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BELGIQUE HORTICOLE,
JOURNAL DES JARDINS.
I.iégo. — Imp. de J.-G. Lardinois.
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jiai m,mm:
LÀ
BELGIQUE HORTICOLE,
JOURNAL DES JARDINS,
DES SERRES ET DES VERftERS,
Charles MORREN,
Docleur en sciences, en philosophie naturelle et en médecine, Professeur ordinaire de botanique et d'agri-
culture à l'université de Liège, Directeur du jardin botanique, Chevalier de l'Ordre de Léopold, de
l'Ordre royal et militaire du Christ, de l'Etoile Polaire de Suède et de Korwége, de l'Ordre royal de
Danebrog, de ia Couronne de Wurtemberg, de la Couronne de Chêne, etc., Membre titulaire de l'aca-
démie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, Membre du Conseil supérieur d'agri-
culture du royaume, Membre honoraire de l'académie royale de Dublin, Correspondant des académies des
sciences de Breslau, Florence, Madrid, Naples, Padoue, Rome, Turin, de l'académie royale d'agriculture
du royaume de Sardaigne et de Piémont, Membre honoraire de la Société générale d'Agriculture des
Pays-Bas, de l'Académie impériale des sciences de Rouen, de la Société royale d'encouragement de
l'horticulture des Pays-Bas, du Cercle agricole et horticole du Grand-Duché de Luxembourg, Associé
ou Correspondant des Sociétés impériales ou royales d'agriculture et de botanique de Barcelonne,
Berlin, Bruxelles, Caen, Chartres, Clermont-Ferrand, Cherbourg, Dijon, la Drenthe, Edimbourg, Gand,
Groningue, Halle, Heidelberg, Leipzig, Mâcon, Malines, Marbourg, la Moselle, Paris, Ratisbonne,
Roslofc, Rotlerdam, Rouen, la Sarthe, Silésie, Strasbourg, Stockholm, Utrecht, Valence, etc.
ET
Edouard MORREN,
Docteur en sciences naturelles, candidat en philosophie et lettres, Membre de la Société impériale et cen-
trale d'horticulture de Paris, Membre correspondant de l'association britannique pour l'avancement des
sciences. Membre honoraire de la Société d'horticulture de Toscane.
TOME VI.
LIBRART
NEW YORK
BOTANICAL
GAROEM
LIÈGE,
A LA DIRECTION GÉNÉRALE, HUE LOUYKEX, 71.
185G
en
I
PROLOGUE
CONSACRE
A LA MÉMOIRE DE JEAN KICKX,
17 35-1*31. NEW YORK
BOTAN1CAL
La botanique, qui apprend à connaître les plantes dans leur nature
intime, dans leurs rapports entre elles et avec toutes les choses créées, et
l'horticulture qui les observe pour les entourer des meilleures condi-
tions de végétation, qui réunit dans un espace restreint toutes les es-
pèces que le Créateur avait disséminées sur la surface entière de la terre,
qui étend sans cesse le domaine des végétaux utiles, qui les change
et les perfectionne suivant les différents climats et les besoins de
l'homme et qui parvient même à modifier profondément l'aspect
d'une contrée , par la lutte victorieuse du travail contre la na-
ture sauvage, sont deux sciences sœurs étroitement unies, s'entr'aidant
sans cesse et marchant ensemble d'un pas rapide vers un but commun.
La botanique, c'est-à-dire la connaissance des plantes, a vu naître l'hor-
ticulture, elle a guidé ses premiers pas, l'a élevée dans ses préceptes, lui
montre souvent des horizons nouveaux, augmente ses richesses et ses
moyens d'action, s'efforce toujours de répondre à ses questions et d'ex-
pliquer ses trouvailles. L'horticulture reconnaissante conserve et cultive
par des soins incessants les plantes dont l'étude appartient à la bota-
nique, et presque toutes les plantes que des voyageurs intrépides dé-
couvrent dans des régions encore inexplorées sont reçues dans les
"îni collections horticoles; il est bien peu de découvertes physiologiques qui
ne trouvent leur application immédiate dans la culture, et celle-ci en pro-
voque souvent de nouvelles; les variétés et les hybrides sont nées de
l'horticulture. On peut dire avec justesse, depuis quelque temps surtout,
ZD q«e l'horticulture est la botanique mise en pratique, elle sert à répandre
î* et à diffuser les principes de la science, précisément parce qu'elle cons-
titue l'application immédiate de ces principes. Les botanistes les plus
éminentsde tous les pays ne dédaignent plus de rédiger des journaux
d'horticulture dans lesquels ils décrivent les plantes qui se distinguent
— VI —
par quelques mérites, mettent à la portée de tous les connaissances
scientifiques directement utiles, et font connaître les résultats de leurs
recherches sur des faits d'un intérêt plus ou moins général : ce sont
Lindley, Hooker et Moore en Angleterre; Decaisne et Duchartre en
France; F.Otto, Regel, Reichenbach, C. Koch, etc., en Allemagne;
DeVrieseen Hollande; le Ch. Parlatore en Italie; Planchon, Galeotti et
Ch. Morren en Belgique. Grâce à celle haute direction, l'horticulture
s'appuie sur les véritables méthodes scientifiques, et elle s'est acquis une
haute importance.
Il est donc juste qu'elle témoigne des sentiments de sa vive recon-
naissance à ceux qui ont contribué aux progrès delà botanique; les
adeptes de l'une sont les bienfaiteurs de l'autre.
Lorsqu'après 1735 Linné eut jeté les fondements de son immortelle
conception sur le système de la nature, l'Europe scientifique tressaillit à
sa voix si ferme, si sage et surtout si riche en fécondes idées. Réforma-
teur ardent, connaissant les choses et les hommes, il commanda bientôt
en maître; ses disciples propageaient ses doctrines; l'Asie mineure,
l'Egypte, la Chine, le Japon, le Malabar, les deux Amériques sont ex-
ploités en son nom par des hommes, devenus célèbres à leur tour, aux-
quels il avait inculqué ses principes.
A cette époque qui donnait à l'une des plus importantes branches des
connaissances humaines une direction que les siècles ne changeront plus,
la Belgique, il faut l'avouer, ne comptait pas un naturaliste digne de ce
nom. La France pouvait citer avec orgueil son Bernard de Jussieu, son
Adanson; en Allemagne les grands noms abondaient; un petit pays
comme la Suisse avait produit Haller; la Hollande, où Linné lui-même
avait trouvé ses premières ressources contre le malheur et ses premiers
encouragements à de plus brillants succès, la Hollande avait Boerhaave
et Adrien Van Royen, auquel reviendra toujours la gloire d'avoirclassé,
le premier, les phanérogames d'après le nombre de leurs cotylédons.
La Belgique semblait alors osciller entre l'Allemagne qui élevait Linné
aux nues et la France, où Adanson et Buffon le méconnaissaient; mais
en vérité elle n'avait pas de dignes successeurs des Spiegel, des Dodoens
et des L'Ecluse.
Cette malheureuse circonstance eut pour résultat de ne voir importer en
Belgique les idées linnéennes que vers le temps même de la mort del'Aris-
totedu Nord. En 1774, Linné fut frappé d'apoplexie, et quatre ans après
il mourut. En 177o, naquit à Bruxelles Jean Kickx, qui, avec Van der
Siège de Putte, Du Rondeau, Roucel, Rozin et Dekin, peut être compté
parmi les plus ardents propagateurs dans nos provinces des doctrines
suédoises. Kickx elDekin sont même les deux savants qui ontimprimé au
— VII —
commencement du dix-neuvième siècle le caractère que portèrent alors
les sciences naturelles en Belgique. Par la publication de ses ouvrages, ou
par la persuasion de l'enseignement, Kickx établit en Belgique la domi-
nation littéraire que la réforme de Linné avait étendue si promptement
sur le monde civilisé. Si dans aucune science on ne peut citer une doc-
trine nouvelle qui eut, comme celle du botaniste de Rashult, une exten-
sion aussi rapide et une influence aussi forte, c'est que non-seulement elle
était bonneen elle-même, mais c'est que la précision et lavéritédeses vues,
le charme de sa poésie, toute laconique mais plus pleine d'images par la
pensée que par la parole, l'universalité de son application inspiraient à
ceux qui l'entendaient une vraie passion et par suite un grand pouvoir
sur les esprits. »
Jean KickxnaquitàBruxellesle9marsl775. Son pèreétait pharmacien;
il le perdit à l'âge de six ans et sa mère le destinait à la même profession.
De bonne heure ses idées se tournèrent donc vers l'étude des langues an-
ciennes, des sciences chimiques, physiques et naturelles dont l'art du
pharmacien est une constante application. 11 faut remarquer qu'à celte
époque, il était bien difficile à un jeune homme d'acquérir des connais-
sances dans ces parties; Bruxelles n'avait pas d'enseignement; c'était
tout au plus si quelques minces fractions des sciences naturelles étaient
enseignées à l'Université de Louvain ; on faisait soi-même son éducation
scientifique sous le patronaged'un maître apothicaire. Cependant le jeune
Kickx, à l'âge de 48 ans, fut reçu pharmacien par la corporation confé-
rant le diplôme de cet état (20 juillet 1793). Le diplôme dit qu'il fut
reculer lofflyk, c'était la maxima cum lande ou la plus grande distinc-
tion du nouveau style. L'académicien Du Rondeau, qui s'occupait de
chimie, de botanique, d'économie rurale et d'anatomie comparée, re-
marqua l'instruction du récipiendaire et en parla au baron Vanderslege
de Putte, l'ancien amman de Bruxelles, dont les écrits sur l'histoire na-
turelle avaient été les premiers guides de Kickx dans l'élude de celte
science. Bientôt une amitié, basée sur une estime réciproque et sur la
communication de ce que l'on savait, cimenta les liens entre ces trois
hommes remarquables. La réputation de Kickx était déjà si bien établie,
lors de l'invasion française, que le nouveau gouvernement, sans doute
sur l'avis de Van Hullhem, alors député à Paris et consulté à l'égard de
l'instruction publique qui devait être organisée dans nos provinces, le
désigna pour la place de professeur de botanique à l'école centrale d'An-
vers. Mais celui-ci déclina l'honneur qu'on voulut lui faire, et un élève
de Daubenton, d'ailleurs bruxellois de naissance, Adrien Dekin, fut
nommé à cette chaire.
Bientôt les écoles centrales tirent place aux académies, ces fractions
— VIII —
de la grande Université Impériale de 1807, université qui se ressentait
de son origine; elle était plus militaire que scientifique. Kickx s'occu-
pait en silence de ses études, vivant dans sa famille et n'accceptant tout
au plus du gouvernement français que la modeste place de membre du
jury médical de son département, charge qu'il reçut en 1805 et dont il
fut revêtu jusqu'à la chute de l'empire français en 1814.
En 1788, l'Académie impériale des sciences avait proposé un prix
pour faire « indiquer les plantes qui croissent spontanément dans les
Pays-Bas Autrichiens dont il n'avait été fait mention par aucun des
auteurs tant anciens que modernes qui avaient écrit sur la Botanique
des dites provinces ou des pays voisins. » Dès cette époque on sentait
donc le besoin d'une flore nationale; Boucel répondit à cette question et
en 1792 il fit paraître son Traité des plantes les moins fréquentes en Bel-
gique. Cet appel et cette publication durent frapper l'attention de Kickx,
qui s'était lié d'amitié avec le vénérable Van Mons, notre immortel po-
mologue; dès 1796, il commença des herborisations suivies dans les
environs de Bruxelles, et c'est à cette circonstance et aux prières de
Van 3Ions que nous devons la Flora Bruxellensis , le premier ouvrage
que Kickx fit paraître.
Ce travail est le fruit de seize années d'herborisations dans un rayon
de deux lieues autour de Bruxelles ; il est très-consciencieusement fait :
fide alienanihil propono,nam plantas relatas ipse vidi et collegi,ei il sera
toujours consulté comme un document utile. Les espèces citées sont au
nombre de 823 , rangées dans l'ordre du système Linnéen, mais mal-
heureusement mutilé d'après la plus mauvaise édition, celle de Gmelin,
la XIIIe. — Les descriptions spécifiques et génériques sont extraites de
cet ouvrage; Kickx y a joint quelques synonymes d'ouvrages anciens, les
noms flamands et français et l'indication exacte des localités. La flore
est précédée d'un dictionnaire des termes techniques les plus usuels
dans le langage de la science. On en trouve un semblable non-seulement
dans la Flora herbonensis de Leers dont Kickx ignorait l'existence,
mais encore Boucel avait déjà fait la même chose dans son Traité des
plantes.
Plus tard (1) Kickx étendit jusqu'à cinq lieues le rayon de sa Flore, et
augmenta de 171 espèces le nombre antérieur de 823 (ensemble 994).
De même il revint en 1828 sur la classification de Gmelin qu'il avait
(1) Notice sur quelques plantes observées aux environs de Bruxelles. Comple-rondu
des travaux de la société des sciences médicales et naturelles de Bru\elles, 182(3 .
p. 9i.
— IX —
suivie d'abord (1). Un homme aussi consciencieux reconnaît facilement
ses erreurs.
En 1815, la Société royale de botanique et d'agriculture de Gand le
nomma membre et ce fut à cette occasion qu'il lui adressa l'année sui-
vante une Notice sur la germination, travail qui est resté inédit, mais
que l'on peut consulter aux archives de cette société. On possède plu-
sieurs moyens d'accélérer la germination des graines, tels que l'emploi
du chlore , du charbon de bois pulvérisé, de l'eau chaude, un commen-
cement de fermentation, etc. Kickx songea, dès 1816, à trouver un pro-
cédé applicable à l'agriculture; ce procédé consiste, il est vrai, dans
l'emploi d'une singulière recette. La voici : On mélange de la fiente de
pigeon, de poule, du crotin de cheval, de vache, de mouton, de la cendre
de bois et de l'eau, on laisse macérer pendant 5 à 6 jours, on chauife et
on y trempe la graine pendant 36 heures, puis on la fait sécher au vent
et on sème. Le persil, qui met 40 jours à germer, traité de cette manière
lève en 16 jours. L'auteur recherche en outre dans cette notice quelles
sont les matières qui conviennent le mieux pour engraisser ou pour
amender chaque espèce de terrain.
L'Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles avait inter-
rompu ses utiles travaux depuis vingt ans; les changements politiques,
les révolutions avaient éloigné les hommes des paisibles occupations de
la science sans les progrès de laquelle il n'y a point de bonheur possible
pour la société. En 1816, cette institution centrale reprit ses séances, et
en 1817 J. Kickx fut reçu membre de la compagnie (2). Il paya son tribut
à ce corps savant par une Notice sur la découverte du gypse sélénite ou
sulfate de chaux cristallisé et d'une argile plastique inconnue jusqu'alors
dans le voisinage de Bruxelles (7 septembre 1818). L'impression de ce tra-
vail fut décidée, mais il est resté manuscrit. Cette découverte aurait eu
lieu au village de Hellik, sur la grande route de Bruxelles à Gand. Les
cristaux de gypse étaient limpides, sous forme de petits prismes hexaè-
dres, ayant deux faces opposées plus larges que les autres, ce qui
les faisait paraître un peu aplatis et terminés aux extrémités par
une troncature oblique sur les faces étroites.
En 1820, Kickx publia un second ouvrage de minéralogie, intitulé
Tentamen mineralogicum et destiné à servir de manuel élémentaire poul-
ies élèves, mais qui ne se distingue pas par les mêmes mérites que ses
publications botaniques. C'est une assez faible application des principes
(1) Résumé du cours de minéralogie et de botanique. Bruxelles, 1828, p. 220.
(2) Il fut nommé le ô mai 1817, agréé par le roi le 21 et introduit le 31 mai
suivant.
— X —
(le la méthode de Linné au règne minéral ; le maître lui-même n'avait
d'ailleurs accordé que peu d'attention aux corps inorganiques.
Nous avons dit que l'éducation de Kickx l'avait porté vers l'élude des
langues anciennes; il écrivait le latin avec pureté. Un de ses auteurs
favoris était César, et dans ses courses dans la province, soit comme
botaniste et géologue, soit comme membre de la commission médicale
chargé d'inspecter les pharmacies des communes, il aimait à retrouver
les traces des combats que nos ancêtres avaient soutenus avec tant de
gloire contre les Romains. L'historien Desroches avait placé à Wain-
beeck près d'Assche le combat des Nerviens contre Cicéron, après que
Cotta et Sabinus avaient été battus par Ambiorix. Dewez, un des amis
intimes de Kickx, croyait que Mons avait été le théâtre de la bataille.
Notre naturaliste, les commentaires de César à la main, retrouve toutes
les particularités topographiques citées par le général romain dans les
environs de Castre, village du Brabant, situé entre Bruxelles et Enghien,
au nord-ouest de Hal, village dont le nom même est le Castri locus des
anciens. Le 14 octobre 1820, il communiqua son opinion à l'Académie
sous forme de remarques publiées t. 2, p. LV des nouveaux mémoires.
