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CONFÉRENCES
ECCLÉSIASTIQUES
D U
DIOCESE D'ANGERS,
SUR LES COMMANDEMENS DE DIEU.
Tenues dans Jes années 1713.&: 171 4.
Rédigées par M. B a b i n , Doyen de la Faculté
de Théologie d'Angers»
'par l'ordre de Monfèigneur riUunrifTime & RcvcrendiflinU}
Jean de Vaugirauld , Evcque d'Angers,
NOUVELLE È D I X l O N.
TOME PREMIER.
A ANGERS,
Chez PiERRE-Lcuis Dubé, Imprimeur de MonfèigneiOî
TEvcque & de FUniverfité , à la Cliauflce S, Pierre,
A PARIS,
Chez H. L. GuERiN & L. F. Deiatour , rue S. Jacques^
à iaint Thomas d'Ajuin.
M. D C C. L V.
AVEC F^lKll]^ G E DU ROI,
TABLE
DES QTJ ESTIONS.
AVRIL 1713.
î, (J U'EST'CE que le Décalogue , & quep
^^-ce quil contient? P^g^ -ï
U. Pourquoi Dieu a-t-il donné' aux hommes le Dé-
calogue par écrit ? Sont-ils obligés de le '\.fçavoir ?
i
III. Ejî-on obligé d'obferver les commandemens du Déca^
logue y & comtnent les divife-t-on ? cf
IV. Qu'ejî-ce qui nous ejî ordenné par le premier com-
mandement du Décalogue, & quefl-ce que la Foil
M A I 1713.
L La Foi efl-elle nécejjaire pour le falut , & eJî-on obli-
gé de fçavoir & de croire d'une foi explicite & dif-
tinfle les chofes qui font de la Foi .<* z6
II. Ejl-on obligé de faire fouvent des aéles de Foi ?
III. Y a-t-il obligation de confejfer la Foi lorfqu'on ejl
imerrozé? ^^
IV. (luels font les péchés qui font oppofés à la Foi ?
Qui peut ah foudre les Hérétiques, & ejî-il permis
de lire leurs Livres ? e^
JUIN 17T3.
L Qu'ejl-ce que l'Cfpérance '? Sommes-nous obligées de
pradiiirç da acies d'Efpérance & en quel temps .?
iv TABLE
ÏI. (^uels fschés pcui'On commettre contre la vertu à'Ef*
^erav'ce? yg
l\l...^aefi'ceque la Charité ? Dieu nous a-t-il ccm-
mandé ai V aimer , Ô" comment doit-on entendre ces
faroles : Vous aimerez, le Seigneur votre Dieu de
. tout votre cœur, &c* 88
ÏV. Sommcs-::ous obligés de prodmre des aCies d'a-
mour de Dieu ? Qiiand doit-on les produire, & queh
péchés font fanicdiercment oppofés à la Charité, loo
JUILLET i7n.
î. ÇueJÏ-ce que la vertu de Religiony & quels en font
les cCles ? ^ '■ . lop
II. Sonimes-nous obligés de prier Dieu , & de quelle
mc..:ieye Je'uous-y.ciis h prier? 114
IIL Qit'ef-ce qué l'Adorûicn , combien y en a-t-il de
fonts i & nous efi-elU commandée par le premier pré-
apte du Décalogue ? 125
IV. Qiieft-ce qu'on doit ohferver ou éviter dan: le culte
des Saints? 12^
A OUST 1713.
ï. Quels font les péchés contraires a la vertu de Reli-
gion > QiieJ}-ce que la SuperJIition ? Ejl-elle condam-
née par le premier Commandement du Décalogue ?
II. De quelle règle peut-on fe fervir pour connottre
s'il y a de la fuperjlition en quelque chofe 3 & que
doit-on faire pour arrêter le cours des SuperJJitions ?
141
III. QueJ}-ce quon entend par le Culte indu? iji
î V. Qiieft'Ce que V Idolâtrie & la Magie ? 1 60
SEPTEiVIBRE 1713.
T. Quejl'ce que la Divination , Ô" combien y en a-i-'il
de fortes^ 167
II. Quejl-ce que la vaine Obfervance , & combien y
en a-t'il de fortes ^ iS$
ïlî. Quefî-ce que le Maléfce , & quels font les
moyens dont on peut fe fervir pour ôter les malcfccs f
199
DES QUESTIONS. V
iV. Qttcjl'ce que le Sacriléfre , quelles en font les diffé"
rentes efj^eces'f (^u'efl-ce qu'on entend par l'impiété , &
quejl-ce que tenter Dieu ? -lo^
OCTOBRE Î713.
î. Quejl-ce qui nous ejl défendu par le fécond préceptf
du Décalogue? Qu'efl-ce que le jurement ; comment
le divife-t'on ? £/?-// quelquefois permis de junr ?
II. Quelles font les conditions qui doivent accompagner
le Jurement Ipour le rendre licite; & tout parjure
ejl-il pJché mortel ^ 118
ÏII. EJl'on obligé d'exécuter ce qtion a promis avec jtt"
rement, & quelles font lescaufes ^i peuvent exemp:er
de cette obligation f ' 24^
ÏV. QueÛ-ce que le Blafphême, Efl-il toujours péché
mortel r ' ^6i
N O V EMBRE -1715.
I. QueJÎ-ce que le vcetij & quelles condidons font nécef-
faires pour le rendre valide? ^ 276
ÏI. Combien y a^t-il de fortes de vœux ? Ejl-on obligé d'ob-
ferver les vœux qu'on a faits ou ceux que d'autres ont
faits pour nous ? 2^2.
ni. Quelles catifes peuvent faire ceffer l'obligation d'ac*
compiir les vœux? , 306
IV. L'Eglife peut-elle difpenfer des vœux ou les chan-
ger ? A qui appartient ce pouvoir dans l'Eglife ?
320
AVRIL 1714.
r. Dieu s^ejl-îl rcfervé un certain jour de la fematné
pour être employé à fan fer vice ? Pourquoi a-t-on
changé ce jour en celui du Dimanche ? Les Chrétiens
font-ils obligés de fanCUfer le Dimanche ? 337
II. L'Eglife a-i-elle le pouvoir d'infîituer des Fêtes , Û*
ejl-on obligé de les obferver ? 345
III. Qu'ef-ce qu'il faut faire pour fanCiifer les Diman-
ches & les Fêtes? • 3^0
ï V. Efi-on obligé d'entendre la Mejfe les jours de Di"
manches & de Fêtes , & comment la doit-on enten-
^ ï A B L ET
M A I 1714,
f. Ceux qut pajjem une partie confidérahle des Dirnatl^
ches & des Fêtes dans les jeux & dans les flaifirs né
frofanent'ils pas ces faims jours ? 7 6-L
ÏI. Les œuvres ferviles font-elles défendues tes jours de
Dimanches & des Fêtes ^ e> quelles font ces œuvres?
ÎII. Quelles font les œuvres qui font permîfes dans les
jourj de Dimanches ô" de Fêtes ? . 281
IV. Pour quelles caufes efi-il permis de travailler aux
jours de Dimanches & de Fêtes .<* 584
JUIN 1714.
î. EJï'il permis défaire des voyages ou d'aller aux foires
les jours de Dimanches & de Fêtes , & les Marchands
peuvent-ils ouvrir'leurs Boutiques ^ ou vendre tenant
leurs Boutiques fermées ? 3^4
II. Les Barbiers peuvent-ils faire la Barhe les Diman-
ches ù' les Fêtes ? Les Notaires ô" autres gens de Fer-
lais , peuvent-ils travailler aux araires dans cesjours'
là ? 405"
III. Les Magijlrats 3 les Feres , les Mères , les Maîtres
(à" Maitrejfe's , font-ils obligés d'empêcher ceux qui
leur font fournis ^ de violer le précepte de la fandif,-^
cation des Fêtes , & peut-on excufer les enfans & les
ferviteurs qui le violent pour obéir a leurs Maîtres ?
4ii
IV. L'amour de nous-même ef-il bon & légitime , & à
quoi nous oblige-t-il envers notre ame & notre corps ?
Jiii de la Tablç des Queflioris,
vî?
PRIVILEGE DU ROY.
LOUIS, par la gMCc de Dieu , Roi de France 8c de Ka-
vaiTC : A nos anus ic féaux Confeillcrs , les Gens tcnanc
nos Cours de rarlcmcnc, Maîtres des Requêtes ordinaires de
notre Hôtel, Grand-Confcil , Prévôt de Paris, Haillifs , Séné-
chaux, leurs Licutenans Civils S>c autres nos JulHciers qu'il ap-
partiendra , Salut. Notre amé le fleur DuBt' , Iinprimeur-
I-ibraire à Angers , Nous a fait expofer qu'il défirerok faire
imprimer &: donner au public un Ouvrage qui a pour titre :
Conférences Ecclcjiafliques du Diocèfe à Angers , rédigées par
M. Bahin : s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Pri-
vilège pour ce ncceffaires. A ces causes , voulant favorable-
ment traiter l'Expofanc , Nous lui avons permis Se permettons
par ces Préfenccs de faire imprimer ledit Ouvrage , en un
eu pluiîeurs volumes, & autant de fois que bon lui femblera,
& de le faire vendre &c débiter par tout notre Royaume pen-
«\ant le rems de vingt années confécutîves , à compter du jour
de la datte des Préfcntes. Faifons défenfcs à tous Imprimeurs ,
Libraires !k autres perfonnes de quelque qualité &: condition
qvi'elles foient , d'en intro. luire d'impreflion étrangère ilans
ftucun lieu de notre obéifl'ancc ; comme aulli d'imprimer ou
faite ijnprimer , vendre , faire vendre , débiter ni concrcfairc
Jcdit Livre, ni d'en faire aucun Extraie, fous quelque prétexte
que ce foit , d'augmentation , correction , changement , ou au-
tres , fans la permidion cxprefic ou par éciit dudit Expofant ,
ou de ceux qui auront droit dc.l'.ii , à peine de confifcation des
«exemplaires contrefaits , de trois mille livres d'amende contre
chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous, un tiers à
r Hôtel-Dieu de Paris , & l'autre tiers audit Expofant , ou à
celui qui aura droit de lui , &c de tous dépens , dommages flc:
intérccs ; à Ja charge que ces Prcfentes feront enregiilrées tout
au long fur le Regiflre de la Communauté des Imprimeurs $C
Librairt-s de Paris , dans trois mois de la datte d'icellcs , que
J'imprcllion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume Se
non ailleurs , en bon papier & beaux carattcrcs , conformé-
ment à la feuille imprimée attachée pour modèle fous le con-
trc-fccl des Prcfentes ; que l'Impétrant fe conformera en touc
aux 4lcglemens de la Librairie , ôc notamment à celui du
dix Avril 171^ : qu'avant de l'cxpofer en vente , le Manuf"-
crit qui aura fervi de Copie à l'iaiprcdîon dudit Ouvrajje ,
fera rcmi$ dans Je même état où 1 Approbation y auia été
donnée, es mains de notre trcs-cher Ôc féal Chevalier Chan-
celier de France le fieur Dv Lamoicnon , &: qu'il feu en-
fu'nc remis deux exemplaires dudit Livre dans noue Biblia»
VliJ
ihéque publique , un dans celle de notre Château du Lou-'
vrét, i-'î» dans celle de nonc très- cher &: fcal Chevalier,
Chancelier de France le Sieur De Lamoirnon, &: un dans celle
de notre tièî-chcr Se féal Chevalier Garde- de» Sceaux de Fran-
ce, le ficur Di Machault , Commandeur de nos Ordres : le
tout à peine de nullité des Préfcnies. Du contenu dcfquelles
vous mandons èc enjoignons de taire jouir ledit Expofant Sc
fes ayant caulcs , plein^-nieni & pavd^ement , fans foufFrii'
qu'il leur foit fair aucun trouble oû^mpèchement. Voulons
c[U'à la Copie des Prcfcnres qui fera imprimée tout au long au
conimenceaient ou à la fin dudit Ouvrage , foi foir ajoutée
conuiiit^à l'Original. Commandons au premier notre Huiflier
ou Sergent fur ce requis , de faire pour l'exécution d'icellcs
tous Ades requis Se néccllaires , fans demander autre per-
jniiïion , ôc nonoblianc Clameur de Haro , Charte Nor-
mande , èc Lettres à ce contraiies ; Car tel eft notre plaifîr.
Donné à Verlailles le vingt-ueuvieme jour du mois de Mai ,
Tan de grâce mil fcpt cens cinquante-deux , &; de notre regnç.
{e trente-feptiemc,
S A IN S ON.
Regtjîré fur le Ref^JJîre XIIL de la Chambre Royale &
Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris , N°. 5',
conformément aux anciens Ré^emens , confirmés par ce-^
lui du 1^» Février 171-^, A Paris ,lezi. Juillet 17 ji.
Signé yCoiGHARD , Syndic»
J'ai fait part à MefTieurs Hippolyte-Louîs Guerln
&: Louis-François Delatour , Libraires-Imprimeurs
à Paris , du Privilège par moi obtenu le 19, Mai
175 z. pour rimprelîion des Conférences d'Angers , fui-
vant les conventions faites entre nous. A Paris , ce
17. Décembre 1753. Signé , Dubé, Imprimeur du Cler*.
gé d'Anjou,
Regijlré furie Regijlre XIII. de la Chambre Royah
des Libraires & Imprimeurs de Paris , fol. zz?» con^
formément aux Réglemens^ & notamment à l'Arrêt du
Cvnfeil du 10, Juillet 17 15. A Paris, le ç. Févriit
Signé y DiDOT , Syndic,
RÈSULTAt
vîj*
Approbation du Ccnfeur RoyaL
J*A I lu par ordre de Monfêigneur le Chancelier,
les Conférences Eccléfîaftiques du Diocefe d'An-
gers , furplufieurs Pgmts de la Religion : fcavoir ^fur
les Comm.videmens W Dku ; fur Us Sacrcme'ns en gé-
néral & en particulier ; fur les Etats ; les Irrégulari-
tés ; fur les Cenfures ; les Contrats ; les Matières Dé-
tiéficiales ; fur les Loix ; fur la Grâce ; & fuHes Car
Réfcrvés. Le fruit que ces différens Ouvrages , auto-
rifcs par Meiïeigneurs les Evéques d'Angers, ont fait
jufqu a préfent , m'en ont fait juger la réimpreffiom
ircs-avantageufe à tous les Ecclé/îafliques» A Paris ^
ce 17 Avril 1752.»
TA M? ON ET, DoCleur & ancien Syndic de-
là Faculté de Théologie de Taris,.
PRIVILEGE DU ROY.
LOUIS, par la giacc de Dieu , Koi de France & de N'a-
varie r A nos amés &: féaux Confeillers , les Gtns tenanc
nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de*
notre Hôrel, Grand-Confcil , Prévôt de Paris, Baillifs , Séné-
chaux, leurs I.ieutenans Civils &: autres nos Juiliciers ^u'iliap-
particndra, Salut. Notre Aiué le Pierre Louis Dube', Impri-
meur-Libraire à Ani;ers, Nous a fait expofer qu'il dcfireroit faire
imprimer Si: donner au publie nn Ouvrage qui a pour titre r
Conférences Eccléjîajliques du Diocèje d' Angers , rédigées par
M. Babin : s'il Nous plaifoit lui accorder hos Lettres- de Pri-
vilège pour ce néceflaires. A ces causes ,. voulant favorable-
ment traiter l'Expofant , Nous lui avons permis & permettons
par ces Préfcntcs de faire imprimer ledit Ouvrage , en un'
ou plufieurs volumes, & autant de fois que bon lui femblera,
& de le faire vendre & débiter par tout notre Royaume- pen-
dant le tems de vingt années confécutives , à compter du jour
de la date des Préfentes. Faifons défènfes à. tous Imprimeur»,,
Libraires Se autres perfonncs de quelque qualité Se cotulitiofti
«qu'elles foient , d'en introduire d'iin|)rçfliga étrangère dan#:
Tome It Commandm€ns, b'^
Vlij
.lucun lîcu Je notre obéifTance ; comme au/H d'imprîmci- o*
faire imprimer , vendre , faire vendre , débiter ni contrefaire
Jeai^ fivre, ni d'en faire aucun Extrait, fous quelque prétexte
que ce roit , d'augmentation , correûion , changement , ou au-
ites , fans.Ia permillion expreffe ou par écrit dudir Expcfant „
ou de ceux qui auront droit de lui , à peine de conf.l'cacion des
exemplaires contrefaits _, de trois mille livres d'amende contre
chacun i.\?t contrcvenans , dont un tiers à Nouô, un ûcis À
r H6tei-Dieu de Paris , & l'autre tiers audit. Expofant , ou i
celui^qui aura droit de lui , & de tous dépens ,^ dommages Se
intérêts ; a la charge que ces Préfentes feront enregiftrées touD
au long fur le Regiftre de la Communauté des Imprimeurs &:
Libraires de Paris , dans trois mois de la datte d'icelles , que
i'imprelfion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume Sc
non ailleurs j en bon papier & beaux caraftères , conformé-
ment à la feuille imprimée attachée pour modèle fous le con-
tre-fcel des Prcfentcs ; que l'Impétrant fè conformera en tout
aux Réglemens de la Librairie ,, &. notamment à c^lui du
dix. Avril 1715 : qu'avant de rexpofcr en vente , le Manuf-
crit qui aura fcrvi de Copie à l'irapreffion dudit Ouvrage ,
fera remis dans le même état où l'Approbation y aura été
4donnée , es mains de notre très-cher &c féal Chevalier Chan-
celier de France le fieur Du. Lamoignon , & qu'il fera cn-
fuitc remis deux exemplaires dudit Livre dans notre Biblio-
shéquc publique, un dans celle de notre Château du Lou-
vre , un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier,
Chancelier de France le Sieur De Lamoignon, & un dans celle
de notre très-cher & féal Chevalier Garde de» Sceaux de Fran-
ce, le /îcur DE Machault , Commandeur de nos Ordres ; le-
tout à peine dé nullité des Préfentes. Da contenu defqucJles
vous mandons Se enjoignons de faire jouir ledit Expofant &
fés ayant caufcs , pleinement & paidblement , fans foufFrit
qu'il leur foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons
qu'à la Copie des Préfentes qui fera imprimée tout au long aii:
commencement ou à la fin dudit Ouvrage , foi foit ajoutée
«omme à l'Original: Conmnandons au premier notre HuifTicr
ftiu Sergent fur ce requis , de faire pour l'exécution d'iccllc».
Kous Actes requis & néceflaires, fans demander autre per-
îniflîon , Se nonobftant Clameur de Haro , Charte Nor-
înande , èc Lettres à ce contraires ; Car. tel effc notre plaifir, .
Donné à Verfailles le vingt-neuvième jour du mois de Mai 9.,
î'an de grâce mil fept cens cinquante-deux , & de notre régner
8* trentc-feptieoie,
S A IN S ON.
Regtfîré fur le Regijlre XIII. de là Chambre Royale &
Syndicale, des Libraires & Imprimeurs de Paris , N^. j*
êonformémm m»mçkni-Ré^mçns^yCQn^més.-far. ççq
IX
iuj du iS. Février tjiT,, A Paris , le zi. Juillet 1752.
Signé j CoiGNARD, Syndic,
JTai fait part à MeflTieurs Hippolyte-Louis Guerln
ik Louis-François Delatour , Libraires-Imprimeurs
à Paris , du Privilcge par moi obtenu le 19» Mai
17^2. pour l'imprelfion des Conférences d'Angers , fui-
vant les conventions faites entre nous, A Paris , ce
17. Décembre 1753. Signé ^Dveé, Imprimeur du Cler**.
gé d'Anjou.
RegiJIré fur le RegiJIre XIJJ. de la Chambre Royale
des Libraires & Imprimeurs de Paris , fol. 227. con-
formétnent aux Régîemens-y <à' notamment a V Arrêt du
Conjàl du 10. Juillet 17 15". A Paris j le $. Février
JI7H'
Signéf DiDOT ^ Syndic»,
X
. AVIS AU RELIEUR.
Ordre de la Dtjtrihutîon des Volumes
des Conférences d'Angers.
Commandemens, Ti^me J. .i Vol,
Commandemens , Tome II***" i VoL
Sacremens en général: Baptême
ôc Confirmation ,
Euchariitie : Sacrifice de la { ^^ ^
Méfie.
Pénitence : Indulgences : Ex-'
trême-Ondionf en i
Cas Réfervés, Tome J*.... i
Cas Réfervés , Tome IL'*'* -^
Etats )'"»
Ordre -•• -|^
Irrégularités j eni
Cenfures •• i
Mariage , Tome 1 1 en i
Mariage, Tome II j
Matières Bénéficiâtes ♦• i
Loix, Tome I - *\..»i
Loix, Tome II ••• S
Contrats , Tome I \em^
Contrats , Tome II • • • • • J
Grâce , Tome I *
Grâce , Tome JJ.. . . . • . • • • • • • ""^
14. FbL
RÉSULTAI
RESULTAT
DES
CONFÉRENCES
D'Angers,
SUR LESCOMMANDEMENS DE DIEU^
Tenues au mois d'Avril 17 13.
PREMIERE QUESTION.
Qu'ejl-ce que, h Dccalogue , ^ quefl-ce quil
contient f
E Dccalogue eu. un abrégé de ce que
nous devons faire , comme le Symboles
efl: un abrégé de ce que nous devons
croire , & l'Oraifon Dominicale urt.
abrégé de ce que nous devons deman-
der à Dieu ; c'eft une règle sûre & droite
à laquelle nous devons conformer nos mœurs & nos
adions , lî nous voulons qu'elles (oient (àintes & juf^
tes ; c'efl une inflruélion fàlutaire , fur laquelle il
faut néceffairement former notre vie & notre con-
duite , pour arriver à la gloire éternelle , que Dieti
^ préparée à fes Elus 5 c'eil un Abrégé des Loix dt^
Tqïïiç I, A
à Conférences d'Angers y
Dieu , qui contient les devoirs naturels de Tliomme
envers Dieu & envers le prochain. Ce font les mê-
mes Loix que Dieu avoit données à l'homme en le for-
mant , qui font rédigées dans les dix Sentences qui
compofent le Décalogue. Ces fèntences font appel-
lées dans l'Exode les dix paroles de l'Alliance que le
Seigneur a faite avec Ton peuple : Scripfit in Tabulis
'uerba Fœ devis decem. Exod. 34. Les voici de la ma-
nière qu'elles y font rapportées dans le chap. zo.
I. Je fuis le Seigneur vo-
tre Dieu , qui vous ai
tiré d'Egypte,de la mai-
(bïï de fervitude. Vous
n'aurez point des Dieux
étrangers devant moi.
Vous ne vous ferez point
d'Idole ni aucune figure
de tout ce qui efl en haut
dans le Ciel , & en bas
fur la Terre , ni de tout
ee qui eft dans les Eaux,
• Ibus la Terre , pour les
adorer & leur rendre le
fou /erain culte.
II.Vous ne prendrez point
' en vain le nom du Sei-
gneur votre Dieu ; car
le Seigneur ne tiendra
, point pour innocent ce-
lui qui aura pris en vain
le nom du Seigneur ion
^ Dieu.
ÎII. Souvenez-vous de
' Jândifier le jour du Sa-
bat.
IV. Honorez votre Père
& votre Mère , afin que
vous viviez long-tems
fur la terre.
V. Vous ne tuerez point.
VI. Vous ne commettrez
point d'adultère.
VII. Vous ne déroberez
point.
V 1 1 T. Vous ne porterez
point faux témoignage
contre votre prochain.
I X. Vous ne defîrerez
point la femme de votre
prochain,
X. Vous ne defîrerez point
fâ maifon , ni Ton fervi-
teur , ni fa fervaate , nî
fon bœuf , ni fbn âne ,
ni aucune chofe qui lui
appartienne.
L'Auteur de ces dix Commandemens nous les doit
rendre refpedables , puifque ce fut Dieu qui , après
s'être fait entendre au peuple Juif par une voix terri-
ble, accompagnée de tonnerres & d'cckirs 5 les dofffj
fur les Coinman démens de Dieu* 5
m parle miniHere des Anges à Moyfe, écrits fur deux
tables de pierre , d'oii le Dccalogue eft appelle la Loi
écrite.
Saint Cyprien & (aint Auguftin remarquent que ce
Tie fut pas Moyfe , mais Dieu n^xme qui écrivit de Ton
doigt luint les dix Commandemens du Dccalogue fur
les deux tables que Moyfe apporta de delTus la Mon-
tagne, & qui furent mifes dans l'Arche, fuivant l'ordre
du Seigneur^ -L'Ecriture-Sainte le dit trop clairement
dans rËxode au chap. 34. & dans le Deutéronome au
ch. îo. Dour qu'on en puiiïe douter. Scripfitqtte in tabii--
lis jtixiaid qttod prias fcripferat verba decem , quœ lo-
cutus ejî Domimis ad vos in Monte, de medio ignis, quan-
do popuhis cengregatus eji , & dédit easmUii.MoyCe ne
fit donc que prêter Con miniiîerc pour annoncer aux
Ifraélites les dix Commandemens que Dieu leur faifoit
pour réveiller en eux la conrioiflànce de la Loi natu-
lelle. Ils l'avoient mile en oubli , noïobftant les re-
proches de leur conlcience , qui la leur rappelloit
fouvent dans l'efprit.
Tout ce que la droite raifôi» dide à Phomme de
fciire y ou de ne pas faire , eft renfermé dans le Dé-
calogue ; car , quoique tous les Comm?.ndemens que
Dieu lui a faits , ne foient pas compris en termes ex-
près dans les dix Commandement; du Dccalogue , &
que tout le monde ne (bit pas même capable de les en
inférer , on les y peut néanmoins tous réduire , oul
comme des principes des devoirs qui y font marqués,
ou comme des Hiites & des conféquences de ces de-
voirs ; & ils s'y rapportent tous , comme les ruilTeaux
à leur £burce , & les rameaux d'un arbre à fès princi-
pales branches. C'eft pourquoi les Théologiens di-
fent que le Décalogue contient les principe? géné-
raux de la Loi naturelle , avec les premières & les
principales conféquences qu'on en peut tirer.
Les quatre premiers prelcrivent les devoirs que les
hommes (ont obligés de rendre à Dieu & à leurs pà-
rens. Les fîx autres règlent la juftice qui doit être ren-
due indiftcremment à tout le monde. Si on médite
donc avec attention le Décalogue & qu'on l'entende
jpien y on f^raura tout ce qu'on doit ;i Dieu & aux hom-r
Aij
if Conférences d'Angers ;
m ?s ; & rcn connoîtra par ce moyen les péchés qu'oiê
peut commettre contre Ces devoirs ; car on ne pèche
que parce qu'on ne les remplit pas : Omnia cœtera qua.
•prxcepjt Deiis , dit S. Auguflin dans la queflion 140.
fur l'Exode , ex illis decem Trœceptis , qutje duabus Ta-
bulis confcripta funt , pendere intelliguntur , fi diligen-
ter quœrantur & bene imelUgantur :■ quomodo haec ipfa
■^îecem rurfits pracepta ex duo bus illis, dileCiiove fcilicet
Dei & proximiyin quibus tota Lex pendet , & Propheta,
Ces paroles de faint AuguHin nous donnent occa-
fîon de remarquer que les dix Commandemens duDé-
caiogue peuvent fe réduire aux deux que Jéius-Chrifl
nous propofe dans le chap. iz. de (àint Matthieu , où
répondant à un Dodeur de la Loi qui l'avoit interro-»
gé , quel étoit le grand Commandement de la Loi ^
il dit : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu , de tout
votre cœur , de toute votre ame Ô" de tout votre efprit,
C'efi^là le plus grand & le premier Commandement,
Et voici le fécond , qui efi femblable a celui-là : Vous
aimerez votre prochain comme vous-même. Toute la Loi
& les Prophètes font renfermés dans ces deux Com-
mandem.ens , non-feulement parce que V Amour efi
taccompiijjem.ent de la Loi , comme dit l'Apotre dans
le chapitre 1 3. de l'Epître aux Romains , mais encore
parce que tous les autres Commandemens ibnt; conte-
nus dans ces deux , dont le premier nous prefcrit ce
qui regarde Dieu , & l'autre nous infiruit de ce qui
touche le prochain & nous-mêmes. In duobus Vrcecep-*
iis 3 dit (aint Augulîin dans le Livre de la Perfedion
de la Juflice de l'homme au chap. 5. dixit Legem Tro-
phetafque pendere , ut intelligeremus quidquid aliud
àiviràtus prœceptum efi 3 in his duobus habere finem , Ô"
ad hac duo efje référendum : Diliges Dominum Deum
tuum ex toto corde tuo , & ex tota anima tua, & ex tota
mente tua ; Ù' diligts proximum tuum tanquam teipfum :
in his duobus Praceptis tota Lex pendet & Prophète»
(Quidquid ergo Dei lege prohibemur , & quidquid jubé-
mur facerey ad hoc prohibemur & jubemur , ut duo ifia
compleamus.
Il eft certain qu'on ne peut adorer Dieu comme il
faut , ni refpeder fou fiint Nçp) ^ ni fandifier le jouj
fur les Commandemens de Dieu» f
k\\n doit ctre conHicrc à (on (ervice, fi on ne raîme;
êc quand on l'aime , on s'acquitte de ces obligations ,
qui (ont une fuite naturelle de l'amour qu'on lui doit.
Pareillement quand on aime Ion prochain , on lui
rend ce qui lui eft dû , & on ne lui fait aucun tort ; par
conféquent on honore ceux qui doivent ctre honores ^
on ne tue point , on ne fait nulle injuftice au pro-
chain , ni en fà perlonne , ni en fôn honneur , ni en
fès biens , ni par adions , ni par paroles , ni par penfces.
On peut même dire avec (àint Paul dans le chap.^.
de TEpitre aux Gelâtes , que les dix Commandemens
du Dccalogue (ont renfermés dans ce feul précepte :
Vous aimerez votre prochain comme votts-mîme ; parce
que l'amour du prochain e(l inféparable de l'amour de
Dieu; car on ne peut aimer (on prochain comme (bi-
Tiieme , (î l'on n'aime Dieu. On peut aufïi dire la mé-
rie cho(e de l'amour de Dieu, pui(qu'on ne peut aimer
Dieu (ans aimer Je prochain. Confeqiiens ejl , dit S»
Auguftin (lir cet endroit de S. Paul , ut qui ex toto cor-
de , ex tota anima 3 ex tota mente Deum diligit , diligat
Ô' proximum tanquam feipfum' Qui^i hoc jubet ille ,
qitem ex toto corde , ex tota anima, ex tota mente diligit.
Item diligere p'oximum, id ejl, omnem hominem tanquam
feipfum , quis poteji j nifi Deum diligat , cujus prtxcepta
C^ dono dileCiionem proximi pojjlc implere»
II. QUESTION.
Pourquoi Dieu a-t-il donné aux hommes le
Décalogue par écrit ? Sont-ils obligés ds
le fç avoir f
SI l'homme avoit perfévéré dans l'innocence ou
Dieu i'avoit créé , il auroit connu en lui-même
toutes les obligations auxquelles fi condition de créa-
ture raifonnable l'engageoit envers fon Créateur, en-
vers lui-mcme & envers fon prochain ; mais le péché
fiyànt corrompu fon cœur, il n'ccoutoit plus k loi
A iii
€ Conférences d'Angers ,
que fâ raiTonlui didoit pour l'infiruire de tous fes 3eJl
voirs. Cette loi étoit même tellement obicurcie , pour
ne pas dire effacée , qu'il n'en paroilToit prefque aucun
vettige^ dans Ton ame , & qu'il n'en voyoit quafî plus
la lumière. L'homme en ce miférable état a eu befoin
qu'on lui remît devant les yeux les Com.mandemens
que Dieu lui avoit faits par la loi qu'il avoit gravée dans
fon cœur en le créant. Néanmoins Dieu ne donna pas
dès les premiers tems une Loi écrite au Peuple qu'il
s'étoit choifî , parce que , difent les Saints Pères ,
avant que les Ilraéiites deicendiffent en Egypte, il
y avcit parmi eux plu/ieurs Jufles qui aimoient Dieu
par-delTus toutes choies ,& qui aimoient leur prochain
comme eux-m.êmes. Mais ce Peuple ayant prefque
oublié Dieu durant le féjour qu'il fit en Egypte, la
X-oi naturelle que Dieu avoit gravée au fond du cœur
de l'homme , n'étoit plus fuiîifànte pour le rappellec
a. fbn devoir , au moins elle ne le faifoit plus enten-
dre ; de forte que les hommes ne s'appercevoient pas
du dérèglement de leurs deiirs , & à peine connoiA
foient-ils les péchés qu'ils commettoient. De crainte
donc que ce Peuple choifî ne connoilTant plus la jus-
tice qui vient de Dieu , & s'efforçant d'établir fà pro-»
pre juflice , ne demeurât pas fbumis au vrai Dieu ,
ne mit le menfonge à la place de la vérité , & ne ren-
dît 5 comme les autres Nations , l'adoration & le
tulte lûuveraîn à la créature , au lieu de les ren-.
dre au Créateur » , Dieu annonça (a parole à Jacob >
fes Jugemens & fes Ordonnances à Ifraël. Il donna en
cela à fon Peuple une preuve de (a miféricorde infi-
nie , par la préférence qu'il lui donna fur tant de Na-
tions qu'il ne traita point de la forte , & à qui il ne
jnanifefla point d'une manière particulière fes pré-»
ceptes ^»
a Ignorantes )uftitlam Deî
& fuam qiiîerentes ftatuere ,
juflitiae Dei non Tiint fubjec-
ti. ad Kom, lo. Commutave-
rnnt veritatcm Dfi in menda-
cium , & colîierunt & fer-
Creatori. aà Rom, i«
b Qui anniintiat verbiiitt
fitum Jacob , iiiftitias & judicia
fua Ifraël. Non fecit talitcr
omni nationi , & jiidicia fua
non manifcflavic eis. Ffâlm^
vierunt creaturae potiiÀs quàm 1 147.
far les Comman démens de Dieu. y
Dieu différa pendant plufîeurs fîccles depuis le pé-«
chc d'Adam , de donner par écrit fa loi aux Ifraélites,
;afin de les convaincfe par une longue expérience de
l'aveuglement de leur efprit & de la corruption de leur
volonté ; Cuites fatales du péché. En leur donnant le
Décalogue, il ôta tout fujet de plainte aux autres-hom-
mes ; cette Loi écrite fur des tables , étoit un aver-
tiffement extérieur pour tous, qui les devoit faire ren-
trer en eux-mêmes , & leur faire écouter le témoigna-
ge de leur confcience, en retraçant à leurs yeux la
Loi naturelle , qu'ils ne vouloient pas lire au fond de
leur cœur *^.
Sans la lumière de cette Loi expcfée à nos yeux ,
nous tomberions iouvent dans des fautes groflîeres, &
nous nous écarterions à tout moment du chemin du
(alut , de forte qu'on peut dire des dix Commande-
mens du Décalogue , ce que fâint Cyprien au com-
mencement de (on Livre de l'Oraifôn Dominicale ,
dit des préceptes de l'Evangile dont la plupart font
les mêmes que ceux du Dccalogue : Nihil fum aîhid
quàm magijîeria divina , fundarmnta adificandiu fpei ,
jirmamenta corroboraiidie jîdei ,nutrimenta fovendi cor-
dis , gubtrnacula dirigendi itifieris., frajidia obtinendie
falutis.
Nous devons donc avoir une grande reconnoilTan-
ce de la miféricorde que Dieu nous fait , en nous ïnC-
truilant des Conimandemens du Dccalogue. Il les faut
recevoir avec crainte & avec refped: , ce (ont des or-
dres de Dieu & des déclarations de (à volonté fouve-
raine.
Quelque âge qu'on ait, on e(l trèè-coupable C\ on
néglige de (çavoir le Décalogue. Quand on lie l'a pas
appris dans la jeunefFe, la difficulté qu'on a d'appren-
dre , ne peut point fervir d'excule : étant très-facile
d'acquérir la connoifTance des dix Commandemen»
c Sei nefibi homines aliquid
clefuifle »iuaererentur , fcrip.uni
cft in Tabiilis qiiod in cordi-
bus non Icgfbant ; non eninn &
fcriptum non habcbanr, fcd lé-
gère nolcbant, Oppontum cU
oculîs eorum quod in confcîen-
tia videre cogercntur , & qua(î
forinfccùs , admotâ voce Dei ,
ad interiora fuahomo compul-
fu5 eft. %, /lug. in Pfal. 57,
Air
s Conférences d'Angers ^
qu'il renferme ; la nature elle-même nous y Conduit;
Il ne fuffit pas de fçavoir par cœur les paroles dans
lefquelles le Décalogue ell: conçu, il faut le m.éditer >
& en pénétrer le fens & l'étendue , afin d'avoir la
connoilTance de plu/îeurs préceptes qui Ce réduifent au
Décalogue , & qui n'y font pas expreffément énoncés,
qui doivent cependant nous fèrvir de régies dans nos
adions. Nous avons un tel befoin de les fcavoir pour
la conduite de notre vie, que lî nous négligeons de les
apprendre , nous (bmmes expofés à commettre une
infinité de péchés ; qui encore que nous ne les con-
jnoifîions point, ne laifTerom pas de nous être imputés
par la juflice de Dieu. C'étoit pour faire comprendre
cettebbligation que le Seigneur dans le chap. 6. du
Deutérbiiome , ordonne aux Ifraélites de graver fes
Comm.andemens dans leur cœur , d'en inflruire leurs
enfans , de les méditer dans leurs m.aifbns, & en mar-
chant dans le chemin , la nuit & le matin.
Cette méditation ne manquera pas de produire Con
fruit , & ce fruit fera , félon fàint Bernard ^ , un hum-
ble fentiment de foi-même, la charité envers le pror
chain, le mépris du monde , l'amour de Dieu.
De plus, la récompense éternelle luivra. Dieu la
promet par la bouche de David dans le Pfeaume pre-
mier, à. celui qui méditera (a Loi jour & nuit.
Si on ignore les Commandemens du Décalogue y
ayant été élevé parmi les Chrétiens , ce ne peut être
que par une ignorance criminelle , dont la fource eft
le défaut d'amour pour Dieu & pour le fàlut ; car fi on
aimoit Dieu, oncraindroit de violer fe^s Commande-
îmens faute de les connoitre ; & fionavoit un vrai de-
(Ir du falut , on appréhenderoit de Ce perdre en s'en-
gageant dans des crimes , faute de s'infiruire de les
devoirs. Et cette crainte porteroit à s'informer des ré-
gies qu'on doit lùivre dans la conduite de fa. vie , & à
s'en infiruire. Après les avoir apprifês , on s'en occu-
()eroit & on les approfondiroit. • L'ignorance dans la-
d Hœc confîfîeratîo qiudrî-
partltum parie fruttnm , v<li-
jaicm fuîj charitatcm proximij
contemptum mundi , amoreni
Dei.
fur les Commandemens de Dieu. p-
inuelle quelques Chrétiens font , des obligations qui
lont contenues dans le Décalogue , ou qui y (ont ré-
duites , n'eft donc pas excuHible , étant un effet de
leur négligence, & fbuvent de l'obflacle qu'ils met-
tent par leur mauvaise volonté aux lumières de Dieu.
C'cft de cette ignorance dont parle fîiint Bernard dans
la Lettre 77. à Hugues de Hiint Vidor , quand il dit :
Multa fcienda nefchimur , aut [ciendi incuriâ , aut dif-
cendi defidia , aut verecitndiâ inqiiirendi , & quidem
■ hujiifrnodi ignorantia non habet excufationem.
Les Pafteurs à qui le peuple doit, (êlon l'ordre de
Dieu , s'adreffer pour en recevoir les inflrudions dont
il a befbin pour la vie fpirituelle, ont une obligation
encore plus étroite d'avoir une parfaite connoiflance
dfe tout ce qui efl contenu dans le Décalogue , afin de
pouvoir expliquer aux autres leurs devoirs en détail ,
comme ils y font obligés. Si le zèle du lalut des âmes
ne les porte pas à (e remplir de la connoilîance de la
Loi du Seigneur , qu'ils craignent au moins la terri-,
ble menace qu'il leur fait par la bouche du Prophète
0(ee , au chap. 4, Qiùa tu fcicmiam repulijlt , repel-
lam te , ne Sacerdotio fungaris mihi.
Cette obligation ne regarde pas feulement les Prê-
tres qui font particulièrement chargés de la conduite
des âmes , comme font les Curés & les Vicaires , mais-,
encore tous ceux qui font honorés du caradère du Sa-
cerdoce *.
e Labia Sacerdotis cuflodiunt
fcientiamj&Iegcm requirent ex
ore eiustquia An^eliisDomînî
exercituum efl. Malacb, z.
III. QUESTION.
EJl-on obligé d'ohferrer les Commandemens du
Décalogue , Gr comment les divife-î-on ?
Quelque parfaite que puifTe être la connoifTance
qu'un homjue a du Décalogue,ellc ne fcrtqu'à le
rendre plus criminel , s'il ne le met en pratique,
tetce Loi n'a été domiée aux honmies que pour ctr^
A V
lo Conférences à' Angers ^
obfervée généralement de tous , & ils ne font jufteî
qu'autant que leur vie eft conforme à cette régie.
Il ne faut donc pas prétendre accommoder les loix
du Décalogue à notre volonté , mais il faut confor-
mer nos volontés à ces Loix , qui ne font autre cho-
fè que la volonté de Dieu. Si les hommes qui ont quel-
que autorité fur les autres, prétendent avecraifon que
leurs volontés foient luivies par ceux qui leur font
fbumis , combien efî-il plus julle que les hommes
foient affujettis à la volonté de Dieu , eux qui font
effentiellement fès efclaves en qualité de fes créa-
tures !
Dans le tems que les hommes n'avoient pour tout©
Loi que la Nature qui leur didoit de faire le bien
& de s'abilenir du mal, tous ceux qui avoient l'ufàge
de la raifbn , étoient obligés de faire ce qui eft porté
par les préceptes du Décalogue , parce qu'ils renfer-
ment le droit naturel que Dieu a imprimé dans l'ame
^es hommes , & que les hommes connoifTent par la
îumiere de la raifbn. On peut voir ce que difent à ce
fiijet (âint Jérôme fur le chap. 24. d'Ifaie , faint Au-
guflin dans le Sermon z^. fur lePfeaume 1 18. & faint
Thomas dans la i. z, q. 100, art. i.
Depuis que les Ifraélites eurent reçu de Dieu le Dé-
calogue , ils ont été obligés de l'obferver , félon la
forme dans laquelle il leur a été notifié par Moyfe de
îa part de Dieu.
Four les Chrétiens, ils ne peuvent fe dilpenfèrd'ob-
ferver tous les préceptes du Décalogue, félon le fens
dans lequel Jefus-Chrifl les a expliqués, & que l'Egli-
fe Catholique les entend. In illis decem pracepiis ,dit
iàint Auguftin dans la queftion lyz, fur l'Exode , ex-
cepta Sabhati obfervatione ,dicamr mihi quod non fit ok~
fervandum Ckrijliano.
On excepte le précepte de la fândification du Sab-
bat feulement , quant à la circonllance du jour du
Samedi qui a été changé en celui du Dimanche ;
quant à la chofe qui eft commandée par ce précepte ,
i obligation de s'en acquitter fubfifte également dans
Ja loi de Grâce.
Quoique les Commandçraens de la loi de Moyle
fur Us Commandemens de Dieu, î î
<\ui regardoient les ccrcmonies de I;i Religion , & ceux
qui prefcrivoient la forme des jugcmens parmi les
Juifs , aient ccc ou abolis , ou cliangcs par l'Kvangile,
ceux qui concernent les mœurs , dont le Décalogue
n'eft qu'un abrégé , bien loin d'avoir été abrogés par
Jefus-Chrifl, ont été augmentés & perfcdionnés, com-
me (aint Auguflin le prouve contre FauHe. Lex , Non
iTKrchciberîs , apiid illos jujios antiquos femi-plena
erat , doyiec a Domino implerettir , addente , ne qttis ad
conciipifcendam videat mulierem.
Il fuffit de violer un (eul des Commandemens du
Décalogue pour pécher. Ce péché eft même de (on
genre mortel , s'il n'y a quelque circonftance qui le
rende véniel , comme pourroit être la légèreté de la
matière , ou l'inadvertence , ou le manque de railbn ,
ou de connoilîîmce. Et fi l'on enfreint par une même
aftion plu/îeurs différens Commandemens , on com-
met difterens péchés , parce que dès-là qu'un Com-*
mandement n'eft pas renfermé dans un autre , il en
naît différentes obligations auxquelles on peut man-
quer par une même adion, ou par une même omiffion.
La raifbn pourquoi Ton pèche en violant les Com-
mandemens du Décalogue , n'eft pas parce qu'ils ont
été donnés par Moy(e, mais, comme remarque le Ca-
téchifme du Concile de Trente , c'eft parce qu'ils font
une explication du droit naturel, approuvée & con-
firmée par Jefus-Chrift. C'ell pour cela que ceux qui"
ont l'ufàge de la raifbn , ont une étroite obligation
d'accomplir le Décalogue en entier.
C'eft une erreur groflîere condamnée par le Concî*
le de Trente dans la felTion 6, au canon 15?. & lo. que
de croire que l'obligation d'obferver les Commande-
mens de Dieu compris dans le Décalogue , ne regarde
pas les Chrétiens. Le Sauveur nous a enfeigné le con-
traire dans le chap. 5. de faint Matthieu, oii après
avoir déclaré hautement qu'il n'étoit pas venu détrui-
re la Loi & les Prophètes, mais les accomplir , il ex-
plique de quelle manière les Chrétiens doivent s'ac-
quitter des Commandemens qui défendent de jurer,
de tuer. Se de commettre la fornication, & de celui
^ui ordonne d'aimer T^n prochain 3 & encore dans k
A n
"12 Conférences (T Angers J
cbap. ip. du même Evangélifle & le chap, 1 8. defàînt
Luc , où il nous, apprend que pour parvenir à la vie
éternelle , il eft abfoiument néceflaire d'obferver les
Commandemens du Décalogue : Si vis advitam ingre~
di , ferva mandata. Les Apôtres n'ont pas prêché une
lûUtre dodrine, mais plutôt ils ont eu foin d'avertir
îes Fidèles de cette obligation indifpenfàble , com-
me on voit dans le chap. 1 3. de l'Epître aux Romains,
dans la première aux Corinthiens , chap, 7, & dans
TEpitre de fàint Jacques , chap. 2.
La liberté que l'Evangile nous a procurée à cet
«égard , ne confifte qu'en ce que les Chrétiens font par
«amour ce que les Juifs faifbient par crainte , comme
dit le Concile de Cologne au commencement de l'ex-
plication du Décalogue. A Decalogo , qui moralem le-
gcm compendio compleftinir , non aliter libérât Evange-
iiurrij niji qiwd auttâ in nobis charitate, safponte facimus
4Ùy luhemer , quœ Jtid^orum populus faciebat mettipœnœ.
Le motif qui doit porter les Chrétiens à garder les
Clommandemens du Décalogue, eft l'amour de Dieu,
Non qu'il foit néceffaire que nous joignions à l'obfèr-
vation de tous les Comm.andemens un ade formel d'a-
mour : car il fuffit pour les oblerver d'une manière
qui fbif agréable à Dieu, que le defir de lui obéir &
de lui plaire, nous les iàfle garder. Et celui qui obfer-
ve quelqu'un de ces Commandemens par un motif de
crainte , ne pèche pas.
Puifque c'efl: l'amour de Dieu & de la volonté qui
nous doit porter à obéir à Tes Commandemens, il faut,
en nous inflruifànt , prier Dieu qu'il répande dans
Tios âmes (a grâce qui nous les fafle aimer , afin de
pouvoir furmonter la concupifcence qui eft en nous ,
qui nous lollicite fans ceffe à violer la Loi du Seigneur,
éc qui nous la rend défagréable Se difficile. En même
tems , nous devons faire a Dieu un aveu fincere de no-
xre foiblelTe, en lui difantavecle Roi Prophète: Sei-
gneur, ayez pitié de mai , parce que je fuis foiblt : M:-
fcrere met , Dcmir.e , qiioniam infirmus furn.
Nous fuppofbns ici comme une vérité incontefîa-
ble , que les Commandemens de Dieu ne (ont pas im-
^^oiïililes3 rEcri$iire-Siun:e 7 çH trop fvriiieiiç ; poi\p
fur les Commandanens de Dieu. t^
t\\ion puifTe dire le contraire (ans être hérétique.
Nous divilcrons d'abord avec Hiint Au^^uftin dans la
queftion 71, fur l'Exode, & avec laint Thomas i. i.q^
100. art. 4. les dix Conimandemens du Dccalogue, ert
Préceptes de la première table , & en Préceptes delà
féconde table. C'eft-à-dire , en ceux qui étoient gra^
vés fur la première des deux tables que Dieu donna à
Moyfe, & en ceux qui étoient gravés fur la féconde.
La première table contenoit les trois premiers Com-
jnandemens qui regardent l'honneur dû à Dieu. C'efl
pour cela qu'ils renfermoierît autant de paroles que les
lept autres , comme on peut le voir dans le texte du
chap. 20. de l'Exode que nous avons rapporté.
Origene a voulu divifêr cette table en quatre Corn-
mandemens, prétendant que le premier étoit renfermé
dans ces termes : Vous n'aurez fomt des Dieux étrangers
devant moi , Se ne condamnoit que l'idolâtrie spirituel-
le ; mais que le fécond qui condamnoit l'idolâtrie ex-
térieure , étoit exprimé par ces paroles : Vous ne vous
ftrez point d'Idole ni aucune Figure. Saint Auguflin à"
l'endroit qu'on vient de citer ^ êflime que les Précep-
tes de la première table étoient feulement divifés en
trois. Lf'Eglile iemble avoir approuvé fbn fentiment.
Les Théologiens voulant rendre rai(bn pourquoi
Dieu a renfermé en trois Préceptes , l'honneur qu'il
vouioitlui être rendu parles hommes, di(ènt que nous
devons à Dieu trois choies , qui font , la fidélité, le
rejpeâi , ù" notre fer vice ; que pour nous, acquitter de
ces trois devoirs il faut honorer l'unité de Dieir, là
vérité & fi bonté. Le premier Commandement nous
apprend à honorer l'unité de Dieu par notre fidélité ,
en ne rendant qu'à lui feul un honneur fbuverain. Le
fécond nous enfeigne à honorer la vérité de Dieu , en
relpedant fon Nom Se ne difuit rien qui lui (bit inju-
rieux. Le troi^cmc nous enjoint d'honorer (a bonté,
en célébrant le jour du Sabbat en reconnoiffanee des
biens que nous avons reçus de lui.
D'autres apportent une autre raifon de convenance
de ce nombre de trois ; f^avoir , que Dieu a voulu par-
là inftruire les hommes de l'obligation qu'ils ontd'ho-
îiorer les trois Pcrlojines Divines j car le premier Com-j
14 Conférences £ Angers,
mandement qui exclut la multiplicité des Dieux ^ Ce
rapporte au Père , en qui l'unité de la Nature Divine
fe fait premièrement connoitre. Le fécond Ce rapporte
au Fils, qui eft proprement le Verbe & le nom de Dieu.
Le trôifieme fe rapporte au Saint-Efprit , par la vertu
duquel nous nous abftenons des œuvres ferviles de la
chair : Primiim mandatitm , difent les Pères du Con-
cile de Cologne de l'an 153e. dans l'explication du
Symbole , ad Patrem refertur , [ecundum ad Filium ( qui
propriè nomen ^ Verbum Dei j non creatura ejî) ter-
tium ad Spiritum fancîum quo in nobis opérante jabba-
tizamus , ô' ab omnibus fervilibus j hoc ejî , nojîris ope-
ribus , quce caro fine fpiritu gignit , quiefcimus ac nos
continemus.
Les (êpt Commandemens qui regardent l'amour que
nous devons avoir pour le prochain , étoient gravés (ur.
la féconde Table. Ils nous enjoignent de ne faire aucun
tort à notre prochain , ni par nos paroles , ni par nos de-
firs , ni par nos a<5tions , nec corde , nec ore , nec opère , &
nous ordonnent de l'aider autant qu'il efl en nous. De
cette manière , ces fept Commandemens nous défen-
dent tout le mal qui peut nuire au prochain , & nous
commandent tout le bien que nous lui devons. C'efl
ce que nous apprend ce principe de la Loi naturelle :
Alteri ne feceris , quod tibi non vis feri. In his tribus y
dit S. Auguftin dans le premier di(cours fur le 32.
Pfèaume , charitas Dei, in [eptem aliis charitas proxi-
mi. Ne facias aliis quod pati non vis. Honores patrem
Û' matrem 3 quia vis te honorari à Jiliis tuis. Non ma-
chaberis , quia nec mœchari uxorem tuam pojî te vis.
Non occidas , Ù" quia occidi non vis. Non fureris , quia
fur tum pati non vis. Non falfum tejlimonium die as , quia
odijîi adversum te falfum tejlimonium dicentem. Non
concupifces uxorem proximi tui , quia Ù' tuam non vis
ab alio concupifci. Non concupifces rem aliquam proximi
tui i quiafi quis tuam concupifcet j difplicet tibi.
Il y a cette différence entre les Commandemens
de la première table & ceux de la féconde table ,
que ceux de la première font immuables ; que les cho-
fes qu'ils défendent ne peuvent jamais être licites ,
& que celles qu'ils ordcaneAt ne peuvent jamaiis etrg
fur les Commandemens de Dieu* 'ï jf
illicites ; car Tamour de Dieu ne peut jamais être un
mal , & la haine de Dieu ne peut jamais ctre un bien.
Mais quant aux Commandemens delà féconde table ^
quoiqu'ils foient immuables par eux-mêmes en tant
qu'ils (ont du droit naturel , qui ne commande rien
qui ne (bit un bien conforme à la raifôn , & qui auffi
ne défend rien qui ne (bit un mal oppofc à la droite
raifbn , ils (ont néanmoins fufceptibles de cliange-
ment, en ce que les cliofès particulières qu'ils défen-
dent ou qu'ils ordonnent , changent (buvent à €au(e
des différentes circonfîances qui leur arrivent & qui
les tirent du droit naturel. Ce qui fait qu'une cho(«
nue le droii: naturel commandoit comme jufte , de-
vient quelquefois injufle & cefTe d'être du droit natu-
rel. Par exemple , il efl du droit naturel de rendre
un dépôt à celui qui l'a confié ; mais (î cet homme efl
devenu furieux , le droit naturel ne did:e plus qu'il
faille lui rendre (on dépôt. Il y auroitmcme une faute
à. le faire , s'il (e pouvoit fervir de Con dépôt pour
faire un mal , comme un furieux pourroit faire , (i
on lui remettoit en main (on é^ée qu'il auroit donnée
en dépôt. De même le droit naturel défend de tuer,
cependant il efl permis de tuer dans une guerre juile
1-es ennemis de l'Etat.
On divife encore les Commandemens du Dcca-
logueen affirmatifs & en négatifs. Les affirmatifs com-
mandent direftement le bien qu'on doit faire, & (ont
énoncés fans négation; comme ceux-c'i'i Souvenez-
volts de [anClijîer Je Sabbat. Honorez votre père Ô" votre
mère. Les négatifs défendent expreffément de fàhe
le mal , & (bnt exprimés avec une négation : Vous
ne tuerez point. Vous ne déroberez point. Car autre cho-
(b eft de ne pas faire le mal, & autre cho(e efl defiiire
le bien , &: il ne (lifht pas à un chrétien pour devenir
jufte de faire l'un fans faire l'autre , comme le die
S. Paulin dans fa ^ o. Lettre. Auifi l'un & l'autre nous
font également commandés dans les fiintes Ecritu-
res. Déclina a malo , & fac bomim , P(;ilm. ^-^.Odientes
vialiim , adlhtrcntes bono j ad Rom. ii. Hoc itaqite du-
flex, dit S. Paulin , diverfiimqiie praccptum ,prohibendi
fi Hic et 1^ imperandi, «quo çmnibusjiirç mandamm e/?»
1^ Conférences d^ Angers l
Les préceptes affirmatifs différent des négatifs;
• 1° En ce que les affirmatifs, à parler félon le lan-
gage des Théologiens , obligent femper fed non pra
femper , e'eft-à-dire , qu'ils obligent toujours : mais
non pas en toi^t temps. Les négatifs obligent femper ô*
pro femper > c'eft-à-dire , toujours , & en tout téms &
en tout lieu. La raifbn qu'on rend de cette différence ,
c'elî: que par les préceptes afïirmatifs on commande
des aftes de vertu. Or un aéle n'elî louable & vertueux
que dépendamment de certaines circonflances qui ne
le rencontrent pas toujours ; c'eft pourquoi les pré-
ceptes affirmatifs n'obligent qu'en tems & lieu conve-
nables. Certainement nous ne Ibmmes pas tenus de
donner en tout lieu & à tout moment des marques de
notre refped à nos pères & mères. Pour les préce-
ptes négatifs , com.me ils défendent de faire des ac-
tions qui font de loi mauvaises , ils obligent en tout
tems , en tout lieu & toutes fortes de perlbnnes ; fî
bien qu'il n'efl permis à qui que ce Ibit de faire en au-'
cun tems , ni en aucun lieu ce que les préceptes né-
gatifs défendent de faire.
ï". En ce que l'on pèche contre les préceptes né-
gatifs en agiffant, & contre les affirmatifs en man-
quant i'agir , ce que les Théologiens expriment par
Jes termes de Ccmmijjîon & Omifjïon,
Il eft à remarquer qu'un précepte négatif enferme
en foi le précepte affirmatif qui lui efl oppofé ; car il
efl certain que les Commandemens qui nous défen-
dent le mal , ont pour fin la pratique du bien qui lui
efl: oppofé; comme celui-ci, Vous ne tuerez point j en
nous défendant de faire du mal à la perfbnne de notre
prochain , nous porte à lui fbuhaiter du bien , & à lui
en faire , fî nous pouvons. De même un précepte affir-
matif renferme le négatif oppofé ; ain/î celui d'ho-
norer fès parens , renferme celui de ne les pas mépri-
ser. Ceftde-là que S. Thomas i. i. q. loo. art. 4.
dans laréponfe à la i, objedion, enfeigne qu'il n'eft
nécefîaire flir une même chofe que d'un Commande-
jnent, ou affirm.atif ou négatif.
On exprime le plus fouvent les Commandemens
^ii des termes négatifs j parce que cette manierç"
fur les Comm an démens de Dieu, 1^
<îe parler , femblc plus propre à retenir les méchaa$
dans le devoir.
IV. QUESTION.
Quefl-ce qui nous ejl ordonné par le premlet
Commandement du Décalo^rue , ù" quejl ce.
^ que la Foi f
DI E u commença fes Commandemens par cette
Prcface : Je fuis le Seigneur votre Dieu, qui vous
ai tiré de l'Egypte , de la maifcn de fervitude ; pour
faire voir aux Juifs le droit qu'il avoit de leur don-
ner des loix , & robligation qu'ils avoient d'y obéir,
pour leur inlpirer le refped que méritoit fa Majeilé
fbuveraine , pour leur faire comprendre la recon-
noifïànce qu'ils dévoient avoir de (es bienfaits extraor-
dinaires , & pour les engager par ces motifs à obfèr-*
ver (à loi. En difànt , Je fuis le Seigneur votre Dieu»
Il marquoit en abrégé tout ce qu'il eft , & c'efl com-
me s'il avoit dit en détail : Je fuis la Jufiice fotiveraine ,
la vérité même y la fagejfe éternelle , la bonté infnie. Je
fuis le principe & la fin de toutes chofes. Je fuis celui
qui connoît tout , le lout-puiffant , le Créateur de tout.
Cette Préface regarde auffi les Chrétiens qui ont été
délivrés par Jefus-Cnrill de la fervitude du péché & de
la captivité du Démon.
Apres ce prélude , fuit le premier Commandement i
Vous n'aurez point de Dieux éirajigcrs devant moi. Voui
ne vous ferez point d'idole , &c. Quoique ce précepte
fbit exprimé en termes négatifs , il eft certain qu'il
renferme un (cns affirmatif, nous prefcrivant tout ce
qui concerne le culte que nous devons à Dieu ; & un
fens négatif, nous défendant le culte des fauffes Di-
vinités , & tout ce qui eft oppofé à la véritable reli-
gion. Car lorfque Dieu a défendu d'?voir de faux
Dieux devant lui , c'eft comme s'il avoir dit : Vout
m'honorerez comme le feul véritaih Dieu , Q" vom i^
îlK Conférences d' Angers,
reconnoitrez point d'autre Dieu que moi, L'aveuglemerfc
c?ans lequel étoient tombés plufieurs , qui adoroient le
vrai Dieu , & en même -temps une multitude de faufles
divinités , engagea le Seigneur quand il voulut pref^
crire aux hommes le culte qu'ils dévoient lui rendre ,
de leur défendre d'adorer d'autres Dieux en fà pré-
fènce. Ce n'étoit pas qu'il y eût d'autres Dieux que
ie Seigneur , mais la malice des hommes leur en avoit
fait imaginer d'autres.
Il faut convenir que le culte que nous devons à
Dieu con/ifle principalement à croire qu'il eft ie Créa-
teur & le Seigneur de toutes choses , & à nous atta-
cher à lui de toutes les puiflances de notre ame , com-
me à celui qui peut feul faire toute notre félicité , par
îa communication du bien infini , qui efl lui-même ;
c'eft pourquoi S. Auguftindit dans le chap. 3. de Ton
Manuel, qu'on adore Dieu par la Foi, par l'Efpé-
rance , & par la Charité ; on peut ajouter , & par la
vertu de Religion. Car pour faire honneur à quel-
qu'un , il faut concevoir une haute eftime de fes mé-
rites ; fè confier en lui , la défiance étant un défaut
d'eflime : l'aimer , car l'indifférence , & beaucoup
plus l'aver/ion , font des lignes de mépris. Enfin il
faut lui donner des marques extérieures de ces {en-
timens, & lui rendre des fèrvices. Or nous ne pou-
vons mieux nous acquitter de ces devoirs envers Dieu 9
que par ces quatre vertus. C'eft principalement par
elles que nous nous fbumettons à Dieu , & que nous
révérons Ces perfedions divines. Au contraire nous le
déshonorons , & nous délavouons en quelque ma-
nière qu'il eft notre Dieu par les adions oppofées à
ces vertus.
C'eft la Foi qui nous élevé à la connoifTance de la
Majefté divine , c'efl par elle que nous honorons la
vérité infaillible qui eft en Dieu , en tenant pour vrai
tout ce qu'il lui plaît de nous révéler. AufiTi il eft or-
donné , dans le chap. i. de l'Eccléfiaftique , à ceux
qui craignent Dieu , de croire en lui. ^
C'eft l'efpérance qui nous donne une entière con-
\'f Qui timeûs Deum , crédite illi.
fur les Commandemens de Vleu, I^
îîance en Dieu. Par cette confiance , nous recon-
roiflons la Toute-puifTance de Dieu & noushonoronî
la fidélité en fes promeffes.
C'efl la charité qui nous fait aimer Dieu plus que
nous-mcme , & plus que tout ce qui nous appartient.
En l'aimant ain/î, nous honorons ù. bonté fouverai-
ne , & nous lui rendons une véritable Se parfaite ado-
ration ; d'oii vient que S. Auguftin , dans le liv. To«
de la Cité de Dieu , au chap. 4. parlant de la Charité ,
dit : Hic ejl Dci culw.s , hc^c relia pietas , h(xc tantum
Veo débita fervints.
Enfin ,'c'efî par la vertu de religion que nous révé-
rons l'excellence de Tctre de Dieu, & Ion domaine
ablùiu fur toutes chofes. C'eft elle qui règle le refpeft
que nous lui devons , & à tout ce qui eft confàcré à
ion culte.
Il faut donc demeurer d'accord que le premier
précepte du Décalogue qui commande aux hommes
d'adorer Dieu , leur ordonne de mettre en pratique
ces vertus. C'eft pourquoi , en expliquant les obliga-'
lions que ce précepte nous impofê , il faut nécefîai-;
rement parler de la Foi , de l'Elpérance , de la Cha-
rité & de la Religion, marquer les vices qui leur (ont
oppofés. Mais comme la Foi eft le comm.encement
du (àlut de l'homme , nous traiterons d'abord de cette
vertu.
La Foi eft ou habituelle ou aftuelle. La Foi habI-«;
ruelle eft une vertu fumaturelle qui nous fait croire
fermement en Dieu , & à tout ce qu'il a révélé a fou
Eglile , & que l'Eglife nous propole de croire.
La Foi eft une vertu furnaturelle de l'entendement;
c'eft une lumière que Dieu y répand , qui l'écIaire, &
qui fait connoitre les vérités que Dieu a révélées.
Cette vertu ne s'acquiert point , elle furpafte les for-
ces de la nature. L'Apotre S. Paul nous apprend que
c'eft un don de Dieu dans le i. chap. de l'Epitreaux
Philippiens ^,
La Foi eft une vertu Tiiéologale , c'eft-à-dire ,'
qui a Dieu pour objet principal & immédiat; en quoi
g Vobis donatum efl pro Chrillo non folùin ut in euoa credati<4
ÏGT Conférences d'Angers j
cUe e/! diflinguée de la vertu de Religion , qui re|
garde immédiatement & principalement le culte qu'ofï'
rend à Dieu pour l'honorer.
Par la foi nous croyons en Dieu & à ce qu'il a ré-
irélé , c'eft-à-dire , que la Foi fait non-feulement quô
nous fommes affûrés qu'il y a un Dieu , mais qu'elle
jious fait aulîi croire les vérités que Dieu a fait con-
îioître aux hommes ; elle ne regarde même les cho-
ies que nous connoiflbns par la raifon , qu'entant que
Dieu les a révélées.
La Foi nous fait croire fermement, c'efl-à-dire ;
fans aucun doute, avec une entière aî^ûrance & une
pleine periuafion. Cela vient de ce qu'elle ne s'appuie
pas fur l'expérience des fens , ou fur les connoifîan-
ces naturelles , ou fur le rapport des hommes , mais
fur l'autorité de Dieu Se Ûiv fà parole qui eu contenue
■dans l'Ecriture fainte , tant de l'Ancien que du Nou-
veau Teftament , qui efl ce qu'on appelle la Parole de
Dieu écrite ; & dans ce que les Apôtres ont enfeignc
de vive voix à l'Eglifê , & que cette Eglife a fait pal>
■fer jufqu'à nous, qui eft ce qu'on appelle la Parole de
Dieu non écrite, ou la Tradition. La Foi ne croit donc
les chofes que parce que c'efl Dieu qui les a révélées ^
lequel étant la première & l'immuable vérité, ne peut
ni être trompé ni nous tromper. Notre entendement
fe repofànt fur cette autorité infaillible , eH convaincu
de la vérité des chofes révélées , & s'y loumet avec
relped; fi bien que ceux qui ont la Foi, ne doutent
nullement de la vérité de ces chofes ; quoique oppo-
rées à nos fèns & au-delTus des lumières de la raifon »
il les reçoivent comme la Parole de Dieu ''.
La Foi naturelle ou purement humaine , a un fon-
dement bien différent ; car elle nous fait croire les
chofes , ou à caufe de l'évidence des preuves par lef^
quelles nous nous fommes laiiTés perfuader , ou par
la déférence que nous avons pour les perfbnnes qui
nous les ont'_ dites , ou même par fantaiiîe fur de fauf^
fes preuves.
h Cùm accepifTetîs à nobis
verbum auditûs Dei , accepiftis
ÎU.udi upn Ut verbum homi-
num , fed , fient efl yerè , ver-
bum Dei, i, ai Tneplotiici
cap. 2»
fltr les Coinmandemens de D/ew.* ÎStr
On a die que la Foi nous fait croire tout ce que Dieu
ft rcvclc à Ton Eglife ; car la Foi ne rejette aucun des ar-
ticles que l'Eglile nous aiïïire que Dieu a révèles. Elle
les reçoit tous , & celui quidouteroit d'un feul, quand
incme il approuveroittous les autres, ne peut pas dire»
qu'il ait la Foi.
On a ajoîitL' , & que l'Eglife nous propofe de croi-
re ; car c'eil l'Eglife que Dieu a rendue dcpofitaire des
vérités que nous devons croire , de forte qu'encore
que Dieu puiffe révéler immédiatement à des parti-
culiers les myfteres les plus cachés , comme il failblt
aux Patriarches , 8c aux Prophètes , nous ne regar-
dons comme vérités de Foi, que celles qu'il a fait
connoitre à (on Eglifè. C'eft par le témoignage de
l'EgïiCe que nous (ommes pleinement assurés que c'efî
Dieu qui les a révélées ; & c'efl par les lumières de
l'Eglife, qui efl comme dit S. Paul au chap. 3, de la
I. à Timothée, la colonne dr la bafe de la vérité , qu'il
fiiut dilcerner les vérités révélées de celles qui ne le
font pas. D'où vient que S. Auguftin diGnt dans le li-:
vre Contra Epjlolam fundamemi , au chap. 5. qu'il ne
croiroit pas à l'Evangile fi l'autorité de l'Eglife Ca-
tholique ne l'y obligeoit. Evangelio non crederem, nifi
me Catholicte Ecclejiœ commoveret autoritas.
La Foi aéluelle , ell un acte de l'entendement , &
n'e/l: autre chofe qu'un conlentement ferme & afsûré
que nous donnons a. une vérité qui nous eft propofëe
par rEgli(e , parce que Dieu l'a révélée. Quand on
ne fait point paroître au dehors ce conlentement >
nous le nommons un aCle intérieur de Foi. Quand on le
jiianifefte par quelque figne (enfible, nous lui donnons
le nom de ConfeJJion de Foi , ou d'aéJe extérieur dgi
foi.
La Foi a<5luelle Ce divile en implicite Se expliciter
La Foi implicite eft un ade par lequel nous croyons
des vérités dans un autre oii elles lont renfermées »
quoique nous ne les connoiflions pas en elles-mêmes.
Par exemple , celui qui croit tout ce que l'Eglife croit ,
& qui eft prêt de croire en particulier tout ce qu'elle
lui propolera , eft cenfé croire d'une foi impli-;
(;itc tous Içs myfteres de ia Foi que l'Eglife trait j^
22 Conférences d'Angers ,
quoiqu'il y en ait plufîeurs dont il n'a jamais cKïî
parler.
La Foi explicite efl un a.àe par lequel on croit une
vérité en particulier , la confidérant en elle-même.
Par exemple , celui-là croit d'une Foi explicite la
Trinité des Perfonnes divines , qui fiait que Dieu a
révélé qu'il y en a trois , & réfléchilTant fur cette vé-
rité , l'approuve & y adhère fortement. Cette Foi peut
être diftinde , comme elle l'eft dans les Dodeurs ; ou
confufe comme fbuvent elle Teft dans le commun du
peuple. Voilà l'idée que S. Thomas nous donne de
la Foi implicite & explicite dans les queftions difpu-
tées q. 14. art. i.
On peut encore divifêr la Foi en Foi informe & en
Foi formée. On appelle Foi informe celle qui efl làns
i'amour de Dieu , parce que la charité eft comme la
forme de la Foi , puifqu'elle lui donne Ca. perfedion.
La Foi formée efl celle qui eft jointe à la charité jufti-
fiante qui donne la vie a Tame , & {ans laquelle les
autres vertus ne fervent de rien , fliivant S. Paul dans
la première Epitre aux Corinthiens , chap. 13,
Pour que notre entendement adhère aux vérités ré-
vélées par un confentement ferme , ce que les Théo-
logiens appellent_^rmwm prabere ajfenfitm, il ne fîifïit
pas qu'il fçache ces vérités , il faut de plus , qu'après
avoir pefé les motifs de crédibilité qui peuvent le por-
ler à croire ces vérités , il forme un jugement cer-
tain , qu'elles font croyables , & qu'elles ont été ré-
vélées , & qu'il fè détermine à les croire ; mais pour
fe déterminer à les croire , il a befôin d'une pieufe &
douce motion qui le porte à adhérer à ces vérités;
i3c à y donner fon approbation.
Nous avons dit qu'il faut que l'entendement , avant
que de donner fbn confentement & (on approbation
aux vérités de Foi , juge avec certitude qu'elles fbnc
croyables & qu'elles ont été révélées > parce que ce
confentement ne doit pasfè donner légèrement, mais
avec prudence ; & par conféquent il faut avoir une
entière certitude que la chofe efl telle que nous la
croyons. C'efl pourquoi le Pape Innocent XI. a con-
jdamné par fon Décret de x67^, cette propofitio;! ^ui
fur les Commandemens de Dieu, ô J
cft la 3 i,Aj[enJftisfulei fupernaturalis Ô" utilis ad [alu-
tem ,J}at ciini noiitiâ folum prohahili revelationis , imo
cum formidine , quâ qui s for mi de t , ne non fit locutus
Veus.
Le Clergé de France foufcrivant à la condamnation
de cette propontion dans rAfTemblce de 1700, en a
porte ce jugement , hœc prgpofitio fcandalofa efl , fer^
tiiciofa y Ù' apofîolicam Tidei defmitionem evertit.
Nous avons dit en (econd lieu que l'entendement a
befbin d'une motion de la volonté qui le fafTe adhérer
aux vérités qu'il juge avoir été révélées ; ce qui fait
dire à S. Auguftin qu'il dépend de la volonté de croire
ou de ne pas croire : Credere , dit ce Père , dans le
liv. de la Prédeflination des Saints , chap. 5. vel non
credere efî in arhiirio voluntatis humance , fed pnepara-
tur voliintas à Domino. La raifbn eft que la plupart
des vérités de Foi , furpalTent les lumières naturelles
de notre entendement , que même plufieurs paroif^
fent ctre oppofées à notre raifbn , & qu'encore qu'el-
les lui Semblent croyables , elles ne font point évi-
dentes , mais obfcures. L'entendement a donc belbin
pour les approuver & s'y attacher, d'une motion,
de la volonté qui le foumette à l'obéiffance de Jeflis-
Chrifl, félon ce que dit S. Paul dans le chap. 10. de
la z. aux Corinthiens. In captivitatcm redigemes omncm
intelleCîum in obfequium Chriffi.
Cette motion de la volonté engage notre entende-^
ment à faire attention aux motifs qui peuvent le per-*
(uader que les choies que la Foi propole ne renfer-
ment aucune abdirdité , & qu'elles ne font point op-
pofées à la droite raifon. Elle lui fait en même-temps
rejetter les raifons qui le pourroient détourner de
donner fon confentement & fon approbation à ce»
vérités.
Saint Auguftin reconnoît la nécefTité de cette mo-
tion dans le Traité z6. fur S. Jean, quand il dit qu'on
ne croit point par force & contre Con gré , mais parce
qu'on le veut bien ' •
i Intrarc quifquam Eccle- [ pcre Sacramcntum poreft no-
fiam potclt nolens , acccdcre lens, credere non poreft nifî
ai Aicare poieil noicnj , acci- l volcnj. Si corporc cVcderctur,.
^|; Conférences d'Angers^,
Cette pieufe & douce motion , qui efl le commen-i
cernent de la Foi , ed un effet de la grâce qui nous
appelle à Jefus-Chrift , comme il nous le dit lui-mê-
me dans le chap. 6. de S. Jean. Nemo poteft ventre ai
me', nijî Pater... traxerit eum. Le ^cond Concile
d'Orange a établi cette vérité Catholique contre les
demi-Pélagiens dans le Canon 5, & dans le Canon 7,
Si quis , dit ce Concile dans le 5 . Canon , Jicm au-*
gmentum , ita etiam initium jidei , ipfumque credulita-
tis ajfeCium quo in eum credimus quijujlijicat impium . . ,
non per gratiœ donum , id ej} , per infpiradonem Spiritûs
fanÙi corrigentem voluntatem nojlram ab injidelitate
^dfidem ...fed natur aliter nobis inejfedicit, Apojîolicis
àogmàtibus adverfarius approbatur. Conformément à
cela , S. Fulgence dit dans le liv. de Jncarnatione Ù"
Gratiâ , chap, 18. Ut velimus credere , mifericordia
prœveniemis ilhiminamur dono. Le Concile de Trente
dans la fefllon 6. chap. é. enfèigne la même dodrine.
D'oii Ton peut conclure que ce n'eft pas le feul poids
des raifbns qui fe présentent à notre efprit qui nous
meut à croire les vérités de Foi, & que TaHiirance
ou fermeté du confèntement que notre efprit donne
à ces vérités , ne vient pas toute de la force de ces
raifbns. Aufli Innocent XL dans ion Décret de l'an
il 67^. a condamné cette propofîtion qui eft la dix-
neuviéme. Voluntas non potefl ejjicere ut ajfenfus jidei
infeipfo fitmagisjirmus quam mereatur pondus rationum
nd ajfenjum impellentium.
Si nous ne croyions une vérité de Foi , qu'à eau (ê
de l'évidence des raifbns qui nous la perfuade , &
que fans ces railons , nous ne fuffions pas difpofés à
Î3. croire ) notre Foi n'auroit aucun mérite fùivant
|a maxime de S, Grégoire dans l'Homélie z8. fur les
Heret in noletitibus , fed cor- I mus <ju«ftionem : Nemo venîe
pore non creditur. Apcflolum
audi : Corde creditur ad jujii-
tîam.* . Cùmergoin Chriftum
corde credatur , quod nemo
uJque facit invitus ; qui autem
trahitiir tamquam invitus , cogi
yidetur j q^uomodo iftam folvi:
ad me, niji Pater, qui mijît /ne ,
traxerit eum f Si trahitur, aie
aliquis, invitus vcnic ; fi invitus
venit , non crédit ; fi non cré-
dit , nec venit. . . Noli cogi-
lare te invitum trahi. Trahitur
animus C^ amorc.
Evangile^
fur Us Commandemens de Dieu, i^
r.vanglles. Viàcs non habet meritum , eut hiimana ratio
p\thet esperimentum. Nous ne devons pas croire les
cho(es de Foi, à caufe du poids des rai(ons , mais à
caufè de l'autoritc de Dieu qui les a rcvclces. Sicm
homo , dit S. Thomas i, i. q. 2. art. lo.aCius vinutum
moralium débet exercere propter judicium rationis j non
frotter pajfionem ; ita credere débet homo ea quœ funt
Fideij non propter rationem humanam f fed propter aii-i
0oritat€m divinam.
Tome 11
h
RESULTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
tE5 COMMANDEMENSDE DIEU.
Tenues au mois de Mai 1 7 1 3 .
PREMIERE QUESTION.
La Foi eji-elle néceffaire pourlefalut?eJI-on obligé
de fç avoir ^ de croire d'une Foi explicite G*
dijîinde Us chofes qui font de Foi ?
LA Foi ell abiblument nécefîaire à toutes fortes
deperfonnespour être fàuvées. Cette vérité nous
efl clairement enleignée dans les faintes Ecritures. Le
Sauveur nous dit en S. Marc, au dernier chapitre, que
celui qui ne croira pas (era condamné ^, Bien plus ,
dans le chap. 3. de l'Evangile félon S. Jean, il dé-
clare que celui qui ne croit pas eft déjà condamné 5
& que celui qui croit au Fils , a la vie éternelle ''. L'A-
potre S. Paul établit cette nécefllté , en difànt dans
le chapitre 11. de FEpître aux Hébreux , qu'il eil
im.polïible de plaire à Dieu fans la Foi -. Ce qui fait
dire à S. Clément d'Alexandrie dans le livre 7. des
Stromates , que la Foi eft le premier pas vers le falut.
a Qui non crediderit , con- judicatus cii. Qui cred'i in Fi-
dcmnabitur. iium , habtt vitam acternam.
i? Qui aiuem non crédit, jam c Sine fide iropofTibile ei^
placerc Deo,
fuv les Commandcmms de Dieu, an
Ccrt, dit S. Cyrille Patriarche d'Alexandrie , dans le
livre 4. de fes Commentaires fur S. Jean, la porte &:
a voie qui conduit a la Vie. Ceft pour cela que
le Concile de Trente dans la refTion 6, au chap. 8. de
A rî ^^"pu°" ' 'PP?^^? ^^ ^°^' ^^ commencement
du lalut de 1 homme , le fondement & la fource de toute
notre julhhcation '^,
La Foi habituelle que l'on reçoit par le Baptême,
fuffit aux enfans & aux \n[\nÇ(:s ; parce qu'étant fans
dilcernement , ils font incapables d'avoir la Foi ac-,
tuelle; mais ceux qui ont l'ufage de raifon , font
obliges d avoir une Foi aAuelie , par laquelle ils
croient fermement tout ce que l'Eglife croit : ib
/ont même obliges , comme nous allons le faire voir
de croire dune Foi explicite certaines vérités. /^
cmm<iHi habethherum arbnrium , dit S. Thomas, fun
le hv. 3. des Sentences diil. ^^q.^.art. ue.ighurad
falutem ejus , quod habeat atlum Fidei . & non folhm
habuum. Ftdej autem nonptejl exire in aaum nifi aliquid
determmate & explicne cognofcoido quod ad Fidem ler^
Avant que de répondre à la féconde partie de h
quea.on, nous remarquerons .0. qu'autre chofi.. eff
de fçavoirles vc-rués qui font de toi, autre cho4
e^de ics croire. S.avoir les vérités qu font de Foi
ceftavo.rlaconnoiffimcede ces vérités. Cette con'
nom-ance précède la Foi; car l'entendement ncrot""
îoit pomt ces ventés , s'il ne les connoiffoit pas, c'elï
p.tre aux Romams , qu on ne croit point dans le Sei-
gneur, fi on n-en a ou. parler : La Foi v,ent de ce
quon a ou. c. Croire les vérités de Foi, cVfi donner
fon approbation & fon confentement aux v r'é îe'
velces dont on a la connoilTance • c'ell v ^hl
parce que c'eft Dieu qui les a ré'éléesl ^^^
nous les propofe. ^o^"e qut
cXîr^T' ^"T^"^'^"' ^^'""^ ^^°^^ peut être né-
ctlTaire de nccefllte de moyen, ou feulement de ni
d Fides eft humanx fjlitis | ^ o,.„«,«j j
• aitu,
B
'sB Conférences à' Angers ^
cedlté àz précepte. Une chofe eft néceffalre de ne-
■ ceflité de moyen , fans laquelle on ne peut être (auvé ,
quoiqu'on l'omette fans aucune faute ; etiamji mculfa"
hilùer omittatur , difent les Théologiens. Une chofe
efl néceffaire de nécelTité de précepte , fans laquelle
on ne peut être fauve , fi on l'omet par fa faute ;
fans laquelle néanmoins on ne peut obtenir le falut
éternel , fi on l'omet fans aucune faute ; ji inculpa-
hiliter omiuatur. Il y a donc cette différence entre
les chofes néceffaires de nécefTité de moyen, & celles
qui font néceffaires de nécefTité de précepte , que
les premières font toujours néceffaires , même dans
les circoniîances où elles font devenues impofFibles :
comme le Baptême eft tellement néceffaire à un en-
fant qui meurt dans le fein de fa mère, qu'il ne fera
jamais fauve, quoiqu'il ait été impoffible de le bap-
tifer en cet état. Mais les chofes qui font feulement
néceffaires de nécefTité de précepte , ceffent d'être
néceffaires , lorfqu'elles deviennent impoffibles. Cel^
fuppofé :
Nous difôns en premier lieu que pour être fàuvé ,
il n'efl pas néceffaire de croire en particulier & d'une
foi explicite tous les articles de Foi , ni de les fçavoic
tous.
Il fuHit d'éfre infiruit en particulier de certains arti-
cles principaux, & de les croire d'une Foi diilinfte &
explicite , pourvu qu'on croye en gros & d'une Foi
implicite toutes les vérités que Dieu a révélées à fon
Eglife , parce que c'eft Dieu qui les a révélées , &
qu'on foit difpofé à les croire en particulier , quand
i'Eglifè les propofèra.
Qu'il foit nécefîaire de nécefTité de moyen de croire
d'une Foi explicite quelques articles de Foi : l'Apô-
tre nous le fait connoître , quand il dit dans le chap.
II. de TEpître aux Hébreux, qu'il efl impoffible de
plaire à Dieu fans la Foi ; car pour s'approcher de
Dieu , il faut croire premièrement , qu'il y a un Dieu ,
& qu'il récompenfera ceux qui le cherchent ^ . Ces pa«
/ Sine Fide aiuem impcfTi
biie e(t placere DeorCrcdc
re enim oportcc accedentem
ad Deum,r,iua cÇi , & inquircjl*»
tibus fc rernuneraior fie.
fur les Commandemens de Dieu, np"
Voles prouvent non-feulement que tout Chrétien ,
mais même que tout homme qui a Tufage de railon ,
eft obligé de nécefllté de moyen de croire d'une foî
explicite l'exiftence & l'unité de Dieu , qui nous a
créés pour une autre vie durant l'éternité , dans la-
quelle il récompenfe Ici bons & punit les méclvùns.
Aufll Innocent XL a condamné cette proportion qui
eftla XXII. dans Ton Décret. Non nifi iides uniiis Deî
neceJJ'aria videtiir neccjjltaie medii , non auiem c^xplicita
remuneratori: , 8c le Clergé de France en l'an 1700.
l'a jugée erronée & hérétique.
Cette Foi doit cfre , félon l'Apôtre , une Foi furna-
turelle, par laquelle nous croyons en Dieu , Comme
Auteur de la grâce & de la gloire ; car S. Paul parle
d'une récompenfe qu'on ne doit pas attendre dans
cette vie, mais dans l'autre : il parle de la Foi qu'ont
€U les fiints Patriarches de la Loi de nature Se de la
Loi écrite , laquelle il définit au commencement du
chapitre en ces termes : Ejl autcm Fides fperandarmrt
fu'ojlantia rertim, argumerdum non apparentiiim. Ce qui
TTC peut convenir qu'à la Foi furnarureile , qui croit
leschofès que Dieu a révéiéer- à lonEglifè, parce que
c'ert: Dieu qui les a révélées ; (ans laquelle Foi nous
ne pouvons mettre notre efpérançe en Dieu, ni fai--
nier par-defTus toutes cho(es ; ce qu'il faut pourtant
faire pour être juftifié & parvenir à la vie éternelle.
C'eft pourquoi Innocent XL a aufli condamné cette
propofîtion , qui eft la XXIIL en Con Décret. Fides
latè diÛa ex tejlimonio creantrarum , Jîmilive motivo ,
adjufiificationcm fiifficn.
Si tous les hommes font obligés de cfoire qu'il y a
im Dieu qui récompenfe les bons dans une autre vie
que celle-ci, ils font par ccnféquent obliges de croire
que lei'r ame efl immortelle ; car la récompenfe dans
l'autre vie , (uppofencceffairement que l'ame ne meurt
pas avec le corps.
Nous difons en fécond Heu , qu'on efî obligé de
fçavoir le myilere de flncarnation, & delà croire
d'une Foi explicite. Il ell aifé de juger par les ex-
prefilons de l'Ecriture fiinte, que cette Foi eft né-
^eiriûre de néccfîité de moyen pour être fiuvé : Çui
]B iij
^Q k.onjerences a Jingers ,
€Y€dh in eum , non judkatur ; qui autem non creàhjdTfi
judicams ej} , quia non crédit in nomine Unigeniti Filit
Dei . . . Q^ui crédit in Filium , habet vitam aternam ; qui
' autem incredulus ejî Filio , non videbit vitam ,fed ira Dei
manet fuper eum. Joan. 3. Si non credideritis quia ego
fiim, moriemini in peccato veflro. Joan. 14. On ne
peut donc être (àuvé fans une Foi diftinfte & explicite
en Jeflis-Chrift , de même qu'on ne le peut être (ans
la créance explicite , qu'il y a un Dieu qui rccompenfe
& qui punit. Nous l'apprenons de Jelùs-Chrift mcme ,
qui nous dit en S. Jean chap. 14. CreditisinDeum ,&
in me crédite. La vie éternelle con/îHe à connoî"
tre le Père qui eft le fèul Dieu véritable , & Jefiis-
Chrifl que le Père a envoyé s. L'homme n'efl juftifié
que par la Foi de Jelus-Chrift ^, Et il n'y a point de fà-
iut par aucun autre; car nul autre nom fous le ciel
n'aété donné aux hommes par lequel nous devions être
fauvés K
Joignez à toutes ces autorités de l'Ecriture, ce que
S. Auguflin dit dans le liv. De Correptione & Gratia,
ch. 7. ^emo liheratur à damnatione qux fa^îa ejl per
Adam j niji per fidem Jefu Chrifii^ & tamen ab hac dam-*
natione non fe liber abuntj qui poterum dicere , nonfe
HîîdiJJe Evangdîum ChriJIi.
On n'entend pas feulement par le Myflere de l'In-»'
'carnr.tîon , la conception du Verbe incamé dans le
lein de la Vierge Marie , mais encore les principaux
Myfleres qui regardent fbn humanité , & la rédem-
jption du Genre humain , lefquels l'Eglifè honore en>
fes principales Fêtes. Saint Thomas l'enfèigne ainfî
■dans la 2. 1, q. z. art. 7. Tojî tempus Gratia revelatx,
tam majores , quam minores y c'efl-à-dire , les Pafî;eurs>
ies Prêtres & le Peuple , tenentur haberefidem explicitant
de MyJIeriis Chrijîi , prœcipue quantum ad ea quce commu"
mter in Ecclefiafolemnifantur & publiée proponuntur ,jî*
cm funt articuli Incarnationis,
g Kaec eft vita aeterna , ut
cognofcant te folum Deum ve-
lum , «Se qiiem mififti , Jefum
Chriftiun. Joan, 17.
h ÎJon jiiftificatur homo ex
©peribus legis , ûiii per fidem
Jefu Chrifti. Galat, 2.
i Et non efl: in alio aliquA
falus ; non cnimaliiid nomen
eftfubcœlo (îatumhominihus v
inquooporteat nosfulvosfieriçr
■fur Us Commandemens de Dieu, 5 ^
Comme l'on ne peut croire d'ime Foi explicite
le Myrtere de l'Incarnation , fi on ne connoit celui
de la'Xrlnitc, (Iiint Thomas dans le 8. article de la
même queflion , foutient qu'on cft oblige de ncceflité
de moyen de croire d'une foi explicite le mydere de ÏTt,
trcs-liiinte Trinité , qui efl: le principal objet de notre
Foi. La raiibn qu'il en rend, c'eft que nous (bmmes
baptifcs au nom de ces trois Perfonnes, & qu'avant
que d'être baptifé, il faut ctre inflruit, félon ce qui
efl dit au dernier ch. de S. Matthieu : Euntes docete
cmnes gentes , haptifantes eos , innomineVatris , &Filii,
(jr Spiritûs fantii.
Nous difbns en troifîeme lieu , qu'il efl: nccefTaire
de néceffitc de précepte à tout Chrétien qui a l'utage
de raifon , de fc^avoir au moins en fubdance les arti-
cles de Foi contenus dans le Symbole des Apôtres ,
& de les croire d'une foi explicite. L'Eglife a été fi
perfuadée de cette obligation , qu'elle a été dans
tous les temps très-exa(^e à faire apprendre le Sym-
bole aux Catéchumènes , &à le leur faire réciter par
cœur avant que de les bapti?èr , comme nous le dit
S. Auguftin auliv. 8. de Tes Confeflions, chap i. On
peut voir (ur cela le Can. Non liceat, & le Cd.n.Bap-
tifandos, de Confecratione , ài(k> 4. Baptifandos oponeû
Fidei Symbolum difcere , & qiùntâ feriâ ultîma fepî-^
manx , vel Epifcopo , vel Treshyterîs reddcre. On a voulu
par-là faire comprendre aux Fidèles , que non-feule-
ment ils doivent être inflruits de leur Foi , mais mê-
me qu'ils doivent être en état d'en fiiire profefTion à
tout moment , laquelle ils ne peuvent mieux faire
qu'en récitant le Symbole & l'oppofant aux ennemis
delà Foi. Si quidem , dit S. Léon dans la 13. Let-
tre, fuivant les anciennes éditions, & la zj» félonies
nouvelles , ipfa Catholici Symboli hrevis Ô" perfctla
confejjio tam inflru^ia fit munitione cœlejîi ., ut omnes
H^reticorum opiniones folo ipjîus gladio pojjïnt detnm^
cari.
Et parce que ceux qui ont été baptifés dans l'en-
fance, n'ont pas pu être alors inflruits du Symbole >
l'Eglife oblige les Parreins & les Marreines à le leur
enfeigner , comme s'ctant rendus leurs cautions au
B iv
5 2 Conférences d'Angers^
Baptême. Les Rituels des Diocèfes enjoîgftent aîï^
Prêtres qui adjiiiniftrent le Baptême , d'avertir lei^
• Parreins & les Marreines de cette obligation.
Il y a pareille obligation à tout Chrétien qui a lu-
ûge de raifon de fçavoir TOraifon Dominicale , au
moins en (iibfîance. Nous trouvons plufîeurs Ordon-
nances Eccléfîaftiques , qui enjoignent également au}ç
fdeles d'apprendre par mémoire l'Oraifon Domini-
cale & le Symbole. Sur quoi on peut voir le Concile
deMayence de Tan 813, au Can. 45. le IL de Reims
îenu dans la même année au Can. 1, S. Pierre Chry-a
iblogue dans les Sermons 57. & éo.
Les Parreins & les Marreines qui ont tenu des en-»
fans fiir les Fonts de Baptême , font aufli obligés de
leur apprendre l'Oraifon Dominicale., comme il efli
porté par le Can. Vos ante vmnia , de Confecration^
dift. 4. ^
On connoît par-là qu'il y a un précepte Ecclé/îafli'n
que, qui oblige les fidèles qui ont l'ufàge de raifon ,
d'apprendre par mémoire le Symbole & l'Oraifon Do-
minicale. On peut néanmoins excufer de péché ceux
qui par un défaut de nature, ne peuvent retenir les
paroles du Symbole ou de l'Oraifon Dominicale y
m les réciter de fuite; pourvu qu'ils f;achent les cho-
ies que ces paroles fgnifient nûment & fimplement,
ce qu'on appelle fçavoir en fubf.ance. Toutefois un
ConfeiTeur ne doit pas fe contenter qu'un Pénitent ne
fçache les articles du Symbole & l'Oraifon Domi-
Jiicale qu'en fùbflance , il doit l'avertir qu'il efl obli-
gé do les fçavoir par cœur; & li le Pénitent en a déjà
été averti , & qu'il ait négligé de les apprendre , le
Confeffeur doit lui différer l'abfôlution , jufqu'à ce
qu'il les ait appris en langue vulgaire.
Les Confeffeurs doivent même exhorter fortement
leurs Pénitens à réciter tous les jours plu/ieurs fois
.l'Oraifon Dominicale & le Symbole, comme S. Au-
h Vos ante omnia, tam Mu-
lieres , quàm Viros , qui Filios
in Baptifmo fiifcepiftis , mo-
sieo , ut \os cognofcatis fide-
jufTores apiid Dewm exçipife i çftçiidJiç.
pro illis. . • Ante omnîaSyra-
bolum , & Orationcm Dorni-
nicam & vos ipfi tencte, & iliis
quos fufcepiftij dçfacrc Foatç
fur les Commandemens de Dieu* 3 ^
p-uniii nous en avertit, dans l'Homclie 41. parmi les
cinquante Homélies, laquelle dans l'édition des PP.
J^cnédidins cÙ. le Sermon 58, ^
Nous difons en quatrième lieu , que tout Chrétien quî
a l'ulïige de raifon , eft obligé de néceflité de pré-
cepte de fc^avoir & de croire ce que l'Eglile enieigne
des Sacremens de Baptême, de l'Euchariftie & de la
Pénitence, qui font des moyens infiitués de Dieu,
que i'Egli(è employé pour la fîmclification de fes en-
fans. De plus , il doit (savoir les Commandemiens de
Dieu & de FEglilb , qui font les régies que chacun eft
oblige de fuivre dans la conduite de fa vie. Enfin il
doit connoitre les obligations de fon état. C'efl le
fèntiment de S. Cliarles dans les Inflrudions aux:
Confeffeurs , & de S. Thomas dans la i. 2, q. 76./
art. 1. "^ La raifon efl, que tout fidèle efl indifpenla-
blement obligé de mener une vie chrétienne, poi^
obtenir la béatitude éternelle ; ce qu'il ne peut fa/^
llms avoir ces connoifTances. :■ 7
Le précepte qui oblige les Chrétiens à fcj'avoir/ou--
tes ces chofes , efl contenu dans ces paroles â^^ J^^
fus-Chrid : Fradicate Evangelhim omni creatur/' Q.^^
crediderit , & bapifaïus fuerit , falvus erit. Çj^i '^^^^
non crediderh j condemnabitur. Marc. cap. i^iDocete
cmnes G entes , ba-ptifantes eos in nomine Patris:, 'à'c- Do-
fçmes eos fervare omni', qiuuumque ma^dav? vobis^
l Oratio vobis quondicdi-
ccnda clt , cum bactifati fueri-
tis. In Ecclelîa tnim ad Altare
Deiqufttidiedicitur ifla Oratio
Dominicà; «& aiidiiint illam Fi-
rielcs . . . Cum aiitem tenue*
ritis ( Symholiim ) , ut non
/
ÏJT>
fidem tua.-y» ir^^'-<^<^. te ; ïïc
tanquam/-c;jlum cibi Symbo-
liim tuf^* ibitevide, fi cre-
dis or'^*^ ^"* ^^ credere con-
fjdg.s, & gnude quotidie in
f^y ni3 Numqnid noa
ç^ando furgis re veAis ?" fie &
oblivifcamini , quotidie dicite, k/ommemorar.do Symbolumv
quando furgitis , qiiando voi/"'"'" ^^f^'s ^•^'"^^'^ ^"-''"^ ' "^
irgitis , q
coUocatis ad fomnum. Rtd'
dite Symboliim vcflrum , r^^*
«\ite vos , commemnrate ^-^^
"VOS ipfos non pii;c?.t r/ï't-""
re. . ..Ne dicatis": Di/i beri ;
■dixi bodie , quotidie '^co j-^
forte eamnudetoblivio , & rc--
rnaneas nudii^^
m Omnestencntur fcire corn»
nimitcr ta qu-e fnnt Fifhi <fc
'iniverfalia juris pr^Gcpta : Cm'
piili autcm ea qua- ad corKm.
'34 Conférences à^ Angers y
Matt. iS. Et comme ce précepte nous prefcrît m\&.
chofe importante & néceflaire au falut , c'eft un
^péché que de ne les pas f^avoir , à moins que l'on
en ait été empêché par un obflacle lî fort qu'on n'ait
pu le vaincre.
On peut excufèr de péché ceux qui les ignorent
d'une ignorance invincible , comme font ceux à qui,
cette obligation n'eft jamais venue dans Tefprit, &
ceux qui n'ont pu (Ravoir ces chofes ; parce qu'ils
n'ont eu perlbnne qui les en infîruisît , ou qu'ils étoient
en captivité parmi les infidèles, ou qu'ils font trop
lîupideso
Quoique les perlonnes chrétiennes qui (ont fi groC-
fîeres , qu'il leur efl moralement impoilible d'appren-
dre les vérités qu'elles doivent (çavoir de néceflité
de précepte , foient exemtes de cette obligation ,
• .parce que leur ftupidité les met dans l'impuiflance
i'y i^tisfaire , elles ne (ont pourtant pas exemtes de
t-ôire explicitement les articles qu'elles (ont obligées
d(. croire de nécefïité de moyen , comme lont les
^^eres de la fainte Trinité, de l'Incarnation & de
la lédemption : mais il leur fiifïit pour fâtisfaire à ce
devor , de croire ces articles , & d'y adhérer par la
Foi, nrfqu'on les leur explique, C'eft alTez à caufê
deleur'mbécillité qu'ils puilTent les concevoir en ce
jnom^ji^i^ , quoiqu'ils ne puiiïent pas les retenir.
Lit^ Fid4es qui négligent d'apprendre les articles
de r 01 ,. & '^5 autres cliofès qu'ils font obligés de
J^avoir, péc'ûçj^i- grièvement. 1°. Lorfque réfléchif-
lant fur cette Ȕiligation , ils ne fe mettent point en
état d'y fàtisfair. ^o^ Lorfqu'en ayant été avertis >
ils forment dans ^yr c^ur le deffein de ne fe pas
faire mllruire. 30.!^^^^^^ pouvant aller aux inftru-
<aions&Catéçhifmes,ou qu'ayant quelque cccafion
de fe fliire iniîruire , ils négligent de le faire ".
Les Confeffeurs doiven. différer l'absolution à ceux,
gui ont été élevés parmi It^. Catholiques, quand ils
n Quicumque_ ncgiigît ha- f pte- negligentiam , igncrantJa
ïre , vci facere là quod tene-
«mr habere vel facere , pcccat
fc-eccato çûuiTionis, Unde Ero> ' £. 7,<î« «vç, u
eorur, quar aliquis fcire tenc-
nir , t\ peccatum» $% Tb^i* i^
fur les Commandemens de Dieu. 3 y
îgnorent les Myfteres qu'il faut (Ravoir de nccefTitc de
moyen. Il cfl à prcfumer qu'il y a eu de la négligen-
ce de leur cote. Ainfi régulièrement on ne doit point
les abfoudre dans cette ignorance, à moins qu'ils ne
fuflent en danger de mort. AulTi Innocent XI. & le
Clergé de France , ont condamné cette Propofîtion >
qui eft la LXIV. dans le Décret d'Innocent. Ah/c-
Imionis capax e/l homo quantumvis laboret ignoramiâ
myjkriorum Fidei, & etiamfipernegligemiam , eiiam cul-
pabilem , nefciat MyJIermm SancUjïmiS Trinitatis & In~
carnaùonis Domini Nojlrî jefu-Chrifti. Si ces ignorans
éioient en péril de mort, il faut , avant que de les ab-
foudre, leur enfeigner fur le champ ces myfleres , &
leur faire produire des ades de Foi fur chacun
d'eux.
Quoique tous les Chrétiens qui ont l'ufàge de rai-
Ibn , fbient obligés de nécefïité de moyen de croire .•
explicitement quelques vérités , & qu'ils Ibient obli-
gés de néceflité de précepte d'en croire quelques au-
tres, tous ne font pourtant pas obligés de les (cavoic
également & de les croire d'une foi aulfi difl:ia<Se«.
Leur connoiflance doit être 'plus ou moins grande,
lelon l'état , la profeifion , le caradere d'elprit , &;
les autres circonftances où ils le trouvent.
Il cil fort difficile de détenr.iner au jude quel eft le
degré de connoiiTance d'ftinde , nécefTaire pour cha-
cun. Il eft certain que les Payeurs , les ConfefTeurs
& les autres Prêtres , qui (ont engagés par leur em-
ploi a inftruire le peuple, doivent Içavoir toutes ces
vérités plus diftindement & d'une manière plus par-
faite, comme dit S. Thomas dans la 2. 2. q. 2, art.
6, Superiores homines ad quos pertinet alios erudire , te-
mmitr habere pleniorem notttiam de credendis j <^ ma-^
gis explicite crcdere. De plus , ils fe rendent coupa-
bles de péché quand ils manquent à enfeigner au peu-
ple ces vérités , qu'il ell obligé de (Ravoir & de
croire.
Quant aux autres articles de Foi que chaque Fidèle
n'efl pas obligé de fçavoir ni de croire en particulier;
quoiqu'il fuftile de les croire en général & d'une ïot
inipUcite , eji croyant fermement tout ce que l'EgUrj^
5 6 Conférences d'Angers y
croît, on peut fè trouver en de certaines clrconfîan^
ces où l'on eft obligé de Ce faire inflruife de quelques-
-unes , & de les croire d'une foi explicite; par exem-
que i'Eglife enlèigne fur ces Sacremens , quand
ils en approchent.
Pour ceux qui Ibnt capables d'apprendre la Religion
à fond , ils doivent s'en inftruire le plus exactement
<iu'il leur eil pofTible, afin de s'affermir dans la Foi >
de s'avancer dans la piété , & d'être plus en état de
ré/îiler aux erreurs contraires à la Foi & aux fauffes
maximes du monde. Ceux qui négligent de le faire ,
Se qui vivent dans une ignorance volontaire fiir plu-
fieurspoints de la Religion , ou fur les règles des mœurs
-qui font établies par l'Evangile, ne s'en occupant
prefque point , & donnant toute leur attention aux
•chofès du monde, ce qui fait qu'ils n'ont point d'ou-
verture à comprendre les Myfteres de la Foi & les vé-
rités de FEvangile , ne font pas excufàbles ; car il n'y
arien qui nous doive toucher de plus près , & dont la
çonnoiflance nous fbit plus importante, que de iça-
voir en particulier ce que l'Eglifè croit & enlèigne.
Il eH: à craindre que les fuites de leur négligence ne
ibient terribles pour eux au jour du Jugement de
Dieu»
■^imBBmfimmimmmmm i i i ■ i i — — i>»<p— — i i m r
IL QUESTION.
'EJî- on ohligé de faire foupent des aEles de Foi ?
A Près ce que nous venons de dire dans la réponfê
à la Queftion précédente, on ne peut douter
que Dieu ne nous ait fait un Commandement fpé-
cial de croire les vérités de Foi qu'il a révélées à ion
Fgiife, & il faut tenir pour confiant, que ce Com-
ïTiandement nous oblige diredement par lui-même à
prcduîredesAdes intérieurs de Foi de temps en temps
dans le cours de k-viej carii Aut croire de cœurgo.wiî-
fur les Commandemens de Dieu, 5 'i.
trre junific-a. H ne fuffit pas a un Chrétien adulte, quia
Tufage libre de la raifon , d'avoir la Foi habituelle ,
ou de produire un feul ade de Foi pendant qu'il efï
fur la terre. Le fenrinient de quelques Théologiens
qui avoient ofé dire le contraire , a été profcrit par le
S. Siège dans la condamnation que le Pape Alexandre
VII. a prononcée contre cette Propo/îtion, qui eft la
première dans Ton Décret du mois de Septembre i66^«
Homo nullo unqiiam vitx [uie tempore tenetur elicere
aCium Fidei , Spei, & Charitaùs ex fi pra^ccptortim di^
vinorum ad eas virtutcs fertinentium. Et encore dans la
cenfiire qu'Innocent XI. a faite de ces Proportions,
qui font la XVI. la XVII. & la LXV. de Ton Décret
de i<575?. Fides non cenfettif cadere fub pracepium fpe-'
craie & fecundum fe . ... Satis ejî aCium Fideifemèl in
vita elicere. Sufpcit illa myjîeria femel credidijfe. Le
Clergé de France s'eft pareillement déclaré contre ce
(entiment; car il a condamné la Proportion que nous
venons de rapporter du Décret d'Alexandre VII. &
celle-ci : Saiis ejl acium Fidei femel in vita elicere,
comme {candaleufes , pernicieufes dans la pratique,
erronées & induifantes à l'oubli de la Foi & de l'E-i
vangile.
Comme nous ne pouvons vivre , iî nous ne prenons
de temps en temps de la nourriture corporelle , l'obli-
gation où nous fommes de conserver notre vie , nous
oblige à manger autant qu'il eft nécefîaire pour nous
la conferver; & quoiqu'il ne nous (bit pas commandé
de manger précifément à telle 8c telle heure , celui,
qui palTeroit un temps confîdérable fans manger , &
qui fe mettroit par-là dans le danger de mourir, fè-
roit homicide de fbi-meme. Ain/î quoiqu'il ne (oit
pas commandé de faire des ades de Foi précifément:
en tel Se tel moment , néanmoins il efl commandé
d'en faire autant qu'il fiiut pour ne paslailfer affbiblir Gt
Foi, parce que nous ne pouvons nous conlerverlong-
remp-j dans la Foi & dans la Jurticefims faire desades
de Foi; puifque fuivant l'Apotre, dans le chapitre 3,
4erEpitre aux Galates , & dans le chap, 6. de l'EpitiÉj
û Coidc enlra crcditur ad juIliçiAtni Rçm» 10»
^S Conférences d'Angers J
aux Hébreux : le Jufie vit de la Foi ''. Et que la Foî
eft ab/olument nécelTaire pour plufieurs adions qui
doivent être fréquentes dans la vie chrétienne , com-
me, font aimer Dieu, le prier, lui rendre des adions
de grâces.
Avant que de déterminer les temps ou nous fômmes
obligés de produire ^des ades de Foi , il eft bon de
remarquer que le précepte de la Foi eil tout enfemble
affirmatif & négatif. En tant qu'affirmatif , il nous
ordonne trois chofes. La première , de fçavoir cer-
taines vérités de Foi. La féconde , de les croire. La
troifieme , de confelTer extérieurement la Foi. En
tant que négatif, il nous défend de refufèr notre
confentement & notre approbation aux vérités de la
Foi que l'Eglife nous propofe de croire , d'en révo-
quer en doute quelqu'une comme incertaine , & de
renoncer fa Foi devant les hommes.
Nous ne fommes pas obligés de faire à tout mo-
ment des ades de Foi , mais feulement en certains
temps & en certaines circonftances ; & Ci nous man-
quons à en faire , nous commettons un péché d'omif^
lion contre le Commandement fpécial que Dieu nous
a fait , de croire les vérités qu'il a révélées à fort
Eglilè. Mais il efl difficile de marquer précifém.ent les
temps & les circonilances où cette ooligation a lieu. Les
Dodeurs ne Ibnt pas d'accord flir cela.
On peut dire que par le précepte de la Foî, nous
fbmmes obligés d'en produire des Ades (ur les véri-
tés dont la connoifiance qCî nécefîàire aux Chrétiens
de nécellité de moyen ou de précepte , dans le temps
qu'elles nous font fuffilàmment expliquées , & que
nous connoiiïbns l'obligation que nous avons de les
croire.
Saint Thomas dans la i. i. q, 85». art. 6. edime que
c'eft dans le temps que nous avons atteint Fufâge par-
fait de la railbn, & que nous avons une connoifTan-
ce fufïîlante de ces vérités ; ce qu'on ne doit pas en-
tendre fcrupuleufement du premier moment où nous
avons l'ufàge de la rai£bn , mais il faut donner aves-
h Juftus ex Fijjc yivit»
fur Us Convnandemens de Dkiii 5^
prudence quelque étendue morale à ce cemps. Les Do*
deurs difenc communcment qu'on eft oblige de pro-
duire des ades de Foi en deux circonflances particu-
lières.
lO. Lorsqu'on fbuffre des tentations qui nous fol-
licitent, ou à i'infidclitc, ou à douter de quelque vé-
rité que l'Eglife nous propofe de croire. Car on ne
peut guère vaincre ces tentations qu'en les repouffanc
par un ade de Foi , foit explicite , en s'attachant
fortement à la vérité combattue ; foit implicite , en
fe foumettant à ce que l'Eglife croit , & détournant
Ion efprit de la fauffeté qui fe préfente à la penfée.
Saint Paul nous avertit de cette obligation dans le
chap. 6, de l'Epitre aux Ephéfiens. Induite vos arma'
turam Dei , ut pofjliisflare adversus infidias Diaboli..,
In omnibus fiimentcs [cutiim Fidei , in quo fojjïtis omnia
teîa nequijfimi ignea extingiiere. Il faut dans ces ten-
tations du'e avec les Apôtres -.^Domine , adaugc nobis
Fidem ; ou avec le père de l'enfant pofledé d'un «fprit
fourd & muet : Credo , Domine , adjuva incredulita-^^
tem meam.
1°. Quand nous nous trouvons dans le danger de
mort; car alors nous devons faire tous nos efforts
pour nous unir à Dieu, & c'eft par la Foi que nous
approchons de lui, & non par les mouvemens de notre
corps ^. Il faut dans ces derniers momens triomphée
du monde , & c'efl par lu Foi qu'on en triomphe *^«
AufTi les Pafleurs ont (bin de faire faire des ades de
Foi aux mourans ; & on peut dire que cette pratiq^ue
eft univerfèlle dans l'Eglile Catholique.
Nous ajoCiterons qu'on cfl: obligé de produire des
ades de Foi pour être juflifié par les Sacremens de
Baptême & de Pénitence , ou par la Contrition , quand
il ne nous efl pas polïible de recevoir ces Sacremens,
Carie Pécheur ne peut être juftifié qu'il ne conçoive
delà douleur de Hi faute par un motif furnaturel que
Ja Foi (ùggere. C'ell donc par la Foi qu'on fe difpole
c Non enim zà ChriRnmam-
Hiilando currimiis , fttl crcdcn-
<io ; ncc motu corpoi.is, fed
-yoluntatc çordis acccdimiu.
Augiifl. TraSl, ifi.\nJoan,
d Hxc eft vidoria , qtisô
vincit nuindum, Fidcs noitia^
^O \ Conférences d'Angers^,
à la JuMcation , comme l'enfeigne le Concile à^
Trente , Sefîion 6, chap. 6, Difponuntur autem ad
ipjamjuflitiam, dum excitan divinà gratiâ , & adjuti ,
Fidem ex auditu concipientes , libère movemur in Deum ,
credentes ver a ejfe , quce divinitlis revelata & promijfa
funt. Et jamais perfonne n'a été juflifié fans la Foi y
félon le même Concile dans le chap. 7. C'ell de-U
que S. Auguftin dit dans le Sermon 38. que la Foi
eft le commencement de la Religion & de la Vie
chrétienne. Hoc efi initium Religionis ti" viix nojïrx ,
jjxum habere cor in Fide.
Bien plus , nous difons qu'il faut faire quelque ade
de Foi , quand on eft obligé de recevoir la fàinte
Eucharillie, afin de communier fpirituellement , &
que cette divine nourriture nous foit profitable pour
la vie éternelle ; parce que fi la Foi ne précède nos
adions , elles ne peuvent être méritoires devant Dieu.
Nemo bene operatur j niji Fides prœcejjerit , dit S. Au-
guftin, Sermon 8. de decem plagis & prœceptis , ch,
10. Nihil Jïne Fide fanÛum , nihil cajltim , nihil vi"
vum , dit S. Léon , Sermon 4. de la Nativité,
Mais les Théologiens remarquent qu'il n'efi pas
Tiécefîaire peur recevoir dignement & avec fruit ces
Sacremens , de produire des ades formels de Foi , &
qu'on eft cenfé en produire en faifànt des ades d'A-
mour de Dieu ou de Contrition, dans lefquels ceux
de Foi (ont véritablement renfermés. Et comme alors
on n'eft pas obligé de produire des ades de Foi pré-
cifément & diredement en vertu du précepte de la
Foi , mais indiredement & par accident , comme par-
lent les Théologiens , à raifbn de ces Sacremens
qu'on ne peut recevoir dignement & avec fruit fans
la Foi , on ne commet pas un péché particulier con-
tre le précepte de la Foi , en omettant d'en faire des
Ades , quand on approche de ces Sacremens, Cette
faute efl la même que le manquement des difpofi-
tions requifes pour recevoir ces Sacremens ; c'ell
pourquoi on n'ell pas obligé d'exprimer fpécialement
cette faute en confefïiort.
Ceux qui ont la diredion des âmes, doivent ex-
Jioucr les Fidélçs à^ produire des ades de Foilç^
s.yV y>rl
fur les Commandemens de Ùieîtt ^i^
joun de Dimanches &: de Fctcs. Ce font des moyens
de (îmdifier ces jours. Ils doivent encore les averdt
d'en faire lorfqu'ils afliftent à la Mefle, & qu'Us fonC
la Prière du Soir & du Matin.
Nous avons fait remarquer que le précepte de la
Foi en tant que négatif, nous défend de refufèi:
notre contentement aux vérités que TEglife nous
propofe de croire ; car fi l'autorité de Dieu , qui a
révélé ces vérités , nous oblige d'y adhérer ferme-
ment, il n'y a nul doute qu'elle n'exiçe aufTi de nous
que nous ne les défapprouvions pas. Celui donc à qui
Dieu infpire de donner fon approbation aux vérités
de Foi , s'il rejette cette infpiration , refufant de
donner ion contentement à ces vérités , eft coupable
d'infidélité. Il en eu. de lui comme de celui qui re-,
fufe d'écouter les vérités de Foi qu'on lui annonce,"
Celui-ci pèche , parce qu'il méprife la Foi ; Tautre ,
parce qu'il réfiiîe à la Foi. Ainfi cette Propofition
a été juiîement condamnée par Innocent XI. Foîeji
qiiis prudemer repudiare ajfenfum, quem habebat fuprt,
iiatî'.rahm»
Il eft pareillement défendu 'par ce précepte Ao.
douter des articles de Foi. On en doute quand on ne
les croit, ni on ne les décroit, & que l'esprit ell en
balance, s'ils font certains & véritables.
Quelquefois les doutes ne lont que des penfées va-»
gués contre la Foi , qui ne repréfèntent à l'efprit
aucune rai(bn de douter , & qui cependant l'ébran-
ient tant foit peu. Ces penfées font ordinairement
im pur effet de l'imagination échauffée ou de la flig-
geftion du Démon. lifiutles méprifèr, ne point s'en
inquiéter, n'en faire aucun état , aller fon chemin,
&: implorer le fecours de Dieu ; que fi elles avoient
quelque caufe, il faudroit remédier à la cau(e, félon
les règles de la prudence.
Quelquefois les doutes font accompagnés de rai-J
ions fauffes , mais apparentes qui frappent i'efprit ;
s'ils ont pris leur Iburce dans des entretiens libres
ou trop curieux fur la Religion , ou dans la ledure
de mauvais Livres , il faut en demander pardon A
pieu , s'hmniii^jnt profçndéiftcat devant Iviiyj 5i c^
i^2 Conférences d'Angers^,
idoutes n*ont point d'autre caufe que notre efprlt , îî
faut les méprifèr , en nous loumettant à l'autorité
♦de l'Eglife par un ade d'une foi implicite qui croie
tout ce que l'Eglife croit & nous enfeigne. Il faut
jnéme fe bien donner de garde d'entreprendre de ré-
futer les raifbns de douter par d'autres raifonnemens.
On n'auroit jamais fait ; car dès qu'on auroit examiné
un article de Foi , par la raifon , on Ce trouveroit in-
continent engagé dans l'examen d'un autre , & tout
cela ne ferviroit qu'à déranger la tête , à jettei* une ame
dans des inquiétudes cruelles , & enfin dans le défef^
poir. Il faut donc que la Foi fe mocque de tous les
raifonnemens que la raifon n'efî pas capable de dé-
mêler ; car félon la penfce de S. Àuguflin , c'efl être
lùperbe comme les Hérétiques , lorfqu'on ne peut
comprendre par l'efprit la lumière intérieure de la
vérité , de ne fe pas contenter de la (impie Foi Ca-
tholique qui efl: le feul fàlut des petits. Qui, Heere-
tici , quandiu non poffunt, imeriorem lucem veritatis ,
mente contueri, fimpîici Ftde Catholicâ contenu ejje ko-
lunt qua una parvulis falus ejl , dit ce Père , fur
le ?Ç. lo.
Si celui qui a des doutes flir la Foi s'y arrête volon-
tairement, &:y adhère de propos délibéré, il commet
un f éché mortel ; & s'il fc^^ait que l'Eglife tient pour
une vérité de Foi l'article fur lequel il ell en flifpens ,
il devient hérétique, parce qu'il efl cenfé juger avec
opiniâtreté que cet article de Foi ell incertain. C'efl
delà, qu'il efî dit dans le chap. Dtibius , de Hxreticis»
Ditbius in Fide infidelis ejl. Cette héréfîe n'étant qu'in-
térieure , elle n'eft pas un cas réfervé. Que fi on né-
glige feulement de rejetter le doute, il y a plus ou
moins de péché, félon que la négligence ellplus ou
moins grande.
Quand il naît dans l'efprit quelque doute fur la Foi ,
Ibit par la fliggelîion du démon , fôit par quelque rai-
fon trompeufe qui vient dans la penfée , fi on en ref^
fent de l'ennui & du chagrin par l'averfion qu'on a
pour l'erreur , & par l'amour qu'on conferve pour la
vérité , & qu'on combatte le doute s'efforc^ant de s'é-
lever au-defTus , le doute eil involontaire, quoique
fur les Commanâemms de Dieit» 4^
Tncme il demeure long-temps dans l'erprlr. Bien loia
de pécher en cette occafion on tire de l'avantage de
la tentation même pour pouvoir perfcvcrer dans la
Foi , félon ce que dit S. raul dans la i. Epitre aux
Corinthiens chap. 10. Faciet cum tentatione proven-*
tum y ut pojfitis fttJJinere. C'eft à quoi il faut que les
Confelfeurs faflent attention , afin de ne pas fomenter
les (crupules des âmes timorées.
Souvent les pécheurs ne peuvent expliquer /î leurs
doutes (ont involontaires , parce que les tentations
contre la Foi causent d'ordinaire le trouble &: la con-
fusion dans les efprits ; les Confeflburs pour éclaircir
le fait, peuvent leur demander ce qu'ils auroient ré-
pondu à une perfonne qui dans le temps de leur agi-
tation , les auroit interrogé (ur l'article de Foi qui
leur faiibit de la peine. Quand un Pénitent dit fans
héiîter, qu'il auroit répondu qu'il croyoit cet article,
ou qu'il croyoit ce que l'Eglile propofe de croire ,
on doit juger que le doute n'a pas été volontaire ;
mais fi le rénitent paroit incertain de ce qu'il auroit
répondu dans le moment, parce que fon e(prit étoit
alors trop chancelant , on peut'prendre cela pour un
figne que le doute a été volontaire, particulièrement
fi le Pénitent ne fouftroit pas beaucoup de peine de le
trouver en cet état.
Les doutes involontaires peuvent quelquefois être
des péchés , comme quand ils font caufés par la ledure
de mauvais livres , par des difcours fur les matières
de Foi où l'on le licencie à parler trop librement ,
par la converfiition avec les Hérétiques ; ces doutes
font cenfés volontaires dans leur caufC) & ainfi ili?
font criminels.
T IL % "V 'IL'
•1. «M
m
Conférences d'Angers j"
lKTft'lt■i^ftr"'Y '«■«'«WJitgBCy *CT'.-ii-»c^«»tg.ji»wa»iL~^--~~j r«iiiM
. iinMiiiMii— laU
IIL QUESTION.
Ya-t'il obligation de confejer la Foi , lorfqu'cm.
eji interrogé}
TT) OuR Satisfaire à toutes les obligations que le pré-'
I7 cepte de la Foi nous impofè , il ne fuffir pas d'en
faire des itdes intérieurs , il ell encore néceflaire pour
être fàuvé de la profeffer par des ades extérieurs. Il
faut , dit S. Augudin dans le livre de Fide & Symbolo ;
au chap. i. que notre cœur & notre langue s'acquit-
tent de ce devoir *. Car que fèrt-il d'avoir cru dans (on
cœur pour être juiiifîé , fi la bouche n'ofe pas faire
connoitre ce qu'on a conçu dans le cœur ^ l Cette vé-
rité nous ell aufTi inculquée par les fàintes Ecri-^
lures ^,
Quoiqu'un Catholique faffe profefîion de (à Foi par
les adions extérieures de Religion qu'il pratique tous
les jours , il ne laifTe pas d'être obligé par le pré^
cepte de la Foi, d'en faire extérieurement une pro-
fefilon expreffs en certaines occafîons , où fbn fîlence
ne pourroit être que criminel.
./Si donc il efl juridiquement interrogé fur (a Foi,
c'eiî-à-dire , par une autorité publique , comme les
premiers Chrétiens l'étoient par les Magiftrats Payens ,
il ne lui fiiffit pas d'adhérer intérieurement aux vé-
rités de la Foi , il eft indifpenfablement obligé de faire
extérieurement une profefTion expreiTe de la Foi ,
a Fîdes officium à nobis exi-
git & cordis & lingiix.
fc Quid prodeft corde credi-
dilTe ad juftitiam , fi os diibitat
proferre quod corde concep-
tum eft ? Aug. Serm. 24.
c Omnis qui confitebitiir me
coram hominibus , confitebor
& ego eum coraiu Pâtre meo ,
Omnis quicumque confcfrus
fuerit me coram nominibus «
& Filius Hominis confitebitur
illum coram Angelis Dci ; qui
a'Utem negaverit me ccram ho-
minibiis , negabiciir coram An-
gelis. Luc. 12. Corde creditur
ad juftitiam, ore auterr. conftf-«
fio fie qd fahuem. Rom, io«
fur Us Commdiulemms de Dieu, 4f
»}\innd même il s'agiroit de hi perte de fa vie; autre-
ment il trahit la vérité, comme il eft dit dans le
Can. NoIite,c. 1 1. q. 5. «^ Cette obligation regarde les
Laïques aufll bien que les Eccléfiaitiques ; c?-r , félon
ie mcme Canon, comme les Prêtres doivent prcchec
hardiment la vérité qu'ils ont apprife de Dieu , de
mcme les Laiques doivent défendre courageufement
la vérité que les Prêtres leur ont enfeignée , autrement
ils la trahilTent.
. Les textes de la fâinte Ecriture que nous venons
de rapporter, doivent nous convaincre que le filence
ou la difluTiulation en cette rencontre , feroit un pé-»
rhé mortel. La Doâirine contraire a été condamnée
par Innocent XL dans la propofition fliivante, qui
efl: la dix-huitiéme dans fbn Décret de l'an 1679» Si
à potefiate puhlicâ qiiis imerrogetur, Fidem ingénue con-f
ftferi , m Deo & Fidei gloriofuw , confulo ; tacere,Ht
peccaminofutn fer je , non damno. Le Clergé de France
dans l'Affemblée de 1700. a jugé que cette propofî-
tion efl: fcandaleufe , diredement contraire aux pré-
ceptes de l'Evangile & des Apôtres , & hérétique.
•Il n'importe que la perf^nne publique qui interro-
ge ne foit pas le Juge légitime de celui qui efl: in-
terrogé , ni que l'interrogation fe fiifle en public ou
en fecret ; parce que ne pas profeffer alors fà Foi y
c'efloter à Dieu l'honneur qui lui eft dû , manquer de
refpeâ: pour la Religion , s'expofer au péril de renon-,
cer à fa Foi, & fcandalifer le prochain,
-Un Catholique qui eft interrogé par un particulier y
îï'fclt pas obligé de profeffer extérieurement fîi Foi ,
/înon lorfque la gloire de Dieu ou le fâlut du pro-
chain y (ont intereifés , ou qu'en fe taifànt , il paf-
feroit pour impie , ou qu'il feroit cenfé , au jugement
des perfbnnes prudentes , nier implicitement la Foi >
& adhérer aux fèntimens des Infidèles & des Héré-
tiques, S. Thomas dans la z. 2. q. 3. art, 1, foutient
d Non folùm ille prorlitor
eft veritatis, qui tranfgrediens
veriratcni , palàm pro vcritate
iTicndacium Jonuitur jfcd ciiam
îllc , ^ui non Ùbeiè veriutcm
prom:nriat, qiiam libero pro-
nuriti.irc oportet , anc non li-
i' rè veritatcm défendit . qiiam
libcrc defcnderc convenit,piOî
dicor efl vetiNtij*
Conférences d^ Angers ,
qu'en ces C2S on ne peut fe difpenfer de profefTer {k
Foi «^. Si on taifoit Ùl Foi dans ces circonilances , on
paroîtroit l'abandonner., & on ne pourroit éviter la
menace que Jefus-Chrift fait en S. Luc au chap.^.
Çuime erubuerit & meos fermones j Inmc Films Hominis
eruhejcety cum venerit in Majejîate fiia. .
Ce fàint Dodeur ajoute dans la réponfè à la fé-
conde objedion, que dans les occafîons où la Foi efl
en danger , on eit obligé de la profefTer , foit pour
en inflruire les autres , foit pour les ralTurer , ou pour
réprimer l'infblence des Infidèles ; mais quand on voit
qu'il nereviendroit aucun honneur à Dieu ^ ni aucun
avantage aux Fidèles de la profelTion qu'on feroit de
Foi, étant interrogé par un Particulier, qu'au con-
traire elle ne fèrviroit qu'à animer les Infidèles , il
yauroit delà témérité à la faire. S, Thomas en juge
ainfî dans la réponfè à la troifîéme objedion.
L'obligation de profefTer extérieurement fa Foi ,'
renferme un double précepte. L'un affirmatif , l'autre
négatif. Le précepteaffirmatif que nous venons d'ex-
pliquer , ne nous oblige qu'en certaines occafîons ;
ainfï on peut quelquefois , uns péché , cacher fa Re-
ligion , & fuir dans les temps de perfécution ; fbu-
vent même il eft expédient aux perfbnnes foibles
de le faire , pour éviter de fuccomber. Jefiis-Chrifl
îious le fait comprendre par ces paroles : Cum autem
perfequentur vos in civitate ijla , fugite in aliam. Matt.
,10. Les Apôtres , S. Cyprien, S. Athanafe, & tant
d'autres Saints , nous en ont donné l'exemple. Il ne
faut pas à leur préjudice , s'arrêter à ce que dit Ter-
lullien dans le livre de la Fuite : on le blâme avec
raifbn d'une févérité excelïive. Bien loin que celuî
e Confîteri Fidem non fem-
|)er , neque in quolibet loco
eft de neceflitate faliitis ; fed
in aliquo loco & temporc,quan-
do fcilicet per omiflioncm hu-
jus confeffionis fubtraheretur
honor debitus Dec, autetiam
utilitas proximisimpendenda :
p^ta a aliquis imerrogatiis de ,
Fide , taceret , &. ex hoc cre-
deretur, vel quôd nonhaberec
FJdem, vel quod Fidts non
eflet vera, vel alii per ejus
taciturnitatem averterenriir à
Fide , in ejiifinodi enim c.»(îbui
confeffio eft de neccfTitate f4-
lutis*
fur les Commandemens de Dieu, '4'7
jjuî fuit dans le temps de perfccution , renonce (à Foi 4
il en fait une efpccc de profelfion , puifqu'il ne fuit
que pour n'ctre pas expolc à la renier. Cependant un
raiteur qui abandon neroit fon Troupeau dans le temps
que fd prcfence lui efl nécelTaire pour l'empccher d'a-5
poila/îer , pcclieroit.
Par le précepte négatif, il nous efl défendu dénier
rotre Foi. Ce précepte oblige en tout temps ; Ci bien
qu'il n'efl jamais permis , même pour conferver (a vie »
de nier fa Foi ou fa Religion , ou de feindre d'ctre
d'une autre. Quiconque renoncera Jefus-Chrifl devant
les hommes , Jefus-Chrift le renoncera lui-même de»,
vant fon Père, qui eft dans les Cieux ^.
Nier fd foi extérieurement, c'eft un péché très-
grief; car ou l'on penfe dans le cœur comme l'on
parle, & alors on devient infidèle , apoftat , ou hé-
rétique ; ou l'on conserve la Foi dans le coeur , quoi-
qu'on la nie de bouche, & alors on commet un men-
fonge fort injurieux à Dieu , à l'Eglile & à la Reli-*
gion , lequel caufe un grand fcandale aux Fidèles.
