lequel  elle  feroit  engagée  &  qui  la  lie- 
roit,  C'eft  ce  que  (aint  Auguftin  fèmble  dire  par  ces. 
paroles ,  Si  lapfiis  ejl  ille ,  tu  fJicm  mjîaatijjiml'  fer- 
fjsvera. 


d  Una  folacffc  canfa  poteft , 
quâ  te  id  quoJ  vovifti  ,  non 
folùni  non  horrarcmur  ,  vc- 
rùm  etiam  prohibcrcrnus  im- 
plere ,  fi  forte  tua  conjux  lioc 
tecum  fiifcipcre  animi  feu  Gar- 
nis infimitate  rcciirarct.  Nam 
&  vovcQda  talia  non  Tant  à  '.  ùiTimc  perfevcra. 

Oiii 


conjiiçatis  ,nifî  ex  confenfu  & 
voiuntdtc  cirr.miini. 

e  Quod  Dco  pari  confenfit 
ambo  voveraii*  ,  perfeverantcr 
ufqiie  in  finem  rcddcre  ambo 
dcbiiiftis  à  quo  proj^olîto  fi  lap- 
fus  cl}  ille  ,  tu  faltcm  inllan- 


5î8  Conférences  iT Angers , 

Quoique  le  mari  fbit  chef  de  la  femme,  îl  ne  peur 
annuller  les  vœux  que  fa  femme  fait ,  qui  font  compa- 
tibles avec  tous  les  devoirs  d'une  femme ,  &  qui  ne. 
doivent  pas  le  choquer  s'il  efl  raifbnnable  :  par  exem- 
ple ,  le  vœu  de  s'abftenir  du  jeu  ou  de  la  comédie , 
de  fréquenter  les  Sacremens,  de  vifîter  quelquefois 
far  dévotion  certaines  Eglifes. 

On  peut  validemcnt  irriter  un  vœu  fans  aucune 
caufe,  cela  dépend  de  la  feule  volonté  de  celui  qui 
a  droit  de  l'irriter,  parce  que  comme  on  le  fuppo- 
iê,  il  efl:  le  maître  de  la  cliofè  qui  a  été  vouée  par 
celui  qui  lui  eu.  fournis.  Or  chacun  peut  difpofer  à 
fcn  gré  de  ce  qui  eft  à  lui ,   &  on  ne  fait  injure  à 
perfbnne  en  ufànt  de  fès  droits  ;    cependant    il  eu 
quelquefois  befbin  d'avoir  une  caufe  pour  ne  pas  pé- 
cher en  irritant  le  vœu  d'un  inférieur  ;  car  la  puil^ 
iànce  que  Dieu  a  donnée  aux  Supérieurs ,  efl ,  félon 
làint  Paul  dans  la  féconde  Epitre  aux  Corintliiens 
chap.   13.  pour  édifier  &  non  pour  détruire.    Ainfî 
un  Supérieur  pèche,  lorfque,  fans  une  caufe  honnê- 
te ,  ou  fans  une  bonne  raifon ,  il  annuUe  un  vceu  qu'un 
inférieur  a  fait  avec  prudence,  &  qui  ell  beaucoup 
profitable  au  fàlut  de  celui  qui  a  fait  le  vœu ,  &  n'eft 
aucunement  préjudiciable  au  Supérieur  ni  à  aucune 
autre  perfbnne.  Néanmoins  fi  le  Supérieur  l'annuile , 
l'inférieur  loin  de  pécher  en  ne  gardant  pas  fbn  vœu  y 
doit  obéir  à  fon  Supérieur  y  puifqu'ii  n'efi  point  abfolu- 
ment  befbin  d'aucune  caufe  pour  irriter  validement 
lui  vœu  ;  il  n'en  ell  pas  même  quelquefois  befoin  pour 
l'irriter  licitement  ,  il  fiiffit  que  le  Supérieur  n'y  vo)  e 
pas  une  grande  néceffité  ,  ni  une  utilité  confidéra- 
ble. 

On  peut  juger  de-là  qu'irriter  un  voeu  &  difpen-^ 
fer  d'un  vœu  font  deux  chofès  bien  différentes.  Irri- 
ter un  vœu  ,  ceû  déclarer  que  celui  qui  l'a  fait ,  n'a 
pas  obfervé  tout  ce  qui  étoit  nécelTaire  pour  la  va- 
lidité du  vœu  ;  ainfi  l'irritation  déclare  le  vœu  nui , 
parce  qu'il  y  manquoit  quelque  chofe.  Difperfèr 
d'un  vœiî ,  cefï  décharger  celui  qui  Fa  fait  de  Te- 
bligation  de  Toblerver,  parce  qu'il  y  a  eu  d'abord  , 
ou  qu'il  ell  furvenu  depuis  quelque  circonilance  qui 


I 


fur  Us  Cowmandewcns  de  Dieu*     5^9 

fait  juger  qu'il  eft  plus  expédient  pour  h  gloire  de 
Dieu  &  fon  propre  Hilut  ,  qu'il  eii  (bit  décharge. 
Ainfî  la  dirpcnfe  bien  loin  de  fuppofer  la  nullité 
du  vœu,  fuppofe  au  contraire  qu'il  étoit  valide,  & 
que  dcs-lors  il  obligeoit  ;  mais  la  difpenf^'  ote  cette 
obligation. 

Avant  que  de  finir  cette  matière  nous  remarque- 
rons que  le  Pape  Alexandre  III.  dans  le  chap.  Scrip- 
tîtriSj  de  Voto -i  a  déclaré  que  ceux  qui  font  profel^ 
lion  de  la  vie  Keligieule  font  par-lA  déchargés  de 
tous  les  vopux  qu'ils  avoient  faits  étant  dans  le  /ie- 
cle  f.  Saint  Thomas  1,  1.  q.  88.  art.  11.  dans  la  ré- 
ponfe  à  la  prem-ere  objection,  expliquant  cette  Dé- 
crétale  d'Alexiindre  III.  rend  pour  raifons,  que  par 
la  Profoflion  religicufe  on  confacre  à  Dieu  fa  per- 
fonne  pour  toute  lii  vie,  tout  ce  qu'on  eil,  tout  ce 
qu'on  poiïedo,  &:  par  les  auire^s  vc^ux  on  ne  promet 
à  Dieu  que  quelques  bonnes  œuvres  particulières,  qui 
font  renfermées  dans  ia  pratique  de  la  vie  relîgieufe  r 
que  celui  qui  îait  Profeflion  de  la  vie  religieufe,  re- 
nonce à  (a  vie  précédente ,  morimr  priori  vitis  :  &  que 
les  pratiques  ftngulieres  ne  conviennent  point  dans 
les  Monafleres,  outre  que  le  fardeau  de  la  vie  Reli- 
gieufe eft  aflez  pefant  fans  qu'il  faille  y  en  ajouter  un 
autre* 


/  Reus  fradi  Voti  aliquare- 
mis  non  habetMr  ,  qui  tcmpo- 
lalc  obfequiiim  in  perpctuam 


nofcitur  Rcligîonis  obfervan- 
ti;.tin  commutaxe* 


T 


O  îv 


J20  Ccnférences    d'Angers  y 


iHt<a*j'jBge<»'j»wai»MSMiaMLUMUBa!t^BB&»3BaBBfcea 


IV.      QUESTION. 

VEgllfe  peut-elle  difpenfer    des  Vœux  ou  les: 

changer  ?  A  qui  appartient  ce  pouvoir 

dans  VEglife  f 

JEsus-Christ  a  donné  à  TEglifè  le  pou- 
voir de  difpenfer  les  Fidèles  des  vœux  qu'ils, 
font,  quand  il  a  donné  à  fes  Apôtres  la  puifTance 
de  lier  &  de  délier  les  coniciences ,  en  leur  difànt  : 
Ce  que  vous  lierez  fur  la  Terre ,  fera  lié  dans  le  Ciel  ; 
€^  ce  que  vous  délierez  fur  la  Terre ,  fera  délié  dans 
le  Ciel  y  &  lorfqu'il  dit  à  S.  faint  Pierre  nommément  r 
Je  te  donnerai  les  Clefs  du  Royaume  des  Cieux,  Ce  pou- 
voir étoit  une  partie  de  la  jurifdidion  que  les  Apôtres 
avoient  dans  TEglifè. 

^^ous  apprenons  de  THifloire  Eccléiîaftique  & 
par  le  titre  de  Vota  Ù"  voti  redemptione ,  dans  les  Dé- 
crétales  de  Grégoire  ÏX.  que  les  Papes  ,  les  Con- 
ciles &  les  Eveques  ont  ufé  de  ce  pouvoir.  Si  l'E" 
glife  ne  l'avoit  pas  ,  elle  fèroit  privée  d'un  moyen 
qui  lui  efl  absolument  néceiïaire  pour  le  gouverne- 
ment  des  âmes ,  puifqu'elle  ne  pourroit  fans  cela 
afTurer  le  faiut  de  piufieurs  parciculiers  ;  car  ,  cammQ 
raifbnne  faint  Thomas  2.  1.  q.  88.  art.  10.  le  vœa- 
étant  une  promefTe  de  faire  un  bien  ,  il  peut  arri- 
ver que  celui  qui  a  fait  cette  promeiïe  Ce  trouve  dans 
la  fuite  en  des  circonilances  dans  lefqueiies  ce  bien 
ne  lui  eil:  plus  utile  pour  ion  fàlut  ,  ou  qu'il  ne 
pourroit  l'accomplir  fans  faire  un  mal,  ou  fans  omet- 
tre un  bien  plus  important  8c  plus  preffé.  Il  eil  né- 
«^eifaire  alors  ,  ou  qu'il  fait  entièrement  difpenfc 
de  (a  promelTe ,  ou  que  le  bien  qu'il  avoit  promis 
fbit  change  en  un  autre  compatible  avec  Tes  autres 
devoirs. 

Pourquoi  en  cette  occafîon  ne  difpenferoit-on  pas 
du  vœu  qui  eil  une  loi  particulière  qu'un  homi-xit- 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.      321 

s*e(I  impofcc,  puifqu'on  dirpenfe  bien  les  particuliers 
c^es  loix  publiques ,  lorfque  ce  feroit  un  mal  plutôt 
qu'un  bien  qu'ils  les  obfervaflent.  Mais  celui  qui  a 
fait  le  vœu  ne  doit  pas  être  fur  cela  ion  juge  ,  il 
faut  qu'il  ait  recours  au  Supérieur  Eccléfîaftique  qui 
déclarera  que ,  dans  telle  circonftance,  le  vœu  n'o- 
blige point,  &  qu'on  peut  ne  le  pas  accomplir,  & 
ce  fera  une  difpenfe  qu'il   accordera  ;  ou  qui  décla- 
rera qu'on  peut  ne  pas  garder  le  vœu  pourvvi  qu'ors 
le  foumette  à  faiie  quelque  autre  cho(e  que  le  Su- 
périeur ordonnera  en  la  place  du  vœu  ,    &  ce  fera 
une  commutation  de  vœu.  Le  Supérieur  Eccléfiafti- 
que  peut  faire  l'un  &  l'autre  ;  &  on  ne  peut  être  d'iC- 
penfé  d'un  vœu  que  par  (on  autorité  ;  car  c'efl  à  lui 
a  déclarer  au  nom  &  en  la  perfonne  de  Dieu  à  qui 
ie  vœu  a  été  fait ,  ce  qui  cil  agréable  ou  défagrca- 
ble  au  Seigneur  en  telle  occa/îgm,  félon  que  dit  faint 
Paul  dans  la  féconde  Epitre  aux  Corinthiens  ch.  i. 
ce  Si  j'ufe  d'indulgence,  dit  cet  Apôtre  ,  j'en  ufe  à 
3î  caufe  de-  vous  ,  au'  Nom  &  en  la  Perlbnne  de  Je- 
y>  fus-Chrift  51  ^, 

Si  on  difoit  que  l'Eglise  ne  peut  pas  difpenfer  du 
droit  naturel ,    &  que  par  conféquent  elle  ne  peut' 
difpenfer  d'un  vœu  fait  à  Dieu  ^  dont  l'obligation  efl 
de  droit  naturel ,  on   nieroit  cette  conféquence  ;  can 
l'Eglifè  en   dilpcnfànt  d'un  vœu,   ne  fait  qu'ôter  la 
caufe  d'où   nailfoit  une  obligation  de  droit  naturel  y 
&  ne  difpenfe  pas  de  ce  droit.  Pour  que  TEglifedifpen-- 
sat  du  droit  narurel,  il  fiudroit  qu'elle  fit  qu'on  nç 
fut  point  obligé  de  garder  un  vœu  ,  pendant  qu'il 
~  fùbfifte  en  toute  fi  vigueur  ;  car  le  droit  naturel  difte 
qu'on  doit  garder  un  vœu  pendant  qu'il  eft  vœu  8C 
que  fon  obligation  lubfîrte.   De  même  qu'un  homme- 
qui  après   avoir  accepté  une    promcrfe,  fait  remife 
de  la  choie  qui  lui  avoit  été  promife,  ne  difpenfe 
pas  du  droit  naturel ,  mais  en  fe  relâchant  de  la  pro- 
meffe  faite  en  fa  faveur  ,  il  fait  que  l'obligation  de 
la  tenir  ne  fublîAe  plus  ;  pareillement  le  Supérieur 


é  Nam  &  cpo  qu?d  donavi  >  C  ^uid  donavi  proptcr  vos ,  in» 
Ççrfona  CUifU.- 

O  V 


^22  Conférences  d'Angers, 

Ecclcfiailique  qui  comme  Miniitre  de  Dieu  &  représen- 
tant il\  penonne ,  remet  la  promelie  qui  avoit  été  faite 
à  Dieu  par  le  vœu  ,  fait  cefïer  l'obligation  de  Taccom- 
plir  qui  était  de  droit  naturel ,  en  anéantilTant  le  voeu 
<]ui  en  étoit  la  caule. 

L'autorité  légitime  de  difpenfèr  des  vœux  appar- 
tient fuivant  le  droit  à  ceux  qui  ont  la  jurifdidion 
ordinaire  dans  l'Eglifè  au  for  extérieur  8c  la  princi- 
pale part  au  gouvernement.  Ce  font  eux  qui  com- 
me des  (entinelJes  veillans  fur  la  maison  de  Dieu  , 
.fçaventdiicernerietems  de  rigueur  &le  tems  d'indul- 
gence. Cette  puifTance  peut  toutefois  être  communi- 
<|uée  aux  Clercs  inférieurs  par  commiiïion  ou  par  dé- 
légation. 

Le  Souverain  Pontife  étant  le  chef  de  TEglife  peut 
diipenfer  des  vœux  en  toute  matière  Se  dans  toute  Té- 
itendue  de  la  Chrétienté  :  Ion  pouvoir  n'eil  pas  limité 
à  quelque  Province  particulière  ,  fà  jurifdiétion  s'é- 
^erfd  par-tout. 

Les  Evcques  ont  le  pouvoir  de  difpenfer  des  vœux 
^  aeles  changer,  mais  ils  ne  l'ont  que  dans  leur  Dio- 
cefè ,  de  mcm.e  ceux  qui  ont  loi  diocélaine,  ne  l'ont 
ci\ie  dans  l'étendue  de  leur  jurifdidion.  Ils  ne  peuvent 
îiiles  uns  ni  les  autres  l'exercer  qu'à  l'égard  des  vœux, 
dont  la  difpenfè  n'eil  réfèrvée  au  faint  Siège  ,  ni  par 
quelque  ordonnance  de  TEglile ,  ni  par  la  pratique 
©u  la  coutume.  Il  y  a  un  grand  nombre  de  ces  for- 
tes de  vœux  dont  il  convient  (cuvent  de  difpenfer 
les  Fidèles.  Il  eii  donc  befôin  qu'il  y  ait  dans  ÏE- 
gliie  d'autres  Supérieurs  que  le  Pape  à  qui  on  puilie 
recourir  avec  plus  de  facilité  pour  en  obtenir  la  di(^ 

La  difpenfe  des  vœux  qui  ne  font  réfèrvcs  au  fliint 
Siège,  ni  par  le  droit  ni  par  Tulàge  ,  efl:  réfervce 
aux  Evèques  &  à  ceux  qui  ont  loi  dioccfîiine.  Au- 
cun Prêtre,  quoique  approuvé  pour  abfôudre  des  cas 
réiervés ,  ne  peut  difpenfer  d'un  vœu ,  ou  le  chan- 
ger, fans  en  avoir  obtenu  un  pouvoir  exprès  du  Pa- 
pe ,  ou  de  PEvéque ,  par  écrit  ou  de  vive  voix.  jM. 
Miron  Evéque  d'Angers  en  avcnit  les  Curés  de  Ton 
JDiocefe dii.ns. Cq&.  Ordoijjiauce  Syncdalede  ïùii  i Ces , 


far  les  Commandemens  de  Dieu.     325 

rapportée  dans  les  Statuts  du  Diocefe  à  la  page   340. 

Les  vœux  rclervcs  au  Pape  (ont  celui  de  cliafteté 
perpétuelle,  celui  d'entrer  en  Religion  ,  celui  de  pc- 
icrinage  à  la  Terre-fainte ,  à  Rome  au  Tombeau  des 
Apôtres,  à  S,  Jacques  en  Galice.  La  dilpenfe  en  ell 
réfervée  au  Pape  plutôt  par  la  pratique  ou  coutume  qui 
s'efl  établie  de  s'adrelfer  au  (aint  Siège  pour  l'obte- 
nir,  que  par  aucune  ordonnance  de  l'Eglile.  Cette 
coutume  a  préfentement  force  de  Loi ,  &  il  faut  s'y 
tenir,  à  moins  que  le  Siège  d'un  Evcque  ne  fê  foit 
maintenu  dans  la  poireilion  contraire;  en  ce  cas  i'E- 
vèque  de  ce  Siège  peut  accorder  la  difpenfe  de  ces 
vœux. 

La  réserve  étant  une  matière  odieufê  ,  puifju'elle 
cft  contraire  à  la  jurifdiftion  que  les  Evcques  ont  de 
droit  commun,  doit  ctre  reflreinte  aux  vœux  qui  font 
véritablement  ,  &  à  la  rigueur  des  vœux  de  chafteté 
perpétuelle ,  de  Religion  ,  &  de  ces  trois  pèlerinages. 
Ajoute/,  fuivant  les  principes  que  nous  avons  ci-devant 
établis,  que  li  ces  vœux  ont  été  extorqués  par  une 
crainte  imprimée  injudement,  ils  ne  lônt  point  rè- 
lervès. 

Les  Dodeurs  tiennent  pour  certain  que  les  vœux 
faits  en  m.atiere  réibrvèe  pour  être  rèfervès  au  Pa- 
pe, doivent  être  ablolus,  certains  &  non  douteux, 
parfaits,  perpétuels  Se  aflurés ,  ahjoluta  .  certa,  indu* 
iitata,  ft^rfecta  ,  perpétua  ,  rata.  Si  les  Evéques  n'a- 
voient  pas  le  pouvoir  de  difpenferdes  va^ux  qui  n'ont 
pas  toutes  ces  qualités,  on  auroit  peine  à  remédier 
aux  troubles  &  aux  embarras  dans  lefquels  les  âmes  (h 
trouveroient  fans  ceffe  :  plu/îeurs  failant  précipitam- 
r.ient  des  vœux  en  des  momens  de  ferveur  8c  de  dévo- 
tion ,  fans  faire  beaucoup  de  réflexion  à  quoi  ils  s'en- 
gagent. 

Il  s'enfuit  de-là  que  les  Evcques  peuvent  difpenfer 
ëes  vœux  faits  en  matière  réfervée, 

i".  Quand  ces  vœux  ont  été  faits  (bus  une  condi- 
tion qui  regardoit  l'avenir,  &  que  cette  condition  n'efl 
pas  encore  accomplie. 

i«.  Q"'»"'i  ^^  matière  réfervée  au  Pape,  n'cd  pas 
h  princ%..l  objet  du  vœu,  mais  ieuiemen:  l'acceC- 

Ovj 


3-2'4  Conférences   d'Angers, 

loire.  Ainfî  les  Evéques  peuvent  difpenfer  du  vceir: 
de  s'engager  dans  les  Ordres  facrés ,  car  quoique  par- 
l'Ordonnance  de  TEglife  ,  l'obligation   de  garder  la, 
continence,  fbit  jointe  à  ces  Ordres  ,  la  chaftetc  néan- 
moins n'efl  que  l'acceffoire  de  ce  vœu, 

30.  Quand  ces  vœux  font  pénaux,  par  exemple; 
une  perionne  pour  fàtisfaire  à^ia  juilice  de  Dieu,  fait- 
vœu  que  Cl  elle  retombe  dans^'un  tel  péché,  ellegar-- 
dera  la  chafteté  le  refte  de  fes  jours  :  une  autre  fait 
vœu  de  ne  jamais  jouer,  &  que  iî  elle  joue >  elle  en- 
trera en  Religion. 

40.  Quand  ces  vœux  font  faits  avec  une  alterna- 
itlve,  par  exemple  ,  je  fais  vœu  d'entrer  en  Religion  ,. 
ou  de  donner  mille  écus  aux  Pauvres.  La  raifôn  eH 
que  dans  les  alternatives ,  le  débiteur  a  le  choix  ,  &• 
si  fliffit  qu'il  falTe  l'une  ou  l'autre ,  fuivant  la  règle  70. 
de  regulis  Juris  m  6^i  In  alternadvis  dehitoris  ejî  elec- 
zio ,  &  futjicit  alterum  adimpleri. 

5*^.  Quand  on  a  fait  vœu ,  &  qu'il  y  a  fondement  de 
douter  de  la  validité  du  vœu  à  caufe  du  manque  de- 
délibéi-'ation  ou  de  liberté,  le  vœu  paroifTant  avoir  été* 
fait  par  légèreté  ,  avec  précipitation  ou  par  crainte, 
ou  quand  l'on  doute  fi  effedivement  on  a  fait  vœu, 
©u  s'il  y  a  jufle  fujet  de  douter  fi  le  vœu  efl  réfervé' 
au  Pape.  Car  dans  le»doute  de  droit  ou  de  fait,  le- 
vœu  n'eft  pas  un  vœu  certain. 

6^,  Quand  le  vœu  de  chafleté  n'a  été  fait  que  pour- 
un  tems,  ou  quand  on  n'a  précifément  fait  vœu  que 
de  ne  fe  point  marier,  ou  quand  on  a  fait  vœu  de  ne 
point- demander  le  devoir  du  mariage;  car  ces  vœ^ux- 
,ne  font  que  des  vœux  imparfaits ,  &  ne  font  pas  pro- 
prement des  vœux  de  chafleté  perpétuelle.  Certaine- 
inent  il  y  a  une  grande  différence  entre  s'abflenir  du: 
■markge,  ou  ne  point  demander  le  devoir  du  mariage. 
&  garder  la  chafleté. 

70.  Quand  les  vo^ux  de  chafieté  &  de  Religion^ 
©nt  été  faits  dans  un  péril  extrême  de  perdre  la  vie, 
pour  obtenir  de  Dieu  la  grâce  d'en  forcir.  La  raifoir 
ci},  que  ce  ne  font  que  des  voeux  conditionnels  ^ 
îir«parfiits  ;  puifqu'on  ne  les  fait  qu'à  condition  que 
IDieu  ;^ura  U.b.ojité  de.  faire.  çeiTex  le  péril  ovi  l'on  fs: 


fur  les  Commandtmtns  de  Dieu*     3  2^ 

trouve ,  &  ce  n'eft  pas  le  pur  amour  de  la  chaftetc 
ou  de  la  Religion  ,  mais  plutôt  rattachement  qu'on 
a  pour  cette  vie,  qui  fait  prendre  de  pareils  engage- 
mens. 

8°.  Les  Evcques  peuvent  difpenler  du  vœu  d'entrer 
en  une  Religion  trcs-auftere  ,  en  ordonnant  l'entrée  en 
un  Ordre  moins  rigide,  parce  que  cette  dilpenfe  ne 
regarde  qu'un  acceflbire  de  l'état  Religieux  auquel 
on  demeure  engagé  ,  après  avoir  obtenu  cette  dif- 
penfe. 

Flnfin  les  Evéques  peuvent  dirpenfer  du  vœu  d'en- 
trer dans  une  Congrégation  Reiigieufe  non  approuvée 
du  (Iiint  Siège. 

Quant  au  vœu  de  virginité,  com.mec'eft  un  vérita-- 
ble  vœu  de  chaftetc  perpctueUe  ,  les  Evcques  n'en- 
peuvent  dilpenfer  que  dans  les  cas  où  ils  peuvent  dif- 
penferdu  vœu  de  chafteté. 

Les  Evcques  peuvent  en  des  cas  extraordinaires 
&  particuliers  difpenfer  du  vœu  fimple  de  chaftetc 
perpétuelle  ,  quoiqu'il  foit  abfolu  oc  parfait.  S'^avoir  , 
1°.  lorfque  les  parties  (ont  en  grand  danger  d'in- 
continence ,  &:  qu'elles  ne  peuvent  pas  facilement 
avoir  recours  à  Rome  ,  à  caufe  qu'elles  n'ont  pas. 
l'argent  nécefTîiire  pour  en  faire  venir  la  difpcnfe  , 
ou  a  cau(e  de  l'éloignemenr  des  lieux,  &  qu'il  y  a 
un  danger  évident  à  attendre  la  difpenfe  du  Pape  ;. 
par  exemple ,  C\  ce  font  des  jeunes  gens  mariés ,  dont 
l'un  ait  fait  vœu  de  chadeté.  i°.  Lorfque  le  retar- 
dement de  la  difpenfe  caufera  un  grand  fcandale  ,. 
ou  apportera  un  préjudice  confidérable  à  une  per- 
sonne ;  par  exemple  ,  fera  qu'une  fille  demeurera, 
déshonorée  ,  &  un  enfuit  fera  illégitime  ,  y  ayanc 
lieu  de  craindre  que  le  corrupteur  de  la  fille  ne. 
contratfie  mariage  avec  une  autre.  On  préliime  rai- 
£bnnablement  que  ce  n'ed  pas  l'intention  du  Pape,, 
à  qui  Dieu  a  donné  la  puiflance  fpirituelle  pour  édi- 
fier &  non  pour  détruire,  que  la  réferve  qui  lui  a 
été  faite  de  ce  vœu  par  la  coutume,  plutôt  que  pat" 
«ne  loi ,  ait  lieu  en  ces  cas  où  elle  fèroit  préjudi- 
ciable au  filut  des  âmes  qui  demeureroient  expofée* 
^u.  danger  de  le  perdre  ;  d'autant  plus  qu'une  cou- 


^26  Conférences    a' Angers , 

tume  n'a  pas  force  de  loi,  iî  elle  nci\.  rai(onnabIet 
comme  il  e^  dit  dans  le  chap.  Cum  tanto  de  con-- 
fuetudme.  Ce  fèntiment  efl  approuvé  par  les  Doc- 
teurs qui  font  les  plus  attaches  au  faint  Siège.  Mais 
ils  remarquent  fort  prudemment,  que  dans  ces  oc- 
calîons  la  difpenfe  de  TEvéque  n'éteint  pas  Tobli- 
gation  du  vœu,  &  qu'elle  ne  fait  qu'en  fulpcndre 
l'exécution  ;  ce  qui  fuffit  pour  le  falut  des  âmes  au- 
quel oi>  a  voulu  pourvoir  ;  de  forte  que  ii  la  per- 
fbnne  qui  a  obtenu  dilpenfe  de  Ion  vœu,  le  trouve 
en  état  de  le  garder  ,  l'engagement  qu'elle  avoit 
contradé  étant  rompu  par  la  mort  de  l'autre  par- 
tie ,  elle  retombe  dans  l'obligation  de  garder  Ton 
vœu. 

Il  y  a  deux  difficultés  qu'on  peutpropoler  qui  ne 
paroilfent  pas  allez,  éclaircies ,  par  ce  que  nous  avons 
dit.  La  première  regarde  le  vœu  de  ne  Ce  point  ma- 
rier ,  dont  nous  avons  dit  que  les  Evéques  peuvent 
dirpenfer;  cependant  le  vœu  de  ne  Ce  point  marier 
ell  pour  l'ordinaire  celui  de  garder  la  challeté  per- 
pétuelle. Pour  lever  tout  doute  ,  nous  difons  qu'en 
matière  de  vœu  il  faut  plutôt  confîdérer  l'intention 
qu'ont  ceux  qui  font  des  vœux  ,  que  les  paroles  dont 
ils  le  fervent  pour  les  énoncer  ;  que  Ci  celui  qui  a 
fait  vœu  de  ne  Ce  point  marier  ,  a  eu  intention  de 
garder  la  chafleté  perpétuelle  ,  c'eil  un  véritable  vœu- 
de  chadeté  réfervé  au  Pape  ;  qu'au  contraire  fi  par 
un  dégoût  pour  le  Mariage  caufé  par  les  fuites  fi- 
cheufes  &  par  l'embarras  qui  l'accompagnent  ordi- 
jnairement,  une  perfonne  fait  vœu  de  ne  te  point 
marier  fans  avoir  en  vite  précifcm.ent  la  chafteté  > 
ce  vœu  n'ell  point  celui  de  challeté ,  &  l'Evéque  ent 
peut  difpenfer. 

L'autre  difficulté  efl  de  fcavoir,  fi  l'Evéque  peut 
difpenfer  d'un  vœu  qui  a  été  fait  fous  condition  y 
après  que  la  condition  ed  accomplie.  Les  Dodeurs 
font  partagés  fur  cela  ,  les  uns  fbutiennent  la  néga- 
tive ,  parce  que ,  difent-ils ,  le  vœu  efl  abfolu  &  par- 
fait après  l'accomplifTement  de  la  condition  ,  les  au- 
tres font  pour  l'affirmative.  La  raifbn  de  ceux-ci  efl:,, 
çiu'ii  faut  regarder  ç[ueiie  a  été  dans  Con  origine  la 


fur  les  Commande  mens  de  Dieu,     527 

volonté  de  celui  qui  a  fait  vœu  fous  condition ,  & 
on  verra  que  ce  n'a  pas  été  l'amour  du  bien  qu'il  a 
voué  de  faire ,  mais  l'attachement  qu'il  avoit  à  ia 
chofè  qu'il  attendoit  de  Dieu  qui  lui  a  fait  faire 
fbn  vœu  ;  car  (a  première  &  principale  intention 
n'étoit  pas  de  faire  la  chofe  qu'il  a  vouée  ,  par 
exemple,  quand  une  fille  qui  voit  Ton  père  en  dan- 
ger de  mort,  a  fait  vœu  de  garder  la  chafleté  fi  fon 
père  revient  en  fîmté ,  c'efl  i'affedion  qu'elle  a  pour 
fbn  père ,  &  ia  crainte  de  (a  mort  qui  ont  extor- 
qué d'elle  ce  vœu  ;  8c  fîi  première  &  principale  in- 
tention n'étoit  point  d'embraffer  l'état  de  challeté, 
ainfi  après  que  (on  père  a  recouvré  la  fimté  ,  (on 
vœu  n'efi:  pas  un  vœu  de  chafîeté  entièrement  ab- 
folu  &  parfait  ;  car  Hi  première  Se  principale  inten- 
tion qui  a  été  la  caufe  du  vœu  ,  y  demeure  toujours 
renfermée  ,  par  conféquent  l'Evcque  peut  difpcnier 
de  ce  vœu ,  ia  réserve  étant  une  chofe  odieufè.  Il 
faut ,  dans  ce  panage  d'opinions  ,  pencher  du  coté 
c|ui  eft  le  plus  favorable  aux  Fidèles  &  à  la  jurif^ 
didion  des  Ordinaires  ,  &  ne  pas  étendre  la  réferve 
au-delà  des  vœux  qui  (ont  entièrement  abfolus  & 
parfaits  ,  c'e(l-à-dire  ,  dans  lefquels  on  a  eu  premiè- 
rement &  principalement  en  vue  le  bien  qu'on  a 
promis  de  faire.  C'eft  le  (êntiment  de  Sanchés  liv. 
8.  du  Mariage,  difpute  10.  nomb.  13.de  Pontius- 
Traité  du  Mariage  liv.  8.  des  Dilpenfes ,  ch.  p,  n. 
6»  de  Diana  dans  la  troifieme  partie  de  (es  Ré(blu- 
tiens ,  traité  5'.  Réfolut.  2^.  de  Ducaïïe,  de  la  Jurii^ 
didion  Eccléfiaftique  ,  première  partie  chap.  10.  (cff, 
3.  n.  7.  Il  lemble  que  c'efl  auHl  le  fentlment  deTo- 
let  liv.  4.  ch.  18.  n.  n.  &  de  Sainte-Beuve  tome  i, 
de  fcs  Réfolutions  ,  Cas  96.  Car  ces  deux  Auteurs 
difent  abfblument  que  les  Evcques  peuvent  dilpenfer 
des  vœux  conditionnels  ,  (Ims  diilingucr  f\  la  con- 
dition eft  accomplie  ,  ou  ne  l'ed  pas.  Les  Do6teur§. 
qui  (ont  d'un  fentimenr  contraire  ,  (ont  forcés  d'a- 
touer  que  lorfque  la  condition  eft  pénale  ,  comme 
quand  une  perlônne  fiiit  vœu  de  garder  l<i  challeté  , 
U  elle  retombe  dans  un  tel  péché  ,  l'Evéque  en  peut: 
cijlpen(èr  :  p.irce  que ,  difent-iis ,  ce  vœu  procède  plus 


328  Conférences   d'Angers, 

de  la  crainte  que  d'un  amour  pour  la  chafleté.  Or 
la  même  raifon  a  lieu  dans  les  vœux  conditionnels, 
comme  on  vient  de  Je  faire  voir. 

Les  Vicaires-Généraux  des  Evèques  peuvent  dlC- 
penfer  des  vœux  dont  leurs  Evéques  font  en  droit 
&  en  poiïeffion  d'accorder  la  difpenfe ,  mais  ils  ont 
befoin  que  ce  pouvoir  foit  exprimé  danS'  leurs  let- 
tres de  Vicariat  ;  une  concefTion  générale  ne  leur 
flifïiroit  pas  ,  comme  Sainte-Beuve  que  nous  venons 
de  citer  ,  a  remarqué  après  RébufFe  ,  en  (a  prati- 
que Eénéficiale ,  au  titre  de  forma  Vicariatûs  ,  nom- 
bre 44. 

Il  y  a  des  Ordres  Religieux  qui  prétendent  avoir 
par  un  privilège  du  Pape  ,  le  pouvoir  de  changer 
les   vœux    douteux    en   matière    réfer^^ée  au    faint. 

■  Les  Prélats  réguliers  des  Ordres  exempts,  font  ert 
poifeiTion  d'accorder  aux  Religieux  de  leur  Ordre: 
la  difpenie  des  vœux  qu'ils  ont  fiiits  en  matière,  non 
réservée  au  Pape.  Les  Abbeiïes ,  de  quelque  exemption 
qu'elles  jouiiïent,  n'étant  pas  capables  d'exercer  la 
jurifdidion  (pirituelle  ,  n'ont  pas  le  pouvoir  de  àiÇ- 
penfer  leurs  Religieufes  des  vœux-  qu'elles  font  ;  mais» 
les  AbbefTes  peuvent  irriter  ou  annuller  ces  vœux^ 
quand  ils  font  nui/ibîes  au  gouvernement  iVîonafti- 
que;  qu'ils  (ont  capables  de  troub'er  l'ordre  du  Mo- 
îîaflere  ;  qu'ils  font  oppofés  à  l'obéiilance  que  les 
Religieufes  doivent  à  leurs  Supérieures ,  ou  contrai- 
res à  leur  flmré. 

On  ne  doit  ni  demiander  ni  accorder  la  difjienfe 
d'un  vœu  ,  que  lorfqu'il  y  a  une  raifon  confidérabla 
&  une  cauie  légitime  ,  comme  font  la  néceffité  ou 
Tuiilité  fpirituefîe  de  celui  qu'on  difpenfe ,  ou  celle 
du  Public.  Sans  cela  la  difpenfe  feroit  une  diflipa- 
jtion  &  une  prévarication  plutôt  qu'une  difpenfe  y 
comme  parle  S.  Bernard  liv.  3.  de  la  Considération 
chap.  4.  Car  Dieu  n'a  pas  donné  aux  Supérieurs 
Eccléfafliques  la  puifîànce  fpirituelle  pour  détruire, 
mais  pour  édifier  ,  &  ils  ne  font  pas  les  maitrcs  da 
la  chofê  ou  de  l'aftion  ,  que  leur  inférieur  a  pro- 
juife  à  Dieu  ,  pour  en  pouvoir  dil£ofcr  a  leur  vo- 


fur  les  Comm an  démens  de  Bleu.      529 

lontc  :  ils  (ont  feulement  les  iMiniflres  &  les  Interprè- 
tes de  Dieu  à  qui  la  cho(c  promile  c(ï  due,  pour  dé- 
clarer en  Ton  Nom  ce  qui  lui  c([  le  plus  agréable  en. 
telle  circonftance.  C'ell  pourquoi  s'ils  veulent  agir 
avec  fidélité  &  avec  prudence  ,  quand  on  leur  de- 
mande la  difpenfc  d'un  vœu,  ils  doivent,  fuivant  le 
confèil  que  donne  Alexandre  III.  ch.  de  peregrina- 
tionis  votis^  au  Titre  de  Voio  Ô"  Voti  redemptioue  ^  exa- 
miner attentivement  les  circonftances  du  terni-  ,  du 
lieu  ,  des  personnes  ,  &  les  raifbns  qu'on  allègue,  & 
voir  fi  ces  raisons  (ont  fuflifàntes  pour  faire  juger 
qu'il  y  a  des  inconvéniens  à  obliger  celui  qui  a  t'ait 
vreu  à  l'exécuter  ,  &  que  c'eft  un  plus  grand  bien  de 
lui  en  accorder  la  di(penrc,ou  de  le  changer  en  quel- 
^u'autre  œuvre  de  piété. 

Celui  qui  veut  demander  la  dilpenfe  d'un  vœu  y 
doit  s'interroger  loi-meme  ;  car  il  Ce  doit  mieux 
connoitre  qu'un  autre  ;  ne  (è  point  flatter  ,  fonder 
Ton  cœur,  examiner  fon  intention ,  confulter  la  vé- 
rité ,  écouter  ce  que  fa  confcience  lui  diifte  ,  aii 
lieu  de  chercher  à  adoucir  par  une  difpenfe  les  re- 
mords d'une  confcience  agitée.  C'efl  l'avis  que  don- 
ne S.  Bernard  à  fon  Neveu  dans  la  première  de  fes 
lettres  :  Refpue  blandimenta ,  adulationibus  claude  ait^ 
rcs  ,  te  inurroga  de  te  ,  quria  tu  te  rnelilis  nofli  quàm. 
alias.  Attende  cor  tuum ,  difciue  imemionem  ,  confule 
veritaiem  ,  tua  tibi  confcieniia  refpondeat.  Si ,  tout 
bien  confidéré  ,  il  croit  devoir  demander  la  difuenie 
de  Ion  vœu  ,  il  faut  qu'il  déclare  au  Supérieur  le 
cas  tel  qu'il  efl  en  eflbt  ,  &  qu'il  lui  expole  fes 
railons  dans  la  pure  vérité  ,  afin  qu'il  n'accorde  la 
dilpenfe  qu'avec  connoifTance  de  caufe.  Souvent  une 
railon  peut  être  fuffifante  dans  un  cas  pour  rendre 
une  difpenfe  légitime  ,  &  n'être  pas  fuffifànte  dans 
yn  autre  cas. 

Une  difpenfti  obtenue  fans  caufe  ne  fert  de  rien 
devant  Dieu  ,  Si  ne  met  point  la  confcience  en  sii- 
reté  ,  étant  non-feulement  illicite  ,  mais  aulH  in- 
valide ;  elle  n'a  lieu  qu'à  l'égard  du  jugement  exté- 
rieur des  hommes.  C'eft  le  fentiment  de  fiint  Tho- 
tnas  :,  2.  q^.  88.  art,   ii.  dans  la  réponfc  à   la  fe- 


530  Conférences  d^ Angers  y 

conde  objcâion  ^,  A  quoi  eft  conforme  îa  Glofe 
fur  le  ch.  Non  ejl  Voti,  de  Voto  &  Voti  redcmpkne  ^^vl 
mot  adimplere  ^. 

Que  celui  qui  a  obtenu  la  difpenfe  ne  di(e  point 
que  c'eft  au  Supérieur  qui  Ta  accordée ,  à  voir  s'il  a 
obfèrvé  les  régies  ,  que  pour  lui  il  n'a  rien  ?  crain- 
dre :  ce  (èroit  s'abuîer  ;  c'efl  à  celui  qui  a  demandé 
à  voir  de  quelle  manière  il  l'a  obtenue  ;  en  deman- 
dant une  difpenfe  injufte  ^  il  a  été  caule  de  l'injuftice 
qu'a  commis  le  Supérieur  qui  n'efl;  que  dirpenfaceur 
&  non  pas  maître  ,  &  en  s'en  fervant  il  ne  fait  que 
s'engager  de  plus  en  plus  en  cette  même  injuftice  ; 
il  eft  donc  obligé  de  garder  (on  vœu  comme  s'il  n'en 
avoit  point  obtenu  la  dirpenfe. 

Saint  Thomas ,  à  Tendroit  qu'on  vient  de  citer , 
ajoute,  que  Ci  celui  qui  a  obtenu  la  difpenfe  d'un 
vœu  ,  avoit  une  caufe  apparente  qui  put  au  moins 
faire  douter  s'il  y  avoit  lieu  de  le  difpenfèr,  il  peut, 
l'ayant  expofé  dans  la  pure  vérité  au  Supérieur  ,  s'en 
tenir  à  Ton  propre  jugement,  &  ne  pas  s'arrêter  au 
fien.  propre  ,  parce  que  c'eft  au  Supérieur  &  non  pas 
à  lui ,  à  juger  fî  la  cau(è  eft  fuffifànte  ou  infuffirante 
pour  dirpenfer  ^, 

Quoiqu'on  loue  ceux  qui  ne  demandent  point  à 
être  diipenfés  de  leurs  vœux  ,  mais  qui  les  accom- 
plirent exactement,  quelque  difficiles  qu'ils  foient, 
on  n'approuveroit  néanmoins  pas  ceux  qui  feroient 
vœu  de  ne  jamais  demander  de  difpenle  des  vœux 
qu'ils  auroient  faits ,  &  ils  ne  feroient  pas  obligés  de 


h  In  rnanîfeflis  dirpenTstio 
Praelati  non  exciirarct  à  cul- 
fa  ,  putà  fî  Prjelatus  difpen- 
laret  cum  aliquo  fuper  voro 
de  ingreflu  Religionis  ,  nuilâ 
apparente  causa  obftante. 

c  Non  cft  feciiriis  quosd 
Deiim  cun:\  qtio  Papa  difpen- 
fat  ,  nifi  fubfit  caufa  difpen- 
fandi  j  iici\t  nec  dicitiir  abfo- 
liitus  ,  qui  caiifam  excommun;- 
cationis  fupprimit ,  habebit  ta- 
Wen  exceptioncm  c^iiod  Ecclc- 


fiam  ille  cum  <]oo  fine  caufa 
dirpenfatum  eft  :  (juoad  Deiim 
fibi  allegatio  non  valcbit ,  iibi 
jiidicabuur  eo  tefte  ,  qiio  Ju- 
dice. 

d  Si  tamen  effet  caufa  ap- 
pareils pcr  quam  faltcm  in  du- 
bium  verieretur.poflct  Aare  ju- 
dicio  Pralaii  difpenfamis  vcl 
con-.miit'ntis  >  non  autcm  jii- 
dicio  pro^r'o  ,  quia  ipfe  auri 
gcrit  vicern  Deit 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     5  ^  f 

^rder  ce  vœu  en  toutes  occafîons  ;  car  il  ne  luffit 
pas  que  la  matière  du  vœu  foit  une  chofe  bonne  & 
permife  ,  il  faut  audl  qu'elle  foit  utile  au  làJuc  de  ce- 
lui qui  fait  le  vœu.  Or  il  n'eft  pas  toujours  profitable 
pour  le  làlut  de  ne  point  demander  à  ctre  difpenfc  de 
Ces  voeux  ;  au  contraire  il  eft  quelquefois  très-expc  - 
dient  &  même  néceffaire  de  le  demander  ,  à.  caufe  du 
dp.nger  évident  où  l'en  (e  trouve  de  tranfgreiïer  Ton 
vœu  ,  ou  de  commettre  quelque  autre  pcchc  ;  cette 
résolution  eft  de  S.  Antonin  en  là  Somme  ,  part,  z, 
lit.  II.  cliap.  2,.  §.  9, 

Les  termes  (euls  de  dîlpenlè  &  de  commutation 
nous  doivent  faire  comprendre  qu'il  y  a  de  la  dif- 
férence entre  ces  deux  manières  de  rejacher  l'obli- 
gation des  vœux.  Par  la  din-)enre  ,  le  Supérieur  F.c- 
clé/îalîique  ote  entièrement  l'obligation  du  vœu  pour 
quelque  caufe  juOe  ,  C\  bien  qiso  la  difpenfe  ell  pro- 
prement une  déclaration  que  le  Supérieur  fait ,  que 
Dieu  n'a  pas  agréable  l'exécution  de  la  promefTe  en 
tel  cas ,  &  qu'ainfi  on  n'eft  p?s  obligé  de  l'accom- 
plir. Par  la  commutation  ,  le  Supérieur  fans  déclarer 
que  le  vœu  ne  doit  pas  ctre  gardé  ,  change  feulement 
la  chofe  vouée  en  une  autre  également  bonne  ,  ou 
quelquefois  moindre. 