De 1817 à 1819 Kickx avait été très-utile à l'Académie pour plusieurs
rapports dont il s'était chargé ; le plus remarquable est un précis sur
les moyens d'encourager dans le royaume V exploitation du salpêtre, sa
purification, l'établissement des salpétrières artificielles et la préparation
des poudres (4 sept. 1817). Le Ministre remercia publiquement M. Kickx,
pour ce mémoire qui avait été utile au gouvernement (1). Les autres
rapports roulent sur les méthodes de préserver les édifices des incendies
par le carton préservateur du baron de Cellier, sur les méthodes de
rendre imperméables à l'eau toutes sortes d'étoffes, draps, papiers, etc.
(Kickx proposait l'emploi d'un savon d'alumine pour cet usage; le même
moyen vient tout récemment d'être indiqué en France, et tous les journaux
l'ont accueilli comme une nouvelle découverte), sur la fabrication des
briques, sur les alunières de la province de Liège et sur les précipita-
tions des métaux. On voit que son activité s'appliquait aussi aux choses
immédiatement utiles aux arts et métiers.
Le 14 octobre 1820 , Kickx annonce à l'Académie que parmi les pa-
piers de son ancien collègue de Burtin s'était trouvé un mémoire, lu
autrefois à l'Académie sur le trou de Han dans le Luxembourg. Le
prince de Gavre et Dewez examinèrent ce travail et l'on sentit le besoin
d'avoir de nouveaux détails sur celte belle curiosité naturelle du pays,
(1) Voyez lt: rapport sur l'élat des travaux de l'Académie depuis 1816-1822, par
Dewez, nouveau membre de l'Académie, t. 2, p. LX.
— M —
la rivale de la fameuse grotte cTAntiparos illustrée par Tournelbrt. On
décida que MM. Quetelet et Kickx se rendraient à Han pour donner une
histoire détaillée de sa grotte : M. Quetelet se chargea d'en faire le plan;
c'était la première fois qu'une opération de ce genre était pratiquée en
Belgique. Kickx s'occupa de la description géognosique et physique et
joignit à la relation de sa promenade quelques détails sur la faune et la
flore du pays. La description topographique est traitée avec beaucoup de
soins et de détails, tandis que la partie géologique laisse à désirer. La
dissertation sur les traps stratiformes (7 janvier 1822), n'a pas laissé plus
de trace dans la science géologique. Enfin, pour en finir tout d'un trait
avec les publications de minéralogie que nous a léguées Kickx, citons
le Résumé du cours de minéralogie et de botanique publié en 1828. C'était
un petit manuel pour les élèves, destiné à épargner du temps aux leçons.
Après quelques généralités sur l'histoire naturelle et sur le règne mi-
néral, il y parle des principales espèces minérales rangées sous les classes
de pierres et terres, de substances salines, de substances métallifères et
de matières combustibles, adoptant ainsi la classification établie par
Avicenne, vers le milieu du XIVe siècle; il termine par un rapide aperçu
de géognosie et expose et discute les systèmes de classification de Berze-
lius, de Hauy et de Werner. Nous reviendrons plus loin sur le résumé
du cours de botanique.
Depuis 1821, Kickx livrait à l'Académie des observations de météoro-
logie, et en 1824, il lui présenta son Mémoire sur la Géographie physique
du Brabant méridional, où sont consignés les résultats de vingt années
d'observations sur les variations atmosphériques. On doit regretter que
ce zèle si constant et si louable ait perdu toute sa valeur par le peu de
connaissance de la physique de précision qu'on possédait alors. Kickx
observait avec un baromètre défectueux, dépourvu de vernier; il ne fai-
sait pas les corrections de température et de l'action capillaire; il perdait
ainsi le fruit de ses veilles, de son exactitude et de sa constance.
Comme chimiste, J. Kickx s'occupa aussi de la confection del'éther sul-
furique et de la liqueur minérale d'Hoffman (mémoire présenté à la so-
ciété des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, le 7 mai 1823).
Son but, dans ce travail, est de rechercher la transformation plus ou
moins facile des différentes sortes d'alcool en éther; il préfère l'esprit de
vin à l'alcool de grain.
Nous avons vu que les premiers pas de Kickx dans la carrière scienti-
fique l'avaient conduit dans le royaume de Flore. Il n'en aurait pas dû
sortir, car c'est incontestablement à la botanique qu'il a rendu les
services les plus vrais. Nous avons vu comment il s'était pénétré de la
doctrine de Linné et avec quelle ardeur il la partageait. Un malheureux
— XII —
épisode dans l'histoire des sciences en Belgique précéda l'arrivée de Kickx
au professorat; ce fut celui du 12 avril 1823, jour où coïncidèrent l'in-
cendie du Musée central de minéralogie et la mort subite de Dekin,
son directeur et jusque-là professeur de sciences naturelles de l'école de
médecine de Bruxelles. Cet événement interrompait les leçons; le con-
seil d'administration des hospices pria Kickx de les continuer, la voix
publique le désignait comme le seul successeur possible de Dekin. Mais
la nomination se faisait par l'autorité municipale. Le gouvernement don-
nait l'exemple d'un favoritisme outrageant au protit des étrangers, et la
régence devait lui plaire en l'imitant. Le chevalier de Ronnaye, français,
fort brave homme si on veut, mais à coup sûr très-peu propre à l'en-
seignement, parvint à se faire nommer. A cette nouvelle un soulèvement
bien légitime porte les élèves de l'Ecole à protester contre une injustice
si flagrante. Kickx, dans le peu de leçons qu'il avait données avait acquis
sur eux une grande influence, lous lui vouèrent une estime sincère, un
attachement qui tenait de l'amour filial; sa dernière leçon excita des
larmes d'abord, puis une résolution plus mâle et plus significative : on
reconduisit Kickx chez lui en cortège et l'on décida bientôt de le prier
de continuer ses leçons en dépit du malencontreux arrêté qui le privait de
sa chaire. Les élèves étaient nombreux (près de 80), un seul passa à
l'ennemi. Le nouveau professeur légal ne parla, le jour de son instal-
lation, qu'aux autorités et à lui, les autres élèves se tenaient rangés en
ligne, dans la cour du palais de Lorraine et résistaient aux invitations que
venaient leur adresser les professeurs et les membres de la régence
pour les faire entrer dans la salle des leçons. Au concours qui précé-
dait la distribution des prix, ce seul élève devait gagner une couronne
que personne ne lui disputait; il la reçut, mais aux rires moqueurs de
ses condisciples.
Celte résistance honorait autant Kickx que les élèves, car il ne faut
point voir dans cette conduite une émeute d'école ou un de ces symp-
tômes précurseurs de la révolution nationale qui éclata plus tard; il n'y
eut là aucune vue politique, mais c'était une démonstration qui pro-
testait en faveur de la science et de la justice. Les élèves prièrent leur
professeur d'achever le cours qu'il avait commencé; un jardin où l'on
cultivait les plantes médicinales à l'usage des pharmaciens, fut approprié,
et Kickx y reprit ses leçons au milieu d'un nombreux auditoire et
aux applaudissements dignement mérités. A la fin du cours, il proposa
un concours et fit graver à ses frais deux médailles pour ceux qui en
auraient été les vainqueurs; de précieux ouvrages d'histoire naturelle
étaient destinés aux accessits. Mon père, alors âgé de seize ans, fut l'un des
vainqueurs de ce concours et remporta l'une des médailles. Il attachai!
— XIII —
beaucoup de prix à ce premier succès en botanique, surtout à cause de
la haute estime que le caractère de M. Kickx avait inspiré à tous ses
élèves. On était sur le point de se séparer lorsque mon père proposa à
ses condisciples d'offrir au professeur un buste en marbre de Linné, en
signe de reconnaissance. Mais Kickx ne vit dans ce souvenir qu'un
présent, il le refusa et n'agréa que les paroles de reconnaissance et de
vénération que prononça, au nom des élèves, M. Leroy.
Cependant, M. Leroy et quelques personnes demandèrent la des-
titution du chevalier Deronnaye qui avait brigué une malencontreuse
nomination; ils s'adressèrent au Roi, au ministre, à la régence, à la
commission médicale, et après deux ans de tentatives, ils réussirent
à obtenir de M. Van Gobelschroy, ministre de l'intérieur, et cette révo-
cation et la réintégration de Kickx dans ses fonctions de professeur de
minéralogie, de pharmacie et de botanique. Nous devons laisser l'appré-
ciation du professeur Kickx à l'un de ses disciples qui eut le bonheur de
l'entendre. Voici comment s'exprime M. Leroy, qui a aussi jeté quelques
fleurs sur la tombe de son ancien maître.
« Comme professeur, Kickx sut toujours s'attirer l'estime de ses
élèves; il savait leur faire goûter le plaisir de l'étude en leur proposant
des questions qu'ils avaient intérêt à résoudre. C'est ainsi qu'en géo-
logie il donnait à faire la description des terrains des environs de
Bruxelles; pour la minéralogie, donner tous les caractères des miné-
raux que l'on rencontre dans ces mêmes terrains ; en botanique, décrire
toutes les plantes officinales des environs de Bruxelles; nous avions de
quatre à six mois pour les résoudre.
»Nos excursions botaniques et minéralogiques étaient des plus
agréables; il arrivait fréquemment que nous partions dès 5 heures du
matin pour ne revenir que vers 40 ou 11 heures du soir. C'est dans ces
courses, éloignées de 3 à 4 lieues de la capitale, qu'il savait nous faire
goûter les plaisirs de l'étude; avec quelle attention, quel soin, les élèves
rangés autour de lui recueillaient ses savantes leçons, soit sur une
plante, sur un terrain ou un minéral!., et pendant nos courses, il nous
traitait avec tant de sollicitude, qu'on l'eût pris pour un père accompagné
de ses enfants.
»Son excessive sensibilité ne lui permit pas de s'occuper d'ento-
mologie; il ne pouvait voir traverser un insecte d'une épingle; je me
rappelle que dans ce temps, alors que je m'occupais déjà de cette étude, il
me disait : « Je ne puis concevoir comment vous pouvez martyriser ces
pauvres êtres. » Il n'était cependant pas sans connaissances dans cette
partie de la zoologie. »
En 1828, Kickx, dans le but de permettre à ses élèves de méditer
— X!V —
d'avance l'objet de chaque leçon et de trouver un mérnoratif de tout ce
qui avait été traité dans les leçons précédentes, publia un Résumé du
cours de botanique. Dans une centaine de pages, divisées en 212 para-
graphes, il a su accumuler tous les termes et les définitions indispen-
sables à l'étude do la botanique. C'est un livre inséparable d'un en-
seignement oral qui permet de développer et d'expliquer les notions
scientifiques; il n'avait et ne pouvait avoir d'autre portée qu'un très-court
abrégé du cours professé au Musée des sciences. La botanique générale
est divisée en trois parties : 1° la botanique descriptive, ou celle qui
traite des formes extérieures des végétaux et des termes qui les ex-
priment; 2° la botanique organique qui a pour objet la constitution
intérieure des végétaux et les fonctions vitales qu'ils exécutent; 3° la
botanique méthodique : elle comprend la subordination ou classement
des végétaux selon des règles uniformes et constantes. Il ne faut pas
juger la philosophie qui règne dans ce livre au point de vue de la science
d'aujourd'hui. L'époque à laquelle il fut publié était une période de
transition; Kickx combattait pour les idées de Linné et il lui répugnait
d'admettre les nouvelles théories de De Candolle et de Richard. C'est
ainsi qu'il se refuse à croire que l'axe horizontal et souterrain des Iris
du Sceau de Salomon, etc., soit une tige et non pas une racine noueuse;
il ne peut admettre que les épines, les crampons, les vrilles et les autres
organes analogues représentent des organes supérieurs, tels que des
branches, des feuilles ou des pétioles avortés. Aujourd'hui il le faut
bien.
En herborisant au mois de juin 1822 près d'Heyndonk sur le Ruppel,
Kickx trouva un Vcrbascam qu'il eût immédiatement considéré comme
une espèce nouvelle si l'extrême tendance à l'hybridité clans ce genre ne
l'eût engagé à plus de prudence. Il exposa ses doutes dans une notice sur
quelques plantes observées aux environs de Bruxelles, depuis l'impression
de laFlora Bruxellensis , lue à la Société des sciences naturelles etmédi-
dicales deRruxelles le 6 novembre 1823. Il y établit que son Verbascum.
paraissait se rapprocher par ses feuilles ovales lancéolées, par ses fleurs
disposées en fascicules distincts, plus grandes et d'un jaune plus pâle
que celles du V. thapsus, ainsi que par la grandeur de ses bractées, du
V.phlomoïdes, étranger à notre pays. Cette dernière assertion est inexacte;
le V. phlomoïdes de Linné et de Schrader est assez commun dans la pro-
vince de Liège, pour que ses fleurs soient recueillies par la pharmacie.
En 1826 Agarth publia dans le Rulletin des sciences naturelles la des-
cription d'un Verbascum trouvé par lui aux environs de Stockholm et
qu'il nommait V. bracteatum ; Kickx crut pouvoir rapporter la plante
qu'il avait rencontrée à Heyndonk à la description d'Agarth et publia
XV
une Notice sur une sorte de Verbascum dans le Messager des sciences et
des arts, 1826, p. 206. Plus tard M. Dumortier l'érigea en espèce dis-
tincte sous le nom de Verbascum Kickxianum. Mais l'existence de cette
nouvelle espèce de la flore belge n'a pas été confirmée; le V . Kickziamim
était ou bien l'une des fréquentes hybrides que l'on rencontre dans ce
genre et dont la durée est toujours passagère, ou, ce qui nous paraît plus
probable, une forme du V. thapsiforme Schrad. présentant, de même
que Kickx l'avait observé pour sa plante, des caractères intermédiaires
entre le Bouillon blanc et le V. phlomoïdes.
La même année Kickx publia dans les Annales de la société Linnéenne
de Paris une notice sur VArabis albida et alpina, et une nouvelle espèce
d'Agaric qu'il découvrit à Boitsfort et nomma Agaricus revohitus.
Kickx était fait à l'unisson de la méthode si sévère et si précise de
Linné, son esprit s'était moulé à tant de rigueur, son caractère se tra-
duisait au dehors par une parole peut-être sèche, mais toujours juste et
jamais inutile; dans ses leçons comme dans sa conversation il suivait à
la lettre la stricte sentence du maître : Botanicus nec res oratorio sermone
ebuccinat; avare de son temps qu'il livrait tout entier à son instruction,
à celle des autres ou au soulagement des maux de l'humanité, il était
parcimonieux de discours et de phrases; si quelquefois ceux qui ne le
connaissaient pas intimement voyaient en lui de la rudesse, ceux à
qui il avait voué une amitié d'autant plus précieuse qu'elle ne s'accordait
qu'à bon escient, appréciaient et sa droiture et sa vraie sensibilité, car
son cœur vibrait profondément. Il est inutile sans doute de faire re-
marquer qu'un caractère qui avait quelque chose d'antique, lui faisait
détester l'intrigue pour briguer les places, et que sévère pour lui-même,
il avait le droit de l'être pour les autres, il fut dans sa carrière plus
d'une fois en butte aux traits des méchants dont il dévoilait les machi-
nations avec une désespérante àpreté. On a pu remarquer que quoi-
qu'il passât par les époques de la révolution brabançonne, de la révolu-
tion française , qu'il vit l'envahissement du territoire belge par les
Français, l'élévation de Guillaume et la proclamation de l'indépendance
nationale en 1830, jamais son nom ne fut mêlé à la politique; il savait
que la science est placée plus haut que les partis. Sa vie s'écoulait dou-
cement partagée entre l'étude et la famille. Son épouse Jeanne-Catherine
Vanmerstraeten lui avait donné cinq enfants; il la perdit dès 1816 et sa
fille en 1828 ; lui-même s'éteignit le 27 mars 1831, à l'âge de 56 ans. Mais
il a laissé à sa patrie, outre l'empreinte de sa carrière scientifique , un fils
élevé dans le culte des sciences naturelles, auquel il a transmis ses con-
naissances et son expérience , et qui a su porter plus haut encore le
nom paternel en se plaçant au rang des botanistes les plus éminents de
— XVI —
notre époque; M. J. Kickx, professeur ordinaire de botanique à l'U-
niversité de Gand et membre de l'Académie royale des sciences et
belles-lettres de Bruxelles est un des savants distingués qui font l'orne-
ment du règne de Léopold premier. Le nom de Kickx passera de plus
aux générations futures avec le Kickxia arborea (Blume, Rimphia 179)
de la famille des Apocynées : le nom d'une plante est un monument que
les siècles n'effacent pas.
BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES DE J. KICKX.
1812. Flora Bruxellensis exhibens charactercs generumet specierum plantarumcircum
Bruxellas crescentium, secundum Linneum dispositacumsynonimis auctorum,
1 vol. in-8.
1816. Notice sur la germination, adressée à la Société de botanique et d'agricultnre de
Gand (inédit).