Tous les (aints Pères en ont jugé, ain/î ; aufli ont-ils
fort loué le courage des Martyrs, qui malgré la vio-
lence des tourmens , ne ceffoicnt point de confefler
hautement la Foi de Jefus-Chrifl. La crainte de per-
dre la vie ne peut point (ervir d'excufb à ce péché,,
qui apporte immanquablement la mort à l'ame s»
On peut nier la Foi de trois manières.
le. De vive voix & par écrit, quand on nie quelque
vérité de Foi, ou qu'on déclare férieulement qu'on
n'efl: pas Chrétien, ou qu'on n'efl pas Catholique. S. Au-
guflin nous en avertit dans le Traité 1 1 3 . fiir S. Jean '',
/ Qui negaverît me coram
hominibiis, ntrgabo& ego eum
corani Pâtre raeo qui in coclis
eft. Matth, lo.
g Timendo mortem carnis
tua» , mortem dauis animx tux ;
quanta cnim vita eft confiitri
Cliriftum , tanta mors eft ne-
gare Chriftum. Aui>;. Traâ, 66.
in Jjaiu relue, Can, Non fo-
h Debemus advertere non
folixm ab eo negari Cluiftura 9
qui dicit cum non cflc Chrif-
nim ; fed ab illo etiam qui cum
fit , negat fe cfle Clirillianum ;
Dominus enim non ait Petro :
Difcipulummeum re negabis ,
fed me negabis : negavit ergo
ipfum , ciirn fe negavii ejm
Difcipuliim»
^^ Conférences d'Angers ,"*
De même , on nie fa Foi en certains pays , quand (M
dit qu'on n'eft pas Papifte, C'efl par cette raifon que
S. Cyprien , en plufieurs de Tes Lettres , & particuliè-
rement dans la 3 1. & dans le Traité deLapJîs, blâme iî
fort ceux qui dans la perfécution avoient pris des Bil-
lets des Magiftrats , dans lefquels il étoit marqué qu'ils
avoient fàtisfait à FEdit de l'Empereur , qui enjoi-
gnoit à tous les Chrétiens de fàcrifier aux Idoles ,
quoiqu'ils ne l'eufTent pas fait. Ce crime lui parut ii
gran4 , qu'il fit fubir la pénitence publique àx:eux qui
y étoient tombés.
Que fi on nioit feulement qu'on fût Prêtre ou qu'on
eût dit la MefTe, quoiqu'on péchât, ce ne fèroit pas
renier la Foi , mais feulement nier un état & une ac-
tion fans lefquels on peut être Chrétien & Catholi-
que.
C'eft aulïi en quelque manière nier la Foi , que dé
îouer ou approuver une faufTe Religion , difant par
exemple , qu'on peut fe fàuver parmi les Hérétiques.
2°. Par des adions ; lorfqu'on fait quelques Ades ,
qui dans l'opinion commune , efl un figne d'apoftafie ,
comme efl celui de fe faire circoncire , de brûler de l'en-
cens devant une Idole, de pratiquer les Cérémonies
des Hérétiques , comme de faire la Cène avec les Cal-
vinifles. Mais fi les aftions qu'on fait, quoique com-
munes avec les Infidèles, peuvent fè faire pour une
autre fin que pour profefier la faufTe Religion, on ne
renonce pas fa Foi en les faifant, fi ce n'eft qu'on les
fit ou en haine de la Religion Chrétienne , ou pour
jprotefter qu'on efl de quelque faufTe Sede. C'eft fur ce
principe que l' Apôtre S.Paul, dans la i. Epitre aux
Corinthiens, chap. 8. permet aux Fidèles de manger
des viandes immolées aux Idoles pour fe nourrir, quand
il n'y a point de fcandale à craindre.
On peut conclure de-là qu'un Catholique , qui fans
une très-grande néceffité, mangeroit de la viande les
jours où elle ell: défendue par TEglife , ou qui affifle-
loit aux AfTembiées ou Sermons des Hérétiques dans
les Etats d'un Prince hérétique , qui en haine de la Re-
ligion Catholique , auroit ordonné à Tes Sujets i'ufâge
^e la viande à cçs jours-là, ou c[ui leur auroic enjoint
fur les Commandcmens de Dieu» '49'
tîe Ce trouver aux Aiïemblces & Sermons dans les Tem-
ples des Hérétiques , pour faire preuve de leur Reli-
gion , péclieroit contre les défenles qui nous font fai-
tes par le précepte de la Foi, & feroit cenfé la nier^
Toutefois, fi hors de cette circondance un Catho*
lique fe trouvant parmi des Hérétiques , mangeoit de
la viande pour éviter leur perfécution , ou afilftoit aux:
Cérémonies ou Sermons qu'ils font dans leurs Tem^
pies par une vaine curiofité , il ne feroit pas cenic re-.
nier la Foi, quoiqu'il ne fut pas exempt de péché«
30. Par les chofes dont on (e lert, comme fi étant
parmi les Infidèles , on Ce revétiffoit des habits particu-»
liers de leur Religion , tels que font les vctemens dont
leurs Prêtres s'habillent dans leurs Temples , ou qu'ent
certains pays on Ce fèrvit d'habits communs , mais fait»
d'une manière particulière , en ligne de la faufie Re-\
lifrion qu'on profefTe, comme eft le Chapeau jaune
que les Juifs font forcés de porter en Italie, Mais (t
on s'habille feulement à la mode de la Nation infî'-*
déle parmi laquelle on demeure , ce neû pas nier (k
Foi. Tertullien en demeure d'accord dans le Livre de
ridolatrie, chap. 18. où il juftifie la conduite de Jo-
feph en Egypte, & celle de Daniel à Babyione, où
ces deux grands Hommes ne firent point de difficulté
de porter fur eux les marques de la liberté qu'on leuc
avoit donnée , ni celles de la dignité à laquelle ils
avoient été élevés, parce que ces marques ne les atta-
choient point aux Emplois de la Religion , ni au culte
des Idoles; Ci elles les y euffent attachés, certaine-^
ment ils ne s'en feroient jamais ornés ".
Nous avons dit qu'il n'eft pas permis de feindre d'ê"
ire d'une autre Religion ; ainfi un homme qui feroit
Semblant d'être ou Turc , ou Juif, ou Calvinifte,
quand même il ne renonceroit pas exprefTément à la.
n Si fuçeftus ille Sacerd'-tis viflTe , nec Belem , nec Draco-
aut aliqiiibus Idoiorum ofïîciis neni colcre, qiiod multô poltcà
adftringcretur , utiquc i.intat
fandltatis & conftantlae viri fla-
tim habicus inqmnaios recu-
faf^cnt , ilatimque apparuiflfet
Daniclem Idolis non dcfcr-
appaiiiir. Simplcx gitur pur-
pura illa , nec j <.m digniraria
er.1t , fcd ingeniiitatis apud
Baibaros infi^^ne. Tertull, d9
IdoL cap, i8<
Tome I, C
fa Conférences d'Angers;
Religion Catholique , & qu'il ne diroit rien contre la
foi , pécheroit très-griévement : Eleazar en étoic
pleinement convaincu , car il ne voulut jamais déférer
au confeil^ de Tes amis qui ne demandoient pas qu'il
renonçât à fa Religion, ni qu'il fit rien de contraire
à la Loi, m.ais feulement qu'il feignît de le faire pour
éviter la mort, en fouffrant qu'on lui préfentât des
viandes qui lui étoient permifes °. Il aima mieux per-
dre la vie , que de feindre d'avoir abandonné fa Reli-
gion, & il croyoit être obligé d'en ufer ainfi fous
peine de péché mortel, comme il le déclare par ces
paroles : Nam etfi in p-afenii tempore fuppliciis hominwn
erîpar ) fed mardis Omnîpoismis j nec vivus, nec de-^
funùus ejfugiam. i, Machab. chap, 6.
Ce feroit s'abufèr que de croire qu'on ne pèche pas
contre les défenfes qui nous font faites par le précepte
de la Foi , quand par complaifance on veut paroitre
entrer dans le lèntiment de ceux qui combattent des
vérités de Foi que l'Eglife approuve , ou qui foutien-
îient des opinions qu'elle a condamnées , ou quand on
Ibuffire qu'on avance en notre prélence des erreurs con-
tre la Foi , ou de méchantes maximes contre l'Evan-
gile, lorique l'on a quelqu'autorité ou quelque moyen
pour l'empêcher , ou quand on ne rejette pas politi-
vement ces erreurs & ces mauvaifes maximes , lorl^
qu'on juge que l'honneur de Dieu & l'utilité du pro-
chain, demandent de nous que nous foutenions la
vérité.
Tous les Chrétiens ne /ont pourtant pas obligés de
disputer contre les Hérétiques , pour défendre la Foi»
C'eft-là le devoir des Eccléliaftiques , car c'eil prin-
cipalement en eux que doit réfider la fcience de la
Foi ; mais ceux qui ne l'ont pas , ne doivent point
s'engager dans ces fortes de difj^utes , même il ne fauC
pas que les dodes le faflent fluis néceilité ou fans une
évidente utilité; parce que fôuvenc les Hérétiques
n'entrent pas en dilpute pour s'cclaircir de la vérité ,
mais feulement pour faire croire au peuple qu'ils ont
0 Rocabsnt afferri carnes
quibiis vcfci licebat , ut finiu-
larciur manducafle , iîcut Rex
imperaverat He facrificii carni*"
bus , ut hoç fai^o à n*ortc libe-ç
rarctuu
furies Commandemcns de Dieu. Jï
^ le deiïlis , ou du moins qu'on n'a pu les convain-
^ 'Cre : d'où il arrive fouvent que ces difputes ne pro-
duifent point d'autres efîets que c«uk donc parle Ter-
' rullien oans le Livre des Prefcriptions, chap. i^.M
ipfo ccngrcdU frmos qtiidem fatigant , infirmas capiunt ,
medios citm fcru^ulo dhvittunt.
Quant aux Laïques , le Pape Alexandre IV. dans
le chap. Quicumque de Harcticis , in 6\ leur dcTend
fur peine d'excommunication , de difputer des ventes
de la Foi contre les Hérétiques. înhibemus ne citi-^
qiiam ha'iccs pcrfona liceat fuhlicè yel privatim de Fide
CaîhoUcâ dîfputare ; qui vero contra fecerit , excommH-^
mcanonis laqueo innodetur.
Cependant quelques Dodeufs eftiment que ce Pape
îie prétend pas défendre par-là aux Laïques f^avans
dans la Foi , de difputer en particulier lorfqu'il n'y a
point de danger pour eux ni pour les AfTulans. Eieit
plus , il femble que s'il n'y avoir point d'Eccléfiafti-
que r^avant dans un endroit, & qu'il y eût du périf
que les fîmples fuflent féduits par les Hérétiques , uil
Laïque qui feroit parfaitement instruit du point de Doc-
trine dont il s'agiroit , pourroit , & même devrolt
entrer en difpute avec les Hérétiques pour rafsùrci:
les foibles.
IV, QUESTION.
Qiieh font les péchés qui font oppofés à la Foi .^
Qui peut ah foudre les Hérétiques , Gr tjl'il
permis de lire leurs Livres ?
NO u s entendons parler ici des péchés qui lonC
tellement oppofjs à la Foi, qu'ils ne peuvent
en aucune manière compatir dans l'ame avec la Foi
habituelle, mais qui l'en banniiïent entièrement. Ces
péchés font l'Infidélité, rA;,-oiLifie & l'H.'réfle.
On diftin jue deux fortes dlnfid'iités. L'une qu'on
•ai>i;>eUe négûûve ^ ^ i'ilUtrç ^u'on appelle pontive.
Ci]
y2 Conférences d'Jngers ,
^ L'nfidélité négative, efl le manque de Fol qui ^
trouve en ceux qui n'ont jamais entendu parler des
Myfleres de la Religion de Jefus-Chrifl. L'ignorance
de ces mylîeres, ne venant ni de négligence, ni de
honte qu'ils ayent eu de s'en faire inftruire, mais de
ce qu'ils n'en ont jamais oui parler, & étant par con-
féquent invincible , leur infidélité , félon le fentim.ent
de S. Thomas dans la i. 2. q. 10. art. i. n'elî pas un
péché , mais plutôt une peine du péché , parce qu'une
telle ignorance des choies Divines eft une fuite du
péché de notre premier père.
Ceux qui font infidèles de cette manière , ne font
pas dam.nés pour le péché de l'Infidélité , mais pour
d'autres péchés dont on n'obtient point le pardon
(ans la Foi. C'eft pour cela que notre Seigneur dit
en S. Jean chap. ï$. Si non venijfem & locutiiseis fuif-
fem, feccamm non haherent. Quoique ces fortes d'In-
fidèles ne pèchent pas en errant contre les articles de
la Foi que la raifon naturelle ne peut en aucune ma-
nière découvrir, & que nous ne connoifixins qu'au-
tant qu'il plait à Dieu de les révéler , néanmoins s'ils
errent contre les articles que nous connoiiïbns natu-
rellement par les lumières de la raifon, comme s'ils
n'adorent pas un Dieu , s'ils fe font plu/ieurs Divini-
tés , s'ils rendent à quelque créature que ce foit le
culte fbuverain , qui n'eil dû qu'à Dieu fèul , s'ils n'ob-<
fervent pas le Décalogue ; ils font inexculables , fui-
vant la Doftrine de S. Paul dans le i. & 1. chap. de
l'Epitre aux Romains ; car la nature nous enfeigne qu'il
jî'y a qu'un feul vrai Dieu , & elle nous diâe les pré-^
ceptes du Décalogue.
L'infidélité pofîtive efl la faufTe Religion de ceux
qui ne croyent pas en Jefus-Chrifl , quoiqu'ils ayent
oui parler de lui. On dit ordinairement qu'il y en a
trois efpeces , qui font le Paganifîne , le Judaidne &
le Mahométifme. Si on rejette entièrement l'Evan-
S^iiede Jefus-Chrift , & qu'on adore les Idoles oufîiux
Dieux , c'efl le Paganifhie. Si on rejette la Religion
de Jefus-Chrifl & qu'on fuive celle de Mahomet , c'efî
le Mahiométifme. Si on admet l'Ancien Teflament ,
jnais qu'on ne croie pas que I9 Meffiç foie venu , c'eiî
le Judaifine.
fur Us Commandemens de Dieu, y^
On peut ajouter une quatrième cfpcce , (çavoir , l'A-
rcillne qui ne reconnoit aucun Dieu , ni vrai , ni
faux.
L'Hcrc/ie approche beaucoup de l'Infidclitc , en ce
que les Hérétiques font un choix des articles de Fot
qu'ils veulent croire : ils en choifîiïent quelques-uns ,
comme leur paroifTant plus vraisemblables: ils rejet-
tent & condamnent les autres , & fouvent ils en in-
iroduifent de nouveaux à leur fantai/ie; ce qui efl
Zout-à-fait oppofé à la Religion Catholique , qui fait
profeflion de croire généralement tout ce que Dieu
a révélé à Con Eglife, & rien autre chofe, comme
TertuUien le déclare dans fôn Livre des Prefcriptions
contre les Hérétiques, chap. 6, Nihil exnojlro arhhrto
inducere licet, fed me eligere , quod aliquis de arbitrio
fuo induxerit.
L'Apoftafîe , félon S. Thomas , dans la i. 2. q. 12.
art. I. (e peut prendre dans un fèns étendu, &. elle
fîgnifie un abandon ou une réparation de Dieu. C'efl
en ce lens que dans le chap. z» d'Ezéchiel, Dieu dit
à ce Prophète qu'il l'envoyoit.vers un Peuple apo-
fiat qui s'étoit retiré de lui , &qui avoit violé (on al-
liance 3. On peut ainfî donner le nom d'Apoftafîe à
tout péché mortel , pui(qu'en le commettant on quit-
te Dieu pour s'engager dans le parti du Démon.
Les Théologiens prennent ordinairement i'apoiîa-
(îe dans un (èns moins étendu , & ils en marquent trois
efpeces , fçavoir, l'Apodafie de la Foi, de l'OrHre
& de la Religion. Les deux dernières ne (ont pas di-
reftement oppofées à la Foi , il n'y a que la pre-
mière. On peut la définir un abandon entier qu'une
personne baptifée fait delà Foide Jefus-Chriit, pour
profelTer le Judaifme , le Paganilhie , le Mahométif
me , l'Athéifine ou le Déifine.
C'efl: un péché plus énorme que l'Infidélité , parce
que la circonflance de l'abandon de la Foi ajoute une
nouvelle malice à celle de l'efpece particulière d'Infi-
délité que les Apoflats embraffent ; car comme dit St
a Mitto ego te ad filioslf- i patres eorum przvaricati funt
raël, ad Gantes apoftatrices paClum meuni.
Ji-ix reçcûetun^ à me , i^ fi & J
5*4 Conférences d'Angers ;
Aug. dans le Liv. i i , de la Cité de Dieu , chap. i^,utt
déierteur de la Foi qui en devient Tennemi , eft pire
que celui qui ne l'a jamais reçue ^. S. Pierre nous l'en-
feigne dans le chap. 2. de fa féconde Epitre. MelÎMS
erai illis non cognofcere viam jufihics , cuiam pojl agni»
tionem reirorfiim converti.
L'Apoilafie diffère de l'Héréfîe , en ce que l'Apo-^
flat abandonne entièrement tous les Articles de Foi &
renonce Jefiis-Chrift , au lieu que l'Hérétique ne nie
que quelques Articles de Foi , reçoit les autres , & fait
frofeffion d'appartenir à Jefus-Chriiî,
On diflingue trois fortes d'Apoftafîes de la Foi. L^
première efl purement intérieure, C'eiî qu^id dans le
cœur on renonce à la Foi de Jeius-Chrift fans le ma-
nifefler en aucune manière au dehors , ainfi que font
les Athées, qui vivent comme des Chrétiens, & qui
dans l'ame n'ont aucune Religion.
La féconde eft purement extérieure, c*efl lorfqu'on
fait femblant d'embralî'er une faulî'e Religion , fânç
néanmoins renoncer intérieurement à celle de Jefus-
Chrifl , ainfi que plufieurs Chrétiens font étant pris pao
les Turcs.
La troifiéme efl intérieure & extérieure tout enfèm-*
bîe ; c'efl lorfqu'ayant renoncé intérieurement à la Foi
de Jefus-Chrifi , on le fait connoitre par fes adions,
comme faifoient dans les premiers fîecles de l'Eglifa
quelques Chrétiens lâches , qui retournoient au Paga.v
îîifine.
L'Apofîafîe de l'Ordre efl un abandon qu'un homme
engagé dans les Ordres, fait de fon autorité privée
de rhabit Ecclé/iaftique , à deifein de ne le plus por*
ter & de vivre en féculier , comme fait un homme qui
fe marie ou qui fe fait fbidat. Cela doit faire penfec
aux Clercs promus aux Ordres fâcrés qui ne portent
ni tonfiire ni habit eccié/iaflique , & mènent une vie
toute féculiere, pour qui ils peuvent paffer dans l'ef^
prit de ceux qui fçavent les règles de l'Egliie. Celui
h Cîim pejor fît defertor Fi-
^ei,& ex deftrtore oppuçna-
«cr ejus ctfe^ius > quara iile
qui non deferuît j quam nun«
(juam tenuita.
fur les Commandemens de Dieu, yy
jqw'i quitte l'état Eccléfïaftique avec difpenfe du Pape ,
n'eft pas Apodar,
L'Apoftafîe de la Religion eft un abandon criminel
qu'un Religieux profès dans une Religion approuvée
fait de cette Religion de fbn autorité privée , dans
le defiein de ne plus retourner dans fcn Monaftere,
mais de vivre dans le Monde, ou comme un Laïque ,
ou comme Clerc j (bit qu'il quitte l'Habit de Ton Or-
dre, fbit qu'il le con(erve.
On doit conclure de cette définition qu'un Reli-
gieux , qui ayant une cau(è légitime , abandonne avec
tlirpenfe du Pape, la Religion qu'il avoit embrafTée,
n'efl pas Apodat, ni celui qui ed promu àl'Epilcopat,
ni même celui qui lans difpenfe du Pape, le retire dans
un Ordre moins auilere , quoique celui-ci pèche. Bien
plus, les Canonilles difent qu'un Religieux qui fort
de fbn Monallerepar libertinage pour quelque temps >
encore qu'il quitte Con Habit, n'eft pas cenfé au for
de la conscience ctre tombé dans l'Apodafie , pourvu
qu'il ait la volonté de retourner , parce qu'ils eftiment
que le defTein de ne plus retourner dans la Religion ,
eft une condition effentielle à i'Apofta/îe. Cela n'em-
pêcheroit pas que dans le fer extérieur, il ne fût ré-
puté & puni comme ADofîat.
On peut déHnir l'Hérélie une erreur manifeôement
tDppoféeà quelque article de Foi que l'Eglife nous pro-
pofè de croire, & fbutenue avec opiniâtreté par une
perlbnne qui a été baptifje,
L'Héréiie eft une erreur , c'eft-à-dire , un jugement
de l'entendement , qui croit qu'une chofè véritable
eft fauiïe, ou qu'une chofe fauflii efl véritable. Si ce
jugement regardoit toute la Foi Catholique en gé-
néral , ce ne fèroit pas Hérélîe, mais Apolhfie; mais
auffi fi ce jugement ne regardait qu'un feui article
de Foi , ce (e^-oit une Héréiîe, s'il y avoit de l'opi-
niâtreté , quoiqu'on approuvât tous les autres arti-
cles ; & on ne pourroit pas dire que celui qui (eroit
dans cette erreur a corfervé la Foi , puifju'ii n'admet-
troit les autres articles de Foi , que parce qu'ils lui
femblent vraifèmblables , & non parce que FEglile
^s lui propofe connue révélés de Dieu.
C iv
y 6 Conférences d'Angers j
On a dit que l'Héré/îe eft une erreur oppoféeà quel-
que article de Foi, que l'Eglifè nous propofe de croi-'
re ; car un Sentiment contraire à une vérité que l'E-
glife ne nous oblige pas de croire , parce qu'elle ne la
regarde pas comme immédiatem.ent révélée de Dieu ,
n'eft pas une héré/îe , mais une opinion erronée. C'eft
pourquoi le Concile de Confiance dans la SeiT. 8. di-
Singue entre les Proportions hérétiques, & celles qui
font erronées , & qui fentent l'héréfie.
Une proportion hérétique eft celle qui eft forrn^l*-
ïement oppofée à une vérité qui eft évidemmentrd&
foi, étant reconnue pour telle parTEglile, qui nous -
oblige de la croire; Ibit que cette vérité Coit énoncée
en termes exprès dans l'Ecriture iainte, fbit qu'elle
ibit feulement fondée fur la Tradition. Une Propofî-
lion erronée eft celle qui eft oppofëe à une vérité
que l'Eglife approuve comme paroiffant fiiivie d'une
vérité révélée de Dieu, mais que l'Eglife ne nous pro-
pofe pas comme un article de Foi , ne la jugeant pas
immédiatement révélée de Dieu.
Celui qui s'attache à fbutenir une opinion erronée^
en matière de foi , pèche très-griévement , quand il
a été repris de fbn erreur par d'iiabiles gens qui lui en
onr fait voir les mauvaifes conféquences.
Un Catholique ne devient point Hérétique jufqu'à
ce qu'il fbutienne fbn erreur avec opiniâtreté, c'eft-
à-dire , avec deffein de contredire la parole de Dieu
ou la dccifion de l'Eglife quand elle lui eft connue.
S. Auguflin le dit nettement dans le Livre 4. du Ba-
ptême contre les Donatilles, chap. 16. Iftum H^reth^
cum nondum dico , nifi mamfejlata Jîbi Do£îrinà Cathc^
licœ Fidei refi/Jere maluerit , & illud quod tenebat, e/f-
gerit. Mais luivant le fentiment de ce Saint Docteur ,
dans le Liv. 18. de la Cité de Dieu , chap. 5 i. ceux-là
ibnt Hérétiques qui perfiilent à foutenir de mauvaifes
opinions en matière de Foi , quand ils fçavent que
l'Eglife les a condamnées , ou qu'elle a décidé le cort-
traire *^. ■
c Qui ergo în Ecclefia Chri- [ num rcflumque fapiant , refî-
fti .noibidiim aliquid pravum- fluni contumacittr , fuarjiic pc
«juc fajt'iunt j fi coiiep» \x\ fa- l ftifeia & SftQriifcra Uogaiacî
fur Us Commandemens de Dieu, ^7
11 y a donc deux chofès absolument requifês pour
faire l'Hcrctique , (Ravoir , une erreur dans l'entende-
ment manifeftement oppofce à quelque article de Foi,
& ropiniâtretc dans la volonté, qui ne veut pas le
fôûmettre à ce que l'Eglifê nous oblige de croire. Auflî
voyons-nous que quand i'Egli(e condamne les erreurs
des Auteurs qui ont fournis leurs (entimens à Ion juge-
ment, (bit qu'ils (oient morts, (bit qu'ils (oient en-
core vivans, elle épargne leur per(bnne, 8c (e con-
tente de prononcer une cenfure contre leurs Dogmes,
K^ous en avons un fameux exemple dans la perlonne
de FAbbé Joachim , dont la dodrine fut profcrite par
le IV. Concile deLatran, (bus le Pape Innocent III,
làns que (on nom y fût flétri en aucune manière ^.
On eft cenfé défendre avec opiniâtreté (bn erreur,
non-feulement quand on fc^-ait que l'opinion dont on a
fait choix efl contraire à la Foi que Dieu a révélée,
ou àunedéci/îon de l'Eglifê Catholique, & qu'on per-
fide à y adhérer, mais aufli iorfqu'encore qu'on igno-
re que fbn opinion (bit contraire à la Foi, & que mê-
me on f^ache qu'elle n'a pas enclore été condamnée par
l'Eglifê , on ell dans le defTem de ne s'en pas départir,
mais au contraire de perfîfter a la fbûtenir , quand mê-
me l'Eglifê la condamneroit dûiis la fuite.
Pour celui qui eu. dans l'erreur , ne (cachant pas que
l'Eglifê ait condamné fbn opinion, ni qu'elle fbit con-
traire à la Foi , mais qui e(ï dans la difpofition d'ef^
prit de s'en tenir au (entiment de l'Eglifê, quand elle
aura porté fbn jugement , il n'eft pas cenfé défendre
fon erreur avec opmiâtreté. C'efl fur ce fondement que
nous avons dit qu'on excufbitd'Hérélîe celui qui avant
que l'Eglifê ait prononcé fc)n jugement fur une que-
ftion , a déclaré qu'il fbumettoit fbn fèntiment à la
décifîon de l'Eglifê ; car on prélume qu'il parle fîn-
cerement. Si l'ignorance fait dire à ceux-ci quelques
emcndare nolunt , fcH defcnfa- î etiam corrigenda , dlélans Epi-
re pcrfîftunt , Hsererici fî.inr^
d (^In^niam idem Joachim
omnii fcrip;a (iia nobis alTi-
gnari mandaverit, Àpollolics
Se dis Judicio approbauda , feu |
ftolam , cui propriâ manu fiib*
fcripilt, in qiia hrmiter confît?-
t'jr le illamFidcmienere,(juaïn
Komana cenct EcclcHa.
Ç V
j^ Conférences d* Angers ;
paroles qui ne (oient pas orthodoxes , la difpo/îtion ^
leur cœur les rend Catholiques par avance. S. Augu-
ûin en juge ainfî dans le Livre 3. de l'Ame & de Ton
origine, chap. 15. ^ On peut encore voir ce que dit
ce Père dans la Lettre ï6i, qui efl la 43. félon la nou-
velle édition.
Par la même raifon , S. Thomas dans la 2. 2. q. i r.
art. 2. dans la réponfe à Fobjedion 3. excufe d'Hère-
fîepluiieurs Dodeurs, qui ont avancé des erreurs dans
des matières de Foi que l'Eglife n'avoit pas encore-
décidées, . ; .
Quoique celui qui ell prêt de corriger (on erreur^
quand il Icaura qu'elle eil condamnée par TEglifè, ne
Ibit pas Hérétique , néanmoins il n'efl pas exemt de
péché , il Ton erreur vient d'une ignorance cralTe & af-
îeâée, dans laquelle il n'eft que par fa faute; igno^
rant ce qu'il doit Içavoir & qu'il a pu apprendre.
L'Héré/ie peut être purement intérieure , c'ell-ài-^
dire, être aufonddel'ame, fans fe manifefler au-de-
hors, ou purement extérieure, comme elle eiî , quand
les lignes extérieurs d'Héréiie ne procèdent pas d'un
clprit hérétique.. Elle eft intérieure & extérieure tour
!enlemble> lorlqu'on adhère avec opiniâtreté à quel-
que eri-eur contraire à la Foi , & qu'on le fait connoi--
xre au-dehors. L'PIéré/îe [n'efl un cas rélervé , que
îorlqu'elle a ces deux qualités , l'Eglile n'étant point:
dans l'ufàge deréierverles péchés purement intérieurs
d caufe de la difficulté qu'il y a de difcerner, fi les
ades intérieurs font volontaires ou non. Même il y a
bien des Diccèfes où i'Héréfie n'efl un cas rélervé que
îorfqu'elle efl publique en quelque manière. Cette
condition ef^ requife dans ce Diocèfe ; & c'efl en ce
e Ablît autem utte arbitre-
ris , haec opin^ndo , à Fide Ca-
tholicâ recefTiIie, quamvis ca
lînt Fidei adverfa Catholi. se ;
fi coram Deo , cujus n\ niiUins
corvée ociihis faliitur , vcraci-
tei dixifie refi icis ftu-
«3ere te fen^iper etiara propriam
rabllis iletegarur, co qi od f?»
tibi cordi , proprio dami.ato
judJcio , mtliora magis , &
<jùa fînt veriora f«dari, Mis
quippe aninnis ctiam in d'di»
ptr ignorantlam non Carhoii-
cis , ipsa eft correftionis prae-^
meditatione ac ptsepaution^
, CatholicUî».
fur Us Commandemcns de Dieu, yp
fêns qu'on doit prendre ces paroles de la Table des
cas rcfervcs. Hitrejis Ù" hchi'ma , quts quis esterius
apertè projuetiiy. Cependant les Canonises cilimentque
celui qui eft véritablement Hérétique d.ms le cœur»
encourt l'excommunication, quand il donne quel-
ques lignes extérieurs de Ion héré/îe, encore qua per--
lonne n'ait remarqué ces figues. Il fuffit qu'ils (oient
fentîbles.
Ceux qui par légèreté , par complaifTince ou par
crainte , avanceroicnt queljues propo/îtions héréti-
ques , ou donneroient des lignes extérieurs d'héréfie,
^mais qui conferveroient intérieurement la Foi , quoi-
qu'ils fuflent de mauvais Chrétiens, ils ne (èroieni:
pas proprement Hérétiques ; ainfî leur péché ne fè-oit
pas un cas réiervé. Se ils n'encourroient pas l'ex-
communication portée contre les Hérétiques ; car
TEglile ne la prononce que contre ceux qui font vé-
ritablement Hérétiques, c'eil-à-dire , qui le font in-
térieurement & extérieurement ; néanmoins ils lè-:
roient conlidérés comme Hérétiques dans le for exté-
rieur, & ils doivent le comporcer comme s'ils étoient
excommuniés , à l'égard de ceux qui ((gavent leur
faute , & qui ignorent s'ils font Catholiques dans
J'ame.
On n'excufepas d'Héréfte ceux qui veulent qu'oit
rexamine les queftions en matière de Foi, lorlque. les
Papes, ou les Conciles Nationaux ou Provinciaux,
ont décidé ce qu'on en doit croire , Se que leurs déci-
fions (ont approuvées par le confèntement de i'Eglile ,
fbit exprès , foit tacite ; car ces fortes de gens mar-
quent par-là qu'Us refufent opiniâtrement de Ce (bu-
mettre à l'autorité de l'Eglifè, ne voulant point ac-»
-quiefcer à fon jugement.
Le droit d'abfoudre de VHéréCie appartient incon-*
teflablement aux Kvéques. Ils peuvent non-feulement
abfoudre dans le Tribunal de la Pénitence de THéréfie
fecrerte & cachée, ain'i qu'il eft marqué parle Conci-
le de Trente dans la Seff. 24.au chap. 6. de la Réforma-
tion ; ils ont aufll le pouvoir de reconcilier à Dieu par
l'abfolution (cK--amentelie les Hérétiques déclarés de
tonnus. publiquement ^our tels ^ Si, celui de les faire
'£o Conférenses d'Angers,
rentrer dans le fein de l'Eglile , en leur donnant Tab-'
Iblution des cenfures , après avoir reçu leur abjura-
tion. L'Eglife a reconnu ce pouvoir dans tous les fic-
elés»
Nous voyons dans le dernier chapitre du Livre ^,
de la vie de Conflantin , écrite par Eufebe , que les
Evéques admettoient à la Communion de l'Eglife ,
les Hérétiques, qui à l'occa/ion des Edits de cet Em-
pereur , fe préfèntoient à eux pour faire abjuration de
îeurs erreurs. ; • *■ ^
Le premier Concile de Conlîantinople , qui èjtl le '
iêcond général, laifla aux Evéques par le Canon 7. le
loin d'exécuter tout ce qui avoit été prelcrit par le
Concile , pour la réconciliation des Hérétiques qui
leviendroient à l'Eglifè,
S. Bafile dans la Lettre ^4. aux Occidentaux , nous
apprend qu'Euftathe de Séballe ayant fait abjuration
^e l'Arianiiine entre les mains d'Hermogene, Evé-
que de Céfàrée, reçut de lui rabfolution de l'Hé-
réiîe.
Le Pape Sirice , dans la Lettre à Himere de Tar^-
fone , attelle que fuivant la décifîon du Concile de
ficée , les Hérétiques qui revenoient à i'Eglife , y
ctoienr reçus par l'impoiîtion des mains des Evéques.
Il eft rapporté dans l'adion 6» du Concile d'E-
phèle, que ceux d'entre les habitans de Philadelphe
qui avoient été infeâiés de l'héré/îe de Neflorius , l'ab^
jurèrent devant Théophane leur Evéque.
Le fécond Concile d'Arles de l'an 451. parle dans
le canon 17. de la Réconciliation des Hérétiques, d'une
jnaniere qui fait bien connoître que c'étoit l'Evéque
qui les failoit rentrer dans la communion de TEglifc.
Le premier Concile d'Angers, tenu en Fan 453. le
jnarque aufli fort clairement dans le canon 12.
Luce IIL qui fut élevé fur le Saint Siège au moii
d'Août de l'an 1181. reconnoît dans le chapitre Ad
fibolend^m, de Hûereticis , que les Evéques font enpo^
felTion de recevoir les abjurations des Hérétiques , &
de les réconcilier à Dieu & à I'Eglife.
Bonif^ice VIII. dans le chap. Ver hoc & dans les
^€ux fuivans, au iixeds Hisrmdi in (i\ déclare q^iiè
fur les Comman démens de Dieu* 6t
les Evcques ont le même pouvoir que les Inquifîteurs j
pour tout ce qui regarde les Hérétiques.
Les Statuts Synodaux de plu/ieurs Diocc(ès faits en
divers temps, nous fournirent des preuves, comme
les Evcques ont ufé de ce droit.
Par les Ordonnances S) nodales de Guillaume de
Beaumont, Evcque d'Angers , faites en l'an \z\6. il
ell ordonné qu'on renverra les Hérétiques àTEveque,
pour recevoir de lui Tablblution de leur crime.
, Les Statuts Synodaux du Diocèie d'Amiens, faits
en l'an i-^ i i. N.codeme de l'Escale, Eveque de Fri-
fingen , dansles ConiKtutions qu'il fit en 1440. & Jean
de Reli , Evcque d'Angers , dans les Ordonnances qu'il
publia en (on Synode de l'an I45'3. failànt le dénom-
brement des cas rélervés à l'Eveque mettent l'Héréfie
au nombre de ces cas, & défendent aux Prêtres d'en
ablbudre.
Les Bulles in Ccena Domîni , publiées par Pie V.
Sixte V. & Grégoire XIIL avoient fait douter quel-
ques-uns , fi ce droit n'étoit point rcfèrvé au Pape,
Ce qui donna lieu aux Pères du Concile de Rouen de
l'année 1 5 8 1. & à ceux du Concile de Tours tenu en
1583 de demander à Grégoire XIIL qu'il accordât aux
Evcques de ces Provinces , le pouvoir d'ab(oudre les
Hérétiques. Voici les termes de la Relation du Con-
cile de Rouen au Pape , qui ell: à la fin de ce Con-
cile ^ Les Pères du Concile de Tcurs prièrent en ou-
tre le Pape de vouloir accorder ce pouvoir à leurs
Vicaires Généraux, leurs Officiaux, & leurs Péni-
tenciers, reconnoiiîant qu'il leur étoit interdit. Afuii
Sanfihate ... . Jupplex Synodus quam potejî ejjlagitat
«bnixè ut Epifcopis ProvincLs eorumque Vicariis Officia'*
/CircaDecretiim cîecafihus
rcfervatis , ubi dicittir ex Con-
cilio Tridentino Epifcopos ab-
folvcre ab Hxre(l,videtiir con
ira Buliam de Cœna Doniini,
& rtTcrva;iorirm f.'.Jtnm ptr
DD, Pios Qiiartum & Quin-
tnm , ffd potius pliires tnane-
Jpuiit in hxicii ; ç^iaiQ pio^ tci
eam mîttant ad Sedem Apofto»
licam , & intereà dum mittitur ,
& expCi^tatiir abfoliitio , mul-
tx incidcre poflfunt tentatio-»
nés , & mutationes. Ideo hu-
millimè fupplicant Epifcopi ,
uc dignetur Sua Sanclitas illia
poreft tem ex DecreioTtidcft^
tini ccnccdciej
è2' Conférences d^ Angers l
libus & Vœnhentiariis faciiltatem ab hœrefi abfolvendii
ac Hareticos Ecclejia reflituendi ils iinerdictam , conce-*
dere dignetur, Quofacilius Harefis lahe infecli,eâdem eju-
raid , ad Ecclejiœ Catholicx gremium revenantur.
La Congrégation des Cardinaux , interprètes du
Concile de Trente , a même déclaré que le Pape Pie V.
avoit dérogé au Décret de laSeffion 24. du Concile de
Trente, & qu'ainfî les Evéques n'avoient plus le pou-»
voir d'abfcudre de THéréiie au for de la conicience,
C'eft aufTi le fentiment de plu/leurs Dodeurs Uitra^
montains, qui font cités par Barbo(à fur le chap.^.
de la Se/ïion 24. du Concile de Trente.
Mais outre que ces Bulles de Pie V. de Sixte V. &
de Grégoire XIII. ne {ont pas reçues dans le Koyau-»
me & n'y font point Loi , elles ne renferment aucune
claufe dérogatoire au Décret du Concile de Trente.
Quelle apparence y a-t-il que ces Papes euiïent voulu
oter aux Evéques un droit dont ils font en polTeflîon
immémoriale, & qui a été reconnu par les Conciles &
par les anciens Papes ?
La chofe ne fouffre à préfênt aucune difficulté en
France, & la pratique de toutes les Eglifes du Royau-
me, eft uniforme fur cefùjet. On n'y regarde point
le Concile de Trente comme la règle pour recevoir
l'abjuration de THéréfie, & abioudreles Cendires qui
y font attachées ; puifqu'il ne permet aux Evéques
que d'abfbudre de î'Héréiie cachée , & qu'il réferve à
eux fèuls ce pouvoir. Reflridion qui n'a point lieu
dans le Royaume ; au contraire , comme remarque
M. de Sainte-Beuve dans le tome de Tes Réfblutions.
cas 5)1. L'ufàge de toutes les Eglifes de France efl,
que non-feulement les Evcques , mais encore leurs
grands Vicaires & leurs Pénitenciers , font dans la
pratique d'abfbudre de FHéré/ie & des Cenfures-
qui en font les peines , fans que les Papes qui ne peu-
vent ignorer cet uGige, s'y oppofènt ou s'en plaignent»
Ils font par conféquent cenfés y confèntir & l'approu-
ver.
Bien plus, il y a un grand nombre de Diocèfês ou:
la Coutume efl: de commettre des Prêtres pour rece—
Iroir rabjuratiou des Héiéci^ues 3^ & leur donuei au
fur Us Commandemens de Dien. 6^
fov extérieur , rabfcîlutlon de rficrc/îe & des Cenfli-»
res qui y (ont attachées. Les Rituels d'Angers, d'E'
vreux, de Bourges, de Chartres, de Meaux, & le
nouveau Rituel de Paris , en font foi. On voit par
le chapitre 26. du Concile de Mayence de Tan
1^45'. que cet ulage étoit déjà établi dans le Diccè(ê
de Mayence,
Il faut empêcher le plus qu'on peut, que les /îm»
pies & les foibles dans la Foi , ne converfent familieir
rement avec les Hérétiques. L'Fglife en a fait des dé*
fenles en plu/îeurs Canons; & /i en d'autres tem.s elle
' fènible permettre aux Fidèles la fréquentation des Hé>
rétiques , ce n'eft qu'à ceux qui (ont capables de les
gagner & de les ramener dans Ion lein.
Laledure de- leurs livres étant au moins une (ôurc^
de doutes contre la Foi , il eft du devoir des Fadeurs
de faire comprendre à ceux dont ils ont la diredion ^
qu'ils ne peuvent, ni retenir, ni lire les livres des Hé^
rétiques , qui traitent de la Religion , (ans en avoir
obtenu la permiflion. Ceux qyi (e Tentent foibles dans
la Foi, ne doivent pas la demander, a moins que leur
emploi & quelque cau(è légitime ne les y obligent.
On a (buvent éprouvé que la ledure des Livres hé-*
rétiques , gâte l'efprit ; non-(eulement des ignorant
& des demi-f^-avans , mais aufli des dodes ; car la do-^
étrine des Hérétiques eft comme la gangrené , félon
S. Paul dans l'Epitrei.A Timothée, chap. t, s C'elî
par cette raifbn qu'on a eu grand Coin d'empêcher que
les livres des Hérétiques ne fuflent entre les n.ains des-
Fidéles , à moins que leur emploi ne les engageât à
défendre la vérité de la doArine de l'Eglife contre les
attaques de (es ennemis. S. Léon , dans le chapitre I5'«-
de (il Lettre 5? 3. qui eft la 15. dans la nouvelle édition ,
veut qu'on brûle les livres des Prilcillianilles. Le fe-
eond Concile de Nicée, dans le Canon p, ordonne
que les écrits faits contre les Images , foient portés an
Secrétariat de l'Evcquc de Conflantinople , pour y ctr^i
renfermés avec les autres livres des Hérétiques ''.
g Setmo eorura ut cancer
fer} ic.
If- OûMiia ^uetilia ludibiia ,
infanafqtiç dcbarchationcs at»
que lOnlcriptrî ,qiixf'ls6 con«^
U4 YCQcrabilcs iniag;ne^ f^bt^i
é^ Conférences d^Jn^ers ,
L'Empereur Conftantin voulant féconder les bonneî
intentions du premier Concile de Nicée , qui avoit
abominable dodrine. L'Ordonnance de cet Empe-
reur fe trouve dans une de fes Lettres , écrite aux Évê-
ques & au Peuple , rapportée par Socrate dans le Li-
vre i.de rhiftoire Eccléfîaflique , chap. 6.
Les Fidèles /impies & peu inftruits dans la Foi, pe^>
chent en lifànt les livres des Hérétiques, & même les
dodes qui les li(ent (ans nécefTité , ou avec danger
évident de Ce pervertir. Cela leur eft défendu par le
Droit divin naturel , qui nous avertit de ne nous pas
expofèr au péril de nous perdre ; car celui qui aime le
péril , y périra '.
Ce péché eu un cas réservé à l'Evêque en ce Dio-
cèfe. Il efl employé dans l'article 14. de la Table des
Casréfervés, que Charles Miron Evéque d'Angers,
fit imprimer dans l'année 1615. qu'on trouve à la page
3éz. des Statuts du Diocèfe. La lecture & rétention des
livres qui traitent ex profefTo de Vhéréfie. Les Evéques
d'Angers ont depuis continué de le mettre au nombre
des cas réfervés, excepté M. le Peletier, quifitdref^
fer dans l'an i <55> 3 . une table où il ne (e lit point ; mais
M. Poncet de la Rivière , ayant reconnu que (bus ce
prétexte plu/ieurs ner(bnnes (e licencioient à lire des
livres remplis de l'Héréfie Jan(ènienne , fit remettre
ce péché dans la table des cas réfervés , qu'il fit pu-
blier en fbn Synode de l'année 17 1 1 . LeClio vel retentio
librorum Hcereticorum.
L'Eglifeen condamnant les erreurs de certains Hé-
rétiques en différens tems , a fait des défenfes de lire
leurs livres. Nous en trouvons dans les conciles d'E-
phèfê, de Calcédoine, de Confiance à l'égard des li-
ftint, «lari oportet in EpiTcopio
ConHantinopoleos , m recon-
daiitur cumcaeterorum Hfieti-
eorum libris. Si veto quis in-
yemiis fiierithaccocciilrare , fi
^uivieai Epifcopus 9Ut Presby
ter, vel Diaconusfi;crit, depo»
natnr ; fi vero Mofiachus ant
Laïcus , anathcmarifetiir.^
i '^\\\ amat perici>limi , in il-»
lo peribitf Eçclu 3>
fur les Comman démens de Dieu, 6^
vres de Neftorius, d'Eutyche, de Wiclef , dans les
Bulles de Léon X. & de Paul III. à Tcgard de ceux de
Luther. Nous en avons de particulières dans ce Dio-
cèse , qui ont été faites par Fran<^ois de Rohan & Ga-
briel Bouvery, Evcques d'Angers, dans leurs Synodes
de If 13 , 1514, 1515 , M 44. pour empêcher qu'on ne
lût les écrits des Luthériens. Mais nous ne voyons pas
qu'il y ait aucune Ordonnance Eccléliaftique, généra-
lement reçue par-tout , qui interd^fè abfôlument la
le(fture de tous les livres Hérétiques qui ont paru )\.\C'
qu'à préfent , & tous ceux qui paroitront dans la fuite.
Il eft bien vrai que dans la dernière des Règles que le
vres UCJCUUU5 , ijui a. clc uiciic pai iuiuic uu v^unciicr
de Trente, lefquelles on trouve ordinairement à la
fin de ce Concile , & encore dans la Bulle in dxna Do*
mini, il eft défendu, fur peine d'excommun cation â
encourir parle (eul fait, de lire les livres Hérétiques,
Mais nous ne pouvons diflimuler que l'indice & la
Bulle in Cœna Domirà, n'ayam été ni publiés ni re-
çus dans ce Royaume, ils n'y font pas loi, & qu'ainfî
on n'y encourt point l'excommunication portée nar
ces Conllitutions Apoftoliques pour lire les livres Hé-
rétiques, quand on pèche en les lifànt : mais aufîi il
■faut demeurer d'accord qu'on encourt cette cendire , /î
elle eft prononcée par les Ordonnances particulières
des Diocèles.
Nous avons dans le Diocèfè d'Angers des Statuts
faits par Charles Miron dans les atinces if5>4, 1600,
& T6if. qui menacent d'excommunication ceux qui
retiennent ou qui lilent des Livres hérétiques. D^yèK-
dû}2s a tomes perfonnes de noire Diocèfe la let'ture , ô^
rétention des Livres hérétiques ,& oh ils feront trouvés-,
ordonnons iceiix être bridés y fur peine d'excommunica-
tion contre ceux qui les liront ou retiendront.
Il faut au fil demeurer d'accord, qu'un Evêquc qui
s'apperçoit que lès Diocéfains fe corrompent par la
ledure d'un livre, peut la leur interdire fur peine
d'excommunication, à encourir par le (èul fait; &
tn doit tenir jpour certain ^que û k Pape en condai^
"§6 Conférences d* Angers ;
nant quelque Propo/îtion d'un livre, avolt défendu
de le garder eu de le lire , fur peine d'une telle cen-
lui-e, & que (a Bulle eût été reçue dans le Royaume,
ceux qui retien droient ou liroient le livre fans per-,
jniirion , encourroient la cenlîire.
Les Evéques de France font en droit & en pofrefTion
de donner la permiffion de lire les livres défendus,
comme a remarqué M. de Sainte-Beuve dans le troi-
fîeme tome de Tes Réfbiutions.
C'eft le lèntlment le plus commun parmi les Doc-
•leurs de la Faculté de Théologie de Paris , qu'en
France où l'Inquifltlon n'eft point érabiie, les Doc-
teurs en Théologie ont de droit la permifïion de lire
les livres défendus; car étant inftitués non-feulement
pour expliquer les Ecritures fàintes , & enseigner la
Dodrine de i'EglKe, mais aulTi pour en défendre la
vérité contre tous ceux qui l'impugnent, & réfuter
leurs erreurs qiu s'élèvent contre la Foi ; étant de pluj
en pofTelliGn de porter un Juge:r enr dodrinal des li-
vres ^ d'y donner leur approbation , il leur faut lire
toutes fortes de livres , autrement ils ne pourroisnt
fàtisfaire à leurs devoirs : ils font donc cenfés avoip
Ja permiiïion de les lire.
Ce qui ert rapporté de Denis, Evcque d'Alexan-*»
drie, par Eufebe dans le liv. 7. de Trlilioire Ecclé^
fîailique au chap. 6. félon la ver/ion de Chriflophor.-»
fbn , pourroit fervir à appuyer ce raisonnement. Eu-
febe dit que ce grand Eveque , ayant été averti par un
de fes Prêtres de s'abftenir de la iedure des livres des
Hérétiques , à laquelle il fe donnoit fréquemment ,
eut une vi/îon, & entendit une voix du Ciel qui i'ex-
hortoit de continuer, parce qu'il étoit ferme dans la
Foi , & qu'il avoit été appelle pour confondre le$
Hérétiques ^,
t At cùm quidam ex numéro
Presbyterorum me veiaret de
terreretque à legendo, ne turpi
pravitatis & peiveiTa; eorum
doâ:rin£ coûii"» confamina-
rer , meam cnim mentem eo-
f^m iabe poiluiailcruit^ cùm-
que vers meo quidem j^dicio i
diceret, viHo quardam ccclitùf
aci me dimllfa, me ronfirmavit ;
& vox ad aores ebpfa , man'fe-
ftè praerepit ad h'.mc mo;Uim •
Omncslibros qiiosfumi? iiima-
nus 2 evolve fedulo j nam fa»
fur Us Commande mens de Dieu, 6^
Ceux qui ont la permilfion de lire les livres défen-
dus , s'ils voyent que leur foi foit ébranlée par les
doutes que cette ledure fait naître dans leurs efpnts,
& qu'ainfî ils (oient expofés au péril de la perdre, ne
peuvent (ans péclié continuer de les lire , (ous pré-*
texte de la permiflion qui leur a été accordée.
Les Pa(^eurs doivent aufll prendre toutes les précau-
tions poiîîbles pour empêcher la le«fhire des Lyres im-
pies & les entretiens trop libres (Iir les matières de la
roi & delà Religion, qui ne (ont que trop fré ]uens
.<lans notre (lécle; car plufleurs Libertins (è font un
plaifir de faire de mauvaifcs plai(antcries (ur les cho-
fês (îiintes, (e moc quant des cérémonies de l'E^Kfe &
des Minières des Autels : (e jouant des Loix divines.
&: Ecciéfiafliques : employant les paroles de la (Iiinte
Ecriture pour (butenir leurs railleries. On voit crdi-
nairemen' que ces perfonnes tombent peu à peu dans
rinfenfîbilité , & qu'à la fin ils n'ont plus de Reli-
fion. Ceux même qui les écoutent avec plaifir, tomb-
ent infenHblement dans ce malliour. Le Concile de
Trente , dans la Seflicn 4. à ia fin , a tdché do répri-
îrier cette témérité, en condamnant l'abus des paro-»
les de la (àinte Ecriture, & enjoignant aux Eveques
de punir ceux qui en (croient coupables.
Enfin nous remarquerons qu'on pèche contre la
Foi , quand on croit que tour homm.e peut être (àuvé
de quelque (êcle qu'il {^gh , pourvu qu'il croie mxx.
Dieu, & qu'il vive moralement bien, obfervanclea
préceptes de la Loi naturelle.
On peut aufîl pécher contre la Foi par excès, eti
croyant qu'une opinion eft un dogme de foi, laquelle
ne l'eil véritablement pas , & taxant d'Hérétiques
ceux qui font dans un fentiment contraire.
tîs habes viriiim &• firrr.itatisad | erat , cur in initio ad FideflB
qujfq-.ie tiimconvMctnJa ,tiin> Chiifti Yocatus fuetis*
€Xf loranda j at^uc l.sc caula I
fî'^i^'f»
ZB Conférences d'Angers,
XXXXXX)^ XXXXXXXXXXXXXXXX
RESULTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
t£S COMMANDEMENS DE DIEU.
Tenues au mois de Juin 1713.
fjyjmwjBwaww— — ww
PREMIERE QUESTION.
(^uejl-ce que VEfpérance ? Sommes-nous obligés
de produire des ABes d^Efpérance , ^ en
quel tems f
PA R le mot êiEfférance ^ on entend quelquefois la
chofe même qu'on efpere ; c'eft en ce fens que
fàint Paul dit dans le i. chap. de l'Epitre à Tite , £x«
pédantes beatam ffem. Quelquefois on entend la caufe
qui nous fait le bien que nous délirons -, c'eft ainfî que
nous difbns à Dieu qu'il eft notre efpérance : Çluo'
niam tu es. Domine , ff es mea, Pfl 570. Et parce que
la (àinte Vierge nous obtient par Ion interceffion le fe-
coursduCiel, nous l'appelions notre efpérance : Vîta,
dulcedo^ &fpesno/}ra.F?ir le terme à^Efférancc ^ nous
prétendons ici figniiier une vertu furnaturelle & les
aftes qu'elle produit. L'Apôtre l'emploie en ce fèns
dans la première Epitre aux Corinthiens , chapit, 13^
fimç mnisnwmmfidçsf S^cs^ Char it as.
fur les Commanàemtm de Vleut (5*^
L'Efpcrance e(l une vertu théologale infufê, par
laquelle nous attendons avec confiance & certitude
par le fecours de Dieu , la béatitude éternelle , & les
moyens pour y parvenir.
En difiint que rEfpcrance eft une vertu infufe , on
veut marquer qu'elle efl une habitude furnaturelle
que nous ne pouvons avoir de nous-mêmes ; c'eil Dieu
qui la répand dans nos âmes. Aufli fâint Paul dans le
ch. i<), de l'Epitre aux Romains , l'appelle le Dieic
d'efpérance i qui nous comble de paix & de joie dans
n'être Foi , afin que notre efpérance croifTe toujours
de plus en plus par la vertu & la puiflance du S. EC
prit'i. Et c'ell de Dieu que nous vient toute grâce ex-«
cellente & tout don parfait, comme le dit S. Jacques
dans le premier chap. de ion Epître : Omne datum of-«'
tîmum ô" omne donum perfe^um defurfum ej} defcendens
^ Paire luminum.
On la nomme Théologale, parce qu'elle a pouiî
objet Dieu même , qu'elle regarde comme notre fin
dernière , qui doit faire notre bonheur éternel , &
comme la caufe efficiente de notre (alut, que nous ne
pouvons opérer Hins le (ecours de (a grâce.
Par l'Efpérance , nous attendons la béatitude éter--;
nelle ; car l'ade propre de Fefpérance efl un défîr
efficace d'obtenir la béatitude que nous concevons
ctre un bien difficile à avoir, auquel cependant nous
pouvons arriver; car il eH certain, comme remarque
liiint Thomas dans la i. 2. q. 40. art. i. qu'on n'efperç,
point ce qu'on juge ne pouvoir acquérir '»,
Par FElpérance , nous attendons la béatitude ave0
confiance & certitude; car, feion le langage de fàint
Paul dans le chap. 6. de l'Epitre aux Heureux , c'eft
une ancre qui nous retient attachés aux promefTesde
Dieu dans les tentations de cette vie <^.
Nous attendons auiTi les moyens néceiTaires pour
parvenir à la vie éternelle , parce que , comme dit Iç
a Deus aiitem fpci replcat
vos oninigaudio & pace in crc-
dendo, ur abundetisin Spe &
virtute Spiritùs fandi.
b Nuiius movcciii aJ id «^uod
xftimnt impofribile adipiTci.
c Confugimiis ad tencndiin
'iropofiam fpem , quam ûcn^
anchorain I. ibcmuj animât ti;-*
tam ac flniiani*
^5 Conférences (T Angers ,*
încme Apôtre chap. 6. de i'Epitre aux Romaîiis , la
vie éternelle eftune grâce & un don de Dieu. Gratta
Dei viia aterna , & que félon lui dans le 3. chap. de
iai. aux Corinthiens, nous ne fbmmes pas capables
de former aucune bonne penfée , comme de nous-
mêmes , mais ced Dieu qui nous en rend capables ;
/î nous croyions pouvoir obtenir la béatitude par nos
propres forces fans la grâce, ou fans faire de bonnes
œuvres , notre eipérance feroit vaine , & ne feroit
qu'une pure préfomption. Il faut donc attendre de
Dieu les moyens nécelTaires pour arriver à la vie éterr
nelle , c'eft-à-dire , les grâces qui nous (ont données
par Jelùs-ChiH pour être juiles en la préfence de
Dieu , & pour faire de bonnes œuvres ; car il faut aufïi
notre coopération pour mériter la vie éternelle.
Par l'Eipérance , nous pouvons même attendre de
Dieu les biens temporels, comme des moyens qui
peuvent fervir à nous faire arriver à la béatitude ; caf
nous pouvons efpérer de Dieu tout ce que nous lui
demandons dans la prière que notre Sauveur nous a
enfeîgnée , & c'eil: Dieu qui donne ces biens; m.ais
nous ne devons , ni les fbuhaiter ni les demander que
par rapport au (alut, c'eil-à-dire, autant que Dieu
juge qu'ils peuvent nous y être profitables.
Nous avons dit que nous attendons la vie éternelle
par le (êcours de Dieu , car il n'eit pas polîible d'y
parvenir par les feules forces de la nature ; c'eil pour-
quoi on dit mieux , nous attendons la vie éternelle ,
qu'on ne 4lt nous l'efpérons ; parce que comme re-
marque laint Thomas dans la î. i. q. 40. art. 2. dans
la répcnle à la première objedion. Quod aliqiiis fpe-»,
ratper pro-priam viriuum adipijci , non dicimr expec"
tare y fed jperare tantum ; feu proprie àicitur expcClare ^
^uod (pcrat ex auxilio tir nuis adence.
L'Eipérance a donc pour obiet propre & principal
3a béatitude éternclie , qui con/îile à pofféder Dieu.
3Les autres bicrs ij?irituels , & même les temporels y
€n tant qu'Us nous font utiles pour le falut , font lôn
pbiet moins principal.
<^uoif]|iie rEfprrance ait toujours le même objet ,'
çlle n'eit pas Jia mcme en tous les Chréùens, EUe ei{
fur les Commandement de Dieu, ft
Accompagnée de h Charité dans les uns , elle en e{!
fcoarce dans les autres. Quand rEfpcrance eft féparce
de l'amour de Dieu, elle e(l morte, imparfaite, in-
forme, iniurrilànte , & elle n'agit que rarement. Elle
en efl empêchée, tantôt par les reproches de la mau-
vaife confcience. Ilh- f^crat , dit Saint Auguilin fur le
Pfeaume 31. qui bonam ccnfkntiam gerit ; qiiem vero
pinpt mala confcicmîa , retrahit fi àffe ; tantôt par la
cupidité qui nous tient attachés aux biens de la terre,
& nous fait oublier ceux du Ciel, lefquels nous n'eÇ-
p,érons point /î nous ne les défirons ardemment; mais
comment les dé/ire-t-on /îon ne les aime pas? Si l'El^
pérance agit quelquefois (ans la charité , Tes œuvres
quoique (urnjturelles , ne font que des dif|)o/itions à
la iulHfication , & elles ne peuvent mériter la vie éter-
nelle. Quand rEfpéranceell accompagnée de l'amour
de Dieu, c'eft une efpérance vive, c'eft i'efpérance
des bons Chrétiens , félon ce que dit S. Pierre dans fâ
ï. Epitre ch. î. Benedicius Det^is & Pater Domini nojîri
Jefu-Chrifi , quificiindv.m mifiriccràiam Çnam magnam
regeneravtt nos in fpcrn vivam. Cette Elpérance nous
établit dans une confiance qui n'eft point trompeulê.
S. Paul nous Taffure dans le chap. 5, de l'Epitre au)f
Romains ^. Car quand notre caur ne nous condamne
point, nous avoris de l'alTurance devant Dieu *^.
Il n'y a que les Hérétiques qui confondent la Foî
avec rEfpcrance. L'Apotre, dans le 13. chap. de la
première Epitre aux Corinthiens , les didingue trop
clairement pour qu'il relie le moindre doute llir cela.
Jstiric auiim manent Fi des , Spcs , CJiaritas , tria Imc. H
met non-feulement une diftcrence entre la Foi , l'EA
Î)ér«ince 6{ la Charité, mais mcnie une oppofîtion re-
ative; quand il ajoute : Majcr autcm horiim ejî Cha"
ritas, il ne regardoit donc pas la Foi, l'Elpcrance &
la Charité , comme une même vertu ; car on ne peut
pas dire qu'une chofe foit plus grande par rapport à
jbi-mcme, mais bien par rapport à une autre.
Quand nous avons dit que i'Efpérance nous fait at-i
d Spes aurcm non confun- 1 e Si cor noPrirn non repre-
<îit,qiiia Charitas Dâ dlrfufa j hcndjiit nos, lî luciam habe"»
^tin coidibus noihis. I taus ad Deum. i. Joan» i^
^:2' Conférences d'Angers,
tCi.dre la béatitude avec confiance & certitude, nous
n'avons pas prétendu dire qu'elle ne fiit point mêlée
de crainte. L'Efpérance eft certaine d'elle-même ,
parce qu'elle eft fondée fur la promefle de Dieu , qui
ne peut nous tromper , & qui ne le veut point ; fur
û. toute-puiffance , lur fa bonté, fur (a miféricorde ;
c eft pour cela que fàint Paul dit dans la 2. Epitre à
Timothée chap. i. qu'il fçavoit qui étoit celui à qui
il avoit confié fcn dépôt , & qu'il le croyoit afTez
puiffant pour le lui garder ^, Ain/î l'Elpérance (ûppo(è
dans notre efprit une convidion caufée par la Foi»::
qui nous alTure que Dieu eft une fource inépuilabXe
de bonté , qu'il eft tout-puiiïant , & qu'il nous a pro^.
mis la béatitude éternelle , à laquelle il nous condui-
ra, fi nous fommes fidèles à fa grâce , comme le
Concile de Trente l'enfeigne dans le 13. chap, de la
SelT. 6, 6 Mais cela n'empêche pas que l'Efpérance ne
loit incertaine à notre égard , & qu'elle ne doive être
mêlée de crainte , parce que nous pouvons à tout
mojnent manquer à ce que Dieu dem.ande de nous ,
pour arriver à l'effet de Tes promeffes , & que nul ne
îcait s'il eft digne d'amour ou de haine , & s'il perfé-
verera jufqu^à la fin ^, C'eft pourquoi le Concile de
Trente ajoute à ce que nous en venons de rapporter,
ces paroles de fàint Paul dans la première Epitre aux
Corinthiens chap, i. Que celui qui croit être ferme,
prenne bien garde à ne pas tomber '. Car nous avons
tout fujet d'appréhender que nous n'empêchions par
notre faute , que les promeffes de Dieu ne s'accomplit
lent en notre faveur; c'eft pour cela même que S.Paul
nous avertit de travailler à notre fâlut avec crainte &
tremblement ^. C'eft être téméraire que de Ce flatter
qu'on obtiendra certainement le falut , mais il faut
croire que Dieu nous le peut donner , & que même il
/ Scîo cui credidi , & ccrtus
ifuin quia potens elt depofitum
fncum fervarc.
g Deusenim, nifi ipfi ho-
Biines illius gratis dcfuerint ,
Jfîcut cor^it o]J4is bonum } iia
g>erfîciet.
h Nefcit homo , iitrum amo«
re, an odio dignuî fit. Eccl. 9.
i Qui fe exiftimat llare , vi-s
dear ne cadat.
h Cum tim re &: treraore
vrftram falutera operamini.
Ad ttidi£, a.
veut
fur les Comman démens de Dieu, Jj
veut le donner à tous ceux qui feront avec le fecourîî
de (a grâce , ce qui cil ncccffaire pour l'obtenir ; il
faut auflTi avoir la confiance , que nous ferons de ce
nombre, en obfervant les Commandemens de Dieu.
Cette confiance n'exclut pas toute crainte , elle n'ex-
clut que le dcfelpoir ; Se la crainte ne détruit pas li
confiance en Dieu , puifque , félon le Prophète , ceux
qui craignent le Seigneur , ont mis au Seigneur leuc
elpérance '.
Nous devons mettre notre efpcrance en Dieu , &:
ixg.n en autre chofe. Celui quiefpere en Dieu, n'eft ja-
mais confondu '". Dieu feul peut nous rendre heureux,
Duifqu'il ell: feul tout-puifT.int & infiniment bon : tout
autre appui eft un appui fragile & trompeur ". M.m-
dit eft l'homme qui met fa confiance en autre chofe >
& heureux eft celui qui met fà confiance au Seigneur,
le Seigneur fera Ton libérateur °.
Quoique nous devions efpérer en Dieu comme en
la première & principale caufe de notre béatitude,
nous pouvons efpérer en quelques créatures , parce
qu'elles contribuent en quelque manière à nous obte-
nir de Dieu cette béatitude ; c'eft pourquoi nous nous
p.drefTons aux Saints , pour obtenir de Dieu les grâces
qui lîous font néceflaires. Licet autem J^erare j dit S»
Thomas dans la i. 2. q. 17. art. 4. de aliquo homme ,
vel de aliqua creatura , ficut de agente fecimdario ô*
injlrumentali per quod alicjitis adjuvatur ad quacitmque
hona confequenda in heatitiidinem ordinata ; & hoc mo^
do ad Santios convertimur , ô" ah hominibits etiam ali-^
qua petimiis.
Il ell nécelTaire de nécefTité de moyen & de pré-
l Qui liment Dominum ,
fperavenuit in Domino, i'/aU
113.
m D^iis meus, in te confîiîo,
non erubeftam Utiiv^ifi
qui Tiiftincnt te, non cf^nhin
deritur. i^fal. 24. Scirotequia
nulliis fjjcravit in D<-'mino , &
«onfufHs cft. Ecili. i,
n lîonum efl fperare in Do
n\ino , nuàm confidrfie in ho-
lune. P/û/. IJ7. Noliteion-
fidere in Prmcipibus , in filiij
hominum , in ijuibus non efl
'■alu<:. h'ftll. J4.5.
0 MUcd dus homo, quicon-"
fi lit m homine. . . Bu'.cdi "lui
VT Tui confîdit m Domino.
J.rem. > 7. '^uonam m e fpe-
uvit , libcrabo er.m. ; Jal, po»
Tome U D
74 Conférences d'Angers,
cepie aux adultes , de produire des aftes intérieurs
d'Eipérance dans le cours de leur vie pour être fauves.
Que l'Elpérance foit un moyen abrolument nécefTaire
pour être fàuvé , on peut en apporter pour preuve ,
ce que nous avons dit de la nécefTité de la Foi. Aufïi
l'Ecriture-Sainte , quand elle parle de la Foi & de Tes
effets , a coutume de joindre l'Efpérance à la Foi , &
d'en parler de la même manière. Il y a une fi grande
liaifbn entre ces deux vertus , que tout ce que l'une
croit devoir arriver , l'autre l'attend , comme ditfàint
Bernard dans le fêrmon lo. furie Pfeaume 5. P
Comme Dieu ne veut pas fàuver les adultes , fâh^
qu'ils coopèrent par leur volonté à leur fàlut , il leur
efî nécefTaire , fliivantla dodrine du Concile de Tren-
te , dans le chap. 6, de la SefT. 6, de produire des ades
d'Eipérance pour fe difpofèr à la j unification. Inuti-
lement l'homme croiroit qu'il y a un Dieu , qu'il ed
rempli de miféricorde , qu'il pardonne les fautes à
ceux qui s'en repentent , & qu'il récompenfe ceux
qui le cherchent , s'il n'efpéroit obtenir de Dien ces
faveurs ; en les efpérant avec confiance , il obtient le
pardon de Tes fautes ^ , enfin il obtient la vie éternel-
le. C'ell pour cela que S. Paul dit que nous fommes
iàuvés par l'efpérance ^
Nous concluons de-là qu'il efl nécefTaire de nécef^
fité de moyen , à ceux qui ont l'ufàge de la raifbn , de
produire des ades d'Efpérance pour être fauves , Se
par conféquent , cela leur eft auffi nécefTaire de né-
celTîté de précepte divin. Ce précepte nous oblige de
mettre notre confiance en Dieu , d'attendre de lui le
pardon de nos péchés , la béatitude éternelle & les
moyens pour y parvenir ; cette obligation nous efl
marquée en tant d'endroits de l'Ancien & du Nou-
veau Teframent, qu'il feroit fort difficile de les ra-
mafler tous enfemblç , comme a remarqué S. Auguf^
p Germana Fidei Speique
cognatio evt , ut quod il la fiitu-
rum crédit , haec fibi incipiat
fperarî; futurum , . . Dicit Fi-
«ics : parata funt magna, ôc in-
excogitabilia bona à Deo fi-
delibus fuis. Dicit fpes : illa
mihi fervantiir.
r Spe falyi fa<^i rumus. Ai
Rom, i^
fur les Comitiandemms de Dieu. 7;*
lin dans le traite 83. fur l'Evangile de (Iiint Jean '.
Nous nous contenterons de rapporter quelques paf-
fàges où ce précepte paroit plus clairement exprime.
Sacrificate facrificium jiifiitia: , & fperaie in Domino»
P(al. /^,Spera in Domino j & fac bonitatem. Pdil. 36. Sfe-
rate in eo omnis congregaiio popdi. Plal. 6\. Dirige
viam îtiam , & fbera in illum , . . Qui timetis Dominum
fperute in illum. Èccli. i. Spera in Deo tuofemper. Ofée,
li. Tcneamus fpei nojlrx confcjjïonem indeclinabilcm,
Heb. 10. Sperate in eamquxvobis offertar gratiam, i«
Petr, CI.
Quand ce Commandement ne (e trouveroit point
tant de fois répété dans les (aintes Ecritures , ces pa-,
rôles , Je fuis le Seigneur votre Dieti^ qui fervent coin-'
me de Préface au Décalogue , nous le devroient faire
connoître. Dieu , en nous disant qu'il eft notre Dieu y
nous dit par conféquent qu'il eil notre fbuverain bien,
notre unique fin , notre béatitude , qu'il eft plein de
miféricorde & de bonté , & qu'il eft fidèle dans (es
promeffes , & par-là il nous oblige de le dé/îrer & de
tendre uniquement à lui. Il n'e faut donc pas s'éton-
ner fi le Pape Alexandre VII. & le Clergé de France
ont condamné cette Proposition : Howo nullo unquam
vitx fuce tempore tenetur eliccre aôlum Fidei , Spei ô*
Charitatisy ex vi prxceptoriim divinorum ad eas virtutes
pertinentium.
Ce Commandement , en tant qu'il efl afiîrmatif ,
nous oblige à produire des ades intérieurs d'Efpé-
rance dans le cours de notre vie , mais non pas ea
tout tems ou à tout moment. Il ell même affez dif-
ficile de marquer précifément le tems oii ce précepte
nous oblige direâ:ement& par lui-même.
Les Théologiens dilent communément que nous
fbmm^es obligés de produire des ades intérieurs d'E(^
pérance.
I. Quand nous avons l'ufàge parfait delà railon,
& que nous fommes fuffifàmmentinftruits qu'il y aune
béatitude lurnaturelle qui nous eft préparée.
5 De Fide nobis quàm miilta gère ? Quis enumerando ruffi--
n»Bndata funt , quàm multa de ccre î
Spe ; Quis poteft cuin^a colli-
Dij
7(î Conférences d'Angers ,"
X. A rarticle de la mort ; c'efl pourquoi les VaC-
teurs qui aiTiilent les mcurans , ont foin de leur faire
produire des ades d'Efpérance de la réfurredion de
kur chair & de la vie éternelle , à laquelle ils doivent
bien-tôt pafTer.
3. Quand nous Tentons de violentes tentations de
défefpoir , qu'on ne peut vaincre que très-difficile-
ment fans faire des aètes d'Efpérance.
Oeû une iliufion des Faux-Myftiques que de croire
que les Chrétiens qui aiment véritablement Dieu , lui
font un facriiice fort agréable , lî lorfque leur 4lut
leur paroit défefpéré , ils Ce déportent de toute efpé-
rance de la vie éternelle par le motif d'un amour pur
& pleinement déiintérefTc. Ce fentiment a été con-
damné par Innocent XII. dans la Conflitution qu'il
fit publier en l'an 165)5?. contre le livre intitulé , Ex-
plication des Maximes des Saints ; Conftitution reçue
par les Evéques de France , & enregiflrée au Parle-",
ment le 14. du mois d'Août de la même année , en
conféquence des Lettres-Patentes données par le Roi.
Il y a auffi des occafîons où le précepte de l'Efpé-
rance nous oblige indireftement & par accident,
comme parlent les Théologiens , c'ell-à-dire , à rai-
fon de quelqu'autre chofe que nous devons faire. Ces
©ccafions font :
I<'^ Lorfque nous (ômmes obligés de nous appro-
cher du fàcrement de Pénitence ; car félon le Conci-
le de Trente , à l'endroit qu'on vient de citer , l'Ef^
pérance ell une difpofition nécelTaire pour obtenir la
jiiflification ; il ne peut y avoir de véritable péni-
tence làns l'Efpérance. hlano , dit S. Ambroife au
liv. I, de la Pénitence chap. i. fotejl bene agere po^ni"
tentiam , niji 'feraverit indulgentiam. Un cœur n'eiî
point fàlutairement converti , fi au même tems qu'il
efl touché du regret de Tes fautes , il n'en attend de
Dieu le pardon, dit S. Fulgence dans la lettre 7. aui
ehap. 5. ^
t Saliibris converfîo duplici
xaiione confiûir, fi nec pœni-
tentia fperantem , nec fpes de-
leràr pa-niten^îm j ac per hoc j
fi jex toto corde quirquam re*
nuniiet peccato fuo , & tota
eorde fpem ponat remifTiçnîl
in Deo^
fur Us Commandemens de Dieu ,' 77
l^. Lorfque nous fommes obliges de prier ; car en
Vain nous aemiinderions à Dieu ce que nous n'efpc-
rerions pas obtenir de lui , au lieu que celui qui efpere
au Seigneur , eil environne de Hi niifcricorde ".
30. Lorfque nous fommes dans l'adver/îtc ; alors
comme nCtre efpérance eft chancelante , & que notre
afFeiflion Ce porte aux biens de la terre, notre afflic-
tion ne naifTant fouvent que du regret que nous avons
de nous voir prives de ces biens , il faut Ce fortifier &
te confoler par l'attente des biens éternels auxquels
tious devons afpirer ,ain/î que S. Paul nous en avertit
dans le 5. & 12. chap. deTEpître aux Romains ^.
En ces rencontres on ne commet pas un péché par-
ticulier contre l'Elpérance , fi on manque à produire
un ade formel de cette vertu. Il en eft de l'Efpérance
comme de la Foi en certaines occafions , que nous
avons marquées dans la réponfe à la troi/ieme ques-
tion de la Conférence précédente ; il (liffit qu'on
produire un afte d'une autre .vertu , dans lequel TElr-
pérance Ce trouve en quelque manière renfermée.
Un Chrétien qui eft tant (oit peu zélé pour Ion (a-
lut , n'attend pas à produire des ades d'Efpcrance ,
quand il y eft obligé , il Ce regarde Ibuvent comme un
Voyageur qui doit tendre à une autre Patrie que celle
de ce monde : il Ibupire pour les biens ineffables que
Dieu a préparés à Ces Elus dans l'autre vie. L'Elpéran-
ce qu'il nourrit dans Con cœur , de jouir un jour de
cette vie bienheureufe , l'empcche de s'attacher aux
biens de la terre ; elle lui fait mépriser les maux pré-
fèns , elle le confole dans les afflidions de cette vie,
coinme S. Paul nous le fait remarquer dans la pre-
mière Epitre auxThefliiloniciens chap. 4. v Cette at-
tente le foùtient également contre l'adveriité & con-
tre la profpérité ; rien n'eft donc plus convenable à
un Chrétien , que de demander très-fouvent à Dieu
qu'il augmente Ton efpérance , & d'y travailler de Coïi
u Spcrantem aiitcm in Do-
mino mifericordia circumda-
bit. Pfal. 3i.
X Cjloriainiir in fpe gloriï
IJliorum Del , non foltiin au-
tem, fed gloriamurin tribula-
tionibiis... Spe gaudentcs , in
trihiilatione patientes,
y Non contrifteniini fîciUtSc
c«;eri 'jui fpem non habenc,
D iij
7 s . Conférences (T Angers;
coté , s'entretenant des penfées qui peuvent faire
naître dans Ton cœur le dégoût de la vie préfente &
Famour de la vie éternelle ; & rien n'eft plus dange-
reux que de laifTer diminuer (on efpérance , faute
d'en exercer des ades , & de s'occuper des objets qui
îa réveillent & l'animent ; ce qui arrive à ceux qui
penient beaucoup aux biens de la vie préfente , &
peu à ceux de l'autre.
peu
IL QUESTION.
Quels péchés peut-on commettre contre la
vertu d Efpérance f
N pèche contre l'Efpérance , comme contre
_ toutes les autres vertus , par deux extrémités >
fçavoir , par défaut ou par excès. Par le défaut d'ef-
pérance , on tombe dans le déièfpoir ; & par l'excès,,
on tombe dans la préfbmption.
Le même Commandem.ent qui , comme affirma-
îif , nous ordonne de produire en certains tenis des
aâ:es d'Ei|-)érance , nous défend , comme négatif, de
nous laifFer aller, en quelque tems que ce (bit, au
déièfpoir ou à la préfomption. L'un 8c l'autre de ces
péchés , dit S. Auguflin dans le Traité 33. fur l'E-
vangile de iaint Jean , nous met en danger de nous
perdre dans des occafions différentes , & par des af-
fedions toutes contraires.
Le defefpoir efl une défiance qu'on a de ne pou-
voir obtenir la vie éternelle , ni les moyens nécel-
faires pour y parvenir. On regarde cela comme im-
pofTible i d'où il arrive qu'au lieu de faire quelque
effort pour polTéder ces biens , on s'en dégoûte , &
on néglige ce qu'il faut faire pour y parvenir.
La préfomption efl une vaine & téméraire attente,
de la vie éternelle , & des moyens néceffaires pour
l'obtenir, qui n'efl appuyée fur aucun fondement Co-
lide -j carie préfomptuçax attend la béatitude, ou CQm-*
fur Us Comman démens de Dieu. J^
ti"ie une choCe qui lui eft due , ou il l'attend pu-
rement de la mifcricorde de Dieu , (iins vouloir faire
de bonnes œuvres.
Le dcfefpoir & la préfbmption fc^nt quelquefois
accompagnés de penfces contraires à la Foi , com-
me lorfqu'on croit qu'il efl impolTiblc d'accomplir
les Commandemens de Dieu , ou qu'on doute que
l'Eglife ait le pouvoir de remettre toutes fortes de
péchés , ou qu'on juge pouvoir acquérir la vie éter-
nelle par fes propres mérites fans le fecours de la
Grâce , ou qu'on s'imagine qu'on peut être fauve
par la (eule Foi , fins faire de bonnes œuvres.
Quelquefois le défefpoir & la prélbmption ne
font accompagnés d'aucune penfée contraire à la
Foi ; ce qui arrive affez ordinairement aux Catho-
liques , lorfqu'iis tombent dans ces péchés par im-
prudence & par témérité , fins former aucun juge-
ment fpéculatif qui foit oppofé à la vérité de la Foi ,
quoique effedivement ils en forment un faux dans
la pratique : comme quand 'un homme croit que
Dieu ne lui pardonnera pas les péchés , (ans pour
cela croire que Dieu ne puilTe ou ne veuille pas les
pardonner. Ce qu'on peut expliquer par ces paro-
les de faint Thomas dans la 2. i. q. lo, art. z. Sicm
ille qui for nie amr eligendo fornicationem ut bonum jioi ,
m nunc habet corruptam cçflimationem in particufari ;
cum tamen retimat univerfalem cejlimationem veram
fecundum jidem , fcilicet qiiod fornicatio fit ■peccattnn
mortaJe ; <& f militer aliquis retinendo in univerfaîi
veram cnflimationem Fidci , quqd fcilicet ejl rcmiffo
feccatorum in Ecclefta , fotejî tamen pati momm dcf-
ferationis , quod fcilicet fibi in tali fatti exiflenti non
fît fperandum de venia , corruptd ajlimatione ejiis circa
-particidare.
On doit déclarer en confeffion quand le défefpoir &
la préibmption font accompagnés de penfées contrai-
res à la Foi , auxquelles on a donné ^n conlèntcmcnt ;
parce qu'en cette circonftance ces péchés détruifent
la Fo/ & l'Efpérance ; mais quand ils (ont fans ces for-
tes de péchés, ils n'éteignent que l'Eipérance , quoi-
qu'ils marquent une foi foibie ^ imparfaite.
D iv
So Conférences (T Angers ,
Ces deux péchés (ont de leur nature mortels 5
parce qu'étant oppofés à une vertu Théologale qui
a Dieu pour objet , ils nous détournent directement
de Dieu ; & c'eft en cela que coniîde principale-
ment la malice du péché mortel , comme remarque
S. Thomas dans l'art. 3. de la même queflion. Cum
enim virmtes Theologica habeant Deum pro objeCio ,
^eccata eis oppojîta important direClè ^ principaliter
averfionem a Deo. In quolibet autem peccato mortali
frincipalis ratio mali & gravitas eft ex hoc qmd aver^
tit fe a Deo. Ce (ont même des péchés contre le
Saint-E(prit , puifqu'ils font mépri(er (on fecours , par
ïe moyen duquel nous nous retirons du péché , & en
faifons pénitence.
Le défaut du con(êntement & la légèreté de la ma-
tière , excufent quelquefois du péché mortel le dé(e(^
poir & la pré(bmption. Il y a pourtant des Théolo-
giens qui eiriment qu'il n'y a que le défaut de con(en-
lement qui puifTe faire que le dé(è(poir ne Toit que pé-
thé véniel.
Quand ces péchés nous ont une fois détaché de
Dieu , ils nous précipitent dans toutes (brtes de dé-
réglemens. Sublatâ Spe , dit (aint Thomas dans le
même art. irrefrœnatè homines labuntur in vitia , Ô"
u bonis ojeribus retrahiintur. L'Apotre (àint Paul le
dit du défefpoir, dansle ch. 4. de l'Epîtreaux Ephé-
iîens. Ç)ui defperantes , fcmetipfos tradi^^erunt impiidi-
citia , in operaiionem immunditice omnis , in avari-
liam, C'efl pourquoi (aint Auguftin (iir le Pfeaume
144. nous avertit que l'un & l'autre de ces péchés
e(i: fort à craindre & fort dangereux ^.
On obtient très-difficilement le pardon du défef-
poir , parce que , dit (àint Fulgence dans (a feptie-
a Et fpes & fieTperiitio tî-
tnenda eft in peccaris : Videte
vocem defperaniiî ad augenda
peccata , éc videte vocem (pe-
rantis ad augenda peccata , &
qucinodo Ht inné voci occiir-
rit providentia & mifericordia
Dti Audi vocem dcfperanris :
jam datnîiapdus fum,']uare non { culofurau
facio cuidquid volo?Ai;d: &
vocem fperantis: mifericordia
fJei magna eft , quando me
convertero , djmitiei mih: om-
nia;quare non facio quidviuid
volo 1 Defperat ur pecctt, fpe-
rat ut peccet. Utrumqi:e mc-
tucndum cil y ucrumc^uc ptti»
/"
-k:.<j
"ur les Commandcmens de Duu. 8 r
me Lettre , ch. 4. celui qui tombe dans ce pcché
s'oppole lui-mcme à ce qu'on lui pardonne ^. Ce qui
fait dire à I/idore de Scviilc dans le livre i. des
Sentences & du Souverain Bien , chap. 14. Que c'eft
tomber dans l'Enfer , que de dcTefpérer de Ton là-
lut.c
Le Démon a accoutume de fblliciter les gens de
bien au dcfelpoir , parce qu'ils ont plus l'idée de la
grandeur de leurs péchés & de leur foibleffe , & il
. "tente de prcfomption les médians , afin d'empêcher
ue la crainte ne les fafîè (ortir de leur malheureux
-ctat. C'eft pourquoi quand des âmes timorées s'ac-
cufent en confeAion de s'être laifTées aller au déCeC-
poir , il ne faut pas toujours juger qu'elles aient
pour cela commis des péchés mortels ; il faut exa-
miner fi les (entimens de défèfpoir étoient tout-à-
fait volontaires ou involontaires. On préfume qu'ils
ont été volontaires , quand ils ont empêché de faire
quelque bonne oeuvre de commandement ou de con-
ieil -, au contraire c'eft un /iene que le défeipoir n'a
pas été volontaire , quancT il n'a pas fait omettre
aucune bonne œuvre.
On pèche par défefpoir en plufîeurs manières.
I''. Quand on de(e(pere de Ton fâlut , comme fê
croyant du nombre des réprouves.
1'^. Lorsque Ce défiant de la miféricorde de Dieu,
on dé(e(pere d'obtenir le pardon de fes péchés , à
caufè de leur nombre ou de leur énormité. On imite
en cela Gain , qui répondit au Seigneur , que (on
iniquité étoit trop grande pour pouvoir en obtenir
le pardon : on fuit l'exemple de Judas , qui , com-
me dit S. Léon dans le Sermon troifieme de la FàC-
fion du Seigneur , fut le plus méchant & le plus
malheureux de tous les hommes ^, Ce fut moins
le crime qu'avoit commis ce Traître , qui le fit pé-
h Sibi remitti non finit , qui | d Sccleflior omnibus , Ju.l»,
defperandoconrrafeindulgen- &infc]iciorextltiiti, oiiem non
t\x ofliurn clatiferit. rœnirentiarcvocavir ad Doir.i-
c Dcfpcrarccll iniiifefnum iii:iïj,fed defpcraiio traxic ad
defccnrîerc, | laoïivuTii.
D V
s 2 Conférences d'Angers^
rir , que le défefpoir où il Ce laiffa aller. Judam tra-*
ditorem , dit fàint Augullin dans l'Homélie 27. en-
tre les 50. Homélies ou Sermon 351, non tam fce"
lus quod commifit , quam indulgemix defperatio fecit
^enitiis interire.
Les plus criminels & ceux qui mènent la vie la
plus fcandaleufe , n'ont pas fujet de défefpérer de
leur (àlut , car il n'y a rien d'impolTible à Dieu ; &
il fe plaît quelquefois à verfer plus abondamment Tes'
grâces fur ceux qui ont été les plus remplis de pé-
chés. Se perfuader que la grandeur des péchés pa(^
fés , eft une railbn de défefpoir , c'efl aller direde-
ment contre la grandeur de la miféricorde de Dieu
& de J. C. qui a voulu que fà mort fût le remède
du crime des Juifs mêmes qui l'avoient crucifié. Le
plus grand fcélérat peut s'aiïurer que Dieu ne veut
point la m.ort de l'impie , mais il veut que l'impie
le convertiffe ; & en quelque tems qu'il* fe conver-
tilTe , fon impiété ne lui nuira point. Dieu nous le
protefle par la bouche du Prophète Ezéchiel chap.
3°. Quand on défefpere de pouvoir fe corrigera
caufe de l'inclination qu'on a au mal , de la force
des mauvaifes habitudes & de la connoifîànce de fa
foibleffe , ce qui fait qu'on s'endurcit dans le péché>
tomme ceux qui difent dans le chap. 18. de Jéré-
ïïiie. Defperavimtis -poj} cogitationes nojlras ibimus , Ù"
îmufquîfquç pravitatem cor dis fui malt facicmus.
4*^. Lorfque con/idérant la grandeur & l'excellence
de la gloire célefle , & la bafTelTe de la nature hu-
maine , on n'oie afpirer à cette gloire , & qu'ons'a-
bandonne aux plaifirs des fens , ou qu'on demeure
dans l'indolence & dans la nonchalance , fans nen
faire pour arriver à la vie éternelle. Il efl vrai que
la gloire du Ciel elî beaucoup au-delTus des hom-
mes mortels qui ne font que terre & que cendre ;
înais nous devons confidérer que Dieu qui nous Ta
t Impieras non nocebit ei j fuerit ab impietatc fua»
jn ^lucum'jue die converfus
fur les Commandemens de Dieu. S 5
promile , & qui nous a donne un gîige de (a pro-
meffe dans la mort de Jefus-Clirifl Ton Fils unique,
étant tout-puiffant , peut faire d'un homme un Ange,
comme il a fait Thomme de rien , dit S. Auguftin
llir le Pfeaume 148. ^
50. Lorfqu'à l'occafion de quelque maladie ou de
quelque adverfité , on Ce dcfire la mort , ou qu'ont
ie la procure , ou qu'on appelle le Démon à (on
aide , au lieu d'avoir recours à Dieu & de mettre (à
confiance en (a bonté ; car nous ne devons pas feu-
lement efpérer le fiilut éternel de la part de Dieu ,
mais auffi nous devons efpérer de lui la délivrance
de tous les maux de cette vie. Il a promis qu'il
écouteroit ceux qui crieroient vers lui dans leurs af-
flidions. Clamahit ad me & ego exaudiam eum : cum
ipfo Jum in trihulatione , eripiam eum. Pfalm. po. Ce
qui fait dire à faint Bernard dans le neuvième Ser-
mon fur ce Pfeaume. Numera trihulatione s , Jecun-
àum muhitudinem earum , confolationes ejus Icetijica^
bunt animam tuam , dummodo' ad alium non conver^
taris 3 dummodo clames ad eum , dummodo fperes in
eum,
6°. Lorfque le voyant prive des (ecours temporels,
on manque de confiance à la providence de Dieu ;
de forte qu'on s'applique avec trop de foin & d'in-
quiétude à s'afTurer les chofès nécefïaires à la vie
dont on a befoin , ou à amalfer des biens tempo-
rels , qu'on défire ainfî avec plus d'ardeur que les
éternels. C'efl ce foin démefliré (& cette inquiétude
que le Seigneur condamne dans le chap. 6. de faint
Matthieu b.
/ Quitl fumus, ut ibi fimiis r*
Morta'es , projcdi , ab;edti ,
terra & cinis. Scd qui promi-
fit , Otr.nipotens eft , fi ad
nos attendamus , quid fiimus ?
Si ad illum , Dcus eft , Oni-
nipotcns eit : non eft fado-
rus Angelum ex liomine ,
qui fecit homincm ex nihiloi*
Aux verô pro minimo habet
Dcu* hominim propicr ^uem
mori vohiir Unicum fuum >
Attendamus ad judicium di-
letcioni? promifTionis Dci ta-
lcs arrhas accepimus : tcne»
mus mortem CliriAi.
l^ Nolite thefaurifare vobîs
tlitfaiiros in terra. . . . Quxrire
crofo primùm Reenum Dci ,
ik Jiifiiriam ejus, S< hic om-
njs adjicicntur voliis,
D vj
S^- Conférences d'Angers,
ïi ne faut pas pour cela fe perfîiader qu'il foit dé-
fendu d'apporter un foin raifonnable & modéré a
le pourvoir des chofes nécefTaires à la vie , & à ac-
quérir des biens de ce monde , on doit même le faire
j)our éviter l'oi/iveté , & ne pas tenter Dieu. Le Sei-
gneur en avertit Adam, en lui difant dans le ch.
3. de la Genèfe , qu'il mangeroit Ton pain à la Tueur
de (on vilàge. Saiomon nous en a fait fouvenir dans
le 6. chap. des Proverbes , quand il renvoyé le pa-
refîeux à la fourmi , qui ramafîe durant l'été de quoi
fe nourrir pendant l'hiver.
Enfin , on pèche par dé(èfpoir , quand on celTe de
prier le Seigneur , parce qu'on n'obtient pas promip-
tement ce qu'on lui demande , Se qu'on croit de-
voir être profitable au falut. Jefus-Chrifl nous enfèi-
gne dans le chap. 11. de S. Luc, qu'il ne faut pas:
pour cela fê rebuter de la prière , mais prier avec
persévérance. Si le Seigneur diffère pendant quel-
que tems à nous exaucer , il viendra une heure dans
laquelle il nous exaucera ^. Souvent Dieu ne dif-
fère à nous accorder ce que nous lui demandons ,
que pour nous le donner dans un tems plus fiivo-
xable. Quœdam enim non negantur , dit faim Auguflin
dans le Traité 101. fur l'Evangile de S. Jean , fed
tit congruo dentur tempore , dijjeruntur.
On pèche contre rËfpérance par préfômption , en
fe fiant trop dans la miféricorde de Dieu ou en foi-
Hiême. Ce qui arrive :
î. A ceux qui continuent de vivre dans l'habi-
tude du péché , croyant que quelque vie qu'ils mè-
nent , Dieu leur fera la grâce de leur donner du
tems pour fe convertir à la fin de leur vie , & lui
demander pardon de leurs crimes, ou qui , fans chan-
ger de vie , s'imaginent que lorfqu'iis voudront ,
Dieu leur donnera la grâce de la conver/îon. C'eiî
èvte bien téméraire de fe ner ainfî dans la bonté
de Dieu , & de ne pas craindre d'irriter fa colère ,
qui efi à tout moment prête à éclater contre les pé-
cheurs qui vivent tranquillement en cette faufTâ
h si mcram fecerit , expec- j & noa tardabit. Hdhdçuç^ £1
fur Us Cormn an démens de Dieu, Sf
tonfiance , comme rEcclc/iaflique nous en avertit
ch. 5 '. Certainement Dieu ne nous laide pas vivre
pour nous donner le tems de pccher. Ncrnini dédit
fpatiitm peccandi , dit le même Ecclcfiaflique dans
le ch. i^. La mort nous furprend fbuvent au mo-
ment que nous y pen(bns le moins , & le Fils de
JDicu vient pour nous juger dans le tems que nous
ne l'attendons point ^. Quoique cette préfomption
Jie (iippole pas un (entiment hérétique en celui qui
s'y laiiïe aller , elle efl: néanmoins un très -grand pé-
ché.
1. A ceux qui véritablement s'abftiennent de pé-
cher , mais qui s'appuient tellement fur la miféri-
corde de Dieu ou fur les mérites de Jeflis-Chrift,
qu'ils Ce flattent d'obtenir le pardon de leurs fau-
les & la béatitude éternelle , fans faire pénitence y
ians approcher des Sacremens ; en un mot, fans la
pratique des moyens auxquels la Sagefîè Divine a
attaché le falut des hommes , s'imaginant que par des
/impies prières , fans bonnes- œuvres , ils s'aiïure-
ront fuffilamment la gloire éternelle. Ceux qui vi-
vent dans cette fauffe & téméraire confiance , efpe-
rent en vain pouvoir éviter la condamnation de
Dieu ; ils ne mépriferont pas impunément fa pa-
tience : fâ juftice leur fera fèntir les peines qu'ils
méritent K
On approche fort de l'une & de l'autre de ces
préiomptions , lorfque fous prétexte qu'on fait quel-
ques œuvres qui paroilTent bonnes, comme feroient
des aumônes , & qu'on reçoit l'abfolution des Prê-
tres à qui l'on confefTe fes péchés , on efpere ap-
paifer la colère de Dieu , quoiqu'on ne quitte point
î Non tardes conveiti al
Pominum , & ne d rfVras de
die i ) dieni. Subito enim ve
nitt ira ilhus , Si in tempore
vind'die difperilei te.
i' Qnâ horânon put^tis , Fi-
lins Hoïîùnis venict. Zlîir. 12.
/ EAi'Umas hoc , ô homo»...,
q".îia tu effiipies judicium Dci.
An divicisiâ bonit^tis cjus ^ ^
patientije , & longanimiratls
contemnis ? Ignoras quoriiam
benignitJS Dci ad pœniten-
tiam te aKlucit ? SeciincUim
aaitem duritiam tuain , ^ im«
pœnitens cor , thefaiirif^s tibi
iram in die irae cSr jufti judi-
cii Dei , qui reddet uniciii-
qiie fecundùm opcra ejust Ad
Romy 2»
su Conférences d^ Angers ,
ajluellement le péché & qu'on continue de vlvtâ
dans le dérèglement : on a juile fiijet de craindre
que ces aumônes & ces autres bonnes oeuvres ne
loient entièrement inutiles & ne fervent point à ra-
cheter les péchés. Quamlibet largas eleemofynas ali-
quis tribuat , dit S. Eloi Evéque de Noyon , dans
l'Homélie 6. pour le Jeudi-Saint , fi captalia crimi-
ma non déclinât , timeo ne falsâ temeritate deceptus ,
^ pecuniam perdat , & peccamm non redimat,
3. Ceux-là font coupables de présomption , qui
au lieu de s'appuyer lur la toute-puiflance & la mi-
féricorde de Dieu , croyent que leur fàlut efl en-
tièrement entre leurs mains , & qu'il ne dépend que
de leur volonté , fe perlùadant pouvoir faire le bien
& acquérir la béatitude , làns le fêcours de Dieu &
par leurs propres forces. Ceux-là courent grand rif-
que de perdre la Foi & i'Eipérance , cette présomp-
tion naifTant (buvent d'une idée fauiïe qu'ils Ce font
des forces de la nature hum.aine.
On ne peut excufer de cette forte de préfbmp-
lîon ceux qui mettent entièrement leur confiance
en eux-mêmes ou en quelque autre créature , par
exemple , dans leur efprit , dans leurs richeiTes , dans
leur crédit ou en celui de leurs amis. L' Apôtre S.
Paul dans la I^^. Epître à Timothée chap. 6. lui re-
commande de faire connoître ce péché aux perfbnnes
riches "^. Ifaie dans le chap. 31. prononce un juge-
ment de condamnation contre ces prélbmptueux dans
la perfbnne des Juifs qui defcendoient en Egypte
pour y chercher du fecours ".
On pèche auffi par préfbmption , lorique dans les
tentations violentes on néglige d'avoir recours à
Dieu par la prière , pour lui demander les grâces
ïiécefTaires pour furmonter les tentations & accom-
plir fes Commandemens. Souvent la force ne nous
m Divitibus liujus fsciili
pricipe non fublimè fapere ,
req'ie fperare in incevto di-
vitiariim , fed in Deo vivo,
^ui prxflat nobis omnia abiin-
<dc ad fcuenduiB,
n Vs qui dcfcendant in
yEpyptum ad aiixiliumin eauis
fperantes, & habentcs fidu-
c'\?i\r\ \n qiiadrigis .... & nnn
fiintcoiififi per faPLÏ'.im Ifraël,
& Dominum nonre^iiiricruaïi
fur les Commandemens de Dku, 87
manque en ces occafions , que parce que nous ne
la demandons pas à Dieu °. Il efl confiant , félon
S. Auguflin dans le livre du Don de la perfévcrance
chap. 6. qu'il y a des grâces que Dieu ne donne
qu'à ceux qui le prient.
On n'eft pas exempt de prcfômption , lorlque dans
les befoins temporels , on n'employé que des moyens
humains , & qu'on néglige entièrement d'implorer
le fecours du Ciel. On s'expofè ainfî à encourir la
jnalédidion dont le Seigneur, dans le chap. 17. de
Jçrémie , menace celui qui met (a confiance en
l'homme, qui fe fait un bras de chair , & dont le
cœurfe retire du Seigneur ^.
Il eft évident que la préfbmption vient de l'or-
gueil dont le cœur eft plein ; c'efl pourquoi fî on
veut Ce prcierver de ce péché , il faut le remplir
l'efprit de fentimens d'humilité , con/îdérant fa baf-
feiTe, fes infirmités , fes défauts & fà foibleïïe, ne fe
glorifiant que dans l'Efpérance de la gloire des En-
fans de Dieu ^, Car il n'y aura d'heureux que ceux
dont le nom du Seigneur a été TElpérance , &: qui
n'ont pas regardé les vanités & les vaines folies ^
Comme le délelpoir naît ordinairem.ent du dé-
goût qu'on a des biens fpirituels que les Théolo-
giens appellent AcecUam , & qui n'eft autre choie
qu'une certaine trifteffe , qui abat & décourage notre
elprit de la recherche de ces biens , nous les faifant
regarder ccmme des chofes trop pénibles ; pour évi-
ter de tomber dans le délelpoir , il faut renoncer à
toutes les affedions terreiîres , à l'attache aux biens
de ce monde , 8c aux plaifirs des fens. Quand nous
en ferons détachés , nous nous porterons avec joie
à délirer les biens fpirituels & éternels; car, com-
me remarque fiiint Bernard dans le Sermon 5. fur
FAlceniion, il elT: confiant que quand notre cœur
o Non haberis proptcr quod
non polhilTtis. Jacob. 4.
p Malc(îidus homo oui con-
fiait in hon.ine, 6< ponit car-
nem br.icl inm fmun , & à
Poniino rcccdit ccr ejus«
(j Gloriemur in Spe gloris
filiortim Dei. Ad Rcrn, j-,
r Heatiis vir cujus ell nomen
Domini Spcs ejus , & non ref-
ptxit in vanitates & infanisô
88 'Conférences (T Angers ,
v,fi: occupé du défît des biens temporels ou des plaî-
fîrs charnels , celui de Dieu s'éteint bien-tot dans notre
ame ; bien loin de fouhaiter d'être délivrés des mi-
feres de cette vie , & d'afpirer à une autre , on re-
garde la terre comme un lieu de félicité , & on neC-
pere point d'autre béatitude.
Saint Auguftin dans le Sermon 351. ou Homélie
2,7. entre les 50. Homélies, nous propofe deux re-
mèdes contre ces deux péchés ; f^avoir , la pénitence
& la méditation fiir l'incertitude de l'heure de la
mort s. On peut voir ce que ce Père dit dans le
traité 33. fiir S. Jean.
s Ne defperando angeamus
peccata , propofitus eft pœni-
leniiae portus j rurfus ne fpe-
rando aiigeamus, datus eft diej
mords incercus»
III. QUESTION.
Qu^ejl-ce que la Charité ? Dieu nous a-t-il
commandé de ï aimer ^ ù' comment doit- où
entendre ces paroles :
Vous aimerei le Seigneur votre Dieu de tout
votre cmur , &'c.
A Charité , fuîvant l'idée que les (âintes Ecrî-
tures & les (aints Pères nous en donnent , eH
im amour par lequel nous aimons Dieu , & le pro-
chain par rapport à Dieu. C'ell en ce (ens que l'A-
pôtre S. Paul prend le terme de Charité , quand il
oit que la Charité eft patiente, qu'elle eft douce &
bienfaifànte.
Les Théologiens ont coutume de définir la Cha-
rité , une vertu Théologale infufe , qui nous porte
à aimer Dieu pour lui-même par-defTus toutes cha-
fes , & le prochain comme nous-mêmes par rapport
à Dieu.
La Charité eft une vertu Théologale, puifqu'ellç
far les Commandement de Dieu ; S^
<ï Dieu pour premier & principal objet. Elle ne s'at-
tache pas feulement à une des perfedions divines,
mais à Dieu tout entier , le regardant comme le
fciuverain bien , qui renferme en loi toutes fortes
de perfedions ; de ibrte que tous les attributs de Dieu ^
Ces décrets , Tes commandemens , fes jugcmens lui
plaifènt ; ce qui fait dire à TEpoufê des Cantiques ,
dans le chap. 5. que Ion Bien-aimc eil tout aima-
ble a.
Cette vertu a cela de commun avec la Foi &
rEfpcrance , qu'elle efl une habitude infufè. Hxc om-
fiia j dit le Concile de Trente , TefT. 6. ch. j.fimul
infufa accipii h.cmo per Jcjïim Chrillum , cui inferiutr ,
Fidim , Spem & Charitatem. La Charité ne s'acquiert
point par des ades d'un amour naturel , c'efl un don
que le S. Efprit répand dans nos cœurs , comme
nous l'apprend i'Apotre dans le ch. 5. de l'Epitre
aux Romains ^, Cette habitude nous fait produire
des ades d'amour , qui ne font autre chofe que la
Charité aduelle.
Nous aimons Dieu pour lui-même par la Chari-
té ; nous nous attachons à Dieu , confidéré en lui-
mtme , & non A caufe de nous; ainfî le motif prin-
cipal de cet amour eft la pure gloire de Dieu , en
quoi l'amour de charité diP^ere de l'amour d'efpé-
rance , dont le motif efî notre félicité que nous at-
tendons de Dieu; ce qui rend cet amour merce-
naire & intérelîé : c'efl pourquoi S. Paul dit dans le
chap. 13. de la première aux Corinthiens, que la
Charité efl plus parfaite que l'Efpérance. Cependant ,
quoique nous aimions Dieu pour notre propre in-
térêt par l'amour d'efpérance , cela n'empêche pas
que nous ne l'aimions principalement pour lui-mê-
me , & que nous le préférions à nous-mcmes.
Certainement on peut aimer Dieu &c le fèrvir par
la pratique de toutes les vertus , en vue de la ré-
a Torus dL-flderabllis Dilcc- f riions noftri; pcr Spin'nim fan-»
tijs mcus._ j aiim^ui dams eltnobis,
i Charitas ditFufa cft in cor-
^Ô Conférences cP Angers;
cjmperifê. David déclare dans le Pfèaume iiB* qu'il
l'aimoit de cette manière. Inclinavi cor meum ad
faciendas ju/Iifcationes mas in mernufn , propter retri-
butionem. S. Auguftin étoit bien periuadé , que cet
amour , quoique moins pur , n'étoit nullement blâ-
mable. Iffa merces tua fumma , dit ce Père fur le
Pfeaume 134. Deus ipfe erit, quem gratis diligis ,
&JÎC amare debes , ut ip;u7n pro mer ce de dejîderare
non dejînas, qui fohis te faàet. Le Concile de Trente
dans le 31. Can. {êfT. 6. a prononcé anathcme con-
tre ceux qui loutiendroient le contraire '^. Et le Pa-
pe Innocent XII. a condamné la dodrine des Faux
Myilîques , qui difent qu'il y a un état habituel de
pur amour de Dieu , qui ell la Charité parfaite , où
l'homme aime Dieu feul confîdéré en lui-même ,
làns aucun mélange de motif intérelTé , ni d'efpérance
ni de crainte. Cette condamnation eft portée par la
Conftitution de ce Pape, du ii. Mars j6pp, contre
le livre intitulé , Explication des Maximes des Saints ^
fur la vie intérieure , & elle a été reçue par tout le
Clergé de France. Voici la première proportion
qui y eft condamnée. Daiur habituaîis fîatus amoris
Dei 3 qui ejl Charitas piira , & fine ulla admixtione
motivi proprii interejje ; neqiie timor pœnarum , neqiie
dejlderium remunerationum habem amplius in eo par^
tem.
Nous ne devons pourtant pas nous propofèr la
récompenfe pour la fin principale de notre amour ,
de forte que /î nous ne l'avions point en vue, nous
n'aimerions pas Dieu, C'efl en ce lens que S. Ber-
nard dit dans le Livre De diligendo Deo , ch, 7. Deiim
amans anima jillud , pr ester Deum , amoris fui pramium
non requirit , aut fi aliud requirit , aliud pro certo ,
non Deum diligit.
A plus forte raifbn , nous ne devons pas aimer
Dieu , uniquement à caufe des biens temporels que
nous attendons de lui ; aimer ainfi Dieu , ce n'efl
pas l'aimer , c'eft aimer Tes biens , & ne regarder
c Si quis dixerit juftifica- j sternœ mcrcedis bene opéra-
tum peccare , dum intuitu îur, anatheraa du
fur les Comm an démens de Dieu. f) 1
Dieu que comme l'indrument nccefTaire pour les
avoir ^.
La Charité eft auffi un amour d'amitic , car cet
amour eft réciproque , puifque Dieu aime ceux qui
l'aiment , & qu'il Ce communique à eux , comme-
Jcfus-Chrift nous le déclare dans le chap. 14. de S.
Jean «. Ce qui fait dire à l'Auteur du Sermon fur
le Riiptcme de J. C. parmi les Ouvrages de S. Cy-
prien : Qu'il eftjufle, 6 Seigneur, de vous aimer,
puifque vous nous aimez vous-même, nous l'avons
oui de votre bouche ' !
Par la Charité nous aimons Dieu par-deffus tou-
tes choses; car elle fait que nous aimons Dieu plus
que nous-mêmes & plus que toutes autres choses qui
foient dans le monde ; i\ bien que comme Dieu a
fait toutes cho(es pour lui, nous défirons que tout
tourne à fa gloire, nous lui rapportons tout , nous
renoncerions plus volontiers à tout ce que nous
avons de plus cher au monde, que de l'offenfer,
nous fôuhaitons que tout le nîonde l'aime & nous
fouffrons véritablement quand nous voyons qu'on
l'offenfè. La Charité ne peut être fans cette difpc-
fîtion de cœur. Le Sauveur nous le fait connoître
quand il dit dans le chap. 10. de S. Matthieu : Celui
qui aime [on fere on fa-mer e -plus que moi, nejl pas
digne de moi ; & celui qui aime [on fis ou fa fille
^lus que moi , n'ejl pas digne de moi.
La Charité nous fait aufîi aimer le prochain ;
mais ce n'efl que par rapport à Dieu que la Cha-
rité nous le fait aimer ; fi nous l'aimions pour d'au-
tres vues & non par rapport à Dieu , ce ne (èroit
pas faire un ade de Charité. S. Grégoire le grand
nous en avertit dans l'Homélie zS. fur les Evan^ri-
les. St quîs quemlihet amat , fed propter Deitm non
amatj charitatcm non hahet,fed habere Je putat»
d Si ideo colis Deum , quin
dai t^bi fiindum , non cum
culriirus es , quia tollit tibi
fiindiim. /iiig. inPfil.4-i.
e Qui diligit me, dilige-
luî i Tatre mc-o , & ego di-
ligam ciim , & manifeflabo ci
mt'iprum.
/ Jiiftiim cft , Domine , \\z
dihgamiis te hoc , Do-
mine , ex ore cuo audivimus^
|!i' Conférences i^ Angers]
Par la Charité nous nous aimons aufTi nous-mé-*
mes , mais ce n'efl que par rapport à Dieu , ne cher-
chant notre bonheur qu'en lui , & ne tendant qu'a
lui uniquement. S'aimer foi-méme, c'efl vouloir être
heureux , & nous ne pouvons l'être qu'en pofledant
Dieu ; nous ne nous aimons donc nous-mêmes com-
me il faut , qu'en nous aimant par rapport à Dieu,
L'amour de nous-mêmes n'eft pas un amour réglé
quand il s'arrête en nous-mêmes , & qu'il ne s'eîe-
ve pas jusqu'à Dieu qui en doit être la véritable
fin.
Saint Auguilin dans le livre t. de la Doêlrine
Chrétienne, ch. 23, nous fait remarquer qu'encore
qu'il y ait quatre chofes que nous devions aimer >
dont la première eft au-delTus de nous , qui eil Dieu :
îa féconde , c'eft nous-mêmes , c'efl-à-dire , notre ame :
la troifieme ed autour de nous , c'eft-à-dire , les créa-
tures intelligentes : la quatrième eft au deffous de
lîous, c'eft notre corps , & les êtres privés de raifbn;
îiéanmoins il n'a point été néceflaire de faire à
l'homme aucun commandement pour l'engager à
aimer la (econde & la quatrième de ces chofes ; car
encore que l'homme s'écarte de la vérité , il n'ou-
blie point à s'aimer , ni à aimer fon corps 8.
Ce même Père rend une autre raifbn dans la let-
tre 52. où expliquant pourquoi J. C. a dit dans le
chap. %%, de S. Matthieu que toute la Loi & les
Prophètes étoient renfermés en deux préceptes , &
qu'il n'a pas dit en trois ; puifque la Loi de Dieu
commande à l'homme d'aimer Dieu, foi-même &
fon prochain , c'eft , dit ce Père , parce que nous
lie devons nous aimer que pour Dieu , c'eft-à-dire ,
par l'amour que nous portons à Dieu y s'aimer au^
irement , c'efl fe haïr ^,
g Cùm quatuor (înt diligen-
da 5 unum quod fupra nos eft ,
alterum , quod nos fumiis ;
trrtium , quod juxta nos eft ;
qiiartum , quod infra nos eft ,
fie fecundo & quarto nulla
prxcepta danda erant. Quan-
jtumlibet enim Homo excidat
à veritate , nian?t îllî diledio
fuî & dileitio corporis fui.
h Cùrr» tTcTo illà dileffeion? ,
quam divina Lex impc.at , de-
beat liomo diligere Dcum ,
ô: feipfum , & proxinium , non
tamen ex hoc tria prjecepta
data funt 5 ne diduru cil: itt
fur Us Cowmandanens de Dieu, p J
Dieu eft toujours le premier & le principal objet
delà Charité. Elle l'aime lui feul pour lui-mcme,
parce qu'il eft le fouverain bien , & lui feul lui faic
aimer toute autre ciiole par rapport à lui. Chariias ,
dit S. Auguftin dans le livre 3. de la Dodrine Cliré-
tienne , chap. 10. ejl motus animi ad frttenùum Dea
propter ipfum , & fe atque proximo , proper Detitn. Les
créatures de quelque nature qu'elles foient ne font
qu'un objet fubordonnc , puifque la Charité ne les
aime qu'autant qu'elles ont du rapport à Dieu, &
qu'elles peuvent contribuer à lîi gloire.
La Charité habituelle e[i néceflaire de nécelTitc
de moyen , car fims elle les hommes ne peuvent
obtenir ni la vie éternelle ni le pardon de leurs pé-
chés , puilque les péchés ne font point remis fans
que Dieu répande la Charité dans les cœurs. La
Charité habituelle que les Enfans ont reçue au Bap-
tême leur fuffit pour entrer dans le Ciel , quand
ils meurent avant l'ufàge de railôn , de même que
la Foi & FEfpérance habituelles-
Dieu ne s'ed pas contenté de nous faire connoî-
tre ce qu'il étoit , pour nous engager à l'aimer , il
rous en a fait un Commandement exprès dans le
chap. 6. du Deutéronome. Fous aimerez le Seigneur
votre Dieu de tout votre cœur , de toute votre ame ,
Ù" de toutes vos forces. Ces Commandemens que je vous
donne aujourd'hui feront gravés dans votre cœur \ Jeflis-
Chrift dans le chap. ii. de S. Matthieu , nous a re-
commandé l'exécution de ce Commandement, com-
me étant le premier & le plus grand de tous ceux
que Dieu a fait à l'homme. Diliges Dominum Dentn
tatim ex toto corde tuo , & in tota anima tua , & in
tota mente tua. Hoc ejl maximum & primum manda-t
hîs tribus , fed in his duobus
prxceptis tota Lex pcndet &
Prophets. . . .ut intelligeretur
riillam effe aiiam dileiftioncm,
quâ quiî diligir fciprum , nilî
quod diligit Dt-um ; qui enim
aliier fe diligit, potiùs fc
odllTe diccndiis eft.
i Diliges DominuiT! Dcuirt
tiuim ex tcto corde tuo , Se ex
tota anima tua, & ex tota for-
titudine tua ; eru.itque vcrba
l.of c , qux ego pra^cipio libl ho-
diè ^ in corde tuo*
p^ Conférences £ Angers l
nmi' Quoique ce Commandement ne Coït pas tnaf-
que expreflëment dans le Décalogue , on peut le
tirer néanmoins de ces paroles , ]e fuis le Seigneur
'votre Dieu ; car /î le Seigneur eft notre Dieu , il le
faut aimer ; il n'y a pas lieu d'en douter.
L'homme eft fait pour aimer Dieu , c'ell la fin
de fà nature; Dieu ne l'a créé que pour cela. Si
l'homme n'aime Dieu ^ il fera malheureux ; car Ton
unique bonheur confiile à aimer Dieu dont il a tout
reçu. Ce qui fait regarder à S. Auguftin avec éton-
nement , le précepte que Dieu a fait aux hommes
<ie l'aimer ; car quel befoin Dieu a-t-il d'être aimé
de l'homme ! Dieu ne poflede-t-il pas toute forte
de biens pi)r Ton efTence ï Et qu'efl-ce que l'homme ,
qui n'a rien qu'il n'ait reçu de Dieu l Qu'efl-ce que
je fuis , dit S. Auguftin , dans le livre i. de fès
Confefifions, au chap. 5. pour que Dieu m'ordonne
de l'aimer , & qu'il le fâche contre moi , fi je ne
l'aime ^ ?
L'amour de Dieu n'efl donc pas la matière d'un
pur confèil que Jefus-Chrift ait donné aux Chrétiens ;
jl nous efl exprefTément commandé ; puifque le Sau-
veur interrogé par les Pharifiens , quel étoit le plus
grand Commandement de la Loi du Seigneur, a
proteflé hautement que c'étoit celui que Dieu nous
a fait de l'aimer de tout notre cœur, C'efl à ce
précepte que fè rapporte toute l'étendue de la Loi ,
comme au centre & à la fource de la piété chré-
tienne. Plenitudo le gis , dileSîio , ait VAçotte dans le
çh. 13. de l'Epître aux Romains.
Ces paroks , Vous aimerez le Seigneur votre Dieu
de tout votre cœur , àe toute votre ame , de toutes vos
forces y de tout votre efprit, nous font comprendre,
I. Que nous devons aimer Dieu d'un am.our de
préférence à toutes les créatures ; ce que les Théo-
logiens appellent aimer Dieu par-dejfus toutes chofes
apréciativement ; ceU-SL-dÏTe., que nous devons préfé-
rer Dieu à toutes les créatures , & mettre en Dieu
fc Quid tibifum ipfe utama- j irafcarismihl àminerisingea-
fi te jubeas à aie, & nifî faciam j tes mifcrias i
fur les Cominandemens de Dieu* p J
tiotre fbuverain bien & notre dernière fin. Summum
honum, dit S, Auguftin dans le livre des Mœurs de
l'Egli^ au chap. ii. quod eiiam optimum diciiur ,
non modo dtligendum ejje nemo ambigit , fed ita dili-
rendum j ut nihil amplias diligere dcbeamus , idquejî^
gnificatur & esprhîiitur qttando dictiim ejt , ex tota
anima y & ex toto corde, Ù" ex totâ mente. Le Com-
mandement que Dieu nous a fait de l'aimer, nous
obligeant à l'aimer par-defTus toutes chofès, on pè-
che mortellement, Cl on aime quelque créature plus
ou autant que Dieu. L'amour de Dieu doit donc
attacher C\ fortement & /i pleinement notre volonté
â Dieu , qu'aucune cholè ne puiffe nous en féparer,
& que nous ne craignions rien tant que de lui dé-
plaire, comme S. Paul le difoit dans le ch. 8. de
î'Epitre aux Romains : Je fuis ajfuré que ni la mort ,
iii la vie , ni les Anges , ni les Principautés , ni les
Puijjances 3 ni les chofes préfentes, ni les futures , ni
la violence , ni toute autre créature ne me -pourra ja-*
mais féparcr de l'amour de Di^u.
Si on Ce plaît en quelque créature que ce fbit ,
autant qu'en Dieu , c'eft mettre (a dernière fin dans
la créature, c'ell l'aimer au préjudice de Dieu, c'efl
la lui préférer, ou du moins la lui égaler. Certai-
nement cet amour ell contre l'ordre naturel , qui ne
permet pas que l'homme qui efl égal aux créatures
intelleâiuelles , & fupérieur aux corporelles, & à qui
Dieu a donné la capacité de jouir de lui , s'attache
à autre chofe de moins qu'à Dieu. L'amour que nous
devons à Dieu, doit être fort comme la mort , fui-
yant l'expreffion de l'Epoufe des Cantiques ' , il doit
nous réparer de tout ce qui neû pas Dieu , ou qui
n'a pas du rapport à Dieu. Il ne nous ell pas per-
mis en aucune partie de notre vie de jouir d'aucune
autre chofe que de Dieu , dit S. Auguflin dans le
livre I. de la Dodrine chrétienne au ch. iz. Nous
fômmes obligés , s'il le prélente quelque autre
objet à aimer , de le rapporter à Dieu , qui ell
le feul objet où tout l'eftort de notre amour dqit
/ Fortij ut mors dilciftio. Cane, Ij
'^'6 Conférences d'Angers,
tendre •". Bien plus fî on veut jouir de Dieu , II faut
fe détacher entièrement de la créature, car la moin-
dre attache qu'on y a , eft comme une glu qui em-
barrafTe l'ame & TempécKe de s'élever vers Dieu "•
Il ne nous ell pas commandé d'aimer Dieu au-
tant qu'il eft aimable , cela eft impofTible à la créa-
ture; car Dieu étant infiniment bon , il efl infini-
ment aimable, & la capacité de la créature eft très-
bornée. 11 ne nous elt pas même commandé d'aim.er
Dieu par-delTus toutes ciiofes intenfivement, c'efl-à-di-
re, avec le plus grand effort, avec la plus grande ar-
deur, avec la plus grande véhémence qu'il efl pof^
iible d'aimer. Quoique DieujTiérite d'être aimé de cette
manière , il ell trop bon pour vouloir caufer tant de
peine aux con (bien ces, qui feroient toujours dans
ï'inquiétude, fî elles avoient ce fervent degré d'a-
înour. Cet am.our ne convient qu'aux Bienheureux,
qui jouiffent de la préfence de Dieu , & voient Coa
effence à découvert.
z. Que nous devons dreffer toutes nos intentions
vers Dieu , fbumettre notre entendement à Dieu ,
régler toutes nos inclinations félon Dieu , & obéir
ià Dieu en toutes nos adions extérieures. S. Tho-
mas d.ans la i. z., q. 44. art. 4, entend en ce (ens
ces paroles. Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de
tout votre cœur j &c. Vrctcipitur ergo nobis ut tota m^
tentio nojlra feratur in Deurn , quod ejl ex toto .corde ;
€^ quod intelîeCîus nojler jiibdatur Deo, quod ejî ex
tota mente ; & quod appetitus nojier .regufeiur fecun-'
dum Deum, quod ejî ex tota anima; & quod extcrior
ddiis nojier cbediat Deo , quod eft ex tota fortitudine ,
vel virtute , vel viribus Deum diligere.
Le Commandement d'aimer Dieu pris en ce lêns,
ne s'accomplira dans la perfedion que dans le Ciel y
m Cùrti autem ait , toto ; in ammum , illuc rapiatur qno
corde, totâ anima, tocâ men- ; totiis diledionis impttus cur-
te , iiuilam vitae noflrx par- j rit.
tem reliquir qiiae vacare de- j n C'bligata anima amore ter-
beat , & qiia(î locum dare ut j reno, qu^fi vifcum habet in
alla re velir fîeri , fed qiiid- 1 pennis , volare non poteft.
^uid aliud diiigendum vef^erit j Au^, ia FfaU lai.
OU
fur les Commandemens de Dieu, ^7
crà nous aurons une connoJffance pleine & parfaite
de la bonté infinie de Dieu, & où chacun aimera
Dieu aftuellernent fans interruption & autant qu'it
pourra l'aimer ; cela n'empcclie pourtant pas que dans
cette vie mortelle, nous ne foyons obliges de procu-
rer en nous , tant qu'il nous efl pofîible , 1 accroiffement
de cet amour & de nous y avancer de plus en plus : ce
que nous ne pouvons faire , fi cet amour n'efl raffec-»
tlon dominante de notre cœur. Il faut, fuivant la doc-
trine de S. François de Sales, dans le liv. ro. de l'a-
mour de Dieu , que l'amour de Dieu prévale (iir toutes
les affedions de notre cœur & (lir toutes nos paflions.
11 doit occuper toute notre ame & gouverner toutes
nos puiflTances, il doit remplir tout notre efprit & ani-
mer toutes nos penfces, il doit régler toutes nos paro-
les & toutes nos adions , & employer toutes nos for-
ces. Nous devons faire avec amour tout ce que nous
faifbns". En un mot, l'amour que nous devons à Dieu
doit le rendre le maître de tout ce que nous Ibmmes.
Dieu ne veut point que notre 'cœur (bit partagé entre
lui & la créature ; il veut le pofTéder tout entier.
Quand l'amour de Dieu l'emporte par deflus toutes
nos affedions , on ne veut que la gloire de Dieu , on
n'agit que par ce motif, on n'a point d'autre volonté
que la fienne, onne penle qu'à lui plaire. Quand Itj
cœur efl: rempli de l'amour de Dieu , on efl: convainc
eu que Dieu eil le Ibuverain bien , que hors de Dieu
il ne peut y avoir de bien , on n'a point d'autres fen-«
timens que ceux de Dieu , on reçoit & on approuva,
toutes les vérités qu'il a révélées à Con Eglile, & oit;
s'y Ibumet volontiers. Quand Dieu occupe nôtres
ame, nos (ens (ont réglés luivant (a volonté, nos dé-
fîrs ne Ce portent à rien qui lui puilfe déplaire. Quand
l'amour de Dieu nous fait agir de toute notre force»
nous pafl^ons par defTus toutes les difficultés qui le
rencontrent à accomplir les Commandemens ; fi bie-i
que nous (buffririons plutôt la mort que de les violet!
volontairement. On peut voir ce que S. Bernard dit
A ce lujet dans le Sermon zo. llir les Cantiques.
0 Oirnia vcftra in charitatc fiant, i« ai Cor. r. i^,
Tome I, h
5? 8 Conférences £ Angers ^
' Quoiqu'on ne puifTe pas obferver ce précepte de.
l'amour de Dieu auifi parfaitement fur la terre que
dans le Ciel , il eu. pourtant vrai qu'on peut l'obfer-
ver pendant cette vie, comme les autres Comman-
demens de Dieu, & on ne pèche pas, pourvu qu'on,
ait le déiîr de plaire à Dieu , & que les puifTances de
notre ame ne foient occupées d'aucun amour illicite ;
de forte qu'on ne penfe & qu'on ne veuille rien qui
fbit contraire à l'amour de Dieu. S. Thomas i'enfei-
gne ainfi dans la i. z. q. 24.'art. 8. & dans le corps de
l'article, & fur le livre 3. des lèntences, dift. 27. q,
3. art. 4.
Nous dirons ici, pour la conlôlatlon des âmes qui
aiment Dieu , qu'elles ne doivent pas fe perfuader
être lans amour pour Dieu , lorfqu'eiles s'apperçoi-
vent que les afleftions pour les chofes de ce monde
font des impreffions plus fen/îbles lur leur cœur que
celles qu'elles ont pour Dieu. La grande fenfibilité
dans les afi^edions pour les créatures, vient de ce que
îeur objet étant fenlible , frappe plus vivement l'ima-
gination , qu'un objet Ipirituel tel qu'eft Dieu ; mais
il faffit que l'imprelfion que l'amour de Dieu fait dans
le cc"ur Ibit la plus forte , quoique moins fenlible ; Se
on doit juger qu'elle ell la plus forte , quand on efl
intérieurement dans la di(pofition de renoncer pour
Dieu à toutes iesaffedions leniîbles, s'il étoit nécel^
faire , quand on s'abflient de toute adion mauvaise
parle délir de plaire à Dieu, quand on efl foigneux
d'éviter tout ce qui peut diminuer en nous fon amour,
& qu'on efi prêt d'embrafier tous les moyens de fe le
conlèrver , quand on ell zélé pour l'honneur & la
gloire de Dieu , & qu'on n'eil point indiffèrent à ca
qui les peut bleffer j mais fi on mené une vie molle ,
oifive & délicieufe, & que le jeu & le divertilîement
enfafTentle capital; fî on ne fonge qu'au monde, &
qu'on penfe rarement à Dieu; fî on ne s'occupe que
des honneurs & des grandeurs du monde, & qu'on
n'en confidere point la vanité , qu'on ne fente point
en foi d'inclination qui en retire ; fî on ne fê trouve
point porté a s'humilier, à aimer les fouiFrances, à
pratiquer la pénitencç j c'çft une marque trop çertai-!;
fur les Commandcmms de Dieu, 99
t\ù que l'amour de Dieu n'eft point dans notre coeur.
3. Que nous devons rapporter toutes nos adions k
Dieu. Soit que nous buvions , foit que nous mangions ,
foit que nous fafTions quelque chofe que ce puifl'e être ,
nous devons le faire pour la gloire de Dieu, fuivant
la dodrine de S. Paul dans la première Epitre aux Co-
rinthiens au ch. 10. & dans celle aux Colofl'iens au
ch. 3. Puisqu'il ne nous efl pas permis d'aimer aucune
créature pour elle-même , il faut que nous ne Tai-
mions que par rapport à Dieu ; pui(que nous Ibmmes «
par notre nature , les (erviteurs & les efclaves de
Dieu , nous (bmmcs obliges d'agir pour lui dans tous
les momens de notre vie : puilque nous appartenons
à Dieu par titre de créature , toutes nos adions doi-
vent être à lui : puisque Dieu eu. notre dernière fin,
nous devons tendre a lui par toutes nos aftions, &
les lui rapporter toutes; ainfî que ceux qui ont l'ambi-
tion pour fin , rapportent à leur grandeur toutes leurs
adions ; s'ils étudient , s'ils traYaillent , s'ils parlent y
c'eft par ce motif, ils nepenfent qu'à cela; c'efl ce
qui leur fait faire choix de leurs emplois ; c'eft ce qui
les occupe tous ; c'ed-là la règle par laquelle ils ju-
gent de toutes choses.
Un bon moyen pour rapporter toutes nos aflions
à Dieu , c'eft de penfer le matin aux adions qu'on
doit faire le jour, de faire attention à ce que- la Loi
de Dieu nous ordonne à leur (ujet , de les régler fur
cela, & de former le deiïein d'obéir à Dieu en tout,
enfuite Ce mettre à exécuter ce qu'on doit faire ; & s'il
arrive que la cupidité nous porte à faire quelque cho-
fe qui no le rapporte pas a Dieu , renouveller la ré(b-«
lution qu'on avoit prile le matin.
Il n'eft pas nécelTaire pour que toutes nos aftions
iôient faites pour Dieu, d'être toujours aduellement
occupés de Dieu , & de lui rapporter chaque aftioa
par un aéte formel d'amour. Dieu ne nous a pas im^*
pofé une obligation fi difiicile à obferver. Il fufîit,
comme nous avons dit, que le défir d'obéir à Dieu &
de lui plaire, foit virtuellement le principe de no^
adions , n'ayant point été rétraété par aucun amouc
qui lui foit oppolc , de forte que nous açTifuons en
XOO Conférences d'Angers,
vertu du déCiv que nous avions formé de plaire à Dieu'
en tout. Cela fait que nos penfées , nos paroles , nos
aftions (ont dans l'ordre , & (è rapportent à Dieu di-
redement ou indiredemem.