On  peut  ,  làns  confulter  le  Supérieur  Ecclé/iafli- 
que  ,  changer  de  la  propre  autorité  un  vœu  dans  une 
chofe  qui  efl  fans  doute  &  manifeilement  meilleure, 
tout  confidéré  :  h-on  enim  propojitum  auc  p-omiffum 
infringit ,  qui  in  meliits  illiid  commutât ,  dit  le  Pape 
Grégoire  III.  cit.  Tervenit  z.  de  jnrcjiirando.  On  ex- 
cepte les  vœux  réfervcs  au  Pape ,  &  ceux  qui  font 
faits  en  faveur  d'un  tiers  ,  quand  ils  ont  été  acceptés. 

On  ne  peut ,  fans  l'autorité  du  Supérieur  EcclcHaP 
tique  ,  changer  un  vœu  on  quelque  chofe  de  moindre. 
Cette  commutation  étant  une  relaxation  du  vœu,  & 
en  partie  une  dilpenfe  ,  elle  requiert  en  celui  qui  la 
fait  le  pouvoir  de  difpcnfer  des  vœux  ;  &  elle  ne  le 
peut  faire  fîms  caufe  ;  elle  (eroit  non-feulement  illi- 
cite ,  mais  encore  invalide.  On  ne  peut  non  plus  fans 
cette  même  autorité  changer  un  vœu  en  une  cho(ç 
çgale  y  le  droit  ne  donne  aux  particuliers  la  permif^ 


55^  Conférences  d'Angers, 

fion  de  changer  leurs  vœux  que  dans  une  chofê  bean-» 
coup  meilleure  ,  comme  il  paroit  par  le  ch.  Ver-jevÂt: 
qu'on  vient  de  citer  ,  &  par  le  ch.  Scriptune ,  de  Voto, 
Si  chacun  pouvoit  de  (on  autorité  propre  changer 
la  matière  de  Ton  vœu  en  une  choie  qu'il  croiroit 
égale  ,  il  pourroit  fbuvent  arriver  qu'il  la  changeroit 
en  une  choie  moins  bonne  &  moins  agréable  à  Dieu  ,. 
que  le  tempérament  &  l'inclination  lui  feroient  juger 
égale  ;  car  rarement  on  elt  jufîe  Juge  en  fa  propre 
cauie  ,  on  s'abufe  aifément.  Les  Dofteurs  difent  mê- 
me que  cette  commutation  ne  le  doit  point  faire  fan» 
quelque  caufe  légitime. 

Ceux  qui  ont  le  pouvoir  de  difpenfêr  des  vœux  y 
ont  celui  de  les  changer  ,  car  celui  qui  peut  faire 
plus ,  peut  faire  moins  dans  le  même  ordre  ,  lorfque 
l'un  eil  (ùbordonné  à  l'autre  ,  fuivant  la  régie  5:3.  t/^ 
vcgulis  juris  in  6^,  Cm  Jicet  quod  efr  plus,  îicet  titique 
quod  ejî  minus  :■  &  quand  un  Eveque  a  changé  dans- 
le  cas  marqué  ci-defîiîs  un  vœu  qui  touchoit  une  ma- 
tière réfèrvée  au  Pape  ,  en  un  autre  vœu  non  réfer-' 
vé  ,  il  peut  dans  la  fuite  dilpenfer  de  ce  vœu  non- 
réfervé  ,  s'il  juge  que  la  dif])en(è  foit  plus  profitable 
pour  le  f2.1ut  de  la  perfbnne  engagée  dans  le  vœu  > 
car  dans  cette  hypothèfe  il  ne  refte  plus  de  réferve. 
Même  un  Eveque  peut  di-fpenfer  des  œuvres  de  piété 
dans  lerquelies-  le  Pape  auroit  changé  un  vœu  qui- 
lui  étoit  réfervé,  car  ces  œuvres  fiibf^ituées  en  la  pla- 
ce du  vœu  ne  font  pas  à  la  rigueur  un  vœu.  La  per- 
fbnne dont  le  Supérieur  Ecciéfiaflique  a  changé  le 
vœu  ,  peut  après  la  commutation  exécuter  fbn  vœu  y 
au  lieu  que  la  chofe  qui  avoit  été  llibilituée  en  la  pla- 
ce ,  parce  que  la  commutation  efl  une  grâce  ou  in- 
dulgence ,  qu'on  lui  avoit  accordée.,  à  laquelle  elle 
efl  la  maîtreiTe  de  renoncer,  félon  la  régie  61.  de 
regulis  Juris  in  6^,  Qtiod  ob  gratiam  alicujus  conce^ 
diiur  ,  ncn  efv  in  ejus  difpendium  reiorquendnm. 

Il  y  a  trois  caufes  générales  que  le  Supérieur  Ec- 
cléfiaftique  doit  avoir  en  vue  ,  quand  il  diipenfe  d'un 
vœu  ,  ou  qu'il  le  change  ,qui  font,  l'honneur  de  Dieu, 
le  plus  grand  bien  de  i'Eglife  ,  l'utilité  on  la  nécef- 
Bté  fpirituelle  de  là.  perfonne  qui  a  fait  vœu.  C'eil 


fur  Us  Comrnandemens  de  Dieu,      333 

pour  cela  que  la  glofe  fur  le  ch.  Magna  ,  de  Voto  ^ 
avertie  les  SupL-rieurs  de  fiiire  attention  à  ce  qui  eft 
permis  félon  la  jullice  ,  à  te  qui  efl:  décent  lelon 
rhonnétetc  ,  &  à  ce  qui  eft  expédient  pour  l'utilité. 
Iria  funt  corijidiranda  ;  quid  liceat  feattidlim  a:qiiiia^ 
tem  ;  quid  deceat  j'ccimdum  honejlatem  ;  quid  expédiât 
fccundiim  uiilitattm. 

Les  railons  qui  déterminent  le  plus  ordinairement 
à  accorder  la  difpenfe,ou  la  commutation  des  vœux, 
font  : 

1°,  La  manière  dont  a  été  fait  le  vœu  ,  comme 
quand  il  y  a  fondement  de  douter  C\  la  délibération 
qui  a  précédé  le  vœu  a  été  fuffi{îmte,fi  le  vœu|a  été 
fait  par  légèreté  &  inconfidérément ,  (ans  que  celui 
qui  Ta  fait ,  ait  prévu  les  fuites  de  l'obligation  dans 
laquelle  il  s'engageoit. 

z°.  Quand  le  vœu  a  été  fait  par  crainte  ,  par  er- 
reur 5  par  chagrin  ,  ou  dans  le  trouble  de  quelque 
autre  paflion. 

3°.  Quand  on  doute  /île  vœu  a  été  efFeftivement 
fait ,  ou  s'il  eft  valide, 

40.  La  plus  grande  utilité  fpirituelle  ,  ou  la  néctC- 
fîté  particulière  de  la  per(bnne  qui  a  fait  vœu  : 
comice  quand  il  eft  furvenu  quelques  circonftances 
qui  rendent  la  matière  du  vœu  ou  mauvaife  ,  ou  inu- 
tile 5  ou  font  qu'elle  eft  un  obftacle  &  un  empêche- 
ment à  un  plus  grand  bien ,  &  même  quand  il  y  a 
iieu  de  craindre  que  la  matière  du  vœu  ne  devienne 
telle  dans  la  (uite  ,  ou  quand  le  (alut  de  la  per(bnne 
qui  a  fait  vœu  eft  en  danger  ,  &  qu'elle  ne  peut  mo- 
ralement éviter  ce  danger  fans  le  fecours  de  la  dif^ 
penle  ,  ou  quand  il  y  a  iieu  de  craindre  un  fcandale 
con/idérable. 

50.  L'impofTibilité  ou  la  grande  difficulté  qu'il  y  a 
à  exécuter  le  vœu,  quand  cette  difficulté  eft  furvenu© 
depuis  le  vœu  ,  ou  qu'elle  n'a  pas  été  prévue  ,  quoi- 
qu'elle ne  fut  pas  feule  fuffi(ante  pour  empêcher  que 
le  vqpu  n'eût  la  force  d'obliger. 

C'eft  par  ces  deux  raifons  qu'à  la  Pénitencerie  de 
Rome  on  accorde  aux  jeunes  gens  la  difpenfe  ou  la 
commutation  du  vœu  iimple  deçbaftetc,  iarTexpcfé 


554  Confctences  d\4ngers  ^ 

qu'ils  font  qu'ils  font  dans  le  péril  de  tombef  difis 
^incontinence  s'ils  ne  fe  marient.  Mulier  emijh  Fo- 
ium  fr/npiex  cajUtatis  ,  mautt  in  periculo  incominemice  , 
nifi  nubat  ,  oU  bien  ;,  ob  ftimiitos  carnis  quos  femit  , 
cominemer  vivere  pojji  dijjidit ,  nijï  nubat ,  fu^plicat 
fibi  Vomm  commutari  ad  effeCium  contrahendi  matri" 
înonium.  La  pratique  ancienne  de  l'Eglife  prouve 
qu'on  peut  demander  en  confcience  la  dKpenfe  ou 
la  commutation  de  ce  vœu.  S.  Cyprien  nous  en  efl 
tém.oin  dans  la  lettre  6i.  à  Pomponius  ,  où  parlant 
de  certaines  vierges  qui  avoient  fiiit  un  vœu  fimple 
de  virginité  ,  il  dit  ^  : 

Quelquefois  le  Pape  accorde  la  di(penfe  de  ce  vœu 
purement  &  fîmpiement  ,  &  en  ce  cas  la  perfcnne 
qui  l'auroit  fait ,  n'eii  plus  du  tout  obligée  à  garder 
(on  vœu  ;  mais  ces  difpenies  font  fort  rares ,  &  il  faut 
pour  les  obtenir  alléguer  encore  quelque  autre  raifon 
dans  la  flipplique.  Ordinairement  le  Pape  ne  fait 
qu'une  comniutation  de  vœu  en  quelques  œuvres  de 
pénitence  &  de  piété  .  qui  faffent  fouvenir  journel- 
lement la  peribnne  de  l'obligation  qu'elle  avoit  con- 
tradée,  en  permettant  qu'on  fe  marie  ,  à  condition 
que  il  on  devient  libre  on  fera  obligé  de  garder  fbn 
vœu.  ha  quodfi  malieri  cui  conjungemr ,  fufcrvixerit , 
cafiitutdm  fervet ,  îupotè  eodem  voto  ut  frhis  obliganrs  i 
Ù"  Çt  extra  matrmionhtm  fornicatus  fuerii ,  aiumonuâ 
ditïâ  muîiere  aîiud  matrimonmm  abfque  nova  difpen-* 
fatione  comraxerh  i  fciat  fe  comraVoîurn  hujufmcdi  fa^ 
cere  ,  debhum  conjugale  exigere  non  pojfe  :  comme  on 
lit  dans  Tiburce  Navare  en  Ton  Introdudion  à  la  pra- 
tique de  l'exécution  des  Lettres  de  la  Pénitencerie  , 
en  ce  cas  le  vœu  demeure  en  fà  vigueur  ,  non-feule- 
ment après  le  premier ,  mais  aufli  durant  le  fécond 
znariage. 

6°,  Une  notable  nécefTité  ,  ou  utilité  d'un  Etat  oi| 
d'une  famille  diflinguée. 


e  Quae  cùm  femel  ftatum 
fiium  continenter  d:  firmitf 
tentre  dccreveiint ,  fi  auiem 
|>£ticvcriuc  iiûlunc  vei   non 


pcfTimt  j  meliijs  eft  nubant  ) 
quàm  in  igncn:i  dcliiftis  fuis 
cadanc. 


fur  les  Co  mm  an  démens  de  Dieu,     ^^^ 

11  faut  ufer  de  beaucoup  de  prudence  pour  juger 
(î  les  caull's  allcguccs  font  fufTininces  ou  non  :  il  en 
tauc  de  plus  fortes  pour  une  difpenfè  que  pour  une 
commutation  ;  il  en  faut  de  plus  confîderables  quand 
il  s\igit  d'un  vœu  fc)rc  important ,  que  quand  il  s'agit 
d\m  qui  eil  de  peu  de  confcquence.  li  faut  pareille- 
ment une  raifon  plus  grande  pour  changer  un  vœu 
en  quelque  chofe  de  moindre  ,  que  pour  le  changer 
en  une  égale. 

Les  Confeiïcurs  à  qui  on  délègue  le  pouvoir  de  diC- 
penfer  de  vœux,  ou  de  les  changer,  doivent  ,  i". 
avant  toutes  cliofcs,  faire  une  attention  férieufe  aux 
paroles  du  Bref  ou  de  la  commlfîlon  qu'on  leur  adrefTe, 
afin  de  ne  pas  excéder  le  pouvoir  qui  leur  eu  accor- 
dé ;  fi  on  ne  leur  permet  que  de  changer  un  vœu  ,  ils 
ne  doivent  pas  préfumer  d'en  difpenfer  ;  ou  /î  on  leur 
prefcrit  de  le  changer  en  une- chofe  égale,  ils  ne 
peuvent  en  faire  la  commutation  en  une  chofè  moin- 
dre. 2°.  Examiner  s'il  y  a  jufte  &  légitime  caufe  de 
dilpenfe  ou  de  commutation,  ou  fî  celle  qu'on  a  ex- 
po fée  au  Supérieur  Ecciéliaftique  ell  véritable.  3°, 
Prendre  garde  fi  le  vœu  eiï  en  faveur  d'un  tiers ,  (oie 
d'un  particulier  ,  foit  de  TEglife  ,  &  s'il  a  été  accep- 
té ;  car  en  ce  cas  on  ne  peut  en  difpenfèr  ,  ni  le  chan- 
ger fîms  le  confentement  de  ce  tiers.  40.  Pefèr  mû- 
rement ce  qui  efl  plus  expédient  pour  le  fàlut  de  la 
perfonne  engagée  dans  le  vœu  ,  &  quelles  œuvres  de 
piété  &  de  pénitence  il  convient  mieux  de  lui  en- 
joindre. Pour  en  juger  fàinement ,  il  faut  s'enquérir 
avec  exaditude  ,  non-feulement  de  la  condition  ,  de 
l'âge,  des  biens  ,  de  la  foibleffe  ou  infirmité  de  la 
perfonne  qui  a  fait  le  vœu  ;  mais  encore  de  la  peine  , 
du  travail ,  de  la  dépenfè  ,  des  incommodités  &  des 
autres  difficultés  qu'elle  auroit  fouflert ,  fi  elle  eût 
accompli  le  vœu  dont  on  lui  accorde  la  difpenfe ,  afin 
d'avoir  égard  à  toutes  ces  circonflances  pour  lui  or- 
donner des  œuvres  de  piété  proportionnées  à  celles 
auxquelles  fon  vœu  l'engageoit.  C'ell  l'avis  que  le 
troifîcme  Concile  de  Milan  ,  dans  le  chapitre  où  il 
eÙ.  traité  des  chofes  qui  regardent  le  Sacrement  de 


55^  Conférences   d\^gp,rs  y 

Pénitence  ,  veut  qu'on  donne  aux  Confefleurs  ^.  Ce 
que  ce  Concile  femble  avoir  emprunté  de  la  déci*- 
iîon  d'Alexandre  III.  chap,  de  feregrinaticnis  Votis  > 
au  titre  de  Voto  ô"  Voti  redemptione. 

Lorfque  les  Bulles  de  Jubilé  donnent  pouvoir  aux 
ConfeiTeurs  de  difp enfer  des  vœux  &  de  les  changer, 
un  ConfelTeur  ne  peut  le  faire  que  pendant  le  tems 
du  Jubilé  :  car  ce  tems  étant  fini  (on  pouvoir  a  celTé  ; 
à  moins  qu'il  n'eût  dès  le  tems  du  Jubilé  réfolu  & 
promis  au  pénitent  de  lui  accorder  la  difpenfe  ou 
la  commutatian  de  fès  vœux  ,  &  qu'il  l'eût  remis  à 
un  autre  tems ,  fbit  pour  prendre  confeil  de  quelle 
manière  il  devoit  agir  ,  fbit  pour  engager  le  péni- 
tent à  fe  mieux  difpofer  à  recevoir  i'abfbiution  de  Tes 
péchés  avec  la  difpenie  de  Tes  vœux» 


/  Eplfcopus  id-Confeflarios 
Saccrdotes  interdiim  admo- 
neat ,  ut  H  quando  quavis  fa- 
cultate  ,  ai.itoritateve  licebit 
pœnitrntltim  votacommutare, 
in  re  judicanda  rationem  ha- 
feeant  &  fuiDpuium,  &  labo- 


nim  ,  &  molefliarium,  &  om- 
nium denique  incommodorum 
qui  pccnitentes  per;  eiluri 
erant  ,  û  votum  qiiod  fanûè 
conceperant  rcipfa  prxftiiif- 
fent. 


RÉSULTAT 


fur  les  Commandemcns  de  Dieu,     337 

^.xxxxxxx>:xxxxxxxxxxxx -^ 
RÉSULTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 
LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU. 

Tenues  au  mois  d'Avril   17 14. 

PREMIERE     QUESTION. 

DIEU  s'ejl-il  réfervé  un  certain  jour  de 
la  femaine  pour  être  employé  à  fonjervice  ? 
Pourquoi  a-t-on  changé  ce  jour  en  celui  du 
Dimanche  't  Les  Chrétiens  font- ils  obligés  de 
fan^lijier  le  Dimanche  ? 

QU  A  N  D  le  Prophète  David  dit  dans  le  Pfêaume 
75.  que  le  jour  &  la  nuit  appartiennent  à  Dieu  ^ 
qu'il  eil  le  Créateur  de  l'Aurore  &  du  Soleil, 
Tiius  ejl  Dies  &  ma  efl  Nox  :  Tu  fabticatiis  es  Au^ 
roram  &  Solcm ,  il  nous  fait  entendre  que  Dieu  efl 
le  maître  du  tems  &  de  tous  les  momcns ,  &  qu'ainfi 
Dieu  auroit  pîi  nous  ordonner  d'employer  tous  les 
înftans  de  notre  vie  à  contempler  Ces  bienfaits  &  s. 
les  reconnoitre,  en  Cignç  de  quoi  il  ayoit  enjoint 
Tome  /,  P 


33 B  Conférences  d'Angers^ 

aux  Juifs  au  chap.  28.  des  Nombres,  de  lui  ofTiir 
tous  les  jours  deux  Agneaux  ,  l'un  au  matin  &  l'au- 
tre au  foir.  Mais  comme  la  condition  de  la  vie  mor* 
telle  ne  permet  pas  aux  hommes  de  tenir  leur  efpric 
continuellement  appliqué  à  confîdérer  les  bienfaits 
de  Dieu  ,  à  lui  en  rendre  fans  cefTe  des  adions  de 
grâces ,  tandis  que  l'ame  efl  unie  au  corps  qui  lap- 
pélàntit  &  la  rabailTe  vers  les  chofes  de  la  terre  , 
Dieu  s'efl  réfervé  feulement  un  certain  jour  qu'il 
a  voulu  que  les  homimes  fandifialTent  en  louant  & 
béniffant  Ton  Nom,  par  reconnoiffance  de  fes  bien- 
faits ,  en  lui  rendant  quelques  fervices  particuliers  & 
en  s'abiîenant  des  œuvres  ferviles ,  afin  de  lui  con- 
fàcrer  ce  jour-là  tout  entier,  comme  à  l'Auteur  de 
tous  les  biens,  &  au  (buverain  Seigneur  de  toutes 
chofes. 

Les  Serviteurs  du  vrai  Dieu  dans  la  Loi  de  Na- 
ture avoient  foin  d'employer  un  certain  tems  3.  ado- 
rer la  Majeflé  de  Dieu,  à  lui  adrefTer  leurs  prières  & 
à  lui  offrir  des  Sacrifices.  Quoique  nous  ne  fçachions 
pas  quel  étoit  précifément  le  jour  que  Dieu  leur  avoit 
prefcrit  pour  s'acquitter  de  ce  devoir  ,  nous  devons 
tenir  pour  certain ,  que  Dieu  avoit  fait  fur  cela  un 
Commandement  aux  hommes  dès  le  commencement 
du  monde  ;  c'efl  pour  ceJa  que  Dieu  ,  Idrfqu'en  don- 
nant aux  Juifs  le  Décalogue  par  écrit ,  il  leur  or- 
donna de  fànftifier  le  jour  du  Sabbat,  fe  fervit  d'une 
manière  de  parler  qui  leur  m.arquoit,  que  ce  qu'il 
leur  ailoit  dire  n'étoit  qu'une  confirmation  de  ce  qui 
avoit  été  obfervé  par  Ton  ordre  fans  difcontinuation 
depuis  la  Création  du  monde,  ce  Souvenez-vous  , 
35  leur  dit-il  chap.  zo.  de  l'Exode,  de  fandifier  le 
33  jour  du  Sabbat  ^j  ^.  Cette  exprefîlon  devoit  en  ou- 
tre leur  faire  comprendre  l'importance  du  Comman- 
dement queDieu  leurfaifoit;  car  les  hommes  ont  coU' 
tume  de  fe  fervir  de  pareils  term.es  quand  ils  com- 
mandent à  leurs  (èrviteurs  quelque  chofe  fore  impor-. 
tante. 

Il  efl  trop  jufle  que  nous   employions  au  moins 

«  Mémento  ut  diem  Sabbati  fan^ificc;* 


fur  les  Coînmandeinens  de  Dieu,     535) 

un  jour  par  chaque  femaine  au  fervice  de  Dieu  ,  pouf 
lui  rendre  grâces  des  bienfaits  que  nous  avons  rec^îis  de 
lui,  &  que  nous  recevons  continuellement  de  fa  bon- 
té ;  ces  bienfaits  furpaffent  infiniment  toute  la  recon- 
noiiïance  que  nous  lui  en  pouvons  marquer,  ils  ne 
nous  font  dûs  en  aucune  manière  &  nous  en  fommes 
indignes  ;  pour  la  reconnoiifance ,  eik  lui  efi:  due  ,  & 
il  la  mérite  par  plufîeurs  titres. 

Dieu  aime  lîngulicrement  la  gratitude  &  la  re- 
connoifTance,  il  veut  mcme  que  nous  lui  rendions 
grâces  en  toutes  chofes.  Saint  Paul  nous  en  avertit 
dans  la  première  Epitre  aux  Theiïaloniciens  chap. 
5.  ^.  Cependant  les  hommes  négligent  de  s'acquitter 
d'un  devoir  fi  effentiel  ;  à  peine  s  entretiennent-ils  des 
bienfaits  de  Dieu  ,  à  peine  en  confiderent-ils  la  gran- 
deur, à  peine  en  connoifTent-ils  ti  multitude,  quoique 
Dieu  de  toute  éternité  n'ait  jamais  cefTé  de  penfèr  à 
eux  &  de  leur  vouloir  le  bien  qu'il  leur  fait  dans  le 
tems. 

Il  efl  donc  trop  juflc  que  les  Chrétiens  que  Dieu 
a  favorifés  de  (es  lumières  plus  que  les  autres  hom- 
mes, s'occupent  au  moins  pendant  un  jour  de  la  fe- 
maine à  repaiïer  dans  leur  efprit  les  bienfaits  qu'ils 
ont  reçus  de  Dieu,  fbit  immédiatement  de  lui ,  Coiz 
par  Tentremife  des  créatures  ;  à  lui  en  témoigner 
leur  reconnoiffance  par  des  Temercimens  réitérés  , 
a  faire  retourner  à  lui  la  gloire  de  tous  (es  dons  en 
publiant  (es  louanges.  Il  efl:  honteux  qu'ils  deman- 
dent (ans  cefTe  à  Dieu  ce  qu'ils  n'ont  pas  ,  &  qu'ils* 
ne  lui  rendent  prelque  jamais  grâces  de  ce  qu'ils 
ont  reçu  de  lui  ,  comme  s'ils  avoient  entièrement 
oublié  Tes  bienfaits  ,  ou  qu'ils  Ce  les  attribuafTent  à 
eux-mcmes.  C'efl  pourtant  un  des  péchés  ordinaires 
des  Chrétiens  dont  peu  s'accufent.  Si  leur  recon- 
noiflance  étoit  véritable  ,  fincere  &  vive  ,  ils  fe- 
roient  des  Fêtes  particulières  à  divers  jours  de  l'an- 
née en  adion  de  grâces  de  certains  bienfaits  diC- 
tingués  ,   dont  ils   auroient  été  plus  touchés.  Dans 


t  In  omnibus  grattas  agite  ,  hxc  cft  enim  voluatas  Dci  in 

Chfifto  Jcfu, 


Pij 


34^  Conférences    d'Angers  i 

cet  efprit  les  âmes  pieufes  célèbrent  le  jour  de  leur 
Baptême ,  celui  de  leur  première  Communion ,  ce- 
lui de  leur  Ordination ,  celui  de  leur  profeffion  Re- 
iigieuie. 

Dieu  s'ctoit  rélervé  ,  chap.  20.  de  l'Exode  ,  le  Sa- 
medi qui  ell  le  feptieme  jour  de  la  femaine ,  com- 
me un  figne  &  un  monument  qui  fit  fouvenir  les 
Juifs  qu'il  étoit  le  Créateur  de  l'Univers  ,  &  qu'il 
les  avoit  tirés  de  la  captivité  d'Egypte  ^.  Les  Juifs 
avoient  donné  à  ce  jour  le  nom  du  Sabbat,  qui  /î- 
gnifîe  repos,  en  mémoire  de  ce  que  Dieu,  après  avoir 
employé  iix  jours  à  créer  le  Monde,  fe  repofa  le 
feptieme  jour.  Se  cefîa  de  produire  de  nouvelles  Créa- 
tures ,  comme  il  efl  dit  dans  le  chap.  30.  de  l'Exo- 
de ^.  Ce  (eroit  le  Samedi  que  nous  devrions  lanc- 
rifier  û  nous  voulions  obierver  à  la  lettre  le  Com- 
mandement que  Dieu  fit  aux  Juifs  ;  mais  TEglife 
inrrruite  par  Jefus-Chrift  &  conduite  par  le  faint- 
Etpi-it  a  changé  ce  jour  en  celui  du  Dimanche;  de- 
forte  qu'au  lieu  du  dernier  jour  de  la  femiaine,  on 
fàndifie le  premier  qui  eH  appelle  le  Dimanche,  ou 
le  jour  du  Seigneur. 

La  Tradition  dont  nous  avons  quelques  rédiges 
dans  l'Ecriture  fainte  nous  apprend  que  ce  change- 
ment a  été  fait  par  les  Apôtres.  Saint  Luc,  chap, 
30.  des  A  des,  dit  quff  les  Di(x:iples  s'afTembloient 
1-e  premier  jour  de  la  femaine  pour  rompre  le  Pain. 
L'Apocre  laint  Paul  le  marque  aufli  dans  la  première 
Epitre  aux  Corinthiens  chap.  16.  Saint  Juflin  ,  (àint 
Pénis  Evèque  de  Corinthe ,  (aint  Clément  d'Alexan- 
drie ,  Tertullien  ,  faint  Cyprien  &  plufîeurs  autres 
Pères  des  premiers  fiecles,  font  des  témoins  de  cette 
Tradition ,  &  l'ufage  perpétuel  de  toutes  les  Eglifes 


C  Pndcirr  eil  feropîternurn 
inrer  u>e  &  Hlios  Ifraél  figniim- 
ique  perpermim.  Sex  cnlra  die- 
biis  tecit  Doininits  Cœ)um  & 
Terram  ,  Se  in  feptimo  ab  opc- 
rc  ccflavit.  Exod*  1 1.  Mémen- 
to qiiod  &  îpfe  fcrvisijs  in 
/Ç".gypto  ,  &  fiiixerit  te  inde  , 


Dominus  Deus  tuus  in  triar.u 
forti  &  brachio  cxtento.  Id- 
circô  pr^ecepit  tibi  ut  obfcr- 
vares  diem  Sabbati.  Deut.  j. 

d  Septimus  dies  erit  vobîs 
fandus ,  Sabbatum  Ci  rc^uics 
Domini. 


fur  les  Commandetnens  de  Dieu.  541 
du  monde  ,  la  rend  /î  certaine ,  qu'on  a  cru  qu'il 
étoit  inutile  de  s'arrcter  à  en  rappoujr  beaucoup  de 
preuves  ;  on  Ce  contentera  de  citer  les  témoignages 
de  S.  Juftin  &  de  Saint  AugulHn.  Saint  Juftin  dan> 
la  féconde  Apologie  pour  les  Chrétiens ,  rapporte 
vers  la  fin  ,  que  tous  les  Fidèles  qui  demeuroient 
dans  les  Villes  ou  à  la  Campagne,  s'afTembloient 
le  jour  du  Soleil  en  un  même  lieu  ;  on  y  lilbit  les 
Ecrits  des  Anotres  &  des  Prophètes ,  autant  que  le 
tems  le  pernîettoit;  la  ledure  étant  finie,  celui  qui 
prcfidoit  à  l'AfTemblée  faifoit  un  difcours  pour  ex- 
horter ceux  qui  étoient  préfens  à  pratiquer  ce  qu'ils 
venoient  d'entendre  lire;  enfuite  on  le  levoit  pour 
prier.  Après  la  Prière,  on  offroit  le  pain,  le  vin  & 
l'eau.  Après  la  confécration  celui  qui  prélidoit  oflroit 
à  Dieu  des  prières  &  des  avions  de  grâces  ;  le  peu- 
ple répondoit ,  Amen  :  Enfuite  on  diftribuoit  aux  Fi- 
dèles ce  qui  avoit  été  contâcré  ,,  &  on  en  envoyoïcaux 
abfens  par  des  Diacres;  chacun,  avant  que  de  fe  ré- 
parer ,  contribuoit  félon  fes  facultés  ,  pour  aflifler  les 
orphelins,  les  veuves,  les  pauvres,  &  pour  délivrer 
les  prifonniers.  On  avoit  choifi  le  jour  du  Soleil,  dit 
ce  Père,  parce  que  c'ell  le  premier  jour  de  la  Création 
du  Monde  &  celui  de  la  Réfurreèlion  de  Jefus-Chriil: 
Notre  Sauveur. 

Saint  Augullin  ,  dans  le  ch.  t  3.  de  la  lettre  1 19.  à 
Januarius,  qui  efl  la  55.  de  l'Edition  des  Pères  Béné- 
dictins, nous  apprend  que  l'ulàge  de  (blemnirèr  le  Di- 
manche a  commencé  parmi  les  Chrétiens  le  jour  de  la 
Rc(iirre<5^ion  de  Notre-Seigneur  ^. 

La  rai  (on  que  l'Eglifè  a  eu  pour  transférer  au  Di- 
manche robfervation  du  i»)urdu  Sabbat ,  eft  que  le  jour 
du  Dimanche  eft  celui  où  Dieu  a  fait  tout  ce  qu'il  y 
a  de  plus  grand  &  de  plus  remarquable  dans  fes  ou- 
vrages. 

I.  C'efl  le  jour  du  Dimanche  que  Jefiis-Chrift  ed 
rélulcité ,  &  que  par-là  il  a  commencé  à  entrer  dans  le 
repos  éternel  après  avoir  conlomméfouvrage  de  notre 

e    Dics    tamen   Dominiciis  J  ratu'?   efl ,  &    ex  illo    haberc 
non   Jiidacis ,  fcJ    Clinltiaiiis     cœpit  fcAlvitatcm  Ti:  im, 
kefurieâionc  Domini  dvcla 

P  iij 


*54^  Conférences  d^ Angers , 

Rédemption  par  fa  mort ,  d'où  vient  que  VEgliCe  non» 
excite  à  nous  réjouir  en  ce  (aint  jour  ^. 

2.  Ceil  le  Dimanche  que  le  S.  Efprit  defcendit  fur 
les  Apôtres  le  jour  de  la  Pentecôte. 

3.  Cefl  le  premier  jour  delà  fèmaine  que  Dieu  a 
commencé  l'ouvrage  de  la  Création  du  Monde. 

4.  C'eft  le  jour  du  Dimanche  que  Jeius-ChriH 
donna  aux  Apôtres  le  faint-Efprit ,  avec  le  pouvoir 
de  remettre  les  péchés.  Saint  Léon  le  Grand  rap- 
porte ces  raifbns  dans  la  lettre  81.  à  Diofcore  ch. 
premier.  Qua  dies  ,  tamis  divmarum  difpofnionum 
myjîeriis  ejl  confier ata ,  ut  quidquid  ejî  à  Domino  in~ 
jignius  conjîitutum  ,  in  hujtis  diei  dignitate  fit  gejîum^ 
In  hac  mundtts  fumpjit  exordiiim.  In  hac  per  Rejurrec- 
.tionem  Ckrijîi  ^  mors  interitum ,  &  vita  accepit  ini- 
tium.  In  hac  Apojîoîi  a  Domino  pradicandi  omnibus 
gcntibus  Evangelii  tubam  fumant 3  &  inferendum  uni" 
•verfo  mundo  facramentum  regenerationis-  accipiunt.  In 
hac  ficut  B.  Joannes  Evangelijia  tefiatur ,  congregatis 
in  unum  Difcipulis ,  janiiis  cîaitjis,  cum  ad  ect  Do^ 
minus  introïjfet  y  infu^^avit  ù"  disit  :  Accipte  fpirituin 
fûn6ium  ;  quorum  remîfiritis  peccata ,  rcmittuntur  eis  : 
quorum  detinueriîis ,  detenta  eruru.  In  hac  denique  prc- 
Tnijjïîs  a  Domino  Apojlolis  Spiritus  fanCius  advsnit, 
Tiunc  LXI, 

Le  précepte  que  Dieu  avoit  fiiit  aux  Juifs  de  fànc- 
tifîcr  le  Sabbat ,  avoit  cela  de  particulier  entre  les 
autres  Commandem.ens  du  Décalogue,  qu'il  ne  re- 
gardoit  pas  (eulement  les  moeurs  des  hommes,  mais 
au  (Il  les  cérémonies  de  la  Loi  Judaïque.  C'étoit  un 
précepte  cérémonial  de  cette  Loi ,  quant  à  la  cir- 
ccnftance  du  feptieme  jour ,  en  tant  qu'il  ordonnoit 
qu'on  s'abllint  ce  jour-là  des  œuvres  ferviles  peur 
vacquer  au  fervice  de  Dieu.  C'étoit  un  précepte  m.o- 
ral  quant  à  la  lubftance  ,  en  tant  qu'il  commandoit 
qu'on  employât  un  jour  à  contempler  les  bienfaits 
Je  Dieu ,  a  lui  en  rendre  grâces ,  à  le  louer ,  à  le 
prier.  L'obligation  d'obferver  ce  Commandement , 
entant  qu'il  étoit  cérémonial,  ne  regardoit  que  les. 

/  Haec  dics.  quam  fecit  Dominus  ,  exultemus  &  lïtemur  in  ea. 


fur  les  CoîTiman démens  de  Dieu,     343 

Juifs  &  elle  a  cefTc  avec  la  Loi  ;  car  ce  précepte 
en  ce  Cens  croit  de  droit  poHtif ,  mais  ce  précepte 
fab/ille  quant  à  (îi  fubftance  qui  regarde  les  mœurs , 
parce  qu'en  ce  fens  ,  il  eft  du  droit  naturel  qui  ne 
peut  être  change,  &  qui  doit  durer  toujours.  Ainfi 
les  Chrétiens  font  indifpenfablement  obligés  de  l'ob- 
ferver  ,  non  parce  qu'il  a  été  prefcrit  par  la  Loi  de 
Moife,  mais  parce  que  la  Loi  naturelle  qui  eft  gra- 
vée dans  le  ca-ur  de  l'homme,  nous  l'enfeigne  &  nous 
engage  à  robferver.  La  nature  nous  apprend  égale- 
ment qu'il  fùut  conlacrer  quelque  tems  au  culte  de 
Dieu  pour  procurer  le  llilut  éternel  à  notre  ame ,  com- 
me elle  nous  infpire  d'er  employer  pour  foigner  &eii- 
rretcnir  notre  corps.  Aufll  il  n'y  a  jamais  eu  de  Nation, 
quelque  barbare  qu'elle  fiit,  qui  n*ait  célébré  des  fêtes 
en  l'honneur  de  les  Dieux. 

Quant  à  l'obligation  d'employer  le  jour  du  Diman- 
che au  culte  de  Dieu ,  au  lieu  au  jour  du  Sai>bat  qui  y 
ttoit  dédié  par  la  Loi  de  iMoyfe,  elle  eft  de  droit  Ec- 
cléiiaftique,  puifque  c'eft  l'Eglife  qu-i  a  fait  cette  tranf^ 
lation. 


II.     QUESTION. 

L'Eglife  a-î-elle  le  pouvoir  d'injlituer  des  Fêtes , 
^  ejl'on  obligé  de  les  ohferver  f 

IL  eft  certain  que  les  Juifs  célébroient  par  Tor- 
dre de  Dieu  dans  le  cours  de  l'année  ,  des  jours 
de  Fêtes,  auxquels  il  étoit  défendu  de  travailler, 
comme  au  jour  du  Sabbat.  Mo  y  le  en  avoit  fait  un 
catalogue ,  ch.  15.  du  Lévitique.  Depuis,  la  Synago- 
gue en  inftitua  d'autres.  Nous  voyons,  chap.  16.  du 
livre  de  Judith ,  une  Fête  établie  en  mémoire  de  la 
vidoire  remportée  (lir  Holopherne  :  chap.  4.  du  i, 
livre  des  Machabées ,  une  autre  en  mémoire  de  la 
Dédicace  de  l'Autel  des  Holocauft.es ,  &  dans  le  ch»- 


344  Conférences   (T Angers , 

1 5.  du  livre  2.  des  Machabées ,  une  troi/Ieme  en  mé- 
moire de  la  vidoire  remportée  (ùr  Nicanor  par  Judas 
Machabée, 

Si  la  Synagogue  des  Juifs  a  eu  le  pouvoir  à'inC- 
tituer  des  Fêtes  qu'on  obfèrvoit  religieufement  com- 
me le  jour  du  Sabbat,  FEglife  de  Jefus-Chrift  l'a  à 
plus  forte  raifbn;  car  elle  ne  manque  d'aucun  pouvoir 
nécefTaire  pour  le  gouvernement  des  Fidèles ,  puiP 
que  Jedis-Chrift  a  envoyé  fès  Apôtres  comme  Ton 
Père  l'avoit  envoyé,  ainii  qu'il  le  dit  chap.  zo.  de 
S.  Jean. 

L'Eglife  a  mis  en  ufâge  ce  pouvoir  dès  le  tems 
d&s  Apôtres,  ayant  célébré  des  Fêtes  pour  révérer  les 
principaux  Myrteres  de  la  Religion  chrétienne ,  com.- 
jne  font  la  NaiJJance  du  Sauveur  ,  fa  Fajjion,  fa  Ré- 
furreÛion,  fin  Afcenfiouj  la  defceme  du  5.  Efprit  fur 
les  Apôtres.  Outre  ces  Fêtes  que  S.  Auguflin  dans  les 
lettres  II 8.  &  11 5».  qui  font  Ja  54,  &  la  5f.de  l'Edi- 
tion des  Bénédidins ,  eflime  être  de  Tradition  Apo/îo- 
Hque  ;  on  en  a  inftitué  d'autres  en  i'Iionneur  de  la  Sahite 
Trinité,  de  la  Circoncifion  de  Noire  Seio^^eur^  de  fa  Vré- 
fentaiion  au  Temple,  de  V Epiphanie.  L'Eglifè  en  éta- 
blifïànt  ces  Fêtes ,  a  eu  non-fèulement  defîein  d'hono- 
rer ces  Myfteres,  mais  encore  d'en  inflruire  les  Fidè- 
les ,  &  de  les  rappeller  en  leur  mémoire ,  afin  de  les; 
porter  à  rendre  grâces  à  Dieu  de  tout  ce  qu'il  a  fait 
pour  eux. 

Dans  la  fuite  des  tems  l'Eglifè  a  aufTi  établi  des  Fêtes 
en  1  honneur  de  la  Sainte  Vierge -^  des.  Anges,  des  Apû- 
tres,  des  Martyrs,  des  Confejfcurs ,  des  Vierges ,  &  en 
mémoire  de  la  Dédicace  des  Eglifes. 

Quoiqu'on  dite  que  l'Eglife  célèbre  des  Fêtes  en 
l'honneur  des  Saints ,  elle  penlè  plutôt  à  honorer 
Dieu  que  les  Saints  dans  ces  folemnités  ;  car  la  fin 
qu'elle  Ce  propolè  en  renouvellant  la  mémoire  des 
Maints ,  eft  de  reconnoître  la  bonté  de  Dieu  qui  a 
comblé  les  Saints  de  Ces  dons  ;  de  louer  &  admirer 
la  puiiTance  qui  les  a  fait  triompher  du  Démon  Se 
du  Monde  ,  &  leur  a  fait  faire  tant  de  Miracles  ; 
de  rendre  des  adions  de  grâces  à  Dieu  de  tous  les 
bienfaits  que  les  hoiimies  reçoivent  de  lui  par  l'in^ 


far  Us  Commanâemçns  de  Dieu»     3 45* 

terceffion  des  Saints  •*.  Comme  auflTi  elle  fè  propofe 
d'engager  les  Chrétiens  à  imiter  la  pureté  de  vie 
des  Saints ,  la  fainteté  de  leurs  mœurs  3c  la  fermeté 
de  leur  foi  pour  pouvoir  plaire  à  Dieu.  Ce  qui  a  fait 
dire  à  S.  AuguHin,  que  les  Fctes  qu'on  folemnife  en 
l'honneur  des  Martyrs  (ont  autant  d'exhortations  au 
]\lartyre  ^. 

Si  on  veut  Ravoir  quand  &  par  qui  les  Fctes  qu'on 
célèbre  dans  TEglife  ont  été  instituées ,  il  faut  conful- 
terics  Hiiioricns  Ecclc/iaftiques,  le^  Légendes  &le  li- 
vre du  Père  Thomafhn  fur  les  Fctes. 

L'Eglife  de  Smyrnc  dans  la  lettre  aux  Eglilcs  du 
Pont ,  rapportée  par  Eufébe  liv.  4.  de  rHiftoire  Ec- 
cléllaiîique,  après  avoir  décrit  le  martyre  de  laine 
Policarpc,  nous  aiïlire  qu'on  devoit  célébrer  la  Fête 
de  ce  jMartyr,  tant  pour  inflruire  les  Chrétiens  des 
fîecles  fuivans  de  f<\  conilance  ,  que  pour  les  affer- 
mir dans  la  Foi.  Saint  Cypricn  lettres  34.  ôc  37.  nou> 
apprend  qu'on  célébroit  l'anniverlàire  du  jour  de  la 
mort  des  iVIartyrs.  On  trouve  marqué  dans  un  ancien 
Calendrier  de  i'Fglife  d'Afrique,  que  le  Père  I\Iabil- 
lon  a  donné  au  Public,  tome  3.  de  fes  Analedes,  plu- 
/îeurs  Fctes  deMart)rs  d'Afrique  &  des  làints  Evéques 
qui  en  avoient  gouverné  les  Kgli(es.  Nous  avons  auflî 
dans  le  Concile  dcMayence  de  l'année  813.  Can.  35. 
le  premier  livre  des  Capitulaires  de  nos  Rois  ,  chap. 
1^4.  le  livre  6.  des  mcmes  Capitulaires  ,  chap.  j86, 
&  le  chap.  Conqii.^Jliis  de  Fariis ,  qui  e(l  de  Grégoi- 
re IX.  des  tables  des  Fctes  qu'on  avoit  coutume  de 
fêter. 