4818. Notice sur la découverte du Gypse sélénite ou sulfate dechaux cristallisé, et d'une
argile plastique inconnue jusqu'ici dans le voisinage de Bruxelles (inédit). Lu
à la séance de l'Académie royale de Bruxelles du 7 septembre.
1820. Tcntamen mineralogicum seu nova distributio in classes ordines, gênera et spe-
cies, etc. Cuiadditur lexicon mineralogicum, 1vol. in-8.
— Bemarques sur un passage de l'histoire des Pays-Bas autrichiens, de feu
M. Desroches, in-4. Nouveau mémoire de l'Académie royale de Bruxelles, t. II ,
page 55.
1822. Belalion d'un voyage faità la grotte de Han au mois d'août 1822, par MM. Kickx
et Quelelet. in-4. Nouv. mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. II.
— Précis sur l'extraction et la purification du Salpêtre et sur l'établissement des
salpètrières artificielles, in-8.
— Dissertation sur les traps stratiformes, lue à la séance de l'Académie du 7 jan-
vier 1822, in-4.
1823. Bemarques sur la confection de l'éther sulfurique et de la liqueur minérale d'Hoff-
mann ; présentées à la Société des sciences médicales et nat. de Bruxelles.
1824. Mémoire sur la géographie physique du Brabant méridional, lu à la séance de
l'Académie de Bruxelles du 11 octobre 1824, in-4.
— Notice sur quelques plantes observées aux environs de Bruxelles depuis 1813.
Compte-rendu des travaux de la Soc. des se. médic. et natur. de Bruxelles, 1826.
in-8.
1826. Notice sur une nouvelle espèce de Verbascum, in-8., avec 2 planches lith.
Messager des sciences et des arts.
— Notice sur l'Arabis albida et alpina. Annales de la Soc. Linnéenne de Paris.
— Une nouvelle espèce d'Agaric. Ann. de la Société Linnéenne de Paris, t. V,
page 66.
1828. Bésumé du cours de minéralogie et de botanique donné au Musée des sciences
et des lettres de Bruxelles, in-8.
M. Kickx rédigea en outre les rapports suivants , adressés par la
commission médicale du Brabant, dont il était secrétaire, au gouver-
nement Néerlandais.
1» La vente des médicaments par les établissements hospitaliers.
2» Le débit des médicaments par les médecins et chirurgiens de campagne, là où se
trouve un pharmacien légalement admis.
3° La distinction des chirurgiens, en chirurgiens de ville, du plat pays ou de vaisseaux,
distinction opposée aux intérêts de l'humanité.
4o La faculté d'obtenir le litre d'accoucheur sans être chirurgien.
5» La fixation du nombre de ceux qui exercent l'art de guérir d'après la population.
NOTICES BIOGBAPHIQUES.
Marchal. Notice nécrologique sur M. Kickx, lue à la séance du 4 juin 1S31 de l'Aca-
démie des sciences et belles-lettres de Bruxelles.
G. F. Leroy. Notice Biographique sur Jean Kickx, lue à la Société des sciences mé-
dicales et naturelles de Bruxelles dans la séance du 3 juillet 1837.
Vanderheyden. Notice Biographiquesur J. Kickx. Journal de pharmacie d'Anvers,
1851, p. 315.
Ti'onaeol u m .
1.2. Sflicucriniumi . 3. Xaudmii. 4 « Chaixiamim
LA
BELGIQUE HORTICOLE,
JOURNAL DES JARDINS, DES SERRES ET DES VERGERS
HORTICULTURE.
NOTE SUR QUELQUES VARIÉTÉS NOUVELLES DE CAPUCINES,
ET LA CULTURE DES ESPÈCES RULBEUSES,
Par M. Edouard Morren.
Le genre Tropœolum compte aujourd'hui environ quarante espèces,
toutes originaires de la région des Andes et spécialement du Pérou.
Elles se sont rapidement répandues dans les cultures et chaque nou-
velle venue est accueillie avec reconnaissance; toutes les capucines sont
de jolies plantes aux tiges volubiles, d'une végétation tantôt rapide et
vigoureuse, tantôt d'une délicatesse extraordinaire, toujours élégante.
Le feuillage est abondant, très-varié et les fleurs aux formes insolites,
grandes et belles, sont peintes de toutes les couleurs possibles et
même de couleurs impossibles puisqu'elles se rient des lois que certains
botanistes prétendent imposer à la nature; les unes se montrent parées
de jaune, d'orange, de pourpre ou de brun; les autres de rose, de bleu
ou d'indigo ; quelquefois même le bleu et le jaune se marient dans la
même fleur, au grand désespoir des botanistes précités.
Linné publiait il y a un siècle son Specics Plantarum (1753), où il
décrivait les trois seules capucines alors connues et arrivées du Pérou;
c'étaient: la grande capucine ou Tropœolum majus, la petite capucine
ou Tropœolum minus et la capucine étrangère ou T. peregrinum. Long-
temps on ne connut que ces trois espèces linnéennes; mais pendant
ces dernières années , ce beau genre s'est subitement enrichi d'une
foule d'espèces nouvelles, très-différentes de forme et de coloris. Ce
genre déjà si varié à l'état sauvage ne pouvait manquer de se diversifier
encore par la culture , de donner des variétés remarquables et de se
soumettre à des fécondations artificielles. C'est ce qui est en effet arrivé.
Nous publions le portrait de deux fleurs d'une variété de capucine
nommée Tropœolum Scheuerianum, bien recommandable par la richesse
de sa coloration et la vigueur de sa végétation. Cette capucine est de
BliLG. HORT. T. VI. 1.
— 2 —
pleine terre, s'élève à plusieurs mètres et se couvre d'un nombre
prodigieux de belles et grandes fleurs; sa tendance, à produire des
variétés nouvelles est telle, qu'il est difficile d'observer deux fleurs
absolument semblables sur la même plante. Les pétales sont d'un
beau jaune paille , grands , arrondis ; les deux supérieurs montrent ,
depuis la naissance de l'onglet jusque vers le milieu du limbe, une
large bande pourpre foncé, relevée de quelques stries fines presque
noires; les trois pétales inférieurs présentent, immédiatement à la
naissance du limbe, chacun une macule rouge, comme une tache de
sang; tout le reste est uniformément jaune paille. Mais un peu plus
haut, sur la même tige, on trouve des fleurs dont les pétales sont
marbrés de carmin ; ailleurs , l'extrémité des lobes est tachée de
pourpre, tantôt les macules inférieures sont petites et séparées des
supérieures, tantôt elles se prolongent jusqu'à se réunir, et chaque
pétale est traversé d'une bande pourpre, à sa partie médiane. Il serait
impossible enfin de définir une coloration aussi variée. Le T. Scheue-
ricmum (Figuré PL I, n° 1 et 2) est une variété du T. Majus, de pleine
terre et vivace en serre. ■ — Nous en avons des graines qui sont à la
disposition de nos abonnés.
En même temps que le T. Scheuerianum , nous publions le dessin
de variétés nouvelles de Tropœolum, obtenues à l'établissement du
Prado de Marseille, dirigé, par M. Geoffre. M. Fcrrand a créé les
T. Chaixianam et T. Massiliense du mariage du T. Moritzianum et de
la variété nommée Lilli.
Le Tropœolum Chaixianum, qui ressemble beaucoup au T. Lobbianum
var. Splendens, figuré PI. I, fig. 4, a les fleurs d'un beau rouge
pourpre foncé, éclairé, vermillon; les pétales supérieurs sont bien
arrondis, les inférieurs lobés et barbus en dedans. Ces fleurs sont de
grandeur moyenne.
Le T. Massiliense a les fleurs de même grandeur que le précédent,
à contours bien arrondis, à pétales lobés, colorés en orange clair,
chatoyant, présentant chacun une grande macule à la naissance du
limbe; les deux macules supérieures sont vermillon, celles des pétales
inférieurs sont rose-pourpre.
M. Desponds a gagné la capucine qu'il nomme Trop. Nandinii
(PI. I, fig. 3) à fleurs ordinairement d'un orange foncé, maculées
de carmin; nous disons ordinairement , parce que certaines fleurs sont
jaunes, maculées carmin, et d'autres lignées et striées de la même
nuance, plus ou moins foncée.
M. Huber, horticulteur à Hyères, possède un Tropœolum Lobbianum
tricolor à pétales rouge brillant, à macules bleues, rappelant la couleur
de YHabrothamnns cyanens.
_ 3 —
Les Tropœolum constituent un des plus beaux ornements des serres
et des jardins; leurs tiges volubiles s'enlacent, courent et serpentent
dans toutes les directions et se couvrent d'un nombre prodigieux de
fleurs. On peut les considérer comme des lianes herbacées et annuelles;
comme elles, elles aiment un soleil ardent sur un sol humide, la sève
abonde dans leurs tissus et elles croissent avec une grande rapidité.
Les unes sont réellement annuelles , les autres sont , de même que
certaines Ipomées, vivaces par un gros tubercule persistant. Toutes
donnent des fleurs remarquables par la forme et éclatantes de coloris.
La vulgaire capucine brille de tant de feux qu'elle semble souvent
lancer des éclairs pendant la nuit.
La culture des espèces annuelles de pleine terre n'offre aucune diffi-
culté; semez-les au printemps dans une bonne terre, à une bonne
exposition, arrosez-les fréquemment et elles se porteront à merveille.
Mais les espèces de serre tempérée, aux tiges délicates comme des
cheveux, réclament quelques soins.
Janvier. — Placez les bulbes, si vous ne l'avez déjà fait en automne,
dans des pots, remplis d'une terre formée, à parties égales, d'argile
sableuse et de tourbe; on doit adapter les pots et les treillis à la force
des plantes et d'après la nature des espèces. On élève d'abord les tiges
directement à la partie supérieure, puis on les fait brusquement redes-
cendre et on remplit enfin les vides.
Février. — On doit examiner chaque jour les jeunes pousses et leur
donner la direction convenable. On arrose abondamment mais soigneu-
sement.
Mars. — Mêmes soins que pendant le mois de février; garnir unifor-
mément les treillis pour que toutes les parties soient fleuries, et dans
le même but ne pas les entourer d'autres plantes, mais les bien aérer.
Avril. — On doit, nécessairement continuer à lier les tiges. Lorsque
les pots sont bien remplis de racines, il convient de donner un supplé-
ment de nourriture par des arrosements d'engrais liquide.
Mai. — Mettez les plantes dans la partie la mieux aérée de la serre,
près du verre. Au moment de la floraison elles doivent être à l'ombre;
il faut surveiller les dégâts que pourraient faire les limaces et la
chenille du choux. L'arrosage peut être abondant.
Juin. — Dès que la floraison cesse, on doit priver les plantes gra-
duellement d'eau et même les laisser sécher entièrement pendant une
couple de mois. Il est souvent du plus bel effet de cultiver ensemble
dans un môme pot, plusieurs espèces de Tropœolum. Ainsi si on
réunit le Tropœolum brachyceras et le T. tricolor, on obtient une
combinaison de couleurs des plus agréables à l'œil. Nous recomman-
(ions ù nos lecteurs de combiner artistement dans leurs cultures le
jaune du T. brachyceras , le bleu céleste et si doux du T. cœruleum ,
avec les couleurs si riches du T. tricoter.
Juillet. — Séchez complètement les bulbes à mesure que le feuillage
se meurt; il faut bien préserver les bulbes de l'humidité qui les ferait
infailliblement périr.
Août. — Pendant le mois d'août on tient les bulbes parfaitement en
repos.
Septembre. — Rempotez les bulbes qui donnent signe de végétation,
mais ne forcez pas ceux qui sont en repos. Faites usage d'argile
sableuse et de terreau de feuilles. Arrosez modérément.
Octobre. — Placez les plantes dans une partie de la serre fraîche,
aérée et bien éclairée; fixez les treillis et recommencez à diriger les
tiges à mesure qu'elles s'accroissent.
Novembre. — Continuez à rempoter tous les bulbes qui sortent de
leur état de torpeur, à conduire les plantes dont la croissance avance,
et à arroser soigneusement, car autant la sécheresse est nécessaire après
la floraison, autant l'eau est indispensable pendant la période de végé-
tation.
Décembre. — Mêmes recommandations que pour le mois précédent;
garnissez les treillis solon votre bon goût et évitez surtout que les
plantes ne soient étiolées.
MOYEN DE FAIRE FLEURIR LE TROPOEOLUM
WAGENERIANUM ,
Par M. E. Rege.
Malgré la beauté de son feuillage et de ses fleurs singulières, rouges,
avec des pétales d'un bleu noirâtre, cette espèce de Tropœolum est
encore très-peu cultivée, à cause de sa grande difficulté à fleurir.
L'été dernier un pied de cette espèce fut planté en pleine terre, dans
le jardin de Zurich, à demi-ombre, et, par précaution, il fut ensuite
déplanté à l'automne. Plus tard, il fut placé dans une serre tempérée
dans laquelle les variétés du Tropœolum Lobbianum fleurissent abon-
damment pendant tout l'hiver. Comme chaque année, le Tropœolum
Wagenerianum y développa de longs jets vigoureux et peu de fleurs.
Le jardinier chargé de cette serre eut l'idée de supprimer, en les
pinçant, les jets vigoureux que portait l'extrémité de la plante. Peu
après on vit se développer de petites pousses maigres qui se couvrirent
de fleurs pendant les mois de janvier ol de février. Si ce procédé
— 5 —
si simple pouvait faire fleurir constamment cette belle plante, il serait
d'un emploi aussi facile qu'avantageux.
(Gartenflora , 1855, p. 104. — Traduction
du Journ. de la Soc. Imp. d'horticult.)
REVUE DE PLANTES NOUVELLES OU INTÉRESSANTES.
Bégonia iitagsiifica, Linden. — Famille des Regoniacées. —
M. Linden en annonçant cette nouvelle espèce dans son catalogue
pour 1855 s'exprime ainsi :
« Découverte par nous dans les parties froides et nébuleuses de l'état
de Cundinamarca, à une altitude supra-marine de 2,600 mètres, cette
merveilleuse espèce échappa pendant plusieurs années aux recherches
actives de nos collecteurs, et ce ne fut qu'au commencement de l'année
dernière que nous fûmes assez heureux pour en obtenir des graines
fraîches. Il nous suffira de rapporter l'anecdote suivante pour faire
apprécier le mérite de cette plante et justifier le cas que nous en
faisons: A son passage à Rruxelles, au printemps dernier, M. de
Warscewicz nous raconta qu'une des plantes qui l'avaient le plus
impressionné par sa beauté , était un Regonia d'une magnificence
extraordinaire, trouvé par lui dans les régions froides de la Nouvelle
Grenade et auquel il avait donné le nom de magnifica. C'était, selon
lui , une de ses plus précieuses trouvailles , et il regrettait vivement de
ne pas en avoir pu faire l'introduction. Quelle ne fut donc pas sa
surprise, lorsqu'en parcourant nos serres, il s'arrêta tout-à-coup en
présence de plusieurs exemplaires de la plante , décorée du même nom
spécifique que, dans son admiration, il lui avait donné spontanément
et que le même sentiment nous avait dicté à quelques milliers de lieues
de distance.
»Le Bégonia magnifica forme une plante touffue, à feuilles épaisses
de grandeur moyenne, à face supérieure finement veloutée et veinée de
blanc argenté à reflets métalliques : les nervures delà partie inférieure,
de même que les pétioles, la tige et les pédoncules, sont recouverts
d'un duvet brun rougeâtre. Les fleurs , de Fécarlate le plus vif, pédi-
cellées et réunies au nombre de 6-8 sur un même pédoncule, mesurent
chacune deux pouces de diamètre. »
Genetyllis tulipifera. Hook. — Bot. Mag. pi. 4858. — Syn.:
Hedarome tulipiferum, Lind. in Gard, chron. 1854,??. 323. — Fana.
des Myrtacées. — Icosandrie Monogynie. — Le vénérable Drummond
rapporta, au nombre de ses découvertes les plus intéressantes de
— 6 —
l'Australie méridionale, des fragments de deux espèces de Genetyllis,
recueillis clans le canton de la rivière des Cygnes. Ces deux espèces ont
heureusement prospéré de graines dans les jardins anglais. Le G. tuli-
pifera, décrit par M. Hooker, quoique haut à peine de deux pieds et
dix pouces, portait de 450 à 200 bouquets de fleurs; chaque rameau
était terminé par un riche involucre pendant, de la forme d'une belle
tulipe, et que beaucoup de personnes, ignorant la nature véritable de
ces organes, auraient pris pour des corolles.
Le G. tulipifera constitue une arbrisseau de deux à trois pieds de
haut, ferme, dressé, très-branchu ; les rameaux sont à peu près verti-
caux, anguleux, brun pâle. Les feuilles, en général opposées, presque
sessiles, persistantes, étalées, oblongues-elliptiques, d'un vert foncé
pointillé supérieurement, plus pâles en dessous, à bords membraneux
ou submembraneux. Les inflorescences terminent les nombreux ra-
meaux, entourées d'un involucre grand, pendant, vivement coloré.