IV, QUESTION.
Sommes-nous obligés de produire des AEles d'A-
mour de Dieu? Quand doit-on les produire y
ù" quels péchés font particulièrement oppofés
à la Charité r
I on veut parler en termes de l'Ecole , il s'agît
dans la première partie de cette Queftion , de
i^avoir fi la Charité aduelle efl néceflàire de néceflité
de précepte aux Adultes pour être fauves ; à quoi nous
répondons que ceux qui ont l'ufàge de la raifon,
{ont obligés, fous peine de péché mortel, de produi-
re des ades formels d'amour de Dieu pour obtenir
la vie éternelle. Le Commandement que Dieu nous
fait de l'aimer, nous oblige diredement & par lui-
même à produire des Aftes. Le Pape Alexandre VII,
l'a déclaré par Ion Décret du 14. Septembre 1665,
dans lequel il a condamné cette Propofîtion : Homo
nullo unqtiam vitœ [ux tempore tenenir eîicere aCîiim
Fidei, Sfei , Charitatis , ex vi fr^eceptorum ad eas vir^.
tutes feninemiiim.
Nous établirons deux Propofitions pour foûtien de
cette réponle,
La première efl , que le précepte d'aimer Dieu >
n'eft pas un précepte général auquel on làtisfaffe en-
tièrement en accomplilîant les autres Commandemens
que Dieu nous a faits ; rnais un précepte particulier
qui nous impole une obligation fpéciale, différente
de celle des autres Commandemens de Dieu. La Fa-
culté de Théologie de Paris en l'an 1665. & le Clergé
de France en 1700, nous ont fait connoître que c'é-*
toit-ià leur lêntiment j quand ils ont condamné cette
fur les Commun démens de Dieu. lOl
Propo/îtion : Vrœce^tum amoris Dei & proximi non ejl
fpeciale , fed générale , cui per aliorum frieceptontm
ûdimpletioriem fatisjit.
Il n'y a pas d'apparence de croire que Dieu qui a.
pris le foin de faire des Loix à l'homme pour régler
les opérations de Ton ame, les mouvemens de les (ens
&; les aftions de les membres , ne lui en ait pas fait
une particulière pour régler les inclinations de la vo-
lonté , qui eft la principale faculté de l'ame , & dont
les différens amours rendent les hommes bons ou
mauvais , ainfi que remarque S. Auguftin dans la Let-
tre i^^.quiétoit autrefois la 51. àMacédonius ^.
La féconde Propofition, qui eft une (liite de la pré-
cédente , c'eft que Dieu en nous enjoignant de l'aimer
par deffus toutes chofes, nous a non-lèulement com-
mandé de l'aimer d'un amour effectif, qui con/îfte à
faire le bien qu'il nous a ordonné , & à s'abftenir du
mal qu'il nous a défendu ; mais qu'il nous a encore
commandé de l'aimer d'un véritable amour affedif »
c'e(l-à-dire , de produire des 'ades formels d'amour
qui nous portent vers lui &: nous attachent à lui. La
manière dont ce précepte eft énoncé dans la fainte
Ecriture , nous doit perfuader qu'on^-ne peut y (atis-
faire en demeurant dans un état où l'on le contente-
roit de n'avoir point de haine pour Dieu ; mais qu'il
faut nécefïàirement fiire quelquefois des a(5les inté-
rieurs d'amour de Dieu , làns quoi nous ne pouvons
pas efpérer d'obtenir la vie éternelle. Jefus-ChriH
nous l'a déclaré lui-même en approuvrant dans le ch,
10. de S. Luc la réponle de ce DoAeur de la Loi,
qui lui avoit avoué que pour pofi'éder la vie éternelle
il falloit aimer Dieu de tout Ion cœur , de toute loîi
ame, de toutes les forces &: de tout Çon elprit, & que
la Loi l'ordonnoit ainfî. C'eft pourquoi le Pape
Alexandre VIII. par (on Décret du 14. Août i65>o.
& le Clergé de France dans l'AlTembiée de 1700. one
prolcrit , comme hérétique cette Propolîtion :H«wc,,
a Mores nofrri non ex co T nec faciunt bonos vel milos
qnod quifque novir , fcd ex eo
juod diligiij dijudicari foicnt ;
mon-s , nifi boni vel mali a*
morts.
E iij
102 Conférences d'Angers ,
'fmm ultîmum, homo non tenetur amare , neque in prut*
cipo 3 neque in decurfit vitafu^ moralis.
Il ne faut pas s'imaginer qu'on faffe des véritables
zdes d'amour de Dieu , parce que l'on prononce de
bouche certaines formules d'aftes qu'on trouve dans
les Livres de dévotion. Si nous nous contentons de
dire à Dieu que nous l'aimons , fans l'aimer efFedive-
ment, nous fommes des menteurs , comme David le
reproche à plufîeurs dans le Plèaume jj.Et dilexerunt
eiim in orejùo , ù" linguâfuâ mentiti fum ei.
Ces modèles d'ades d'amour de Dieu font vérita-
blement très-utiles ; ils fervent beaucoup à exciter
ram.our de Dieu dans les cœurs, quand ils font pro-
noncés avec attention , mais ils ne font par eux-mê-
mes que des penfées d'amour de Dieu, qui nous mon-
trent les motifs dont doit naître cet amour ; & fî ces
penfées n'excitent en notre volonté des mouvemens
qui la portent à prendre Dieu pour Con partage &
pour fà dernière fin, & à s'attacher uniquement a lui,
ce ne iont nullement de véritables ades d'amour de
Dieu ; car l'amour de Dieu n'efl pas une penfée de l'ef^
prit , m.ais un mouvement de la volonté , qui veut
jouir de Dieu. Gharitatem voco animi mcmm , adfruen--
dum Deo froper ipfum , dit S. Auguflin dans le livre
3 . de la Dodrine Chrétienne , chap. i o.
Nous ne (bmmes pas obligés de produire à tout
moment des aétes d'amour de Dieu ; mais auffi il ne
fufîit pas pour accomplir le précepte de l'amour de
Dieu d'en produire un ade dans (a vie, ou tous les
cinq ans, ou quand on a befoin d'être juftifîé , & qu'on
ne le peut être par une autre voie , ou leulement à
l'article de la mort. Pour foutenir ce que nous difbns
ici, c'eiî aifez d'alléguer la condamnation que le Pape
Innocent XI. par fon Décret de l'an 1675». le Clergé
de France dans l'année 170c. & la Faculté de Paris
en l'an 1665. ont fait des quatre Proportions qui fui-
vent :
An peccet mcrtaliter, qui aÛum dileCïionis Dei Je -
mel tannim in vita eliceret ? condemnare non audcmus,
Trobabiîe eft , ne fmgulis quidem rigorosè quiaquen*
niis perfe obligare prxceptiim Qharitatis çrgaVmm^.
fur les Commandement de Dieu. 103
Tune folitm ohligat j qiiando tenenntr jiifJiJicari , Ù".
non habemus aliam viam qiiâ jujlif.cari ^ojtumits.
rraceptiim arnoris Dei per fe tantam obligat in artî-
citlo mortis.
Ces cenfiires nous doivent faire comprendre que
nous fbmmes obliges, prccifcment par le comman-
dement de Dieu , de produire fouvent dans le cours
de notre vie des ades de cet amour.
Si quelqu'un vouloit encore douter de cette obliga-
tion , il faudroit, pour l'en convaincre , lui fiiire faire
attention à tout ce que dit Moife aux Ilraélites de la
part de Dieu , quand il leur annonça le Commande-
ment que le Seigneur leur fai(bit de l'aimer de tout
leur cœur, de toute leur ame , & de toutes leurs for-
ces. Il leur dit tout de fuite, ain/î qu'il efl marqué
dans le ch. 6, du Deutcronome : Ces Commandement
feront gravés dans votre cœur ; Vous les méditerez dans
votre maifon, dans vos voyages , dans votre fomrneil ,
à votre réveil ; Vous les aurez attachés a vos mains ^
Vous les aurez toujours devant les yeux ; Vous les écrirez
fur vos portes. Y a-t-il quelque apparence qu'on eût
recommandé fi fortement un amour qui ne dût être
qu'un amour oifif , & qui ne le fit (entir que très-ra-
rement ? Nous nous abuserions C\ nous croyions que
l'amour de Dieu (e pût conferver long-temps dans l'a-
me d'un homme qui a Fulage de la rai(bn, (ans être
nourri & entretenu par des ades formels d'amour >
qui (oient capables de rcfifter à la cupidité , qui tend
fans cefTe à (e rendre maitreffe de notre coeur. Pen-
fbns donc que tandis que nous fommes dans ce mon-
de, nous (ommes des voyageurs qui marchons dans
un heu d'exil & de miferes, où nous ne devons point
nous arrêter, mais nous hâter d'aller à Dieu , qui efl
notre fin unique, & en qui feul conCi^Q notre félicite.
Il efl dilhcile de fixer précifément le tems auquel
le précepte de l'amour de Dieu nous oblige directe-
ment & par liii-mcme à en furc des aftes.
Plufieurs Théologiens ertiment avec S. Thomas
dans la i. 2. q. 8i?. art. 6. qu'on efl obligé, fous peine
dépêché mortel, de faire un afte d'amour de Dieu ,
aufTi-tôt qu'on a att.ûnt l'ufàge de la raifon , & qu'on
E iv
104 Conférences (T Angers y
eu en état de rapporter avec délibératiQn toutes fè$
adions à une fin ; car alors on a la liberté ncceffaire
pour fe tourner vers Dieu ou vers la créature , & on
efl obligé de fe tourner vers Dieu & de lui rapporter
tout comme a. la fin dernière. Plu/ieurs autres Doc-
teurs croyent que dans ce crépufcule de la raifon , le
manque de connoilTance excufe les enfans de péché
mortel.
Comme les enfans quand ils commencent à avoir
Tu-age de la raifon, s'en fervent rarement pour s'ap-
pliqi er à Dieu , les pères & les mères & ceux qui les
Gonduilent , doivent tâcher , par toutes fortes de
moyens, de leur infpirer , dès leurs plus tendres an-
nées des fèntimens qui les portent à faire ce que Dieu
demande d'eux quand ils ont atteint l'âge de raifon:
s'ils ne veulent pas expofer leur fa '.ut en négligeant
celui de leurs enfans , il faut qu'ils les accoutument à
fe fcuvenir de Dieu pendant la journée, à l'adorer
j)lu/ieurs fois avec le plus de refped qu'ils peuvent, à
s'offrir à lui , à le prier de les conferver dans la grâce
qu'ils ont reçue ou Baptême; il faut qu'ils les portent à
faire leurs petits exercices dans la vue de Dieu, & à
s'humilier d.evant lui pour les fautes qu'ils auroienc
çommiCes,
Tous les Dodeurs conviennent que nous (ommes
particulièrement obligés de faire des ades d'amour de
Dieu, lorfque nous fbmmes à l'article de la mort, &
que nous fentant coupables de péché , nous n'avons
point d'autre moyen pour nous réconcilier avec Dieu.
Nous ne craindrons point de dire que nous y fbmmes
même obligés, quand nous nous jugerions innocens;
nous devons , à l'exemple des Vierges fages , qui al-
lumèrent leurs Lampes pour aller au-devant de l'E-
poux, nous préparer à la jouiliance de Dieu par un
ardent amour. Aufli c'ell la coutume générale des
Payeurs de faire faire aux mourans des ades de Foi ^
d'Eipérance.
Il y a d'autres occafîons où le précepte de l'amour
de Dieu nous oblige indiredement, & à raifon d'au-
tres chofes que nous lommes tenus de faire; ce qua
far les Commandemens de Dieu, loy
les Théologiens appellent obliger par accident. Ces
occafTons font :
1. Lorsque Ce fèntant coupable de quelque pcchc
mortel , on efl oblige d'adminillrer un Sacrement (îins
pouvoir auparavant recevoir l'abfolution du Prêtre ;
parce qu'alors on doit produire un ade de contrition
parfaite , qui renferme virtuellement en foi l'amour
de Dieu.
2. Dans les tentations prefTantcs, où nous devons
craindre de perdre la Cliarité; c'eft pourquoi il fauc
nous y enraciner & nous y fonder ^.
3. Quand nous avons re^^u de Dieu quelque bienfait
confidcrable , qui efl: une marque de (on amour ; il
faut par reconnoiffance l'aimer, pour ne pas tomber
dans le péché d'ingratitude.
4. Quand nous venons à la (àinte Table, où nous
recevons le précieux gage de l'amour de Jefus-Chrifr
pour nous*
5". Quand nous prions Dieu, ou que nous afllftons
au (àcrificc de la MelTe, de cra:inte que Dieu ne nous
reproche que nous ne Tlionorons que des lèvres, &
que notre cœur eft bien éloigné de lui *=. Pouvons--
nous dire à Dieu, que Con Nom (oit (àndifîé , que
fbn Royaume arrive , que (à volonté (oit faite, fî.
nous ne dé/irons (à gloire plus que toute autre cho-
fe ; ce qui efl aimer Dieu véritablement. On peut
voir fur ce fujet S. Cyprien dans le liv. de l'Oraifbn
Dominicale,
Enfin nous devons produire des afles d'amour de-
Dieu pour augmenter en nous Ton amour, & nouS'
avancer dans la juflice ; car l'amour de Dieu ne nous-
efl point commandé dans une certaine mefure. C'efî
pourquoi S. Bernard dit dans le chap. i. du liv. de di-
ligcndo Deo , que la manière d'aimer Dieu , eft dé l'ai-
mer fîms mefiire ^. Il ne faut donc pas que nous nous-
contentions d'une certaine melure d'amour , mais il.
faut que nous nous efforcions de nous avancer de plui.
è In Cliaritate raUcati Se
fun-lati. Ad Ephef, 3,
c Populiis hic labiis me ha-
StOTii., cor autem corum longe
tfl à me. Mat 'h, 15.
d Modns diligendi Deum,,
hnc mod« diligere.
^
'To6 Conférences d'Angers y
en plus dans l'amour de Dieu, chacun félon nosfor-^
ces comme des voyageurs , dont les uns vont plus
vite 5 les autres plus lentement , mais qui avancent
tous vers le terme de leur voyage. Le Concile de
Trente nous fait remarquer dans lafefT. 6. ch. lo. que
l'Eglile demande a. Dieu cet accroilTem.ent d'amour
& de juflice , quand elle dit Le Dim.anche xiii. après-
la Pentecôte : Da nobis Fidei , Spei & Charhaiis aiig-
mentiim.
Il s'enfuit de-là , que l'omiflicn des ades d'amour
de Dieu ell en diverfes rencontres un péché ; mais ce
péché n'ell: pas toujours mortel, il n'elî: fouvent que
véniel. Nous ne fbmmes pas aufH toujours obligés
d'expliquer diredement & exprefTément ce péché en
Confefïion , il fuffit de le confefler indire<ftement en-
exprimant les péchés de Commifïion & d'Omilron
qui le renferment. Par exemple, fi on s'accufe d'avoir-
négligé de prier Dieu , ou de le remercier de (es bien--
faits , ou d'avoir iliccombé à des tentations contre
l'amour de Dieu , on d'avoir trop aimé le monde ,
ou de ne s'être occupé entièrement que des chofès du
monde , fans avoir penfé a. Dieu. S'accufer de ces fau-
tes , c'eil fe confefler d'avoir omis d'aimer Dieu, &
d'avoir négligé les moyens de faire croître cet amour,.
Tout péché eu contraire au commandement de l'a-
mour de Dieu & en efl un violement , puifqu'il n'y a
aucun péché qui fe commette fans l'amour de la créa-
ture , & que l'amour de la créature efl contraire à l'a-
mour de Dieu ; fi bien que qui aimeroit bien Dieu ,
ii'aimeroit aucune créature au préjudice de Dieu. 11
y a pourtant des péchés qui font direftement oppo-
ûs à la Charité , & qui nous font particulièrement
défendus parle Précepte de la Charité, en tant qu'il
efl négatif. Ces péchés font la haine de Dieu, & le-
dégoût des chofes fpirituelles qu'on nomme commu-
nément la parefTe , 8c que les Théologiens appellent
Acedia.
Haïr Dieu efl un trcs-grand péché , chacun en efl
pleinement convaincu, mais on n'efl pas afTez. per-
(uadé que ce péché foit aufîi commun qu'il e([ dans,
h mondç y parce ^u'on jie £ùt £as aitenùoji «ju'efl:^
fur les Commandemms de Dieu, 107
tore que l'on ne puiflb hair Dieu , confideré en lui-
mcme comme le foiiverain bien, on le hait pourtant
à cau(e de Tes Jugemens & de fa Juftice, quand on le
confidere comme vengeur des crimes , ou comme
auteur de quelques maux que l'on (ouffre , ou de quel-
ques peines qu'on craint. Ah aliqiiihus , dit S. Tho-
mas dans la 2. 1. q. 34. art. r. Deiis odio haberi poteJl,m
quantiirn fcilket apprchenditur peccatoriim prohibitor Ô*
fœnanim inflJÛor. En effet, on reconnoit fouvent pac
expérience que plufîeurs pécheurs con/idcrant que
leurs péchés , pour lefqueis ils ne peuvent concevoir!
d'averfion, déplaifent à Dieu, & qu'il les en punira,
haiffeni Dieu , pui(qu'ils voudroient qu'il n'y eût point
de Dieu , ou que Dieu ne punit point leurs péchés^
Souvent ces miférables accompagnent de paroles de
murmure ces déteftables tentimens; ils fe plaignent
que Dieu les traite trop févérement , & qu'il leur
commande des chofes trop difficiles , & ils rejettent
leurs fautes lur Dieu. Ce([ de ces (brtes de gens , dont
S. Auguftin dit dans le Traité 957. fur S. Jean : Que ce
font des miférables , qui voulant être méchans , ne
veulent pas qu'il y ait une vérité qui les condamne. Ils
ne veulent pas qu'elle foit ce qu'elle ed , au lieu qu'ils
devroient vouloir ne pas être ce qu'ils font ^.
Ce que l'on appelle dégoût des choies Ipirituelles ,
eft proprement une trifteUe &un dégoût du fervice de
Dieu , qui le font paroitre trop pénible , qui font-
qu'on om.et (es devoirs envers Dieu plutôt que de Ce
faire violence, qui donnent de l'averlîon pour la pa-
role de Dieu, qui caufent de la répugnance pour la^
piété, qui rendent infupportables les peribnnes qui-
travaillent a procurer îa gloire de Dieu.
Quand ce dégoût ed confîdérable , il éteint entiè-
rement la Charité , dont le propre eft de nous rendre
fervens & zélés pour le (ervice & la gloire de Dieu y
parconféquent , c'efl un péché mortel de la nature.
Il faut prendre g?.rde que ce dégoût peut n'être que
e O mifcrî liomincs ! qtii
«iim elfe volum m'.li , nolunt
«û'c vexiutcm^c^uâdamnantur
mali ; nohint entm csm ef!«
qviod cft , ciim fcipfos dcbeaati
noUe eflb quod fnnt».
E v^jj
!io8 Conférences a Angers]
fcnfîble, involontaire & feulement dans la partie îîï-^
férieure de l'homme ; alors il n'eft pas un véritable-
péché , mais feulement une foiblefTe qui peut être une
occafîon de vidoire & de vertu. Il peut aufTi étra
dans la partie fupérieure de l'ame , & être tout-à-fait
volontaire ; alors s'il domine tellement dans l'ame
qu'il ne lailTe aucune affedion pour le (èrvice de Dieu ,
îl eft certainement un péché mortel ; mais s'il eft pea
confidérable, & qu'il caufe feulement une pélànteur
d'efprit, qui n'empêche pas qu'on ne falTe fon devoir,
quoiqu'avec quelque forte de négligence , il n'efî
cju'un péché véniel , mais très-dangereux, parce qu'il
conduit infenfîblement à un miférable état.
On pèche aulïi contre le commandement dé Ta-
snour de Dieu , quand la honte & le refped humain,
îîous empêchent de faire le bien qui eft d'obligation ;
c'ed une marque qu'on préfère la créature au Créa-»
seur.
fur les Commandcrnens de Dieu, lo^
^Vl i-'X ))( à à-'ilE' »- lie- M K A-* « à m * w. -à à % * * i^^-^
RESULTAT
D E S
CONFÉRENCES
S U R
LES COMMANDEMENS DE DIEU.
Tenues au mois de Juillet 1713.
PREMIERE QUESTION.
Qu'eJl'Ct que la vertu de Religion , & j^we/j e/î:
yà«r /ex A5les ?
ÏL efl confiant que les trois premiers préceptes du
Décalogue regardent particulièrement la vertu de;.
Religion, & qu'ils nous en ordonnent la pratique : le
premier, en nous enjoignant la fidélité envers Dieu >
& nous défendant d'honorer d'autres Dieux que lui :
le fécond, en nous commandant de porter le refpeâ:
à Ion S. Nom & :i tout ce qui le touche d'une manière
particulière, &nous défendant de commettre aucune
irrévérence contre lui , contre (on Nom ou contre les
chofes qui lui (ont confâcrécs : le troi/îeme , en nous
prefcrivant le tems & la manière de rendre le culte
qui efl dû à Dieu, & nous défendant de vacquer aux
œuvres fèrviles certains jours de la femaine. Il efl
dencà £ro£os de pariçr dek vertu de Religion avax^
lîà Conférences d'Angers,
^ue d'entrer dans le détail des obligations qui noûï^
iont prefcrites paries crois premiers Commandemens-
du Décalogue.
Soit qu'on tire du verbe Rtlego , l'origine du mot
Religio^ parce qu'on doit lire & relire les chofes qui
regardent le culte de Dieu , foit qu'on la tire du ver-
be Religo , parce que la Religion efl un lien qui nous
tient attachés à Dieu , la Religion eil une vertu Mo-
rale, qui nous porte à rendre à Dieu l'honneur & le
culte qui lui font dûs , comme étant le premier Prin-
cipe , le Seigneur fbuverain , & la fin dernière de
toutes chofès.
La Religion efl une vertu Morale, parce qu'en'
nous portant à faire des adions honnêtes & louables ,.
elle rend nos mœurs bonnes & réglées : elle eft une
fuite de la vertu de juflice. Ce n'eft pas une vertu
Théologique qui ait Dieu pour objet immédiat, Dieu
n'en efl proprement que la fin , en tant que tous les
ades de Religion fe font pour fon honneur & pour fà
gloire. Son objet propre efl le culte dû à Dieu qu'elle
nous fait lui rendre, comme l'enfèigne S. Tliomas
dans la 2. 1. q. 8i. art. 5. Non-fèulement elle nous
fait concevoir une haute eflime de Dieu , mais elle
nous fait encore reconnoitre par différentes adions
l'excellence de la Majeflé divine & fon fbuverain Do-
maine, & elle nous fait lui marquer notre fôumifTion
& notre dépendance.
Il y a deux fortes d'ades de Religion , les uns quî
lui font propres, qu'elle produit immédiatement par'
elle-même , comme l'adoration & le facrifice : les
autres que la Religion ne produit pas immédiatement
par elle-même , m.ais par le moyen des vertus fbu-
mifes à fôn empire , auxquelles elle fait faire des ac-
tes en vue d'honorer Dieu. Les premiers fbnr appelles
par les Théologiens aBas eliciti : on nomme les au-
tres a^us imper ati. C'eft en ce fécond fens que les
ades de miféricorde, de tempérance & de plu/ieurs
autres vertus peuvent ( comme l'enfèigne S. Thomas
dans la même queflion à l'art, i. dans la répcnle à la
ï. objedion ) être appelles des ades de Religion.
C'efl de-Li que S, Jacques au çh* i« de (on Epure , dis
fur les Commandemcns de Dieu, 1 1 1
que la Religion Se h\ piété pure& fiins tache aux yexiK
de Dieu notre Père , con/îlle à vifiter les orphelins
& les veuves dans leur afflidion, & à Ce conferver pur
de la corruption du ficelé ^.
Les adcs propres de la Religion Ce divifent en inté-
rieurs & en extérieurs ; car le culte de Dieu peut être
intérieur & extérieur. Nous pouvons reconnojtre Ton
excellence & lui protéger notre dépendance au-de-
dans de nous-mêmes par des ades purement de l'ef^
prit , comme font les Anges dans le Ciel , & les Fi-
dèles fur la terre. Nous le pouvons faire aufïî au-de-
hors par des actions du corps , comme nous le faiibns
quand nous fléchifl'ons les genoux , ou que nous nous
inclinons pour adorer Dieu. C'eil ce que nous a voulu
faire entendre David dans le Pf. 83. quand il dit que
fôn cœur & (a chair failbient éclater par des tranfports
de joie le refped & l'amour qu'ils avoient pour le
Dieu vivant ^.
Les ades intérieurs de la Religion font , la Dévo-
tion & rOraifbn.
La Dévotion eft , félon l'Auteur du Livre qui a
pour titre , de Spiritu Ô* Anima , parmi les œuvres
de S. Auguftin , une pieufe & une humble affedion de
la volonté envers Dieu : humble par la connoilîïmce
de notre foibleffe : pieufe par la confidération de la
bonté infinie de Dieu ^. Cette affedion fait qu'on ai-
me à honorer Dieu , qu'on fe porte avec joie a. touc
ce qui regarde fbn culte , qu'on a du zélé pour pro-
curer (a gloire, & qu'on le confacre avec plaifir à fon
fervice. Le Pfalmille nous le marque dans le Pfeaume
76. quand il dit, que lefbuvenir de Dieu lui donnoit
du plaifir ^,
Les Eccléfiafliques qui par leur état font dévoués à
a Religio mitnda 8c imma
culara apud Dtuai &Patrem ,
hïc c ft , vifitare pupillos ,?f vi-
diias in tribiilaiionc eoium , d'
immaciilatiim fe ciiitodire ab
hoc r»ci)lo.
b Cor meiim & caro mea
«uIuYcrwin in Deum viviim».
c Plus & humilis affeâns in
Deiim : bumiliç ex confcitri"
tià infirmitatis proprist : pins
ex con/idcratione .cUmcntix
divinar.
d Memor fui Del , Si dclcc»
tacus fum*.
Ftiâ" Conférences £jngerSy
Dieu & confàcrés à Con (êrvice , & qui par confe-i
quent font obligés d'être plus dévots que les fimpley
Fidèles , doivent luivre cet exemple du Prophète, ne
pas dire leur Office avec précipitation & par manière
d'acquit , ne pas faire négligemment les fondions de
leur miniftere, & ne pas s'acquitter avec nonchalance
de leurs obligations,
La dévotion efl un don de Dieu , qu'il faut deman*-
der dans la prière, & à laquelle on doit s'exciter par
la contemplation de l'excellence de Dieu , de (à bon--
ré infinie , de la foiblefle de notre nature & de nos
propres défauts. David nous apprend au Pf. 38. que
c'eft dans cette méditation que s'allumele feu de la'
Gharité «.
L'Oraifbn efl une élévation de l'efpnt à Dieu , par
laquelle nous lui demandons les choies qui nous con-
viennent : E/î afcenfus mentis in Detim , dit S, Jean de
Damas au liv. 3 . de la Foi orthodoxe, ch. 2 4. ou fi l'or»
veut,c'eftuTi entretien de l'efprit & du cœur avec Dieu,
dans lequel nous lui faifbns connoîtrele defir que nous
a-zons d'obtenir de lui quelque choCe : Çlitiprecamr ,
cttm Deo colloquimr , dit S. Chrylbftome dans le fé-
cond Jifcours de la Prière. Elle ed fondée fur la Foi
& fur l'Efpérance que nous avons en Dieu ; car , com-
me nous enfèigne l'Apôtre , ch. 10. de TEpitre aux
Romains , on n'invoque point le nom de celui dans
lequel on ne croit pas ^ , Se Ci nous voulons obtenir
de Dieu ce quenous défirons , il faut , félon S* Jacques
chap. I. de fon Epître, lui demander avec foi fans au-
cun doute , c'eft-à-dire , avec une ferme efpérance s.
Il eu certain que la prière efl un afte de Religion ,
puifque , comme remarque S. Thomas %. 2. q» 83.
art. 3 . nous rendons à Dieu par la prière l'honneur &
le refped qui lui font dûs. En priant Dieu , nous lui:
déclarons notre indigence & notre bafTefTe , nous
avouons notre dépendance , & nous nous foumettons
à lui, nous reconnoilTons fà bonté infinie qui diflri-
e In medUatlone meâ esar-
tercet ignis,
/ ^^lomodo ergo invoca-
bunr, in quem non credidc'
runt.
g Poftulet autem in fidc-
r.ihil h^eiluos*-
fur Iti Commun démens de Dieu, 1 1 j
bue les biens aux créatures félon fîi volonté , & nous
çroteftons qu'il eft le maître &: l'auteur de tous les
biens, nous adreffant à lui pour obtenir tous nos be-
(bins ; c'efl pourquoi David fbuhaitoit que le Se'i-
gneur regardât les prières comme un (àcrifice qu'ilr
Iji oflroit ^,
L'Oraifon eftauffi un don de Dieu, l'Ecriture-Sain-
te nous l'apprend dans le chap. li. de Zacharie , oii
Dieu promet qu'il répandra fur la Maifon de David &
lûr les Habitans de Jérusalem un Elprit de grâce & de
prières ' , & encore dans la première Epitre aux Co-
rintbiens au ch. 12. où l'Apôtre nous aiTure que per-
Ibnne ne peut dire , Jefus Seigneur , que par le S. E(^
prit ^» S'entretenir avec Dieu , c'efl quelque choie
trop au-deffus des forces de l'homme pour qu'il le
puiffe faire (ans que (a foibleffe fbit aiaée du lecours
de la grâce du S. Efprit. Q^uantum fit , dit S. Chryfclr
tome dans le dilcours qu'on vient de citer , honù"
nem in àivimim coîloquiiim venire , nemo ejl , qui nef-
ciat . . . feri nuUomodo poîe/l , îfr homo fine diviiii Spi^
ritûs ope divinam ferat confueuidiiiem. Dieu donne
cette grâce à tous les hommes , puisqu'il les veut tous
fàuver ; s'ils ne font pas , c'efl leur pure faute.
Les Ades extérieurs de la Religion , (ont l'Adora-
tion , le Sacrifice , les ORVandes , les Prières vocales ,
les Louanges , les Actions de Grâces , le Vœu & le
Jurement. Ces Ades extérieurs pour ctre méritoires
devant Dieu , doivent être accompagnés des ades in-
térieurs qui répondent à ces marques fen/ibles de Re-
ligion. Car ce font des (ignés qui doivent lervir à éle-
ver notre efprit vers Dieu , pour lui rendre l'honneut
6c le re(ped qui lui font dûs.
h Diriganir oratio mea fient
jncenfum in conrpc(flu ni-> :
«levatio m:iniuim mcarum fa-
crilicium vefpertinum. Pfal.
143.
i Ejfaa.iam fuper (îomnm
Davitl , & fuper. habiratorc*
Jcrufalem fiMritum gratix de
ptetum.
/b Nemo potcft diccrejDo—
minus Jcfus , niû. in. ijpirito.
Saiîclo.
'^T^/%^
Xï^ Conférences a Angers ^
UULA4M1B1' wiNnwi'.j.wgfejj.T m'jvtntmtam
IL QUESTION.
Sommes-nous obligés de prier Dieu, O de quelle
manière devons-nous le prier ?
LA Prière ell: , ou intérieure ou extérieure. La
Prière intérieure qu'on nomme ordinairement
VOraifon Mentale , eu celle qu'on fait au fond du
cœur , fans la produire au-dehors par aucune parole ;
c'eft ain/î que Anne ,}Mere de Samuel , prioit devant
le Seigneur. Il ell marqué au ch, i . du liv. i .jdes Rois,
qu'elle parloit dans Ton cœur, & que l'on voyoit feu-
lement remuer Tes lèvres , fans qu'on entendit aucune
parole ^. David parie de cette prière, lorfqu'il dit au
tC i8. que fon cœur méditoit toujours dans la pré-
fence de Dieu ^.
La Prière extérieure efl celle qui fe manifefte au-
dehors par des paroles , & qu'on nomme par cette
raifon , Trière Vocale, Il en eft fouvent parlé dans la
Sain.e Ecriture, Le Prophète O^ée , ch. 14. verfet 3.
ia nomme le Sacrifice des lèvres. Jefus-Chriil nous en
a appris i'uiàge , en compolant l'Oraifbn qu'on ap-
pelle Dominicale, L'ApÔtre S. Paul nous y exhorte
fortement. Offrons fans ceffe , dit-il , dans l'Epitre
aux Hébreux ch. 13. par J. C. à Dieu unehoftiede
louange , c'efl-à-dire , le fruit des lèvres qui rendent
gloire à fbn Nom ^, Rempliflez-vous du S. Efprit , dit
le même Apôtre aux Ephéfiens ch, 5. vous entrete-
nant de Pfeaumes , d'Hymnes & de Cantiques fpiri-
tuels , chantant & pfalmodiant du fond de vos cœurs ,
à la gloire du Seigneur. Ce qu'il répète aux Colof^
fîens chap. 3.
a Anna loquebauir in corne \ confpefcu tuo ferr,per.
rio,tantiimquelabia;llii.s mo- | c Fer ipTiim crgo offeramus
vebaniur , & vox pcnitùs non ' hofti.im laudis femper Dco , id
awdiebatiir. ! eft, frutlam labiorucncOi;fiua«»
b Meiiitaûo cordis md in ' tiua^ Noniini ej.us«
fur les Comman démens de Dieu, 1 1 5*
Il nous efl absolument ncceffaire de prier Dieu , Se
de lui demander les chofes dont nous avons befbin ,
Se que nous pouvons efpcrer de fa bonté. Nous n'a-
vons rien que nous ne recevions de lui. Nous ne pou-
vons de nous-mcmes rien faire dans l'ordre du filut,
pas même former une bonne penfie ; tout nous vienc
de Dieu par J. C. Non quod [uj^cicntes fimiis cogitarc
aîiqtiid a nohis qitaft à nobis , Jed fiijjicientia nojïra es
Deo ejl p dit l'Apotre dans la féconde aux Corinthiens
ch. 3. C'eft ce be(t)in du fècours de Dieu, &: cette
indigence , qui portoient David à conjurer le Sei-
gneur de TafTifter. Vour moi , di(bit-il , je fuis -pauvre
& mifcrahle j ajjijîcz-moi , 6 mon Dieu ^.
Si iDieu communique quelques grâces fans qu'on les
lui ait demandées , il y en a beaucoup que Dieu n'ac-
corde qu'à ceux qui les lui demandent , comme font
l'augmentation de la grâce fàndifîante, le don de
perfcvérance dans le bien. Conjiat , dit S. Auguflin
au Livre du Don de la Perfévérance ch. i^. Deum
alia danda etiam non orannbus , ficm initium Fidei ,
alia non nifi orantihus praparajfc , ficut ufque in fnem
Î^erfeverantiam, Ce font ces grâces que S. Jacques dans
e ch. 4. de fon Epitre, dit que nous n'avons point,
parce que nous ne les demandons pas à Dieu. Nonha-'
heiis propter quod nonpojlulaiis. La prière efl donc un
moyen pour obtenir les grâces , fans lefquelles nous
ne pouvons arriver à la vie éternelle.
La prière efl: de précepte divin. Ce précepte nous
eft marqué par ces paroles de Notre-Seigneur en S.
Luc ch. 18. il faut toujours prier & ne fè lafler point
de le faire ^ , & par ces autres paroles du ch. 7. de S.
Matthieu , Tetiie & dahitur volais , Demandez 8c on
vous donnera. Fetere ^ dit S. Thomas 2. z. q. 83. art.
3. dans la réponfe à la z. objedion , cadit fuh prcscepto
rcligionis y qitod quidcm pritceptum ponitnr. M^.ttU, 7«
uLi dicitiir , Vsiiie & acciùieiis, C'efi: de-là que l'Egli-
fè , avant que de chanter a la iVlefTe l'Oraifbn Demi-*
d Ego vcio egeniis & paupc r
fiim , Deus , adjiiva me, tf.
e Oportet fempcr orarc •'k
non dcficerc.
fïï^ Conférences d^ Angers ^
jilcale , protefte que ceû fùivant l'inflruâion qu^ell^
a reçue de Dieu , & pour obéir à Ces Commandement,
qu'elle ofe dire : Notre Père qui êtes dans les Cieux.
traceptis falutaribus moniti , & divinâ injînutione for^
mati , audemus dicere.
Si J. C. nous a fait un précepte de la prière , il
îious en a donné l'exemple lui-Tnême pour nous ani-
mer, aufli bien par Tes avions que par Ces paroles , à
oblerver ce Commandement. Il a pafle une bonne
partie de (a vie en prière ; il n'entreprenoit rien d'im-
portant qu'il ne s'y préparât par la prière. Quand il
appella les Apôtres , il alla fîir une montagne pour
prier , & il y pafTa toute la nuit en prière ^.
Il n'efl pas facile de déterminer en quel tems le
précepte de la prière oblige. On convient pourtant
qu'on ell obligé de prier :
1. Lorfque l'on doit prévenir la tentation ou la
combattre. Qrandum ^ dit S. Auguilin dans le Traité
53. flir S. Jean , ne fucumhat înjtrmitas. Le Seigneur
nous l'a recommandé dans l'avertifTement qu'il donna
à fès Difciples au Jardin des Oliviers : Vigilate & orof
te j lit non iKtretis in tentationcm. Mattli. 26.
2. Loi-fqu'on doit s'exciter à la contrition. C'efîruîi
damnable orgueil , étant coupable de péché, que de
croire qu'on en obtiendra le pardon , fans qu'on prie
Dieu de nous l'accorder ; auffi J. C. nous a appris
à le demander : Dimhte nobis débita no/Ira. Les an-
ciens Géans , dit l'Eccléfiaftique ch. ré. n'obtinrent
point le pardon de leurs péchés , & ils furent détruits
a caulè de la confiance qu'ils avoient en- leurs pro-
pres forces s.
3. Lorsqu'on dait entreprendre quelque affaire im-
portante à la gloire de Dieu , ou qu'on e(l obligé
d'accomplir quelque commandement ; car quoique
les Commandemens de Dieu ne foient pasimpofli-
blés , & que nous les accomplillions fî nous- voulons >
/ Exiit in montem orare , 8t
€rat pcrnodans in orationc
Pci. Luc, 6.
S Non exoraverunt pro pec-
catis fuisantJquiGigantes , <î"î
Heftruâri funt , confidentes fuae-
vinuti.
fur les Commandemens de Dieu. 1 17
i^canmoins comme c'eft le Seigneur qui prépare no-
tre vo-lontc , il faut le prier pour l'engager à la pré-
parer , efpcrant que la ferveur de nos prières nous ob-
tiendra la facilité d'accomplir fes Commandemens.
Cermm eji , dit S. Auguftin dans le Livre de la Grâce
& du libre arbitre ch. 1 6. not mandata fervare Jî volu'
mus y fed quia pr^paramr volumas a Domino , ab illo
pctendum e/} ut tantum velimus , quantum jufficit ut vo-
lendo faciamus. Uhi difficultatem , dit le même Père
dans le Livre de la ^^ature & delà Grâce chap. 68,
aliquam fentiunt JideliJJïmis & ferfeverantijjîmispreci^
bus i & mifericordix promptis operibus facilitatem à Do'
mino impeirare perfijîant.
4. Lorfqu'on eft malade , affligé , perfécuté , qu'on
efl en danger pour l'ame ou pour le corps , en un mot,
dans les befbins extraordinaires , dans le tems d'af-
flidion & de calamité publique. Le .Seigneur nous en
avertit lui-même par la bouche du Prophète Roi. PfZ
49. Invoquez-moi dans vos affligions , & je vous en
délivrerai , Invoca me in die ajflicîionis , ô" eruam te,
Tobie (cç'ut bien mettre cela en pratique , fe lentant
piqué des injulles reproches que fà femme lui faifbit y
il pria le Seigneur avec larmes ^.
5. Lor/qu'on (c^^ait que le prochain efl dans une ex-
trême nécefflté fpirituelle. Priez, les uns pour les au-
tres , afin que vous foyez (auvés , dit S. Jacques dans
le ch. 5. de Con Epître \
Comme ces cas dans lesquels la prière ed de pré-
cepte , font alTez ordinaires , ceux qui demeurent
long-tems flins prier , pèchent par omifTion contre ce
précepte , & même quelquefois mortellement. Ceux
qui ne prient ni foir ni matin , vivent ordinairement
(ans Religion , comme des Athées.
Il faut prier (ans cefTe pour obéir au Seigneur ^^
L'Apôtre avertit les Theiïaloniciens de cette obliga-
tion : Sine intermijjîone orate. au chap. ^. Il recom-
mande la mcme chofv? aux Colofllens , chap. 4, OrAt
h Ingemuit , 3c cœpit orarc
^unr\ lacrymis. Tob, 3,
i Ontc pro inviccra ^ uî fal-
vemini,
h Oporret fcmpn orarc ^
non dcâ«cict
tl8 Conférences d'Angers,
tioni injlatê , vigilantes in ea. Saint Pierre nous doiiiie
Je même avis dans (a première Epicre ch. 4. Vigilate
m orationibiis, Aufii c'étoit la pratique des premiers
Chrétiens. Il eft dit au ch. i. des Ades qu'ils perfé-
véroient tous dans un même efprit en prières ^ ; ce
qui marque au moins l'obligation de prier fouvent.
Il n'eil pas néceffaire de louer ou prier toujours
Dieu de bouche , ou de penfer toujours aduellement
à Dieu. Les occupations indilpenfables de la vie ren-
dent cela impolfible , mais elles n'empêchent pas que
nous ne puifîions conferver toujours dans notre cœur
un déiir qui nous porte à nous unir à Dieu dans le
Ciel. Si ce déiîr lubfille toujours au fond du cœur , &
qu'il ne (bit point interrompu , notre prière eft con-
tinuelle , félon le fentiment de S. -A.uguilin dans la
Lettre m. qui eft la 130. de la nouvelle édition "\
C'étoit cette vie éternelle que David dé/îroit & de-
mandoît à Dieu : Unam peiii à Domino , kanc reqiii-
ram , ut inhabitem in domo Domini omnibus diekus vi-
ta mea. Pfàl. 26. Par ce défîr continuel de la vie éter-
nelle nous accomplifîbns à la lettre le précepte qui
nous a été fait de prier toujours ".
Pour empêcher que ce déiîr ne foit interrompu »
rien n'eft iî utile que d'élever fbn cœ'ur de tems en
tems vers Dieu par de courtes Oraifbns jaculatoi-
res , comme faifcient les Moines d'Egypte au rap-
port de S. Augulîin , Lettre lai. Ils avoient éprou-
vé , félon que l'ajlure Cafîîen dans le livre 11. de
rinflitution des Moines chap. 10. que ces (brtes d'O-
raifbns avoient une force merveilleufè pour nous te-
nir attachés à Dieu , & nous garantir des attaques
l Hi omnes eraftt perfeve-
rantes unanimiter in oratione.
m Quod ait Apoftolus , Sine
jntcrmiflione orate « quid eft
aliud (juàmbeatam vitam , qua
nu'la nili aercrna eft , zbeoqui
eam folus dare poteft , fine in»
termifTione defiderare?Semper
«rrgohancà Domino Dco àcCi-
n Ipfum defiderlnm tuiim ,
otatio tua eft , & fi continuum
dcfidcrlum, continua oratio...,
Quidcjuid aliud agasj fi defide-
rasillud fabbaturu , non ifiter»
mittis orare ;fi non vis inter-
mitterc orarc, noli inieriT.iiic-
re dcfiderare : continuum defi-
dcrium tuum , continua vo ^
lua eft. Au£* in i'f, 17»
fur les Commandemens de Dieu, t tçf
flu Démon °. Les Pfeaumcs de David font pleins
de ces Oraifons jaculatoires.
Notre prière ne doit pas ctre feulement vocale ,
11 faut néceflaireincnt que la Vocale renferme la
Mentale , pour être une véritable prière , car la
Prière de foi exige deux chofes. La première, eft
]a volonté ou le délîr d'obtenir ce qu'on deman-
de : prier Dieu fans ce dc/ir , ce n'eft pas le prier,
mais Ce mocqucr de lui. La (cconde , eft l'attention
d'cfprit à ce qu'on demande , & à. qui on parle.
Plier fans attention , ce n'eil pas honorer Dieu ,
mais manquer au refpeâ: qui lui eft du. On joint les
paroles à l'Oraifon Mentale , parce qu'étant com-
pofés d'un ame & d'un corps , il faut que l'une &
l'autre partie rendent à Dieu l'honneur qui lui efl
du , & il ne fuffit pas de croire que Dieu efl l'auteur
de tous les biens , il faut, le confeffer de bouche,
Adjungitur Vocalis Oratio , quafi ad ratîonem debiti ,
dit S. Thomas i. i. q. 83. art, iz. ut fcilicct homo
Deo ferviat featndlim ilîtid totùm qitod ex Deo habet ,
id efl ) non forum mente , jed etiam corpore.
On eil obligé de prier avec attention , car Dieu
fe plaint , par le Prophète IHiie , que fon Peuple
ne l'honore que des lèvres ; Se Notre-Seigneur le re-
proche aux Juifs , leur difmt dans le chap. 17. de
iaint Matthieu : Bene prophetavit de vobis Ifa'ias , di^
cens, Populus hic labiis me honorât , cor nutem eo-
rtim longe ejî a we ; il faut donc que le cœur foit
d'intelligence avec la bouche quand on prie.
L'attention n'eft pas feulement néceffiire dans
les prières d'obligation , mais encore dans celles qu'on
fait librement , parce qu'on efl toujours obligé de
parler à Dieu avec refpeâ:.
Il faut dire la même chofê de ceux qui afîîflent à la
MefTe , quoiqu'il fbit pourtant vrai qu'ils font moins
coupables que s'ils avoient obligation de l'enten^.
0 Utiliùs cenfent brèves qui*
idem fcd creberrimas orario-
njs ficri : ilhid quidcn , ut frc-
t^iicoûtts Dominum dcptcran-
tcj , iiiglrer eidem cohxrçrc.
po/Tiaïus : hoc vcrô ut iiifidian-
tis Diaboli jacuia fucciiUti
brcvua(e vitemus*
T^o Conférences £ Angers,
are ; c*efl pourquoi quand on s'accufe en coftfe/^
iîon d'avoir manqué d'attention en Tes prières , il
faut expliquer fî elles étoient d'obligation ou feule-
ment de dévotion.
Les diftradions , qui font des défauts d'attention >
ne font des péchés que quand elles font volontaires,
alors elles rendent nos prières tout-à-fait inutiles &
làns fruit, C'efl fe flatter mal-à-propos que de croire
que Dieu nous écoutera pendant que nous ne nous
écoutons pas nous-mêmes , & qu'il fè fouviendra de
nos demandes , tandis que nous ne penfbns pas mê-
me à ce que nous lui demandons, Quomodo te aU"
àiri fojluîans à Deo , cum te ipfe non atidias , dit S.
Cyprien dans le livre de l'Oraifbn Dominicale. Vis
ejjè Deum memorem tut cum rogas , quando tu ipfe
memor tui non fis. Si les diflradions font involon-
taires , Dieu a égard à notre foiblefTe , & nonobflant
ces diftradions , il ne laifTe pas de nous exaucer, S.
Thomas l'enfeigne ainfî dans l'art. 13. de la même
queflion , dans la réponfe à la troifieme objedion.
Si qtiis ex propofito in oratione mente evagetur , hoc
feccatiifn ejl , & impedit orationis fru6iiim . . . eva-"
gatio vero mentis qua fit prœter propofiaum , orationis
fru6ium non tollit.
Les diilradions peuvent être volontaires , ou en
elles-mêmes , ou en leur principe. Les diflradions
font volontaires en elles-mêmes , quand on penfe de
propos délibéré à autre chofe qu'à fa prière. Elles
îbnt volontaires dans leur principe , quand elles
font l'effet de la difïipation volontaire où l'on s'efl
laifTé aller , ou de l'amour du m.onde dont on efl
plein.
Pour éviter ces dernières diflradions , il faut pré-
parer Ton efprit avant la prière , comme l'Eccléfiaf^
lique le dit chap, 18 p. Cette préparation confifle
à fe recueillir en foi-même , banniffant de fôn efprit
•îoute affaire temporelle ; à fe mettre en la préfence
<le Dieu , l'appellant à notre fècours , comme fait
J'rEglife, qui avant que de prier a coutume dédire
f Ame or^tionena pra^pdra animam tuamt
A Dieu
fur les Commandemens de Dieu. 1 2 1
Ti Dieu. Dens in adjutoriiim tneiim intende , à pen-
fcr férieufementà ce (^u'on va faire, dirigeant Ton in-
tention à Dieu.
On n'efl pas oblige d'avoir continuellement une
attention adueile pour ne pas pécher dans la priera,
mais il fuffit d'avoir une attention virtuelle , qui n'eft
que l'attention aduelle , qui perlcvere moralement
juiqu'à ce que Ton ait révoquée par une diftradion
pleinement volontaire ; puifque ce ncïi que par la
vertu de la première intention que l'on continue de
prier. Now ex necejjîtate rcquiritur , dit S. Triomas
z. î, q. 85. art. 13. quod attentio adjit orationi fer
totiim , fed vis primée intentionis qud aliquis ad oran-^
dum accedit , reddit totam orationçm meritoriam , Jiata
in aliis meritoriis aClibus.
Saint Tiîomas dans le même endroit, enfèigno
qu'il y a trois fortes d'attentions qu'on peut avoir eit
priant; car on peut premièrement faire attention
aux paroles pour les bien prononcer, & n'en point
oublier. Cette forte d'attention eft néceflaire poun
la prière vocale , fi bien qu'on ne flitisferoit pas à
celle qui feroit d'obligation , fi on parcouroit un Li-
vre de prières feulement avec les yeux fans remuée
la langue. Mais cette attention ne fuffit pas , parce
que la prière ell: un Ade de Religion , & une éié-
vacion de l'efprit à Dieu, ce qu'elle ne peut ctre
avec la feule attention aux paroles ; c'ell pourquoi
le Clergé de France a condamne dans rAlfembiée
de 1700. cette Propofîtion. Prcecepto faiisfacit qui
volumarie labiis tanilim , non aiitem mente , orat.
Secondement , on peut faire attent'on au fèns
des paroles, & cette attention n'efl pas néceflaire,
car autrement les perfbnnes fimples & les femmes
ne prieroient point, quand ils réciteroient quelques
prières en langue latine,
Troifîémement , on peut faire attention à Dieu qu'on
loue &: qu'on prie, pour en obtenir quelque grâce.
Saint Thomas , dans l'endroit qu'on vient de citer y
croit que les plus /impies peuvent avoir cette at-
tention , qui efl tellement néceffaire , que la fé-
conde attention n'efi pas ruffiiknte fans elle; ainlî
Toms 1% F
122 Conférences à' Angers ;
un Cîerc qui lirolt fôn Bréviaire feulement pouf
s'inflruire, ne làtisferoit pas à l'obligation qu'il a de
le dire. Tertia , dit S. Thomas , c^uâ auenàitur ai
fnem orationis , fcilicet , ad Deum & ad rem pro qud
cratur , qua qtiidem efl maxime neceffaria , & hanc
etiam pof,unt habere idiotœ, La raifon qu'on rend de
la néceffité de cette troifieme attention , c'eft que
la prière ell une demande qui fait connoitre à Dieu
les delirs de notre cœur, le fuppliant de les exau-.
cer.
Nous devons demander à Dieu dans nos prières ,
îa vie éternelle , & tout ce qui ell un moyen né-
cefTaire pour y parvenir , par exemple , la rémiffion.
de nos péchés, les Vertus Théologales & Morales,
la grâce d'accomplir dignement les Commandemens
ée Dieu & de TEglile & les devoirs de notre état ,
le bon ufage des grâces & la perféverance dans le
bien. Quœrite ■primum Regnum Dei & Jujlniam ejus,
C^ lîcec omnia adjickmur vobis. Matth. 6, C'efl-là
notre bien , c^'eft-là ce que nous devons défîrer , c'ell
la fin. où nous devons tendre '3.
Pour les choies qui peuvent nous conduire au
Royaume de Dieu & à la Jufiice, mais qui ne iont
pas un moyen nécefïaire pour y arriver , comme
lônt toutes les choies temporelles , les biens , les
avantages, ioit de feiprit, foit du corps, de la na-
ture ou de la fortune ; il ne faut ni les fbuhaiter,
ni les demander à Dieu qu'autant qu'il conncît qu'el-
les nous conduiront à lui , & qu'elles contribueront
a notre faiut éternel ; /î nous les défîrions ou les
demandions pour elles-mêmes uniquement , nous
nous éloignerions de Dieu , & nous nous propoie-
rions deux fins dernières , comme dit S. Augudin ,
uu même endroit, chap. 17 '^^
ç Regnum ergo & Juftitîa ' ria . . . . ne cùm ifla qiiaeratis
Dei, bonum noitium cft, & i illinc avertaiT,ini , aut ne duos
hoc appctendum, & ibl finis j fines condituatis , ut & Rcg-
conftKuendus. Au;:. L 2. ds num Dei vr<^|"fr fc appetatis
f'.rm, Dcjniniin Monte c, 16. ' & ilta netcliaria , fed hzc po-
r Non dixit , deinde ifta j tius piopier illudo
^userite , g_uamvi5 fini neccûk- i
fut les Commandemens de Dieu. 125
Quelque choie que nous demandions à Dieu «
il fiiut la lui demander au nom de J, C. c'eft-à-
dire, par Tes mérites Se en union evcc lui; car il
n'y a point d'autre Nom en qui nous puKfions être
fauves : il eu. notre Médiateur, c'eft par lui que nous
avons accès auprès de Dieu. S.Pierre nous ledit dans
lech. 4. des Ades des Apôtres, & lainr Paul dans la
première Epltre à Timothée au chap, z.
rjMiMj II ■■■ I wr-mxtmt'rmkmu.uia
III. QUESTION.
Qiieft-ce que V Adoration ? Combien y en a-uil
de fortes , Cr nous efl-eile commandée par
le premier précepte du Décalogue ^
L'Adoration, généralement parlant, ell une a<f^ion
extérieure d'abaiflement, & de refped , par la-
quelle on révère Texcellence de quelqu'un , qui eft
élevé au-defTus de nous.
Le terme à'adorare , d'où les François ont fiu't
celui d'adorer , ne fignifie pas toujours cette Ado-
ration fuprcme, qui n'eft due qu'à Dieu feul , la-
quelle efl proprement un afte de Tame , par lequel
i'Iîomme, en conhdérant d'un côté fa baiïefle & (à.
milere, &de l'autre la Maieilé infinie delà Divinité,
s'humilie profondément, s'anéantit devant Dieu, Se
donne des marques extérieures de cette humiliation
par fès proilernations : c'efl pour cela qu'on l'appelle
Adoration de Latrie , d'un mot Grec qui /îgnifie
«ivoir une grande frayeur, ce qu'infpire la prélènce
d'un objet parfait & infini, comme efl: Dieu. C'ell
en ce fens qu'il eft dit en S. Matthieu chap. 2. que les
Mages Ce profternanc en terre , adorèrent l'Enfanc
Jefus ^.
Le terme d'^ior^re, fignifie aufTi s'incliner, Ce prol"^
ïerner, & témoigner par une pofluro humble & fou»
a Et procidciucs } adoraverunt cuju*
F {]
124 Conférences d^ Angers l
mife , les fentimens refpedueux que Ton a pôui*
quelque perfonne élevée au-deffus de nous, ou pour
quelque créature qui mérite par fes perfedions no-
tre vénération. C'eil dans ce lens que l'Ecriture {àinte
dit au chap. z-^. de la Genefe qu'Abraham adora
les enfans de Hetli ^. Et dans le 3. livre des Rois
chap. I. que Betfàbée s'inclina profondément devant
David , & Tadora. Inclinavh fe Betfabée » & adoravit
Regtm. Cela vient de ce que le mot adorare , ligni-
fie félon fon étymologie autant que ii l'on difoit ,
ûd es marmm applicare , mettre la main à la bou-
che , c'e(l-à-dire , baifer la main pour fàluer. Grotius
fameux Protefîant en demeure d'accord flir le fé-
cond Commandement du Décaiogue. S. Grégoire
de Nazianze dans i'Oraiibn 38. & S. Jérôme dans
le Livre 3. de fon Apologie contre Ruflice, & dans
la Lettre à Marcelle, ont pris l'adoration en ce fens.
Ce n'eft donc pas par le terme à'adorare qui peut
avoir pluiieurs fens , qu'il faut Juger de la Foi de
i'Eglifè , quand on le trouve dans les prières publi-
ques, mais par le fens que l'Eglife y donne & par
ia déclaration fblemnelle qu'elle fait de fa créance ;
cependant il faut demeurer d'accord que le plus fou-
vent on emploie les termes à'adorare & d'adorer , pour
fignifier l'honneur & le culte fbuverain qui ne font
dus qu'à Dieu, Cela efl venu , comme quelques-uns
prétendent , de ce que les Payens dans le culte qu'ils
rendoient à leurs Dieux , portoient la main à la bou-
che , comm.e remarque Pline en fon Hifloire na-
turelle , au livre z8. ch. 2. C'eil pour cela que Job,
ch. 31. dit que fa bouche n'a point baifé fa main
pour adorer le Soleil & la Lune. Si vidi folem cum
fulgeret, & lunam incedmtem clarh,, ,& ofculatus fum
manum meam ore meo.
On peut donc appeller Adoration non-feulement
le cuite , par lequel nous reconnoilîbns la fbuverai-
ne Majeflé de Dieu , & lui marquons notre foumif^'
iîon & notre dépendance , mais aufTi le refpcâ 8C
h Siirrexit Abraham, 8cz(^o- | cîelicet Heth,
ravit populuip tetrse Filios vi-
fur les Commandemens de Dieu, 12 j
là vénération que nous tcmoignons à quelque créa-
ture à caule de (on excellence. On remarquera ,
qu'il n'eft pas dit dans le l'^^ Commandement qu'on
n'adorera que Dieu feul ; mais qu'il eft dit , qu'on ne
fervira que Dieu feul. S. Auguftin , queftion ii. fut
la Genefe, nous avertit d'y prendre garde ^*
Lorfque l'excellence que nous révérons en une
créature, n'eft que corporelle 8c politique, cette ado-
ration n'ell qu'un ade de civilité & un fàlut ref-
pedueux , & non pas un ade de Religion. Tel efl
l'honneur que nous rendons aux Rois & aux Souve-
rains. Mais {{ nous honorons une créature à caule
d'une excellence Spirituelle & par rapport à Dieu ,
cette adoration efl un culte religieux.
Il ne faut pas juger de ces diverfès adorations pac
la pofture du corps de celui qui les rend , mais pac
les fentimens de fbn ame ; car quoique la poflure
du corps (bit la raème dans ces adorations, on doit
avouer que les (entimens do l'ame y (ont extrême-
ment diftérens. Dans l'adoration qu'on rend à Dieu,
l'ame s'anéantit devant le Créateur ; dans l'adora-
tion qu'on rend à la créatu'-e , l'ame exprime feu-
lement les fentimens de refpeâ: & de vénération ,
que l'élévation ou l'excellence de quelque créature
excite en elle.
Il y a trois (brtes d'adorations , qui (ont de vé-
ritables ades de religion ; (Ravoir , celle de Latrie >
dHyperdulie , & de Dulie.
Nous donnons le nom éC Adoration de Latrie au
culte qu'on rend à Dieu comme au premier principe,
au Conservateur & à la dernière fin de toutes les
créatures : par ce culte nous reconnoiffons la diC-
tance infinie qu'il y a entre fa Majedé & notre néant ^
& la dépendance continuelle que nous avons de lui
dans l'ordre de la n;iture & de la grâce. Ce culte ne
peut être rendu qu'à Dieu feul, fuivant ces paroles
de J. C. en S. Matthieu ch. 4. Deum timm adora-.
c Animadvertcndiim eft in
eoJem prxccpto , non didum ;
Dorr.iniim Dcura nnim folum
^dorabis , ficiu divlumelt, Ci
illi follfcrvies. . . . .talisenîm
fcrvitus nonnifi Deo dcbctiir ,
imdc damnancur idololatr.v.
F iij
'1^6 Conférences d^ Angers ^
his y & ilîi foli fervies. Comme la Majeflé de Diea
eft infiniment au-delTus de toutes les créatures , il efl
jufte que Thcmme rende à Dieu un honneur fîngu-
iier.
Quoique l'Ecriture (âinte fe ferve tantôt du mot de
Latrie , & tantôt de celui de Dulie ^ pour marquer
le culte qu'on rend à Dieu ; néanmoins comme
3Î0US n'avons ni dans la langue Grecque , ni dans la
Latine, ni dans la nôtre, aucun terme propre, qui
exprime nettement le culte fîngulier que la Majellé
<de Dieu mérite qu'on lui rende, l'ulage de FEgli-
fè a été d'appeller ce culte V Adoration de Latrie ,.
& de donner le nom de Diilie au culte religieux que
Tious rendons aux Anges & aux Saints , entant qu'ils
iônt les amis & les ferviteurs de Dieu ; car l'hon-
neur qu'on leur rend ne peut être appelle religieux ,
qu'à caulè qu'il le rapporte JiécefTairement à Dieu
«comme à fa lin.
Nous apprenons de S. Auguflin, liv. lo. de la
Cité de Dieu, chap. i. que cet ulage étoit établi
dès (on tems. Hic ejl Divinitati , dit ce Père , vel
jl expreJfÎHS dicendum ejî , Deitati debitus ctiltus , prop^
ter quem uno verbo fignif.candum , quoniam mikifatis
idoneum non occurrit latihum , grceco uhi riecejje ejl in-*
Jîniio quid velim dicere. Latriam quippè nojîri , ubicum-
que [antiarum fcripturarum pojitum ejl , interpretati
funt fer-viiutcm. Sed ea fervitus qux debetur kcmini-
hîîs j fecundîim quam pmcipit Apojhlus fervos dcminh
fubdiios ej[e debere , alio nomine grcecè nuncupari foleu
On nomme Hyperdulie le culte qu'on rend à la
£àinte Vierge. Comme la qualité de Mère de Dieu la
relevé au-delTus de toutes les autres créatures , 8c la
fait même révérer des Anges & des Saints d'une ma-
nière toute particulière , les hommes l'honorent d'un
culte fpécial. C'efl pourquoi on donne à ce culte le
nom à'Hyperdtdie.
Par ces paroles du chap. îo. de l'Exode , Non
hahelis dcos aliènes corc.m me ^ Dieu nous ordonne
de l'adorer & de le fervir lui feul , c'ell- à-dire, de
lui rendre l'honneur & le refpeâ: que nous lui de-
vons 5 conutne ium feul notre Créateur , notre
fur les Comman démens de Dieu, 127
(ouverain Seigneur, FAuteur & le Maître de tous les
biens. Le fcns de ces paroles nous a été expliqué par
J. C. quand il dit au Démon , Scripiim ejî : Dominum
tiiumadorabis y & illi foli [ervia y Matth. 4. Aufli l'on
propofè ordinairement le premier Commandement
du Décalogue, en ces termes. Un feulDku tu adore-,
ras & aimeras parfaitement.
Dieu s'ctoit fervi de termes négatifs pour com-
mander aux hommes de Fadorer 8c le fervir, parce
qu'il vouloir les engager à Fadorer lui feul , ce qui
lie Ce pouvoit mieux faire qu'en les détournant &
les éloignant du culte des faufîes divinités ; ainfî
le premier précepte du Décalogue en défendant aux
hommes le culte des Idoles , leur ordonne de rendre
à Dieu le vrai culte qui n'eft dû qu à lui feul. Il ed
donc négatif à l'égard de Fadoration des faux Dieux,
& afïirmatif à Fégard de Fadoration qui doit être ren-
due à Dieu.
On peut adorer Dieu en deux manières , inté-
rieurement & en efprit , ou' extérieurement & de
corps. Adorer Dieu intérieurement , c'eft lui Cou-
mettre notre efprit & notre cœur , & nous attacher
à lui comme à notre fbuverain Seigneur & Maître.
Adorer Dieu extérieurement, c'eft témoigner à Dieu
^ar quelques adions , ou par quelques mouvemens
de notre corps , le relpeét que nous avons pour Gl
grandeur infinie.
L'homme étant compofé d'un corps & d'une ame
qu'il tient de Dieu & qui lui appartiennent égale-
ment , il eft jufie que l'une & Fautre de ces deux
parties honore Dieu à Ci manière , & par conféquent
que par FabbaiiTement de notre corps , nous lui
proteiHons le refped que notre ame a pour Ci di-
vine Majeilé. C'ed dans cette vue qu'on doit fléchir
les genoux, étendre les mains, Ce proflerner con-
tre terre en adorant Dieu. Il faut que ces différentes
poflures du corps viennent de la révérence inté-
rieure qu'on a pour Dieu , & qu'elles augmentent
en notre ame le refped dont elle doit ctre péné-
trée , comme nous en avertit S» AuguHin dans le
F iv
'laS Conférences d'Angers ',
livre de cura gerenda fro Mortuis ^ chap. ^. ^ Si dans
le tems que nous adorons Dieu extérieurement aux
yeux des hommes, nous ne l'adorons pas intérieu-
rement au fond du cœur , cette adoration bien
loin d'ctre un aâ:e de religion , eft une efpece de
moquerie, & une pure illuiion. Ceux qui adorent
Dieu de cette manière , font des hypocrites & Açs
menteurs , parce que Tadoration extérieure n'eft que
le iigne de l'intérieure ; or témoigner extérieurement
ce qu'on n'a pas dans le cœur, c'eft être menteur
& hypocrite.
La vraie adoration telle que doit être celle des
Chrétiens , eft en efprit & en vérité , félon ces pa-
roles de Notre Seigneur , en S. Jean ch. 4, Ver't
Adoratores adorahunt Tatrem in ffirku ù" verùate.
On adore en elprit & en vérité quand les marques
extérieures du reipecf]: qu'on témoigne à Dieu ex-^
primient ce qui fe palTe dans le cœur , comme l'ex-
plique le Concile de Bourges de Tan 1584. ^ On
peut voir S. Thomas, dans la féconde q. 84. art. r.
Pour adorer Dieu en vérité , il faut en outre que
l'adoration loit exem.te d'erreur, c'eft-à-dire, qu'on
adore Dieu dans la manière qu'il vetit & qu'il doit
être adoré ; car encore qu'il n'y ait point de péché
à adorer le vrai Dieu , il peut y en avoir à l'ado-
rer d'une manière qui ne lui foit pas convenable r
par exemple , fi on lui offroit des fàcrifices remplis
•de cruauté, tels, que certaines Nations barbares en
offroient à leurs dieux, comme a remarqué faint Au-
guftin.
L'Adoration en efprit & en vérité , n'exclut pas
à Cùm bi motus corporis
fieri , n.ll motu anirai \ raece-
dente , non pofunt , eifdcm
rurfiis exteniis viniilittr fac-
tis , illc in erior inviribili<;
qui eos fecit auger'.ir, ac per
hoc coidis aff'eâiif , r.ui ut fie
rciu iHa , prxct (Tu , q<.ia ùxSi^
funt , crc'fcir,
t Vcr3 adoraîio in. fpuitu &
veritare efie débet. In rpîritu
quidem adônnt , qui n^'Cn is
alteclu Deum couint In veri-
tare , qui cuitu extericrc ô<. çiîs
operibîis mentis etfefti'.m tcf-
tantiir ôc exprim-jnr. Pc^rfcda
igituradoratio eft , cum anima
fiiTiui & corpore divine oblc-»
quio mancipamur»
fur Us Comman démens de Dieu, 129
l'ufage des cérémonies dans le culte de Dieu ; co
font des marques fenfibies de l'adoration que l'el^
prit rend à la fouveraine Majeftc de Dieu : elles font
ncceflaires, comme a remarque (aint Auguftin dans
le liv. 1.9. contre Faufte au chap. 11. pour entrete-
nir le culte extérieur qui eft dû à Dieu, auHi-pieiî
que l'intérieur : elles fervent à élever notre efprit &:
notre cœur vers Dieu : elles nous portent à la piété
& à la dévotion : elles nous conduifent aux chofes
fpirituelles qu'elles nous répréfentent, 8c dont elles
confervent la mémoire parmi les hommes , félon
la remarque de faint Auguflin dans la lettre iip. H
n'eft donc pas permis de faire des railleries des cé-
rémonies de l'Eglife : c'ellun péché contre la vertu de
religion.
IV. QUES-TION.
Quejl-ce qiion doit oh ferrer ou éviter dam
le culte des Saints ?
NO (j s (uppolons comme une chofê certaine Si
bien prouvée par les Controver/iiles , que l'hon-
neur qu'on rend dans l'Eglife Romaine aux Saints,
;i leurs Reliques & à leurs Images, n'efl en aucune
manière contraire au premier précepte du Décalo-
gue ; car la fin de ce précepte efl de défendre Ti-
dolatrie , qui n'cil autre chofè que de rendre à la
créature l'honneur fbuverain qui efl du au Créateur r
or les fidèles (ont bien éloignés de vouloir rendre
cet honneur aux Saints. Jamais on n'a prétendu les
adorer comme des Divinités , ce feroit une idala-
trie que l'Eglife Romaine n'approuveroit ni neto-
lereroit , Se qu'elle a toujours détefléc ; aufîi ho-
nore-t-elle comme Saints ceux qui font morts pour
combattre ridolatne & pour la détruire. L'EgJifê
permet feulement de rendre un culte religieux au>5
Saints j çoimne A des aaûs de Dieu ^i à des intet-
.'T^O Conférences à' Angers ,
ceffeurs qui le prient pour nous. Elle les honore li
caufe des grâces dont Dieu les a comblés , des vic-
roires qu'ils ont remportées fur la terre, de la gloire
dont ils jcuiflent dans le Ciel , & de leur union in-
time avec J. C. leur chef, auquel tout honneur Ce
rapporte. Ainfî en honorant les Saints, on honore^
le Seigneur même , comme a remarqué fàint Jérôme >
dans le Livre contre THérétique Vigilance Honc-
ramus rcliqaias Marïyrum j m eum ciijus funt Marty-
res adoremus. Honoramus fervos , uthonor fervorum
redundet ad Dcmînum. L'Eglife a rendu cet honneur
aux Saints dans tous les iîecles. Les Saints Pères &
îes Hiftoriens Eccléiiailiques en font foi. Vigilance
pour avoir parlé contre l'invocation des Saints, fut
ïraité par faint Jérôme, de Novateur & d'ennemi de
l'Eglife.
i''. En invoquant les Saints, nous ne devons pas
înettre notre efpérance en eux, mais en Dieu , jet-
îant dans (on (km toutes nos inquiétudes , parce
qu'il a foin de nous , comme nous en avertit (aint
Pierre en fa première Epître ch. 5. Gmnem folîici^
mdinem vejïram projkiemes in eum , quoniam ipji cura
ej} de vohis.
z^. Nous ne devons pas prier les Saints de nous
accorder un tel bienfait , ou une telle grâce ; nous
ne devons leur adreffer nos prières que comme à.
des patrons & à des intercelTeurs , qui feront écou-
tés plus favorablement de Dieu, parce qu'ils (bnr
plus jufîes & plus unis à J. C. que nous. Nous les
prions de nous aider de leur fècours auprès de Dieu,
êc de lui demander pour nous & avec nous par J. C,
ïes choies dont nous avons befbin ; mais nous ne
croyons pas qu'ils ayent la vertu ou le pouvoir de
îious accorder par eux-mêmes ces choies, au lieu
^ue nous regardons Dieu comme l'unique auteur de
ïîotre fàlut & de tous les biens Ipirituels Se tempo-
rels , qui feul peut par fa propre vertu nous accor--
cier lui-même ce que nous lui demandons , ain/î que
fai t Pierre nous l'apprend dans le ch. 3. des Aftes.
ei^ il attribue à J. C. la guérilbn du Boiteux qui
étTuan^oit l'au^nônç i h goijç du Tç^iplç^ tîunç
z
fur les Commandemens de Dieu, 13 î
UTït VOS vidijiis Ô' nojlis cotifrmavit Nomen ejus,
Tcrt pourquoi nous prions Dieu de nous donner les
biens, ou de nous délivrer des maux.
De-là vient, comme remarque le Catcchilme du
Concile de Trente dans la quatrième partie, ch. 6.
que nous ulons de deux formes de Prières fort dif-
férences. En parlant à Dieu, la manière propre de
prier eft de dire, V ar donnez-nous , comme le Seigneur
dans le cliap. 2. de Joèl ordonna aux Prctres de lui
dire, Ayez -pitit' de nous, Ecoutez-nous , Donnez-nous ;
mais nous nous contentons de dire aux Saints , priez^
four nous , hiiercédez pour nous. En quelques termes
que foient conclues les prières que l'Eglile adreffe aux;
Saints , Ion intention les réduit toujours à cette for-?
me.
30. Nous devons , fiiivant le Concile de Trente >
felf. a 5. au Décret de Tinvocation des Saints, prier
les Saints de nous obtenir de Dieu Tes bienfaits par
fbn Fils J. C. En effet , c'ed par J, C. & en (on.
Nom , que nous obtenons de Dieu les bienfaits que nous-
recevoiis par l'cntremife des Saints ; puilque les Saints
mêmes ne prient que par J. C. & ne font exaucés
qu'en (on nom. C e(l par cette railbn que l'Eglife
termine toutes (es prières par Jelus-Chri notre Sei-
gneur.
Quand on honore & qu'on prie les Saints dans
cet eîprit & de cette manière , on ne fait aucune
injure à J. C. Médiateur de Dieu & des hommes ,
comme le qualifie (àint Paul dans la première à Ti-
mothce, chap. z. Car quoique J. C. (oit le (eul Mé-
di?.Lcur ab(biu , par lequel nous pouvons avoir ac-
cès auprès de Dieu , parce qu'il nous a rachetés ,
cela n'empêche pas que nous ne puilfions avoir re-
cours aux Saints comme à des Médiateurs d'inter-
cellîon feulement, qui prient Dieu pour nous, s'ap-
pu) ant non fur leurs propres mérites , mais fur ceux
de J. C. par lequel eux & nous avons accès auprès-
du Père.
4^^. Lorfqu'en invoquant le (ècours des Saints orr
récite rOra:(bn Dominicale , Comme font ordinai-
rement \)is gens qui ne f^avent pas lire , ca ndi
F vj
1^2 Conférences â^ Angers l
pfas au:: Saints , mais à Dieu qu'on doit adreffer cette-
5)rlere. L'intention de celui qui la récite , doit ctre
félon le Catéchifiiie du Concile de Trente, part. 4.
ch. 6. de prier le Saint devant l'image duquel il eft à
genoux , de fe joindre à lui pour demander à Dieu
en fa faveur les chofès qui font énoncées dans cette
Oraifbn. Le -Concile de Cambrai de l'an 156). avertit
les Pafteurs d'en inlîruire leurs peuples.
5*^. Il ne faut pas fe perfuader qu'un Saint ait
tellement le crédit d'obtenir de Dieu la guérifon
d'une certaine maladie , qu'un autre Saint ne puifTa
împétrer de Dieu pour nous la même faveur. Cela
<eil fort éloigné du fèntlment de l'Eglifè. Cependant
comme Ton fçait que Dieu a rendu pluiîeurs fois
par l'intercelTion d'un Saint la fànté à des perfbn-
îies afuigées d'une telle maladie , on peut s'adrefler
plutôt à ce Saint qu'à un 2.utre , afin qu'il nous
aide de (hn crédit auprès de Dieu pour obtenir la
même fliveur , efpérant qu'il continuera de nous
donner des marques de fa proteftion ; car l'expé-
rience prouve que Dieu fait au tombeau d'un Saint
des miracles qu'il ne fait pas au tombeau d'un au-
îre Saint, comme faint Auguftin l'a remarqué dans
îa Lettre 137. qui ell: la 78. de l'Edition des Perea
Bénédidins , où il dit qu'il étoit de notoriété publi-
que qu'à Milan il fe faifoit de Ton tems aux tom-
beaux des Martyrs des miracles qui ne fe fiiifoient
pas en Afrique aux tombeaux des autres fliints Mar-
iyrs 3. Les Fidèles qui invoquent en diverfes m.aladies
divers Saints ne font donc rien en cela qui foit con-
tre la véritable dévotion , ou contre le culte qui eil
d-u aux autres Saints.
On honore les reliques des Saints , parce que
ce font les précieux reftes des corps qui ont été Le
Temple du faint Efprit , & qui doivent refrufciter glo-
rieux; & on peut dire que cet honneur efl approu-
ve dans l'Ecriture fainte , car nous lifons dans le
chap. 19, des Aâes des Apôtres , que les mouchoirs.
a Numquld non & Affica | pîcn^ eft r Et tamen niîfciujintt
fur les Commandçmcns de Dieu» 1 3 jf
qui avoient touche le corps de ù'int Paul cnint appll-'
qucs aux malades les gucriffoient de leurs maladies,
JVIais les Payeurs doivent veiller a ce qu'on ne mêle
aucune (uperflition dans ITionneur qu'on rend aux re-
liques des Saints. On doit y éviter tout fbupc^on d'a-
varice : c'eft un crline d'en vouloir faire un gain for-r
dide ; on fait tort par-là à la Religion,
On doit renfermer les reliques des Saints en des
Chafl'es propres , & ne point les en tirer pour les
faire voir à découvert. Nous avons lur cela une
Ordonnance du quatrième Concile de Latran (bus*
Innocei^t III. qui eil rapportée au chap. Clim ex eo ,
de Reliqiiiis & vcner. SanCl, dont voici les termes :
Cum ex eo quvd quidam Sanfiorum reliqiiias expommt
vénales & cas pajjïm ojlendunt , ChriJUaHie Religion
ni detracium Jît Jltpiiis , ne inpojlerum àetrahaïur ^pra^
Jcnti Décréta Jlaiitimus , tu a.niqUiV Reliqi'J^ amodo
extra capfum nullatemis oftendantur , nec cxponamur
vénales.
Il faut allumer des cierges- ou des lampes quand
on expo(e les reliques des Saints, & l'on ne doit
point (ouffrir que les femmes foient aflifès proche
des Reliques qui font expod-es à la vénération du
Peuple. C'eft aux Eccléfiadiques & non point aux:
Laïques à les porter dans les Prières publiques.
Nous pouvons, (ans craindre de tomber dans Pi-
dolatrie, révérer les images des Saints. Dieu n'a ja-
mais défendu, dans l'ancienne Loi, que les Images
ou les Statues faites pour être adorées , ou celles qui
pouvoient induire le Peuple à l'idolâtrie ; mais com-
me nous avertit le Concile de Trente dans le Dé-
cret que l'on vient de citer, il ne faut pas s'ima-
giner que dans les images des Saints que l'Eglife
expofe à la vénération du Peuple , il y ait quelque
divinité , ou quoique vertu intérieure qui nous Tes
faffe révérer ; on ne doit pas en attendre quelque fe-
cours , ni y mettre (a confiance, comme les Payens
la mettoient dans leurs Idoles , ce (croit offenler
grièvement la divine MajeOé. Dei Majeflatem vehe^
menter lœdi perfpicutim ej} , dit le Catéchiline de ce
Coiiciie dms la troi/Ieine partie chap, i,Jl crçdaim
t54 Conférences d'Angers^
înejfe in Imaginibus aliqua divinhas & virîus prop-i
ter quamfim coîendœ , vel quod ab eîs aliquid Jit pe-
Undum , vel quod fïducla Ju in Imaginihus fgenda ^
velmi olim febat à Gentibus , qux in Idoiis fvim [tiam
collocabant,
Ainfî lorfque nous prions devant Fimage d'un Saint ,
ce n'efl pas à cette Image que nous adreffons notre
prière , mais au Saint qu'elle repréfente ; & quand-
nous honorons l'image d'un Saint , notre intention
ïi'ell: pas d'honorer l'image , m.ais d'honorer en pré-
fènce de l'Image Ion Original. L'honneur que nous
rendons aux images des Saints le rapporte telle-
ment à leurs Origmaux, que par le moyen des Ima-
ges que nous baifbns , & devant lefquelles nous nous
mettons à genoux , nous adorons J. C. & hono-
rons les Saints dont elles Ibnt les reflemblances ,
comme l'enfèigne le Concile de Trente dans le Dé-
cret de la feiTion 2,5, touchant l'invocation des
Saints.
Il faut empêcher qu'on ne peigne ou qu'on ne
pare les images & les figures des Saints d'une ma-
nière indécente , inufitée & extraordinaire , & avec des
ornemens qui Tentent la mollefTe & la dilTolution du
fîecle, & faire en Ibrte qu'il n'y ait rien de profa-
ne & de malhonnête dans les Eglifès , comme ibnr
les tapifferies ou tableaux qui repréièntent des nu-
dités indécentes, des hiiloires profanes-, ou apocry-
phes , ou contraires à la tradition de i'Eglife , ou les
fauffes divinités du Paganilme.
Le Concile de Trente ne veut pas qu'on mette
dans les Eglifès ou dans les lieux fàints aucune Ima-
ge nouvelle & extraordinaire qu'on n'avoit pas cou-
tume d'y placer , qu'elle n'ait été approuvée par l'E-
vêque , quand même on voudroit la mettre dans une
Egiife exemte de la Jurifdidion de l'Ordinaire.
Statuit fanÛa Synodus nemini licere ullo in loco , vel
Ecclejîâ etiam qucmodolihet exempta, ullam infolitani
•ponere vel ponendam curare imaginem, nift ab Epifco-
-po approbata fuerit. Par ces images inlblites , on n'en-
tend feulement pas celles qui repréfentent quelquer
ehoft profane ;, iùperiUùeiiTs ou fauITe j mais iufli-
fur les Commandanms de Dieu, 155^
telles qui représentent des hommes morts en odeuL'
de fainteté , que l'Eglife ii\i piis reconnus poui:
Saints.
Il ne faut jamais placer dans les Fglifes aucune
image ou figure de J. C. de la (Irinte Vierge , ou
des Saints , qu'elle n'ait été bénie de la manière
prefcrite par le Rituel de chaque Diocelè.
Dans les Images ou figures des Saints qu'on pla-
ce dans les Eglifes pour y être révérées, on ne doit
point afFeder d'imiter les traits de certaines perfon-
ncs particulières, ou vivantes, ou mortes, peur les
reprélcnter au naturel fous les ornemens, ou fous les
rltres des Saints.
On doit ôter des Eglifes les images & les figu-
res des Saints qui font diftbrmes par leur attitude,
ou leur ftrudure , ou leur vétufié. On ne doit pas
enluite s'en (ervir à des ufàges profanes : mais fi la
matière en eft de toile , de carton , ou de bois , on
doit les brûler & en jettcr les cendres lôus le pave
de l'Egli'e. Si ce fi^nt des figures de terre ou de pier-
re , on doit les enfouir dans l'îvglife , ou au moins
dans le Cimetière. On trouve fiir cela des réglemens
dans le premier & le quatrième Concile de Milart
fous làint Charles, & en pluf^eurs autres qui ont été
tenus depuis le Concile de Trente : fcavoir , en ceirx:
de Tours, de Reims , de Bourges , de Toulouse , d'Aix
en Provence , de Narbonne 5 d'Avignon , d'Aquilce ^
de Malines.
'^'-^>^
11^6 Conférences d'Angers^,
RE S U LTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
LES COMMANDEMENS DE DIEU.
Tenues au mois d'Août 171 3.
PREMIERE QUESTION.
Quels font les péchés contraires à la venu de
Religion ? Quefî-ce que la Superftition ; eji^
elle condamnée par le premier Commande^
ment du Décalogue f
IL y a quatre péchés parnculicrement contraires à
la vertu de Religion, qui (ont la Superftition, le
Sacrilège , Tlmpiété & la Tentation de Dieu. Ces
péchés lui fbnt oppcfés ou par excès ou par défaut.
Nous les examinerons les uns après les autres.
La Superltition , Pjion Ladance livre 4. des Infîitu-
îicns'Divines cli. ^S'. eil un faux culte; S. Auguftin
dans le livre de la vraie Religion ch. 5'5. Tappelle
le culte & le triomphe des Démons, Le Concile de
Trente, Seffion iz. au Décret. De obfervnndis & evi-
îûndis in cddraiioiie MiJpSj dit que c'ell la fauffe imi-
tatrice de la Piéié ; feicn quelques Théologiens , c eii
un çultç Yain ^ iiiuriie ou ù^ingereux^
fur les Com?nandemens de Dieu» 1 3 7
Tous conviennent que la Superfticion e(l un vice
oppofc à la Religion. Cette vertu nous apprenant à
rendre à Dieu le culte que nous lui devons. S: à le
lui rendre d'une manière digne de lui, empêche que
nous rendions à la créature un honneur qui n'efl dTi
qu'au Créateur. La Superftition au contraire rend à lu
créature l'honneur fouverain qui n'ed du qu'au Créa-
teur ; ou fi elle le rend au Créateur, ce n'efl pas de
la manière qu'il le veut & qu'il lui eft dû. C'efï de-là
que S.Thomas, 2. z. q. 5?i. art. i. dit que la Super(^
lition eft un vice oppofé à la vertu de Religion par
•excès. Ce n'eft pas que la Superftition rende plus
d'honneur à Dieu que la vraie Religion , ou qu'on
puifTe rendre à Dieu plus d'honneur & de relped qu'il
ne mérite , puifque fa Sainteté Se (a Majefté étant in>-
finies , il elT: infiniment plus digne d'honneur & de
refped que les créatures ne lui en peuvent rendre ;
mais c'eft que la Superftition rend un honneur divin à
qui elle ne le doit pas , ou de la manière qu'elle ne
doit pas; car, comme nous venons de dire, ou elle
rend à la créature un honneur fouverain en i'adoranc
ou lui offrant des (acrifîces comme C\ elle étoit une
Divinité , ou elle rend à Dieu l'honneur (ouverain
qui lui eft du , mais d'une fa ;on qu'elle ne le doit pas ,
& qui n'eft pas agréaijie à Dieu , comme le feroient
ceux qui voudroient encore ufer des cérémonies des
Juifs dans la Religion Chrétienne. Voici les termes de
S.Thomas. Sitperjtiiio eft vitîum Religioni oppojitumfe'
cunù.m excejjum 3 non quia plus exhiùeat in cuttum dt-
'vinum quc^m vera Religio , fed quia eshihet cuUum di-
vinum, vel cui non dc'et, vel eo mjio quo non débet.
La Superftition eft de foi un péché mortel. Moifè
nous le fait comprendre dans lech. 8. du Deutérono-
lîie, où après avoir fait le dénombrement des Su-»
perftitions qui étoient alors les plus u/itées parmi les
Payons, il dit que Dieu a en abomination toutes ces
chofes, & qu'il exterminera ces Peuples à caufè de
ces fortes de crimes. L'ignorance & l'inadvertcnce
peuvent pourtant faire qu une pratique fuperftitieufe
ne foit qu'un péché véniel.
On diftingue jufqu'à fix fortes de Superftitions î
138 Conférences d!j4ngers j
fçavoir , le Culte indu , Tldolatrie , la Magie , le Ma-
léfice , la Divination & la vaine Obfervance. On peut
fubdivifèr ces (uperliitions en piufîeurs efpeces , que
nous rapporterons ci-après.
Toutes ces fortes de Superftitions nous iont défen^
dues par le premier Commandement, par lequel Dieu
nous ordonne de n'avoir peint de dieux étrangers en
fa préience , & de ne point rendre à d'autres l'honneur
qui lui ell dû a. Voilà pourquoi S. Auguftin , dans le
liv. 2. de la Dodrine Chrétienne chap. 10. parlant des
Superftitions en générai , dit qu'elles comprennent
tout ce qui fe fait à l'honneur des Idoles , ou des créa-
tures qu'on regarde comme des Divinités ''^.
Dès-ià que toute forte de Superllition eft un vice
oppofé à la vertu de Religion que Dieu nous com-
mande par le premier précepte du Décalogue, il n'y
a nul doute que ce vice ne ioit défendu par le même
précepte. Si quelqu'un en doutoit, on pourroit ajou-
ter que toute Superflition étant une efpece de (bciété
avec le Démon , elle (uppofè un pade exprès ou du
moins tacite fait avec lui. D'où vient que S. Auguflin
dans le même livre de la Dodrine Chrétienne , chap.
io. 21. & 23. appelle les Superllitions VaCla cum
Dari.ombîîs placita atque fœderata j pa^ia Ù" conventa
ex quadam fejîifera focistate Hominum Ô' Damonum,
Or par le pade on reconnoitle Démon pour martre >
on le réduit en lervitude Ibus (on joug , on 1 honore,
& on abandonne le vrai Dieu ; comme s'en plaint S-
JuHin Martyr dans la première & féconde Apologie
pour les Chrétiens , & après lui S. Cyrille de Jérulâ-
lem dans la première Catéchefe Myftagogique. Au"
gii*-îa , dit ce Père , divinationes , cmina aut amuleta ,
autinfcripiones in foliis , aut alîiX malœ artes j & criera
hujufmodi , cultus Diaboli funt. On ne peut donc pra-
tiquer aucune Superftition fans violer le premier Com-
mandement du Décalogue , qui nous ordonne de ren-
dre à Dieu feul le véritable culte qui lui eu dû.
a Non habebis deos aliènes
coramme. Exod. 20.
b Supeiftitiofum efl quld-
Suid inftiuitum cft ab homini-
bus ad facieada&colenda Ido-
la , pcrtinens vel ad colcndum
ficut Deum creaturam f aitcia»
ve ullam. creauirsc.
fin' Us Commandement de Dieu, 139
Ajoutez que la Superflition eft une efpece d'Ido-
lâtrie : car les Superditieux n'adorent pa<; le vrai
Dieu , mais les phantônies que leur imagination a for-
més. S. AuguQin en a porté ce jugement dans le Li-
vre de la vraie Religion ch. 38 '^.
On ne peut en aucune manière tolérer parmi les
Chrétiens les pratiques fuperftitieufès , car nous ne
pouvons boire le Calice du Seigneur & celui des Dé-
mons , TApotre nous le défend dans la première Epi-
tre aux Corinthiens chap. 10 '*. Aufïi l'Eglife nous
fait renoncer à Satan , à fcs oeuvres & à (es pompes ,
avant que de nous conférer le Baptême.
Les Saints Pères & les autres Auteurs Eccléfîafti-
ques ont regarde dans tous les fiécles les Superflitions
comme des relies du Paganilme, oppofées à la pureté
de la Foi Chrétienne, & comme une invention du
Démon , qui veut avoir des adorateurs & une religion
à fà mode , & qui tâche de tromper les fîmples , &
de les détourner par les artifices , de l'obligation qu'ils
ont de recourir à Dieu dans letlrs adverlîtés 8c dans
leurs besoins. C'eft pourquoi les Conciles traitent ceux
qui ajoutent créance à ces (brtes de vanités, & qui les
Ïiratiquent , comme des Apoftats qui ont renoncé à
eur Baptême & à leur Foi pour Ce loumettre à l'em-
pire de Saran. Ils veulent qu'on les chaiïe de raffem-
blée des Fidèles. Le S9. canon du quatrième Concile
de Carthage , l'ordonne expreflément ^.
Le Concile de Paris de l'an 815». avertitles Princes,'
liv. 3. ch. 1. qu'ils doivent punir d'autant plus rigou-
reulementles Superflitieux , que ces miférables ont la
malice & la témérité de ne point appréhender de (èr-^
vir publiquement le Démon f.
c Efl enim aliiis dcterior &
inferirr cultns nmiilachrcriim ,
quo pliantafmat? fiia colinit ,
& c^iiid jiiid animo errante ciim
fiiperbiâ v-1 temerè cogitando
injaç^inati fucrint , reJi§ionis
nomine obfervanr»
d Nolovos fieri focios dsr-
inonioruQî ; non potcftis cali- ma niaia , tjux ex litu Geniir
cem Dominl bibere & calice»
dxmoniorum.
e Aiiptiriis vcl incantationi-
bus fcrvitnrem à conveuru Ec»
cîe!îx fcparandiim , (îmilitcr &
fupcrfiitionibiis Jiidaicis, vel
fcriis inlifrcnrem.
/Ext.'int & alla pemiciofidî*
1^0 Conférences d'Angers,
Les anciens Canons pénitentiaux , publiés par An-
toine Augiiftin , ont prefcrit diverfes pénitences à
ceux qui pratiquoient des Superditions. Les Papes
Léon X. Adrien VL Sixte V. & Grégoire XV. ont
prononcé différentes peines contre eux dans les Bul-
les qu'ils ont faites flir cette matière.
Plufieurs Conciles provinciaux qui ont été tenus
dans les deux derniers iiécles , tant en Fmnce qu'en
Italie & en Allemagne , ont jugé que le principal foin
des Evéques , étoit de prendre garde que les Héré-
lîes , les Sortilèges , les Charmes , en un mot, les
Superllitions n'eulfent aucun cours dans leurs Diocè-
fès ; c'efl: pourquoi ils ont recommandé aux Evéques
de s'informer exadement de ces crimes dans leurs vi-
fites : ils ont enjoint aux Fidèles de déclarer à leurs
Evéques les Magiciens , les Sorciers , les Enchan-
teurs , & les autres peribnnes qui u(ênt de femblables
Superllitions ; & ils ont fait des Réglemens pour dé-
raciner entièrement toutes les Superftitions qu'on
pourroit découvrir. Mais quelques efforts que l'Egliie
ait fait pour les exterminer , cela n'a pas empêché
que quelques-unes ne fe fbient tellement enracinées
parmi les peuples , qu'elles y caufènt encore du dé-
Ibrdre ; c'efl ce qui a engagé de nos jours plufieurs
Evéques à faire de nouvelles Ordonnances pour dé-
truire enfin toutes les pratiques lliperflitieufes. On
peut voir à ce Cu'ei les Ordonnances & Inilruflions
Synodales de M. Godeau Evéque de Grafre& deVen-
ce , de M. Joli Evéque d'Agen , de M. de Clermont-»
Tonnerre Evéque de Noyon , de M. le Cardinal le
Camus Evéque de Grenoble , de M. d^Aranthon d'A-
lex Evéque de Genève , &c.
On ne peut apporter trop de loin pour extirper
cette forte de crime 5 car c'efl par les Superllitions
lium remanfîfTe dubiiim non
efl ; ut funt Ma^i , Arioîi ,
Sortilegi , Venefici , Divini ,
Incantatores , fomniatorum
Conjedores , quos divina Lex
jrretraâ:abi!iterpuniri jubet.,,.
f^ui uï fuerinî hujufmodi ccm-
pertivirî feufœminx intantùra
difciplinâ & vigore Piincipis
acriiiscorrigendi funr,in quan-
tum manifcftius aufu nefando
& teir.erario, fervire Diabolo,
non metuunt.
fur les Commandemens de Dieu* 14 1;
îjue le Démon rentre en pofTenion des âmes des Chré-
tiens , dont il avoit été chaflc par le Baptême qui les
avoit fait enfans de Dieu. (>'eft par les Superfiitions
qu'il oblige les Chrétiens de renoncer aux vœux fo-
lemnels de leur Baptcnie. C'eft par les Supenlitionç
qu'il leur fait perdre l'efpérance qu'ils doivent avoir
en Dieu , pour la leur faire mettre en des vanités plei-
nes d'iJlufions Se de menfonges : enfin , c'eft par le?
Superftitions qu'il les fait tomber dans des crimes
énormes qui les afTujettiirent à des peines ctcrnelles.
II. QUESTION.
De quelles règles peut-on fe fervir pour connoltre
iily a de la fuperjlition en quelque chofe , &*
que doit-on faire pour arrêter le cours des
fuperjîitions f
Voici trois règles qu'on peut proposer à ce (iijet ,
dont la première Ce prend du côté de la caufè
eHiciente, la féconde du coté de l'effet, la troilîeme fè
prend de la manière dont la chofe Ce fait.
Première règle. Une chofe efl fuperftitieufe lorf^
qu'elle fc fait en vertu d'un padce exprès ou tacite avec
le Démon.
On fait un pade exprès avec le Démon, 1°. Quand
on l'invoque (bi-mcme expreffément, implorant fon
fecours , ou qu'on lui prélente une requête par écrit >
foit qu'on le voye d'une manière fènlîbje , ou qu'on
s'imagine le voir. 2°. Quand on l'invoque par l'encre-
mifê d'un autre qu'on lui croit affidé , ou qu'on fait
un pade avec une perfbnne qui a liaifbn avec lui ,
parce qu'on craint de traiter visiblement avec le Dé-
mon, 3'\ Quand , pour Ce procurer le fêcours du Dé-
mon , on employé certains fignes ou caradcres , dont
on fixait que les Sorciers ou Magiciens ont coutume
d'ufer.
Dans les deux premiers cas , on implore par des
'î42 Conjérences d'Angers l
.paroles ou des écrits l'aide du Démon. Dans le tfôliie-i^
me , on l'impicre par des œuvres.
Mais pour qu'il y ait un paâe exprès en ces ren-
contres , il faut que celui qui appelle le Démon à Ton
aide falle de Ton coté quelque promefle au Démon ,
comme de lui obéir , de le fervir fidèlement , & de
renoncer à Jedis-Chrift. On peut invoquer expreffé-
ment le Démon & Tappeiler à Ton fecours , fans rien
lui promettre & fans rien llipuler avec lui , alors il n'y
.a point de pade.
Soit qu'on fafTe quelque convention avec le Dé-
mon , foit qu'on n'en fafTe aucune , c'efl certainement
un très-grand crime que de l'invoquer expreffément ;
puifque en l'invoquant , on rend à la plus méchante
ides créatures le culte qui n'efl dû qu'à Dieu.
On fait un pafte tacite avec le Démon , lorfque ,
fans l'invoquer , fans lui rien promettre & fans rien
attendre de lui , on employé , avec efpérance de
xéuHir, certaines chofès qui n'ont nulle vertu , ni na-
turelle ni furnatureile , pour produire les effets qu'on
en attend. La Faculté de Théologie de Paris l'a jugé
ainfî dans le troifîeme article de la Cenfure du 151.
Septembre 13^8. qui efl rapportée toute entière par
Gerfon ^ ; c'efl aufTi le fentiment de S. Thomas, z. Zé
^. 96, art. z ^»
Les Auteurs qui ont traité de cette matière, remar-
quent qu'on employé des caufes pour produire des ef-
fets qu'on ne peut attendre de leur vertu naturelle ou
Surnaturelle.
1°. Lorfque Ton fe fert des caufes naturelles pour
produire des effets furnaturels , comme font ceux qui
fe fervent de certaines plantes , pour découvrir les
penfées les plus fècrettes des autres.
a Intendimus paftum effe im-
fîlicitum in orani cbfervat one
fiiperiîitiosâjCujus eiî'edus non
débet à Deo vel à naturâ raiio-
nabiliter expedari.
h Licct caufas naturales ad-
hibere ad proprios effedus, un-
dc Cl naiuraliter non videantur
I pofle taies efTc^ïiis caufare ,
confequens eft quôd ncc adhl-
beantiir ad hos etîeiius caufan-
dos , tanquam caufa, fed folutn
quafi figna , & fîc pertinent ad
pa(Sa fignifirationum cumda:'»
monibus inita*
fur les Comman démens de Dieu, 1^5'
1°. Lorlqu'on joint aux caufbs naturelles certains
/îgnes ou caradcres, dont on f,ait que les Magiciens
eu Sorciers fe fervent , ou qu'on a trouve dans leurs
livres, ou d'autres figures inutiles, comme fi on ne
vouloit prendre médecine que dans une talTe de tel-
le figure , & fur laquelle il y auroit certaines lettres
gravées.
30. Lorfque pour produire certains effets naturels »
on u(e de quelques mots obfcurs , barbares & incon-
nus , tels que Ibnt ceux qu'on voit dans les billets
dont quelques-uns fe fervent pour guérir les maladies,
ou qu'on ajoute à des caufes naturelles certaines pa-
roles , fuficnt-ciles connues , & mcme tirées de la
Sainte Ecriture , fans lef]uelies on ne croit pas que la
chofe qu'on dc/ire faire, puifTe rcuflir ; fur quoi on peut
voir Anne Robert, au livre i. des chofes jugées ch. 5'.
S. Thom.as 1. 1. q. 96. art. i. dans la rcponfe à la
première objedion , condamne abfblument de Superf-
tition ces deux pratiques ^. La railbn qu'il en rend
dans le corps de l'article , c'eft'que C\ les chofès qu'on
employé , feniblent ne pouvoir naturellement pro-
duire ces fortes d'effets , il s'enfuit qu'on ne les em-
ployé point pour les produire comme caufes , mais
feulement comme fignes , & de cette manière elles
fe rapportent aux pades faits avec le Démon.
40. Lorsqu'on prononce des paroles de la Sainte
Ecriture , ou qu'on employé des chofes facrées pour
produire de vains ou de ridicules effets , comme pour
faire tourner le fas , ou pour faire remuer fur un fil un
anneau (ans y toucher. Le Cardinal Cajetan rapporte
à ce fùjet , une choie remarquable dans fi Somme ,
au mot Incantatio. Il dit , qu'un jour voulant faire voie
qu'il y avoit de la Superilition à faire remuer l'an-
neau fur un fil , il prit un fil & un anneau, & pro-
nonça le verfet du Pfeaume qu'on prétend faire mou-
c Si (împliciter adhibcantur
resnaturalesad aliquos ciTeclus
producendos, al ijiios put.m-
tur natuialem hibcrc* virtutem,
Fion ell rup^rflirinfiim vel illi-
cicum ; fi verè adjiin^antur vel
charafleres aliqui , vel aliqua
nomina , vel alix quafCiimaue
varije obfervationes , qua? ma-
nifcltum cft naturaliter effica*
ciam non habere, erit fuperAi*
tiofum & illicitum»
ffj^^ Conférences d'Angers ^
voir Tanneau , en protedant qu'il difoit ces paroles à
l'honneur de Dieu à qui elles avoient été adrelTées
par le Prophète , au lieu de les prononcer à delTein de
faire mouvoir l'anneau , & l'anneau ne le remua en
aucune façon. Ce qui montre , dit ce Cardinal , que
c'eil le Démon qui fait branler cet anneau lorfqu'on
lui adreffe ce verfet du Pfeaume , car il fe plait à (e
faire honorer par des paroles de la Sainte Ecriture , &
par des chofes (àcrées. Suivant cela , c'eft un pafte
tacite avec le Démon , quand on jette une figure ou
image d'un Saint dans de l'eau pour faire pleuvoir,
5^. Lorfque, pour obtenir l'effet de Tes prières, on le
fert de paroles qui contiennent quelques faufletés ou
des hifioires apocryphes ou fabuleules. Il y a tout lieu
de croire que le Diable , qui eft le père du menlbn-
ge , eft l'inventeur de ces pratiques , & par confé-
quent que c'eft de lui & non de Dieu qu'on attend
l'effet des prières , car Dieu n'a point befbin du men-
fbnge pour faire ce qu'il veut.
Il arrive quelquefois que des gens fîmples & grof^
fiers obfèrvent ces deux dernières pratiques de bon-
ne foi & même par dévotion , les croyant permifes &
religieufes , & n'en attendant l'effet que de Dieu : d
leur ignorance efî excufable & non affedée , leur pé-
ché n'eft que véniel , ou même ils font exemts de
péché , s'ils font dans la difpofîtion de s'abflenir de
ces pratiques 5 quand ils font avertis de leur illu/ion.
C'eft le fentiment de Cajetan i , 2 . q. ^ 6 . art. 4. que M.
de Sainte-Beuve approuve tom, i. de Ces réfolutions,
cas II. Cependant il eft du devoir des Evéques & des
Prêtres de travailler avec prudence à abroger ces for-
tes de pratiques.
Seconde règle. Une pratique eft fùperftitieufè lorfque
l'effet qu'on attend furpaffe l'induftrie de l'homme , &
ne peut être raifbnnablement attribué à la nature , ni
être attendu de Dieu , la chofe n'ayant été inftituée
ni de Dieu , ni de i'Eglife pour produire cet effet ,
alors on a fujet de croire qu'elle a rapport à un paâ;e
avec le Démon.
Le Concile de Malines de l'an 1^70, nous propofê
cette règle dans le titre des Superftitions , nous affu-
rant
fur les Commandemens de Dieu, 147
rant qu'il y a de la Superflition dans toutes les [chodx
qui le font fàhs l'autorité de la parole de Dieu ou de
l'Hglile, avec certaines pratiques & certaines ccrc-
monies , dont on ne peut rendre de raifôn valable ,
& deiquelies néanmoins on attend quelques effets
qu'on n'efpcreroitpas (ans cela"^ : cette règle a été ap-
prouvée par un autre Concile tenu dans la même
Ville l'an 1607. tit. 15. ch. 3. ^
Suivant cette règle, ceux-là lont coupables de Su-
perflition, qui fe perluadent qu'en dilîint une certaine;
Orailbn qui n'eft point approuvée de l'Eglife, ou en
portant une certaine marque de dévotion , ils ne
mourront point en péché mortel , qu'ils obtiendront
la vie éternelle , qu'ils ne pa {feront point par le Pur-
gatoire , ou que la lainte Vierge leur apparoitra à
l'heure de la mort.
Il s'enluit au/îl de cette règle, que c'ed uneSuperl^
tition que de s'imaginer que quand on efl: treize per-
fbnnesà mangera une même table, il en mourra une
dans l'année ; car ce nombre n'a nulle qualité funefÎG
pour procurer la mort , & Dieu ne l'a point établi
pour en être un pronollic. Il en faut juger de même
de l'opinion où quelques-uns font, qu'un homme qui
eft né cocffé eft plus heureux qu'un autre ; car cette
cocfre n'a aucune proportion naturelle avec le bon-
heur d'un homme.
Quand on e(])ere un effet qui (urpafle les forces de
la nature , il faut confîdérer il félon la lainte Ecriture
ou félon la tradition de l'Eglifè , il doit être attribué
à Dieu ; & au cas qu'il n'y ait pas lieu de le lui attri-
d Docet hxc Synoduî cm-
rem ilium reruai uium elfe fu-
p rftitiofum , qui ùnv vtrbo
Dei Se f.cclefix dnclnnâ fit,
praTcripcis aliquibus liubiis &
obf!.! v.iPtiis , qiiarum rsiiona-
bilis .n'ifa rcddi non i-otcft , îk
fuluci.i ;n c^a ccliocatLir , ccrto
expt-dancli alir|«em evcnrum .
qui fine illis ritibiis ex Salli-'lo-
rii:n interccffionc non fjjtr.irc-
tutj aiit q Jx m cuitu Sanvtoriim
Terne I.
ex temeritate , autquadamle-
vitate porius quàni pietate , &
v-'& in Dtum religione ficri
vident'jr.
e Parochi fiibditos fuos c\o-
ecant inter cxr- ra fiiperftitio-
fii'.n tfie expedare 'iuemcum-
• juc etlcCtiim a cjua^umque rc ,
quem Tes illa r.cc ex fua iiacura,
ncc ex inllifiitiont divina , nec
ex ordinationc vclap, robatio-
ne Ecclcfise proc^uccre potelt.
G
Jd.6 Conférences (T Angers y
biier, on peut dire qu'il eft fupernitieux , & qu*ilfiip-
pofe un pade avec le Démon,
On tombe même dans la Superftition , lorlqu on Ce
fert d'une chofe qui a la vertu de produire ce qu'on
veut faire , fi par le moyen de quelque vaine circonf^
tance Teitet eft produit d'une manière extraordinaire,
comme , par exemple , fi ce qui ne peut être fait qu'en
une heure , ell produit dans un inftant.
A l'égard des effets qu'on attend des cérémonies
infHtuées pari'Eglife, on ne peut pas dire qu'il y ait
de la Superfîition , quand on n'ajoute à ces cérém.o-
nies rien de faux, de fuperflu ou d'étranger ; car quoi-
qu'elles ne produifent pas naturellement les effets
pour lefquels elles font établies , néanmoins comme
-c'eil Dieu qui a donné à l'Eglife le pouvoir de les
infdtuer, on n'attend ces effets que de Dieu. On ne
peut donc taxer de Superftitions les exorcifmes dont
l'Eglife fe fert pour chaffer les Démons , ni les prières
qu'elle fait pour conjurer les infedes qui ravagent les
fruits de la terre ; car il eil confiant que Jefus-Chrifî
a donné à fon Eglife dans la perlbnne des Apôtres ,
le pouvoir de chaffer les Démons , de fouler aux pies
les ferpens & les fcorpions , & toute la puiffance de
l'ennemi , comme il eft dit dans le chap. lo. des
Evangiles lelon S. Matthieu & félon S. Luc.
Trcijicwe règle. Une chofe eil fuperftitieufê, lorf^
qu'elle eft accompagnée de certaines circonftances ou
conditions vaines, inutiles, ou ridicules, qu'on croit
■jiéceifaires , pour produire un effet naturel ou furna-
turel qu'on en attend*, circonftances qu'on fc^-ait n'a-
voir , ni de leur nature , ni de l'inftitution de Dieu
ou de l'Eglife aucune vertu pour produire cet effet.
Comme lorfqu'cn porte fiir foi certaines herbes en
certain nombre , cueillies à certains jours , à certains
momens , en certains lieux , pour être heureux au
jeu ; ou îorfqu'on croit qu'on fera préfervc de tous
maux en portant fur foi l'Evangile , In p-incipo erae
Vcrbîirn, pourvu que cet Evangile (bit écrit fur du
parchemin vierge , ou écrit à telle heure , ou de telle
manière , ou renfermé dans un certain vaifl'eau , ou
fuf^endu avec tant de fils ; ou lorfque l'on elpere être
fur Us Comman démens de Dieu, 147
guéri de la ficvre, en difânt trois fois l'Orailon Do-
minicale avant le (blcil levé. Il y a en cela de la Su-
perrtition , puifque , comme remarque le Cardinal
Cula dans le fermon qu'il a fait fur ces paroles : Ibant
Maz^i quam vider ani , tom. i. des Exercices, liv. i.
ch, 8. on fait confiner l'efficace des paroles de l'Evan-
gile & de rOraifon Dominicale dans une circonf^
tance vaine & inutile; c'ell: aufTi le (êntiment de S.
Thomas, 2, z, q. 96» art. 4. ^.
Par ces deux dernières règles , on condamne de
Superflition toutes les oraifbns qui donnent affurance
à ceux qui les difent , qu'immanquablement ils ob-
tiendront le bien fpirituel ou temporel qu'ils en atten-
dent , ou qu'ils éviteront le mal qu'ils craignent ;
comme aum celles qui pour des caules légères pro-
mettent des indulgences exorbitantes. Ces alfurances
& ces promefTes , qui ne paroilTent fondées que (un
de prétendues révélations non approuvées de l'Eglise >
font des rufes du Démon qui veut par là engager les
hommes à pécher plus librement , & à s'expoler â
mourir dans le péché. On trouve fouvent de ces for-
tes de prières en de petits livres que les Colporteurs SC
Merciers, qui courent les campagnes, débitent aux:
Payfàns. Le Concile de Malmes de l'an 15 70. avertie
qu'on prenne garde d'y ajouter foi. B Le Concile de
Cambrai de l'an 1565. avoit déjà condamné ces (or-'
tes de dévotions fuperflitieufes , comme des abomi-5
nations '>.
/ Si fpes habeatur in modo
fcribendi aut liganJi , aiit in
cjuacumque hujufmodi vanitaïc*,
qiiï ad (livina n rcveren'itin
Honpertinc;m , hoc judica etiir
fupeiftitiofuni.
g Ne circimifnr.>n(iRC|uib"(
dam , aut etiam cum priviickjio
imprefTij libellis tcm< rc fiilcir.
•dhiucant , qui ex ievilMis aut
fupcrfnti'.fis caiifis, inc rri'que
revelationibiis inimodicas &
phis t.'YjÔ exoibitanre.v pclli
centur indulgeniias^ctiiïlmum
ii promiiTionc conùnca.u cet- ,
torum efFc£tiium , periculorum'
f ilicct cvitaiionetn , à gladiis,
à tormentis , ab cquisj àpefte ,
a'it libciationcm certam à Pur-«
gatorio,
h Abominandam eflfe eonim
vanitatt-m ac fupcrftitionem ,
^^!ii cer-ô poliiceniur non er
hac vita niigr.îinros fi: c pœni-
entia & facraiiK'ntis illos qui
hune ilitimve ex divis cohie-
rinf , qui fccuri atciii in rcbuf
gcrendis, f.Mtunx ctrrtim de
optatum evcntum iifdem pio<
miuunc.
14-8 Conférences d'Jngers,
Pour remédier aux Superfîitions , le quatrième Con-
cile de Milan fous S. Charles, enjoint aux Curés qui
découvrent qu'il y a quelque pratique extraordinaire
qui a cours dans leur ParoifTe , de s'en informer foi-
gneufement, afin d'en donner avis à l'Evéque, s'ils
jugent que (on autorité foit nécelTaire pour la déra-
ciner.
Les Confefieurs à qui un pénitent s'accufê de quel-
que chofe qui leur paroit iîifpeéte de Superftition , doi-
vent examiner attentivement /î elle a du rapport à
quelqu'une des règles que nous venons de propoler.
Si elle y en a , quoiqu'elle ait quelque apparence de
piété ou de dévotion , il efl: de leur devoir d'enjoin-
dre au pénitent de s'en abflenir jufqu'à ce qu'eux-mé-
ines Ce foient éclaircis de la vérité ; & qu'ils l'en
ayent inllruit, & de lui faire comprendre que quand
même il auroit été exempt de péché julqu'à ce mo-
ment, à cauie de la /implicite & de la bonne foi avec
îefquelles il agiiïbit , n'ayant jamais été averti , Se
n'ayant jamais foupçonné que ces pratiques fufîent
contraires à la Religion , il deviendroit coupable d'un
péché mortel en continuant de pratiquer la même
choie, après les défenfes qui lui en auroient été fai-
les. Car il n'y a que la /implicite , la bonne foi ou l'i-
gnorance qui puifle excu/èr de péché mortel ceux qui
pratiquent quelque Superllition , fans faire de pade
exprès avec le Démon ; comme font ceux qui tom-
bent dans quelque vaine obfervance , qui Ce fervent
de prières ou de fîgnes de croix , ou d'autres chofes
fèmblables pour guérir différentes maladies , tant des
hommes que des animaux , ou pour découvrir quel-
que chofe cachée ou future, croyant qu'il n'y a point
de péché en ce qu'ils font, & ne foupçonnant en au-
cune manière qu'il y ait un pade avec le Démon ,
parce qu'ils ont vu faire ces chofes à leurs parcns , ou
parce qu'ils font perfuadés que l'effet qu'ils en atten-
dent peut être produit par les moyens qu'ils em-
ploient, qu'ils efliment être purement naturels ou
.erre des pratiques de dévotion , ou parce qu'ils font
dans la dilpo/îtion de renoncer à tout paéle fait avec
le Démojn , s'il y en avoii que^u'un» Mais quand on
fur Us Commandemens de Dieu, 14^
cloute que les moyens dont on fe fèrt (oient ou vains
&: inutiles , ou qu'ils puifTcnt produire les effets qu'on
en attend , ou que l'on a été averti que ces pratique»;
font fuperftitieufes & fuppofent quelque pacle fait
avec le Démon , & que l'on y retombe volontaire-
ment, il n'y a plus alors ni ignorance , ni /implicite >
ni groffiéreté d'efprit qui excule de péché mortel ,
quelque proteftation que l'on fafTe de renoncer à tout
pade avec le Démon , parce qu'on s'attend toujours
à un effet qui ne peut être produit que par le Démon ,
en vertu du premier pade qu'un autre a fait autrefois
avec lui. On doit donc s'abftenir entièrement de tou-
tes ces fortes de pratiques qui font tout-^à-fait indi-
gnes d'un Chrétien '.
Quand un pénitent le confelTe d'avoir pratiqué
quelque Superilition , le Confeffeur doit auffi exami-
ner /i c'efî par /implicite, par ignorance, ou par ma-
lice qu'il l'a fait ; car il faut faire différence entre
ceux qui s'adonnent aux Superflitions par une trop
grande /implicite , & ceux qui s'y adonnent par ma-
lice, puifque les premiers font iouvent excu/àbles, 8c
que les autres ne le (ont jamais. On met au nombre
des premiers les femmes , qui après leurs couches ne
veulent pas commencer à aller à la Meffe un Vendre-
di, ou qui ne veulent pas faire la leffive ce jour-là,
craignant qu'il ne leur arrive quelque malheur. Le
Confe/Teur doit inflruire ces (brtes de perfbnnes, les
faire renoncer à ces pratiques /uperflitieufes, & leuc
faire prendre la réfblution de n'y plus retomber.
Pour ceux qui s'adonnent par malice aux fliper/lf-
tlons , comme font ceux qui u/ent de Con'dhges , ou
de maléfices, ils ne /ont point excufàbles , car ils ne
s'en fervent que pour f«\ire du mal au prochain, ain/î
ils (çavent bien que leur adion eft mauvai/e par ellè-
mcmc. Quand il s'en pré/ente quelqu'un de cette for-
te , le Confe/Teur doit lui faire expliquer quelle e/1 la
2 Omiiesartes hujtifmodi vcl
rugatoris , vcl noxi;c fiipcrlU-
tionis ex qiiadam pcftifcra fo-
cietaie Hominum & D.rnio-
num , ^ua/î patia infiddis &
dolofjr amicitix conftîruta , pc-
nitùs funt repiidianda , «S: fii-
gicnda CHriltiano. Auguji, de
Doclr» ChriJÎ, l. z.c. i^,
G iij
I ço Conférences à^ Angers ;
Superflition qu'il a pratiquée. Il y en a qui font ac-
compagnées d'un pade exprès fait avec le Démon ;
d'autres n'ont rapport qu'à un pade tacite. Si le
Confeffeur juge qu'il y a eu un pade exprès fait avec
le Démon, il doit, ï». faire des prières & même des
exorcifmes fecrets fi l'Evéque le juge néceffaire. î». H
doit s'informer du Pénitent s'il n'a point renoncé à la
foi de J. C. au nom de Chrétien , au Baptême , s'il
n'a point proféré de blaipliémes contre la fainte Vier-
ge ou contre les Saints , s'il n'a point eu des fenti-
mens hérétiques contre la Foi , & s'il ne les a point
manifeilés à quelqu'un, s'il n'a point invoqué le Dé-
mon , s'il n'a point fait ferment de ne jamais adorer
la làinte Euchariflie , s'il n'a point feulé aux pies les
images de J. C. ou des Saints ; s'il n'a point promis de
ne jamais déclarer en confefTion le pade fait avec le
Démon; fî le Démon de fôn côté ne lui a point don-
né quelques fignes ou figures , quelques caraAeres ou
quelques billets ; en ce cas le ConfefTeur doit l'obli-
ger à faire profefïion de la foi de J. C. à renouveller
ïes vœux qu'il avoit fait au Baptême , à renoncer aux
ceuvres & aux pompes du Démon & à tous pades &
engagemens qu'il auroit contraétés avec lui. Quand
même le pénitent n'auroit point renoncé à la Foi, il
eft très-expédient de lui en faire faire une profeiriciî
Sommaire. 3°. Le Confeffeur doit retirer du pénitent
îous les fignes de (on engagement avec le Démon ,
toutes les choies dont il fe fervoit pour fes mauvais
deiïeins , & les livres de magie , s'il en avoit , afin
de les brûler. S. Paul en ufà de même avec les Magi»
ciens , qui avoient embralTé la foi de J. C. ain/i qu'il
eft marqué dans le ch. r5).des Ades des Apôtres, 4°. Il
doit lui enjoindre de réparer tout le tort qu'il a caufé
<iu prochain , foit en fbn corps , fbit en fès biens ,
(bit en Ton honneur & même le lui faire réparer avant
que de i'abfoudre , fi cela efî pofïible. 5°. Il doit l'ex-
horter de fréquenter les Sacremens , & en même
tems lui faire connoitre combien il importe de n'en
pas abufer. 6°. Il doit lui perfuader d'être dévot a la
fainte Vierge , & de porter fiir lui une figure de J. C.
en Croix & des reliques des Saints bienavéxées. 7^. U
fur les Commart démens de Dieu, i y i
doit employer tous (es foins pour le rendre capable
de recevoir rabfolutlon & lui impofer une pcnirence
proportionnée à les crimes. Ss^avoir s'il doit lui diffé-
rer Tablblution pendant un eipace de tems con/îdé-
rable ; il y a des Dctfteurs qui croyent qu'il le faut
faire, pour s'aiïlircr (î le pénitent eu. dans une rcibiu-
tion ferme & lîncere de quitter entièrement ce crime.
C'étoit le fentlment de S. Auguftin , car il nous alTu-
Jre , écrivant fiir le PC 6i. qu'il avoit différé quelque
tems la réconciliation d'un Magicien qui s'étoit con-
verti ^, D'autres Dodeurs eiîiment que fi le Confef^
feur a le pouvoir d'abfoudre de ce crime, qui eO. or-
dinairement un cas réservé , il ne doit pas différer
J'ablolution à un autre tems , s'il juge le pénitent
aiïez bien dirpcfé. Leur railon efl , que le paéle (aie
avec le Démon , lui donne un grand pouvoir fur ceux
qui l'ont fait ; de forte que jusqu'à ce qu'ils ayent été
abfous , il les tr.iite avec beaucoup de cruauté , Se
par ce moyen il les empêche de retourner à leur Con-
lelTeur , ou s'ils y retournenjt , il leur fait fouvent
délavouer le péché dont ils s'étoient acciifés. Sans
décider de ces deux fentimens , ce qu'on peut dire
de plus certain , c'efl que le Confefleur doit fe com-
porter félon les difpofitions qu'il voit dans le péni-
tent , & prendre de juftes précautions pour ne pas ex-
pofer les Sacremens à une profanation.
t Sciatis emn tamcn,Fr3trcs,
olim pilfaread Pccltfiam antc
Pafcha, ante Pafcha enimcoci'it
petere dt EccleHa Chrifti mcdi-
cinam j fed quia lalis ti\ arsin
qu3 exercitarus erat, qiix fuf-
pcâa effet de mcndacio aique
fallacia , «'ilatus cft ne tentaret
& aliquando tamtn admifTus eft,
ne periculofiùs tencareiiir.
Hf H»
-Mr
Vf
1^2 Conférences d^ Angers,
III. QUESTION.
Queji-ce quon entend par le Culte indu ?
LE Culte indu eR. celui qu'on rend à Dieu de la
manière qu'on ne le doit pas. Il y en a de deux
fortes-, l'un efl pernicieux, l'autre eftfaperflu. Ils font
tous deux fuperilitieux & illicites.
Le Culte pernicieux efl celui qui fîgnifie une chofe
faulTe , & qui rend ainfi au vrai Dieu un faux honneur»
Si ^er cultum exîeriorem , aliquid falfum fignificamr ,
erit cultus perniciofus , dit S. Thomas i, i. q. 53. art. i.
tel efl celui des Juifs d'aujourd'hui , qui par les céré-
monies de la loi Mofàïque , repréfentent les myfleres
de la foi de J. C. comme s'ils n'étoient pas encore ac-
complis.
On tombe dans ce péché. 1°. Lorlqu'on publie de
faux miracles pour les faire croire. Comme l'on doit
avoir du refped & de la vénération pour les miracles
qui font indubitables ;- de même Ton doit témioigner
beaucoup d'averlion contre ceux qui font inventés à
plaifir , fiir quoi on peut voir ce que dit Guibert , Abbé
de Nogent au Diocefe de Lacn , livre i. de SanClis &
€orum fignorihus 3 ch. ^,
C'eîl: pour cela que l'Eglifê apporte tant de pré-
caution pour la publication des miracles , & qu'elle
défend d'en publier de nouveaux , fans qu'ils ayent
cté vérifiés par i'Evéque. Nous en trouvons une dé-
ierSe exprefîe dans les Conciles de Noyon de l'an
1344. canon iz. &deSens de l'an 1518. dans le 40.
Décret concernant les moeurs. Jean Olivier Evéque
d'Angers s'y conforma dans l'Ordonnance Synodale
qu'il fit fur ce fujeten 1534. Le Concile de Trente a
renouvelle ces défenfes , fefTion z5. dans le Décret fur
l'invocation des Saints. Elles ont été réitérées par di-
vers Conciles Provinciaux , tenus depuis , comme
font celui de Cambrai de l'an 1565. le 4^, de Milan j.
far les Commandemem de Dieu, i^^
Ceux d'Aix & d'Aquilce, & encore parrAfTemblée
générale du Clergé de France de l'an 1 64^.
z». Lorfqu'on débite de fauffes révélations ou de
faufles vifions; ceux-là font un tort extrême à l'Egli-
fe , qui s'imaginent ne pouvoir faire approuver les
belles adions des Saints, s'ils ny mêlent de ces for-
tes de faufTetés ; ils donnent lieu par-là aux libertins
de le mocquer des miracles, & aux gens de bien de
gémir , voyant que des âmes pieufès rendent indiP
crétement au menlbnge des hommages qui ne ibnt dûs
qu'à la vérité.
3". Lorfqu'on veut faire palTer de faufles reliques
pour de vraies reliques de Saints, car c'eft vouloir
faire rendre un culte religieux à des chofes à qui on
ne le doit pas, & qui n'en méritent aucun. C'ert or-
dinairement l'elprit d'avarice qui pouffe à faire cette
ruppofirion.
S. Auguftin dans le liv. de ofere Monachorum^ au ch«
18. Ce plaint que de fbn tems certains hypocrites»
qu'il traite d'émiffaires du Démon , couroient les
Provinces en habit de Moines , vendant des reliques
qu'ils difoient être des reliques de Martyrs ^.
Saint Grégoire le Grand, liv. 3. de Ion régître
lettre 30. (e récrie contre des Moines Grecs , qui
étant venus à Rome, avoient tiré des offemens d'hoin-
mes des tombeaux qui étoient proche de TEglife de
S.Paul, pour les emporter en Grèce 5 & y faire croire
que c'étoient de fiantes Reliques.
L'Eglife , pour prévenir cet abus , a fait pluheurs
réglemens touchant l'examen des Reliques douteufes.
Innocent III. chap. Cum ex eo , de Reliqitiis & vener^
SanÛ. défend de révérer publiquement aucunes Re-
liques nouvellement trouvées , qu'auparavant elles
n'ayent été approuvées parle Pape,
Le Concile de Trente , dans l'endroit qu'on vienc
de citer, veut qu'elles foicnt reconnues par les Evc-
qucs , avant que d'être expofées à la vénération des
Fidèles , & que les Eveques appellent des gens f^avans
û Membra Martyrurn , lî tamcn Martyrum vcn'^itanr.
G V
IJ4 Conférences d'Angers i
& pieux pour en faire l'examen avec eux ^ : LeJ
Conciles Provinciaux , qui ont été tenus depuis en
France Ce font conformés au règlement du Concile
de Trente. Tous ces Conciles ont jugé qu'il y avoit
moins d'inconvénient à ne pas rendre aux Reliques
de quelques Saints l'honneur qui kur ell dû , que de
îe rendre à des olTemens de fcélerats , comme parle
îe Concile de Tours de l'an 1583. ^,
Si dans l'examen qu'on fait des Reliques , on en
îrouve dont il y ait de bonnes raifons de douter qu'elles
foient d'un Saint, il faut les enterrer dans le parvis
de l'Egiife ou le long des murs , de peur que le peu-
ple ignorant n'en prenne occafion de tomber dans la
Superftition. Amolon , Archevêque de Lyon, donne
ce confeil à Theobolde Evêque de Langres , dans la
Lettre qu'il lui a écrite au fiijet des olTemens d'un pré-
tendu S. Anonyme, que des Moines avoient apportés
d'Italie dans l'Egliie de S. Bénigne de Dijon. On ne
doit point craindre de pécher en cette occafion par
zrop d'exaditude ; car Dieu veut que nous agiflions
avec beaucoup de prudence & de précaution dans les
chofèi de la Religion , dit Amolon ^,
4<'. On tombe , félon plufîeurs Auteurs , dans la
Superilition du culte pernicieux , lorsqu'on expofe , a
la vénération des Fidèles , de làintes Reliques fous
Je nom d'un Saint , quand on a une connoifîance en-
tière & certaine qu'elles ne (ont pas de ce Saint ; car
jl y a en cela un menfonge considérable : c'eft le Cen-
îiment de l'Abbé Guibert dans le 3. ch. du liv. qu'on-
b Statuit fanûa Synodus nec
Bovas Reliquias recipiendas ,
îîifi eodem rccognofcenre àc
approbante Epifcopo, qui fîmul
«tque de iis aliquid coroperrum
-habuerit, adhibitis in confîlium
Theologis & aliis piis viris , ea
iàciat , qux veritari & pietaii
i.onfemanta jiïdicaverif.
c Sacris qiiippe fanftionibus
n;î>gis adverfari ctrtum eft, im-
|- rorum & fceleratorum ofla ,
iii'iao JCionoie colère 1 ^uàoi
veras Sandorum Reliquias dé-
bita veneratione carerePe Fef-
tor'um cultu.
d Nec meruerc debemus ne
forte ex hac diligentia aliquanî
otTenfionem incurramiis ; viile
enim Omnipotens Deiis nos in
rébus fuis camos efle atoue dif-
cretos jiixta prseceptum Apof-
toli diccntis : Omnia prohate ,
quod bonum eft tcnete, ab om-
ni fpccie inala aVftinetc»
fur les Commandement de Dieu» l^f
"Vient de citer, où parlant du Chef de S. Jean-Baptif^
te , que différens Moines prctendoient avoir, il dit :
Qiiodji Joannis'BaptiJîa: non ejî , alicujus veru SanCii
ej} i non médiocre tamen mendacii maliim ejl ; mais cet
Auteur déclare , dans le chapitre fuivant , qu'il ne
croit pas qu'il y ait un pcchc à honorer de bonne foi
les Reliques d'un Saint (ous le nom d'un autre, dont
véritablement elles ne (ont pas *.
5°. Lorsqu'on invoque ou qu'on honore des hom-
mes morts comme Saints , qui ne le (ont pas en ef-
fet , ou qu'on a tout fujet de croire n'ctre pas
Saints ; par exemple , des gens morts dans l'héré-
lîe , quand même ils auroient (buffert le martyre
pour la religion Chrétienne. L'Abbé Guibert ch. ii.
parle avec beaucoup de zèle contre le culte de ces
faux Saints , qu'il dit être dégradés par leur propre au-
torité ^.