Entre  les  Fcres  des  Saints  qu'on  obferve  dans  l'E- 
glife ,  il  y  en  a  qui  ont  été  inflituées  ou  reçues  par 
toute  l'Eglifê ,  (bit  pour  une  coutume  générale ,  (ôi^c 


a  Ciimapud  San,5lor'nn  Mar- 
tymm  iiicinnrias  i>;icril'cium 
offeratur  D'  o  ,  qui  tos  ik  ho- 
mines  &  Martyres  tccit  <^  f^xn- 
{k\s  Tiiis  Angclis  coclclli  ho- 
nore fociavit  ,  ui  câ  celcbri- 
tate  lZ  Dco  vero  de  ilicmni 
gracias  agamus  ;  <^  nos  ad  imi- , 


tatîonem  talîum  coronarum  ax- 
'jiic  palmiriim  codcm  invocaro 
iii  auxiliiim  ex  eoruna  mcruo- 
r's  renovatione  adhorteaiur» 
Wuço  de  Civir.  Del ,  c .  27. 

b  Solenuiitates  Ma:  tymm  ex' 
horuùoncsfunt  N'attjrioruou 


54^  Conférences   d^ Angers , 

par  des  Ordonnances  des  Papes ,  ou  des  Concile? 
généraux.  D'autres  ont  été  établies  par  des  Conci- 
les Nationaux  ou  Provinciaux  pour  être  obfèrvées 
dans  les  Royaumes  ou  Provinces  dont  étoient  les 
Evéques  de  ces  Conciles.  D'autres  ont  été  com- 
mandées par  les  Evéques.  Le  fàint  Efprit  les  ayant 
établis  pour  conduire  leur  troupeau,  comme  le  dit 
làint  Paul  chap.  20.  des  Ades,  c'efl  à  eux  qu'il  ap- 
partient de  régler  la  manière  &  le  tems  du  Service 
divin  :  ainfî  ils  peuvent  ordonner  les  Fêtes  qu'ils  ju- 
gent à  propos  d'établir  dans  leurs  Diocefes.  Enfin  d'au- 
tres ont  été  introduites  inlenfibiement  par  la  dévotion 
des  Fidèles  qui  fe  font  accoutumés  à  les  fblemnifer  du 
coHientement  des  Evéques,  nmis  fans  aucun  précepte 
ni  flatuts  fynodaux.  Il  faut  làndifier  les  unes  &  les  au- 
tres. 

I.  On  elî  obligé  de  fêter  celles  qui  (ont  reçues  dans- 
toute  i'Egliie  :  parce  que  nous  devons  lui  obéir,  Jefùs- 
Chriil  ayiint  dit  en  faint  Luc  chap.  10.  à  les  Apôtres 
qui  reprérèntoient  i'Eglife  :  Qui  vous  écoute  ^  m'écoute  ; 
^  qui  vous  méprife ,  me  méprife  ;  &  en  S.  Matthieu 
chap.  18.  que  celui  qui  n'écoute  pas  I'Eglife,  doit  être  re- 
gardé comme  un  Payen  Ô"  un  Publicain. 

Z:  On  doit  fêter  les  Fêtes  qui  font  ordonnées  par  les. 
Evéques  ;  car  on  doit ,  dans  leurs  Diocefès ,  fe  confor- 
mer à  ce  qui  eft  établi  &  réglé  par  eux ,  touchant  le 
Service  divin.  Grégoire  ÎX.  ch.  Conquœfrus  de  Feriisj 
îe  dit  nommément  des  Fêtes.  Le  Concile  de  Trente, 
feff,  25.  des  Réguliers,  au  chap.  ii.  veut  que  ceux  qui 
fe  prétendent  exempts  de  la  jurifdidion  des  Evéques , 
gardent  les  Fêtes  que  les  Prélats  commandent  de  feteir 
dans  leurs  Diccefès  '^.. 

3.  On  doit  fêter  les  Fêtes  que  les  Eglifes  parti- 
«ulieres  oii  l'on  fe  trouve  obfêrvent  par  une  ancien- 
ne coutume  qui  a  prelcrit ,  parce  que  la  coutume  a 
iorce  de  loi  dans  les  chofes  qui  regardent  la  difci- 
pline ,  &  qu'il  faut  garder  l'uniformité  de  la  difcipUne 
igour  ne  pas  fcandalifer  les  Fidèles. 

c  Ur  'lies  Fefti  qnos  in  Diœ-  1  nibus ,  etiani  Reg^ularibus  fe;?^ 
«edî  fûa-  fervandos  Epifcopus      vcntur» 
i[\/«çtpeiit  j  ah.  £»en>£>«5  ça-  I 


fur  les  Commandemens  de  Dieu»      347' 

On  ne  doit  faire  aucune  différence  entre  Tobliga- 
tîon  de  {anftiiîer  les  Fctes  &  robligatlon  de  (àndifier 
les  Dimanches.  Les  Papes  6^  les  Conciles  n'y  en  font 


dans  la  loi  qu'Eufebe,  liv.  4.  de  la  vie  de  Conllantin , 
rapporte  avoir  été  faite  fur  ce  fujet  par  cet  Empereur. 
Nous  le  voyons  aufli  dans  l'Ordonnance  de  Childe- 
bert  Roi  de  France,  de  l'année  554.  dont  le  Père  Sir- 
mond  a  fiit  imprimer  quelques  Articles,  au  Tome 
premier  des  Conciles  de  France  page  300.  Ces  Princes 
enjoignent  également  à  leurs  (ujets  de  célébrer  avec 
honneur  les  Dimanches  &  les  Fctes  commandées  par 
l'Eglife. 

11  ne(i:  pas  vrai  que  le  précepte  de  la  (anftifica- 
tion  des  Fêtes  n'oblige  fur  paine  de  péché  mortel  , 
que  quand  il  y  a  lieu  de  craindre  qu'il  arrive  du 
Vandale.  Innocent  }Q.  a  condamné  cette  dodrine 
p.\r  ion  Décret  de  1675?.  où  cette  Proportion  eH  la 
51^.  Trj:c€pum  firvandi  Fejlanon  obligat  fub  mortali  , 
jipofhofcandalo  ,Jïahfu  contemptus.  Le  Clergé  de  France 
l'a  pareillement  condamnée  dans  l'AfTemblée  de  l'an- 
1700. 

Ceux  qui  ont  dans  l'Eglile  le  pouvoir  d'établir 
les  Fêtes  ,  ont  celui  de  les  retrancher  ,  quand  ils 
voyent  que  le  grand  nombre  donne  occafion  au 
dérèglement  des  mœurs,  entretient  la  fainéantife,  ou 
caufe  un  grand  dommage  aux  per(bnnes  qui  ont  be- 
Ibin  de  travailler ,  pour  pourvoir  à  leur  (ubiiftance  Se 
à  celle  de  leur  famille.  On  n'éprouve  que  trop  que 
dans  ces  jours  il  (e  commet  plus  de  péchés  que 
dans  les  autres.  La  corruption  du  fiecle  ell  fi  gran- 
de que  plufieurs  pajfTent  ces  Hiints  jours  dans  les  jeux, 
les  danfes  &  la  débauche ,  loin  de  les  employer  à  des 
exercices  de  piété  :  d'où  les  Luthériens  ,  comme 
nous  l'apprenons  par  les  Lettres  d'Erafme,  prenoient 
(ujet  de  dire  que  les  Fctes  des  Saints  étoient  de 
l'invention  des  gens  oififs  &  dc-bauchés.  Ce  qui  fai- 
foit  fbuhaiter  a  Claude  de  Seiffel  Archevêque  de  Tu- 
TÎn,  qu'on  retranciîât  pluiîeurs  Fêtes  dans  l'Eglife, 

Pvj 


548  Conférences   d'Angers  j 

comme  il  le    témoigne  en   Ton  Traité    contre    Îe5 
Vaudois. 

Pour  remédier  à  cet  abus  &  arrêter  les  plaintes  des 
peuples  d'Allemagne ,   le  Cardinal  Campege  Légat 
de  Clément  VII.  en  Allemagne ,  convint  dans  VAC- 
lemblée  tenue  àRatisbonne  le  7.  Juillet  de  l'an  16^4, 
que  les  Fêtes  feroient  réduites   à  un  petit  nombre  , 
dont  il  fut  fait  un  catalogue.  En  l'an  1518.  le  Concile 
de  Bourges  ordonna  que  les  Evéques  de  la  Province 
retrancheroient  le  nombre  des  Fêtes  ,  félon  qu'ils  le 
jugeroient  à  propos.  Celui  de  Trêves  de  l'an    1545". 
le  diminua  confidérablement  par  l'article  10.  de  fes 
Conflitutions  '^.  Celui  de  Cambray  de  Fan  1565.  tit. 
6.  ch.  1 1.  enjoignit  aux  Eveques  d'examiner  s'il  étoit 
expédient  de  retrancher  des  Fêtes  dans  leur  Diocefè 
à  caufè  de  la  diflolution  du  bas  peuple.  Le  Concile 
de  Bordeaux  de  l'an  1583.  recommanda  aux  Evêques 
d'avoir  Coin  de  réduire  les  Fêtes  au-  plus  petit  nombre 
qu'ils  pourroient  ^.  Le  Cardinal  d'OlTat  nous  apprend , 
2®.  lettre  de  la  féconde  partie ,  qui  eil  du  18.  Janvier 
î55»5).  que  le  Roi  Henri  IV.  avoit  fait  demander  au 
Pape  la  diminution  des  Fêtes  ;  mais  que  le  Pape  avoit 
renvoyé  l'affaire  aux  Evêques,  chacun  en  (on  Dio- 
cefè. Plufieurs  fàints  Evêques  en  ont  fait   dans  ces 
derniers    tems  un  retrancliement  canfidérable    dans 
leurs  Diocefès.  Urbain  VIII.  dans  une  Conftitution 
qu'il  fit  publier  en  l'année  1641.  en  fupprima  beau- 
coup fur  les  remontrances  qui  lui  avoient  été  faites 
par  plufieurs  Evêques  de  diflérens  pays,  &  les  exhorta 
à  s'abflenir   d'en    inflituer  de  nouvelles.   Ceux    qui 
agifTent  par  des  fentimens  d'une  véritable  dévotion 
&  d'une  folide  piété,   bien  loin  d'écouter  les  fuggef^ 
.tiens  d'un  zeie  indifcret,  obéiffent  avec  refpeftaux  or- 
donnances que  les  Evêques  font  pour  ce  retranche- 
ment. Louis  XIV.  par  fonEdit  du  mois  d'Avril  de  l'an 


d  Operge  pretium  nobis  vî- 
fura  eft  ,  Feftorum  numerum 
crntrahere  quo  &  etFrsnes  co- 
trcf-antur ,  &  ali  luid  detur  ne- 
celficati  paiipemm. 

t  JÊfifcopi  ia  fua   fînguli 


Synodo, habita  nofîrorum  tem- 
portim  ratione  ,  diCs  fc-lios  ftia- 
ruin  Diœcefiitn  ad  pauciortn-i 
niimerurn  ,  quoad  potetunttc-r 
ducere  cuiabum. 


fur  les  Comman démens  de  Dieu.      549' 

169^,  concernant  la  Jurifdiclion  Ecclcfîaftique,  a  en- 
joint, art.  i8.  à  fes  Courb.  de  tenir  la  main  à  l'éxecu- 
tion de  ces  Ordonnances. 

A  l'occafion  de  cet  Edit  nous  remarquerons  que  les 
deux  Puiflànces  doivent  concourir  pour  rétablilTemerLC 
&  le  retranchement  des  Fctes  :  il  eft  marqué  dans  1* 
Canon  Fronumiundîtm  ^  diftind.  3.  de  Confecratione ,  Se 
dans  le  ch.  Conqiuejlus ^  de  Feriis ,  qu'elles  doivent  être 
inftituces  de  l'avis  &  confentement  du  Clergé  &  d\i 
Peuple;  où  par  le  mot  du  Peuple  on  entend  la  Puif- 
(ànce  féculiere.  Sclemnitatibus  quas,  (dit  le  ch.  Cok- 
qua:j}us)  jinguli  Epifcopi  infiiisDiœcefibus  cttm  Clero  ù' 
Tcpulo  duxcrin: ,  jolemniter  lenerandas.  La  railon  eR  , 
qu'il  y  a  quelque  chofe  de  temporel  dans  l'inftitutiofi 
des  Fêtes,  à  caufe  de  la  ceflàtion  de  la  Juftice  &  da 
travail  manuel.  Si  les  Fctes  (ont  inûimées  parles  deux 
PuiiTances,  il  faut  auPn  qu^eiles  concourent  enlêmble 
pour  les  retrancher  ;  c'efl  pourquoi  l'art.  18.  de  l'Edit 
de  1^5)5.  porte  que  les  ordonnances  que  les  Evéques 
feront  pour  établir  oufiipprimer  des  Fctes,  feront  prc- 
fèntées  au  Roi  pour  être  autorifees  par  (es  Letttes  Pa- 
tentes. Cela  fe  pratiquoit  avant  cet  Edit  ;  nous  en 
pourrions  apporter  pour  preuves  un  Arrêt  du  Parle- 
ment de  Paris  du  premier  Décembre  1666.  qui  a  or- 
donné 1  enrc  gifîrement  d'une  Lettre  de  cachet  que  le 
Roi  lui  avoit  écrite,  pour  appuyer  le  retranchement 
des  Fêtes  dans  le  Diocefe  de  Paris,  que  M.  de  Pere- 
lîxe  avoit  fait  par  Ton  Mandement  du  10,  Odobre  de 
la  méiue  année. 


fk.^ 


2^0  Conférences   £  Angers , 

III.    QUESTION. 

^uejl'ce  qu'il  faut  faire  pour  fanElifier  lu 
Dimanches  Gr  les  Fêtes .? 

E  Commandement  de  fandifier  le  Sabbat  ren- 
fermoit  une  défenfe  de  vaquer  pendant  ce  jour 
aux  œuvres  (èrviles  &'aux  affaires  temporelles.  Elle 
eu  marquée  par  ces  paroles  du  lo^.  chap.  de  l'Exode  : 
Le  feptieme  jour  eu.  le  jour  du  repos  conlacré  au  Sei- 
gneur votre  Dieu  :  Vous  ne  ferez,  en  ce  jour  aucun 
ouvrage  ^.  Il  ordonnoit  aulTi  de  s'occuper  à  des  exer- 
cices de  religion  &  de  piété ,  c'eft-à-dire ,  à  ce  qui 
regarde  le  culte  &  le  fervice  de  Dieu.  Ce  qui  eft 
lignifié  par  ces  autres  paroles,  Souvenez-vous  de 
fànélifer  le  jour  du  Sabbat  ^.  Le  Comm.andement 
de  fandifier  le  Dimanche ,  qui  eft  le  même  précepte  ,• 
exige  donc  de  nous,  que  nous  nous  repofions  ce 
jour-là  ,  nous  abftenant  du  travail  corporel  pour  éle- 
ver notre  ame  à  Dieu  &  l'appliquer  à  (on  fèrvice  , 
afin  de  lui  rendre  de  corps  &  d'efprit  le  culte  qui  lui- 
elî  dû,  comme  étant  l'unique  vrai  Dieu,  &  de  lui 
faire  les  hommages  qu'il  a  droit  de  demander  de 
nous  ,  com^me  le  (buverain  Seigneur  de  toutes  les 
créatures. 

Il  étoit  nécefiaire  que  Dieu  défendit  de  travailler  le 
jour  du  Dimanche,  parce  que  le  travail  des  mains  efl: 
incompatible  avec  ce  qu'il  exige  des  hommes  ce  iour- 
îâ  ;  mais  ce  n'eil:  pas  affez.  pour  s'acquitter  de  ce  Com- 
mandement, de  ceffer  de  travailler,  il  fimt  encore 
faire  des  ades  intérieurs  &  extérieurs  de  religion  :  la 
ceffation  du  travail  n'ayant  été  ordonnée  que  comme 
■un  moyen  pour  arriver  à  une  fin  plus  noble ,  qui  efl- 
d'honorer  Dieu, 


n  Septimo  aiitem  die  Sabba- 
tum  Don-^.ini  Dei  tui  eft  :  non 
jfeicies  cmnc  cpus  ia  €0|. 


h  Mémento  ut  diera  SabUrî 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu,      3  yr 

La  TRiCon  naturelle  nous  apprend  bien  qu'il  fauc 
adorer  Dieu  qui  efl  Fauteur  de  tous  les  biens ,  le  prier 
&  le  remercier,  mais  elle  ne  nous  dide  pas  quel  eft 
le  tems  ou  nous  fommes  tenus  de  fiitisfaire  à  ce  de- 
voir, &  comme  les  engagemens  &  les  néceffitcs  de 
cette  vie  ne  permettent  pas  d'employer  tous  les  jours 
de  la  femaine  au  culte  de  la  Majeftc  divine.  Dieu 
en  a  déterminé  un  par  chaque  femaine,  qu'il  veut 
être  principalement  conHicré  à  (on  honneur  :  or  ce 
neû  pas  confàcrer  un  jour  à  l'honneur  de  Dieu ,  que 
de  le  repofer  feulement,  il  faut  pendant  ce  jour  louer 
&:  bénir  le  Seigneur  de  cœur  &  débouche.  Auffi  Dieu, 
ch.  20.  de  l'Exode,  &  ch.  5.  du  Deutéronome,  ne  s'eft 
pas  contenté  d'enjoindre  aux  Ifi-aélites  de  ne  faire  au- 
cune œuvre  fervile  le  fcptieme  jour  de  la  femaine;  i.l 
leur  a  encore  ordonné  de  findifier  ce  jour;  ce  qui  eût 
été  fort  inutile ,  s'il  fufïifoit  de  s'abftenir  des  œuvres 
lerviles. 

Pour  (àndifier  dignement  les  Dimanches,  on  doit 
aller  à  l'Eglife  pour  y  affifter  à  la  lyiefTe  &  aux  Vê- 
pres, y  entendre  les  Sermons  &  les  Catcchifmes  ou 
Indrudions  qui  Ce  font  ces  jours-là,  s'approcher  des 
Sacremens  de  Pénitence  &  d'Euchariilie ,  pratiquer 
des  œuvres  de  pénitence  &  de  dévotion,  pour  effa- 
cer les  (buillures  de  l'ame  qu'on  a  contradées  pen- 
dant le  cours  de  la  femaine  par  le  commerce  du  mon- 
de; s'appliquer  à  méditer  la  Loi  de  Dieu,  &  à  pen- 
fer  aux  devoirs  de  fbn  état,  afin  de  s'en  acquitter, 
s'infîruire  dans  la  Religion  ,  &  fe  remplir  l'efprit  de 
(entiment  de  piété  par  la  leiflure  des  bons  livres  :  fî 
on  efl  chef  de  famille,  s'entretenir  de  ce  qu'on  à  en- 
tendu aux  Sermons,  ou  aux  Catéchiflnes ,  ou  de  ce 
qu'on  a  lu,  ou  en  faire  rendre  compte  à  fes  enfans  Se 
à  les  ferviteurs  :  exercer  des  œuvres  de  charité  &  de 
miféricorde,  comme  vi/îter  les  malades  &  les  perfcn- 
nes  aflKgées ,  pour  les  confoler  &  les  afllfler ,  faire  des 
aumônes,  appaiferles  procès,  &  reconcilier  ceux  qui 
font  en  difcorde. 

L'Eglife  en  nous  ordonnant  de  garder  certaines 
Fêtes ,  nous  a  impofé  les  mêmes  obligations  que  cel- 
les qui  (bni  attachées  aux  jours  de  Dimanches,  car 


55*2  Conférences   d^ Angers , 

elle  ne  nous  défend  auffi  les  œuvres  ferviles  en  ces  Joiif!? 
de  Féres,  qu'afin  que  n'y  étant  point  occupés,  noxis 
foyons  en  état  de  vaquer  aux  exercices  de  piété  &  de 
religion,  que  nous  venons  de  rapporter,  qui  font  des 
moyens  pour  palTer  fàintement  ces  jours. 

Quoique  l'Eglife  ne  nous  ait  pas  fait  un  comman- 
dement exprès  de  tous  ces  exercices  de  piété  &  de 
religion,  comme  elle  nous  en  a  fait  un  d'affifter  à  la 
MefTe  ,  elle  nous  fait  pourtant  afTez  connoitre  que 
fon  intention  ed,  que  ceux  qui  ne  font  pas  légiti- 
mement empêchés ,  s'appliquent  à  ces  faintes  pra- 
tiques. Car  les  Papes  &  les  Conciles ,  quand  ils  ex- 
pliquent de  quelle  manière  on  doit  paffer  les  jours 
de  Dimanches  &  de  Fêtes ,  recommandent  aux  Fi- 
dèles de  ne  Ce  pas  contenter  de  s'abflenir  des  œuvres 
ferviles  &  d'alTifter  à  la  MefTe ,  mais  de  vaquer  à  la 
prière,  de  s'occuper  à  des  œuvres  de  piété,  de  dé- 
votion ,  de  charité ,  &  particulièrement  d'allifter  à 
Vêpres  &  à  la  Prédication  de  la  parole  de  Dieu.  En 
même  tems  ils  enjoignent  aux  Pafteurs  d'en  avertir 
les  peuples ,  &  de  les  y  exhorter  fortement.  Diebiis 
Dominicis  &  Fe/Iis  in  [uas  Parochias  populiis  couve- 
niatf  &  NJiffie ,  &  Concioni  ac  Vefperis  interft ,  dit  le 
Concile  de  Reims  de  l'an  1583.  au  titre  de  Dkbiu 
Fejlis,  Le  Pape  Nicolas  I.  chap.  10  &  11.  de  (ii  ré^ 
ponfe  aux  Bulgares,  le  Canon  Jrreligiofa^  &  le  Ca- 
non Jejunia,  de  confecr.  difl.  3,  Les  Conciles  de  Mi- 
lan, 3.  de  Tours,  de  Bordeaux,  de  Bourges,  d'Aix, 
d'Avignon  de  l'an  I55>4.  d'Aquilée,  de  I55'<5.  de  Nar- 
bonne  de  1609.  qui  ont  été  tenus  depuis  le  Concile 
de  Trente,  ont  fait  de  iemblables  ordonnancées ,  lui- 
vant  refprit  de  ce  dernier  Concile,  qui,  feffion  24, 
ch.  4.  de  la  Réformation ,  oblige  les  Payeurs  à  an- 
noncer l'Evangile  à  leurs  peuples,  &  à  les  inflruire  de 
la  Loi  de  Dieu,  &  les  peuples  à  les  entendre  au  moins 
tous  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  folemnelles  ^, 


c  Saltem  omnibus  Domini 
cîs  tk   (oltrnnibus  diebus   fef- 
tis  . .  • .  facras  vNcripcuras  ,   di- 
vJnamque  Icgeui  annuntient.... 
Montat^iue    Epifcopus   popu- 


lum  diligenter  ,  tcneri  ununv- 
cumouc  parœciae  fiix  intcrref- 
fe,iibi  coiv.niod.-  id  fieri  poteli, 
ad  audienduiïi  verbiuû  UcU 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     35*5 

Ce  Concile  avoit  déjà  fait  une  pareille  injondion  aux 
Pafteurs,  (efT.  5.  ch.  z.  de  la  Reformation,  &  avoit 
recommandé  aux  Evéques  de  punir  les  Pafteurs  qui 
négligeroienc  de  s'acquitter  de  ce  devoir.  Or  il  (eroit 
inutile  d'obliger  les  Pafteurs  à  faire  des  inllru<ftion<î 
au  peuple  à  ces  jours,  /î  le  peuple  n'ctoit  pas  obligé 
d'y  aiTîrter. 

Ain/î  quoique  ce  ne  folt  pas  un  péché  mortel  de 
manquer  les  Dimanches  &  les  Fctes  à  adifter  à  Vê- 
pres &  au  Sermon ,  ou  au  Catéchifiiie,  on  ne  peut  ex- 
cufer  de  péché  véniel  ceux  qui  y  manquent  fans  une 
excu(e  légitime  ;  à  moins  qu'ils  ne  (oient  occupés  à 
quelque  autre  œuvre  de  piété  &  de  religion  ;  car  l'on 
n'eft  pas  feulement  obligé  de  fàndifier  la  matinée  de 
ces  jours,  mais  aufTi  l'après-dinée  :  comme  le  Concile 
de  Tours  de  l'an  813.1e  marque,  Can.  40.  Die  Dcmi- 
nicâ  oponei  omnes  Chrijlianos  a  fejrvili  opère  in  lande  Dei 
Ù"  grutianim  afiione ,  ufque  ad  vefperam  perfeverare. 
Comme  l'on  (îindifie  la  matinée  les  Dimanches  &  les 
Fêtes  en  entendant  la  MefTe,  on  fàndifie  l'aprcs-dmée 
en  alTiflant  à  Vêpres, 


IV.     QUESTION. 

EJl-on  obligé  d'entendre  la  Aïejfe  les  jours  de 

Dimanches  &*  de  Fêtes ,  Gr  comment 

la  doit-on  entendre  ? 

ON  doit  tenir  pour  certain ,  que  tous  les  Fidè- 
les qui  ont  ruHige  de  raifon,  font  obligés  par 
un  précepte  de  l'Eglile  d'entendre  la  Meife  les  Di- 
manches &  les  jours  de  Fctes  commandées  ,  quoi- 
qu'on ne  puifTe  marquer  l'origine  de  ce  précepte,  qui 
a  commencé  d'être  oblervé  acs  le  tems  des  Apôtres  ; 
puif|uc  les  Fidèles  s'afTembloient  le  premier  jour  de 
la  femaine,  qui  eil  le  Dimanche,  pour  célébrer  les 
Saints  Myfleres,  comme  il  eft  marqué,  ch.  20.  des 
Aftes ,  &  que  les  Pères  des  prémices  lîccles  le  témoi- 
gnant, 


b» 


55*4  Conférences  iTjngers, 

S.  Léon  qui  gouvernoit  l'Eglife  au  milieu  du  cin- 
quième fiecie,  nous  fait  connoître  que  ce  précepte 
etoit  en  vigueur  de  fbn  tems ,  quand,  écrivant  à  Diof^ 
core  Patriarche  d'Alexandrie,  il  dit  dans  la  lettre  8 t. 
Fonzieme  des  dernières  éditions ,  qu'il  avoit  coutume 
de  faire  célébrer  plusieurs  fois  la  Meiïe  les  jours  de  Fê- 
les (blemnelles  ;  parce  que  le  peuple  ne  pouvoit  pas  y 
affilier  tout  à  la  fois ,  ni  FEglifè  le  contenir. 

S.  Céfaire  d'Arles ,  qui  vivoit  au  commencement, 
du  fîecle  fuivant ,  reprend  fortement  dans  l'homélie 
12.  ceux  qui  n'entendoient  pas  la  MeiTe  toute  entière 
les  jours  de  Dimanches ,  &  Ibrtcient  de  TEgliie  avant 
que  le  Prêtre  eût  donné  la  bénédidion  au  peuple.  Le 
Concile  d'Agde  de  Tannée  <)06.  oli  ce  (àint  Èvêque 
préfida  ,  fit  un  Canon  pour  corriger  cette  mauvaise 
coutume,  déclarant  que  les  Laïques  étoient  obligés 
d'entendre  la  iMeffe  toute  entière  les  jours  de  Diman- 
ches ^.  Ce  Canon  eil:  rapporté  par  Gratien  ,  de  Confér- 
er adonc  ,  Diil.  T .  Can.  Mijfas.  Le  premier  Concile  d'Or- 
léans fît  en  i'anrrée  ^  1 1.  le  même  règlement  dans  le 
C^an.  i6» 

Les  Conciles  de  Bordeaux  des  années  1503.&  i6z^» 
renouveilant  ces  Canons,  ont  déclaré  que  les  Fidèles 
ctoient  obligés,  fur  peine  dépêché  mortel,  d'entendre 
la  MeiTe  les  Dimanches  &  les  jours  de  Fêtes  comman- 
dées, &"  qu'ils  ne  fatisfaifbient  pas  au  précepte  de  l'E- 
glife ,  s'ils  ne  l'entendoient  toute  entière. 

L'Eglife  a  particulièrement  ordonné  aux  Fidèles 
d'affilier  à  la  Meffe  les  Dimanches  &  les  jours  de  Fê- 
les qu'elle  veut  être  obfèrvées  comme  le  Dimanche, 
parce  que  c'eft  Tadion  la  plus  fainte  &  la  plus  utile 
que  nous  puiffions  faire  en  ces  jours ,  qui  font  con- 
làcrés  au  fervice  de  Dieu.  C'efl  par  le  Sacrifice  de  la 
Mefle  que  nous  pouvons  adorer  Dieu  auffi  parfaite- 
ment qu'il  eft  adorable ,  le  louer  autant  qu'il  efl  di- 
gne de  louanges ,  &  lui  rendre  des  aêtions  de  grâces 


a  Mi{ras  die  Dominico  à  Sx- 
ciilaribus  totas  aiidiri  »  fpecia- 
li  ordinaiione  prœcipimus  ;  ita 
m  anti  benediâionem  Sacer- 


dotîs,  egredi  populusnon  pr»- 
fumat  :  qui  lî  fecerint,  ab  Epif- 
copo  publiée  confundantur» 
Cunon  47» 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.      ^^f 

qui  répondent  à  la  grandeur  des  bienfaits  que  nous 
recevons  de  lui;  puifque  tout  ce  qui  s'y  pratique  (e 
fait  en  la  perfonne  de  Jefiis-Chrifl,  qui  eu  un  Hom* 
me-Dieu,  &  que  cet  Homme-Dieu  en  eft  le  Prêtre  & 
lavidiime.  C'ell:  pourquoi  Dieu,  pour  fupplcerà  l'im- 
perfedion  de  notre  reconnoiflance  &  à  la  foibleffe  de 
notre  gratitude,  a  voulu  qu'on  lui  offrit  le  (âcrifice  du 
Corps  &  du  Sang  de  (on  Fils  dans  fon  Eglife,  par  le 
minifîere  des  Prctres  comme  un  facrifice  d'aftionsde 
grâces ,  qui  donnât  moyen  aux  Fidèles  de  s'acquitter 
pleinement  de  ce  devoir.  Le  (àcrifice  de  la  iVlcffe  tient 
la  place  de  tous  ceux  de  l'ancienne  Loi,  qui  ne  pou- 
voient  ni  honorer  dignement  la  grandeur  de  Dieu,  ni 
fàndifier  les  âmes,  m  expier  tous  les  péchés  des  hom-^ 
mes. 

Ce  précepte  regardant  une  chofe  importante  quî 
concerne  le  culte  dû  à  Dieu  ,  il  n'y  a  pas  lieu  de 
douter  que  les  Fidèles  qui  or^  l'iifcige  de  raison ,  ne 
pèchent  mortellement ,  lorlque  pouvant  aflifter  à  la 
JVlefle  les  Dimanches  &  les  tctes  commandées ,  ils  y 
manquent,  ou  Aune  partie  confidérable ,  fans  avoir 
une  jufle  cau(e  de  s'en  d'SpenCev.  Celui  néanmoins 
qui  manqucroit  feulement  d'afTifler  (Ims  caufè  à  une 
petite  partie  de  la  Meffe,  ne  pécheroit  que  véniel- 
lement. 

Comme  il  y  a  des  occasions  où  Ton  peut  travailler 
fans  péché  les  Dimanches  &  les  Fctcs ,  il  y  en  a  aufli 
quelques-unes  où  l'on  peut  (ans  péché  Ce  difpenfer  d'af^ 
iider  à  la  Meffe  ;  mais  ces  occafîons  font  très-rares.  II 
y  a  bien  de  l'apparence  que  les  Conciles  qui  ont  parlé 
de  l'obligation  que  les  Fidèles  ont  d'affilier  à  la  Meffe, 
ont  fous-entendu,  pourvu  qu'il  n'y  eut  point  d'empc- 
cliement  légitime. 

Les  Doifleurs  ne  conviennent  pas  entre  eux  quelle 
partie  de  la  Meffe  eu.  affe/.  notable  ,  pour  rendre 
coupable  de  péché  mortel  celui  qui  y  manque.  Il  y 
en  a  qui  efliment  qu'il  n'y  a  que  péché  véniel,  n 
on  n'y  afîille  que  depuis  le  commencement  de  l'E- 
\angile  ,  ou  îi  on  fort  de  l'Eglife  immédiatement 
après  la  Communioi  du  Prêtre.  Mais  comme  l'on 
I^Q  peut  rien  dire  de  certain  fur  cela ,  il  faut  avertir- 


'^f6  Conférences    d'Angers, 

les  Fidèles  de  Ce  rendre  le  plus  diligcns  qu'ils 
peuvent,  pour  entendre  la  MefTe  dès  le  commence- 
ment ,  &  de  ne  Cotût  de  TEglife  qu'après  avoir  reçu 
la  bénédiftion  du  Prêtre.  Quant  à  ceux  qui  ne  peu- 
vent entendre  la  MefTe  entière ,  il  faut  qu'ils  y  affif- 
rent  pendant  le  plus  de  tems  qu'ils  peuvent ,  afin  de 
fatisfaire,  autant  qu'il  efl  en  eux,  au  Commandement 
de  l'Eglife. 

On  n'y  (àtisfait  pas  lorfqu'an  entend  une  partie  de 
la  MefTe  d'un  Prêtre  &  une  partie  de  la  MefTe  d'un 
autre ,  qui  célèbrent  en  même  tems.  Innocent  XI.  a 
condamné  le  fèntiment  contraire  par  fbn  Décret  de 
l'an  167^.  dans  lequel  cette  propo/îtion  eft  la  53^, 
entre  les  cenflirées.  Satisfacit  frcecepo  Eccltfice  de  au- 
diendo  Sacro ,  qui  du  as  ej  us  partes  3  imo  quamor  f/mid 
à  diverjïs  celekrantibus  audit,  lue  Clergé  de  France 
a  condamné  cette  propofition  dans  TAIlèmblée  de  l'ail 
1700. 

Quelques  Do<fl;eurs  ont  avancé  qu'on  fâtisfait  au 
précepte  de  TEglifè  ,  quand  on  aflille  à  une  partie 
de  la  MefTe  d'un  Prctre  &  à  une  partie  de  la  MefTe 
d'un  autre,  qui  célèbrent  fuccefïivement.  Autrement, 
(  difent-ils  )  celui  qui  auroit  entendu  une  partie  de 
la  MefTe  d'un  Prêtre  qui  fèroit  mort  immédiatement 
après  la  confécration ,  &  auroit  enfuite  entendu  le 
relie  de  la  MefTe  qui  auroit  été  achevée  par  un  autre 
Prêtre ,  feroit  obligé  d'entendre  une  autre  MefTe.  Ce 
raifonnement  n'eft  pas  concluant ,  puiff|ue  dans  ce 
dernier  cas  c'efl  la  même  MefTe  qui  efi  célébrée  par 
deux  diflerens  Prêtres  ;  au  lieu  que  dans  le  précédent 
il  s'agit  de  deux  MefTes  différentes.  Quoi  qu'il  en. 
foit  de  cette  opinion,  elle  ne  doit  pas  être  mife  en 
pratique. 

Il  n'y  a  nulle  obligation  d'entendre  deux  MefTes  , 
quand  une  Fête  commandée  arrive  le  Dimanche  ;  Sa 
celui  qui  manqueroit  par  fà  faute  à  entendre  la  MefTe 
ce  jour-la,  ne  commettroit  pas  deux  péchés*,  parce 
que  le  double  commandement  qui  oblige  d'entendre  la 
Mefïè  ce  jour-là,  n'efl  fait  que  par  un  même  motif  & 
n'a  qu'une  même  fin.  Il  n'y  a  point  non  plus  d'obliga- 
tion d'afîlfîer  le  jour  de  Noël  à  trois  MefTes  j  l'Eglilô 
p'en  a  fait  aucuii  commandement. 


fur  les  Commandcmens  de  Dieu.     55*7 

Celui  qui  auroit  entendu  la  MefTe  un  jour  de  Fête 
fcic'e,  (ans  avoir  eu  intention  de  (atisfaire  au  précepte 
de  J'Eglifê  ,  piirce  qu'il  ne  f^avoit  pas  ou  qu'il  n'avoit 
pas  penfc  qu'il  fut  Fcte  ce  jour-là,  n'eft  point  tenu 
d'entendre  une  féconde  fois  la  Meffe. 

Pour  Hitisfaire  au  précepte  d'entendre  la  MelTe  ,  il 
faut  aller  à  l'Eglifè ,  &  y  ctre ,  pendant  qu'on  célèbre  le 
Sacrifice,  en  un  endroit  d'où  l'on  puifTe  au  moins  par 
la  poilure  &  les  gelles  de  ceux  qui  voyent  à  l'Autel, 
s'appercevoir  des  principales  adions  que  le  Prêtre  fait 
en  célébrant;  mais  il  ne  fuffit  pas  d'afîlder  à  la  Méfie 
de  corps,  (ans  y  avoir  aucune  attention.  Celui  qui 
étant  yvre  (eroit  pré(ent  à  rEgli(e  quand  on  y  dit  la 
IMefTe,  qui  y  dormiroit,  ou  y  cauferoit  pendant  un 
t.ems  notable,  y  feroit  des  le»flurcs  profanes,  inutiles, 
curieufcs  ,  ou  leulement  par  manière  d'étude,  &  non 
par  forme  de  prières ,  ou  qui  fie  (eroit  à  l'Eglifè  que 
pour  s'y  repoler,  ou  y  attendre  quelqu'un  (ans  inten- 
tion d'entendre  la  MefTe ,  loin  de  (atisfaire  au  précepte 
de  rEgli(è,  le  violeroit. 

L'Egiife  a  tellement  en  horreur  ceux  qui  affilient 
avec  irrévérence  :i  la  MefTe,  que  le  Concile  de  Tren- 
te, lefT.  zi.  dans  le  Décret  de  obfervandis  &  evitan^ 
dis  in  celehratione MijJ'je y  dit  qu'on  ne  doit  pas  la  célé- 
brer que  les  afTiftans  ne  témoignent  par  leur  modeflie 
extérieure,  qu'ils  y  (ont  prélens  en  e(prit,  &  avec  des 
/enrlmens  de  dévotion  qui  partent  du  fond  du  cœur  ^, 
Il  faut  donc  ,  pour  répondre  aux  dcfTeins  de  l'Eglifè  , 
&  pour  entendre  (aintement  &  utilement  la  MefTe, 
l'entendre  avec  piété  &  dévotion,  c'efl-à-dire,  avec 
modeflie ,  avec  intention  d'efprit,  avec  une  crainte 
accom.pagnée  de  refpeâ: ,  avec  une  foi  droite  &  un 
coeur  contrit  &  pénitent.  Le  Catéchifme  du  Concile  de 
Trente  a  exprimé  ces  obligations  en  peu  de  mots  dans 
l'explication  du  troifieme  Commandement  du  Dcca- 
Jogue,  §»  zi,^. 


h  Nifi  prias  qui  intfrfint 
iflecenter  compofiio  corporis 
habita  Heclaravcrint  fe  mt-nte 
eihm  ac  devoto  cordis  atftclii, 
/ïon  folum  cor^ore  adcfi'e. 


c  Ut  ad  Dei  Tcmplum  ac- 
cedamus  ,  eoqiic  loco  lînceri 
piâqiieanimi  attcntioncr,  facro- 
faiKtx   MitiV  facrificio  intcc-. 


5  y  8  Co  jî/eYe  ne  es    a  Angers , 

La  meilleure  manière  d'entendre  la  MefTe  efl  de  s*iî- 
lùr  au  Prêtre ,  de  le  (uivrc  dans  les  prières  &  dans  les 
aftions  qu'il  fait,  méditant  fur  les  Myfteres  de  la  Paf- 
fîon  &  de  la  Mort  de  notre  Sauveur,  repréfèntés  dans 
la  Mefle,  qui  e(ï  une  immolation  non  ûnglante  du 
même  Jefus-Chrifl,  offert  une  fois  d'une  manière  Hm- 

fiante  flir  la  Croix,  &  faire  avec  le  Prêtre  l'oblation 
u  Corps  &  du  Sang  du  Sauveur,  pour  appaifer  Dieu > 
lui  rendre  nos  adions  de  grâces ,  l'obliger  de  nous 
continuer  fes  bienfaits  &  de  nous  remettre  nos  péchés; 
c'ell  la  fin  pour  laquelle  le  Sacrifice  de  la  MefTe  a  été 
inicitué ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit. 

Cette  manière  d'entendre  la  MefTe  efl  certainement 
la  meilleure,  puisqu'elle  eil  la  plus  conforme  à  l'el^ 
prit  de  i'Eglife ,  &  qu'elle  a  plus  de  rapport  à  la  fin 
pour  laquelle  ce  Sacrifice  a  été  înflitué.  On  peut  con^ 
îulter  Rodriguez  en  fbn  livre  de  la  Perfedion  Chré- 
tienne, z,  part,  traité  8.  chap.  15.  Ceux  qui  ne  font 
pas  capables  de  cette  application,  peuvent  lire  avec 
attention  les  mêmes  chofès  que  le  Prêtre  prononce  ) 
&:  s'ils  ne  Tcavent  point  lire,  ils  peuvent  réciter  des 
prières  vocales,  ou  dire  le  chapelet;  car  on  peut  Sa- 
tisfaire à  l'obligation  d'entendre  la  MefTe  en  récitant 
des  prières  durant  la  célébration  du  Sacrifice,  pour\-ii 
qu'on  fafTe  de  tems  en  tems  attention  aux  adions  les 
plus  remarquables  que  fait  le  Prêtre.  C'efl  même  le 
lentiment  le  plus  commun  des  Dodeurs ,  que  pendant 
la  MefTe  on  peut  dire  le  Bréviaire,  ou  des  prières  qui 
ont  été  impofées  par  un  ConfefTeur  pour  pénitence. 
La  raifbn  efl  qu'une  même  attention  (ufïit  pour  s'ac^ 
quitter  de  l'une  &  de  l'autre  obligation.  Ce  n'eil  pas 
néanmoins  la  pratique  de  ceux  qui  ont  le  plus  à  cœut 
leur  fàlut. 

Les  perfbnnes  qui  alTiflent  à  la  MefTe  avec  les  dif^ 
pofitions  intérieures  que  nous  avons  marquées  ci-def^ 
fus,  &  qui  font  attentives  à  ce  que  le  Prêtre  fait  &  dit 
dans  la  célébration  du  Sacrifice ,  fans  néanmoins  en- 
tendre ce  que  cela  /îgnifie,  fàtisfont  au  Commande- 
ment de  l'Eglife  ;  mais  pour  ceux  qui  s'occupent  vo- 
lontairement à  des  penfces  inutiles  oa  profanes ,  ou 
^ui  s'arrêteni;  à  rc^sïdçr  içs  pbjets  qui  ieur  caufçnt  des 


fur  les  Coînmandetnens  de  Dieu.     5  jp 

^iflradions,  ils  ne  (âtisfonc  pas  au  précepte  de  l'Egli- 
fe ,  fi  ces  penfces  ou  diftraftions  durent  pendant  une 
partie  coniidérable  de  la  MefTe;  &  on  ne  les  peut  ex- 
vufer  de  pcchc  mortel,  à  Jiioins  d'une  ignorance  in- 
vincible, comme  elle  pourroit  l'être  en  un  jeune  Pay- 
fan  qui  n*en  auroit  jamais  été  averti,  eu  à  qui  il  ne  1^- 
^  oit  jamais  venu  en  penféeque  cela  fut  criminel.  Si  on 
n'efl  diflrait  volontairement  que  pendant  peu  de  tems> 
le  péché  n'eft  que  véniel. 