Les feuilles supérieures sont aussi plus grandes, plus larges et plus
ou moins colorées. Les bractées qui constituent les involucres sont
blanches, plus ou moins striées et tachées de rose ou de rouge et
disposées de telle sorte qu'elles figurent une corolle polypétale. Les
fleurs véritables sont petites, peu nombreuses, rassemblées à la base
de l'involucre et munies chacune de deux bractéoles concaves et sub-
carénées. Le tube du calice est subturbiné, marqué de 10 nervures;
le limbe est à cinq dents petites et obtuses. La corolle est formée de
cinq pétales ovés, obtus. Les étamines surgissent d'un anneau ou
disque à la gorge du calice; dix sont parfaites, courtes, à anthères
globuleuses et dix autres disposées sur un second rang sont avortées.
Le style est trois fois aussi long que la fleur, épais, subulé, à stigmate
barbu.
Oenaetyllis iBtacrosie&ia. Turczn. — Turczn. in Bull. Soc.
mosc. XXII, part. II, p. 18. — Walpers. Ann. Bct. System. II, p. 616.
— Flore des serres, 1009, p. 109. — Fam. des Myrtacées. — Icosandrie
Monogynie. — Le Genetyllis macrostegia forme un sous-arbrisseau qui a
le port d'un Pimelea; il a les feuilles très-glabres, décussées, linéanes-
oblongues, obtuses, atténuées à la base en un pétiole court, odorantes.
Les fleurs, ou plutôt les involucres que le vulgaire nommera fleurs,
sont pendantes, formées de bractées colorées en rouge brun et res-
semblent un peu à des boutons de fuchsias d'où le nom de Genetyllis
fuchsioides sous lequel on désigne souvent le G. macrostegia. C'est une
plante australienne de serre froide.
C'haetogastra liiideniana, Planch. — Flore des serres ,
1011-1012, p. 113. — Famille des Mélastomacées. — Décandrie mono-
gynie. — Cette superbe mélastomacée forme un arbuste de 1 à 2 mètres,
à feuillage sombre , rude et abondant , et à fleurs grandes , d'un rouge
vif. Elle a été découverte par M. Linden au sommet du Monserrata,
un des points culminants du haut plateau de Bogota, à 9,840 pieds
d'altitude. M. Schlim l'a retrouvée sur les bautes cimes des Andes de
la province de Pamplona dans la Nouvelle-Grenade et l'a envoyée
vivante en Europe. C'est une admirable plante, dont aucune descrip-
tion ne saurait donner une idée convenable. Les rameaux et la face
inférieure des feuilles sont recouverts d'un duvet ferrugineux; les
feuilles à pétioles courts, ovées-oblongues, à 5 nervures épaisses, à
fleurs axillaires, subpaniculées, à pédicelles courts; les divisions du
calice sont linéanes aiguës; les pétales larges, ovés, sont trois fois
plus longs que le calice et rouge de sang.
Eiorlieria Bieasmifica. PI. et Lind. — Flore des serres, 1013,
p. 117. — Famille des Gesnériacées. ■ — Didynamie Àngiospermie.
Le Locheria magnifiai est encore une merveille de la Colombie,
introduite par M. Linden qui le reçut par M. Triana de la province de
Popayan dans la Nouvelle-Grenade. C'est une admirable Gesnériacée
qui peut se cultiver en serre tempérée; les tiges, les pétioles et les
nervures sont recouverts d'un duvet pourpré; les feuilles sont pubes-
centes, ovées-oblongues, pointues, dentées. Les fleurs axillaires portées
sur de long pédicelles, présentent un limbe très-large, rouge orangé,
à livrée noire. Les serres tempérées comptent peu de fleurs plus
recomm amiables.
REMARQUES SUR LES MIMULES,
Par M. Ch. Morren.
L'étranger qui parcourt à Gand un dimancbe d'été le marché aux
fleurs, établi sur la Place d'Armes, s'aperçoit bientôt que les mimules
sont des plantes populaires qui ont acquis, à juste titre d'ailleurs,
une grande vogue. Elles sont en effet dignes de figurer dans les par-
terres des châteaux comme sur la fenêtre des plus modestes demeures,
à cause de la profusion de leurs fleurs, de leur forme capricieuse, de
leur figure légèrement caustique , de leurs coloris brillants. Les bota-
nistes les ont classées dans la famille des scrophulariées; ils les ont
divisées en deux genres, les mimulus proprement dits et les diplacus;
et le premier genre est à son tour distingué en deux groupes, les
— 8 —
espèces à tige droite et celles dont la tige est naturellement pendante
ou montante par le moyen de tuteurs et de liens.
Un des phénomènes les plus intéressants des mimuhis et des diplacus
est l'extrême excitabilité du stigmate, lequel est formé de deux lèvres
ordinairement ouvertes; il suffit de toucher légèrement ces organes,
de laisser tomber sur eux quelques grains de pollen , de poussière ou
de sable; il suffit de titiller les bords de ces lèvres pour les voir
soudain se mouvoir, se relever, se presser l'une contre l'autre , comme
une bouche qui se ferme. Si le pollen est tombé sur elles, il est bientôt
comprimé entre ces deux valves, comme si la nature prenait ce moyen
pour assurer dans ces plantes la fécondité des ovaires. Nous avons
observé naguère ce phénomène avec soin et nous avons découvert alors
que la fécondation ne s'opère pas à la surface de ces lèvres mobiles,
mais seulement sur leurs bords frangés de papilles courtes, de sorte
que le pollen tombant sur elles est ramené dans ce mouvement d'ap-
proche vers le bord où existe le vrai et seul stigmate physiologique.
Les personnes qui voient pour la première fois le mouvement du
stigmate des mimulùs, témoignent toutes un intérêt particulier à la
vue de ce phénomène singulier et surtout aux pensées qu'une telle
observation ne manque pas de suggérer.
11 est peu de maisons où l'on ne cultive en Belgique la plante-musc
ou le mimuhis moschatus, jolie et curieuse plante que nous devons au
célèbre Donglas qui l'avait découverte dans la Colombie. C'est une
petite plante vivace qui se cultive facilement dans les appartements,
à l'ombre, qui demande une bonne terre de bruyère légère et se sème
pour ainsi dire d'elle-même ; elle reprend d'ailleurs de boutures faites
au printemps. On n'en a vu les premiers pieds que vers 1826, mais sa
facilité à se reproduire l'a répandue avec profusion en peu d'années.
Les tiges étant tombantes, on peut orner avec la plante-musc des
corbeilles, des vases suspendus, des devants de rochers. On peut
encore, tant est grande sa docilité, la cultiver en gazon, en tapis de
verdure ; enfin elle se laisse conduire sur des treilles, sur des éventails,
des boules , des formes quelconques et partout elle offre en avant une
quantité considérable de fleurs jaunes, peu développées, mais nom-
breuses et d'une grande douceur de ton sur la verdure gaie et pâle des
tiges et des feuilles. L'odeur de musc vient des poils qui sont glu-
tineux et qui sécrètent une substance visqueuse, sans doute à base
animale; ces poils existent en profusion sur toute la plante.
La mimule de Virginie ou le mimulus ringens est une plante connue
il y a près d'un siècle, introduite du nord de l'Amérique en 1759, d'une
grande rusticité, qui demande de l'ombre alternant avec le soleil et
— 9 i —
dont les feuilles montrent une végétation ordinairement forte, alors
que les fleurs sont d'un bleu pâle. La terre pour tous les mimulus doit
être meuble, bien divisée et cette espèce-ci, même malgré sa rusticité,
se trouve encore bien d'une terre de bruyère mélangée. Nous l'avons
vue cultivée avec le plus grand succès au-dessous des azalées, des
rosages, des bruyères dans les parcs particuliers à ces espèces. On la
multiplie par les racines et le semis se fait immédiatement après la
maturation des graines qui sont fort petites et doivent être déposées à
la surface de la terre. C'est une circonstance trop ignorée et qui
souvent donne lieu à des mécomptes, que le semis nécessairement
superficiel des mimules chez lesquelles toutes les graines sont extraor-
dinairement peliles. Le mimulus ringens est un de ceux dont la tige est
roide et droite.
Cette qualité appartient aussi au mimulus alatus originaire de l'Amé-
rique du nord, introduit en 1783; la feuille en est grande, ovale,
elliptique, et les fleurs varient du bleu au pourpre. La culture est
semblable à celle de l'espèce précédente.
Les mimulus linearis décrit par Bentham , originaire de la Californie,
structus du même auteur, mais appartenant aux ïndes orientales et
hirsutus de Blumc, plante de Java, complètent les espèces à tige droite,
aux feuilles penninerves et au calice tubuleux. Ces trois dernières
espèces sont très-peu répandues dans nos collections.
Sans parler de toutes les espèces qui appartiennent à la section des
mimules à tiges droites, nous mentionnerons cependant quelques-unes
des plus remarquables.
La mimule de Lewis ( mimulus Lewisii ) est une jolie plante vivace ,
venant des bords du Missouri, connue seulement depuis 1824, et que
dislingue sa grande fleur d'un rouge pâle. Elle aime aussi l'ombre, une
terre de bruyère légère et beaucoup d'humidité.
La mimule cardinal ( Mimulus cardinalis ) est très-répandue dans
nos jardins, dans nos cultures de salons. C'est un enfant de la Californie,
transporté en Europe seulement en 1835, et dont la belle fleur, d'un
rouge écarlate vif, fait le plus brillant effet dans les parterres. Cette
plante se multiplie de toute façon : par la division du pied, par les
boutures, par les graines, mais pour avoir de beaux pieds, il faut les
replanter souvent au printemps surtout. Nous avons vu en Angleterre,
dans les jardins royaux de Windsor, tirer un admirable parti de cette
espèce pour meubler des parterres géométriques où ces fleurs écarlates
s'entrelaçaient avec les ibéris qui formaient une espèce de tapis de neige
sur lequel s'épanouissaient ces corolles de rubis. C'est encore au mal-
heureux et célèbre Douglas qu'on doit cette belle plante; il l'avait fait
BELG. HORT. T. VI. 2
— 10 —
connaître d'abord à son ami le savant Bentham qui l'a décrite pour ltt
première fois. Nous rappellerons ici à propos du rouge de sang de la
corolle de cette plante que David Douglas, ce célèbre collecteur de la
société d'horticulture de Londres, risqua souvent ses jours, soit qu'il
eût à combattre les sauvages ou les horreurs de la faim, au milieu des
Montagnes Rocheuses ou de la haute Californie. On sait que dans les
Ues ■Sandwich il eut le malheur de tomber, dans une herborisation, au
milieu d'une fosse couverte de branches préparée pour prendre des
taureaux sauvages. Ces animaux le mirent en pièces. Puisse le sou-
venir de ce martyr de la science et de la passion des fleurs se per-
pétuer, entouré de respect et d'admiration, chez ceux qui s'arrêtent
devant cette mimule ensanglantée dans ses corolles!
La mimule rose (Mimulus roseus) est encore originaire de la Cali-
fornie d'où Douglas l'envoya en 1833. Vivace mais plus beau si on
le resème tous les printemps, ce mimulus a une tige décombante et
visqueuse, des feuilles oblongues et dentées, des fleurs d'un beau rose
et vif avec des macules petites sur la partie inférieure du tube. Ce
joli végétal aime aussi comme ses congénères l'ombre avec quelques
rayons du soleil interrompu, une terre légère, meuble, à base de
détritus de bruyères.
Le mimulus luteus ou la mimule jaune de Linné ne doit pas être
confondu avec le mimulus luteus du Botanical magazine, lequel est
une variété du guttatus. Le vrai mimulus luteus est originaire du
Chili ; vivace, pourvu de feuilles éroso-dentées , ovales ou sublyrées
et celles du haut sont cordées amplexicaules. La corolle est jaune
avec une tache sanguine au milieu. C'est cette espèce qui a produit
des variétés nombreuses comme les rivularis, variegaiïis, Smithii,
Youngiani, Wilsoni, etc., et de plus, la variété variegatus {mimulus
luteus-variegatus) a produit des hybrides en s'accouplant avec le mi-
mulus cardinalis. Les hybrides ont montré des fleurs roses, pourpres,
orange foncé et écarlate : deux d'entre eux, le mimulus Moodiana et
Mac Lainii des horticulteurs (mimulus cardinali-luteus des auteurs)
se sont de nouveau croisés avec leur père, le cardinal, et ont enfanté
ainsi des plantes qui se sont infiniment rapprochées du type paternel.
Cependant M. Leeds qui s'est appliqué surtout aux expériences de ce
genre chez les mimules, a remarqué que le pollen du Mac Lainii
appliqué sur le stigmate du cardinalis ne donnait que des fruits sans
graines, comme par un retour à la loi naturelle.
La mimule tachetée (mimidus guttatus) a été décrite par De Candolle
dans son Hortus monspellusanus. C'est comme nous l'avons dit, le
mimulus luteus de Sims ; les feuilles sont presqu'entières , les infé-
— 11 —
rieures pétiolées , les supérieures cordées amplexicaules , le calice fruc-
tifère renflé avec l'ouverture contractée, la corolle double en longueur,
jaune, ponctuée de rouge. Elle est vivace et on peut en la recouvrant
l'hiver lui faire passer la mauvaise saison. Nous l'avons vu parfaitement
réussir à l'ombre des bosquets. Elle est originaire du Pérou.
Douglas nous a rapporté encore de la Californie la mimule flori-
bonde (Mimulus floribundus Dougl.) dont la tige est rameuse, poilue
et visqueuse, les feuilles pétiolées, ovales, subdentées, tronquées à
la base et les dents du calice très-courtes. La fleur est jaune. C'est
une plante vivace, peu haute et remarquable par le grand nombre de
ses fleurs qui se succèdent tout l'été. On ne la connaît que depuis
4856 ; elle se multiplie par boutures et par graines.
La Mimule, parvi flore (Mimulus parviflorus Lindl.) vient du Chili
et de Mexico, d'où elle a été apportée en 1824. M. Lindley l'a décrite
dans le Botanical register, tab. 874. Elle est glabre, ou un peu pubé-
rulente, les feuilles ovales, éroso-dentécs, tronquées et cordées; le
calice a une dent supérieure très-grande, mais la corolle est malheu-
reusement plus petite que le calice qui semble avoir pris la nourriture
de l'organe corollin; celui-ci est jaune.
La mimule des Andes (Mimulus ctndicolus Kunth), est une plante
vivace de l'Amérique australe, à feuilles cordiformes obtuses, inéga-
lement dentées, et dont les fleurs sont opposées, axillaires, le calice
pourvu d'une grande dent au-dessus et la corolle qui est d'un rose
pourpre n'a que la longueur du calice. Elle se cultive comme les
espèces précédentes.
On signale encore comme espèces peu répandues dans les jardins et
qui mériteraient de l'être davantage les mimules brevipes (Benth.), de
Californie, tenellus (Bunge), de la Chine, lyratus (Benth.), de la Cali-
fornie, glabratus (Kunth), du Mexique, pilosiusculus (Kunth), du Pérou,
alsinoïdes {Dougl.), de l'Amérique du nord et de la Californie, primu-
loïdes (Benth.) , de l'Amérique du nord, peduncularis (Dougl.), de la
Californie, javanicus (Blume), de Java, Nepalensis (Dougl.), du Népaul,
orbicularis [Wallich), du pays des Birmans, repens (B. Brown), de la
terre de Van Diemen, gracilis (B. Brown), du port Jackson, glandulosus
(Lehm), de l'Amérique boréale. Plusieurs de ces espèces sont annuelles.
Ce que nous venons d'en dire porte le nombre de mimulus à trente,
dont neuf appartiennent à la Californie; mais néanmoins cette forme
de plantes s'est distribuée à la fois dans l'Amérique extratropicale
occidentale, boréale et australe, dans les Andes du Pérou de l'Inde
du nord, en Chine, à Java, dans la Nouvelle-Hollande, régions dis-
séminées, mais où les mêmes circonstances climatériques se retrouvent
— 12 —
de manière à ce que l'altitude occupée par les mimulus nous donne
toute sécurité pour leur culture en Europe.
Nuttal a séparé des mimulus les diplacus qui n'en sont différents
que par le fruit ; chez les mimulus les valves deviennent alternes aux
placentas par la séparation de ceux-ci, tandis que chez les diplacus
les valves enlèvent à la déhiscence les placentas même. Les diplacus
sont des sous-arbrisseaux de la Californie , dont deux espèces se
retrouvent dans nos jardins, le puniceus et le glutinosus, celui-ci ayant
des fleurs jaunes, celui-là des fleurs pourpres; ils sont d'orangerie,
se multiplient par les boutures et les semences déposées en couche
chaude. Ces plantes ont au reste toutes formes des mimules, mais
ne peuvent pas rivaliser avec elles pour la facilité de leur culture.