Dans tous les fîccles de rEgli(ê, quand les Payeurs
ont découvert qu'on rendoit un culte religieux à de
faux Saints , on a fait tout -ce qu'on a pu pour l'abro-
ger. Le Concile de Laodicée, canon 34. a prononcé
anathéme contre les Chrétiens qui honoroient de
faux Martyrs. Lucile , Dame puinante de Carthage,
comme rapporte Optât dans le liv. i. contre Parmé-
nien , fut reprife fortement par l'Archidiacre Ceci-
lien , de ce qu'avant que de faire la (âinte Commu-
nion , elle baifoir l'os d'un homm.e mort , qui n'étoit
pas reconnu publiquement pour un Martyr. S. Martin ,
au rapport de Severe Sulpice dar>s la vie de ce Saint ,
fit démolir un Autel qu'on avoit érigé A l'honneur
d'un voleur qu'on regardoit comme un Saint : Char-
lemagne au livre prem.ier de (es Capitulaires chap. 42.
ordonna qu'on ne rendit aucun honneur aux faux:
jioms des Martyrs, ou aux Saints dont Ja mémoire
ctoit incertaine g. Alexandre III. fit défenfes qu'on
e Utrum eoriim Rcliquii ,
ciim altéra? pro alteiis iiono-
xanrir , & non fîn* tins ctijiis
cfTc jnitanriir, aliniiid perni
«ioûim cokntiliis iaiportare
crcdantiir : Quod ego non a.T-
timo.
/Qiios fuî ipforum autoritas
exaiidorar.
^ Ut falfa noo-ina Martyrom
G vj
Il 5*6 Conférences d* Angers l
rendit aucun honneur à un homme qui avoir été tûc
étant yvre , que cependant on révéroît comme un
Saint ^*
Il n'efl pas permis d'invoquer ou d'honorer pubh*-
quement comme Saints des hommes morts, dont la
Sainteté n'a point été reconnue par TEglife, quand
même ils opéreroient des miracles. Alexandre III.
dans le même chapitre , déclare qu'il faut que leur
lainteté foit reconnue par le fbuverain Pontife. Cum
edam Jî fer eum miraaila fièrent y non liceret vobis /p-
Jum pro SanCio 3 a'ofque atitoritate Romana Ecchjîœ ve-
nerari. On peut néanmoins prier en particulier un
homme mort en odeur de (àinteté , quoique fa làin-
îeté n'ait pas encore été déclarée par i'Eglifè. C'ell Is
iëntiment de l'Abbé Guibert chap. 4. ^
6^. Lorfqu'on expoie à la vénération des Fidèles
de faulTes Images ; car comme nous ne révérons les
Images qu'à caufe de ce qu'elles nous reprélèntent ,
ïicus ne pouvons honorer celles qui font naître dans
notre efprit une idée contraire à la vérité , ou qui
nous inipirent une faulTe doélrine , fans leur rendre
ain culte faux & fuperflitieux ; c'efl pourquoi le Con-
cile de Trente, dans le Décret qu'on a cité , défend
expreffément qu'on en place de telles dans les Egli-
fes ^, Il arrive de ces faufîes Images , que ce qui de-
vroit être honoré d^s Fidèles devient méprifàble ,
comme remarque le dernier Concile de Tours , dans
le titre qu'on vient de citer '.
Plu/ieurs des Conciles Provinciaux qui ont été te-
31US depuis celui de Trente , foit en France , foit en
Si incertï Sandorum memoriae
sion vcnerentiir.
h Cap. Cùm audivimus 5 de
reliq. 6* vener. Sanêî»
i aicm Deiira , qui eura , de
«q«o tft incertns expoftic , ir
.Tiï'^t , ira er.m fi fîdcliter San-
f'um crcd.iis , qui non ell
it^ftus exorer, pbcat*
fr'Nulise f;ilfî dpgmatis ima-:
igiacs 5& rudibus f cricuIoC er-
roris occafionem pr.tbentes »
flatuantiir.
i Nevc quid in tcmplis fcrip-
turanim veritati aur probaris
EccleHaflicis hlRoriis contrj»-
riiim fculparur , sut pinganir»
(juài-n diltriétiflin.è proh'be-
mus , ne c,i)od ?.b liorr.iniln-is
fumroo eft habcndum in liono
rç , hue modo vilefur*
fur les Commandemens de Dieu, 1/7
d'autres Royaumes, ont rciLcrc cette dcfenfe. Le pre-
mier Concile de Milan fous S. Charles a nicme fore
"prudemment défendu de repréfènter dans les Images
aucunes de ces hiiloires, qui ne font autorifces ni pac
l'Eglile ni par des Auteurs approuves , & qui ne font
fondées que fur la vaine opinion du Vul;^aire.
Le culte indu pernicieux étant oppofc à la vérité
de la Foi & de la Religion, renferme une grande ir-
révérence contre Dieu , & par conféqucnt ed de Coi
péché mortel , faivant la dodrine de iàint Augullin,
dans le livre contre le men(bnge , ch. 4. & de S. Tho-
mas 2. z. q. 97,» art. 2. Ce péché e(ï d'autant plus
dangereux , qu'on s'en corrige difficilement , parce
que Ibuvent on croit faire une action de piété & ho-
norer Dieu , ainfî qu'a remarqué l'Abbé Guibert liv«
$. ch. ï. »".
On peut voir ce que S. Auguflin die dans le livre
devera Relizione -, ch. <<. pour détourner les homm^ea
de ce pcchc.
Le culte (uperflu efl celui,dans lequel on employé
des pratiques vaines ou inutiles qui n'ont été infa-
tuées ni de Dieu ni de l'Eglife , ou qui ne (ont pas
communément ufitées dans l'Eglile. C'eft la notion
que nous en donne S. Thomas, 2. i.q. 5)3. art. 2. "•
Ce fàint Dodeur nous apprend que c'efl: un culte
Tuperflu , lorf-iu'en penlànt honorer Dieu , on fait
des choies qui ne font point autorifées par l'Eglile ,
lef^uelles n'ont point de rapport à la vénération inté-
rieure qui ed due à Dieu , qui ne concernent point (a
gloire , qui ne contribuent en aucune manière à éle-
ver l'efprit vers lui, & qui ne peuvent lèrvir à mo-
dérer la concupilcence de la chair.
(Changer les cérémonies que l'Eglife a accoutume
d'obfcrver dans la célébration du (àcrifice de la MelTe,
m Cùm enjm cîc Dco aiit
crltur aut diJtur aliquod ,
qu ni ipllus vcriiatis telHino-
niic h.uiil (iiibic obludctiir , tii-
niiru VI accidic ut tamô detc-
ïiiis , qtp.nto incoirigibiliiis
nieascxcrrarcptobscur , dum
fiib fietatis colore peccatur.
n Si aliquid fit prjfter Dci &
Ecclelîje inlViturionem , vcl
contra confiietudinem con^Dii-
nem. . . . totiim hoc reputan-
dum cfl; fii^effliium&ru^'trlU-
tiofuKu
îjS Conférences cT Angers l
ou. dans l'adminiflratlon des Sacremens , y ajou-»
ter ou y diminuer, ou y fubflituer de nouveaux rits ,
ceû. un culte fuperflu que le Concile de Trente délàp-*
prouve fi fort, que dans le can. 13. de la feiT. 7. il
prononce anathéme contre ceux qui difent que cela
efl permis 5 & dans la CeiT. zz. au Décret concernant
ce qu'on doit obfèrver à la MelTe , il recommande
aux Evéques d'empêcher cet abus par les voies Cano-
niques o.
Dire à la MefTe l'hymne , Gloria in exceljis , ou le
Symbole, ou Alléluia , ou quelqu'autre Oraifon , ou
faire des fignes de croix , ou des bénédidions lorique
cela ne Ce doit pas faire , félon les Rubriques reçues
& approuvées de l'Eglile ; célébrer la MefTe avec des
ornemens de différente couleur , de celle dont l'Eglife
fe fert dans le jour : ne vouloir célébrer qu'avec des
ornemens précieux, ou à l'Autel le mieux orné- fous
prétexte d'une plus grande dévotion : ne vouloir cé-
lébrer ou entendre la Meffe qu'à une certaine heure y
ou qu'à un certain Autel : ne vouloir entendre la
JVlelTe que d'un Prêtre qui porte un tel nom , ou que
de fon Confeffeur : vouloir en communiant recevoir
deux hofties : ne vouloir communier que par les
mains de fon ConfelTeur , ou feulement des hoflies
par lui confàcrées , ce que plufieurs femmelettes af-
fedent : ne vouloir pas liler le jour du Vendredi-
Saint, ou les autres Vendredis de l'année , quoiqu'on
vaque à d'autres œuvres ferviles , tout cela eil un cul-
te fuperflu & fiiperfîitieux qu'on couvre du prétexte
fpécieux de dévotion ; car on fait confîfler la piété
dans des circonflances vaines & inutiles , & c'efl d'el-
les qu'on attend l'effet qu'on délire. On doit regarder
comme un culte fliperflitieux , & non pas comme une
dévotion fblide & bien réglée , l'attache que quelques
perfbnnes ont à faire dire un certain nombre de Mef^
iês 5 ou à y allumer un certain nombre de cierges ,
0 Ne fuperflitioni locusali-
qni5 detur , e:îiâo & pœnis
propoficis caveant , ne Sacer-
<1ott's aliis qiiàm dcbitis horis
«eleUent, neve ihus aiios ,
aiit allas caeremonias , Se preces
in MilTarum ceUbatione adhï-
b.-ant, priter eas quae :*b t'c-
eleHa rroba'* ac freijucnti , &
lâudab'iii ufu icce;uaE fuciiuî*
fur les Commandemens de Dieu, ijg
<3iins la penfce que c'eft prccifcment ce nombre de
îvlcfîbs ou de cierges allumes , qui contribue à nous
obtenir de Dieu ce que nou*; lui demandons.
Le Concile de Trente, felT. ii. enjoint aux Eve*
ques de corriger cet abus P. On ne doit pas pour cela
croire que ce (oit une fiiperflition de faire dire neuf
ou trente MefTcs , (elon l'ulàge des FJglifes.
Plufieurs perlbnnes donnent dans ces fortes de fli-»'
perftitions par ignorance , par grofficretc , par /im-
plicite , ou mcme par dévotion , ce qui fait que fou-
vent ce pèche n'eft que véniel.
Il n'efl mortel que quand les chofès que nous ve-
Tious de marquer, fe font par un paâ:e exprès ou tacite
fait avec le Démon , ou par un mépris form.el des
règles de TEglile , ou avec (candale , ou que Ton
joint aux chofes fàintes des chofes qui (ont mauvai-
les d'elles-mêmes , comme (croient des paroles ou
des chanlbns deshcnnétes ou impies , ouquelechan^
gement qui (e fait dans les cérémonies de la Meiïe ou
des Sacremens , eft très-confidérable , c'eft pourquoi
U faut expliquer ces circonfiances dans la ConfeC-
.(îon.
Quand on voit que les perfbnnes /impies & ver-
tueu/es donnent par dévotion dans des pratiques fu-
perftitieu/ès , on ne doit pas pour cela négliger de les
avertir de s'en retirer ; il faut leur apprendre que no-
tre religion ne con/i/le pas dans un culte arbitraire,
mais dans un culte rendu à Dieu en efprit & en vé-
rité , & de la manière que l'Eglife Catholique i'enfei-:
gr\^ & le pratique.
p Qiiarumdam verô Mi/Ta-
mm & candelariim ccrtum nu-
xneruni , ^ui magis à fupcrrti-
riofo cultu , quàm à vera reli-
gione , inventus eft , omnino
ab £ccle/îa removcant.
^^ëk^-^
't6o Conférences d'Angers ^
IV. QUESTION.
Q,uejl-ce que Vîdolâtrk b" la Magie ?
LE mot à'Idole efl déterminé dans les Saintes
Ecritures , à iîgnifier les faux Dieux , parce
que les Payens adoroient non-feulement les créatu-
res , mais auiTi les images & les figures de ces créatu-
res. Saint Paul nous l'aflure dans le premier chap.
de l'Epitre aux Romains ^. lis y mettoient leur con-
fiance , comme nous apprend David , Pf. 1 1 3 ^. Tout
ce qu'on honore donc comme Dieu , & qui ne l'efî
pas , eft une Idole , félon ces paroles du livre pre-
mier des Paralipomenes au chap. 16. Omnes DU po*
pulorum Idola.
L'Idolâtrie efl une Superflition qui rend à quel-*
qu'autre chofe qu'à Dieu , l'honneur & le culte fou-
verain qui ne font dûs qu'à lui feul. Ce cuite &
cet honneur fe rendent ou en fiéchifTant les genoux
devant une faulfe divinité , ou en l'invoquant , ou
en brûlant de l'encens lur fes Autels , ou en lui
offrant des Sacrifices , ou en célébrant des jeux à
ion honneur.
Saint Paul regardoit l'Idolâtrie comme une Su-
perflition ; car voyant que la ville d'Athènes ctoit
fort attachée à l'Idolâtrie , il reprocha aux Athé-
niens qu'ils étoient (ùperflitieux en toutes chofes ,
ain/î que le rapporte S. Luc , chap. 17. des Ades ^*
Auffi S. Auguflin liv. z. de la Doctrine Chrétien-
ne ch. 20. dit que tout ce qui a été établi par les
hommes, pour faire des Idoles ou pour les adorer,
& tout ce qui regarde le culte qu'on rend à la créa-
a Et miitaversint |ïî<iriaîTi
incorriiptihilis Dei in fiaùlitu-
dinem imaglnis corrtiptibilis
horri'nis , & volucrum , & qiia-
driipe him , & fcrpentium.
b 5i:uiles illis âsm <j,ui U-
chint es, & omnes qui conS-
dunr in illis.
c Videns idolclatrix dedîtaïQ-
civitatem Viri Aihtnien»
fes per omniaqinll fiiperfliào»
iiores vos vi^to»
fur Us Commandement de Dieu, l6ï
nire comme à une divinité , cft fuperftitieux '^. ^
On diftingue trois fortes d'Idolâtrie ; Tldolatrle
complette , l'Imparfiiite & la Simulce.
L'Idolâtrie complette eft,lorrqu'on rend intcrieu-
rement & extérieurement à une créature comme à
une divinité , le culte louverain qui n'eft dû qu'au
Créateur,
Ce péché dans un homme baptiPé , renferme l'In-
fidélitc & i'Apoflafie. C'ell de foi le plus grand de
tous les ctimes , parce qu'il s'attaque direélement
à Dieu \ car, comme enfeigne (aint Thomas 2. i.q-
^4. art. m. quand on rend à la créature l'honneur
qui n'eil dû qu'à Dieu feul , on fait , autant qu'on
le peut , un autre Dieu dans le monde , tâchant de
diminuer la puifTance fouveraine du vrai Dieu ^. Ter-
tullien de Idolol. c. i, l'appelle principale crimen gC'
neris hiimani ^ fawmum faculi reatum ; S. Cypriea
Epift. 10. Summum delitlum ; S. Grégoire de Na-
zianze Orat. 38. Extremum & primum malorum ;
Ladance au livre i. des Inftitutions divines , Sce^
lus inexpia!, il e.
L'Idolâtrie n'eft qu'imparfaite , quand on fait un
pafte exprès ou tacite avec le Démon , Co'it en in-
voquant (on nom , implorant fbn (ecours , le con-
fultant , lui promettant quelque choie pour réufllc
en quelque deffein , portant quelque image conju-
rée en (on nom , ou quelque autre (îgne à (on hon-
neur ; fe feA'ant de fes ligatures , ou croyant que (es
caradères ont la vertu admirable qu'on leur attri-
bue. Dire que cela ne (bit pas une e(pece d'Idola-
â Superflitiofitm efl quid- î totum reipiblicat perturbât or-
qiiiJ inditucum c(l ab homi-
nibus al fa.iendi, & coîfn;l,i
idcia pcrtincns, vel ad coicn-
dum Hciit Do'.im creaturam ,
partcrnve ullam creatnra.
e Sicut in terrena rcpiibli-
ca graviflfimiini tlïe vidctur ,
•jiiôd alu;iiis bonortm rtgii'm
alieri in^p',ndat , quàm vcro
Rcgi > quia «juantum in fc clt j
dinem , ita in peccatis qii2
contra Deuni comn.ittiinriir ,
qt'x raTien fiint maxiiDaj gra-
vjfTinnim efle viietur, qiiôd
mIkjius hnnorcm divinum crca-
tiirjf impendar, quia quartiun
cit in fe , facir iiliiim Dtun»
in mun 1o , minuens principa'
lutn divinum.
\i62 Conférences d'Angers j
tAç , c'efl une erreur félon le fentiment de la Faculté
de Théologie de Paris , dans la Cenfure du ip. Sep-
tembre 1398 f. Quoique l'on ne croye pas que le
Démon fbit un Dieu , néanmoins en pratiquant ces
chofès , on lui rend un honneur & un culte , & on
met fa confiance en lui , comme fi on le croyoit une
Divinité.
Cette Idolâtrie renferme quatre efpeces , qui dif-
férent entr'elies par rapport à la fin qu'elles fc pro-
pofent. Si on fait un pacle avec le Démon dans le
deffein de faire des chofes grandes & furprenantes ,
c'elî magie ; fi c'efl pour coiinoitte favenir , c'efî
divination ; fî c'efl pour faire du mai au prochain-, c'efl
maléfice ; fî c'elî pour Ce procurer du bien ou à fon
prochain , c'efl vaine obf^rvance. Que fî par un mo-
tif de curiofîté , on vouioit obtenir la connoifTance
des chofes à venir par le fecours des Anges ou des
autres Saints , ce ne feroit pas une Idolâtrie » mais
ce feroit tenter Dieu.
On peut dire qu'il y a une autre efpece d'Idolâ-
trie imparfaite , qui eft celle des gens qui aiment le
monde , car ils mettent leur amour, leur confiance,
leur attachement dans les honneurs , les richefies »
les plaifîrs du monde ; c'eil par cette raifbn que faint
Paul dit que l'impureté & l'avarice font une Idolâ-
trie ?.
L'Idolâtrie fîmulée efl celle qui , par crainte ou
par complaifànce , rend extérieurement le culte
fouverain à une Idole , fans croire que ce fbit une
Divinité , & fans aucun delTein de s'y fbumettre. Ce
péché efl mortel & très-énorme : ceÙ. un menfon-
ge pernicieux par lequel on viole le Commande-
ment que Dieu nous a fait de confefTer la Foi de-
vant les hommes. Tertuilien , S. Cyprien & les au-
f Qiiôd uti talibus , &fidem
dare , non lit idololarria aiic
înfi.ielitas , error. ...» Quôd
inire padbim cum dsemonibas ,
taciriim wi exprellum , non
fn idololatria, vel fpecies Jdo-
ioiatri* & Apoftafia , error. J
g Intelligentes , quôd om«
nis fornicator, aut imnv.irjdus ,
aut avarus , qucd eft Idolo-
riin» fcrvitus , non h<rt)et hst-
redicatem in regno Chriûi &
Oei.
fur les Commandemem de Dieu, î 6^
très Pères qui ont écrit durant les perf^utions des
Empereurs payens , & après eux (aint Auguftin , Ce
font fort recrics contre ce crime , comme étant très-
injurieux à Dieu.
La Magie prife généralement , eft un art qui ne
fe fcrvant que des forces créées , fait des chofes ex-
traordinaires & furprenantes ; aufli ce nom fe prend
en bonne & en mauvaise part , félon les bons & les
mauvais effets qu'on attribue à la Magie. Ces effets
lont , ou naturels , ou artificiels , ou diaboliques , com-
me remarque S. AuguHin dans le livre ii. de la
Cité de Dieu , chap. 6. & ceû pour cela qu'on di-
vine la Magie , en Magie naturelle , artificielle &
diabolique.
La Magie naturelle produit des effets extraordi-
naires 8i merveilleux par les (eules forces de la na-
ture , comme quand Tobie fut guéri de (on aveu-
glement par le foye de ce polffon qui fortit du
Tigre pour dévorer le jeune Tobie , commue il eit
dit dans le ch. 6. & ii. de Tobie. S. Auguilin rap-
porte difi'érens exemples de cette Magie dans le
même livre de la Cité de Dieu , clian. 53.
La Magie artificielle produit auffi des effets fiir-
prenans , mais c'efl par l'induflrie des hommes. On
peut en apporter pour exemple un grand nombre
de machines qu'on a inventées dans ce fiécle, & les
tours d'adreffe & de foupleffe qu'on voit faire aux
danfeurs de corde 8c aux joueurs de gobelets. Saint
Auguflin , au même endroit , remarque que de Ton
tems on faifbit tant de chofes admirables par le
moyen des méchaniques , que ceux qui ne Hj-avoient
pas cet art , les croyoient divines,
La Magie diabolique , à qui on donne le nom de
Mape noire , efl un art qui produit par le mini(îere
du Déni on des effets extraordinaires & furprenans ^
qui furpalTent les forces de Ja nature & celles des
Iiommes , mais non pas celles des Démons. Cela pa-
rut viflblement dans les Magiciens de Pharaon , qui
imitèrent par leurs enchantemens les véritables mi-
racles que Dieu opéroit par Moife , comme il ell
:ï(?4 Conférences d"^ Angers >
ait au ch. 8. de l'Exode ^, Cette Magie fuppofè ne-
ceflairement un pade exprès ou tacite avec le Dé-
mon ; c'elt de-là. que le Pape Jean XXII. dans fà
Bulle Super illius Spécula , & Sixte V. dans celle
qui commence par ces paroles , Ca îi & Tcrrœ Crea^
ter -i qu'il publia en 1586. contre l'Afirologie judi-
ciaire , appliquent aux Magiciens ces paroles du ch.
z8. d'Ifaie. I erciijfimus fœdum cum morte , & cûm in-
ferm fecimus paùaîm. Perfbnne ne peut douter que
cette Magie qui eft une efpece d'Idolâtrie , ne fcit
toujours fuperilitieufe & illicite.
Aufli les Pères & les Conciles la condamnent
comme un crime exécrable & très-pernicieux , que
la Loi de Dieu ordonne en termes exprès de punit
de mort K C'eft pour cela que les Evéques de France
afiembiés à Melun l'an 1575). déclarent qu'on doit
empêcher avec toute la diligence & tout le foin
poflîble , que les Magiciens ne fe multiplient , &
qu'il faut les exterminer , félon les canons des an-
ciens Conciles ^. Le /ixieme Concile de Paris de
l'an 81p. liv. 3. ch. z. exhorte les Princes aies pu-
nir. Le Droit Civil a décerné diverfes peines con-
tre eux.
La Magie eli fondée lur un paâ:e exprès , quand
on a invoqué exprefTément le Démon en quelqu'une
des manières que nous avons expliquées au com-
mencement de la féconde Quelîion. Elle eft fondée
fur un pafte tacite , non-(eulement quand on Ce lèrt
des fîgnes fuperflitieux , dont on fcait que les Ma-
giciens u(ènt , lefquels ^on a appris par la lefture
de leurs livres , ou dans leur converfàtion i mais aufli
h Fecerunt fimiliter maîe-
ficii /îçyptioriim incantationi-
bus fuis.
i Malefîcos non patieris vi*
vere. ExoJ, 22.
h Qiiamobrem cîiligenter &
acciiratè Jaboraridi.ini , ne hscc
ptilis altiùs radices agat , fed
|uxta vettrum Canoimm Con-
cilicrum Aricyr^nfîs , Laodi-
ceni , Carthaginen/îs , Toleta-
ni & Aureliaficnfis Décréta
extera-.inentur unà curn Ario-
lis , Divinatoribiiy, Sorcilcgis,
Necromanticis, Pyrc-manticis »
Chiromanticis, Hydioaaanùcij
perfonis.
fur les Commandemens de Dieu, i^^
quand par une ignorance criminelle , on Ce (ert de
ces fortes de lignes , ne (cachant pas qu'ils (oient (u-
perfîitieux & inventes par le Dcmon , parce que
Ton a néglige de s'inilruire , ou qu'on n'a pas a(^
fiûé aux Catcchifincs , ou inflrudions qu'on fàk dans
les ParoifTes.
Dans ce Dioccfè , c'eft un cas rciervé que le pé-
ché de ceux qui font des cho(es qui furpafTent les
forces de la nature & celles de l'art , par l'aide du
Démon , auquel ils Ce font engagés par un pade
exprès ; c'elî ce que l'on entend dans l'article 6»
des cas réfervés par ces paroles , Peccatum Magies
ciim expnjja D.emonum invccaiione.
Quant à la Magie naturelle & artificielle , elles
(ont bonnes en elles-mêmes comme les autres arts y
£<. elles ne font nullement fuperilitieules. La Magie
naturelle n'efl: proprement qu'une connoifîance des
{ècrets de la nature les plus cachés , & de la vertu
fînguliere des caufes naturelles^ qu'on applique d'une
manière convenable ; d'où il s'enfuit des effets que
les ignorans prennent pour des miracles , ou pouL*
des enchantemens.
La Magie artificielle efî un art ingénieux , qui fait
des chofes extraordinaires par le moyen des princi-
pes de l'Aftronomie , de la Géométrie ou de l'A-
rith-métique , ou par la foupleffe des mains , ou pac
l'agilité du .corps.
Quoique la Magie naturelle & l'artificielle , fî
on les confidere en elles-mêmes , fbient permifes ,
elles peuvent par accident devenir mauvaifès & cri-
minelles , à caufe des circonftances dont elles le
trouvent revêtues, comme il arrive, i^. Quand on
s'en fert à mauvais deffein , ou pour une mauvai(e
fin. 1*^. Quand il en naît du (candale , & que l'on
donne lieu de croire que les effets qu'elles produi-
fent , viennent du Démon. 3°. Quand elles caufènt
quelque dommage au corps ou à l'ame du prochain,
ou de ceux même qui s'adonnent à ces fortes d'arts,
comme il arrive fouvent aux danfeurs de corde.
Il e'X plus aifé de difcerner la Magie artificielle
d'avec la diabolique , que k naturelle ; car pour faire
't66 Conférences d^ Angers ;
connoître qu'une chofe le fait par i'induflrie de l'hom-
me , il ne faut que faire voir à découvert la manière
dont elle fe fait ; mais comme les caufès naturelles
ont des vertus fingulieres qui font cachées & in-
connues , le Diable Ce fert de ce prétexte pour trom-
per les hommes , ainfi on peut s'y méprendre plus
facilement. Il ne faut pourtant pas s'imaginer que
tout ce qui nous eft nouveau & nous paroit fiirpre-
nant , foit de l'invention du Démon, Saint Auguf^
tin nous donne cet avis dans le liv. zi. de la Cité
de Dieu , cliap. 4. où il nous fait faire attention à
plufieurs effets naturels qu'on croiroit miraculeux
il on n'y étoit point accoutumé.
Pour connoitre fi ce qui fe fait contre les règles
ordinaires de la nature ell un effet purement natu-
rel , on peut fe faire une règle , qui efl de croire
naturels tous les effets extraordinaires qui naifTe nt de
l'application des caufes fécondes , quand pour leur
faire produire ces effets , on n'y joint aucune vaine
obfêrvance , comme font certaines paroles , certaines
images ou figures , ou certains caradères , & qu'on
n'obferve aucune circonlîance vai"e, inutile ou ri-
dicule ; mais fî on mêle quelqu'une de ces fliper/li-
tions , com.me néccffaire pour la produdion de l'ef-
fet qu'on attend , alors il faut juger que la chofe ne
fe fait pas par la vertu naturelle des caufès fécon-
des , mais par le miniflère du Démon,
fur les Co7nm an démens de Dieu, l (yj
XXXXXXXXXXsXXXXXXXXXXXXX
R à s V L TA T
DES
CONFÉRENCES
SUR
LES COMMANDEMENS DE DIEU.
Tenues au mois de Septembre iji^'
PREMIERE QUESTION.
Q_uejl-ce que la Divination , Cr combien y en
a-t-ii de Jones ?
LA connoifTance certaine & infaillible de Ta-
venir eft fi propre & fi particulière à Dieu,
que le Prophète I(âïe , chap. 41. la propofe comme
une preuve conlLmte de !a Divinité : Dccouvrez,-
nous , dit-il , ce qui doit arrive" h l'avenir , & nous
reconnoitrons que vous êtes des Dieux ^. Pour l'iiom-
me , il ne peut pas avoir cette conno (Tance ; i'Fccié-
lîi (lique l'iifllire au chap. 8 ^, Ce qui a donné occa-
fion à Ttrtuyi.en de dire dans (on Apologétique ch«
10. Idor^eum opi'DiT !efii}nyi-:i'.>yi ^'^ - •- ■: , icriius d:-'
vinationis. Dieu rend quelque" .âmes parti-
a Annunriare quar venur»
r*Mt v\ f ;t'.iaiai , & fcicmuj
^u Dii clhs.
. t nullo fcirc
'Y6S Conférences d'Angers ,
cipans de cette connoifTance , leur révélant les cho"^
Ces à venir , comme on l'a vu dans la perfonne des
Prophètes ; mais on ne doit ni la défirer ni l'atten-
dre de Dieu , fans un inflind particulier de fa grâce :
ce feroit le tenter.
Il n'eft pas queftion ici de la connoifTance des
chofes futures , qui nous vient de Dieu , & que fàint
Paul au chap, 12. de la première aux Corinthiens,
appelle Prophétie , mais d'une connoifTance fuperfli-
tieufe & mauvaife que le Démon peut donner aux
hommes ; car par la divination on n'entend autre
choie qu'une connoifTance , par le moyen de laquelle
on fçait les cliofes qui font à venir , ou qui font
fort cachées & éloignées de la portée & de la ca-
pacité naturelle des hommes , en invoquant le fe-
cours du Démon par un pade exprès ou tacite. C'efl-
là l'idée qu'en donne S. Thomas 2. i, q. ^5, art. i <^.
Il eft aifé de voir qu'il ne faut pas comprendre
fous le m.ot de divination la connoifTance que les
Phiiofbphes , les Aflronomes & les Médecins ont
de certains effets naturels , qui dépendent des caufès
qui agifTent nécefTairement , & toujours d'une même
manie/e.
La divination efl quelquefois appuyée fur une
invocation exprefTe du Démon , dont on . implore le
fecours par fbi-meme ou par Tentremife des Ma-
giciens , afin qu'il faffe connoitre les chofes cachées
qu'on défire fçavoir. Il n'y a nul doute que cette
divination ne foit d'elle-mcme un péché mortel très-
grief ^ car quand même le Démon nous prédiroit , ou
nous manifefîeroit des chofes véritables , comme il
peut le faire , connoifTant par la vivacité de fon
efprit des chofes qui paffent la capacité naturelle
des hommes , nous ne devons point avoir recours
à un tel maître qui ne nous propofe des vérités qu'à
c Omnjs divinatio ex ope- ' biisfuturori-m , ut mentes ho-
rarnnc daemoniiiH provenit , ; minum implici.nt vanitate de
vel qnu exprefiè daemones ■ qua dicitur r/a.'. ^«^.Nonref-
invocaiitur ad fuiura m^mifcf- : pexit in vanitaies & inlanias
tanda , vel quia daeinones in
gerunt fe variis inçiuiriuoni-
falfas*
delTein
fur les Comrnandcmem de Bleu. i6y
ilcHl'ln de nous accoutumer à le croire, pour enfulta
nous faire tomber dans les pièges.
Quelquefois la divination elt (ans une invocation
rxprefTe du Démon , comme quand on s'eftbrce de
coiinoitre les choies cachées ou futures , par des
moyens qui ne peuvent les fiiire connoitre naturel-
lement, & n'ont aucun rapport aux chofes dont on
dénre avoir la connoiflimce. Quoiqu'en ce cas on
n'implore pas le fecours du Démon expreflcment >
c'ed poui-tant par Ton moyen qu'on veut découvrit
ces chofes. Varia ., dit S. Tiiomas dans la même quet^
tion 5? 5. art. z, inquifuio futur or um ejl , qiiando ali-
qnis fitturum prisnojcere tentât , uncw pr^a-najci non po~
tejl , & à l'art. 3. Vrater inteniior.em hcmi.iis fe occul-
ta Da:mon ingerit , ad prienuntianditm futura quidam
alla: hcminibîis ftim ignorata.
Il faut donc dire que la divination en général efl
mauvaile & illicite ; auffi Dieu l'a en abomination ,
comme la magie ; il défend également de confiil-
ter les Devins & les Magicie'ns , & il menace de
mort & les Magiciens , &c les Devins , & ceux qui
les confuhent '^. Elle nous fait même comprendre
dans le premier Livre des Paraiipomenes chap. 10.
que Saul mourut pour avoir confulté une femme
PythonifTe.
Les Conciles , pour arrêter le cours de la Magie
& de la Divination , ont aufïi fait de rigoureulès
défeiiles de confulter les M.igiciens & les Devins y
de leur ajouter aucune créance , ou de les intro-
duire dans les maifbns : Ils imposent plufieurs an-
nées de pénitence , à ceux qui auroient la téméri-<
té de le faire > & même Ils les excommunient ^
à Non declincris a<i Ma-
gos , nt-c ab Ariolis f.ifcir-j-
miiii , ut polluamini pcr c^r,
Lfi/ir. cjp, 19 Anima qtiaf de
clinavericad Magos & Arioloi,
& fornicata fueritciim cis, po-
nam facicm mcam c ^nrra cam ,
&. iincrficia'n eam dt; mcdio
populi fui. Levic. cjp% xo
Non inveniatur in teqiil Ario-
los fci^citetur . nec qui l'ytho-
Dcs conf'ilat , ncc Divinos »
atit quar'at à morîuis vcrita-
tcm : Omnia tni.n hxc abo-
ininatur Domin.u , & propter
iftiuf.nodi fcckra dc-lcbic cos
i'iintroitu f.io. Dtutiroa» cap,
18.
Tome I, H
lyo Conférences d^ Angers,
'comme ont fait le Concile d'Ancyre , canon i",
rapporté par Gratien au canon Q«z divinationes , c,
26. q. 5. celui d'Agde de l'an 506. can. 42. le pre-
mier Concile d'Orléans, can. 23. le quatrième Con-
cile de Tolède , can. 2p. le Concile Quinifexte in
Trtillo ^ can. 61. le premier Concile de Rome fous
Grégoire II. can. 12. le fîxieme Concile de Paris,
de l'an 82p. liv. 3. chap. 2. celui de Londres, de
l'an 1125. can. 15. celui de Valladolid , dans le
Diocefe de Palenza en Caftille, tenu l'an 1322. can.
24. le premier Concile de Milan fous S. Charles,
première part. ch. 10. celui de Bordeaux de l'an
1583. ch. 7. celui de Mexico de l'an 15" 85. au livre
5". tit. 6. celui de Malines, de l'an 1607. au tit. i^,
ch. I. celui de Narbonne , de l'an 1605». chap. 3.
les Ordonnances Synodales & les Rituels d'une in^
finité de Diocefes.
C'efl même à préfênt une pratique presque uni-
verfelle dans tous les Dioceles , qu'on dénonce pour
excommuniés tous les Dimanches au Prone de la
MefTe ParoiiTiaie les Devins & Magiciens , tous ceux
qui ufent d'Arts Magiques , ceux qui ont recours à
eu:, ou leur adhérent. L'Eglife donne par-là un té-
moignage public de l'averlion qu'elle conférée pour
ces redes du Paganifhie.
Il n'eil donc jamais permis de confulter les De-
vins fous prétexte d'évitel^-un danger qui eft fort à
craindre , de retrouver une chofe de conféquence
qu'on a perdue , de réparer un dommage confidéra-
ble , de recouvrer la ùiiué qui eft déferpérée , parce
que , comme décide S. Thomas , 2. 2. q. 5)5. à l'art. 4,
dans la réponle à la troiiîeme Objedion , Nulla mi-
litas temporalis foteji comparari detrimento ffirimalis
faluîis , quod imminct ex inquijitione occultorum per dit'
monum invocationem. C'ell aulTi le fèntiment de la
Faculté de Théologie de Paris, dans l'art. 15. de la
Cenfure du mois de Septembre 1398.
Le même S. Thomas art. 3. diftingue trois gen-
res de Divinations , qui répondent aux trois ma-
nières dont le Démon fe fert pour concourir avec
les Devins dans la prédiftion des chofçs fuiures. L4
fur les Commandemens de Dieu. 171-
ptemiere de ces manières efl l'invocation exprelîe
du Démon : la féconde cil la conlîdcratioii de l'or-
dre & de la difpo/ition des choies qui n'ont aucun
rapport avec l'effet qu'on veut connoitre r la troi-
fieme eft lorfque le Dcmon s'ingère en ce qu'on
fait pour prévoir l'avenir. Quoique l'on n'invoque
point expreiTément le Démon dans les deux dernières
manières, c'eft pourtant lui qui (e mcle, (ans qu'on
y prenne garde , & contre l'intention des hommes ,
de leur faire connoitre les choies à venir par ces
fortes de moyens , dans le deflein qu'il a de les em-
barraiïer par ces prédidions trompeuies , qui font capa-
bles de les corrompre & de les engager dans toutes
fortes d'impiétés.
Le premier genre de divination contient neuf ef^
peces; f^avoir, le Preftige , la Divination par les lon-
ges, la Nécromancie , la Pythonique, la Géomance,
rHydromancie,rAiromancie, la Pyromancie & l'A-
rufpice. S. Thomas explique toutes ces efpeces de
divinations.
Le fécond -genre de divination comprend les fîx
efpeces qui (liivent ; (cavoir, l'Aftrologie judiciaire,
qui tache de prédire les chofes futures qui regardent
les personnes , en dreffant une ligure de corps cé-
lelîes , ôc de leurs regards à l'heure & au moment
de la naiffance de quelqu'un. L'Augure , par lequel
on veut au chant des oiieaux prédire les chofes fu-
tures. L'Aufpice, par lequel on s'efforce de les pré-
dire par l'inlpedion du mouvement des oifèaux. Le
Préfàge; par lequel on veut prédire l'avenir par les
paroles des hommes , proférées (ans deffein & (ans
intention. La Chyromancie , par laquelle à VinCpeC"
t'ion de la main & de fès lignes on prédit l'avenir.
La Spatulamancie , par laquelle on veut prédire l'an
venir , par l'infpedion des (îgnes qui paroilfent dans la,
partie des animaux.
Le troi(îeme genre comprend deux e(peces prin-
cipales. La première eft , la Géomance qui el\ un-
art qui confide à faire de la main droite au hazard
& Hms compter , pluiieurs lignes inégales de points
fur un morceau de papier , & ^ui par les moyens
H ij
17^ Conférences d^ Angers y
des figures que font ces points, veut prédire Pave-
prédire i avenir par quelques fignes qui
paroifTent fur ia terre; la féconde e(pece eft le fort;
f^avoir , quand par l'inlpedion de quelques figures
de plomb fondu jette dans Feau, ou en tirant- des
billets écrits ou non écrits mis en un chapeau , ou
en tirant à ia courte-paille :, ou en jettant des dez
pour voir qui fera le plus de points , on prétend
prédire l'avenir , ou découvrir celui qui a éit une
telle aélion.
On feroit trop long Ci on s'arrétoit à expliquer
en détail toutes ces ditiérentes espèces de divinations.
Pour faire voir au'elles font toutes faperilitieufes &
illicites, on Ce contentera de parler de quelques-unes
des plus remarquables , & il ne (era pas difficile de
faire l'application aux autres , de ce que l'on aura dit
de celles-là.
Nous commencerons par l'Adrologie qui eft une
fciençe qui prédit les chofes à venir p^ir l'infpedion
des Adres : elle eft permife , quand elle n'entreprend
de prédire que les chofes qui doivent nécefHiirement
arriver, félon le cours ordinaire que Dieu a établi
dans la nature , comme font les Ecliplès du Soleil
Se de la Lune, les révolutions des Saifbns , lesccn-
jonâicns des Planètes , leurs oppo/îtions. La rai(bn
en que ces effets étant certains & néceiïaires , on
peut en avoir une conno.ffance certaine : c'ell le
lentiment commun des Dofteurs , après S. Thomas
2. 1. q. 9$. art. 5'. L'Aftrologie efl: défendue, quand
elle Ce mêle de prédire les evenemens qui font con-
tingens, les chofes caflielles , ou les actions qui dé-
pendent de la volonté de l'homme, & qu'il peut li-
brement faire ou omettre , parce que ces chofes ne
Ibnt point des effets certains ou néceffaires qui foienc
caufés par i'imprefîion des corps célefies.
C'efî donc en vain que les Aflrologues prétendent
par le cours des Aflres & leurs différent afpeds ,
au moment de la nailîànce des perfbnnes , tirer des
liorofcopes ^ dç forcaer des jugçjiiens certains & a(^
fur Us Commande mens de Dieu. 173
Turcs fur les avions libres des hommes qui dépen-"
dent de leur volcntc , fur la fuite de leur vie, & fut
les autres cliofes purement cafuelles ; & c'efl: une (ù-
perllition criminelle de les confulter, & de leur faire
drelTer fon horofcope , & de s'arrêter à leurs obfer-
vations ; car s'il arrive qu'ils ayent devine quelque
chofê, ce ne peut être que par hazard ou par l'invo-
cation du Dcmon. On ne doit donc ajouter aucune
foi à ces trompeurs qui veulent réduire les hommes
à une mifcrable fervitude , comme remarque S. Au-,
guftin dans le liv. i. de la Dodrine Chrétienne,
au ch. îi ^.
L'Aftrologie judiciaire , qui prétend prédire ces
fortes de chofls avec autant de certitude que fi el-
les étoient préfentes aux yeux des Aûrologues , efî
donc une (cience vaine, trompeufè & remplie d'ex-
travagances. C'eiî de-là que le Prophète Ilàie dans
le ch. 47. annonçant aux Babyloniens la ruine de
leur ville , leur dit par moquerie en les indiltant ,
que s'ils veulent fçavoir les malheurs qui leur doi-
vent arriver, ils n'ont qu'à confulter les Aflrologues,
& qu'ils voyent s'ils les fiuveront ^, Auifi Jércmie
chap. 10. avertit de la parc de Dieu les Ifraéiites de
ne point craindre les fignes du Ciel , comme les Na-
tions les craignent B. D'où l'on peut conclure que
l'Aftrologie judiciaire eft condamnée par la Loi de
Dieu , comme un refte du Paganifhie.
Elle eft auffi condamnée par les Loix Humaines ,
e Neque illi al) hoc génère
fiipcrflitionis perniciofx ft grc-
gandi fiint, quiolim Gen tMia-
ci propcer natalium dierum
confidcrationcs , nunc aiiiem
vulgè Mathematici vocantur ;
naiii & ipfi quamvis veiani fiel-
laium pofitioncm , cum quif
que nafcitur , confeft-'ntur > t^
aliquantlo ctiam pcrvcrticcnt ,
taniçn quod indè conantur ,
vcl a£lioncs iiolîras, vcl ac
rionum éventa pr*dicerc , ni-
ptxïi errant, ^ vendun; impe-
ritis hominibus mîfcrabilem
fervitiuera.
/ Stent ôc filvenr te Augu->
res Cœli i qui contcmplaban-
tiir lidcra & fiippiitabant nicn*
Tes, ut ex cis annuntiarent vcn-
tiira tibi. Ecce fadi font quafî
ftipula , ignis combufTit cos :
non libcrabiint animam fuana
de manu flammx.
g A fignis Cœli noîite me-
tuere , quae timent genici :
quia legcs populoruca vanx
lunt,
Ï74 Conférences d^Angen,
Ecclé/îaillques & Civiles, comme l'on peut roîi*
dans le Concile d'Ancyre , canon 24. le fécond de
Brague, canon 8. celui d'Agde, canon 41. de Pa-
ris en 82p. liv. 3. ch. 2, le quatrième de Tolède,
canon 28. ceux de Milan, de Reims, de Bordeaux,
^e Touloulè, de Narbonne & de Malines, qui ont
été tenus depuis le Concile de Trente , & dans le
Code Théodo/ien & celui de Juftinien , où l'on
trouve des Loix des Empereurs qui ordonnent qu'on
chafle de Rome & des autres Villes ces (brtes d'A{^
irologues, & qu'on les transporte dans des Pays éloi-
gnés.
Nos Rois dans les Ordonnances d'Orléans art. 16»,
êc de Blois art. 36. veulent que tous Devins & fai-
lèurs de Pronoftications & Almanachs, excédant les
termes de l'Ailrologie licite , fôient punis extraordi-
îiairement & corporellement, & défendent aux Im.pri-
meurs & Libraires (iir les mêmes peines , d'imprimer
ou expofer en vente aucuns Almanachs ou Prono£^
îieations, qu'ils n'ayent été vus par l'Evéque.
Le Pape Sixte V. fit publier au mois de janvîei?
de l'année 158e. une Conftitution qui commence
par ces mors , Calî ô" Terra Creator , par laquelle
il ordonne qu'on faffe une exade recherche de ceux
qui polTédent l'Aftrologie judiciaire , & qui veulent
par cet art imaginaire prédire les évenemens con-
lingens , les cas fortuits , & les adions qui dépen-
dent de la volonté des hommes. Bien plus , il veut
qu'on prononce contr'eux les peines Canoniques,
quand même ils protefleroient qu'ils ne prétendent
point donner pour certaines les chofes qu'ils prédirent >
parce que cette proteftation n'empêche pas que ce&
fortes de prédidions ne foient fuperlHtieu(ès &. pré-
judiciables au Public.
Si on veut être pleinement perfiiadé qu'on ne doit-
donner aucune créance aux Devins ou Allrologues,
il ne faut que lire Tertullien dans le livre de l'Ido-
lâtrie, ch. 5?. Origene rapporté par Eufebe liv. 6,
de la préparation Evangélique , ch, 5». Saint Ba/ile,
Homélie 6. fur l'Hexaméron ou de la création du
monde, S, Arabroife liv. ^* fur la mçnie matière ch»
fur les Connnan démens de Dieu, ijf
i\» S, Auguftin livre 4. de les Confeflions , ch. 3-
le livre 1. de la Dodrinc chrétienne aux ch. zi*
& li. livre 1, de la Genefe à la lettre, ch. 17. &
dans les huit premiers chap. du livre 5. de la Ci-
te de Dieu, & S. Grégoire le Grand, Homélie lo,
fur les Evangiles. Ces Pères marquent non-leule-
ment du mépris, mais aufifi de l'indignation & de
l'horreur pour ceux qui fê mêlent de pronodiquer
l'avenir , ou de découvrir les chofès cachées par
rAftrologie judiciaire. Ils les traitent de fourbes , d'im-
pofteurs 8c d'infâmes, qui gagnent leur vie en trom-'
pantles liommes. Ils condamnent leurs oblervations»
comme des illufîons & des fauffetés introduites par la
rufe du Démon , particulièrement celles qui Ce font
Tur le point de la naiiïànce des hommes , afin de jugen
par-là de leur deftinée , qu'on fait faufTement dépen-»
cire des Etoiles.
Qu'on juge de-la fi on peut (ans péché mortel s'ar-
rêter aux Horofcopes , comme à des prédidions cer~
taines de l'avenir. On ne croit pourtant pas que le pé-
ché fût mortel , fi on ne regardoit les Horofcopes que
comme des conjedures que l'on peut fonder en quel-
que manière fur l'imprefîion que les corps célefles fon.L
par leurs influences îur les puilTances feniitives, dont
l'ame dépend dans (es opérations.
C'eft avec rai(bn qu'on traite de (uperllitions la
Chiromancie & la Phyfîonomie , par Ie(quelles on
prétend connoitre avec certitude les mœurs & les
inclinations des liommes par l'infpedion du dedans de
la main , & des lignes qui s'y rencontrent ; ou en con-
fîdérant les traits & les linéamens du vi(âge , & ju-
fer par-là des adions particulières des hommes ouî
es chofes qui leur peuvent arriver du dehors , ou
de celles qui ne doivent pas leur arriver nécefTai-
rement , mais qui font en leur liberté ; car tout cela
ne dépend ni du tempérament des hommes, ni de
la difpofition de leur corps. Les linéamens & les
iîgnes qui paroilTent dans la main ou fur le vifage >
peuvent tout au plus fervir de fondement à des con-
jedures fort incertaines fur les inclinations des hom-
H iv
xqG Conférences d'Angers,
ïTies ; car il arrive fouvent que la raifbn & la grac^
corrigent dans les hommes les mauvaifes inclina-
tions qui peuvent leur avoir été imprimées par la
nature , & qu*elles donnent à leurs âmes des pentes
toutes différentes de celles qui paroilTent fur leurs
vifàges 8c flir les autres parties de leurs corps. Le
premier Concile de Milan fous S. Charles, dans le
titre des Arts Magiques , veut qu'on réprime la li-
cence de ceux qui fe mêlent de deviner par finlpe-
^ion des ongles & des traits du vifage. Ex unguhim <^
Uneamemomm ctrûoris infpcùHone.
Les livres qui traitent de la Chiromancie , font
condamnés par la neuvième des règles drelTées par
l'ordre du ConciJe de Trente , pour être miles au
commencement de l'indice des Livres condamnés ,
& M. de Sainte Beuve a eu raifon de dire dans le
tome 3. de Tes Réfoluticns. cas 171. qu'on ne peut
garder ces livres par curiolîté , pour fçavoir ce
qu'ils contiennent, mais feulement pour les réfuter,
quand on y eft obligé par Ton caractère & par la.
profelïîon,
C'ell donc un péché de dire la bonne avanture ,
8c l'on ne doit point le louffnr faire à ces coureurs,
qu'on nomme ordinairem.ent EfTyptie^s ou Uohémkns ,
qui ne cherchent qu'à attraper l'argent de ceux qu'ils
trompent. Le premier Concile de Milan Ibus S. Char-
' les 5 celui de Malines de l'an 1607. les Statuts dj
Diocefe de S. Malo , de Tan ï6i8. veulent qu'on
les punifTe & qu'on les chaiïe. M. le Cardinal le Ca-
mus dans Tes Ordonnances Synodales , enjoint aux
Curés du Dioceie de Grenoble , de déclarer excom-
muniés au Prone de la Melfe paroifiiale , ceux quipro-
mettent de dire la bonne avanture.
Les Augures & les Aufpices avoient autrefois tel-
lement la vogue , que les Payons nefaifbient pas la
moindre chofe fans les avoir auparavant conliikés.
lis tiroient du vol, du cri, du chant, du manger &
du boire, & de quelques autres mouvemens des Oi-
lèaux , de bons ou de mauvais prélâges , qu'ils croy oient
û sûrs & fi certains , qu'ils régloient fur eux ieurj
fur les Commandemem de Dku, 177
^ntreprifes, Ceft de-lA que l'Ecriture faintc fait dc-
fcnle en tant d'endroits d'oblerver les Augures , &
que les Saints Pères Te font Ç\ fort recrics contre
ces malheureufes pratiques que le Dc-mon avoit in-
troduites , pour impofcr à la folle crédulité des Peu-
ples idolâtres , comme remarque S. Cyprien dans
le livre de la Vanité des Idoles, & après lui Jean
de Salisbery , Evcque de Chartres, dans Ton bel Ou-
vrage, intitulé Policratique 3 ou des Badincrics des
Seigneurs de Li Cour.
Par ces augures fuperllitieux qu'on nomme arti-
ficiels, comme ayant été inventés par les hommes
dans le tems du Paganifme , on entend ceux donc
on fe iert pour deviner les chofes qui doivent ar-
river, non pas néceffairement, mais librement, ou
dont les évenemens font contingens ; par exemple ,
pour ll^avoir fi on doit entreprendre une telle affaire^
ou ne la pas entreprendre ; iî un voyage réuffira , ou
ne réudlra pas.
Il y a certains augures ou préfîiges naturels qui
dépendent de Tordre que Dieu a établi dan^; la na-
ture, lefquels font comme invariables, & annoncent
des efiets qui arrivent néceflairement. Tels (ont ceux
que les mariniers & les laboureurs tirent des météo*
res , des élémens, des plantes & des animaux, pour
prédire la tempête ou la bonace, la piuye ou le beau
tems , l'humidité ou la lechereffe & d'autres effets fem-
blables. On ne prétend pas condamner ces préfàges y
on peut même de ces paroles de Jérémie , chap. 8,
Milvus in Cœlo co^novh tcmpus Juum , turtiir ô" hi"
riindo ^ ciconia ciijlodicriint tempus adventûs fui
conclure qu'ils (ont permis. ' *
Ceft aufli une (îiperftition que de Ce fonder (ur
de certaines rencontres , ou fur de certains évene-
mens qui arrivent dans la vie par hazard & (ans
delTein, pour en tirer des préfîiges de bonheur &
de malheur, & prendre fur eux des meflires pour
faire certaines ad:ions , ou ne les pas faire : quoi-
que ces évenemens n'ayent aucun rapport aux cho-
fes qu'on craint ou qu'on délire , comme lorftiu'on
croie que c'eU un mauvais préfâge fi on entend ic
H Y
'J78 Conférences d'Angers l
Ibif, ou la nuit , un hibou, ou un orfraie crier furie
toh de la maifbn , ou un corbeau croafTer en cer-
tain tems , ou fi le coq a chanté à une heure indue ,
ou fi en (brtant de la maifon on rencontre un lièvre ,
vin ferpent , un borgne ou un boiteux ; qu'au con-
traire il arrivera du bonheur, fi l'on rencontre le
matin un loup , ou une chèvre , ou un crapaut ;
que ce font des prclages de bonne ou mauvaiie for-
tune, quand on entend tonner à droit ou à gauche,
quand en fbrtant le matin de la maifbn, le premier
pas qu'on fait efl du pié droit ou du pie gauche , .
quand en marchant dans un chemin , un certain nom-
bre de pies volent à notre droite ou à notre gau-
che ; qu'il arrivera malheur , quand étant à table ,
on renverfe la faliere, ou quand quelqu'un nous ren-
contrant au matin en chemin nous demande où nous
allons.
Cependant, comme remarque Jean de Salisbery
dans le livre i. du Policratique , dernier chapitre,
îl y a une infinité de gens qui ajoutent foi à ces imper-
tinences , & les regardent comme des préfages cer-
tains ; ce qui efî une illufîon pitoyable que les Saints.
Pères condamnent, entr'autres S. Eafîle fur le chap,
2. d'Ifàïe, S. Chryfoflome Homélie 21. au Peuple
d'Antioche , S. Auguftin, livre 2. de la Dodrine
Chrétienne, chap. 20. aufquels fe font conformés le
premier Concile de Milan fous S. Charles, &le Con-
ùle de Bordeaux de l'an 1583.
En effet, on ne peut apporter aucune raifbn tant
(bit peu apparente, pour autorifèr ces extravagan-
tes obfervations , & on efl forcé d'avouer qu'il n'y'
a rien de plus frivole, ni de plus ridicule que de
régler fes adions & fà conduite fur de pareilles ren-
contres , qui n'ont point de caufe certaine , qui ne
dépendent que du hazard, Se a. qui on peut donner
également une bonne ou mauvaife fîgnificaiion :
On peut voir fîir cela Pierre de Blois, dans fa let-
tre 55.
Nous ajouterons pour la confblation des âmes
timorées , qui ont renoncé à ces ridicules obfèrva-
lions , que la er^ipte que l'oa ftjjt çjiçore ^ lorf^u'on-
fur Us Co mm an démens de T)Leiu 1 79
trouve des /îgnes qu'on a cru autrefois éire de mau-
vais augure , n'éjkju'un refte de la mauvaife habitude ,
qu'on ne peut pas empêcher aufii-tot qu'on c(ï averti
qu'il y a du mal dans ces (ortes d'oblervations. Cette
crainte n'eft point un péché , pourvu qu'on y renon-
ce, & qu'on n'ajoute plus foi à ces vaines rencon-
tres.
Les Auteurs qui ont traite de cette matière, cfli-
ment que cette forte de fuperiîition efl plutôt une
vaine obiervance qu'une Divination , en ce que dans
la Divination, on cherche à deiïein des /îgnes pour
iîç'avoir l'avenir, ou les chofès cachées, mais en cel-
le-ci on tire feulement des conjedures , de ce qui fe
pré fente par hazard fims qu'on le cherche.
Les fongcs fbrv'ent quelquefois à la divination ,■
quelquefois ils fervent à de vaines obfervances. On
peut dire généralement parlant que l'un & l'autre ufà-
ge efl fuperflitieux. Aufïi Dieu défend aux Ifraélites
d'obfèrver les fonges ^y & l'Eccléfiaflique dans le ch»
514. nous apprend que les fonges ont fait tomber plu-,
fleurs perfbnncs dans l'erreur •.
Les Conciles & les fâints Pères blâment fort ceux
qui s'arrêtent aux fonges : ils difent que cette fliper-^
Ôition efl une cfpece de culte qu'on rend aux Idoles ,
une refle de Paganifme , une invention du Démon &
une déteflable pratique. C'efl ainfi que parlent S. Cy-
rille de Jérufiilcm dans la première Catécliefe Myfia-
gogique , S. Grégoire le Grand liv. 8. des Morales
fur Job au ch. 13, & le Concile de Paris de l'an 81^0
liv. 3, chap. z.
Jean de Salisbery liv. i. du Policratique chap. ijà
eflime que ceux qui s'arrêtent aux fonges, s'écartent
de la foi & de la raifon tout enlèmble ^. Le premier
Concile de Milan fous S. Charles , ordonne aux Eve-
h Nec obfervabitis fomnia.
Levit» 19, Non invcnia ur in
te qui obfcivet fomnia. Dcur,
XS.
i Multos crrare fecerunt
fomnia».
k Qilifquiscrcdiilitatern fiiam
fignificationibus aJUgat fom-
nioriim , planum cft qiiin tam
à finceritatc fidci , qu.im à tra"
niitc ratiouis exorbitar.
H
V)
1 8 ô Co nfére n ces d'Angers j
ques d'employer contre eux les peines Ecclé/îafliques
pour les punir.
Mais parce qu'il y a différentes caufès de fonges,
jl faut parler différemment des longes en particulier
par rapport aux caufes d'où ils naiffent ; car il y a
des Congés dont Dieu eft l'auteur : les exemples d'A-
bimelech , de Jacob , de Laban , du Patriarche Jo-
ieph , de Pharaon , de Nabuchodonofor , d'd Pro-
phète Daniel, de Judas Machabée, des trois Mages ,
de S. Jofeph , font des preuves convaincantes que
Dieu avertit les hommes de certaines choies pendant
le fommeil par des Congés ; & il eft remarqué dans le
livre des Rois au chap. z8. que Saul coniultale Sei-
gneur, & que le Seigneur ne lui répondit ni parles
ibnges , ni parles Prêtres, ni par les Prophètes ^.
C'eil de ces longes qu'on doit entendre ces paroles àm
ch. iz. des Nombres. Si qtiis fueritimer vos Fropheta
Domini in vijione , apparebo ei vel per f omnium loqitar
ad illum.
Si on étoit certain que Dieu fût Fauteur d'un fôn-
ge, il faudroit y ajouter foi, en faire la règle de là
conduite & obferver tout ce qu'il prefcriroit, autre-
ment ce leroit s'oppoler à la volonté de Dieu ; maij
comme a remarqué S. Grégoire de Nyfle dans le livre
de la Formation de l'homme, ch. 13. il arrive très-
rarement que Dieu nous avertifle par des fonges , &
il ne le fait que pour de grandes railôns , qui Ibuvent
îie regardent que le bien public. Quand il le fait , il
nous donne à connoître , par de certains témoigna-
ges intérieurs , que c'eft lui qui envoyé cesibnges.
On connoît qu'un fbnge vient de Dieu. 1°. Si la
choie propofée dans le longe eil: bonne. 2,°. Si elle efî
propofée clairement. 3°. Si le longe lailTe l'ame tran-
quille, plus humble î^ plus fervente dans la Prière.
Quand même ces lignes accompagneroient unfonge^
îl faut uler d'une grande prudence, pour bien juger
de quelle part il vient , parce que , comme dit S. Gre-
go.re le Grand dans le livre 8. des Morales chap. 13,
i ConfulLiir Dominum<S: non ( nia, neqiie pcr Sacerdoces j
î«fpondiî ei ncf^ue pes fom- ( neg^ue pet Propheu^»^
fur les Commandemens de Dieu. iSï
on difcerne difficilement par quelle imprefTioii les
fonges (ont Ciuifcs ''\
Quant aux longes qui reprcfentent des choies inu-
tiles ou ridicules , ou qui portent à faire des recher-
ches vaines & curieufcs , ou à pénétrer dans l'avenir y
îi ne faut pas s'imaginer que Dieu en ibit l'auteur.
On peut appliquer à ces fonges ce qui eit dit dans le
ch. z/\. de l'Kccléfiaflique, que les imprudens bâtif-
fent fur les fonges ". C'eft un péché que d'y aioûter
foi , & ce péché eft mcme mortel , fi on préfume ,
par le moyen de ces fonges , deviner les choies futu-
res, qui dépendent de la volonté des hommes, ou
qui font purement contingentes , ou fi on règle (a
conduite fur eux , ou Ci précifément en vue du fonge,
on omet ce qui eù. d'obligation.
Il y a des fonges qu'on appelle naturels , parce qu'ils
ont des caufes naturelles. Ils viennent pour l'ordi-
naire du tempérament ; car les bilieux ont d'autres,
fonges que les languins : les fanguins que les mélan-
coliques, & les mélancoliques que les pituiteux. Le
différent mélange des quatre premières qualités qui
font le chaud, le froid, l'humide & le fec, eau fe dif-
férons mouvemens dans l'imagination. Par ces fortes
de fijnges on peut juger fins péché des difpofitions
& des affedions du corps qu'on ne connoiiToit pas au-
paravant. C'ell pour cela que S. Thomas dit dans la
z. 2. q. 5>«) . art. 6. que les Médecins alTurent qu'il faut
faire attention aux fonges des malades, afin de con-
noitre les difpofitions du dedans. Medici dicnnt ejje
in:endendum fomniis , ad cognofcendum interiores dif-
■psfitioncs.
Il y a d'autres fonges qu'on appelle Moraux , qut
font produits parles pcnfées , par les adions, parles
défirs ou par les di(cours qui ont précédé, & dont ils
(ont des fuites; nous connoifTons par expérience que
nous avons la nuit des fonges , qui ont beaucoup de
liailon à ce que nous avons ou penfé, ou dit, ou fait,
ou défiré dans le jour. C'efi de-ki qu'il ell dit dans
m T^nco cis crcdi (l'.flfic;-
liùs débet , qii inco à c:< c;iio
ira^ulfu venian: , facilius non
chicet.
n Somnia cxcollunt inagru-*
dcntcsv
.î82 Conférences d^ Angers i
i'Eccléiîaflique chap. 5, que la multitude des fôln^
produit les Congés ». On ne doit s'arrêter en aucune
manière à ces fonges. C'eft une pure fuperllition de
prétendre connoître par leur moyen les événemens
cadiels.
Le Démon elî aufTi auteur des fonges ; ceux qui
nous portent à mai faire, viennent ordinairement de
lui -, car le Démon qui tente les hommes pendant
qu'ils veillent , tâche aufli de les flirprendre , tandis
Qu'ils dorment ; il leur trouble l'imagination par di-
verfès illufions , pour les £iire tomber dans Tes piè-
ges , comme remarque S. Grégoire le Grand à l'en-
croit qu'on a cité. Peribnne ne peut douter que ce ne
ibit péché de croire à ces fbnges.
La divination par le fort , n'eft pas moins fùperf^-
tltieufe que les autres dont nous avons parlé. C'efl
proprement ce qu'on doit appeller Sortilège ; mais le
peuple a donné une fignification plus étendue à ce
terme , iî bien qu'à préiênt on l'employé pour figni-
fier la Magie & le Maléfice , & on nomme ordinaire-
ment un Magicien un Sorcier.
Il n'efl: pas abfolument défendu de tirer au fort ^
mais aufa tout ulâge du fort n'eil: pas permis , c'eft
pourquoi il faut diftinguer avec les Théologiens trois
îôrtes de forts. Le premier , qu'on appelle fort de
divifion ou de partage , Sors diviforia y qui efl: lorf^
que pour partager des biens, ou pour adjuger un ofïî-
ee ou une charge , ou pour faire fbuffrir une peine »
on tire au fort pour connoître la perfbnne à qui la
chofè échéera. Le fécond , qu'on nomme fort de con-
fîiltation, Sors confultoria , qui efl: quand on jette le
fort pour fçavoir ce qu'on doit faire en certaines oc-
eafîons ou en certaines circonfîances. Le troifieme,
à qui l'on donne le nom de fort de divination , Sors^
divinatoria , efl celui dont on Ce fert pour découvric
les chofes à venir , ou qui font cachées Si. hors de la
portée naturelle de l'efprit de l'homme. ïl efl permis
defè (èrvir du fort de divifîon pour partager une fùc-
cefTion ou pour finir un Procès , lors priiicipalemei^t
• Mukas curas feg^uuntur fomnia^
fur les Commandemms de Dieu, ïSj'
ljU*on n'a pas d'autre moyen de s'accorder les un:
avec les autres. Ceft pour cela qu'il efl dit dans le
chap. i8. des Proverbes, que le fort app^ife les diffe-'
rends, & qiiil ejl l'arbitre entre les grands mêmes \\
Pliais il faut attendre de Dieu la diredion du fort,
fuivanc ces paroles du ch. i6. des Proverbes. Sortes
mittiintiir in fwinn , fed à Domino temperantur. C'eft
de-là qu'il cil dit dans le Canon, Sors , ch. z6, q. z«
que le Ibrt fait connoître la volonté de Dieu 'J. Il
faut encore que le fort fbit accompagné de certaines
conditions,
La première efl , qu'en tirant au fort , il ne (e fafîe
rien contre la Juflice, c'eft pourquoi fi on veut rcgler
quelque chofe par le fort, il faut que le droit des par-
tics paroifTe égal; par exemple, fi pour nommer à un
emploi ou à un office féculier , on tire les compéti-
teurs au fort, il faut qu'on les en croye également di-
gnes , alors il y a de la prudence à Ce fèrvir du fore
pour le bien de la paix , & pour oter toutes les con-
teflations qui pourroient naître.
C'efl fur ce principe de l'égalité des perfonnes que
S. Auguftin , dans la lettre i8o. à Honorât, laquelle
efl la 12,8. dans la nouvelle édition, juge que durant
le tems d'une perfécution , lorfque les Prêtres d'une
Eglife lui font également utiles & néceffaires , & qu'iî
faut que quelqu'un d'eux forte de la Ville , on peut
tirer au fort à qui y demeurera , ou à qui en fbrtira»
C'efl encore fur ce même principe que ce Père , dans
le livre premier de la Dodrine Chrétienne chap. 28.
dccideque, quand on veut donner aux pauvres un
bien qui ne fe peut partager, on peut tirer au fort le
pauvre qui l'aura , parce que la charité n'a point ac^-
ception des perfonnes.
La féconde , qu'il y ait une nécefTité de jetter le
fort , car s'il n'y en a aucune , c'efl , félon S. Thomas
1. 2. q, 5>5, art. 8. vouloir tenter Dieu & négliger les
p Contradiâiones comprimit
fors , êc inter potentcs (luotiue
(tijiidicar.
fi Sûf j non ali<juid raali cfl ,
fed res efl in dubit^tione huma-
na divinam indicans volunta*
ce m»
tSzj- Conférences £Jngèfs,
moyens humains qu'il nous fournit pour nous détér-^
miner à faire quelque choie ou à ne la pas faire.
La troiiieme , qu'il ne s'agifTe ni de dignités , ni
bénéfices Ecciéfiaftiques ; parce que i'uiàc^e du fort
de
efl
exprelTément défendu dans les éle<5tions Ecciéfiaftique^
par le Pape Honoré III. dans le chapitre Ecclejïa , de
Sortîlegiis»
On ne doit point fe jfervir du fort pour confiilter
Dieu , à moins que Dieu même ne nous l'inipi-
re , comme il fit aux Apôtres afTemblés pour l'élec-
tion de S. Matthias ; ainfi il arrive très-rarement
qu'il foit permis de fè fervir de ce moyen pour con-
noitre la volonté de Dieu ; encore faudroit-il ufêr
d'un grand refiDed envers la Divine Majeflé , à l'exem-
ple des Apôtres , qui prièrent tous enfemble le Sei-
gneur de leur montrer lequel de Jofeph ou de Mat-
thias il avoir choifî pour Apôtre , ainfi que le vénéra-
ble Bede remarque flirle ch. i. des Ades ^.
Le fort de divination , de quelque m.aniere qu'on le
pratique pour découvrir les choies à venir , ou celles
qui font cachées ou perdues, ell toujours fuperlli-
tieux & criminel , parce qu'il fuppofe un pade tacite
ou exprès avec le Démon , car il n'a rapport à aucune
inftitution Divine ou Ecciéfiaflique.
L'ufàge de ce fort eft profcrit dans le ch. ii. d'E-
zéchiel & par tous les Conciles qui ont condamné les
Sorciers & les Sortilèges, & particulièrement par le
Canon Scrtes , ch. z6. q. 5. qui efl tiré de la lettre de
Léon IV. aux Evéques de Bretagne , qui avoient coù-
lume de fe fervir de forts dans leurs jugemens. Ce
Pape en défend l'ufîige à tous les Chrétiens fiir peine
d'Anathème.
Il n'eft donc pas permis de vouloir découvrir les
chofes futures ou cachées en ouvrant le livre des fàin-
îes Ecritures , & en s'arretant au premier mot qui fe
prèfente à l'ouverture du livre. Le Concile d'Agde de
l'an 506. canon 41, & le premier d'Orléans canon
r Si qui necefTitare aliquà
covnpulfi , Dcuin piitaiu forti-
Bus, exerr.pio /, poftolcriim ,
elle cinluiendiinij vidcant^oc
ipfos Apoflolos, nonnifi col-
lège fratrum cœtu & prccibus
ad Deum fufis cgifle.
fur les Comm an démens de Dieu, 1 8 y
^0. condamnent cette pratique , que Saint Auguftin
av oit dcja blâmée , quoiqu'il crut que ce ne fut pas un H
grand pcchc que de confuiter les Démons *.
s Hi \efô qui <lc paginisE-
vangelicis ioite» legiint , ctll
©ptandum elt , ut hoc pocius
JCaiiant , quam ad Daemonia
confulendj concurrant , tamen
etiani ifta mihi difplicet coii-
fuctudo. Epijl* ad Jaii, dp»
»o.
II. QUESTION.
Quejî ce que la vaine Obfervance y & combien
y en a-t il de fortes ?
LES Théologiens ont coutume de définir la vaine
Oblervance une (uperilition, par laquelle on le
fort des moyens frivoles qui rCont naturellement au-
cune vertu, pour produire l'effet que l'on en efpere ,
& qui n'ont point été inflitués de Dieu ni de l'Eglife
pour cela; comme lorfqu'on u(e de quelques paro-
les, de certains billets, de quelques figures pour gué-
rir des maladies , lorfqu'on porte certaines herbes
pour être heureux au jeu , ou pour découvrir les (e-
crcts des autres. S/ adjungantur y dit S. Thomas z. z«
q. s>6, art. z. dans la répon(e à la première objedion ,
vel caractères aliqiii , vel aliqua nomina j vel alia qua-^
cumque variai objervaiiones , quas manifejlum ejî natu-
raliier ejfcaciam non habere , erit faperjdiiofum ^ illi-
citiim.
On tombe dans la vaine ob(ervance, non-feule-
ment quand pour produire quelques effets , on ufe
d'un moyen qui n'a point naturellement la vertu de
les produire, & qui n'a point été inflitué de Dieu ou
de l'Eglife pour cela , mais encore , comme nous
l'avons dit dans la réponfe à la queftion précédente,
lorfqu'on croit que certaines choies font des fignes de
quelques événem.ens heureux ou malheureux , quoi-
qu'elles n'ayent aucun rapport à ces fortes d'évéiie-»
jmens.
if 8^ Conférences d'Angers ^
Toutes les vaines Obfèrvances (ont indignes d'uîl.
Chrétien , Dieu a en averfîon ceux qui s'y arrêtent»
Le Prophète David nous le dit dans le Vf. 30. Odijïi
obfervantes vanitates fupervacuè. S. Augullin au liv. 2.
de la Dodrine Chrétienne, chap. 20. & 23. ellime
qu'elles fuppofent de nécefTité un pade avec le Dé*
mon^.
On pèche mortellement dans les vaines obfêrv^an-
ees , lorfqu'on confulte exprelTément le Démon , ou
que l'on fait un pade exprès avec lui , ou qu'étant
averti qu'une telle vaine obfervance eft appuyée fur
un pade fait avec le Démon , on continue de la met-
tre en pratique ; car quelque proteftation que l'on
fafle de renoncer à tout pade avec le Démon , on
s'attend toujours à un effet qui ne peut être produit
que par le Démon en vertu du premier paAe qu'un
autre a fait autrefois avec lui ; ainfî on invoque alors
Sciemment le Démon. Que û après avoir renoncé à
tout pade avec le Démon , on pratiquoit quelque ob-
fèrvance feulement pour en faire voir la folie & l'il-
iufion, comme le Cardinal Cajetan dit dans (à fom*
me au mot Incantatio , l'avoir fait une fois , il n'y aU"
roit nul péché.
Lorfqu'on tombe de bonne foi dans quelque vaine
obfervance ; ignorant & ne Soupçonnant m.éme pas
qu'elle (uppofè quelque pade avec le Démon , corn-*
me il arrive aux gens iimples & grofllers , il n'y 9,
que péché véniel.
Pour l'ignorance crafTe ou affedée , elle n'exemp-
teroit pas de péché mortel , telle efl: celle des person-
nes qui par leur profeflion font obligées de (çavoir ce
que c'eft que vaine obfervance , ou qui en ont été llif-
fifamment inftruites, ou qui ont pu aifément l'être, en
affiliant aux Catéchifmes ou inflrudions familières de
leurs Palpeurs , mais qui ont négligé de s'y trouver , le
pouvant faire , ou qui ont en quelque manière que ce
ibit , doujté que ces obfèrvances fulïènt vaincs & illu*
a Omnes artes huiufmodi monum , qnafî pada infidelij
vel nugatoriae , vel noxiae fii- & dolofae amicitix conftitutse ,
perftitionis exquadam peflife- peaitùs funt repiidianda & fu.-»
«a focietate hominum & Dx- giendaChriftiano»
fur les Cmnmandemens de TJleul 'l2y
foires , ou qu'elles fuppofafrent quelque pade avec le
Démon, & qui n'ont pas eu foin de s'en faire cclair-
cir. C'eft pour cela que le Concile de Malines de l'an
J607. au tit. T^.ch. 3. enjoint aux Pafteurs d'être foi-
gneux d'inflruire leurs peuples , que tout Chrétien
doit s'abflenir entièrement des fuperftitions ^.
Nous ferions infinis fi nous voulions rapporter tou-
les les vaines oblervances qui ont cours en divers
Royaumes , oij les Catholiques mêmes s'adonnent fans
y penfer à ces pratiques paycnnes , ce qui a donne
occafion à plufieurs Eveques d'enjoindre aux Pafteurs
dans leurs Ordonnances fynodales, de s'appliquera
înftruire les Fidèles de ces fuperflitions , afin d'em-
pêcher qu'ils ne s'engagent dans un culte contraire à
celui du vrai Dieu.
Comme Ton peut aiïez facilement connoître la
faulTeté & l'illufion de la plupart des vaines oblervan-
ces par l'application des trois règles que nous avons
propofées , nous ne nous arrêterons point à examiner
en particulier toutes les vaines oblervances , nous en'
parlerons feulement en général.
On leur donne différens noms félon la variété Aet-
effets qu'on en attend. On les nomme obfcrvances des-
jours y Aes événtmetis , des famés , des chofes facrées.
Il y en a une qu'on nomme VArt Notoire , par l3.<
quelle on Ce flatte d'obtenir par infiifion , fans peine &
fans travail , certaines (ciences en révérant certaines
figures ou images , qu'à jufle titre on peut dire être
magiques & diaboliques , qui ne représentent ni Dieu
ni les Saints , prononc^ant certains mots inconnus »
Joignant à cela certaines prières à certaines heures»
obfèrvant certain nombre de jeûnes & d'autres céré-
monies ridicules. Cet art , félon le fenciment de So
Thomas dans la i, z. q. 96, art. i. eil unp curiofitç
criminelle par laquelle on tente Dieu*
b Quoniam rudis pomliis
farpe ex ignorantia fupcrlliiio-
nibus incjuinatur, Parochi ftib-
ditos fuos diiigentcr de illis
docc.int ;& intcr caetera fnpcr-
ftiîiofmn efle expeftarc ^u<m-
cumque effeâum à quacumquC
rc , (]uetn res illa nec ex fua
natura , nec ex infiitiiùone di-
vina , nec rx ordinatione vcl
approbatione Ecclciîis produ-
ceie pote(l»
tîS Conférences d^ Angers ,
On ne peut fans péché mettre cet art imaginaire
en pratique , car il ruppofe un pade avec le Démon^
qui en vain nous promet de nous communiquer les
fciences , puifqu'il neû pas en Ton pouvoir d'éclairer
notre entendement.
On ne peut pas dire abfolument que ce (bit une
fliperltition d'obferver les tems ; car il n'y a nul pé-
ché à le faire , par rapport a des effets purement na-
turels , qui dépendent de l'influence des corps célel^
tes , & qui arrivent félon l'ordre que Dieu a établi
dans la nature. On ne peut donc blâmer ni les Mé-
decins , ni les Laboureurs , ni les Vignerons , ni les
Mariniers , de ce qu'ils obfervent les jours , les mois 9
les lunes dans les maladies , dans l'agriculture , dans
la navigation. Il eft certam, comme remarque S. Au-
guftinch.7. delà lettre ii^». à Januarius,qui eft la 5^,
de l'édition des Pères Eénédidins , que le cours réglé
des aftres & les révolutions des tems varient la tem-
pérature de l'air & des humeurs , & font la difiérence
des fïiifbns de l'année. En effet , il a été dit dans la
eréation des aftres , qu'ils feroient comme des lignes
qui marqueroient les làilbns , les jours , les années ,
Fiant Itiminaria in jirmamemo Cali . . . . ô^Jint injîgna
Ô" um-pcra , & dies , & annos. GeneC ch. i. ain/i ce
n'eft pas une fùperftition que de cueillir les herbes en
certaines laifons où elles ont plus de vertu & plus de
force , ou d'abbattre les arbres en certaine fîtuation de
la Lune , parce qu'ils font moins fujets à le corrom-
pre , pourvu qu'on ne s'arrête point à quelque vaine
circonftance , comme font ceux qui ne veulent cueil-
lir les herbes , ou les branches d'arbres que le jour de
la Fête de fàint Jean-Eaptifte , ouïe premier jour du
mois de Mai avant le Soleil levé , pour faire certains
remèdes , dans la penfée qu'elles n'auroient pas la
même vertu , fi elles étoient cueillies un autre jour ,
ou à une autre heure. Ce qui eft défendu par le canon
Non liceat , c. x6. q. 5. Nec in colle£ïionihus herbarum
quce médicinales fnnt 3 aliqiias obfervationes aiit incan-
tationes liceat attendere.
Ce fèroit fans railbn qu'on prétendroit excuser de
^perftition ceux qui obfervent les jours , les tems y
fur tes Commandemens de Dkii , I Sp'
Tes îinnces par rapport aux choies qui ne dépendent nî
de l'influence des corps céielles , ni de l'ordre de la
nature , & fur lefquelles les aftres n'ont aucun pou-
voir , tels que font les cvcnemens fortuits , les opéra-
tions de l'entendement & les allions libres de la vo-
lonté.
S. Chrvfodoine dans l'Homélie qu'il a faite contre
ceux qui obfervent les nouvelles Lunes; S. Auguftiii
dans. la lettre à Januarius qu'on vient de citer , 8c dans
l'cxpontlon de TEpitre de S. Paul aux Galates fur le
ch. 4. & l'Auteur des Commentaires furies Epitresde
S. Paul attribués à S. Ambroife, eftiment que c'ell de
cette vaine obfervance que S. Paul fe plaint écrivant
?.ux Galates , comme d'une choie qui rendoit inutiles
les travaux qu'il empioyoit pour la conver/ion de ce
peuple, quand il dit ch. 4. Dics obfervatis & menfes^
Ù" tempora , & annos , timeo vos ne forte fine caufa la-
loravcrim in vobis.
Ces Pères blâment fort ceu-x qui s'imaginent qu'il y
a des tems heureux & des tems malheureux , & qui
dans cette fauffe permafion ne veulent pas faire cer-
taines chofes en certains tem.s, & en attendent un au-
tre pour la faire , croyant que s'ils la faiioient en un
tel tems , iis n'y réufliroient pas , comme fi tous les
jours n'ctoient pas bons de leur nature , & qu'on ne
pût avec l'aide de Dieu bien faire en tous tems & à
toutes heures. Ainfi , félon la dodrine de ces Pères ,
ceux-in donnent dans la lupen'iition, qui ie perluadent
que s'iL (ont heureux un certain jour, tout le relie de
l'année lora pour eux une fuite de profpérités , ou qui
4ie veulent point faire de commerce dans un tel mois,
parce qu'une teJle étoile domine , ou qui ne veulent
point planter de la vigne dans une année , parce
qu'elle eil biffextile; ou qui refuient de travailler cer-
tain jour do la femains , comme le Jeudi , de crainte
de s'attirer quelque malheur , ce que S. Auguftin , (cr-
mon nf, traite deHicrilége, ouquine veulent pas (ê
baigner les Mercredis & Vendredis , ce que le Pape
Nicolas condamne dans la réponfe à l'art. 6. des Bul-
fares , ou qui défendent qu'on faffe la lelTive les jours
e Quatre-teiiis , ou qui ne veulent pas filer depuis le
'1C}0 Conférences d'Angers ^
Mercredi de la Semaine-fàinte jusqu'au Jour de Pa-»'
ques , ou qui ne veulent pas commencer un bâti-
ment , ou entreprendre un voyage un des jours mal-
heureux, que les faifeurs d'Almanachs difent avoir^été
révélés par un Ange au Patriarche Jofeph étant en
Egypte , & qui pour cela font appelles Jours Egyp^
tiens , ou qui ne veulent pas contrafter mariage les
jours de Mercredis , s'imaginant que leur mariage ne
feroit pas heureux.
S, Auguflin en Ion Manuel ch, 75». dit que ces fortes
de vaines obfervances ne feroient regardées que com-
me de légères fautes, lans que la Sainte-Ecriture nous
apprend qu'elles font plus grieves qu'on ne penle ^,
Le Pape Nicolas I. dans la réponfe aux Bulgares ,
art. 34. & 35. traite ces fortes de fuperflitions d'œu-
vres du Démon, auxquelles nous avons renoncé dans
le Baptême. Un Concile de Rouen qu'on croit avoir
été tenu fous Clovis le jeune , prononce anathëme
contre ceux qui s'arrêtent à obferver les mois & les
heures , dans la penfée qu'une chofe réuflfira ou ne
réufTira pas.
Le Concile i. de Milan fous S. Charles dans la i.
part, au tit. 10. & celui de Bordeaux de l'an 1583, en-
joignent aux Curés de reprendre fortement ceux qui
obfervent les jours & les momens , pour entreprendre
ou pour achever leurs affaires , ou qui s'imaginent
qu'il y a des jours heureux & des jours malheureux,
Lorfqu'on fe fert de moyens vains , inutiles & dif^
proportionnés , pour procurer la fànté aux hommes 8c
aux bêtes , ou pour préfèrver les uns & les autres de
quelque mal ou de quelque accident fâcheux , c'efl
l'obfèrvance des fàntés : elle efl très-condamnable ,
particulièrement dans les Chrétiens, auxquels la Reli-
c Qiiaeleviffima putarentur ,
nîfi in Scripturis demonftfaren-
turopinionegraviora.Qiiis «fti-
marec quàm magnumpeccatuin
fn , dics obfervare , & menfes,
& annos , & tempora , fient ob-
fervant qui ccrtis diebus , five
xnenfibus , fivc annij volunc
vel nolunt alîquîd Inchoare )
eô (juod fecundùm vaiias doc-
trinas hominum faufta vcl in-
faiifta exiftimcnt tempora , nifi
hiijus mali magnitudincm ex li-
more Apoftolipenfaremus, qui
talibus ait : Timeo vos ne fine
caufa labcraveiim in vobis»
far Us Comman démens de Dieu, XÇt
^lon apprend qu'ils doivent mettre leur confiance en
Dieu ; ce qui ne les empcclie pas de fe (ervir dans leurs
maladies , ou pour la confervation de leur (antc , des
remèdes & des prcfervatifs naturels que la Médecine
met en ufage ; car ils font l'ouvrage du Très-Haut y
& l'homme fage n'en a point d'cloignement , ainfî
qu'il eft dit dans le ch, 38. de l'Ecclcfiailique , Al"
iijfimiis creavit de terra medicamenta j vir prudensnon
abhorrebit ilîa.
Le Dcmon {I^acliant que les hommes (ont fort
attentifs à la confervation de leur (àntc , a pris de-là
occafion de leur fuggérerplufieurs remèdes ouprcfer-
vatifs (uperftitieux contre les maladies, afin de s'infî-»
nuer dans leurs efprits , & de fe faire rendre fecrete-
ment l'honneur qui n'eft du qu'à Dieu. Tels font ceux
qu'on nomme en latin VhylaCleria ou Amuleta , & en
fran(^ois Prcfervatifs ou Phyladcres , les anneaux , les
nœuds , les ligatures , les brevets ou billets , les
figures , les paroles , les caraftères dont on fe fert
pour guérir les maladies , ou s'en prc(erver , les at-
tachant au col , au bras , aux jambes des hommes
ou des bctes.
On doit rejetter tous ces prétendus remèdes , (oit
qu'ils (oient joints à des caufes naturelles , (bit qu'ils
en foient entièrement féparés. Ce font des reiles de
ridolatrie & des inventions Diaboliques. Au moins
ils fuppofent un pade tacite avec le Démon ; car
toutes ces chofes n'ont ni de leur nature, ni de l'info
titution de Dieu ou de l'Eglile , aucune vertu pour
conlerver la vie aux hommes, ou aux animaux, ou
pour les garantir des maux ou des dangers.
C'ed ainfi qu'en ont jugé S. Cyrille de Jérufalem
dans la 1 . Catéchefe Myftagogique , S. Grégoire de
Nazianze dans le difcours (ur le Baptcme. S. Bafile
fur le Pf. ^4. S. Chryfoftome , Homélie 8. furl'Epî-
ire de S. Paul aux Colofllens , où il dit , quec'eft (a-
crifier aux Idoles , que d'attacher au col d'un enfant
un de ces Prc(ervatifs qu'on nomme Amuleta , quand
même on auroit invoqué le nom de Dieu , & qu'on
n'auroit fait rien autre cho(e , & S. Auguflin liv. 4.
de la Do<ftrine Chrétienne , ch. lo. & z^. & au Ser-
^i^^* Conférences (T Angers ,
mon 3^. de diverfis , qui efl le i86, de réditlon dèl
PP. Bénédidins.
S. Eloi 5 Evéque de Noyon , dans le Sermon au
peuple que S. Ouen rapporte dans fa vie liv. i. chap,
15. avertit Tes Diocélàins de fe donner de garde de
pendre au col d'un homme ou d'une béte des ligatu-
res , quand même on leur diroit qu'elles ne renfer-
ment que des paroles de FEcrltute-Sainte , parce que
ce n'eft pas-là un remède propofé par J, C. mais un
poifbn inventé par le Démon : Quia non efi in eis re-
wedium ChriJIi , fed vetienum Diabcli.
Le Concile de Laodicée , canon 3 e. ordonne qu'on
chafTe de l'Eglife ceux qui le fervent des Phyladeres :
ce canon fe trouve répété dans le 68. du Concile
d'Agde de Tan 506.
Le Concile Quinifexte in Trulîo , canon 61. retran-
che de la Communion pour fîx ans , ceux qui don-
nent de ces Phyladeres ou Préfervatifs ^ & s'ils con-
tinuent de le faire , il veut qu'ils (oient chafTés pcuc
toujours de l'Egiilè.
Le Pape Nicolas L dans la réponlè aux Bulgares
art. 7^. leur apprend que les Décrets Apoftoliques
veulent que l'on frappe d'anathéme ceux qui le fer-
vent des Préfervatifs ou ligatures , & qu'on les chaife
hors de i'Eglilè.
Les Pères du Concile de Tours de l'an 1583. étant
informés que ces fortes de remèdes fuperilitieux
étoient fort en vogue dans ces Provinces , firent dans
le titre de la Profefîion de la Foi , de très-rigoureu-
fès défenfes aux Eccléfialliques & aux Laïques , de le
fèrvir àts Préfervatifs fliperllitieux , & d'y ajouter foi
en quelque manière que ce fbit ; & ils renouvelle -
rent le 42, canon du troi/îeme Concile tenu dans la
même ville, (luia vero , dilent ces Pères , non pauci
Ivîagos , Incantatorcs , MaUfcos , Sortilèges Ù" Super"
Jiiiiofos adeunt ut a fuis vel fnorum morbis turationem,
auxilium opemve inveniant , ecrumque confilio Fhylac^
terta, Annulos , Schedas , CharaCîeres pro amiileiis cum
certa precum formula , verhis eiiam incognitis conccpta,
Ô'fuhmijpi vGce prolata , defcrunt ; idque non fine gra-^
vi animarumfuarum darrno atque periculo , esigtnuque
ak
fur les Commandemens de Dieu, îç) j
ûA incaïuis Sacerdotibns Anmiloriim , VhylaCleriorum ,
Schcdularum & CharaCierum benediCîiones. Omnibus
fr.tfcnim Ecclefiajîicis , fiib dcpoftionis , Laicis vero
fitb excommunie adonis pœna , ut a ■prœdiclis omnibus
abjlineant , hifve fidcm quâcumque ratione abhibeant ,
frohibemus ; aliifque prœterek juris & arbitrii pénis
hujus decreti comempiores co'érceantur.
Scueriier ac diflriclt Sacerdotibns pracipientcs , ut
juxtà Turonici tertii Decretum doceant fidèles populos ^
magicas artes , incantationefque quibujlibet injirmitaii-
iiis hominam , nihil pojje afferre rcmedii , aut animali-
bus languentibiis , ciaudicamibufve vel ciiam moribun~-
dis j quîcquam prodejfe , nec ligaturas ojjîum vel herba-
rum Juperftiiiosè compacîarum cuii^uara mortalium ad^
hibitas ejfe adjumento , fed ijlkcec om.iia nihil aliuà du-
cere , quam occultos antiqui hojlis laqueos hamanafque
decipulas , quibus humanum genus inefcare , atque tan-
dem perdere enintur.
Les Conciles de Reims & de'Bordeaux de la même
année 1^83. & celui de Narbonne de 1609, fè font
aufli efforces de donner aux Fidèles de l'horreur de
tous ces vains Préservatifs.
Il y a beaucoup de Phyladeres ou Préfervatifs , qui
(e font avec des mots qu'on écrit , ou avec des paro-
les qu'on prononce : mais c'eft (Ims fondement qu'on
attribue aux paroles la vertu de guérir les maladies ,
ou d'en préferver les hommes ou les bctes. Quelles
que puiffent être les paroles , fbit qu'elles fîgnifienc
quelque chofè , ou qu'elles ne fîgnifient rien , qu'el-
les foient prononcées de vive voix , ou écrites de
quelques manières qu'on voudra , elles n'ont ni de
leur nature, ni de î'inilitution des hommes aucune
vertu , pour guérir les maladies du corps, ou pour dé-
livrer de certains dangers. C'eilie (entiment unanime
desTliéologiens & des habiles Médecins. Il a été ap-
prouvé par les Conciles qui condamnent générale-
jnent l'ulage de toutes (brtes de Phyladeres.
Si les paroles avoient de leur nature la vertu de
Î guérir les maladies, il faudroit qu'elles fignifiaffenc
a même choie par tout le monde, la nature étant la
|ncme dans tous les pays \ mais (buvent les mcmcs
Tome I, i;
jlç^/^ Conférences (TAngers ,
paroies^fîgnlfient différentes chofes en dîfferens pays*
Elles n'ont , de rinllitution des hommes , d autre ver-
tu que d'exprimer les penfées de l'elprit ; c'eit de-là
qu'elles ont le pouvoir d'exciter les partions de l'ame
par les chofes qu'elles lignifient. Si on prétend qu'el-
les ont la vertu de produire quelques autres effets , ce
ne peut être qu'une vertu flirnaturelle. Or nous ne
voyons ni dans l'Ecriture ni dans la Tradition , que
Dieu ou l'Eglife leur ayent donné cette vertu flirna-
turelle. Il s'enfuit donc que les effets qu'elles opèrent
font produits par les Démons, en conféquence d'un
pacte exprès ou tacite fait avec eux. S. Auguftin en
penfe ainfi dansle liv. 2. de la Dodrine Chrétienne
cil. io. Ad hoc {faCiorum) gemis, dit ce Père , *^r-
tinent cmnes etiam ligatura atqiie remédia, que medico-
rum quoque meàicina commendat , five in fracantatio-^
nibus ,jivè in quîhufdam nous quos carafleres vocam ,
ftve in quihufdam rébus fafpendendis atque iiligandis ,
vel etiam optandis quoàam modo , non ad temperationem
corporum j fed ad quafdam fignificationes aut occultas y
aut etiam manifejlas, qua mitiore nomine Phyjica vc-
cant ut quajî non fuperjlitione impUcare, fid naturâ
p-odejje vidcantur.
Les conjurations ou exorcifmes, & les bénédic-
tions ou oraifbns qu'on dit fans approbation de l'E--
gliie , pour guérir certaines maladies des hommes Se
des bétes , ou pour conjurer les chenilles , les faute-
reiies ou autres infedes, ont rapport aux vaines ob-
fervances. La plupart font ridicules, mal digérées,
& toutes font fufpedes de fuperilition. Si elles opè-
rent quelque effet merveilleux, on ne peut dire » fms
une témérité criminelle , qu'elles le produifènt pa?
rimlitution de Dieu ou par celle de l'Eglife; puif^
que nous n'en trouvons rien , ni dans les faintes Ecri-
tures, ni dans la Tradition, & qu'elles n'ont point été
approuvées de TEglife ; on doit donc juger qu'elles
fuppofent quelque pade , au moins tacite avec le
D.cmon.
Aulfi nous ne voyons point que les Saints , qui
avcient reçu de Dieu le don de guérir les maladies »
î'attaçhafTent fçrupulsufenient & luperflicieufement ^
fur hs Commaniemàis de Dieu, ipj*
'tcrtaines orai(bns particulières & non approuvées de?
l'Eglilè , ou qu'en fe fervant d'oraifiins, ils le:i rc-
citall'ent à certaines heures, à certains jours, dans
cert^'.ines circonftances , avec certaines ccrcnionies ,
comme font ceux qui prétendent guérir les maladies >
en diflmr certaines oraifbns , dans lefqueiles (ouvenc
ils abufent des paroles de l'Ecriture fàinte ou des Of-
fices de TEglife. Les Saints Ce lervoient tantôt d'une
façon , tantôt d'une autre , du don que Dieu leuc
avoit accordé de guérir les maladies ; ils s'en (ervoient
par l'ordre de Dieu , ils s'en fervoient pour confirmer
la vérité de ia Religion chrétienne, pour convertir
les Infidèles à la Foi catholique , & pour donner plus
de créance à l'Evangile qu'ils annonçoient. Ceux qui
à prélent fe vantent de guérir les maladies par des
oraiions , n'ont ni ces vues , ni ces motifs : c'ell ou
la vanité, ou l'avarice qui les fait agir, & ils obfer-
vent avec grand (bin certaines manières de toucher
les malades & certaines cérémonies , & ils employent
plu/îeurs choies fort fulpedes de luperflition , comme
ont remarqué les Pères du Concile de Mexico de l'an
158^. liv. 5.tit. 6. §. 3.
Quand même on attendroit de Dieu lêul l'effet de
ces Oraifons , ce ne fèroit que par forme de miracle;
or c'eft tenter Dieu de lui demander des miracles
continuels : on ne doit donc point fbuffrir Tufàge de
ces (ortes d'Orai(bns , quoiqu'elles paro^fTent pieufès
Se compofées de paroles qui (ont prifès de la fâinte
Ecriture; car le Démon n'y fait entrer ces laintes
paroles, qu'afin d'en faire trouver le poium agréable,
y mêlant un peu de miel , comme parle S. Augulliii
dans le traité 7. fur le chap. i, de l'Evangile de Saint,
Jean *•
a Fîngiint fpiritus malî Dm- \ tationibus fiilsnomen Cbridî ,
bras qiiafdam honoris fil.imcc- quia jain non i)oUiinr fcilncccc
iplîs , ut iic decip'iant eos cjui Chnftianos , ut dcm venentim,
ftqtumtur Chriftum. Uf<jue addunt mtUJs aliqu.;ntùm , uc
adcT» , Fratres mei , ut iJli ipfi pcr id quid duUe e(t . la.eac
qui feducunt f.er ligaturas , pcr quod amarum cft, & bibatur ad
prarciintation.^s , per nuchina- pciuiciem»
menu iniir.ici mifccant pr*tan ■ 1
1^6 Conférences cT Angers ï
L'u(age de ces fortes d'enchantemens eu condam-
né par divers Conciles Provinciaux tenus depuis le
Concile de Trente, par les Statuts l)'nodaux & par
les Rituels de piufieurs Diocèfes, qui font défenfes
aux Prêtres de fe fervir d'autres conjurations, ou d'au-
£res bénédidions , que celles qui font marquées dans
le Pontifical, dans les Rituels & dans le Miflel, ou d'y
ajouter d'autres cérémonies ou prières fous quelque
prétexte que ce (oit.
Si on permettoit aux particuliers qui n'ont ni ca-
raétere ni autorité pour cela de compofer à leur fan-
taisie des oraifcns , des bénédidions ou des exorcil^
mes pour délivrer les hommes ou les bétes de mala-
dies & de dangers , on donneroit lieu à mille impof-
teurs de tromper les /impies. L'Eglife d'Afrique pour
prévenir cet abus , recommandoit aux Exorcilles dans
leur ordination, d'apprendre par cœur les exorcif-
mes qui étoient contenus dans le livre qu'on leur met-
toit en main ; comme il ell dit dans le canon 7. du
Concile 4. de Carthage.
On ne prétend pas pour cela condamner en aucune
manière la coutume des Rois de France, qui touchent
ceux qui font malades des Ecrouelles. Les étrangers
même & les médecins reconnoiiïent que nos Rois ont
le pouvoir de les guérir par une grâce particulière
qu'ils re:joivent de Dieu.
Enfin il y a une fùperflition qu'on nomme V Oh fer-
vance des ckofes facrées , qui eft un abus qu'on com-
met dans i'ufàge de la parole de Dieu, des Reliques
des Saints , des Croix & d'autres marques fenfibies de
dévotion.
j*^. Quand on les porte avec des circonilances vai-
nes , ridicules & fuperRitieufès , comme font ceux
qui portent l'Evangile de S. Jean , Jn principio erat
Verlmm 3 pendu à leur col, fe perfuadant que ces feu-
les paroles évangéliques ont une vertu que les autres
paroles divines n'ont point , ou qu'il ell néceffaire
qu'elles foient écrites par une certaine personne, à
un certain jour, fur une certaine matière, ou liées ou
attachées de telle manière, fims quoi elles feroienc
inutiles, ou qui accompagnent ces paroles éyangcii-.
fur les Commandement de Dieu. 1^'J
^ues de mots barbares & inconnus , ou qui y mêlent
quelques fauiïetcs; & ceux auHl qui ne veulent por-
ter que des Croix où il y ait certains mots gravés
d'une telle manière, ou qui ne (oient faites que d'une
telle matière, ou que pour ctre prclervés d'un certain
mal, ou qui ne veulent avoir (ur eux que des Reli-
quaires d'une telle figure, ou qui mettent tellement
leur confiance dans les Croix & dans les Reliques
qu'ils portent, qu'ils croyent qu'elles font capables de
leur obtenir le bien fpirituel ou temporel qu'ils défi-
rent , (ans fe mettre en peine de faire de bonnes
œuvres.
z». Quand on fe fert des chofes fàcrces pour opé-
rer des effets qu'elles n'ont point la vertu de produire
ri de leur nature ni de l'inllitution de Dieu ou dei'E-
glife , fê perfiiadant néanmoins qu'infailliblemenc
elles opéreront ces effets merveilleux. Telle efl: la
fuperflition de ceux qui portent fur eux l'Evangile de
S. Jean, In principio erat Verbilm , des Reliques, des
Croix, la figure de la Piaye dont le côté de notre Sei-
gneur fut percé , comme des affurances de ne point
mourir de mort fubite , ou lans confefTion , de ne
point périr par l'eau ou par le feu, de n'être point
bleffés à la guerre.
Quoique dans ces fortes de pratiques il y ait une
apparence de piété , & qu'elles ne fe fbient introdui-
tes parmi les fîmples que fous le prétexte de la dévo-
tion, cela n'empcche pas , comme l'enfeigne Gerfbn
dans le traité des erreurs qui regardent la Magie, au
§. 3» qu'on ne doive travailler à les déraciner entiè-
rement.
S. AuguQin dans le traité 7. fur le cliap. r. de l'E-
vangile de S. Jean nous apprend que de Çon tems il y
avoit des perfonnes qui étant malados au lit fe fai-
foient attacher A la tcte l'Evangile de S. Jean, pour
fe guérir de la fièvre & des douleurs de tcte, ce qu'il
n'approuve pas par la raifon que l'Evangile n'a point
été fait pour guérir les maladies du corps , mais que
le S, Efprit l'a didc pour d'autres fins. Cependant ce
Père marque avoir de la joie de les voir préférer l'E-
.vangile aux Ligatures , & par-lù il fait connoitre que
I iij
1 c) 8 Co nférc n c es d'Angers ,
félon lui c'étoit un mal de mettre TEvangile à fa tèee
pour Ce guérir, mais que ce n'en étcit pas un /î grand
^ue d'aToir recours aux Ligatures ^.
Il ne faut pas pour cela blâmer ceux qui portent
l'Evangile, In principio erat Vtrbum , pendu à leur
col, ou des Reliques des Saints, ou des Croix, ou
quelqu'autres marques extérieures de piété approu-
vées par i'Eglife, s'ils les portent avec une toi hum-
ble, avec confiance en Dieu, par refpeél pour les
Saints &: par une dévotion pure, où ils ne mêlent
rien de fliperftitieux. On peut voir fur cette matière
S. Thomas z, z, (\.p6, art. 4, li eH conforme a ce que
nous venons de dire.
Enfin nous difons qu'on ell coupable, non-(eule-
Tnent quand on s'adonne aux (uperftitions dont nous
avons parlé , m.ais aufTî quand on coniuite ceux qui en
font profelTîon , quand on participe à leur crime ,
donnant aide , confeil eu protedion à ceux qui les
commettent , quand on leur applaudit par des louan-
ges ou par quelques autres marques extérieures, ou
quand en les autorife par le filence , étant obligé par
ion état à le rom.pre ; car alors c'eft approuver ces
fuperlîitions , que de Ce taire.
h Ctira capnt tibi doletlau-
ï^amu.s h Evangcliiim ad capui
îibi pofueris & non ad ligarii-
ras cucurreris. Ad hoc enim
peià'jfta eft infirmiias homi-
num, & ita plangendi fiint ho-
înines qui currunt ad ligaturas ,
Ut gâudeamus f^uaiido videmus
hominem in \e(\o fuoconftiîii-."
tiiin , )a'5tari ftbribiis & dolo-»
iibiis,nec alicubi fpcmporuif-
fe nifi ut Hbi Evangelinm ûd,
capiit concret non quia ad hoc
faûiim eft , fed quia prïlaîum.
eft Evangelium lisaïuiis*
%|iif*
n
%.^
fur les Comman démens de Dieu, 199
II L QUESTION.
QueJî'Ce que le Maléfice , &' quels font Us
moyens dont on peut fe fervir pour ôter
les Maléfices ?
l
LE Maléfice e(î un art de nuire aux autre? par la
puifnince du Démon , c'eft une efpece de Ma-
ie ; d'où vient que les Magiciens font appelles Ma-
ef.ciy félon la reniarque de faint Ifidore de Seviliedans
le liv. 8. des Origines , cliap. 5?.
Cette fuperftition eft un péché mortel de fâ nature,
non-feulement pr.rce qu'elle iiippofè un pa(5te avec le
Démon, mais encore parce, qu'elle fait tort au pro-
cliain.
On diflinguc ordinairement trois fortes de Maléfi-
ces. Le Somnifère , l'Arnoureux & l'Ennemi.
Le Maléfice fbmnifere, n'eft autre choie que cer-
tains charm.es ou certaines pratiques, dont les Sor-
ciers fe fe-vcnt pour endormir les hommes ou les bê-
tes, afin de pouvoir commettre impunément quelque
crime. Le Maléfice am.oureux que les Poètes Latins
nomment Phyltra , efl tout ce qui fe fait par iliggef-
tion du Démon pour infpirer un amour impudique.
Il en efl" parlé dans le chap, 6. de Baruch. & dans le
3. de Nahum. Le Maléfice ennemi eft tout ce qui efl
employé en vertu d'un pade fait avec le Démon ,
pour caufer du dommage au prochain ou dans Coi\ eC-
prit , ou dans fon corps , ou dans fes biens de for^
-tune.
Quand on fut du mal au prochain par le moyen
des caufes naturelles , applicando a^iva fa]Jîx:is , com-
me parlent les Philofophes , ce n'efl pas un Maléfice ;
mais quand pour caufer du mal au prochain , on le
fert de moyens frivoles & ridicules , qui ne peuvent
en aucune manière fervir A appliquer la vertu des cau-
fes naturelles pour produire cet efîet , c'efî un vér;-
I iv
200 Conférences d'Angers ,
table Maléfice; comme lorfqu'en perçant avec une
aiguille ime image de cire en une certaine partie , on
fait fouffrir des douleurs extrêmes à un homme dans
la partie reprélentée par celle qui a été piquée , ou
lorsqu'on pend à une cheminée les dedans d'un ani-
jîial qu'on croit être mort de Maléfice , afin que ie
Sorcier qui l'a fait mourir (èche peu à peu, & meure
enfin miîerablement.
Dieu en défendant abfolument à Moïfè, dans ïe
22 ch. de l'Exode , de laifler vivre aucune perfon ne
xjkI ufe de Maléfices ^ , & en- ordonnant à (on peuple
au ch. i8. du Deutéronom.e, de ne fbufeir qui que ce
Toit qui faffe profefïion de Maléfice , nous a fait con-
jîoître qu'il les avoit en horreur.
Les Pères, les Conciles & les Papes, que nous
avons cités , pour faire voir que la Magie , la Divma-
tion, & la vaine Oblervance font des eipeces d'ido-
lâtrie , des relies du Paganifine , des ruies du Démon ,
& des illuficns des âmes, difent la même choie dc5
Maléfices, &• veulent qu'en (e lèrve des peines Eccié-
fîaftiques pour en arrêter ie cours. Les Loix Civiles ,,
lapportées dans le Code Juftinien liv. 9, tit. t8. de
Malefcis & Maihcmaticis , ordonne qu'on puniffe très^
févérement les auteurs des Maléfices & ceux qui ea
nient.
Il n'ell Jamais permis de le fervir de Maléfice, oh
de quelqu'autre fuperliition pour oter un autre Malé-
fice , ni d'engager un Magicien à rompre par un Ma-
léfice , un Maléfice qui a été jette fur quelqu'un ; par-
ce que, félon S. Paul dans le 3. chap. de l'Epitre aux
Romains , il n'eft jam.ais permis de faire le mal y
afin qu'il en arrive du bien , & l'on ne doit jamais
avoir aucune (bciété avec le Démon.
La Faculté de Théologie de Paris a établi en ter-
mes exprès ce lentiment dans la fameufe cenfure qu'el-
le prononça le 15?. Septem.bre 1398. contre les Arts
ir^agiques. On peut l'appuyer de l'autorité de l'Ecri-
ture fainte, qui défend, ch. ip. & 20. du Lévitique
de confuiter les Devins & les Magiciens,
a Malcficos non paîieris vivere»
fur les Co mm an démens de Dieu, 201
Bien loin que l'Egiife ap{)rûuve qu'on le ferve d'un
I\lalctîce ou de quel]ue fupenlition pour occr un au-
tre Maléfice, le Rituel Romain Tizve de exorcij'andis
Oûfijfis, le défend expreflcment en ces termes , qui (ont
rapportés dans le Rituel de ce Dioccfe au même Titre.
AÎiqui oflenditm faûum Ma/ejicium & a qui jus fit fac^
titm, & modiim ad iîlud dijjipaiidum , fcd cax eat ne ob
hoc ad MagQS , vtl ad Sagas, vel ad alios quam ad Ec"
clefiœ minijhos , confugiat , illdve fuperjniione aut alio
modo illkito utatur,
S. Léon, dans le Sermon 15?. de la PafTion de notre
Seigneur ch. 5. nous avertit qu'il faut plutôt (ôuffrir*
toutes fortes de maux de la part du Démon , que de cher-
cher à s'en préferver enfailànt amitié avec lui ^. C'ed
pourquoi le Can. Si per Sortiarius ^ ch. 33. q. i. re-
commande à ceux qui font afH:gés de quelque I\ialéfi-
ce , d'avoir recours à la pénitence , aux aumônes , à
la prière, aux jeûnes, aux exorcifines ,& autres re-
mèdes fpirituels approuvés de i^Egliiè , comme (ont
le fàcrifice de la Meffe , les Sacremens , les prières
de rEgli(e, celle des gens de bien, l'invocation du
faint Nom de Jefus & de celui delà Vierge Marie,
le (igné de la Croix, Finterceflîon & les Reliques des
Saints , le pain & le vin bénis (elon les cérémonies
de l'Eglile. Ce fbnt-là les armes dont nous devons
nous (èrvir contre les attaques du Démon , & contre
les Maléfices.
On doit auQl employer les remèdes naturels pro-
pres à guérir les maladies caufées par le Maléfice , &
purger les humeurs dont le Démon (e (ert pour trou-
bler l'imagination de la perlbnne maléficiée , ou pour
altérer (Ii (anté corporelle.
Si Ton n'eft pas toujours délivré des Maléfices par
les remèdes (pirituels approuvés de l'Egiife, c'ed (bu-
vent la peine des péchés des perfbnnes maiénciéesj
c'ell aufli fouvent pour leur lalut , parce que les afHic-
l> Mul'is, quoddolcndiim eff,
îta per neouitijm fimnlarioni'j
i lu Uint , ut qtii,1;>m illoi & ti-
meant pati inicnjos & vciinc
h4b:rc ^iàcacos , cii;a bénéfi-
cia darmnnum omnibus dm no-
ccntiora VI Ineribiis , quia ru •
tiii<; eft homini inir.ùcitiam dia»
boli meriuflc ,qiiàin pacem»
I T
202 Conférences d^ Angers,
tious temporelles leur font évirer le péché , 8c prztU
Quer la vertu de patience. S. Aiiguftin liv. 22. de la
Cité de Dieu, ch. 22. ajoute que Dieu ne permet pas
toujours que les hommes foient guéris par ces fortes
de moyens , de crainte qu'ils ne s'attachent à la Reli-
gion que par intérêt & en vue des biens temporels '^.
Le Canon Non liceat c. 26. q. 5. condamne à cinq^
îiiis de pénitence ceux qui font venir dans leurs mai-
ions des Sorciers ou des Devins , afin qu'ils otent les
Maléfices que l'on a jettes fur eux ou fur leurs ani-
maux ^,
Il n'efl pas même permis d'accepter l'offre d'un
Sorcier ou de quelqu'autre perfonne qui promettroit
de faire ceffer un Maléfice par un autre Maléfice; car,
félon S. Paul dans le premier ch. de l'Epitre aux Ro-
mains , il efl défendu de confentir au péché d'un au-
tre ; & quoiqu'on ce cas le Sorcier foit tout prêt de
faire ce qu'il offre, on l'induit toujours à commettre
îe péché , ce qui ne fe peut faire innocemment.
Si on dit qu'il eiî permis d'exiger le ferment d'un
Païen qui jurera par fes faux Dieux , que l'on peut de-
mander les Sacremens à un miéchant Prêtre qui fe pré-
fente pour les adminifirer, on répondra qu'il y a une
grande différence entre ces adions & la deflrudioii
d'un Maléfice par un autre Maléfice. Ces adions fe
peuvent faire fans crime, n'étant pas mauvaifes d'elles-
mêmes ; car un Païen peut jurer par le vrai Dieu, &
on ne lefbllicite pas de jurerpar les faux Dieux , mais
fimplernent de jurer; un Prêtre peut fe purifier de fes
péchés avant que d'adminiflrer les Sacremens ; ainfî
on ne les induit pas à upie chofe mauvaife par elle-
même , ni à un péché, mais à une chofe qui efl bon-
ne de fa nature , & quife peut faire fans péché. Mais
Vf
tiam ipfa bcncfîcia tribuur.tur
j)ftentibus , ne j-ropier hoc re-
liL'io qtisraiur, quse propter
aliam ma^is vit^m , ubi nala
non erunt omninô ulla ^ «iU2«
renda ef^.
d <,i qiiis Paganorum confue-
tudincm fequcns , Divines &
Sortilcgos in domum ftiam in-
troduxtrlt . quajfi ut malmn io-
t)is mittanr,aut malet cia in-
venianc, quinc^ue annis j:cEni-
jcniiâip aganij
fur hs Commandemens de Dieu, 203
Dn Sorcier ne peut rompre un Maléfice par un autre
Maléfice, qifii n'ait focictc avec le Démon , & qu'il
n'agifTe en vertu d'un paAe fait avec lui, ce qui ne
peut Ce faire (Ims crime. Quand on a donc une certi-
tude morale que le .Aîaléficc ne (era rcmpu que par un
autre Maléfice, on ne doit pas accepter l'oftVe de ce-
lui qui fe prcfenteroit pour le faire. Or l'on ei\ mora-
lement certain que le Maléfice fera oté par un autre
Maléfice ou par quelque fuperilition , lo'-rque la per-
fonne qui s'offre à l'oter n'ell pas l'auteur du Alaléfî-
ce, ou n'a pa-; (l^u de l'Auteur la manière dont le Ma-
léfice a été jette.
Si l'auteur même du Maléfice s'offroit à Foter , ou
fi le connoilTant, on l'en prie, ou fi on l'y contraint,
& qu'on n'ait point lieu de croire que le Maléfice fera
détruit par un autre Maléfice, cela jfê peut faire fims
péché du coîé de la perfonne maléficiée , pourvu
qu'elle renonce fincérement à tout pade avec le Dé-
mon, & à vouloir Ce fervir «n aucune manière de Con
aide.
Conféquemment nous dirons qu'il efi perm.is de dé-
truire les fignes magiques des Maléfices , pour empê-
cher l'effet du pade qui auroit été fait avec le Dé-
mon. Ce n'ell pas qu'on croye que ces Cignes ayenc
aucune vertu ou aucun pouvoir , mais c'efi qu'on eCki-
me que le Démon , fuivant ia convention arrêtée
avec lui, continuera de nuire par la permifilon de
Dieu, tandis que le Ggne du pade fubfifierA : bieni
loin qu'il y ait en cela rien de criminel, ceû un mé-
pris que l'on fait de la puifTance du Démon que l'on
déteÛe. C'ert pour cela que le Rituel Romain & celui
d'Angers dans le Tit. dt cxorcifandis Où fe (fis y ordon-
nent aux Exorcilîes de commander au Démon qu'il
ait A déclarer s'il efi détenu dans le corps du Poficdé
par quelques fignes ou par quelques infirumensde Ma-
léfice, 8c où ils font, afin qu'on les brûle '^,
e Jubcat D.^monem diccrc, j mcnta , quae, fî ObrcflTus ore
an c'ccinf-?n!i in iilo corpore fi^mpferit , cvo.nar, veWî aliU
ob aiiu(i-.^m opcrarn maçicjm , extra corpus fucrint , ea rcve*
auc makfica figna , vclinftru- I lei , & inventa cr>mburari;v.r^
I
VJ
r04 Conférences à^ Angers ;
Il eiî donc permis de chercher les /îgnes magîqiîej;^
& de tâcher de les découvrir , afin de les détruire ,
pour obliger le Démon à cefTer de nuire , ou pour re^
couvrer la (ànté. On ne voit pas qu'il y ait en cela
rien d'illicite; car encore qu'il ne foit pas permis
d'attendre aucun effet d'un pade avec le Démon , il
jî'a jamais été défendu de détruire le pade que d'au-
ires auroient fait avec lui, 8c celui qui tâche de dé-
truire les /îgnes magiques, n'a pas intention d'invo-
quer le Démon pour le faire cefTer de nuire , il veut
ièulement ruiner fbn ouvrage & Vy forcer lui-même ,
non pas en le priant, mais en lui commandant de la
part de Dieu & en Ton faint Nom,
t£&jiSïiïiSiiiiiA.
IV. QUESTION.
^u'ejî'ce que le Sacrilège ? Quelles en font les
différentes efpeces ? Queft-ce quon entend par
r Impiété , Gr qu^efî-ce que tenter Dieu f
LE mot de Sacrilège pris généralement, fîgnifîe
toute forte d'irrévérences commifes contre Dieu-,
Dans le fèns étroit il fignifie l'abus qu'on fait des cho-
ies faintes ou facrées avec profanation.
Abufer des chofes fiiintes ou fàcrées, ceù. s'en fer-
vir à des. ufâges oppofés à ceux auxquels elles font
deflinées ; en quoi il y a toujours profanation , quand
cela £ê fait avec coiindifTance & de propos déli-
béré.
On peut abufer des chofês fàintes en deux maniè-
res. \^, En s'en fèrvant à des ufages qui en foi font
licites , & qui ne deviennent mauvais , que parce
qu'on y employé des chofes fàcrées & uniqueme'ît
deilinées au culte de Dieu. Tel fut le crime de Pal-
thazar , qui dans un feflin qu'il donna aux Grands de
fo!) Royaume, fe fervit pourboire des vailTeaux que
fon père avoit enlevés du Temple de Jerufliiem, ^QSiXp,
3Qse il eil rapporté dans le ch. 5 . de DaJÙel*
fur Us Co mm an démens de Dieu» 20 f
1°. En Ce (ervantdeschofes (acrces à des udiges qui
font de foi illicites & criminels, comme font les En-
chantemens & les Sacrilèges, pour lefqiiels les Magi-
ciens Ce fervent ordinairement de ce qu'il y a de plus
Saint. Sous le nom des choies Saintes ou Sacrées,
nous entendons toutes celles qui par une loi divine ou
ecclc/iaflique (ont condicrées à Dieu , ou qui félon
le rit public de FEglile, font deftinces au culte de
Dieu , Icfquelles ont ainfî un rapport fpccial à Dieu ,
&. en cette qualité méritent qu'on aie pour elles un
refpeâ: paiticulier; de forte que /î on les traite indi-
gnement , on peclie contre la vertu de religion , &
rinjure rejaillit fur Dieu même.
Le Sacrilège eu. de fà nature un péché mortel, qui
eft, comme nous venons de dire, oppofé à la vertu
de religion. Il eft facile de juger de i'énormité de ce
crime par la griévcté des peines dont les fàintes Ecri-
tures, ch. 10. du Lévitique,auliv. i. des Rois, ch.4.&
6.dansleliv. i.ch.6. & dans le ch. 5. de Daniel, nous
apprennent que Dieu a puni les facriléges de Nadab 8C
d'Abiud fils d'Aaron, d'Ophni & de Phinces enfans
d'Heli, des Rethfamites, d'Oza , qui eut la témérité de
porter la main à f Arche d'alliance, de Balthazar qui
profanales vafes facrés de la maifbn du Seigneur, Sec,
La colère que Jefds-Chriil fit paroître contre ceu:i
qui vendoient des bœufs & des moutons dansleTem-
pie, comme il eft rapporté dans le 2. ch. de l'Evan-
gile feJon S. Jean , nous doit infpirerune grande hor-
reur de ce péché ; auffi les loix civiles ont prononcé
la peine de mort contre ceux qui font coupables de
certains Sacrilèges.
Le Sacrilège fe divifê en trois ef})eces, fuivant le
différent genre des chofes fiiintes contre lefqueiles on
le commet, qui font les perfbnnes eccléfiafHques ou
religieufès, les lieux faints , &: les choies qui fervent
au culte de Dieu. On commet un Sacrilège contre les
perfônncs eccicnaili]ues, lorfqu'on frappe par i'inili-
gation du Démon un Ecclé(:aflique, un Religieux ou
une Religieufe, ou lorfqu'on commet un péché d'im-
pu'-cté avec une perfonnc engagée dans les Ordres
fdtrés , ou qui a fait profeifion de challeté , coinra.e
iio6 Conférences d'Angers ,
EiuiTi iorfque ces perfonnes tombent dans quelque pe-^
ché d'impureté , foit que ces impuretés ne foiQUî que
dans la volonté , foit qu'elles s'accompliiTent par des
adions; parce que, fuivant l'opinion commune des
Théologiens , ces péchés font cenfés bleiïer direde-
ment la fainteté des perfbnnes ecclé/iaftiques. Les
autres péchés qu'une perlbnne facrée commet , ou
qu'on com.met contre elle^ ne font pas proprement
des (àcriiéges ; de forte que fî on Ce fâche contre une
perfônne lacrée, uns lui faire aucune violence, ouiï
on lui vole une chofe profane, ou fî une perfônne fa-
crée Ce fâche ou fiit quelque vol, ce ne font pas pro-
prement là des fàcriléges , ces fautes n'attaquant pas
diredement la fainteté des perfbnnes. lllud fclum pec-
catum facrce perfona facrileginm e(î , dit S. Thomas
2. 2. q. iP^. art. 3. dans la réponfe à la trolfîeme ob-
jedion, quod agitiir direâïè contra ejus fan^iitaiem.
Les Canonises prétendent qu'on commet en quel-
que manière un fàcrilége contre les perfbnnes ecclé-
iiaiîiques , quand on les traduit devant les Juges Cé-
culiers contre la difpofition des Canons. Mais il fauc
obfèrver que , félon les Ordonnances du Royaume ,
ies Clercs ne jouifTent pas du privilège du for Ecclé-
fîafîique en toutes fbrtes de caufès , & que pour en
]oiiir il faut qu'ils fbient promus aux Ordres (acres ,
ou au moins qu'ils foient pourvus d'un Bénéfice, ou
attachés au fervice d'une Eglife, ou écoliers étudians
aéiueilement , comme il ed: porté par l'art. 4c. de
l'Ordonnance de Moulins , & par la Déclaration du
Roi Charles IX. du mois de Juillet 1566. fur cet ar-
ticle 40.
Les lieux fâints contre leiquels on peut commettre-
un fiicriiége, fbnt ceux qui ont été confacrés ou bénis
parl'Eveque ou par fa permifTion, afin qu'on y of^re
le fàint facrifice de la MefTe, ou qu'on y adminflre
les Sacremicns, ou qu'on y célèbre l'Ofïice divui , ou
qu'on y enterre les corps des fidèles, com.me font les
Eglifes, les Ch.apelles , les Cimetières. Ces lieux
étant devenus faints , on ne doit plus s'en fervir pour
des ufàgcs profanes, & on doit les relpeéter.
On commet un fàcrilége à l'égard de ces lieux. 5
fur les Commandernens de Dieu, 2(yy.
1^, Quand on viole ]'.i faintetc par des a(5tions ccn-
tr.iircs au culte de Dieu pour lequel ils (ont dcflinés 5
ce qui arrive quand on ruine ks Egiiles , qu'on les
Lriiie , qu'on les pille , qu'on en brife les portes ^
qu'on les fouille par un homicide, par une eftuficn
considérable du fang humain, par une fornication,
ou une pollution volontaire , par la fcpukure d'un
infidèle, d'un homme non baptilc , d'un hcrctiquc
ou d'un excommunié nommément dénoncé , ou
qu'on les convertit en des lieux profanes , comme
lorfqu'on en fait des Greniers, des Etabics, ou des
Ecuries.
1^, Quand on fiit dans ces lieux des a(fî'ions pro--
fiincs qui (ont centre le refpeâ: qui leur eft du , le(^
quelles à railbn de l'irrévérence qu'elles renfermenc
ou du trouble qu'elles apportent à i'Olîice divin, ou
du (candale qu'elles cauient, peuvent être un péché
mortel; comme quand on y tient un marché, on y
fait trafic de quelque marçhandife que ce (bit , on y
joue, on s'y promené, on y cau(e, on y plaide, on
y tient des affemblées profanes, on y rcprc(ente des
jeux ou des farces.
Le Pape Grégoire X. dans le Concile de Lyon z
défendu que ces fortes de chofes fe f ffent dans les
lieux (àints. Voici les termes de fbn Décret, qui efi
rapporté au ch. Dccet. de immiinitatc Ecclejïarnm'm 6'^^
Niilliis in locis eifdim , hi quibus ci:m pace ù" qiiiet'f
uota conienh ceJcLrare , fcditioyicm excite t , ccKClama-'
tionem moveat, im^etumque commiitaî. CcJJlat in Iccis
illis unizerfitawm & jocietatum qitariimlibet Concilia >
Conciones ù" pttUica Tarlomenid. Cejfent vana & muho
fcrii]is fœda& frofaua colloqiiia. Ccjjhit ccnfahiilaiionct
qiia:Jibct. Sint pofiYLmo qu^cumque alia y qux divimim
pojfiou lurbare O-f.ciiim, am gcuIcs divina MajefiatiJ'
cjj'endcreah ipfis prorfiis extranca , ne ubi feccaicnmt cjî
venia poJIuLwda, ihi peccandi dcttir cccafio , aiu dcprc-^
hendantur peccata ccmmiui, Ccjjem in Ecclcjiis car uni-
que Camcteriis ncgociationcs & pmcipue mn.diihV'um ac
fori citjttfcu?nque tiimiiltus ; omriis in eis fivcnJariitmjU"
diciori-m Jîrcpims conqtiiejcat ; ntilla inibi caufa pîf
La'icos, crimi.ialis maxime, agitçiuït
i:o8 Conférences d^ Angers ;
La troifieme efpece de Sacrilège Ce commet cofttr^
les chofes qui fervent au culte de Dieu. On divife ces
chofes en cinqclafles, dont la première comprend
les Sacremens. Si en les adminifîrant il arrive quelque
manquement qui en empêche la validité, Ci on les
adminilire en état de péché mortel, fî on les reçoit
indignemient. Ci on les vend ou on les acheté, fi'oii
y change notablement les cérémonies ou rits accou-
tumés , ou /î on y en introduit d'autres , on commet
des facriiéges ; & comme TEuchariftie eft le plus no-
ble & le plus excellent de tous les Sacremens, le plus
grand de ces (acriiéges, efl loriqu'on viole ou qu'on
profane ce Sacrement en quelque manière que cefoit.
On eft cenfé le profaner, Ci l'on ne conferve pas avec
décence la (àinte Euchariftie, ou fî Ton néglige tel-
lement de renouveller les eCpeces facrées, qu'elles fè
corrompent faute d'avoir été renouvellées félon l'u-
fàge du Diocelè.
On regarde auffi comme un Sacrilège le mauvais
ufàge du iaint Chrême & des faintes Huiles, comme
feroit de les manger, ou de s'en fervir à d'autres ufa-
ges que ceux auxquels l'Egliiè les employé. C'eft
aufîl en quelque manic-e un facrilége que de les lail-
fer corrompre, & de ne pas tenir nets & propres les
Sacraires ou les Fonts baptifmaux , & de foufinr qu'il
s'y amaffe des ordures.
On rapporte à cette eCr,ece de (acrilége l'abus qu'on
fait des céréinonies de TEglife en les repréfentant par
bouffonnerie ou en les tournant en ridxuie.
Nous m.ettons dans la féconde ciafîe les vafes fâ-
crés , comme font les Calices , les Patènes , les Ci-
boires & les Corporaux. S'en fervir à des ufàges pro-
fanes , c'efl un facrilége que le feptieme Concile gé-
néral dans la définition de foi rapportée dans la fep-
tieme adion , & le troifieme Concile de Eragues
qu'on croit avoir été tenu en l'an 675. punilTent de la
dépofition dans la perfbnne des Clercs , 8c de l'ex-
communication dans celle des Laïques. Ce feroxt pa-
reillement un facrilége de vendre la binéd.dion de
ces vaiffeaux, ou de les vendre plus cher fous pré-
texte qu'ils font bé»is.
fur Us Comman démens de Dieu. 20^
C'eft un péché qui approche de ce (âcrilége , que de
toucher ces va(es, quand on neù. pas dans les Ordres
làcrés , ou qu'on n'en a pas obtenu la permidion.
Dans la troi/iemc clafle (ont compris le texte des
fàints Evangiles, les Reliques des Saints, les Croix,
les Images de Jefus-Chriil & des Saints. Quand on
les foule aux pieds, qu'on les brife, qu'on les désho-
nore , on commet un lîicrilcge , contre lequel le (ep-
tieme Concile général prononce pareillement la dé-
po/îtion & l'excommunication.
C'eft un crime qui a du rapport à ce fàcrilége, que
de fe fervir des paroles & des (entences de la (ainte
Ecriture pour des fupenlitions , pour des bonne-
ries, pour des hiftoires fabuleufès, pour des Hatteries
ou des détradions, pour des libelles diftamatoires*
Le Concile de Trente, rèfîion 4. veut que les Évêques
s'efforcent de réprimer cet abus par les peines de
droit & par d'autres arbitraire,s ^,
On peut encore mettre dans ce rang le Pain béni,
l'Eau bénite, 8c le Cierge Pafcal. C'efl: une efpece de
fàcrilége que de les profiiner ; par exemple, fî on
donne le pain béni à manger aux chiens.
La quatrième claiïe renferme les ornemens dont
fe revêtent les Miniiires de i'Égiifb, & ceux dont on
pare les Autels. Il y a, (elon le (entiment des Pères du
troifiéme Concile de Eragues, un (Iicriiége à les con-
vertir a d'autres ufàges : aufll ce Concile prononce des
peines ecclé/îalliques contre ceux qui olènt le faire ^\
n Sicrofan^a Synodus teme-
ritat-m il au rcprimcre vo
lenv , ijiiâ a(l profjm qiKïrjiic
conv.T iintii • , & torq'icntur
verba Se ffnten-ix TacraeStrip
tiira? , ad fciirrili,. fciiicct, fa-
btilofa , vana , adnlattones ,
«ivtrecV^tionts , Tup^ilticiones
jmpi<is , & diabolicas incanta-
tionos , divinationes , fortes ,
lii)ellos eria M famofos , man-
dat & prxcipir, atl rollen:!ain
hii)»fajo.1i irrevcrennann &
(comcn)ptum , ne de ca::cro
quîrquam qiiomodolibct verba
^rriptiirx furi a;i hïc (5f fini-
lia auclcac iifurfiarc. Ut omiiea
hnjus gcneris honiincs , îeme-
ratores Se violatorcs verbi
Dti , juris ôc arbitrii [ œnis per
tpifcopos coerceantiir.
b Sub hac qiioqne damnatio-
nis ff ntemia Si illi obnoxii te-
nebuntdr , qui ecclefianica or-
nementa , vêla, vel alia qiix»
libet indumînta atque etiara
iitcnfîlia fcicado in fuos uC>A^
tiAnAuierimt
tiîO Confàeîîces d'Angers ,
On ne peut donc excufer ceux qui Ce fervent des chaps
pes d'Egiife pour couverture de lit.