Les  diAradions  qui  furviennent  pendant  la  MefTe, 
font  cenfées  volontaires ,  1°.  Quand  on  vient  à  la 
Meffe  ayant  l'efprit rempli  de  penfées  profanes,  fans 
faire  aucun  effort  pour  recueillir  fbn  efprit  en  l'éle- 
vant vers  Dieu ,  &  en  bannilTant  les  objets  qui  cau- 
fent  ces  penfées.  2°.  Quand  après  s'ctre  mis  dans  la 
difpofîtion  d'entendre  dévotement  la  Meffe ,  on  s'ap- 
percçoit  qu'on  a  des  penfées  profanes,  ou  qu'on  re- 
garde avec  attention  des  objets  qui  en  caufent,  & 
qu'on  veut  bien  s'entretenir  en  ces  penfées,  ou  con- 
tinuer de  regarder  ces  objets;  car  C\  on  ne  s'y  occupe 
que  par  inadvertence  ,  fans  faire  réflexion  qu'on  a 
ces  penfées,  ou  qu'on  regarde  ces  objets ,  les  dilira- 
âiions  font  cenfées  involontaires ,  pourvii  qu'on  ait 
eu  foin  de  fe  recueillir  au  commencement  de  la 
Meffe. 

Ceux  qui  s'occupent  volontairement  à  des  penfées 
inut'les  pendant  la  Meffe,  fans  appliquer  leur  efprit  à 
la  prière  ,  ne  fatisfont  pas  au  Commandement  de 
l'Eglifè,  quoiqu'ils  gardent  une  modeflie  extérieure; 
car  l'Eglifè  en  leur  commandant  d'aflifler  à  la  Meffe, 
a  intention  de  leur  commander  un  ade  de  religion  , 
&  veut  les  rendre  de  véritables  adorateurs  de  Dieu  : 
or  l'on  ne  peut  faire  un  a<5te  de  religion  fîms  atten- 
tion d'efpnt  à  ce  qu'on  fait,  &  pour  ctre  un  véritable 
adorateur  de  Dieu  ,  il  faut  l'adorer  en  efprit  &  en 
vérité.  Peut-on  croire  que  l'Eglifè  n'ordonnant  l'af^ 
fîflance  2  la  ]\Ieife  que  pour  procurer  aux  Fidèles  les 
grâces  que  Jefus-Chrld  communique  aux  âmes  par 
ce  Sacrifice,  lorfqu'elle  leur  commande  d'y  afTifler, 
ne  prérende  pas  leur  ordonner  la  manière  d'y  afllfler, 
ûnsiaquelie  ils  y  allifteroient  inutilement,  puifqu'ils 


5<^o      .    ^Conférences  d\4ngerS9 

ne  recevroient  point  du  Sacrifice  les  fruits  pour  UC- 
quels  il  a  été  inilitué  f  Celui  donc  qui  garde  feulement 
îa  modeflie  extérieure  durant  la  Meffe  fans  attention , 
ne  répond  pas  à  l'intention  de  l'Eglife,  &  eu  criminel: 
on  peut  même  dire ,  fuivant  le  fentiment  de  S.  Ber- 
nard dans  l'Apologie  à  l'Abbé  Guillaume,   que  c'efî 
un  hypocrite  doublement  impie  '^.  Le  Clergé  de  France 
en  a  porté  le  même  jugement ,  quand  il  a  condamné 
en  rAfTemblée  de  l'an  1700.  la  propo/ition  fuivante 
comme  favorifànte  l'impiété  :  Pracepto  Ecclejîa  de  au- 
diendo  Sacro  fatisft  per  reveremiam  exteriorem  tantlim 
animo  licet  voluntariè  in  aliéna  y  imo  Û"  pravâ^  cogita- 
iione  defxo.  Hac  propofitio,  dit  le  Clergé ,  temeraria  e/?, 
fcandalofa,  erronea,  impietati  favet  3  Ù'prœcepto  Eçcle^ 
fia  illiidit, 

A  plus  forte  raifbn ,  ceux  qui  caufent  durant  une 
partie  notable  de  la  MelTe ,  ne  fàtisfont  pas  à  l'obliga- 
tion de  l'entendre  ,  car  on  ne  peut  pas  dire  qu'ils  y 
aient  attention.  Ils  doivent  expliquer  en  confeflion  s'ils 
ont  été  la  caufè  que  d'autres  qui  afTiIloient  à  la  MelTe, 
ont  aufli  parlé  ;  car  ils  ont  détourné  ces  perfonnes  de 
l'attention  qu'elles  dévoient  avoir  au  Sacrifice,  &  ils 
ont  péché  en  cela. 

Les  Cafuilîes  propolent  ordinairem.ent  deux  caufes 
qui  difpenfent  de  l'obligation  d'entendre  la  MefTe. 
La  première  eft  ,  l'im.puiffance  phy/îque  &  abfolue 
d'y  alTuler;  par  cette  raifbn  en  en  excule  ceux  qui 
font  détenus  prisonniers  ,  ceux  qui  font  grièvement 
malades  ,  ceux  qui  font  fur  Mer  quand  il  n'y  a  point 
de  Prêtres  dans  les  Navires,  ceux  qui  voyagent  dans 
des  pays  oii  l'on  ne  dit  point  la  Mefîe.  La  féconde 
eft  ,  TimpuilTance  morale  d'y  affilier.  Ceux-là  font 
cenfés  être  dans  cette  impuilTcince,  1°.  Qui  font  con- 
valefcens ,  &  qui  auroient  beaucoup  de  peine  à  aller 
à  la  Meffe,  parce  qu'ils  font  encore  foibles,  ou  qu'ils 
ibnt  fort  éloignés  de  l'Eglife ,  les  femmes  groifes  qui 
font  fur  le  point  de  leur  accouchement  i  il  fdut  en 


'^  à  Quis  magis  împîus  *  an  1  qui  etiam  mendaciiim  addens» 
profitens  impietatem ,  an  men-  J  geminat  impietacem  f* 
tiens  raafncaccm  ?  Nonne  is  j 

cela 


fur  les  Commandcmens  de  Dieu,      ^6t 

tela  avoir  égard  aux  perfbnnes,  aux  lieux,  au  tems^ 
:uix  chemins,  i^.  Qui  feroient  expofés  à  un  domma- 
ge fpirituel  en  afliftant  à  la  Meffe  ;  par  exemple,  qui 
le  rrouveroient  dans  l'occafîon  prochaine  de  pécher. 
3°.  Qui  ne  peuvent  aller  à  TEglifè  fans  être  en  danger 
de  ^oufFrir  une  perte  ou  une  incommodité  confidc- 
rable ,  ou  de  la  caufer  à  d'autres  :  par  cette  raiibn  on 
en  juge  difpenfcs  ceux  qui  gouvernent  les  malades  , 
les  pères  ou  mères  qui  ont  plusieurs  petits  enfans  > 
ceux  qui  gardent  la  maifon  ,  ou  les  troupeaux  en  cer- 
taines circonftances  ,  fi  ces  perfônnes  n'en  peuvent 
fubftituer  d'autres  à  leur  place.  4°.  Qui  ont  jufte  fujet 
de  craindre  d'ctre  tués,  volés  ou  maltraités,  comme 
leroit  une  fille  qui  f^ait  qu'on  la  veut  enlever.  5*^.  Qui 
en  font  empêchés  par  quelque  affaire  de  très-grande 
importance ,  comme  feroit  un  combat ,  une  irruption 
d'ennemis. 

On  préHime  av«c  raiibn ,  que  l'Eglife  qui  efl  une 
mère  charitable,  n'a  pas  intention  d'obliger  Ces  en- 
fa-ns  à  accomplir  fes  Commandemens ,  en  des  occa- 
fions  où  il  y  a  tant  de  difficulté  &  de  péril  à  exé- 
cuter ce  qu'elle  ordonne.  La  néceffité  pour  lors^ 
rend  permis  ce  que  la  Loi  défend,  fliivant  la  règle 
du  Droit  établie  chap.  Quod  non  ejl ,  au  titre  de  Regu- 
lis  juris ,  dans  les  Décrétales  de  Grégoire  IX.  Quoi 
îton  ejl  licinim  in  lege ,  necejfitas  facit  licitiim.  Nam  ô* 
Sabbamm  cufiodiri  praceptum  ejl.  Machabcei  tamenfme 
culpa  fua  in  Sabbato  pugnabant ,  fed  &  hodie  Ji  qitis  je^ 
juniumfrëgerit  œgronis ,  reus  voti  non  habetur.  Mais  il 
faut  prendre  garde  de  ne  Ce  pas  flatter  en  ces  rencon- 
tres,  ou  d'imaginer  de  la  difficulté  ,  ou  du  danger  oi\ 
il  ny  en  a  point  3  car  on  ne  feroit  pas  excufé  devaiic 
Dieu. 


'i^C:^. 


X»«i?6 


^62  Conférences  d'Angers; 

>)-f.*::^  '^  T.  a.         ., ,. 


RE  S  U  LTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 
LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU. 

Tenues  au  mois  de  Mai  17 14. 

PREMIERE     QUESTION. 

Ceux  qui  pajfent  une  partie  conjidérable  des 
Dimanches  ù*  des  Fêtes  dans  les  jeux  &• 
dans  les  plaijîrs ,  ne  profanent-ils  pas  ces 
faims  jours  f 

IL  paroît  par  ce  que  nous  avons  dit  dans  la  pré- 
cédente Conférence  ,  que  le  précepte  qui  a  été 
fait  aux  Chrétiens  de  fanftifier  les  Dimanches  &  les 
Fêtes ,  leur  impofè  deux  obligations  ;  l'une  efl  de 
droit  pcfîtif ,  par  lequel  il  nous  efl  défendu  de  faire 
aucune  œuvre  (èrvile  en  ces  laints  jours  ;  l'autre  efl 
de  droit  naturel ,  qui  nous  oblige  d'employer  quel- 
que tems  considérable  de  la  vie  à  penfer  à  Dieu  & 
à  l'affaire  de  notre  falut  éternel  ;  car  la  lumière 
naturelle  nous  dide  que  nous  devons  vacquer  au 
culte  de  Dieu  ,  &  penfer  aux  moyens  d'arriver  à 
notre  Béatitude  :  &  TEglile  a  déterminé  aux  Chrc-; 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu,     3  6j 

liens  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  pour  cet 
exercice.  Pour  accomplir  l'un  &  l'autre  de  ces  pré- 
ceptes ,  &  en  remplir  les  obligations ,  il  faut  donc 
s'abftenir  des  œuvres  (erviles  durant  ces  jours,  &  les 
employer  au  fervice  de  Dieu,  à  l'adorer,  aie  louer,  à 
Je  prier. 

On  ne  peut  pas  dire  que  ceux  qui  après  avoir 
irntendu  la  MciTe  les  Dimanches  &  tctes  comman- 
dées ,  pafTent  une  partie  con/îdérable  de  ces  jours 
aux  jeux ,  aux  danfes  ,  aux  divertiflemens  même 
permis ,  à  la  chafTe ,  au  cabaret ,  en  des  feftins ,  en 
des  vi/îtes  mondaines ,  ou  dans  une  pure  ciiiveté  « 
s'acquittent  des  deux  obligations  qui  leur  (ont  im- 
pofées,  fous  prétexte  qu'ils  s'abiliennent  des  œuvres 
lerviles  &  qu'ils  entendent  la  MefTe  :  il  faut  tenin 
pour  certain  que  bien  loin  de  fàndiiîer  ces  jours  » 
comme  ils  y  font  obliges,  ils'les  profanent  parleur 
irréligion,  puifque  non-Ieulement  ils  ne  s'appliquent 
pas  à  (ervir  Dieu  de  la  manière  qu*ils  doivent,  mais 
qu'ils  s'appliquent  à  des  chofès  profanes  ,  vaines  & 
dangereufes  ,  qui  les  détournent  du  fervice  de  Dieu, 
quoiqu'ils  foient  tenus  fpécialement  d'y  vacquer  les 
jours  auxquelles  œuvres  (erviles,  comme  nous  avons 
dit,  n'ont  été  défendues  qu'afin  que  les  Chrétiens  n'y 
étant  point  occupés  ,  fuflent  libres  pour  s'appliquer  fc- 
rieufèment  au  culte  de  Dieu ,  &  fe  repofèr  en  penlant 
à  lui. 

L'obligation  de  (àndifier  ces  jours  en  vacquant  au 
fervice  de  Dieu,  s'étend  A  d'autres  exercices  de  Reli- 
gion que  d'entendre  la  MelTe.  Les  Ordonnances  des 
Conciles  que  nous  avons  rapportées  nous  le  font  con- 
nojtre,  &  particulièrement  celles  de  nos  Conciles  de 
France,  qui  veulent  que  les  Fidèles  affiflent  à  Vêpres 
&  aux  Inftruftions  qui  fc  font  à  rplglifeles  Dimanches 
&  les  Fêtes,  &  qui  défendent  les  divertiffemens  pu- 
blics aux  heures  du  Service  divin,  de  crainte  qu'oa 
n'en  détourne  le  Peuple. 

Si  l'Egiife  éto"t  pc'-ruadée  qu'on  peut  (andifier  les 
Diïwanches  &  Fêtes  en  aflillant  le  matin  à  la  M-fle, 
&  pafTant  une  partie  confidérable  de  la  journée  aux 
plaÛîrs  ou  à  de  vains  amufemens,  il  étoit  inutile 


3^4  Conférences    d'Jngers^ 

qu'elle  y  défendit  en  particulier  les  jeux  &  les  diVer- 
tiflemens  publics ,  &  que  les  Princes  autorirafTent  ces 
défenfes  &  en  fiffent  de  fembiables  :  cependant  nous 
en  trouvons  de  très-féveres ,  tant  de  la  part  de  TEglife 
que  des  Princes. 

^  Le  Concile  de  Tolède  tenu  en  l'an  58^.  traite  d'im- 
pie la  coutume  qui  s'étoit  établie  en  Efpagne  parmi  le 
peuple,  de  faire  des  danfes publiques  &  de  chanter  des 
chanfons  profanes  les  jours  de  Fêtes ,  &  il  exhorte  , 
dans  le  Can.  2  3 .  les  Magiftrats  à  fe  joindre  aux  Prê- 
tres pour  exterminer  cette  coutume  impie.  Ce  Canon 
eft  rapporté  par  Gratien ,  Di/?/«(^.  ^,de  Confecrat,  Can. 
Jrreligiofa  confuemdo. 

^  Les  Empereurs  Valentinien  ,  Théodofè  &  Arca- 
dius  dans  la  loi  Omnes,  qui  eft  la  feptieme  au  code  li- 
vre 3.  tit.  li.  font  défenfè  de  donner  aucun  fpeda- 
cle  au  peuple  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  fb- 
lemnelles.  Les  Empereurs  Léon  &  Anthemius  dans  la 
loi  Dks  fejîos,  qui  efl  la  1 1,  au  même  tit.  défendent, 
aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes ,  tous  les  jeux  & 
les  fpedacles  du  Théâtre  &  du  Cirque ,  les  combats 
d'animaux ,  &  généralement  tous  les  autres  divertifîe- 
mens  profanes. 

Le  Roi  Childebert,  par  une  Ordonnance  de  l'an 
^54.  rapportée  par  le  Père  Sirmond,  tome  i.  des 
Conciles  de  France ,  fait  défenfes  de  paffer  en  dé- 
bauches,  en  boufonneries ,  ou  à  chanter  des  chan- 
fons profanes  ,  les  Dimanches  8c  les  Fêtes ,  &  de 
faire  aucunes  danfes  dans  les  places  publiques.  Il  or- 
donne qu'après  que  les  Prêtres  auront  averti  les  par- 
ticuliers d'obéir  à  cette  Ordonnance  ,  ceux  qui  ofe  • 
ront  commettre  ces  fàcriléges  feront  punis  ;  fçavoir , 
les  perfbnnes  de  condition  fervile,  de  cent  coups  de 
fouet. 

Nous  avons  ,  au  livre  6*  des  Capitulaires  de  nos 
Rois ,  recueillis  par  l'Abbé  Anfègife  qui  mourut  en 
l'an  834.  une  Ordonnance  qui  défend  aux  Fidèles 
de  faire  aux  jours  de  Dimanches ,  danfes ,  farces 
dans  les  carrefours  ou  places  publiques ,  &  leur  en- 
joint d'afTifler  à  l'Office  divin  ,  &  nommément  à 
Vêpres  &  aux  Inilruâions  des  Prêtres ,  ou  aux  en-; 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     36"/ 

tretiens  d'un  homme  de  bien  qui  leur  parlent  des 
choies  qui  regardent  le  Hilut  de  leur  ame.  Nous  li- 
ions une  pareille  Ordonnance  dans  le  114.  chap. 
du  Recueil  des  Capitulaires  que  Hcrard  Archevêque  de 
Tours  fit  publier  en  Ton  Synode  de  Tannée  856.  tenu 
au  mois  de  Mai. 

Le  Roi  François  I.  dans  les  Lettres  Patentes  du  7. 
Janvier  1510.  adreiïces  au  Prevotde  Paris,  défend  de 
faire  des  danfes  publiques  les  jours  de  Dimanches  & 
de  Fctes. 

Les  Conciles  de  Rouen,  de  Tours,  de  Reims,  de 
Bourges,  d'Aix  ,  célébrés  depuis  celui  de  Trente,  VAC- 
Temblée  du  Clert^é  de  France  tenue  à  Melun  en  l'an 
1575».  &  le  troifieme  Concile  de  Milan  fous  S.  Char- 
les, condamnent  les  danfes  publiques  ,  les  feftins  pu- 
blics, les  jeux  publics,  les  (p^îdacies,  les  comédies, 
les  farces  des  bateleurs,  la  chaiTe,  les  repas  dans  les 
cabarets ,  au  lieu  du  domicile  ,  aux  jours  de  Diman- 
ches &  de  Fêtes ,  particulièrement  aux  heures  du  Ser- 
vice divin. 

Les  danfes  publiques  Se  les  Feftins  publics  font  des 
rafles  du  Paganifme  ;  la  principale  fblemnité  des  jours 
de  Fctes  que  les  Payens  folemnifoient  en  l'honneur 
de  leurs  faux-dieux,  ou  en  mémoire  de  la  naiffance 
de  leurs  Princes ,  ou  des  fondateurs  de  leurs  Villes , 
confîfloit  3.  les  pafTer  en  danfes  &  en  feflins  publics , 
d'où  ces  jours  étoient  nommés  par  les  Romains ,  Dics 

Comme  les  Réglemens  du  Concile  de  Tours  font 
loi  en  cette  Province,  nous  rapporterons  les  termes 
de  fon  Décret,  au  titre  De  Fefloriim  cultu.  Diebus  Do- 
minicis  prœfenim  &  aliis  Feflis  commejfaiioues  ,  convi- 
via  -publicay  tripudia ,  faltaiiones ,  Jlrepints  &  choreas 
fariy  venant  &  aucupatu  tempus  terere ,  in  hofpitiis  feu 
cauponis  aliis  auam  peregrinis  cibaria  &  viniirn  minif- 
irariy  htdos  palmarios  &  alios  {maxime  dtim  facra  con- 
fciitnmr  y  laudefque  Deo  decantatur)  aperiri ,  comœdiasy 
liidos  fcenicos,  vel  théâtrales ,  &  alia  ejus  generis  irre- 
ligiofa  fpe^acula  agi,  fiib  anathematis  pœnâ  prthibct  hixc 
Synodits. 

.Nos  derniers  Rois  ont  fait  de  femblablcs  défen- 


'^66  Conférences  cV Angers, 

fes  par  leurs  Ordonnances  .*  ils  ont,  en  l'an  i^^o; 
défendu  par  l'art.  23.  de  l'Ordonnance  d'Orléans, 
les  danfes  publiques  les  jours  de  Dimanches  &  de 
Fêtes  annuelles  &  folemnelles.  Par  Fart.  24.  ils  ont 
défendu  aux  joueurs  de  farces ,  bateleurs  &  autres 
femblables  ,  de  jouer  auxdits  jours  de  Dimanches  & 
Fêtes  aux  heures  du  Service  divin.  Par  l'art.  25. 
ils  ont  défendu  aux  Cabaretiers ,  Taverniers  &  Maî- 
tres de  jeu  de  paume,  de  recevoir  aux  heures  du 
Service  divin  aucune  perfbnne,  &  à  tous  les  habi- 
tans  des  Villes ,  Bourgades  &  Villages ,  d'aller  boire 
&  manger  dans  les  Cabarets  ,  &  aux  Cabaretiers 
de  les  y  recevoir.  Par  l'Ordonnance  de  Blois  de 
î'an  1575).  art.  38.  ils  ont  enjoint  aux  Juges  de  faire 
garder  les  défenfes  portées  par  l'Ordonnance  d'Or- 
léans, tant  pour  le  regard  des  fcires^  marchés  &  dan^ 
fes  publiques  es  jours  de  Fêtes ,  que  contre  les  joueurs 
de  farces  ,  bateletirs  ,  Cabaretiers ,  maîtres  de  jeu  de 
paume  &  d'efcrime,  fur  les  peines  contenues  efaites  Or' 
donnances. 

Le  Parlement  de  Paris  avoit  rendu  un  Arrêt  le 
3.  Septembre  1667,  pour  faire  exécuter  cette  Or- 
donnance, renouvellée  par  une  Déclaration  de  Louis 
XIV.  du  16.  Décembre  lépS.  enrégiftrée  au  Par- 
lement le  31.  du  même  mois ,  par  laquelle  le  Roi 
ordonne  que  les  articles  23.  24.  &  25,  de  l'Ordon- 
nance d'Orléans ,  &  le  3  8.  de  celle  de  Blois ,  por- 
tant défenfes  de  tenir  des  foires  &  marchés ,  &  des. 
danfes  publiques  ,  les  Dimanches  &  les  Fêtes ,  d'ou- 
vrir les  jeux  de  paume  &  cabarets  ,  &  aux  bate- 
leurs, &  autres  gens  de  cette  forte,  de  faire  aucune 
repréfentation  pendant  les  heures  du  Service  divin , 
tant  les  matins  que  les  après-dinées ,  foient  exécu- 
tés ;  &  il  efl  enjoint  à  tous  Juges-Royaux  de  les 
faire  lire  &  publier  de  nouveau  dans  leurs  refTorts 
avec  la  Déclaration  du  Roi ,  &  de  punir  les  contre- 
venans. 

Concluons  donc  que  ceux  qui  après  avoir  enten- 
du la  MefTe  ,  palTent  le  refle  du  tems  dans  des  oc- 
cupations purement  profanes  ,  fans  s'occuper  da-» 
TànvàgQ  de  Dieu  &:  de  leur  faiut  ^ue  les  autres 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.     3  6j 

)ours,  ne  font  pas  exempts  de  péchés  :  &:  que  ceux 
qui  pafTcnt  h  plus  grande  partie  de  ces  faints  jours, 
même  le  tems  des  divins  Offices  ,  dans  des  cabarets 
ou  autres  divertifTemens ,  fpécialement  défendus  les 
jours  de  Dimanches  &  Fctes ,  font  coupables  de  pé- 
ché mortel,  puifqu'ils  violent  les  Loix  Eccléfîalli- 
ques  &  Civiles  dans  une  matière  de  grande  impor- 
tance. C'efl  pourquoi  il  eil  enjoint  aux  Confelfeurs 
du  Diocefe  ,  par  une  Ordonnance  de  Michel  le 
Pelletier,  Evcque  d'Angers,  du  13.  Février  1701. 
d'interroger  foigneufement  les  Pénitens  ,  fî  après 
avoir  entendu  ,  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes, une  bafle  MclTc,  ils  pafTent  le  refte  du  jour  dans 
les  repas ,  au  jeu ,  à  la  chaiïe  ,  &  dans  d'autres  di- 
vertiffemens  profanes  :  Si  dans  ces  jours  ils  fréquen- 
tent les  cabarets  &  y  font  de^s  débauches  :  Si  étant 
cabaretiers  ils  rec^^oivent  des  gens  pendant  le  Ser- 
vice divin  du  matin  ou  du  foir  ,  &  il  leur  eft  or- 
donné de  refufer  ou  de  différer  rabfolution  à  ceux 
qui  (ont  dans  l'habitude  de  ces  fortes  de  péchés  , 
j[urqu'à  ce  qu'ils  ayent  trouvé  en  eux  un  véritable 
changement,  après  un  délai  &  une  épreuve  confidé- 
rable. 

Les  Curés  doivent  aufTi  s'oppofer  fortement  à  ce 
que  les  Cabaretiers  donnent  à  boire  ou  à  manger  aux 
habitans  de  la  FaroilTe,  les  jours  de  Dimanches  & 
de  Fctes,  pendant  les  heures  du  Service  divin,  & 
à  ce  que  les  perfonnes  qui  tiennent  des  jeux  pu- 
blics ,  fbuftrent  qu'on  y  joue  à  ces  heures.  Les  Ca- 
baretiers &  les  Maîtres  des  jeux  publics ,  ainfi  que 
ceux  qui  boivent  dans  les  cabarets ,  qui  jouent  dans 
les  jeux  publics  ,  à  quelque  jeu  que  ce  (oit  pendant 
les  heures  du  Service  divin  ,  pèchent  très-griéve- 
ment. 

Cet  abus  a  paru  C\  grand  &  (î  criant,  que  plu- 
sieurs Evcques  du  Dioce(ê  d'Angers  en  ont  fait  des 
défenfes  fur  peine  d'excominunication,  comme  on  le 
voit  dans  les  Ordonnances  de  Fran(^'ois  de  Rohan ,  de 
l'an  1621.  de  Gabriel  Bouvery ,  de  l'an  1547.  de  Guil- 
laume de  Ruzé,  de  l'an  i<;79-  de  Charles  Miron,  des 
«innées  155^4.  &  1600,  de  Henri  Arnauld,  des  années 


3<^8  Conférences  d'Angers  y 

i6$z,  &  1654.  Pareilles  défenfes  ont  été  faites,  ei! 
d'autres  Diocefes,  fous  la  même  peine,  aux  Cabare- 
tiers  &  à  tous  ceux  qui  tiennent  des  jeux  publics.  Nous 
trouvons  un  femblable  règlement  dans  le  Concile  de 
Rouen,  de  l'an  i^8t.  au  titre  des  devoirs  des  Curés 
nomb.  19,  Celui  de  Bordeaux,  de  l'an  1583.  au  titre 
des  Fêtes,  exhorte  les  Magistrats  à  faire  exécuter  ces 
Ordonnances. 

Le  Parlement  de  Paris  a  rendu  en  conformité  un 
Arrêt  du  15.  Décembre  171 1.  furies  concluions  de 
M.  le  Procureur  Général  du  Roi,  par  lequel  la  Cour 
fait  itératives  défenfes  à  toutes  perfonnes  de  fréquen- 
ter les  cabarets  pendant  la  nuit  &  autres  heures  indues , 
&  pendant  le  Service  divin;  &  aux  Hôtes  &  Cabare- 
liers  de  les  y  recevoir,  à  peine  d'amende  arbitraire 
pour  la  première  fois ,  de  prifon  pour  la  féconde ,  mê- 
me de  plus  grande  punition  s'il  y  échoit.  Enjoint  à 
tous  Juges  &  Officiers  de  tenir  la  main  à  l'exécution 
de  cet  Arrêt  :  &  en  cas  de  contravention ,  d'informer 
&  procéder  contre  les  contrevenans.,  par  les  voyes  de 
droit.  La  Cour  avoit  expliqué  par  un  Arrêt  du  i8. 
Avril  17 13.  que  par  les  heures  du  Service  divin,  elle 
entendoit  le  tems  des  grandes  Meffes  &  Vêpres  ;  com- 
me elle  Tavoit  déjà  déclaré  par  un  Arrêt  du  3 1 .  Mars 

15:44» 

Il  feroit  plus  à  propos ,  félon  le  fèntiment  de  S.  Au- 
guflin,  que  ceux  qui  paffent  le  tems  les  jours  de  Di- 
manches &  de  Fêtes  à  des  divertiifemens  qui  les  por- 
tent à  la  débauche  &  au  libertinage ,  &  qui  fouvent 
leur  font  une  occafîon  d'impureté,  ou  de  gourmandi- 
se, s'occupafTent  au  travail.  Les  Chrétiens  doivent  cé- 
lébrer fpirituellement  le  Sabbat ,  &  ne  pas ,  à  la  ma- 
nière des  Juifs,  fe  fervir  du  repos  de  ce  ^int  jour  pour 
fatisfaire  leur  cupidité  ^.  Ce  que  ce  Père  répète  dans 
3  e  livre  de  dçcem  çhordis ,  au  chap.  jt  ^» 


a  Obferva  dicm  Sabbatî  , 
non  Judaïcis  clel'ciis  ,  qiii  ciio 
abiiruntur  ad  ncquitiam.Me- 
liiis  enim  utique  totâ  c*ie  fodc- 
ft^nc ,  c^uàm  (Oiâ  die  f^^lcarenc» 


S.  Aug,   Serm.  i.  fur  le  Pf, 


32» 


b   Dicitur  tibi  ut  fpirituali- 
ter    obfcrves    Sabbatum  ,  noa 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     36"^ 

Quand  même  les  recréations  qu'on  prend  les 
Jours  de  Dimanches  ,  &  de  Fcies  ne  feroient  pas  d'ail- 
leurs une  occafîon  de  péché,  elles  ne  peuvent  être 
ablblument  innocentes  des  qu'elles  nous  détournent 
du  Service  divin.  On  peut  fe  récréer  en  d'autres 
jours  qu'en  ceux  qui  font  conHicrés  pour  le  culte  de 
Dieu.  Au  moins  ce  feroit  aflei  de  Ce  récréer  en  ceux- 
ci  après  avoir  afllflé  au  Service  divin,  &  aux  ïnflruc- 
tions  qui  Ce  font  à  l'Eglife,  ou  s'il  ne  s'y  en  fait  pas, 
après  avoir  donné  quelque  tems  à  la  ledure  d'un  bon 
Livre  ,  ou  à  quelque  exercice  de  Religion  ou  de 
piété. 


Sabbatiim  carnali  otio;vaca- 
re  cnim  volunt  ad  nngas  ar- 
que liixurias  fuas.  Meliuscnim 


faceret  Judaeus  in  agro  fuo 
aliqui^l  utile  ,  qtiam  in  thea" 
tra  feditiofiis  exiftcret. 


II.      QUESTION. 

Les  œuvres  fer  viles  font -elles  défendues  les  jours 

de  Dimanches  Gr  de  Fêtes ,  Gr  quelles 

font  ces  œuvres  f 

LE  Seigneur  avoît  expreiïement  ordonné  aux 
Juifs,  dans  le  chap.  lo.  de  l'Exode,  de  s'abfte- 
rir  de  tout  Ouvrage  le  jour  du  Sabbat,  ce  Vous  tra- 
3->  vaillerez  durant  fîx  jours,  &  vous  y  ferez,  tout  ce 
3î  que  vous  aurez  à  faire ,  ^^  mais  le  feptieme  jour  efl  le 
jour  du  repos  confàcré  au  Seigneur  votre  Dieu,  ic  Vous 
35  ne  ferez  en  ce  jour  aucun  ouvrage,  ni  vous,  ni  vo- 
3î  trc  fils,  ni  votre  fille,  ni  votre  ferviteur,  ni  votre 
35  Servante,  ni  vos  bêtes  de  fervice,  ni  l'étranger  qui 
3>  fera  dans  l'enceinte  de  vos  Villes  ^,  3> 


a  St'X  diebiis  operaheris  3c 
faciès  oiiiuia  opcra  tua.  Sejni- 
mo  aiitCTj  dic  Sabbattira  Do- 
aiini  Dci  tui  eit  :  non  facics 


orane  opuj  in  eo  &  filins  tutJt 
&  filia  tua  ,  fervus  tiius  &  an- 
cilla  tua,  Jumcntum  ru»n->'& 
advcna  oui  elt  jnrr,->pc»rias  uus. 


37^  Conférences    d'Angers, 

Le  Précepte  de  fàndifier  le  Sabbat  étant  certaine- 
ment moral  en  ce  point,  il  regarde  les  Chrétiens  &  ils- 
fbnt  obligés  très-étroitement  à  robferver. 

On  entend  par  les  œuvres  lerviles ,  tout  ouvrage  des 
mains  quife  fait  ordinairement,  par  des  ferviteurs,  ou 
par  d'autres  gens,  pour  gagner  leur  vie,  &  qui  tend 
bien  plus  à  l'avantage  du  corps,  qu'à  la  perfedion  de 
l'elprit. 

L'ufage  de  toutes  les  Eglifes  du  monde  qui  a  com- 
mencé dès  le  tems  des  Apôtres  &  qui  a  continué 
détre  obfervé  jufqu'à  nos  jours,  fans  aucune  inter- 
ruption ,  elî  une  preuve  convaincante  qu'elles  ont 
toutes  été  perluadées  de  l'obligation  étroite  qu'ont 
les  Chrétiens  de  s'ablîenir  des  œuvres  ferviles  les 
Dimanches  &  les  Fêtes.  Si  nous  voyons  cette  obli- 
gation recommandée  par  les  SS.  Pères  ,  &  par  les 
Conciles  ,  ce  n'efl:  pas  qu'on  ait  douté  que  les  Chré- 
tiens ne  fuffent  obligés  de  droit  divin  de  s'abUenii? 
d'y  travailler  en  ce  jour,  cela  prouve  feulement  que 
dans  certain  tems  il  y  en  a  eu  qui  n^obfervoient 
pas  ce  Commandement  avec  afTez  d'exaditude ,  ni 
avec  aflez  de  Religion.  Et  fî  les  Conciles  ont  dé- 
fendu en  particulier  de  faire  les  Dimanches  certai- 
îies  œuvres  ,  c'eft  qu'il  y  avoir  des  gens  qui  Ce  li- 
centioient  à  en  faire  quelques-unes,  que  par  igno- 
rance ,  ou  par  une  mauvaife  coutume  ils  ne  regar- 
daient pas  comme  défendues  ,  parce  qu'elles  ne  leur 
paroilToient  pas  purement  £èrviles.  Cependant  l'E- 
glSe  en  jugeoit  autrement  ;  car  comme  Dieu,  dans 
l'ancienne  Loi,  avoit  défendu  de  faire  les  jours  de 
Sabbat  &  de  Fêtes,  certaines  œuvres  qui  n'étoient 
pas  ferviles  ,  comme  de  voyager  ,  de  vendre ,  d'a- 
cheter ;  de  même  dans  la  Loi  nouvelle  on  ne  doit 
pas  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  s'abftenir 
îèuiement  des  œuvres  purement  ferviles ,  m.ais  en- 
core de  plufîeurs  autres  qui  ne  le  font  pas;  &  com- 
me il  y  avoit  d'autres  perfbnnes  dont  la  ferveur  étoit 
Cl  grande,  qu'ils  Ce  fii/bient  un  crime  de  vaquer  en 
ces  jours  à  certaines  œuvres  que  l'Eglifè  ne  croyoïn 
pas  être  défendues  aux  Chrétiens  ,  qui  ne  font  pas 
obligés  d'obferver  les  Dimanches  &  les  Fêtes ,  à  U 


fur  les  Comman démens  de  Dieu,      371 

manière  que  les  Juifs  obfervoient  le  Sabbat,  les  Con- 
ciles, pour  remédier  au  relâchement  des  uns  &  lever 
les  fcrupules  des  autres,  ont  marque  en  particulier 
quelques  oeuvres  qui  (ont  défendues  les  Dimanches 
&  les  Fêtes,  &  quelques  autres  qui  fontpermifes.  C'efl 
dans  cet  efprit  que  le  troifîeme  Concile  d'Orléans  tenu 
en  Yàw  538.  voulant  détruire  les  préjugés  du  peuple, 
qui  approchoient  plus  de  la  fuperllition  Juive,  que  de 
la  régularité  Chrétienne,  a  déclaré  Can.  18.  qu'il  ell 
permis  de  voyager  les  Dimanches  avec  des  chevaux, 
des  bœufs  ou  des  voitures,  de  préparer  à  manger,  & 
de  faire  ce  qui  regarde  la  propreté  du  corps,  ou  de  la 
maifon.  Et  pour  corriger  l'avarice  &  le  libertinage 
des  autres ,  qui  profanoient  ouvertement  les  Diman- 
ches &  les  Fctes;  il  a  défendu  de  travailler  à  la  cam- 
pagne ,  ft^avoir,  de  cultiver  k  terre,  de  bêcher  la 
vigne,  de  la  tailler,  de  faire  la  coupe  &  la  récolte 
des  bleds  ,  de  les  battre ,  de  vaner ,  de  faire  des 
bayes  ^\ 

Ce  Canon  nous  donne  lieu  de  remarquer  que  lorl- 
qu'il  s'agit  des  œuvres  dont  on  doit  s'abftenir  les 
jours  de  Dimanches  &  de  Fctes,  on  doit  u(êr  de 
beaucoup  de  prudence  pour  ne  pas  avancer  des  maxi- 
mes, ni  trop  ri^oureufes,  ni  trop  douces.  Celles  qui 
feroient  trop  ngoureufes  Jetteroient  le  trouble  dans 
i'ame  de  plufieurs  perfonnes,  particulièrement  de  cel- 
les qui  font  groffieres ,  qui  fc  fondant  fur  des  coutu- 
mes invétérées  ,  ou  qui  étant  prefTées  par  des  befoins 
temporels,  pafl'eroient  par-defTus  les  défenles  qu'on 
leurferoit,  &tomberoient en  plufieurs  péchés,  agiffant 
contre  leur  conscience  ;  mais  aufli  fous  prétexte  de 
vouloir  mettre  les  confciences  en  repos,  on  ne  doit  pas 


h  Qiiia  perfuafum  rft  popu* 
lis  ,  dic  iJoru.nico  agi  cum 
caballis  aut  bubus  ,  i'k  vclii 
culis  itincra  non  d>.bcre,nc 
cjiic  iiUarn  rtm  ad  viîl  nipx- 
paratc  ,  vcl  ad  nit  rem  domùs 
■vel  hominis  l'crtiDcritein  nlla- 
tenus  exdccre,  (  qiis  rcs  ad 
Judai'caiV^  macls  «juàmad  Chrif- 
fiaiMin  cbfcrvanciam  peitinere 


probatur  )  id  flatuimus  ,  ut  die 
D ominico  ,  quod  ante  ficri  li- 
cuit,  liccat  de  opère  ,  tamea 
rurali ,  id  cft  ,  aratro  ,  vcl  vi- 
ncà  ,  vcl  fe(5iionc  ,  mcfTione  , 
exciifTif^ne  ,  cxario  vcl  fcpc  , 
cenr.iinuis  abftincndum  ;  -^uo 
facilius  aJ  Ecdefiam  venien- 
tcs  oracioniii  gratia  vacent* 


37^  Conférences  d'Angers, 

favorifèr  par  des  maximes  trop  douces  le  relâchement 
qui  s'eR  introduit  par  la  cupidité  &  par  Tavarice,  & 
lion  par  la  néceflité. 

La  règle  la  plus  sûre  qu'on  peut  propofer,  eft  celle 
que  le  Concile  d'Orléans  prefcrit  par  ces  mots  :  Quod 
antèfieriliciiu,  lîceat,  &  que  Gerfon  a  expliquée  en 
fbn  Traité  des  Commandemens  du  Décalogue ,  chap. 
7.  qu'on  peut  fuivre  la  coutume  des  lieux,  quand  elle 
n'etl:  point  condamnée  par  les  Evéques  ;  &  ii  on  louf- 
fre  quelque  doute  (iir  cette  coutume,  on  doit  conful- 
ter  les  Supérieurs  Eccléiialîiques  &  les  gens  fcavans  ^» 
Saint  Antonin  approuve  cette  règle  dans  fà  Somme  y 
partie  z,  tit.  5).  ch,  7.  $.  5, 

Gerfon  dans  Tes  règles  morales  en  apporte  pour 
raifbn  ,  que  c'efl  plus  la  coutume  des  lieux  &  des 
perfonnes,  &  l'approbation  des  Evéques,  qu'aucune 
Loi  écrite,  qui  nous  apprennent  de  quelles  œuvres, 
ai  faut  s'abftenir  les  Dimanches  &  Fêtes  ,  parce  que 
FEglile  a  laifTé  aux  Evéques  particuliers,  le  pouvoir 
de  '^égler  par  leur  prudence,  comment  on  doit  ob- 
server les  Dimanches  &  les  Fêtes ,  quant  aux  circonflaa- 
ces  du  tems ,  du  lieu  &  de  la  manière,  &  qu'elle  les  a 
chargés  de  ce  fbin.  C'efl:  pourquoi  on  peut  fuivre  en  sû- 
reté de  conscience  la  coutume  du  lieu  qui  efl  con- 
nue &  tolérée  par  TEvéque.  L'Auteur  ajoute  qu'on 
doit  regarder  comme  une  corruption  &  un  abus  , 
la  coutume  qui  détourne  entièrement  les  peuples  du 
Service  divin ,  &  particulièrement  d'entendre  la  Mefle 
en  ces  faints  jours ,  ou  qui  autorifè  plutôt  la  cupi- 
dité qu'elle  ne  tend  à  fùbvenir  à  la  nécefîité  des  peu- 
pies,. 

D'autres  Conciles,  outre  le  troifîeme  d'Orléans  ont. 
^éfîgné  d'autres  œuvres  auxquelles  ils  jugeoient  qu'il 
ji^étoit  pas  permis  de  s'occuper  les  jours  de  Diman- 
cl'^es. 

i:  Ut  qnilibct  eo  dîeabftineat  (  non  prohiber  :  qiiod  fi  apud 
xb  omni  labore  aut  mercatio-  i  aîiquem,  fuper  tali  confuetu- 
ue  ,  aut  alio  quovislaboriofo     dine  fcrvandâ  aut  aliis  cafibus  , 


ofere  fectindiim  rit.im  Srcon- 


dubietas  occurrat,  confiilat  iller 


fuetiidinem  patrire  qiiam  iuha-  Supenores  &  peritos  ,  ne  pcc 
bitat  >  quam  confuetiidinem  |  amplam  nimis  aut  (triclamcon» 
Ps2Îaiiî),is  iUiuâlc&i  cogncfcens  i  fpCQUâui  in  p ecvamm  cador» 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     373' 

Le  Concile  fécond  de  Maçon,  de  l'an  585.  ordonne 
dans  le  i.  Can.  que  personne  ne  travaille  aux  procès 
en  ces  jours,  que  perfonne  ne  plaide  &  que  l'on  n'at- 
telle point  les  bœufs ,  mais  que  tout  le  monde  s'appli- 
que à  chanter  les  louanges  de  Dieu.  Il  ftatue  enfiiite 
contre  ceux  qui  n'oblerveront  pas  cette  Ordonnance, 
des  peines  conformes  à  l'ctat  &  à  la  condition  des  per- 
fc)nnes.  Si  c'eft  un  Avocat,  le  Concile  veut  qu'il  Ibic 
chaffc  du  Barreau  ;  Ci  c'eft  un  Serf,  ou  un  Elclave  , 
qu'il  (bit  frappe  de  quelques  coups  de  bdton;  C\  c'efl 
un  Clerc,  ou  un  Moine,  qu'il  (bit  excommunié  pen- 
dant fi\  mois. 

Le  Concile  (îxieme  d'Arles,  de  l'an  813.  défend 
Canon  16.  de  tenir  des  marchés  publics  les  Diman- 
ches, de  plaider,  de  travailler  à  la  terre  Se  à  des  œu- 
vres fèrviles,  &  ordonne  qu'on  ne  s'occupe  qu'à  ce  qui 
regarde  le  fervice  de  Dieu  '^.  On  trouve  dans  le  Ca- 
non 40.  du  troi/îeme  Concile  de  Tours  tenu  en  la  mê- 
me année ,  de  (emblables  défenfès  touchant  les  plaids 
&  les  marchés. 

Le  fécond  Concile  de  Reims  tenu  la  même  an- 
née, déclare,  Can.  35.  que  félon  le  Commandement 
de  Dieu ,  on  ne  doit  faire  aucune  œuvre  fervile  le  Di- 
manche, ni  tenir  les  plaids  ou  audiences,  ni  exercer 
le  commerce,  ni  fiire  des  donations  en  public;  c'efl- 
à-dire,  que  les  Notaires  ne  doivent  point  faire  d'aéles 
de  donations  ^. 