Tout amateur intelligent saura pour ses jardins ou ses appartements
tirer un grand parti de ces scrophulariées à stigmate mobile.
NOTE SUR LA CULTURE DES PELÀRGOMUMS,
Pau M. Edouard Morren.
P rlrail du PRLARGONIUH de M. ONGHTON, offerl à ta Reine d'Angleterre par la Soeie'lé royale de Botanique de I.n-nlrfs.
— 13 —
On peul cul li ver avec succès les pelargoniums dans la plupart des
serres tempérées, mais ils ne se développent nulle part mieux que dans
une serre vitrée de tous les côtés, exposée au levant et au couchant et
bien aérée. Les Anglais ne négligent jamais d'introduire l'air par la
partie la plus chaude de la serre afin de pouvoir ventiler même pendant
les temps froids; l'air s'échauffant dès son entrée, on n'a pas à craindre
des courants d'air froid. Un air sec et piquant est très-funeste aux
plantes, il dessèche leurs tissus, jaunit et crispe leur feuillage. Les
pelargoniums, pendant la période de végétation, doivent être placés le
plus près possible des vitres, être entourés d'une atmosphère chaude et
humide mais constamment renouvelée et ventilée. On dispose ordinai-
rement les plantes sur une grande tablette horizontale qui occupe le
milieu de la serre et est entourée par le chemin et latéralement sur des
galeries placées immédiatement contre les vitres; les plus fortes plantes
au milieu du premier emplacement, les jeunes sujets sur les côtés. Les
serres en bois sont, sous maint rapport, préférables aux constructions
en fer; elles coûtent moins, conservent mieux la chaleur, ne se recou-
vrent pas d'une humidité qui, en se rassemblant, finit par former des
gouttelettes froides qui tombent sur les feuilles et provoquent la moi-
sissure, et bien entretenues, peintes à lacéruse, elles se conservent indéfi-
niment. Le fer ne doit être conseillé que pour certaines serres remarqua-
bles par leurs dimensions extraordinaires ou l'élégance de leurs formes.
Il est bon au premier printemps, dès que l'on est assuré de n'avoir
plus rien à craindre des gelées, de sortir les pelargoniums jusqu'à ce
que les boutons soient formés. Alors il convient de les rentrer dans la
serre, près des vitres, dans une atmosphère humide mais souvent
renouvelée. Jusqu'au moment de la floraison on seringue les plantes
tous les matins; plus tard on se contente d'arroser les pots, car l'eau
tombant sur les fleurs ternirait leur éclat; il faut aussi éviter les rayons
directs du soleil et ne laisser pénétrer jusqu'aux plantes qu'une lumière
diffuse. Les petits pelargoniums de fantaisie fleurissent abondamment
en plein air ou en pleine terre et forment de petits buissons tout
émaillés des couleurs les plus éclatantes. Il faut avoir soin de disposer
les variétés de manière à obtenir un harmonieux contraste de couleurs.
Après la floraison on expose les plantes à l'air libre et graduellement
au soleil pour solidifier les rameaux et provoquer la maturation des
fruits; les graines recueillies se sèment ordinairement au mois de mars
suivant. Au commencement de l'automne, on procède à la taille des pelar-
t/oniums, après les avoir laissé sécher pendant quelques jours ; on élague
toutes les petites branches inutiles et on coupe l'extrémité des rameaux
de l'année de manière à donner à la plante la forme désirée. Cette forme
14 —
variera nécessairement beau-
coup; mais nous conseillons
fort de tailler en pyramide ou
en boule. Les deux petites
ligures ci -contre montrent
l'une un squelette de pelar-
gonium taillé en pyramide,
l'autre la même plante en
végétation. Cette forme élé-
gante permet de cultiver un
grand nombre de variétés
dans un espace restreint. Elle £S%M
est de beaucoup préférable $Êf
et bien supérieure à ces in- fil
dividus tous dégarnis du pied ^^
et verdoyant seulement à la
partie supérieure.
La multiplication se fait très-facilement, par boutures dans un terreau
léger, mélangé de sable et après la taille. Avant l'hiver toutes les
boutures sont bien enracinées.
Dès l'apparition des froids on doit rentrer les pelargoniums dans
une serre médiocrement chauffée, de manière à les maintenir dans un
état complet de repos. 11 faut par conséquent être avare d'eau. Il est
facile de réaliser ces conditions dans une serre spécialement réservée
aux pelargoniums, mais si on ne dispose que d'une seule serre tem-
pérée, il faut avoir soin de les placer dans la partie la plus froide, la
plus sèche et la mieux aérée. On ne peut chauffer ni arroser que vers
la fin de février quand commencera la période de végétation. Il convient
alors de rempoter dans des pots appropriés à la vigueur des plantes
et avec une terre composée d'un mélange de un quart de terre franche,
un quart de terreau de couche, un quart de terre de bruyère ou de
terreau de feuilles, un demi-quart, de poudretle et un demi-quart de
sable. Il est presque superflu d'ajouter qu'il est indispensable de
drainer parfaitement. Quelques jardiniers conseillent de rempoter les
pelargoniums au moment de leur rentrée en novembre , d'autres
s'élèvent énergiquement contre cette pratique. On change de pot et de
terre, en janvier, les plantes que l'on veut voir fleurir en juin, et en
février celles qui doivent être fleuries en juillet.
La fléuraison successive des pelargoniums dépend beaucoup du trai-
tement hivernal. Par-dessus tout, il faut éviter l'humidité stagnante
et la chaleur sèche. Si les pucerons apparaissaient, il faudrait immé-
diatement recourir aux fumigation? de tabac
E. M.
— 45 —
ESTHÉTIQUE ET CULTURE DES CINÉRAIRES,
OU DES QUALITÉS QUE CES FLEURS DOIVENT RÉALISER
D'APRÈS M. G. G.,
Par M. Edouard Mo ri» en.
Les cinéraires étaient jadis de pauvres petites fieurs, éloilées, à
pétales étroits ; on aurait ri de celui qui eût osé avancer que ces fleurs,
pour être parfaites, devaient être rondes, et beaucoup de personnes
soutenaient qu'il était impossible de réaliser cet idéal. Quelles étaient
cependant les exigences? II fallait augmenter le nombre des pétales,
les élargir, arrondir leurs extrémités et en faire disparaître les dents :
voilà ce qui doit constituer une fleur parfaitement ronde.
— 16
La beauté des cinéraires dépend beaucoup de leur couleur. La tex-
ture des pétales est naturellement rude et ridée, ce qui assombrit
les teintes : ainsi le bleu et le rouge, qui seraient veloutés s'ils étaient
étendus sur une surface unie, paraissent ternes sur un fond rude
comme le papier. Il faut donc s'efforcer d'obtenir des cinéraires dont
les pétales soient brillants et unis. Quant au coloris, que les pétales
soient à fond blanc et vivement colorés à l'extrémité ; le blanc des
cinéraires, est, précisément à cause de la surface rugueuse des pétales,
du blanc de lait le pins pur. Toute la beauté de la coloration d'une
cinéraire se résume dans le blanc pur du fond et la brillante teinte de
l'extrémité des rayons ; cette bordure doit être très-régulière et former
un cercle parfait.
Souvent le disque est trop grand pour la fleur , il n'est ni noir ni
jaune et offre un aspect d'un gris sale. Celte imperfection passe souvent
inaperçue aux yeux des amateurs.
Une fleur parfaite doit avoir le disque soit noir, soit jaune d'or,
un fond blanc et une aréole vivement colorée ; pins grand est le
contraste, plus belle est la fleur, mais rien n'est plus rare qu'une
cinéraire parfaite. Il faut en outre que les pétales soient veloutés ou
glacés, que la fleur soit entièrement plane ; jamais elle ne peut former
la coupe et il est même préférable qu'elle soit légèrement bombée.
Que le feuillage soit vi-
goureux et que les feuilles
se présentent comme des
surfaces unies ; que l'inflo-
rescence soit plane et que
les fleurs ne se superposent
pas.
Telles sont les qualités
qu'un bon expert doit exiger
et l'on voit qu'il n'est pas
facile de bien juger des ci-
néraires, puisqu'il ne faut
perdre de vue aucun des
points précités.
11 est une autre catégorie
de cinéraires qui n'est pas
sans mérite; ce sont celles dont les bords sont vivement colorés et
dont la teinte vient se perdre insensiblement vers la naissance des
pétales. Nous ne considérons cependant ces variétés que comme de
second ordre.
— 17 —
En résumé :
La fleur doit être ronde ; les pétales sans dentelures, ni découpures,
à bords arrondis. '
Plus les pétales sont larges, obtus, épais et d'une texture unie,
mieux ils valent ; ils ne peuvent laisser entre eux aucun intervalle.
Le disque doit avoir un tiers , sinon un quart du diamètre total de
la fleur.
L'inflorescence doit être large; les fleurs l'une à côté de l'autre, bords
à bords, formant une surface plane, un peu bombée vers le centre.
Le fond de ces fleurs doit être le blanc pur ; tous les cercles doivent
être d'une couleur vive et bien définie, formant autant d'anneaux
régulièrement concentriques ; le coloris doit toujours être brillant :
plus le contraste est vif, mieux il vaut.
Les plus belles nouveautés de cinéraires sont les suivantes : Mar-
guerite d'Anjou, marron-cramoisi, à disque foncé; Constellation, cl 'un
blanc pur, bordé nettement de bleu; Impératrice Eugénie, très-belle
variété blanche, à bords cramoisis et disque violet; Fascination, d'un
bleu foncé, cercle blanc autour du disque; Lord Stamford, blanc pur,
bordé d'un bleu de porcelaine, variété fort distinguée ; Madame Gérard
Leigh, blanc pur, à bord rose violacé, disque bleu; Madame Rogers,
blanc , bordé d'un rose pourpré , disque foncé , forme excellente ;
Novelty, rouge violet, à disque clair, fleurs grandes et belles;
Picturata, superbe variété à fond blanc, large bordure rose violacé,
disque couleur de lavande; Prince de Prusse, bleu de ciel brillant,
disque, entouré d'un cercle blanc; Prince Albert, cramoisi-écarlate ,
fleur de beaucoup d'effet; Scottish Cliieftain, blanc, large bordure
violette, disque violet.
— Malgré la juste faveur dont ces charmantes fleurs jouissent,
elles sont rarement traitées comme elles doivent l'être; voici, selon
nous, la manière la plus convenable de les cultiver.
On propage aisément les cinéraires en séparant les rejets des vieux
pieds et en les plantant dans de petits pots ; mais il vaut mieux en faire,
vers la fin du mois de juin , des boutures qu'on place dans une couche
froide. Il est bon également de recueillir les graines des meilleures
variétés, qu'on sème de bonne heure au printemps, dans des pots larges
ou dans des terrines. On met ces pots en lieu où ils puissent recevoir
une bonne chaleur de fond. Lorsque les graines ont levé et que les
jeunes plantes montrent leurs premières feuilles, on les repique avec
soin dans de tout petits pois et on continue de donner une chaleur
modérée jusqu'à ce que le temps permette de les transporter dans une
couche. Là, on laisse les plantes tout près du verre, on ombre et l'on
BELG. HORT. T. VI. 3
— 48 —
tient fermé pendant quelques jours, après lesquels on donne un peu
d'air, en aérant ensuite de plus en plus jusqu'à ce que les jeunes pieds
aient pris une certaine force. On arrose modérément , tout juste assez
pour entretenir la terre fraîche. Mais on doit surtout éviter de laisser
sécher la terre, car le manque d'eau est la seule cause à laquelle il faut
attribuer le développement du champignon parasite ou de la moisissure
qui fait le plus grand mal à ces plantes. Pour empêcher l'invasion de ce
champignon destructeur, il faut : 1° laisser à l'air une libre circulation
pendant le jour, en ayant soin de fermer les châssis le soir; 2° faire les
arrosements avec beaucoup d'exactitude et d'attention; 3° enlever toutes
les feuilles mortes qui ont, en outre, l'inconvénient de devenir des
nids à pucerons.
Les plantes ayant pris de la force, on les rempote avec un composé
formé, par portions égales, de terre tourbeuse, de terre franche, de
terreau de feuilles, de fumier de vache consommé et de sable. On
emploie des pots de six pouces, avec une bonne couche de tessons, sur
laquelle on met une assise mince de morceaux de tourbe. Après le
rempotage, on remet les plantes dans la couche. On arrose modérément,
et on laisse passer un bon courant d'air dont l'action est très-salutaire.
Il faut surtout veiller à ce que les racines ne soient pas gênées et ne se
contournent pas au contact du pot, ce qu'on évite en rempotant assez
souvent, et en donnant aux plantes des pots plus grands. Après les
rempotages, on replace les plantes dans le coffre. Si les pucerons s'y
montrent, on les détruit au moyen de fumigations de tabac.
Après avoir reçu les soins qui viennent d'être indiqués, les cinéraires
doivent former déjà des plantes d'une bonne force; si cependant elles
n'avaient pas pris un développement suffisant, on les arroserait avec un
engrais liquide. Le meilleur est donné par le fumier de vache, qui a,
de plus, selon nous, le mérite d'aviver la couleur des fleurs. A la fin
d'octobre, on opère encore un rempotage en employant le même
compost que précédemment, un changement de terre étant à cette époque
très-préjudiciable. On place ensuite les plantes dans une orangerie tout
contre les vitres, ou bien dans une couche, pourvu qu'on puisse la
chauffer assez pour empêcher la gelée de s'y faire sentir. Jusqu'à l'é-
poque de leur floraison, on doit employer tous les moyens possibles
pour entretenir la végétation constamment vigoureuse; on les attache
soigneusement pour leur donner une forme compacte et serrée. Vers la
fin de février, elles seront en fleurs, et la beauté de leur floraison
dédommagera des soins que leur culture a exigés. Dès que les fleurs
commencent à se flétrir et que les feuilles jaunissent, on donne moins
d'eau, et, si la chose est possible, on place en plein air, ces plantes
exigeant une période de repos.
— 19 —
UN MOT SUR LA RUSTICITÉ DE PLUSIEURS ARBRES RÉSINEUX ,
DE QUELQUES VARIÉTÉS
DE CAMELL1AS ET AUTRES PLANTES.
Nous croyons être utiles à grand nombre de nos abonnés, qui crain-
draient délivrer leurs arbres à la pleine terre, en leur signalant ici
quantité d'arbres exotiques cultivés à Harcourt (département de l'Eure) ,
et qui ont résisté à l'hiver dernier.
Ce sont les Cunninghamia sinensis, Araucaria imbricata, Abies
Douglasii, A. Menziezii, A. Wcbbiana, A. Nordmanniana, A. Cepha-
lonica, Pinus halepensis, P. Pinea, P. monspeliensis, P. excelsa, Cednts
Deodara, Podocarpus Makii, Koraiana spicala, Cupressus fmiebris,
C. macrocarpa, C. torulosa, G. eiegans, Séquoia sempervirens , Crypto-
meria Japonica, Libocedrvs chilensis. Le bel arbre qui se trouve le
dernier de notre nomenclature est un des premiers sujets qui aient été
livrés à la pleine terre dans les cultures françaises; on peut donc être
assuré aujourd'hui qu'il résiste à la température de notre climat.
Les Pinas ponderosa, P. excelsa, P. monticola et P. Lambert iana s'y
sont aussi développés avec beaucoup de vigueur; mais les Cryptomeria
Japonica les dépassent de beaucoup. La plus grande partie des jeunes
individus plantés l'année dernière a poussé des bourgeons verticaux de
plus d'un mètre, et, quoique les tiges fussent encore à l'état herbacé au
mois de novembre, elles n'ont cependant pas été atteintes par le froid.
Trois camellias, dont deux à fleurs panachées et un à fleur rouge,
avaient été mis pour expérience en pleine terre avec cinq azaleas, dont
deux A. liliiflora, deux .1. viohtcea et un A. phœnicea. Les camellias
abandonnés à la pleine terre et placés au nord sans aucune couverture,
n'ont perdu que quelques feuilles; il en a été de même des deux azaleas
à fleurs blanches; mais les autres variétés ont eu l'extrémité de leurs
rameaux endommagés.
Le Calycanthus occidentalis, Lindl. (macrophyllus) et le Nandina do-
mestica ont également résisté à la gelée et n'ont perdu aucune de leurs
branches.
Joignons à cette note une liste d'anciennes variétés cultivées en terre
de bruyère, à l'air libre, dans différentes positions, dans les jardins de
M. Margal fils, pépiniériste, à Yitry-sur-Scine.
Camellia panaché.
Ca
mollia
Grand- Frédéric.
— tricolor.
—
Camplerii.
— variegata.
—
Pulkeriana slriata.
— imbricala.
—
imperialis.
— formosissima.
— 20 —
Nous ne doutons pas qu'un grand nombre de camellias , issus d'un
type provenant des régions froides du Japon et de la Chine, ne four-
nissent des variétés de diverses couleurs , assez rustiques sous le climat
de Paris pour servir à l'ornementation de nos massifs de terre de bruyère.