Le Canon ad Nti^tianim , did. i. de Confecratione,
défend que l'on falle fervir les ornemens d'Eglifèaux
pompes des noces. Le Can. Aharis , & le Can. Nemo^
au même endroit, ordonnent qu'on ne mette point
iur les Autels des nappes qui ayent fervi à couvrir les
corps des Morts.
On regarde comme des (âcriléges ceux qui fe dégui-
fent en habit d'ecclcfiaftique , de Religieux ou de Re-
îigieu(ès dans les Bals, Comédies ou Farces.
Enfin on met dans le cinquième rang les biens meu-
bles ou immeubles deihnés à l'entretien des Fabriques
& des Miniilres de l'Eglife ; ainfi on n'eiî: pas exempt
de facrilége quand on uParpe les dîmes ou les autres
droits qui appartiennent aux Egliies , ou quand on ra-
vage les terres de TEglifè, ou que Ton s'empare des
dom.aines dépendans des bénéfices; cr.r quoique ces
biens foieiit de leur nature temporels Se profanes, la
deftination qui en a été faite les a rendus facrés. Ce
qui a fait dire à S. Thomas i, i.q. 99, art. 3, que qui-
conque pèche par rapport à ces biens , tombe dans un
fàcrilege *^.
Il faut expliquer en confefïion la nature du (âcrilége
qu'on a commis , parce que, comme enfeigne S. Tho-
mas dans le même endroit , le fàcrilege félon les dif^
férentes eipeces renferme une différente malice , &
toutes choies étant d'ailleurs égales , il eft plus ou
inoins énorme à proportion que la choie facrée qu'on
traite avec irrévérence efl plus ou moins fàinte.
Les chofes font en difterens dégrés de fainteté félon
le différent rapport qu'elles ont à Dieu ; car plus une
chofe y a rapport, plus elle eH: digne de refpeft, plus
elle eîï fainte, plus elle ell ilicrée. Ainiî comme les
personnes ont un rapport à Dieu plus immédiat que
n'ont les lieux fàcrés , puifque la làinteté du lieu lè
rapporte aux perPonnes, félon ce qui éfl dit dans le
li\. z, des JMachabées ch. 5. que Dieu n'a pas choifî
c Quicumqne contra qiiod- | crimen facrileeiî incurriî»
^.umçj^ue pra?di*5ioriim peccàC,
fur les Commandemens de Dieu* 2.11
le peuple àcauie duTeinple, mais le Temple à cau(ê:
du peuple; le fucrilcge qu'on commet contre les per-
fonnes, ell plus énorme que celui qu'on commet
contre len lieux (ainrs , fLippofc que toutes chcfes
foient d'ailleurs égales; car frapper légèrement un
Prêtre eft un péché moins grief que de piller une
Eglife avec fracfîure.
De plus le làcniége renferme (buvent plu/îeurs dijp'
férens péchés auxquels il ajoute une nouvelle malice,,
outre qu'il y a dt-S H'xriléges qui entraînent avec eux
l'obligation de fatisf^^ire, ou dcreftitucr, & qu'à d'au-
tres il y a des cenfures attachées; c'ell pourquoi il no
faut j)2c manquer d'e>ipliquer en confefTicn l'efpece du
fàcriiéi^e.
Saint Thomas au même endroit remarque que dans
chaque ellxce de lacrilége , il fe rencontre aufii difie-
rens degrés de malice , car la mcme irrévérence coni-
lîiife di.ns un Cimetière, n'cd pas li gricve que ii elle
avoir été ccmmife dans une E'glifé; de même le viole-
ntent qu'on fait de la. faincecé d'une Eglife en y répan-
dant le (ang d'un homme, ell bien plus grand que il on
y fait un vol.
Le (acriiége peut devenir véniel, par l'inadver-
tence , par le manque de conlentement, par la lé-
gèreté de la matière , ou par l'ignorance du cou-
pable.
Quoique l'abus de toutes les choies consacrées à
Dieu (oit un lacrilége, néanmoins il n'y a que l'abus
delà trcs-Hiinte Euchariftie, du Chrême & des laintes
Huiles, qui (bit un cas réfervé dans ce Diocefe; en-
core faut-il qu'il (bit fait malicieufement, par mépris
& avec impiété, comme (i on jette par terre l'Euclia-
riil'e, on la foule aux pieds, on la donne à manger
aux bctes , on s'en fert pour des maléfices ou des cn-
chantemens ; ou fi l'on traite avec la mcme indignité
le Chrême ou les (îiintes Huiles, ou fî l!on s'en lert à
des ufages proLnes ou mauvais.
Pour ceux qui en abufent par inadvertcnce ou par
ignorance, ils ne tombent pas dans le cas réfervé,
parce que l'abus n'eil que matériel, ni ceux non plus
^ui par dévQtion fe fs^rvem des chofcs facréçs poui^
'212 Conférences d'Angers l
d'autres ufàges que ceux pour lefquels elles ont ht
înflituées ; par exemple , ceux qui fe ferviroient àt5
iàintes Huiles pour guérir une maladie; parce qu'il ne
fiiffit pas qu'il y ait abus pour que le cas foit rélervé",
mais il faut que cet abus foit accompagné d'impiété,
Frofa'tiaiio feu imphis ufus facrofanÙce Eucharijlice ,
CJirifmcitis j Ù' Ofei fanfli. ï\ n'eft cependant pas per-
mis de fe fervir par dévotion du Chrem.e & des iaintes
Huiles pour d'autres uiâges que ceux auxquels ils font
dellinés, comme nous l'avons déjà dit. Le Concile
VI. d'Arles de l'an 813. ncus le fait entendre dans le
18. Canon, oij il ordonne aux Prêtres, de garder le
S. Chrême enfermé (ous la clef, & leur défend fous
peine de dépofîtion d'en donner à perfonne pour fer-
vir de remède , ou pour quelque autre raifbn que ce
foit, parce que c'eft une eipece de Sacrement qui ne
doit être touché que par les Prêtres. Ut Tresbyteri fub
jtgillo cuJJoàiant Ckrifma , Ù" ntilli fitb ^rœtexiu medi^
chiœ vel ciijujlîbet rei , dcnare Drcefumant. Genus enim
facranienti efi Ù" non ab aliis nifi a Sacerdoiibus contin-
gi débet 3 qiiod fi fecerint i honore tiriventur. On trouve
unefèmbiable Ordonn. dans le Concile de Mayence ,
Can. zj. & dans le 3^. de Tours, Can. 20. qui ont été
tenus la même année 8 13.
On appelle ordinairement impiété toute injure faite
à Dieu; mais ce terme, dans un fens moins étendu ,
fignifie manquer de religion , n'avoir point de (enti-
ment des chofes du Ciel , négliger entièrement le
lalut de fbn am^e, faire gloire de fès crimes : c'efl
ain/i que S. Grégoire le Grand, liv. 25. des Morales
fiir Job, ch. 10. prend le mot d'impiété.
Tenter Dieu, c'eft dire ou faire quelque chofe fans
aucune jufîe cau(e pour éprouver la puilfance , la
bonté, ou quelqu'autre des perfeftionsde Dieu parun.
effet extraordinaire, ou attendre de lui quelque choie,
iàns (e (ervir des moyens que nous avons en mam , ou
lui demander fans nécefrité& fans fondement ce qu'il
ïi'a pas promis.
Il efl défendu :\ l'homme au ch. 6, du Deutero-
nome, de tenter Dieu '^. Notre Seigneur appliqua cef
4 Non teiHitbis Dominum Dcum tuum»
fur les Commandemens de Dieu» 21^'
paroles au Démon qui lui dit de fe précipiter du haut
du Temple , comme il efl rapporté dans le 4. ch. de
S. Matthieu.
Ce péclié e(l mortel de lui-même ; car c'ell une
grande irrévérence que la créature commet contre
Dieu , que de prélumer qu'elle fera changer (elon (on
caprice les loix delà divine Providence. Ce fut en pu-
nition de ce crime que les Ifraélites n'entrèrent pas
dans la Ter-e promise à leurs pères *.
Quelquefois l'infidélité fe trouve jointe à la tenta-
tion de Dieu , comme il arrive quand quelqu'un qui
doute de la fcience ou de la puifTance de Dieu , veut
réprouver par quelque miracle.
Dieu veut qu'on employé les moyens qui (ont dans
l'ordre de (à Providence ; y manquer , c'ell le tenter ,
félon S. Aug'iflin, liv. zi. contre Faufte , ch. 36. &
dans le liv. du travail des Moines^ ch. 17. Ainfi c'efl
tenter Dieu , que d'efpérer qu'il nous pardonnera nos
péchés (lins que nous fafïions'pénitence , ou (ans que
nous recevions les Sacremens. C'eft, félon FEccléfiaf^
tique , ch. 18. tenter Dieu , que d'attendre qu'il nous
accordera l'effet de nos prierez, quand nous prions (ans
aucune préparation , & fans aucune attention ^. Ce
(eroit tenter Dieu que de croire qu'il nous fera vivre
fans que nous mangions , ou d'attendre de lui qu'il
nous donnera ce qui nous eiî néceffaire fans que nous
travaillions pour l'amaffer. C'efl tenter Dieu que de
s'expofer témérairement , & contre l'ordre de (a Pro-
vidence , à de grands dangers , (oit pour l'ame , (bit
pour le corps, (bus prétexte qu'on efpere que Dieu
nous en préfèrvera.
Ce n'cil pas tenter Dieu , que d'efpcrer que quelque
grands pécheurs que nous (oyons , il nous fera mile-
ricorde en changeant de vi.' , &C faifant pénitence ,
parce que ceJa eft félon l'ordre & qu'il Ta promis. Ce
ne (èroitpas non plus tenter Dieu , que de lui deman-"
e Tentaverunt me jam per | / Antc orationem pr«para
deceni vices. .... .non vule-
btint tcrram pro qua jiiravi pa-
uibus corum. Numcr, 14..
anin.afp. tuam,& noli e(lc'][uafi
homo ç^ui umat Dcum.
^"Î4 Conférences â^' Angers ,
der avec humilité & rc/ignaticn â fa volonté , qu'il
falfe un miracle, s'il avoit ordonné qu'on lui deman-
dât, comme il fit à Achaz , ainfi que nous liions dans
le ch. 7. d'Ilaïe , ou fi une néceifité très-prefîîinte nous
y forçoit, ne pouvant faire autre chofe , comme fit Jo-
fâphat 9 qui craignant de n'avoir pas allez de force
pour réfifler à une multitude prodigieule d'ennemis
qui venoient fondre fur les Ilraéiites, demanda à Dieu
qu'il fit juftice de ces gens-ià 8. Et comme il eft mar-
qué dans le ch. 4. des Ades que firent les Fidèles , qui
pour furmonter l'oppo/îtion que les Prêtres & les prin-
cipaux des Juifs apportolent à la prédication de l'E-
vangile, demandèrent à Dieu le pouvoir de faire des
guériibns miracuieufes & des prodiges pour ceux d'en-
tre eux qui annonçoient l'Evangile de J. C. Da fervis
mis cum omnifiducia loquiverbum mum, Ù" in eo quod
manum tuam extendas ad fanitates 3 & figna , & ^ro'
digia.
g In nobis quiJem non eft
tanta fortitiu^o ut pcfTin us
huic nu.ititu.^ini rcfiltere rua*
jrruic fuper nos. Sed cum igao*
remus qulcl agere <3tb°arnus,
h c folum hahcm'if rclidui , ut
''Culr^s n'^ftrosdirig !nui<. ad tCj
iiv» 2. Paraiipom» cap. 20*
^^^ ^^^m,^
m.
fur hs Comman démens de Dieu, 215"
i^ . .% A. iiv -^A -^ <v 4» ^•' A 4^ 4» ^ -^ *S» ^ <:» ->)-• *v ^ ^ A. ^fi-i^Aà
^'-f A n -îli- « *-^- y- x * » *- y'. -« « » -à -» à" * >* ''^ ** '»»'
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RESULTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
LES COMMANDEMENS DE DIEU,
Tenues au mois d'Oélobre 171 3.
PREMIERE QUESTION.
Queji ce qui nous efl défendu 'par h fécond pré^
cep te du DJcalogue f QiCeft-ce que le jure-^.
ment , comment le divife-t-on ? Eft-'d quel-^
quefois permis de jurer f
LE fécond Cc:nmandemen: qui eft conçu en ce$
termes dans le ch. 10. de rj::>xode : Vous ne pren-^
drez -point envain le 'Nom dii Seigneur votre Dieu : Non
/yjurncs Komen Dci tut in vamim , eil & ncgatif & affir-
matif. Il nous dciend de profaner le lîunt Nom de
Dieu , Se nous ordonne de l'honorer.
On honore le Nom de Dieu , non-lèulement quand
on le confelTe devant les hoianies , en fîiifmt pro-«
felfion de la Foi, qu'on l'invoque dans la prière, qu'on-
le loue par les adions de grâces , qu'on l'annonce par
la prédication de TF-vangile , qu'on le bénit d.ms le
^itcours , parlant avec reipe de Dieu & de rju*- ce
qui le concerne , ou qu'on fait des vaux en fbn bon-»
!2.i6 Conférences d'Ân^erç,
îieur; maïs auflî lorfqu'on l'employé iaintement, pour
attefler quelque vérité , quand la néceflité ou le bien
public le demande : comme nous i'enfeignent ces
paroles du 6, ch. du Deutéronome : Domimim Deum
tuum ùmebis , & illi foli fervks , ac per Nomen illhis
jurahis.
Ce Commandement nous ordonne de ne jurer ^
quand la nécelTité le requiert, qu'a\ec un tiès-pro-
fond re(peâ: , & il nous défend d'abufer du nom de
Dieu par des juremens indi(crets & téméraires , par
des parjures , ou par des blafphémes»
Le violement des vœux & les irrévérences contre
Dieu & contre les choies qui lui font confacrées ,
nous Ibnt aufîi défendus par ce précepte. S. Thomas
2,. X. q. lii. art. 3, comprend tous ces péchés fous le
nom d'irréligion.
La juflice de ce Commandement ell connue à tous
les hommes ; car qui ell-ce qui ne fçait pas que quand
on aime une perfonne on n'en parle qu'avec honneur
& avec refpeâ: ? Celui qui en parleroit autrement ,
croiroit , avec raifbn , lui faire une injure, hi alicu^
jus viri reverendi mimor es fine reverentia , contume^
liam tutas. Or nous avons une obligation indifpenfà-
ble di'aimer Dieu. Nous ne devons donc prononcer
fon Nom qu'ayec tout le refped qui efl dû à là divine
Majeflé ; jfi nous y manquons , nous nous rendons cri-
ininels, & nous méritons d'être punis de Dieu ; auHî
le Seigneur a joint des menaces au commandement
qu'il nous a fait , de ne point jurer (on Nom en vain ^,
Ce qui a donné au Concile de Cologne de l'an 153^.
occaiion de dire que le violement de ce précepte at-
tire (ur nous les calamités & les miferes que nous ref-
fentons en cette vie.
Le jurement eft un afte de religion , par lequel on
prend Dieu, à témoin de ce que l'on dit , de ce que
Ton fait, ou de ce que l'on promet.
On a dit que le jurement eft un ade de religion ,
|»arce qu'en jurant on rend à Dieu un honneur louye-
a Nec enim habebir infon- 1 ferit nomen Dei fui fiuflrà,
Sem Dominas eum^uialTuinp- j RxoL ao.
raini
fur les Comm an démens de Dieu, lij
raîn , confeflànt qu'il eft l'auteur de toute vérité ;
qu'il eft la vérité incme, infaillible & immuable,
qu'il connoît parfaitement &: pénètre ce qui eft de
plus caché dans le coeur de riiomme, & qu'on a re-
cours à Ion témoignage comme au fouverain Sei-
fneur de toutes chofes : c'elî par cette raiibn que S»
'homas i. i. q. 89. art. 4. dit que le jurement eil: un
iide du culte de Latrie.
Pour que le jurement foit un ade de religion, il
faut qu'il foit fait avec vérité, avec jugement & avec
uiftice , comme nous l'expliquerons ci-aprcs ; lorf^
qu'il lui manque une de ces conditions , il n'eil plus
un ade de vertu, mais une adion qui déshonore le
nom de Dieu.
Quand les Païens juroient par leurs Idoles ou par
leurs faux Dieux, ces (ermens n'étoientpas de véri-
tables juremens ni des ades de religion , mais d'Idolâ-
trie, que Dieu défend dans lech. 13. de l'Exode. Ter
rtomen externoriim Deorum non jurabitit. C'efl pour-
quoi les premiers Chrétiens refufoient de jurer par le
Pénie des Célars , comme Eulebe le rapporte de (aint
olycarpe au liv. 4. de l'hiftoire Ecclé/iaiiique ch. 15^.
Leur railon étoit que le Génie paffoit pour un Dieu
parmi les Païens ; les Chrétiens ne craignoient pas
néanmoins de jurer par le (àlut des Em.pereurs ; &
même S. Grégoire , en faifànt prêter ferment aux
Evcques fchiunatiques qui fê réunilToient à l'Eglife,
les faifbit jurer : YerDeum omnipotentcm, per J'an^a
Evangelia Ô" falutem geniumque illufrium domînorum
nejîrorum Rempuhlicam guhernamium. Comme nous
l'apprenons du liv. 10. de (on regîQre, lettre 31.
Il eft à remarquer que S. Grcijoire ne prend pas ici
le mot de Genium au mcme lens que les premiers
Chrétiens dans le tems du paganifme, mais il entend
par le génie des Empereurs, leurs Anges Gardiens.
L'invocation qu'on fait du nom de Dieu par le fer-
ment , eft bien différente de celle qu'on en fait dans
la prière : en priant nous invoquons Dieu pour en
lecevoir du fecours & des grâces : en jurant , nous
employons le témoignage de Dieu pour confirmer ce
que nous alTuronsi car la fin que nous nous propo-
Imç I, K
22 1 8 Conférences d'Angers ;
fôns dans le jurement, eft qu'on ajoute foi à ce que
nous difons, parce que Dieu qui n'i?nore rien, & qui
efl la vérité même , ne peut être témoin du menfon-
ge, & nous proteftons parle jurement, que fila cho-
fè n'étoit pas vraie, nous n'ofèrions appeller Dieu
pour la certifier ; mais que n'ayant point d'autres
preuves Tuffifantes pour en faire connoitre la vérité ;
nous fbmmes obligés d'avoir recours au témoignage
de Dieu qui efl: infaillible & infiniment au-delTus de
celui de toutes les créatures.
C'eH: de-là que le jurement efl; la plus grande afTu-
rance que les hommes puiflent donner pour terminer
leurs diftérends, comme dit S. Paul dans le ch. 6, de
l'Epître aux Hébreux ^.
On peut prendre Dieu à témoin ou exprefTément
ou implicitement. On le prend de la première ma-
nière, quand on implore en termes exprès Ion témoi-
gnage , comme lorfqu'on dit : Dieu me foit tétnoin ;
fatteJJe Dieu : on invoque implicitement le témoi-
gnage de Dieu , quand on dit : Vive Dieu ou par Dieu,
De quelque manière qu'on prenne Dieu à témoin
d'une chofe, c'eft un jurement félonie fentiment de
S. Auguflin, dans le fèrmon i8. des paroles de l'A-
pôtre, qui eiï à préfent le i8o. de l'édition des Pères
Bénédidins. Ce Père condamne ceux qui difènt le
contraire ^.
On eilime cependant que quand on dit devant
Dieu y Je vous ajoure que cela efl , Dieu fçait fi je dis Ix
vérité , Dieu voit la chofe , Dieu connoît ma -penfée ; En
vérité , en confcience, certain eruem. Si on ne fe (ert de
ces manières de parler , que comme de (impies affiir-
h Et omnîs controve 'fiae eo-
rum finis , adconfirmationem,
cft juramcntDm.
c Non vos fa.llantqui ncfcio
quomodo volentes ipfas jiira-
tionçs difccrnere, vel potiùs
non înrçliigere , dicunt , non
efle jiirationem , quando dicit
homo j fcit Deus , teffis elt
Deus , invoco Deum fiiper
animaiïi meam rerum me dice-
re. Invocavit , inquit , Deum ;
teftem fecit Deum , numqnid
juiavit ? Qui haec dicunt, ni-
hil aliud volunt , nili invocato
Dec tefte, menti-i. liane verô
quifquis es pravi cordis , fi di-
cas , per Deum , juras ; fî di-
cas , tellis efi: Deus, non juras f
Quidenimeft per Deum , nifj
tellis ed Deus'' Aiitquideft,
tcftis eA Peus, nifi per DeumC
fur les Commandemens de Dieu. 2ip
mations , & qu'on n'ait point intention de jurer, mais
feulement d'affurer qu'on ne ment pas , mais qu'on
parle comme l'on penfè, ce ne font pas-là des jure-
mens non plus que les expreflions fuivantes : Foi
d'homme d'honneur, foi de Gentilhomme , foi de Prêtre,
foi de Chrétien, parce qu'en ce cas l'on ne prend pas
Dieu à témoin, mais l'on aflure qu'on dit la vérité
comme on doit la dire, & a coutume de la dire un
homme d'honneur, un Prêtre, un Gentilhomme , un
Chrétien.
Pareillement lorsqu'un homme dit far ma foi oic
ma foi , & qu'il ne (e fert de ces termes que comme
d'une fa(^on ordinaire de parler, qui ne fignifie rien ,
ou qu'il n'entend parler que de la foi humaine , il ne
jiire pas, car il veut feulement dire, vous devez ajoit^
ter foi à mes paroles , parce qu'elles font véritables ; mais
comme ces termes font ambigus, que plufîeurs gens
fimples les prennent pour des juxemens , & que même
il y a des auteurs qui le croyent, il eft du devoir d'un
Chrétien , & particulièrement d'une perlbnne enga-
gée dans les Ordres ou dans l'état religieux de s'en
abllenir , de crainte d'être un fujet de Icandale. C'efl
l'avis que donne l'Eccléfiaflique chap. 13. ^, Qne/iun
homme en affûrant quelque chofe par (a foi ou fur (à
foi, entf.ndoit la foi par laquelle il croit les myfteres
delà Religion, ce (eroit un véritable jurement, car
ce ieroit jurer par Dieu même qui efl: l'auteur des vé-
rités que la foi nous enseigne; & fi en jurant ainfî
on avoit fait un menlbnge , ce (èroit un véritable
parjure.
Il faut donc bien examiner quelle efl l'intention
de ceux qui le fervent de quelques-unes de ces fortes
d'expredions dans leurs difcours ; car s'ils avolent in-
tention d'appeller par-là Dieu à témoin , ce fèroit
de vrais juremens , comme étoit celui de i'Apôtre >
quand il diiblt aux Galates, Je vous dis devan: Dietc
que je ne mens point ^^
d Indifciplinatx loqiiclx non | e Ecce coram Dec', quianoii
afTucfcai os tuum , eftenimin I mentior. Ad GaUc. i,
ilU vcrbum pcccati, J
Z20 Conférences d'Angers ,
Quand des gens iîmples ou grofîlers &peu inflruits
s'accufent en confefTion d'avoir juré leur foi, ou vrai-
ment , ou en vérité , ou en confcience, & d'avoir juré
faux en fefervant de ces manières de parler, il eft de
la prudence des ConfefTeurs de ne pas d'abord les juger
coupables de péché mortel; car plufieurs de ces fortes
de gens s'imaginent que ces manières de parler (ont de
petits juremens qui n'obligent pas fous peine de pé-
ché mortel, & qu'il y a d'autres grands juremens dans
îeiquels on prend Dieu à témom, qui obligent (bus
peine de péché mortel , & dont ils Ce donnent bien
de garde de fe fervir. Ces perfonnes ne font pas cou-
pables de péché mortel en afïïirant unmenfonge avec
ces exprefllons , à moins qu'elles n'ayent eu intention
de prendre Dieu à témoin de ce qu'elles difbient. Ce-
pendant les Confeiïeurs leur doivent recommander
d'avoir foin de s'abllenir de ces manières de parler.
S'ils ont intention de jurer, ce font des fermens qui
font des péchés , lorfqu'ils ne font pas accompagnés
des conditions qui rendent le jurement licite. Huma-
na ai'ves, dit S. Grégoire le Grand, liv. 26. des Mo-
rales ch. 7. verba taïia jiiàicam, qualia forts fonant . •
àivina'verojudicia, talia forts audiunt , qiiaîia ex in^
ùrnis p'oferiintur.
Il eil certain qu'on jure non-lèulement en prenant
Dieu à témoin, comme fait S. Paul, Epitre 2. aux Co-
rinthiens ch. I. Tejîem Deum invocoj mais aufli en y
?ppellant les créatures, comme Moifè dans le ch. 4.
du Deutéronome. TeJJes invoco hodie cœlum ^ terram.
Car quand on jure par les créatures , on ne les regar-
de pas en elles-m.émes , mais comme ayant rapport
3 Dieu qui en eft le Créateur. Ainfî ce ne font pas
les créatures qui donnent la force & l'autorité au ju-
rement., mais Li Majellé de Dieu qui reluit en elles,
comme nous l'apprend Jefîis-Chrift au ch. 5. & 23.
de faim Matthieu, Qui jurât in Cœlo, jurât in throno
Dei , & in eo qui fidet fuper eum. AufTi ne jure-
t-on que par les créatures les plus confidérables, en
qui la bonté, la vérité, la fainteté, la puilTance, la
Majellé de Dieu & CiS attributs reluifent d'une ma-,
niere liiiguliere, C'eil par cette raifon > j;omme re^
fur la Commandemens de Dieu, 2 21
marque S. Thomas z, i, q. 89. art. 6, qu'on jure par
les faints Evangiles , par la Croix de Jefus-Chrill ,
par les Saints & par leurs reliques , par la Foi Catho-
lique, parle Ciel, le Soleil, la Terre. Si l'on juroit
par des créatures viles & abjedes , ce ferment paroi-
troit illulbire, car on ne penleroit pas qu'un homme
atteftdt Dieu dans ces fortes de créatures; par exem-
ple, s'il juroit par (on bonnet, par fon cheval.
On dira peut-être que J. C. en S. Matthieu , nou?
a défendu de jurer par les créatures *". On avoue que
Jefus-Chrift nous a fait défenfe de jurer par les créa-
tures en les regardant comme des Divinités, ainfi que
faifoient les Ifraéiites , qui juroient par les Veaux
d'or que Jéroboam avoit fait élever en Samarie,
lefquels ils traitoient de Dieux, au rapport d'Amos ,
ch. 8. Vivit Deits titus Dan. Par la mcme raifon Op-
tât de Mileve dans le liv. î. contre Parménien, blâ-
me fort les Evcques Donatiftes de ce qu'ils fôuffiroient
que ceux de leur parti juraïïent par les perfonnes des
Evéques , parce qu'ils marquoient par-là fe faire ho-
norer comme des Dieux è.
De plus , il ell défendu de jurer par les créatures ,
les conlîdérant en elles-mêmes, & s'arretant à leur
feul témoignage, comme s'il étoit infaillible; car ce
lêroit leur rendre un honneur fbuverain qui n'efl dû
qu'à Dieu feul. S. Jérôme reproche ce crime aux
Juifs, fur le ch. 6. de S. Matthieu. Judai fer Angeles,
dr urbem Jerufalem , & Templitm , & elementa juran-
tes y creaturas refque carnales venerahantiir honore Ù"
obfeqtiio Dei. Mais il ne s'enfuit pas de-là qu'il (oit
abfôlument défendu de jurer par les créatures, de la
manière que nous venons de l'expliquer, & quand les
Percs du quatrième Concile de Carthage , dans le
Canon éi. ont fait défenfès aux Clercs, fous peine
d'excommunication, de jurer par les créatures , ils
/ Epo dico vobis non jurare
omninô , neque per Caliim ,
rcque p' r Tcrram , neque per
Hicrofolymain , neque per ca-
put tuumi Cap, s.
g Per vos jurant & perforât
veftrai , jam pro Deo habcre
nofciintur Solct Deus ad prO"
bandam fidem , in jnratione ab
hominibus nominari.
K iij
à22 Conférehces (T Angers,
n'ont pas cru que cette manière de jurer fût abiolu-
ment illicite par elle-même ; ils ont feulement voulu
empêcher les Clercs de s'accoutumer à jurer fréquem-
ment par légèreté & (ans discrétion.
On peut encore dire que J. C. en faiiant défenfês
de jurer par les créatures, a voulu corriger l'erreur
des Scribes & des Pharifiens , qui eftimoient que les
juremens qu'on faifbit par les créatures n'engageoient
à rien , & que ce n'étoit pas un parjure que de les
violer, à moins qu'on n'eût juré par certaines créa-
lures qui favoriloient leur avarice . comme étoient
l'or du Temple & les onrandes faites à Dieu. Le Sau-
veur leur fait ce reproche au cli. 23. de S. Matthieu.
V^ vobis , àticts cceciy qui dicitis quicumc^ue juraverit
fer tcmflum , ràhil ejî , qui amem jiiraicrit in aura
templi , dèieî.
Le jurement que l'on fait par les créatures pour
être licite , doit être accompagna des mêmes cir-
conllances que celiu dans lequel en invoque exprefTé-
memle nom de Dieu; & il y a ia mcnie obùgation
de l'exécuter, parce qu'en jurant par les créatures >
on eit cenfé jurer par Dieu même, comme remarque
S. Auguflin dans le liv. i. du fermon de notre Sei-
gneur {ùr la Montagne, ch. 17. ^.
On divifè le jurement en verbal, réel & mixte;:
car il n'efl pas toujours nécefTaire d'ufer de paroles
pour jurer; il lliffit d'u(èr de certains lignes, qui font
communément reçus pour des fermens , comme de
lever la main quand un Juge exige le ferment , ou
de toucher l'Evangile en certaines occafions. C'eft-là
un jurement réel; mais /î on joint ces lignes ou d'au-
tres femblables aux paroles qui expriment le jure-
ment , c'elè un jurement mixte. On le fait à defieia
d'imprimer plus de refped pour le ferment, & pour
faire davantage concevoir l'obligation que l'on a d'y
être fidèle. Si alors on fe parjure, le péché eft bien
plus grief, tant parce que le fcandale efl plus grand.
h Cùm juras perCœlum aut
Terram , non te arbitreris non
4ebete Poruino jusjurandum »
quia per eum jurare convince-
ris, cujiis Cœlum thronuseftj
<5c cujus fçabcUum lerravlt,
fur les Commandemens de Dieu, 223
que parce qii'il y a plus de délibération , comme re-
marque S.Thomas, z. i.q. 5)8. art. 3. dans la réponse
à la féconde objedion.
Le jurement verbal necon/îfte que dans les parolcf
qu'on profère pour attefter quelque chofe.
Le leul mot, iwro, je le jure, prononcé avec in-
tention de jurer pour affurer ce que l'on dit, ou ce
que l'on promet, eil un véritable jurement; ainfi il
n'y a point de doute que quand un juge interroge une
partie fur quelque fait, ou lui fait promettre quelque
chofè, lui demandant Ion ferment, & que la partie
répond qu'elle le jure, ce ne (bit un véritable jure-
ment; pui(que l'intention du Juge eft d'engager cette
partie parla religion du (erment à dire la vérité, ou
a tenir (a promeffe. Mais lorfqu'on ne défère pas le
ferment à un homme , & qu'il employé dans le dif-
cours le mot , Je le jure , comme une fîmple affirma-
tion pour faire comprendre ,que l'on doit auifi tenit
ce qu'il dit pour aufTi sûr &: aufTi vrai que s'il juroit,
cette expreflîon n'efl: pas un iurement.
On doit blâmer ceux qui fe fervent dans leurs à'iC'
cours de ces expreffions corrompues (Pardi, Mordi,
Tetedi, Parfangdi) parce que dans l'ufige de notre
langue, elles femblent lignifier la même choCe que
(Par D;eu, Mort-Dieu, Téte-Dieu, Par le fang de
Dieu) , d'où vient qu'on les appelle des juremens abré-
gés , juramenta deciirtata. Plufîeurs gens en font éga-
lement fcandalifés, que /i on prononçoit tout-à-fait
ces juremens; c'eft pourquoi les Confeffeurs doivent
impofer, à ceux qui ont contradé .cette mauvaife ha-
bitude , des pénitences propres à les en corriger; cer-
tainement ils ne font pas toujours exculables de pè-
che. Quand même ces paroles pafTeroient pour ne
rien /îgnifier, & quoique ce ne fbient pas proprement
des juremens; lor(que les perfonnes qui les pronon-
cent n'ont aucune intention de jurer, on n'en doit
pas fouffrir l'ufage; parce que fi la langue vient à
fourcher à ceux qui s'habituent à les prononcer, ils
peuvent facilement jurer, (Par-Dieu, Mort-Dieu)
fur-tout dans la colère; outre qu'ils s'expofent à pren-
dre la coutume de jurer & de tomber enfuite dans le
K iv
224 Conférences d'Angers,
parjure. C'eft par cette raifbn que notre Seigneur^
dit S. Augufîin dans lecliap. 17. du liv. i. du Cevmon
de notre Seigneur fur la Montagne , a défendu aux
Chrétiens toute forte de juremens \
Quand un pénitent s'accufe d'avoir dit Pardi, Mor-
di , il eft du devoir du Confeffeur de lui demander
s'il avoit intention de jurer, au G. en proférant ces
paroles il croyoit faire un mal.
Il y a deux autres fortes de juremens, l'un qui Ce fait
par une fimple affirmation , on l'appelle ajfertoriiim ;
l'autre qui (è tait avec promefTe , on l'appelle tro-
mijjorium. Le premier (e fait pour affurer une cnofê
qui eil préfente ou pafîee. Le fécond regarde les cho-
ies à venir & fe fait pour alTurer une prom.efTe. Le
jurement promilToire renferme toujours l'afFertoire ;
car celui qui jure qu'il fera quelque choie, prend
Dieu à témoin que dans le moment il a la volonté
de faire ce qu'il promet. Dans l'aiTertoire , on n'ap-
pelle Dieu que comme témoin; dans l'autre, il fèm-
ble qu'on l'appelle , & com.me témoin & comme cau-
tion de ce que Ton promet.
Souvent en jurant on fè contente d'atteller Dieu,
c'efl-à-dire, de l'invoquer comme témoin de ce que
Ton jure. Ce jurement fe nomme invocatoire. Quelque-
fois aufll on ajoute l'exécration ou l'imprécation, &
c'efl lorfque non-feulement on prend Dieu pour té-
moin, m.ais qu'on l'appelle encore pour juge & pour
vengeur du parjure , en fe Ibuhaitant du mal à fbi-
îîiéme ou à d'autres, Ç\ lachofe n'efl: pas comme on l'a
dit, ou bien fî on ne tient pas la promefTe que l'on fait.
C'efl comme jure S. Paul dans la i. Epitre aux Corin-
ihiens, ch. i.TePem invoco Deumin artimummeam.Ori.
donne à ce jurement le nom A' imprécatoire. L'abus
qu'on en fait, efl félon S. Augullin furlePf. y.le péché
le plus grief qui fe commette en matière de jurement,
parce que la circonflance de l'exécration ou de l'im-
précation , renferme une plus notable irrévérence
i Ita ergo întelUgitur prae-
cepilU Dorniniim ne iuretur,
ne qnif^uam licui bonum ap-
perat iiisjiirandum , & affului-
tate jurandi ad perjnritin), pe-
confuctuiinem deUbstur»
fur les Commandemens de Dieu. 22 y
envers Dieu, C'efl jurer avec imprccation que de jurer
par fa vie, par fa tcte, par (es enfans i car c'eft com-
me fî l'on difoit, que Dieu m'ote la vie, la tcte, mes
enfans.
Le jurement par lequel on fe dé/îre du bien, com-
me quand on dit, Dieu (bit à mon aide. Dieu me (bit
favorable. Itame Deus adjuvet , ô'kcec fan6îa Evange^
lia. Ce rapporte à celui qui fe fait avec exécration;
car comme l'on le fouhaite du bien, fî on dit la véri-
té, de même on Ce dc/ire du mal. Ci on ne la dit pas.
Le jurement Ce divife encore en fimple & en fblem-
nel. Le fimple eft celui qui Ce fait entre pçrfonnes
privées (ans aucune (blemnité. Le jurement folem-
nel , eft celui qui (e fait en public avec quelque (blem-
nité; par exemple, en touchant de la main l'Evangile
ou des Reliques de Saints , ou en Juftice devant Con
propre Juge, ou devant d'autres Supérieurs , quoiqu'ils
n'ayent pas la qualité de Juges.
Le Seigneur ne nous commande pas de jurer, maïs
îl nous le permet quand il dit dans le ch. 6. du Deu-
téronome, qu'on ne doit pas jurer par un autre que
par lui ^, Ces paroles nous font même concevoir que
le jurement efl un aéte de religion ; c'efl pourquoi
David, Pf. 61. dit que ceux qui jurent parle Seigneur
le glorifieront en lui '.
Si le jurement étoit ablblument un mal , Dieu
îi*auroit pas juré comme il a fait pour exciter notre
attention, notre crainte & notre efpérance. Juravit
Dominus ô'ijonfœnùebit eum. P(al. 109, Et parce que
Dieu n'avoit point de plus grand que lui par qui il
pût jurer, il a juré par lui-même pour afilirer la pro-
mefîe qu'il fit à Abraham, comme remarque S. Paul
dans l'Epitre aux Hcbreux, ch. 6, "^.
L'Apôtre S. Paul s'ell auHl (ervi du jurement pour
perfuader à ceux à qui il parloit , qu'il leur difoit la
vérité. Nous le voyons par le neuvième verlet du ch
k Dominum Deiim niiim ti- j m AbraSx promittcns Deu5,
mcbis , & illi foli fcrvies, ac [ quoniam t^eminem habuit , per
j'crNomen illius jurabis. J qiierii juraret , majorcm , )ufÀ"
/ L:nidj|>iintur oiuncs qui ! vie per fcmcupfum.
jurant ia cp» 1
K Y
a26 Conférences d^ Angers l
I. de l'Epître aux Romains; parle 23. du ch. i. de
la féconde aux Corinthiens, & par le 8. du chap. i.
de celle aux Philippiens. Il nous a fait connoitre par-
là, félon S. Auguflin, au livre du Menfonge, ch. i^,
comment nous devions entendre ce qui efl dit dans
l'Evangile. Je vous dis que vous ne juriez en aucune
fprte ; fc^^avoir, de peur qu'en jurant vous ne contrac-
tiez la facilité de jurer, & que de cette facilité vous
ne pafTiez à la coutume de jurer, & que de cette cou-
tume vous ne tombiez enfin dans le parjure ". Difons
donc que le jurement eft licite lorfqu'il eft accompa-
gné de toutes les circonflances requifes.
S'il refîoit encore quelque doute fur cette vérité ,
qui fèmble avoir été conteflée par quelques Pères de
l'Eglife, l'approbation que l'Eglifè Catholique donne
au jurement en s'enfervant en diverfès occafions , doit
fuffire pour nous convaincre que loin qu'on offenfe
Dieu, l'on honore fbn Nom en jurant par nécefîlté
pour une chofè jufte & véritable , comme font les
Rois qui jurent les Traités de paix qu'ils veulent gar-
der, les Officiers qui prêtent ferment à leur récep-
uon, les particuliers qui font ferment en Juflice pour ^
afTurer la vérité. On ne peut donc excufer d'erreur les
Anabaptifles qui refufènt opiniâtrement de faire au-
cun ferment. Il y a même péché à refufer de faire
ièrment quand on y efl obligé par la charité qu'on
doit avoir pour le prochain , ou par l'obéiilànce qui
efî due à un Supérieur qui l'exige.
Il efî aifé d'accorder , avec les autorités de l'Ecri-
ture fàinte que nous venons de rapporter , les dtfen-
fes de jurer, que J. C. fait aux Chrétiens en S. Mat-
thieu, ch. 5. en ces termes : Vous avez appris qu'il a
été ait aux Anciens : Vous ne vous parjurerez point. ...
&: moi je vous dis que vous ne juriez en aucune forte °>
n JiT.ivît ipfe Apoftoliis in < confuetudinem , atque ita e%
Epiflolis fuis , & fie ofiendit
«juomcdô accipicndiim eflTet
ïjiod didum eft , dico vobis
tir xï jiirare omninô , ne ''cili-
<.et jiiiando ad facilitatcm ju-
confucnuline in perjurium de-
cidatur. Et ideô non invenitur
jutafle nifî fcribens , ubi con-
fidfratio cauiior non habct
iingoam nrscipitem.
landi Ncniaiur ;e»facilJuiead 9 M^^^s <iuia diftur» cft
fur les Commandemens de Dieu» ù.i'^
Par ces paroles J. C. ne défend pas abfolument le
jurement, mais l'abus qu'on fait du jurement, dont
il veut qu'on s'abftiennc autant qu'on peut ; car il
blâme en cet endroit l'erreur des Juifs, qui croyoient
qu'il étoit permis de jurer en toutes occafions pour les
moindres choies, pourvu qu'elles fufTent vraies. Ain/ï
il condamne ceux qui par légèreté jurent (buvcntfans
néceflité & fans refped, & il nous fait comprendre
deux chofes. La première, que le jurement n'ell pas
un bien de lui-mcme, &: qu'il ne l'eft que lorlqu'il ell
néccfl'aire ; par conféquent qu'on doit s'en abflenir ,
à moins qu'une véritable néceffité ne nous contraigne
de nous en fervir. La féconde, que l'on ne doit pas
s'accoutumer à jurer , de crainte de tomber dans le
parjure : Ita ergo^ dit S. Auguftin liv. i. du fermon
lur la Montagne, ch. 17. inteliigiiur pri£cepîjfe Domi-
mim ne jiiretur, ne quifquam Jicut bonum appetatjusjti^
randum, ù" aJJIduitate jurandi ad ■perjurium per con^
fuetiidimm deïabatur, C'efl pourquoi , continue ce
Père , celui qui {(^ait que le jurement ne doit pas ctre
mis au rang des vrais biens , mais dans celui des cho-
fes nécellàires, doit s'en abflenir , autant qu'il peut, &
n'en ufer que dans la néceflité, lorsqu'il a affaire avec
des per(bnnes qui ont de la peine à croire ce qui leur
efi: avantageux pour leur falut , /î on ne leur afTure
par ferment p. Quand on jure en par;eil cas , on ne
fciit rien contre le commandement de Dieu ; car ce
n'eft pas la faute de celui qui jure , mais c'eft l'incré-
dulité de la peribnne qui oblige de jurer. Non ejl con^
tra preecepmm juratîo , qins a malo eJl, non jiiramîs ,-
fed incredalitatjs cjiu cui jurare cogittir , dit S. Au-
guflin au liv. de l'expo/îtion de l'Epitre aux Galates,
vers le commencement.
Si les Chrétiens étoient tous parfaits , ils n'auroient
point befoin de jurer pour aflurer ce qu^ils difent;
Atviqiiiç , non pc'iiira'ois. ... j net fe quanrùm portft, wx non
Ego aun m (iico vobis.non ;u- j eâ uatiir nifî riectfTitate : cura
rare onrininr. ^ ^ videt figros c(fe liommcs ad
p Quapcprcr qui intclligîr , credendum , (]iiod eis inile cil
non in bonis T d in njccHàriis credcre , nî juratione firmeiur.
)uratioiu;m habcndam , refr«- '
K vj
hiS Conférences d'Angers ,
comme lis ne chercheroient point à tromper, oas'en
tiendroit à leur fîmple difcours avec autant d'afluran-
ce que s'ils juroient ; mais comme il y en a parmi
eux plus de foibles que de parfaits, le jurement efl
quelquefois nécefTaire , & alors ce n'eft pas un mal.
Tu autem^ dit S. Auguftin dans le liv» i. du Sermon
iùr la Montagne, non maîum facis qui bene uteris ju-
ratione, quce. etfi non bon a, tamen necejjaria ejlj ut al-
teri ferfuadeas quod utiliier perjuades , fed a malo ejl
illius cujus injiïmîtate jurare cogtris^
II. QUESTION.
(Quelles font les conditions qui doivent accom"
er le Jurement pour 1er ' '• ' ^
tout Parjure efi-il pécl
gagner le Jurement pour le rendre licite ; Gr
tout Parjure efi-il péché mortel ?
LE (àint Efprit nous a appris parla bouche du
Prophète Jérémie , dans le chap. 4. qu'il y a
trois conditions, dont il eft abfblument nécefîaire
que le jurement loit revêtu pour être licite; fcavoir,
la Vérité, le Jugement, & la Juftice, Jurabis vivit
Dominus 3 in verîtate, in judicio ô* in jujiitia. Si ces
conditions manquent au jurement, il eft toujours pé-
ché, à moins qu'il n'y ait de l'inadvertence; & com-
me il e(l dit dans le Can. Animadvertendum ^ ch. rz,
q. 2, c'eft un parjure & non un jurement. Animadver-
tendiim ejî , quod jusjiirandum hos habeat comités Ve-
ritatem , Judicium atque JufHiiam, Si ijla defuerim ,
nequacfuam erit juvameiitum , fed perjurium.
S. Thomas 2. i. q. S 9, art. 3. dit que fi le jurement
cft (ans vérité, il eft faux ; s'il eu. lans jugement , il
eft indiscret; s'il eft (ans iuilice, il e(l injulte. On ne
pèche donc pas (eulement lorfqu'on jure pour affurer
une fauffeté, mais encore lorfqu'on jure pour confir-
me^ une choie m.auvaifè ou inutile.
La vérité doit accompagner le jurement , puifque
la fin du jurement eii de confirmer la vérité i maii
fur hs Commandemens de Dieu. 229
pour Jurer avec vcritc , il faut que la choie que l'on
affirme avec ferment fuit véritable, & que celui qui
jure, la croyc telle, de forteque c'efl un parjure, non-
lèulement quand on jure qu'une chofe efl véritable,
qui e(ï faufTe , & qu'on ferait être fauiïe, ou qu'on
doute être fauife; mais aulH lorfqu'une choie ell en
eftet fauffe, & qu'on jure qu'elle efl véritable, parce
qu'on croit qu'elle l'eil. Le premier parjure fe nomme
Formel , parce qu'il avance une faufTeté formelle.
L'autre Ce nomme Matériel , parce qu'il n'avance
qu'une faufTeté matérielle.
Il y a de la différence entre ces deux loTes de par-
jures. Le premier eft plus criminel que le (econd, &
eft toujours mornel. Le (econd , quoique ordinaire-
ment criminel , ne l'eu qu'à proportion de la témé-
rité plus ou moins grande, avec laquelle on s'expofe
à jurer (ur un fait dont on n'ell pas iuffilàmment ins-
truit. C'eQ le lentiment de S.- Auguftin, fèrmon 180,
des paroles de l' Apôtre, qui étoit le i8. des ancien-
nes éditions ^. Et dans le (ermon 10. parmi les 17.
ajoutés par les Théologiens de Paris. Aliajia7ido ^
nolens homo perjurat cum verum pttat ejfe quod juratn.
Non ej} quidem tantiim feccatuniy quantum ejus qui [ci t
falfitm effe & tamen jurât. A quoi eft conforme ce que
dit S. Thomas 1. 2. q. 98, art. i. dans la réponfe à
la première objeélion. Non ita ejî perjurus ille quifal-
fiim jurât quod putat cjje verum , firut ille qui veriim.
jurât quod putat ejfe falfitm.
Il rcfijlte de-là que celui qui jure une cholê , qu'il
ne croit véritable que fiir de légères conjeftures , îans
avoir apporté la diligence nécefïàire pour en décou-
vrir la vérité, pèche, puifqu'il s'expofe par-là à faire
un parjure. Cette témérité eft une irrévérence contre
a Homines fairum jurant,
vel cijm fallu: t , vcl cùm fal-
Itintiir : aur enim putat homo
vcrLin> elfe qtird falfum tfl , &
temerè junt ; aiit fcic aiit ;nit.\t
falfiim effe , ôc tamjn pro vcro
jurât , Si iii''ilominu3 cum fcc-
Icrc jurât. DilUn; aiucm ïiU
perjuria , qiiae duo com-nemo-
ravi. Fac illuni iuraro qui ve-
rum putat cflc , ôc lanicn fal-
funi clL Non ex animo iftc
pcrjurat . fallitur hoc pro veto
habtt quod t'airum cft , non pro
re Ml A , fcicàis jurationcna in-
terponit.
â'30 Conférences (T Angers,
le S. Nom de Dieu, dont on ne doit point fe Cetvif
pour affirmer une chofe, qu'on n'ait une connoifTance
certaine qu'elle eft véritable.
Cette Dodrine nous eft enfèignée par le CatéchiA
me Romain , partie troifîeme fur le fécond Précepte
du Décalogue, ch. 3. ^. ï6. Peccat , qui qttod verum
ejî, jurât, idque ita fe hahere exifiimat , levihus qui--
dem conjeÛuris adduÛus , & longé peiitis. Nam etjî
ejufmodî jusjurandum veriias comhemr j fuhejl aliquo
modofalfum; nam qui fc negligenter jurât, in magno
-pejerandi periculo verfatiir.
Celui-là commet aufïî un parjure qui aflure avec
ferment qu'une chofè eft véritable, qui Feft en effet,
mais qu'il croit pourtant être faulTe , puifqu'il appel-
le Dieu pour témoin d'un menfbnge. Car dire une
chofe contre ù. penfée , c'eft mentir : Vutat falfum
ejfe , dit S. Auguftin dans le même lermon 180. ô"
jurât tanquam verum fit , Ù" forte verum efl : verbi
gratta,.,, àicitur ei vere pluit ; verè jurât y Ù' tamen
fluit ibi 3 fed ille nefcit, & putat non pluijfe, perjurus
efl. înierejl quemadmodum verbum précédât ex animo y
ream linguam non facit nifi mens rea.
Le parjure fè divife comme le jurement en affer-
toire & en promifToire. Nous venons d'expliquer l'ai?
iertoire. Le parjure promilToire eft, i*'. lorfju'on
promet avec ferment de faire une chofe qu'on a in-
tention de ne pas accomplir , ou qu'on n'a pas la
volonté d'accomplir; car on jure (ans vérité, on ap-
pelle Dieu à témoin d'un menfbnge. 2,*^. Lorfjue
làns une caufe jufte & légitime on viole le ferment
qu'on avoit fait avec intention de le garder.
On divife auffi le Parjure en Verbal, en Réel & en
Mixte, en Simple & en Soiemnel.
Le Parjure eft de fa nature un péché mortel oppo-
fé à la vertu de religion, parce que, comme raifbnne
S. Thomas , 1. i, q. 518. art. z. & 3. il renferme en lui
un mépris formel de Dieu, & une grande irrévérence
contre lui en l'appellant à témoin d'une fauffeté ,
comme fî Dieu ne connoifl'oit pas la vérité, ou qu'il
pût être corrompu pour fervir de faux témoin, C'efl
fur les Comman démens de Dieu, 23 1
pour cela qu'il efl dit au ch. 19. du Lcvitique , que
ceux qui parjurent, fouillent le Nom de Dieu ^.
La Sainte Ecriture, dans tous les endroits où elle
parle du Parjure, nous le reprcTente comme un pé-
ché. S. Paul, au cil. i. de la première à Timothée,
le met au rang des plus grands crimes. Dieu dit par
la bouche du Prophète Malachie , ch. 3. qu'il vien-
dra ctre lui-mcme le Juge & le témoin contre les par-
jures. Il les maudit dans le ch. 5. de Zacharie.
Saint Auguftin, fermon 180. qu'on vient de citer,
dit qu'il faut les exterminer, comme des bétes cruel-
les que les hommes ont en horreur <^.
Il y a des Canons qui ordonnent qu'on impa(ê aux
parjures des jeûnes de quarante jours au pain & i
l'eau , & de rigoureufes pénitences durant (ept an-
nées , Can. Q^iiicumque -i ch. é. q. i. Can. Qui com-
pulfus. Can. Si qitis fejeraverit^ ch. 11. q. 5. D'au-
tres veulent qu'on les mette en pénitence pendant
trois Carêmes. Can. Qui pejerat, Can. Si quiscoaÛtiSg.
ch. Z2. q. 5. D'autres les déclarent infâmes & indignes
d'être crus en Juftice. Can. Ir.fumes , ch. 6. q. i. Can»
Si quis conviciiis <f ch. 22. q. 5. Lequel Canon eft ex-
trait du 17. du Concile premier de Maçon de l'an
On tire de-là une preuve qui ne nous permet pas
de douter que le Parjure ne (bit un péché mortel trè?-
grief. î erjiirium peccamrn ejje (x grande ^eccatum ne-
mûdiibitaty dit S. Auguûin lermon 180. On doit ent
avertir le Peuple, comme il efl: marqué dans le Can»
Vradicandum, ch. 22. q. i. rrœdicandum ejl etiam ^
ut Verjurium Fiàclcs caveant , & ah hoc fummoperè
abjlineant fcientes hoc grande fceliis ejfe , & in Lege Ù*,
in Trop}:eiis y & in Evangelio prohihimm.
Le Concile d'York de l'an ii5?<^. & celui de Lon-
dres de l'an 1200, pour donner plus d'horreur de ce
& Non pcrjtirabis in Nomine
meo, nec poilues Nomen I)ci.
c D:\ alium qui fiit falfum
cflc & dicit vcrum tflc , & ju-
rât t.mqiiam Vf uni Ht , quod
fcit ûlfum cflc. Vide lis t^vùm
deteftanda fit bcllua , & de ré-
bus humanis exterminanda ?
Quis eiiam hoc fieri velit î
On.ncs homines taie deteftanc
tut.
5a 3 2 Conférences à' Angers,
crime, en avôient réfervé rabfolution aux Evéquesi
Dans le Diocefe d'Angers il n'y a que le parjure
des témoins qui dépofent Faux étant interrogés juridi-
quement par un Juge compétent qui foit rerervé , &
il faut pour cela , i». Que le parjure foit formel; car
fi un témoin en afiurant une chofe faufTe , croit dire
la vérité, ce parjure n'eft pas réfervé, mais lî un té-
moin qui doute qu'une chofe foit vraie , l'aflure de-
vant un Juge , comme fi elle étoit véritable , il tom-
be dans la réferve. 2°. Que le Juge foit compétent ,
car s'il ell incompétent, il n'e(l point le Juge du té-
moin qui n'eft pas de (on reflort.
La réferve ne regarde point le ferment prêté par
un témoin devant des arbitres, parce qu'en rigueur
un arbitre n'eit pas un Juge.
Si un Juge oublioit de faire prêter le ferment à un
témoin , le faux témoignage que celui-ci rendroit ne
fèroit pas un parjure, mais feulement un menfbnge
fort énorme qui feroit réfervé, parce qu'il eftdit dans
Tart. 5. des Cas réfervés à JVl. l'Evéque d'Angers;
Falfum tefiimonium & pcrjurium, f al forum tefihimfci"
licet y coram leghimo Judice Jafhim.
L'inadvertence & le défaut de délibération peuvent
faire qu'un homme ne pèche que véniellement, en
afTurant par ferment une chofe qui efl fauffe & qu'il
Tçait être fauffe, ou une chofe qui efl vraie en effet,
mais qu'il croit être faufle ; par exemple , quand en
parlant il échappe à un homme de jurer , fans faire
attention qu'il jure , & fans s'appercevoir qu'il jure
faux, ce péché n'efl que véniel; car cet homme ne
femble pas jurer volontairement , à moins qu'il ne
Jurât par une mauvaifê habitude, qu'il n'auroit pas
pris à tâche de détruire, parce qu'alors fbn jurement
ièroit volontaire indiredement ; mais fi cet homme
s'appercevoit qu'il jure, & que ce qu'il jure efl faux,
ion péché fèroit mortel , dit Saint Thomas , i,
%, q. 5)8. art» 3, dans la réponfe à la féconde ob-
jedion ^.
d nie autem qui ex lapfu lin- | quo(ïiiirat,non cxciifatur hpcc-
gu2 falfum jurât fîfjuidem ad 1 cato mortaii , ficut nec a Dei
ycrtatfe jurare,& falfum cfle | comcmptu : /i auutp hoc uos
fur les Commandemens de Dieu, ^5 3
Le parjure ne peut devenir véniel par la Icgcreté de
la chofe qu'on afîlire, parce que tout ce qui Ce fait
avec un mépris de Dieu, 8c une irrévérence contre
lui , eft, comme i'enfeigne S. Thomas z. 2. q. 5>8.art. 3.
un péché mortel. Or le parjure , quoique fait pour
une chofe légère, renferme un grand mépris de Dieu,
& une irrévérence notable contre (on (aint Nom ,
puifque c'eft appelier Dieu pour témoin d'une faulfe-
té. C'eft donc un péché mortel que de jurer pour zC-
furer un léger menfonge. AufTi le Pape Innocent XI.
en fon Décret du z. Mars 167^. a condamné cette
propo/ition qui ell la 24. Vocare Deum in tejlcm men-
dacii U'tîs y non ejr tant a irreverentia , propter quamve-
lit j aiii pnJJiiDtui dumnare homihem.
S. Tiiomas, dans l'endroit qu'on vient de citer,
eflinie que bien loin que celui qui par raillerie ou par
divertiflement, jure qu'une choie qu'il ft^-ait être fauf^
fè , eil véritable, Ibit exempt de péché, il l'accroît
davantage par le peu d'état qu'il fait du nom de
Dieu «.
Quelque violence qu^on nous fafle pour nous en-
gager à jurer à faux , il n'eŒ jamais permis de le fai-
re, même pour (auver (a vie. Il faut plutôt (buftrirle
mal qu'on veut nous faire ; car on eft toujours crimi-
nel, pour quelque raifbn, & dans quelque occafion
qu'on fe parjure volontairement; comme on le peut
conclure du Canon, Qui compilfus ^ ch. 22. q. 5. f.
C'eft une erreur fort grande que de croire le contrai-
re. S. Auguftin, liv. 2. du Mensonge, ch. 18. déplore
le fort de ceux qui le perliiadent que cela eil per-
mis s.
advertat, non videtur habere
inrentionein jur.uidi , «S: idcô à
crimine perjtirii excufatur.
e lUc qui jncosè pcrju'-at ,
non evirat dlvinam irrevcrcn-
liani, fcd quantuni ad aliqiiid
magis aiiget , & ickô non ex-
cufatur à peccato niortali.
/ Qui compulfus à domino
fciens perjurat. Utrique funt
{ierjuii îk dominus & miles:
domînus quia prscepit: miles
quia plus dominum quàm ani-
mam diloxic.
g Quid , quoi vit.T huius
amarorcs ne liomo moriatur >
non taniùm mentiri , fed etianx
pejcrare nos volunt ^ Et funt
m eis dodi , qui etianr» régulas
figanr, quando dtbeat, »Sc quan«
do non debcat pcjcrati. O ubi
dtis fontci lacrymacum, ubi
'234 Conférences d'Angers;
Il femble que Wiclef & Jean Hiis avoîent voulu
renouvelier cette erreur; car Martin V. dans la Conf^
titution Imer cimÛas^ qui efl à la fin du Concile de
Confiance, dans laquelle il condamne les erreurs de
ces deux Hérétiques, ordonne qu'on interroge ceux
qui en font fbupçonnés, s'ils croyent que le parjure
qu'on fait pour (àuver fa vie, ou celle d'un autre , foit
péché mortel h.
Celui qui étant interrogé juridiquement par Con
Juge , fe fert d'équivoques ou de reflriélions menta-
les en jurant , commet un parjure , iuivant la déci-
fion d'Innocent XL dans Ton Décret de l'an 167^, où
il a condamné la propofition luivante, qui eflla i6.
33 Si quelqu'un jure de n'avoir pas fait quelque chofe
35 qu'il a faite, (oit qu'il jure feul, ou en préfence d'au-
M très perfônnes, foit étant interrogé, foit par diver-
o-> tiflement, foit pour quelque autre fin, quand même
35 il entendroit dans Ton efprit quelque autre chofe qu'il
35 n'a pas hite , ou une autre manière que celle dans
35 laquelle il l'a faite , ou quelque autre addition véri-
35 table, il ne ment pas en effet, & n'eftpas parjure '\
On peut même dire qu'il efl doublement coupable
& obligé à reftituer tous les dommages qui nailTent de
fbn jurement , parce que outre l'injure qu'il fait à
Dieu en le rendant témoin d'une faulïeté , il ufe d'ar-
tifice pour tromper fcn prochain ; car certainement
fbn intention n'efl pas de faire connoitre la vérité ,
mais de la cacher à celui qui l'interroge , afin de le
tromper. Cette Dodrine efl conforme au Can. Quacum-
que , ch, iz. q. 5, ^, Celui donc qui répond à un Juge
nos occiiltabimus ab ira verita-
tis , fi non folùm negligimus
caveremendacia, feH aiidenius
infuper dccere perjuria f*
h Utriim credanr qiiod per-
jurium fcienter commilTum , ex
(juacumqijc caiifa vel occafîo-
nc , pro confervatione \'nx
corporalis propriyvel alterius,
etiam in favorem fîdci, fît mor-
taie pcccatum.
i Si cjuis folus vel coram aliis
five înterrogatiis , five propriâ
fponte j five recreatlonis caij-
sA , fîve (jiiocurr.qiie alio hne
juret fe non fecifl'e aliquid
qiîèd reverà fecit , intellipen-
do imra fe aliquld aliud quod
non fecit, vel aiiara viam ab
ea in qua fecit , vel quodvis
aliiid addirum verum , reverà
non mcntitur, neccfi pcrjnrus.
h Qu^cumque arte vcrborum
«juif^iic jurct , Deus uraen ^vU.
fur les Commandemem de Dieu. 23 7
qui a droit de l'interroger & d'exiger de lui le fer-
ment , eft obligé de le conformer à l'intention du
Juge qui l'interroge. C'eft pourquoi Innocent XI,
dans le même Décret, a condamné cette proportion
qui e/} la a 8. te Celui qui a été élevé à une Magillratu-
■*•> re, ou à un Office public, par une recommandation
33 ou par un prélent, pourra avec une redridion men-
3j taleprtterle ferment qu'on a accoutumé de réquî-rir
9> par Tordre du Roi de (emblables personnes , fms
33 avoir égard à l'intention de celui qui exige ce fer-
33 ment ; parce qu'un homme n'eft pas tenu de confelr-
y> fer un crime caché '.
La cenfure que le Clergé de France a prononcée
en l'année 1700, contre ces deux propofitions , con-
firme la dodrine que nous établiffons ici.
S. Auguilin l'avoit déjà enieigné, lettre 115. autre-
fois iZ4. où il dit que ceux-là (ont des parjures qui
ne latisfont point à l'attente de ceux qui les obligent
à jurer, Perjuri ftint qui fervaiis verbis expeÛatiortcm
eorum qiiiLus juramm ejl , decepcrum ; & encore dans
la lettre ii6. qui étoit la 125. Ex^eCiationcm eorum
quibus juratiir , quifqiiis deceperh non potejî ejfe non
ferjtints.
Il rélulte de-là que celui de qui l'on exige le fer-
ment avec jullice & qui jure (ans delTein de s'obliger,
ou (ans vouloir faire la chofe à laquelle il s'oblige ,
fft un parjure qui appelle Dieu à témoin de Ton men-
(onge & qui veut tromper (en prochain par (on jure-
ment. David le condamne en difant , PH 14. & 23,
que celui-là demeurera dans le Tabernacle du Sei-
gneur qui ne trompe point le prochain dans les fèr-
mens qu'il lui fait ; Se que celui-là montera fur la Mon-
tagne du Seigneur , qui n'a point fait de faux, fermens
confcicn-i» tcftis tft, ita hoc
accipit fient il!e cui jurarur ,
int.lligit ; Hu,^liciter aiuen»
rcus fît , qiiii & Dei nomcn in
vanum anumit , Se proximum
dolo capit.
/ Qui mcdiantccommend.!-
ûonc vcl munere j ad Magif-
trat'jm vcl Officium piiblicum
promotiiscA, poterit ciim ref-
ifidtionementali \^rarftare jura-
mcntiim r;iiod de mandate Ré-
gis à /îniilibns folctcxiiîi , non
liabito rcfpcdu ad intentionfca
exigcniis , quia non teiictur
fatcii crimen occultum»
)2^6 Conférences i'Jngêrs,
pour tromper (on prochain. Celui qui fait le coft-^
traire ne peut donc efpérer de participer à la gloire
du Seigneur. C'eft pourquoi Innocent XI, & le Cler-
gé de France ont condamné cette propofition, Cum
caufalicitum ejî jurare fine animo jurandi ; five r es fit
levis , five gravis.
Nous ne prétendons point néanmoins (butenir que
ce foit toujours un parjure , quand celui qui eft inter-
rogé par un Juge ne jure pas conformément à l'inten-
tion du Juge qui l'interroge. Plu/îeurs Auteurs dont
la Morale ne paroit pas relâchée , comxme S. Ray-^
mond , S. Antonin , Angélus , Major , S) Iveftre ^
Adrien VI , Cajetait , Soto , Viftoria , Médina ,
Bannes , Navarre , Tolet , eftiment que quand un
homme eft interrogé par un Juge , contre l'ordre de
la Juitice ; par exemple , lorsqu'un Juge interroge
quelqu'un fur des chofes fur lefqu elles il ne peut ré-
pondre fuivant l'intention de ce Juge , fans révéler
des vérités dont la déclaration eit nuiiîble au public
ou au prochain , ou à lui-même , que la Religion ,
la Juflice , ou la Charité défendent de publier , &
que par conféquent il ne peut découvrir (ans blefler
ces vertus , il n'eflpas poflible de Ce conformer a l'in-
tention de ce Juge ; car pour qu'on (bit obligé de
répondre (uivant l'intention de celui qui nous inter-
roge , il faut qu'elle (bit jude & légitimée , & qu'il ait
droit de nous interroger dir les choies dont il s'agit,
(î bien qu'on puifTe (e conformer à Ton intention (ans
intéreffer la Religion , la Juftice , ou la Charité. Si
cela n'étoit pas ainfî ; par exemple , ii un Juge in-
terrogeoit un homme public fur une chofe qu'il doit
tenir (ecrette , ces Auteurs croyent que celui qui eft
interrogé , peut , en répondant , Ce fervir de paroles
ambiguës qui ayent plu/ieurs fens , & qu'il entendra
dans un Cens auquel il prévoit que celui à qui il parle
ne les prendra pas , & qu'en cela il ne fait point in-
jure au Juge , parce qu'un Juge n'a droit d'interroger
Ton jufticiable , que d'une manière jufle & juridique ^
& feulement (lir les choies qui font de (à compéten-
ce ; enfin, qu'il ne commet pas un parjure , puifqu'il
ne fait pas un menfbnge j car le men(bnge ne coniiilc.
fur les Commandcmens de Dieu» ^^y
que dans l'oppofition de la penfce & de la parole , &
cet homme ne parleroit point contre (a penfce. Il faut
néanmoins prendre garde d'abufer de ce principe , &
de l'étendre à des cas où la Religion , la Juftice , la
Charité , l'intérêt public ou particulier , non-feule-
ment ne défendroient pas d'aller à révélation , & de
répondre conformément à l'intention du Juge , mais
exigeroient fbuvent le contraire.
On a formé la queftion ; (îçavoir , s'il ctoit permis
de demander le ferment à un homme quand on (çait,
ou qu'on foupçonne fortement qu'il jurera contre la
vérité. On a répondu avec S. Thomas i. ^, q. 5?8. art.
4. qu'il faJloit faire difterence entre une perfonne pri-
vée , qui demande en (on nom le ferment à une autre,
& une perfonne publique , qui le demande à la réquifî-
tion d'une partie. Une perfonne privée ne peut en
cette circonllance demander le ferment d'une autre ,
parce qu'on doit empêcher , a'utant qu'on le peut ,
l'injure que Dieu recevroit de ce ferment , & le dom-
mage fpirituel qu'en fouftriroit le prochain. Saint
Thomas appuie cette réponfe de l'autorité de Saint
Auguftin , Sermon 180. chap. to. où il dit que ceux
qui dans cette circonllance contraignent un homme
de jurer, font homicides de fbn ame ; car quoique
ce fbit lui qui fê tue , ce font eux qui lui pouffent la
main '". Ce Père enfeigne la même chofe. Sermon
508. qui étoic autrefois l'onzième de ceux qui avoient
été ajoutes par les Dofteurs de Paris.
Le Concile de Mâcon de l'an f 81. Canon 7. rap-
porté par Gratien dans le Canon Si quis convi6îu: ,
ch, ii.q. 5. veut que ceux quitombent en cette faute,
foient privés de la Communion jufqu'à la ^n de leur
vie.
Une perfonne publique , comme eft un Juge ,
peut , lelon l'ordre de la iurtice , exiger le ferment de
celui que l'on f^ait qui jurera contre la vérité , mais
m Ipfe qui exigit juramen-
tnm fcit cnm fccifle ,
novît fccille , vidit fecific , &
f o|;it }uratc , homicid» eft. U-
le enim fur) perjurio fc perc-
mit , fid ilte manum in.reffi-
cicjiris & expreffic & prtflu.
^3^ Conférences d'Angers ,
il faut qu'il Coït requis de faire prêter le ferment*
La rai(bn efl qu'un Juge eft obligé de fuivre la for-*
me prefcrite par le Droit , & qu'il ne doit pas juger
félon Tes connoiiTances particulières , mais félon les
preuves qu'on apporte , & la preuve n'eft point
complette en ce cas , fi elle neH confirmée par fer-
ment.
S'il fè commet un parjure , le Juge n'en efl point
réputé la caufe , car ce n'efl proprement pas lui
qui exige le ferment , mais la Partie à la réquifî-
îion de laquelle il le fait prêter. Non videtur Judex
exigere , fed ille ad cujtis injlantiam exigit , dit fàint
Thomas. Cependant dans cette occafion un Juge doit
faire , autant qu'il pourra, fans manquer au devoir de
la charge , pour qu'on n'en vienne point à la pref^
tation de ferment , fbit en conviant le demandeur
de fe relâcher fur cet article , fbit en avertifTant ce-
lui dont on défire le ferment , de quelle conféquen-
ce il efl de jurer à faux. Le Juge doit en outre ob-
lèrver de faire prêter le ferment avant que d'avoir
entendu les témoins produits par la partie adverfe ,
& de ne jamais exiger le ferment des deux parties
fur le même fait. Cela efî: très-févérement défendu
par le Concile 3. de Valence de l'an 855. Can. 11.
parce que cela ne fè peut faire qu'il n'y ait une des
parties qui fe parjure.
Si on objedoit qu'un ferment prêté dans cette
circonflance ne peut point faire foi , & que par
conféquent un Juge ne doit pas l'exiger , on de-
meureroit d'accord que ce ferment ne feroit pas foi
par rapport au Juge qui a connoilfance du contraire ,
mais il n'en fèroit pas de même par rapport au public
qui jugeroit par-là que la Sentence n'a pas été rendue
incon/îdérément & fans examen de caufe.
Le jugement eft la féconde condition qui doîc
accompagner le jurement , c'eil-à-dire , qu'il ne fauc
point juger témérairement , indifcrétement, avecpré-
cipitation , inconfîdérément , en vain , fans néceflité ,
mais après une mûre délibération ; après avoir con-
fidéré fi on a des preuves certaines de la vérité de la
chofe ; s'il y a une véritable néceflité de jurer, fi ie fujet
fur les Commandemens de Dieu, 2.^^
cfl important , fi on a le pouvoir d'accomplir ce qu'on
promet , après avoir examine le lieu & le tems , mais
toujours avec reiped , failant attention à l'excellence
de celui dont on prononce le nom , ne le prononc^ant
jamais par efprit de colère , de haine , de vengeance «
ou de quelque autre paillon.
1°, Ceux-là pèchent par le défaut de cette con-
dition qui , comme nous avons dit , jurent une cholê
dont ils doutent , ou qu'ils ne croyent véritable que
fiir de légères conjectures. Leur péché peut n'être
que véniel , quand ils ont apporté quelque diligence
à s'inflruire de la vérité de la choie qu'ils affirment,
ou qu'ils en ont de forts indices.
Ceux-là pèchent donc aufîi par le défaut de Ju-
gement , qui promettent avec ferment une choie
qu'ils (çavent n'être pas dans leur pouvoir & qu'ils
ne prévoyent pas y pouvoir être. Ce jurement man-
que de difcrétion & de prudence , comme remarque
laint Thomas , z, i, q, 85». art. 7.
z*^. Ceux encore qui jurent pour des choies de peu
de conféquence & lîins néceffité , car Dieu défend
dans le chap. 10. de l'Exode , de prendre fbn Nom
en vain , Non ajournes Notnen Dei mi in vanum ; &
ceux-là l'y prennent , (elon le fentiment des Pères
du Concile de Trofly , de l'an 909, Canon 1 1 ". Peu-
vent-ils croire ne pas faire injure à Dieu en l'ap-
pellant pour témoin en des bagatelles , pour lefquel-
les ils ne voudroient pas employer une perfonne
qui tiendroit un haut rang l
Quoique ce qu'ils jurent (bit véritable , qu'ils en
foient certains , que Ja choie qu'ils promettent ne (bit
pas mauvaile , qu'ils ne penlent point à tromper
leur prochain , & qu'ils jurent ai n fi en vérité & en
Jufiice , leur jurement manque de prudence & de
refyeà envers Dieu , & eft ain fi un péché ; mais les
Dodeurs ne conviennent pas entr'eux que le péché
fbit toujours mortel. Plufieurs ellimenc que l'irrcvc-
n Illc Noraen Del fui in
varaim afliimit , qui in qualibet
fiivola rc , & in dolo jiirans
proximo fuo , ali^uando in
caufa non nccclTaria , vcl in
verbo otiofo , Nomen Sant^um
cjus in tali vaniiattf aliumerc
non pavcfcit,
a^O Conférences d'Angers l
rence n*eft pas affez notable quand il y a quelque
efpece de nécefTité de jurer , ou qu'il en revient
quelque utilité , & qu'il' n'y a point de fcandale ,
ni de danger de fe parjurer. Tous demeurent d'ac-
cord que la circonftance du fcandale peut faire que
le jurement fait fans nécefTité foit un péché mor-
tel. De même le danger de fe parjurer peut aufîi
très-fouvent le rendre mortel ; auquel danger font
toujours expofés ceux qui ne font point de cas de
mentir en des chofès légères , & ceux qui ne pro-
noncent prefque pas une parole qu'ils ne jurent.
Quis efl , dit S. Auguflin fermon i8o. qui non faU
latur 3 etjî noluertt faïlere ? Quis ejl homo cui non fub-
repat fallacia , & tamen juratio ab are non difcedit ,
frequematur ? Plura fum phrumque juramenta quàm
verba.
3°, Ceux qui font plufieurs fermens pour une mé-
me ehofe où un flifïîroit , & ceux qui jurent le
Nom de Dieu avec emportement , fans avoir pour
lui le refpeâ: qui lui efl dû.
4^. Ceux qui s'accoutument à jurer continuelle-
ment. Les S'^^ Pères (e récrient avec raifbn contre
cette détefîable habitude qui fait qu'on tombe infen-
iiblement dans le parjure , parce que ceux qui jurent
fréquemment ne font prefque nulle attention s'ils
jurent vrai ou faux , s'ils font afTurés que la chofe efl
ou n'efl pas , fi la chofè efl bonne ou mauvaifè, s'il
y a du danger de fcandalifer les afTiflans , ou s'il n'y
en a pas. Ce qui fait dire à S. Auguflin, lettre 85».
chap. 51. qu'on doit s'abflenir , le plus qu'on peut,
de jurer , & que même il vaut mieux ne pas jurer
pour afTurer la vérité , que de s'expofer à commet-
tre des parjures par l'habitude de jurer <>.
Ce Père en donne pour raifon, Sermon ï8o. que
celui qui jure , peut quelquefois jurer la vérité : mais
que celui qui ne jure point , ne peut jamais jurer à
faux ; qu'il n'y a point de sûreté à jurer j qu'il efl
0 Juration'm cave quantum
potes. Melius qiiippe nec ve-
Eum juiatur, ^u^m jur^ndicon
fijetiidine , & in perjiirt'jm Hr-
pe carlit r » & femper perjurio
pcopin^uatur*
picme
fur les Commandemens de Dieu, '24.1
ïncme périlleux de jurer la vérité , & qu'il e(i tou-
jours pernicieux de jurer une fauiïeté; c'ed pourquoi
il ne faut point du tout jurer, de crainte de jurer un
nienfonge p.
On peut voir ce que difent contre cette habitu-
de S. Auguftin au livre i. du Sermon du Seigneur
fur la Montagne, chap. 17. & dans le chap. p. du
Sermon i8o. S. Ambroife au livre de l'exhortation à
la Virginité, chap. 11. Théodoret queft. 41. fur
l'Exode. Salvien Evéque de JVIarfeille, livre 4. du
Gouvernement de Dieu. I/îdore de SéviUe livre i«
des Synonymes ou Soliloques, chap. 10.
Les Conciles & les Papes ont fait plufîeurs Or-
donnances pour déraciner cette maudite coutume ;
nous en trouvons dans le Concile 3. de Tours , de
l'an 813. Canon43.de Trofly, Canon 11. de Bour-
ges de l'an 1584. Tit. Z5». & dans le chap. Etji ChriJ^_
tus , de jurejurando , qui efl d'Innocent III.
Quand même on ne leroit pas flijet à tomber dans
le parjure, on Ce doit corriger de l'habitude de ju-^
rer ; car le jurement ne doit pas être mis au rang
des bonnes chofes qui (ont dé/irables par elles-mê-
Tnes , mais dans celui des choses nécefniires. Il en
faut, fuivantS. Thomas z, z. q. S9. art. 5. raifbnner,
comme des médecines qui ne font néceiïaires que
contre les maladies, de même nous ne devons em-
ployer le jurement que pour vaincre l'incrédulité de
ceux à qui nous avons intérêt de faire croire une vé-
rité importante ^.
Les ConfefTeurs ne doivent pas donner l'abfolu-
tion aux pénitens qui (ont des l'habitude de jurer ,
& à qui il échappe quelquefois de jurer à faux, qu'ils
n ayent formé une ferme réfoiution de s'en défaire »
p Vis ergo longè cfle à per-
Jiirio f Jurare noli« (^ui cnim
j'.uat , aliqdando vcrurn juraie
porcA i qui autem non j .rar ,
nenHacuim jiirarc niinquam
potcft. «... Ne ergo mendia -
cîu M jures , noli )urare. . . *
Filfa jiKario txitiofaeit, vcra
jinatio pericul )ra cft , nulU
Tçmç I,
juratio fccura cft.
b iicut patet ♦!£ medicina
qu2 qiixritur ad .11' veiiifn-
(liim infira.itati. Jiuam.ntura
aurc'ii qiixritiir ad fubvnien-
dum alictii dcfcdii , quod fci-
licct unus honio aiceri difc(C«
diti
2*4^ Conférences d'Angers ^
& qu'ils n'ayent auparavant fait effort pour la dé-
truire ; car s'ils n'y ont point travaillé , & que par
cette mauvaife habitude ils jurent à faux, quoique
fans y faire attention & fans délibération, leur pé-
ché ell: néanmoins mortel, étant volontaire dans la
caulè, comme nous l'avons déjà dit. Pour faire chan-
ger cette mauvaife coutume aux pécheurs. S, Char-
les conleille qu'on leur ordonne quelque pénitence
qu'ils faffent incontinent après avoir juré , comme
de donner une telle aumône, de faire quelque cour-
te prière, de fè frappter la poitrine difant leur coul-
pe, de fè mordre le bout de la langue, de baifêr
îa terre.
Puifqu'on ne doit point jurer fans néce/Tité , il
efi: du devoir des Juges de ne point exiger le fer-
ment des parties dans les affaires de peu de confé-
quence, particulièrement quand ils peuvent être inf^
truits de la vérité par une autre voye. Il efl même
de leur prudence d'en difpenfer une partie quand
l'autre y conient , & qu'en cela ils ne vont point
contre la Loi. Le Concile de Cologne de l'an
1 5 3 (^. les en avertit dans l'explication du fécond Com-5
mandement ^,
La Juftice ell la troifîeme condition qui doit ac-
compagner le jurement pour qu'il foit licite & un
Aâ:e de Religion , c'efl-à-dire , qu'il faut que la chofè
qu'on promiet, ou qu'on menace avec jurement de
faire , (bit bonne , jufle & honnête ; fî elle eil: mauvai-
fe , injufte ou déshonnête , on commet un péché ; car
celui-là fait injure à Dieu qui le prend pour témoin
de fa mauvaife volonté.
r Juc^îces in exigentlis ju-
ramentis plurimùm dilcretos
efi'e oporter, atque adeô ta-
ies qui pruifqiiam juramenta ,
vel à lirigantibus , vel à tef-
trbus exigant , omnem adhi-
bcant diligentiam quo jiira-
menta ea fahem , quae com-
moni partium confenfu rcmit-
ti poiïunc , remiitantur ; ac
nuîla ( nifi rel necefiRtate aut
gravitate exigente ) pracftcntur,
qiiod facile perfuadebunr liti-
earoribus ? Si affi ment nos
h.mc reverentiam Deo debe-
re , prsefcrtim in caufis ac ne-
gotiis tTiodici momenti . undc
non fit evidens uriiitas , vcl
public», Ycl proximi cxpeftan-;
^da«
I
fur les Commàndemens de Dieu, l^j
Les Dodeurs ne conviennent pas Ç\ le (êrment par
lequel on jure de faire un mal efl toujours péché
mortel. Pufieurs font d'avis que pour juger de la
nature de ce péché, il faut examiner quel eil le mal
qu'on a juré de faire, que C\ ce mal eft notable, ce ju-
rement ell péché mortel ; mais C\ le mal n'cfl que lé-
ger, ils croyentque le péché n'efl; que véniel, à moins
que le (candide qui Faccompagneroit ne le rendit mor-
tel. Quoiqiie ce fentimcnt loit le plus commun , nous
n'ofons aUurer qu'on ne pèche que véniellement, en
prenant Dieu à témoin d'un péché véniel qu'on veut
faire ; car il (èmble qu'il y a autant en cela d'irré-
vérence que d'attefler Dieu pour un léger menlbn-
ge, & certainement c'eft un bien plus grand mal de
jurer qu'on fera une chofe mauvaifè, que de juren
(ans nécefllté pour afTurer une choIê honnête ou in-
diftcrente.
De quelque opinion qu'on foit fur cet article , le
ConfefTeur à qui un pénitent s'accufe d'avoir juré
avec menace de faire un mal, doit lui faire expli-
quer quel étoit ce mal ; par exemple, s'il juroit de
tuer , de battre , de voler , de faire un adultère ,
parce que le péché eft dilTérent félon les diiTérens
ihaux dont on menace. li doit encore lui deman-
der s'il avoit effectivement la volonté de faire ce
mal , ou s'il juroit fans cette volonté, parce que le
Jurement eil un parjure formel , lorfqu'on n'a pas
la volonté de faire le mal qu'on jure de vouloir
faire.
Le ferment ne devant pas être un lien d'iniquité >
fùivant le Canon Imer cjL.cra C. zi. (\. /f^, junimen-*
tîim non ob hoc fuit injîitiii'.tm , ut ejjet xi.culum ini-
qtti/aiù. L'on n'eft pas obligé de l'cAécuter, lorf-
qu'on a juré de faire une chofe mauvaife. Il n'y
a pas mcme d'homme cenfc qui doute de cette vé-
rité," comme S. Berr' rd a remarqué dans fli lettre
2I5>. Qtuitnvis nemo fupicns dubitet illiciia juramenta
non cjj'e teneuda. Cependant comme il y avoit des
gens & mcme des peuples entiers qui étoient dans
un fentimcnt &; dans une pratique contraire, le Con-
cile 8» de Tolède 3c celui de Trofly de l'an ^o^.
244 Conférences d^ Angers ,
en ont fait une défenfe expreiïe. Voici les paroles
de ce dernier, Canon, ii. Cùm propter caxendum per-
juriam, necejfe fit, Ji forte contigerit , fervare jusjuran-
dum. lllud tamen volumus omnibus effe notum , quod-
àam juramentum nullo modo a CkriJJianis obfervandum,
videlket quo maîum aliquod incautè vel eiiam fcienter
jurando promitâtur.
S. Thomas après S. I/îdore de Séville liv, 2. des
Synonymes ou Soliloques ch. 10. nous enfèigne 2. 2.
q. 85». art. 7. dans la réponfe à la féconde objedion,
que c'efl un autre crime que de faire le mal qu'on a
promis par un tel ferment ^, Celui donc qui a fait
une promefle de cette Ibrte avec jurement, au lieu
de l'exécuter , il en doit faire pénitence , (uivant
la décifion d'Alexandre III. ch. Quanta, de jureju-
rando.
Selon fàint Thomas au même endroit, celui qui
jure de ne jamais faire ce qui n'eft que de perfec-
tion & de conseil, peclie en faifànt ce jurement, puif^
qu'il jure de faire une chofe qui empêche un plus
grand ûien ; mais il ne pèche pas en gardant Çon
ferment , quoiqu'il feroit mieux de ne le pas gar-
der.
Avant que de pafîer à une autre queflion, il efl bon
de remarquer qu'encore qu'on n'appelle ordinairement
parjure que le jurement qui eft fait contre la vérité ,
néanmoins les SS. Pères appellent un parjure , le jure-
ment qui n'eil pas fait avec juflice ou jugement. Ce
nom lui efl donné par S. Ambroife, livre i. des Offi-
ces chap. ^o. & liv. 3. ch. 12. par S. Jérôme, rapporté
dans le Canon Ariimadvertendum , c. 22. q. 2. dont
nous avons cité les paroles au commencement de cette
queftion , par Salvien , liv. 4. du Gouvernement de
Dieu , & par les Pères du Concile de Lérida de l'an
524. Canon 7.
Il fiiut encore obferver qu'il y a des imprécations
ou exécrations qui fe font ordinairemxent par colère
& par emportement , comme font celle-ci , Dien
5 Si quîs juret fe fatâunim j jurando ,& pecçatjuwiïicnîui|[|
aii^Lio4 peccsiuro { ^ peccavit 1 faticndo»
fur les Commandemens de Dieu» 24/
^Me damne , Je veux être damné. Je me donne au Dia-
ble, Que le Diable m'emporte , Que la terre m'abyme ,
Que la foudre m'écrafe , Je veux être hritlé tout vif.
Ce ne font pas-là proprement des juremens, à moins
qu'on ne les profère pour affîrmef ou nier quel-
que chofb; car le jurement n'efl que pour affurec
une choie , & ces imprécations ne (ont que pour
exprimer Con dépit & fa colère : elles font néanmoins
criminelles. Si on les proféroit (ans y faire atten-
tion, & fans avoir la volonté que les maux arri-
vafTent à celui à qui on les ibuhaite , ce ne feroit
pas un péché fort notable , à moins qu'il n'y eût
quelque circonflance aggravante , comme fi un en-
fant les proféroit contre (on Père ou fà Mère , ou un
inférieur contre fôn Supérieur. Pour les imprécations
qu'on fait contre les animaux, elles ne font pas des
péchés mortels , A moins qu'elles ne fbient faites par
un efprit d'averfion & de hai'ne qu'on a contre le maî-
tfe des animaux.
Enfin on remarquera que ces fortes d'imprécations
font quelquefois cont^'ues eiT termes impies & quî
déshonorent Dieu : ce font alors des blafphêmes;
c'eft pourquoi le Confeffeur doit les faire exprimer,
& examiner avec quelle intention, elles ont été
proférées, C\ c'efl avec indignation & dépit contre
Dieu.
II L QUESTION,
Ejl'On obligé d'exécuter ce qu'ion a promis
avec ferment , b' quelles font les caufes qui
peuvent exempter de cette obligation ?
IL efl confiant qu'on efî étroitement obligé d'exé-
cuter les promefTes qu'on a faites avec jurement ,
lorfque les choTes promifes font pofTibles , julles,
honnêtes & railonnabies. Quand Dieu n'auroit point
4it au ch. 30. des Nombres, que Ci un homme s'o^
L iij
2.^6 Conférences cP Angers ,
lié par un ferment, il ne doit point manquer à iâ
parole, mais il doit accomplir tout ce qu'il a pro-
mis ^, & quand il ne nous ferait point recomman-
dé dans la làinte Ecriture de nous acquitter envers
îe Seigneur des fermens que nous lui aurons faits ,
la raifbn naturelle nous dide qu'il n'y a point de
lien dont l'obligation foit fi forte & Ci étroite que
celle du jurement. Auifi le ferment a paru refpec-
table aux nations les plus barbares; & dans les Tri-
bunaux de Juftice on a toujours condamné les hom-
mes à tenir ce qu'iJs avoient promis avec jurement.
Nous avons fur cela plu/îeurs Loix dans le Code de
Juu-inien.
Le Pape Alexandre III. dans le chap. Dehitores ,
de jurejurav.ào ^, nous fait connoitre quelle force le
jurement donne aux promelles , quand il dit que ceux
qui ont amplement prom.is de payer des ufures, ne
doivent point y être contraints , mais que s'ils ont con-
firmé leur promeffe par un jurement , on doit les y
obliger.
On ne peut donc excufer de péché celui qui fans
une caufe jufte & légitime manque à exécuter ce qu'il
N^ promis avec jurement. Il faut convenir avec S. Tho-
mas z, ?.. q. 85?. art. 7, que la vertu de religion nous
oblige à faire ce que nous pouvons pour que les cho-
ies arrivent de la manière que nous les avons jurées ,
afin de rendre vrai notre ferment ; car la vérité future
eft abfolument requile dans le jurement promiffoire y
comme la vérité préfente ou pafTée ell nécellaire au ju-
rement affertoire; fans cette vérité le jurement pro-
miffoire devient criminel, puifqu'il rend Dieu témoin
d'une fauffeté '^,-
a Si quis fe conftrinxerit )it-
ramento non faciet irritnm
V ibum fuiifn , fed omnequod
promifit . impK'!>ir.
h Debitores. . . Si de ufiira-
Tum folutione jiiraverint , co-
gendi font reddere Domino
juramenta. . . Cùm ufur» fo-
liit.T fueiint , credi tores ad eas
teftiruendas funt EccleHafticâ
feveritate , fi necefle fuerit,
compellendi.
c in jiiramento quod facien-
Ja prsftator de his quae funt
fienda à nobis, obligatio cadit
fuper rem quam aliquis jura-
mento firmavit ; tenctiir enim
aliquis ut faciat vcrum efî'e id
quod juravit , alioquin detft.
veritas juramçnw* iV T/u
fur les Commandemens de Dieu. 247
Pour fe convaincre davantage de cette vérité , ojt
peut ob(erver que dans le jurement promifToire il
y a comme deux propofîtions. La première qui regarde
le tems prcfent, eil que celui qui jure a, dans le tems
qu'il jure , la volonté de faire ce qu'il promet , & en
ce fens fôn jurement eft alTertoire, & doit dans ce mo-
ment être accompagné de vérité. L'autre propofîtiori
regarde l'avenir; fc^avoir, que celui qui jure fera la
chofe qu'il promet, en ce fens fon ferment efl obliga-
toire, & l'engage à faire la chofe qu'il a promife ,
autrement (on jurement deviendra un parjure promit-
ibire.
L'obligation d'exécuter le jurement paffe même
aux héritiers du défunt qui l'a fait , fî fa promeffe eft
réelle & a été acceptée. C'eft une charge réelle qu'il
s'étoit impofée , qui pafTe avec l'hérédité à Ces héri-
tiers ; cependant fi les héritigrs n'acquittent pas cette
promeffe , ils ne font pas dés parjures, mais ils com-
mettent une injuflice ; car l'obligation fondée fur la
vertu de religion qui nous engage à faire que notre
ferment foit vrai, eu. une charge purement perfon-
nelle , & ne regardoit que le défunt, qui ?tVoit at-
telle le Nom de Dieu pour faire foi de ce qu'il promet-
toit.
Le violement du ferment promifToire efl de fâ nature
un péché mortel, car certainement c'efl commettre une
grande irrévérence contre Dieu que de ne pas accom-
plir une promeiTe qu'on a autorifce de fbn Nom & de
Ion témoignage , puifque c'efl méprifèr fbn autorité
fbuveraine.
Tous les Théologiens ne conviennent pas que ce
violement puiffe devenir péché véniel par la petitefTe
de la chofe promifè qu'on n'exécute pas, parce que,
difent-ils, la vérité, qui efl la même dans les petites
chofes que dans les grandes , efl effentielle au jure-
ment, & en n'accompliflant pas la chofe promife,
quoiqu'elle foit de peu de conféquence , on fait que
le ferment manquant de vérité, devient faux & un par-
jure.
Ajoutez à cela que ce parjure renferme fbuvent
W- autre péché , d'où il tire une nouvelle malice j
L iv
:24s Conférences d^Angers ,
car par rinexécution d'une promefTe qu'on a faite aiï
prochain , on pèche fort fréquemment contre la jus-
tice.
S'il y avoir quelque circonflance favorable qui
exemptât de l'obligation de garder Con ferment, ce
fèroit quand on a été forcé de jurer par une crainte
griéve , comme de perdre fon bien , (à vie ou fon
honneur; cependant les Doéleurs elliment que l'o-
bligation du jurement efl fi (àinte & /î forte , que
la crainte n'eft pas une bonne & légitime exculè
du violement qu'on feroit d'un jurement promiJToire,
& que nonobftant la cra-nte griéve, il a la force
d'obliger à l'égard des chofes qu'on peut faire li-
citement, de forte qu'on doit plutôt Ibuffrir un dom-
mage temporel que de le violer ; car encore qu'on
n'ait fait le ferment que par force & par crainte,
néanmoins il eft vrai de dire qu'on l'a fait volontai-
rement & librement. Ainfî celui qui n'accomplit pas
un jurement que la crainte lui a extorqué, pèche,
à moins que l'exécution de ce qu'il a promis ne le
rend't criminel devant Dieu, & ne portât un ohC-
tacle à fon lalut éternel, Alexandre III. le déclare
ch. Si vero , de jurejurando , en ces termes. Si vero
aliquis quempam grarijjîmo metu fub religione jura.-^
menti fuum jus re future coegerit, ipfumquejiti reiinue-*.
rit 3 quia nos confulcre voluifi... tibi duximus refpon^
dendum , quod non ejî tutum , quemlihet contra juramen^
ium fuum venire, nijî taie fit quod [ervatum xergat in
interitum faîuîis aterna. Ce qu'on peut faire en cette
occafion eft de s'adrefTerà l'Eglile, avant que d'avoir
accompli fon ferment pour en être relevé par une dif^
penfè, comme il efl marqué au ch. Debitores ^ & au
ch. Verum, de jurejurando ; & fi on a donné la chofe
qu'on avoit promifè par force , on a droit de la ré-;
péter.
Quand le Pape Céleflin III. dit chap. Verum qu'on
vient de citer , que ceux qui violent le ferment qu'ils
ont fait par l'impreifion de la crainte, ne doivent
pas être punis comme pour un crime mortel, il ne
veut pas dire que ce ne foit pas un péché mortel ,
,que de violçr le ferment «jue la graintç a çxtorcjué j^
fur les Commandemens de Dlcui 249
hiaîs il veut marquer qu'en horreur du crime de
ceux qui ont fait violence, on doit au for extcrieuc
avoir pitié de ceux qui n'accomplirent pas le jure-
ment qu'ils ont été forces de faire, & ne les pas
punir comme des parjures. S. Thomas 2. z. q. 5)8,
art. 3. dans la réponfe à la première objedion, a
ain/î entendu les paroles de Ccleflin. Ce que dit ce
Do(5leur de l'Ecole (ervira à confirmer ce que nous
avons établi. Coatiio ^ dit S. Thomas, non aufert ju-
Yamento promijjorio vim obliganai, ref^e^u ejus qtiocl
licite feri poicjl , ô" icleo fi aliquis non itnplcat qitod
coafius juravit, niJiilominus perjurium incurrit ô'mor-'
taliier peccai. Votefl tamenper autoritatem Summi Vontifi"
cis ah obligatione eiiam juramemi abfolvi , prœfenim Jt
coafius fuerit talimctn qui caiere pojTei in conJîani.em vi-
rum. Quod auum diciiur, quod taies non funt ■pimiendi
tanqitam pro mariai i crimine , non hoc ideo diciiur, quia
non peccant mortaliicr , fed quitu pœna eis minor injii^
gitur.
Concluez de-ià qu*un homme qui a promis avec
jurenient à un voleur qui le renoit à la gorge , de
lui donner une (brnme d'argent, s'il le laiile allei!
filin Se fàuf, eu. oblige d^e donner cette femme i
ce voleur. De même un prisonnier qu'on a relâché
fur la foi du ferment qu'il a fait de le représenter ,
eft obligé de le faire , autrement il devient un par-
jure. Les Payens m.émes étoient periuadés de cette
vérité , comme S. Auguflin le prouve par l'exem-
ple d'Attilius Regulus , Conful Romain , qui ayant
été fait prifonnier en Afripe fut envoyé par les Car-
thaginois à Rome avec leurs Ambaffadeurs pour loi-
licirer le Sénat de faire la paix , d'où il retourna
à Carthagepournepas manquer à fbn ferment; quoi-
qu'il fut bien perhiadé qu'on l'y feroit mourir d'une
manière trcs-cruelie , la paix n'ayant pas été con-
clue avec les Romains. Nefcio quis ille Regulus (die
faint Auguflin dans la lettre a Alipius qui efl la
214. dans les anciennes éditions, & la 125. de l'é-
dition des Bénédidins ) nihil in Scriptttris fan6îis de
imùiciate falfn jurationis audierat, nihil de Zacharix
vvtitmine didiceratf & nimintrn Qarthaginenfibus non
L T
2yo Conférences d'Angers y
fer Sacramenta Chrijîi j fedper Dcemonum înqmnamenta
juraverat, & tamen certijfimos criicianis & horrendi
exempli mortem non ut juraret necejfitate pertimuit j fed
libéra voîuntate , quia jtiraverat , ne pejeraret exce-
fit. Et Rcmana tune illa cenjura noluit habere non
in numéro SanCîoriim , fed in numéro Senatorum , nec
in cale/ri Gloria , fed in terrefri Curia non folv.m
eos , qui metu m.onis , crudeîiumque fœnarum apertijji-
me pejerare, quam ad immanes hojies remeare malue-
runt.
Nous difôns bien plus , que fi un homme jure ex-
lérieurement fans avoir intention de jurer, ou fans
defTein de s'obliger ou fans vouloir faire la chofe
à laquelle il s'oblige , il ell néanmoins tenu en con-
fcience d'exécuter la choie qu'il a promife ; car en-
core qu'il n'y fcit pas précifement obligé en vertu
du ferment qu'il paroit avoir fait, qui n'efî pas pro-
prement un jurem.ent. i. L'ordre de la Juflice l'y
oblige, fi la tromperie dont il a ufé , caufe quelque
dommage au prochain. 2. Il y eft obligé à raifbn
du fcandale qui s'enfliivroit de l'inexécution de Ton
lèrm^ent. 3. La vertu de la Religion l'y oblige, puif^
qu'en violant ce ferment apparent, il commettrcit
une irrévérence contre Dieu. Car de quelque anifice
qu'on ufe dans fès paroles , Dieu les prend dans le
jfens que les entend celui à qui on jure, comm.e dit
iàint Ifidore de Scvilie au livre 2, du fcuverain Eien^
chap. 31. Quacumque arte verhoriim quis juretj Der.s
iamen qui confcieti.ia tejiis eft , ita hoc accipit , f.cut
iîle cui iuratur , intelligit. Auffi celui qui auroit Juré
de cette manière , fèroit condamné au for extérieur
a accomplir fcn ferm^ent dans le fèns & félon la
teneur des paroles dans lefquelles il aurcit été con-
^û. On peut voir ce que dit fâint Thomas z. 2. q»
8>J. art, 7. dans la réponfe à la quatrième objec-
flon»
Nous avons dit qu'on ne peut excufêr dépêché celui
qui (ans une caufe jufre & légitime m.anque A accom-
plir fon fèrm.ent; s'il en avcit \mQ^ il feroit excufable
iùivantla décifion du chap» Pervenit 2. du chap. Ad
vojlrcm 3. du chap, ^jçuf 3. au titrç de jurejuranâQ dzns
k s DécrétalsSt
fur Us Comman démens de Dieu. 2^1
Il y a deux fortes de caufes qui exemptent de l'obli-
gation de garderie ferment. Les unes empêchent qu'on
ne contrade cette obligation en jurant. Les affres font
cefler l'obligation qu'on avoitcontra-flce en jurant. Les
premières viennent ou du coté de la perfbnne qui jure,
ou du côté de la matière du jurement qui ed la chofe
qu'on a promile.
Il peut arriver en différentes manières de la part de
laperfonnequi jure que le jurement ne produite pas l'o-
bligation de le garder.
1 °. Quand celui qui jure n'a pas l'ufàge de la raifon ,
car pour contrader quelque obligation par un ferment,
il faut qu'il foit fait volontairement & avec délibéra-
tion : or il ne l'eft pas, C\ celui qui le fiit n'eft pas li-
bre & capable de délibérer. C'eft de-là qu'il eft dit
dans les inflituts de Juftinien liv. 4. tit, 20. que les
furieux &lesenfans nepeuventicontrader aucune obli-
gation.
2°. Lorsque celui qui a JHré a été fùrpris par quel-
que erreur ou par quelque fraude, (ans laquelle il
n'auroit jamais fait un tel ferment. On infère cela
du ch. Ci'.m conîingat ) de jarejurando. La raifon eft
que ce jurement n'eft point volontaire, puisqu'il efl
fans contentement de la part de celui qui l'a fait,
& même contre ton intention, ou tout au moins il
eft conditionnel; parce que cet homme n'a entendu ju-
ler qu'à condition que la chofefiit telle qu'il la con-
cevoit. Mais pour que l'erreur ou la fraude exempte de
l'obligation du ferment, il faut qu'elle ait été la caufe
unique ou principale du ferment ; de forte qu'on ne Tau-
roit pas fait fi on n'avoitpoint été dans l'erreur ; ou com-
îne parlent d'autres, il faut.que l'erreur ait été quant, à
la fubflance delà matière du ferment, fî l'erreur ou la
fraude n'a pas été la caufe du ferment; de forte que fî on
n'avoitpas été dans l'erreur on l'auroit néanmoins fait,
oufî on n'étoit dans l'erreur que quant aux accidens qui
accompagnoient la matière, le ferment n'en efl pas
jnoins obligatoire.
En ces fortes d'occaflons , pour la fureté de la conf^
clence , on doit , fuivant l'avis des Dodeurs, demander
à i'Eglife la difpcnle de Ton ferment 5 car on ne peut
h VJ
]25'2 Conférences d'Angers ,"
avoir trop de refped pour le Nom de Dieu qu'on a pris
à témoin. Jofué & les autres chefs des Israélites nous
en ont donné l'exemple en épargnant le fàng des Ga-
baonites, nonobftant les murmures du peuple, parce
qu'ils avoient juré aillance avec eux au Nom du Sei-
gneur le Dieu d'Iirael, fur l'alTurance que les Gabao-
nites leur avoient donnée, qu'ils étoient les habitans
d'un pays fort éloigné ; comme ileil rapporté dans le ch.
5>. de Jodié. Les chefs des Ifraélites auroient pourtant
pu ne pas tenir ce ferment qu'ils n'avoient fait que par
fûrprile.
3<>. Lorfqu'en Jurant de bonne fol & fans tromperie
on s'efl: fervi de termes généraux, mais avec un defTein
formé de ne s'obliger qu'à telle chofe v alors on îieâ
pas obligé en confcience au-delà de ce qu'on a eu la vo-
lonté de promettre, & les paroles dans lefquelles le ju-
rement a été conçu, doivent être entendues fuivant l'in-
tention de celui qui les a proférées, parce que, comme
dit S.Grégoire, rapporté dans le Canon Ûumanœ , ch.
az.q. ^ , Humana aurestalia verbanofirajudicant, qua-
lia foris fonant ; dhina vero judicia talia forts aiidiunt ,
quai' a ex intimis profertmtur,
40. Quand il y a des conditions ou reflridions quî
ibnt fous-entendues & fîippofees de droit , ou félon la
coutume , quoiqu'elles n'ayent point été exprimées
en jurant, le ferment n'engendre point d'obligation
au-delà de ces reflriftions, parce que celui qui a juré
efi cenfé avoir limité Ton intention fiiivant ces condi-
tions.
Les Canonifles mettent au nombre de ces reflriftions
eu conditions, celles quifiiivent.
-La première eft, fi je puis faire la chofe & fî je la
puis faire licitement ; car un homme ne prétend point
s'engager à faire ce qui eft impcfTible , il ne peut
s'obliger à faire ce qui efl illicite. Cela eu décidé dans.
ïe chap. QuereUm , de jurejurando. Comingit , au mê-
îTie tit. infextOj & dans le ch. Si diligenti ^ de fer 0 ccwi-
fetenti.
La féconde , fî la promefle qu'on a faite en faveur de
quelqu'un a été acceptée , car il faut qu'elle fbit ac-
ceptée pour obliger j & juf^u'à ce ^ue l'acceptauoa
fur les Commandemens de Dieu, 2^^
en ait été faite, on efl toujours en droit de la révo-'
quer , parce qu'on ne peut pas être obligé envers un
homme qu'il ne le veuille : néanmoins fi la promefle
a été faite à Dieu , elle n'a point beloin d'ctre ac-
ceptée.
La troi/îeme , fî les choies (ont demeurées dans le
même état, car s'il leur étoit arrivé un changement fi
confîdérable qu'on n'auroit pas juré fi on Favoit prévu,
on n'eft pas obligé a tenir Ton ferment; comme on le
peut conclure de la décifion d'Innocent III. chap. Query>
admedtim de jurejur. Mais celui qui a juré ne doit pas
toujours s'en croire lui-mcme, pour juger file change»-
ment arrivé efl aflez confidérable pour l'exempter d'ac-
complir fil promefTe; il doit dans le doute garder fi^n
(êrmcnt, s'il le peut fiins pécher, & il eft de fon de-
voir de confulter fijn Confeffeur ou un autre homme
fiîge & prudent , pour fij-avoir s'ilpeut en confcience ne
le pas accomplir.
On remarquera que cette condition ou refiridion a
(buvent lieu dans les fermens comminatoires , que les
parens & les maîtres font à leurs enfans ou à leurs dcK
meftiques.
Il s'enfiiit de cette condition que quand on s'eft obli-
gé par ferment envers une autre perfi)nne, qui de i^on
côté refuie ou néglige d'exécuter ce qu'elle avoir pro-
mis, on n'efi: pas dans l'obligation de garder fon ler-
ment : Innocent III. l'a décidé chap. SfcMf 3. de jure-^
jurando. Juramentum autem qiiod Joannesfe ajferit praf-
titijfe ifi de affenfii faChim ejl ittriufque j eum non ligat
qui p-itfùiiî f dum ille cai'praflitum fiierat, [ervare ng^
gligit quod prowijit , 8c dans le ch. Pervenit 2. au mê-
me titre, où ileft marqué qu'on n'eft pas tenu de garder
la foi à celui qui nous en manque.
La quatrième , Ci la chofe fe peut faire fàufle droit
d'autrui ; car on ne peut promettre que ce qui eu à
foi & dont on eu. maître, & non point ce qui appar-
tient au prochain : Ci on avoir donc juré de faire
quelque chofè qui fit torr aux droits du prochain y
non-feulement ce ferment n'obligeroit point , mais
même on pécheroit en l'exécutant. Le fernient fiiit
contre k iioit du 5upcr;çur u çju^orte donc aucuni
^5*4 Conférences d'Angers;
obligation, au contraire il eft nul, fi le Supérieur
s'y oppofe : cela eft décidé par Innocent III. chap.
Venientes , de jurejurando ; & tous les Dodeurs de*
meurent d'accord que les Supérieurs peuvent annul-
îer les juremens que leurs inférieurs font à l'égard des
choies dans lefquelles ils dépendent de l'autorité des
Supérieurs. Ils fondent leur fentiment fur piufieurs
chapitres du Droit Canonique , & encore (ur le chap.
30. du livre des Nombres, où il eft dit au verfet 6 m
que fi une jeune fille qui eil dans la maifon de ion
Père a fait un ferment , & que le Père s^ foit oppo-
fé auffi-tot qu'il lui a été connu, (on ferment fera
nul, & elle ne fera point obligée à ce qu'elle aura
promis.
Nous ajouterons qu'on doit même (ous-entendre
dans le jurement fila choie n'eft point nuifîble au pro-
chain ; car fi elle l'ëtoit , on ne doit pas , iuivant la doc-
trine du même Innocent III. chap. Cum comingatj de
jurejurando , tenir fbn ferment. AuiTi ce Pape dans le
ch. Sicm nojlris y au même titre, condamme les jure-
mens qui font faits au déiâvantage de l'Eglife , & il les
traite de parjures ^.
Concluez de-là qu'un homme qui a juré,de ne point
Communiquer le iecret de compofer un remède iàlu-
taire, n'eft pas tenu de gatder ce ferment, quand il
ell préjudiciable au prochain , que la charité nous
oblige indiipeniablement de fécourir en certaines cir-
conltances.
On doit encore fôus-entendre dans le jurement
toutes les autres conditions particulières qui ibnt
propres à la matière du ferment , & qu'elle llippofè
de droit ou par la coutume , parce que le ferment
n'en efl que l'accefToire qui doit fuivre la nature du
principal. Ainiî celui qui a contradé des fiançailles
avec jurement , n'eiî: pas tenu d'accomplir ion fer-
ment , s'il veut fe faire Religieux ; & celui qui a juré
de ré/îder continuellement en un Bénéfice , peut s'en
abfenter dans les cas permis par le Droit , fliivant la
d Ncn iurarrcnta fed f p'ju- I contra luilitatem EcdeilafU-
'tia potius dicenda funt , ^u« | cam atccniantur»
fur Us Commandemens de Dieu. 2^f
âccl/îon du chapitre, Ex -parte tua z. de Qler. non refi-»
dent.
Il peut arriver de la part de la matière du jurement ,
qu'il n'y ait point d'obligation de tenir le ferment dans
les circondances fuivantes.
Premièrement , /î la chofe promifê cfl véritablement
împofTible ou illicite; car fclon les règles du droit >
nul n'efltenu A l'impofllble , & le ferment n'oblige pas
contre les bonnes moeurs.
Il s'enfuit de-là que C\ la chofè promifê avec jure-
ment a été depuis défendue par une Loi de l'Eglife
ou du Prince , on n'eft pas obligé d'accomplir cette
chofè.
Si dans le tems qu'on a juré , la matière du jurement
étoitpoflible, &c qu'elle ne fbit devenue impoiTible que
par quelque événement qu'on n'a pas dû prévoir, on
n'eft obligé de faire que ce qu'on peut , & on eft excufé
d'accomplir à l'entier (on fepment, comme l'enleigne
S. Thomas z, z, q. Sp, art. 7, Ciim aliquis jurât fe pe-
cuniam joluturum ^ quœ eipojlmoditiv vi lel furto fubtra-
hitur jtunc videtur excufaïus ejje àfaciendo quodjuravity
licèt teneatur facere quod infe efl.
Pour être exempt de tenir fôn ferment, il ne fuffit
pas que la chofè promife fbit devenue difficile à exécu-
ter , & qu'en la faifant , on coure rifque de quelque dan-
ger ou de quelque perte; mais c'efl une raifon pour de-
mander à être dir[:>enlc de fbn jurement.
Secondement, fî la matière du jurement efl pure-
ment indifférente & inutile, & que la promefTe n'ait
été faite qu'à Dieu feul , il n'y a aucune obligation
de faire la chofè, quoiqu'on ait pris Dieu pour té-
moin ; pnrce que cette cliofè ne tourneroit en aucune
manière d l'hcnncur ni à la gloire de Dieu; m.ais fî
cette clicfcqu: étoit Indiflérentc d'elle-même a rapport
à une bonne fin, il y a cbligation de l'exécuter ; par
exemple , fi on a juré de ne point parier à une telle
perf-nne , afm d'éviter de pc'cher, on doit garder ce
ièrmc.".:.
Si en avolt juré en faveur de quelqu'un de faire
une chofc îndiiTcr-jnte , on y feroit obligé , pourv'ft
^u 011 la put exécuter fans péché; parce que dans les
'3.66 Conférences à^ Angers ^^
promefTes faites aux hommes on ne regarde pas G6
qui eft de meilleur en Toi , mais ce qui leur eft plus
agréable.
Troifîémement , /î la chofe qu'on a juré de faire
empêche qu*on ne fafle un plus grand bien ; par
exemple, iî on a juré de ne pas pratiquer les confeils
Evangéliques , il n'y a point d'obligation de tenir ce
ferment.
Les caufes qui font ceffer l'obligation qu'on avolt
contradée en jurant font :
1 ^, Un notable changement furvenu à la matière du
jurement qui fait qu'elle n'eft plus la mém.e que celle
qu'on a jurée ; ain/î celui qui a juré n'eft pas cenfé avoir
eu intention de s'obliger à la chofe dans l'état où elle
fè trouve.
2°. Quand le jurement a été annuUé par le Supé-
rieur , comme étant fait dans une matière qui dépendoic
de fôn autorité , ou par une perfbnne qui n'étoit pas
maitreffe d'elle.
3*^. Si celui en faveur de qui le jurement a été fait ,'
s en eft relâché & en a fait remife ou expreiTément
ou tacitement , & qu'on eft certain de fon intention ; car
chacun peut, s'il lui plaît, remettre (es droits particu-
liers, fuivant la dodrine du chap. Trœtereay deSponfi-
libus & Matrimon. Mais il faut remarquer avec S. Tho-
mas i. 2. q. 85>. art. 9. dans la réponlè à la leconde
objedion , que iî le jurement a été principalement fait
à l'honneur de Dieu , quoiqu'il foit fait en faveur d'un
homme, cet homme n'en peut faire la remife, parce
que ce ferment regarde plus Dieu que cet homme ; par
exemple , fî Pierre avoit juré à Paul de fonder un Bé-
néfice pour l'en faire pourvoir, Paul ne pourroit pas
faire ceffer cette obligation par la remife qu'il feroit à
Pierre de fà promefTe.
4*^. Quand on a obtenu de l'Eglise une difpenfè oii
une commutation de fon ju'-ement : car i'Eglile peut
<iif[^enler du jurement promiffoire ou le commuer. Ce
pouvoir efl fondé fîir ces paroles de J. C. à fes Apô-
tres en S. Matthieu , chap. 18. Ce que vous délierez fur
la Terre, fera délié dans le Ciel. Alexandre III. dans
Je ch. 5;* vçro^ de jurejurando ^ nous aiTure que TE-
fur Us Commandemcns de Dieu, 25*7
gîife a plufieurs fois ufé de ce pouvoir. A fluribus
pnedece^orihtts nojlris faClum cjfe recolitur , quod C/e-
rici qui coa£li mimjlerhim Ecclefitx ahjurarunt , de ju^
ramento , abfolutionis benefciiim meruerum.
L'Eglifè ne peut difpenler du jurement aflertolre :
la raifbn eft que la matière de cette Cône de jurement
eft ou une chofe prélente ou une chofe pafTée , qui ,
par confcquent , ne peut (e changer ; mais la matière
du jurement promifToire eft une chofè future qui peut
le changer , & de permiie devenir illicite, de profi->
table nuifîble , de pofTible impofTîble , & ainfî cefTer
d'ctrela matière légitime d'un jurement. C'eft ce que
déclare l'Eglile en difpenfant du jurement promif-
.(oire.
Selon le fentiment commun des Dodeurs , le Pape
feul peut difpenfer du jurement promiffoire qui regar-
de une matière ré(ervée au S. Siège, comme (ont les
Vœux de Chaftetc perpétuelle', de Religion , de Pè-
lerinage en Jérufalem , au tombeau des Apôtres à.
Rome , & à S. Jacques en Compoftelle. Ils ajoutent
qu'il n'y a auHi que lui feul qui puifTe diipenfer du
ferment qu'on a prcté de garder les Statuts d'un Col-
lège ou d'une Univer/ité qui font émanés du Saint
Siège.
Dans les autres matières les Evéques peuvent, pour
des caules judes & légitimes, difpenfèr du jurement
dans l'étendue de leur Diocèfe , comme auflî ceux
qui ont une jurifdiclion qua(i Epifcopale, & les Pré-,
lats réguliers à Tégard de leurs Religieux.
Ce pouvoir peut être délégué à un Clerc qui n'eil
pas dans les Ordres fàcrès ; mais il faut prendre garde
que celui qui eft délégué pour difpenfer des vœux ne
Tell pas pour dilpenler du jurement ; parce que la
difpenfe , comme di(ent les Canonises , eilunecho(e
odieufè , qui ne doit pas être étendue au-delà de ce
que les termes fîgnifient pris à la rigueur. Aufîi, fèloa
le Hyle de la Cour de Rome, le privilège de dilpen-
fer du jurement , eft diUingué de celui de difpenlec
des vœux.
Les caulès légitimes pour accorder la difpenfe des
juremens promilloires faits à Dieu , font, leloii içs[
iSjS Conférences à^ Angers l
Canonises , C\ la chofè promife eft devenue beaucoup
plus diiicile qu'elle n'étoit ; fî rexccution du jure-
ment empéchcit un plus grand bien , fe préfentant
quelque autre choie de meilleur à faire ; C\ la chofe
qui paroilToit utile eft devenue ou inutile , ou très-
peu utile & nuifîbie ; fî l'obligation du jurement flib-
Mant , celui qui a juré le trouveroit fbuvent expofé
au danger de pécher ; C\ le jurement a été fait par
ignorance ou par légèreté d'efprit & avec précipita-
tion ; il le jurement a été fait par erreur, par far-
prile , ou par contrainte.
Il n'eft pas nouveau qu'on accorde dans TEglife la
difpenle des juremens promilToires , nous en avons
d'anciens exemples. S. Athanafè , dans fa lettre au
Moine Dracontius , nous apprend que ce Moine fur
difpenfé du ferment qu'il avoit fait de ne jamais de-
meurer dans Ton Eglife fî on le faifoit Evéque. Saint
Ambroife , lettre 1 1. à l'Empereur Théodofe , lui dé-
clare qu'il était difpenfé de garder un jurement qu'il
avoit fait , qui favorifbit les Juifs & les Hérétiques
Valontiniens. In hoc me ego Dec nojîro fro te ohligo ,
nec verearis facramemum. Numquid Deo difplicere ])o-
terit i quod pro ejus emendatur honorijîcentia. Les Pères
du Concile 8. de Tolède , tenu en l'an 65 3. accordè-
rent la difpenfé d'un ferment qui étoit préjudiciable
à l'Etat.
L'Eglifê ne difpenfé ordinairement du jurement
fait pour confirmer une promeffe, que quand lapro-
mefTe eQ. faite à Dieu feul ; fî elle étoit faite au profit
d'un homme qui l'eût acceptée , on ne peut , parlant
généralement , en difpenfèr , fans le contentement
de celui au profit de qui elle a été faite ; parce qu'il a
un droit acquis à la chofe par la promeffe , & on ne
doit pas dépouiller un homme de Tes droits. Néan-
moins les Dodeurs font d'avis que l'on peut fans re-
quérir le confèntement de celui au profit de qui le
jurement a été fait & qui l'a accepté , en accorder la
difpenfé ou une commutation dans les occafîons fiii-
vantes : i». Quand il y a lieu de craindre que l'exé-
cution du jurement ne tourne au défâvantage del'E-
<gUfè ou au détriment du bien public 5 par exemple ^
fur les Comman démens de Dieu, 2^ç
(\ on avoit jure à un voleur qu'on ne le dcnonceroit
point, z^. Quand le jurement a ctc extorque par con-
trainte , par dol ou fraude. 3''. Quand il s'agit de pu-
nir le crime de celui en faveur duquel le jurement a
été fait. Sur ce principe , qui eft approuvé dans les
cliai"). AbiuS y de iis quœ vi menive , &c. Ex adminif-
tratiohis , & bi i-erl , de jurejurando , celui qui a juré
à un créancier de lui payer des intérêts udiraires ,
parce qu'il rc vouloit lui prêter Ton argent qu'à cette
condition ; & celui qui a juré a un voleur de lui don-
ner une certaine Ibnime, pour fauver fà vie que le vo-
leur vouloit lui oter , peuvent obtenir la dilpenle de
leur iuremcRt. 4°. Si en donnant difpenfe du jure-
ment , on cmptche un fcandale qui arriveroit. 5°.
Quand il y a un juile fondement de douter /1 le jure-
ment cLligf^ ou n'oblige pas , fi la chofe efl: licite , fî
elle n'efl noinr nuifible ou prcjudx'able au prochain.
Les Juges fcculiers peuvent iTidiredement relâcher
l'obligation du ferment promifToire , quand il eft fait
en matière temporelle qui eft de leur compétence, &
que les perfbnncs font leurs jui1:iciables ; par exem-
ple j fi on a forcé injuftement un homme à jurer qu'il
donnera une (bmme d'argent qu'il ne doit pas , un
Juge peut en connoifTance de cau(e le décharger du
payement.
Si le jurement eft contre la juftice ou les bonnes
mœurs , la chofe qu'on a juré de faire étant ou illi-
cite , ou deshonncte , ou injufte , on n'a point befbin
de dilpenle pour s'exempter de la faire ; mais d'une
abfolution de la faute qu'on a commife en failant ua
tel jurement , comme nous l'avons déjà dit , nous
fondant fur la décifion d'Innocent III. ch. Quanto ^
de jurejurando, Urbain III. l'a aufll décidé, ch. Ciim
quidam , au même titre ^.
Quand une promefTe confirmée par ferment a été
faite A Dieu feul & ne regarde que (on honneur, on
peut, fuivant la maxime établie par le ch. Pervenù ,
c Illi qui jurant non loqui | trariiim ration!, injunâa tamcn
pain vtl matri . . , .ahfolvcmli
funt ab illiiis obfcrvaniia jtira-
pîciui cùm illicitum fit & con-
cis , de hoc qiiod malè jurayC'
raut pcsniccntiâ compecenrii
â?ô Ûonférences d^ Angers ^
que choie de meilleur & de plus parfait , parce que
Dieu eft réputé être content de ce qui vaut mieux ;
mais fi la promefTe eft faite au profit d'un homme ,
on ne peut la changer (ans fbn confèntementen quel-
que chofe de meilleur, parce que les hommes aiment
quelquefois mieux ce qui leur fait plaifîr , que ce qui
eft meilleur en loi.
On raifcnne à peu-près du jurement comminatoire
comme du promifToire. S'il n'a pas été accompagné
des trois conditions qui doivent nécefTairement ac-
compagner le jurement pour le rendre licite & vali-
de , il n'y a nulle obligation de le garder ; par exem-
ple , /î un Père avoit fait à Ces enfans par légèreté ou
par emportement , des menaces avec jurement dans
le tems que les enfans neméritoient pas la peine dont
il les menaçoit , il ne feroit pas tenu d'exécuter fbn
jurement , par la rai(bn qu'il auroit juré (ans jugement
une cho(è illicite & injuÂe ; mais (i le jurement com-
minatoire a été accompagné des trois conditions re-
quifes , c'eil un péché que d'y manquer, a. moins que
la rai(bn pour laquelle on a fait les menaces , n'ait
cefle ou ne (bit changée ; car le jurement eft cenfe
avoir été fait (bus cette condition , au cas que la
caufè ne cefTe point , ou ne (bit pas changée.
La caufe eft réputée avoir celîé ou être changée ,'
1°. Quand celui contre qui les menaces ont été faites
s'efl corrigé de Tes fautes , ou au moins en a demandé
pardon , & marqué être dans le deffein de Ce corriger,
2°. Quand il y a lieu de croire que le châtiment fe-
roit plus nuifible que profitable. 3°. Si on a jufte fu-
jet de craindre que l'exécution des menaces ne cau(ê
un grand mal , comme feroitla divifion dans une Fa-i
mille , ou le trouble dans une Communauté,
r>-»^/fe-
fur Us Commandemens de DUu, 261
IV. QUESTION.
Quejî-ce que le Blafphême P EJî-il toujours
péché mortel f
SAînt Paul, dans le ch. 3. de l'Epître à Tite , en-
tend par le mot de Blafphêmc une médilance. Cet
Apôtre recommandant à (on Disciple d'avertir les Fi-
dèles de ne médire de perionne , Ce fert de ce terme :
Admone illos . . . neminem blafphemare. S. AugulHn ,
dans le livre i. des Mœurs des Manichéens, chap. 1 1«
voulant définir le Blalphcme , prend ce mot dans le
même fens ; il dit que blafphémer c'ell parler mal des
gens de bien , mais en même tems ce Père remarque
qu'on ne le fert communément du terme de Blafphi'tne
que pour /îgnifier qu'on parle mal de Dieu : il rend
pour railon de cet ulage qu'on peut quelquefois avoir
(ujet de douter de la vertu des hommes, mais on ne
peut jamais, Hins commettre un crime , avoir le moin-
dre doute de la bonté de Dieu ^, Le Blafphcme eH
donc une parole injurieule qu'on dit contre l'honneur
de Dieu , ou en lui attribuant quelque défaut, ou en
niant qu'il ait quelque perfedion qui lui convient ;
par exemple , Ci on dit que Dieu eli cruel , qu'il ell
auteur du péché, qu'il n'eil pas jufle , qu'il n'ed pas
tout-puiflànt. Les Blalohémateurs ne pouvant nuire à
Dieu , ni lui enlever les perfe(flions , aiguifent leur
langue nour les deshonorer.
Les Théologiens di(ent , avec S. Thomas , z, i, q,
13. art. I. que le Blafphcme ctlune injure qui attaque
la bonté de D.cu ; car commj Dieu eil: la bonté par
efTence , tout ce qui convient à Dieu appartient à (à
bonté , & tout ee qui ne convient point à Dieu > efl
d Eft aiitem bhfphemia, cùm
àlicj^ua mala dicunrnr >'e nobis.
Itaque jam vulgo blafohçn i.i
Aoa accipiuir , niù mala vciba
de I)io dicere, de hominibtis
namquc diibitari poieft. Dtus
verà tinc controverlÎ4 bonus
clt,
0.62 Conférences d'Angers ;
fort éloigné de fa bonté qui efl Con efTence : aîn/î at-
tribuer à Dieu ce qui ne lui convient pas , & lui dé-
nier ce qui lui convient , c'eil: s'efforcer de diminuen
l'excellence de fà bonté ^.
Comme il y a une parole intéHeure & l'autre exté-
rieure , il y a deux fortes de Biafphémes. L'un inté-
rieur, qu'on appelle Blafphême de cœur ; l'autre exté-
rieur , qu'on appelle Blaffhême de bouche : c'efl pour-
quoi le Seigneur dit en S. Matthieu , ch. 15. que c'efl
du cœur que partent les faux témoignages & les Blaf^
phémes. On peut aufïi donner le nom de Blafphême
extérieur au mépris qu'on fait de Dieu par des mouve-
mens de tête & par des gefles outrageans & injurieux.
Le Biafphéme intérieur neû. quelquefois que dans
l'entendement, & quelquefois il ell encore dans la vo-
lonté , comm.e a remarqué S. Thomas dans l'endroit
qu'on vient de citer.
On diflingue trois manières de biafphéme.
La première fe nomme Enonciative , c'efl quand en
affirmant ou niant quelque chofe on fait injure à Dieu ,
comme lorfqu'on lui attribue ce qui ne lui convient
pas , ou qu'on s'efforce de lui oter ce qui lui con-
vient.
On comprend fous cette manière le biafphéme ,
qui fe commet en fbuhaitant que Dieu n'eût pas les
perfedions qu'il pofTede ; par exemple , fi on délîroic
que Dieu ne prit point foin Aes affaires d'ici-bas ,
qu'il ne connût ou ne punit point les péchés des hom-
mes. On y comprend auiTi le biafphéme de ceux qui
parlent des perfedions divines en doutant , comme
font ceux qui dilent : Si Dieu ejl jufie ,fi Dieu eji
tout'puijjant , comment nempêcheH^il pas cela ^ com-^
ment foujfre-t'il telle chofe ^
h Nomen blafpheraîae Im-
portare videtur quanidam dero*
gationeai alicujus excellcntis
bonitati^ & praecipuè divins.
Deiis aiitem eft ipfa efltnria
verae bonitatis, undè quia Deo
convenit , pcrtinet ad bonita-
lem ipflus , & ^uid^uid ad ip-
fum non pertinct , longe efl i
ratinne perfeélae bonitaiis, qiix
ert tijus tffentia ; «jnicumqiie
crgo vel ncgat alicjuid de Deo
quod ei convenir, vcl afierit
d Dec qciod fi ncncor.venit ,
derogat divin* bonitaii» S* T/jj
fur Us Commande mens de Dieu. 26^
Cette maniera de blurphémer eft quelquefois ac-
compagnce de l'hércfie ou de Tinfidélitc ; par exem-
ple , C\ un homme difoit que Dieu n'a pas (bin des
bons , qu'il eil injuile , avec une perfua/îon intérieure
que Dieu eil tel qu'il le d.t, il leroit un infidèle & un
blafphcmateur ; mais il arrive rarement qu'un Chré-
tien Catholique profère dans cet efprit des injures
contre Dieu : cela ne vient ie plus fbuvent que d'un
amour dcibrdonné qu'on a pour les créatures , dont
un homm.e fe voyant privé , s'emporte à parier mal
de Dieu ; de forte que tel qui blalpheme en difànc
que Dieu n'eft pas julle ou n'efl: pas miféricordieux ,
étant interrogé , s'il croit qu'il en (bit comme il dit ,
répondra qu'il croit que Dieu eil juile & miféricor-
dieux.
La féconde manière eft, quand on blafphême avec
imprécation ou exécration contre Dieu , lui fbuhai-
tant du mal & le maudifTant ,'ce qui eil le propre des
damnés & le péché des défèipérés. Il échape quelque-
fois aux joueurs de biafphémer de cette manière
quand ils perdent leur argent ; les ConfefTeurs doi-
vent y faire beaucoup attention.