Le  fîxieme  Concile  de  Paris  de  l'an  8^5?.  arrêta 
qu'on  imploreroit  l'autorité  del'Empereur  Louis  le  Dé- 
bonnaire ,  pour  empêcher  qu'on  ne  tienne  les  marchés , 
ou  les  plaids  aux  jours  de  Dimanches  ,  qu'on  ne  tra- 
vaille à  la  terre ,  &  qu'on  ne  falTe  quelques  corvées ,  ou 
charois  ^. 


d  Ne  in  diebus  Domînicis 
publica  mercata  ncque  caufa- 
tioncs,  difceptationelque  cxer- 
ctantiii  ,  6c  pcnitus  a  rurali  & 
fervili  opère  ccTlctiir.  His  fo 
lummodo  pcraclis ,  qiix  .id  Dci 
cultiiiii  &  fcrviti'.Jiu  pertintrc 
nolcun:  ,r. 

«   Ut  iu  du.l;u5  Domiiiicis 


fecundum  Domini  pratceptum, 
nulla  opcra  fcrvilia  quilibet 
peifîciat ,  nec  ac  placio  conve- 
niac ,  ncc  ctiam  donationes  in 
piiblico  faccrc  praeTuiTiat  ,  ne- 
quf  nuTcata  exercer. 

/  Spcciaiiter  atquc  Ininuliter 
à  Saccrdoiibus  Imj  crialis  Cel- 
fitudo  ilagiu-uid^  cil  ut  cjus  à 


574  Conférences   d^ Angers, 

L'Empereur  confirma  les  Décrets  de  ce  Concile 
par  une  Ordonnance  qu'il  fit  dans  le  Concile  de 
Worms  tenu  la  même  année  8i^.  rapportée  dans  le 
tome  I.  des  Capitulaires  de  l'édition  de  Baluze. 

Le  Concile  de  Meaux  de  l'an  845.  parlant  de  la 
manière  dont  on  doit  célébrer  la  Fête  de  Pâques 
pendant  toute  la  fèmaine  ,  eft  entré  dans  un  plus 
long  détail  des  œuvres  qui  font  défendues  aux  jours 
de  Fêtes.  Dies  quoque  ocîo  ,  dit  ce  Concile  ,  Canon 
77.  SancrofanClœ  Fafchalis  feftivitatis  omnibus  Chrijlia- 
nis  ferîatos  ejfe  àecernimus  ah  omni  opère  rurali ,  fa^ 
brili  y  carpentario  ,  gynaceo  3  cœmentario  ,  pi£iorio ,  t/e- 
natorio ,  forenfi ,  mercatorîo  ,  audientiali  ac  facramen" 
fis  exigendis  ,  quatenus  eifdem  diebus  tanto  licemius, 
quanto  liberius  ,  omnibus  ChriJIianis  fanCice  Refurrec- 
tionis  laudibus  Ù"  facrofancî^  pradicationi  jugiter  in-- 
jîjîere  liceat,  Quodji  quis  temerare  prxfumpferit ,  ex- 
communicetur.  Sous  le  mot  de  Gynœceo  ,  ce  Concile 
comprend  tous  les  ouvrages  de  la  main  auxquels  les 
femmes  ont  coutume  de  s'occuper ,  &  par  les  ter- 
mes exigendis  facramentis  ,  il  entend  les  preilations 
de  ferment  en  Juftice, 

Nos  Rois  ont  fait  des  Loix  femblables  à  ces  dé- 
cidions de  l'Egiife.  Dagobert  L  fit  en  l'an  5*30.  un 
Edit  par  lequel  il  défend  de  travailler  le  jour  du  Di- 
manche à  planter  des  hayes  pour  clore  les  champs  > 
à  faucher  les  foins ,  à  couper  ou  à  ramaiïer  les  moif^ 
ions  ,  ou  à  quelque  autre  œuvre  (erviie  ;  il  prononce 
diverses  peines  contre  ceux  qui  feront  coupables  de 
contravention ,  &  il  veut  que  fi  c'efl  une  perfbnne 
libre  qui  en  ait  été  reprife  &  punie  pour  récidive , 
elle  fbit  privée  pour  toujours  de  la  liberté  ;  étant 
jufte  ,  ajoute  cette  Loi ,  que  celui  qui  n'a  pas  voulu 
fervir  volontairement  le  Seigneur  un  fêul  jour  de 
la  femaine  ,  qui  lui  efl  particulièrement  confacré  , 
fbuifre  malgré  lui  la  fervitude  pendant  tous  les  jours 
de  fa  vie. 


Deo  ordinata  poteftas  ,  ob  ho- 
portmà  ieverentiarn  tanti  diei 
cunftis  mctum  incuiiat  ,  ne  in 
bac    fani^U  (k   venerabili  die 


mercatus  &  placita  &  ruralia 
<^ua;r]iie  opcra  ,  nec  ron  r)uaf- 
libct  carrigationts  horiuncs  fa» 
cere  prsEfuiiiani.   Ca/i.  3J» 


tfl 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     3  7^ 

Le  Roi  Pépin  fit  publier  en  755.  une  Ordon- 
nance pour  faire  exécuter  les  Canons  du  Concile 
de  Verneuil ,  dont  le  14.  eft  le  mcme  que  le  18. 
du  troifîeme  Concile  d'Orléans ,  que  nous  venons  dô 
rapporter. 

Charlemagne  dans  le  Capitulaire  qu'il  fit  drefTer 
en  7&'5>.  à  Aix-la-Chapelle  ,  par  l'avis  des  Prélats 
de  Ton  Royaume  ,  déclare  qu'afin  que  l'honneur  & 
le  repos  du  jour  du  Seigneur  (oit  exadement  obier- 
vé  par  toutes  fortes  de  perfonnes  ,  il  eft  défendu 
?.ux  hommes  conformément  à  l'Ordonnance  du  feu 
Roi ,  de  travailler  à  la  culture  des  vignes ,  de  la- 
bourer la  terre  ,  faire  les  moifTons ,  faucher  les  prés  i 
planter  des  hayes  ,  abbattre  des  arbres  ,  arracher  du 
bois ,  tirer  des  pierres  des  carrières  ,  bâtir ,  travail- 
ler au  jardin ,  plaider ,  ni  allej  à  la  chafTe  ;  comme 
aufïi ,  il  leur  efl  défendu  défaire  aucunes  voitures, 
qu'en  ces  trois  cas  ,  pour  l'armée  ,  pour  les  provi- 
fions  des  vivres  néceflaires  aux  Villes, ou  pour  con- 
duire un  corps  à  la  fépulture.  Qu'à  l'égard  des  fem- 
mes ,  il  leur  eil  défendu  de  faire  aucun  ouvrage  de 
tiffu  ,  de  tailler  des  habits  ,  de  coudre ,  de  broder  , 
de  carder  de  la  laine  ,  de  battre  du  lin  ,  de  laver  la 
lefTive  ôc  de  tondre  les  brebis.  Ces  Loix  font  rap- 
portées tome  I.  des  Capitulaires  de  nos  Rois  de  l'é- 
dition de  Balu/,e, 

A  l'égard  de  la  chafTe  ,  il  y  a  des  Do(fleurs  qui 
eroyent  qu'on  peut  y  aller  les  Dimanches  Se  les 
Fêtes  ,  par  manière  de  récréation  ;  d'autres  font  d'un 
fentiment  contraire.  Nous  avons  vu  que  le  Concile 
de  Meaux  de  l'c.n  84^.  &  le  Capitulaire  d'Aix-la- 
Chapelle  la  comprennent  au  nombre  des  œuvres  dé- 
fendues pendant  les  ^ours  de  Dimanches  &  de  Fc- 
tes.  Le  Concile  de  Tours  de  l'an  1583.  a  défendu 
d'y  paffer  le  tems  dans  ces  fîiints  jours.  Venant  & 
aucupatu  temnis  urere»  Ain(î  c'efl  le  plus  sûr  de  s'en 
abflenir  ,  lur-tout  de  la  chafTe  qui  le  fait  avec  ap^ 
pareil.  Il  y  a  grande  apparence  que  c'efl  de  celle-là 
don:  le  Concile  de  Meaux  &  le  Capitulaire  d'Aix 
ont  entendu  parler.  Cependant  nous  ne  croyons  pas 
qu'un  Gentilhomme  qui  chafTeroiL  pour  fe  récréer 


^^6  Conférences   cT Angers  l 

aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes ,  après  le  Ser- 
vice divin  ,  pendant  une  ou  deux  heures  (ans  ap- 
pareil ,  comme  font  ceux  qui  chafTent  avec  un  chien- 
couchant,  commit  un  péché.  Nous  difbns  la  mê- 
me choie  d'un  homme  qui  pécheroit  à  la  ligne.  Nous 
ne  prétendons  point  auiïi  condamner  les  chafles  que 
les  Magiflrats  ou  les  Seigneurs  ordonnent  être  faites, 
après  les  Vêpres  des  ParoifTes ,  pour  la  néceflité  pu- 
blique ,  comme  l'on  en  a  fait  en  l'année  17 14.  pour 
détruire  les  loups  enragés  qui  ravageoient  la  Provin- 
ce d'Anjou. 

Quand  le  Pape  Alexandre  III.  ch.  Licet  de  Feriis  , 
a  permis  de  pécher  les  harengs  aux  jours  de  Diman- 
ches &  de  Fêtes  ,  à  la  réierve  des  Fêtes  les  plus  Co- 
iemnelles  ,  il  n'a  pas  déclaré  que  ce  travail  fût  ab- 
iblument  permis  alors  ;  c'efi:  une  indulgence  qu'il  a 
eue  pour  des  habitans  qui  étoient  dans  la  difette  des 
chofes  néceiïaires  à  la  vie  par  la  flérilité  du  Pays , 
&  qui  auroient  (buffert  un  dommage  confidérable. 
Il  le  dit  en  termes  exprès  dans  fa  lettre  à  l'Arche- 
vêque de  Tribur  &  à  fès  Suffiragans ,  d'où  efl  tiré  le 
ch.  Licet  8, 

Les  Conciles  n*ont  pas  défendu  de  s'occuper  à  ces- 
ibrtes  d'oeuvres  aux  jours  de  Dimanches ,  comme  les 
jugeant  mauvaises  en  elles-mêmes  ou  indignes  des 
Chrétiens  ;  mais  ,  ainfî  qu'ils  le  difènt ,  parce  qu'elles 
les  détourneroient  de  l'application  au  culte  de  Dieu  , 
auquel  on  doit  employer  ces  jours  tout  entiers,  com- 
me étant  la  fin  pour  laquelle  ils  font  deflinés  ,  &  le 
motif  pour  lequel  les  œuvres  ferviles  y  font  défen- 
dues. Ofortet  3  dit  le  troifieme  Concile  de  Tours, 
omnes  Chrijîianos  a  fervili  opère  in  laude  Dei  Ô"  gra- 
tiarum  aclione ,  ufque  ad  vefperam  ,  perfeverare.  Si  au 


g  Cùm  regio  veftra  non 
jnultùm  frugibus  abundec ,  &i 
jnare  in  qiio  popuius  majorem 
habere  ccnfuevit  fuftcntatio- 
rcm  fierilius  folito  errcchvm 
fuille  niuitoriim  relationibiis 
cognofcentes  ,  autoritue  B. 
JPctri  iHi  Prtuii  <3c  noûrae  indul- 


gemus''  nt  liceat  Parochianîs 
vtfiris  ,  Hifbiis  Dominicis  Sc 
aliis  Ffft!viîatibus,piïterc)iàn» 
in  majoribiis  anni  folerrnitati- 
bus  ,  fi  alecia  terrs  fc  incli- 
naverint,  eorum  captioni  in- 
gruenic  neceflitate  intendcic. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu.      577 

lieu  de  s'appliquer  en  ces  jours  au  Service  de  Dieu , 
on  fe  donne  à  d'autres  œuvres  ,  on  deshonore  le 
Chriftianifme  ,  on  l'avilit ,  on  le  rend  mépriHible,  & 
on  anime  les  impies  A  blafphémer  le  Nom  de  Jefus- 
Chrift,  dit  le  /ixieme  Concile  de  Paris  à  l'endroit  que 
nous  avons  cité  ^. 

Il  arrive  de-là  que  les  Fctes  qui  devroient  être  pour 
les  Chrétiens  des  jours  de  grâces  &  de  bénédidions,  de- 
viennent des  jours  de  malédidion  &  de  colère  ;  Dieu 
pour  punir  leur  ingratitude ,  au  lieu  de  bénir  les  tra- 
vaux qu'ils  font  en  ces  (àints  jours ,  y  donne  fouvent 
fà  malédidion. 

Ces  défenfes  tant  de  fois  réitérées  ,  &  même  fur 
peine  d'excommunication  &  d'autre  punition  ,  nous 
doivent  faire  comprendre  que  le  commandement  qui 
efl  fait  aux  Chrétiens  de  s'abflenir  des  oeuvres  fer- 
viles  ,  Se  de  quelques  autres, 'quoique  non  purement 
fèrviles  ,  les  oblige  2.  l'oblerver  fous  peine  de  péché 
mortel ,  la  chofe  étant  de  foi  trcs-importante  ;  puif- 
qu'elle  concerne  la  Religion  £<  le  culte  de  Dieu  ,  qui 
eft  tout  ce  qui  doit  occuper  les  Chrétiens  en  ces  (àints 
jours.  His  folum  ferafîis ,  dit  le  fîxieme  Concile  d'Ar- 
les ,  quœ  ad  Dei  cultum  Ù"  ferviiium  fertinere  nof- 
cuntur. 

Le  péché  peut  n'être  que  véniel  par  la  petitefîe 
de  la  matière  ,  dont  on  doit  juger ,  tant  par  la  nature 
de  l'ouvrage  qu'on  fait  &  par  la  caufe  pourquoi  on 
!e  fait ,  que  par  l'efpace  de  tems  qu'on  y  emploie. 
Si  l'ouvrage  n'eft  par  purement  fervile  ,  s'il  y  a  quel- 
que nécemté  de  le  faire  ,  &  qu'on  y  emploie  peu  de 
tems,  il  n'y  a  point  de  péché,  ou  il  n'eft  que  véniel. 

Les  Cafuiftes  dirent  communément  qu'il  y  a  péché 
mortel,  lorsqu'on  a  travaillé  (ans  néce/Tité  pendant 
deux  heures  en  un  mcmejour,  quand  même  on  au- 
roit  travaillé  à  diverles  reprifès,  parce  qu'il  y  auroit 
€U  une  continuation  d'irrévérence  ,  qui  étant  venue 
à  un  certain  point ,  auroit  fait  un  péché  mortel. 


h  Quoniam  dum  hsc  agiint, 
in  licciis  Cîiriftianitatis  orfiif- 
caflc,  <^  nomea^Cluifti  bUf- 


phemantibus    Iccum    amplikl 
deuahcndi  amibuuuu 


578  Conférences    d^ Angers , 

Plufîeurs  gens  ne  croient  pas  avoir  péché  contre 
le  précepte  de  la  fàndification  des  Dimanches,  parce 
qu'ils  n'ont  pas  travaillé  ouvertement  à  des  ouvrages 
pénibles  &  fatiguans ,  qui  cependant  font  coupables 
de  péché  ;  &  fi  le  Confefleur  ,  comme  dit  S.  Charles 
dans  Tes  Inflrudions  aux  ConfefTeurs  ,  les  examine 
avec  plus  de  foin  qu'à  l'ordinaire  ,  il  trouvera  peut- 
être  que  quelques-uns  d'eux  ,  particulièrement  Ci  ce 
font  des  artifans  ,  n'auront  jamais  fait  une  bonne 
Confeffion  ,  &  que  plufieurs  auront  long-tems  vécu 
en  péché  mortel  ;  auxquels  par  conféquent  on  ne  doit 
pas  donner  rabfolution ,  fans  avoir  auparavant  pris 
foin  de  les  tirer  de  l'erreur  où  ils  (ont  qu'ils  n'offen- 
fènt  pas  Dieu  ,  Se  de  les  fortifier  contre  les  occafions 
qu'ils  auront  de  commettre  le  même  péché. 

Les  Pafi:eurs ,  pour  corriger  cet  abus ,  ne  ïcauroienc 
trop  repréfenter  aux  peuples  l'étendue  du  précepte  de 
la  fandification  des  Dimanches  &  des  Fêtes  ;  ils  doi- 
vent leur  faire  entendre  que  rien  n'attire  davantage 
la  roiere  de  Dieu  fiir  eux  que  la  profanation  de  ces 
jours ,  qu'il  s'efl  réfèrvé  pour  être  (pécialement  con- 
fàcrés  à  fon  fervice  &  à  la  (àndlification  des  Fidèles. 
Rien  neiï  aufifi  de  plus  honteux  à  la  Religion  ,  que 
de  voir  ces  jours  de  lalut  profanés  impunément  par 
lant  d'oeuvres  défendues. 

On  ne  doit  pas  permettre  aux  artîfâns  de  travail- 
ler pafle  minuit,  la  nuit  du  Samedi  au  Dimanche, 
ou  la  veille  des  Fêtes ,  car  on  doit  obferver  les  jours 
de  Fêtes  d'un  minuit  à  Tautre  ,  excepté  celles  qu'on 
n'obfèrve  que  jusqu'à  midi. 

On  ne  doit  pas  non  plus  tolérer  les  ouvriers  ;  com- 
me les  Tailleurs  ,  les  Cordonniers  ,  &  autres  ,  qui  Ce 
font  une  habitude  de  livrer  leurs  ouvrages  pendant 
la  matinée  des  jours  de  Fêtes  &  de  Dimanches  ;  ce 
qui  les  détourne  de  la  Meffe  de  Paroifle,  des  Infiruc- 
tions,  &  autres  exercices  de  religion  &  de  piété;  ni 
ceux  qui  pafTent  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes 
à  chercher  de  la  beCogne  ;  ce  qui  arrive  fouvent  à  la 
campagne  :  ni  les  Fermiers  ,  Métayers  ou  Colons  , 
qui  choififTent  ordinairement  les  jours  de  Dimanches 
OU  de  Fêtes ,  pour  aller  dans  les  villes  ou  bourgs  voi- 


fur  les  Commun  démens  de  Dieu,     37P 

fins ,  pour  compter  avec  leurs  Maîtres ,  ou  pour  leur 
porter  des  provilions  ,  qui  quittent  ain/i  les  Offices 
&  les  Inflrudions  qui  Ce  font  dans  leurs  ParoifTes  :  ni 
les  gens  de  la  campagne  qui  amènent  à  ces  jours  leurs 
denrées  ou  marchandifes  dans  les  villes  ,  (bit  pour 
les  vendre  ou  autrement.  Tout  cela  efl:  expreflement 
défendu  par  une  Ordonnance  du  Diocèfe  du  7.  Mars 
1674.  &  par  un^  du  13.  Février  1701. 

Plu/ieurs  habitans  des  villes  qui  ont  des  mailbns  de 
campagne,  d'où  ils  tirent  les  proviiîons  pour  leur  fa- 
mille ,  les  font  amener  en  leurs  maifons  de  la  ville ,  les 
jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  ,  par  un  valet  avec  des 
chevaux  chargés ,  &  renvoient  le  même  jour  le  valet 
pour  travailler  le  lendemain  à  la  campagne  ;  fbu- 
vcnt  ils  ne  font  pas  réflexion  qu'ils  violent  ainfi  le 
précepte  de  la  (àndification  de,s  Fctes  ;  c'eft  pourquoi 
les  Curés  en  doivent  avertir  de  tems  en  tems  leurs 
Paroifiiens  dans  leurs  Prônes  ,  &  les  ConfefTeurs  leurs 
pénitens  dans  le  tribunal  delà  Confeflion  ,  leur  re- 
montrant qu'il  arrive  de-là  que  leurs  valets  travail- 
lent également  les  Fêtes  &  les  jours  ouvriers  ;  de 
forte  qu'ils  ne  vaquent  quafi  jamais  au  (ervice  de 
Dieu  ,  &  n'entendent  pas  plus  fouvent  (a  parole  ,  & 
manquent  quelquefois  a  aflfiller  à  la  Méfie.  Nous  avons 
dans  les  Statuts  du  Diocèle  une  ordonnance  de  Henri 
Arnauld,  qu'il  fit  en  l'an  1674.  pour  réprimer  cet  abus 
qui  étoit  fort  fréquent  dans  la  ville  d'Angers. 

Il  n'y  a  point  de  doute  que  non-feulement  ceux 
qui  travaillent  (ans  nécefi'ité  les  jours  de  Dimanches 
&  de  Fctes ,  ne  (oient  coupables  de  péché  ,  mais  en- 
core ceux  qui  font  travailler  les  autres  en  leur  com- 
mandant, en  leur  confcillant ,  ou  en  les  y  exhortant, 
&  ceux  qui  par  leur  exemple  font  cau(e  que  les  autres 
travaillent.  Il  faut  mcme  expliquer  ces  circonfiances 
dans  la  ConfeOlon  ,  à  cau(e  du  divers  nombre  de  pé- 
chés qui  enfuivent. 

Les  Marchands  6!«:  les  Artidms  qui  pafTent  un  tems 
con/idérable  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fctes  dans 
les  cabarets  ,  à  traiter  de  leurs  affaires  temporelles, 
ou  à  faire  des  marchés  en  buvant  &  mangeant ,  ne 
font  pas  exempts  de  péché  j  quoique  le  dciuer-à-die\4 


§8o  Conférences    d'j^nger^j' 

ne  fè  donne,  ou  que  les  conditions  du  marehe  ne 
s'écrivent  que  le  lendemain. 

Il  y  a  des  perfonnes ,  particulièrement  à  la  cam- 
pagne ,  qui  croient  pouvoir  fans  péché  faire  les  jours 
de  Dimanches  &  de  Fêtes  afleoir  la  leflive  ,  palfer  la 
farine  ,  cueillir  des  herbes  pour  donner  le  lendemain 
aux  animaux  ,  ou  faire  faire  quelque  autre  travail  dans 
la  maifbn  à  leurs  enfans  ou  à  leurs  lerviteurs  ,  (ous 
prétexte  de  les  empêcher  par-là  d'aller  courir  de  coté 
&  d'autre  &  de  fe  débaucher.  Ces  perfonnes  font  dans 
l'erreur ,  &  il  faut  les  détromper.  Elles  doivent  veil- 
ler à  ce  que  leurs  domefîiques  afTiftent  à  Vêpres  &  aux 
Inflrudions  qui  fe  font  à  TEglife  de  la  ParoifTe  ,  ou 
qu'au  moins  ils  s'occupent  à  prier  Dieu  ,  à  répéter 
îe  Catéchifme ,  à  faire  ou  écouter  de  pieufes  ledures. 
Bien  plus  ,  le  Capitûlaire  zci.  de  Charlemagne,  liv. 
6.  ordonne  que  les  Bergers  chantent  les  louanges  de 
Dieu  aux  jours  de  Dimanches  en  allant  aux  champs 
&  en  s'en  retournant  à  la  maifbn,  afin  qu'on  les  con- 
noilTe  pour  des  Chrétiens  K 

La  plupart  des  gens  croient  qu'il  efl  permis  de  tra- 
vailler indifiêremment  dans  les  jours  de  Fêtes  &  mê- 
me de  Dimanches ,  au  tems  des  vendanges  ,  de  la 
moifTon  des  bleds  ,  ou  du  fauchage  des  herbes ,  quoi- 
qu'il n'y  ait  aucune  nécefTité.  Il  faut  les  en  défàbu- 
fer  ;  car  il  n'eil  pas  plus  permis  de  travailler  aux  jours 
de  Fêtes  en  ces  tems-là  que  dans  un  autre  ;  il  n'y  a 
que  la  nécefTité  qui  puilTe  rendre  ce  travail  perm.is. 

i    Illo   die  feu  Sabbaio  ad  I  eiindo  &  redeundo  in  campum 
Vefperas  &  ad  Matutinas  feu     &  ad  domum  faciant  ,  ut  om- 
ad  Miffam....  omnescanen-  !  nés  cos  vcraciterClirift'unos  & 
do  Kyrie  ,  eléifon  decanrent.  1  devotos  elle  cognofcant» 
Similiter  &  Paftores  pecorum  • 


ç$.^^.^ 


fur  les  Commaniemens  de  Dieu:     581! 


III.      QUESTION. 

Quelles  font    les  œuvres  qui  font  permifes  leS 
jours  de  Dimanches  £r  de  Fêtes  r* 

COmme  le  précepte  de  s'abftenir  des  œuvres  (êr- 
viles  aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fctes ,  a 
pour  fin  le  culte  de  Dieu ,  il  n'y  a  nul  doute  qu'il  ne 
Ibit  permis  de  faire  en  ces  jours  des  œuvres  lerviles 
qui  regardent  le  Service  divin,  comme  balayer  ,  net- 
toyer ,  orner  une  Eglifè  ,  préparer  ce  qui  eft  nécelr- 
faire  pour  le  Service  divin  ,  pour  les  exercices  de  la 
Religion  ,  pour  la  folemnitc  d'une  Fcte.  Notre-Sei- 
gneur  nous  l'a  en  feigne  au  chap.  iz.  de  S.  Matthieu, 
lorfque  voulant  faire  revenir  les  Pharifiens  de  leur  er- 
reur fiir  la  manière  dont  on  devoit  oblerver  le  Sab- 
bat ,  il  leur  demanda  s'ils  n'evoient  point  lu  que  les 
Prêtres  au  jour  du  Sabbat  violoient  le  Sabbat  dans  le 
Temple ,  &  n'étoient  pas  néanmoins  coupables.  On 
doit  pourtant  nettoyer  &  orner  Jes  Egliles  les  jours 
ouvrables  autant  qu'on  le  peut ,  &  on  ne  le  doit  pas 
faire  aux  jours  de  Dimanclies  &  de  Fctes ,  à  moins 
qu'il  n'y  ait  quel  ]ue  nécefTité. 

îl  faudroit  ctre  tombé  dan?  un  aveuglement  (em- 
blable  à  celui  de-^  Juifs,  pour  croire  que  ce  précepte 
ne  doive  pas  céder  à  la  loi  de  la  charité.  Bien  loin 
qu'il  fôit  défendu  de  Ce  donner  aux  œuvres  de  charité 
&  de  miféricorde  les  jours  de  Dimanches  ,  c'eft  un 
moyen  très-propre  pour  les  (andifier  dignement.  Je- 
fus-Chrill  nous  l'a  appris  par  fon  exemple  ,  en  s'ap- 
pliquant  à  faire  des  miracles  le  jour  du  Sabbat  pour  la 

fuérifon  des  malades.  On  ne  peut  lâns  une  malice 
iabolique  ,  trouver  à  redire  qu'on  s'occupe  les  Di- 
manches à  ces  Cônes  d'oeuvres ,  qui  ne  font  pas  tant 
l'ouvrage  de  l'homme  que  celui  de  Dieu ,  comme  dit 
Tertuliien,  liv.  4.  contre  Marcion  ,  ch.  ii  ^,  Ainfî  on 

■A    Opus  aiitcm  faliuis  <5:  incolumitatis  non  cft  hominis  fcd 
Pci  propriunii 


582  Conférences    d'Angers] 

ne  peut  rien  faire  de  plus  convenable  à  la  (âînteté  de 
ces  jours;  car  la  miféricorde  eft quelque chofe  déplus 
grand  &  de  plus  agréable  à  Dieu ,  que  n'eil  le  facri- 
lice  ;  fî  bien  que  Dieu  ne  veut  point  le  (acrifice  ,  s'il 
empêche  qu'on  faffe  des  œuvres  de  miféricorde  &  de 
charité.  Jefiis-Chrift  l'a  déclaré  dans  le  même  chap. 
de  S.  Matthieu,  après  le  Prophète  Ofée  ,  ch.  6.  Mi- 
ferkordiùm  volo  &  non  facrificium,  C'eft  vouloir  ren- 
verfer  l'ordre  des  chofes ,  que  de  vouloir  que  l'hom- 
me ait  été  fait  pour  le  Sabbat,  au  lieu  que  le  Sabbat 
a  été  fait  pour  l'homme  ,  comme  le  Sauveur  le  dit 
au  chap.  2.  de  S.  Marc.  Le  travail  des  peribnnes 
employées  dans  les  hôpitaux  des  pauvres  malades,  ell 
donc  très-innocent,  &  ne  doit  pas  être  interrompu 
les  jours  des  plus  grandes  fblemnités  de  TEglifè ,  non 
plus  que  celui  des  Médecins. 

La  manière  dont  les  Chrétiens  doivent  célébrer 
les  Dimanches  &  les  Fêtes  ,  eft  bien  différente  de 
celle  dont  les  Juifs  gardoient  le  Sabbat  ;  ils  s'étoient 
infatués  qu'il  falloit  palTer  ce  jour  dans  une  pure  oi- 
fîveté,  croyant  qu'il  leur  étoit  abfolument  défendu 
de  rien  faire  ;  mais  les  Chrétiens  qui  (ont  inftruits  de 
la  vérité ,  font  perfiaadés  qu'ils  ne  doivent  pas  ob- 
ferver  le  Sabbat  à  la  lettre  &  feulement  d'une  ma- 
nière corporelle  ,  mais  que  le  repos  corporel  leur  eft 
commandé  pour  leur^aire  jouir  du  repos  fpirituel 
qu'on  goiite  en  s'abitenant  de  pécher ,  en  contem- 
plant les  merveilles  du  Seigneur ,  en  lui  rendant  des 
adions  de  grâces  ,  en  le  louant  &  l'aimant .  qui  efl 
comme  une  image  fur  la  terre  du  repos  éternel  dont 
ils  doivent  efpérer  de  jouir  un  jour  dans  le  ciel  en 
voyant  Dieu  ^.  Sur  ce  principe  de  l'Eglife  qui  dé- 


h  Obfervare  tamen  diem 
Sabbati  non  ad  iitteram  jube- 
mjr  feciin'^ùm  otium  ab  opè- 
re corporali  ,  ficut  obfcrvant 
Judïi  ;  &  ipfa  eorum  obfer 
vatio  «jUîc  lia  prxcepta  tft  ,  nifi 
aliam  c^ua.ndam  fpiricalem  -e- 
quiem  fignificet  >  ridenda  ju- 
dicatur.  Unde  non  inconve- 
niciuer  intelligimus  >  ad  amo- 


rem  excitandum,  quoad  re- 
quiem tendimiis ,  valcre  om- 
nia  figuratè  in  Scripturis  di- 
cuntiir  ;  quandoqiiidtm  id  fo« 
lum  in  Decalogo  figuratè  pr«- 
cipitur,ubi  reqiiics  commen- 
datur  ,  qux  ubique  amatur  , 
fed  in  folo  Deo  certa  &  fanda 
invenitur»  Aug.  Epiji*  119»  di 
Jau,  nunc  s  s» 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu»     583; 

fend  aux  Chrétiens  les  œuvres  fèrviles  les  jours  de 
Dimanches  ,  de  crainte  qu'ils  ne  fbient  détournés  du 
Service  divin  ,  leur  permet  de  travailler  pour  les  be- 
(oins  Se  néccfTités  de  la  vie.  L'obligation  de  s'abfte- 
nir  du  travail  aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes 
n'eft  donc  pas  une  loi  Ci  générale,  qu'elle  ne  (ouffre  des 
exceptions.  Nous  en  marquerons  ici  quelques-unes 
des  plus  ordinaires. 

Les  Peies  du  Concile  troisième  d'Orléans  ,  Can. 
18.  dont  nous  avons  rapporté  les  termes  dans  la  Que{^ 
tion  précédente  ,  ont  déclaré  qu'il  eft  permis  d'aller 
les  Dimanches  à  cheval  &  en  carroffe  ,  de  préparer 
î>  manger  ,  8c  de  faire  ce  qui  regarde  la  propreté  du 
corps  Se  de  la  maifbn. 

Le  Concile  de  Reims  de  l'an  1583.  au  tit.  de  dîe^ 
bus  ïejlis  ^  Se  celui  d'Aix  de  l'an  1585.  de  Fejîorum 
dierum  cultu ,  di(ent  qu'il  ell'  permis  de  vendre  & 
d'aclieter  aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  ,  les 
chofes  qui  font  néceiïaires  pour  le  culte  de  Dieu  , 
pour  le  recours  des  malades ,  &  celles  dont  on  a  be- 
ibin  pour  l'entretien  de  la  vie.  Ne  quid  ematur  aut 
vendatur  ,  nijî  quod  /^grotis  ,  am  illhis  diei  viCtui  ne- 
cejfarium  ejl  ,  dit  le  Concile  d'Aix,  Si  pourtant  on 
pouvoit  acheter  commodément  ces  choies  un  autre 
jour  ,  on  fêroit  blâmable  de  le  faire  le  Dimanche  ou 
une  Fcte. 

Il  n'cd  pas  défendu  de  s'exercer  pendant  les  jours 
de  Dimanches  &  de  Fctes  aux  Arts  libéraux  qui 
fervent  à  cultiver  l'efprit  Si  à  le  polir.  On  peut,  fans 
crainte  de  violer  le  précepte  de  la  fandification  du 
Dimanche  ,  lire  ,  étudier  ,  écrire  pour  fe  perfedion- 
ner  dans  une  Science  ou  dans  un  Art  :  on  peut  inf^ 
truire  les  autres  ,  donner  des  avis  &  des  confulta-» 
tions  :  les  Profefiburs  des  Arts  &  des  Sciences  peu- 
vent travailler  à  leurs  Ics^ons  :  les  Architedes  ,  les 
Peintres,  les  Sculpteurs ,  les  Brodeurs  ,  les  Charpen-. 
tiers  ,  peuvent  tracer  fur  le  papier  ,  ou  fur  le  carton  , 
des  deffeins ,  des  plans ,  des  projets  d'ouvrages ,  feu- 
lement pour  s'exercer  &  fe  perfedionner  dans  leuc 
art  ;  car  ce  ne  font  pas  tant  là  des  œuvres  des  mains  , 
jue  des  ouvrages  de  l'efprit ,  qui  fe  font  par  forme 


5S4  Conférences    d* Angers , 

d'étude ,  &  par  conféquent  ne  (ont  pas  des  œuvfes 
fèrviles.  Si  néanmoins  on  s'appliquoit  à.  ces  aftions 
durant  tant  de  tems  qu'on  manquât  d'afîifter  aux 
Offices  de  TEglife  ,  ou  de  vacquer  au  Service  de 
Dieu ,  ou  à  des  oeuvres  de  piété  ,  on  ne  feroit  pas 
çxcufé  de  péché. 


IV.    QUESTION. 

Pour  quelles  caufes  ejî-il  permis  de   ira* 

railler  aux  jours  de  Dimanches 

&-  de  Fêtes? 

L'E  G  L  I  s  E  qui  eft  une  mère  remplie  de  dou- 
ceur &  de  bonté  pour  fes  enfans  ,  compatiflant 
à  leurs  besoins  ,  leur  permet  de  travailler  quand  la 
piété  les  y  engage ,  ou  la  nécelfité  les  y  oblige.  Si 
necejfitas  iirgeat ,  vel  pietas  fuadeat ,  comme  parle 
Grégoire  lA.  ch,  Conquxjîus  de  Feriis,  Jefiis-Chrifl 
nous  a  fait  connoître  dans  le  chap.  12.  de  S.  Mat- 
thieu ,  qu'il  approuvoit  cette  permiffion  ,  loriqu'il  dit 
aux  Pharifiens,  que  les  Prrêtes  de  l'ancien  Tefîa- 
ment  violoient  le  Sabbat  dans  le  Temple ,  fans  néan- 
moins être  coupables,  &  que  voulant  juftifier  la  con- 
duite de  (es  Apôtres  ,  qui ,  prefTés  de  la  faim  ,  rom- 
poient  des  épis  le  jour  du  Sabbat  pour  en  manger  le 
grain  ,  il  allégua  l'exemple  de  David  &  de  ceux  de 
fà  (uite  ,  qui  étant  aufli  prefTés  de  la  faim  ,  avoient 
mangé  les  pains  de  Propofition  qu'il  n'étoit  permis 
qu'aux  Prêtres  (euls  de  manger. 

Nous  avons  prouvé  que  les  œuvres  de  piété  étoienc 
permi(ès  aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  ,  il 
refte  à  faire  voir  que  la  nécefïité  rend  auffi  les  œu- 
vres (erviles  permi^s  en  diverles  rencontres. 

La  néceflité  eft ,  ou  publique  ou  particulière  à  un 
petit  nombre  de  perlônnes ,  ou  propre  à  celui  même 
âui  travaille. 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      385* 

La  ncceflîtc  publique  fait  qu'il  eft  permis  de  tra- 
vailler les  jours  de  Dimanches  &  de  Fctes  ,  à  la  répa- 
ration des  ponts  &  digues  qui  retiennent  les  rivières 
dans  leur  lit;  qu'on  peut  charrier  les  vivres  pour  les 
armées;  qu'on  peut,  à  l'exemple  des  Machabées  , 
combattre  pour  la  défenfe  de  la  Religion,  le  fervice 
de  Ton  Prince,  le  falut  de  (a  patrie;  qu'on  peut  trans- 
porter par  terre  &  par  eau ,  des  vivres  à  des  Habi- 
tans  d'une  Ville  ou  d'un  Pays  qui  en  manquent.  Cet- 
te néceflké  excule  les  matelots ,  les  bateliers ,  les 
courriers  ,  les  meffagers  &  voituriers  ,  qui  portent 
des  lettres ,  ou  conduisent  des  vaifl'eaux  ,  des  charriots  , 
ou  des  chevaux  chargés  de  marchandifes  pour  le 
public. 

Les  Boulangers  ont  autrefois  prétendu  qu'ils  étoient 
compris  dans  l'exception  par  laquelle  il  elî  permis  de 
préparer,  faire  cuire  &  vendre  les  choies  nécefTaires  à 
la  vie  ,  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fctes  ,  parce  que 
le  pain  eft  la  nourriture  la  pluô  commune  &  la  plus 
néceiliiire  à  l'homme.  Il  e(i  clair  que  cette  exception 
ne  s'entend  que  des  choies  qui  doivent  ctre  préparées 
tous  les  jours,  &  que  l'on  ne  peut  garder  d'un  jour  à 
l'autre,  fims  qu'elles  diminuent  con/îdérablement  de 
bonté.  Le  pain  n'eft  point  dans  ce  cas,  puilqu'il  n'eft 
pas  moins  bon  pour  la  fànté,  un  jour  ou  deux  après  fà 
cuiffon. 

C'eft  pourquoi  de  fcMvans  Auteurs  elliment  que  la 
coutume  dans  laquelle  quelques  Boulangers  (ont  de 
cuire  le  pain  les  Dimanches  &  les  Fctes  au  û^û  de 
l'Evcque  &  des  Magiftrr.rs,  ne  ]os  cxcufe  point  de  pé- 
ché, s'il  n'y  a  quelque  néceirité  particulière  de  le 
faire. 

On  étoit  G  perfuadc  du  tems  de  (âint  Louis ,  qu'il 
n'étoit  pas  permis  aux  Boulangers  de  travailler  les 
Dimanches  &  les  Fctes ,  hors  le  cas  de  nécc:ii:é,  que 
par  les  Statuts  que  ce  Roi  donna  aux  Boulangers  de 
Paris ,  qui  (ont  dans  la  Chambre  des  Comptes  ,  il  leur 
eft  défendu  de  cuire  du  pain  aux  jours  de  Dimanches 
&  aux  jours  de  Fctes ,  à  moins  qu'une  Fctc  ne  fût  pré- 
cédée de  deux  ou  trois  autres  Fctes.  En  ce  cas  on  pré- 
fumoit  que  le  pain  cuit  h  veille  de  la  première  Fct© 
Towe  I.  R 


^26  Conférences  cT Angers  ^ 

pouvoir  être  confumé  ;  &  ainfi  la  dernière  des  Fêtes 
retomboit  dans  le  cas  de  la  néceffité  de  cuire  de  nou- 
veau pain» 

On  avoit  porté  cette  exaditude  Ci  loin ,  que  pour 
ôter  aux  Boulangers  toute  occafîon  d'anticiper  une 
feule  heure  fur  la  folemnité  du  jour  ,  ou  d'en  retran- 
cher la  moindre  partie;  il  leur  étoit  défendu  par  les 
mêmes  Statuts  de  cuire  le  pain  les  Samedis ,  ou  les 
veilles  des  Fêtes ,  à  moins  qu'il  ne  fût  mis  au  four  au 
plûtard  aux  chandelles  allumantes,  &  de  recommen- 
cer à  cuire  le  Lundi  ou  le  lendemain  des  Fêtes,  que 
les  Matines  ne  fufTent  Tonnées  à  l'Eglife  de  Notre- 
Dame  de  Paris. 

Les  Loix  Eccléfiafliques  non  plus  que  les  Civiles  , 
n'ont  point  défendu  la  vente  du  pain  aux  Diman- 
ches &  Fêtes  ,  parce  qu'encore  qu'on  puifîe  fort  bien 
fe  palTer  d'avoir  du  pain  tendre,  &  ain/î  d'en  cuire 
tous  les  jours,  il  peut  être  d'une  dangereuse  con- 
féqUw-nce  de  manquer  un  feul  jour  d'en  diUribuer  à 
ceux  qui  en  ont  befbin  ;  c'eft  pourquoi  il  eu.  per- 
mis aux  Boulangers  d'en  vendre  les  Dimanches  & 
Fêtes  ,  en  tenant  les  ais  de  leurs  boutiques  fermés 
&  n'en  lailTant  que  la  porte  ouverte.  Aufll  dans  l'Or- 
donnance du  Diocefe  ,  du  23.  Février  1701.  on 
n'a  mis  au  nomibre  de  ceux  qui  violent  les  Diman- 
ches &  les  Fêtes,  que  les  Boulangers  qui  peuvent 
prévenir  ces  jours-ià  ,  &  qui  y  travaillent  Cms  né- 
ceffité ;  &  par  les  Ordonnances  de  Police  de  la 
Ville  d'Angers ,  il  efl:  feulem.ent  défendu  aux  Bou- 
langers de  cuire  au  four  les  jours  de  Dimanches  &  de 
Fêtes. 

Comme  après  le  pain  il  n'y  a  point  d'aliment 
d'un  ufage  plus  univerfel  que  la  viande,  les  Bou- 
chers font  auffi  compris  entre  les  perfonnes  aux- 
quelles il  efl  permis  de  travailler ,  &  de  faire  leur 
commerce  les  Dimanches  &  les  Fêtes.  Mais  il  faut 
donner  de  juftes  bornes  à  cette  exception  de  la  règle 
générale. 

Hors  les  tems  de  chaleur,  les  Bouchers  ne  peuvent 
ouvrir  leurs  étaux  &  y  vendre  de  la  viande  les  Diman- 
ches &  les  Fêtes.  A  Paris,  U  leur  eft  permis  par  les 


fur  Us  Comman démens  de  Dieu,     387 

Ordonnances  de  Police  de  les  ouvrir  à  ces  jours  de- 
puis le  premier  Dimanche  d'après  la  Fête  de  la  fàinte 
Trinité,  d'Eté  ,  jufqu'au  premier  Dimanche  d'après  la. 
Notre-Dame  de  Septembre;  parce  que  les  chaleurs 
qui  le  font  d'ordinaire  fentir  en  ce  tems-là ,  peuvent 
corrompre  les  viandes. 

Dans  la  Ville  d'Angers ,  quoique  par  les  Ordon- 
nances de  Police,  &  particulièrement  par  celle  du 
16.  Mars  lyoi.  il  (bit  permis  d'étaler  &  de  vendre 
dans  les  boucheries  ,  de  la  viande  dans  le  tems  des 
grandes  chaleurs  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes ,  néanmoins  la  coutume  e(i  qu'on  n'en  étale  & 
qu'on  n'en  vende  point  dans  les  boucheries  publiques 
pendant  tout  le  cours  de  l'année,  aux  jours  de  Di- 
manches &  de  Fctes ,  à  moins  qu'il  ne  s'en  ren- 
contre deux  de  fuite.  L'O'^donnance  du  Diocefe 
qu'on  vient  de  citer  eft  conforme  à  cette  coutume. 
Comme  à  Paris  on  peut  fuivre  la  coutume  qui  efl 
établie  &  approuvée  par  l'Evcque  du  lieu;  de  même 
on  e(l  obligé  dans  la  Ville  d'Angers ,  de  le  con- 
former à  l'utage  qui  efl:  autorile  par  une  Ordonnança 
Eccléfiaftique. 