Il serait donc urgent de tenter l'expérience de la pleine terre sur un
sujet de chaque variété, pour en connaître la rusticité.
Le genre rhododendron-azalée est sans contredit un des plus flori-
fères et des plus riches en couleurs variées pour l'ornementation des
serres. Il est donc dans l'intérêt de la floriculture de faire connaître le
mérite des variétés de rhododendrons-azalées qui nous ont donné des
preuves de leur rusticité cet hiver. Nous citerons les suivantes :
Rhododendron ledifolium. Azalea liliiflora, Hort. Rhododendron amœnum, Lind!.
— Danielsianum. Azalea vittata , Hort.
Ces variétés, plantées au Muséum depuis 1852 dans des massifs
de terre de bruyère, à l'air libre, ont bravé les froids rigoureux de
l'hiver 1854-55, et donnent chaque année une floraison des plus bril-
lantes; il serait donc à désirer qu'on tentât des expériences sur les
variétés de ce genre, comme sur le genre camellia.
(Extr. de la Revue Hort., tom. IV.)
HISTOIRE DES PLANTES UTILES.
Usage des feuilles du caféier en infusion.
Les chimistes ont découvert le même principe dans le thé et le café,
et ce principe a été reconnu exister dans la feuille du caféier. Quelques
colons européens ont essayé de l'infusion des feuilles de ce dernier
arbuste, mais ils ont été devancés par une population barbare de l'archi-
pel malais. Voici un fragment d'une lettre adressée à sir W.-J. Hooker,
par M. James Motley, en date de Singapore, mars 1854.
« En remontant la rivière Chenaku (ile de Sumatra) je vis de tous
côtés des caféiers près des habitations. Leurs fruits étaient toujours
abandonnés et pourrissaient sur le terrain. J'en demandai la raison, et
j'appris que les habitants buvaient une infusion des feuilles et négli-
geaient complètement les fruits. On comprend combien je désirais
goûter ce breuvage et le voir préparer. J'eus heureusement l'occasion
de satisfaire ce désir. On cueillit devant moi quelques branches cou-
vertes de feuilles, on les coupa de la longueur d'un pied environ, et
elles furent serrées entre deux bambous liés aux deux extrémités, ce
qui formait une sorte de disque épais de feuillage de 18 à °20 pouces de
Cerise blanche du Aord,
— 21 —
diamètre. Alors on présenta ce disque devant un feu clair, en se servant
des extrémités du bambou comme de manche, jusqu'à ce que les feuilles
eussent une teinte d'un vert brun , et fussent complètement crispées et
friables. La fin de cette opération exige quelques soins, car les feuilles
deviennent inflammables comme de la poudre à canon, pour ainsi dire,
et si la flamme les atteint elles sont détruites en un instant. Une fois
sèches, les feuilles sont pulvérisées avec la main. Cette poudre reçoit
de l'eau bouillante, comme le thé, seulement on en emploie beaucoup
plus. Elle donne un liquide brun foncé, qui paraît du café, dont l'odeur
est celle du thé vert , et dont la saveur ressemble certainement beau-
coup à un mélange des deux. C'est un breuvage très-agréable, qui
rafraîchit après un jour de fatigue au soleil. Je comprends comment ce
peuple en est passionné. »
Le caféier a été introduit à Batavia en 4690, par Van Hoorn, gou-
verneur des Indes hollandaises. Il a pu se répandre à Sumatra vers le
commencement du siècle dernier. Comme d'ailleurs on n'avait point
remarqué l'usage de boire une infusion de feuilles , il faut que les indi-
gènes de cet archipel l'aient inventé depuis peu. Ils ne sont donc pas
aussi grossiers et aussi routiniers qu'on le suppose. La pratique dont
ils donnent l'exemple sera bientôt imitée ailleurs, et ouvrira peut-être
une carrière nouvelle à l'agriculture et au commerce des colonies. Telle
contrée, défavorable à la maturité des baies du café, peut se trouver
favorable au développement des feuilles. D'ailleurs, il ne parait pas que
l'usage de celles-ci exclue la production des baies , du moins dans une
certaine mesure. On aura donc deux produits du même arbre.
(Hooker's, Journal of Botany, février 1855.)
JARDIN FRUITIER.
CERISE BLANCHE DU NORD,
Par M. Edouard Morren.
Cette cerise remarquable est cultivée à Liège dans les jardins de
Mmc Brahy-Ekenholm , et c'est là une bonne recommandation pour nos
lecteurs, qui ont déjà été souvent initiés aux beautés des cultures et
ont pu apprécier quelques-uns des gains de cette dame.
L'arbre est vigoureux et résistant, à bois dur, recouvert d'une écorce
lisse et gris d'acier, très-fructifère. Les fruits, qui mûrissent tôt, sont
gros, ont la peau et la chair d'un beau jaune paille; ils sont arrondis,
un peu allongés, portés par dos pédoncules longs. La chair en est ferme,
douce et juteuse, très-parfumée, à arrière-goût un peu tonique; ils ont
une douceur et un arôme dont aucune cerise colorée ne saurait appro-
cher, et servis sur les tables au milieu des cerises roses, rouges et
pourpres, ils plaisent aux yeux autant qu'ils charment le palais.
NOTE SUR L'ÉTABLISSEMENT D'UNE FRAISIÈRE,
LA CULTURE ET LA PROPAGATION DES FRAISIERS,
D'après les préceptes de M. Undekhill, amateur anglais.
Le meilleur emplacement qui convient à une fraisière est une expo-
sition en plein soleil, sans aucun ombrage. Au commencement de
juillet on fume bien le sol et s'il est léger on y mêle de la marne, car
la plupart des espèces aiment une terre ferme et argileuse : si ces
conditions ne sont pas remplies, les fraises donneront force feuilles,
mais peu de fruits. Après avoir bêché et bien foulé la terre, il faut
faire choix des plantes que l'on veut y mettre. Les meilleurs coulants
sent ceux qui ont de courtes racines; ceux-là n'ayant guère encore
touché au sol , s'enfoncent plus promptement dans la terre et reprennent
beaucoup plus facilement. On les enfonce à une profondeur médiocre,
en tassant soigneusement la terre autour des racines, mais sans
recouvrir le cœur de la jeune planté. Il est bon de les abriter un peu
du soleil immédiatement après la plantation et de les arroser un peu,
si le ciel ne se charge pas de la chose. Quelques jardiniers préfèrent
les premiers coulants, c'est-à-dire les plus proches de la plante-mère;
mais à mon avis les seconds, les troisièmes ou les quatrièmes ou même
les coulants secondaires donneront d'aussi bonnes plantes que les pre-
miers. Il est beaucoup plus important d'établir la fraisière assez tôt
pour que les plants se soient parfaitement enracinés avant l'hiver,
afin qu'ils ne soient pas soulevés par les gelées.
On ne peut jamais garder, sous aucun prétexte, les mêmes plantes
pendant plus de deux ans, car après deux récoltes, elles auront perdu
toute leur force et leur vigueur; la première année on obtient des
fruits gros et de la meilleure qualité, la seconde année la récolte sera
particulièrement abondante; mais les fruits dégénèrent par la quantité
et la qualité. Un renouvellement bisannuel est donc une opération
indispensable. Pour fortifier les jeunes plantes il faut leur ôter les filets
qu'elles font en automne, vu qu'ils tendent nécessairement à affaiblir
la plante-mère.
— 23 —
Quoique ce mode de plantation me paraisse préférable, sa réussite
dépend un peu du temps. De fortes plantes, transplantées avec soin
en murs, porteront souvent des fruits en grande abondance la même
année.
Il faut soigneusement sarcler les mauvaises herbes de ces fraisières.
En automne, après avoir choisi assez de fdets pour les nouvelles plan-
tations, il faut enlever tous ceux qui sont de trop et la paille qui a
servi à soutenir les fruits, en ayant soin cependant de ne pas ôter les
feuilles des plantes-mères. Au printemps, après avoir sarclé, on répand
autour des fraisiers du fumier bien consommé, dont la pluie enlèvera
les parties solubles et utiles pour les porter aux racines, ou de l'engrais
liquide pourvu qu'il ne soit pas trop fort. Le guano convient parfaite-
ment, mais il faut en user avec ménagement. 11 vaut mieux attendre
le mois d'avril pour enlever les vieilles feuilles des plantes, car s'il
survenait quelque nouvelle gelée, elles serviraient à protéger les jeunes
feuilles naissantes qui pourraient, sans cette protection, être tuées par
le mauvais temps.
Jamais on ne doit remuer la fraisière avec la bêche ou la fourche,
car on ne saurait le faire sans nuire aux racines; on ouvrirait ainsi le
sol , et pendant la maturation la chaleur du soleil dessécherait ces
racines qui aiment tant la fraîcheur; on nuirait ainsi à la qualité
des fruits.
Dès que le fruit commence à se former et jusqu'à ce qu'il commence
à se colorer, on ne saurait lui donner trop d'eau; plus on lui en donne
et plus il augmentera de volume. Mais après que le changement de
couleur a eu lieu, la fraisière ne peut pas être tenue trop sèche. On
donne d'abord beaucoup d'eau pour empêcher le sol de se fendre
pendant la sécheresse. Dès que le fruit est parvenu à la moitié de sa
grosseur on doit répandre de la paille entre les plantes, sous les fraises :
on empêche ainsi les fruits d'être souillés par la boue, et on maintient
le sol dans un état d'humidité convenable. Dès que je vois de beaux
fruits se former, j'ai l'habitude de les placer sur un morceau d'ardoise
qui, en attirant les rayons du soleil, fait que le fruitj.se colore d'une
manière uniforme.
On remplace quelquefois la paille par de l'herbe fraîche; c'est une
pratique à condamner fortement, car cette herbe se corrompt par la
pluie ou même seulement par l'humidité naturelle de la terre, et elle
communique aux fraises un mauvais goût qui les gâte encore plus que
la poussière.— On pourrait supposer que l'usage de la paille (straw) est
l'origine du nom anglais de la fraise (strawberry).
La distance la plus convenable abaisser entre les plantes des meil-
— 24 —
ieures et des plus grosses variétés est de deux pieds anglais ou
60 centimètres environ.
Pour qu'on puisse avoir deux bonnes récoltes des mêmes plantes
en une année, il faut faire choix des espèces les plus fécondes. Après
la récolte du printemps, on enlève les filets, on transplante les fraisiers
dans des pots, que l'on arrose avec de l'engrais liquide, puis on enfonce
ceux-ci dans la terre, les laissant en plein air jusqu'à l'automne. Quand
les plantes auront fleuri et noué pour la seconde fois, on les transportera
dans la serre, où la chaleur artificielle déterminera la maturation des
fruits.
Il y a des variétés qu'on appelle perpétuelles, qui donnent du fruit,
spontanément, deux fois l'an. Mais à mon avis les fraises qui mûrissent
en plein air, soit de bonne heure au printemps, soit pendant l'automne,
ne valent presque jamais rien, car il faut le soleil d'été pour leur
donner une saveur exquise.
On ne devrait jamais tuer ni les grenouilles, ni les crapauds, qui ne
fréquentent les fraisières qu'à cause de l'ombre qu'ils y trouvent ; ils y
rendent de bons services en mangeant les escargots, les limaces et
d'autres insectes, qui eux s'attaquent aux fruits. Qu'un amateur de
fraises regarde bâiller un crapaud ou une grenouille , et il pourra se
convaincre , à la forme de la gueule de ces reptiles, que la nature ne les
a pas faits pour vivre de fruit : ce sont des auxiliaires utiles dans tous
les jardins, et les cultivateurs ont peu d'amis qui leur rendent de plus
grands services.
PATHOLOGIE VÉGÉTALE.
MODE D'EMPLOI DU SOUFRE DANS LE TRAITEMENT DE LA MALADIE
DE LA VIGNE ,
Par M. C.-J. Thibault.
Parmi les moyens divers proposés pour combattre la maladie de la
vigne, le soufre est celui qui a prévalu. On peut môme conclure des
expériences nombreuses qui ont été faites à ce sujet , et de la persé-
vérance avec laquelle les agriculteurs s'occupent de ce moyen, que
c'est bien là le remède au mal. La difficulté consiste surtout dans
l'application durable du soufre sur la vigne.
A plusieurs reprises nous avons publié des systèmes proposés dans
ce but : aujourd'hui nous reproduisons l'extrait d'une note que
M. Thibault vient de soumettre à l'Académie des sciences de Paris.
— 25 —
« La réapparition de la maladie de la vigne étant signalée de nou-
veau dans plusieurs régions, je crois devoir entretenir l'Académie
d'un mode de traitement que j'ai expérimenté avec un plein succès,
et qui , mis en pratique sur une plus grande échelle que je n'ai pu le
faire, donnera le même résultat que celui que j'ai obtenu.
» Parmi les nombreux moyens proposés et expérimentés jusqu'à ce
jour, celui qui a paru être employé avec le plus de succès est le soufre.
On en a obtenu des effets très-satisfaisants à Thomery ; mais son
emploi à l'état de fleur de soufre offre plus d'un inconvénient, dont le
moindre est d'exiger une grande quantité de soufre pour en répandre
peu sur les ceps. Il faut aussi, pour que l'opération réussisse, qu'il
y ait du calme dans l'atmosphère ; car le moindre vent suffit pour
entraîner le soufre projeté ; il faut encore opérer le matin, à la rosée,
pour qu'il puisse se fixer. L'ensemble de ces divers inconvénients a
sans doute été cause qu'il ne s'est pas généralisé. Prenant pour point
de départ les expériences faites à Thomery, et regardant le soufre
comme un agent dont l'efficacité a été constatée, j'ai recherché un
moyen qui permît de l'employer avec assez de facilité pour que le
procédé pût être adopté ; j'y suis parvenu au moyen de la prépa-
ration suivante :
Polysulfure de potasse du commerce. . . 1 kilogramme.
Acide chlorhydrique - . . . 250 grammes.
Eau 100 litres.
»On fait dissoudre le sulfure dans la moitié de la quantité d'eau,
on ajoute l'acide dans l'autre partie, et on mélange. On obtient ainsi
un liquide qui tient du soufre en suspension, du sulfure de potassium
et de l'hydrogène sulfuré en dissolution.
«Cette préparation peut être employée quel que soit l'état de l'at-
mosphère, pourvu qu'il ne pleuve pas. La seule précaution à prendre,
c'est de n'opérer les mélanges qu'au fur et à mesure des besoins, de
manière à employer la liqueur aussitôt qu'elle est préparée, tandis
qu'elle est laiteuse, et ne pas attendre que le soufre se soit précipité.
On peut se servir d'un irrigateur ordinaire pour projeter le liquide
sur les ceps ; un seul arrosage peut suffire : il m'a réussi ; du reste ,
on pourrait revenir à un second traitement quelques jours après le
premier, si l'on s'apercevait qu'il y eût encore trace de maladie. Outre
son action immédiate, cette solution a encore cet avantage, que le
soufre fixé sur les ceps laisse dégager pendant quelques jours de
l'hydrogène sulfuré avec lequel il s'était, pour ainsi dire, combiné au
moment de la précipitation; en outre, du nouveau soufre est mis à
BEI.G. HORT. T. VI. 4
— 26 —
nu par suite de la décomposition du sulfure de potassium au contact
de l'air ; la vigne reste donc dans un milieu sulfureux assez de temps
pour que l'action du soufre devienne certaine.
»Mes expériences ont été faites sur une treille d'une certaine étendue
(pouvant fournir une pièce de vin en temps ordinaire) et complè-
tement infectée par l'oïdium; elles ont été faites au mois d'août der-
nier, époque où la maladie était dans toute son intensité. Pas une
grappe n'était saine; un réseau pulvérulent, signe caractéristique de
la maladie, emprisonnait presque tous les grains. Je ne traitai qu'une
partie des ceps, l'autre étant réservée pour servir de terme de com-
paraison ; de plus, je fis choix d'un cep bifurqué ; l'une des bifurca-
tions fut seule soumise au traitement, et l'autre réservée. Le résultat
à obtenir devait être concluant, et il l'a été. En effet, une semaine
après, dans toute la partie des ceps qui avait été arrosée avec le lait
sulfureux, le réseau pulvérulent qui enveloppait les grains avait dis-
paru ; ceux-ci ont pris de la transparence , se sont développés avec
rapidité , et la maturité est arrivée assez à temps pour qu'ils ne fussent
pas infectés de nouveau par l'oïdium couvrant les ceps non arrosés.
Aucune trace de maturité ne s'est fait remarquer sur les ceps non
soumis au traitement, les grains se sont desséchés. Un résultat iden-
tique a eu lieu pour l'expérience faite sur le ceps bifurqué.»
(Génie industriel.)
DU GREFFAGE DES PRUNIERS ET DES CERISIERS,
Par J.-J. Bochnal, père.