La troifieme manière s'appelle deshonorante ; c'efl
quand on parle de Dieu , de les attributs & des cho-
fes qui lui conviennent, d'une manière outrageante,
ou avec mépris, ou par mocquerie, comme faifbient
les Juifs , qui , au rapport de S. Matthieu , ch. 17,
difbient à Jefus-Chrirt attaché à la Croix : Toi qui dé^
truis le Temple de Dieu & le rétablis en trois jours , que
ne tefauve-tu toi-même ? Si tu es le Fils de Dieu , def-
cends de la Croix? C'eft ainfî queblafphémoit l'Empe-
reur Julien l'Apodat , lorfqu'adreflànt la parole à
J. C. il di(bit : Tu as vaincu , 6 Galiléen, Tel efl
auflî le blafphcme de ceux qui jurent par la mort, par
le corps , par le fàng , par la tête , joignant à ces
mots le Nom de Dieu ; parce qu'encore que ces mem-
bres conviennent au Fils de Dieu incarné , ils les
attribuent à Dieu d'une manière qui blefTe le refped
qui lui elè dû , au lieu que tout ce qui appartient à
Dieu mérite d'ctre honoré Ibuverainement. Ces gens-
Ufont donc outrage à Diçu , & profèrent d'horribles
Il6'^ Conférences d^ Angers ,"
blasphèmes , fuivant le fentiment du Synode de Lan-
grès de Tan 1404. rapporté par Bouchel en Tes Dé-
crets de TEglifè Gallicane. Qui jurât per verba , qucs
fonant in Bhfphemiam ,Jicut qui jurât fer intejlina Dei,
€tiam fi juret veritatem , graviter peccat : encore fui-
vant celui du Synode de Troye de l'an 1417. raoporté
par le même Auteur. Sunt nonnulli tam Laïci quàm
Ecclefiajîici viri qui Redemptorem fuum turpiier inhono-
vantes , detejlabilia in ejus blafphemiam faciunt jura-
menta , puta per carnem fuam 3 per fanguinem , per
mortem , per plagas , per caput , per vifcera vel aliud
concernens ejus humanitatem jurantes & ipfum Redemp-
torem noftrum pro nobis omnibus in cruce mortem paf-
fum, iterlim crucificant* C'eft pourquoi quand un péni-
tent s'accufè d'avoir juré mort , tête , ventre , joi-
gnant à ces termes le Nom de Dieu , il faut lui de-
mander s'il prononçoit ces paroles avec haine , indi-
gnation ou dépit contre Dieu , ou avec mépris du
myftere qu'elles fignifient ; car en ce cas , ces exécra-
tions (ont des blafphémes & des péchés très-énormes.
Si le pénitent dit qu'il ne penfbit qu'à la créature qui
caufbit (on déplaifir , (ans faire attention à ce que
fîgnifioient ces paroles , (ans aucune mauvaife affec-
tion contre Dieu ou contre J. C. & (ans defiein de
rinjurier ou de le méprifèr , comme font ceux qui
ians aucune habitude de colère ou de blafphéme ,
mais uniquement par promptitude , profèrent ces pa-
roles quand elles leur viennent à la bouche, (ans faire
réflexion à ce qu'ils difent ; les Dodeurs eftiment
que le péché n'eft pas mortel & que ce ne (ont pas
des blafphémes. S. Thomas (emble être de ce (enti-
ment , a. z. q. 13. art. 3 . dans la réponfe à la troifîeme
objeâion. Cependant le Pénitentiel Romain impo(e
à ceux à qui cela arrive, un jeûne pendant fept jours
au pain & à l'eau. Si jurafii per capilliim Dei , aut
c^put ejus , vel alio modo blafphemiâ ufus fueris ; fife*
mel nefciens fecijïi y feptem dies in pane ù" aquâ pani-
teat, La rai(bn qu'on peut rendre de cette féverité ,
c'eû qu'on ne peut prononcer ces paroles (ans caufer
idu fcaadale, & fans oftenferies oreilles pieufes.
Lç
fur les Commandemens de Dieu. 26 J"
Le Confeiïeur à qui un pénitent s'accufe d'avoir
blalphcmc doit être (bigneux de lui faire expliquer de
quelle manière & avec quelle intention il a blafphé-
nié, non-fèulement parce que plufîeurs gens groifi^r»
confondent le jurement avec le blasphème , 8c le blaf-
phcme avec le jurement; mais encore parce que les
biafphémes font prelque toujours accompagnés de quel-
ques autres péchés ; comme font l'infidélité, le renie-
ment de la Foi, rhéré/Ie , le défèfpoir , la haine contre
Dieu, l'imprécation ) ce qui ajoute une nouvelle ma-
lice au blafphcme.
Le blafphcme peut être formel ou virtuel. Il eH for-
mel, quand il eft prononcé en termes exprès contre
l'honneur de Dieu avec intention de l'injurier : il efl:
virtuel, quand il eft prononcé avec attention en ter-
mes qui font injure à Dieu ou en eux-mêmes , ou par
la manière qu'on les profère ,. quoique celui qui les
prononce n'ait pas une intention direde de déshono-
rer Dieu.
Suivant le chap. Statuimus , de Mahdtcis , on com-
met un blafphcme quand on prononce des paroles
injurieufês contre les Saints en tant qu'ils ont rapport
à Dieu ; parce que le mépris qu'on fait des Saints qui
font les amis de Dieu, en qui fa fîiinteté , fà bonté,
fà puifîîmce éclatent particulièrement , retombe fiir
Dieu , comme l'honneur qu'on leur rend fe rapporte à
lui c.
Il en faut dire autant des paroles outrageufês pro-
férées contre les Sacremens x)U contre les (aintes Ecri-
tures ; ainfî c'eft un blafphcme que de dire que \e$ Sa-
cremens ne fervent à rien, que les fàintes Ecritures
font remplies de fauffetés. On voit par-là qu'il y a des
blafphcmes qui font immédiatement centre Dieu , &
d'autres qui ne (ont pas immédiatement contre Dieu ,
mais qui retombent fur lui. Les Auteurs qui ont traité
de la pratique du Sacrement de Pénitence, font d'a-
vls qu'on doit expliquer cette circonftance en confef^
c Statuioiu? ut C\ qiiis contra
Dcum vcl aliqueQï SanJlorum
fiiorum, (Si maxime beatam Vir-
gincm , lingiiam in blafphc' i ûcie^
miam publiée rclaxare' prat-
fiunprcrit,per Epifcopum fuum
pœnx l'ubdaiUr infcrius aano-
266 Conférences d'Angers j
iîon , à cauie des difFérens péchés qui le trouvent jointe
aux blalphémes.
C'eli auffi un blalphéme que d'attribuer à la créa-
ture ce qui ne convient qu'à Dieu (èul. S. Thomas ,
2. z. q. 13. art. i. dans la réponfe à la troifieme ob-
}e<flion , remarque que ce blafphéme n'eft pas d'une
efpece différente de celui par lequel on attribue à
Dieu ce qui ne lui convient pas ; parce que quand on
attribue à la créature ce qui ne convient qu'à Dieu ,
il femble qu'on veuille dire que Dieu n'efl qu'une
créature ^,
On peut commettre cette forte de blafphéme eit
plufîeurs manières. 1°. En attribuant au Démon les
miracles de Jeflis-Chrift comme faifoient les Juifs,
z». En difant que les chofès d'ici-bas font gouvernées
par le Démon : c'efl l'opinion des Manichéens. 3°. En
attribuant au deflin ou aux Aflres tous les événemens
qui arrivent dans le monde , comme font les Aflro-
îogues. 4<^. En égalant ou comparant la créature à
Dier. , comme font ceux qui difent qu'une chofe qu'ils
affurent eft auili vraie , qu'il efl vrai qu'il n'y a qu'un
Dieu , que Dieu eft au Ciel , ou que J. C. efl Dieu,
ou qu'elle eft aulTi vraie que l'Evangile. 50. En traitant
de divinités les créatures ; c'efl le péché des Amans
pafîionnés qui ont l'effronterie de qualifier de ce titre
les femmes qu'ils aiment éperduement. Ils fe trompent
quand ils veulent s'excufer fur ce qu'ils ne leur don-
nent ce nom qu'en jouant & en badinant , car on ne fe
moque point de Dieu. L' Apôtre nous en avertit au ch.
6. de i'Epître aux Galates. Nolite errare , Deus non ir^
ridetur. Les flatteurs qui donnent à des hommes la qua-
lité de tout-puiffants ou d'immortels ne font pas exempts
de ce péché.
La punition dont Dieu châtia Herode Agrippa,"
nous fait comprendre combien Dieu efè irrité contre
à Quôd autem ea qi:ae funt
Deo propria , crcaturis attri-
buaniiir, ad hoc periincre vi-
detiir, quod aliquid ei atrri-
buatiir quod ei non convenit»
Quld^uid eaim c{\" Deo pro-
prium , efl ipfe Deus. Attrî-
buereautemid quod eft Deo
propriuni, alicui crcaturï , cfi
ipfLm Dcum dicece idem tic^<*
turs.
fur tes Commandemens de Dieu. 26 J
Ceux qui donnent aux créatures les titres honorifiques
qui lui (ont propres. Ce Roi, pour avoir approuve le
blafphcme que le peuple Juif, applaudiflant à la ha-
tangue qu'il failbit aux Ambadiideurs des Tyriens &r
des Sydoniens , commit, en difànt que c'ctoit la voix
d'un Dieu & non pas d'un homme, fut frappe au même
inftant par un Ange du Seigneur & fut mangé des vers ,
comme il eft rapporté dans le chap. 12. des Ades des
Apôtres.
Quoique ceUx-là ne faffent pas un blafphériie n un
jurement, qui mêlent les noms de Dieu, de Jeflis-
Chrift, de la Vierge Marie, eu des Saints dans desdilr
cours vains, profanes & ridicules, on ne peut pas dire
qu'ils ne pèchent point , puisqu'ils déslionorent ces
Noms (àcrés, contre la défenfe qui nous eil: faite dans
le ch. 19, du Lévitique ^, & dansTEccléfiaflique ch.
23. ^", Que le Nom de Dieu ne-foit point (ans ce(re dans
votre bouche. Ne mêlez, point dans vos di(cours les
noms des Saints , parce que vous ne (erez pas en cela
«xempt de faute & de punition à caufe du peu de reC-
ped que vous portez à ces Noms (îiints , qu'on ne doic
proférer qu'avec une révérence particulière & une gran-
de piété , comme S. Paul nous l'apprend ch. 2. de
l'Epitre aux Philippiens , où il dit : (lu au Nom de Jcfus
tout genou fiéchijfe dans le Ciel y fur la Terre, Ô" dans
les Enfers.
Le bla(phéme a toujours été regardé comme un des
plus grands crimes. Dieu l'a jugé digne du dernier fup-
plice dans le ch. 24. du Lévitique. Il ordonna à Moile
de faire lapider par tout le peuple le fils de Salumith
qui avoit bla(phémé dans le camp des Ifraéiites. Da-«
vid, Pfeaume 36. dit que ceux qui blalphcment péri-;
ront («ms reffource s.
Ce péché e(l en effet très-énorme , pui(qu'il femble
attaquer Dieu en lui-même : il porte , dit S. Jérôme
liv. 7. furie ch, 18, d'Haie, (à rage jufques dans le
e Nec poilu js Nomen Dci
lui.
/ Nominacio Dci non fir af-
fidiu in ore tuo , & nominibus
Sanclorucn non admifcearis ,
quoniam non eris Immunis ab
eis
g Maledicintcsautera eidif^
pcribuac.
Mij
26S Conférences (T Angers,
Ciel, ce qui fait que tous les autres péchés comparés
à celui-là, paroiffent en quelque manière légers h,
S. Thomas en parle de même, z. z. q. 13. art. 3.
L'Ecciéfiaftique juge ce crirr^e fi déteftable qu'il noCe
le nommer , fe contentant de nous le repréfenter en pa-
roles couvertes, ch, z^,f, 1$, Ejl & alia loqiiela con-
traria morti , non inveniatur in hxreditate Jacob. Il y a
une autre parole , qui elVune parole qui caufe la mort ,
leion le lens du texte grec ; qu'elle ne (e trouve jamais
dans l'héritage de Jacob.
L'Ecriture lainte , fuivant la pratique aflez commune
aux Hébreux , pour témoigner l'horreur que Dieu a
pour le blaiphéme , fe fèrt de paroles toutes contraires
pour exprimer ce péché , comme on le voit dans le
îiv. de Job ch. 2. où (a femme lui dit : BéniJJez Dieu &
mourez ; c'efl-à-dire , prononcez contre le Seigneur
quelques paroles de blafphême & mourez. Bfwfc//c Deo
^ morere.
Rien ne peut mieux nous faire comprendre com-
bien le blafphéme efl défagréable à Dieu , & quel foin
jious devons apporter pour ne jamais tomber dans cet
horrible péché , que les châtimens terribles dont Dieu
a puni ce crime. Nous apprenons par le Iiv. 3. des
Rois au ch. 20. que Dieu fit périr plus de cent vingt-
fept mille Syriens pour punir un blafphéme de Bena-
dab Roi de Syrie. Un blafphéme prononcé par Sen-
nacherib Roi des AfTyriens, fut caufe qu'en une nuit
cent quatre-vingt-cinq mille hommes de fon armée
furent exterminés par un Ange , comme il ell rapporté
dans le Iiv. 4. des Rois , ch. i^. S. Paul nous dit , dans
la première à Timothée au ch. i. qu'il livra Hyme-
née & Alexandre à Satan, parce qu'ils avoient blaCV
phémé.
Quoique le Nom de Dieu foit beaucoup déshonore
parle parjure, il l'efl bien davantage par le blafphé-
me. La raifbn qu'en rend S. Auguflin dans le livre
contre le menfbnge , ch. 1^. efl que par le parjure
h Nihll horribiliiis blaf-
phemiâ, quae ponit in excelfum
os fiium • . •• • Omne quippe
peccatum comparatum blafphcri
vaix kvius cH»
fur les Coinman démens de Dieu, 2<jg
on prend Dieu à tcmoln d'une chofe fauffe, mais
par le blafphcme on dit des chofes faufles de Dieu
nicme '.
Qu'on regarde le blafphcme, foit en lui-même,"
foit en Hi caufe, on ne peut douter que ce ne foit un
pcchc trcs-grief contre l'amour & le refped qui font
dus à Dieu , 8c même beaucoup plus grand que Tin-
fidélité; car le blafphème eft un affront, une injure,
un outrage qui deshonore la majellé de Dieu, qui s'ef^
force delà rabaiffer & delà rendre vile & mcprifabie.
Or c'eflun bien plus ?rand crime de couvrir d'outra-
ges la perfbnne d'un Koi, que de refufèr de lui rendre
l'honneur qui lui eft dû, L'efprit humain ne peut pen-
fer qu'avec horreur qu'il y ait des gens affez inienfés 8c
afTez. animes de fureur contre Dieu pour vomir des
blafphêmes contre lui. Les Payens ne pouvoient (buf-
frir qu'on outrageât leurs , Idoles , parce qu'ils les
croyoient des Dieux.
Si on recherche la (ource d'où part le blafphème,
on trouvera que c'eft une averfion contre Dieu , &
une impiété fouveraine ; car il n'y a nulle horreur, nul
plaifîr & nul profit qui porte àblafphcmer : il n'en eft
pas de ce pcchc comme des autres que la cupidité fait
commettre. Il n'en revient rien a un blalphémateur qui
a vomi des injures contre Dieu ; il n'agit donc que par
un ef[^rit d'impiété qui eft le caradere fingulier de la
malice du Diable : cette forte de péché renfermant un
mépris formel de la bonté de Dieu , qui eft la propriété
perfbnnelle du S. Efprit, eft véritablement un péché
contre le S. Efprit.
Quoique le blafphème (bit de fi nature un péché
mortel trcs-grief, il peut, en certaines occafions ,
n'ctte que véniel; par exemple, quand un homme
dans le tranfport de fr colère s'emporte à dire par
précipitation des paroles qui vont contre l'honneur
de Dieu, mais fuis penfer À ce que les paroles qu'il
profère f gnifient , & fans aucime maligne af^edioii
i lAco autf m pcjus eft blaf- T bctur teftJs Deus, blarpheman-
phcmire quim pejeraïc , qiio- do autcm de ipfo t.tlfadicuu-»
^iam pcjcrando talfiB ici adlu- 1 lur Dto.
M iij
270 Conférences d^ Angers 9
contre Dieu , & ainfi fans prendre garde qu'elles luî
iôient injurieufès , ce n'eft pas proprement un blaf^
phéme , puisqu'il eft fans intention & fans volonté de
(diminuer Thonneur de Dieu , & ce blafphéme n'efl
qu'un péché véniel, étant fans délibération, ou , com-
me parlent les Théologiens , étant indélibéré ; mais
quand un homme, en proférant des paroles injurieu-
ses à Dieu, penfe à ce qu'il dit , & réfléchit fur le fens
de Tes paroles qu'il s'apperçoit être contre l'honneur
de Dieu, c'efl un véritable blafphém.e, & Ton péché
cil mortel , quoique la palTion le tranfporte ; car il
eft fait avec délibération , & ainfi avec intention de
snéprifer Dieu , de diminuer & d'avilir l'honneur
qui lui efl dû; ce que S. Thomas explique par l'exem-
ple d'un homme qui , par un prompt mouvement de
colère, en tue un autre, s'appercevant bien de ce
qu'il fait. Blafphewia, dit ce S. Dodeur, i, 1. q. 13,
art. 2. dans la réponfè à la troifieme objedion, -potejl
abfqîie delikeratîoiie ex fiirreptione procedere dupliciter.
IJno modo , quvd aliquis non advencu hoc quod dicit (ffe
hlafphemiam , quod fcteft comin gère dm aliquis fui ko
ex aliqua pûjjïone in verba imaginata frorumpii , quo-
rum Jigyiijicationem non confidcrat j ù" tune ejl feccatum
veniale, & non habet propriè rationcm blafphemits ; alio
modo j quando advertit hoc ejje blafphemiam, confiderans
Jîgiîifcdta verborum y ù" tune non excufatur a peccata
mortc.li ,ficutnec ille qui ex fubito motuirce aliquem oc'
ci dit jiixta fe fedentem.
Pour bien entendre cette dcdrine , il faut rem.ar-
quer, 1°. que deux cauies peuvent rendre le blafphé-
me indélibéré. La première , eH la violence de la
pafîion qui trouble tellement l'efprit d'un homme qu'il
profère des paroles de blafphéme fans penfer à ce qu'il
dit , ne faifànt point réflexion à ce que fîgnifient fês
paroles ; c'efî: en ce fens que le blafphéme n'efl que
péché véniel. L'autre caufè eft l'habitude de blalphé-
mer qu'on a contradée; en ce cas, il faut examiner h
le blafphémateur a eu une véritable douleur de fes
blafphcmes précédents , & a fait tous fes eflbrts pour
corriger fà mauvaife habitude & prévenir fon pen-
chant à cette faute , puifqu'alors l'on peut être cxcufé
fur les Commandemens de Dieu. 2'J I
^u pcchc , au moins de péché mortel; mais fi cet
homme n'a pas fait une pénitence fincere de Tes hlzC-
phcmes, & ne s'eft pas efforcé de détruire entière-
ment (àmauvaife habitude, fcs blafphcmes, quoique
proférés fiins délibération, font des péchés mortels,
car encore qu'ils foient involontaires en eux-mêmes ,
ils (ont volontaires dans leur caule, qui eft l'habitude ;
& c'ed en ce fens que Tindélibération n'excufe pas de
péché mortel les blafphémateurs. z^. Il faut remar-
quer qu'il n'eft pas nécelTaire pour que le bialphcme
foit fait avec délibération , que le blafphémateur ait
une attention direde d'injurier Dieu ou de diminuer
& d'avilir l'honneur qui lui efl du. Il n'y a que les
Damnés, les Athées, les Infidèles & les Impies qui
blafphement par ce motif. Si on l'avoit fait , il fau-
droit nécefliiirement expliquer en confeflion cette cir-
conftance, qui, non-feulement rendroit le blal]ohcme
plus énorme, mais encore y ajoiiteroit la malice de
quelque autre péché. Il fuffit donc que le blafphéma-
teur , en proférant des paroles injurieufès à Dieu ,
penfe à ce qu'il dit, & s'apperc^'oive que les paroles
qu'il profère font outrage à Dieu ou par leur (Tgnifi-
cation ou par la manière dont il les prononce ; car
alors ii a une intention indirede de déshonorer Dieu >
quoiqu'il agilTe pai* le mouvement de quelque pal^
fion.
L'énormité du blafphcme a été une jufte raifbn pour
le mettre au nombre des casréfèrvés, afin d'empccher
qu'un péché Ci détefiable ne Ce commit avec tant de
facilité.
Autrefois le blafphcme proféré contre les Saints ,
étoit réfervé dans ce Diocefe, aujourd'hui il n'y a que
le blafphcme proféré avec intention & volonté délibé-
rée de détefier Dieu ou de le mépriler , qui (bit un cas
réfervé. Blafphcmia prolata animo & voUintate dclihc-
ratâ dete/landi vel conumnendi Deum. Il n'eil pasnécef^
lîiire pour cela qu'il fbit proféré en public ou devant
des témoins.
Ceux-là tombent dans la réfervé, qui faifânt atten-
tion à ce qu'ils difent , attribuent à Dieu des chofès
qui ne lui conviennent pas , ou qui lui dénient les
J\l iv
's 7^ Conférences d^ Angers ,
cîiofês qui lui appartiennent & qui lui font convena-
bles ; diiànt, par exemple, que Dieu efl injufte oa
<}u'il ne connoit pas toutes choies. Il faut dire la mé-
jne chore de ceux qui maudifîent Dieu , le rénient ou
VomilTent contre lui des paroles impies, outragean-
tes ou infâmes. Pour ceux qui blafphement làns aucun
deflein de faire injure à Dieu , mais feulement pour
marquer leur fureur , ou pour intimider ceux à qui ils
parlent, quoiqu'ils pèchent mortellement, ils ne com-
ïnettentpas un cas réfervé, parce qu'ils n'ont pas une
mauvaife intention contre Dieu , ni la volonté de
diminuer Thonneur qui lui eil dû , ou de le rendre mé-
pri fable.
L'Eglifè , pour infpirer aux Fidèles Taver/ion que
mérite un crim.e fi horrible , a ordonné des péniten-
ces très-fcveres , & prononcé des peines très-rigou-
reufes contre les blafphém.ateurs. Le Canon Si quis >
ch. 2 1, q. I. veut qu'on dépofe un Prêtre qui a blaf^
phémé, & qu'on excommunie un Laïque qui efl tom-
bé dans ce crime. Le Concile de Bourges de l'an
1584. a renouvelle ce Canon dans le tit. de Blafphc-
miis ^ ajoutant qu'on eût à déférer les blafphémareurs
aux Juges féculiers. Grégoire IX. dans le ch. Statui-
7mîs 3 de Maledicis , ordonne que celui qui aura blaf^
phémé contre Dieu, centre la làinte Vierge ou con-
tre quelque Saint , fbit exclus de l'entrée de i'Egiife
pendant iept Dimanches confécutifs; que tandis qu'on
chantera la MelTe, il fbit devant la porte dans un lieu
où tout le monde le puille vo^r; que le feptieme Di-
manche il n'ait ni manteau ni chaufliire , mais une
corde au col, que pendant les fèptfemaines précéden-
tes il ait jeûné les Vendredis au pain & à l'eau , & qu'a
ces jours-ià il ait nourri quelque pauvre , fi Tes moyens
lui permettent; que s'il refufe d'accomplir cette péni-
tence, on lui interdite l'entrée del'Eglifè ; & qu'après
lii mort Ton corps fbit privé de la fépuiture Eccléfiafli-
que. Le Concile de Ravenne de l'année 13 11. a re-
nouvelle cette Ordonnance.
Le Pape Léon X. dans le ^^ Concile de Latran,
Jules III. dans la Bulle In multis , qu'il fit publier eu
l'année 1554. &Pie V. dans la Bulle QuÀm priml'.m y
fur les Commandemens de Dieu. 2.j^
|>ublice en l'iinnce 1^56. ont fait paroitre leur zèle
contre lesblafphcmateurs , les condamnant à. des amen-
des pécuniaires, & prononçant plufîeurs autres peines ,
tant contre les Écclcfîaftiques, que contre les Laïques
qui auroient eu l'inlolencede proférer quelque parole
injurieufe contre Dieu, Notre-Seigneur Jefus-Chrift
ou la glorieufe Vierge Marie.
Léon X. enjoint a tous les Fidèles qui entendent
quelqu'un blafphémer , de le reprendre fortement >
& de le déférer dans trois jours aux Juges Ecclcfîaf^
tiques ou Séculiers, & il accorde dix années d'Indul-
gence à ceux qui l'auront dénoncé. Qiùcumque vcro
hlafph(mant€m atidierint , etim verbis acriier nbjurgare
teneantur , Jî citra periculum fuum id fieri pojfe cor,nn-'
gct , aimqiie déferre vel notrfcare apud Judiccm Eccle^
fiafiiciim jeu Sitciilarim intra triduum debeant. La mê-
me choie a été ordonnée par Pie V. par le Concile
premier de Milan , par celui de Touloul^e de Tan
15570. partie 4. ch. 1 3. & par celui d'Avignon de l'an
1594. tit. 58. Le Roi Philippe VL dit de Valois, dans
fon Ordonnance de Fan 1347. avoit permis qu'on jet-
tât des ordures aux yeux des blafphémateurs qui fè-
roient attachés au Pilori, pourvu qu'il n'y eût ni pier-
re , ni autre chofê qui les pût blelTer.
Quoique les ConfefTeurs ne doivent pas aujourd'hui
fliivre à la lettre l'ancienne di(cipline de TEglile à
l'égard des blafphémateurs, ils doivent s'en (ervir
peur leur donner des pénitences proportionnées à l'é-
normité de leur crime, & ne jamais les renvoyer (ans
leur en avoir impofé de trcs-fcveres ; Léon X. dans
fon Décret, rapporté dans le Concile de L'atran , y
oblige les Confeiïeurs. In for 0 atitem confcientix ncmo
blajphctni.t reus ahfqiie gravi(fima-pceniientia,feveri Con-
fejjoris arbitrio injunÛapofftt abfolvi. Pour impofèr ces
pénitences , les Confefleurs ne peuvent fuivre de meil-
leures règles que celles qui Cont propofées par S. Char-
les Borromée dans les f nîlrudions aux ConfelTeurs pour
adminillrer le (àcrement de Pénitence.
Si un Pénitent s'accule d'avoir blafphémé, on ne
doit pas manquer de l'interroger s'il efl dans l'habitu-
de de ce cryne, C4r en ce cas il fuut lui diflcrer l'ab-
iViv
^74 Conférences d'Angers ,
foiutîoîi pendant un tems coniîdérable , & l'obligef
à venir fouvent à confefîe pour lui faire corriger cetce
jnauvaife habitude.
Le Concile de Bordeaux de l'an 1583. chap. 7. or-
donne qu'on prive les blafphémateurs de la Commu-
nion. A blafphemiis Fidèles comminationedivini judicii,
Ccmmunionijque privatione deterreantur.
Les Rois de France ont joint leur autorité à celle
de TEglife , pour empêcher que le blafphéme ne prit
racine dans leur Royaume. S. Louis fit une Ordon-
nance contre les blafphémateurs , portant peine cor-
porelle & pécuniaire. L'hiUoire nous apprend qu'il
les faifoit marquer au front avec un fer chaud, ou
leur faifoit couper la langue. La plupart de les Suc-
ceiïeurs ont fuivi Ion exemple. Par l'Ordonnance de
Philippe de Valois de 13 47. par celle de Charles VH.
du 14. Odobre 1460. par celle de Louis XIL du5>,
JMars T^io. parcelle de Henri IL du 5. Avril i')^6,
les blafphémateurs doivent être mis au Pilori ; & en
cas de récidive, avoir les lèvres fendues, & s'ils ne
peuvent être corrigés par ces peines, avoir la langue
entièrement coupée.
Par l'article 13. de l'Ordonnance d'Orléans & par
îe 3^, de celle de Blois, il efl enjoint aux Juges
Royaux même, fous peine de privation de leurs char-
ges, de faire exécuter ces anciennes Ordonnances
contre les blasphémateurs. L'Ordonnance de Mou-
lins & celle de Henri IIL du 4. Décembre 1 5 8 1 . veu-
lent qu'on punilTe , par des amendes pécuniaires les
blafphémateurs; en cas de récidive, qu'ils foient pu-
jiis corporellement. Louis XIIL fit le 10. de Novem-
bre 16 17, une O'rdonnance conforme à celle de Hen-
ri lïL
Henri IV. dans l'article $, de l'Edit de Tan 1606,
ordonne qu'à la diligence de fes Procureurs Géné-
raux & de leurs SublHtiits , les Ordonnances faites
par fes PrédécelTeurs contre les blafphémateurs, foient
publiées de fîx mois en fîx mois aux audiences des
Jurifdidions du Royaume, & fait défen fes aux Oiiî-
ciers de modérer les peines portées par icelles.
Quoique çç$ Ordoiinances lôieiit afTci mal obfg:-;
fur les Commandemens de Dieu, 275"
Vces, on trouve cependant dans le fécond Tome des
Mémoires du Clergé de France , chap. ii. plu/îeurs
femblables punitions prononcées par le Parlement de
Paris , qui ont été exécutées. Nous y en ajouterons une
qui eft arrivée de nos jours. Jean Hudon ayant été
condamné par Sentence du Siège Pré/îdial d'Angers ,
rendue le 6. Février 1709. à avoir la langue percée
dans le Pilori de cette Ville, 8i être enfuite attaché à
la chaîne pour fervir le Roi dans Ces Galères à perpé-
tuité : cette Sentence a été confirmée par Arrêt du
Parlement de Paris, du zi. Avril audit an 1705». &
ledit Hudon renvoyé prifonnier à Angers pour l'exé-
cution de ladite Sentence.
Les Juges qui négligent de punir les blafphcma-
teurs (elon la rigueur des Loix , (ont trcs-criminels de-
vant Dieu. Léon X. les en avertit. Le Clergé de
France , affemblé à Melun en 1575?. pria très-iniîam-
ment les Princes & les Magiflrats d'employer toute
leur autorité pour déraciner de la France ce détefta-
ble crime, en puniiïiint, félon la rigueur des Ordon-
nances de nos Rois trcs-Chrctiens , ceux qui en ie-
roien: coupables.
u
vj
a^6 Conférences d'Angers ,
RE S U LTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
LES COMMANDEMENSDE DIEU.
Tenues au mois de Novembre 17 13.
PREMIERE QUESTION.
Quejî-ce que le Vœu , ^ quelles conditions font
néccffaires pour le rendre valide ?
N a coutume de définir le vœu , une promefTe
d'un plus grand bien faite à Dieu librement &
avec délibération.
îl eiî abfôlument néceiTaire aux ConfefTeurs de bien
«ntendre le (ens de cette définition, qui leur doit fèr-
vir de règle pour connoître C\ les pénitens font engd.gé^
dans de véritables voeux, comme plufîeurs (e le per-
Jfiiadent, & fbuvent fauflement.
En disant que le vœu elî une promelTe, on le dil^
lingue par-là des fimples réfolutions ; car le vœu ne
con/ifle pas dans une /impie rélbiution de faire une
chofe, mais dans une promefle qui ell un ade efficace-
de la volonté qui s'oblige envers Dieu à faire quelque
bonre œuvre, au lieu que la réfblution de faire une
bonne œuvre efl lâns ûuenàon de s'y obliger : c'eH
fur les Comman démens de Dieu, 277
pourquoi elle n'engendre pas robligation de la faire
Cl elle n'a été fuivie d'une promefîe , comme on peuc
l'inférer de ce qui eft dit dans le Deutcronome , ch,
1 3 . LorHiue vous aurez, fait un vœu au Seigneur , vous
jiedift'érerez point de l'accomplir; & Ci vous différez,
il vous fera imputé à péché. Mais Ci vous ne vous êtes
engagé par aucune promeffe , vous ne péchez point *•
Par exemple, Ci je fais réfolution de me retirer dans
un Monaftere pour y prendre l'habit Religieux , je
ne prétends pas par cette réfolution m'obliger& m'en-
gager à prendre l'habit de Religion , comme je ferois
h je dilois , Je promets à Dieu, ou je fais vœu à Dieu
de me retirer dans un Monaflere , pour y prendre
l'habit Religieux , &; fi je change de réfolution , je ne
pèche pas, luivant la déci/ion d'Alexandre III. dans
le ch. Liiteratiiram , de Voto & Voti redemptione ^^
Si on faifoit une promeffe à Dieu feulement de
bouche, fans un confentement intérieur, c'eft-à-dire ,
fans intention de s'obliger , on ne feroit pas un vœu ,
quand même ce ne feroit point la crainte qui auroit
porté un homme à ufer de cette dilTmiulation , trcs-
criminelle par elle-même, étant une irrévérence con-
tre Dieu.
Quoiqu'on mette le vœu aTi nombre des ades de
Religion, fulvant ces paroles d'Ifaie, ch. 19. Colent
eum in hofiiis & mitncriùus, & Vota vovehiim Domino :
Il n'efl pas nécefl^iire pour faire un vœu , d'exprimer
la promeffe par des paroles ou par quelqu'autre figne
extérieur, il fiifïit pour qu'elle oblige en confcience,
qu'elle fbit faite intérieurement à Dieu avec intention
de s'obliger à faire ce que l'on voue, parce que Dieu
entend bien le langage du cœur '^,
a Cùm Votum vovcr's Do-
mino Dco ttio non tardabis
reddcrc. * ,, Se Ç\ moratus fiic-
ris , repiitabitiir tibi in pccra-
tum. Si nr>liierispolIicCfi, abf-
que peccato cris.
h Cum liorc verba protiilifti ,
non (lit! liîc njonbor , propo-
ae(i« ia animo (]^iiU(l Kcligionis
habitum effes aliquando fiif-
ccptiinij : tibi rerpondcmiis ,
quod fi plus non tfl in Voto
proccflum , tranTgreflor judi-
caii non pottris , fi non im-
pleas quod dixifli.
c Dominus intuetur cor. i»
Reg^ c. 16.
S78 Conférences d! Angers y
On a dit que le vœu e(l une promefTe d'un pliî5
grand bien, c'efî-à-dire, d'un bien qu'il ell plus loua-
ble de faire que d'omettre , cornme étant d'une plus
grande perfedion ; enfbrte qu'il faut :
1°. Que la matière du vœu foit bonne en (bi, &
qu'elle le fbit toujours, comme font les adions de
vertu. Le vœu étant une efpece de confécration qu'on
fait à Dieu de quelque chofe pour l'honorer, il faut
que la matière du vœu lui (bit agréable ; & elle ne
peut l'être fi elle n'eft bonne. Une choie mauvaile
par elle-mêm^ , ou par la fin qu'on fe propofè , ne
peut donc être la matière d'un vœu. Certainement
ce ne feroit pas honorer Dieu , mais fè moquer de lui ,
que de lui promettre qu'on tuera un homme , ou qu'on
donnera l'aumône à une femme pour la corrompre ,
€u qu'on fera une adion de vertu pour acquérir de la
vaine gloire.
Il eft cependant vrai qu'une chofe qui efl bonne
d'elle-même , mais qui peut devenir mauvaise par
quelque événement , peut erre la matière d'un vœu ;
mais quand la chofè efl devenue mauvaile , on ne doit
pas la faire pour accomplir (on vœu , car on péche-
roit , & la promefTe qui ne peut s'exécuter (ans pé-
ché, efl impie & défagréable à Dieu, comme dit S,
Ifidore de Séville , liv. 2. des Synonymes. In mrp vGt9
muta decretum. Quod incarne vovijli , ne facias , impia
enim ejî promijfio qiiafcelere adimpletur. S. Thomas, z,
2. q. 88. art. 2. dans laréponfeà lafeconde objedion,
apportepour exemple le vœu de Jephté , qui, comme
il efl dit ch. 11. des Juges, fit vœu à Dieu, que s'il
lui donnoit la vi<floire (ur les Ammonites , il lui of-
friroit en holocauile ce qui fortiroit le premier de (â
JVIaifbn pour venir au-devant de lui; & il arriva par
iin accident fâcheux, que, comme Jephté retournoic
en (on logis , (à fille unique fortit la première au-
devant de lui. Ce Père infortuné n'étoit pas oblige
d'accomplir , dans la per(bnne de (à fille , ce vœir
indi(cret fait inconfidérement ; mais Ci au lieu de (à
£lie il eût (brti de (on logis un animal qu'on pût Co-
lon la Loi offrir à Dieu en fiicrifîce , Jephté eût étc
cbli^é de l'offrir ; & quand l'Apotre S. Paul , d^ns le
fur Us Commanàemem de Dieu, 27P'
cil. 1 T. del'Epître aux Hébreux , met Jephtc au nom-
bre des Saints de l'ancien Teftament , ce n'eft pas
parce qu'il avoit immole (a fille , ce qui étoit une
action impie , dont il y a lieu de croire qu'il fit pé-
nitence , mais parce qu'il avoit cru en Dieu d'une fiai
vive, qui lui avoit mérité la vidoire fur let Ammo-
nites.
2<^. Il faut que la choie qu'on voue foit meilleure
que celle qui lui efl oppofée, & par conféquent qu'el-
le ne foit point incompatible avec un plus grand
bien , puifque le vœu le fait pour honorer Dieu ; car
fî la choie qu'on voue eu. oppofée à un plus grand
bien , & empêche qu'il ne (e falTe , étant incompati-
ble avec lui, elle n'ell pas agréable à Dieu & ne pro-
cure pas fon honneur, au contraire, elle diminue Ion
culte ; c'eft pourquoi , parlant généralement , tout"
ce qui efl oppofé aux confeils "Evangéliques , ne peuc
être la matière d'un vœu , de (brte que ce ne feroit
pas un vœu , fi quelqu'un promettoit à Dieu de ne
s'engager jamais dans les Ordres , ou de ne jamais
entrer en Religion ; par cette railbn , la promefle
qu'on feroit à Dieu de Ce marier, {{ on la confidere
ablblument en elle-même, ne (eroir pas un vœu ; car
la continence , qui efl oppofée à ce prétendu vœu ,
eft un plus grand bien ; cependant R on regarde cette
promeffe par rapport à une perfonne à qui le mariage
eft un remède abfolument néceflaire pour éviter l'in-
continence, ou dont le Mariage eft le leul moyen
pour procurer la paix à des Peuples , comme cela
peut arriver dans la perfonne d'un Prince ou d'une
Princeffe , alors le Mariage peut ctre la matière d'un
vœu qui obligeroit la perlonne qui l'auroit fait à (e
marier. Mais en de pareils cas, on ne doit rien faire
fans avoir confulté Ce^ Supérieurs Eccléfiaftiques.
Une choie vaine , inutile ou abfolument indiffé-
rente, ne peut être la matière d'un vœu. Ce feroit
une folle promefle qu'on feroit à Dieu Ci on lui pro-
mettoit de faire une chofe de cette nature. L'Ecclé-
fiailique nous apprend ch. 5. qu'une telle promeffe dc-
plairoit à Dieu ^ ; c'eft pour cela ^u'ii eft dit dans iç
d Dlf^Uçci ei iiiàlu promifEo^
'iiSo Conférences d'Angers' ,'
Can. Non pejerabis, ch. 22. q. 4. qu'on doit tévoquet
les vœux où il y a de la folie ^, Une femme qui au-
roit ainfî fait vœu de ne point filer le Samedi en Thon-
îieur de la fàinte Vierge, ou de ne point travailler
dans la Semaine fàinte , ne fèroit nullement obligée
d'exécuter ce vœu qui tiendroit beaucoup de Ir., vaine
oblervance.
Si pourtant une chofe qui eft de foi indifférente,
eft devenue moralement bonne par quelque circonf^
tance, elle peut être le flijet d'un vœu; par exem-
ple , fî quelqu'un s'appercevant que l'entrée en une
niailbn lui eft une occafion de péché , fait vœu de n'y
point entrer, par ce motif fbn vœu eft valide , & il
doit l'obfèrver; au lieu que fi, fans aucune raifon , il
faifoit ce vœu , fbn vœu fêroit ridicule , parce que
c'eft une chofe purement indifférente que d'entrer en
une maifbn.
S'il arrive que quelqu'un fafTe vœu d'une bonne
chofe , pour une fin indifférente ; comm.e fi un hom-
me fait vœu de jeûner afin d'épargner fon bien, otî
eftimc qu'il eft obligé d'exécuter fbn vœu & de chan-
ger fon intention. Tous les Théologiens néanmoins
n'en conviennent pas.
Nous avons dit que le vœu eft une promeffe faite
à Dieu , car c'eft à lui feul qu'on fait des vœux , le
vœu étant un ade du culte de Latrie qui ne fê rend
qu'à Dieu feul. Il eft bien vrai qu'on peut faire une
promelTe dire<5tem,ent à un Saint, & que, comme l'eii-
feigneS. Thomas 2. 2. q. 88. art. 5. dans la réponfe à
la troifieme objeélion , cette promefl'e peut être la
matière d'un vœu , en tant que nous faifons vœu a
Dieu d'accomplir la chofè que nous avons promile a
un Saint ; mais ce n'eft que par une façon de parler
populaire & impropre qu'on appelle cela faire vœu a
un Saint : à parler jufte, c'eft à Dieu qu'on fait vœu.
V^vete & reddite Dcmîno Deo veJJro. Pfal. 75. Si en
faifànt un vœu, on joignait le nom d'un Saint a ce-
lui de Dieu , difiint, je fais vœu à Dieu & à un tel
Saint, cela marqueroit feulement qu'on fait le vœu en
l'honneur d'un tel Saint, ou en prcl'enee d'un tel Saint je
e Stulia Vota frangenda fum»
fur Us Co mm an démens de Dieu, 2 8 1
cpj'on prend à témoin , ou qu'on invoque pour obte-
nir de Dieu par Ton interceffion les grâces dont on a
befoin , pour accomplir dignement le vœu que l'on
fait , comme $. Paulin demandoit à S. Félix qu'il lui
facilitât les moyens d'arriver à Ton Tombeau où il
avoit fait vœu d'aller,
Obtritis qtia nos mîmîca retardant,
Pande vîas faciles ; &Jî properantibiis ad te
Invidtis hojlis obejî , objecta repagula felUm
On remarquera ici en pafTant que c'efl une ancien-
ne coutume dans l'Eglile de faire des vœux en Thon-
jîeur des Saints. Nous en trouvons des exemples dans
le premier , le lecond & le troi/ieme poème de Saine
Paulin fur S. Félix, dans Grégoire de Tours, dans le
Liv. 2, . de l'Hift. de France au ch. 7. où il efl dit que les
gens que Clovisl. avoit envoyc's àl'Eglifè de S, Mar-
tin , pour implorer, par rintercellion de ce Saint , le
fècours de Dieu contre Alaric Roi des Vifigcths , fi-
rent des vœux à S. iMartln ^ : op. en trouve de plus an-
ciens exemples dans Eufebe , liv. iz, de la Prépara-
tion Evangélique, ch. 8. & p. en Pallade dans l'Hit-
toire Lau/iaque ch. 113. & en plufieurs autres Ecri-
vains Grecs.
Enfin on a dit que le vœu ed une promeiTe faite li-
brement & avec dclibcration , c'efl-à-dire , que le vœu
doit être fiit par un mouvement libre delà volonté,
& après avoir penfé férieufement , & examiné à quoi
on s'oblige par le vœu : car pour s'engager, il faut
(Ravoir à quoi on s'engage, y penfcr, l'examiner &
être libre pour le faire : ainfi les vœux qui ont été
faits par lc?éreté d'efprit, fi inconfidérément, &: avec
tant de prccipiLuion , qu'on n'y ait fiit aucune ré-
flexion ne (ont pas proprement des vœux , faute de
délibération, parce que, comme raifbnne S. Tho-
mas dans l'art, t. de la même queflion , la promefîb
qui fait l'effence du Vœu , ell une fuite & un effet de
la réiblution qu'on a prife de faire une chofc ; oc
/ Vota b.Mto Confcflbri promittcntcs»
'âo2 Conférences d'Angers ;
toute réfôlutlon doit être précédée de quelque (déli-
bération, puifque c'eftl'aâe d'une volonté délibérée ;
par conféquent , il faut que la perlbnne qui fait voeu ,
délibère liir la chofe qu'elle veut faire ; qu'elle forme
ia réfblution de la faire ; enfin qu'elle promette d'ac-
complir ce qu'elle a délibéré de faire S.
La délibération requife pour rendre un vœu valide ,"
ne doit pas être plus grande que celle qui eft nécef^
faire pour faire un péché mortel ; c'efl pourquoi com-
me un homme qui conlent volontairement à une ten-
tation criminelle dans une matière de conféquence ,
pèche mortellement, quoiqu'il ne faffe pas attention
a plufieurs chofes qui auroient pu lui faire (iifpendre
fon confentement , de même celui qui par un mou-
vement fubit de dévotion , fait volontairement &
avec advertence un vœu à Dieu en de certaines cir-
conftances qui l'en auroient détourné s'il y avoif
frdt une plus férieule attention, eft néanmoins oblige
d'accomplir Ton vœu ; mais cette légèreté d'elprit &
cette précipitation (ont une caufe pour en obtenir la
difpejifè.
C'efl une condition eflentielle à la matière du
vœu d'être poiîibie , car on ne peut s'obliger à faire
une chofe impcfTible, Par cette raifon on regarde
comme nul le vœu qu'on auroit fait de ne jamais pé-
cher dans tout le cours de la vie , car on ne peut
s'exempter de tout péché , fans un privilège de Dieu
tout particulier.
Quand quelqu'un a fait vœu d'une chofe qui lui efl
en partie poiîibie, & en partie impoffible , s'il a re-
gardé cette chofe comme failant un tout avec Tes par-
ties, & ain/î comme un feul & unique objet de fbn
vœu, & qu'il n'en ait point voué les parties féparé-
ment , il n'ell obligé en rien à accomplir ce vœu ,
quoique ce qui eft poflfible puifTe être féparé de ce
qui eft impclTible,
g PromliTio procedit ex pro -
pofito facicndi, propolîtum au-
tern aliqiiam deliberatioriem
prxcxigit , cùm fit aifliis voliin-
(Atis deiiberatsf. Sic ergo ad
Votum tria ex necefTîtate re-
quiriiruiir ; frimô qiiidcm de-
liberatio , fecundè propolinijn
voluntatis, tertio proaiifiio in
^ua perficitur ratio Voti,
fur Us Commandemens de Dieu, 2S5
Pour cclaircir cette dcci/îon , nous rapporteron.-î
Ici quelques exemples. Un homme a fait vœu d'entrer
en Religion, ou de jeûner certains jours, (ans avoir
eu une intention particulière de vouer la continence
ou l'abftinence de viande ; G cet homme ne peut en-
trer en Religion , ou s'il ne peut jeûner les jours qu'il
a promis , il n'efl pas oblige de garder la continence
toute (a vie , ni de s'abllenir de manger de la viande
les jours qu'il ne peut jeûner : de même nous dilons
tju'un homme qui a promis à Dieu de faire bâtir une
Églife , s'il ne peut en faire faire que les fondemens ,
n'y eft pas obligé en venu de (on vœu , parce que
quand il a fait (en vœu , il avoit dans refprit l'idée
dune Egli(e (elon toutes (es parties, Se (on inten-
tion étoit conforme à cette idée. Au contraire , (î
quelqu'un avoit fait vœu de jeûner tous les jours d'urr
mois, s'il ne peut jeûner un jour de ce mois , il n'eft
pas dilpenfé de jeûner les autres jours du même mois ,
quand il peut le faire. La raifon ed qu'en faifdnt fou
vœu , il n'a pas regarde les jours de ce mois, com-
me faifànt un tout, mais fcparement, non colîeciivç-
jed divifan , comme parlent les Théologiens.
On ne peut faire vœu d'une chofe qui eft nécefTaire
d'une néceiïité ablblue qu'on ne peut par conféquent
éviter. Ainfi ce (croit follement qu'on feroit vœu de
mourir quand il plairoit à Dieu ; puisqu'il n'eft pas
au pouvoir de l'homme d'éviter la mort, ni de mou-
rir que dans le tems qu'il plaît à Dieu. Mais on peut
vouer une choie qui efl: leulement nécefl'aire de né-
cefTité de moyen pour arriver à une fin. Ainfi quoique
dans les vœux on ne promette ordinairement à Dieu
que des biens de furérogation , auxquels on n'efl point
obligé, néanmoins on peut s'engager par un vœu à
f lire les chofes qui nous font cominandées par le Sei-
gneur ou par l'Eglilè , & qui (ont néceffaires au falut,
comme l'on peut promettre aux hommes les choies
aufiuellcs on efl obligé. La raifon qu'on peut rendre,
c'ert qu'il fulfit que la chofe qu'on promet par le vœu
fuit poffible & meilleure que ce qui lui eft oppofé; or
il efl pofl'ible d'obferver les Commandemens de Dieu
& de l'Eglife , & c'efl un plus grand bi^n de les ob^
ièryer que de les négliger.
'284 Conférences d^ Angers :
On peift faire vœu en deux manières dés choies
qui nous font commandées , où bien avec intention
de s'engager de nouveau , comme par un fécond lieil
à faire ces chofes ^ alors il y a une double obligatroti
de les faire : l'obligation du Précepte , & l'obligation
du vœu ; iî bien que celui qui manqueroit à les ac-
complir, commettroit un double péché, & il fer oit
obligé de déclarer cette circonflance dans la confef^
fîon : ou bien ce vœu fe fait fans aucune volonté de
s'impofèr une nouvelle obligation, mais feulement
pour déclarer qu'on reconnoit être obligé à faire ces
choies , & que l'on veut s'en acquitter. C'efl en ce
fèns , félon S. Auguflin , fèrmon 7. de tempore , fuivant
les anciennes éditions , que feroit vœu une perfonne
qui fe connoifTant adonnée à l'impureté , diroit à
Dieu : Fiiffîme Domine , mifericordiffime Detts , fiiffi-
cîat mihi quod hue ufque peccavi .... quod fcstoribas
carnis mea fathfeci , jayn mmc te jnfpirante ^ voi'eo me
à neauida msa converfurum.
îi y a trois conditions requifes en ceux qui s'enga-»
gent dans des vœux , afm que leurs vœux foient vé-
ritables & valides ; fçavoir , la connoiffance , la li-
berté & le pouvoir de difpofer de la chofe qu'on
voue.
La conhoiflance étant nécefîàire pour pouvoir s'o-
bliger à quelque chofe , il faut abfblument que les
peribnnes qui s'engagent dans des vœux, ayent l'u-
fage entier de la raifbn ; ainfi les vœux que font ceux
qui en font entièrement privés , ou qui ne l'ont pas
encore atteint , ou qui ont la raifon troublée par une
palfion fi violente ; qu'elle ne leur en laifle pas l'u-
i^^ge libre , font nuls & invalides. Tels font les vœux
que fait un homme yvre , un fou , un furieux dans
l'accès de la folie ou de la fureur , un homirie qui eft
en délire , un enfant.
Comme ordinairement on n*a l'ufâge parfait de la
raifbn qu'à l'âge de puberté , on dit généralement
parlant avec S, Thomas, 2. 2. q. 88. art. 5;. que les
vœux des impubères font nuls par défaut de connoif-
fance & de délibéraiion ; c'efl fur cela qu'eft fondé
le Can. Firmay ch. 20, q, i. Firma atmm tune ah
fur les Coimnandemens de Dieu, 2 8 y
fyofi'Jpo Virginitaùs , ex quo adulta cetas ejfe cœperit >
^ ta qiix [olet apta nuptiis deptitari ac perfecïa. S'il ar-
rive que la nature foit Ci avancée en des garerons,
uvant quatorze ans complets, & en des filles avant
douze, qu'ils ayert afTez de connoiiïance pour pou-
voir délibérer ruftlfàmment (ur une chofq avant que
de s'y engager, ce qu'on appelle en Droit être y doit
capaxy ils peuvent Ce lier par des vœux fïmples ; car
le droit pofitif ne les a point déclarés inhabiles à
cela ; mais le Père ou le Tuteur , fous la puifTance
de qui ils font , peut annuler leurs vœux , comme nous
le ferons voir ci-aprcs. Quelque connoiffance que les
impubères ayeni , ils ne peuvent s'obliger par des
vœux (blemnels; la raif)n de cette différence eft y
comme enfeigne S. Thomas dans le mcme article ,
que le vœu fimple tire toute (à force de la délibéra-
tion , par laquelle on a intention de s'obliger à faire
ce qu'on promet , au liçu que les vœux lolemnels
n'ont de force qu'autant qu'ils (ont conformes aux
loix de l'Eglile : & elle a jugé que les impubères
étoient inhabiles à faire des vœux folemnels , comme
çn le voit chap. Non foliim. De Kegularibus in 6°m
Par le Droit nouveau, établi dans la fefTion z<^.du
Concile de Trente, chap, if. des Réguliers, on ne
peut s'engager dans aucune Religion par un vœu ib-
lemnel avant l'âge de feize ans accomplis. L'Ordon-
nance de Blois, art. z8, s'cft confirmée à ce Décrçt^
& c'eH ruHige.
On regarde comme nuls par défaut de connoinan-
ce les VŒUX qui Ce font par erreur & par ignorance,
1°. Quand l'erreur & l'ignorance Cçnt Ci groliieres
que celui qui fait un va'u , n'en connojt ni la nature
ni la force , comme s'il ne fcait pas que le va^u oblige
à faire ce qu'on a promis.
2°. Quand elles regardent la fubHance de la ma-
tière du vœu , ou fes conditions effentiellcs ; par
e:x:eniplp , fipn fait vœu d'entrer dans une Société ou
Communauté , où l'on ignore qu'on (bit obligé par
les Conrtitutions de renoncer à la propriété de Ces
biens, & que l'on croye qu'on a droit de les retenir.
(Ce vœu efl nul, à moins que celui qui auroit vouç
'a26 Conférences d'Angers ,
d'entrer en cette Société , n'eût eu une Intention gé-
nérale de s'obliger à tout ce qui s'y pratique , ou quî
s'y doit pratiquer,
3^. Quand elles roulent fur des conditions accident
telles qui font fi importantes , qu'un homme fâge
peut regarder ces conditions comme efTentielles ; par
■exemple, fi quelqu'un a fait vœu d'aller à Jerufaiem ,
fe perfuadant qu'on y va en peu de jours & fans s'em-
barquer fur la mer.
4°. Quand la fin principale , qui a porté à faire le
vœu , étoit tout autre qu'on ne l'a cru ; comme fi un
enfant croyant que fbn père efl dangereufèment ma-
lade, fait vœu d'un Pèlerinage, pour obtenir de Dieu
îa fanté à Ton père ; & que ce père fe portât parfai-
tement bien , ou fût mort dans le tems que le vœu a
été fait.
Quand l'ignorance & Terreur ne foulent que fur
des conditions accidentelles & de peu de conlequence,
qui ne font que l'accelToire du vœu , il n'en a ni plus
ni moins de force , puifque alors la volonté confènt à
ce qri efl de principal dans le vœu , & que le principal
attire à lui l'accelToire.
La liberté efl aufH nécefTaire que l'ufage de raifôn
pour la validité des vœux ; & ce qui prouve que ceux
qui n'ont pas l'ufàge de raifbn, ne peuvent s'obliger
par des vœux , fait voir que ceux qui ne font point
libres , ne peuvent non plus s'y engager. Par exem-
ple, les foux , les furieux, durant leur emportement
& les enfans qui n'ont pas l'ufàge de la raifbn , ne
peuvent faire des vœux , parce que n'ayant pas afî'ez
de connoifTance , ils ne font pas en état de faire un
choix libre & volontaire , ainfi que le reconnoît In-
nocent III. chap. Sicîu ténor , de Regularibus ^.
L'Egiife a jugé que la liberté étoit tellement né-
cefTaire pour la validité d'un vœu , que le Concile de
Trente 5 feiTion ij. ch, ly. des Réguliers) ordonne
h Si tamen eo tempore quo
Sacerdos lator praefentium, po-
fînis extra mentetn afleri'ur,
induttis fuit habita Monachali :
cùm alienacus non fentiac % ac
per hoc non valear confenti-
re , eum denunnctis ab obfcr-
vatione îvlonaftici crdinis aU-"
folutum.
fur les Commandcmens de Dieu. 2 87
que les filles qui auront pris l'habit de Religion , ne
pourront faire profelfion que l'Eveque ne les ait exa-
minées auparavant, pour voir /î elles n'y font point
contraintes; fi elles n'ont point ctc fcduites ; C\ elles
ft^avent ce qu'elles font , & C\ elles embrafient cet état
volontairement & librement; ce qui s'obferve exac-
tement dans ce Royaume : le Décret du Concile y
ayant été reçu par l'article iS. de l'Ordonnance de
Blois».
Le même Concile , pour procurer à ceux qui font
les vœux de Religion, cette liberté fi néceflaire, pro-
nonce dans le chapitre fuivant, l'excommunication
contre toutes fortes de perfonnes de quelque condi-
tion qu'elles fiaient , qui contraindroient une fille à
faire la profefllon Religieule, ou qui coopéreroient
en quelque manière à une profefiTion qu'elles fçau-
roient qu'une fille ne fait pas de Ton plein ^ré.
Avant ce Concile, les Pape's avoient déjà déclare
que l'Eglifea en averfion les vœux auxquels les par-
ties n'ont pas donné leur confêntement avec une li-
berté entière. Cela paroit par le ch. Sigiîijîcautm , par
le ch. Cum vinim , 8c par le ch, Cumjinius , dans les
Décrétales, au titre de Rce;ularibus.
Ceux qui ufent de fineffe, ou de mauvais artifices,
ou de fauffes raifjns pour engager les jeunes gens à
embrafTer l'état Religieux, font coupables d'un péché
trcs-grief. Ce qui le doit entendre non-fèulement des
Parens , qui tendent par ce moyen à fe défaire de leurs
enfans , qui (ont mai faits, ou ont peu d'efprit, ou à
fe décharger de quelques-uns pour enrichir les autres ;
mais audi des Religieux Se Religieufes qui llirpren-
nent ainfi les jeunes perlbnnes , (bit pour enrichir
leurs mai(bns , foit pour favorifèrles mauvais defleins
i Libertati protcffionis Vir-
ginum i)eo dicandarcm prof-
piciens fana» S) nodus, lUtuit
atqiie dc>.ciinc , ut fî puerlla
qux habit.ini l<.tguljrcm fufci-
pcrv." voliierit , major duodc-
citii zntHS fit, non ante cuni
fufci^nac , ikc poltca 'i\^U vci
al ta profefTionem emittat,quàtn
txploraverir K^)ifcopus
V'jrginis volimtatem diligen-
tcr , an coatla , an feduda fit ,
an fciat quid agat , & f\ volun-
ras ejus pia ac libéra cognii»
tîicrit , &c.
'288 Conférences (T Angers ,
des Parens. Ce n'eft pourtant pas un mal, maïs un
bien", félon le (èntiment de S. Thomas, 2. 2. q. Sp»
art. p, de porter les jeunes gens à embrafîer la vie Re-
îigieufe , quand on appercoit en eux de faintes dilpo-
fitions pour ce genre de vie, ou qu'il y a lieu de crain-
dre qu'ils fe corrompront dans le monde. Au contrai-
re , ce leroit un grand mal de les en empêcher , ou
de les en détourner fans de bonnes raifons, particu-
lièrement s'ils y ont du penchant. S. Chryfoiiome li-
vre 3. adversus vimperatores vitx Monajîicce , ch. ip,
blâme fortement ceux qui les en détournent, & ceux
aufîi qui tâchent de les en détourner , quoiqu'ils ny
réufîiilent pas ^.
lue Concile de Trente, feflion 25. ch. 18. de Regu-
laribus , prononce également l'excommunication
contre toutes fortes de perfbnnes , qui fans de jufles
caufes, empêchent avec violence les filles de prendre
le Voile, ou de faire les vœux de Religion, comme
contre ceux qui les y contraignent.
La liberté efl tellement necefTaire dans les perfon-
nes qui font des vœux , qu'on eflime qu'un vœu fîm-
ple de chafleté qu'une jeune fille fait , à la fbllicita-
lion de fon ConfefTeur , & par complaifànce pour lui y
ne doit pas être cenfé valide. C'eft le fèntiment de M,
de Sainte-Beuve, tome 2. de fèsRéfblutions , cas 9^,
Comme la crainte ôte quelquefois la liberté du
conlèntement , & que quelquefois elle ne Tote pas ,
on demande fi elle rend toujours les vœux nuls. A
cela on répond, 1°. qu'une crainte légère n'empê-
che pas la validité d'un vœu , puifqu'elle n'empêche
pas qu'il ne fbit volontaire & libre ; aulli dans le
Droit Canonique , on n'a point d'égard à cette crain-
te 5 au moins dans cette matière , comme nous le
t Ne fie qiiidem fiipplicîa
evadcre poflemus : cùm & his
<]iii ad diligentioris deledum
vitae properant , impedimento
fiiifl'emus , & eos mundanis ré-
bus obligatos teneamus , qui
ad Cccliim cvolare ciipiunr , bâtis, ex propofito illos deje
«»»..„ :_ 1:1 -• _:/T~„-:.
ac^us in auus vers Ubçjuùs
emergere. • • t , ïtaqHC etfî ni-
hil valueritis ad dejiciendos &
pervertendos forres filiorum
animos , hujus lamen iniquiffi-
mi conatûs lanias pocnas dabi-
tis, quantas > fi id quod cupie-
voyons
fur les Commandemens de Dieu, 289
Toyons ch. Cum dileClus , de iis aux vi metuve , &Cm
Ce qui eft conforme à la règle du Droit Civil. Va-
ni timoris jujîa excufatio non cjl. i. Que Ci la crainte
cû grieve & capable d'ébranler un homme ferme &
confiant , il faut diftinguer deux fortes de craintes ,
Tune qui vient de quelque caufe naturelle ou inter-
ne , telle qu'eft la crainte de mourir , caufce par
une maladie dangereuse , celle du naufrage , par
une tempête , celle de la damnation éternelle , par
\à connoiflànce de nos péchés. Cette crainte ne rend
pas les vœux nuls & invalides , pourvu qu'ils (oient
faits avec délibération , parce qu'elle n'ote pas la
liberté , puifqu'elle ne force pas la personne qui fait
\in vœu à le faire , mais elle s'y porte d'elle-même
pour éviter un plus grand mal ; ain/î cette crainte
n'eft pas la caufe , mais feulement l'occa/îon du vœu.
C'efl pour cela qu'Innocent IH. ch. Sicitt nobis , de
Rcgidiirihus , veut qu'un Clerc qui le voyant malade
à l'extrémité , avoir reçu l'habit de Chanoine Ré-
gulier qu'il avoit demandé , fiif contraint par l'auto-
rité Eccléfiaftique à oblerver la règle des Chanoines
Réguliers. Que C\ dans cette forte de crainte , un
homme faifbit vœu par un mouvement fubit & pré-
cipité , & (ans délibération , le vœu ne (eroit pas
eenfé valide.
Il y a une autre (orte de crainte grieve , qui vient
d'une caufe étrangère & libre , & il faut faire de
nouveau une diftindion. Car ou c'eft une juile crainte
à laquelle on a donné fujet ; par exemple , C\ un
homme craignant d'ctre puni de mort pour Tes cri-
mes , fait vœu de Religion , afin d'éviter le dernier
fupplice, le vœu eft valide. La Congrégation des
Cardinaux pour l'interprétation du Concile de Trente
l'a déclaré au rapport de Fagnan fur le ch. Si qttis ,
de Regularibus, Bien plus , il une femme q\â a com-
mis quelque crime énorme , avoit été condamnée
par la Jullice à faire profellion dans un Monaftere
pour y finir (es jours , (on vœu feroit val.de , Se
elle ne pourroit Ce plaindre de la violence qui lui
auroit été faite ; parce que c'eft une peine qu'elle a
juftement méritée , & qu'elle pouvoit éviter en s'abf^
Tome U ■ N
a^o Conférences d'Angers,
tenant du crime qu'elle a commis. Cela paroît décidé
par le chap. de Regularibus , au titre de Simonia.
Ou c'eil une crainte caufée injuftement à une per-
ibnne , à defTein de lui faire faire un vœu , comme
quand un Père fait de mauvais traitemens ou des
menaces violentes à fâ fille pour l'engager à fe faire
Religieufe. Le vœu (blemnel qui a été fait par cette
crainte eft nul ; cela eu décidé par le chap. Perla-
mm , & par le chap. Ciim dileClus , de Us qux vi me-
tuve , Ù'c. & par le Concile de Trente , Seflîon i^,
ch. 17. de Regularihiis. Cependant pour (e dégager
de ce vœu , il faut qu'il foit déclaré nul par une Sen-
tence du Juge Eccléfiaflique , de forte qu'un Reli-
gieux qui connoit la nullité de la profeffion, ne peut
de Ton chef & fans autre formalité quitter fbn Or-
dre , & fe rétablir dans fbn premier état , félon le
même Concile au même endroit chap, 151,
Quelques Dodeurs difènt pareillement que le vœu
fîmple qui a été extorqué par cette forte de crainte
efl nul. Les raifons qu'on en peut donner avec la
gloiê fur le chap. Ahhas , de iis qua vi menti e j ù'c,
font que nous promettons à Dieu par le vœu une
chofe qui n'eft que de confèil , à laquelle nous ne
(bmmes obligés par aucun commandement , mais
que nous fbmmes maîtres de faire ou de ne pas
faire ; c'ell pourquoi il faut que le vœu fbit fait
avec une entière liberté , autrement il ne fèroit pas
u/i vœu. Or il n'y a rien de plus oppofé à la liberté
du confentement , que la violence & la crainte , lîii-
vant la règle né. du Droit civil au Digelle livre
50, tit. 17» Nihil cc7jfenfui tam contrarhim efl , quant
vjs atque metus , quem ccmprobare , contra boncs mo-
res e[t. Et certainement Dieu n'a pas agréable les
facrifices qu'on ne lui oflVe que par force & non
pas volontairement. Voluntarium militem Jîbi eligit
Chrijlits, Can. l>ion ejl» c. 15. q. i.
Mais comme tous les Auteurs ne conviennent
pas fiir cette dernière queflion , & que l'opinion con-
traire fur laquelle on peut voir Suarez au livre i.
de Voio , ch. 7. & 8, paroît très-bien fondée : le plus
fur & h plus prudent d^ns ces renconue$ eft de re^
fur les Commandemens de Dieu. 2p î'
courir à Tautorité Eccléfiaftique , pour obtenir di(^
pcnfe d'un vœu fimple qu'on auroit fait par force,
ain/î qli'on le doit pratiquer , fuivant la définition
du Pape Alexandre III. au ch. Debitores & Si vero
de jiirejurando , à l'égard d'un ferment extorqué pat
une {emblable violence.
Si on avoit imprimé de la crainte à une personne
fans delTein de lui faire faire un vœu , mais pour
un autre fujet ; par exemple , fi un père châtie ou
menace de châtiment fà fille pour fès débauches y
afin de lui faire changer de vie , le vœu qu'elle fe-
roit de fe faire Religieufe (eroit valide , & elle (è-
roit obligée de l'exécuter. La crainte qu'elle auroit
eu , n'auroit pas été la caufe de fbn vœu , mais feu-
lement l'occafîon.
Enfin , il eft nécefiaire que la chofe vouée (oit au
pouvoir de la perfonne qui fait vœu , & qu'elle dé-
pende de fa volonté , ou il faut avoir le contente-
ment des perfonnes de qui la chofe dépend. Il s'en-
fuit de-là , que les Religieux ne peuvent faire cer-
tains vœux , ni les enfans impubères , ni le marî
(ans le consentement de fi femme , ni la femme
fans celui de fon mari , à l'égard des chofès pour
raifon defquelles ils dépendent l'an de l'autre , ce
que nous expliquerons plus amplement dans la ré-
ponfè à la troi/îeme Queftion»
Quand il s'agit donc de juger fi un vœu eft véri-
table & valide , il faut obferver 1°. Si celui qui a voué
étoit en état & en pouvoir de le faire; s'il a été li-
bre , s'il a eu la connoiffince de ce à quoi il s'enga-
geoit , & s'il l'a fait avec une pleine délibération»
i°. S'il a véritablement fait une promede à Dieu avec
intention de s'obliger. 3°. Si la choie à laquelle il
s'eJft oblige eft bonne de foi , & même meilleure que
celle qui lui elî oppofée.
Comme le vœu efl une loi pa-ticuliere que s'im-
pofe celui qui le fait , il faut interpréter le vœu fiii-
vant l'intention de celui qui a voué , de même qu'il
faut expliquer les loix publiques fui/ant l'intention
du Légiflateur qui en eil l'auteur ; & C\ l'intention
de celui qui a fait voeu ne puroit clairement , on
N ij
29 2 Conférences d'Angers^
doit entendre fbn vœu fùivant le Cens dans lequel
on prend communément les paroles dont il s'efl
ffrvi. Cependant il faut toujours faire plus d'atten-
tion à l'intention de celui qui a voué , qu'à Ces paro-
les ; car on peut énoncer une fimple réfolution dans
les mêmes termes dont on Ce Cerz pour exprimer un
vœu ; par exemple , un homme qui fait une réfolu-
tion de ne plus jurçr , peut dire, je promets à Dieu
de ne plus jurer, il n'a pas pour cela intention de
faire un vœu , & le terme je promets , fignifie félon
fon intention , je me propofe ou je fais réfolution
de ne plus jurer,
faeaBMas^BaBfggpjaHttJBia^atswiM
II. QUESTION.
Combien y a-tnl de fortes de Vœux ? EJl-on
obligé d'obferver les Vœux qu'on a faits ,
ou ceux que d'autres ont faits
pour nous ?
N divife les vœux en trois claïïes ; dans la
première on met les Abfblus & les Condition-
nels ; dans la féconde , les Perlbnnels , les Réels &
les Mixtes ; dans la troi/îeme, les Simples &les So-
iem.nels.
Le vœu abfblu eft celui qui ne dépend d'aucune
condition , c'eft pourquoi on efl obligé à l'accom-
plir au plutôt. C'eil de ce vœu dont on doit enten-
dre ces paroles du chap. zj, du Deutéronome ^,
Le vœu conditionnel eft celui qui dépend d'une
condition qu'on y a mife. Il n'oblige qu'après que
la condition eft accomplie ; par exemple , je promet»
à Dieu de me faire Religieux , C\ mon père guérit
de ik maladie , je ne fuis tenu d'accomplir ce vœu
a Cùm votum vovens Do-
vnino Deo ttio , non tardabis
teddete j ^uia re^yirei iU«d
Dominus Deus tuus : 3c fi
moratus fucris , reputabitur ti*
bi in peçcatumt
fur les Comman démens de Dieu, spj;'
qu'après (à guérifbn. Cependant tandis qu'on attend
révcnement de la condition , on ne doit pas Ce mettre
hors d'ctat d'accomplir Ion vœu,lorrqLie la condi-
tion fera arrivée ; ainfi celui qui auroit fait ce vœu
pécheroit , s'il Ce marioit avant que Ton père fùc
mort de Cà maladie.
Pour qu'un vœu (bit conditionnel , il faut que la
condition ait été appofée à la promelTe au moment
qu'on l'a faite ; car fi la promefTe a été abfolue , &:
qu'on n'y ait ajouté la condition qu'après coup , le
vœu efi cenfé abfblu. Il faut en outre que la condi-
tion Cous laquelle le vœu le fait , regarde une cho(e
future qui peut être ou ne pas être. Si la condition
eft d'une cho(e présente , ou pafTée > ou qui doit né-
Ceffairement arriver ^ par exemple , je promets à
Dieu de garder la chafteté , û mon père eft en vic',
ou s'il eft mort , ou fi le Soleil Ce levé demain , le
vœu a la même force que s'il étoit abfolu. Car C\ la
condition exille au moment qu'on fait la promefTe à
Dieu , l'obligation de l'accomplir a lieu dès ce mo-
ment , & une chofe qui doit necefTairement arriver ,
efl regardée comme fi elle Tétoit déjà.
Le vœu conditionnel efl: quelquefois un vœu pé-
nal qu'on fait pour s'abflenir de quelque crime, com-
me fi on promet à Dieu de donner cent écus aux:
^^auvres fî l'on Ce parjure. Ce va^u peut être dou-
ble , car un homme peut en même tems faire vœu
de ne fe point parjurer , & que s'il fe parjure , il
donnera cent écus aux pauvres ; c'eft ce qu'il faut
expliquer en Confefïion.
Le vœu perfonnel , eft celui qui a pour matière
nos perfonnes ou nos adlions , comme lorfqu'on fe
confacre à Dieu en recevant les Ordres facrés , ou
par la profefllon Religieufe, ou qu'on promet à Dieu
île jeûner , de faire telle prière , d'aller en pèleri-
nage, &c. Par cette forte de vœu on s'engan-e per-
fonnellement ; ainfi c'efl celui qui Ta fait qui le doit
acquitter lui-mcme : il ne peut le faire accomplir pac
un autre, car fôn intention a été de s'obliger fbi-mcme
à acquitter fa promefTe , puifqu'il promettoit à Dieu
ce qui étoit de Con propre fait & non du fait d'4u^
N iii
5p4 Conférences £ Angers »
tru'u C'eft pourquoi David dit PH 6^» Seigneur , j^
m'acquitterai envers vous des vaux que mes lèvres
ont proférés ^. Celui donc qui a fait vœu de jeûner ,
îie latisferoit pas à fon vœu , s'il engageoit un au-
tre à jeûner pour lui , & s'il ne peut jeûner , il n'efl
point obligé de charger un autre de jeûner pour lui.
Il n'y a même que celui qui a lait le vœu personnel
qui (bit obligé de l'exécuter , Tes héritiers n'y font
point tenus , à moins qu'ils n'ayent ratifié le vœu
par leur confèntement , en ce cas ils y font obligés ,
en vertu de la promefTe qu'ils ont faite au défunt de
l'accomplir pour lui.
Quand le Pape Innocent III. dit dans le chapitre'^
Quodfuper his au même titre , que fi quelqu'un avoit
fait vœu d'aller à la Terre-Sainte , & qu'il ne pût faire
ce voyage , il pouvoir faire acquitter fon vœu par
un autre , il ne regardoit pas ce vœu comme per-
ibnnel , mais comme réel. En effet , il étoit prefque
toujours réel en ces tems-là , car on ne le faifoit
qu'en vue de lècourir les Chrétiens qui gémilToient
ibus la captivité des Infidèles.
Le vœu réel efl celui dont la matière eft hors de
îîous , comme font les biens temporels ; telle eft la
promelFe faite à Dieu de donner une Ibmme d'ar-^
gent aux pauvres , de faire bâtir une Eglile.
Le vœu mixte eft celui dont la matière efl per-
sonnelle & réelle , comme quand on promet une
adion qu'on doit faire foi-même , & tout ensemble
quelqu'autre chofe : par exemple , fi on promet à
Dieu d'aller vifiter les Hôpitaux, & de leur faire
des aumônes en les vifitant.
Le vœu réel pouvant être acquitté par un autre
que par celui qui l'a fait , fes héritiers font tenus
de l'acquitter quand il ne l'a pas accompli lui-mê-
me. C'efi: une dette de la fuccelTion qu'ils doivent
payer , fuivant la décifion du ch. Licet de veto, du ch.
Si haredes , de teJJamer.tis j 8c du ch. Ex parte, de cen-
fîbus. Mais cela fe doit entendre C\ la fuccefTion de
celui qui a voué eft capable de flipporter cette^
h Reddam tibi vota mea j ^u« diftinxerant labia mca»
fur Us Commandemens de Dieu, ^py
charge, & (aufla légitime derhériticr, celui quia
fait vœu n'a pu engager cette légitime; d'où vient
que S. Auguftin rapporté dans le Can. Quicumque
c. 17. q. 4. difoit que C\ quelqu'un deshéritoit fes
enfans pour faire FEglife Ton héritière , il cherchât
un autre que lui qui voulut accepter Ton don, mais
qu'il n'en trcuveroit point qui put le faire , fans ir-
riter Dieu ^»
Quant au voeu mixte, l'héritier eft obligé de Tac-
qultter en tant qu'il eft réel , quoiqu'il n'y foit pas obligé
en tant qu'il efl perlbnnel.
Le vœu Iblemnel eft une promeffe faite à Dieu ,
par laquelle un homme ou une femme fe livre &
fe confacre tout entier au (ervice de Dieu , & qui a
été acceptée par un Supérieur Eccléfiaftique de la
part de l'Eglise au nom de Dieu. La folemnité du
vœu ne ccnfille donc pas daus la feule tradition ou
confécration qu'on fait de fa perfonne au fervice
de Dieu , mais auffi dans l'acceptation qui en ed
faite au nom de Dieu , de la part de l'Eglife : el-
le renferme l'une & l'autre ; de-là vient que les vœux
faits dans des (bciétés qui ne font pas approuvées
de l'Eglife pour un état Religieux, ne font pas des
vœux folemnels de Religion ; parce que les Supé-
rieurs de ces fbciétés n'ont pas le pouvoir d'accep-
ter ces vœux de la part de l'Eglife au nom de Dieu.
Ajoutez à cela que félon Tufâge de l'Eglife, le vœu
fblemnel doit être accepté absolument & pour tou-
jours , puifqu'il doit être perpétuel , tant en fon ac-
ceptation qu'en la tradition de la perfonne qui fait
le vœu.
Nous reconnoilTons deux flirtes de vœux folem'»
Jiels, le premier eft la profeffion qu'on fait publique-
ment dans un Ordre Religieux approuvé par l'E-
glife, après une année complette de Noviciat. Le fé-
cond cft le vœ-u tacite de chafteté qu'on fait en rece-
vant un Ordre facrc.
c Quîcuniqiic vult cxhnfre- 1 fufcipiat , non Aiiguninum :
oato filio hctredem facere Ec- irr.o Dco propitio non uliuni
clcfiam , qiijcrct altenim oui I invcoiet»
N iv
a^6 Conférences £ Angers l
Autrefois on regardoit comme un vœu fôlemneî
ïa prife d'habit de Vierge ou de Veuve ou de Moine ,
quand on le prenoit avec la bénédidion de l'Evé-
que ; quoique Ton ne s'engageât dans aucun Ordre
Religieux approuvé de l'Egiife. Les anciens Monaf^
teresne Ce font formés que de cette manière.
Le vœu fimple efl tout vœu que i'Eglile ne re-
çoit pas foiemnellement, Toit qu'on le fafîe en pu-
blic , ou en particulier , de bouche ou de cœur.
Un vœu n'eft pas fblemnel pour avoir été fait en
public. Le vœu fait en public a bien quelque folem-
nité , mais ce n'eil qu'une folemnité humaine , & non
pas une folemnité Ipirituelle & divine , telle qu'elle
eft requife pour rendre le vœu folemnel, comme re-
marque S. Thomas 2. 2, q. 88. art. 7. dans la réponfe
à la troiiieme objedion *^.
Le vœu fimple fe peut faire de différentes chofês
qui font bonnes d'elles-m.émes, au lieu que le vœu
Iblemnel par lequel on Ce livre & on (e consacre au fer-
Tice de Dieu , ne fe fait que de la vie Religieufe , par
îa profellîon dans un Ordre approuvé, ou de la chaf^
jeté par la réception des Ordres (acres.
Le vœu de chafieté attaché à la profeiTion Reli-
gieufe, ou à la réception des Ordres lacrés, annulle
ie mariage qu'on voudroit enfuite contrader. La pro-
fefTicn Religieufe annulle même le mariage déjà con-
tradé , pourvu qu^il n'ait point été confommé. Mais
pour le vœu fimple de chafteté , c'eft-à-dire , celui
qui a été fait hors de la ProfefTon ReHgieufe, ou de
îa réception des Ordres facrés , il rend feulement il-
licite le mariage qui le fuivroit ; de forte que celui qui
a fait un vœu fim^ple de challeté , pèche en fe ma-
riant , mais fbn mariage n'efl pas nul , fuivant le ch«
Quod votum, de voto in 6°,
Quoiqu'en violant un vœu fimple on pèche, néan-
moins le péché qu'on commet contre le vœu folem-
d Vota ex hoc quôd fiiint
in piiblico , poffunt habere
quaiîidam folemniriitem tjuma-
ram , non autem folcmnîtatcm
ipiritufllem C^cdivinam^fiçuiha-
bent vota emiflTa in réceptions
facri Ordinis, vel in profcf-
fione certs regulï , ctiaœ û
coram |>aucis fiant.
fur les Commandemem de Dieu. 297
nel, efl bien plus grief; parce qu'une perfonne qui
a fiiit un vœu (blemnel , s'eft engagée au fèrvice de
Dieu , d'une manière plus forte & plus parfaite, s'c-
tant donnée 8c conHicrée toute entière à Dieu.
Quand on dit donc qu'on n'eil pas moins obligé a
obferver un vœu fimple qu'un vœu folemnel, on ne
prétend pas que le vœu fimple oblige aufTi étroitement
que le fblemnel , on veut feulement dire , qu'on eHc
obligé lous peine de péché mortel , d'accomplir l'un
& l'autre vœ-u. Cette dodrine e(l de S. Tiiomas au
même article , dans la répcnfe à la première objec-
tion.
Il nV a nul doute qu'on ne foit très-étroirement
obligé a accomplir les vœux qu'on a faits à Dieu,
Le Seigneur nous le commande exprefTément dans
la fainte Ecriture *^. C'eft donc un très-grand pccric
que de violer les vœux qu'on a faits à. Dieu. Le Pa-
pe Innocent III. le dit nettement dans le chapitre
Licèt de voto, Lich univerfis liberum fn arhitrium in
vovendo , ufqtte adco tamcn foluiio necejfaria ejl pojl
votum f ut fine froprio falutîs difpendio alictti non //-
ceai refilire.
La raifbn naturelle nous fait comprendre que l'o-
blieation d'accomplir le vœu, regarde tous les vœux
qui (ont véritables Se valides. Car fi l'honneur &
la juflice ne permettent pas qu'on manque à exé-
cuter les contrats qu'on a faits librement & de bonne
foi avec les hommes , à plus forte raifon la fidéli-
té que nous devons à Dieu , nous oblige à tenir les pro-
mefTes que nous lui avons faites. Si nous les violons »
nous commettons une infidélité très-injurieufe à Dieu ,
& qui mérite la damnation éternelle. Auffi S. Paul
dit chap. 5. de la première Epitre à Timothée , que
c Ciim votum voveris Do-
mino Deo tuo , non tardabis
reddere , quia re^uirct iilud
J^ominus Deus tuiis ; Se C\ mo-
ratus fiieris , rcpiitabinir tibi
în peccatum. Si noliicris pol-
liccii , abfqdc peccato cris.
QuoJ aiuem fcnicl tgrcdiim
cit de labiis mis ^ obfcivabij ^
& faciès ficut promifif^i Do-
mino. Deur, c. 2?....Vovete
& reddite Domino Deo vef-
tro. PJal. 75... Si quid vovifti
Deo ne moreris rcddere : dif*
plicet enim ci infidelis & (tiiU
tapromifTio, fcd qiiodcumquî
voveris redde. Ecclef, c, >•
N T
2p8 Conférences d'Angers,
celles qui avoient été mifès au rang des Veuves y
s'engageoient , en fe mariant , dans la condamna-
tion par le violement de la foi qu elles avoient donnée
à Jefiis-Chrift,
Ceû à peu-près ain/î que raifonne Innocent I. en
parlant du vœu fîmple de chafteté , dans la féconde
Lettre à Viârice Evêque de Rouen au chapitre 13.
Hce vero qux necdum facro velamine te6lce , tamen in
propojïto virginali femper manere prcmiferam , lich ve-
latœ non Jïm , Jt forte nupferirtt ^ his agenda aliquanto
tempore pcenitentia ejî f quia fponfio e arum a Deo tene-
batur.
Namjî înter homines folet borne fidei contraCius nullâ
raîione dijfolvi , quantb magis ijia pollicitatio , quam
cum Deo pepigit virgo y folvi fine vindiCia non de-^
het.
Il eft vrai qu'avant que d'avoir voué à Dieu une
chofe qui n'étoit que de confèil , il nous étoit libre de
ïie la pas faire : mais depuis que nous en avons fait
vœu , nous ne pouvons plus nous en difpenfer. La Re-
ligion nous oblige très-étroitement à faire ce que nous
avons promis par notre vœu ^.
Le violement des vœux étant un fâcrilege qu'oit
commet contre la vertu de Religion , il eu par lui-
même un péché mortel ; néanmoins il peut quelquefois
n'être que véniel par le défaut d'attention , ou par la
légèreté de la matière.
Le Concile IV. de Carthage, Can. 104. traite d'a-
dulteres les péchés que les veuves qui fe ibnt dévouées
à Dieu , commettent contre le vœu de chafieté qu'el-
les ont fait, & il prononce une excommunication
contr'eiles s.
/ Quîa jam vovifti jam te
obftrinxifti , aliud tibi ficerc
»on liceu Aug» Epijî. ixy,
giids 45.
g Taies crgo pcrfonac fine
Cbriftl norum communione
aaanfant , quae etiam nec in
çonvivio cum Chriftianis com-
conjiiges reatu funt virîs fuis
obnoyiœ, ouantô maçris vidii^e
(jU2 rtiigiofuatem mutavenint
crimine adulterii notabuntur^
fi devotionemqiiam Dcorpon*
te non coaft.-e , oltulcnint >
libidinojâ cotruferiai volup-
tâte»
\
fur Us Commanàemem de Dieu. 299
Saint Augiiftin livre de bono viduitatis , cliap. ii.
eftime que leur péché eft plus grand que Tadukere ,
parce qu'une femme adultère ne manque de foi qu'à
un homme, au lieu qu'une perfônne qui pèche contre
fon vœu de chaileté , eu. infidèle à Dieu , A qui elle
avoir de Ton bon gré promis la foi '\ Ce péché avoit
paru G énorme aux Pères du Concile d'Elvire , qu'ils
ordonnèrent Canon 13. qu'on tmt en pénitence jus-
qu'à la fin de leur vie, les Vierges qui y fêroient tom-
bées , & qu'elles ne reçuiïent la Communion que dans
ce tems-là.
Quoique les Dofteurs conviennent que la légèreté
de la matière excuie de péché mortel , celui qui
manque en quelque chofè à accomplir un vœu qu'il
a fait dans une matière importante, ils ne font pas
tous d'accord que celui qui n'a fait vœu que d'une
choie de peu d'importance , ne pèche que vénielle-
ment en manquant de l'exécuter; par exemple , fî
un homme qui a voué de dire chaque jour la Sa-
lutation Angélique , ou de donner deux liards aux
pauvres , ne pèche que vénieiiement, quand de pro-
pos délibéré il lailTe paffer un ou deux jours làns
réciter cette prière , ou fims faire cette aumône» II
femble plus vrai-femblable que Ton péché n'eft que
véniel, parce qu'on doit raifonner du vœu comme
des Loix & des Contrats : le vœu étant une loi par-
ticulière qu'un homme s'impole , & une efpece de
convention qu'il fait avec Dieu : or il eft confiant
que les Loix & les Contrats qui ne concernent que
des choies de peu de conféquence, ne nous obligent
pas fur peine de péché mortel ; ainfi on doit dire
que dans le cas propofé il n'y auroit que péché vé-
niel. Si pourtant celui qui (e feroit engage dans un
tel vœu , prenoit la réfolution de ne point du tout
l'exécuter , il pécheroit mortellement , parce que la
matière de ce vœu, confidérée tout enlèmble , ou
h Si cn'm qiioA nullo mo-
^o dubitandum cft , ad otTen-
fxoncm Chrifti pcrtiner, ciim
mcmbrum cjiis Hdcm non fer-
•vat matico , «paniô graviùs of- , i
fenditur, cùm illl ipfî non
fervatiir fides in eo quod exi-
gir oblatum , qui non excgcrat
otTcreaduQi.
N
'1
500 Conférences d^ Angers l
comme parlent les Théologiens colle£îivè fumptai ell
importante & de conféquence.
Autant de fois qu'on viole volontairement un vœu
qu'on eft en état d'accomplir, on commet autant de
péchés. Par exemple , ft quelqu'un a voué de ne point
boire de vin les Vendredis de chaque femaine , û
après en avoir bu au matin , il en boit encore dans
la fuite du jour , ceû un nouveau péché qu'il com-
met.
Celui qui a fait un vœu abfblu fans fe prefcrire
de tems , efl obligé de l'accomplir à la première
commodité : en ne le faifant pas & en différant con-
iidérablement , quand la matière du vœu efl d'im-
portance & qu'il n'y a point de caufè légitime qui
l'excufe, il pèche très-griévement , fiiivant ces paro-
les du Deuteronome. Si mpratus fueris , repitabimr
ùbi in -peccatum. Saint Thomas queflion ^S. art. 3.
dans la réponfe à la troi/îeme objedion , en dit pour
xaifbn que l'obligation du vœu vient de la volonté
de celui qui l'a fait ; s'il a donc eu intention de s'o-
bliger à accomplir fbn vœu au plutôt, il y eft cer-
îtainement obligé. De même celui qui a fait un vœ^i
&: qui s'étoit preferit un tems déterminé pour l'ac-
com^plir, ou qui avoit mis une condition à fbn vœi?,
ie rend coupable de péché mortel s'il ne l'a pas ac-
compli dans le tems qu'il s'étoit preferit, ou lorfque
îa condition a été remplie , le pouvant faire commet
dément.
On a ajouté dans ces réfblutions les termes de
commodité & de commodément , parce qu'on peut
quelquefois pour de bonnes raifbns ou de juftes
caufes , différer l'exécution de fôn vœu à un tems
plus commode & plus convenable. Par exemple , un
jeune homme qui a fait vœu d'entrer en Religion ,
})eut remettre fon entrée jufqu'à un âge où (a fànté,
fes forces , fbn érudition le mettront plus en état de
foutenir les fatigues de la Règle , & d'en faire les
exercices ; mais en ces oceafîons on doit confulter
iôv Supérieur Eccléliafîique, pour fe conformer à fés
avis.
U eu fort diîHçiJe de ^ét^rpuiiçr ^uel doit ctie k
fur les Commandemens de Dieu, 301
retardement à accomplir un vœu , pour que le pé-
ché (bit mortel. Cela dépend beaucoup de la matière
du voeu & des circondances. Les Dodeurs difènt com-
munément que le délai devient un péché mortel y
quand en différant d'exécuter un vœu, on s'expo(e
au danger de le violer, ou qu'on Ce met hors d'état de
pouvoir l'accomplir , & que le vœ-u eft d'une choie im-
portante.
On peut en deux manières Ce prefcrire un tems
pour un vœu. 1°. En ayant principalement en vue
le tems qu'on fè prefcrit, comme fait celui qui pro-
met à Dieu de jeûner la veille de la fête du Saint
dont il porte le nom. z^. En regardant ce tems com-
me un terme au-delà duquel on ne veut pas différer
l'exécution de (on vœu , comme fî quelqu'un failoit
vœu d'entrer en Religion à Pâques. Dans le pre-
mier cas , /î on prévoit ne pouvoir accomplir (on
vœu dans le tems qu'on s'eft prelcrit , on n'eff pas
tenu de prévenir ce temps-là, & fi on n'a pu latis-
faire à (on vœu dans le tems pre(crit, on n'eft pas
tenu de l'accomplir dans un autre tems : de mcme
que pour (îitisfaire au précepte d'entendre la Méfie
le jour de Dimanche, on n'eft pas tenu de l'entendre
le Samedi ou le Lundi. Dans le (econd cas , fi on
prévoit ne pouvoir accomplir (on vœu dans le terns
qu'on s'eft prelcrit , on doit prévenir ce tems-là Ci on
le peut ; & lorsqu'on a laiffé palier le tems prefcrit ,
on ed obligé d'accomplir (on vœu à la première com-
modité : de même qu'un homme qui a manqué de faire
ime reilitution dans un tems marqué, doit la faire dans
un autre.
Quoique le vœu Cok une cho(è très-agréable à
Dieu , & que l'on ne doive jamais Ce repentir d'a-
voir fixé (a volonté en s'impo(ànt par un vœu la né-
cefllté de faire le pKis grand bien , comme dit S. Au-
gudin dans la lettre à Armentnire & à Pauline '. Néan-
moins comme il y a une étroite obligation d'ac-
complir les vœux , & que fouvent la foibleffe de l'a-
i Q' ia j.im voviOi , iam te vifiTc pocnitcat , immo gaiidc
obftrinx (li ,' .tliiH ti'oi ù.-re ja:ii tiyi non licçje*
çoa litet* • • ncc idco te vo- (
5 02 Conférences d'Angers ,
ge , ou de Telprit , ou de la vertu , met ceux qui les
ont fait, par légèreté , dans l'impuifTance de les exé-
cuter, ou leur faire changer de volonté, les Con-
feffeurs ne peuvent ufer de trop de difcrétion, ni
apporter trop de précautions pour permettre aux jeu-
nes peribnnes qu'ils dirigent , de faire des vœux ,
iur-tout des vœux d'importance & difficiles a accom-
plir, tels que font le vœu /impie de chafîeté perpé-
tuelle , & celui d'entrer en Religion. Ils doivent
éprouver la fermeté de leur efprit & de leur vertu
pendant un tems confidérable , leur faire faire de fé-
rieufes réflexions , fuv l'obligation qu'elles contrade-
ront , & ne leur jamais permettre de faire des vœux ,
qu'ils n'ayent une certitude morale qu'elles les ac-
compliront. Il efl même de la prudence des Con-
feiïeurs de ne leur permettre de faire des vœux que
pour un tems & très-rarement pour toujours. Il faut
qu'ils fbient encore plus rélèrvés & plus circonfpeds
à confeiller à leurs pénitens de faire aucuns vœux ;
parce que les vœux ne peuvent être faits avec trop
de liberté , & que ceux qui font faits à l'infiigaticn
d'autrui , ne font pas faits fi librement que ceux
qu'on fait de fbn propre mouvement , & il vaut beau-
coup mieux ne pas faire des vœux , que de ne les
pas tenir quand on les a faits : comme dit l'Ecclciiafle
chap. 5, ^. Les ConfelTeurs doivent bien aufC fe don-
ner de garde de faire faire à leurs pénitentes , ou
de leur permettre de faire vœu qu'elles leur obéi-
ront en tout , ou qu'elles ne les quitteront jamais
pour aller à d'autres ConfelTeurs ; outre que ces
vœux ne font pas despromelTes de faire un plus grand
bien, c'efl que fbuvent les fuites en font mauvai-
fes.
Quand on eft en doute d'avoir fait un vœu , il 7
a des Dodeurs qui croyent qu'on n'eft pas obligé
de l'accomplir , & qu'on n'a befbin d'aucune difpen-
fc- , parce que fliivant la maxime du Droit In àubio
melior eft conditio j^QjJidemis , & que dans un vœu dou-
yere , g^uim poft votum. pto-
fur Us Commandemens de Dieu, 303^
teux, la pofTeiïion eft pour la liberté qui eft natu-
relle à l'homme, dont il ne doit pas ctre prive dans
le doute. Il y en a d'autres qui font d'un fentimenc
contraire , ils difent que melior ejl condtûo ejus qui
vovit. Diana dans la (econde partie de fès Ré(blu-
tions morales Traite 17. Rcfolut. 4^. rapporte les Au-
teurs de ces deux diftcrens fentimens. Il faut avoir re-
cours à l'Evcque en ces occafions , pour être éclairé
fur fon doute ou difpenfc du vœu ; car il efl certain
que quand il y a lieu de douter Ci un vc&u fait en ma-
tière réfervée eft valide , (oit que ce doute foit de droit
ou de fait, l'Evcque peut en difpenfer & le com-
muer.
Lorfqu'ayant fait un voeu, on doute feulement,
fi on a eu alTez de liberté pour le faire , on con-
vient qu'on eft oblige d'accomplir le vœu ; cum
pro €0 Jîet pojfejjïo , pyo quo ejî jiiris ■prafumptio. Et il
eft à prcfumer que celui qui a fait un vœu , l'a fait
avec liberté, à moins qu'on ne loit certain du con-
traire. Ce fentlment eft foutenu par iaint Thomas fur
le 1 vre 4. des Sentences diftind. 38. q. i. art. 2,
queftioncule i. dans la réponfe à la fîxieme objec-
tion '.
Celui qui doute s'il agit contre (on vœu en fai-
fânt une certaine adion , doit s'abftenir de la faire ^
autrement il pèche en s'expo(ânt (ciemment & vo-
lontairement au péril de commettre un péché mor-
tel.
Quand quelqu'un a fait un vœu pour un autre ,
fans Tavoir confLilté, & que celui pour qui le vœu
a été fait ne veut pas le ratifier lorfqu'il en a con-
noiiïance , celui-ci n'eft nullement obligé à l'ac-
complir , parce que le vœu doit être volontaire ;
Ôc l'on ne peut pas dire que celui dont on n'a point
eonflilté la volonté ait fait une promelTe volontaire.
Mais fi celui pour qui un autre a fait vœu , l'a ap-
prouvé depuis & l'a ratifié, il eft tenu de l'exécuter
comme s'il l'avoit fait lui-mcme, parce qu'en i'ac-
/ Si niitem (liibitrt qiio mo- I (lebcr tutiorem viam eligerCj
âo fc ia YOYcndo iiabueiit , j ce fe difcriioloi coœumuu
304 Conférences d'Angers,
ceptant librement & avec connoifTance il s*y eu obH^'
gé. La dernière partie de cette rérblution eft du Pa-
pe Innocent III. qui déclare dans le chap. Ucèt de
voto , que le Prince d'Hongrie étoit obligé d'accomplir
le vœu que le Roi Ton Père avoit fait d'aller à Je-
rufàlem ; parce que n'ayant pii le faire , il l'en avoit
chargé avant que de mourir, ce que le Prince Ton
fils avoit accepté de Ton plein gré , & promis d'exé-
cuter.
Mais, dit-on, iln'étoîtpas néceffaire autrefois qu'un
enfant fit lui-même volontairement profeffion Re-
îigieufe , pour être engagé dans l'état Religieux ,
mais il fuffifoit que Tes parens TeufTent offert à un
Monaftere , c'ell-à-dire , qu'ils l'y eulTent voué pour
y^ être Religieux : car il eft dit dans pluiieurs an-
ciens Can. que c'ell ou la dévotion des parens, on
la propre profeffion qui fait les Moines , & que l'en-
gagement contradé avec un Monaftere, de l'une
ou de l'autre de ces manières , empêche qu'une per-
fbnne ne puifTe retourner dans le fîecle. C'eft ainfî
que parlent les Pères du quatrième Concile de To-
lède, de l'an 633. Can, 48. Monachum aut paterna
devotio aut propria profejjio facit, Qttidquid horum
fuerit obligatum , tenebh. Froinde his ad mundum re-
'vertendi intercludimus aditurn , ô" omnes ad fceculum in-
terdicimus regrejjus. Ce Canon eft rapporté par Gra-
tien c. zo, q, i, où l'on en trouve plufieurs autres con-
formes.
A cela on répondroit que ces Canons doivent
s'entendre des enfans qui ayant été offerts dans leur
bas âge par leurs parens à des Monafleres , avoient
approuvé depuis qu'ils avoient atteint l'âge de raifbn ,
l'offrande que leurs parens avoient faite à Dieu de
leurs perfbnnes. Pour preuve que ces Canons doi-
vent s'entendre favorablement pour les enfans , &
que leur consentement étoit fous-entendu , il ne faut
que ce que dit fàint Bafile dans la lettre à Amphilo-
chius ch. 18, où il nous apprend que quand les
jeunes filles qui avoient été mifes dans les Monaf^
teres par leurs parens , avoient atteint un certain
âge, oa avoû foin de ks interroger, û elles raùr;
fur Us Commandernens de Dieu, ^oy
Hoîent par leur confèntement , ce que leurs parens
avoient fait; ce qui doit faire comprendre que TE-
glifê n'approuvoit point les profefTions Religieufès ,
auxquelles les enfans n'avoient pas donne leur con-
fèntement depuis qu'ils avoîent été en état de le
faire.
Aufli fàint Léon le Grand, dans la Lettre pi. à
Ruftique de Narbonnc , parlant des filles qui après
avoir pris l'habit virginal le marioient , ne con-
damne de prévarication , que celles qui n'avoienC
pas été contraintes par leurs parens à prendre cet
habit , mais qui l'avoient pris de leur propre mou-
vement. Vuellce ■ qucc n9n coadae parentum imperio ,
Jed fpontaneo judicio propofitum atque Habitum fufce^
ferunt^ ft pojlea nupiias eligant , prcevaricantur. Ces
paroles font rapportées par Gratien c. lo. q. i. Can.
Nous voyons au même endroit de Gratien, Can.
Skuî ^ qui eft tiré d'un Concile tenu (bus Eugène IL
qui fut élu Pape en 82.4. que ceux qui avoient été
enfermés malgré eux dans les Monaileres , n'étoient
contraints d'y demeurer qu'autant qu'ils le vouloient,
à moins qu'il n'y eût eu de julles caufes pour les y en-
fermer "''.
Il avoit déia été fait un Semblable règlement dans
ie Concile de Rome fous Léon IV. Can. 31. Alexan-
dre III. & Clément III. s'y (ont conformés ch. Si-
gntficattim , & ch. Ciim virum , au titre de Regularibus ,
dans les Décrétales.
La rénovation des vœux qu'une perfonne qui au-
roit été forcée, feroit librement, fuppléeroit au dé-
faut de liberté qui s'ctoit rencontré dans fa Profe(^.
iion.
m Siciitqui Monafleria ele-
gerunt , à Monaftenis cgicdi
non permittuntur , ita hi tjui
Iriviti fine jufta offerfionis cau-
fa funi inriomifTi , ni G voleft-«
tes non leneantur.
!^o6 Conférences d^ Angers^
IIL QUESTION.
Quelles caufes peui^ent faire cejjer V obligation
d'' accomplir les Vœux ?
L'OEtiGATiON des vœux cefle par le chan-
gement de la matière , par Tirritation ou caf-
lâtion du vœu , par la di(penfe , ou par la commu-
tation.
Le changement qui arrive à la matière du vœu ,
fait ceffer l'obligation de l'accomplir , quand il eft
fî considérable que la matière du vœu n'eft plus la
même que celle qu'on a vouée.
Pour éclaircir cette propo/îtion , on peut dirtin-
guer trois efpeces de changemens. La première eft,
lorlqu'après le vœu fait, la chofe promife à Dieu efl
rédaite à un état oii elle n'auroit pu être la matière
d'un vœu : comme il arrive quand la chofe promife
ell devenue impodible , niauvaife, ou moins bonne
que celle qui lui eft oppofée.
Si l'empêchement qui rend la chofe impofîlble doit
durer toujours , &ne peut aucunement être levé , l'o-
bligation du vœu eft entièrement éteinte ; mais' fî
cet empêchement ne doit durer que pendant un tems ,
& peut être levé , l'obligation du vœu efl feulement
fufpendue , tandis que l'empêchement fùbfîfle.
Quand la chofe vouée n'efl pas devenue entière-
ment impoifible , de forte qu'encore qu'on ne puifîe
l'accomplir en entier , on peut néanmoins l'exécuter
en partie , on efl obligé de faire tout ce qui efl en
Ion pouvoir.
Si ce qui fait la matière du vœu n'a pas été pro-
mis , comme compofànt un fêul tout ; par exem-
ple , fî un homme étant en bonne fànté , a fait vœu
de veiller & de jeûner plufîeurs jours par chaque (e-
maine, & qu'étant devenu infirme , il ne puiffe plus
pi jeûner ^ ni veiller fi fréquemment , il n'efl pas abr
fur les Comman démens de Dieu, 307
{olument exempt de jeûner & de veiller pendant
quelques jours de la femaine ; mais il doit le faire
autant de jours qu'il le peut. C'efl le lènciment de
S. Thomas dans la z. z. q. 88. art. 3.
Ce Dodeur à l'art, précédent dans la réponfè a
la troifieme objedion , nous avertit qu'en ces ren-
contres on ne doit pas s'arrêter à (on propre juge-
ment , parce qu'on ne juge pas toujours (àinement
die ce qui nous touche , mais qu'avant que de rien
relâcher de Ton vœu , on doit expofer au Supérieur
Eccléfiaftique l'état où l'on fè trouve , afin qu'il ju-
ge s'il y a obligation d'exécuter le vœu en entier ,
ou en partie , ou s'il eil expédient de le changer y
ou d'en d.fpenfer; comme nous voyons par le ch.
Quod fupey his , da Voto , qu'on avoit confulté Inno-
cent iii.
Si on fait des vœux en différens tems , dont l'un
fbit incompatible avec l'autre , il faut accomplir le
dernier , s'il eft d'une cho(e qui fbit plus parfaite &
plus agréable à Dieu , que celle qu'on a promife
par le premier. Le vœu étant une loi qu'on s'efl
impofée volontairement , le moins digne doit céder
au plus digne ; que C\ l'un & l'autre vœu eft égale-
ment agréable à Dieu , il faut accomplir le pre-
mier , parce que le dernier étoit nul à caufe de
l'obligation contractée par le premier ; fi on eft en
doute , lequel des deux vœux e(l le plus parfait & le
plus agréable à Dieu , il faut acccomplir le premier,
car il n'a pas été rendu inutile & (ans effet par le
dernier.
Nous avons déjà dit que fi une cholê qui étoît
bonne quand on l'a vouée , efl devenue mauvaise
dans la fiiite , bien loin qu'on {bit obligé d'exécu-
ter le vœu , on pèche en l'accompliflant. C'efl pour
cette raifôn que S. Thomas 2. 2. q. 88. art. 2. après
S. Jérôme , blâme Jephté d'avoir tué (à fille pour
ITitisfiiire au vœu qu'il avoit fait, avant que decom-i
battre les Ammonites.
Lorfque la chofe qu'on a vouée eft devenue moin»
bonne que celle qui lui efl oppofée ; le vœu n'obhge
pas à la pratiquer , puifque le vœu doit ctre de fairq
50 8 Conférences d'Angers y
le plus grand bien. Saint Auguflin dans la lettre 7^;
au Comte Boniface , nous apprend que ce fut fur
ce principe qu'il s'appuya pour l'empêcher d'exécu-
ter le vœu qu'il avoit fait d'embrafîer l'état Monafti-
que ; ce Père jugeant que Boniface feroit plus de
bien à l'Eglife , en continuant d'exercer û charge
dans le iiéele , qu'en Ce renfermant dans un MonaP-.
tere ^,
La féconde efpece de changement eu quand la
fin prochaine & principale qui a porté une perfonne
à faire un vœu , a cefTé d'être ; par exemple , fî on
avoit fait vœu de donner une aumône à un tel pau-
vre pour le tirer de la milere , & qu'il fût devenu
riche, il n'y a plus d'obligation de lui faire cette
aumône ; ou fî on avoit voué d'aller vifiter une
Eglife pour obtenir la guérifbn d'un père , & qu'in-
continent après le vœu fait , ce père fut mort , l'o-
bligation du vœu ne lubfîfleroit plus. S'il n'y a qrre
la fin moins principale qui ait ceffé , l'obligation du
vœu n'eit pas entièrement éteinte ; par exemple , fî
une perfonne avoit fait vœu d'aller en pèlerinage
à Rome , & avoit été portée à faire ce vœu par le
défir d'y voir un de fes amis , dont elle auroit de-
puis appris la mort , elle feroit néanmoins obligée
d'exécuter fbn vœu , fliivant la décifion d'Innocent
III, dans le ch. Magna , de Voto,
La troifîeme efpece de ce changement efl , lorf^
que les circonflances qui accompagnoient le vœu
iont tellement changées , & qu'il efl furvenu des
difficultés fî grandes , que la matière du vœu n'efî:
plus la même au jugement des gens fàges , de forte
qu'il y a tout lieu de croire que fî un homme avoit
prévu que les choies fufTent venues en cet état , il
n'auroit jamais fait le vœu qu'il a fait ; par exem-
ple , fî un homme riche après avoir voué de faire
une fondation au profit d'une Eglife , avoit fouf-
a Ut autem non faceres , 1 folâ intentionc ageres , ut dc-
quid te revocavit , ntfi quia fenfg ab infcflationibus Bar-
conlîderafti rflendcntibu' no- barorum quietam A trant^uiip
bis, quantum prodeffetChrifd lam vitam agercnt,
£ccleiiis ^uod agetjas ^ fi eâ 1
fur Us Commàîî démens de Dieu, ^Op
fert une Ci grande diminution de fortune , qu'il ne
pût exécuter Ion vœu (îms Ce réduire à une extrê-
me pauvreté , en ce cas l'obligation du vœu auroit
cefle.
En toutes ces occasions il ne faut pas manquer de
confulter le Supérieur Ecclé/iaftique fur ce que l'on
doit faire , de crainte de s'abufer.
Le manquement de la condition appofée au vœu >'
efl une efoece de changement dans la matière du
M-œu. Nous avons dit que le vœu conditionnel n'o-
blige qu'après que la condition eil accomplie ; ainfî
quand on a fait vœu Cous une condition, Ci elle ne s'ac-
complit pas , on n'efl point tenu d'exécuter le vœu >
car le vœu n'oblige que fuivant l'intention de celui
qui l'a fait.
Il réfulte de-là , qu'un jeune homme qui a voué
de Ce faire Religieux dans u-n tel Monaftere , eft
déchargé de fon vœu , fî on refuie de l'y recevoir,
ou fi après y avoir été reçu on le renvoyé , parce
que (on vœu renfermoit cette condition, fi on veut
iTi'admettre dans ce Monaftere. Mais il faut remar-
quer que , (i un jeune homme en vouant de le faire
Religieux dans un tel Monaftere ou en un tel Or-
d-re , a eu premièrement & principalement intention
de Ce faire Religieux , & qu'enluite il ait choifi un
leJ Ordre ou un tel Mona'lere , il n'eft pas dé-
chargé de l'obligation de Cow vœu , pour s'être pré-
fente de bonne foi aux Supérieurs de cet Ordre ou
de ce Monafiere , & en avoir été refuse ou ren-
voyé après y avoir été reçu. Il doit Ce présenter à
un autre Monaftere ou à un autre Ordre afin d'y
eue admis , puifque là principale intention a été
de le conlacrer à Dieu ; mais quand un jeune hom-
me , par une raifôn particulière , a fait vœu détermi-
nèrent d'entrer dans un tel Ordre ou dans un tel
Monaflere , qu'on refuie de l'y recevoir , & qu'il ait
fait ce qu'il a du pour s'en rendre digne , il n'eft
point obligé de Ce prélenter à un autre , & il e(ï dé-
cliargé de l'obligation de fon vœu ; mais il ne le
feroit pas entièrement , Ci par fii faute il n'avoit pas
été admis ou à prendre l'habit > ou à faire profeflion
5 10 Conférences d'Angers î
dans ce Monaflere ou dans cet Ordre , parce qu*a-à
lors ce feroit lui qui auroit empêché que la condi-
tion renfermée dans (on vœu ne s'accomplît , & il
fèroit obligé de faire pénitence du péché qu'il au-
roit commis en Ce rendant volontairement incapa-
ble de (àtisfaire à fon vœu. S. Thomas Tenfèigne
ain/î 1. 2. q. 88. art. 3. dans la réponfe à la féconde
Objedion. Ille qui vovit Monajïerium aliqucd intra^
re , débet dare operam quantum fotejî ut ibi recipiatur,
Etji quidem intentio ejus fuit fe ohligare ad Retigionis
ingrejfum -principaliter j Ù" ex confequenti elegit hanc
Religionem , vel hune Lùcufn quaji Jïbi magis con-
gruentem , tenetur , Jî non -potejl ibi recipi , aliam Re~
ligionem intrare : Si autem principaliter intendit fe obli^
gare ad hanc Religionem y vel ad hune Locum , pr op-
ter fpecialem complacentiam hujus Religionis vel Loci ,
non tenetur alibi intrare fi eum illi recipere nolunt. Si
vero incidit in impofjîbilitatem implendi Votum ex pro-
pria culpa , tenetur infuper de propria culpa praterita
fœnitentiam agere. Sicut Mulier qux vovit virginita-
tem j fi pcjîeà corrumpatur , non folnm débet fervare
quod potejî , fcilicet perpetuam continentiam ,fed etiam
de eo quod admifit peccando pœnitere.
L'irritation ou calTation des vœux eft aufTi une des
caufès qui fait celTer l'obligation de les accomplir ;
car irriter un vœu , c'eft proprement le rendre nul.
Le droit d'irriter ou d'annuller les vœux appar-
tient aux Supérieurs , à l'égard des inférieurs qui
font Ibus leur puiflance , quant à leur perfbnne , ou
quant à leur volonté , ou quant à la matière du
vœu ; car celui qui eft fous la puiiïànce d'autrui ,
n'étant pas maître des chofes pour raifon defquelles
il eft fournis , ne peut dependemment de fon Supé-
rieur en difpofer , autrement il feroit tort aux droits
de fon Supérieur. Il ne peut donc faire vœu de ces
choies que fous fon bon plaifir , comme l'enlèigne
Saint Thomas 1.2. q. 88. art. 8. Votum efî promif-
fio quadam Deo faCla : nullus autcm potejl fi frmiier
obligare ad id quod (Jl in poteflate alterius , fed folv.m
ad id quod efl omnino in fiia poteflate. Quicumque
amem efî fubjeClus alicui quanmm ad id in qno efi
fur les Commandemens de Dieu. 3 1 1'
fuhjecîtts y non efl fu£ poteJJatis facere qiiod viilt , fed
de pende t ex voluntate alierius, & ideo non potejl fe per
Votum firmhcr obligare in his in quibus alteri fubji-
citiir Jine confenfu fui Sufierions. C'eil pourquoi , R
le Supérieur refufe de donner (on consentement au
voeu qu'a fait celui qui lui eil (oumis , le vœu ell
annuUc, irritiim faCium ej} ^ comme parlent les Théo-
logiens ; & étant ainfi annullc , l'obligation de l'ac--
complir ceiTe entièrement ; fi au contraire le Supé-
rieur y donne Ton consentement , le voeu flib/irte.
Inférez, de-là que tous les vœux que font ceux qui
font fous la puiiTance d'autrui , renferment effentiel-
lement cette condition , fi le Supérieur y content ,
ou Cl le Supérieur ne s'y oppole point ; c'eil pour-
quoi ils ne pèchent pas en faifànt des vœux , & ils
iont obligés à les accomplir , quand ceux dont ils
dépendent y donnent leur coRfentement exprès ou
tacite , comme il eft marqué dans le chap. 30. du
livre des Nombres depuis le verfet 4. jufqu'à la fin.
Voici comme S. Thomas s'explique flir cette ma-
tière à Tendroit qu'on vient de citer dans la répon(ê
à la quatrième Obiedion. Licct Vomm eorum qui funt
alttrius poiejlan Cuhaiii , non fit jirmiim fine confenfu
ecrum qiiihus fabjiciunmr , non lamen peccant vovendoy
quia in eorum Voto inteUigitur débita condiiio , fcili--
cetyji fuis Superioribus placuerit ,vel Ji non renitantur ;
& à l'art. 9, dans la rcponfi,^ à la féconde Obiedion :
Vota eorum qui funt in poieflaie aliorum , habcnt coK"
ditïonem implicitam , fcilicet Jï non revocentur à Sti"
periore ex qua Ucita & valida redduntur , fi conditio
^xiflat.
Avant que d'expliquer quels font' les Supérieurs
qui peuvent irriter les vœux de leurs inférieurs , il
faut riippofi3r qu'on peut irriter les vœux en deux
manières ; fi^avoir , direftement , ou indi'-edement.
L'irritation direde qu'on nomme ainfi , parce qu'elle
tombe diredement fur le vœu , le rend abfolumenc
nul , & cicint entièrement l'obligation de l'accom-
plir. C'eft le Supérieur à qui la personne , ou la
volonté de celui qui voue , eft ioumiSe , qui peut
annuller de cette manière les vœux. L'irritation ii>
5 î 2 Conférences d'Jngers ;
direde eft plutôt une fufpenfion de rexécutîofl y
qu'une extinftion du vœu ; elle tombe feulement
ûiT la matière du vœu. Celui de qui dépend cette
matière , encore que la volonté de celui qui fait le
\œu ne lui Toit pas ablblument {bumife , peut en fuP
pendre l'exécution ; lorfqu'en l'exécutant , on feroiti
tort aux droits qu'il a llir la matière de ce vœu ;
c'eft pourquoi fi l'exécution du vœu cefTe de lui être
préjudiciable , l'obligation du vœu recommence. On
peut tenir fur cela pour maxime certaine , que ce-
lui qui a des droits fur la matière du vœu , confèr-
ve fiir cette matière après le vœu qu'un autre en a
fait , les mêmes droits qu'il y avoit auparavant. Par
conféquent fi avant le vœu il avoit droit d'interdire
Tufage de cette matière , il le peut faire pareille-
ment après , & ainii annuller indiredement fbn
vœu.
Les Supérieurs réguliers peuvent irriter direde-
jnent , c'ell-à-dire , annuller entièrement tous les
vœux des Religieux Profès qui leur font fbumîs , ex-
cepté le vœu de pafTer dans un Ordre plus réformé,
La raifbn qu'on en peut rendre avec S. Bafile au ch.
28. de Tes Conftitutions monafliques , c'efl que les
Religieux par leur vœu de pauvreté & d'obéilTance ,
ont renoncé au droit de difpofer de leur perfonne &
d'aucune autre chofe , & en ont fait un tranfport à
leurs Supérieurs , comme il efl dit Can. Non dicatis ,
ch. iz. q. I. & ch. Sz Reiigiofus,dc Elecïione in Sexto ;
ceCc pourquoi tous les vœux qui fè font , renferment
cette condition, fi le Supérieur y confent , ou fi le Su-
périeur ne s'y oppofe point ; & le vœu étant une ac-
tion de vertu qui contribue à la perfection qu'un Reli-
gieux a vouée , il peut en faire fous cette condition ,
pourvu que l'objet de fbn vœu ne foit pas capable de
troubler l'ordre de Ton Monaflere , & ne préjudicie
en rien aux droits de fbn Supérieur,
On ne peut conclure le contraire du Canon Mo-
tiacho <, c. zo, q. 4. car ces paroles, Monacho non licet
vovere jlne confenfu Abbans ; fi aiuem voverit , fran-
gendum erh-y fîgnifent feulement que les Religieux
ne doivent pas faire des vœux témérairement & par
légèreté >
fur les'Commandetmns de Dieu, 31^
icgcretc, (ans confulter leurs Supérieurs, parce qu*
Tj'ils s'oppofent à leurs vœux ils font nuls. Au refte U
paroît par ce terme frangoidurn eric , qu'un Religieux:
elî véritablement Jié par le vœu qu'il a fait, quand
ion Supérieur ne s'y oppolc p<3int ; car on ne rompt
point un lien qui n'eft pas : il efl donc obligé de gar-
der fon vœu, julqu'à ce quelbn Supérieur s'y oppore »
& après que fon Supérieur y a confenti.
Nous avons excepté le vœu d'entrer dans un Of"
dre plus réformé , parce que (uivant la décifion d'In^
nocent III. dans le ch. Licèt, de Regidaribiis 3 un
Religieux prafès peut pafTer dans un Ordre d'une
plus étroite Obfervance , après en avoir demandé la
ptrmiflîon à fon Supérieur , mais il n'eft pas beloin
qu'il l'obtienne. S'il y avoit pourtant lieu de croire
qu'un Religieux n'eût formé ce deflein que par légè-
reté d'efprit , le Supérieur doit e.xaminef Tes motifs &
en juger comme il cil dit dans ce mcme chap. SiipC'
rîoris efl jttdîcium requirenditm.
Le Supérieurrégulier nepeutannuUer levœu qu'urt
Novice auroit fait, parce que le Novice- eil encore
maître de lui ; néanmoins le Supérieur peut en C\xÇ-
pendre l'exécution, quand mcme le vœu fèroit per-
sonnel; mais le Novice, s';lnc fait pas profefîijn, de-
meure dans l'obligation de gr.rder (on vœu.
Le Pape étant le Supérieur (buverain de tous les
Réguliers qui lui promettent tous obéifïance, peut an-
uuller les vœux qu'ils font.
Le père, ou celui qui fient lieu de père, peut
irriter diredement tous les vœux, tant réels que per-^
l7)nnels , que font les enfans encore impubères. Cela
cil décidé par le Droit Canonique, Can. Puella ^ c,
îo. q. 1. Vticlla fi atne ditodecim annos cetatis fponte
fuà facrum velamen ajfumpfirit , pojjunt Jïatim pur enta
ejiis vel tutoyés id fatlum irritum facere y fi volue^-int^
Il dépend donc de la volonté du père d'annuller our
de rendre valide le vœu qu'a fait (on enfant impu-j
berc.
Cette décifîon eft fondée (ur le droit naturel ,
qui oblige les pères à prendre tout le (bin de leurs
enfans , tandis qu'Us (uni d^ns un âge où il« n'ont
314 Conférences d^ Angers ,
pas afiez de raifbn ni de jugement pour Ce conduire
& régler leurs adions. Elle eft encore fondée fur le
droit divin poiicif , qui eil énoncé au chap. 30. du li-
vre des Nombres verfet 6. où il ell dit , que fi le
père s'eil oppofé au vœu de la fille qui ell jeune &
dans la mailon , aulTi-tot qu'il lui a été connu ., le vœu
ôc le ferment de cette fille feront nuls , &c elle ne fera
point obligée à ce qu'elle aura promis , parce que fbn
père s'y eil oppofé ^.
Nous difbns donc que le fils de famille avant Fi-
ge de quatorze ans , & la fille avant l'âge de dou-
ze , ne pouvant diipofer de leurs perfonnes ni de
leurs volontés indépendamment de leur père , fous la
puifTance duquel ils font tellement , qu'ils font répu-
tes faire une même perfbnne avec lui, ne peuvent
s'engager irrévocablement par des vœux contre fà
volonté, quand même ils auroient en cet âge alfez
de connoilTance pour délibérer fur ce qu'ils doivent
faire. Le père peut donc les annuUer en s'y oppclant ,
ou les ratifier en y donnant Ion confentement. Quand
le père vient à perdre la vie ou l'efprit , ce pouvoir
appartient à la mère , fi elle n'a point perdu la tu-
telle de les enfans , & au défaut de père & de mère , au
tuteur.
Quant aux enfans qui ont atteint l'ufîige de pu-
berté , qui ne font pas émancipés & vivent fous la
puifian ce paternelle, ils peuvent faire , indépendam-
ment de leurs pères , des vœux fimples , perfonnels ,
flir le choix d'un état , comme de chafretc & d'en-
trée en Religion, Se encore d'autres vœux perfon-
nels , comme de s'abftenir de manger de la viande
toute leur vie , d^a'ler chaque année en pèlerinage
à une telle Eglife, de faire un long voyage par dé-
votion , parce qu'en cet âge ils ont l'ufage de la
raifbn , & par conféquent de leur liberté naturelle ,
qui confiiie à être les maîtres de leurs adicns, Ainii
leurs pères ne peuvent pas irriter diredemeat ces
fortes de vœux, quand les enfans les font fans leur
h Sin autem ftatim ut aiidie-
rit , contradixcrlt pater , & vo-
ta & juramcnca ejuj ( lilix )
irrita eriint , nec ohnoxia ïe-
nebinir fponlîoni co (^uod con«
fur les Commande rrnns de Dieu* 3 ry
conlentement, mais ils peuvent les irriter indirecfte-
mcnt , c'eiWi-dire , en fufpendre l'exécution lorf-
qu'il y a raifon de le faire : comme quand Tauto-
litc paternelle ou la famille qu'il appartient au père
de rc^^ler , & dans laquelle il peut contenir Ion en-
fant , en fouffre quelque préjudice. Par exemple , un
pcre peut empêcher ion enfant de faire des voyages
de dévotion , tandis qu'il eft en la puifîance Ôc qu'il
demeure en la maifon.
Si pourtant l'autorité paternelle n'étoit point bleffée >
ni l'ordre de la famille troublé par un vœu perfônnel
qu'un enfant auroit fait après Tâge de puberté , com-
me feroit le vœu de faire quelques courtes prières , de
remplir certains devoirs de Religion , par exemple ,
d'aller à ccnfelTc une fois le mois , un père ne pour*
toit en fufpendre l'exécution.
Pour les vœux réels qui regardent les chofès (ur
lefquelles les pères ont autorité , comme Supérieurs
domeftiques , quand les enfalis qui vivent fous la
puifTance paternelle , en font après avoir atteint l'â-
ge de puberté , les pères les peuvent irriter direde-
ment , fur-tout s'ils font préjudiciables à leurs droits ,
ou nuifibles à la tranquillité domeftique; parce qu'un
enfant qui n'eii pas émancipé n'a point de biens qui
lui fjient propres , ou s'il en a , il nen. a pas l'ad-
minitlration , à moins que ce ne foit de ces biens
qu'on nomme Cajlrenfui ou qnaji caftrevjia. Un
père peut donc annuUer le vœu que fan enfant au-
roit fait de donner des aumônes , de fe vêtir de telle
manière.
Mais pour qu^un père puifTe annuUer les vœux fait»
par (on enfant , il faut , félon les Canonilles , qu'il s'y
oppofe dans l'an & jour qu'il en a connoifTance ; cac
s'il laiffe paifer plus d'un an fans s'oppofer au vœu de
Ion enfant , dont il a connoifîîmce, il elî cenfé l'avoic
ratifié. Les Canonises appuyent leur avis fur le Ca-
non Puella^ c. lo. q. i.
Cependant fî le père avoir donné fon confente-'
ment au vœu réel que (on enfant avoit fait, & que
dans la fuiie il trouvât que ce vœu fut trop nuifi-
oij -
5 1 5 Conférences d'Angers ,
bie à Ces droits ou à fa famille , il peut révoquer le
confèntement qu'il avoit donné à ce vœu ; car ce n'é-
toit qu'une fimple perniifFion de difpofer d'une chofè
fur laquelle le père adroit; permiflion révocable à fa
volonté.
Les maîtres peuvent aufli annuller les vœux de
leurs ferviteurs , lorfqu'ils font incompatibles avec le
fervice que les ferviteurs leur doivent , ou qu'ils
font en quelqu'autre manière préjudiciables à leurs
droits, fans cela les maîtres ne les peuvent annul-
ler. Ainfi un ferviteur peut faire un vœu qui ne faffe
aucun tort à Ton maître, & en ce cas il eft obligé de
le garder.
Le Mari peut annuller & fîifpendre les vœux que
fait fa femme, & même ceux qu'elle a fait avant
leur mariage , & la femme pareillement ceux de
fbn mari , quand ces vœux troublent la paix du mé-
nage, ou qu'ils font nuilîbles à la fociété conjugale,
ou qu'ils peuvent , avec raifbn , déplaire à l'autre
pr rtie & la chagriner , comme le vœu de s'abflenir
de manger de la viande , d'aller en pèlerinage à un
lieu fort éloigné , de fe lever la nuit pour prier , &c.
Le Can. Manjjejlum , c. 33. q. 5. le dit du Mari c. La
laifon ed la même pour la femme ; mais comme
ï« mari eft , félon S. Paul dans la première Epî-
tre aux Corinthiens ch. 11. le chef de la femme,
Ton pouvoir eft plus étendu que celui de la femme ;
néanmoins dans les chofes où le mari & la femme
ont également droit, ils peuvent aufli également an-
nuller les vœux l'un de l'autre , comme feroit le
vœu de continence, parce que dépendant l'un de
l'autre pour l'ufàge du mariage , félon le même Apô^
tre chap, 7. ils ne peuvent faire vœu fur cela que
d'un commun confentement : comme S. AugulHn
dans la lettre qu'on a déjà plusieurs fois citée , en
avertit Armentaire & Pauline fa femme , les exhor-.
€ ManifeRum eft itavoluifle
legcra , fœn inam cfte fub vi-
(o , ut nuUa voca cjus , qux
abftinentiz causa voverît, red*
ciantur ab ea , niH autor y\\
fuerit perœi«€iwlo.
fur les Comman démens de Dieu, 317
tant de garder la continence qu'ils avoient voue d'un
commun avis ^*
Quand le mari & la femme ont refpedivcment
voué d'un confentement commun de garder la conti-
nence comme ils peuvent le faire, ni Tun ni l'au-
tre ne peut annuUer ce vœu , parce qu'ils font en cela
entièrement égaux, le mari n'y ayant pas plus dç
droit que la femme, & ils ne peuvent fe rendre ou (e
demander le devoir du mariage, à moins qu'ils n'ayenï
obtenu la difpcnfe de leur vœu. C'efl le fentiment com-
mun des Théologiens. Ilsl'appuyent fur le Can. (^uod
Deo , c. 33. q. 5. quieQ tiré de la lettre 199- de S. Au-
guftin dans les anciennes Editions, qui eft la 261. de
celle des Bénédidins ^.
Mais lorfqu'il n'y a qu'une des parties qui a fiic
vœu de continence , & que l'autre a feulement don-
né fon conlentem.ent à ce vœw , cette partie peut-
elle enfuite annuller le vœu en révoquant fon con-
fentement? Les Dodeurs répondent communément
qu'elle ne le peut pas , par b raifbn que nous ve-
nons de rendre que Gratien apporte fur le Can. Ma-
nifejltim ^ c. 33. q. 5. que le mari & la femme font
égaux dans Tulage du mariage , l'un n'ayant pas
plus de droit que l'autre. La partie qui révoqueroit
en cette occaiîon (on confentement, pécheroit griè-
vement ; car elle feroit injure à Dieu en voulant fms
une grande néceflité & (ans une forte railbn, con-
vertir à un u(age profane une chofe qui a été pro-
rniCe & confàcrée à Dieu ; & la partie qui rendroit
le devoir pécheroit aufli, puifqu'elle agiroit contre
un vœu dans lequel elle feroit engagée & qui la lie-
roit, C'eft ce que (aint Auguftin fèmble dire par ces.
paroles , Si lapfiis ejl ille , tu fJicm mjîaatijjiml' fer-
fjsvera.
d Una folacffc canfa poteft ,
quâ te id quoJ vovifti , non
folùni non horrarcmur , vc-
rùm etiam prohibcrcrnus im-
plere , fi forte tua conjux lioc
tecum fiifcipcre animi feu Gar-
nis infimitate rcciirarct. Nam
& vovcQda talia non Tant à '. ùiTimc perfevcra.
Oiii
conjiiçatis ,nifî ex confenfu &
voiuntdtc cirr.miini.
e Quod Dco pari confenfit
ambo voveraii* , perfeverantcr
ufqiie in finem rcddcre ambo
dcbiiiftis à quo proj^olîto fi lap-
fus cl} ille , tu faltcm inllan-
5î8 Conférences iT Angers ,
Quoique le mari fbit chef de la femme, îl ne peur
annuller les vœux que fa femme fait , qui font compa-
tibles avec tous les devoirs d'une femme , & qui ne.
doivent pas le choquer s'il efl raifbnnable : par exem-
ple , le vœu de s'abftenir du jeu ou de la comédie ,
de fréquenter les Sacremens, de vifîter quelquefois
far dévotion certaines Eglifes.