Il  eft  permis  aux  Bouchers  en  tout  tems,  de  faire 
cuire  &  vendre  les  abbatis  des  bctes  qu'ils  ont  tuées  le 
Samedi ,  ou  la  veille  d'une  Fcte ,  ces  choies  Ce  cor- 
rompant facilement  :  &  parce  que  la  viande  eil  dange- 
reufe  a  laHmté,  difficile  à  manger  &  Hms  goût,  les 
jours  que  les  beftiaux  ont  été  tues  ,  les  Bouchers  peu- 
vent pendant  l'Fté  ,  tuer  les  bètes,  les  Dimanches  & 
les  Fctes  fur  le  foir,  quand  ils  en  manquent  pour  le 
lendemain. 

Le  principal  commerce  des  Patifîiers  n'ayant  pouc 
objet  que  la  volupté  &  la  délicateffe,  on  peut  rai- 
(bnn.iblemcnt  leur  faire  pratiquer  une  ditcipline  plus 
auHerc  qu'aux  Boulangers  &  aux  Bouchers.  Par  les 
Lettres  Patentes  du  Roi  Louis  XIV.  de  l'an  I6'f3. 
confirmatives  des  Statuts  des  Patifîiers  de  Paris  ;  il 
leur  efl  défendu  de  travailler  les  jours  de  Dimanches 
&  Fctes  (b)emnelles  ,  comme  font  la  Conception  de 
la  fainte  Vierge  y  Noël,  la  Chandeleur ,  l'Anno:!ci,i:ion  , 
l'Afcenfton,  la  fête -Dieu,  l'Ajfomption ,  celle  de  uiint 

Rij 


388  Conférences  d'Angers^, 

Michel ,  la  Touffaints.  Ils  doivent  prévenir  les  Jours 
de  Fêtes  ;  &  s'ils  travaillent  (ans  nécelTité ,  ils  vio- 
lent le  précepte  de  la  fàndification  des  Fêtes ,  com- 
me il  eh  marqué  dans  l'Ordonnance  du  Diocefe ,  de 
l'an  1702-, 

Avant  que  de  décider  fî  les  Meuniers  peuvent 
faire  moudre  le  bled  aux  jours  de  Dimanches  &  de 
Fêtes  ;  nous  croyons  qu'il  faut  faire  diftindion  en- 
tre les  Meuniers  qui  ont  des  moulins  à  vent ,  &  ceux 
qui  ont  des  moulins  à  eau,  ou  qu'ils  font  tourner  par 
des  animaux.  Les  premiers  peuvent  faire  moudre  le 
grain  aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes,  pour  ne 
pas  perdre  l'occafîon  du  vent  dont  ils  ne  font  pas  sûrs 
pour  un  autre  jour.  Quant  aux  autres  il  n'y  a  que  la 
ailette  de  farine  qui  les  puifTe  rendre  excufables  , 
quand  ils  font  moudre  le  grain  les  Dimanches  ou  les 
Fêtes  :  la  coutume  contraire  efi:  unabus  qu'il  faut  cor- 
riger, comme  Guillaume  le  Maire  Evéque  d'Angers, 
Fa  déclaré  dans  fbn  Synode  de  l'année  iipi.  enjoi- 
gnant aux  Meuniers ,  fur  peine  d'excommunication 
de  s'abftenir  de  travailler  les  Dimanches  &  Fêtes.  Ce 
Statut  eil  rapporté  dans  la  p^ge  81.  des  Statuts  du  Dio' 
cefe  ^. 

Il  fe  trouve  des  occalîons  extraordinaires  qui  regar- 
dent le  public  aulTi  bien  que  les  particuliers ,  où  l'on 
ell  forcé  de  travailler  les  Dimanches  &  Fêtes  ;  par 
exemple,  pendant  la  moiffon,  les  vendanges,  la  ré- 
colte des  foins ,  des  lins  &  des  chanvres ,  lorfque  les 
biens  de  la  terre,  par  l'injure  du  tems  ou  par  le  débor- 
dement des  rivières,  font  expofés  à  un  danger  évident 
d'être  gâtés  ou  perdus. 

Le  Concile  de  Narbonne,  de  l'an  ç8p.  a  reconnu 
cette  nécelTité  Can.  4.  Nfc  boves  jungantur,  excepta  Ji 
in  metendo  necejjltas  incubtterit. 


a  Inhibentes  Molitoribus 
etiam  quibnfcumque  fub  pœnae 
inrermtpatione  prsdiiitae,  (  id 
eft  excommiinicationis  )  &  Mo- 
iendinonim  Domlnis,  ne  ip- 
(îs  diélis    dic;bus    Dominicis 


maxiraè  à  vefpçra  diei  Sabba-  I  ruptela 


ti ,  iifque  ad  vcfperam  diei 
Doni'nicae  Molendina  molcre 
faciant  aiit  permictant  ,  non 
obftantelongi  temporis  abufii  , 
qui  non  iifiis  cenfendus  aut 
confuctudo  ^  imô  veriùs  cor- 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      3  89 

Saint  Thomas  i.  1.  q.  m.  arc.  4.  dans  la  Rcpontê 
à  la  troifîeme  objeâiion ,  pour  prouver  qu'en  travaillant 
''-<?n  cette  occafion ,  on  ne  viole  pas  le  Sabbat,  fe  fert 
de  la  rcponfe  que  Notre  Seigneur  fit  aux  Juifs  ch.  li- 
de  S.  Matthieu.  Qui  ejl  celui  d'entre  vous  qui  ayant  une 
brebis  qui  [oit  tombée  dans  une  fofe  le  jour  du  Sabbat^, 
ne  la  retire  pas  ? 

Le  Pape  Nicolas  IV.  ayant  ctc  confultc  en  l'an  1 447» 
par  les  peuples  de  Tranlîlvanie ,  s'il  ctoit  permis  de 
travailler,  dans  le  tems  de  la  récolte,  les  jours  de  Di- 
manches &  de  Fêtes,  repondit  qu'on  pouvoit  le  faire  , 
s'il  y  avoit  une  véritable  néceflltc ,  qui  ne  fût  aftedée 
ni  mendiée  ^. 

Guillaume  le  Maire  avoit  permis  en  fbn  Synode  de 
l'an  1304.  page  loi.  des  Statuts  de  ce  Dioceiè,  qu'on 
recueillit  les  fruits  de  la  terre;  Se  qu'on  les  tranfportân 
les  Dimanches ,  quand  il  n'y  avoit  pas  moyen  de  les 
conferver  autrement  ^, 

Le  Pape  Alexandre  IIL  étoit  fi  perfiiadé  qu*on 
pouvoir  travailler  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes ,  pour  éviter  un  dommage  confidérable  que  le  pu- 
blic fbuffriroit,  qu'il  permitaux  habitans  des  Diocefès 
fuftVagans  de  l'Archevêché  de  Tribur  de  pêcheries  ha- 
rengs ;  parce  que  ces  poiflons  ne  viennent  fur  les  cotes 
de  la  mer  qu'en  certaines  faifons ,  &  fi  on  manque  à 
les  pécher  dans  le  tems  qu'ils  s'approchent  de  la  terre 
en  troupe ,  ils  fe  retirent  incontinent  en  pleine  mer  ; 
ainfi  les  habitans  de  ce  Pays  auroient  (oufFert  un  dom- 
mage confidérable. 

La  néceffité  du  prochain  qui  eft  preflante,  ed  aufliî 
une  caufe  légitime  pour  travailler  les  jours  de  Di- 


h  An  pauperibus  villaris  ac 
oppidanis  licitiim  fit  finiià 
inensâ  pott  pranciiiim  de  cam- 
po  temporc  melTis  ,  cum  timc- 
tiir  de  pliivid  ,  portarc  cum 
pccoribus  ,  vcl  equis  ,  vel  cur- 
ribusjlinum  ,  focnum  &  alia 
bladaluimano  iifui  convcnier;- 
cia  ,  refpondemus  :  cefTante  nc- 
Cfflitare  ab  omni  pperc  fervili 
pbftinendum  cÛe  dicbus  Do- 


minicis  &  Feftivis  ,  fed  neccf- 
fitate  cogcnte,  non  tamen  af- 
fcdatâ  feu  procuratâ  ,  licitum 
eik  prsemida  exerccre, 

c  Dicbus  Dominicis  à  tali- 
bus  excepto  necertltatis  arti- 
cule ,  vidclicet  ubi  de  amiffio- 
ne  fVuduum  ,  vel  vehendorum 
verifimiliter  timerctur  ,  nec 
poflet  aliiid  faciliter  remediutn 
adhiberi  I  omninô  abûineant. 


3pO  Conférences  d'Angers^, 

Tîianches  &  de  Fêtes,  comme  s'il  s'agit  d'arrêter  un  în-i 
cendie,  de  prévenir  une  inondation ,  de  làuver  le  bien 
du  prochain  qui  Ce  perd ,  de  fbulager  les  m.alades  & 
les  pauvres.  Sur  ce  principe  on  permet  en  certains  Dio- 
cefèsaux  perfbnnes  riches,  de  cultiver  gratuitement 
en  certains  jours  de  Fêtes,  les  terres  des  pauvres,  qui 
làns  ce  lecours  demeureroient  incultes  ;  mais  ceux  qui 
font  ce  travail  n'en  peuvent  retirer  aucune  récom- 
penfe. 

Les  Chirurgiens  peuvent  làigner  les  malades ,  &  les 
Apotlcaires  préparer  les  remèdes  dont  les  malades  ont 
befoin  aduellement. 

Les  Cordonniers  &  les  Tailleurs  font  quelquefois 
forcés  de  travailler  pendant  une  partie  des  jours  de 
Dimanches  ou  de  Fêtes  par  la  nécefTité  de  ceux  qui 
les  empicyent.  Ces  Artilans  font  excufàbles,  fi  ce 
n'efl  point  par  leur  faute  qu'ils  font  obligés  de  travail- 
ler alors  ;  car  fi  pour  s'être  amufés  au  jeu  ou  à  la  dé- 
bauche ,  ou  pour  n'avoir  pas  bien  ménagé  leur  tems  , 
&  s'être  occupés  d'un  ouvrage  qui  n'étoit  pas  prefle , 
ils  (ont  obligés  de  travailler  les  Dimanches  eu  les  Fê- 
tes, ils  ne  font  pas  excufés  de  péché,  ni  auili  lorfque 
le  befoin  de  ceux  pour  qui  ils  travaillent  n'eil:  pas  fi 
prelîànt  qu'ils  ne  puiffent  le  pafTer  de  leur  ouvrage 
làns  une  grande  incommodité.  Quand  ces  occafious  (e 
rencontrent,  ils  doivent  expofer  le  cas  à  leur  Evêque 
ou  à  leur  Curé,  qui  après  avoir  tout  confidéré  pour- 
ra leur  permettre  de  travailler  durant  une  partie  du 
Jour. 

Le  travail  des  Maréchaux  efl  permis  dans  le  cas  de 
nécelfité ,  ainfi  qu'il  eft  marqué  par  l'Ordonnance  du 
Diocefe  du  7.  Mars  1674. 

La  nécelfité  propre  rend  quelquefois  le  travail  per- 
mis les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes;  par  exem- 
ple ,  un  pauvre  honime  chargé  d'une  groffe  famille 
qu'il  ne  peut  ablblument  faire  (ubfifter  s'il  ne  travaille 
jours-là,  peut  le  faire  innocemment,  quand  après 

Ir  expofé  la  nécefli'-é  à  fon  Curé,  il  en  a  obtenu  la 


ces 
avoir  exp 


permifTion  ;  mais  le  Curé  ne  la  doit  pas  donner  que 
le  befoin  de  cet  homme  ne  Cçit  preiTant  &  bien  çç.* 


connu. 


far  Us  Cômmandemens  de  Dleiu     35? i 

Un  dommage  confidcrable  qu'une  perfbnne  fouftn- 
Toit  en  (on  bien  fî  elle  ne  travaille  un  jour  de  Diman- 
che ou  de  Fête  pour  le  provenir,  pafTe  pour  une  né- 
ccffité  propre ,  qui  rend  excuflibles  ceux  qui  travail- 
lent; car,  comme  dit  le  Catcchifme  du  (Concile  de 
Trente,  (lir  le  troifieme  Commandement  du  Dccalo- 
gue  au  §»  î  9.  il  ne  faut  pas  croire  que  Dieu  défende  de 
travailler  dans  cette  circonftance  ^,  Sur  ce  principe  on 
peut  permettre  (îiivant  le  fèntiment  de  S.  Antonin  en 
/a  Somme  part.  2.  tit.  5».ch.  7.  qu'on  étende  dansl'liy- 
vcr  au  foleil  la  leflive  &  la  laine  mouillée.  Par  la  mê- 
me raifon  les  Potiers,  les  Thuiliers,  les  Verriers,  les 
Chauxfourniers,  peuvent  continuer  d'entretenir  le  feu 
dans  leurs  fours. 

Pour  qu'on  puifTe  travailler  fans  péché  aux  jours 
de  Dimanches  &  de  Fcres ,  il  faut  i».  Que  la  né- 
cefTité  foit  preflance  &  reconnue  par  des  peribnnes 
prudentes  &  judicieu(es.  2°.  Qu'on  en  ait  obtenu  la 
permilTion  du  Supérieur  Ecclé/îaftique ,  quand  on  a 
pu  y  avoir  recours;  car  c'eft  aux  Supérieurs  Ecclé- 
fiaftiques  à  gouverner  les  peuples  dans  les  chofès 
fpirituelles  ;  &  par  conféquent  c'eft  à  eux  à  juger /î 
la  nécefTité  pour  laquelle  on  prétend  qu'il  efl:  per- 
mis de  travailler,  eft  véritable,  légitime  &  fuffifante, 
pour  faire  cefTer  l'obligation  du  précepte,  qui  nous 
a  été  fait  de  nous  abftenir  du  travail  dans  ces  (àints 
jours. 

Le  Roi  trcs  -  Chrétien  Louis  XIV.  qui  s'e(î  en 
toutes  occa/îons  déclaré  le  Protedeur  de  l'Ef^life  & 
de  Tes  Loix  ,  a  fiit ,  par  une  Ordonnance  donnée 
à  Verfailles  le  t8.  Mai  1701.  défenfes  à  toutes  per- 
fonnes  de  travailler  les  jours  de  Dimanches  &  de 
Fctes  ordonnées  par  l'Eglifc  ,  dans  la  Ville  &  Faux- 
bourgs  de  Paris,  fans  permifllon  de  M.  l'Archevêque, 
ou  autres  ayans  pouvoir  de  lui,  à  peine  dctre procédé 
contr'eux  fuivant  la  rigueur  des  Ordonnances.  Si  on 
ne  pouvoit  commodément  avoir  recours  au  Supérieur 
£cdé/îartique ,    &   que   le    befoin  fut  preifant  ,    on 


d  Nequc  earum  reriinr»  ope 
ra  hac  Itgc  ,  proliibcri  cxifH 
mandurn  eft  ,  quorum  jadura 


facicnda  fit ,  fi  die  Fefto  pn- 
termittantur. 

Riv 


■592  Conférences    d^ Angers, 

poiirroit  travailler  fans  fà-  permifTion  exprefle ,  fî  le 
travail  fe  devoir  faire  en  fecret  ;  parce  qu'on  peut 
alors  fuppofèr  que  le  Supérieur  l'accorderoit ,  s'il 
pouvoir  être  confùlté,  mais  il  ne  faut  pas  fe  flatter 
lur  ce  point.  Si  on  étoit  obligé  de  travailler  publi- 
quement ,  il  faudroit  être  plus  exad  à  en  demander 
la  permiflion  au  Supérieur.  30.  Prendre  garde  de  ne 
point  caufer  de  fèandale  ,  travaillant  en  fecret  au- 
tant qu'on  peut,  &  ne  faifant  à  la  vue  du  m.onde 
que  ce  qu'on  eu  forcé  d'y  faire.  40.  Que  le  travail 
qu'en  fait  n'empcche  point  d'entendre  la  Mefîe  ;  il 
faut  même ,  autant  qu'on  peut ,  s'abflenir  de  tra- 
vailler en  ces  jours  avant  que  de  l'avoir  entendue. 
C'eft  pourquoi  dans  les  nécefîités  publiques ,  les  Cu- 
rés doivent  dire  la  Méfie  de  grand  matin  pour  la 
commodité  des  Peuples.  Il  y  a  des  Diocefès  où  les 
Evéques  le  leur  recommandent  par  leurs  Ordonnan- 
ces. <^^,  On  devroit  pratiquer  ce  qu'Alexandre  III. 
ch,  Licet ,  de  Feriis  ,  enjoignit  a.  ceux  à  qui  il  per- 
mit la  pèche  du  hareng  les  jours  de  Dimanches  & 
de  Fêtes ,  qui  fèroit  de  donner  aux  pauvres  &  à  l'E- 
glifè  une  partie  du  profit  qu'on  auroit  fait  en  ces  fàints 
jours  ^. 

Les  Curés  peuvent  accorder  à  leurs  ParoifÏÏens  la 
permiflion  de  travailler  dans  leur  nécefTité  particu- 
lière :  mais  quand  la  nécefiité  elî  publique  &  qu'on 
peut  avoir  commodément  recours  à  l'Evêque ,  il  faut 
s'adrefier  à  lui,  particulièrement,  /i  la  permifTion  doit 
être  générale,  ou  quafi  générale ,  ou  s.'il  faut  continuer 
le  travail  pendant  plufieurs  jours  de  Dimanches  &  de 
Fêtes.  r 

Les  Curés  de  la  Cam.pagne  à  qui  on  demande 
la  permifTion  de  travailler  dans  le  tems  de  la  ré- 
colte ,  à  caufe  du  péril  qu'il  y  a  que  les  fruits  de 
la  terre  ne  foient  gâtés  par  le  mauvais  tems  ,  ne  doi- 
vent pas  s'en  rapporter  à  leur  feul  jugement ,  ni  à 
celui  des  perfonnes  particulières  qui  veulent  obte- 
nir cette  permifTion  ;  mais  ils   doivent  prendre  l'a- 

e  Ita  quôJ  poft  h^am  cnp-  j  &  Chriftl  pauperibuscongruam 
tiiram  ,  lici.liiîis  circiin-.pofitis  l  ùtiant  l'Orwoucm. 


/> 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu.     395 

vîs  des  gens  (âges  &  prudens ,  &  ils  doivent  rare- 
ment donner  une  permiffion  générale  pour  toute 
leur  ParoifTe  ,  parce  qu'il  peut  y  avoir  des  can< 
tons  où  U  n'y  a  pas  un  belbin  preflant  de  travail-^ 
Jer, 


Rr 


^^^  Conférences  d'Angers, 


RESULTAT 

DES 

CONFÉRENCES 

SUR 

LES  COMMANDEMENS  DE  DIEU:. 

Tenues  au  mois  de  Juin  17 14. 


PREMIERE     QUESTION. 

EJî- il  permis  de  faire  des  voyages  ou  d'aller  aux 

Foires  les  jours  de  Dimanches  ^r  de  Fêtes  ; 

^  les  Marchands  peuvent-ils  ouvrir  leurs 

Boutiques  ,  ou  vendre  tenans  leurs  Boutiques. 

fermées  f 

ON  peut  faire  des  voyages-  par  différens  mo- 
tifs. Il  y  en  a  qui  Ce  font  pour  une  utilité 
temporelle.  Comme  ceux-là  (ont  proprement  des 
oeuvres  (erviîes ,  il  n'ell  permis  de  les  faire  les  jours 
de  Dimanches  &  de  Fêtes  que  dans  les  cas  d'une 
néceffite  publique  ou  particulière  qui  fbit  confidéra- 
ble»  L'une  &  l'autre  de  ces  deux  nccelFités  rendent 
excufables  les  Vciturlers  &  les  MefTagers  qui  con- 
SuuififtL  kur.  route  duram  ies  jours  de  Dimanchçs  fie 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     395* 

de  Fctes ,  quand  ils  s'y  (ont  engagés  de  bonne  foi. 
On  fuppofe  que  s'ils  l'interrompoient ,  eux  ,  ou  le 
public  louffriroit  un  dommage  confidérable.  C'efl 
cette  rai(bn  qui  a  fait  dire  aux  Pères  du  troifieme 
Concile  d'Orléans ,  &  de  celui  de  Verneuil  de  l'an 
75^.  qu'il  eft  permis  de  voyager  les  Dimanches  avec 
des  chevaux  &  des  bœufs.  Cependant  le  Roi  Dago- 
bert  I.  n'étoit  point  entré  en  cette  confidération  ; 
ce  Prince  étant  perluadé  que  les  voyages  détournent 
beaucoup  de  l'Office  divin ,  &  troublent  l'application 
qu'on  doit  avoir  au  culte  de  Dieu ,  avoit  fait  dé- 
fenles  ,  par  (on  Edit  de  l'an  630.  de  voiturer  au- 
cune chofe  le  jour  du  Dimanche  ,  tant  par  terre  que 
par  eau  ,  lous  diverfes  peines  ;  &  il  avoit  ordonné  que 
fi  l'on  le  trouvoit  en  chemin  Ton  fe  repofat  juf^ 
qu'au  Lundi  matin  :  tant  étoit  grande  la  piété  de  ce 
Prince. 

Il  (eroit  à  (buhalter  qu'on  pût  perfiiader  à  ceux, 
qui  voyagent ,  de  porter  ce  refpeft  au  jour  ccnfâ- 
cré  au  Seigneur;  au  moins  il  les  faut  difTuader  de 
partir  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  ;  ils  ne  le 
peuvent  faire  fans  péché ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  de 
la  ncceilitc.  On  ne  doit  pas  même  cxcufèr  ceux  qui 
partent  le  Samedi  au  foir,  ou  la  veille  d'une  Fête, 
pour  gagner,  comme  ils  difent,  le  Dimanche  ou  la 
Fête,  car  leur  intention  eft  d'éluder  le  précepte  qui 
oblige  à  les  fanétifier. 

La  nécefllté  publique,  ou  plutôt  la  néceffité  par- 
ticulière des  petits  Merciers  de  Campagne,  fait  qu'on 
tolère  les  courfes  qu'ils  font  les  Dimanches  &  les 
Fctes  pour  aller  chercher  de  la  marchandife ,  ou 
pour  vendre  celle  qu'ils  ont  achetée  ,  afin  qu'ils 
puifTent  gagner  leur  vie.  Ces  courfes  leur  (ont  pour- 
tant défendues  durant  les  heures  du  Service  divin. 
La  pauvreté  des  gens  de  la  Campagne  qui  ne  vont 
dans  les  Villes  ou  Bourgs  que  les  jours  de  Diman- 
ches &  de  Fêtes,  rend  auffi,  en  quelque  manière ^ 
exculables  ce  petit  trafic  ,  qu'on  ne  pourroit  empê- 
cher (Tins  incommoder  beaucoup  les  vendeurs  &  les 
'acheteurs. 

U  y  a  des  voyages  qu'on  fait  par  diverrilTement  ; 


^p(^  Conférences  d'Angers, 

ii  en  faut  raifbnner ,  comme  des  autres  récrcafîorTÇ 
qu'on  prend  les  Dimanches  &  Fêtes.  Si  Ton  y  em- 
ployé une  grande  partie  du  jour,  s'ils  détournent  de 
rOiiice  divin  ou  des  Inflrudions  qu'on  fait  à  i'Eglife, 
ou  s'ils  engagent  dans  des  embarras  qui  occupent  plu- 
fîeurs  perlonnes  &  les  empêchent  de  fandifier  les  Di- 
manches &  les  Fêtes  ,  on  ne  peut  excufer  de  péché 
ceux  qui  y  font  ces  voyages. 

Il  efl  permis  d'entreprendre  des  voyages  de  dé- 
votion &  de  les  continuer  les  jours  de  Dimanches 
&  de  Fêtes.  Ces  voyages  qu'on  nomme  ordinaire- 
ment Téiérinaçres ,  tirent  leur  origine  des  viiites  que 
les  premiers  Fidèles  rendoient  fréquem.ment  aux  lieux 
qui  avoient  été  honorés  de  quelques-uns  des  Myfteres 
de  notre  rédemption  ,  ou  aux  tombeaux  des.  JVIar- 
lyrs. 

Les  pèlerinages  (ont  des  adions  de  piété  fâintes  & 
îouables  :  aulïi  i'Eglife  &  les  Princes  les  ont  autorifcs 
&  approuvés  :  &  on  a  mis  les  Pèlerins  au  nombre  des 
perior.nes  qui  méritent  plus  de  faveur. 

Les  Empereurs  Chrétiens  les  prirent  (bus  leur  pro- 
îedion.  Nos  Rois  leur  en  ont  donné  des  marques  très- 
fingulieres. 

Dagobert  L  dans  l'un  de  les  Edits  de  l'an  6^0» 
pourvût  à  la  sûreté  de  leurs  perlpnnes.  &  de  leurs 
biens.  Pépin,  par  un  Edit  de  Tan  755.  les  exempta 
de  tous  les  péages.  Charîemagne,  par  un  Edit  de 
l'an  8oz.  fit  de  très-exprefî'es  défendes  de  refu(èr 
l'hofpitalité  aux  Pèlerins.  On  trouve  ces  Edits  dans 
le  tome  premier  des  Capitulaires  de  l'Edition  de  Ba- 
iuze. 

Le  Concile  deTculoufe  de  l'an  izi^,  Can.  20,  dé- 
charge les  Pèlerins  des  péages  &  des  nouveaux  droits,, 
pourvu  qu'ils  ne  fe  mêlent  point  de  trafiquer  de  mat- 
ch an  di  le. 

Mais  comme  les  meilleures  pratiques  dégénèrent 
quelquefois  en  abus,  &  qu'on  avoit  connu  qu'il  s'en 
étoit  gliffé  dans  les  voyages ,  &  qu'ils  étoient  à  plu- 
f  eurs  une  occaiion  de  débauche  &  de  libertinage , 
S.  Grégoire  de  Nyfle  qui  avoit  été  témoin  de  ces 
abusj,  Uans  un  voyage  de  Jcrufakm,  prit  de-U  occa- 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu*     397 

fîon  d'écrire  une  Lettre  Padoralc,  que  les  habiles  Cri- 
tiques elliment  être  un  véritable  ouvrage  de  ce  Pere« 
Il  y  apporte  plufîeurs  raisons  pour  détourner  les  Fidè- 
les d'entreprendre  légèrement  le  voyage  de  Jcrulalem 
ou  d'autres  pèlerinages.  S.  Jérôme  qui  ctoit  fort  dévot 
envers  les  faints  lieux,  s'edorce,  dans  la  13.  lettre,  de 
difluader  Paulin  Eveque  de  Noie,  du  voyage  de  Jé- 
rufalem  ,  Ce  (ervant  des  mêmes  raifbns  que  S.  Grégoire 
de  NyfTe.  Boniface  Archevêque  de  Mayence  qui  vi- 
voit  au  commencement  du  8.  fîecle,  exhorte  Chuth- 
bert  Eveque  de  Cantorberi,  dans  (a  105.  lettre,  d'ar- 
rêter ce  grand  concours  d'Anglois  de  l'un  &  de  l'autre 
fexe  qui  alloienn  à  Rome  en  pèlerinage;  parce  que  la 
plupart  ie  débauchoient  &  caufoient  un  grand  fcan- 
dale  à  toute  l'Eglile;  car  il  n'y  a  pas  (dit-il)  pret^ 
que  une  feule  Ville  en  Lombardie  ,  ou  en  France^ 
où  il  n'y  ait  quelque  femme  Angloife  de  mauvaise 
vie. 

Par  les  mêmes  motifs  les  Princes  ont  pris  des  pré- 
cautions à  l'égard  des  Pèlerins.  Charlemagne  par  un 
Edit  de  Tan  803.  ordonna  aux  Magiilrats  de  prende 
garde  Ci  les  Pèlerins  n'ètoient  point  des  fugitifs  ou  des 
vagabonds. 

Louis  XIV.  étant  informé  que  les  enfans ,  fous  pré- 
texte d'aller  en  pèlerinage  hors  du  Royaume  ,  fe 
débauchoient,  quittoient  la  maifbn  de  leurs  Parens 
contre  leur  gré ,  voloient  leurs  Maîtres,  s'abandon- 
noient  au  libertinage,  s'accolloient  foiivent  de  mau- 
vaises compagnies ,  pafToient  le  cours  de  leur  pè- 
lerinage en  une  débauche  continuelle  ;  que  des  hom- 
mes mariés  laiïïbient  leurs  femmes  Se  leurs  enfans 
lans  aucuns  (ècours,  &  qu'ils  cpou(bient  d'autres  fem- 
mes dans  des  Pays  étrangers,  au  préjudice  de  leurs 
femmes  légitimes,  avoit  publié  deux  Ordonnances, 
l'une  du  25.  Juillet  i'66<).  l'autre  du  mois  d'Août 
167 1.  pour  arrêter  la  continuation  de  ces  défôrdres. 
Mais  voyant  qu'ils  continuoient ,  Se  que  l'efprit  de 
libertinage  avoit  fait  irvventer  plulîeurs  rufes  poup 
éluder  fes  Ordonnances,  &vouhint  y  pourvoir,  il  ren- 
dit, le  7.  Janvier,  i65>o.  une  Déclaration  par  laquelle 
U  défendit  À  ics  fujets  d'allçr  en  pèlerinage  hors  de 


398  Conférences  (T Angers , 

(on  Royaume,  fans  une  permifTion  expreffe  de  luî^ 
lignée  par  l'un  des  Secrétaires  d'Etat ,  fur  l'appro- 
bation de  l'Evéque  Diocéfàin  ,  à  peine  de  Gaieres^ 
à  perpétuité  pour  les  hommes ,  &  contre  les  femmes 
de  telles  peines  afflidives  que  lès  Juges  eflimeronr 
convenables. 

Si  on  veut  que  les  pèlerinages  Ibient  agréables  à 
Dieu  &  profitables  à  l'ame ,  il  raut  luivant  l'avenifTe- 
ment  que  le  4^.  Concile  de  Milan  Ibus  S.  Charles , 
donne  au  titre  De  religiojis  Feregrinationibus  ^  ne  les  en- 
treprendre que  par  l'avis  des  Supérieurs  Eccléfiafti- 
ques ,  le  munir  des  làcremens  de  la  Pénitence  &  de 
l'Euchariftie ,  avant  que  de  s'y  engager,  comme  le 
Concile  de  Bourges  de  l'an  1584.  l'ordonne  dans  le 
titre  De  Feregrinaiionibus ,  Canon  z.  ptatiquer  des  œu- 
vres de  charité  &  de  piété  pendant  le  cours  des  voya- 
ges ,  oblerver  les  jeûnes  prelcrits  parl'Eglile,  fandi- 
fier  les  Dimanches  &  les  Fêtes ,  &  vivre  de  telle  ma* 
niere  qu'on  puifTe  faire  la  fàinte  Communion  dans  ces 
làint^  jours. 

Comment  donc  ne  pas  blâmer  les  voyages  danslel^ 
quels  des  perfonnes  de  différent  fexe  s'engagent  (eus 
prétexte  de  dévotion,  &  qui  à  peine  entendent  la  Meffé 
les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes,  &  palTentle  relîe 
de  ces  jours  à  rire  &  à  folâtrer  j*  Ce  Ibnt  plutôt  des  par- 
ties de  plaifir,  que  des  pratiques  de  dévotion.  Et  qui 
peut  exculer  les  fréquens  voyages  que  de  certaines 
personnes  font  les  jours  de  Dimanches ,  qui  font  par- 
là  détournées  d'alTiiler  à  la  Méfie  de  Paroifle  &  aux 
inlîrudions  qui  s'y  fontf  Peut- on  dire  que  cette  dévo- 
tion (bit  réglée  ? 

Si  c'efl  un  Eccléfiaflique  qui  veuille  aller  en  pèleri- 
nage hors  de  Con  Diocefe,  il  ne  doit  pas  s'y  engager 
fans  avoir  obtenu  la  permifTion  de  fbn  Evéque  ,  ainfî 
qu'on  l'a  pratiqué  dès  les  premiers  fiecles  de  l'Eglife, 
&  que  le  Concile  de  Bude  tenu  en  l'année  1175:'.  l'or- 
donne Canon  3 1.  Celui  de  Bourges  qu'on  vient  de  ci- 
ter, les  a  renouvellées  Canon  i. 

Par  quelque  motif  qu'on  voyage  les  jours  de  Diman- 
ches ou  de  Fêtes,  on  doit  les  fânclifier,  en  afTîflanr 
au  moins,  à  la  MelTe ,  &  occupant  £cii  efprit  à  louer 


fur  Us  Commàndemens  de  Dieu,     5pp 

Dieu  de  tcms  en  tems,  &  a  lui  rendre  des  adions  àa 
grâces.  Rarement  les  voyages  lont  affez.  ncceffaires 
pourdifpenler  un  voyageur  d'entendre  la  MelTe,  On 
pèche  C\  on  ne  l'entend  pas  avant  que  de  partir  du 
iieu  où  l'on  Ce  trouve  au  matin ,  un  jour  de  Diman- 
che ou  de  Fête,  lorfqu'on  prévoit  que  dans  les  lieux 
011  l'on  doit  pafTer  on  ne  pourra  l'entendre  ;  parce 
qu'il  y  a  très-peu  de  Prêtres,  ou  qu'on  n'y  arrivera  pas 
a  tems  pour  l'entendre.  Bien  plus ,  fi  on  eft  en  doute  de 
ne  pas  entendre  la  MefTe  (ur  le  chemin ,  parce  qu'on 
y  a  déjà  été  furpris,  on  pèche  en  partant  fans  l'en- 
tendre, puilqu'on  fe  met,  (ans  néceflité,  en  danger 
de  la  perdre. 

Les  déci/îons  des  Conciles  que  nous  avons  rappor- 
tées dans  la  féconde  Queflion  de  la  Conférence  pré- 
cédente, qui  défendent  de  tenir  des  marchés  publics 
les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes,  pluïïeurs  defquel- 
les  ont  été  confirmées  par  nos  Rois  ,  &  les  Ordon- 
nances que  Chariemagne,  fit  dans  les  années  808.  & 
813.  portant  défenfes  de  tenir  aucun  marché  les  jours 
de  Dimanches  &  de  Fctes ,  nous  font  voir  que  les  deux 
Puiffances,  i'EccléfialHque  &  la  Temporelle  fe  font 
jointes  pour  empêcher  qu'il  n'y  eût  alors  ni  foires  ni 
marchés.  Rien  n'étoit  plus  Higement  ordonné  ;  il  n'y 
a  pas  d'apparence  qu'on  puifTe  fandifier  dignement  ces 
jours  en  fe  trouvant  aux  foires  pour  y  vendre  ou  y  ache- 
ter :  au  contraire  c'eil  une  occafîon  de  les  profaner  ;  car 
iôuvent  on  manque  à  afl'uler  a  la  MefFe  ou  on  l'entend 
fans  piété  &  fans  dévotion,  ayant  l'efprit  rempli  des 
affaires  du  commerce  :  on  s'abfente  de  l'Office  divin 
&  des  Inllrudions  qui  fe  font  dans  les  Paroiffes  :  bien 
loin  de  s'occuper  à  aucune  aélion  de  religion  ou  de 
piété ,  on  s'abandonne  à  la  débauche ,  à  des  diver- 
tiflemens  deshonnetes  &  à  d'autres  crimes ,  ainfi  qu'ont 
remarqué  les  Pères  du  Concile  do  Rouen  de  Tan 
1581. 

Mais  comme  les  Magiflrats  n'ont  pas  tenu  la  main 
ferme  à  Texécution  de  ces  fâintes  Loix ,  la  coutu- 
me de  tenir  les  foires  les  jours  de  Dimanches  &  de 
Fêtes  a  duré  très-long-tems.  Nos  Rois  ont  cru  devoir 
Beiacliex  de  k  fc vérité  des  anciennes  Loix ,  foit  à 


^00  Conférences  d^ Angers  ; 

caufê  de  la  multiplicité  des  Fêtes ,  dont  le  nombre  étant 
beaucoup  augmenté ,  étoit  devenu  nuifibie  au  peuple 
à  qui  il  relîoit  peu  de  tems  pour  le  travail,  foit  à  caufe 
de  la  pauvreté  des  peuples  &  de  la  nécefîité  publique, 
fbit  parce  qu'on  a  prétendu  qu'il  y  avoit  quelques  Fê- 
tes ,  telles  que  font  les  moins  fôlemnelles  ,  qui  ont  été 
inftituées  (ans  préjudice  des  foires  ou  marchés  que  les 
Seigneurs  avoient  droit  de  faire  tenir;  comme  peu- 
vent être  les  Fêtes  qui  ont  été  introduites  feulement 
par  la  dévotion  des  peuples  fans  aucune  Ordonnance 
de  l'Eglife. 

Au  lieu  qu*il  y  avoit  des  défenfes  générales  de  te-' 
nir  des  marchés  à  aucun  jour  de  Dimanche  &  de  Fê- 
le, l'Ordonnance  d'Orléans  rendue  Tan  1560.  fur  les 
plaintes  &  remontrances  des  trois  Etats  du  Royaume, 
a  feulement  défendu  aux  Juges ,  art,  13.  de  permettre 
les  foires  &  marchés  aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes annuelles  &  fblemnelles  :  ce  (ont  les  termes  de 
cette  Ordonnance  à  laquelle  celle  de  Blois  n'a  rien 
ajouté,  mais  s'efl  contentée  d'en  recommander  l'éxe- 
cution dans  l'article  38. 

Commxe  les  Fêtes  n'ont  pas  été  inftituées  feulement 
par  l'Eglife,  mais  que  la  FuilTànce  féculiere  a  dû  con- 
courir à  leur  inilitution,  c'eft  à  ces  deux  PuifTances 
à  faire  conjointement  ou  féparément  les  changemens 
aux  réglemens  faits  pour  empêcher  la  tenue  des  foi- 
res ou  marchés  aux  jours  de  Fêtes,  cette  matière  regar- 
dant autant  la  police  de  l'Etat  que  la  Difcipiine  de  l'E- 
gli(e. 

Plufîeurs  Evêques  de  France  jugeant  qu'il  étoIt 
de  leur  prudence  &  du  bon  ordre  de  fè  conformer 
iur  ce  point  aux  Ordonnances  du  Royaume,  (ont 
entrés  dans  l'adoucilTement  apporté  par  celle  d'Or- 
léans ,  &  ont  cru  devoir  défendre  feulement  qu'on  tînt 
des  foires  &  marchés  les  jours  de  Dimanches  &  de 
Fêtes  annuelles  &  (biemnelles  :  ainïi  ils  tolèrent  à 
l'égard  des  autres  Fêtes  l'usage  qui  a  dérogé  aux 
anciennes  défen(ès  ,  (buffrant  qu'on  y  tienne  des 
foires. 

Si  cet  ufage  n'efl  pas  établi  dans  tout  le  Royaume^ 
il  l'ell  certftuiejuent  dans  le   refTort  du  Parlemenc 


fur  les  Commandemens  de  Dieu»     401 

de  Paris  qui  l'a  approuve  par  plufîeurs  Arrêts ,  dorrt 
Tun  rendu  le  3.  Septembre  1667.  rapporte  tome  3.  du 
Journal  des  Audiences  liv.  i.  ch.  4.  tait  le  dénombre- 
ment des  Fêtes  auxquelles  il  eft  fait  défenfes  de  tenir 
les  foires. 

Par  autre  Arrêt  du  z 8.  Avril  1^73.  rapporté  dans  le 
tome  3.  du  Journal  des  Audiences  liv.  ?•  chap.  6,  le 
mcm.e  Parlement  a  ordonné  que  fuivant  l'art.  23.de 
l'Ordonnance  d'Orléans,  les  foires  &  marchés  qui  fe 
rencontrent  les  Dimanches  &  les  jours  de  Fêtes  folem- 
nelles,  feront  remifès  au  lendemain. 

Ces  deux  Arrêts  étant  fort  remarquables,  nous  avons 
cru  les  devoir  tranfcrire  tout  au  long. 


SU  R  ce  qui  a  été  remontré  par  le  Procureur  Gé- 
néral du  Roi  que  conform.ément  aux  Ordonnan- 
ces par  Arrêt  donné  en  la  Cour  des  Grands  jours 
le  4.  Décembre  1667.  les  danfes  publiques  &  fêtes 
appellécs  Baladoîres ,  introduites  par  quelques  Sei- 
gneurs Hauts-Jufticiers ,  pour  avoir  prétexte  d'en  ti- 
rer un  tribut  honteux  de  leurs  Jufticiables  pour  la 
permifTion  d'icelles  ,  auroient  été  entièrement  flip- 
prlmées  pour  les  délbrdres  qui  s'y  commettoient  or- 
dinairement, &  défenfes  faites  de  tenir  foires  &  mar- 
chés dans  rétendue  du  reffort  defdits  Grands-jours, 
es  jours  de  Dimanches ,  Fêtes  du  Patron  &  autres 
Fêtes  annuelles  &  (blemnelles;  &  comme  la  qualité 
defdites  Fêtes  annuelles  &  (blemnelles  n'auroit  été 
réglée  par  ledit  Arrêt,  les  Commifîàires  de  Paris  es 
Provinces  defdits  Grands-jours  pour  l'exécution  des 
Arrêts  qui  y  avoient  été  donnés,  auroient  trouve 
que  (bus  ce  prétexte  l'on  continuoit  en  quelques 
endroits  la  tenue  defdites  foires  Se  marchés  es  mê- 
mes jours  qu'auparavant;  requérant  y  être  par  la  Couc 
pourvu ,  &  que  ce  qui  avoir  été  réglé  par  ledit  Ar- 
rêt pour  le  reffort  de  la  Cour  des  Grands  jours,  fut 
exécuté  dans  tout  le  rcifort  de  la  Cour.  V'ii  ledit 
Arrêt  du  14.  Décembre  1665.  &c.  La  Cour  a  or- 
donné &  ordonne  que  ledit  Arrêt  du  14.  Décembre 
j^éj,    fera  exécuté  dans  tout  le  rclTorc  d'icelie,  Ce 


;^02  Conférences  d'Angers  , 

faisant  conformément  aux  Ordonnances ,  feront  Se 
demeureront  les  danfès  publiques  appellées  Baladoi- 
res  Se  autres  femiblables  fupprimées  ;  fait  défenfes  à 
toutes  perfonnes  d'en  faire  aucunes,  &  à  tous  Sei- 
gneurs Haut-Jufliciers,  tant  Eccléfîalliques  que  fécu- 
liers ,  &  à  leurs  Officiers  de  les  permettre ,  ni  de  fouf- 
frir  que  les  foires  &  marchés  foîent  tenus  es  Fêtes  fb- 
lemnelles  de  Pâques,  Pentecôte,  de  tous  les  Saints, 
Noël ,  faint  Sacremient ,  de  la  A^ierge ,  de  l'Afcen- 
fion,  Circonci/îon ,  Epiphanie,  Dimanches  &  Fêtes  de 
Patron,  à  peine  de  loo,  iiv.  d'amende ,  tant  contre  cha- 
cun des  Contrevenans,  que  contre  les  Seigneurs  qui 
les  auront  (buffert,  &  les  Officiers  qui  ne  les  auront  em- 
pêché; &  fî  aucunes  foires  &  marchés  échéent  e(Bits 
jours ,  feront  remâs  à  autres  fubféquens  :  &  à  cette  fin 
fera  le  préfent  Arrêt  lu,  publié  es  Piônes  des  MefTe* 
ParoifTiales,  &c. 