Que la pratique enseigne bien plus que toutes les instructions théo-
rétiques , consignées dans des livres plus ou moins classiques : c'est un
axiome qui doit surtout s'appliquer à l'arboriculture. Que l'on prenne,
en effet, en main quelque traité de pomologie, pour y voir dans quel
temps, à quelle époque de l'année, il faut greffer les pruniers et les
cerisiers, et principalement ceux dont la végétation ne laisse rien à
désirer, et l'on n'y trouvera rien de précis , rien d'entièrement satis-
faisant, et tout au plus une indication d'autant plus incomplète, qu'elle
ne peut nullement mener au but. Les pomologues les plus expéri-
mentés ne peuvent donner, touchant cette partie si intéressante de la
culture des arbres fruitiers, aucune certitude.
J'entends chaque année des horticulteurs élever des plaintes amères
sur la non réussite de leurs greffes, et une pratique, qui date de
longtemps, m'a fait trouver dans les vergers d'arbres à noyaux,
— 27 —
beaucoup de sujets, qui, pourvus de rameaux secs, périssaient au
faite ou sommet, tandis qu'au contraire les greffes de fruits à pépins,
faites sur des sujets couverts au-dessous d'une écorce rugueuse, avaient
parfaitement réussi. Maintenant , la connaissance de ce fait nous
conduit cà celle de ces diversités.
Le greffage des pruniers et des cerisiers doit se faire aussitôt que
possible, attendu que la monte de la sève est la cause que les rameaux
dessèchent. C'est pourquoi le greffage réussit ordinairement sur des
sujets récemment plantés, parce que la sève n'a encore pu se déve-
lopper. Après le mois de mars il est presqu'inutile de greffer, puisqu'on
peut se tenir pour assuré que les greffes ne prendront point, à moins
cependant que l'hiver n'ait été extrêmement rigoureux, ou que les
sujets sur lesquels on opère soient d'une plantation récente, en quel
cas la circulation de la sève s'y trouve arrêtée ou arriérée.
Comme le mouvement de la sève est ordinairement moins intense
quand la lune commence à décroître que dans sa croissance, il est bon
de choisir la phase qui suit la pleine lune pour opérer le greffage.
C'est aussi une condition de réussite, que l'on ne greffe pas avec des
rameaux tout fraîchement coupés; ceux qui ont quelques jours de date
et qu'on a, pour ainsi dire laissé avoir faim, prendront ordinairement
plus vite et mieux que ceux qu'on a fait immédiatement passer de l'arbre
duquel on les a coupés dans la fente du sujet où on les greffe.
La greffe du prunier doit nécessairement et essentiellement toucher
l'écorce extérieure du sujet que l'on greffe, tandis que celle du cerisier
peut indifféremment se poser au milieu ou aux bords de la fente et
rester isolée ou bien mise en contact avec l'écorce extérieure.
Il faut observer de laisser au sujet que l'on greffe une pousse
au-dessous de la fente, que l'on a soin d'enlever plus tard, quand
la greffe s'est développée, ce qui peut se faire après la Saint-Jean.
Ordinairement dans l'automne on débarrasse le sujet greffé de tous ses
sauvageons.
On doit aussi opérer de manière à ce que l'œilleton inférieur de la
greffe soit placé du côté interne, et ne touche aucunement à l'enduit,
qui doit se composer de deux parties de poix, sur une partie de
cire jaune.
Une dernière recommandation est de ne point greffer par un vent
trop violent, afin d'empêcher les greffes de gercer. En agissant d'après
ces enseignements, les horticulteurs verront leurs efforts couronnés
d'un heureux succès, et leurs greffes de pruniers et cerisiers réussir à
merveille.
(Traduit du journal allemand Pomona).
— 28 —
CULTURE MARAÎCHÈRE DU CARDON,
Par M. P. Joigneacx.
Le cardon est un artichaut, mais un artichaut d'une autre espèee
que celui de notre connaissance à tous. L'un n'est bon que pour ses
tètes, l'autre n'est recherché que pour ses côtes. Qui aime les artichauts
cuits aimera vraisemblablement les côtes des cardons.
Les cardons ne sont pas communs dans nos jardins, sans doute parce
que le nombre des consommateurs en est restreint. Nous ne saurions
nous expliquer la chose autrement, car c'est une plante de facile culture
et qui réussit partout dans les terres profondes , bien ameublies et bien
fumées de vieille date. Sous les climats rapprochés du nord, dans les
pays froids, les cardons ont même un avantage sur les artichauts ordi-
naires : c'est de n'être pas exposés aux ravages des rudes hivers , puis-
qu'on les sème au printemps pour les arracher en automne.
On connaît plusieurs variétés de cardon , parmi lesquelles nous cite-
rons le cardon commun ou d'Espagne, le cardon de Tours à feuilles
épineuses, le cardon à côtes rouges et le cardon inerme ou à côtes pleines.
On fait très-grand cas du cardon de Tours sous le rapport de la qualité;
mais comme ses piquants sont redoutables et en rendent le maniement
difficile, nous engageons nos lecteurs à lui préférer le cardon inerme
ou à 'côtes pleines, qui est également de qualité supérieure et dont la
culture ne présente aucun inconvénient.
Procurez-vous, dès à présent, si vous le jugez convenable, de la
graine de cette dernière variété; puis vers la fin d'avril ou plutôt dans
la première quinzaine de mai, quand l'atmosphère et le sol seront déjà
tièdes, vous préparerez un carré pour recevoir cette graine. Choisissez
pour cela la partie de terrain la plus riche , couvrez-la même de fumier
noir complètement pourri, afin de l'enrichir davantage, et bêchez à
toute profondeur de fer, en ayant soin de bien diviser les mottes à
chaque coup de bêche. Vous nivellerez ensuite avec le râteau et laisserez
le sol se rasseoir pendant trois ou quatre jours seulement. Au bout de
ce temps , vous prendrez un cordeau et une baguette d'un mètre de long
au moins, qui vous servira de mesure pour rayonner le carré dans les
deux sens, en long et en large. Aux points où les rayons se croiseront,
vous ouvrirez des trous de 30 centimètres de profondeur sur 33 à 40
de diamètre; vous remplirez ces trous avec un mélange de fumier de
vache très-pourri, de fumier de cheval également très-pourri et de
cendres de bois que vous tasserez légèrement avec la main; puis vous
— 29 —
placerez 4 ou 5 graines sur cet engrais de chaque trou, en écartant les
graines de façon qu'elles soient distancées entre elles de 7 ou 8 centi-
mètres environ. Vous pèserez dessus avec le dos de la main et les re-
couvrirez de 5 centimètres de terre.
En temps de sécheresse, vous arroserez deux fois par jour, matin et
soir, avec l'arrosoir à pomme, pour favoriser la levée qui se fera au
bout de 20 à 25 jours, quelquefois même un peu plus tôt. Dès que les
plants auront quatre feuilles, vous éclaircirez, vous enlèverez les faibles
et laisserez le plus robuste de la touffe en place. Vous arroserez après
la levée comme avant et continuerez les arrosages avec le goulot de l'ar-
rosoir, jusqu'au moment de butter, c'est-à-dire, jusqu'à ce que les
feuilles aient de 30 à 40 centimètres de longueur, et seulement, bien
entendu, dans les temps de sécheresse.
Sous le climat de Paris, les feuilles des cardons sont ordinairement
bonnes à blanchir vers la fin d'août; mais sous le climat de la Belgique,
cette opération n'a lieu qu'en septembre, parfois même au commence-
ment d'octobre, selon que l'époque des semis a été avancée ou retardée.
Vous vous y prendrez de la manière suivante :
Par un temps chaud et après l'évaporation de la rosée, vous rassem-
blerez les feuilles de chaque pied de cardon , comme vous faites pour
lier les endives ou coiffer la romaine , et vous lierez ces feuilles par la
tête d'abord avec un lien de paille ou de jonc, mais délicatement, sans
les froisser, sans les serrer fortement. Cela fait, vous les lierez encore
de la même façon par le milieu, et toujours en commençant par les
plants les plus développés ; après quoi vous leur mettrez un chapeau de
paille serré du haut, écarté du bas en forme de ruche, et vous assujet-
tirez solidement ce chapeau en relevant de la terre à sa base, comme
pour butter. Plus cette enveloppe de paille sera épaisse, plus vite les
cardons blanchiront. C'est bon à savoir et à retenir, car il y a de l'in-
convénient à blanchir tous les pieds en même temps. Cette opération
veut être échelonnée, et voici pourquoi : Les cardons blanchis pour-
rissent vite, et demandent à être consommés sans retard. En liant de
huit jours en huit jours, en donnant aux uns une enveloppe de paille
épaisse, aux autres une enveloppe mince, on avance et l'on retarde à
volonté le succès de l'opération; ce qui est plus avantageux pour la
consommation.
Il ne faut pas moins de vingt jours pour blanchir convenablement
les cardons.
Quelquefois on les fait blanchir en cave. A cet effet, on sème les graines
en juin, et l'on enlève les plants avec la motte à l'approche des gelées,
et on les transporte dans la partie la plus obscure de la cave , après les
— 30 —
avoir liées tout simplement. Les côtes blanchissent lentement ainsi, et
l'on se trouve approvisionné pour une partie de l'hiver.
Les cardons ne se mettent en fleur et, par conséquent, en graines
que la seconde année. On laissera donc en place, sans les lier ni les
empailler, les pieds destinés à servir de porte-graines. On les buttera,
ou bien on les entourera de litière comme les artichauts ordinaires,
pour leur faire passer l'hiver. L'été suivant, dès que la fleur sera bien
ouverte, on tordra la tige par le haut, de manière à renverser la fleur
en bas , et l'on attendra que la maturation se fasse complètement.
La plupart des auteurs qui ont écrit des livres ou des articles sur la
culture maraîchère, ont eu, selon nous, le tort grave de s'en tenir aux
détails sur les semis, repiquages, plantations et soins d'entretien; ils
n'ont pas jugé à propos de signaler les usages des végétaux qu'ils nous
recommandent. Il s'ensuit que nous ne tenons pas toujours compte de
leurs conseils, et cela se comprend. Les légumes n'ont d'importance
pour nous qu'autant que leurs usages nous sont connus; il ne s'agit
pas seulement de savoir les produire, il s'agit surtout de savoir les
manger. A ce propos, nous devons des éloges a M. Gérardi, président
du comice agricole de Virton, qui a eu soin dans son livre sur la Culture
des plantes potagères, d'indiquer minutieusement les moyens de tirer
parti des plantes en question. Nous nous permettrons de lui emprunter
les quatre modes d'assaisonnement qu'il recommande :
« 1° On épluche les côtes ou cardes, on les coupe par morceaux, on
les fait cuire à l'eau bouillante avec sel; on fait égoutler et on verse
dessus ou du beurre fondu , ou une sauce blanche ;
» 2° Après avoir fait cuire comme dessus , on met dans un pot ou
dans une casserole, de la graisse ou du beurre, avec une cuillerée de
farine que l'on fait roussir; on ajoute bouillon, persil, sel, poivre,
ainsi que les cardons que l'on aura fait égoutter. On laissera cuire un
quart d'heure ou jusqu'à ce que la sauce soit suffisamment réduite;
»3° On frotte un plat avec du beurre, on y étend les cardons que
l'on aura fait cuire comme dessus; on saupoudre de mie de pain, on
arrose de beurre fondu, on met les assaisonnements ordinaires, on
pose le plat sur des cendres brûlantes, et on fait prendre couleur avec
un couvercle de tourtière chargé de braise ;
»4° On met dans une casserole du beurre manié de farine, on ajoute
les cardons cuits et égouttés, on assaisonne, on lie la sauce avec un ou
deux jaunes d'ceufs; lorsque le plat est retiré du feu, on ajoute un filet
do vinaigre. »
— 31 —
LE CRAMBÉ MARITÏMA OU CHOU MARIN,
Par M. P. Joigneaux.
Voici un légume excellent , très-recherché en Angleterre , à peine
connu en Belgique et en France. On ne le rencontre guère que dans
les jardins de grands seigneurs ou dans quelques-uns de ceux qui
avoisinent les grandes villes. Il n'est cependant pas d'une culture diffi-
cile, il est robuste et passe très-bien les hivers sous une couverture
de litière. Nous en avons vu de beaux échantillons au château de
Mirwart, en pleine exposition du nord; et, réussissant là, il n'y a pas
de raison pour qu'il ne réussisse point de même dans toute l'Ardenne.
Pourquoi donc ne cultive-t-on pas le crambé ? Je vais vous le dire. Nous
n'avons pas la patience d'attendre; en jardinage, comme en d'autres
opérations, nous voulons des résultats rapides, pour ainsi dire immé-
diats; nous sommes pressés de jouir. Or, avec le crambé, c'est tout
aussi impossible qu'avec les asperges. La première année ne compte
pas, la seconde non plus; ce n'est qu'à la troisième année qu'on com-
mence les récoltes, trois ou quatre dans la saison, et pendant sept ou
huit ans de suite, souvent plus. Deux années d'attente dans la vie d'un
homme, qu'est-ce que cela! Soyons donc moins impatients; ce n'est pas
comme s'il s'agissait de semer un bois de chênes.
Le crambé pousse naturellement dans les sables , sur certains points
de nos côtes maritimes; ses feuilles radicales, celles du bas, sont assez
larges et ont quelque ressemblance avec les feuilles ondulées du chou
brocolis. Le crambé, en outre, appartient, comme le chou, à la grande
famille des crucifères. A ces divers titres , il a reçu le nom vulgaire de
chou marin.
Culture. Choisissez une terre profonde, légère, sablonneuse, autant
que possible; mettez en automne ou en hiver une forte fumure d'engrais
d'étable bien pourri ou tout simplement de bouse de vache. Aussitôt
les beaux jours revenus, en avril, bêchez à toute profondeur de fer,
nivelez au râteau, puis, tracez au cordeau, à 60 centimètres environ
l'une de l'autre , des lignes légèrement marquées , seulement pour vous
guider. Sur chacune de ces lignes , ouvrez avec la main de petits trous
distancés de 12 à 15 centimètres environ, mettez dans chacun d'eux un
peu de terreau bien divisé, placez sur ce terreau 5 ou 6 graines de
crambé et recouvrez. Dès que la pousse se montrera, vous prendrez
l'arrosoir à pomme, vous y verserez de l'urine de vache ou du purin de
fumier que vous aurez soin d'abord d'allonger avec de l'eau ordinaire,
et vous mouillerez le semis légèrement, une fois par jour, en temps de
— 32 —
sécheresse bien entendu, et le matin seulement. Au bout d'un mois,
vous éclaircirez; vous enlèverez à la main les plantes faibles et épar-
gnerez les plus robustes, de manière à laisser entre elles un espace de
60 centimètres en tous sens. Au fur et à mesure que les mauvaises
herbes envahiront la planche, vous les ferez disparaître, et une fois
tous les quinze jours vous binerez délicatement chaque pied de crambé
et l'entourerez avec deux ou trois poignées de terreau ou de fumier de
.vache très-décomposé. C'est une plante qui aime l'engrais souvent
renouvelé. En procédant de la sorte, vous obtiendrez une vigoureuse
végétation de première année, une belle et forte racine. A l'approche de
l'hiver, vous chargerez les planches de crambé avec du fumier long, de
la paille ou des feuilles mortes. Aussitôt que les grands froids ne seront
plus à craindre, vous découvrirez pour donner de l'air. Au printemps
de cette seconde année, vous sarclerez et binerez comme précédemment,
et après chaque binage vous éparpillerez un peu de terreau dans le
voisinage des pieds.
Au commencement de la troisième année, dès que les feuilles se
montreront, vous les recouvrirez avec de petites ruches en paille ou
avec des pots , de façon que la lumière du jour ne puisse frapper les
plantes. Les jeunes pousses de feuilles et de tiges s'étioleront, jauniront,
blanchiront en se développant ainsi à l'ombre. Lorsqu'elles auront
de 20 à 30 centimètres , vous les couperez près du collet et les mangerez
cuites, en manière de petits pois, comme les asperges. Les personnes
qui aiment les choux-fleurs aimeront les crambés, car ils en ont la
saveur ou approchant.
Aussitôt la première coupe faite , vous envelopperez chaque pied
tondu avec du fumier d'étable et vous attendrez que de nouvelles jeunes
feuilles apparaissent pour recouvrir comme précédemment. Cette opé-
ration d'étiolement n'a rien de difficile; mais il pourrait se faire qu'elle
devînt rebutante pour ceux de nos lecteurs qui ne se soucient point
d'acheter de petites ruches ou de larges pots. A ceux-là, nous recom-
manderons tout simplement de butter les crambés comme l'on butte
les céleris, tous les huits jours, et presque jusqu'au-dessus des feuilles
chaque fois. Beaucoup de jardiniers, et des plus habiles, ne s'y prennent
pas autrement.
Le crambé ne se reproduit pas seulement de graine; on le multiplie
encore d'œilletons et d'éclats de racines , et de la sorte on gagne une
année. Malgré cela, nous conseillons les semis; nous leur donnons la
préférence sur les autres modes de reproduction. Les plants obtenus de
graine sont en général mieux portants , plus vigoureux , plus durables ,
plus productifs que ceux obtenus de boutures ou de racines.
i-."). Pelarooniuin scarlet . G. DicTvtra scandeiis.