On peut validemcnt irriter un vœu fans aucune
caufe, cela dépend de la feule volonté de celui qui
a droit de l'irriter, parce que comme on le fuppo-
iê, il efl: le maître de la cliofè qui a été vouée par
celui qui lui eu. fournis. Or chacun peut difpofer à
fcn gré de ce qui eft à lui , & on ne fait injure à
perfbnne en ufànt de fès droits ; cependant il eu
quelquefois befbin d'avoir une caufe pour ne pas pé-
cher en irritant le vœu d'un inférieur ; car la puil^
iànce que Dieu a donnée aux Supérieurs , efl , félon
làint Paul dans la féconde Epitre aux Corintliiens
chap. 13. pour édifier & non pour détruire. Ainfî
un Supérieur pèche, lorfque, fans une caufe honnê-
te , ou fans une bonne raifon , il annuUe un vceu qu'un
inférieur a fait avec prudence, & qui ell beaucoup
profitable au fàlut de celui qui a fait le vœu , & n'eft
aucunement préjudiciable au Supérieur ni à aucune
autre perfbnne. Néanmoins fi le Supérieur l'annuile ,
l'inférieur loin de pécher en ne gardant pas fbn vœu y
doit obéir à fon Supérieur y puifqu'ii n'efi point abfolu-
ment befbin d'aucune caufe pour irriter validement
lui vœu ; il n'en ell pas même quelquefois befoin pour
l'irriter licitement , il fiiffit que le Supérieur n'y vo) e
pas une grande néceffité , ni une utilité confidéra-
ble.
On peut juger de-là qu'irriter un voeu & difpen-^
fer d'un vœu font deux chofès bien différentes. Irri-
ter un vœu , ceû déclarer que celui qui l'a fait , n'a
pas obfervé tout ce qui étoit nécelTaire pour la va-
lidité du vœu ; ainfi l'irritation déclare le vœu nui ,
parce qu'il y manquoit quelque chofe. Difperfèr
d'un vœiî , cefï décharger celui qui Fa fait de Te-
bligation de Toblerver, parce qu'il y a eu d'abord ,
ou qu'il ell furvenu depuis quelque circonilance qui
I
fur Us Cowmandewcns de Dieu* 5^9
fait juger qu'il eft plus expédient pour h gloire de
Dieu & fon propre Hilut , qu'il eii (bit décharge.
Ainfî la dirpcnfe bien loin de fuppofer la nullité
du vœu, fuppofe au contraire qu'il étoit valide, &
que dcs-lors il obligeoit ; mais la difpenf^' ote cette
obligation.
Avant que de finir cette matière nous remarque-
rons que le Pape Alexandre III. dans le chap. Scrip-
tîtriSj de Voto -i a déclaré que ceux qui font profel^
lion de la vie Keligieule font par-lA déchargés de
tous les vopux qu'ils avoient faits étant dans le /ie-
cle f. Saint Thomas 1, 1. q. 88. art. 11. dans la ré-
ponfe à la prem-ere objection, expliquant cette Dé-
crétale d'Alexiindre III. rend pour raifons, que par
la Profoflion religicufe on confacre à Dieu fa per-
fonne pour toute lii vie, tout ce qu'on eil, tout ce
qu'on poiïedo, &: par les auire^s vc^ux on ne promet
à Dieu que quelques bonnes œuvres particulières, qui
font renfermées dans ia pratique de la vie relîgieufe r
que celui qui îait Profeflion de la vie religieufe, re-
nonce à (a vie précédente , morimr priori vitis : & que
les pratiques ftngulieres ne conviennent point dans
les Monafleres, outre que le fardeau de la vie Reli-
gieufe eft aflez pefant fans qu'il faille y en ajouter un
autre*
/ Reus fradi Voti aliquare-
mis non habetMr , qui tcmpo-
lalc obfequiiim in perpctuam
nofcitur Rcligîonis obfervan-
ti;.tin commutaxe*
T
O îv
J20 Ccnférences d'Angers y
iHt<a*j'jBge<»'j»wai»MSMiaMLUMUBa!t^BB&»3BaBBfcea
IV. QUESTION.
VEgllfe peut-elle difpenfer des Vœux ou les:
changer ? A qui appartient ce pouvoir
dans VEglife f
JEsus-Christ a donné à TEglifè le pou-
voir de difpenfer les Fidèles des vœux qu'ils,
font, quand il a donné à fes Apôtres la puifTance
de lier & de délier les coniciences , en leur difànt :
Ce que vous lierez fur la Terre , fera lié dans le Ciel ;
€^ ce que vous délierez fur la Terre , fera délié dans
le Ciel y & lorfqu'il dit à S. faint Pierre nommément r
Je te donnerai les Clefs du Royaume des Cieux, Ce pou-
voir étoit une partie de la jurifdidion que les Apôtres
avoient dans TEglifè.
^^ous apprenons de THifloire Eccléiîaftique &
par le titre de Vota Ù" voti redemptione , dans les Dé-
crétales de Grégoire ÏX. que les Papes , les Con-
ciles & les Eveques ont ufé de ce pouvoir. Si l'E"
glife ne l'avoit pas , elle fèroit privée d'un moyen
qui lui efl absolument néceiïaire pour le gouverne-
ment des âmes , puifqu'elle ne pourroit fans cela
afTurer le faiut de piufieurs parciculiers ; car , cammQ
raifbnne faint Thomas 2. 1. q. 88. art. 10. le vœa-
étant une promefTe de faire un bien , il peut arri-
ver que celui qui a fait cette promeiïe Ce trouve dans
la fuite en des circonilances dans lefqueiies ce bien
ne lui eil: plus utile pour ion fàlut , ou qu'il ne
pourroit l'accomplir fans faire un mal, ou fans omet-
tre un bien plus important 8c plus preffé. Il eil né-
«^eifaire alors , ou qu'il fait entièrement difpenfc
de (a promelTe , ou que le bien qu'il avoit promis
fbit change en un autre compatible avec Tes autres
devoirs.
Pourquoi en cette occafîon ne difpenferoit-on pas
du vœu qui eil une loi particulière qu'un homi-xit-
fur les Commandemens de Dieu. 321
s*e(I impofcc, puifqu'on dirpenfe bien les particuliers
c^es loix publiques , lorfque ce feroit un mal plutôt
qu'un bien qu'ils les obfervaflent. Mais celui qui a
fait le vœu ne doit pas être fur cela ion juge , il
faut qu'il ait recours au Supérieur Eccléfîaftique qui
déclarera que , dans telle circonftance, le vœu n'o-
blige point, & qu'on peut ne le pas accomplir, &
ce fera une difpenfe qu'il accordera ; ou qui décla-
rera qu'on peut ne pas garder le vœu pourvvi qu'ors
le foumette à faiie quelque autre cho(e que le Su-
périeur ordonnera en la place du vœu , & ce fera
une commutation de vœu. Le Supérieur Eccléfiafti-
que peut faire l'un & l'autre ; & on ne peut être d'iC-
penfé d'un vœu que par (on autorité ; car c'efl à lui
a déclarer au nom & en la perfonne de Dieu à qui
ie vœu a été fait , ce qui cil agréable ou défagrca-
ble au Seigneur en telle occa/îgm, félon que dit faint
Paul dans la féconde Epitre aux Corinthiens ch. i.
ce Si j'ufe d'indulgence, dit cet Apôtre , j'en ufe à
3î caufe de- vous , au' Nom & en la Perlbnne de Je-
y> fus-Chrift 51 ^,
Si on difoit que l'Eglise ne peut pas difpenfer du
droit naturel , & que par conféquent elle ne peut'
difpenfer d'un vœu fait à Dieu ^ dont l'obligation efl
de droit naturel , on nieroit cette conféquence ; can
l'Eglifè en dilpcnfànt d'un vœu, ne fait qu'ôter la
caufe d'où nailfoit une obligation de droit naturel y
& ne difpenfe pas de ce droit. Pour que TEglifedifpen--
sat du droit narurel, il fiudroit qu'elle fit qu'on nç
fut point obligé de garder un vœu , pendant qu'il
~ fùbfifte en toute fi vigueur ; car le droit naturel difte
qu'on doit garder un vœu pendant qu'il eft vœu 8C
que fon obligation lubfîrte. De même qu'un homme-
qui après avoir accepté une promcrfe, fait remife
de la choie qui lui avoit été promife, ne difpenfe
pas du droit naturel , mais en fe relâchant de la pro-
meffe faite en fa faveur , il fait que l'obligation de
la tenir ne fublîAe plus ; pareillement le Supérieur
é Nam & cpo qu?d donavi > C ^uid donavi proptcr vos , in»
Ççrfona CUifU.-
O V
^22 Conférences d'Angers,
Ecclcfiailique qui comme Miniitre de Dieu & représen-
tant il\ penonne , remet la promelie qui avoit été faite
à Dieu par le vœu , fait cefïer l'obligation de Taccom-
plir qui était de droit naturel , en anéantilTant le voeu
<]ui en étoit la caule.
L'autorité légitime de difpenfèr des vœux appar-
tient fuivant le droit à ceux qui ont la jurifdidion
ordinaire dans l'Eglifè au for extérieur 8c la princi-
pale part au gouvernement. Ce font eux qui com-
me des (entinelJes veillans fur la maison de Dieu ,
.fçaventdiicernerietems de rigueur &le tems d'indul-
gence. Cette puifTance peut toutefois être communi-
<|uée aux Clercs inférieurs par commiiïion ou par dé-
légation.
Le Souverain Pontife étant le chef de TEglife peut
diipenfer des vœux en toute matière Se dans toute Té-
itendue de la Chrétienté : Ion pouvoir n'eil pas limité
à quelque Province particulière , fà jurifdiétion s'é-
^erfd par-tout.
Les Evcques ont le pouvoir de difpenfer des vœux
^ aeles changer, mais ils ne l'ont que dans leur Dio-
cefè , de mcm.e ceux qui ont loi diocélaine, ne l'ont
ci\ie dans l'étendue de leur jurifdidion. Ils ne peuvent
îiiles uns ni les autres l'exercer qu'à l'égard des vœux,
dont la difpenfè n'eil réfèrvée au faint Siège , ni par
quelque ordonnance de TEglile , ni par la pratique
©u la coutume. Il y a un grand nombre de ces for-
tes de vœux dont il convient (cuvent de difpenfer
les Fidèles. Il eii donc befôin qu'il y ait dans ÏE-
gliie d'autres Supérieurs que le Pape à qui on puilie
recourir avec plus de facilité pour en obtenir la di(^
La difpenfe des vœux qui ne font réfèrvcs au fliint
Siège, ni par le droit ni par Tulàge , efl: réfervce
aux Evèques & à ceux qui ont loi dioccfîiine. Au-
cun Prêtre, quoique approuvé pour abfôudre des cas
réiervés , ne peut difpenfer d'un vœu , ou le chan-
ger, fans en avoir obtenu un pouvoir exprès du Pa-
pe , ou de PEvéque , par écrit ou de vive voix. jM.
Miron Evéque d'Angers en avcnit les Curés de Ton
JDiocefe dii.ns. Cq&. Ordoijjiauce Syncdalede ïùii i Ces ,
far les Commandemens de Dieu. 325
rapportée dans les Statuts du Diocefe à la page 340.
Les vœux rclervcs au Pape (ont celui de cliafteté
perpétuelle, celui d'entrer en Religion , celui de pc-
icrinage à la Terre-fainte , à Rome au Tombeau des
Apôtres, à S, Jacques en Galice. La dilpenfe en ell
réfervée au Pape plutôt par la pratique ou coutume qui
s'efl établie de s'adrelfer au (aint Siège pour l'obte-
nir, que par aucune ordonnance de l'Eglile. Cette
coutume a préfentement force de Loi , & il faut s'y
tenir, à moins que le Siège d'un Evcque ne fê foit
maintenu dans la poireilion contraire; en ce cas i'E-
vèque de ce Siège peut accorder la difpenfe de ces
vœux.
La réserve étant une matière odieufê , puifju'elle
cft contraire à la jurifdiftion que les Evcques ont de
droit commun, doit ctre reflreinte aux vœux qui font
véritablement , & à la rigueur des vœux de chafteté
perpétuelle , de Religion , & de ces trois pèlerinages.
Ajoute/, fuivant les principes que nous avons ci-devant
établis, que li ces vœux ont été extorqués par une
crainte imprimée injudement, ils ne lônt point rè-
lervès.
Les Dodeurs tiennent pour certain que les vœux
faits en m.atiere réibrvèe pour être rèfervès au Pa-
pe, doivent être ablolus, certains & non douteux,
parfaits, perpétuels Se aflurés , ahjoluta . certa, indu*
iitata, ft^rfecta , perpétua , rata. Si les Evéques n'a-
voient pas le pouvoir de difpenferdes va^ux qui n'ont
pas toutes ces qualités, on auroit peine à remédier
aux troubles & aux embarras dans lefquels les âmes (h
trouveroient fans ceffe : plu/îeurs failant précipitam-
r.ient des vœux en des momens de ferveur 8c de dévo-
tion , fans faire beaucoup de réflexion à quoi ils s'en-
gagent.
Il s'enfuit de-là que les Evcques peuvent difpenfer
ëes vœux faits en matière réfervée,
i". Quand ces vœux ont été faits (bus une condi-
tion qui regardoit l'avenir, & que cette condition n'efl
pas encore accomplie.
i«. Q"'»"'i ^^ matière réfervée au Pape, n'cd pas
h princ%..l objet du vœu, mais ieuiemen: l'acceC-
Ovj
3-2'4 Conférences d'Angers,
loire. Ainfî les Evéques peuvent difpenfer du vceir:
de s'engager dans les Ordres facrés , car quoique par-
l'Ordonnance de TEglife , l'obligation de garder la,
continence, fbit jointe à ces Ordres , la chaftetc néan-
moins n'efl que l'acceffoire de ce vœu,
30. Quand ces vœux font pénaux, par exemple;
une perionne pour fàtisfaire à^ia juilice de Dieu, fait-
vœu que Cl elle retombe dans^'un tel péché, ellegar--
dera la chafteté le refte de fes jours : une autre fait
vœu de ne jamais jouer, & que iî elle joue > elle en-
trera en Religion.
40. Quand ces vœux font faits avec une alterna-
itlve, par exemple , je fais vœu d'entrer en Religion ,.
ou de donner mille écus aux Pauvres. La raifôn eH
que dans les alternatives , le débiteur a le choix , &•
si fliffit qu'il falTe l'une ou l'autre , fuivant la règle 70.
de regulis Juris m 6^i In alternadvis dehitoris ejî elec-
zio , & futjicit alterum adimpleri.
5*^. Quand on a fait vœu , & qu'il y a fondement de
douter de la validité du vœu à caufe du manque de-
délibéi-'ation ou de liberté, le vœu paroifTant avoir été*
fait par légèreté , avec précipitation ou par crainte,
ou quand l'on doute fi effedivement on a fait vœu,
©u s'il y a jufle fujet de douter fi le vœu efl réfervé'
au Pape. Car dans le»doute de droit ou de fait, le-
vœu n'eft pas un vœu certain.
6^, Quand le vœu de chafleté n'a été fait que pour-
un tems, ou quand on n'a précifément fait vœu que
de ne fe point marier, ou quand on a fait vœu de ne
point- demander le devoir du mariage; car ces vœ^ux-
,ne font que des vœux imparfaits , & ne font pas pro-
prement des vœux de chafleté perpétuelle. Certaine-
inent il y a une grande différence entre s'abflenir du:
■markge, ou ne point demander le devoir du mariage.
& garder la chafleté.
70. Quand les vo^ux de chafieté & de Religion^
©nt été faits dans un péril extrême de perdre la vie,
pour obtenir de Dieu la grâce d'en forcir. La raifoir
ci}, que ce ne font que des voeux conditionnels ^
îir«parfiits ; puifqu'on ne les fait qu'à condition que
IDieu ;^ura U.b.ojité de. faire. çeiTex le péril ovi l'on fs:
fur les Commandtmtns de Dieu* 3 2^
trouve , & ce n'eft pas le pur amour de la chaftetc
ou de la Religion , mais plutôt rattachement qu'on
a pour cette vie, qui fait prendre de pareils engage-
mens.
8°. Les Evcques peuvent difpenler du vœu d'entrer
en une Religion trcs-auftere , en ordonnant l'entrée en
un Ordre moins rigide, parce que cette dilpenfe ne
regarde qu'un acceflbire de l'état Religieux auquel
on demeure engagé , après avoir obtenu cette dif-
penfe.
Flnfin les Evéques peuvent dirpenfer du vœu d'en-
trer dans une Congrégation Reiigieufe non approuvée
du (Iiint Siège.
Quant au vœu de virginité, com.mec'eft un vérita--
ble vœu de chaftetc perpctueUe , les Evcques n'en-
peuvent dilpenfer que dans les cas où ils peuvent dif-
penferdu vœu de chafteté.
Les Evcques peuvent en des cas extraordinaires
& particuliers difpenfer du vœu fimple de chaftetc
perpétuelle , quoiqu'il foit abfolu oc parfait. S'^avoir ,
1°. lorfque les parties (ont en grand danger d'in-
continence , &: qu'elles ne peuvent pas facilement
avoir recours à Rome , à caufe qu'elles n'ont pas.
l'argent nécefTîiire pour en faire venir la difpcnfe ,
ou a cau(e de l'éloignemenr des lieux, & qu'il y a
un danger évident à attendre la difpenfe du Pape ;.
par exemple , C\ ce font des jeunes gens mariés , dont
l'un ait fait vœu de chadeté. i°. Lorfque le retar-
dement de la difpenfe caufera un grand fcandale ,.
ou apportera un préjudice confidérable à une per-
sonne ; par exemple , fera qu'une fille demeurera,
déshonorée , & un enfuit fera illégitime , y ayanc
lieu de craindre que le corrupteur de la fille ne.
contratfie mariage avec une autre. On préliime rai-
£bnnablement que ce n'ed pas l'intention du Pape,,
à qui Dieu a donné la puiflance fpirituelle pour édi-
fier & non pour détruire, que la réferve qui lui a
été faite de ce vœu par la coutume, plutôt que pat"
«ne loi , ait lieu en ces cas où elle fèroit préjudi-
ciable au filut des âmes qui demeureroient expofée*
^u. danger de le perdre ; d'autant plus qu'une cou-
^26 Conférences a' Angers ,
tume n'a pas force de loi, iî elle nci\. rai(onnabIet
comme il e^ dit dans le chap. Cum tanto de con--
fuetudme. Ce fèntiment efl approuvé par les Doc-
teurs qui font les plus attaches au faint Siège. Mais
ils remarquent fort prudemment, que dans ces oc-
calîons la difpenfe de TEvéque n'éteint pas Tobli-
gation du vœu, & qu'elle ne fait qu'en fulpcndre
l'exécution ; ce qui fuffit pour le falut des âmes au-
quel oi> a voulu pourvoir ; de forte que ii la per-
fbnne qui a obtenu dilpenfe de Ion vœu, le trouve
en état de le garder , l'engagement qu'elle avoit
contradé étant rompu par la mort de l'autre par-
tie , elle retombe dans l'obligation de garder Ton
vœu.
Il y a deux difficultés qu'on peutpropoler qui ne
paroilfent pas allez, éclaircies , par ce que nous avons
dit. La première regarde le vœu de ne Ce point ma-
rier , dont nous avons dit que les Evéques peuvent
dirpenfer; cependant le vœu de ne Ce point marier
ell pour l'ordinaire celui de garder la challeté per-
pétuelle. Pour lever tout doute , nous difons qu'en
matière de vœu il faut plutôt confîdérer l'intention
qu'ont ceux qui font des vœux , que les paroles dont
ils le fervent pour les énoncer ; que Ci celui qui a
fait vœu de ne Ce point marier , a eu intention de
garder la chafleté perpétuelle , c'eil un véritable vœu-
de chadeté réfervé au Pape ; qu'au contraire fi par
un dégoût pour le Mariage caufé par les fuites fi-
cheufes & par l'embarras qui l'accompagnent ordi-
jnairement, une perfonne fait vœu de ne te point
marier fans avoir en vite précifcm.ent la chafteté >
ce vœu n'ell point celui de challeté , & l'Evéque ent
peut difpenfer.
L'autre difficulté efl de fcavoir, fi l'Evéque peut
difpenfer d'un vœu qui a été fait fous condition y
après que la condition ed accomplie. Les Dodeurs
font partagés fur cela , les uns fbutiennent la néga-
tive , parce que , difent-ils , le vœu efl abfolu & par-
fait après l'accomplifTement de la condition , les au-
tres font pour l'affirmative. La raifbn de ceux-ci efl:,,
çiu'ii faut regarder ç[ueiie a été dans Con origine la
fur les Commande mens de Dieu, 527
volonté de celui qui a fait vœu fous condition , &
on verra que ce n'a pas été l'amour du bien qu'il a
voué de faire , mais l'attachement qu'il avoit à ia
chofè qu'il attendoit de Dieu qui lui a fait faire
fbn vœu ; car (a première & principale intention
n'étoit pas de faire la chofe qu'il a vouée , par
exemple, quand une fille qui voit Ton père en dan-
ger de mort, a fait vœu de garder la chafleté fi fon
père revient en fîmté , c'efl i'affedion qu'elle a pour
fbn père , & ia crainte de (a mort qui ont extor-
qué d'elle ce vœu ; 8c fîi première & principale in-
tention n'étoit point d'embraffer l'état de challeté,
ainfi après que (on père a recouvré la fimté , (on
vœu n'efi: pas un vœu de chafîeté entièrement ab-
folu & parfait ; car Hi première Se principale inten-
tion qui a été la caufe du vœu , y demeure toujours
renfermée , par conféquent l'Evcque peut difpcnier
de ce vœu , ia réserve étant une chofe odieufè. Il
faut , dans ce panage d'opinions , pencher du coté
c|ui eft le plus favorable aux Fidèles & à la jurif^
didion des Ordinaires , & ne pas étendre la réferve
au-delà des vœux qui (ont entièrement abfolus &
parfaits , c'e(l-à-dire , dans lefquels on a eu premiè-
rement & principalement en vue le bien qu'on a
promis de faire. C'eft le (êntiment de Sanchés liv.
8. du Mariage, difpute 10. nomb. 13.de Pontius-
Traité du Mariage liv. 8. des Dilpenfes , ch. p, n.
6» de Diana dans la troifieme partie de (es Ré(blu-
tiens , traité 5'. Réfolut. 2^. de Ducaïïe, de la Jurii^
didion Eccléfiaftique , première partie chap. 10. (cff,
3. n. 7. Il lemble que c'efl auHl le fentlment deTo-
let liv. 4. ch. 18. n. n. & de Sainte-Beuve tome i,
de fcs Réfolutions , Cas 96. Car ces deux Auteurs
difent abfblument que les Evcques peuvent dilpenfer
des vœux conditionnels , (Ims diilingucr f\ la con-
dition eft accomplie , ou ne l'ed pas. Les Do6teur§.
qui (ont d'un fentimenr contraire , (ont forcés d'a-
touer que lorfque la condition eft pénale , comme
quand une perlônne fiiit vœu de garder l<i challeté ,
U elle retombe dans un tel péché , l'Evéque en peut:
cijlpen(èr : p.irce que , difent-iis , ce vœu procède plus
328 Conférences d'Angers,
de la crainte que d'un amour pour la chafleté. Or
la même raifon a lieu dans les vœux conditionnels,
comme on vient de Je faire voir.
Les Vicaires-Généraux des Evèques peuvent dlC-
penfer des vœux dont leurs Evéques font en droit
& en poiïeffion d'accorder la difpenfe , mais ils ont
befoin que ce pouvoir foit exprimé danS' leurs let-
tres de Vicariat ; une concefTion générale ne leur
flifïiroit pas , comme Sainte-Beuve que nous venons
de citer , a remarqué après RébufFe , en (a prati-
que Eénéficiale , au titre de forma Vicariatûs , nom-
bre 44.
Il y a des Ordres Religieux qui prétendent avoir
par un privilège du Pape , le pouvoir de changer
les vœux douteux en matière réfer^^ée au faint.
■ Les Prélats réguliers des Ordres exempts, font ert
poifeiTion d'accorder aux Religieux de leur Ordre:
la difpenie des vœux qu'ils ont fiiits en matière, non
réservée au Pape. Les Abbeiïes , de quelque exemption
qu'elles jouiiïent, n'étant pas capables d'exercer la
jurifdidion (pirituelle , n'ont pas le pouvoir de àiÇ-
penfer leurs Religieufes des vœux- qu'elles font ; mais»
les AbbefTes peuvent irriter ou annuller ces vœux^
quand ils font nui/ibîes au gouvernement iVîonafti-
que; qu'ils (ont capables de troub'er l'ordre du Mo-
îîaflere ; qu'ils font oppofés à l'obéiilance que les
Religieufes doivent à leurs Supérieures , ou contrai-
res à leur flmré.
On ne doit ni demiander ni accorder la difjienfe
d'un vœu , que lorfqu'il y a une raifon confidérabla
& une cauie légitime , comme font la néceffité ou
Tuiilité fpirituefîe de celui qu'on difpenfe , ou celle
du Public. Sans cela la difpenfe feroit une diflipa-
jtion & une prévarication plutôt qu'une difpenfe y
comme parle S. Bernard liv. 3. de la Considération
chap. 4. Car Dieu n'a pas donné aux Supérieurs
Eccléfafliques la puifîànce fpirituelle pour détruire,
mais pour édifier , & ils ne font pas les maitrcs da
la chofê ou de l'aftion , que leur inférieur a pro-
juife à Dieu , pour en pouvoir dil£ofcr a leur vo-
fur les Comm an démens de Bleu. 529
lontc : ils (ont feulement les iMiniflres & les Interprè-
tes de Dieu à qui la cho(c promile c(ï due, pour dé-
clarer en Ton Nom ce qui lui c([ le plus agréable en.
telle circonftance. C'ell pourquoi s'ils veulent agir
avec fidélité & avec prudence , quand on leur de-
mande la difpenfc d'un vœu, ils doivent, fuivant le
confèil que donne Alexandre III. ch. de peregrina-
tionis votis^ au Titre de Voio Ô" Voti redemptioue ^ exa-
miner attentivement les circonftances du terni- , du
lieu , des personnes , & les raifbns qu'on allègue, &
voir fi ces raisons (ont fuflifàntes pour faire juger
qu'il y a des inconvéniens à obliger celui qui a t'ait
vreu à l'exécuter , & que c'eft un plus grand bien de
lui en accorder la di(penrc,ou de le changer en quel-
^u'autre œuvre de piété.
Celui qui veut demander la dilpenfe d'un vœu y
doit s'interroger loi-meme ; car il Ce doit mieux
connoitre qu'un autre ; ne (è point flatter , fonder
Ton cœur, examiner fon intention , confulter la vé-
rité , écouter ce que fa confcience lui diifte , aii
lieu de chercher à adoucir par une difpenfe les re-
mords d'une confcience agitée. C'efl l'avis que don-
ne S. Bernard à fon Neveu dans la première de fes
lettres : Refpue blandimenta , adulationibus claude ait^
rcs , te inurroga de te , quria tu te rnelilis nofli quàm.
alias. Attende cor tuum , difciue imemionem , confule
veritaiem , tua tibi confcieniia refpondeat. Si , tout
bien confidéré , il croit devoir demander la difuenie
de Ion vœu , il faut qu'il déclare au Supérieur le
cas tel qu'il efl en eflbt , & qu'il lui expole fes
railons dans la pure vérité , afin qu'il n'accorde la
dilpenfe qu'avec connoifTance de caufe. Souvent une
railon peut être fuffifante dans un cas pour rendre
une difpenfe légitime , & n'être pas fuffifànte dans
yn autre cas.
Une difpenfti obtenue fans caufe ne fert de rien
devant Dieu , Si ne met point la confcience en sii-
reté , étant non-feulement illicite , mais aulH in-
valide ; elle n'a lieu qu'à l'égard du jugement exté-
rieur des hommes. C'eft le fentiment de fiint Tho-
tnas :, 2. q^. 88. art, ii. dans la réponfc à la fe-
530 Conférences d^ Angers y
conde objcâion ^, A quoi eft conforme îa Glofe
fur le ch. Non ejl Voti, de Voto & Voti redcmpkne ^^vl
mot adimplere ^.
Que celui qui a obtenu la difpenfe ne di(e point
que c'eft au Supérieur qui Ta accordée , à voir s'il a
obfèrvé les régies , que pour lui il n'a rien ? crain-
dre : ce (èroit s'abuîer ; c'efl à celui qui a demandé
à voir de quelle manière il l'a obtenue ; en deman-
dant une difpenfe injufte ^ il a été caule de l'injuftice
qu'a commis le Supérieur qui n'efl; que dirpenfaceur
& non pas maître , & en s'en fervant il ne fait que
s'engager de plus en plus en cette même injuftice ;
il eft donc obligé de garder (on vœu comme s'il n'en
avoit point obtenu la dirpenfe.
Saint Thomas , à Tendroit qu'on vient de citer ,
ajoute, que Ci celui qui a obtenu la difpenfe d'un
vœu , avoit une caufe apparente qui put au moins
faire douter s'il y avoit lieu de le difpenfèr, il peut,
l'ayant expofé dans la pure vérité au Supérieur , s'en
tenir à Ton propre jugement, & ne pas s'arrêter au
fien. propre , parce que c'eft au Supérieur & non pas
à lui , à juger fî la cau(è eft fuffifànte ou infuffirante
pour dirpenfer ^,
Quoiqu'on loue ceux qui ne demandent point à
être diipenfés de leurs vœux , mais qui les accom-
plirent exactement, quelque difficiles qu'ils foient,
on n'approuveroit néanmoins pas ceux qui feroient
vœu de ne jamais demander de difpenle des vœux
qu'ils auroient faits , & ils ne feroient pas obligés de
h In rnanîfeflis dirpenTstio
Praelati non exciirarct à cul-
fa , putà fî Prjelatus difpen-
laret cum aliquo fuper voro
de ingreflu Religionis , nuilâ
apparente causa obftante.
c Non cft feciiriis quosd
Deiim cun:\ qtio Papa difpen-
fat , nifi fubfit caufa difpen-
fandi j iici\t nec dicitiir abfo-
liitus , qui caiifam excommun;-
cationis fupprimit , habebit ta-
Wen exceptioncm c^iiod Ecclc-
fiam ille cum <]oo fine caufa
dirpenfatum eft : (juoad Deiim
fibi allegatio non valcbit , iibi
jiidicabuur eo tefte , qiio Ju-
dice.
d Si tamen effet caufa ap-
pareils pcr quam faltcm in du-
bium verieretur.poflct Aare ju-
dicio Pralaii difpenfamis vcl
con-.miit'ntis > non autcm jii-
dicio pro^r'o , quia ipfe auri
gcrit vicern Deit
fur les Commandemens de Dieu, 5 ^ f
^rder ce vœu en toutes occafîons ; car il ne luffit
pas que la matière du vœu foit une chofe bonne &
permife , il faut audl qu'elle foit utile au làJuc de ce-
lui qui fait le vœu. Or il n'eft pas toujours profitable
pour le làlut de ne point demander à ctre difpenfc de
Ces voeux ; au contraire il eft quelquefois très-expc -
dient & même néceffaire de le demander , à. caufe du
dp.nger évident où l'en (e trouve de tranfgreiïer Ton
vœu , ou de commettre quelque autre pcchc ; cette
résolution eft de S. Antonin en là Somme , part, z,
lit. II. cliap. 2,. §. 9,
Les termes (euls de dîlpenlè & de commutation
nous doivent faire comprendre qu'il y a de la dif-
férence entre ces deux manières de rejacher l'obli-
gation des vœux. Par la din-)enre , le Supérieur F.c-
clé/îalîique ote entièrement l'obligation du vœu pour
quelque caufe juOe , C\ bien qiso la difpenfe ell pro-
prement une déclaration que le Supérieur fait , que
Dieu n'a pas agréable l'exécution de la promefTe en
tel cas , & qu'ainfi on n'eft p?s obligé de l'accom-
plir. Par la commutation , le Supérieur fans déclarer
que le vœu ne doit pas ctre gardé , change feulement
la chofe vouée en une autre également bonne , ou
quelquefois moindre.
On peut , làns confulter le Supérieur Ecclé/iafli-
que , changer de la propre autorité un vœu dans une
chofe qui efl fans doute & manifeilement meilleure,
tout confidéré : h-on enim propojitum auc p-omiffum
infringit , qui in meliits illiid commutât , dit le Pape
Grégoire III. cit. Tervenit z. de jnrcjiirando. On ex-
cepte les vœux réfervcs au Pape , & ceux qui font
faits en faveur d'un tiers , quand ils ont été acceptés.
On ne peut , fans l'autorité du Supérieur EcclcHaP
tique , changer un vœu on quelque chofe de moindre.
Cette commutation étant une relaxation du vœu, &
en partie une dilpenfe , elle requiert en celui qui la
fait le pouvoir de difpcnfer des vœux ; & elle ne le
peut faire fîms caufe ; elle (eroit non-feulement illi-
cite , mais encore invalide. On ne peut non plus fans
cette même autorité changer un vœu en une cho(ç
çgale y le droit ne donne aux particuliers la permif^
55^ Conférences d'Angers,
fion de changer leurs vœux que dans une chofê bean-»
coup meilleure , comme il paroit par le ch. Ver-jevÂt:
qu'on vient de citer , & par le ch. Scriptune , de Voto,
Si chacun pouvoit de (on autorité propre changer
la matière de Ton vœu en une choie qu'il croiroit
égale , il pourroit fbuvent arriver qu'il la changeroit
en une choie moins bonne & moins agréable à Dieu ,.
que le tempérament & l'inclination lui feroient juger
égale ; car rarement on elt jufîe Juge en fa propre
cauie , on s'abufe aifément. Les Dofteurs difent mê-
me que cette commutation ne le doit point faire fan»
quelque caufe légitime.
Ceux qui ont le pouvoir de difpenfêr des vœux y
ont celui de les changer , car celui qui peut faire
plus , peut faire moins dans le même ordre , lorfque
l'un eil (ùbordonné à l'autre , fuivant la régie 5:3. t/^
vcgulis juris in 6^, Cm Jicet quod efr plus, îicet titique
quod ejî minus :■ & quand un Eveque a changé dans-
le cas marqué ci-defîiîs un vœu qui touchoit une ma-
tière réfèrvée au Pape , en un autre vœu non réfer-'
vé , il peut dans la fuite dilpenfer de ce vœu non-
réfervé , s'il juge que la dif])en(è foit plus profitable
pour le f2.1ut de la perfbnne engagée dans le vœu >
car dans cette hypothèfe il ne refte plus de réferve.
Même un Eveque peut di-fpenfer des œuvres de piété
dans lerquelies- le Pape auroit changé un vœu qui-
lui étoit réfervé, car ces œuvres fiibf^ituées en la pla-
ce du vœu ne font pas à la rigueur un vœu. La per-
fbnne dont le Supérieur Ecciéfiaflique a changé le
vœu , peut après la commutation exécuter fbn vœu y
au lieu que la chofe qui avoit été llibilituée en la pla-
ce , parce que la commutation efl une grâce ou in-
dulgence , qu'on lui avoit accordée., à laquelle elle
efl la maîtreiTe de renoncer, félon la régie 61. de
regulis Juris in 6^, Qtiod ob gratiam alicujus conce^
diiur , ncn efv in ejus difpendium reiorquendnm.
Il y a trois caufes générales que le Supérieur Ec-
cléfiaftique doit avoir en vue , quand il diipenfe d'un
vœu , ou qu'il le change ,qui font, l'honneur de Dieu,
le plus grand bien de i'Eglife , l'utilité on la nécef-
Bté fpirituelle de là. perfonne qui a fait vœu. C'eil
fur Us Comrnandemens de Dieu, 333
pour cela que la glofe fur le ch. Magna , de Voto ^
avertie les SupL-rieurs de fiiire attention à ce qui eft
permis félon la jullice , à te qui efl: décent lelon
rhonnétetc , & à ce qui eft expédient pour l'utilité.
Iria funt corijidiranda ; quid liceat feattidlim a:qiiiia^
tem ; quid deceat j'ccimdum honejlatem ; quid expédiât
fccundiim uiilitattm.
Les railons qui déterminent le plus ordinairement
à accorder la difpenfe,ou la commutation des vœux,
font :
1°, La manière dont a été fait le vœu , comme
quand il y a fondement de douter C\ la délibération
qui a précédé le vœu a été fuffi{îmte,fi le vœu|a été
fait par légèreté & inconfidérément , (ans que celui
qui Ta fait , ait prévu les fuites de l'obligation dans
laquelle il s'engageoit.
z°. Quand le vœu a été fait par crainte , par er-
reur 5 par chagrin , ou dans le trouble de quelque
autre paflion.
3°. Quand on doute /île vœu a été efFeftivement
fait , ou s'il eft valide,
40. La plus grande utilité fpirituelle , ou la néctC-
fîté particulière de la per(bnne qui a fait vœu :
comice quand il eft furvenu quelques circonftances
qui rendent la matière du vœu ou mauvaife , ou inu-
tile 5 ou font qu'elle eft un obftacle & un empêche-
ment à un plus grand bien , & même quand il y a
iieu de craindre que la matière du vœu ne devienne
telle dans la (uite , ou quand le (alut de la per(bnne
qui a fait vœu eft en danger , & qu'elle ne peut mo-
ralement éviter ce danger fans le fecours de la dif^
penle , ou quand il y a iieu de craindre un fcandale
con/idérable.
50. L'impofTibilité ou la grande difficulté qu'il y a
à exécuter le vœu, quand cette difficulté eft furvenu©
depuis le vœu , ou qu'elle n'a pas été prévue , quoi-
qu'elle ne fut pas feule fuffi(ante pour empêcher que
le vqpu n'eût la force d'obliger.
C'eft par ces deux raifons qu'à la Pénitencerie de
Rome on accorde aux jeunes gens la difpenfe ou la
commutation du vœu iimple deçbaftetc, iarTexpcfé
554 Confctences d\4ngers ^
qu'ils font qu'ils font dans le péril de tombef difis
^incontinence s'ils ne fe marient. Mulier emijh Fo-
ium fr/npiex cajUtatis , mautt in periculo incominemice ,
nifi nubat , oU bien ;, ob ftimiitos carnis quos femit ,
cominemer vivere pojji dijjidit , nijï nubat , fu^plicat
fibi Vomm commutari ad effeCium contrahendi matri"
înonium. La pratique ancienne de l'Eglife prouve
qu'on peut demander en confcience la dKpenfe ou
la commutation de ce vœu. S. Cyprien nous en efl
tém.oin dans la lettre 6i. à Pomponius , où parlant
de certaines vierges qui avoient fiiit un vœu fimple
de virginité , il dit ^ :
Quelquefois le Pape accorde la di(penfe de ce vœu
purement & fîmpiement , & en ce cas la perfcnne
qui l'auroit fait , n'eii plus du tout obligée à garder
(on vœu ; mais ces difpenies font fort rares , & il faut
pour les obtenir alléguer encore quelque autre raifon
dans la flipplique. Ordinairement le Pape ne fait
qu'une comniutation de vœu en quelques œuvres de
pénitence & de piété . qui faffent fouvenir journel-
lement la peribnne de l'obligation qu'elle avoit con-
tradée, en permettant qu'on fe marie , à condition
que il on devient libre on fera obligé de garder fbn
vœu. ha quodfi malieri cui conjungemr , fufcrvixerit ,
cafiitutdm fervet , îupotè eodem voto ut frhis obliganrs i
Ù" Çt extra matrmionhtm fornicatus fuerii , aiumonuâ
ditïâ muîiere aîiud matrimonmm abfque nova difpen-*
fatione comraxerh i fciat fe comraVoîurn hujufmcdi fa^
cere , debhum conjugale exigere non pojfe : comme on
lit dans Tiburce Navare en Ton Introdudion à la pra-
tique de l'exécution des Lettres de la Pénitencerie ,
en ce cas le vœu demeure en fà vigueur , non-feule-
ment après le premier , mais aufli durant le fécond
znariage.
6°, Une notable nécefTité , ou utilité d'un Etat oi|
d'une famille diflinguée.
e Quae cùm femel ftatum
fiium continenter d: firmitf
tentre dccreveiint , fi auiem
|>£ticvcriuc iiûlunc vei non
pcfTimt j meliijs eft nubant )
quàm in igncn:i dcliiftis fuis
cadanc.
fur les Co mm an démens de Dieu, ^^^
11 faut ufer de beaucoup de prudence pour juger
(î les caull's allcguccs font fufTininces ou non : il en
tauc de plus fortes pour une difpenfè que pour une
commutation ; il en faut de plus confîderables quand
il s\igit d'un vœu fc)rc important , que quand il s'agit
d\m qui eil de peu de confcquence. li faut pareille-
ment une raifon plus grande pour changer un vœu
en quelque chofe de moindre , que pour le changer
en une égale.
Les Confeiïcurs à qui on délègue le pouvoir de diC-
penfer de vœux, ou de les changer, doivent , i".
avant toutes cliofcs, faire une attention férieufe aux
paroles du Bref ou de la commlfîlon qu'on leur adrefTe,
afin de ne pas excéder le pouvoir qui leur eu accor-
dé ; fi on ne leur permet que de changer un vœu , ils
ne doivent pas préfumer d'en difpenfer ; ou /î on leur
prefcrit de le changer en une- chofe égale, ils ne
peuvent en faire la commutation en une chofè moin-
dre. 2°. Examiner s'il y a jufte & légitime caufe de
dilpenfe ou de commutation, ou fî celle qu'on a ex-
po fée au Supérieur Ecciéliaftique ell véritable. 3°,
Prendre garde fi le vœu eiï en faveur d'un tiers , (oie
d'un particulier , foit de TEglife , & s'il a été accep-
té ; car en ce cas on ne peut en difpenfèr , ni le chan-
ger fîms le confentement de ce tiers. 40. Pefèr mû-
rement ce qui efl plus expédient pour le fàlut de la
perfonne engagée dans le vœu , & quelles œuvres de
piété & de pénitence il convient mieux de lui en-
joindre. Pour en juger fàinement , il faut s'enquérir
avec exaditude , non-feulement de la condition , de
l'âge, des biens , de la foibleffe ou infirmité de la
perfonne qui a fait le vœu ; mais encore de la peine ,
du travail , de la dépenfè , des incommodités & des
autres difficultés qu'elle auroit fouflert , fi elle eût
accompli le vœu dont on lui accorde la difpenfe , afin
d'avoir égard à toutes ces circonflances pour lui or-
donner des œuvres de piété proportionnées à celles
auxquelles fon vœu l'engageoit. C'ell l'avis que le
troifîcme Concile de Milan , dans le chapitre où il
eÙ. traité des chofes qui regardent le Sacrement de
55^ Conférences d\^gp,rs y
Pénitence , veut qu'on donne aux Confefleurs ^. Ce
que ce Concile femble avoir emprunté de la déci*-
iîon d'Alexandre III. chap, de feregrinaticnis Votis >
au titre de Voto ô" Voti redemptione.
Lorfque les Bulles de Jubilé donnent pouvoir aux
ConfeiTeurs de difp enfer des vœux & de les changer,
un ConfelTeur ne peut le faire que pendant le tems
du Jubilé : car ce tems étant fini (on pouvoir a celTé ;
à moins qu'il n'eût dès le tems du Jubilé réfolu &
promis au pénitent de lui accorder la difpenfe ou
la commutatian de fès vœux , & qu'il l'eût remis à
un autre tems , fbit pour prendre confeil de quelle
manière il devoit agir , fbit pour engager le péni-
tent à fe mieux difpofer à recevoir i'abfbiution de Tes
péchés avec la difpenie de Tes vœux»
/ Eplfcopus id-Confeflarios
Saccrdotes interdiim admo-
neat , ut H quando quavis fa-
cultate , ai.itoritateve licebit
pœnitrntltim votacommutare,
in re judicanda rationem ha-
feeant & fuiDpuium, & labo-
nim , & molefliarium, & om-
nium denique incommodorum
qui pccnitentes per; eiluri
erant , û votum qiiod fanûè
conceperant rcipfa prxftiiif-
fent.
RÉSULTAT
fur les Commandemcns de Dieu, 337
^.xxxxxxx>:xxxxxxxxxxxx -^
RÉSULTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
LES COMMANDEMENS DE DIEU.
Tenues au mois d'Avril 17 14.
PREMIERE QUESTION.
DIEU s'ejl-il réfervé un certain jour de
la femaine pour être employé à fonjervice ?
Pourquoi a-t-on changé ce jour en celui du
Dimanche 't Les Chrétiens font- ils obligés de
fan^lijier le Dimanche ?
QU A N D le Prophète David dit dans le Pfêaume
75. que le jour & la nuit appartiennent à Dieu ^
qu'il eil le Créateur de l'Aurore & du Soleil,
Tiius ejl Dies & ma efl Nox : Tu fabticatiis es Au^
roram & Solcm , il nous fait entendre que Dieu efl
le maître du tems & de tous les momcns , & qu'ainfi
Dieu auroit pîi nous ordonner d'employer tous les
înftans de notre vie à contempler Ces bienfaits & s.
les reconnoitre, en Cignç de quoi il ayoit enjoint
Tome /, P
33 B Conférences d'Angers^
aux Juifs au chap. 28. des Nombres, de lui ofTiir
tous les jours deux Agneaux , l'un au matin & l'au-
tre au foir. Mais comme la condition de la vie mor*
telle ne permet pas aux hommes de tenir leur efpric
continuellement appliqué à confîdérer les bienfaits
de Dieu , à lui en rendre fans cefTe des adions de
grâces , tandis que l'ame efl unie au corps qui lap-
pélàntit & la rabailTe vers les chofes de la terre ,
Dieu s'efl réfervé feulement un certain jour qu'il
a voulu que les homimes fandifialTent en louant &
béniffant Ton Nom, par reconnoiffance de fes bien-
faits , en lui rendant quelques fervices particuliers &
en s'abiîenant des œuvres ferviles , afin de lui con-
fàcrer ce jour-là tout entier, comme à l'Auteur de
tous les biens, & au (buverain Seigneur de toutes
chofes.
Les Serviteurs du vrai Dieu dans la Loi de Na-
ture avoient foin d'employer un certain tems 3. ado-
rer la Majeflé de Dieu, à lui adrefTer leurs prières &
à lui offrir des Sacrifices. Quoique nous ne fçachions
pas quel étoit précifément le jour que Dieu leur avoit
prefcrit pour s'acquitter de ce devoir , nous devons
tenir pour certain , que Dieu avoit fait fur cela un
Commandement aux hommes dès le commencement
du monde ; c'efl pour ceJa que Dieu , Idrfqu'en don-
nant aux Juifs le Décalogue par écrit , il leur or-
donna de fànftifier le jour du Sabbat, fe fervit d'une
manière de parler qui leur m.arquoit, que ce qu'il
leur ailoit dire n'étoit qu'une confirmation de ce qui
avoit été obfervé par Ton ordre fans difcontinuation
depuis la Création du monde, ce Souvenez-vous ,
35 leur dit-il chap. zo. de l'Exode, de fandifier le
33 jour du Sabbat ^j ^. Cette exprefîlon devoit en ou-
tre leur faire comprendre l'importance du Comman-
dement queDieu leurfaifoit; car les hommes ont coU'
tume de fe fervir de pareils term.es quand ils com-
mandent à leurs (èrviteurs quelque chofe fore impor-.
tante.
Il efl trop jufle que nous employions au moins
« Mémento ut diem Sabbati fan^ificc;*
fur les Coînmandeinens de Dieu, 535)
un jour par chaque femaine au fervice de Dieu , pouf
lui rendre grâces des bienfaits que nous avons rec^îis de
lui, & que nous recevons continuellement de fa bon-
té ; ces bienfaits furpaffent infiniment toute la recon-
noiiïance que nous lui en pouvons marquer, ils ne
nous font dûs en aucune manière & nous en fommes
indignes ; pour la reconnoiifance , eik lui efi: due , &
il la mérite par plufîeurs titres.
Dieu aime lîngulicrement la gratitude & la re-
connoifTance, il veut mcme que nous lui rendions
grâces en toutes chofes. Saint Paul nous en avertit
dans la première Epitre aux Theiïaloniciens chap.
5. ^. Cependant les hommes négligent de s'acquitter
d'un devoir fi effentiel ; à peine s entretiennent-ils des
bienfaits de Dieu , à peine en confiderent-ils la gran-
deur, à peine en connoifTent-ils ti multitude, quoique
Dieu de toute éternité n'ait jamais cefTé de penfèr à
eux & de leur vouloir le bien qu'il leur fait dans le
tems.
Il efl donc trop juflc que les Chrétiens que Dieu
a favorifés de (es lumières plus que les autres hom-
mes, s'occupent au moins pendant un jour de la fe-
maine à repaiïer dans leur efprit les bienfaits qu'ils
ont reçus de Dieu, fbit immédiatement de lui , Coiz
par Tentremife des créatures ; à lui en témoigner
leur reconnoiffance par des Temercimens réitérés ,
a faire retourner à lui la gloire de tous (es dons en
publiant (es louanges. Il efl: honteux qu'ils deman-
dent (ans cefTe à Dieu ce qu'ils n'ont pas , & qu'ils*
ne lui rendent prelque jamais grâces de ce qu'ils
ont reçu de lui , comme s'ils avoient entièrement
oublié Tes bienfaits , ou qu'ils Ce les attribuafTent à
eux-mcmes. C'efl pourtant un des péchés ordinaires
des Chrétiens dont peu s'accufent. Si leur recon-
noiflance étoit véritable , fincere & vive , ils fe-
roient des Fêtes particulières à divers jours de l'an-
née en adion de grâces de certains bienfaits diC-
tingués , dont ils auroient été plus touchés. Dans
t In omnibus grattas agite , hxc cft enim voluatas Dci in
Chfifto Jcfu,
Pij
34^ Conférences d'Angers i
cet efprit les âmes pieufes célèbrent le jour de leur
Baptême , celui de leur première Communion , ce-
lui de leur Ordination , celui de leur profeffion Re-
iigieuie.
Dieu s'ctoit rélervé , chap. 20. de l'Exode , le Sa-
medi qui ell le feptieme jour de la femaine , com-
me un figne & un monument qui fit fouvenir les
Juifs qu'il étoit le Créateur de l'Univers , & qu'il
les avoit tirés de la captivité d'Egypte ^. Les Juifs
avoient donné à ce jour le nom du Sabbat, qui /î-
gnifîe repos, en mémoire de ce que Dieu, après avoir
employé iix jours à créer le Monde, fe repofa le
feptieme jour. Se cefîa de produire de nouvelles Créa-
tures , comme il efl dit dans le chap. 30. de l'Exo-
de ^. Ce (eroit le Samedi que nous devrions lanc-
rifier û nous voulions obierver à la lettre le Com-
mandement que Dieu fit aux Juifs ; mais TEglife
inrrruite par Jefus-Chrift & conduite par le faint-
Etpi-it a changé ce jour en celui du Dimanche; de-
forte qu'au lieu du dernier jour de la femiaine, on
fàndifie le premier qui eH appelle le Dimanche, ou
le jour du Seigneur.
La Tradition dont nous avons quelques rédiges
dans l'Ecriture fainte nous apprend que ce change-
ment a été fait par les Apôtres. Saint Luc, chap,
30. des A des, dit quff les Di(x:iples s'afTembloient
1-e premier jour de la femaine pour rompre le Pain.
L'Apocre laint Paul le marque aufli dans la première
Epitre aux Corinthiens chap. 16. Saint Juflin , (àint
Pénis Evèque de Corinthe , (aint Clément d'Alexan-
drie , Tertullien , faint Cyprien & plufîeurs autres
Pères des premiers fiecles, font des témoins de cette
Tradition , & l'ufage perpétuel de toutes les Eglifes
C Pndcirr eil feropîternurn
inrer u>e & Hlios Ifraél figniim-
ique perpermim. Sex cnlra die-
biis tecit Doininits Cœ)um &
Terram , Se in feptimo ab opc-
rc ccflavit. Exod* 1 1. Mémen-
to qiiod & îpfe fcrvisijs in
/Ç".gypto , & fiiixerit te inde ,
Dominus Deus tuus in triar.u
forti & brachio cxtento. Id-
circô pr^ecepit tibi ut obfcr-
vares diem Sabbati. Deut. j.
d Septimus dies erit vobîs
fandus , Sabbatum Ci rc^uics
Domini.
fur les Commandetnens de Dieu. 541
du monde , la rend /î certaine , qu'on a cru qu'il
étoit inutile de s'arrcter à en rappoujr beaucoup de
preuves ; on Ce contentera de citer les témoignages
de S. Juftin & de Saint AugulHn. Saint Juftin dan>
la féconde Apologie pour les Chrétiens , rapporte
vers la fin , que tous les Fidèles qui demeuroient
dans les Villes ou à la Campagne, s'afTembloient
le jour du Soleil en un même lieu ; on y lilbit les
Ecrits des Anotres & des Prophètes , autant que le
tems le pernîettoit; la ledure étant finie, celui qui
prcfidoit à l'AfTemblée faifoit un difcours pour ex-
horter ceux qui étoient préfens à pratiquer ce qu'ils
venoient d'entendre lire; enfuite on le levoit pour
prier. Après la Prière, on offroit le pain, le vin &
l'eau. Après la confécration celui qui prélidoit oflroit
à Dieu des prières & des avions de grâces ; le peu-
ple répondoit , Amen : Enfuite on diftribuoit aux Fi-
dèles ce qui avoit été contâcré ,, & on en envoyoïcaux
abfens par des Diacres; chacun, avant que de fe ré-
parer , contribuoit félon fes facultés , pour aflifler les
orphelins, les veuves, les pauvres, & pour délivrer
les prifonniers. On avoit choifi le jour du Soleil, dit
ce Père, parce que c'ell le premier jour de la Création
du Monde & celui de la Réfurreèlion de Jefus-Chriil:
Notre Sauveur.
Saint Augullin , dans le ch. t 3. de la lettre 1 19. à
Januarius, qui efl la 55. de l'Edition des Pères Béné-
dictins, nous apprend que l'ulàge de (blemnirèr le Di-
manche a commencé parmi les Chrétiens le jour de la
Rc(iirre<5^ion de Notre-Seigneur ^.
La rai (on que l'Eglifè a eu pour transférer au Di-
manche robfervation du i»)urdu Sabbat , eft que le jour
du Dimanche eft celui où Dieu a fait tout ce qu'il y
a de plus grand & de plus remarquable dans fes ou-
vrages.
I. C'efl le jour du Dimanche que Jefiis-Chrift ed
rélulcité , & que par-là il a commencé à entrer dans le
repos éternel après avoir conlomméfouvrage de notre
e Dics tamen Dominiciis J ratu'? efl , & ex illo haberc
non Jiidacis , fcJ Clinltiaiiis cœpit fcAlvitatcm Ti: im,
kefurieâionc Domini dvcla
P iij
*54^ Conférences d^ Angers ,
Rédemption par fa mort , d'où vient que VEgliCe non»
excite à nous réjouir en ce (aint jour ^.
2. Ceil le Dimanche que le S. Efprit defcendit fur
les Apôtres le jour de la Pentecôte.
3. Cefl le premier jour delà fèmaine que Dieu a
commencé l'ouvrage de la Création du Monde.
4. C'eft le jour du Dimanche que Jeius-ChriH
donna aux Apôtres le faint-Efprit , avec le pouvoir
de remettre les péchés. Saint Léon le Grand rap-
porte ces raifbns dans la lettre 81. à Diofcore ch.
premier. Qua dies , tamis divmarum difpofnionum
myjîeriis ejl confier ata , ut quidquid ejî à Domino in~
jignius conjîitutum , in hujtis diei dignitate fit gejîum^
In hac mundtts fumpjit exordiiim. In hac per Rejurrec-
.tionem Ckrijîi ^ mors interitum , & vita accepit ini-
tium. In hac Apojîoîi a Domino pradicandi omnibus
gcntibus Evangelii tubam fumant 3 & inferendum uni"
•verfo mundo facramentum regenerationis- accipiunt. In
hac ficut B. Joannes Evangelijia tefiatur , congregatis
in unum Difcipulis , janiiis cîaitjis, cum ad ect Do^
minus introïjfet y infu^^avit ù" disit : Accipte fpirituin
fûn6ium ; quorum remîfiritis peccata , rcmittuntur eis :
quorum detinueriîis , detenta eruru. In hac denique prc-
Tnijjïîs a Domino Apojlolis Spiritus fanCius advsnit,
Tiunc LXI,
Le précepte que Dieu avoit fiiit aux Juifs de fànc-
tifîcr le Sabbat , avoit cela de particulier entre les
autres Commandem.ens du Décalogue, qu'il ne re-
gardoit pas (eulement les moeurs des hommes, mais
au (Il les cérémonies de la Loi Judaïque. C'étoit un
précepte cérémonial de cette Loi , quant à la cir-
ccnftance du feptieme jour , en tant qu'il ordonnoit
qu'on s'abllint ce jour-là des œuvres ferviles peur
vacquer au fervice de Dieu. C'étoit un précepte m.o-
ral quant à la lubftance , en tant qu'il commandoit
qu'on employât un jour à contempler les bienfaits
Je Dieu , a lui en rendre grâces , à le louer , à le
prier. L'obligation d'obferver ce Commandement ,
entant qu'il étoit cérémonial, ne regardoit que les.
/ Haec dics. quam fecit Dominus , exultemus & lïtemur in ea.
fur les CoîTiman démens de Dieu, 343
Juifs & elle a cefTc avec la Loi ; car ce précepte
en ce Cens croit de droit poHtif , mais ce précepte
fab/ille quant à (îi fubftance qui regarde les mœurs ,
parce qu'en ce fens , il eft du droit naturel qui ne
peut être change, & qui doit durer toujours. Ainfi
les Chrétiens font indifpenfablement obligés de l'ob-
ferver , non parce qu'il a été prefcrit par la Loi de
Moife, mais parce que la Loi naturelle qui eft gra-
vée dans le ca-ur de l'homme, nous l'enfeigne & nous
engage à robferver. La nature nous apprend égale-
ment qu'il fùut conlacrer quelque tems au culte de
Dieu pour procurer le llilut éternel à notre ame , com-
me elle nous infpire d'er employer pour foigner &eii-
rretcnir notre corps. Aufll il n'y a jamais eu de Nation,
quelque barbare qu'elle fiit, qui n*ait célébré des fêtes
en l'honneur de les Dieux.
Quant à l'obligation d'employer le jour du Diman-
che au culte de Dieu , au lieu au jour du Sai>bat qui y
ttoit dédié par la Loi de iMoyfe, elle eft de droit Ec-
cléiiaftique, puifque c'eft l'Eglife qu-i a fait cette tranf^
lation.
II. QUESTION.
L'Eglife a-î-elle le pouvoir d'injlituer des Fêtes ,
^ ejl'on obligé de les ohferver f
IL eft certain que les Juifs célébroient par Tor-
dre de Dieu dans le cours de l'année , des jours
de Fêtes, auxquels il étoit défendu de travailler,
comme au jour du Sabbat. Mo y le en avoit fait un
catalogue , ch. 15. du Lévitique. Depuis, la Synago-
gue en inftitua d'autres. Nous voyons, chap. 16. du
livre de Judith , une Fête établie en mémoire de la
vidoire remportée (lir Holopherne : chap. 4. du i,
livre des Machabées , une autre en mémoire de la
Dédicace de l'Autel des Holocauft.es , & dans le ch»-
344 Conférences (T Angers ,
1 5. du livre 2. des Machabées , une troi/Ieme en mé-
moire de la vidoire remportée (ùr Nicanor par Judas
Machabée,
Si la Synagogue des Juifs a eu le pouvoir à'inC-
tituer des Fêtes qu'on obfèrvoit religieufement com-
me le jour du Sabbat, FEglife de Jefus-Chrift l'a à
plus forte raifbn; car elle ne manque d'aucun pouvoir
nécefTaire pour le gouvernement des Fidèles , puiP
que Jedis-Chrift a envoyé fès Apôtres comme Ton
Père l'avoit envoyé, ainii qu'il le dit chap. zo. de
S. Jean.
L'Eglife a mis en ufâge ce pouvoir dès le tems
d&s Apôtres, ayant célébré des Fêtes pour révérer les
principaux Myrteres de la Religion chrétienne , com.-
jne font la NaiJJance du Sauveur , fa Fajjion, fa Ré-
furreÛion, fin Afcenfiouj la defceme du 5. Efprit fur
les Apôtres. Outre ces Fêtes que S. Auguflin dans les
lettres II 8. & 11 5». qui font Ja 54, & la 5f.de l'Edi-
tion des Bénédidins , eflime être de Tradition Apo/îo-
Hque ; on en a inftitué d'autres en i'Iionneur de la Sahite
Trinité, de la Circoncifion de Noire Seio^^eur^ de fa Vré-
fentaiion au Temple, de V Epiphanie. L'Eglifè en éta-
blifïànt ces Fêtes , a eu non-fèulement defîein d'hono-
rer ces Myfteres, mais encore d'en inflruire les Fidè-
les , & de les rappeller en leur mémoire , afin de les;
porter à rendre grâces à Dieu de tout ce qu'il a fait
pour eux.
Dans la fuite des tems l'Eglifè a aufTi établi des Fêtes
en 1 honneur de la Sainte Vierge -^ des. Anges, des Apû-
tres, des Martyrs, des Confejfcurs , des Vierges , & en
mémoire de la Dédicace des Eglifes.
Quoiqu'on dite que l'Eglife célèbre des Fêtes en
l'honneur des Saints , elle penlè plutôt à honorer
Dieu que les Saints dans ces folemnités ; car la fin
qu'elle Ce propolè en renouvellant la mémoire des
Maints , eft de reconnoître la bonté de Dieu qui a
comblé les Saints de Ces dons ; de louer & admirer
la puiiTance qui les a fait triompher du Démon Se
du Monde , & leur a fait faire tant de Miracles ;
de rendre des adions de grâces à Dieu de tous les
bienfaits que les hoiimies reçoivent de lui par l'in^
far Us Commanâemçns de Dieu» 3 45*
terceffion des Saints •*. Comme auflTi elle fè propofe
d'engager les Chrétiens à imiter la pureté de vie
des Saints , la fainteté de leurs mœurs 3c la fermeté
de leur foi pour pouvoir plaire à Dieu. Ce qui a fait
dire à S. AuguHin, que les Fctes qu'on folemnife en
l'honneur des Martyrs (ont autant d'exhortations au
]\lartyre ^.
Si on veut Ravoir quand & par qui les Fctes qu'on
célèbre dans TEglife ont été instituées , il faut conful-
terics Hiiioricns Ecclc/iaftiques, le^ Légendes &le li-
vre du Père Thomafhn fur les Fctes.
L'Eglife de Smyrnc dans la lettre aux Eglilcs du
Pont , rapportée par Eufébe liv. 4. de rHiftoire Ec-
cléllaiîique, après avoir décrit le martyre de laine
Policarpc, nous aiïlire qu'on devoit célébrer la Fête
de ce jMartyr, tant pour inflruire les Chrétiens des
fîecles fuivans de f<\ conilance , que pour les affer-
mir dans la Foi. Saint Cypricn lettres 34. ôc 37. nou>
apprend qu'on célébroit l'anniverlàire du jour de la
mort des iVIartyrs. On trouve marqué dans un ancien
Calendrier de i'Fglife d'Afrique, que le Père I\Iabil-
lon a donné au Public, tome 3. de fes Analedes, plu-
/îeurs Fctes deMart)rs d'Afrique & des làints Evéques
qui en avoient gouverné les Kgli(es. Nous avons auflî
dans le Concile dcMayence de l'année 813. Can. 35.
le premier livre des Capitulaires de nos Rois , chap.
1^4. le livre 6. des mcmes Capitulaires , chap. j86,
& le chap. Conqii.^Jliis de Fariis , qui e(l de Grégoi-
re IX. des tables des Fctes qu'on avoit coutume de
fêter.
Entre les Fcres des Saints qu'on obferve dans l'E-
glife , il y en a qui ont été inflituées ou reçues par
toute l'Eglifê , (bit pour une coutume générale , (ôi^c
a Ciimapud San,5lor'nn Mar-
tymm iiicinnrias i>;icril'cium
offeratur D' o , qui tos ik ho-
mines & Martyres tccit <^ f^xn-
{k\s Tiiis Angclis coclclli ho-
nore fociavit , ui câ celcbri-
tate lZ Dco vero de ilicmni
gracias agamus ; <^ nos ad imi- ,
tatîonem talîum coronarum ax-
'jiic palmiriim codcm invocaro
iii auxiliiim ex eoruna mcruo-
r's renovatione adhorteaiur»
Wuço de Civir. Del , c . 27.
b Solenuiitates Ma: tymm ex'
horuùoncsfunt N'attjrioruou
54^ Conférences d^ Angers ,
par des Ordonnances des Papes , ou des Concile?
généraux. D'autres ont été établies par des Conci-
les Nationaux ou Provinciaux pour être obfèrvées
dans les Royaumes ou Provinces dont étoient les
Evéques de ces Conciles. D'autres ont été com-
mandées par les Evéques. Le fàint Efprit les ayant
établis pour conduire leur troupeau, comme le dit
làint Paul chap. 20. des Ades, c'efl à eux qu'il ap-
partient de régler la manière & le tems du Service
divin : ainfî ils peuvent ordonner les Fêtes qu'ils ju-
gent à propos d'établir dans leurs Diocefes. Enfin d'au-
tres ont été introduites inlenfibiement par la dévotion
des Fidèles qui fe font accoutumés à les fblemnifer du
coHientement des Evéques, nmis fans aucun précepte
ni flatuts fynodaux. Il faut làndifier les unes & les au-
tres.
I. On elî obligé de fêter celles qui (ont reçues dans-
toute i'Egliie : parce que nous devons lui obéir, Jefùs-
Chriil ayiint dit en faint Luc chap. 10. à les Apôtres
qui reprérèntoient i'Eglife : Qui vous écoute ^ m'écoute ;
^ qui vous méprife , me méprife ; & en S. Matthieu
chap. 18. que celui qui n'écoute pas I'Eglife, doit être re-
gardé comme un Payen Ô" un Publicain.
Z: On doit fêter les Fêtes qui font ordonnées par les.
Evéques ; car on doit , dans leurs Diocefès , fe confor-
mer à ce qui eft établi & réglé par eux , touchant le
Service divin. Grégoire ÎX. ch. Conquœfrus de Feriisj
îe dit nommément des Fêtes. Le Concile de Trente,
feff, 25. des Réguliers, au chap. ii. veut que ceux qui
fe prétendent exempts de la jurifdidion des Evéques ,
gardent les Fêtes que les Prélats commandent de feteir
dans leurs Diccefès '^..
3. On doit fêter les Fêtes que les Eglifes parti-
«ulieres oii l'on fe trouve obfêrvent par une ancien-
ne coutume qui a prelcrit , parce que la coutume a
iorce de loi dans les chofes qui regardent la difci-
pline , & qu'il faut garder l'uniformité de la difcipUne
igour ne pas fcandalifer les Fidèles.
c Ur 'lies Fefti qnos in Diœ- 1 nibus , etiani Reg^ularibus fe;?^
«edî fûa- fervandos Epifcopus vcntur»
i[\/«çtpeiit j ah. £»en>£>«5 ça- I
fur les Commandemens de Dieu» 347'
On ne doit faire aucune différence entre Tobliga-
tîon de {anftiiîer les Fctes & robligatlon de (àndifier
les Dimanches. Les Papes 6^ les Conciles n'y en font
dans la loi qu'Eufebe, liv. 4. de la vie de Conllantin ,
rapporte avoir été faite fur ce fujet par cet Empereur.
Nous le voyons aufli dans l'Ordonnance de Childe-
bert Roi de France, de l'année 554. dont le Père Sir-
mond a fiit imprimer quelques Articles, au Tome
premier des Conciles de France page 300. Ces Princes
enjoignent également à leurs (ujets de célébrer avec
honneur les Dimanches & les Fctes commandées par
l'Eglife.
11 ne(i: pas vrai que le précepte de la (anftifica-
tion des Fêtes n'oblige fur paine de péché mortel ,
que quand il y a lieu de craindre qu'il arrive du
Vandale. Innocent }Q. a condamné cette dodrine
p.\r ion Décret de 1675?. où cette Proportion eH la
51^. Trj:c€pum firvandi Fejlanon obligat fub mortali ,
jipofhofcandalo ,Jïahfu contemptus. Le Clergé de France
l'a pareillement condamnée dans l'AfTemblée de l'an-
1700.
Ceux qui ont dans l'Eglile le pouvoir d'établir
les Fêtes , ont celui de les retrancher , quand ils
voyent que le grand nombre donne occafion au
dérèglement des mœurs, entretient la fainéantife, ou
caufe un grand dommage aux per(bnnes qui ont be-
Ibin de travailler , pour pourvoir à leur (ubiiftance Se
à celle de leur famille. On n'éprouve que trop que
dans ces jours il (e commet plus de péchés que
dans les autres. La corruption du fiecle ell fi gran-
de que plufieurs pajfTent ces Hiints jours dans les jeux,
les danfes & la débauche , loin de les employer à des
exercices de piété : d'où les Luthériens , comme
nous l'apprenons par les Lettres d'Erafme, prenoient
(ujet de dire que les Fctes des Saints étoient de
l'invention des gens oififs & dc-bauchés. Ce qui fai-
foit fbuhaiter a Claude de Seiffel Archevêque de Tu-
TÎn, qu'on retranciîât pluiîeurs Fêtes dans l'Eglife,
Pvj
548 Conférences d'Angers j
comme il le témoigne en Ton Traité contre Îe5
Vaudois.
Pour remédier à cet abus & arrêter les plaintes des
peuples d'Allemagne , le Cardinal Campege Légat
de Clément VII. en Allemagne , convint dans VAC-
lemblée tenue àRatisbonne le 7. Juillet de l'an 16^4,
que les Fêtes feroient réduites à un petit nombre ,
dont il fut fait un catalogue. En l'an 1518. le Concile
de Bourges ordonna que les Evéques de la Province
retrancheroient le nombre des Fêtes , félon qu'ils le
jugeroient à propos. Celui de Trêves de l'an 1545".
le diminua confidérablement par l'article 10. de fes
Conflitutions '^. Celui de Cambray de Fan 1565. tit.
6. ch. 1 1. enjoignit aux Eveques d'examiner s'il étoit
expédient de retrancher des Fêtes dans leur Diocefè
à caufè de la diflolution du bas peuple. Le Concile
de Bordeaux de l'an 1583. recommanda aux Evêques
d'avoir Coin de réduire les Fêtes au- plus petit nombre
qu'ils pourroient ^. Le Cardinal d'OlTat nous apprend ,
2®. lettre de la féconde partie , qui eil du 18. Janvier
î55»5). que le Roi Henri IV. avoit fait demander au
Pape la diminution des Fêtes ; mais que le Pape avoit
renvoyé l'affaire aux Evêques, chacun en (on Dio-
cefè. Plufieurs fàints Evêques en ont fait dans ces
derniers tems un retrancliement canfidérable dans
leurs Diocefès. Urbain VIII. dans une Conftitution
qu'il fit publier en l'année 1641. en fupprima beau-
coup fur les remontrances qui lui avoient été faites
par plufieurs Evêques de diflérens pays, & les exhorta
à s'abflenir d'en inflituer de nouvelles. Ceux qui
agifTent par des fentimens d'une véritable dévotion
& d'une folide piété, bien loin d'écouter les fuggef^
.tiens d'un zeie indifcret, obéiffent avec refpeftaux or-
donnances que les Evêques font pour ce retranche-
ment. Louis XIV. par fonEdit du mois d'Avril de l'an
d Operge pretium nobis vî-
fura eft , Feftorum numerum
crntrahere quo & etFrsnes co-
trcf-antur , & ali luid detur ne-
celficati paiipemm.
t JÊfifcopi ia fua fînguli
Synodo, habita nofîrorum tem-
portim ratione , diCs fc-lios ftia-
ruin Diœcefiitn ad pauciortn-i
niimerurn , quoad potetunttc-r
ducere cuiabum.
fur les Comman démens de Dieu. 549'
169^, concernant la Jurifdiclion Ecclcfîaftique, a en-
joint, art. i8. à fes Courb. de tenir la main à l'éxecu-
tion de ces Ordonnances.
A l'occafion de cet Edit nous remarquerons que les
deux Puiflànces doivent concourir pour rétablilTemerLC
& le retranchement des Fctes : il eft marqué dans 1*
Canon Fronumiundîtm ^ diftind. 3. de Confecratione , Se
dans le ch. Conqiuejlus ^ de Feriis , qu'elles doivent être
inftituces de l'avis & confentement du Clergé & d\i
Peuple; où par le mot du Peuple on entend la Puif-
(ànce féculiere. Sclemnitatibus quas, (dit le ch. Cok-
qua:j}us) jinguli Epifcopi infiiisDiœcefibus cttm Clero ù'
Tcpulo duxcrin: , jolemniter lenerandas. La railon eR ,
qu'il y a quelque chofe de temporel dans l'inftitutiofi
des Fêtes, à caufe de la ceflàtion de la Juftice & da
travail manuel. Si les Fctes (ont inûimées parles deux
PuiiTances, il faut auPn qu^eiles concourent enlêmble
pour les retrancher ; c'efl pourquoi l'art. 18. de l'Edit
de 1^5)5. porte que les ordonnances que les Evéques
feront pour établir oufiipprimer des Fctes, feront prc-
fèntées au Roi pour être autorifees par (es Letttes Pa-
tentes. Cela fe pratiquoit avant cet Edit ; nous en
pourrions apporter pour preuves un Arrêt du Parle-
ment de Paris du premier Décembre 1666. qui a or-
donné 1 enrc gifîrement d'une Lettre de cachet que le
Roi lui avoit écrite, pour appuyer le retranchement
des Fêtes dans le Diocefe de Paris, que M. de Pere-
lîxe avoit fait par Ton Mandement du 10, Odobre de
la méiue année.
fk.^
2^0 Conférences £ Angers ,
III. QUESTION.
^uejl'ce qu'il faut faire pour fanElifier lu
Dimanches Gr les Fêtes .?
E Commandement de fandifier le Sabbat ren-
fermoit une défenfe de vaquer pendant ce jour
aux œuvres (èrviles &'aux affaires temporelles. Elle
eu marquée par ces paroles du lo^. chap. de l'Exode :
Le feptieme jour eu. le jour du repos conlacré au Sei-
gneur votre Dieu : Vous ne ferez, en ce jour aucun
ouvrage ^. Il ordonnoit aulTi de s'occuper à des exer-
cices de religion & de piété , c'eft-à-dire , à ce qui
regarde le culte & le fervice de Dieu. Ce qui eft
lignifié par ces autres paroles, Souvenez-vous de
fànélifer le jour du Sabbat ^. Le Comm.andement
de fandifier le Dimanche , qui eft le même précepte ,•
exige donc de nous, que nous nous repofions ce
jour-là , nous abftenant du travail corporel pour éle-
ver notre ame à Dieu & l'appliquer à (on fèrvice ,
afin de lui rendre de corps & d'efprit le culte qui lui-
elî dû, comme étant l'unique vrai Dieu, & de lui
faire les hommages qu'il a droit de demander de
nous , com^me le (buverain Seigneur de toutes les
créatures.
Il étoit nécefiaire que Dieu défendit de travailler le
jour du Dimanche, parce que le travail des mains efl:
incompatible avec ce qu'il exige des hommes ce iour-
îâ ; mais ce n'eil: pas affez. pour s'acquitter de ce Com-
mandement, de ceffer de travailler, il fimt encore
faire des ades intérieurs & extérieurs de religion : la
ceffation du travail n'ayant été ordonnée que comme
■un moyen pour arriver à une fin plus noble , qui efl-
d'honorer Dieu,
n Septimo aiitem die Sabba-
tum Don-^.ini Dei tui eft : non
jfeicies cmnc cpus ia €0|.
h Mémento ut diera SabUrî
fur Us Comman démens de Dieu, 3 yr
La TRiCon naturelle nous apprend bien qu'il fauc
adorer Dieu qui efl Fauteur de tous les biens , le prier
& le remercier, mais elle ne nous dide pas quel eft
le tems ou nous fommes tenus de fiitisfaire à ce de-
voir, & comme les engagemens & les néceffitcs de
cette vie ne permettent pas d'employer tous les jours
de la femaine au culte de la Majeftc divine. Dieu
en a déterminé un par chaque femaine, qu'il veut
être principalement conHicré à (on honneur : or ce
neû pas confàcrer un jour à l'honneur de Dieu , que
de le repofer feulement, il faut pendant ce jour louer
&: bénir le Seigneur de cœur & débouche. Auffi Dieu,
ch. 20. de l'Exode, & ch. 5. du Deutéronome, ne s'eft
pas contenté d'enjoindre aux Ifi-aélites de ne faire au-
cune œuvre fervile le fcptieme jour de la femaine; i.l
leur a encore ordonné de findifier ce jour; ce qui eût
été fort inutile , s'il fufïifoit de s'abftenir des œuvres
lerviles.
Pour (àndifier dignement les Dimanches, on doit
aller à l'Eglife pour y affifter à la lyiefTe & aux Vê-
pres, y entendre les Sermons & les Catcchifmes ou
Indrudions qui Ce font ces jours-là, s'approcher des
Sacremens de Pénitence & d'Euchariilie , pratiquer
des œuvres de pénitence & de dévotion, pour effa-
cer les (buillures de l'ame qu'on a contradées pen-
dant le cours de la femaine par le commerce du mon-
de; s'appliquer à méditer la Loi de Dieu, & à pen-
fer aux devoirs de fbn état, afin de s'en acquitter,
s'infîruire dans la Religion , & fe remplir l'efprit de
(entiment de piété par la leiflure des bons livres : fî
on efl chef de famille, s'entretenir de ce qu'on à en-
tendu aux Sermons, ou aux Catéchiflnes , ou de ce
qu'on a lu, ou en faire rendre compte à fes enfans Se
à les ferviteurs : exercer des œuvres de charité & de
miféricorde, comme vi/îter les malades & les perfcn-
nes aflKgées , pour les confoler & les afllfler , faire des
aumônes, appaiferles procès, & reconcilier ceux qui
font en difcorde.
L'Eglife en nous ordonnant de garder certaines
Fêtes , nous a impofé les mêmes obligations que cel-
les qui (bni attachées aux jours de Dimanches, car
55*2 Conférences d^ Angers ,
elle ne nous défend auffi les œuvres ferviles en ces Joiif!?
de Féres, qu'afin que n'y étant point occupés, noxis
foyons en état de vaquer aux exercices de piété & de
religion, que nous venons de rapporter, qui font des
moyens pour palTer fàintement ces jours.
Quoique l'Eglife ne nous ait pas fait un comman-
dement exprès de tous ces exercices de piété & de
religion, comme elle nous en a fait un d'affifter à la
MefTe , elle nous fait pourtant afTez connoitre que
fon intention ed, que ceux qui ne font pas légiti-
mement empêchés , s'appliquent à ces faintes pra-
tiques. Car les Papes & les Conciles , quand ils ex-
pliquent de quelle manière on doit paffer les jours
de Dimanches & de Fêtes , recommandent aux Fi-
dèles de ne Ce pas contenter de s'abflenir des œuvres
ferviles & d'alTifter à la MefTe , mais de vaquer à la
prière, de s'occuper à des œuvres de piété, de dé-
votion , de charité , & particulièrement d'allifter à
Vêpres & à la Prédication de la parole de Dieu. En
même tems ils enjoignent aux Pafteurs d'en avertir
les peuples , & de les y exhorter fortement. Diebiis
Dominicis & Fe/Iis in [uas Parochias populiis couve-
niatf & NJiffie , & Concioni ac Vefperis interft , dit le
Concile de Reims de l'an 1583. au titre de Dkbiu
Fejlis, Le Pape Nicolas I. chap. 10 & 11. de (ii ré^
ponfe aux Bulgares, le Canon Jrreligiofa^ & le Ca-
non Jejunia, de confecr. difl. 3, Les Conciles de Mi-
lan, 3. de Tours, de Bordeaux, de Bourges, d'Aix,
d'Avignon de l'an I55>4. d'Aquilée, de I55'<5. de Nar-
bonne de 1609. qui ont été tenus depuis le Concile
de Trente, ont fait de iemblables ordonnancées , lui-
vant refprit de ce dernier Concile, qui, feffion 24,
ch. 4. de la Réformation , oblige les Payeurs à an-
noncer l'Evangile à leurs peuples, & à les inflruire de
la Loi de Dieu, & les peuples à les entendre au moins
tous les jours de Dimanches & de Fêtes folemnelles ^,
c Saltem omnibus Domini
cîs tk (oltrnnibus diebus fef-
tis . . • . facras vNcripcuras , di-
vJnamque Icgeui annuntient....
Montat^iue Epifcopus popu-
lum diligenter , tcneri ununv-
cumouc parœciae fiix intcrref-
fe,iibi coiv.niod.- id fieri poteli,
ad audienduiïi verbiuû UcU
fur les Commandemens de Dieu, 35*5
Ce Concile avoit déjà fait une pareille injondion aux
Pafteurs, (efT. 5. ch. z. de la Reformation, & avoit
recommandé aux Evéques de punir les Pafteurs qui
négligeroienc de s'acquitter de ce devoir. Or il (eroit
inutile d'obliger les Pafteurs à faire des inllru<ftion<î
au peuple à ces jours, /î le peuple n'ctoit pas obligé
d'y aiTîrter.
Ain/î quoique ce ne folt pas un péché mortel de
manquer les Dimanches & les Fctes à adifter à Vê-
pres & au Sermon , ou au Catéchifiiie, on ne peut ex-
cufer de péché véniel ceux qui y manquent fans une
excu(e légitime ; à moins qu'ils ne (oient occupés à
quelque autre œuvre de piété & de religion ; car l'on
n'eft pas feulement obligé de fàndifier la matinée de
ces jours, mais aufTi l'après-dinée : comme le Concile
de Tours de l'an 813.1e marque, Can. 40. Die Dcmi-
nicâ oponei omnes Chrijlianos a fejrvili opère in lande Dei
Ù" grutianim afiione , ufque ad vefperam perfeverare.
Comme l'on (îindifie la matinée les Dimanches & les
Fêtes en entendant la MefTe, on fàndifie l'aprcs-dmée
en alTiflant à Vêpres,
IV. QUESTION.
EJl-on obligé d'entendre la Aïejfe les jours de
Dimanches &* de Fêtes , Gr comment
la doit-on entendre ?
ON doit tenir pour certain , que tous les Fidè-
les qui ont ruHige de raifon, font obligés par
un précepte de l'Eglile d'entendre la Meife les Di-
manches & les jours de Fctes commandées , quoi-
qu'on ne puifTe marquer l'origine de ce précepte, qui
a commencé d'être oblervé acs le tems des Apôtres ;
puif|uc les Fidèles s'afTembloient le premier jour de
la femaine, qui eil le Dimanche, pour célébrer les
Saints Myfleres, comme il eft marqué, ch. 20. des
Aftes , & que les Pères des prémices lîccles le témoi-
gnant,
b»
55*4 Conférences iTjngers,
S. Léon qui gouvernoit l'Eglife au milieu du cin-
quième fiecie, nous fait connoître que ce précepte
etoit en vigueur de fbn tems , quand, écrivant à Diof^
core Patriarche d'Alexandrie, il dit dans la lettre 8 t.
Fonzieme des dernières éditions , qu'il avoit coutume
de faire célébrer plusieurs fois la Meiïe les jours de Fê-
les (blemnelles ; parce que le peuple ne pouvoit pas y
affilier tout à la fois , ni FEglifè le contenir.
S. Céfaire d'Arles , qui vivoit au commencement,
du fîecle fuivant , reprend fortement dans l'homélie
12. ceux qui n'entendoient pas la MeiTe toute entière
les jours de Dimanches , & Ibrtcient de TEgliie avant
que le Prêtre eût donné la bénédidion au peuple. Le
Concile d'Agde de Tannée <)06. oli ce (àint Èvêque
préfida , fit un Canon pour corriger cette mauvaise
coutume, déclarant que les Laïques étoient obligés
d'entendre la iMeffe toute entière les jours de Diman-
ches ^. Ce Canon eil: rapporté par Gratien , de Confér-
er adonc , Diil. T . Can. Mijfas. Le premier Concile d'Or-
léans fît en i'anrrée ^ 1 1. le même règlement dans le
C^an. i6»
Les Conciles de Bordeaux des années 1503.& i6z^»
renouveilant ces Canons, ont déclaré que les Fidèles
ctoient obligés, fur peine dépêché mortel, d'entendre
la MeiTe les Dimanches & les jours de Fêtes comman-
dées, &" qu'ils ne fatisfaifbient pas au précepte de l'E-
glife , s'ils ne l'entendoient toute entière.
L'Eglife a particulièrement ordonné aux Fidèles
d'affilier à la Meffe les Dimanches & les jours de Fê-
les qu'elle veut être obfèrvées comme le Dimanche,
parce que c'eft Tadion la plus fainte & la plus utile
que nous puiffions faire en ces jours , qui font con-
làcrés au fervice de Dieu. C'efl par le Sacrifice de la
Mefle que nous pouvons adorer Dieu auffi parfaite-
ment qu'il eft adorable , le louer autant qu'il efl di-
gne de louanges , & lui rendre des aêtions de grâces
a Mi{ras die Dominico à Sx-
ciilaribus totas aiidiri » fpecia-
li ordinaiione prœcipimus ; ita
m anti benediâionem Sacer-
dotîs, egredi populusnon pr»-
fumat : qui lî fecerint, ab Epif-
copo publiée confundantur»
Cunon 47»
fur les Commandemens de Dieu. ^^f
qui répondent à la grandeur des bienfaits que nous
recevons de lui; puifque tout ce qui s'y pratique (e
fait en la perfonne de Jefiis-Chrifl, qui eu un Hom*
me-Dieu, & que cet Homme-Dieu en eft le Prêtre &
lavidiime. C'ell: pourquoi Dieu, pour fupplcerà l'im-
perfedion de notre reconnoiflance & à la foibleffe de
notre gratitude, a voulu qu'on lui offrit le (âcrifice du
Corps & du Sang de (on Fils dans fon Eglife, par le
minifîere des Prctres comme un facrifice d'aftionsde
grâces , qui donnât moyen aux Fidèles de s'acquitter
pleinement de ce devoir. Le (àcrifice de la iVlcffe tient
la place de tous ceux de l'ancienne Loi, qui ne pou-
voient ni honorer dignement la grandeur de Dieu, ni
fàndifier les âmes, m expier tous les péchés des hom-^
mes.
Ce précepte regardant une chofe importante quî
concerne le culte dû à Dieu , il n'y a pas lieu de
douter que les Fidèles qui or^ l'iifcige de raison , ne
pèchent mortellement , lorlque pouvant aflifter à la
JVlefle les Dimanches & les tctes commandées , ils y
manquent, ou Aune partie confidérable , fans avoir
une jufle cau(e de s'en d'SpenCev. Celui néanmoins
qui manqucroit feulement d'afTifler (Ims caufè à une
petite partie de la Meffe, ne pécheroit que véniel-
lement.
Comme il y a des occasions où Ton peut travailler
fans péché les Dimanches & les Fctcs , il y en a aufli
quelques-unes où l'on peut (ans péché Ce difpenfer d'af^
iider à la Meffe ; mais ces occafîons font très-rares. II
y a bien de l'apparence que les Conciles qui ont parlé
de l'obligation que les Fidèles ont d'affilier à la Meffe,
ont fous-entendu, pourvu qu'il n'y eut point d'empc-
cliement légitime.
Les Doifleurs ne conviennent pas entre eux quelle
partie de la Meffe eu. affe/. notable , pour rendre
coupable de péché mortel celui qui y manque. Il y
en a qui efliment qu'il n'y a que péché véniel, n
on n'y afîille que depuis le commencement de l'E-
\angile , ou îi on fort de l'Eglife immédiatement
après la Communioi du Prêtre. Mais comme l'on
I^Q peut rien dire de certain fur cela , il faut avertir-
'^f6 Conférences d'Angers,
les Fidèles de Ce rendre le plus diligcns qu'ils
peuvent, pour entendre la MefTe dès le commence-
ment , & de ne Cotût de TEglife qu'après avoir reçu
la bénédiftion du Prêtre. Quant à ceux qui ne peu-
vent entendre la MefTe entière , il faut qu'ils y affif-
rent pendant le plus de tems qu'ils peuvent , afin de
fatisfaire, autant qu'il efl en eux, au Commandement
de l'Eglife.
On n'y (àtisfait pas lorfqu'an entend une partie de
la MefTe d'un Prêtre & une partie de la MefTe d'un
autre , qui célèbrent en même tems. Innocent XI. a
condamné le fèntiment contraire par fbn Décret de
l'an 167^. dans lequel cette propo/îtion eft la 53^,
entre les cenflirées. Satisfacit frcecepo Eccltfice de au-
diendo Sacro , qui du as ej us partes 3 imo quamor f/mid
à diverjïs celekrantibus audit, lue Clergé de France
a condamné cette propofition dans TAIlèmblée de l'ail
1700.
Quelques Do<fl;eurs ont avancé qu'on fâtisfait au
précepte de TEglifè , quand on aflille à une partie
de la MefTe d'un Prctre & à une partie de la MefTe
d'un autre, qui célèbrent fuccefïivement. Autrement,
( difent-ils ) celui qui auroit entendu une partie de
la MefTe d'un Prêtre qui fèroit mort immédiatement
après la confécration , & auroit enfuite entendu le
relie de la MefTe qui auroit été achevée par un autre
Prêtre , feroit obligé d'entendre une autre MefTe. Ce
raifonnement n'eft pas concluant , puiff|ue dans ce
dernier cas c'efl la même MefTe qui efi célébrée par
deux diflerens Prêtres ; au lieu que dans le précédent
il s'agit de deux MefTes différentes. Quoi qu'il en.
foit de cette opinion, elle ne doit pas être mife en
pratique.
Il n'y a nulle obligation d'entendre deux MefTes ,
quand une Fête commandée arrive le Dimanche ; Sa
celui qui manqueroit par fà faute à entendre la MefTe
ce jour-la, ne commettroit pas deux péchés*, parce
que le double commandement qui oblige d'entendre la
Mefïè ce jour-là, n'efl fait que par un même motif &
n'a qu'une même fin. Il n'y a point non plus d'obliga-
tion d'afîlfîer le jour de Noël à trois MefTes j l'Eglilô
p'en a fait aucuii commandement.
fur les Commandcmens de Dieu. 55*7
Celui qui auroit entendu la MefTe un jour de Fête
fcic'e, (ans avoir eu intention de (atisfaire au précepte
de J'Eglifê , piirce qu'il ne f^avoit pas ou qu'il n'avoit
pas penfc qu'il fut Fcte ce jour-là, n'eft point tenu
d'entendre une féconde fois la Meffe.
Pour Hitisfaire au précepte d'entendre la MelTe , il
faut aller à l'Eglifè , & y ctre , pendant qu'on célèbre le
Sacrifice, en un endroit d'où l'on puifTe au moins par
la poilure & les gelles de ceux qui voyent à l'Autel,
s'appercevoir des principales adions que le Prêtre fait
en célébrant; mais il ne fuffit pas d'afîlder à la Méfie
de corps, (ans y avoir aucune attention. Celui qui
étant yvre (eroit pré(ent à rEgli(e quand on y dit la
IMefTe, qui y dormiroit, ou y cauferoit pendant un
t.ems notable, y feroit des le»flurcs profanes, inutiles,
curieufcs , ou leulement par manière d'étude, & non
par forme de prières , ou qui fie (eroit à l'Eglifè que
pour s'y repoler, ou y attendre quelqu'un (ans inten-
tion d'entendre la MefTe , loin de (atisfaire au précepte
de rEgli(è, le violeroit.
L'Egiife a tellement en horreur ceux qui affilient
avec irrévérence :i la MefTe, que le Concile de Tren-
te, lefT. zi. dans le Décret de obfervandis & evitan^
dis in celehratione MijJ'je y dit qu'on ne doit pas la célé-
brer que les afTiftans ne témoignent par leur modeflie
extérieure, qu'ils y (ont prélens en e(prit, & avec des
/enrlmens de dévotion qui partent du fond du cœur ^,
Il faut donc , pour répondre aux dcfTeins de l'Eglifè ,
& pour entendre (aintement & utilement la MefTe,
l'entendre avec piété & dévotion, c'efl-à-dire, avec
modeflie , avec intention d'efprit, avec une crainte
accom.pagnée de refpeâ: , avec une foi droite & un
coeur contrit & pénitent. Le Catéchifme du Concile de
Trente a exprimé ces obligations en peu de mots dans
l'explication du troifieme Commandement du Dcca-
Jogue, §» zi,^.
h Nifi prias qui intfrfint
iflecenter compofiio corporis
habita Heclaravcrint fe mt-nte
eihm ac devoto cordis atftclii,
/ïon folum cor^ore adcfi'e.
c Ut ad Dei Tcmplum ac-
cedamus , eoqiic loco lînceri
piâqiieanimi attcntioncr, facro-
faiKtx MitiV facrificio intcc-.
5 y 8 Co jî/eYe ne es a Angers ,
La meilleure manière d'entendre la MefTe efl de s*iî-
lùr au Prêtre , de le (uivrc dans les prières & dans les
aftions qu'il fait, méditant fur les Myfteres de la Paf-
fîon & de la Mort de notre Sauveur, repréfèntés dans
la Mefle, qui e(ï une immolation non ûnglante du
même Jefus-Chrifl, offert une fois d'une manière Hm-
fiante flir la Croix, & faire avec le Prêtre l'oblation
u Corps & du Sang du Sauveur, pour appaifer Dieu >
lui rendre nos adions de grâces , l'obliger de nous
continuer fes bienfaits & de nous remettre nos péchés;
c'ell la fin pour laquelle le Sacrifice de la MefTe a été
inicitué , comme nous l'avons déjà dit.
Cette manière d'entendre la MefTe efl certainement
la meilleure, puisqu'elle eil la plus conforme à l'el^
prit de i'Eglife , & qu'elle a plus de rapport à la fin
pour laquelle ce Sacrifice a été înflitué. On peut con^
îulter Rodriguez en fbn livre de la Perfedion Chré-
tienne, z, part, traité 8. chap. 15. Ceux qui ne font
pas capables de cette application, peuvent lire avec
attention les mêmes chofès que le Prêtre prononce )
&: s'ils ne Tcavent point lire, ils peuvent réciter des
prières vocales, ou dire le chapelet; car on peut Sa-
tisfaire à l'obligation d'entendre la MefTe en récitant
des prières durant la célébration du Sacrifice, pour\-ii
qu'on fafTe de tems en tems attention aux adions les
plus remarquables que fait le Prêtre. C'efl même le
lentiment le plus commun des Dodeurs , que pendant
la MefTe on peut dire le Bréviaire, ou des prières qui
ont été impofées par un ConfefTeur pour pénitence.
La raifbn efl qu'une même attention (ufïit pour s'ac^
quitter de l'une & de l'autre obligation. Ce n'eil pas
néanmoins la pratique de ceux qui ont le plus à cœut
leur fàlut.
Les perfbnnes qui alTiflent à la MefTe avec les dif^
pofitions intérieures que nous avons marquées ci-def^
fus, & qui font attentives à ce que le Prêtre fait & dit
dans la célébration du Sacrifice , fans néanmoins en-
tendre ce que cela /îgnifie, fàtisfont au Commande-
ment de l'Eglife ; mais pour ceux qui s'occupent vo-
lontairement à des penfces inutiles oa profanes , ou
^ui s'arrêteni; à rc^sïdçr içs pbjets qui ieur caufçnt des
fur les Coînmandetnens de Dieu. 5 jp
^iflradions, ils ne (âtisfonc pas au précepte de l'Egli-
fe , fi ces penfces ou diftraftions durent pendant une
partie coniidérable de la MefTe; & on ne les peut ex-
vufer de pcchc mortel, à Jiioins d'une ignorance in-
vincible, comme elle pourroit l'être en un jeune Pay-
fan qui n*en auroit jamais été averti, eu à qui il ne 1^-
^ oit jamais venu en penféeque cela fut criminel. Si on
n'efl diflrait volontairement que pendant peu de tems>
le péché n'eft que véniel.
Les diAradions qui furviennent pendant la MefTe,
font cenfées volontaires , 1°. Quand on vient à la
Meffe ayant l'efprit rempli de penfées profanes, fans
faire aucun effort pour recueillir fbn efprit en l'éle-
vant vers Dieu , & en bannilTant les objets qui cau-
fent ces penfées. 2°. Quand après s'ctre mis dans la
difpofîtion d'entendre dévotement la Meffe , on s'ap-
percçoit qu'on a des penfées profanes, ou qu'on re-
garde avec attention des objets qui en caufent, &
qu'on veut bien s'entretenir en ces penfées, ou con-
tinuer de regarder ces objets; car C\ on ne s'y occupe
que par inadvertence , fans faire réflexion qu'on a
ces penfées, ou qu'on regarde ces objets , les dilira-
âiions font cenfées involontaires , pourvii qu'on ait
eu foin de fe recueillir au commencement de la
Meffe.
Ceux qui s'occupent volontairement à des penfées
inut'les pendant la Meffe, fans appliquer leur efprit à
la prière , ne fatisfont pas au Commandement de
l'Eglifè, quoiqu'ils gardent une modeflie extérieure;
car l'Eglifè en leur commandant d'aflifler à la Meffe,
a intention de leur commander un ade de religion ,
& veut les rendre de véritables adorateurs de Dieu :
or l'on ne peut faire un a<5te de religion fîms atten-
tion d'efpnt à ce qu'on fait, & pour ctre un véritable
adorateur de Dieu , il faut l'adorer en efprit & en
vérité. Peut-on croire que l'Eglifè n'ordonnant l'af^
fîflance 2 la ]\Ieife que pour procurer aux Fidèles les
grâces que Jefus-Chrld communique aux âmes par
ce Sacrifice, lorfqu'elle leur commande d'y afTifler,
ne prérende pas leur ordonner la manière d'y afllfler,
ûnsiaquelie ils y allifteroient inutilement, puifqu'ils
5<^o . ^Conférences d\4ngerS9
ne recevroient point du Sacrifice les fruits pour UC-
quels il a été inilitué f Celui donc qui garde feulement
îa modeflie extérieure durant la Meffe fans attention ,
ne répond pas à l'intention de l'Eglife, & eu criminel:
on peut même dire , fuivant le fentiment de S. Ber-
nard dans l'Apologie à l'Abbé Guillaume, que c'efî
un hypocrite doublement impie '^. Le Clergé de France
en a porté le même jugement , quand il a condamné
en rAfTemblée de l'an 1700. la propo/ition fuivante
comme favorifànte l'impiété : Pracepto Ecclejîa de au-
diendo Sacro fatisft per reveremiam exteriorem tantlim
animo licet voluntariè in aliéna y imo Û" pravâ^ cogita-
iione defxo. Hac propofitio, dit le Clergé , temeraria e/?,
fcandalofa, erronea, impietati favet 3 Ù'prœcepto Eçcle^
fia illiidit,
A plus forte raifbn , ceux qui caufent durant une
partie notable de la MelTe , ne fàtisfont pas à l'obliga-
tion de l'entendre , car on ne peut pas dire qu'ils y
aient attention. Ils doivent expliquer en confeflion s'ils
ont été la caufè que d'autres qui afTiIloient à la MelTe,
ont aufli parlé ; car ils ont détourné ces perfonnes de
l'attention qu'elles dévoient avoir au Sacrifice, & ils
ont péché en cela.
Les Cafuilîes propolent ordinairem.ent deux caufes
qui difpenfent de l'obligation d'entendre la MefTe.
La première eft , l'im.puiffance phy/îque & abfolue
d'y alTuler; par cette raifbn en en excule ceux qui
font détenus prisonniers , ceux qui font grièvement
malades , ceux qui font fur Mer quand il n'y a point
de Prêtres dans les Navires, ceux qui voyagent dans
des pays oii l'on ne dit point la Mefîe. La féconde
eft , TimpuilTance morale d'y affilier. Ceux-là font
cenfés être dans cette impuilTcince, 1°. Qui font con-
valefcens , & qui auroient beaucoup de peine à aller
à la Meffe, parce qu'ils font encore foibles, ou qu'ils
ibnt fort éloignés de l'Eglife , les femmes groifes qui
font fur le point de leur accouchement i il fdut en
'^ à Quis magis împîus * an 1 qui etiam mendaciiim addens»
profitens impietatem , an men- J geminat impietacem f*
tiens raafncaccm ? Nonne is j
cela
fur les Commandcmens de Dieu, ^6t
tela avoir égard aux perfbnnes, aux lieux, au tems^
:uix chemins, i^. Qui feroient expofés à un domma-
ge fpirituel en afliftant à la Meffe ; par exemple, qui
le rrouveroient dans l'occafîon prochaine de pécher.
3°. Qui ne peuvent aller à TEglifè fans être en danger
de ^oufFrir une perte ou une incommodité confidc-
rable , ou de la caufer à d'autres : par cette raiibn on
en juge difpenfcs ceux qui gouvernent les malades ,
les pères ou mères qui ont plusieurs petits enfans >
ceux qui gardent la maifon , ou les troupeaux en cer-
taines circonftances , fi ces perfônnes n'en peuvent
fubftituer d'autres à leur place. 4°. Qui ont jufte fujet
de craindre d'ctre tués, volés ou maltraités, comme
leroit une fille qui f^ait qu'on la veut enlever. 5*^. Qui
en font empêchés par quelque affaire de très-grande
importance , comme feroit un combat , une irruption
d'ennemis.
On préHime av«c raiibn , que l'Eglife qui efl une
mère charitable, n'a pas intention d'obliger Ces en-
fa-ns à accomplir fes Commandemens , en des occa-
fions où il y a tant de difficulté & de péril à exé-
cuter ce qu'elle ordonne. La néceffité pour lors^
rend permis ce que la Loi défend, fliivant la règle
du Droit établie chap. Quod non ejl , au titre de Regu-
lis juris , dans les Décrétales de Grégoire IX. Quoi
îton ejl licinim in lege , necejfitas facit licitiim. Nam ô*
Sabbamm cufiodiri praceptum ejl. Machabcei tamenfme
culpa fua in Sabbato pugnabant , fed & hodie Ji qitis je^
juniumfrëgerit œgronis , reus voti non habetur. Mais il
faut prendre garde de ne Ce pas flatter en ces rencon-
tres, ou d'imaginer de la difficulté , ou du danger oi\
il ny en a point 3 car on ne feroit pas excufé devaiic
Dieu.
'i^C:^.
X»«i?6
^62 Conférences d'Angers;
>)-f.*::^ '^ T. a. ., ,.
RE S U LTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
LES COMMANDEMENS DE DIEU.
Tenues au mois de Mai 17 14.
PREMIERE QUESTION.
Ceux qui pajfent une partie conjidérable des
Dimanches ù* des Fêtes dans les jeux &•
dans les plaijîrs , ne profanent-ils pas ces
faims jours f
IL paroît par ce que nous avons dit dans la pré-
cédente Conférence , que le précepte qui a été
fait aux Chrétiens de fanftifier les Dimanches & les
Fêtes , leur impofè deux obligations ; l'une efl de
droit pcfîtif , par lequel il nous efl défendu de faire
aucune œuvre (èrvile en ces laints jours ; l'autre efl
de droit naturel , qui nous oblige d'employer quel-
que tems considérable de la vie à penfer à Dieu &
à l'affaire de notre falut éternel ; car la lumière
naturelle nous dide que nous devons vacquer au
culte de Dieu , & penfer aux moyens d'arriver à
notre Béatitude : & TEglile a déterminé aux Chrc-;
fur Us Comman démens de Dieu, 3 6j
liens les jours de Dimanches & de Fêtes pour cet
exercice. Pour accomplir l'un & l'autre de ces pré-
ceptes , & en remplir les obligations , il faut donc
s'abftenir des œuvres (erviles durant ces jours, & les
employer au fervice de Dieu, à l'adorer, aie louer, à
Je prier.
On ne peut pas dire que ceux qui après avoir
irntendu la MciTe les Dimanches & tctes comman-
dées , pafTent une partie con/îdérable de ces jours
aux jeux , aux danfes , aux divertiflemens même
permis , à la chafTe , au cabaret , en des feftins , en
des vi/îtes mondaines , ou dans une pure ciiiveté «
s'acquittent des deux obligations qui leur (ont im-
pofées, fous prétexte qu'ils s'abiliennent des œuvres
lerviles & qu'ils entendent la MefTe : il faut tenin
pour certain que bien loin de fàndiiîer ces jours »
comme ils y font obliges, ils'les profanent parleur
irréligion, puifque non-Ieulement ils ne s'appliquent
pas à (ervir Dieu de la manière qu*ils doivent, mais
qu'ils s'appliquent à des chofès profanes , vaines &
dangereufes , qui les détournent du fervice de Dieu,
quoiqu'ils foient tenus fpécialement d'y vacquer les
jours auxquelles œuvres (erviles, comme nous avons
dit, n'ont été défendues qu'afin que les Chrétiens n'y
étant point occupés , fuflent libres pour s'appliquer fc-
rieufèment au culte de Dieu , & fe repofèr en penlant
à lui.
L'obligation de (àndifier ces jours en vacquant au
fervice de Dieu, s'étend A d'autres exercices de Reli-
gion que d'entendre la MelTe. Les Ordonnances des
Conciles que nous avons rapportées nous le font con-
nojtre, & particulièrement celles de nos Conciles de
France, qui veulent que les Fidèles affiflent à Vêpres
& aux Inftruftions qui fc font à rplglifeles Dimanches
& les Fêtes, & qui défendent les divertiffemens pu-
blics aux heures du Service divin, de crainte qu'oa
n'en détourne le Peuple.
Si l'Egiife éto"t pc'-ruadée qu'on peut (andifier les
Diïwanches & Fêtes en aflillant le matin à la M-fle,
& pafTant une partie confidérable de la journée aux
plaÛîrs ou à de vains amufemens, il étoit inutile
3^4 Conférences d'Jngers^
qu'elle y défendit en particulier les jeux & les diVer-
tiflemens publics , & que les Princes autorirafTent ces
défenfes & en fiffent de fembiables : cependant nous
en trouvons de très-féveres , tant de la part de TEglife
que des Princes.
^ Le Concile de Tolède tenu en l'an 58^. traite d'im-
pie la coutume qui s'étoit établie en Efpagne parmi le
peuple, de faire des danfes publiques & de chanter des
chanfons profanes les jours de Fêtes , & il exhorte ,
dans le Can. 2 3 . les Magiftrats à fe joindre aux Prê-
tres pour exterminer cette coutume impie. Ce Canon
eft rapporté par Gratien , Di/?/«(^. ^,de Confecrat, Can.
Jrreligiofa confuemdo.
^ Les Empereurs Valentinien , Théodofè & Arca-
dius dans la loi Omnes, qui eft la feptieme au code li-
vre 3. tit. li. font défenfè de donner aucun fpeda-
cle au peuple les jours de Dimanches & de Fêtes fb-
lemnelles. Les Empereurs Léon & Anthemius dans la
loi Dks fejîos, qui efl la 1 1, au même tit. défendent,
aux jours de Dimanches & de Fêtes , tous les jeux &
les fpedacles du Théâtre & du Cirque , les combats
d'animaux , & généralement tous les autres divertifîe-
mens profanes.
Le Roi Childebert, par une Ordonnance de l'an
^54. rapportée par le Père Sirmond, tome i. des
Conciles de France , fait défenfes de paffer en dé-
bauches, en boufonneries , ou à chanter des chan-
fons profanes , les Dimanches 8c les Fêtes , & de
faire aucunes danfes dans les places publiques. Il or-
donne qu'après que les Prêtres auront averti les par-
ticuliers d'obéir à cette Ordonnance , ceux qui ofe •
ront commettre ces fàcriléges feront punis ; fçavoir ,
les perfbnnes de condition fervile, de cent coups de
fouet.
Nous avons , au livre 6* des Capitulaires de nos
Rois , recueillis par l'Abbé Anfègife qui mourut en
l'an 834. une Ordonnance qui défend aux Fidèles
de faire aux jours de Dimanches , danfes , farces
dans les carrefours ou places publiques , & leur en-
joint d'afTifler à l'Office divin , & nommément à
Vêpres & aux Inilruâions des Prêtres , ou aux en-;
fur les Commandemens de Dieu. 36"/
tretiens d'un homme de bien qui leur parlent des
choies qui regardent le Hilut de leur ame. Nous li-
ions une pareille Ordonnance dans le 114. chap.
du Recueil des Capitulaires que Hcrard Archevêque de
Tours fit publier en Ton Synode de Tannée 856. tenu
au mois de Mai.
Le Roi François I. dans les Lettres Patentes du 7.
Janvier 1510. adreiïces au Prevotde Paris, défend de
faire des danfes publiques les jours de Dimanches &
de Fctes.
Les Conciles de Rouen, de Tours, de Reims, de
Bourges, d'Aix , célébrés depuis celui de Trente, VAC-
Temblée du Clert^é de France tenue à Melun en l'an
1575». & le troifieme Concile de Milan fous S. Char-
les, condamnent les danfes publiques , les feftins pu-
blics, les jeux publics, les (p^îdacies, les comédies,
les farces des bateleurs, la chaiTe, les repas dans les
cabarets , au lieu du domicile , aux jours de Diman-
ches & de Fêtes , particulièrement aux heures du Ser-
vice divin.
Les danfes publiques Se les Feftins publics font des
rafles du Paganifme ; la principale fblemnité des jours
de Fctes que les Payens folemnifoient en l'honneur
de leurs faux-dieux, ou en mémoire de la naiffance
de leurs Princes , ou des fondateurs de leurs Villes ,
confîfloit 3. les pafTer en danfes & en feflins publics ,
d'où ces jours étoient nommés par les Romains , Dics
Comme les Réglemens du Concile de Tours font
loi en cette Province, nous rapporterons les termes
de fon Décret, au titre De Fefloriim cultu. Diebus Do-
minicis prœfenim & aliis Feflis commejfaiioues , convi-
via -publicay tripudia , faltaiiones , Jlrepints & choreas
fariy venant & aucupatu tempus terere , in hofpitiis feu
cauponis aliis auam peregrinis cibaria & viniirn minif-
irariy htdos palmarios & alios {maxime dtim facra con-
fciitnmr y laudefque Deo decantatur) aperiri , comœdiasy
liidos fcenicos, vel théâtrales , & alia ejus generis irre-
ligiofa fpe^acula agi, fiib anathematis pœnâ prthibct hixc
Synodits.
.Nos derniers Rois ont fait de femblablcs défen-
'^66 Conférences cV Angers,
fes par leurs Ordonnances .* ils ont, en l'an i^^o;
défendu par l'art. 23. de l'Ordonnance d'Orléans,
les danfes publiques les jours de Dimanches & de
Fêtes annuelles & folemnelles. Par Fart. 24. ils ont
défendu aux joueurs de farces , bateleurs & autres
femblables , de jouer auxdits jours de Dimanches &
Fêtes aux heures du Service divin. Par l'art. 25.
ils ont défendu aux Cabaretiers , Taverniers & Maî-
tres de jeu de paume, de recevoir aux heures du
Service divin aucune perfbnne, & à tous les habi-
tans des Villes , Bourgades & Villages , d'aller boire
& manger dans les Cabarets , & aux Cabaretiers
de les y recevoir. Par l'Ordonnance de Blois de
î'an 1575). art. 38. ils ont enjoint aux Juges de faire
garder les défenfes portées par l'Ordonnance d'Or-
léans, tant pour le regard des fcires^ marchés & dan^
fes publiques es jours de Fêtes , que contre les joueurs
de farces , bateletirs , Cabaretiers , maîtres de jeu de
paume & d'efcrime, fur les peines contenues efaites Or'
donnances.
Le Parlement de Paris avoit rendu un Arrêt le
3. Septembre 1667, pour faire exécuter cette Or-
donnance, renouvellée par une Déclaration de Louis
XIV. du 16. Décembre lépS. enrégiftrée au Par-
lement le 31. du même mois , par laquelle le Roi
ordonne que les articles 23. 24. & 25, de l'Ordon-
nance d'Orléans , & le 3 8. de celle de Blois , por-
tant défenfes de tenir des foires & marchés , & des.
danfes publiques , les Dimanches & les Fêtes , d'ou-
vrir les jeux de paume & cabarets , & aux bate-
leurs, & autres gens de cette forte, de faire aucune
repréfentation pendant les heures du Service divin ,
tant les matins que les après-dinées , foient exécu-
tés ; & il efl enjoint à tous Juges-Royaux de les
faire lire & publier de nouveau dans leurs refTorts
avec la Déclaration du Roi , & de punir les contre-
venans.
Concluons donc que ceux qui après avoir enten-
du la MefTe , palTent le refle du tems dans des oc-
cupations purement profanes , fans s'occuper da-»
TànvàgQ de Dieu &: de leur faiut ^ue les autres
fur les Commandemens de Dieu. 3 6j
)ours, ne font pas exempts de péchés : &: que ceux
qui pafTcnt h plus grande partie de ces faints jours,
même le tems des divins Offices , dans des cabarets
ou autres divertifTemens , fpécialement défendus les
jours de Dimanches & Fctes , font coupables de pé-
ché mortel, puifqu'ils violent les Loix Eccléfîalli-
ques & Civiles dans une matière de grande impor-
tance. C'efl pourquoi il eil enjoint aux Confelfeurs
du Diocefe , par une Ordonnance de Michel le
Pelletier, Evcque d'Angers, du 13. Février 1701.
d'interroger foigneufement les Pénitens , fî après
avoir entendu , les jours de Dimanches & de Fê-
tes, une bafle MclTc, ils pafTent le refte du jour dans
les repas , au jeu , à la chaiïe , & dans d'autres di-
vertiffemens profanes : Si dans ces jours ils fréquen-
tent les cabarets & y font de^s débauches : Si étant
cabaretiers ils rec^^oivent des gens pendant le Ser-
vice divin du matin ou du foir , & il leur eft or-
donné de refufer ou de différer rabfolution à ceux
qui (ont dans l'habitude de ces fortes de péchés ,
j[urqu'à ce qu'ils ayent trouvé en eux un véritable
changement, après un délai & une épreuve confidé-
rable.
Les Curés doivent aufTi s'oppofer fortement à ce
que les Cabaretiers donnent à boire ou à manger aux
habitans de la FaroilTe, les jours de Dimanches &
de Fctes, pendant les heures du Service divin, &
à ce que les perfonnes qui tiennent des jeux pu-
blics , fbuftrent qu'on y joue à ces heures. Les Ca-
baretiers & les Maîtres des jeux publics , ainfi que
ceux qui boivent dans les cabarets , qui jouent dans
les jeux publics , à quelque jeu que ce (oit pendant
les heures du Service divin , pèchent très-griéve-
ment.
Cet abus a paru C\ grand & (î criant, que plu-
sieurs Evcques du Dioce(ê d'Angers en ont fait des
défenfes fur peine d'excominunication, comme on le
voit dans les Ordonnances de Fran(^'ois de Rohan , de
l'an 1621. de Gabriel Bouvery , de l'an 1547. de Guil-
laume de Ruzé, de l'an i<;79- de Charles Miron, des
«innées 155^4. & 1600, de Henri Arnauld, des années
3<^8 Conférences d'Angers y
i6$z, & 1654. Pareilles défenfes ont été faites, ei!
d'autres Diocefes, fous la même peine, aux Cabare-
tiers & à tous ceux qui tiennent des jeux publics. Nous
trouvons un femblable règlement dans le Concile de
Rouen, de l'an i^8t. au titre des devoirs des Curés
nomb. 19, Celui de Bordeaux, de l'an 1583. au titre
des Fêtes, exhorte les Magistrats à faire exécuter ces
Ordonnances.
Le Parlement de Paris a rendu en conformité un
Arrêt du 15. Décembre 171 1. furies concluions de
M. le Procureur Général du Roi, par lequel la Cour
fait itératives défenfes à toutes perfonnes de fréquen-
ter les cabarets pendant la nuit & autres heures indues ,
& pendant le Service divin; & aux Hôtes & Cabare-
liers de les y recevoir, à peine d'amende arbitraire
pour la première fois , de prifon pour la féconde , mê-
me de plus grande punition s'il y échoit. Enjoint à
tous Juges & Officiers de tenir la main à l'exécution
de cet Arrêt : & en cas de contravention , d'informer
& procéder contre les contrevenans., par les voyes de
droit. La Cour avoit expliqué par un Arrêt du i8.
Avril 17 13. que par les heures du Service divin, elle
entendoit le tems des grandes Meffes & Vêpres ; com-
me elle Tavoit déjà déclaré par un Arrêt du 3 1 . Mars
15:44»
Il feroit plus à propos , félon le fèntiment de S. Au-
guflin, que ceux qui paffent le tems les jours de Di-
manches & de Fêtes à des divertiifemens qui les por-
tent à la débauche & au libertinage , & qui fouvent
leur font une occafîon d'impureté, ou de gourmandi-
se, s'occupafTent au travail. Les Chrétiens doivent cé-
lébrer fpirituellement le Sabbat , & ne pas , à la ma-
nière des Juifs, fe fervir du repos de ce ^int jour pour
fatisfaire leur cupidité ^. Ce que ce Père répète dans
3 e livre de dçcem çhordis , au chap. jt ^»
a Obferva dicm Sabbatî ,
non Judaïcis clel'ciis , qiii ciio
abiiruntur ad ncquitiam.Me-
liiis enim utique totâ c*ie fodc-
ft^nc , c^uàm (Oiâ die f^^lcarenc»
S. Aug, Serm. i. fur le Pf,
32»
b Dicitur tibi ut fpirituali-
ter obfcrves Sabbatum , noa
fur les Commandemens de Dieu, 36"^
Quand même les recréations qu'on prend les
Jours de Dimanches , & de Fcies ne feroient pas d'ail-
leurs une occafîon de péché, elles ne peuvent être
ablblument innocentes des qu'elles nous détournent
du Service divin. On peut fe récréer en d'autres
jours qu'en ceux qui font conHicrés pour le culte de
Dieu. Au moins ce feroit aflei de Ce récréer en ceux-
ci après avoir afllflé au Service divin, & aux ïnflruc-
tions qui Ce font à l'Eglife, ou s'il ne s'y en fait pas,
après avoir donné quelque tems à la ledure d'un bon
Livre , ou à quelque exercice de Religion ou de
piété.
Sabbatiim carnali otio;vaca-
re cnim volunt ad nngas ar-
que liixurias fuas. Meliuscnim
faceret Judaeus in agro fuo
aliqui^l utile , qtiam in thea"
tra feditiofiis exiftcret.
II. QUESTION.
Les œuvres fer viles font -elles défendues les jours
de Dimanches Gr de Fêtes , Gr quelles
font ces œuvres f
LE Seigneur avoît expreiïement ordonné aux
Juifs, dans le chap. lo. de l'Exode, de s'abfte-
rir de tout Ouvrage le jour du Sabbat, ce Vous tra-
3-> vaillerez durant fîx jours, & vous y ferez, tout ce
3î que vous aurez à faire , ^^ mais le feptieme jour efl le
jour du repos confàcré au Seigneur votre Dieu, ic Vous
35 ne ferez en ce jour aucun ouvrage, ni vous, ni vo-
3î trc fils, ni votre fille, ni votre ferviteur, ni votre
35 Servante, ni vos bêtes de fervice, ni l'étranger qui
3> fera dans l'enceinte de vos Villes ^, 3>
a St'X diebiis operaheris 3c
faciès oiiiuia opcra tua. Sejni-
mo aiitCTj dic Sabbattira Do-
aiini Dci tui eit : non facics
orane opuj in eo & filins tutJt
& filia tua , fervus tiius & an-
cilla tua, Jumcntum ru»n->'&
advcna oui elt jnrr,->pc»rias uus.
37^ Conférences d'Angers,
Le Précepte de fàndifier le Sabbat étant certaine-
ment moral en ce point, il regarde les Chrétiens & ils-
fbnt obligés très-étroitement à robferver.
On entend par les œuvres lerviles , tout ouvrage des
mains quife fait ordinairement, par des ferviteurs, ou
par d'autres gens, pour gagner leur vie, & qui tend
bien plus à l'avantage du corps, qu'à la perfedion de
l'elprit.
L'ufage de toutes les Eglifes du monde qui a com-
mencé dès le tems des Apôtres & qui a continué
détre obfervé jufqu'à nos jours, fans aucune inter-
ruption , elî une preuve convaincante qu'elles ont
toutes été perluadées de l'obligation étroite qu'ont
les Chrétiens de s'ablîenir des œuvres ferviles les
Dimanches & les Fêtes. Si nous voyons cette obli-
gation recommandée par les SS. Pères , & par les
Conciles , ce n'efl: pas qu'on ait douté que les Chré-
tiens ne fuffent obligés de droit divin de s'abUenii?
d'y travailler en ce jour, cela prouve feulement que
dans certain tems il y en a eu qui n^obfervoient
pas ce Commandement avec afTez d'exaditude , ni
avec aflez de Religion. Et fî les Conciles ont dé-
fendu en particulier de faire les Dimanches certai-
îies œuvres , c'eft qu'il y avoir des gens qui Ce li-
centioient à en faire quelques-unes, que par igno-
rance , ou par une mauvaife coutume ils ne regar-
daient pas comme défendues , parce qu'elles ne leur
paroilToient pas purement £èrviles. Cependant l'E-
glSe en jugeoit autrement ; car comme Dieu, dans
l'ancienne Loi, avoit défendu de faire les jours de
Sabbat & de Fêtes, certaines œuvres qui n'étoient
pas ferviles , comme de voyager , de vendre , d'a-
cheter ; de même dans la Loi nouvelle on ne doit
pas les jours de Dimanches & de Fêtes s'abftenir
îèuiement des œuvres purement ferviles , m.ais en-
core de plufîeurs autres qui ne le font pas; & com-
me il y avoit d'autres perfbnnes dont la ferveur étoit
Cl grande, qu'ils Ce fii/bient un crime de vaquer en
ces jours à certaines œuvres que l'Eglifè ne croyoïn
pas être défendues aux Chrétiens , qui ne font pas
obligés d'obferver les Dimanches & les Fêtes , à U
fur les Comman démens de Dieu, 371
manière que les Juifs obfervoient le Sabbat, les Con-
ciles, pour remédier au relâchement des uns & lever
les fcrupules des autres, ont marque en particulier
quelques oeuvres qui (ont défendues les Dimanches
& les Fêtes, & quelques autres qui fontpermifes. C'efl
dans cet efprit que le troifîeme Concile d'Orléans tenu
en Yàw 538. voulant détruire les préjugés du peuple,
qui approchoient plus de la fuperllition Juive, que de
la régularité Chrétienne, a déclaré Can. 18. qu'il ell
permis de voyager les Dimanches avec des chevaux,
des bœufs ou des voitures, de préparer à manger, &
de faire ce qui regarde la propreté du corps, ou de la
maifon. Et pour corriger l'avarice & le libertinage
des autres , qui profanoient ouvertement les Diman-
ches & les Fctes; il a défendu de travailler à la cam-
pagne , ft^avoir, de cultiver k terre, de bêcher la
vigne, de la tailler, de faire la coupe & la récolte
des bleds , de les battre , de vaner , de faire des
bayes ^\
Ce Canon nous donne lieu de remarquer que lorl-
qu'il s'agit des œuvres dont on doit s'abftenir les
jours de Dimanches & de Fctes, on doit u(êr de
beaucoup de prudence pour ne pas avancer des maxi-
mes, ni trop ri^oureufes, ni trop douces. Celles qui
feroient trop ngoureufes Jetteroient le trouble dans
i'ame de plufieurs perfonnes, particulièrement de cel-
les qui font groffieres , qui fc fondant fur des coutu-
mes invétérées , ou qui étant prefTées par des befoins
temporels, pafl'eroient par-defTus les défenles qu'on
leurferoit, &tomberoient en plufieurs péchés, agiffant
contre leur conscience ; mais aufli fous prétexte de
vouloir mettre les confciences en repos, on ne doit pas
h Qiiia perfuafum rft popu*
lis , dic iJoru.nico agi cum
caballis aut bubus , i'k vclii
culis itincra non d>.bcre,nc
cjiic iiUarn rtm ad viîl nipx-
paratc , vcl ad nit rem domùs
■vel hominis l'crtiDcritein nlla-
tenus exdccre, ( qiis rcs ad
Judai'caiV^ macls «juàmad Chrif-
fiaiMin cbfcrvanciam peitinere
probatur ) id flatuimus , ut die
D ominico , quod ante ficri li-
cuit, liccat de opère , tamea
rurali , id cft , aratro , vcl vi-
ncà , vcl fe(5iionc , mcfTione ,
exciifTif^ne , cxario vcl fcpc ,
cenr.iinuis abftincndum ; -^uo
facilius aJ Ecdefiam venien-
tcs oracioniii gratia vacent*
37^ Conférences d'Angers,
favorifèr par des maximes trop douces le relâchement
qui s'eR introduit par la cupidité & par Tavarice, &
lion par la néceflité.
La règle la plus sûre qu'on peut propofer, eft celle
que le Concile d'Orléans prefcrit par ces mots : Quod
antèfieriliciiu, lîceat, & que Gerfon a expliquée en
fbn Traité des Commandemens du Décalogue , chap.
7. qu'on peut fuivre la coutume des lieux, quand elle
n'etl: point condamnée par les Evéques ; & ii on louf-
fre quelque doute (iir cette coutume, on doit conful-
ter les Supérieurs Eccléiialîiques & les gens fcavans ^»
Saint Antonin approuve cette règle dans fà Somme y
partie z, tit. 5). ch, 7. $. 5,
Gerfon dans Tes règles morales en apporte pour
raifbn , que c'efl plus la coutume des lieux & des
perfonnes, & l'approbation des Evéques, qu'aucune
Loi écrite, qui nous apprennent de quelles œuvres,
ai faut s'abftenir les Dimanches & Fêtes , parce que
FEglile a laifTé aux Evéques particuliers, le pouvoir
de '^égler par leur prudence, comment on doit ob-
server les Dimanches & les Fêtes , quant aux circonflaa-
ces du tems , du lieu & de la manière, & qu'elle les a
chargés de ce fbin. C'efl: pourquoi on peut fuivre en sû-
reté de conscience la coutume du lieu qui efl con-
nue & tolérée par TEvéque. L'Auteur ajoute qu'on
doit regarder comme une corruption & un abus ,
la coutume qui détourne entièrement les peuples du
Service divin , & particulièrement d'entendre la Mefle
en ces faints jours , ou qui autorifè plutôt la cupi-
dité qu'elle ne tend à fùbvenir à la nécefîité des peu-
pies,.
D'autres Conciles, outre le troifîeme d'Orléans ont.
^éfîgné d'autres œuvres auxquelles ils jugeoient qu'il
ji^étoit pas permis de s'occuper les jours de Diman-
cl'^es.
i: Ut qnilibct eo dîeabftineat ( non prohiber : qiiod fi apud
xb omni labore aut mercatio- i aîiquem, fuper tali confuetu-
ue , aut alio quovislaboriofo dine fcrvandâ aut aliis cafibus ,
ofere fectindiim rit.im Srcon-
dubietas occurrat, confiilat iller
fuetiidinem patrire qiiam iuha- Supenores & peritos , ne pcc
bitat > quam confuetiidinem | amplam nimis aut (triclamcon»
Ps2Îaiiî),is iUiuâlc&i cogncfcens i fpCQUâui in p ecvamm cador»
fur les Commandemens de Dieu, 373'
Le Concile fécond de Maçon, de l'an 585. ordonne
dans le i. Can. que personne ne travaille aux procès
en ces jours, que perfonne ne plaide & que l'on n'at-
telle point les bœufs , mais que tout le monde s'appli-
que à chanter les louanges de Dieu. Il ftatue enfiiite
contre ceux qui n'oblerveront pas cette Ordonnance,
des peines conformes à l'ctat & à la condition des per-
fc)nnes. Si c'eft un Avocat, le Concile veut qu'il Ibic
chaffc du Barreau ; Ci c'eft un Serf, ou un Elclave ,
qu'il (bit frappe de quelques coups de bdton; C\ c'efl
un Clerc, ou un Moine, qu'il (bit excommunié pen-
dant fi\ mois.
Le Concile (îxieme d'Arles, de l'an 813. défend
Canon 16. de tenir des marchés publics les Diman-
ches, de plaider, de travailler à la terre Se à des œu-
vres fèrviles, & ordonne qu'on ne s'occupe qu'à ce qui
regarde le fervice de Dieu '^. On trouve dans le Ca-
non 40. du troi/îeme Concile de Tours tenu en la mê-
me année , de (emblables défenfès touchant les plaids
& les marchés.
Le fécond Concile de Reims tenu la même an-
née, déclare, Can. 35. que félon le Commandement
de Dieu , on ne doit faire aucune œuvre fervile le Di-
manche, ni tenir les plaids ou audiences, ni exercer
le commerce, ni fiire des donations en public; c'efl-
à-dire, que les Notaires ne doivent point faire d'aéles
de donations ^.
Le fîxieme Concile de Paris de l'an 8^5?. arrêta
qu'on imploreroit l'autorité del'Empereur Louis le Dé-
bonnaire , pour empêcher qu'on ne tienne les marchés ,
ou les plaids aux jours de Dimanches , qu'on ne tra-
vaille à la terre , & qu'on ne falTe quelques corvées , ou
charois ^.
d Ne in diebus Domînicis
publica mercata ncque caufa-
tioncs, difceptationelque cxer-
ctantiii , 6c pcnitus a rurali &
fervili opère ccTlctiir. His fo
lummodo pcraclis , qiix .id Dci
cultiiiii & fcrviti'.Jiu pertintrc
nolcun: ,r.
« Ut iu du.l;u5 Domiiiicis
fecundum Domini pratceptum,
nulla opcra fcrvilia quilibet
peifîciat , nec ac placio conve-
niac , ncc ctiam donationes in
piiblico faccrc praeTuiTiat , ne-
quf nuTcata exercer.
/ Spcciaiiter atquc Ininuliter
à Saccrdoiibus Imj crialis Cel-
fitudo ilagiu-uid^ cil ut cjus à
574 Conférences d^ Angers,
L'Empereur confirma les Décrets de ce Concile
par une Ordonnance qu'il fit dans le Concile de
Worms tenu la même année 8i^. rapportée dans le
tome I. des Capitulaires de l'édition de Baluze.