Fait  en  Parlement  le  5.  Septembre  1667, 


SU R  ce  qui  a  été  remontré  à  la  Cour  par  le  Pro- 
cureur Général  du  Roi,  que,  bien  que  les  Or- 
donnances ,  &  particulièrement  celles  d'Orléans  , 
cufTent  défendu  de  tenir  des  foires  &  des  marchés  les. 
Dimanches  &  Fctes  annuelles  &  Iblemnelles ,  &  aux 
Cabaretiers  de  recevoir  aucunes  perfonnes  pendant 
les  heures  du  fèrvice  Divin ,  &  aux  Bateleurs  de  jouer 
pendant  ce  même  tems,  &  que  plufîeurs  Arrêts  delà 
CoureulTent  renouvelle  de  tems  en  tems  ces  difpoiî- 
tions  fi  néceffaires ,  néanmoins  l'Archevêque  de  Pa- 
ris ayant  trouvé  qu'il  fe  faifoit  plufieurs  contraven- 
tions ,  particulièrement  dans  la  campagne ,  auroit 
donné  les  ordres  qui  dépendent  de  fbn  autorité  pour 
en  arrêter  le  cours  ;  &  comme  il  efl  important  que  la 
Cour  y  apporte  de  fa  part  les  remèdes  néceffaires , 
afin  que  les  Dimanches  &  les  Fêtes  annuelles  &  fo- 
lemnelles ,  &  celles  des  Patrons  des  Eglifes  fbient 
célébrées  avec  le  refpe<f^  qu'il  leur  efl  dû ,  &  que  les 
Peuples  affilient  exaftement  aux  Services  ;  requeroit 
qu'il  lui  plût  d'y  pourvoir  fuivant  Tes  conclufîons.  Lui 


\ 


fur  Us  Coinm  an  démens  de  Dieu,     405 

retiré ,  la  matière  mife  en  délibération  ,  la  Cour  a 
ordonné  &  ordonne  que,  fuivant  les  articles  14.  & 
1^.  de  l'Ordonnance  d'Orléans,  les  foires  &  marchés 
qui  Ce  rencontrent  dans  le  Diocele  de  Paris  les  Di- 
manches &  jours  de  Fêtes  (blemnelles  &  des  Patrons 
des  Eglifes  feront  remifês  au  lendemain.  Fait  dcfen- 
fès  aux  Cabaretiers  de  recevoir  aucuns  Habitans  des 
lieux  pendant  le  tems  des  Grand'Meffes  &  Vêpres  9 
a  peine  de  dix  livres  d'amende  pour  la  première  con- 
travention ,  &  d'autre  plus  grande  peine  en  cas  de 
récidive;  comme  aufli  à  tous  Bateleurs  &  autres,  de 
jouer  pendant  ce  même  tems,  à  peine  de  vingt  liv.  d'a- 
mende &  de  prifon:  enjoint  aux  Officiers  des  lieux  d'y 
tenir  la  main. 

Fait  en  Parlement  le  t8.  Avril  1^73» 

Le  Concile  de  Tours  de  l'an'  1583.  a  approuvé  ce 
tempérament ,  quand  il  a  dit  dans  le  tit.  de  Fef.orum 
cultit.  Omnibus  prohibcmus  publicas  nundinas  Ô"  alios 
quofcumque  mercatus,  quacumque  in  contrariiim  confue* 
tudine  nonobjlante ,  iis  diehits  Dominicis  potijjîmum  j  an- 
nalibus  Ô"  folemnibtts  FeJIisindicere  ù"  inditias  frequen^ 

tare fi  qui  vero  locorum  Dominijus  nundinarum  Ô* 

mercattium  iis  diebus  fe  habere  prétendant ,  illas  in  j?e- 
rendium  atit  alittm  dicm  nonfefium  transferre  in  Domina 
hortamur. 

On  ne  doit  pas  aller  aux  foires  qui  fe  tiennent  les 
Fêtes  (ans  y  être  obligé  par  quelque  néceflité  qui  nous 
expofèroit  à  fbuffrir  un  dommage  confîdérable. 

Il  n'y  a  prefque  pas  de  Diocefes  où  les  Evêques  & 
les  Magifirats  ne  fc  fbient  joints  pour  empêcher  les 
Marchands  de  tenir  lès  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes leurs  boutiques  ouvertes  ou  à  demi-ouvertes ,  & 
leurs  marchandifes  expofées  en  vente.  Ce  violement 
public  des  loix  Ecclé/iaftiques  &  Civiles ,  donne  lieu 
de  douter  de  la  religion  de  ces  Marchands ,  puisqu'ils 
ne  reconnoiflent  prelque  plus  de  jours  consacrés  à 
l'honneur  du  Seigneur.  On  ne  peut  leur  donner  aflez. 
d'horreur  de  cette  profanation,  qui  ne  peut  être  ex- 
cufée  par  la  nccefllté  de  ceux  qui  achètent  ;  car  quoi- 
qu'il Toit  permis,  de  vendre  les  jours  de  Dimanches  & 


ij04  Conférences  d^ Angers  ^ 

de  Fêtes  les  choies  nécefTaires  à  la  vie  qui  Ce  conCumen^ 
dans  le  jour,  il  n'efc  pas  néanmoins  permis  de  les  étaler 
&  expofèr  en  vente  pour  les  vendre  publiquement , 
comme  nous  Tavons  fait  voir  en  parlant  des  Boulan- 
gers &  des  Bouchers  ;  mais  on  doit  tenir  les  Boutiques 
fermées  &  n'en  laiffer  que  la  porte  ouverte,  ou  tout 
au  plus  un  ais  de  la  boutique  :  cela  fuffit  pour  indiquer 
ces  fortes  de  Marchandifes  à  ceux  que  la  nécefTité  en^ 
gage  d'en  acheter  tous  les  jours. 

Pour  les  choies  qui  ne  font  pas  nécefTaires  à  la  vie, 
il  n'eil  pas  permis  de  les  vendre  les  Dimanches  &  les 
Fêtes  en  tenant  les  boutiques  fermées  ;  c'efl  faire  un 
trafic  défendu  par  les  Canons  &  les  Ordonnances  civi- 
les. Tl  n'eil:  pas  non  plus  permis  aux  Marchands  d'em- 
baller leurs  marchandifes  tenant  leurs  boutiques  fer- 
mées ;  c'eil  une  oeuvre  fervile. 

Les  Marchands  '  fe  trompent  grofTiérement  quand 
ils  cro}  ent  pouvoir  vendre  leurs  marchandifes  en  te- 
nant leurs  boutiques  fermées  ;  parce  que,  difent-ils ,  on 
ne  vient  acheter  chez  eux  que  ces  jours-là.  On  feroic 
obligé  d'y  venir  les  autres  jours  s'ils  ne  vendoient 
point  les  Dimanches  &  les  Fêtes  :  c'efî  pourquoi 
les  Curés  qui  vcyent  que  quelque  Marchand  de  leur 
ParoifTe  s'opiniâtre  à  vouloir  y  vendre  ,  quoiqu'il 
tienne  fa  boutique  fermée  ,  doivent  ,  après  l'avoir 
averti ,  implorer  le  fecours  de  la  puifTance  Eccléiiafli- 
que  &  de  la  Civile  pour  faire  cefler  ce  défbrdre  Ccasi-z 
daleux. 


fur  les  Comjnandemens  de  Dieu*     40J 


II.      QUESTION. 

Les  Barbiers  peiwent-ils  faire  la  barbe  les  Dl' 
manches  Gr  les  Fêtes  ?  Les  Notaires  Gr  autres 
gens  de  Palais  peuvent-ils  travailler  aux 
affaires  dans  ces  jours-là  ? 

LE  s  Barbiers  ont  prétendu  que  rafer  la  barbe , 
failant  partde  de  la  propreté  de  Fliomme,  il  leur 
ttoit  permis  delà  faire  les  Dimanches  &  les  Fctes  ; 
parce  qu'il  eft  permis  par  les  Cifnons  de  s'y  occuper 
pendant  un  efpace  de  temps  raifbnnable  aux  heures 
qu'il  convient  à  s'habiller ,  &  mcme  d'y  apporter 
plus  de  loin  &  plus  de  propreté ,  pour  marquer ,  par 
cette  décence  extérieure ,  le  refped  qu'on  a  pour  ces 
faints  jours.  Ils  fe  trompent  dans  cette  interprétation 
des  Loix  Ecclélîaftiques,  qui  favorifent  la  propreté  du 
corps  :  elles  ne  s'entendent  que  des  occupations  nécelr 
iaires  chaque  jour,  &  qui  ne  peuvent  être  avancées  ou 
diftérées.  Or  il  n'efl  pas  nécefiaire,  pour  la  propreté, 
qu'on  fe  fafle  rafer  le  Dimanche ,  on  le  peut  faire  la 
veille. 

C'efT  pourtant  fur  cette  fauffe  interprétation  que 
s'eft  établie  la  coutume  qu'ont  les  Barbiers  de  faire 
la  barbe  dans  leurs  Boutiques  les  matinées  des  Di- 
manches &  des  Fctes.  Quoiqu'on  pût  excufer  ceux 
qui  fe  font  eux-mêmes  la  barbe,  ou  qui  fe  la  font 
râler  par  un  de  leurs  domelHques  ;  parce  que  cela 
peut  palfer  pour  faire  partie  de  l'habillement  du  jour 
de  Dimanche  ou  de  la  Fête ,  néanmoins  on  a  jugé 
que  les  Barbiers  n'étoient  pas  cxcufibles ,  parce  que 
leur  profellion  cft  fervile  ;  c'eft  pourquoi  on  leur  a 
fait  -défenfes  de  l'exercer  les  jours  de  Dimanches  & 
de  Fctes.  Il  y  a  des  Diocefès  où  les  Evcques  leur  en 
ont  fait  en  ces  derniers  tems  fous  peine  d'excommuni- 
f  ation,  GuUiauine  le  Maire ,  Eycque  d'Angers ,  en 


^.q6  Conférences  d^ Angers  ; 

avoit  publié  dès  Fan  i  î5jz.  en  fon  Synode  de  la  S.  Luc. 
En  d'autres  Dioceles  on  a  ordonné  qu'on  leur  refusât 
l'ablblution  s'ils  ne  vouloient  pas  ceffer  de  travailler  de 
leur  métier  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes. 

Le  Roi  Henri  IIL  dans  les  Statuts  qu'il  donna  aux 
Chirurgiens  Barbiers  de  Paris  au  mois  de  Mai  157^. 
leur  défendit  de  travailler  à  autres  chofes  qu'au  pan- 
fement  des  malades  les  Dimanches ,  les  jours  de  Pâ- 
ques ,  de  la  Pentecôte ,  de  Noël ,  de  la  ToufTaints ,  de 
la  Circoncifion,  de  l'Epiphanie,  de  l' Afceniîon ,  du  S. 
Sacrement ,  de  S.  Jean-Baptifle ,  de  toutes  celles  des 
Apôtres  &  de  S.  Côme  &  S.  Damien  leurs  Patrons , 
&  leur  fit  défenfes  de  mettre  en  ces  jours ,  hors  de  leurs 
Boutiques,  leurs  enfèignes  de  baffins. 

Henri  IV.  renouvella  ce  règlement  par  des  Lettres 
Patentes  du  mois  d'Odobre  de  l'an  i$9i.  &  y  ajouta 
des  défenfès  de  mettre  hors  de  leurs  Boutiques  leurs 
baffins ,  aucune  des  autres  Fêtes  commandées  par  l'E- 
glife. 

Le  Pape  Jean  XXIL  dans  une  lettre  écrite  à  Phi- 
lippe le  Long ,  qu'Odoric  Raynauld ,  dans  Ton  Hiftoire 
Eccléiiaflique ,  rapporte  à  l'année  13  17.  s'étoit  plaint 
à  ce  Prince  de  ce  qu'il  fbuffroit  que  les  Barbiers  fillént 
la  barbe  &  coupalTent  les  cheveux  les  Dimanches , 
parce  que  c'étoit  profaner  ce  faint  jour ,  qui  eu.  (pécia- 
lement  dédié  au  culte  de  Dieu. 

Cette  mauvaile  coutume  étoit  fi  générale  &  fi  in- 
vétérée qu'il  n'a  pas  été  poffible  de  la  faire  changer 
aux  Barbiers.  Toutes  ces  défenfes  ont  été  inutiles , 
les  Barbiers  ont  toujours  refiifé  d'y  obéir,  difant  que 
ceux  qui  s'abftiendroient  entièrement  des  fondions 
de  leur  métier ,  les  Dimanches  &  Fêtes ,  perdroient 
leurs  pratiques ,  &  fe  mettroient  hors  d'état  de  pou- 
voir gagner  leur  vie ,  &  d'entretenir  leur  famille  ; 
qu'ainfi  leur  travail  étant  nécefTaire  pour  leur  fubfif- 
tance  &  celle  de  leur  famille,  il  n'ell  plus  en  ce  cas 
une  œuvre  fervile  qui  fbit  défendue,  mais  une  oeuvre 
naturelle  qui  eft  licite ,  à  raifon  du  dommage  qu'ils 
fbufiriroient.  Ils  ajoutent  quelespayfims  des  lieux  voi- 
fins,  les  valets ,  les  gens  de  journées ,  &  les  manœuvres 
du  lieu  même  de  la  réfidence ,  ne  pourroient  avoir  U 


fur  les  Commandemens  de  Dleiù     407 

lems  d'autres  jours  de  Ce  faire  faire  la  barbe,  ni  de  (q 
faire  couper  les  cheveux. 

Plufîeurs  Evcques  voyant  ne  pouvoir  remédier  à  ce 
défordre ,  ont  cru  le  devoir  tolérer  en  partie ,  fe  reC- 
traignant  à  défendre  aux  Barbiers  de  travailler  pen- 
dant les  heures  du  fervice  Divin,  &  dans  le  tems  des 
Inilrudions  qui  Ce  font  à  leur  ParoiiTe ,  ainfi  qu'a  fait 
M.  le  Peletier  Evcque  d'Angers,  dans  Con  Ordon- 
nance du  13.  Février  lyoz.  Les  Officiers  de  Police 
de  la  Ville  d'Angers  s'y  font  conformés  dans  l'Ordon- 
nance qu'ils  firent  le  i6.  Mars  de  la  même  année, 
défendant  aux  Barbiers  &  Chirurgiens  d'ouvrir  leurs 
Boutiques,  d'y  rafer,  &  dans  les  maifons  des  parti- 
culiers ,  les  Dimanches  &  Fêtes  pendant  les  heures  dur 
Service  divin.  Dans  les  Diocefès  où  les  Evéques  en 
ufent  de  cette  manière,  on  excule  de  péché  les  Chi- 
rurgiens &  les  Barbiers  qui  font  la  barbe  hors  ce  tems- 
là  les  Dimanches  &  les  Fêtes  ;  excepté  les  annuelles  & 
fblemnelles. 

Tous  les  aâes  de  Juftice  qui  Ce  font  avec  bruit  & 
contention  (ont  défendues  les  Dimanches  &  les  Fê- 
tes ;  le  reipeâ:  que  nous  devons  à  ces  laints  jours  , 
nous  engage  à  nous  en  abftenir  ;  il  n'y  a  rien  qui  dé- 
tourne davantage  les  Fidèles  du  culte  de  Dieu  &  des 
?.(5lions  de  piété ,  que  les  procédures  qui  le  font  au  Pa- 
lais ,  comme  l'a  remarqué  le  quatrième  Concile  de 
Alilan  (bus  S.  Charles  dans  le  titre  de  Feriis,  Par  cette 
raifôn  la  loi  z.  Omrws  dies  j  au  Code  de  Julliinien  livre 
3.  tit.  Il,  de  Feriis  y  avoit  ordonné  qu'on  fit  cefTerles 
jours  de  Dimanches  &  de  Fctes  le  bruit  du  Palais.  Les 
Conciles  &  nos  Rois  avoient  défendu,  comme  nous 
l'avons  dit ,  qu'on  tint  des  audiences  ou  plaids  en  ces 
jours  ;  &  Contran ,  Roi  de  Bourgogne ,  avoit ,  par 
une  Ordonnance,  donnée  à  Maçon  l'an  585.  com- 
mandé qu'on  fit  cefTer  toutes  les  pourfuites  des  pro-i 
ces.  Par  conféquent,  quoique  les  Juges  (oient  obli- 
gés de  terminer  les  procès  avec  le  plus  de  diligence 
qu'il  leur  eft  poillble  ;  néanmoins  il  ne  leur  eft  pas 
permis  de  prononcer  des  Sentences  ou  Arrêts  pour 
les  juger,  les  jours  dédiés  au  (ervice  de  Dieu,  à  moins 
que  la  charité  ne  les  y  engage ,  ou  que  quelque  nécel^ 


5^0 8  Conférences  d'Angers] 

fïté  preflante  ne  les  y  oblige.  Grégoire  IX.  ayant  été 
consulté  s'il  n'étoit  pas  permis  de  faire  des  ades  de  Jul^ 
tice  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes ,  afin  de  termi- 
ner plus  promptement  les  procès ,  donna  cette  déci/îon , 
qui  efî  rapportée  ch.  Conque/lus,  de  feriis  ^, 

L'Empereur  Conftantin  dans  la  loi  i.  Sicut;  au  Code 
Théodofien  tit.  de  feriis^  &  Théodofe  dans  Ja  loi  i.  Ut 
in  die  Dominico ,  au  Code  de  Julîinien  dans  le  même 
litre,  par  lefquelles  ils  dcfendoient  de  plaider  les  jours 
de  Dimanches  &  de  Fêtes ,  avoient  permis  de  faire  tous 
les  ades  néceflaires  pour  affranchir  les  Efclaves ,  parce 
que  c'eft  une  œuvre  de  miséricorde. 

Il  n'eft  pas  perm.is,  en  ces  mêmes  jours  ,  de  pro- 
noncer contre  un  criminel  un  jugement  de  condam- 
nation à  la  mort  ou  à  quelqu'autre  peine.  Cela  ell 
défendu  par  le  ch.  Licet ,  de  feriis  ^,  Charlemagne  en 
avoit  fait  une  défenfe  expreffe  par  un  Edit  de  l'an 
813. 

Le  Concile  de  Meaux  de  Tan  84^.  ne  veut  pas  qu'on 
fafTe  prêter  ferment  en  Juftice  les  jours  de  Dimanches 
&  de  Fêtes.  Il  eft  dit  au  chap.  hicet^  de  feriis  que  cela 
n'eft  permis  que  pour  le  bien  de  la  paix  ou  pour  quel- 
que autre  nécefTité  prefTante  ^, 

Le  Concile  de  Bourges  de  l'an  1584.  au  titre  de  in- 
vocatione  Sanôîorum  &  diebus  fejlis ,  Can.  4.  veut  que 
les  Huiffiers  &  les  Sergens  s'abftiennent  tout-à-fait  de 
leurs  fondions  les  jours  de  Dimanches  '^. 


a  Qiiamvis  non  prorogari 
fed  expediri  deceatqujeftiones, 
débet  tamen  judicialis  ftrepi- 
tus  diebus  concjuiefccre  feria- 
tis  ,  qui  ob  reverentiam  Dei 
nofcuntiir  elfe  ftatiui .  • .  qui- 
bus  nifi  necefTuas  urgcat  vel 
i^'ietas  fuadcat  ,  ufque  adco 
convcnit  ab  huiufmodi  ablU- 
nere  ,  ut  confentientibus  etiatn 
partibus  nec  procefTus  habitus 
teneat ,  nec  lententia  ,  quam 
coritingit  diebus  hujufmodi 
pccmulgari. 


h  Neque  fiatplacitutn,  neque 
aliquis  ad  rnorttm  vel  ad  pœ- 
iiam  judicetur. 

c  Nec  facramenta  nifî  pro 
pace  vel  aliâ  necefiTuate  praef- 
tentur. 

d  Dominico  die  ceflTent  fa;- 
cularia  opéra  ,ccflent  liiftores, 
(lleat  prœconis  tuba  ,  contrac- 
tas ,  Notariorutri  inlUamenta  , 
nlfi  qur  ex  nec-'/Tiiate  Tefta- 
mentorum  auiMatrinvoniorum 
caufa  differri  non  polfunt. 

Pat 


fur  les  Commandemms  de  Dhu.     ^op 

Par  Arrêt  du  Confell  d'Etat  du  i8.  Février  1661.  il 
cfl  fait  dcfenfes  à  tous  Huifllers,  Sergens,  Archers  & 
autres  porteurs  de  contraintes  pour  deniers  Royaux  ,  da 
les  mettre  à  exécution  les  jours  de  Dimanches  &  Fê- 
tes ,  à  peine  de  trois  mille  livres  d'amende. 

Les  Empereurs  Léon  &  Anthemius  avoient  fait  dc- 
fenfes par  la  loi  11.  Dks  Fejlos ,  au  titre  de  feriis ,  dans 
le  Code  de  Juftinien,  de  faire  aucunes  exécutions  on 
pourfuites  pour  dettes ,  Ibiî  publiques  ou  privées ,  &  de 
donner  aucunes  afTignations ,  voulant  que  toutes  les  af^ 
faires  &  toutes  les  inQrudions  des  procès  cefTafTent  > 
que  les  Orficiers  de  Juflice  demeuraffent  en  repos  & 
dans  le  filence ,  &  que  les  parties  jouiffent  de  la  paix 
dans  ce  petit  intervalle ,  afin  qu'elles  puifient  (e  rencon- 
trer enfemble  (ans  crainte,  &  y  parier  d'accords  &  de 
tranfàdions ,  fans  néanmoins  fe  relâcher  en  rien  de  la 
lànrtification  de  ces  jours. 

Si  les  Notaires  vouloient  Ce  conformer  à  la  décifîon 
de  plusieurs  Conciles  Provinciaux,  ils  ne  feroient  les 
Dimanches  &  les  Fêtes ,  aucuns  autres  adcs  que  ceux 
qui  font  permis  par  le  droit.  Les  défenfes  qu'en  ont  fai- 
tes les  anciens  Conciles ,  ont  été  renouvellées  en  ces 
derniers  tems  par  le  Concile  3 .  de  Milan  tenu  l'an  1^73, 
dans  le  titre  de  Fejlorum  dierum  cultu  ;  par  celui  de 
Tours  de  l'an  i  ^83.  au  même  titre  i  par  celui  de  Bour* 
ges  qu'on  vient  de  citer. 

Comme  le  travail  des  Notaires  n'efî  pas  une  œuvre 
fervile  ,  ayant  rapport  A  la  Juftice ,  il  n'eiî  pas  défendu 
par  la  Loi  divine  les  jours  de  Dimanches  &  Fêtes» 
mais  feulement  parles  Loix  Ecclé/iaftiques  &  Civiles; 
c'eft  pourquoi  les  Notaires  ont  cru  pouvoir  inftrumen- 
ter  ces  jours-là ,  &  être  excufés  de  péché ,  à  caufê  de 
la  coutume  qui  eft  il^ùe  &  tolérée  par  les  Evéques  ,  Se 
peut-ctre  fondée  fur  U  nécefîité  du  peuple  ou  de  leui; 
propre  \\(:cQ{i^ir.(:, 

Plufieurs  Dodeurs  eftiment  que  quoique  ce  fut  uif 
bien  que  les  Notaires  n'inllrumentaflent  point  les 
jours  de  Dimanches  &  de  Fctes,  &  qu'il  faille  les  en 
avertir  &  les  y  exhorter,  on  ne  doit  pas,  quand  ils 
le  font,  les  condamner  de  péché  mortel,  à  caufe  de 
l'ufage  i&  de  la  néçcflué  des  parties.  Us  ]es  çroyent 
Totm  U  ^ 


41  o  Conférences   d'Angers, 

difpenfes  en  ces  occafîons  d'obferver  la  loi  de  VEgl'iCe 
qui  ne  les  oblige  que  hors  des  cas  de  rxécefïitc. 

Ces  mêmes  Auteurs  ne  jugent  pas  que  les  Notaires 
foient  excuHibles ,  s'ils  travaillent  aux  heures  de  la 
MefTe  de  ParoifTe,  du  Sermon  &  des  Vêpres  ,  à  moins 
qu'il  n'y  ait  une  néceflité  preffante  de  recevoir  &  de 
paffer  des  Ades  à  ces  heures-là.  M.  le  Peletier  Evê- 
que  d'Angers ,  fèmble  avoir  approuvé  ce  fentiment 
dans  (on  Ordonnance  du  13.  Février  1701.  où  il  met 
au  nombre  de  ceux  qui  violent  les  Loix  qui  ont  été 
faites  pour  la lanftifîcation  du  Dimanche  &  des  Fêtes, 
les  Notaires,  Procureurs  ou  Praticiens  qui  travaillent 
pendant  le  Service  divin ,  qui  font  travailler  leurs  Clercs 
pendant  les  matinées  des  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes ,  leur  laifTant  à  peine  le  tems  d'entendre  une  baffe 
Meffe. 

Les  Adles  qu'il  ell  permis  en  tout  Pays  aux  Notaires 
défaire  les  Dimanches  &  Fêtes ,  font  des  Aétes  deprifê 
de  po^Tell'ion  de  Bénéfices ,  les  Teftamens  des  malades , 
les  Contrats  de  Mariage,  les  Ades  d'éleftion  pour 
quelque  Charge  publique,  les  délibérations  des  Alfem- 
blées  de  Paroilfe ,  qui  fè  font  ordinairement  à  l'iffue  de 
la  Meffe  Paroiffiale,  à  caule  de  la  diiïiculté  qu'il  y  a 
d'alTémbler  le  Peuple  les  jours  ouvrables ,  &  les  oppo- 
fitions  ou  proteftations  que  des  parties  intérelfées  veu- 
lent faire  contre  ces  délibérations. 

Tout  le  monde  eft  periuadé  que  les  Avocats  &  les 
Procureurs  peuvent  vaquer  les  jours  de  Dimanches  & 
Fêtes  aux  fondions  ordinaires  de  leur  profeifion,  ex- 
cepté celles  qu'ils  ne  peuvent  faire  qu'avec  le  bruit  du 
Palais  qui  doit  être  fermé  en  ces  jours.  Ils  peuvent 
étudier  les  affaires  de  leurs  parties,  préparer  leurs  plai- 
doyers, faire  des  écritures,  donner  par  écrit  leurs  avis 
fur  les  affaires  pour  lefquelles  on  les  confiilte.  Ils  peu- 
vent au  ni  faire  travailler  leurs  Clercs  aux  procédures, 
&  leur  fiire  copier  des  écritures  hors  le  tems  du  Ser-  , 
vice  divin  &  des  Inflrudions,  &  recevoir  l'honoraire  du 
travail  qu'ils  font  en  ces  jours-la. 

'Les  Juges  peuvent  pareillement ,  à  ces  mêmes 
jours,  examiner  les  Procès  qui  font  à  leur  rapport, 
&  en  faire  les  extraits  j  mais  U  faut  que  tant  ks  Ju- 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,     41 1 

ges,  que  les  Avocats ,  Procureurs  &  Clercs,  ne  s'oc- 
cupent pas  tellement  à  ces  fortes  d'emplois  ,  qu'ils  ne 
prennent  le  tems  nccediiire  pour  s'acquitter  de  ce  qu'ils 
doivent  a  Dieu  ,  &  des  obligations  de  leur  confcience , 
narconféquent,  ils  ne  doivent  pas  travailler  pendant 
le  tems  de  la  Méfie  de  Paroiffe,  du  Sermon  &  dei 
Vêpres,  parce  que  dans  ces  heures  on  doit  erre  à  l'E- 
glife ,  &  on  ne  peut  s'en  difpenfer  ,  Hms  une  néceiTitc 
très-grande. 


IIL    QUESTION. 

Les  Magïftrats  ,  les  Perh ,  les  Mères  ,  les 
Maures  &  MaitreJJes  y  font-ils  obligés  d^em." 
pécher  ceux  qui  leur  font  fournis  de  violer  le 
Précepte  de  la  fanclifîcation  des  Fêtes ,  &* 
peut-on  excufer  les  enfans  Gr  les  ferviteurs 
qui  le  violent  pour  obéir  â  leurs  Maîtres  ? 

IE  s  Magiflrats  &  les  autres  Juges  qui  (ont  dcpofï- 
__j  taires  de  l'autorité  Royale ,  doivent  penîèr  Cé- 
ricufement  qu'on  ne  leur  a  mis  cette  autorité  en 
inain,  que  pour  faire  exécuter  les  Ordonnances  du 
Royaume,  empêcher  les  défbrdres ,  &  retenir  dans 
le  devoir  ceux  qui  leur  font  fjumis.  Il  n'y  a  donc 
point  de  doute  qu'ils  ne  (oient  obliges ,  à  peine  de 
damnation  cternelle  d'employer  toute  leur  autorité 
pour  abolir  les  coutumes  &  Ic^  abus ,  qui  déshono- 
rent la  fiinteté  des  Dimanches  &  des  Fctes ,  particu- 
lièrement ceux  qui  (ont  nommément  défendus  par 
les  Loix  EcclelTalHques  Si  Civiles.  Un  des  princi- 
paux devoirs  auxquels  ils  (ont  obligés  par  état,  e(l 
d'empêcher  que  ces  faints  jours  ne  ibient  profanés. 
Prcfque  toutes  les  Ordonnances  de  nos  Rois  que  nous 
avons  rapportées  le  leur  enjoignent  en  termes  for- 
mels. On  peut  voir  l'art.  î^.  de  celle  d'Orléans  & 
i'art.  38,  de  celle  de  Blois,  Enjomions^  dit  cette  dec- 

s  ij 


412  Conférences  d'Angers, 

ïiiere  Ordonnance ,  à  tous  nos  Juges  de  faire  garder  & 
ebferver  étroitement  les  défenfes  portées  par  les  Ordon- 
nances faites  a  Orléans  f  tant  pour  le  regard  des  foires  , 
marchés  &  danfes  publiques  es  jours  de  Fêtes ,  que  contre 
les  Joueurs  de  farces.  Bateleurs,  Cabaretiers ,  Maures 
de  jeu  de  Faume  &  d'efcrime ,  fur  les  peines  contenues  ef- 
dites  Ordonnances. 

Si  les  Juges  négligent  d'employer  leur  autorité  pour 
faire  ceiïer  les  profanations  des  Dimanches  &  des  Fê- 
tes ,  ils  pèchent  très-griévement ,  &  quelquefois  plus 
que  ceux-mémes  qui  profanent  ces  faints  jours  :  ils 
font  refponfàbles  à  Dieu  de  tous  les  défordres  qui  au- 
ront été  commis  par  leur  connivence ,  négligence  ou 
foibiefTe,  Les  Curés  doivent  les  en  avertir  de  tems  en 
lems  en  particulier  &  en  public,  leur  rappellant  dans 
îa  mémoire  les  Ordonnances  &  les  Arrêts  rendus  à  cette 
occasion.  Les  Officiers  fubalternes  font  auffi  coupables 
de  péché  ,  s'ils  ne  tiennent  pas  la  main  à  l'exécution 
de  ces  Ordonnances, 

Si  les  Magiflrats  pèchent  quand  ils  n'empêchent 
pas  les  contraventions  aux  Loix  qui  ordonnent  la  fanc- 
rification  des  Dimanches  &  Fêtes ,  peut-on  excu- 
fèr  ceux  qui  font  chargés  du  foin  des  âmes  ,  qui 
pouvant ,  par  leur  vigilance  &  par  leur  zèle ,  faire 
celTer  ces  contraventions ,  négligent  de  le  faire  f  Ne 
participent-ils  pas  en  quelque  manière  à  tous  les  cri- 
mes qui  Ce  commettent  en  ces  jours  ?  Ne  les  leur 
peut-on  pas  auffi  imputer  quand  ils  négligent  d'info 
truire  les  peuples  de  l'obligation  étroite  qu'ils  ont 
d'obferver  le  Commandement  que  Dieu  &  l'Eglife 
ont  fait  à  ce  fujet,  ou  qu'ils  ne  leur  font  pas  connoî- 
ire  le  grand  mal  qu'il  y  a  de  violer  ce  précepte  ?  Il 
€iï  donc  du  devoir  des  Curés  de  donner  toute  leur 
application  pour  faire  fandifier  ces  faints  jours ,  & 
s'ils  s'apper(j'oivent  qu'on  ait  coutume  dans  leur  Pa- 
roifTe  d'y  commettre  publiquement  quelque  profana- 
tion ,  ils  ne  doivent  pas  manquer  d'en  donner  avis 
à  leur  Evêque ,  afin  qu'il  y  apporte  l'ordre  qu'il  jugera 
nécefîaire. 

Les  pères  &  mères,  les  maîtres  &  maîtreffes  de- 
vant veiller  fur  la  conduite  de  leurs  enfans  &  de  leurs 


fur  Us  Commandemens  de  Dieu,      41? 

/èrvîteurs,  &  ayant  autorité  pour  la  régler,  font  obll- 

frcs  de  s'appHc|uer  (bigneufement  a  leur  faire  obferver 
es  Loix  de  Dieu  &  de  l'E^life  toucliantla  fànâifica- 
tion  des  Dimanches  &  des  Fctes,  &  de  prendre  garde 
qu'ils  ne  les  violent  ;  car  ils  ont  une  obligation  indif^ 
penHible  de  faire  enlorte  que  Dieu  foit  connu  ,  (ervi  & 
honoré  par  ceux  qui  font  fous  leur  charge;  s'ils  y  man- 
quent ,  on  peut  dire  avec  Saint  Paul  dans  le  5.  chapi- 
tre de  la  première  à  Timothée ,  qu'ils  ont  renoncé  à  la 
Foi,  &  qu'ils  font  pires  que  des  Infidèles,  Ce  n'efl  pas 
fifTez  que  les  pères  &  les  mères,  les  maîtres  &  le's  mai- 
trefTes ,  n'occupent  pas  tant  leurs  enfans  &  leurs  fervi- 
teurs  aux  affaires  de  la  maifbn ,  qu'ils  ne  leur  donnent 
le  tems  d'entendre  la  Meffe,  d'affifter  aux  inftruâions  , 
&  de  faire  des  œuvres  de  piété  &  de  religion,  ils  doi- 
vent encore  veiller  à  ce  qu'il?  fàtisfaflenc  à  ce  devoir 
fi  eiïentiel  à  tout  Chrétien  ;  &  à  ce  qu'ils  ne  pafTent  pas 
une  partie  con/îdérable  de  ces  jours  à  des  jeux  ou  à 
des  divertiffemens.  Il  y  auroir.  moins  de  mal,  félon  le 
fentimentde  S.  Auguflin,  furie  Pfeaume  32.  à  les  faire 
travailler. 

Si  les  pères  &  les  mères ,  les  maîtres  &  les  maîtref^ 
fes,  au  lieu  de  porter  leurs  enfans  &  leurs  ferviteufs 
à  fanftifîer  dignement  les  Dimanches  &  les  Fêtes  » 
leur  font  faire  des  œuvres  ferviles  fans  y  être  GOri- 
traints  par  une  néceflué  fort  prefTante ,  ils  pèchent 
ircs-griévcmcnt,  quand  même  ils  ne  les  feroient  tra- 
vailler qu'en  des  lieux  où  ils  ne  feroient  pas  vus;  de 
forte  qu'il  n'en  arriveroit  point  de  fcandale,  puifqu'ils 
vontdireâemeut  contre  le  Commandement  que  Dieu 
a  fait  aux  hommes  dans  le  cliap.  ^.  du  Deutcronome. 
Vous  ne  ferez  en  ce  jour  aucun  ouvrage ,  ni  vous  y  ni  vo-^ 
tre  fils  y  ni  votre  fille,  ni  votre  fierviteur ,  ni  votre  fier- 
vanie,  afin  que  votre  ferviteur  &  votre  fervame  fe  repo- 
fent  comme  vous» 

Les  enfans  &  les  fêrv'îteurs ,  loin  d'être  tenus  d'o- 
béir en  cela  A  leurs  pères  &  à  leurs  maîtres^  les  doi- 
vent prier  de  leur  permettre  d'obferver  le  précepte  de 
Dieu  &  de  l'Eglife.  Si  ce  font  des  fervitêurs  ou  ap- 
prentifs  à  qui  les  maitres  refusent  cette  liberté  ,  ils 
cioivenE  les  quitter  à  la  première  occaiîon  qu'ils  en 

S  iij 


414  Ccnfirertccs    d^ Angers, 

aurc m  ,  5c  même  la  rechercher.  Neanmcir.?  il  en  quit- 
tant ieur  condition ,  ils  étolent  obliges  de  mendier 
leur  vie ,  on  ne  les  croiroit  pas  coupables  de  péché  en 
obeifTiLnt  d  leurs  mairies  qui  les  contraindroient  de  tra- 
%  ailler. 

Les  pères  6v  les  maîtres  qui  ont  des  befiiaux  1  faire 
garder  dans  les  pâturages ,  doivent  prendre  des  me- 
liire»,  pour  que  ceux  qui  les  gardent ,  ne  manquent 
pointa  dTiiÏQT  à  la  MclTe  &:  aux  Initniâions  les  Di- 
xnarches  S:  les  Fêtes.  Il  faut  pour  cela  qu'ils  fafîent 
garcer  leurs  rrcupeaux  par  leurs  domeiiiques,  ou 
qu'i  s  les  gardent  eux-mêmes  tour  à  tour ,  ou  qu'ils  ne 
le?  envoyent  aux  champs  qu'à  des  heures  qui  n'empê- 
chent pas  les  Bergers  d'aller  à  la  Mefîe,  &:  d'enten- 
<ire  les  Inirructions  qu'on  fait  à  leur  ParoilTe.  Les  pè- 
res &:  mères ,  les  n.aitres  S:  maitreiTes  qui  perliiient 
iur  cela  dans  une  négligence  criminelle  ,  &  ceux  qui 
fans  une  néceffiié  très-grande  continuent  de  faire  tra- 
vailler leurs  enib.ns  eu  leurs  lerviteurs  les  jours  de 
Din.ajiches  ou  de  Fe:es  à  des  œu\Tes  lersiles ,  après 
avoir  été  avertis ,  iont  indignes  de  l'ablclution.  Saint 
Charles ,  dans  les  Inilru5nons ,  veut  qu*on  la  leur  refufe 
comme  à  des  impeniiens. 


IV.      QUESTION. 

L  amour  de  nous-mêmes  ejî-il  bon  &*  légitime  » 
Cr  â  quoi  nous  oblige:- il  envers  notre  amc 
Cr  notre  corps  s" 

JEsis-Christ  expliquant  le  Précepte  de  la  Charité 
dans  le  chapitre  ;z.  de  l'Evangile  de  S.^laithieu , 
nous  a  appris  que  nous  étions  obligés  d'aimer  no- 
tre prochain  comm.e  nous-mêmes  :  Diliris  frcxrmum 
tti'.rr.  jJcui  te  ipfuiTi,  Il  a  luppole  par-là  que  nous  de- 
vies  nous  aimer  nous-m.cmes,  &  nous  a  fait  ccm- 
prc"dre  que  l'amour  que  nous  avons  pour  nous,  eu  la 
jaelure  de  l'amour  que  nous  devons  avoir  pour  ne 


fiar  la  Ctmmânifmau  it  Diau      41  > 

Ut  ■rartoiiii' 1,  cC'Txnsx  l'z  remzrqDt  S.  Anro&si  au 
Ipp,  o.  de  2£  r.-fl-f-  ée  Dâf«i ,  cnz-p.  zrx.  -.  Tc-iir  i^mcfor 
(k  wr  wrirT  a'^cft  dcaicf»»  gagwaât,  ajgyfynfcr  le 
Fak  4c  Dtten  ne  «sas  aarai  femsàs  tmmiÊÊmmâé  <â^air- 

lovaBcnr  de  mam-mèma  WL'éà  psaMW,  yJiTfnr  le 

:FBs  deDicB  aoBs  ircHWffifwwiàe  de  ftcm  Imr 

;,  & (fBC  S.  PjhI,  Eq»ire  a.  a TaWiiWf, 

kd'eax- 


de  AOiUr«kflBe&  pcBt  écre  oMS  il:  ^^^^  •>  -^ 
BCK  asS  cne  HyavaBs  &  dop^kê.  Il  cft  boB  &  uBic  CCI 

■g^-t-       ^Lm^Ji   m  «Mil  II  niiiMiiJ^ill^    ••  I\mb       P-»^m»^^^— »>mM' 

«UDe9^pBMl  ■SIBlCnpanaHS  «JJKHslUHHK^iKawB» 

awiMs  r^iF  ptwTt-'^»^**'^^  fei^Be  es  aMoar  boik  mit 

' à  3a  Tœ^kaoné  de  ]%êa  &.  ihmb scad  sinnî^f - 
fbrsîs  i  Is  Lâ«  dmts  récat  oà  fl  !■  a  pLu  àe 
TDfir-ne.  Cet  avoir  0ljBfie&l^^DbBe,^B£iid  il 
■cors&kftîvic  les  iadfaBaôats  ifm  mofos  panmt  ai 
hâcm  &  icSfter  â  ceUesfnaoasponBeac^BBaL  Cet 
aanar  cft  tx 'imjiTdc  ^  ^puad  par  cec  aHoair  aiMB  diLÔ- 
nHsItB  3àuii/w  ■  ark  ynfiac  les  Wii  iJdi  1  Bâcas^  Jl 
«K  aoBs Qxvaifioas  CncalfaBeaK  aies  aofaàôricar 
s  aaaer  ■oi-flBiaae9  ceft  T<ocdaar  are  l!aiuaJL&  uui'iiaS- 
ler  2  paureavas  Tm  iw  iiÉiliifBi  :  or  ams  a 
atr^nr  de  ima  Hmailiiei  ^  ca  inflSdaat  Dâeik  U'a 
de  saammdm^  meà doK fan  ^k  liafpr  acas cher- 
iDica,  ft  aaeaoasfleaâaas  âlai 


aa  saaar  de  chacBC^  dnKaoas  bbd 

l^^^M^^  ^M*««^  'S^^^    ^■iMK'  ^^^E  i^«^t«^    i-M^^  ^r 

ixsriiucBineL  .Jcfis-dniridl  ttcnis  r<a  asardac  «  ca 
uat  «fie  aaas  dcvaBB  aîasT  aMcne  anBobaii 

Or  Tm^ctaer  ■jfut  aoai  aLmat  twmir  poar 


é^i6  Conférences  d' Angers  l 

le  prochain  doit  être  fùrnaturel  ;  puilque  nous  de- 
vons l'aimer  par  rapport  à  la  vie  éternelle  que  nous 
devons  tâcher  de  lui  procurer  comme  à  nous-m^émeg; 
car  nous  devons  nous  aimer  comme  Jefus-Chrift  nous 
a  aim.és  lui-même  ;  en  quoi  il  nous  a  donné  un  Com- 
mandement nouveau  ,  comme  il  le  dit  chap,  13,  de 
S.  Jean  <^. 

L'amour  fiirnaturel  que  nous  devons  avoir  pour  no- 
tre anie  &  pour  notre  corps ,  nous  oblige  à  foumettre 
ïe  corps  a  l'efprit ,  à  afTujettir  l'un  &  Tautre  à  Dieu ,  à 
leur  conferver  les  avantages  qu'ils  ont  reçus  de  lui ,  foit 
par  la  nature ,  foit  parla  grâce ,  à  remédier  à  leurs  ma- 
ladies &  à  leurs  foiblefTes ,  à  les  maintenir  dans  Tétat 
où  Dieu  veut  qu'ils  (oient,  enfin  à  leur  procurer  la 
jouilTance  du  fouverain  bonheur  pour  lequel  Dieu  les  2. 
créés ,  qui  eft  la  vie  éternelle ,  &  par  conféquent  à  éloi- 
gner d'eux  tout  ce  qui  peut  y  fervir  d'oblîacle  ;  Dieu 
ne  nous  les  a  confié  que  comme  un  dépôt  dent  nous 
lui  devons  rendre  compte  Corpus  nojîrum  ^  dit  Julien 
Pom.ere,  liv.  3,  de  la  Vie  contemplative,  chap.  iç. le- 
quel ouvrage  fê  trouve  parmi  les  œuvres  de  S.  Prof- 
per  &  fous  Ion  nom  ,  quia  fars  nojlrî  eji ,  ad  hoc  nobis 
diligenâiim  ut  faluti  ejus  ac  fragilitati  nantraliier  confu- 
lamus  3  ut  agamtis  qiiatenus  fpritui  ordinarie  fubjeCtum 
^dfalmem  ûsternam ,  accspâ  immortalitate  &  corrupionç 
fervent  at. 

Il  s'enfuit  de-Ià ,  i^.  Que  le  principal  avantage  na- 
turel de  l'homme  étant  d'être  par  fà  nature  capable 
non-feulement  de  connoître  Dieu ,  mais  aufTi  de  l'ai- 
mer, ce  qui  le  met  au-defTus  de  toutes  les  créatures  cor- 
porelles ,  il  efl  obligé  ,  par  l'amour  qu'il  fe  doit  à  lui- 
xnême ,  de  s'infîruire  des  vérités  de  la  Religion  ,  de  ce 
c]ui  regarde  le  culte  de  Dieu ,  &  de  chercher  la  voie  qui 
conduit  à  Dieu, 

z°.  Que  comme  le  plus  grand  avantage  de  l'hom- 
me ,  dans  l'ordre  de  la  grâce,  efl  d'être  juflifié  par  le 
Baptême ,  d'être  fait  enfant  de  Dieu  &  cohéritier  de 
Jefîis-Chrifl ,  l'amour  de  nous-mêmes  nous  oblige  à 


c  Mandatum  novum  do  vobij ,  ut  diligatis  invicem  ficui  di<» 
lexi  vos* 


fur  les  Cortvn an  démens  de  Dieu.     417 

-fravailler  à  conferver  la  Grâce  &  à  garder  les  Comman- 
demens  de  Dieu.  AuHl  l'EgiKè  a  (ïin  de  nous  le  faire 
recommander  par  le  Minière  du  Baptcme ,  qui  en  met- 
tant un  cierge  allumé  à  la  main  de  celui  qu'il  a  bapti- 
fé,  lui  dit  en  mcme-tems:  Accipe  lampadem  ardentem 
f^  itreprelienfibilis  ciijlodi  baptifûium  tuum  ,  [trva  Dei 
mandata.  Ce  même  amour  nous  oblige  aufH  à  recevoir 
les  Sacremens ,  pour  entretenir  &  fortifier  la  grâce  que 
nous  avons  reçue  par  le  Baptcme,  ou  pour  la  recouvrée 
il  nous  l'avons  perdue. 