Le Concile de Meaux de l'an 845. parlant de la
manière dont on doit célébrer la Fête de Pâques
pendant toute la fèmaine , eft entré dans un plus
long détail des œuvres qui font défendues aux jours
de Fêtes. Dies quoque ocîo , dit ce Concile , Canon
77. SancrofanClœ Fafchalis feftivitatis omnibus Chrijlia-
nis ferîatos ejfe àecernimus ah omni opère rurali , fa^
brili y carpentario , gynaceo 3 cœmentario , pi£iorio , t/e-
natorio , forenfi , mercatorîo , audientiali ac facramen"
fis exigendis , quatenus eifdem diebus tanto licemius,
quanto liberius , omnibus ChriJIianis fanCice Refurrec-
tionis laudibus Ù" facrofancî^ pradicationi jugiter in--
jîjîere liceat, Quodji quis temerare prxfumpferit , ex-
communicetur. Sous le mot de Gynœceo , ce Concile
comprend tous les ouvrages de la main auxquels les
femmes ont coutume de s'occuper , & par les ter-
mes exigendis facramentis , il entend les preilations
de ferment en Juftice,
Nos Rois ont fait des Loix femblables à ces dé-
cidions de l'Egiife. Dagobert L fit en l'an 5*30. un
Edit par lequel il défend de travailler le jour du Di-
manche à planter des hayes pour clore les champs >
à faucher les foins , à couper ou à ramaiïer les moif^
ions , ou à quelque autre œuvre (erviie ; il prononce
diverses peines contre ceux qui feront coupables de
contravention , & il veut que fi c'efl une perfbnne
libre qui en ait été reprife & punie pour récidive ,
elle fbit privée pour toujours de la liberté ; étant
jufte , ajoute cette Loi , que celui qui n'a pas voulu
fervir volontairement le Seigneur un fêul jour de
la femaine , qui lui efl particulièrement confacré ,
fbuifre malgré lui la fervitude pendant tous les jours
de fa vie.
Deo ordinata poteftas , ob ho-
portmà ieverentiarn tanti diei
cunftis mctum incuiiat , ne in
bac fani^U (k venerabili die
mercatus & placita & ruralia
<^ua;r]iie opcra , nec ron r)uaf-
libct carrigationts horiuncs fa»
cere prsEfuiiiani. Ca/i. 3J»
tfl
fur les Commandemens de Dieu, 3 7^
Le Roi Pépin fit publier en 755. une Ordon-
nance pour faire exécuter les Canons du Concile
de Verneuil , dont le 14. eft le mcme que le 18.
du troifîeme Concile d'Orléans , que nous venons dô
rapporter.
Charlemagne dans le Capitulaire qu'il fit drefTer
en 7&'5>. à Aix-la-Chapelle , par l'avis des Prélats
de Ton Royaume , déclare qu'afin que l'honneur &
le repos du jour du Seigneur (oit exadement obier-
vé par toutes fortes de perfonnes , il eft défendu
?.ux hommes conformément à l'Ordonnance du feu
Roi , de travailler à la culture des vignes , de la-
bourer la terre , faire les moifTons , faucher les prés i
planter des hayes , abbattre des arbres , arracher du
bois , tirer des pierres des carrières , bâtir , travail-
ler au jardin , plaider , ni allej à la chafTe ; comme
aufïi , il leur efl défendu défaire aucunes voitures,
qu'en ces trois cas , pour l'armée , pour les provi-
fions des vivres néceflaires aux Villes, ou pour con-
duire un corps à la fépulture. Qu'à l'égard des fem-
mes , il leur eil défendu de faire aucun ouvrage de
tiffu , de tailler des habits , de coudre , de broder ,
de carder de la laine , de battre du lin , de laver la
lefTive ôc de tondre les brebis. Ces Loix font rap-
portées tome I. des Capitulaires de nos Rois de l'é-
dition de Balu/,e,
A l'égard de la chafTe , il y a des Do(fleurs qui
eroyent qu'on peut y aller les Dimanches Se les
Fêtes , par manière de récréation ; d'autres font d'un
fentiment contraire. Nous avons vu que le Concile
de Meaux de l'c.n 84^. & le Capitulaire d'Aix-la-
Chapelle la comprennent au nombre des œuvres dé-
fendues pendant les ^ours de Dimanches & de Fc-
tes. Le Concile de Tours de l'an 1583. a défendu
d'y paffer le tems dans ces fîiints jours. Venant &
aucupatu temnis urere» Ain(î c'efl le plus sûr de s'en
abflenir , lur-tout de la chafTe qui le fait avec ap^
pareil. Il y a grande apparence que c'efl de celle-là
don: le Concile de Meaux & le Capitulaire d'Aix
ont entendu parler. Cependant nous ne croyons pas
qu'un Gentilhomme qui chafTeroiL pour fe récréer
^^6 Conférences cT Angers l
aux jours de Dimanches & de Fêtes , après le Ser-
vice divin , pendant une ou deux heures (ans ap-
pareil , comme font ceux qui chafTent avec un chien-
couchant, commit un péché. Nous difbns la mê-
me choie d'un homme qui pécheroit à la ligne. Nous
ne prétendons point auiïi condamner les chafles que
les Magiflrats ou les Seigneurs ordonnent être faites,
après les Vêpres des ParoifTes , pour la néceflité pu-
blique , comme l'on en a fait en l'année 17 14. pour
détruire les loups enragés qui ravageoient la Provin-
ce d'Anjou.
Quand le Pape Alexandre III. ch. Licet de Feriis ,
a permis de pécher les harengs aux jours de Diman-
ches & de Fêtes , à la réierve des Fêtes les plus Co-
iemnelles , il n'a pas déclaré que ce travail fût ab-
iblument permis alors ; c'efi: une indulgence qu'il a
eue pour des habitans qui étoient dans la difette des
chofes néceiïaires à la vie par la flérilité du Pays ,
& qui auroient (buffert un dommage confidérable.
Il le dit en termes exprès dans fa lettre à l'Arche-
vêque de Tribur & à fès Suffiragans , d'où efl tiré le
ch. Licet 8,
Les Conciles n*ont pas défendu de s'occuper à ces-
ibrtes d'oeuvres aux jours de Dimanches , comme les
jugeant mauvaises en elles-mêmes ou indignes des
Chrétiens ; mais , ainfî qu'ils le difènt , parce qu'elles
les détourneroient de l'application au culte de Dieu ,
auquel on doit employer ces jours tout entiers, com-
me étant la fin pour laquelle ils font deflinés , & le
motif pour lequel les œuvres ferviles y font défen-
dues. Ofortet 3 dit le troifieme Concile de Tours,
omnes Chrijîianos a fervili opère in laude Dei Ô" gra-
tiarum aclione , ufque ad vefperam , perfeverare. Si au
g Cùm regio veftra non
jnultùm frugibus abundec , &i
jnare in qiio popuius majorem
habere ccnfuevit fuftcntatio-
rcm fierilius folito errcchvm
fuille niuitoriim relationibiis
cognofcentes , autoritue B.
JPctri iHi Prtuii <3c noûrae indul-
gemus'' nt liceat Parochianîs
vtfiris , Hifbiis Dominicis Sc
aliis Ffft!viîatibus,piïterc)iàn»
in majoribiis anni folerrnitati-
bus , fi alecia terrs fc incli-
naverint, eorum captioni in-
gruenic neceflitate intendcic.
fur les Commandemens de Dieu. 577
lieu de s'appliquer en ces jours au Service de Dieu ,
on fe donne à d'autres œuvres , on deshonore le
Chriftianifme , on l'avilit , on le rend mépriHible, &
on anime les impies A blafphémer le Nom de Jefus-
Chrift, dit le /ixieme Concile de Paris à l'endroit que
nous avons cité ^.
Il arrive de-là que les Fctes qui devroient être pour
les Chrétiens des jours de grâces & de bénédidions, de-
viennent des jours de malédidion & de colère ; Dieu
pour punir leur ingratitude , au lieu de bénir les tra-
vaux qu'ils font en ces (àints jours , y donne fouvent
fà malédidion.
Ces défenfes tant de fois réitérées , & même fur
peine d'excommunication & d'autre punition , nous
doivent faire comprendre que le commandement qui
efl fait aux Chrétiens de s'abflenir des oeuvres fer-
viles , Se de quelques autres, 'quoique non purement
fèrviles , les oblige 2. l'oblerver fous peine de péché
mortel , la chofe étant de foi trcs-importante ; puif-
qu'elle concerne la Religion £< le culte de Dieu , qui
eft tout ce qui doit occuper les Chrétiens en ces (àints
jours. His folum ferafîis , dit le fîxieme Concile d'Ar-
les , quœ ad Dei cultum Ù" ferviiium fertinere nof-
cuntur.
Le péché peut n'être que véniel par la petitefîe
de la matière , dont on doit juger , tant par la nature
de l'ouvrage qu'on fait & par la caufe pourquoi on
!e fait , que par l'efpace de tems qu'on y emploie.
Si l'ouvrage n'eft par purement fervile , s'il y a quel-
que nécemté de le faire , & qu'on y emploie peu de
tems, il n'y a point de péché, ou il n'eft que véniel.
Les Cafuiftes dirent communément qu'il y a péché
mortel, lorsqu'on a travaillé (ans néce/Tité pendant
deux heures en un mcmejour, quand même on au-
roit travaillé à diverles reprifès, parce qu'il y auroit
€U une continuation d'irrévérence , qui étant venue
à un certain point , auroit fait un péché mortel.
h Quoniam dum hsc agiint,
in licciis Cîiriftianitatis orfiif-
caflc, <^ nomea^Cluifti bUf-
phemantibus Iccum amplikl
deuahcndi amibuuuu
578 Conférences d^ Angers ,
Plufîeurs gens ne croient pas avoir péché contre
le précepte de la fàndification des Dimanches, parce
qu'ils n'ont pas travaillé ouvertement à des ouvrages
pénibles & fatiguans , qui cependant font coupables
de péché ; & fi le Confefleur , comme dit S. Charles
dans Tes Inflrudions aux ConfefTeurs , les examine
avec plus de foin qu'à l'ordinaire , il trouvera peut-
être que quelques-uns d'eux , particulièrement Ci ce
font des artifans , n'auront jamais fait une bonne
Confeffion , & que plufieurs auront long-tems vécu
en péché mortel ; auxquels par conféquent on ne doit
pas donner rabfolution , fans avoir auparavant pris
foin de les tirer de l'erreur où ils (ont qu'ils n'offen-
fènt pas Dieu , Se de les fortifier contre les occafions
qu'ils auront de commettre le même péché.
Les Pafi:eurs , pour corriger cet abus , ne ïcauroienc
trop repréfenter aux peuples l'étendue du précepte de
la fandification des Dimanches & des Fêtes ; ils doi-
vent leur faire entendre que rien n'attire davantage
la roiere de Dieu fiir eux que la profanation de ces
jours , qu'il s'efl réfèrvé pour être (pécialement con-
fàcrés à fon fervice & à la (àndlification des Fidèles.
Rien neiï aufifi de plus honteux à la Religion , que
de voir ces jours de lalut profanés impunément par
lant d'oeuvres défendues.
On ne doit pas permettre aux artîfâns de travail-
ler pafle minuit, la nuit du Samedi au Dimanche,
ou la veille des Fêtes , car on doit obferver les jours
de Fêtes d'un minuit à Tautre , excepté celles qu'on
n'obfèrve que jusqu'à midi.
On ne doit pas non plus tolérer les ouvriers ; com-
me les Tailleurs , les Cordonniers , & autres , qui Ce
font une habitude de livrer leurs ouvrages pendant
la matinée des jours de Fêtes & de Dimanches ; ce
qui les détourne de la Meffe de Paroifle, des Infiruc-
tions, & autres exercices de religion & de piété; ni
ceux qui pafTent les jours de Dimanches & de Fêtes
à chercher de la beCogne ; ce qui arrive fouvent à la
campagne : ni les Fermiers , Métayers ou Colons ,
qui choififTent ordinairement les jours de Dimanches
OU de Fêtes , pour aller dans les villes ou bourgs voi-
fur les Commun démens de Dieu, 37P
fins , pour compter avec leurs Maîtres , ou pour leur
porter des provilions , qui quittent ain/i les Offices
& les Inflrudions qui Ce font dans leurs ParoifTes : ni
les gens de la campagne qui amènent à ces jours leurs
denrées ou marchandifes dans les villes , (bit pour
les vendre ou autrement. Tout cela efl: expreflement
défendu par une Ordonnance du Diocèfe du 7. Mars
1674. & par un^ du 13. Février 1701.
Plu/ieurs habitans des villes qui ont des mailbns de
campagne, d'où ils tirent les proviiîons pour leur fa-
mille , les font amener en leurs maifons de la ville , les
jours de Dimanches & de Fêtes , par un valet avec des
chevaux chargés , & renvoient le même jour le valet
pour travailler le lendemain à la campagne ; fbu-
vcnt ils ne font pas réflexion qu'ils violent ainfi le
précepte de la (àndification de,s Fctes ; c'eft pourquoi
les Curés en doivent avertir de tems en tems leurs
Paroifiiens dans leurs Prônes , & les ConfefTeurs leurs
pénitens dans le tribunal delà Confeflion , leur re-
montrant qu'il arrive de-là que leurs valets travail-
lent également les Fêtes & les jours ouvriers ; de
forte qu'ils ne vaquent quafi jamais au (ervice de
Dieu , & n'entendent pas plus fouvent (a parole , &
manquent quelquefois a aflfiller à la Méfie. Nous avons
dans les Statuts du Diocèle une ordonnance de Henri
Arnauld, qu'il fit en l'an 1674. pour réprimer cet abus
qui étoit fort fréquent dans la ville d'Angers.
Il n'y a point de doute que non-feulement ceux
qui travaillent (ans nécefi'ité les jours de Dimanches
& de Fctes , ne (oient coupables de péché , mais en-
core ceux qui font travailler les autres en leur com-
mandant, en leur confcillant , ou en les y exhortant,
& ceux qui par leur exemple font cau(e que les autres
travaillent. Il faut mcme expliquer ces circonfiances
dans la ConfeOlon , à cau(e du divers nombre de pé-
chés qui enfuivent.
Les Marchands 6!«: les Artidms qui pafTent un tems
con/idérable les jours de Dimanches & de Fctes dans
les cabarets , à traiter de leurs affaires temporelles,
ou à faire des marchés en buvant & mangeant , ne
font pas exempts de péché j quoique le dciuer-à-die\4
§8o Conférences d'j^nger^j'
ne fè donne, ou que les conditions du marehe ne
s'écrivent que le lendemain.
Il y a des perfonnes , particulièrement à la cam-
pagne , qui croient pouvoir fans péché faire les jours
de Dimanches & de Fêtes afleoir la leflive , palfer la
farine , cueillir des herbes pour donner le lendemain
aux animaux , ou faire faire quelque autre travail dans
la maifbn à leurs enfans ou à leurs lerviteurs , (ous
prétexte de les empêcher par-là d'aller courir de coté
& d'autre & de fe débaucher. Ces perfonnes font dans
l'erreur , & il faut les détromper. Elles doivent veil-
ler à ce que leurs domefîiques afTiftent à Vêpres & aux
Inflrudions qui fe font à TEglife de la ParoifTe , ou
qu'au moins ils s'occupent à prier Dieu , à répéter
îe Catéchifme , à faire ou écouter de pieufes ledures.
Bien plus , le Capitûlaire zci. de Charlemagne, liv.
6. ordonne que les Bergers chantent les louanges de
Dieu aux jours de Dimanches en allant aux champs
& en s'en retournant à la maifbn, afin qu'on les con-
noilTe pour des Chrétiens K
La plupart des gens croient qu'il efl permis de tra-
vailler indifiêremment dans les jours de Fêtes & mê-
me de Dimanches , au tems des vendanges , de la
moifTon des bleds , ou du fauchage des herbes , quoi-
qu'il n'y ait aucune nécefTité. Il faut les en défàbu-
fer ; car il n'eil pas plus permis de travailler aux jours
de Fêtes en ces tems-là que dans un autre ; il n'y a
que la nécefTité qui puilTe rendre ce travail perm.is.
i Illo die feu Sabbaio ad I eiindo & redeundo in campum
Vefperas & ad Matutinas feu & ad domum faciant , ut om-
ad Miffam.... omnescanen- ! nés cos vcraciterClirift'unos &
do Kyrie , eléifon decanrent. 1 devotos elle cognofcant»
Similiter & Paftores pecorum •
ç$.^^.^
fur les Commaniemens de Dieu: 581!
III. QUESTION.
Quelles font les œuvres qui font permifes leS
jours de Dimanches £r de Fêtes r*
COmme le précepte de s'abftenir des œuvres (êr-
viles aux jours de Dimanches & de Fctes , a
pour fin le culte de Dieu , il n'y a nul doute qu'il ne
Ibit permis de faire en ces jours des œuvres lerviles
qui regardent le Service divin, comme balayer , net-
toyer , orner une Eglifè , préparer ce qui eft nécelr-
faire pour le Service divin , pour les exercices de la
Religion , pour la folemnitc d'une Fcte. Notre-Sei-
gneur nous l'a en feigne au chap. iz. de S. Matthieu,
lorfque voulant faire revenir les Pharifiens de leur er-
reur fiir la manière dont on devoit oblerver le Sab-
bat , il leur demanda s'ils n'evoient point lu que les
Prêtres au jour du Sabbat violoient le Sabbat dans le
Temple , & n'étoient pas néanmoins coupables. On
doit pourtant nettoyer & orner Jes Egliles les jours
ouvrables autant qu'on le peut , & on ne le doit pas
faire aux jours de Dimanclies & de Fctes , à moins
qu'il n'y ait quel ]ue nécefTité.
îl faudroit ctre tombé dan? un aveuglement (em-
blable à celui de-^ Juifs, pour croire que ce précepte
ne doive pas céder à la loi de la charité. Bien loin
qu'il fôit défendu de Ce donner aux œuvres de charité
& de miféricorde les jours de Dimanches , c'eft un
moyen très-propre pour les (andifier dignement. Je-
fus-Chrill nous l'a appris par fon exemple , en s'ap-
pliquant à faire des miracles le jour du Sabbat pour la
fuérifon des malades. On ne peut lâns une malice
iabolique , trouver à redire qu'on s'occupe les Di-
manches à ces Cônes d'oeuvres , qui ne font pas tant
l'ouvrage de l'homme que celui de Dieu , comme dit
Tertuliien, liv. 4. contre Marcion , ch. ii ^, Ainfî on
■A Opus aiitcm faliuis <5: incolumitatis non cft hominis fcd
Pci propriunii
582 Conférences d'Angers]
ne peut rien faire de plus convenable à la (âînteté de
ces jours; car la miféricorde eft quelque chofe déplus
grand & de plus agréable à Dieu , que n'eil le facri-
lice ; fî bien que Dieu ne veut point le (acrifice , s'il
empêche qu'on faffe des œuvres de miféricorde & de
charité. Jefiis-Chrift l'a déclaré dans le même chap.
de S. Matthieu, après le Prophète Ofée , ch. 6. Mi-
ferkordiùm volo & non facrificium, C'eft vouloir ren-
verfer l'ordre des chofes , que de vouloir que l'hom-
me ait été fait pour le Sabbat, au lieu que le Sabbat
a été fait pour l'homme , comme le Sauveur le dit
au chap. 2. de S. Marc. Le travail des peribnnes
employées dans les hôpitaux des pauvres malades, ell
donc très-innocent, & ne doit pas être interrompu
les jours des plus grandes fblemnités de TEglifè , non
plus que celui des Médecins.
La manière dont les Chrétiens doivent célébrer
les Dimanches & les Fêtes , eft bien différente de
celle dont les Juifs gardoient le Sabbat ; ils s'étoient
infatués qu'il falloit palTer ce jour dans une pure oi-
fîveté, croyant qu'il leur étoit abfolument défendu
de rien faire ; mais les Chrétiens qui (ont inftruits de
la vérité , font perfiaadés qu'ils ne doivent pas ob-
ferver le Sabbat à la lettre & feulement d'une ma-
nière corporelle , mais que le repos corporel leur eft
commandé pour leur^aire jouir du repos fpirituel
qu'on goiite en s'abitenant de pécher , en contem-
plant les merveilles du Seigneur , en lui rendant des
adions de grâces , en le louant & l'aimant . qui efl
comme une image fur la terre du repos éternel dont
ils doivent efpérer de jouir un jour dans le ciel en
voyant Dieu ^. Sur ce principe de l'Eglife qui dé-
h Obfervare tamen diem
Sabbati non ad iitteram jube-
mjr feciin'^ùm otium ab opè-
re corporali , ficut obfcrvant
Judïi ; & ipfa eorum obfer
vatio «jUîc lia prxcepta tft , nifi
aliam c^ua.ndam fpiricalem -e-
quiem fignificet > ridenda ju-
dicatur. Unde non inconve-
niciuer intelligimus > ad amo-
rem excitandum, quoad re-
quiem tendimiis , valcre om-
nia figuratè in Scripturis di-
cuntiir ; quandoqiiidtm id fo«
lum in Decalogo figuratè pr«-
cipitur,ubi reqiiics commen-
datur , qux ubique amatur ,
fed in folo Deo certa & fanda
invenitur» Aug. Epiji* 119» di
Jau, nunc s s»
fur Us Commandemens de Dieu» 583;
fend aux Chrétiens les œuvres fèrviles les jours de
Dimanches , de crainte qu'ils ne fbient détournés du
Service divin , leur permet de travailler pour les be-
(oins Se néccfTités de la vie. L'obligation de s'abfte-
nir du travail aux jours de Dimanches & de Fêtes
n'eft donc pas une loi Ci générale, qu'elle ne (ouffre des
exceptions. Nous en marquerons ici quelques-unes
des plus ordinaires.
Les Peies du Concile troisième d'Orléans , Can.
18. dont nous avons rapporté les termes dans la Que{^
tion précédente , ont déclaré qu'il eft permis d'aller
les Dimanches à cheval & en carroffe , de préparer
î> manger , 8c de faire ce qui regarde la propreté du
corps Se de la maifbn.
Le Concile de Reims de l'an 1583. au tit. de dîe^
bus ïejlis ^ Se celui d'Aix de l'an 1585. de Fejîorum
dierum cultu , di(ent qu'il ell' permis de vendre &
d'aclieter aux jours de Dimanches & de Fêtes , les
chofes qui font néceiïaires pour le culte de Dieu ,
pour le recours des malades , & celles dont on a be-
ibin pour l'entretien de la vie. Ne quid ematur aut
vendatur , nijî quod /^grotis , am illhis diei viCtui ne-
cejfarium ejl , dit le Concile d'Aix, Si pourtant on
pouvoit acheter commodément ces choies un autre
jour , on fêroit blâmable de le faire le Dimanche ou
une Fcte.
Il n'cd pas défendu de s'exercer pendant les jours
de Dimanches & de Fctes aux Arts libéraux qui
fervent à cultiver l'efprit Si à le polir. On peut, fans
crainte de violer le précepte de la fandification du
Dimanche , lire , étudier , écrire pour fe perfedion-
ner dans une Science ou dans un Art : on peut inf^
truire les autres , donner des avis & des confulta-»
tions : les Profefiburs des Arts & des Sciences peu-
vent travailler à leurs Ics^ons : les Architedes , les
Peintres, les Sculpteurs , les Brodeurs , les Charpen-.
tiers , peuvent tracer fur le papier , ou fur le carton ,
des deffeins , des plans , des projets d'ouvrages , feu-
lement pour s'exercer & fe perfedionner dans leuc
art ; car ce ne font pas tant là des œuvres des mains ,
jue des ouvrages de l'efprit , qui fe font par forme
5S4 Conférences d* Angers ,
d'étude , & par conféquent ne (ont pas des œuvfes
fèrviles. Si néanmoins on s'appliquoit à. ces aftions
durant tant de tems qu'on manquât d'afîifter aux
Offices de TEglife , ou de vacquer au Service de
Dieu , ou à des oeuvres de piété , on ne feroit pas
çxcufé de péché.
IV. QUESTION.
Pour quelles caufes ejî-il permis de ira*
railler aux jours de Dimanches
&- de Fêtes?
L'E G L I s E qui eft une mère remplie de dou-
ceur & de bonté pour fes enfans , compatiflant
à leurs besoins , leur permet de travailler quand la
piété les y engage , ou la nécelfité les y oblige. Si
necejfitas iirgeat , vel pietas fuadeat , comme parle
Grégoire lA. ch, Conquxjîus de Feriis, Jefiis-Chrifl
nous a fait connoître dans le chap. 12. de S. Mat-
thieu , qu'il approuvoit cette permiffion , loriqu'il dit
aux Pharifiens, que les Prrêtes de l'ancien Tefîa-
ment violoient le Sabbat dans le Temple , fans néan-
moins être coupables, & que voulant juftifier la con-
duite de (es Apôtres , qui , prefTés de la faim , rom-
poient des épis le jour du Sabbat pour en manger le
grain , il allégua l'exemple de David & de ceux de
fà (uite , qui étant aufli prefTés de la faim , avoient
mangé les pains de Propofition qu'il n'étoit permis
qu'aux Prêtres (euls de manger.
Nous avons prouvé que les œuvres de piété étoienc
permi(ès aux jours de Dimanches & de Fêtes , il
refte à faire voir que la nécefïité rend auffi les œu-
vres (erviles permi^s en diverles rencontres.
La néceflité eft , ou publique ou particulière à un
petit nombre de perlônnes , ou propre à celui même
âui travaille.
fur les Commandemens de Dieu, 385*
La ncceflîtc publique fait qu'il eft permis de tra-
vailler les jours de Dimanches & de Fctes , à la répa-
ration des ponts & digues qui retiennent les rivières
dans leur lit; qu'on peut charrier les vivres pour les
armées; qu'on peut, à l'exemple des Machabées ,
combattre pour la défenfe de la Religion, le fervice
de Ton Prince, le falut de (a patrie; qu'on peut trans-
porter par terre & par eau , des vivres à des Habi-
tans d'une Ville ou d'un Pays qui en manquent. Cet-
te néceflké excule les matelots , les bateliers , les
courriers , les meffagers & voituriers , qui portent
des lettres , ou conduisent des vaifl'eaux , des charriots ,
ou des chevaux chargés de marchandifes pour le
public.
Les Boulangers ont autrefois prétendu qu'ils étoient
compris dans l'exception par laquelle il elî permis de
préparer, faire cuire & vendre les choies nécefTaires à
la vie , les jours de Dimanches & de Fctes , parce que
le pain eft la nourriture la pluô commune & la plus
néceiliiire à l'homme. Il e(i clair que cette exception
ne s'entend que des choies qui doivent ctre préparées
tous les jours, & que l'on ne peut garder d'un jour à
l'autre, fims qu'elles diminuent con/îdérablement de
bonté. Le pain n'eft point dans ce cas, puilqu'il n'eft
pas moins bon pour la fànté, un jour ou deux après fà
cuiffon.
C'eft pourquoi de fcMvans Auteurs elliment que la
coutume dans laquelle quelques Boulangers (ont de
cuire le pain les Dimanches & les Fctes au û^û de
l'Evcque & des Magiftrr.rs, ne ]os cxcufe point de pé-
ché, s'il n'y a quelque néceirité particulière de le
faire.
On étoit G perfuadc du tems de (âint Louis , qu'il
n'étoit pas permis aux Boulangers de travailler les
Dimanches & les Fctes , hors le cas de nécc:ii:é, que
par les Statuts que ce Roi donna aux Boulangers de
Paris , qui (ont dans la Chambre des Comptes , il leur
eft défendu de cuire du pain aux jours de Dimanches
& aux jours de Fctes , à moins qu'une Fctc ne fût pré-
cédée de deux ou trois autres Fctes. En ce cas on pré-
fumoit que le pain cuit h veille de la première Fct©
Towe I. R
^26 Conférences cT Angers ^
pouvoir être confumé ; & ainfi la dernière des Fêtes
retomboit dans le cas de la néceffité de cuire de nou-
veau pain»
On avoit porté cette exaditude Ci loin , que pour
ôter aux Boulangers toute occafîon d'anticiper une
feule heure fur la folemnité du jour , ou d'en retran-
cher la moindre partie; il leur étoit défendu par les
mêmes Statuts de cuire le pain les Samedis , ou les
veilles des Fêtes , à moins qu'il ne fût mis au four au
plûtard aux chandelles allumantes, & de recommen-
cer à cuire le Lundi ou le lendemain des Fêtes, que
les Matines ne fufTent Tonnées à l'Eglife de Notre-
Dame de Paris.
Les Loix Eccléfiafliques non plus que les Civiles ,
n'ont point défendu la vente du pain aux Diman-
ches & Fêtes , parce qu'encore qu'on puifîe fort bien
fe palTer d'avoir du pain tendre, & ain/î d'en cuire
tous les jours, il peut être d'une dangereuse con-
féqUw-nce de manquer un feul jour d'en diUribuer à
ceux qui en ont befbin ; c'eft pourquoi il eu. per-
mis aux Boulangers d'en vendre les Dimanches &
Fêtes , en tenant les ais de leurs boutiques fermés
& n'en lailTant que la porte ouverte. Aufll dans l'Or-
donnance du Diocefe , du 23. Février 1701. on
n'a mis au nomibre de ceux qui violent les Diman-
ches & les Fêtes, que les Boulangers qui peuvent
prévenir ces jours-ià , & qui y travaillent Cms né-
ceffité ; & par les Ordonnances de Police de la
Ville d'Angers , il efl: feulem.ent défendu aux Bou-
langers de cuire au four les jours de Dimanches & de
Fêtes.
Comme après le pain il n'y a point d'aliment
d'un ufage plus univerfel que la viande, les Bou-
chers font auffi compris entre les perfonnes aux-
quelles il efl permis de travailler , & de faire leur
commerce les Dimanches & les Fêtes. Mais il faut
donner de juftes bornes à cette exception de la règle
générale.
Hors les tems de chaleur, les Bouchers ne peuvent
ouvrir leurs étaux & y vendre de la viande les Diman-
ches & les Fêtes. A Paris, U leur eft permis par les
fur Us Comman démens de Dieu, 387
Ordonnances de Police de les ouvrir à ces jours de-
puis le premier Dimanche d'après la Fête de la fàinte
Trinité, d'Eté , jufqu'au premier Dimanche d'après la.
Notre-Dame de Septembre; parce que les chaleurs
qui le font d'ordinaire fentir en ce tems-là , peuvent
corrompre les viandes.
Dans la Ville d'Angers , quoique par les Ordon-
nances de Police, & particulièrement par celle du
16. Mars lyoi. il (bit permis d'étaler & de vendre
dans les boucheries , de la viande dans le tems des
grandes chaleurs les jours de Dimanches & de Fê-
tes , néanmoins la coutume e(i qu'on n'en étale &
qu'on n'en vende point dans les boucheries publiques
pendant tout le cours de l'année, aux jours de Di-
manches & de Fctes , à moins qu'il ne s'en ren-
contre deux de fuite. L'O'^donnance du Diocefe
qu'on vient de citer eft conforme à cette coutume.
Comme à Paris on peut fuivre la coutume qui efl
établie & approuvée par l'Evcque du lieu; de même
on e(l obligé dans la Ville d'Angers , de le con-
former à l'utage qui efl: autorile par une Ordonnança
Eccléfiaftique.
Il eft permis aux Bouchers en tout tems, de faire
cuire & vendre les abbatis des bctes qu'ils ont tuées le
Samedi , ou la veille d'une Fcte , ces choies Ce cor-
rompant facilement : & parce que la viande eil dange-
reufe a laHmté, difficile à manger & Hms goût, les
jours que les beftiaux ont été tues , les Bouchers peu-
vent pendant l'Fté , tuer les bètes, les Dimanches &
les Fctes fur le foir, quand ils en manquent pour le
lendemain.
Le principal commerce des Patifîiers n'ayant pouc
objet que la volupté & la délicateffe, on peut rai-
(bnn.iblemcnt leur faire pratiquer une ditcipline plus
auHerc qu'aux Boulangers & aux Bouchers. Par les
Lettres Patentes du Roi Louis XIV. de l'an I6'f3.
confirmatives des Statuts des Patifîiers de Paris ; il
leur efl défendu de travailler les jours de Dimanches
& Fctes (b)emnelles , comme font la Conception de
la fainte Vierge y Noël, la Chandeleur , l'Anno:!ci,i:ion ,
l'Afcenfton, la fête -Dieu, l'Ajfomption , celle de uiint
Rij
388 Conférences d'Angers^,
Michel , la Touffaints. Ils doivent prévenir les Jours
de Fêtes ; & s'ils travaillent (ans nécelTité , ils vio-
lent le précepte de la fàndification des Fêtes , com-
me il eh marqué dans l'Ordonnance du Diocefe , de
l'an 1702-,
Avant que de décider fî les Meuniers peuvent
faire moudre le bled aux jours de Dimanches & de
Fêtes ; nous croyons qu'il faut faire diftindion en-
tre les Meuniers qui ont des moulins à vent , & ceux
qui ont des moulins à eau, ou qu'ils font tourner par
des animaux. Les premiers peuvent faire moudre le
grain aux jours de Dimanches & de Fêtes, pour ne
pas perdre l'occafîon du vent dont ils ne font pas sûrs
pour un autre jour. Quant aux autres il n'y a que la
ailette de farine qui les puifTe rendre excufables ,
quand ils font moudre le grain les Dimanches ou les
Fêtes : la coutume contraire efi: unabus qu'il faut cor-
riger, comme Guillaume le Maire Evéque d'Angers,
Fa déclaré dans fbn Synode de l'année iipi. enjoi-
gnant aux Meuniers , fur peine d'excommunication
de s'abftenir de travailler les Dimanches & Fêtes. Ce
Statut eil rapporté dans la p^ge 81. des Statuts du Dio'
cefe ^.
Il fe trouve des occalîons extraordinaires qui regar-
dent le public aulTi bien que les particuliers , où l'on
ell forcé de travailler les Dimanches & Fêtes ; par
exemple, pendant la moiffon, les vendanges, la ré-
colte des foins , des lins & des chanvres , lorfque les
biens de la terre, par l'injure du tems ou par le débor-
dement des rivières, font expofés à un danger évident
d'être gâtés ou perdus.
Le Concile de Narbonne, de l'an ç8p. a reconnu
cette nécelTité Can. 4. Nfc boves jungantur, excepta Ji
in metendo necejjltas incubtterit.
a Inhibentes Molitoribus
etiam quibnfcumque fub pœnae
inrermtpatione prsdiiitae, ( id
eft excommiinicationis ) & Mo-
iendinonim Domlnis, ne ip-
(îs diélis dic;bus Dominicis
maxiraè à vefpçra diei Sabba- I ruptela
ti , iifque ad vcfperam diei
Doni'nicae Molendina molcre
faciant aiit permictant , non
obftantelongi temporis abufii ,
qui non iifiis cenfendus aut
confuctudo ^ imô veriùs cor-
fur les Commandemens de Dieu, 3 89
Saint Thomas i. 1. q. m. arc. 4. dans la Rcpontê
à la troifîeme objeâiion , pour prouver qu'en travaillant
''-<?n cette occafion , on ne viole pas le Sabbat, fe fert
de la rcponfe que Notre Seigneur fit aux Juifs ch. li-
de S. Matthieu. Qui ejl celui d'entre vous qui ayant une
brebis qui [oit tombée dans une fofe le jour du Sabbat^,
ne la retire pas ?
Le Pape Nicolas IV. ayant ctc confultc en l'an 1 447»
par les peuples de Tranlîlvanie , s'il ctoit permis de
travailler, dans le tems de la récolte, les jours de Di-
manches & de Fêtes, repondit qu'on pouvoit le faire ,
s'il y avoit une véritable néceflltc , qui ne fût aftedée
ni mendiée ^.
Guillaume le Maire avoit permis en fbn Synode de
l'an 1304. page loi. des Statuts de ce Dioceiè, qu'on
recueillit les fruits de la terre; Se qu'on les tranfportân
les Dimanches , quand il n'y avoit pas moyen de les
conferver autrement ^,
Le Pape Alexandre IIL étoit fi perfiiadé qu*on
pouvoir travailler les jours de Dimanches & de Fê-
tes , pour éviter un dommage confidérable que le pu-
blic fbuffriroit, qu'il permitaux habitans des Diocefès
fuftVagans de l'Archevêché de Tribur de pêcheries ha-
rengs ; parce que ces poiflons ne viennent fur les cotes
de la mer qu'en certaines faifons , & fi on manque à
les pécher dans le tems qu'ils s'approchent de la terre
en troupe , ils fe retirent incontinent en pleine mer ;
ainfi les habitans de ce Pays auroient (oufFert un dom-
mage confidérable.
La néceffité du prochain qui eft preflante, ed aufliî
une caufe légitime pour travailler les jours de Di-
h An pauperibus villaris ac
oppidanis licitiim fit finiià
inensâ pott pranciiiim de cam-
po temporc melTis , cum timc-
tiir de pliivid , portarc cum
pccoribus , vcl equis , vel cur-
ribusjlinum , focnum & alia
bladaluimano iifui convcnier;-
cia , refpondemus : cefTante nc-
Cfflitare ab omni pperc fervili
pbftinendum cÛe dicbus Do-
minicis & Feftivis , fed neccf-
fitate cogcnte, non tamen af-
fcdatâ feu procuratâ , licitum
eik prsemida exerccre,
c Dicbus Dominicis à tali-
bus excepto necertltatis arti-
cule , vidclicet ubi de amiffio-
ne fVuduum , vel vehendorum
verifimiliter timerctur , nec
poflet aliiid faciliter remediutn
adhiberi I omninô abûineant.
3pO Conférences d'Angers^,
Tîianches & de Fêtes, comme s'il s'agit d'arrêter un în-i
cendie, de prévenir une inondation , de làuver le bien
du prochain qui Ce perd , de fbulager les m.alades &
les pauvres. Sur ce principe on permet en certains Dio-
cefèsaux perfbnnes riches, de cultiver gratuitement
en certains jours de Fêtes, les terres des pauvres, qui
làns ce lecours demeureroient incultes ; mais ceux qui
font ce travail n'en peuvent retirer aucune récom-
penfe.
Les Chirurgiens peuvent làigner les malades , & les
Apotlcaires préparer les remèdes dont les malades ont
befoin aduellement.
Les Cordonniers & les Tailleurs font quelquefois
forcés de travailler pendant une partie des jours de
Dimanches ou de Fêtes par la nécefTité de ceux qui
les empicyent. Ces Artilans font excufàbles, fi ce
n'efl point par leur faute qu'ils font obligés de travail-
ler alors ; car fi pour s'être amufés au jeu ou à la dé-
bauche , ou pour n'avoir pas bien ménagé leur tems ,
& s'être occupés d'un ouvrage qui n'étoit pas prefle ,
ils (ont obligés de travailler les Dimanches eu les Fê-
tes, ils ne font pas excufés de péché, ni auili lorfque
le befoin de ceux pour qui ils travaillent n'eil: pas fi
prelîànt qu'ils ne puiffent le pafTer de leur ouvrage
làns une grande incommodité. Quand ces occafious (e
rencontrent, ils doivent expofer le cas à leur Evêque
ou à leur Curé, qui après avoir tout confidéré pour-
ra leur permettre de travailler durant une partie du
Jour.
Le travail des Maréchaux efl permis dans le cas de
nécelfité , ainfi qu'il eft marqué par l'Ordonnance du
Diocefe du 7. Mars 1674.
La nécelfité propre rend quelquefois le travail per-
mis les jours de Dimanches & de Fêtes; par exem-
ple , un pauvre honime chargé d'une groffe famille
qu'il ne peut ablblument faire (ubfifter s'il ne travaille
jours-là, peut le faire innocemment, quand après
Ir expofé la nécefli'-é à fon Curé, il en a obtenu la
ces
avoir exp
permifTion ; mais le Curé ne la doit pas donner que
le befoin de cet homme ne Cçit preiTant & bien çç.*
connu.
far Us Cômmandemens de Dleiu 35? i
Un dommage confidcrable qu'une perfbnne fouftn-
Toit en (on bien fî elle ne travaille un jour de Diman-
che ou de Fête pour le provenir, pafTe pour une né-
ccffité propre , qui rend excuflibles ceux qui travail-
lent; car, comme dit le Catcchifme du (Concile de
Trente, (lir le troifieme Commandement du Dccalo-
gue au §» î 9. il ne faut pas croire que Dieu défende de
travailler dans cette circonftance ^, Sur ce principe on
peut permettre (îiivant le fèntiment de S. Antonin en
/a Somme part. 2. tit. 5».ch. 7. qu'on étende dansl'liy-
vcr au foleil la leflive & la laine mouillée. Par la mê-
me raifon les Potiers, les Thuiliers, les Verriers, les
Chauxfourniers, peuvent continuer d'entretenir le feu
dans leurs fours.
Pour qu'on puifTe travailler fans péché aux jours
de Dimanches & de Fcres , il faut i». Que la né-
cefTité foit preflance & reconnue par des peribnnes
prudentes & judicieu(es. 2°. Qu'on en ait obtenu la
permilTion du Supérieur Ecclé/îaftique , quand on a
pu y avoir recours; car c'eft aux Supérieurs Ecclé-
fiaftiques à gouverner les peuples dans les chofès
fpirituelles ; & par conféquent c'eft à eux à juger /î
la nécefTité pour laquelle on prétend qu'il efl: per-
mis de travailler, eft véritable, légitime & fuffifante,
pour faire cefTer l'obligation du précepte, qui nous
a été fait de nous abftenir du travail dans ces (àints
jours.
Le Roi trcs - Chrétien Louis XIV. qui s'e(î en
toutes occa/îons déclaré le Protedeur de l'Ef^life &
de Tes Loix , a fiit , par une Ordonnance donnée
à Verfailles le t8. Mai 1701. défenfes à toutes per-
fonnes de travailler les jours de Dimanches & de
Fctes ordonnées par l'Eglifc , dans la Ville & Faux-
bourgs de Paris, fans permifllon de M. l'Archevêque,
ou autres ayans pouvoir de lui, à peine dctre procédé
contr'eux fuivant la rigueur des Ordonnances. Si on
ne pouvoit commodément avoir recours au Supérieur
£cdé/îartique , & que le befoin fut preifant , on
d Nequc earum reriinr» ope
ra hac Itgc , proliibcri cxifH
mandurn eft , quorum jadura
facicnda fit , fi die Fefto pn-
termittantur.
Riv
■592 Conférences d^ Angers,
poiirroit travailler fans fà- permifTion exprefle , fî le
travail fe devoir faire en fecret ; parce qu'on peut
alors fuppofèr que le Supérieur l'accorderoit , s'il
pouvoir être confùlté, mais il ne faut pas fe flatter
lur ce point. Si on étoit obligé de travailler publi-
quement , il faudroit être plus exad à en demander
la permiflion au Supérieur. 30. Prendre garde de ne
point caufer de fèandale , travaillant en fecret au-
tant qu'on peut, & ne faifant à la vue du m.onde
que ce qu'on eu forcé d'y faire. 40. Que le travail
qu'en fait n'empcche point d'entendre la Mefîe ; il
faut même , autant qu'on peut , s'abflenir de tra-
vailler en ces jours avant que de l'avoir entendue.
C'eft pourquoi dans les nécefîités publiques , les Cu-
rés doivent dire la Méfie de grand matin pour la
commodité des Peuples. Il y a des Diocefès où les
Evéques le leur recommandent par leurs Ordonnan-
ces. <^^, On devroit pratiquer ce qu'Alexandre III.
ch, Licet , de Feriis , enjoignit a. ceux à qui il per-
mit la pèche du hareng les jours de Dimanches &
de Fêtes , qui fèroit de donner aux pauvres & à l'E-
glifè une partie du profit qu'on auroit fait en ces fàints
jours ^.
Les Curés peuvent accorder à leurs ParoifÏÏens la
permiflion de travailler dans leur nécefTité particu-
lière : mais quand la nécefiité elî publique & qu'on
peut avoir commodément recours à l'Evêque , il faut
s'adrefier à lui, particulièrement, /i la permifTion doit
être générale, ou quafi générale , ou s.'il faut continuer
le travail pendant plufieurs jours de Dimanches & de
Fêtes. r
Les Curés de la Cam.pagne à qui on demande
la permifTion de travailler dans le tems de la ré-
colte , à caufe du péril qu'il y a que les fruits de
la terre ne foient gâtés par le mauvais tems , ne doi-
vent pas s'en rapporter à leur feul jugement , ni à
celui des perfonnes particulières qui veulent obte-
nir cette permifTion ; mais ils doivent prendre l'a-
e Ita quôJ poft h^am cnp- j & Chriftl pauperibuscongruam
tiiram , lici.liiîis circiin-.pofitis l ùtiant l'Orwoucm.
/>
fur Us Commandemens de Dieu. 395
vîs des gens (âges & prudens , & ils doivent rare-
ment donner une permiffion générale pour toute
leur ParoifTe , parce qu'il peut y avoir des can<
tons où U n'y a pas un belbin preflant de travail-^
Jer,
Rr
^^^ Conférences d'Angers,
RESULTAT
DES
CONFÉRENCES
SUR
LES COMMANDEMENS DE DIEU:.
Tenues au mois de Juin 17 14.
PREMIERE QUESTION.
EJî- il permis de faire des voyages ou d'aller aux
Foires les jours de Dimanches ^r de Fêtes ;
^ les Marchands peuvent-ils ouvrir leurs
Boutiques , ou vendre tenans leurs Boutiques.
fermées f
ON peut faire des voyages- par différens mo-
tifs. Il y en a qui Ce font pour une utilité
temporelle. Comme ceux-là (ont proprement des
oeuvres (erviîes , il n'ell permis de les faire les jours
de Dimanches & de Fêtes que dans les cas d'une
néceffite publique ou particulière qui fbit confidéra-
ble» L'une & l'autre de ces deux nccelFités rendent
excufables les Vciturlers & les MefTagers qui con-
SuuififtL kur. route duram ies jours de Dimanchçs fie
fur les Commandemens de Dieu, 395*
de Fctes , quand ils s'y (ont engagés de bonne foi.
On fuppofe que s'ils l'interrompoient , eux , ou le
public louffriroit un dommage confidérable. C'efl
cette rai(bn qui a fait dire aux Pères du troifieme
Concile d'Orléans , & de celui de Verneuil de l'an
75^. qu'il eft permis de voyager les Dimanches avec
des chevaux & des bœufs. Cependant le Roi Dago-
bert I. n'étoit point entré en cette confidération ;
ce Prince étant perluadé que les voyages détournent
beaucoup de l'Office divin , & troublent l'application
qu'on doit avoir au culte de Dieu , avoit fait dé-
fenles , par (on Edit de l'an 630. de voiturer au-
cune chofe le jour du Dimanche , tant par terre que
par eau , lous diverfes peines ; & il avoit ordonné que
fi l'on le trouvoit en chemin Ton fe repofat juf^
qu'au Lundi matin : tant étoit grande la piété de ce
Prince.
Il (eroit à (buhalter qu'on pût perfiiader à ceux,
qui voyagent , de porter ce refpeft au jour ccnfâ-
cré au Seigneur; au moins il les faut difTuader de
partir les jours de Dimanches & de Fêtes ; ils ne le
peuvent faire fans péché , à moins qu'il n'y ait de
la ncceilitc. On ne doit pas même cxcufèr ceux qui
partent le Samedi au foir, ou la veille d'une Fête,
pour gagner, comme ils difent, le Dimanche ou la
Fête, car leur intention eft d'éluder le précepte qui
oblige à les fanétifier.
La nécefllté publique, ou plutôt la néceffité par-
ticulière des petits Merciers de Campagne, fait qu'on
tolère les courfes qu'ils font les Dimanches & les
Fctes pour aller chercher de la marchandife , ou
pour vendre celle qu'ils ont achetée , afin qu'ils
puifTent gagner leur vie. Ces courfes leur (ont pour-
tant défendues durant les heures du Service divin.
La pauvreté des gens de la Campagne qui ne vont
dans les Villes ou Bourgs que les jours de Diman-
ches & de Fêtes, rend auffi, en quelque manière ^
exculables ce petit trafic , qu'on ne pourroit empê-
cher (Tins incommoder beaucoup les vendeurs & les
'acheteurs.
U y a des voyages qu'on fait par diverrilTement ;
^p(^ Conférences d'Angers,
ii en faut raifbnner , comme des autres récrcafîorTÇ
qu'on prend les Dimanches & Fêtes. Si Ton y em-
ployé une grande partie du jour, s'ils détournent de
rOiiice divin ou des Inflrudions qu'on fait à i'Eglife,
ou s'ils engagent dans des embarras qui occupent plu-
fîeurs perlonnes & les empêchent de fandifier les Di-
manches & les Fêtes , on ne peut excufer de péché
ceux qui y font ces voyages.
Il efl permis d'entreprendre des voyages de dé-
votion & de les continuer les jours de Dimanches
& de Fêtes. Ces voyages qu'on nomme ordinaire-
ment Téiérinaçres , tirent leur origine des viiites que
les premiers Fidèles rendoient fréquem.ment aux lieux
qui avoient été honorés de quelques-uns des Myfteres
de notre rédemption , ou aux tombeaux des. JVIar-
lyrs.
Les pèlerinages (ont des adions de piété fâintes &
îouables : aulïi i'Eglife & les Princes les ont autorifcs
& approuvés : & on a mis les Pèlerins au nombre des
perior.nes qui méritent plus de faveur.
Les Empereurs Chrétiens les prirent (bus leur pro-
îedion. Nos Rois leur en ont donné des marques très-
fingulieres.
Dagobert L dans l'un de les Edits de l'an 6^0»
pourvût à la sûreté de leurs perlpnnes. & de leurs
biens. Pépin, par un Edit de Tan 755. les exempta
de tous les péages. Charîemagne, par un Edit de
l'an 8oz. fit de très-exprefî'es défendes de refu(èr
l'hofpitalité aux Pèlerins. On trouve ces Edits dans
le tome premier des Capitulaires de l'Edition de Ba-
iuze.
Le Concile deTculoufe de l'an izi^, Can. 20, dé-
charge les Pèlerins des péages & des nouveaux droits,,
pourvu qu'ils ne fe mêlent point de trafiquer de mat-
ch an di le.
Mais comme les meilleures pratiques dégénèrent
quelquefois en abus, & qu'on avoit connu qu'il s'en
étoit gliffé dans les voyages , & qu'ils étoient à plu-
f eurs une occaiion de débauche & de libertinage ,
S. Grégoire de Nyfle qui avoit été témoin de ces
abusj, Uans un voyage de Jcrufakm, prit de-U occa-
fur Us Commandemens de Dieu* 397
fîon d'écrire une Lettre Padoralc, que les habiles Cri-
tiques elliment être un véritable ouvrage de ce Pere«
Il y apporte plufîeurs raisons pour détourner les Fidè-
les d'entreprendre légèrement le voyage de Jcrulalem
ou d'autres pèlerinages. S. Jérôme qui ctoit fort dévot
envers les faints lieux, s'edorce, dans la 13. lettre, de
difluader Paulin Eveque de Noie, du voyage de Jé-
rufalem , Ce (ervant des mêmes raifbns que S. Grégoire
de NyfTe. Boniface Archevêque de Mayence qui vi-
voit au commencement du 8. fîecle, exhorte Chuth-
bert Eveque de Cantorberi, dans (a 105. lettre, d'ar-
rêter ce grand concours d'Anglois de l'un & de l'autre
fexe qui alloienn à Rome en pèlerinage; parce que la
plupart ie débauchoient & caufoient un grand fcan-
dale à toute l'Eglile; car il n'y a pas (dit-il) pret^
que une feule Ville en Lombardie , ou en France^
où il n'y ait quelque femme Angloife de mauvaise
vie.
Par les mêmes motifs les Princes ont pris des pré-
cautions à l'égard des Pèlerins. Charlemagne par un
Edit de Tan 803. ordonna aux Magiilrats de prende
garde Ci les Pèlerins n'ètoient point des fugitifs ou des
vagabonds.
Louis XIV. étant informé que les enfans , fous pré-
texte d'aller en pèlerinage hors du Royaume , fe
débauchoient, quittoient la maifbn de leurs Parens
contre leur gré , voloient leurs Maîtres, s'abandon-
noient au libertinage, s'accolloient foiivent de mau-
vaises compagnies , pafToient le cours de leur pè-
lerinage en une débauche continuelle ; que des hom-
mes mariés laiïïbient leurs femmes Se leurs enfans
lans aucuns (ècours, & qu'ils cpou(bient d'autres fem-
mes dans des Pays étrangers, au préjudice de leurs
femmes légitimes, avoit publié deux Ordonnances,
l'une du 25. Juillet i'66<). l'autre du mois d'Août
167 1. pour arrêter la continuation de ces défôrdres.
Mais voyant qu'ils continuoient , Se que l'efprit de
libertinage avoit fait irvventer plulîeurs rufes poup
éluder fes Ordonnances, &vouhint y pourvoir, il ren-
dit, le 7. Janvier, i65>o. une Déclaration par laquelle
U défendit À ics fujets d'allçr en pèlerinage hors de
398 Conférences (T Angers ,
(on Royaume, fans une permifTion expreffe de luî^
lignée par l'un des Secrétaires d'Etat , fur l'appro-
bation de l'Evéque Diocéfàin , à peine de Gaieres^
à perpétuité pour les hommes , & contre les femmes
de telles peines afflidives que lès Juges eflimeronr
convenables.
Si on veut que les pèlerinages Ibient agréables à
Dieu & profitables à l'ame , il raut luivant l'avenifTe-
ment que le 4^. Concile de Milan Ibus S. Charles ,
donne au titre De religiojis Feregrinationibus ^ ne les en-
treprendre que par l'avis des Supérieurs Eccléfiafti-
ques , le munir des làcremens de la Pénitence & de
l'Euchariftie , avant que de s'y engager, comme le
Concile de Bourges de l'an 1584. l'ordonne dans le
titre De Feregrinaiionibus , Canon z. ptatiquer des œu-
vres de charité & de piété pendant le cours des voya-
ges , oblerver les jeûnes prelcrits parl'Eglile, fandi-
fier les Dimanches & les Fêtes , & vivre de telle ma*
niere qu'on puifTe faire la fàinte Communion dans ces
làint^ jours.
Comment donc ne pas blâmer les voyages danslel^
quels des perfonnes de différent fexe s'engagent (eus
prétexte de dévotion, & qui à peine entendent la Meffé
les jours de Dimanches & de Fêtes, & palTentle relîe
de ces jours à rire & à folâtrer j* Ce Ibnt plutôt des par-
ties de plaifir, que des pratiques de dévotion. Et qui
peut exculer les fréquens voyages que de certaines
personnes font les jours de Dimanches , qui font par-
là détournées d'alTiiler à la Méfie de Paroifle & aux
inlîrudions qui s'y fontf Peut- on dire que cette dévo-
tion (bit réglée ?
Si c'efl un Eccléfiaflique qui veuille aller en pèleri-
nage hors de Con Diocefe, il ne doit pas s'y engager
fans avoir obtenu la permifTion de fbn Evéque , ainfî
qu'on l'a pratiqué dès les premiers fiecles de l'Eglife,
& que le Concile de Bude tenu en l'année 1175:'. l'or-
donne Canon 3 1. Celui de Bourges qu'on vient de ci-
ter, les a renouvellées Canon i.
Par quelque motif qu'on voyage les jours de Diman-
ches ou de Fêtes, on doit les fânclifier, en afTîflanr
au moins, à la MelTe , & occupant £cii efprit à louer
fur Us Commàndemens de Dieu, 5pp
Dieu de tcms en tems, & a lui rendre des adions àa
grâces. Rarement les voyages lont affez. ncceffaires
pourdifpenler un voyageur d'entendre la MelTe, On
pèche C\ on ne l'entend pas avant que de partir du
iieu où l'on Ce trouve au matin , un jour de Diman-
che ou de Fête, lorfqu'on prévoit que dans les lieux
011 l'on doit pafTer on ne pourra l'entendre ; parce
qu'il y a très-peu de Prêtres, ou qu'on n'y arrivera pas
a tems pour l'entendre. Bien plus , fi on eft en doute de
ne pas entendre la MefTe (ur le chemin , parce qu'on
y a déjà été furpris, on pèche en partant fans l'en-
tendre, puilqu'on fe met, (ans néceflité, en danger
de la perdre.
Les déci/îons des Conciles que nous avons rappor-
tées dans la féconde Queflion de la Conférence pré-
cédente, qui défendent de tenir des marchés publics
les jours de Dimanches & de Fêtes, pluïïeurs defquel-
les ont été confirmées par nos Rois , & les Ordon-
nances que Chariemagne, fit dans les années 808. &
813. portant défenfes de tenir aucun marché les jours
de Dimanches & de Fctes , nous font voir que les deux
Puiffances, i'EccléfialHque & la Temporelle fe font
jointes pour empêcher qu'il n'y eût alors ni foires ni
marchés. Rien n'étoit plus Higement ordonné ; il n'y
a pas d'apparence qu'on puifTe fandifier dignement ces
jours en fe trouvant aux foires pour y vendre ou y ache-
ter : au contraire c'eil une occafîon de les profaner ; car
iôuvent on manque à afl'uler a la MefFe ou on l'entend
fans piété & fans dévotion, ayant l'efprit rempli des
affaires du commerce : on s'abfente de l'Office divin
& des Inllrudions qui fe font dans les Paroiffes : bien
loin de s'occuper à aucune aélion de religion ou de
piété , on s'abandonne à la débauche , à des diver-
tiflemens deshonnetes & à d'autres crimes , ainfi qu'ont
remarqué les Pères du Concile do Rouen de Tan
1581.
Mais comme les Magiflrats n'ont pas tenu la main
ferme à Texécution de ces fâintes Loix , la coutu-
me de tenir les foires les jours de Dimanches & de
Fêtes a duré très-long-tems. Nos Rois ont cru devoir
Beiacliex de k fc vérité des anciennes Loix , foit à
^00 Conférences d^ Angers ;
caufê de la multiplicité des Fêtes , dont le nombre étant
beaucoup augmenté , étoit devenu nuifibie au peuple
à qui il relîoit peu de tems pour le travail, foit à caufe
de la pauvreté des peuples & de la nécefîité publique,
fbit parce qu'on a prétendu qu'il y avoit quelques Fê-
tes , telles que font les moins fôlemnelles , qui ont été
inftituées (ans préjudice des foires ou marchés que les
Seigneurs avoient droit de faire tenir; comme peu-
vent être les Fêtes qui ont été introduites feulement
par la dévotion des peuples fans aucune Ordonnance
de l'Eglife.
Au lieu qu*il y avoit des défenfes générales de te-'
nir des marchés à aucun jour de Dimanche & de Fê-
le, l'Ordonnance d'Orléans rendue Tan 1560. fur les
plaintes & remontrances des trois Etats du Royaume,
a feulement défendu aux Juges , art, 13. de permettre
les foires & marchés aux jours de Dimanches & de Fê-
tes annuelles & fblemnelles : ce (ont les termes de
cette Ordonnance à laquelle celle de Blois n'a rien
ajouté, mais s'efl contentée d'en recommander l'éxe-
cution dans l'article 38.
Commxe les Fêtes n'ont pas été inftituées feulement
par l'Eglife, mais que la FuilTànce féculiere a dû con-
courir à leur inilitution, c'eft à ces deux PuifTances
à faire conjointement ou féparément les changemens
aux réglemens faits pour empêcher la tenue des foi-
res ou marchés aux jours de Fêtes, cette matière regar-
dant autant la police de l'Etat que la Difcipiine de l'E-
gli(e.
Plufîeurs Evêques de France jugeant qu'il étoIt
de leur prudence & du bon ordre de fè conformer
iur ce point aux Ordonnances du Royaume, (ont
entrés dans l'adoucilTement apporté par celle d'Or-
léans , & ont cru devoir défendre feulement qu'on tînt
des foires & marchés les jours de Dimanches & de
Fêtes annuelles & (biemnelles : ainïi ils tolèrent à
l'égard des autres Fêtes l'usage qui a dérogé aux
anciennes défen(ès , (buffrant qu'on y tienne des
foires.
Si cet ufage n'efl pas établi dans tout le Royaume^
il l'ell certftuiejuent dans le refTort du Parlemenc
fur les Commandemens de Dieu» 401
de Paris qui l'a approuve par plufîeurs Arrêts , dorrt
Tun rendu le 3. Septembre 1667. rapporte tome 3. du
Journal des Audiences liv. i. ch. 4. tait le dénombre-
ment des Fêtes auxquelles il eft fait défenfes de tenir
les foires.
Par autre Arrêt du z 8. Avril 1^73. rapporté dans le
tome 3. du Journal des Audiences liv. ?• chap. 6, le
mcm.e Parlement a ordonné que fuivant l'art. 23.de
l'Ordonnance d'Orléans, les foires & marchés qui fe
rencontrent les Dimanches & les jours de Fêtes folem-
nelles, feront remifès au lendemain.
Ces deux Arrêts étant fort remarquables, nous avons
cru les devoir tranfcrire tout au long.
SU R ce qui a été remontré par le Procureur Gé-
néral du Roi que conform.ément aux Ordonnan-
ces par Arrêt donné en la Cour des Grands jours
le 4. Décembre 1667. les danfes publiques & fêtes
appellécs Baladoîres , introduites par quelques Sei-
gneurs Hauts-Jufticiers , pour avoir prétexte d'en ti-
rer un tribut honteux de leurs Jufticiables pour la
permifTion d'icelles , auroient été entièrement flip-
prlmées pour les délbrdres qui s'y commettoient or-
dinairement, & défenfes faites de tenir foires & mar-
chés dans rétendue du reffort defdits Grands-jours,
es jours de Dimanches , Fêtes du Patron & autres
Fêtes annuelles & (blemnelles; & comme la qualité
defdites Fêtes annuelles & (blemnelles n'auroit été
réglée par ledit Arrêt, les Commifîàires de Paris es
Provinces defdits Grands-jours pour l'exécution des
Arrêts qui y avoient été donnés, auroient trouve
que (bus ce prétexte l'on continuoit en quelques
endroits la tenue defdites foires Se marchés es mê-
mes jours qu'auparavant; requérant y être par la Couc
pourvu , & que ce qui avoir été réglé par ledit Ar-
rêt pour le reffort de la Cour des Grands jours, fut
exécuté dans tout le rcifort de la Cour. V'ii ledit
Arrêt du 14. Décembre 1665. &c. La Cour a or-
donné & ordonne que ledit Arrêt du 14. Décembre
j^éj, fera exécuté dans tout le rclTorc d'icelie, Ce
;^02 Conférences d'Angers ,
faisant conformément aux Ordonnances , feront Se
demeureront les danfès publiques appellées Baladoi-
res Se autres femiblables fupprimées ; fait défenfes à
toutes perfonnes d'en faire aucunes, & à tous Sei-
gneurs Haut-Jufliciers, tant Eccléfîalliques que fécu-
liers , & à leurs Officiers de les permettre , ni de fouf-
frir que les foires & marchés foîent tenus es Fêtes fb-
lemnelles de Pâques, Pentecôte, de tous les Saints,
Noël , faint Sacremient , de la A^ierge , de l'Afcen-
fion, Circonci/îon , Epiphanie, Dimanches & Fêtes de
Patron, à peine de loo, iiv. d'amende , tant contre cha-
cun des Contrevenans, que contre les Seigneurs qui
les auront (buffert, & les Officiers qui ne les auront em-
pêché; & fî aucunes foires & marchés échéent e(Bits
jours , feront remâs à autres fubféquens : & à cette fin
fera le préfent Arrêt lu, publié es Piônes des MefTe*
ParoifTiales, &c.
Fait en Parlement le 5. Septembre 1667,
SU R ce qui a été remontré à la Cour par le Pro-
cureur Général du Roi, que, bien que les Or-
donnances , & particulièrement celles d'Orléans ,
cufTent défendu de tenir des foires & des marchés les.
Dimanches & Fctes annuelles & Iblemnelles , & aux
Cabaretiers de recevoir aucunes perfonnes pendant
les heures du fèrvice Divin , & aux Bateleurs de jouer
pendant ce même tems, & que plufîeurs Arrêts delà
CoureulTent renouvelle de tems en tems ces difpoiî-
tions fi néceffaires , néanmoins l'Archevêque de Pa-
ris ayant trouvé qu'il fe faifoit plufieurs contraven-
tions , particulièrement dans la campagne , auroit
donné les ordres qui dépendent de fbn autorité pour
en arrêter le cours ; & comme il efl important que la
Cour y apporte de fa part les remèdes néceffaires ,
afin que les Dimanches & les Fêtes annuelles & fo-
lemnelles , & celles des Patrons des Eglifes fbient
célébrées avec le refpe<f^ qu'il leur efl dû , & que les
Peuples affilient exaftement aux Services ; requeroit
qu'il lui plût d'y pourvoir fuivant Tes conclufîons. Lui
\
fur Us Coinm an démens de Dieu, 405
retiré , la matière mife en délibération , la Cour a
ordonné & ordonne que, fuivant les articles 14. &
1^. de l'Ordonnance d'Orléans, les foires & marchés
qui Ce rencontrent dans le Diocele de Paris les Di-
manches & jours de Fêtes (blemnelles & des Patrons
des Eglifes feront remifês au lendemain. Fait dcfen-
fès aux Cabaretiers de recevoir aucuns Habitans des
lieux pendant le tems des Grand'Meffes & Vêpres 9
a peine de dix livres d'amende pour la première con-
travention , & d'autre plus grande peine en cas de
récidive; comme aufli à tous Bateleurs & autres, de
jouer pendant ce même tems, à peine de vingt liv. d'a-
mende & de prifon: enjoint aux Officiers des lieux d'y
tenir la main.
Fait en Parlement le t8. Avril 1^73»
Le Concile de Tours de l'an' 1583. a approuvé ce
tempérament , quand il a dit dans le tit. de Fef.orum
cultit. Omnibus prohibcmus publicas nundinas Ô" alios
quofcumque mercatus, quacumque in contrariiim confue*
tudine nonobjlante , iis diehits Dominicis potijjîmum j an-
nalibus Ô" folemnibtts FeJIisindicere ù" inditias frequen^
tare fi qui vero locorum Dominijus nundinarum Ô*
mercattium iis diebus fe habere prétendant , illas in j?e-
rendium atit alittm dicm nonfefium transferre in Domina
hortamur.
On ne doit pas aller aux foires qui fe tiennent les
Fêtes (ans y être obligé par quelque néceflité qui nous
expofèroit à fbuffrir un dommage confîdérable.
Il n'y a prefque pas de Diocefes où les Evêques &
les Magifirats ne fc fbient joints pour empêcher les
Marchands de tenir lès jours de Dimanches & de Fê-
tes leurs boutiques ouvertes ou à demi-ouvertes , &
leurs marchandifes expofées en vente. Ce violement
public des loix Ecclé/iaftiques & Civiles , donne lieu
de douter de la religion de ces Marchands , puisqu'ils
ne reconnoiflent prelque plus de jours consacrés à
l'honneur du Seigneur. On ne peut leur donner aflez.
d'horreur de cette profanation, qui ne peut être ex-
cufée par la nccefllté de ceux qui achètent ; car quoi-
qu'il Toit permis, de vendre les jours de Dimanches &
ij04 Conférences d^ Angers ^
de Fêtes les choies nécefTaires à la vie qui Ce conCumen^
dans le jour, il n'efc pas néanmoins permis de les étaler
& expofèr en vente pour les vendre publiquement ,
comme nous Tavons fait voir en parlant des Boulan-
gers & des Bouchers ; mais on doit tenir les Boutiques
fermées & n'en laiffer que la porte ouverte, ou tout
au plus un ais de la boutique : cela fuffit pour indiquer
ces fortes de Marchandifes à ceux que la nécefTité en^
gage d'en acheter tous les jours.
Pour les choies qui ne font pas nécefTaires à la vie,
il n'eil pas permis de les vendre les Dimanches & les
Fêtes en tenant les boutiques fermées ; c'efl faire un
trafic défendu par les Canons & les Ordonnances civi-
les. Tl n'eil: pas non plus permis aux Marchands d'em-
baller leurs marchandifes tenant leurs boutiques fer-
mées ; c'eil une oeuvre fervile.
Les Marchands ' fe trompent grofTiérement quand
ils cro} ent pouvoir vendre leurs marchandifes en te-
nant leurs boutiques fermées ; parce que, difent-ils , on
ne vient acheter chez eux que ces jours-là. On feroic
obligé d'y venir les autres jours s'ils ne vendoient
point les Dimanches & les Fêtes : c'efî pourquoi
les Curés qui vcyent que quelque Marchand de leur
ParoifTe s'opiniâtre à vouloir y vendre , quoiqu'il
tienne fa boutique fermée , doivent , après l'avoir
averti , implorer le fecours de la puifTance Eccléiiafli-
que & de la Civile pour faire cefler ce défbrdre Ccasi-z
daleux.
fur les Comjnandemens de Dieu* 40J
II. QUESTION.
Les Barbiers peiwent-ils faire la barbe les Dl'
manches Gr les Fêtes ? Les Notaires Gr autres
gens de Palais peuvent-ils travailler aux
affaires dans ces jours-là ?
LE s Barbiers ont prétendu que rafer la barbe ,
failant partde de la propreté de Fliomme, il leur
ttoit permis delà faire les Dimanches & les Fctes ;
parce qu'il eft permis par les Cifnons de s'y occuper
pendant un efpace de temps raifbnnable aux heures
qu'il convient à s'habiller , & mcme d'y apporter
plus de loin & plus de propreté , pour marquer , par
cette décence extérieure , le refped qu'on a pour ces
faints jours. Ils fe trompent dans cette interprétation
des Loix Ecclélîaftiques, qui favorifent la propreté du
corps : elles ne s'entendent que des occupations nécelr
iaires chaque jour, & qui ne peuvent être avancées ou
diftérées. Or il n'efl pas nécefiaire, pour la propreté,
qu'on fe fafle rafer le Dimanche , on le peut faire la
veille.
C'efT pourtant fur cette fauffe interprétation que
s'eft établie la coutume qu'ont les Barbiers de faire
la barbe dans leurs Boutiques les matinées des Di-
manches & des Fctes. Quoiqu'on pût excufer ceux
qui fe font eux-mêmes la barbe, ou qui fe la font
râler par un de leurs domelHques ; parce que cela
peut palfer pour faire partie de l'habillement du jour
de Dimanche ou de la Fête , néanmoins on a jugé
que les Barbiers n'étoient pas cxcufibles , parce que
leur profellion cft fervile ; c'eft pourquoi on leur a
fait -défenfes de l'exercer les jours de Dimanches &
de Fctes. Il y a des Diocefès où les Evcques leur en
ont fait en ces derniers tems fous peine d'excommuni-
f ation, GuUiauine le Maire , Eycque d'Angers , en
^.q6 Conférences d^ Angers ;
avoit publié dès Fan i î5jz. en fon Synode de la S. Luc.
En d'autres Dioceles on a ordonné qu'on leur refusât
l'ablblution s'ils ne vouloient pas ceffer de travailler de
leur métier les jours de Dimanches & de Fêtes.
Le Roi Henri IIL dans les Statuts qu'il donna aux
Chirurgiens Barbiers de Paris au mois de Mai 157^.
leur défendit de travailler à autres chofes qu'au pan-
fement des malades les Dimanches , les jours de Pâ-
ques , de la Pentecôte , de Noël , de la ToufTaints , de
la Circoncifion, de l'Epiphanie, de l' Afceniîon , du S.
Sacrement , de S. Jean-Baptifle , de toutes celles des
Apôtres & de S. Côme & S. Damien leurs Patrons ,
& leur fit défenfes de mettre en ces jours , hors de leurs
Boutiques, leurs enfèignes de baffins.
Henri IV. renouvella ce règlement par des Lettres
Patentes du mois d'Odobre de l'an i$9i. & y ajouta
des défenfès de mettre hors de leurs Boutiques leurs
baffins , aucune des autres Fêtes commandées par l'E-
glife.
Le Pape Jean XXIL dans une lettre écrite à Phi-
lippe le Long , qu'Odoric Raynauld , dans Ton Hiftoire
Eccléiiaflique , rapporte à l'année 13 17. s'étoit plaint
à ce Prince de ce qu'il fbuffroit que les Barbiers fillént
la barbe & coupalTent les cheveux les Dimanches ,
parce que c'étoit profaner ce faint jour , qui eu. (pécia-
lement dédié au culte de Dieu.
Cette mauvaile coutume étoit fi générale & fi in-
vétérée qu'il n'a pas été poffible de la faire changer
aux Barbiers. Toutes ces défenfes ont été inutiles ,
les Barbiers ont toujours refiifé d'y obéir, difant que
ceux qui s'abftiendroient entièrement des fondions
de leur métier , les Dimanches & Fêtes , perdroient
leurs pratiques , & fe mettroient hors d'état de pou-
voir gagner leur vie , & d'entretenir leur famille ;
qu'ainfi leur travail étant nécefTaire pour leur fubfif-
tance & celle de leur famille, il n'ell plus en ce cas
une œuvre fervile qui fbit défendue, mais une oeuvre
naturelle qui eft licite , à raifon du dommage qu'ils
fbufiriroient. Ils ajoutent quelespayfims des lieux voi-
fins, les valets , les gens de journées , & les manœuvres
du lieu même de la réfidence , ne pourroient avoir U
fur les Commandemens de Dleiù 407
lems d'autres jours de Ce faire faire la barbe, ni de (q
faire couper les cheveux.
Plufîeurs Evcques voyant ne pouvoir remédier à ce
défordre , ont cru le devoir tolérer en partie , fe reC-
traignant à défendre aux Barbiers de travailler pen-
dant les heures du fervice Divin, & dans le tems des
Inilrudions qui Ce font à leur ParoiiTe , ainfi qu'a fait
M. le Peletier Evcque d'Angers, dans Con Ordon-
nance du 13. Février lyoz. Les Officiers de Police
de la Ville d'Angers s'y font conformés dans l'Ordon-
nance qu'ils firent le i6. Mars de la même année,
défendant aux Barbiers & Chirurgiens d'ouvrir leurs
Boutiques, d'y rafer, & dans les maifons des parti-
culiers , les Dimanches & Fêtes pendant les heures dur
Service divin. Dans les Diocefès où les Evéques en
ufent de cette manière, on excule de péché les Chi-
rurgiens & les Barbiers qui font la barbe hors ce tems-
là les Dimanches & les Fêtes ; excepté les annuelles &
fblemnelles.
Tous les aâes de Juftice qui Ce font avec bruit &
contention (ont défendues les Dimanches & les Fê-
tes ; le reipeâ: que nous devons à ces laints jours ,
nous engage à nous en abftenir ; il n'y a rien qui dé-
tourne davantage les Fidèles du culte de Dieu & des
?.(5lions de piété , que les procédures qui le font au Pa-
lais , comme l'a remarqué le quatrième Concile de
Alilan (bus S. Charles dans le titre de Feriis, Par cette
raifôn la loi z. Omrws dies j au Code de Julliinien livre
3. tit. Il, de Feriis y avoit ordonné qu'on fit cefTerles
jours de Dimanches & de Fctes le bruit du Palais. Les
Conciles & nos Rois avoient défendu, comme nous
l'avons dit , qu'on tint des audiences ou plaids en ces
jours ; & Contran , Roi de Bourgogne , avoit , par
une Ordonnance, donnée à Maçon l'an 585. com-
mandé qu'on fit cefTer toutes les pourfuites des pro-i
ces. Par conféquent, quoique les Juges (oient obli-
gés de terminer les procès avec le plus de diligence
qu'il leur eft poillble ; néanmoins il ne leur eft pas
permis de prononcer des Sentences ou Arrêts pour
les juger, les jours dédiés au (ervice de Dieu, à moins
que la charité ne les y engage , ou que quelque nécel^
5^0 8 Conférences d'Angers]
fïté preflante ne les y oblige. Grégoire IX. ayant été
consulté s'il n'étoit pas permis de faire des ades de Jul^
tice les jours de Dimanches & de Fêtes , afin de termi-
ner plus promptement les procès , donna cette déci/îon ,
qui efî rapportée ch. Conque/lus, de feriis ^,
L'Empereur Conftantin dans la loi i. Sicut; au Code
Théodofien tit. de feriis^ & Théodofe dans Ja loi i. Ut
in die Dominico , au Code de Julîinien dans le même
litre, par lefquelles ils dcfendoient de plaider les jours
de Dimanches & de Fêtes , avoient permis de faire tous
les ades néceflaires pour affranchir les Efclaves , parce
que c'eft une œuvre de miséricorde.
Il n'eft pas perm.is, en ces mêmes jours , de pro-
noncer contre un criminel un jugement de condam-
nation à la mort ou à quelqu'autre peine. Cela ell
défendu par le ch. Licet , de feriis ^, Charlemagne en
avoit fait une défenfe expreffe par un Edit de l'an
813.
Le Concile de Meaux de Tan 84^. ne veut pas qu'on
fafTe prêter ferment en Juftice les jours de Dimanches
& de Fêtes. Il eft dit au chap. hicet^ de feriis que cela
n'eft permis que pour le bien de la paix ou pour quel-
que autre nécefTité prefTante ^,
Le Concile de Bourges de l'an 1584. au titre de in-
vocatione Sanôîorum & diebus fejlis , Can. 4. veut que
les Huiffiers & les Sergens s'abftiennent tout-à-fait de
leurs fondions les jours de Dimanches '^.
a Qiiamvis non prorogari
fed expediri deceatqujeftiones,
débet tamen judicialis ftrepi-
tus diebus concjuiefccre feria-
tis , qui ob reverentiam Dei
nofcuntiir elfe ftatiui . • . qui-
bus nifi necefTuas urgcat vel
i^'ietas fuadcat , ufque adco
convcnit ab huiufmodi ablU-
nere , ut confentientibus etiatn
partibus nec procefTus habitus
teneat , nec lententia , quam
coritingit diebus hujufmodi
pccmulgari.
h Neque fiatplacitutn, neque
aliquis ad rnorttm vel ad pœ-
iiam judicetur.
c Nec facramenta nifî pro
pace vel aliâ necefiTuate praef-
tentur.
d Dominico die ceflTent fa;-
cularia opéra ,ccflent liiftores,
(lleat prœconis tuba , contrac-
tas , Notariorutri inlUamenta ,
nlfi qur ex nec-'/Tiiate Tefta-
mentorum auiMatrinvoniorum
caufa differri non polfunt.
Pat
fur les Commandemms de Dhu. ^op
Par Arrêt du Confell d'Etat du i8. Février 1661. il
cfl fait dcfenfes à tous Huifllers, Sergens, Archers &
autres porteurs de contraintes pour deniers Royaux , da
les mettre à exécution les jours de Dimanches & Fê-
tes , à peine de trois mille livres d'amende.
Les Empereurs Léon & Anthemius avoient fait dc-
fenfes par la loi 11. Dks Fejlos , au titre de feriis , dans
le Code de Juftinien, de faire aucunes exécutions on
pourfuites pour dettes , Ibiî publiques ou privées , & de
donner aucunes afTignations , voulant que toutes les af^
faires & toutes les inQrudions des procès cefTafTent >
que les Orficiers de Juflice demeuraffent en repos &
dans le filence , & que les parties jouiffent de la paix
dans ce petit intervalle , afin qu'elles puifient (e rencon-
trer enfemble (ans crainte, & y parier d'accords & de
tranfàdions , fans néanmoins fe relâcher en rien de la
lànrtification de ces jours.
Si les Notaires vouloient Ce conformer à la décifîon
de plusieurs Conciles Provinciaux, ils ne feroient les
Dimanches & les Fêtes , aucuns autres adcs que ceux
qui font permis par le droit. Les défenfes qu'en ont fai-
tes les anciens Conciles , ont été renouvellées en ces
derniers tems par le Concile 3 . de Milan tenu l'an 1^73,
dans le titre de Fejlorum dierum cultu ; par celui de
Tours de l'an i ^83. au même titre i par celui de Bour*
ges qu'on vient de citer.
Comme le travail des Notaires n'efî pas une œuvre
fervile , ayant rapport A la Juftice , il n'eiî pas défendu
par la Loi divine les jours de Dimanches & Fêtes»
mais feulement parles Loix Ecclé/iaftiques & Civiles;
c'eft pourquoi les Notaires ont cru pouvoir inftrumen-
ter ces jours-là , & être excufés de péché , à caufê de
la coutume qui eft il^ùe & tolérée par les Evéques , Se
peut-ctre fondée fur U nécefîité du peuple ou de leui;
propre \\(:cQ{i^ir.(:,
Plufieurs Dodeurs eftiment que quoique ce fut uif
bien que les Notaires n'inllrumentaflent point les
jours de Dimanches & de Fctes, & qu'il faille les en
avertir & les y exhorter, on ne doit pas, quand ils
le font, les condamner de péché mortel, à caufe de
l'ufage i& de la néçcflué des parties. Us ]es çroyent
Totm U ^
41 o Conférences d'Angers,
difpenfes en ces occafîons d'obferver la loi de VEgl'iCe
qui ne les oblige que hors des cas de rxécefïitc.
Ces mêmes Auteurs ne jugent pas que les Notaires
foient excuHibles , s'ils travaillent aux heures de la
MefTe de ParoifTe, du Sermon & des Vêpres , à moins
qu'il n'y ait une néceflité preffante de recevoir & de
paffer des Ades à ces heures-là. M. le Peletier Evê-
que d'Angers , fèmble avoir approuvé ce fentiment
dans (on Ordonnance du 13. Février 1701. où il met
au nombre de ceux qui violent les Loix qui ont été
faites pour la lanftifîcation du Dimanche & des Fêtes,
les Notaires, Procureurs ou Praticiens qui travaillent
pendant le Service divin , qui font travailler leurs Clercs
pendant les matinées des jours de Dimanches & de Fê-
tes , leur laifTant à peine le tems d'entendre une baffe
Meffe.
Les Adles qu'il ell permis en tout Pays aux Notaires
défaire les Dimanches & Fêtes , font des Aétes deprifê
de po^Tell'ion de Bénéfices , les Teftamens des malades ,
les Contrats de Mariage, les Ades d'éleftion pour
quelque Charge publique, les délibérations des Alfem-
blées de Paroilfe , qui fè font ordinairement à l'iffue de
la Meffe Paroiffiale, à caule de la diiïiculté qu'il y a
d'alTémbler le Peuple les jours ouvrables , & les oppo-
fitions ou proteftations que des parties intérelfées veu-
lent faire contre ces délibérations.
Tout le monde eft periuadé que les Avocats & les
Procureurs peuvent vaquer les jours de Dimanches &
Fêtes aux fondions ordinaires de leur profeifion, ex-
cepté celles qu'ils ne peuvent faire qu'avec le bruit du
Palais qui doit être fermé en ces jours. Ils peuvent
étudier les affaires de leurs parties, préparer leurs plai-
doyers, faire des écritures, donner par écrit leurs avis
fur les affaires pour lefquelles on les confiilte. Ils peu-
vent au ni faire travailler leurs Clercs aux procédures,
& leur fiire copier des écritures hors le tems du Ser- ,
vice divin & des Inflrudions, & recevoir l'honoraire du
travail qu'ils font en ces jours-la.
'Les Juges peuvent pareillement , à ces mêmes
jours, examiner les Procès qui font à leur rapport,
& en faire les extraits j mais U faut que tant ks Ju-
fur les Commandemens de Dieu, 41 1
ges, que les Avocats , Procureurs & Clercs, ne s'oc-
cupent pas tellement à ces fortes d'emplois , qu'ils ne
prennent le tems nccediiire pour s'acquitter de ce qu'ils
doivent a Dieu , & des obligations de leur confcience ,
narconféquent, ils ne doivent pas travailler pendant
le tems de la Méfie de Paroiffe, du Sermon & dei
Vêpres, parce que dans ces heures on doit erre à l'E-
glife , & on ne peut s'en difpenfer , Hms une néceiTitc
très-grande.
IIL QUESTION.
Les Magïftrats , les Perh , les Mères , les
Maures & MaitreJJes y font-ils obligés d^em."
pécher ceux qui leur font fournis de violer le
Précepte de la fanclifîcation des Fêtes , &*
peut-on excufer les enfans Gr les ferviteurs
qui le violent pour obéir â leurs Maîtres ?
IE s Magiflrats & les autres Juges qui (ont dcpofï-
__j taires de l'autorité Royale , doivent penîèr Cé-
ricufement qu'on ne leur a mis cette autorité en
inain, que pour faire exécuter les Ordonnances du
Royaume, empêcher les défbrdres , & retenir dans
le devoir ceux qui leur font fjumis. Il n'y a donc
point de doute qu'ils ne (oient obliges , à peine de
damnation cternelle d'employer toute leur autorité
pour abolir les coutumes & Ic^ abus , qui déshono-
rent la fiinteté des Dimanches & des Fctes , particu-
lièrement ceux qui (ont nommément défendus par
les Loix EcclelTalHques Si Civiles. Un des princi-
paux devoirs auxquels ils (ont obligés par état, e(l
d'empêcher que ces faints jours ne ibient profanés.
Prcfque toutes les Ordonnances de nos Rois que nous
avons rapportées le leur enjoignent en termes for-
mels. On peut voir l'art. î^. de celle d'Orléans &
i'art. 38, de celle de Blois, Enjomions^ dit cette dec-
s ij
412 Conférences d'Angers,
ïiiere Ordonnance , à tous nos Juges de faire garder &
ebferver étroitement les défenfes portées par les Ordon-
nances faites a Orléans f tant pour le regard des foires ,
marchés & danfes publiques es jours de Fêtes , que contre
les Joueurs de farces. Bateleurs, Cabaretiers , Maures
de jeu de Faume & d'efcrime , fur les peines contenues ef-
dites Ordonnances.
Si les Juges négligent d'employer leur autorité pour
faire ceiïer les profanations des Dimanches & des Fê-
tes , ils pèchent très-griévement , & quelquefois plus
que ceux-mémes qui profanent ces faints jours : ils
font refponfàbles à Dieu de tous les défordres qui au-
ront été commis par leur connivence , négligence ou
foibiefTe, Les Curés doivent les en avertir de tems en
lems en particulier & en public, leur rappellant dans
îa mémoire les Ordonnances & les Arrêts rendus à cette
occasion. Les Officiers fubalternes font auffi coupables
de péché , s'ils ne tiennent pas la main à l'exécution
de ces Ordonnances,
Si les Magiflrats pèchent quand ils n'empêchent
pas les contraventions aux Loix qui ordonnent la fanc-
rification des Dimanches & Fêtes , peut-on excu-
fèr ceux qui font chargés du foin des âmes , qui
pouvant , par leur vigilance & par leur zèle , faire
celTer ces contraventions , négligent de le faire f Ne
participent-ils pas en quelque manière à tous les cri-
mes qui Ce commettent en ces jours ? Ne les leur
peut-on pas auffi imputer quand ils négligent d'info
truire les peuples de l'obligation étroite qu'ils ont
d'obferver le Commandement que Dieu & l'Eglife
ont fait à ce fujet, ou qu'ils ne leur font pas connoî-
ire le grand mal qu'il y a de violer ce précepte ? Il
€iï donc du devoir des Curés de donner toute leur
application pour faire fandifier ces faints jours , &
s'ils s'apper(j'oivent qu'on ait coutume dans leur Pa-
roifTe d'y commettre publiquement quelque profana-
tion , ils ne doivent pas manquer d'en donner avis
à leur Evêque , afin qu'il y apporte l'ordre qu'il jugera
nécefîaire.
Les pères & mères, les maîtres & maîtreffes de-
vant veiller fur la conduite de leurs enfans & de leurs
fur Us Commandemens de Dieu, 41?
/èrvîteurs, & ayant autorité pour la régler, font obll-
frcs de s'appHc|uer (bigneufement a leur faire obferver
es Loix de Dieu & de l'E^life toucliantla fànâifica-
tion des Dimanches & des Fctes, & de prendre garde
qu'ils ne les violent ; car ils ont une obligation indif^
penHible de faire enlorte que Dieu foit connu , (ervi &
honoré par ceux qui font fous leur charge; s'ils y man-
quent , on peut dire avec Saint Paul dans le 5. chapi-
tre de la première à Timothée , qu'ils ont renoncé à la
Foi, & qu'ils font pires que des Infidèles, Ce n'efl pas
fifTez que les pères & les mères, les maîtres & le's mai-
trefTes , n'occupent pas tant leurs enfans & leurs fervi-
teurs aux affaires de la maifbn , qu'ils ne leur donnent
le tems d'entendre la Meffe, d'affifter aux inftruâions ,
& de faire des œuvres de piété & de religion, ils doi-
vent encore veiller à ce qu'il? fàtisfaflenc à ce devoir
fi eiïentiel à tout Chrétien ; & à ce qu'ils ne pafTent pas
une partie con/îdérable de ces jours à des jeux ou à
des divertiffemens. Il y auroir. moins de mal, félon le
fentimentde S. Auguflin, furie Pfeaume 32. à les faire
travailler.
Si les pères & les mères , les maîtres & les maîtref^
fes, au lieu de porter leurs enfans & leurs ferviteufs
à fanftifîer dignement les Dimanches & les Fêtes »
leur font faire des œuvres ferviles fans y être GOri-
traints par une néceflué fort prefTante , ils pèchent
ircs-griévcmcnt, quand même ils ne les feroient tra-
vailler qu'en des lieux où ils ne feroient pas vus; de
forte qu'il n'en arriveroit point de fcandale, puifqu'ils
vontdireâemeut contre le Commandement que Dieu
a fait aux hommes dans le cliap. ^. du Deutcronome.
Vous ne ferez en ce jour aucun ouvrage , ni vous y ni vo-^
tre fils y ni votre fille, ni votre fierviteur , ni votre fier-
vanie, afin que votre ferviteur & votre fervame fe repo-
fent comme vous»
Les enfans & les fêrv'îteurs , loin d'être tenus d'o-
béir en cela A leurs pères & à leurs maîtres^ les doi-
vent prier de leur permettre d'obferver le précepte de
Dieu & de l'Eglife. Si ce font des fervitêurs ou ap-
prentifs à qui les maitres refusent cette liberté , ils
cioivenE les quitter à la première occaiîon qu'ils en
S iij
414 Ccnfirertccs d^ Angers,
aurc m , 5c même la rechercher. Neanmcir.? il en quit-
tant ieur condition , ils étolent obliges de mendier
leur vie , on ne les croiroit pas coupables de péché en
obeifTiLnt d leurs mairies qui les contraindroient de tra-
% ailler.
Les pères 6v les maîtres qui ont des befiiaux 1 faire
garder dans les pâturages , doivent prendre des me-
liire», pour que ceux qui les gardent , ne manquent
pointa dTiiÏQT à la MclTe &: aux Initniâions les Di-
xnarches S: les Fêtes. Il faut pour cela qu'ils fafîent
garcer leurs rrcupeaux par leurs domeiiiques, ou
qu'i s les gardent eux-mêmes tour à tour , ou qu'ils ne
le? envoyent aux champs qu'à des heures qui n'empê-
chent pas les Bergers d'aller à la Mefîe, &: d'enten-
<ire les Inirructions qu'on fait à leur ParoilTe. Les pè-
res &: mères , les n.aitres S: maitreiTes qui perliiient
iur cela dans une négligence criminelle , & ceux qui
fans une néceffiié très-grande continuent de faire tra-
vailler leurs enib.ns eu leurs lerviteurs les jours de
Din.ajiches ou de Fe:es à des œu\Tes lersiles , après
avoir été avertis , iont indignes de l'ablclution. Saint
Charles , dans les Inilru5nons , veut qu*on la leur refufe
comme à des impeniiens.
IV. QUESTION.
L amour de nous-mêmes ejî-il bon &* légitime »
Cr â quoi nous oblige:- il envers notre amc
Cr notre corps s"
JEsis-Christ expliquant le Précepte de la Charité
dans le chapitre ;z. de l'Evangile de S.^laithieu ,
nous a appris que nous étions obligés d'aimer no-
tre prochain comm.e nous-mêmes : Diliris frcxrmum
tti'.rr. jJcui te ipfuiTi, Il a luppole par-là que nous de-
vies nous aimer nous-m.cmes, & nous a fait ccm-
prc"dre que l'amour que nous avons pour nous, eu la
jaelure de l'amour que nous devons avoir pour ne
fiar la Ctmmânifmau it Diau 41 >
Ut ■rartoiiii' 1, cC'Txnsx l'z remzrqDt S. Anro&si au
Ipp, o. de 2£ r.-fl-f- ée Dâf«i , cnz-p. zrx. -. Tc-iir i^mcfor
(k wr wrirT a'^cft dcaicf»» gagwaât, ajgyfynfcr le
Fak 4c Dtten ne «sas aarai femsàs tmmiÊÊmmâé <â^air-
lovaBcnr de mam-mèma WL'éà psaMW, yJiTfnr le
:FBs deDicB aoBs ircHWffifwwiàe de ftcm Imr
;, & (fBC S. PjhI, Eq»ire a. a TaWiiWf,
kd'eax-
de AOiUr«kflBe& pcBt écre oMS il: ^^^^ •> -^
BCK asS cne HyavaBs & dop^kê. Il cft boB & uBic CCI
■g^-t- ^Lm^Ji m «Mil II niiiMiiJ^ill^ •• I\mb P-»^m»^^^— »>mM'
«UDe9^pBMl ■SIBlCnpanaHS «JJKHslUHHK^iKawB»
awiMs r^iF ptwTt-'^»^**'^^ fei^Be es aMoar boik mit
' à 3a Tœ^kaoné de ]%êa &. ihmb scad sinnî^f -
fbrsîs i Is Lâ« dmts récat oà fl !■ a pLu àe
TDfir-ne. Cet avoir 0ljBfie&l^^DbBe,^B£iid il
■cors&kftîvic les iadfaBaôats ifm mofos panmt ai
hâcm & icSfter â ceUesfnaoasponBeac^BBaL Cet
aanar cft tx 'imjiTdc ^ ^puad par cec aHoair aiMB diLÔ-
nHsItB 3àuii/w ■ ark ynfiac les Wii iJdi 1 Bâcas^ Jl
«K aoBs Qxvaifioas CncalfaBeaK aies aofaàôricar
s aaaer ■oi-flBiaae9 ceft T<ocdaar are l!aiuaJL& uui'iiaS-
ler 2 paureavas Tm iw iiÉiliifBi : or ams a
atr^nr de ima Hmailiiei ^ ca inflSdaat Dâeik U'a
de saammdm^ meà doK fan ^k liafpr acas cher-
iDica, ft aaeaoasfleaâaas âlai
aa saaar de chacBC^ dnKaoas bbd
l^^^M^^ ^M*««^ 'S^^^ ^■iMK' ^^^E i^«^t«^ i-M^^ ^r
ixsriiucBineL .Jcfis-dniridl ttcnis r<a asardac « ca
uat «fie aaas dcvaBB aîasT aMcne anBobaii
Or Tm^ctaer ■jfut aoai aLmat twmir poar
é^i6 Conférences d' Angers l
le prochain doit être fùrnaturel ; puilque nous de-
vons l'aimer par rapport à la vie éternelle que nous
devons tâcher de lui procurer comme à nous-m^émeg;
car nous devons nous aimer comme Jefus-Chrift nous
a aim.és lui-même ; en quoi il nous a donné un Com-
mandement nouveau , comme il le dit chap, 13, de
S. Jean <^.
L'amour fiirnaturel que nous devons avoir pour no-
tre anie & pour notre corps , nous oblige à foumettre
ïe corps a l'efprit , à afTujettir l'un & Tautre à Dieu , à
leur conferver les avantages qu'ils ont reçus de lui , foit
par la nature , foit parla grâce , à remédier à leurs ma-
ladies & à leurs foiblefTes , à les maintenir dans Tétat
où Dieu veut qu'ils (oient, enfin à leur procurer la
jouilTance du fouverain bonheur pour lequel Dieu les 2.
créés , qui eft la vie éternelle , & par conféquent à éloi-
gner d'eux tout ce qui peut y fervir d'oblîacle ; Dieu
ne nous les a confié que comme un dépôt dent nous
lui devons rendre compte Corpus nojîrum ^ dit Julien
Pom.ere, liv. 3, de la Vie contemplative, chap. iç. le-
quel ouvrage fê trouve parmi les œuvres de S. Prof-
per & fous Ion nom , quia fars nojlrî eji , ad hoc nobis
diligenâiim ut faluti ejus ac fragilitati nantraliier confu-
lamus 3 ut agamtis qiiatenus fpritui ordinarie fubjeCtum
^dfalmem ûsternam , accspâ immortalitate & corrupionç
fervent at.
Il s'enfuit de-Ià , i^. Que le principal avantage na-
turel de l'homme étant d'être par fà nature capable
non-feulement de connoître Dieu , mais aufTi de l'ai-
mer, ce qui le met au-defTus de toutes les créatures cor-
porelles , il efl obligé , par l'amour qu'il fe doit à lui-
xnême , de s'infîruire des vérités de la Religion , de ce
c]ui regarde le culte de Dieu , & de chercher la voie qui
conduit à Dieu,
z°. Que comme le plus grand avantage de l'hom-
me , dans l'ordre de la grâce, efl d'être juflifié par le
Baptême , d'être fait enfant de Dieu & cohéritier de
Jefîis-Chrifl , l'amour de nous-mêmes nous oblige à
c Mandatum novum do vobij , ut diligatis invicem ficui di<»
lexi vos*
fur les Cortvn an démens de Dieu. 417
-fravailler à conferver la Grâce & à garder les Comman-
demens de Dieu. AuHl l'EgiKè a (ïin de nous le faire
recommander par le Minière du Baptcme , qui en met-
tant un cierge allumé à la main de celui qu'il a bapti-
fé, lui dit en mcme-tems: Accipe lampadem ardentem
f^ itreprelienfibilis ciijlodi baptifûium tuum , [trva Dei
mandata. Ce même amour nous oblige aufH à recevoir
les Sacremens , pour entretenir & fortifier la grâce que
nous avons reçue par le Baptcme, ou pour la recouvrée
il nous l'avons perdue.
30. Que l'amour que nous devons avoir pour notre
corps n«)us oblige à lui conferver la vie temporelle,
& par confcquent à le vêtir & a lui procurer les ali-
mens nccelTaires à la vie, les remèdes & les (bulage-
mens dont il a befoin pour vivre & pour l'empccher de
troubler refprit par Tes maladi-^s ou par Tes fbiblefTea»
D'où il rcfiilte qu'il n'eft pas permis d'épuifer (on corps
par des rigueurs & des aufléritcs outrées. Il faut de la.
discrétion dans les mortifications. Celles qui {ont dé-
mefurées ne font pas agréables à Dieu , elles doivent
être réglées à certain point qu'elles puiffent réprimer
la concupifcence & ne pas épuifer la nature. Maceratio ,
dit S. Thomas, z. 1. q. 88. art. 1. dans la réponfe à
la troifieme objeciion, proprii corporisper vigilias ô*
jejunia non ejl Deo accepta , nijï in quantum ejî opus vir-
mtis : qiiod quidem ej} in quantum cum débita difcretione-
jit 3 ut fcilicet concupifcemia refrxnetur , ù' natura non
nimis gravetur.
S. Bernard , (ermon 40. de divcrfis , nous avertit
qu'il ne faut pas ruiner la vie du corps en le maltrai-
tant avec excès , mais qu'on doit confidérer ce que.
peut (on corps (elon (îi complexion & modérer (es
auflérités , afin de conferver les forces de (on corps-
pour le fervice du Créateur. En violant les bornes de
la di(crétion , on fe rend incapable de s'acquitter de
iês devoirs ^.
Ce même Père , (èrmon 3 3. fur les Cantiques , noiJs>
d ConfîJera corporîs tiiipoT- i tujp diflriftioni :cuftodicorpu«
ïïbilitatcm:intiicrecarniscom- j tmiin incoiume ad obrequiiiTO
[glexioïKm ; in^podc moduna |, Ci:e<kto(is»-
'41 8 Conférences d' Angers l
;apprend qu'il a remarqué que l'excès darts les moru-
fications vient de la tentation du Démon , qui a di-
vers defleins en nous y portant , & que plusieurs ont
éprouvé que ceux qui , par un zèle mal réglé , fe font
portés à des aullérités indifcretes, après avoir par-Jà
afFoibli leur iânté , ayant befoin de quelque Ibulage-
111 ent , tombent d'ordinaire dans un excès contraire.
Après avoir commencé par l'efprit, ils finiffent par
ïa chair , & font une honteufè alliance avec leurs
corps 5 auxquels ils lèmbioient avoir déclaré une cruel-
le guerre ^,
Ceux done qui veulent pratiquer des auftérités Se
<ics mortifications fîngulieres , doivent confulter quel-
que perfonne éclairée qui connoifTe leur teir.péra-
mént & leurs forces, qui les conduife avec prudence.
Ainfî les perfonnes engagées dans des Ordres Reli-
gieux , ne doivent point s'impofer des auftérités fans
ia permiiîion de leurs Supérieurs , & celles qui vi-
vent dans le fiecle doivent prendre avis de ceux qui
ont (bin de leur conduite; car il arrive Ibuvent que
des perionnes de piété , à qui un zèle mal réglé avoit
fait entreprendre des mortifications au-defTus de leur
force , ont tellement altéré leur (ànté & épuifé leur
corps , qu'elles ont eu befoin pour fe rétablir d'un
traitement délicat durant un long-tems , ou qu'elles
ont été obligées de traîner une vie languifïante , fans
pouvoir être utiles à l'Eglife ou au prochain , & fans
pouvoir remplir en aucune ir^aniere les devoirs de
leur état. Multos vidimus ^ dit S. Bernard fermon/^o,
<de diver/is, ita in principes carnem fiiam verheraj[e ^ Ô"
difcretiohis mfregijfe re-pagida^ ut inhabiles laudumfo-
hmniis redderemur & apparatu lamiori diuturnis fove-
xenîîir temporibus.
e Ipfi experii cftis quomodo
<^idam ad vercciindiam illo-
rnm dico , ( qui antè inhiberi
Tjon poterantî ) » ita in fpiritu
vfhementi ad omnia fereban-
wir , poil ad tintam ignaviam
«Acvstuerunt. ut ( fccundtim il-
cœperint , nunc carne confnra-
roentur ; quàm tiirpe iniere fœ-
d,u s eu m fuis corporibus , qui-
bus crudcle antè indixeranc
bclliim. Videas proh piidor
importuné fuperflua qusrcfe ,
qui priùs necelTaria obAinatilI-
liià, A^orioli , ) cun r^irivu l ùmi rt^cufabjupç-!
fur les Commandemens de Dieu, 419
Il eft fort à craindre que les perfbnnes à qlii leur
f.intaifie fait faire des auftéritcs excefTives , ne met-
tent trop leur confiance dans les exercices corporels
& qu'elles n'ayent pas afTe/. de foin des fpirituels , aux-
quels l'exercice de ces auftérités eft fouvent un em-
pcchernent ; cette confiance cl\ contre ce que TA-
potre nous enfeigne au chap. 4. de la première à Ti-
mothée , que les exercices qui ne regardent que le
corps font peu utiles ; mais que la pietc efl utile à
tout f.
Il peut aufTï y avoir beaucoup de témcritc & de pré-
(bmption dans la conduite de ces personnes , en ce qu'el-
les fe croyent capables de flipporter les fuites de ces
auftéritcs indifcretes, quoiqu'elles n'ayenr pas alTez. de
forces pour cela.
L'amour de nous-mêmes efl' mauvais & déréglé ,
quand il tend à jouir de nous-mcmes, qu'il s'arrête en
nous , & que nous ne le rapportons point à Dieu com-
me à notre fin dernière ; car l'iiomme n'étant point
fbn propre bien & n'ayant point été créé pour lui-mc-
me, il ne peut légitimement Ce rapporter à lui-mcme :
cet amour cil la fource de tous les péchés de l'homme.
On le nomme ordinairement ameur-proprc ou amour
de cupidité.
Tel efl l'amour des perfbnnes qui nefe font aucune
violence pour furmonter le<; inclinations de la nature
corrompue , qui ne veulent fbuftrir aucune adverfîtc,
ni porter aucune croix, qui, au contraire, ne pen-
Cent qu'à (atisfaire leur orgueil, leur (enfualité ou
leur curiofîté , qui ont tant d'amour pour cette vie
prélente , qu'ils ne défirent point d'aller jouir de Dieu
dans le Ciel. L'amour que ces gens-là ont pour eux
cft très - criminel , puiffju'ils font confifler leur bon-
heur dans la vie préfênte , & qu'ils mettent leur fin
dernière dans les plaifirs de cette vie; ce qui eH trcs-
injurieux a Dieu, qu'ils abandonnent pour s'attacher
uniquement à la créature. Cet amour leur eft préju-
diciable à eux-mcmes , les rend malheureux , leur
/Corporalisexcrciiatio, 3(1 1 tcm ad omnia uriiis cft,
moiiicucn luilis^eit :pietas au- I
s vj
420 Conférences d*Angerr,
faifânt perdre Dieu qui eft notre véritable & unîquô'
bonheur. Il efl donc vrai de dire que par l'amour dé-
réglé de fbi-méme rhoinme fe hait plutôt qu'il ne
s'aime ; car s'aimer , c'eft vouloir procurer à Ion ame
& à Con corps la jouiflance des biens qui peuv"ent les ^
rendre heureux, qu'on, ne trouve qu'en Dieu , & dont
l'homme s'éloigne par l'amour déréglé de foi-méme.
Pour éteindre en nous cet amour déréglé de nous-
mêmes qui poufle tous les jours de nouvelles racines,
parce qu'il eH: conforme aux préjugés de la coutume,
de l'éducation & de l'exemple , &. à l'inclination de
la nature corrompue , Jefus-Chrift nous ordonne de
nous faire continuellement violence , de nous haiç:
nous-mêmes & de mourir à nous-mêmes.
FJn du premier Volume ^^
.^^
4^*
TABLE
Alphabétique des Matières
Traitées dans le premier Tome des Conférence^
fur Us Commun démens de Dieu.
ADORER , ce que c'efî. • page ii^
Combien y a-t-il de fortes d'ador?-tions f iz<y
On doit adorer Dieu inténeuremeiat Se extcrieure-
uient, 127
On doit adorer Dieu en efprit & en vérité. 118
L'Adoration en efprit exclut-elle les cérémonies ?.
'AMOUR de Charité & d'efpérance ^ en quoi difFe-
rcnt-ils ? Sp
Il nous efî commandé d'aimer Dieu, 5? 5
EQ-ce un précepte particulier? loo'
Il faut aimer Dieu par-delTus toutes cho(ês. ^ i & 5)4
L'amour doit nous faire drefler toutes nos inten-
tions vers Dieu , & lui rapporter toutes nos adions.
On n'cfi pas fans amour pour Dieu , quoiqu'on ait'
de la fènfibilicé pour les créatures. ^8
Sommes-nous obligés d'aimer Dieu d'un amour ef^
feftifi' 10 1
Produit-on des a*5les d'amour de Dieu , parce qu'on
en prononce des formules. lox
Ed-on obligé de produire fôuvent des ades d'amour
de Dieu. ibid^
Quand fommes-nous obliges d'en produire ? 10;
En quelles occafîons péche-t-on contre rameur dû
a. Dieu f. >o^.
4-22 Table Alphahitique
L*amour de nous-mêmes eft-il légitime f 4f4
A quoi nous oblige l'amour de nous-mêmes?
416 & fliv»
Quand l'amour de nous-mêmes efl-il mauvais?
APOSTASIE, ce que c'efî. "^53
Combien y a-t-ii de Ibrtes dApoftafîes? ibid,
ARTISANS , voyez Œuvres ferviies.
ASTROLOGIE, ell-clle permifef 173.
■ Peut-on s'en fervir pour connoître les adions libres.
^es hommes ? j 7 ?
L'Aftrologie judiciaire ell unefûperflition condam-
née par toutes les Loix. I7i,& 172
AUGURES &Aurpices , font-ils défendus? 176
Les Augures naturels font-ils condamnés.'* 177
La crainte qu'on a pour les lignes de mauvaile atti-
gure , eft-eile criminelle. 178
B
BARBIERS , peuvent-ils rafer les Dimanches & le?
Fêtes f 40 f
BLASPHEME , ce que c'ell. 2 6 f
Combien y a-t-ilde manières de blafphémer? z6z
On doit expliquer en Confelfion de quelle manière
on a blafphémé, 2^4
Commet-on le blafphémé contre les Saints? 265
Efl-ce blalphémer que d'attribuer a la créature ce
qui ne convient qu'à Dieu? 26e
Elî-ce un péché que de mêler le nom de Dieu dans
fès diicours ? 267
Le blafphême eil: un crime énorme & plus grand
que le parjure. 268
Le blafphême peut-il n'être qu'un péché véniel?
z69
Deux caufes rendent le blafphême indélibéré. 270
Pour que le blaiphême (bit fait avec délibération ,
cft-il nécelïiiire qu'on ait une attention direde d'in-
jurier Dieu ? 1 7 T
Quand le bla%hême eû-il cas réfervc ? ihid^
des Matières. ^ij
On doit impofcr de rudes pénitences aux Rlalphc-
matcurs. 172. & 175
Les Rois de France ont prononce diverlès peines
contre eux. 27 j
BOHEMIENS , on ne doit point s'arrêter à- leurs,
prcdiftions. 176
BOUCHERS , peuvent-ils vendre de la viande les
jours de Dim.inchcs & de Fêtes f 386
BOULANGERS, peuvent-ils faire cuire le pain
dans ces lliints jours f 385
Peuvent-ils vendre du pain ? 386
CHARITÉ, coque c'ert. U
La Charité nous tait aimer quatre choies. -«Ji
La Charité habituelle eft nccefTîiire, 5J5
L'aduelle eft-elic au(fi nécellaire f ^^
CHIROMANCIE, eil-elle Tuperflitieufe ? 17^
CHIRURGIENS , peuvent-ils faire leurs fondions
les jours de Dimanches & de Fêtes f 350
COMMANDEMENS affirmatifs& négatifs , queK
le diflêrence entre les uns S: les autres ( if
COMMANDEMENS de la première & féconde
Table. i;
CULTE que nous devons à Dieu, en quoi confîA
te-t-il ï 1 8
Le culte des Saints efl-il contraire au premier Com-
mandement f 11g
Qu'efl-ce que le culte pernicieux? 151 & 157
Qu'e.l-ce que le culte Tuperflui* ibid*
Le culte fuperllu eQ-il toujours péché mortel? 159
On doit avertir les perfonnes dévotes qui pratiquent
un culte fuperflu. ibid».
0
DECALOGUE , abbrégé de ce que nous devon:?
f.
aire. i
Dieu cfl l'Auteur du Décalogue» i.
4f54 Tabte Alphabétique
Le Décalogue ell renfermé dans les deux préceptet
de l'amour de Dieu & du prochain. 4
Pourquoi Dieu différa de donner le Décalogue par
'écrit. 5
Efl-on obligé de fcavoir le Décalogue ? 7
Eil-on obligé d'obferver le Décalogue? 9
Les Chrétiens pechent-ils en n'obfervant pas le Dé-
ialogue .<' 1 1
Par quel motif doit-on obferver le Décalogue f i z
DÉSESPOIR , ce que c'ell. 73
Eft-il toujours accompagné de penfées contraires à
îa Foi? 75?
Le défefpoir peut-il être péché véniel ? 80
En combien de manières peche-t-on par défefpoir l
DEGOUT des chofes fpirituelles contraire à la Cha-
ïlté ; ce que c'efl. 107
DÉVOTION, Tidie de Religion. m
DlJ\iANCHE, que doit-on faire pour le fàndifier?
350 & fuiv.
Suffit-il d'entendre la MefTe , eft-on obligé d'aftîiler
ià Vêpres ? 3 5 I , 3 5 3 €>" fuiv.
Ceux qui paflent les Dimanches & les Fêtes dans les
divertifTeniens , profanent ces fiiints jours. 3 6z
Les danfes & les feflins publics font-ils permiisdans
ces fàints jours? 363 & fuiv,
Efl-il permis de fréquenter les cabarets dans cej
jours? 366 & fuiv,
Efl-il permis d'aller à la chafTe & de pécher dans ces
jours? 37c & fuiv.
On doit obferver les jours de Dimanches & de Fê-
tes d'un minuit à l'autre. 378
Il y a pîufieurs occafions où les Artifms, les Maî-
tres & les Maîtrefles pèchent contre la fànftiiication
des Dimanches & Fêtes. 375> & fuiv,
Efl-il défendu de s'exercer aux Ans Libéraux le?
jours de Dimanches & de Fêtes ? 383
Pour quelles caufes efl^il permis de travailler dans
ces fàints jours ? 3 84
Jjà néceliité publique 3c la particulière rendem-elles-
des Matières. 42 5*
le travail permis dans le tems de la moiflon Se des ven-
danges? 388 &Juivm
Quelles medires doit-on garder quand on efl obligé
de travailler les Dimanches & Fêtes ? 351
Quelles personnes doivent empêcher la profanation
de ces (àints jours ? ^^i & ftiiv*
Les enfans & les (erviteurs qui profanent les Di-
manches & les Fêtes font-ils excufables ? 415
Les Cures peuvent-ils accorder la permifTion de
travailler dans ces (aints jours. 3^i
DISPENSE des vœux ; l'Eglifè peut-elle l'accor-
der? 3io
Les Evéques ont-ils ce pouvoir? 312
Quels font les vœux dont la difpenfê efl réfervée au
Pape? ^ 315
Les Evéques peuvent-ils difpenfêr quelquefois des
vœux réfèrvés au Pape? ibid & fuiv.
Peuvent-ils difpenfêr d'un vœu conditionnel après
la condition accomplie? ^lô
Les Vicaires Généraux peuvent-ils dilpenfer des
vœux ? 3 i 8
Les Prélats Réguliers peuvent ils difpenfêr leurs
Religieux de leurs vœux? ibid»
Doit-on accorder la difpenfe d'un vœu fans rat-
ion ? _ ^ ihid.
Une difpenfe accordée fîins caufê, fêrt-elle devant
Dieu ? ^2,9
Que doit faire celui qui veut demander la difpenfe
d'un vœu ? ^ //,/i.
Peut-on faire vœu de ne point demander de difpen-
^^ • . , . 330
Quelle différence y a-t-il entre difpenfêr d'un vœu
& le commuer ? 2 , ^
Ceux qui ont le pouvoir de difpenfêr d'an vœu ,
Oîit-iis celui de le commuer? ^31 & -t-y^
Quelles font les caufes pour difpenfêr des vœux ?
33?
Accorde-t-on toujours la difpenfe pure & /împl«
d'un vœu ? ^^^
Comment fe doivent componer les ConfeiTeurs 4
^.26 Table Alphabétique
qui Ton accorde le pouvoir de difp enfer ou de cont*
îîiuer les vœux f 33 ^ voyez Vœu.
DISTRACTIONS dans la prière, fbnt-ce toujours
des péchés i* t-to
DIVINATION , ce que c^efl. 1 67
La divination eft-elle illicite ? 16^
Efl-il permis de conlulter les Devins? 17a
Combien y a-t-il de genres de divinations ? 171
La divination par le fort ell-elle permife ? 181
ESPÉRANCE , ce que c'eft. 6 8
La Foi & i'Efpérance font deux venus différen-
tes. 7 r
L'Efpcr-ance eft-elle mêlée de crainte ? 71
En qui peut-on mettre fon efpérance f '73
Efl-il nécefîaire de produire des a»5les d'Efpérance ?
74
Quand fomnies-nous obligés de produire des aâes
d'Efpérance? 7^
Comment péche-t-on contre l'Efpérance? 78
Quels font les remèdes aux péchés , qui font con-
tre l'Efpérance ? 88
F
FESTES, l'Eglifê peut en infîituer. 345
Elle en a inflitué dès fôn commencement. 344
Les Fêtes ont été inflituées de différentes maniè-
res. . , , ^^'^
On efl obligé de les fêter toutes. 34*^
Même quand il n'y a point de fcandale à craindre.
347 ù'fiiiv»
Du retranchement des Fêtes. ilid. & fuiv.
La puiffance féculiere concourt à rétabliffement S:
au retranchement des Fêtes. 349
Efl-il permis de tenir des foires ou marchés les jours
de Dimanches & de Fêtes. ^99 & fuiv.
FOI THÉOLOGIQUE, ce que c'efl. 17, J9^
Comment divife-t-on la Foi? iv» & -ï
Pour avoir la Foi , faut-il un confèntement de Feu-
des Matières. 427
îcndement & une motion de la volonté f 25
La Foi eft nécefl'aire pour le Qlut. i6
Eft-on oblige d'avoir une Foi explicite de tous les
Myderesi* 25?
De quels Myfleres doit-on avoir une Foi diftln<fle
& explicite ? 3 r & 3 3
Ceux qui ignorent les vérités de Foi , ou qui né-
gligent de les apprendre péchent-ils ï 34
reut-on leur donner l'ablolution ? ihid*
Tous les Chrétiens font-ils également obligés de
f^avoir & de croire les vérités de Foi ? 35"
Efl-on obligé de produire des a(fles de Foi ? 36
En quel temps efî-on obligé de les produire? 3^
Eft-il permis de douter des vérités de Foi ? 41
Comment juge-t-on que les doutes fiir la Foi font
involontaires ? ' iùid,
Eii-on oblige de profelTer extérieurement la Foi.
44 & 46
Y a-t-il obligation de la confefrer en toutes ren-
contres f iùidy
EH-il permis de nier ou de difTimuler fa Foi? 47
En combien de manières nie-t-on la foi extérieu-
rement ? ibid»
Tout Chrétien eft-il obligé de difputer pour déten-
dre la Foi? 50
Quels font les péchés qui font oppofés à la Foi ?
5 I & fiiivm.
Les entretiens trop libres fur les matières de Foi
(ont criminels. 67
H
HÉRÉSIE , ce que c'efl. f 3 & f ^
Quand un Catholique efl-il cenfé devenu héréti-
que ? ^ ^ ^^
Quand l'Hcré/îe efî-clle un cas réfervé? 59
EH-on Hérétique pour avoir avancé une Propo/i-
tion hérétique ? ihid.
Les Evcques peuvent-ils abfoudre de THéréfie ?
ihid.
Quel ell fur cela le fentiment des Eglifes de Fran-
ce ^ ' c^
^2S Table Alphabétique
X.a leâure des Livres hérétiques efl-elle défendue?
Les Evoques de France peuvent-ils permettre la
lefture des Livres hérétiques ? 66
Les Do(5^eurs en Théologie ont-ils le privilège de
lire les Livres hérétiques ? ibid»
HOROSCOPES, doit-on y ajouter foi. 175
HUISSIERS, voyez PROCUREURS.
IDOLATRIE eft une fuperftitîon. i6^
Combien y a-t-il de fortes d'idolâtries? t6\
IMAGES des Saints peut-on les révérer ? 134
Qu'ell-ce qu'il faut obferver à l'égard des Images
<des Saints qu'on expoie dans les Egiifesi* 13 f
Que doit-on faire des Images qui font difibrmes ?
ibido
IMPIÉTÉ , ce que c'ef!. 1 1 1
IMPRÉCATIONS , font-ce des juremens ? 263
INFIDÉLITÉ 5 ce que c'efi, & combien y en a-
t-il de fortes ? 5 ï
JUBILÉ , comment les Confelfeurs doivent-ils y
difpenfer des vœux l 336
JUGES & autres gens de Palais v peuvent-ils faire
des ades de Juilice les jours de Dimanches & de Fê-
tes? ^7 -^ y ^oS & fuiv,
JUREMENT , ce que c'efl. _ z i î
Le Jurement efl-il un ade de Religion ? zi6
Eft-ce jurer de dire, ma foi ^ ^'^9
Efl-ce jurer que de dire , devant Dieu , en vérité,
foi de Chrétien ? ibid.
Le feul mot/wro, ell-ce un jurement :
22
EH-ce jurer que de dire, fardi, mordi , Ibid. & 1^24
Peut-on jurer par les créatures ? 2-2.1
Combien y a-t-il de fortes de juremens ? 222 & 22 <
Eft-il permis de jurer? . ^"^
Quelles conditions doivent accompagner le jure-
jTient? _ --S
Efl-îl permis d'ufêr d'équivoques , ou de redridioni
iîn jurant? 234^' '-3^
des Madères. 429
Ell-11 permis de jurer (ans intention de s'obliger?
Peut-on exiger le ferment d'un homme, quand on
croit qu'il jurera faux ? ^ ^ 237
Qui font ceux qui font cenfés jurer tcmérairemenc
Se fms ncceffitc? ^ 139
Que doit-on penfer de ceux qui (ont dans l'habi-
tude de jurer ? 241
Doit-on leur donner l'abfblution ? ibid. & 243.
Les Juges doivent ctre circonfpeds à exiger le (er-
jnent des parties. 241
Eil-on obligé d'exccuterle jurement qu'on a fait de
faire un mal ? 245
Peut-on (ans péché ne pas exécuter les juremens
promiffoires qui regardent des chofes juftes & honnê-
tes ? ' 24^
E{î-ce un péché que de ne pas exécuter le jurement
qu'on a fait par crainte & par force f 248
Peut-on ne pas exécuter un jurement fait (îins in-
tention de s'obliger ? 2^0
Quelles caufes empêchent que le jurement ne pro-
duife f obligation de le garder ? 2^1
Un jurement fait par erreur oblige-t-il ? ibidm
Quelle obligation engendre un jurement fait en ter-
mes généraux ? • 2J2,'
Quelles conditions ou refîriftions (ont (ôus-enten-
dues dans les juremens ? z^?
En quelles occafîons arrive-t-il de la part de la
matière du jurement, qu'on ne (bit pas obligé de le
tenir ^. 2^^
Quelles caufes font ceffer l'obligation contraâée
en jurant.? i^^
L'Eglife di(pen(e-t-ellc du jurement promi(foire l
ibid, 8c i$S
Pour quelles caufes en di(pen(ê-t-elle? 2f 8
Peut-on à (a volonté changer un jurement promit-
ibiref 1^0
M
MAGIE, ce que c*e(l, & combien en diftîngue-
|-on d'efpeces i J63 &Jitiv0
i^^O Table Âlphahétl^iit
La Magie eft un péché exécrable. i 64.
Quand la Magie eft-elle un cas réfervé ? 16^
La Magie artificielle eft quelquefois criminelle ?
ibid.
Comment peut-on diflinguer la Magie naturelle
d'avec la noire? i65
MAGISTRATS , voyez JUGES.
MALÉFICE , ce que c'eft. jç)p
Eft il permis de fe fervir de Maléfice? 200
Peut-on accepter l'offre d'un Sorcier qui veut oter
im Maléfice? Z03
MARCHANDS ^ peuvent-ils vendre les jours de
Dimanches & de Fêtes tenans leurs boutiques fer-
mées ? 404
Les petits Merciers peuvent-ils aller vendre leurs
marchandifes dans ces faints jours ? 35)5'
MESSE , on doit l'entendre les Dimanches & les
Fêtes. 355
Pêche-t-on mortellement quand on y manque ? 3 f f
Satisfait-on à fon devoir quand on n'entend qu'une
partie de la Méfie. 356
Ffc-on obligé d'avoir de Tattention à la Mefre ?
Quelle eft la meilleure manière d'entendre la MeC-
ùf . .•, ^^ 35^
Les difira<â:ions pendant la Meffe (ont-elles toujour',
criminelles? 7,^9&fiih'.
Quelles caufès diipenfent d'afififier a la Méfie ?
360 & ftiiv,
MEUNIERS , peuvent-ils faire moudre le bled les
Dimanches & Fêtes f 388
MIRACLES , efi-il permis d'en publier de faux ?
Les Miracles doivent-ils être vérifiés par TEvêque
avant qu'on les publie ? 153
N
NOTAIRES, peuvent-ils inftrumenter les Jours de
Dimanches & de Fêtes f ^op &Jun',
des Matures. 4.3 1)"
O
VAINES OBSERVANCES , font-elles criminel-
les ? ^ r8f
Pcclie-t-on mortellement dans les vaines Obfervan-
ccs r* 186
VaVA permis d'obfêrver les tems ? 188
L'Obiervance des Hintcs ell-elle permifê ? ii?o
La vaine Oblervancc des choies lacrées eft-eile fli-
perllitfeufe ;* ip^
Peut-elle être excufce par les apparences de piété ?
197
ŒUVRES SERVILES , ce que c'efl. 365» &fttiv.
Quelles règles doit-on fuivre pour juger quelles œu-
vres font défendues les Dimanclies Se Fctes i* 371
Quelles œuvres (erviles font défendues dans ces
jours f 373
Ell-ce un péché mortel de s'occuper les Dlmanchesi
&les Fctes à des œuvres ferviles ? 377 & fuivm
Quelles œuvres fêrviles (ont permifes les jours de
Dimanches & de Fctes l 381
Les ouvriers ou artifàns , comme les Cordonniers ,
Tailleurs , Marécliaux , peuvept-ils travailler les Di-
manches & les Fctes? 35)0 ù" fîiiv*
ORAISON, ce queVefl. iir
ORAISON DOMINICALE, tout Chrétien eft-il
obligé de la Icavoir j* 3 i
Que doit-on penfèr de certaines Orailbns dont on Ce
Tert pour guérir les malades ? 1514
OUVRIERS, voyc^ ŒUVRES SERVILES.
PACTE exprès ou tacite avec le Démon , ce que
c'eft? ^ 141 & fuiv.
Comment juge-t-on qu'il y a Paâe avec le Dé-
mon ? 142,
PARJURE, cequecVa. az8
Les diflcrentes efpeces du Parjure. zi^ & 130
Le Parjure efl de foi péché mortel, ibtdm
■-J-52 Table Alphabétique
Quel Parjure eu un cas réfervéf 15I
Le Parjure peu:-il n'être que véniel ? 235
Efl-il permis quelquefois de jurer à faux ? ihid.
Le jurement qui n'eft pas fait avec juflice ou juge-
inent , ell-il un Parjure ? 144
PAROLES , peut-on s'en (êrvir pour des remèdes f
PARREINS & MARREINES obligés d mflrufrl
leurs filleuls. 3 i
PATISSIERS, peuvent-ils travailler les Dimanches
& les Fctes ? 5S7
PERES &: iMERES font obliges de fanftifier les Di-
manches & Fêtes , & de les faire lândiiîer à leurs en-
fans ou domefliques. ^11 &fuivm
PHYLACTERES ou PRÉSERVATIFS font -ils
permis f 15)3
PRÉSAGES fondés liir certaines rencontres , fiiperf
titieux» 177 &fuiv,
PRESOMPTION , péché contre l'efpérance. 78
Quand péche-t-onpar Prcfomptiouf 85
D'où vient la Préfbmption .' 87
PRIERE inicrieure S: extérieure. 114
y a-t-il un précepte qui nous oblige à prier Dieu l
En quel tems ce précepte oblige-t-il ? 116
Quelle attention doit - on avoir dans la Prière ?
11^, III
Qu eft-ce qu'on doit demander à Dieu dans la Priè-
re? i = -
Ced une fuperftition que d'attendre certains effets
de certaines Prières. i4î
PROCUREURS & autres gens de Palais , peuvent-
ils faire leurs fondions dans ces faints jours. 37? &
40P ^ fuir*
RELIGION , ce que c e(l , & quels en font les ac^
jgj^ 10^. ^110
RELIQUES des Saints, comment on doit les ho-
norer. ni?dr^;:.
Peut-on
vftzL
iiuiii
:':«i
de-
juun i^
:iîu!r!it Satom
Cn
■nr'-Tn:- i'r auuier . i
rr»v.
aer.
m .in UT? li::
J OUtîV l
r,*i^
i^-J^ Table Alphabétique
Quelles règles peuvent fèrvir à faire connoître le*
Superflitions î* 141
Y a-t-il de la Superftition à fe (ervir de paroles
de la (âinte Ecriture pour certains effets ? 145
11 y a Superflition à fe fèrvir de certaines prières*
... 145 ^ Î47
Quelle conduite doit tenir un ConfefTèur à l'égard
de ceux qui pratiquent des Superftitions ? 14^
SYMBOLE des Apôtres, tout Chrétien ell obli-
ge de le (çavoir. 31. ^ 31
Les Parreins & Marreines font-ils obligés de l'ap-
prendre à leurs filleuls i ibii.
TENTATION de Dieu, ce que e'ef!. zi%.
V
VCEU , ce que c'efl. 77^
La fîmple réfolution eft-elle un vœu ? ibid.
Le vœu doit être fait avec délibération. i8i
La matière du vœu doit-elle toujours être une bon-
ne chofe ? 278
Doit-elle étr^"j:fo{rible ? 281,
La liberté efl néceffaire pour la validité du vœu,
28^. & z88
Les vœux faits par erreur & par ignorance font-
îls toujours nuls ^ 28^
Un vœu fait à la fbllicitation d'un ConfelTeur efl-
il valide? 288
Les CQnfefTeurs doivent difficilement permettre à
leurs pénitens de faire des vœux ? 302
La crainte rend-elle toujours les vœux nuls.' 288
& fuir.
On dait juger de la validité d'un vœu par l'inten-
tîon de celui qui a voué, 2,5' i
Il y a plufîeurs fortes de vœux, -9^
Le vœu peut-il être acquitté par une autre per-
fonne que celle qui a voué i 2^3. -ZT [uh*
Le vœu eft-U toujours fokiïmel pour avoir été fait
en puL>iic^ ^^^
des Madères. 435*
Ed-on oblige d'exécuter les vœux ? 197, & fuiv.
Le péché qu'on commet en violant un vœu eft
trcs-grief. ^ ^ i5>8
Ce péché peut-il être véniel ? ibid & z(?p
Eft-on obligé d'accomplir le vœu à la première
commodité i* 300
Peut-on Ce prefcrire un temps pour accomplir ion
vœu? 301
Dans le doute /î on a fait un vœu , eft-on obligé
de l'accomplir ? 301
Ell-on obligé d'accomplir un vœu qu'un autre a
fait pour nous ? 305
La rénovation d'un vœu en fupplée-t-elle le dé-
faut? ihid & ^o<)
Le changement de la matière du vœu fait- elle
celTer l'obligation du vœu ? - 30e
Si on a lait différens vœux incompatibles , lequel
dcit-on accomplir? 307
Celui qui a fait vœu d'entrer dans un tel Monaf^
tere, eft-u déchargé de Ion vœu fî on refufè de l'y
recevoir? 309
A qui appartient-il d'irriter les vœux ? 310
Les Supérieurs peuvent-ils irriter tous les vœux de
ceux qui leur (ont fournis ? 3 1 1 C^ fiiiv.
Les Pères peuvent-ils irriter les vœux de leurs en-
fans ? 313 & fuiv.
Les Maîtres, ceux de leurs (erviteurs ? 316
Les maris, ceux de leurs femmes I ihid, & fuiv.
Peut-on irriter un vœu fans aucune caufê? 518
La profeffion religieufe décharge-t-elle de touc
vœu ? .31$?
Vœu de ne point (e marier, qui peut en difpenfer?
Voyez DISPENSES. 314. 31^
Voyages , font-Us permis les Dimîjnches & les
Fctes ? ^ 31^4. & fuiv,
Qu'eft-ce qu'on doit penfêr des voyages ou pèleri-
nages ? • 35?^
F/'/î de la Tabk des matière: dit Tome ^remîerm
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Conférences ecclésiastiques du iQk
^iocèse d'Angers... .A5
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