30.  Que  l'amour  que  nous  devons  avoir  pour  notre 
corps  n«)us  oblige  à  lui  conferver  la  vie  temporelle, 
&  par  confcquent  à  le  vêtir  &  a  lui  procurer  les  ali- 
mens  nccelTaires  à  la  vie,  les  remèdes  &  les  (bulage- 
mens  dont  il  a  befoin  pour  vivre  &  pour  l'empccher  de 
troubler  refprit  par  Tes  maladi-^s  ou  par  Tes  fbiblefTea» 
D'où  il  rcfiilte  qu'il  n'eft  pas  permis  d'épuifer  (on  corps 
par  des  rigueurs  &  des  aufléritcs  outrées.  Il  faut  de  la. 
discrétion  dans  les  mortifications.  Celles  qui  {ont  dé- 
mefurées  ne  font  pas  agréables  à  Dieu ,  elles  doivent 
être  réglées  à  certain  point  qu'elles  puiffent  réprimer 
la  concupifcence  &  ne  pas  épuifer  la  nature.  Maceratio , 
dit  S.  Thomas,  z.  1.  q.  88.  art.  1.  dans  la  réponfe  à 
la  troifieme  objeciion,  proprii  corporisper  vigilias  ô* 
jejunia  non  ejl  Deo  accepta  ,  nijï  in  quantum  ejî  opus  vir- 
mtis  :  qiiod  quidem  ej}  in  quantum  cum  débita  difcretione- 
jit  3  ut  fcilicet  concupifcemia  refrxnetur ,  ù'  natura  non 
nimis  gravetur. 

S.  Bernard ,  (ermon  40.  de  divcrfis ,  nous  avertit 
qu'il  ne  faut  pas  ruiner  la  vie  du  corps  en  le  maltrai- 
tant avec  excès ,  mais  qu'on  doit  confidérer  ce  que. 
peut  (on  corps  (elon  (îi  complexion  &  modérer  (es 
auflérités  ,  afin  de  conferver  les  forces  de  (on  corps- 
pour  le  fervice  du  Créateur.  En  violant  les  bornes  de 
la  di(crétion  ,  on  fe  rend  incapable  de  s'acquitter  de 
iês  devoirs  ^. 

Ce  même  Père ,  (èrmon  3  3.  fur  les  Cantiques ,  noiJs> 


d  ConfîJera  corporîs  tiiipoT-  i  tujp  diflriftioni  :cuftodicorpu« 
ïïbilitatcm:intiicrecarniscom-  j  tmiin  incoiume  ad  obrequiiiTO 
[glexioïKm  ;  in^podc  moduna  |,  Ci:e<kto(is»- 


'41 8  Conférences   d' Angers  l 

;apprend  qu'il  a  remarqué  que  l'excès  darts  les  moru- 
fications  vient  de  la  tentation  du  Démon  ,  qui  a  di- 
vers defleins  en  nous  y  portant ,  &  que  plusieurs  ont 
éprouvé  que  ceux  qui ,  par  un  zèle  mal  réglé  ,  fe  font 
portés  à  des  aullérités  indifcretes,  après  avoir  par-Jà 
afFoibli  leur  iânté  ,  ayant  befoin  de  quelque  Ibulage- 
111  ent ,  tombent  d'ordinaire  dans  un  excès  contraire. 
Après  avoir  commencé  par  l'efprit,  ils  finiffent  par 
ïa  chair ,  &  font  une  honteufè  alliance  avec  leurs 
corps  5  auxquels  ils  lèmbioient  avoir  déclaré  une  cruel- 
le guerre  ^, 

Ceux  done  qui  veulent  pratiquer  des  auftérités  Se 
<ics  mortifications  fîngulieres ,  doivent  confulter  quel- 
que perfonne  éclairée  qui  connoifTe  leur  teir.péra- 
mént  &  leurs  forces,  qui  les  conduife  avec  prudence. 
Ainfî  les  perfonnes  engagées  dans  des  Ordres  Reli- 
gieux ,  ne  doivent  point  s'impofer  des  auftérités  fans 
ia  permiiîion  de  leurs  Supérieurs  ,  &  celles  qui  vi- 
vent dans  le  fiecle  doivent  prendre  avis  de  ceux  qui 
ont  (bin  de  leur  conduite;  car  il  arrive  Ibuvent  que 
des  perionnes  de  piété ,  à  qui  un  zèle  mal  réglé  avoit 
fait  entreprendre  des  mortifications  au-defTus  de  leur 
force ,  ont  tellement  altéré  leur  (ànté  &  épuifé  leur 
corps ,  qu'elles  ont  eu  befoin  pour  fe  rétablir  d'un 
traitement  délicat  durant  un  long-tems  ,  ou  qu'elles 
ont  été  obligées  de  traîner  une  vie  languifïante ,  fans 
pouvoir  être  utiles  à  l'Eglife  ou  au  prochain  ,  &  fans 
pouvoir  remplir  en  aucune  ir^aniere  les  devoirs  de 
leur  état.  Multos  vidimus  ^  dit  S.  Bernard  fermon/^o, 
<de  diver/is,  ita  in  principes  carnem  fiiam  verheraj[e  ^  Ô" 
difcretiohis  mfregijfe  re-pagida^  ut  inhabiles  laudumfo- 
hmniis  redderemur  &  apparatu  lamiori  diuturnis  fove- 
xenîîir  temporibus. 


e  Ipfi  experii  cftis  quomodo 
<^idam  ad  vercciindiam  illo- 
rnm  dico  ,  (  qui  antè  inhiberi 
Tjon  poterantî  )  »  ita  in  fpiritu 
vfhementi  ad  omnia  fereban- 
wir ,  poil  ad  tintam  ignaviam 
«Acvstuerunt.  ut  (  fccundtim  il- 


cœperint ,  nunc  carne  confnra- 
roentur  ;  quàm  tiirpe  iniere  fœ- 
d,u  s  eu  m  fuis  corporibus  ,  qui- 
bus  crudcle  antè  indixeranc 
bclliim.  Videas  proh  piidor 
importuné  fuperflua  qusrcfe  , 
qui  priùs  necelTaria  obAinatilI- 


liià,  A^orioli ,  )  cun  r^irivu  l  ùmi  rt^cufabjupç-! 


fur  les  Commandemens  de  Dieu,      419 

Il  eft  fort  à  craindre  que  les  perfbnnes  à  qlii  leur 
f.intaifie  fait  faire  des  auftéritcs  excefTives ,  ne  met- 
tent trop  leur  confiance  dans  les  exercices  corporels 
&  qu'elles  n'ayent  pas  afTe/.  de  foin  des  fpirituels ,  aux- 
quels l'exercice  de  ces  auftérités  eft  fouvent  un  em- 
pcchernent  ;  cette  confiance  cl\  contre  ce  que  TA- 
potre  nous  enfeigne  au  chap.  4.  de  la  première  à  Ti- 
mothée  ,  que  les  exercices  qui  ne  regardent  que  le 
corps  font  peu  utiles  ;  mais  que  la  pietc  efl  utile  à 
tout  f. 

Il  peut  aufTï  y  avoir  beaucoup  de  témcritc  &  de  pré- 
(bmption  dans  la  conduite  de  ces  personnes ,  en  ce  qu'el- 
les fe  croyent  capables  de  flipporter  les  fuites  de  ces 
auftéritcs  indifcretes,  quoiqu'elles  n'ayenr  pas  alTez.  de 
forces  pour  cela. 

L'amour  de  nous-mêmes  efl'  mauvais  &  déréglé  , 
quand  il  tend  à  jouir  de  nous-mcmes,  qu'il  s'arrête  en 
nous ,  &  que  nous  ne  le  rapportons  point  à  Dieu  com- 
me à  notre  fin  dernière  ;  car  l'iiomme  n'étant  point 
fbn  propre  bien  &  n'ayant  point  été  créé  pour  lui-mc- 
me,  il  ne  peut  légitimement  Ce  rapporter  à  lui-mcme  : 
cet  amour  cil  la  fource  de  tous  les  péchés  de  l'homme. 
On  le  nomme  ordinairement  ameur-proprc  ou  amour 
de  cupidité. 

Tel  efl  l'amour  des  perfbnnes  qui  nefe  font  aucune 
violence  pour  furmonter  le<;  inclinations  de  la  nature 
corrompue  ,  qui  ne  veulent  fbuftrir  aucune  adverfîtc, 
ni  porter  aucune  croix,  qui,  au  contraire,  ne  pen- 
Cent  qu'à  (atisfaire  leur  orgueil,  leur  (enfualité  ou 
leur  curiofîté ,  qui  ont  tant  d'amour  pour  cette  vie 
prélente  ,  qu'ils  ne  défirent  point  d'aller  jouir  de  Dieu 
dans  le  Ciel.  L'amour  que  ces  gens-là  ont  pour  eux 
cft  très  -  criminel ,  puiffju'ils  font  confifler  leur  bon- 
heur dans  la  vie  préfênte  ,  &  qu'ils  mettent  leur  fin 
dernière  dans  les  plaifirs  de  cette  vie;  ce  qui  eH  trcs- 
injurieux  a  Dieu,  qu'ils  abandonnent  pour  s'attacher 
uniquement  à  la  créature.  Cet  amour  leur  eft  préju- 
diciable à  eux-mcmes ,   les  rend  malheureux  ,   leur 

/Corporalisexcrciiatio,  3(1  1  tcm  ad  omnia  uriiis  cft, 
moiiicucn  luilis^eit  :pietas  au-   I 

s  vj 


420  Conférences  d*Angerr, 

faifânt  perdre  Dieu  qui  eft  notre  véritable  &  unîquô' 
bonheur.  Il  efl  donc  vrai  de  dire  que  par  l'amour  dé- 
réglé de  fbi-méme  rhoinme  fe  hait  plutôt  qu'il  ne 
s'aime  ;  car  s'aimer ,  c'eft  vouloir  procurer  à  Ion  ame 
&  à  Con  corps  la  jouiflance  des  biens  qui  peuv"ent  les  ^ 
rendre  heureux,  qu'on,  ne  trouve  qu'en  Dieu  ,  &  dont 
l'homme  s'éloigne  par  l'amour  déréglé  de  foi-méme. 
Pour  éteindre  en  nous  cet  amour  déréglé  de  nous- 
mêmes  qui  poufle  tous  les  jours  de  nouvelles  racines, 
parce  qu'il  eH:  conforme  aux  préjugés  de  la  coutume, 
de  l'éducation  &  de  l'exemple ,  &.  à  l'inclination  de 
la  nature  corrompue ,  Jefus-Chrift  nous  ordonne  de 
nous  faire  continuellement  violence  ,  de  nous  haiç: 
nous-mêmes  &  de  mourir  à  nous-mêmes. 


FJn  du  premier  Volume ^^ 


.^^ 


4^* 

TABLE 

Alphabétique  des  Matières 

Traitées  dans  le  premier  Tome  des  Conférence^ 
fur  Us  Commun  démens  de  Dieu. 


ADORER  ,  ce  que  c'efî.  •  page  ii^ 

Combien  y  a-t-il  de  fortes  d'ador?-tions  f      iz<y 
On  doit  adorer  Dieu  inténeuremeiat  Se  extcrieure- 
uient,  127 

On  doit  adorer  Dieu  en  efprit  &  en  vérité.        118 
L'Adoration  en  efprit  exclut-elle  les  cérémonies  ?. 

'AMOUR  de  Charité  &  d'efpérance  ^  en  quoi  difFe- 
rcnt-ils  ?  Sp 

Il  nous  efî  commandé  d'aimer  Dieu,  5? 5 

EQ-ce  un  précepte  particulier?  loo' 

Il  faut  aimer  Dieu  par-delTus  toutes  cho(ês.  ^  i  &  5)4 
L'amour  doit  nous  faire  drefler  toutes  nos  inten- 
tions vers  Dieu ,  &  lui  rapporter  toutes  nos  adions. 

On  n'cfi  pas  fans  amour  pour  Dieu  ,  quoiqu'on  ait' 
de  la  fènfibilicé  pour  les  créatures.  ^8 

Sommes-nous  obligés  d'aimer  Dieu  d'un  amour  ef^ 
feftifi'  10 1 

Produit-on  des  a*5les  d'amour  de  Dieu ,  parce  qu'on 
en  prononce  des  formules.  lox 

Ed-on  obligé  de  produire  fôuvent  des  ades  d'amour 
de  Dieu.  ibid^ 

Quand  fommes-nous  obliges  d'en  produire  ?      10; 

En  quelles  occafîons  péche-t-on  contre  rameur  dû 
a.  Dieu  f.  >o^. 


4-22  Table  Alphahitique 

L*amour  de  nous-mêmes  eft-il  légitime  f  4f4 

A   quoi   nous    oblige   l'amour    de  nous-mêmes? 

416  &  fliv» 
Quand  l'amour  de  nous-mêmes  efl-il  mauvais? 

APOSTASIE,  ce  que  c'efî.  "^53 

Combien  y  a-t-ii  de  Ibrtes  dApoftafîes?  ibid, 

ARTISANS  ,  voyez  Œuvres  ferviies. 
ASTROLOGIE,  ell-clle  permifef  173. 

■   Peut-on  s'en  fervir  pour  connoître  les  adions  libres. 
^es  hommes  ?  j  7  ? 

L'Aftrologie  judiciaire  ell  unefûperflition  condam- 
née par  toutes  les  Loix.  I7i,&  172 
AUGURES  &Aurpices  ,  font-ils  défendus?  176 
Les  Augures  naturels  font-ils  condamnés.'*  177 
La  crainte  qu'on  a  pour  les  lignes  de  mauvaile  atti- 
gure ,  eft-eile  criminelle.  178 

B 

BARBIERS ,  peuvent-ils  rafer  les  Dimanches  &  le? 

Fêtes  f  40 f 

BLASPHEME ,  ce  que  c'ell.  2  6  f 

Combien  y  a-t-ilde  manières  de  blafphémer?   z6z 

On  doit  expliquer  en  Confelfion  de  quelle  manière 

on  a  blafphémé,  2^4 

Commet-on  le  blafphémé  contre  les  Saints?     265 

Efl-ce  blalphémer  que  d'attribuer  a  la  créature  ce 

qui  ne  convient  qu'à  Dieu?  26e 

Elî-ce  un  péché  que  de  mêler  le  nom  de  Dieu  dans 

fès  diicours  ?  267 

Le  blafphême  eil:  un  crime  énorme  &  plus  grand 

que  le  parjure.  268 

Le  blafphême  peut-il  n'être  qu'un  péché  véniel? 

z69 
Deux  caufes  rendent  le  blafphême  indélibéré.    270 
Pour  que  le  blaiphême  (bit  fait  avec  délibération , 
cft-il  nécelïiiire  qu'on  ait  une  attention  direde  d'in- 
jurier Dieu  ?  1 7  T 
Quand  le  bla%hême  eû-il  cas  réfervc  ?          ihid^ 


des   Matières.  ^ij 

On  doit  impofcr  de  rudes  pénitences  aux  Rlalphc- 
matcurs.  172.  &  175 

Les  Rois  de  France  ont  prononce  diverlès  peines 
contre  eux.  27  j 

BOHEMIENS  ,  on  ne  doit  point  s'arrêter  à-  leurs, 
prcdiftions.  176 

BOUCHERS  ,  peuvent-ils  vendre  de  la  viande  les 
jours  de  Dim.inchcs  &  de  Fêtes  f  386 

BOULANGERS,  peuvent-ils  faire  cuire  le  pain 
dans  ces  lliints  jours  f  385 

Peuvent-ils  vendre  du  pain  ?  386 


CHARITÉ,  coque  c'ert.  U 

La  Charité  nous  tait  aimer  quatre  choies.  -«Ji 

La  Charité  habituelle  eft  nccefTîiire,  5J5 

L'aduelle  eft-elic  au(fi  nécellaire  f  ^^ 

CHIROMANCIE,  eil-elle  Tuperflitieufe  ?         17^ 
CHIRURGIENS  ,  peuvent-ils  faire  leurs  fondions 
les  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  f  350 

COMMANDEMENS  affirmatifs&  négatifs ,  queK 
le  diflêrence  entre  les  uns  S:  les  autres  (  if 

COMMANDEMENS  de  la  première  &  féconde 
Table.  i; 

CULTE  que  nous  devons  à  Dieu,  en  quoi  confîA 
te-t-il  ï  1 8 

Le  culte  des  Saints  efl-il  contraire  au  premier  Com- 
mandement f  11g 
Qu'efl-ce  que  le  culte  pernicieux?  151  &  157 
Qu'e.l-ce  que  le  culte  Tuperflui*  ibid* 
Le  culte  fuperllu  eQ-il  toujours  péché  mortel?  159 
On  doit  avertir  les  perfonnes  dévotes  qui  pratiquent 
un  culte  fuperflu.                                                      ibid». 

0 

DECALOGUE  ,  abbrégé  de  ce  que  nous  devon:? 


f. 


aire.  i 

Dieu  cfl  l'Auteur  du  Décalogue»  i. 


4f54  Tabte  Alphabétique 

Le  Décalogue  ell  renfermé  dans  les  deux  préceptet 

de  l'amour  de  Dieu  &  du  prochain.  4 

Pourquoi  Dieu  différa  de  donner  le  Décalogue  par 

'écrit.  5 

Efl-on  obligé  de  fcavoir  le  Décalogue  ?  7 

Eil-on  obligé  d'obferver  le  Décalogue?  9 

Les  Chrétiens  pechent-ils  en  n'obfervant  pas  le  Dé- 

ialogue  .<'  1 1 

Par  quel  motif  doit-on  obferver  le  Décalogue  f  i  z 
DÉSESPOIR  ,  ce  que  c'ell.  73 

Eft-il  toujours  accompagné  de  penfées  contraires  à 

îa  Foi?  75? 

Le  défefpoir  peut-il  être  péché  véniel  ?  80 

En  combien  de  manières  peche-t-on  par  défefpoir  l 

DEGOUT  des  chofes  fpirituelles  contraire  à  la  Cha- 
ïlté  ;  ce  que  c'efl.  107 

DÉVOTION,  Tidie  de  Religion.  m 

DlJ\iANCHE,  que  doit-on  faire  pour  le  fàndifier? 

350  &  fuiv. 

Suffit-il  d'entendre  la  MefTe ,  eft-on  obligé  d'aftîiler 
ià  Vêpres  ?  3  5  I  ,  3  5  3  €>"  fuiv. 

Ceux  qui  paflent  les  Dimanches  &  les  Fêtes  dans  les 
divertifTeniens ,  profanent  ces  fiiints  jours.  3  6z 

Les  danfes  &  les  feflins  publics  font-ils  permiisdans 
ces  fàints  jours?  363  &  fuiv, 

Efl-il  permis  de  fréquenter  les  cabarets  dans  cej 
jours?  366  &  fuiv, 

Efl-il  permis  d'aller  à  la  chafTe  &  de  pécher  dans  ces 
jours?  37c  &  fuiv. 

On  doit  obferver  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes d'un  minuit  à  l'autre.  378 

Il  y  a  pîufieurs  occafions  où  les  Artifms,  les  Maî- 
tres &  les  Maîtrefles  pèchent  contre  la  fànftiiication 
des  Dimanches  &  Fêtes.  375>  &  fuiv, 

Efl-il  défendu  de  s'exercer  aux  Ans  Libéraux  le? 
jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes  ?  383 

Pour  quelles  caufes  efl^il  permis  de  travailler  dans 
ces  fàints  jours  ?  3  84 

Jjà  néceliité  publique  3c  la  particulière  rendem-elles- 


des  Matières.  42  5* 

le  travail  permis  dans  le  tems  de  la  moiflon  Se  des  ven- 
danges? 388  &Juivm 

Quelles  medires  doit-on  garder  quand  on  efl  obligé 
de  travailler  les  Dimanches  &  Fêtes  ?  351 

Quelles  personnes  doivent  empêcher  la  profanation 
de  ces  (àints  jours  ?  ^^i  &  ftiiv* 

Les  enfans  &  les  (erviteurs  qui  profanent  les  Di- 
manches &  les  Fêtes  font-ils  excufables  ?  415 

Les  Cures  peuvent-ils  accorder  la  permifTion  de 
travailler  dans  ces  (aints  jours.  3^i 

DISPENSE  des  vœux  ;  l'Eglifè  peut-elle  l'accor- 
der? 3io 

Les  Evéques  ont-ils  ce  pouvoir?  312 

Quels  font  les  vœux  dont  la  difpenfê  efl  réfervée  au 
Pape?  ^  315 

Les  Evéques  peuvent-ils  difpenfêr  quelquefois  des 
vœux  réfèrvés  au  Pape?  ibid  &  fuiv. 

Peuvent-ils  difpenfêr  d'un  vœu  conditionnel  après 
la  condition  accomplie?  ^lô 

Les  Vicaires  Généraux  peuvent-ils  dilpenfer  des 
vœux  ?  3  i  8 

Les  Prélats  Réguliers  peuvent  ils  difpenfêr  leurs 
Religieux  de  leurs  vœux?  ibid» 

Doit-on  accorder  la  difpenfe  d'un  vœu  fans  rat- 
ion ?        _  ^  ihid. 

Une  difpenfe  accordée  fîins  caufê,  fêrt-elle  devant 
Dieu  ?  ^2,9 

Que  doit  faire  celui  qui  veut  demander  la  difpenfe 
d'un  vœu  ?     ^  //,/i. 

Peut-on  faire  vœu  de  ne  point  demander  de  difpen- 

^^  •  .    ,  .  330 

Quelle  différence  y  a-t-il  entre  difpenfêr  d'un  vœu 

&  le  commuer  ?  2  ,  ^ 

Ceux  qui  ont  le  pouvoir  de  difpenfêr  d'an  vœu  , 

Oîit-iis  celui  de  le  commuer?  ^31  &  -t-y^ 

Quelles  font   les  caufes  pour  difpenfêr  des  vœux  ? 

33? 
Accorde-t-on  toujours  la  difpenfe  pure  &  /împl« 

d'un  vœu  ?  ^^^ 

Comment  fe  doivent  componer  les  ConfeiTeurs  4 


^.26  Table   Alphabétique 

qui  Ton  accorde  le  pouvoir  de  difp enfer  ou  de  cont* 

îîiuer  les  vœux  f  33 ^  voyez  Vœu. 

DISTRACTIONS  dans  la  prière,  fbnt-ce  toujours 

des  péchés  i*  t-to 

DIVINATION  ,  ce  que  c^efl.  1 67 

La  divination  eft-elle  illicite  ?  16^ 

Efl-il  permis  de  conlulter  les  Devins?  17a 

Combien  y  a-t-il  de  genres  de  divinations  ?  171 
La  divination  par  le  fort  ell-elle  permife  ?  181 


ESPÉRANCE ,  ce  que  c'eft.  6  8 

La  Foi  &  i'Efpérance  font  deux  venus  différen- 
tes. 7  r 
L'Efpcr-ance  eft-elle  mêlée  de  crainte  ?  71 
En  qui  peut-on  mettre  fon  efpérance  f  '73 
Efl-il  nécefîaire  de  produire  des  a»5les  d'Efpérance  ? 

74 
Quand  fomnies-nous  obligés  de  produire  des  aâes 
d'Efpérance?  7^ 

Comment  péche-t-on  contre  l'Efpérance?  78 

Quels  font  les  remèdes  aux  péchés ,  qui  font  con- 
tre l'Efpérance  ?  88 

F 

FESTES,  l'Eglifê  peut  en  infîituer.  345 

Elle  en  a  inflitué  dès  fôn  commencement.  344 
Les  Fêtes  ont  été  inflituées  de  différentes  maniè- 
res. .  ,  ,  ^^'^ 
On  efl  obligé  de  les  fêter  toutes.  34*^ 
Même  quand  il  n'y  a  point  de  fcandale  à  craindre. 

347  ù'fiiiv» 
Du  retranchement  des  Fêtes.  ilid.  &  fuiv. 

La  puiffance  féculiere  concourt  à  rétabliffement  S: 
au  retranchement  des  Fêtes.  349 

Efl-il  permis  de  tenir  des  foires  ou  marchés  les  jours 
de  Dimanches  &  de  Fêtes.  ^99  &  fuiv. 

FOI  THÉOLOGIQUE,  ce  que  c'efl.     17,  J9^ 
Comment  divife-t-on  la  Foi?  iv»  &  -ï 

Pour  avoir  la  Foi ,  faut-il  un  confèntement  de  Feu- 


des  Matières.  427 

îcndement  &  une  motion  de  la  volonté  f  25 

La  Foi  eft  nécefl'aire  pour  le  Qlut.  i6 

Eft-on  oblige  d'avoir  une  Foi  explicite  de  tous  les 
Myderesi*  25? 

De  quels  Myfleres  doit-on  avoir  une  Foi  diftln<fle 
&  explicite  ?  3  r  &  3  3 

Ceux  qui  ignorent  les  vérités  de  Foi ,  ou  qui  né- 
gligent de  les  apprendre  péchent-ils  ï  34 
reut-on  leur  donner  l'ablolution  ?                       ihid* 
Tous  les  Chrétiens  font-ils  également  obligés  de 
f^avoir  &  de  croire  les  vérités  de  Foi  ?  35" 
Efl-on  obligé  de  produire  des  a(fles  de  Foi  ?         36 
En  quel  temps  efî-on  obligé  de  les  produire?     3^ 
Eft-il  permis  de  douter  des  vérités  de  Foi  ?        41 
Comment  juge-t-on  que  les  doutes  fiir  la  Foi  font 
involontaires  ?                                '                           iùid, 
Eii-on  oblige  de  profelTer  extérieurement  la  Foi. 

44  &  46 
Y  a-t-il  obligation  de  la  confefrer  en  toutes  ren- 
contres f  iùidy 
EH-il  permis  de  nier  ou  de  difTimuler  fa  Foi?      47 
En  combien  de  manières  nie-t-on  la  foi  extérieu- 
rement ?  ibid» 
Tout  Chrétien  eft-il  obligé  de  difputer  pour  déten- 
dre la  Foi?  50 
Quels  font  les  péchés  qui  font  oppofés  à  la  Foi  ? 

5  I  &  fiiivm. 

Les  entretiens  trop  libres  fur  les  matières  de  Foi 

(ont  criminels.  67 

H 

HÉRÉSIE  ,  ce  que  c'efl.  f  3  &  f  ^ 

Quand  un  Catholique  efl-il  cenfé  devenu  héréti- 
que ?  ^  ^  ^^ 
Quand  l'Hcré/îe  efî-clle  un  cas  réfervé?  59 
EH-on  Hérétique  pour  avoir  avancé  une  Propo/i- 
tion  hérétique  ?  ihid. 
Les  Evcques  peuvent-ils  abfoudre  de  THéréfie  ? 

ihid. 
Quel  ell  fur  cela  le  fentiment  des  Eglifes  de  Fran- 
ce ^  '  c^ 


^2S  Table   Alphabétique 

X.a  leâure  des  Livres  hérétiques  efl-elle  défendue? 

Les  Evoques  de  France  peuvent-ils  permettre  la 
lefture  des  Livres  hérétiques  ?  66 

Les  Do(5^eurs  en  Théologie  ont-ils  le  privilège  de 
lire  les  Livres  hérétiques  ?  ibid» 

HOROSCOPES,  doit-on  y  ajouter  foi.  175 

HUISSIERS,  voyez  PROCUREURS. 


IDOLATRIE  eft  une  fuperftitîon.  i6^ 

Combien  y  a-t-il  de  fortes  d'idolâtries?  t6\ 

IMAGES  des  Saints  peut-on  les  révérer  ?         134 
Qu'ell-ce  qu'il  faut  obferver  à  l'égard  des  Images 
<des  Saints  qu'on  expoie  dans  les  Egiifesi*  13  f 

Que  doit-on  faire  des  Images  qui  font  difibrmes  ? 

ibido 
IMPIÉTÉ ,  ce  que  c'ef!.  1 1 1 

IMPRÉCATIONS ,  font-ce  des  juremens  ?      263 
INFIDÉLITÉ  5  ce  que  c'efi,  &  combien  y  en  a- 
t-il  de  fortes  ?  5  ï 

JUBILÉ ,  comment  les  Confelfeurs  doivent-ils  y 
difpenfer  des  vœux  l  336 

JUGES  &  autres  gens  de  Palais  v  peuvent-ils  faire 
des  ades  de  Juilice  les  jours  de  Dimanches  &  de  Fê- 
tes? ^7 -^  y  ^oS  &  fuiv, 
JUREMENT  ,  ce  que  c'efl.  _  z  i  î 
Le  Jurement  efl-il  un  ade  de  Religion  ?  zi6 
Eft-ce  jurer  de  dire,  ma  foi  ^  ^'^9 
Efl-ce  jurer  que  de  dire  ,  devant  Dieu ,  en  vérité, 
foi  de  Chrétien  ?                                                        ibid. 


Le  feul  mot/wro,  ell-ce  un  jurement  : 


22 


EH-ce  jurer  que  de  dire,  fardi,  mordi ,  Ibid.  &  1^24 
Peut-on  jurer  par  les  créatures  ?  2-2.1 

Combien  y  a-t-il  de  fortes  de  juremens  ?  222  &  22  < 
Eft-il  permis  de  jurer?  .  ^"^ 

Quelles  conditions  doivent  accompagner  le  jure- 

jTient?  _    --S 

Efl-îl  permis  d'ufêr  d'équivoques ,  ou  de  redridioni 

iîn  jurant?  234^' '-3^ 


des  Madères.  429 

Ell-11  permis  de  jurer  (ans  intention  de  s'obliger? 

Peut-on  exiger  le  ferment  d'un  homme,  quand  on 
croit  qu'il  jurera  faux  ?  ^  ^  237 

Qui  font  ceux  qui  font  cenfés  jurer  tcmérairemenc 
Se  fms  ncceffitc?  ^  139 

Que  doit-on  penfer  de  ceux  qui  (ont  dans  l'habi- 
tude de  jurer  ?  241 

Doit-on  leur  donner  l'abfblution  ?  ibid.  &  243. 

Les  Juges  doivent  ctre  circonfpeds  à  exiger  le  (er- 
jnent  des  parties.  241 

Eil-on  obligé  d'exccuterle  jurement  qu'on  a  fait  de 
faire  un  mal  ?  245 

Peut-on  (ans  péché  ne  pas  exécuter  les  juremens 
promiffoires  qui  regardent  des  chofes  juftes  &  honnê- 
tes ?  '  24^ 

E{î-ce  un  péché  que  de  ne  pas  exécuter  le  jurement 
qu'on  a  fait  par  crainte  &  par  force  f  248 

Peut-on  ne  pas  exécuter  un  jurement  fait  (îins  in- 
tention de  s'obliger  ?  2^0 

Quelles  caufes  empêchent  que  le  jurement  ne  pro- 
duife  f  obligation  de  le  garder  ?  2^1 

Un  jurement  fait  par  erreur  oblige-t-il  ?  ibidm 

Quelle  obligation  engendre  un  jurement  fait  en  ter- 
mes généraux  ?    •  2J2,' 

Quelles  conditions  ou  refîriftions  (ont  (ôus-enten- 
dues  dans  les  juremens  ?  z^? 

En  quelles  occafîons  arrive-t-il  de  la  part  de  la 
matière  du  jurement,  qu'on  ne  (bit  pas  obligé  de  le 
tenir  ^.  2^^ 

Quelles  caufes  font  ceffer  l'obligation  contraâée 
en  jurant.?  i^^ 

L'Eglife  di(pen(e-t-ellc  du  jurement  promi(foire  l 

ibid,  8c  i$S 

Pour  quelles  caufes  en  di(pen(ê-t-elle?  2f  8 

Peut-on  à  (a  volonté  changer  un  jurement  promit- 
ibiref  1^0 

M 

MAGIE,  ce  que  c*e(l,  &  combien  en  diftîngue- 
|-on  d'efpeces  i  J63  &Jitiv0 


i^^O  Table    Âlphahétl^iit 

La  Magie  eft  un  péché  exécrable.  i  64. 

Quand  la  Magie  eft-elle  un  cas  réfervé  ?  16^ 

La  Magie  artificielle  eft  quelquefois  criminelle  ? 

ibid. 

Comment  peut-on  diflinguer  la  Magie  naturelle 
d'avec  la  noire?  i65 

MAGISTRATS ,  voyez  JUGES. 

MALÉFICE ,  ce  que  c'eft.  jç)p 

Eft  il  permis  de  fe  fervir  de  Maléfice?  200 

Peut-on  accepter  l'offre  d'un  Sorcier  qui  veut  oter 
im  Maléfice?  Z03 

MARCHANDS  ^  peuvent-ils  vendre  les  jours  de 
Dimanches  &  de  Fêtes  tenans  leurs  boutiques  fer- 
mées ?  404 

Les  petits  Merciers  peuvent-ils  aller  vendre  leurs 
marchandifes  dans  ces  faints  jours  ?  35)5' 

MESSE ,  on  doit  l'entendre  les  Dimanches  &  les 
Fêtes.  355 

Pêche-t-on  mortellement  quand  on  y  manque  ?  3  f  f 

Satisfait-on  à  fon  devoir  quand  on  n'entend  qu'une 
partie  de  la  Méfie.  356 

Ffc-on  obligé  d'avoir  de  Tattention  à  la  Mefre  ? 

Quelle  eft  la  meilleure  manière  d'entendre  la  MeC- 

ùf  .  .•,        ^^  35^ 

Les  difira<â:ions  pendant  la  Meffe  (ont-elles  toujour', 
criminelles?  7,^9&fiih'. 

Quelles  caufès   diipenfent  d'afififier   a  la    Méfie  ? 

360  &  ftiiv, 

MEUNIERS ,  peuvent-ils  faire  moudre  le  bled  les 
Dimanches  &  Fêtes  f  388 

MIRACLES ,  efi-il  permis  d'en  publier  de  faux  ? 

Les  Miracles  doivent-ils  être  vérifiés  par  TEvêque 
avant  qu'on  les  publie  ?  153 

N 

NOTAIRES,  peuvent-ils  inftrumenter  les  Jours  de 
Dimanches  &  de  Fêtes  f  ^op  &Jun', 


des   Matures.  4.3 1)" 

O 

VAINES  OBSERVANCES  ,  font-elles  criminel- 
les ?  ^  r8f 
Pcclie-t-on  mortellement  dans  les  vaines  Obfervan- 
ccs  r*  186 
VaVA  permis  d'obfêrver  les  tems  ?  188 
L'Obiervance  des  Hintcs  ell-elle  permifê  ?          ii?o 
La  vaine  Oblervancc  des  choies  lacrées  eft-eile  fli- 
perllitfeufe  ;*  ip^ 
Peut-elle  être  excufce  par  les  apparences  de  piété  ? 

197 

ŒUVRES  SERVILES ,  ce  que  c'efl.  365»  &fttiv. 

Quelles  règles  doit-on  fuivre  pour  juger  quelles  œu- 
vres font  défendues  les  Dimanclies  Se  Fctes  i*  371 

Quelles  œuvres  (erviles  font  défendues  dans  ces 
jours  f  373 

Ell-ce  un  péché  mortel  de  s'occuper  les  Dlmanchesi 
&les  Fctes  à  des  œuvres  ferviles  ?  377  &  fuivm 

Quelles  œuvres  fêrviles  (ont  permifes  les  jours  de 
Dimanches  &  de  Fctes  l  381 

Les  ouvriers  ou  artifàns ,  comme  les  Cordonniers  , 
Tailleurs ,  Marécliaux ,  peuvept-ils  travailler  les  Di- 
manches &  les  Fctes?  35)0  ù" fîiiv* 

ORAISON,  ce  queVefl.  iir 

ORAISON  DOMINICALE,  tout  Chrétien  eft-il 
obligé  de  la  Icavoir  j*  3  i 

Que  doit-on  penfèr  de  certaines  Orailbns  dont  on  Ce 
Tert  pour  guérir  les  malades  ?  1514 

OUVRIERS,  voyc^  ŒUVRES  SERVILES. 


PACTE  exprès  ou  tacite  avec  le  Démon ,  ce  que 
c'eft?  ^  141  &  fuiv. 

Comment  juge-t-on  qu'il  y  a  Paâe  avec  le  Dé- 
mon ?  142, 
PARJURE,  cequecVa.  az8 
Les  diflcrentes  efpeces  du  Parjure.  zi^  &  130 
Le  Parjure  efl  de  foi  péché  mortel,                 ibtdm 


■-J-52  Table   Alphabétique 

Quel  Parjure  eu  un  cas  réfervéf  15I 

Le  Parjure  peu:-il  n'être  que  véniel  ?  235 

Efl-il  permis  quelquefois  de  jurer  à  faux  ?      ihid. 
Le  jurement  qui  n'eft  pas  fait  avec  juflice  ou  juge- 
inent ,  ell-il  un  Parjure  ?  144 

PAROLES ,  peut-on  s'en  (êrvir  pour  des  remèdes  f 

PARREINS  &  MARREINES  obligés  d  mflrufrl 
leurs  filleuls.  3  i 

PATISSIERS,  peuvent-ils  travailler  les  Dimanches 
&  les  Fctes  ?  5S7 

PERES  &:  iMERES  font  obliges  de  fanftifier  les  Di- 
manches &  Fêtes ,  &  de  les  faire  lândiiîer  à  leurs  en- 
fans  ou  domefliques.  ^11  &fuivm 
PHYLACTERES  ou  PRÉSERVATIFS  font -ils 
permis  f  15)3 
PRÉSAGES  fondés  liir  certaines  rencontres ,  fiiperf 
titieux»                                                               177  &fuiv, 
PRESOMPTION  ,  péché  contre  l'efpérance.      78 
Quand  péche-t-onpar  Prcfomptiouf  85 
D'où  vient  la  Préfbmption .'                                  87 
PRIERE  inicrieure  S:  extérieure.                        114 
y  a-t-il  un  précepte  qui  nous  oblige  à  prier  Dieu  l 

En  quel  tems  ce  précepte  oblige-t-il  ?  116 

Quelle  attention  doit  -  on  avoir  dans  la  Prière  ? 

11^,  III 
Qu  eft-ce  qu'on  doit  demander  à  Dieu  dans  la  Priè- 
re? i  =  - 
Ced  une  fuperftition  que  d'attendre  certains  effets 

de  certaines  Prières.  i4î 

PROCUREURS  &  autres  gens  de  Palais ,  peuvent- 
ils  faire  leurs  fondions  dans  ces  faints  jours.  37?  & 

40P  ^  fuir* 


RELIGION ,  ce  que  c  e(l ,  &  quels  en  font  les  ac^ 
jgj^  10^.  ^110 

RELIQUES  des  Saints,  comment  on  doit  les  ho- 
norer. ni?dr^;:. 

Peut-on 


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i^-J^  Table  Alphabétique 

Quelles  règles  peuvent  fèrvir  à  faire  connoître  le* 
Superflitions  î*  141 

Y  a-t-il  de  la  Superftition  à  fe  (ervir  de  paroles 
de  la  (âinte  Ecriture  pour  certains  effets  ?  145 

11  y  a  Superflition  à  fe  fèrvir  de  certaines  prières* 

...  145  ^  Î47 

Quelle  conduite  doit  tenir  un  ConfefTèur  à  l'égard 
de  ceux  qui  pratiquent  des  Superftitions  ?  14^ 

SYMBOLE  des  Apôtres,  tout  Chrétien  ell  obli- 
ge de  le  (çavoir.  31.  ^  31 
Les  Parreins  &  Marreines  font-ils  obligés  de  l'ap- 
prendre à  leurs  filleuls  i  ibii. 


TENTATION  de  Dieu,  ce  que  e'ef!.  zi%. 

V 

VCEU  ,  ce  que  c'efl.  77^ 

La  fîmple  réfolution  eft-elle  un  vœu  ?  ibid. 

Le  vœu  doit  être  fait  avec  délibération.  i8i 

La  matière  du  vœu  doit-elle  toujours  être  une  bon- 
ne chofe  ?  278 
Doit-elle  étr^"j:fo{rible  ?  281, 
La  liberté  efl  néceffaire  pour  la  validité  du  vœu, 

28^.  &  z88 
Les  vœux  faits  par  erreur  &  par  ignorance  font- 

îls  toujours  nuls  ^  28^ 

Un  vœu  fait  à  la  fbllicitation  d'un  ConfelTeur  efl- 

il  valide?  288 

Les  CQnfefTeurs  doivent  difficilement  permettre  à 

leurs  pénitens  de  faire  des  vœux  ?  302 

La  crainte  rend-elle  toujours  les  vœux  nuls.'  288 

&  fuir. 
On  dait  juger  de  la  validité  d'un  vœu  par  l'inten- 

tîon  de  celui  qui  a  voué,  2,5' i 

Il  y  a  plufîeurs  fortes  de  vœux,  -9^ 

Le  vœu  peut-il  être  acquitté  par  une  autre  per- 

fonne  que  celle  qui  a  voué  i  2^3.  -ZT  [uh* 

Le  vœu  eft-U  toujours  fokiïmel  pour  avoir  été  fait 

en  puL>iic^  ^^^ 


des  Madères.  435* 

Ed-on  oblige  d'exécuter  les  vœux  ?  197,  &  fuiv. 

Le  péché  qu'on  commet  en  violant  un  vœu  eft 
trcs-grief.  ^  ^  i5>8 

Ce  péché  peut-il  être  véniel  ?  ibid  &  z(?p 

Eft-on  obligé  d'accomplir  le  vœu  à  la  première 
commodité  i*  300 

Peut-on  Ce  prefcrire  un  temps  pour  accomplir  ion 
vœu?  301 

Dans  le  doute  /î  on  a  fait  un  vœu ,  eft-on  obligé 
de  l'accomplir  ?  301 

Ell-on  obligé  d'accomplir  un  vœu  qu'un  autre  a 
fait  pour  nous  ?  305 

La  rénovation  d'un  vœu  en  fupplée-t-elle  le  dé- 
faut? ihid  &  ^o<) 

Le  changement  de  la  matière  du  vœu  fait- elle 
celTer  l'obligation  du  vœu  ?    -  30e 

Si  on  a  lait  différens  vœux  incompatibles ,  lequel 
dcit-on  accomplir?  307 

Celui  qui  a  fait  vœu  d'entrer  dans  un  tel  Monaf^ 
tere,  eft-u  déchargé  de  Ion  vœu  fî  on  refufè  de  l'y 
recevoir?  309 

A  qui  appartient-il  d'irriter  les  vœux  ?  310 

Les  Supérieurs  peuvent-ils  irriter  tous  les  vœux  de 
ceux  qui  leur  (ont  fournis  ?  3  1 1  C^  fiiiv. 

Les  Pères  peuvent-ils  irriter  les  vœux  de  leurs  en- 
fans  ?  313  &  fuiv. 

Les  Maîtres,  ceux  de  leurs  (erviteurs  ?  316 

Les  maris,  ceux  de  leurs  femmes  I     ihid,  &  fuiv. 

Peut-on  irriter  un  vœu  fans  aucune  caufê?         518 

La  profeffion  religieufe  décharge-t-elle  de  touc 
vœu  ?  .31$? 

Vœu  de  ne  point  (e  marier,  qui  peut  en  difpenfer? 
Voyez  DISPENSES.  314.  31^ 

Voyages  ,  font-Us  permis  les  Dimîjnches  &  les 
Fctes  ?  ^  31^4.  &  fuiv, 

Qu'eft-ce  qu'on  doit  penfêr  des  voyages  ou  pèleri- 
nages ?  •  35?^ 

F/'/î  de  la  Tabk  des  matière:  dit  Tome  ^remîerm 


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Conférences  ecclésiastiques  du  iQk 
^iocèse  d'Angers...  .A5 

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