— 33 —
HORTICULTURE.
NOTE SUR LES PÉLARGONIUMS SCARLETS ET LEUR
CULTURE,
Par M. Edouard Morren.
Les Pelargonium zonale et P. eximium se sont métamorphosés par
la culture en une innombrable quantité de variétés et d'hybrides, dési-
gnés, par les holticulteurs, sous le nom anglais de Pélargoniums scarlets
ou pélargoniums écarlates et connus de quelques amateurs sous le seul
nom de Géraniums. Les premiers pélargoniums scarlets étaient réel-
lement écarlates, les feuilles seules variaient : les unes étaient traversées
d'un large anneau brun, les autres étaient panachées de blanc ; mais on
possède aujourd'hui des scarlets de toutes les nuances, depuis le blanc
de lait le plus pur jusqu'au rouge de sang qui fatigue l'œil de son éclat,
par les blancs lavés ou veinés de rose, les chairs, les roses tendres, les
roses et toutes sortes de nuances de rouge à reflet orangé ou carminé.
Les nouveaux catalogues des horticulteurs portent près d'une centaine
de variétés, assez semblables de forme mais presque toutes différentes
de coloris. Nous avons réuni en un bouquet quelques-unes de ces va-
riétés, pour montrer par quelles gradations insensibles ces fleurs se
foncent en couleur.
N° 1. La boule de neige est d'un blanc pur, relevé de quelques traits
de rose ; elle forme un capitule qui rappelle la boule-de-neige ou rose-
de-Gueldre (Viburnum opulus, L. var. sterilis), mais plus gros et à fleurs
plus grandes.
N° 2. Hydrangeœformis, dont l'inflorescence ressemble à celle de
l'hortensia, à pétales rose pâle.
N° 3. Le Maréchal Fabcrt est intermédiaire entre les variétés précé-
dentes et les colorations les plus vives.
N° 4. Rubens est d'un rouge écarlate, à nuance carmin.
N° 5. Mountain of light a les fleurs d'un vermillon trop intense pour
être reproduit par le pinceau : ces fleurs paraissent encore plus brillantes
lorsqu'elles se détachent sur le feuillage panaché de blanc.
Les pélargoniums scarlets ne peuvent manquer nulle part, car ils
constituent un des plus beaux ornements des jardins pendant toute la
durée de l'été; arrangés en massifs, ils se font remarquer par la vigueur
de la végétation, la beauté du port, la richesse du feuillage, la variété et
r.ELG. HORT. T. VI. 5
— 34 —
l'abondance des fleurs. Parmi les dispositions les plus harmoniques que
l'on peut donner à ces massifs, nous conseillons de placer au premier
plan les variétés à fleurs blanches, et, si possible, à feuillage panaché,
puis les rosés, les chairs et les lilas, et successivement les couleurs de
plus en plus vives, jusqu'au rouge écarlate. Si l'on en forme une cor-
beille circulaire dans la pelouse, il est alors préférable de suivre un
ordre inverse, c'est-à-dire le vermillon à la périphérie, le blanc au
centre. Les variétés qui produisent le plus d'effet sont les rouges à
feuilles panachées et les blanches à feuillage sombre.
On fait les boutures en juillet, dans des pots de trois à cinq pouces,
selon l'extension que l'on veut laisser prendre aux plantes. On les taille
de manière à en former de petits buissons bien touffus, et on les laisse
croître lentement pendant tout l'été : en automne on les fortifie en dimi-
nuant les arrosages et en les exposante une vive lumière; en hiver, on
les abrite dans une serre ou une orangerie, qui les protège de la gelée;
la température doit être basse et l'air souvent renouvelé. Vers le mois
de mars on les chauffe un peu plus, on provoque et on aide le réveil de
la végétation ; on les sort et on forme des corbeilles ou des bordures, à
la fin de mai ou au commencement de juin, suivant que la saison est
plus ou moins favorable, mais jamais avant que les gelées blanches ne
soient plus à craindre. Les plantes, ainsi traitées, formeront de petits
buissons compactes et touffus, charmants pour les plates-bandes ou les
bordures des grands parterres; on peut aisément les maintenir à hauteur
voulue, par. une ou deux tailles au printemps.
On obtient de fortes plantes en enlevant à l'automne, avant qu'ils
n'aient souffert de la gelée, les pieds qui ont végété dans le jardin pen-
dant la belle saison; on les cultive dans des pots, juste assez grands
pour contenir les racines et on se borne à les garantir du froid. Il
importe peu si ces plantes perdent leurs feuilles pendant l'hiver, car elles
reverdiront facilement au printemps prochain.
Toute terre de jardin, pas trop riche, mais argileuse, convient aux
pélargoniums scarlets; en hiver on les cultive dans une argile sableuse,
engraissée d'un peu de terreau de feuilles.
Les pélargoniums scarlets, lorsqu'ils atteignent une taille un peu con-
sidérable, deviennent une des plus grandes beautés des conservatoires,
des orangeries, des jardins d'hiver et des serres tempérées. Pour les
obtenir, choisissez en été de jeunes plantes ayant cinq ou six branches
au pied; laissez-les un peu souffrir de la soif et taillez-les jusque deux
entre-nœuds au-dessus du vieux bois; alors enlevez la terre des racines,
nettoyez celles-ci et rempotez ; cela fait, placez les plantes sous un abri,
arrosez rarement et laissez-les croîire. Lorsqu'elles seront bien reprises
— 35 —
et capables de supporter la lumière directe, transportez-les à une
exposition fortement éclairée. Pincez tous les bourgeons de manière
à ne laisser sur chaque branche que deux jets, les plus forts, les
mieux placés et de vigueur aussi égale que possible. Lorsque les plantes
auront bien fait racines, transplantez-les dans des pots doubles ou
triples de ceux dans lesquels elles se trouvent. Laissez-les à l'air libre
tant qu'elles n'ont rien à craindre de l'hiver; hivernez-les dans une
serre tempérée, à une place bien éclairée et arrosez si rarement que la
terre se trouve souvent desséchée. Lorsque ces pélargoniums com-
menceront à pousser au premier printemps, chauffez la serre un peu plus
que de coutume, ne soyez plus aussi circonspect dans les arrosages et,
alternativement, donnez de l'eau pure et un peu d'engrais liquide.
A cette époque, arrangez les branches symétriquement et écartez-les les
unes des autres : cette opération est nécessaire pendant le jeune âge de
la plante, qui se ressentira toujours des effets d'une bonne conduite.
Aussitôt que vous apercevrez les boutons, pincez les jets qui les sur-
montent afin que toute la sève se porte vers les fleurs; éliminez, pour
la même raison , tous les bourgeons latéraux qui tendraient à se
produire.
Les pélargoniums ainsi traités fleurissent en mai ou au commence-
ment de juin. Au milieu de juillet on les laisse sécher, on les taille, on
les rempote et on les traite comme précédemment pour la saison
suivante.
NOTE SUR L'ADLUMIA CIRRHOSA , RAFIN ,
Par M. Edouard Morren.
Famille des Fumar lacées. — diadelphie hexandrie.
ÀDLUMIÀ. Calix diptiyllus. Pet. 4, la-
teralia calcarata , in corollam 4-Iobam
fungosam apice connata. Stamina 6 in
phalangas cluas approximata ; filamenta
libéra. Antherse biloculares. Stigma bi-
lobum. Siliqua bivalvis polysperma.
ADLUMIA CIRRHOSA. Raf. Scandens
18-20 ped. fol. biternato divisis; floribus
numerosis pallide violaceis. In Amer,
bor. corydalis fiuigosce vent, choix, t. 19.
— Swcct. fl. gard. t. 189.
On ne dédaigne jamais une plante grimpante, moins encore lorsqu'elle
est jolie, gracieuse et élevée. L'Adlumia à vrilles convient admirable-
ment pour garnir les tonnelles pendant l'été, il pousse très-rapidement
et chaque lige acquiert une longueur moyenne de 18 à 20 pieds.
Adlumia rappelle le nom du major Adlum, américain, qui écrivit sur les
vignes, et l'adjectif cirrhôsa rappelle que les pétioles sont contournés en
— 36 —
vrille à leur extrémité. C'est une plante de la famille tics Fumariaeées
bien voisine du genre Dicentra dont elle se distingue à peine. Grim-
pante, ses tiges et ses feuilles sont glabres, ses pétioles en vrilles.
Pétales 4, soudés à la base en une corolle monopétale, deux fois bossue
et persistante. Le fruit est une silique bivalve polysperme; les graines
4 à 6, noires, luisantes. VAdlumia cirrhosa est la seule espèce du genre.
On ne saurait se représenter la délicatesse de ses feuilles profondé-
ment divisées, d'une légèreté toute aérienne et d'un beau vert gai. Les
fleurs sont nombreuses, assez grandes, blanc rosé ou teintées de très-
pâle bleu, et pendant, comme de petites clochettes, à des pédoncules
fins comme des cheveux. La floraison est continue pendant tout l'été.
L'Adlumia à vrilles est de pleine terre , bisannuel et originaire du
Canada et de la Pensylvanie; il est cité dans Vent, choix, pi. 19, sous
le nom de Corydalis fungosa.
REVUE DE PLANTES NOUVELLES OU INTÉRESSANTES.
Thujopsis dolabrata. Sieb. et Zuccarini. — Flora Japonica
Vol. H, p. 32; alias Thuya dolabrata Thunbcrg. — Le jardin botanique
de Leyde vient de s'enrichir d'un ou deux pieds vivants de ce bel arbre,
et à cette occasion, M. De Vriese, le savant professeur de botanique
de cette ville, nous donne quelques détails sur son histoire.
Le genre Thujopsis diffère des Thuija par les écailles ligneuses de ses
cônes, ayant chacune à leur aisselle, cinq graines disposées sur deux
rangs; ils se ressemblent par le port des branches et les feuilles, mais
ces dernières sont couvertes, sur tout le milieu de leur face inférieure ,
de stomates glauques, tandis que les Thuyas n'ont pas de stomates
du tout.
Le Thujopsis dolabrata est originaire du Japon où il est nommé Hiba;
il acquiert de grandes dimensions et un port majestueux; il forme un
arbre pyramidal, à branches dressées ou souvent pendantes. Il croît
sauvage dans les montagnes des îles de Nipon, spécialement dans la
chaîne nommée Hakone, où on le trouve de préférence au fond des
vallées. Son bois est très-recherché pour les bâtisses; les feuilles
sont d'un vert très-foncé, excepté sur le milieu de leur face infé-
rieure où elles sont couvertes d'une efflorescence argentée qui leur
donne une très-belle apparence. Il existe une variété plus petite, nommée
Nezu par les Japonais. On peut supposer que le Thujopsis dolabrata sera
tout aussi rustique que nos Thuya.
— 37 —
Abies IBookeriania. Murr. — A. Murray, in Edimb. new Phil.
Journal, i., 289, t. 9. — Abies BBatîoiaâ»aBa, ibid. — Gard, chron.
1855, n° 22, p. 372. — L' Abies Hookeriana est très-voisin de VA, alba;
les cônes ont entre eux la plus grande ressemblance; ils sont de même
couleur et les écailles sont dans tous deux en forme de cuiller et à bords
réguliers; mais VA. Hookeriana a les cônes, et plus particulièrement les
écailles, les graines et les ailes plus grands. L'habitas de l'arbre et le
mode de croissance des feuilles sont également différents. Dans l'A. alba
les feuilles sont insérées très-régulièrement le long des branches; dans
VA. Hookeriana elles sont fasciculées, un peu tordues supérieurement,
comme celles de VA. nobilis.
Cet Abies est aussi très-ressemblant avecIM. Pattoniana, introduit
il y a trois ou quatre ans par Jeffrey, le voyageur envoyé par VEdim-
bnrgh Oregon Expédition, et comme cette espèce est peu connue (ayant
seulement été décrite et figurée dans une circulaire privée envoyée aux
membres de l'association), nous pensons qu'il sera utile de donner les
caractères qui la distinguent de VA. Hookeriana.
Tous deux, VA. Pattoniana et VA. Hookeriana, sont des arbres d'une
excessive beauté, mais le premier est décrit par Jeffrey comme ayant
150 pieds (anglais) de hauteur, et dominant tout le reste de la forêt.
L'élévation de VA. Hookeriana est seulement de 50 pieds. Le bois est
dur et résistant. L'arbre se distingue plutôt par la grâce du port que par la
taille. Sauf le Cupressus Laivsoniana, M. Murray décrit cet arbre comme
étant le plus beau de tous ceux récemment découverts dans la dernière
excursion ; il insiste surtout sur la grâce et l'élégance toute particulière
de ce végétal. Les cônes de ces deux arbres montrent des caractères
qui peuvent servir à les distinguer : ils sont de grosseur égale, mais
ceux de VA. Pattoniana sont d'une couleur brune foncée, tandis que
ceux de VA. Hookeriana sont brun fauve, à peu près de la teinte de
notre mélèze commun ou de V Abies alba. Les écailles de VA. Pattoniana
sont d'un tiers plus petites que celles de VA. Hookeriana; elles sont pro-
fondément crénelées dans toutes leurs parties libres; elles sont douces
au toucher et proéminentes; les écailles de VA. Hookeriana ne sont pas
crénelées, une ligne imperceptible se montre seulement çà et là. La
forme de ces écailles n'est pas régulière, elles sont plus découpées d'un
côté que de l'autre; là où la découpure commence, la bractée s'amincit au
point de devenir membraneuse. Dans VA. Pattoniana il n'y a ni cet
amincissement, ni ces découpures ; les bractées s'imbriquent et se su-
perposent sans rugosités, tandis que dans VA. Hookerianala superposi-
tion est très-marquée. Les graines et les ailes de VA. Pattoniana, sont
un tiers plus courtes que celles de VA. Hookeriana ; l'aile du premier
— 38 —
est teinté de violet brunâtre que l'on ne retrouve pas chez le second.
Cette espèce fut trouvée au haut des montagnes de la Californie, à
environ 41 degrés de latitude nord, où la terre était déjà couverte de
neige au 16 octobre. Cette nouvelle conifère a reçu le nom de sir Wil-
liam Hooker, en honneur des services qu'il a rendus à la botanique. Le
comité de l'association botanique de POrégon a baptisé le second du nom
de Pattoniana, en mémoire de M. Patton de Cairnies du Perthschier,
qui se livra à une série d'expériences pour déterminer les altitudes où
différentes conifères peuvent être cultivées avantageusement comme
arbres forestiers.
CiBppessais LawsoiBâawa. Murr. — Murray, in Edimb. new
Phil. Journal, i., 292, T. 10. — Gard, chronicle, 1855, n° 22, p. 372.
— Ce cyprès est le plus bel arbre qui fut découvert dans l'expédition de
l'Orégon ; il végétait sur les bords d'une rivière, dans une vallée en-
caissée entre des montagnes; il était haut de cent pieds (anglais) et large
de deux pieds. Le feuillage est des plus délicats; les branches se relèvent
aux extrémités, puis retombent avec l'élégance des plumes d'autruche.
La cime est légère comme celle du Deodora. Le bois est excellent pour
la charpente. Cet arbre a été dédié à MM. Lawson, pépiniéristes très-
distingués d'Edimbourg, qui après avoir fait connaître et répandu tant
d'espèces différentes de conifères, ont bien mérité que leur nom fût at-
taché à une espèce destinée à devenir extrêmement populaire.
Ce Cupressm a ses cônes excessivement petits et les branches toutes
couvertes de petites écailles extraordinairement serrées, ressemblant à
celles du Juniperus phœnicea.
Juniperue pyriforesaïs. Murr. — Foliis primariis patentibus
ternatim, verticillatis pungéntibùs glaucis, secundariis arcte adpressis,
imbricatis acutis, galbulis pyriformibus (obovatis) denique oblongis
squamis apice liberis foliaceis demum reflexis.
MM. Veith et Lobb ont reçu le Juniperus pyriformis des montagnes
de San Bernardino en Californie, où il ne s'élève qu'à 10 ou 12 pieds. Les
feuilles jeunes sont tristiques, glauques, acérées; sur les vieilles branches
elles sont très-serrées et courtes. Les fruits sont remarquables; ils
ressemblent, pendant leur jeune âge, à de petites poires, mais marqués
par les extrémités des écailles durcies. Lorsque la croissance est com-
plète, ces écailles se retournent sur elles-mêmes. Les fruits sont d'un
violet foncé, recouverts d'une cire glauque.
t'upressus MacMabiana. Murr. — A. Murray, in Edimb.
new Phil. Journ., i., 293, t. 2. — Foliis obtusis utrinque concavis fa-
— 39 —
rinosis carinâ et apic-e viridibus, strobilis globosis : sqnamis umbone obluso
elongato incurvo armatis.
M. André Murray le découvrit en Californie, à 41° Nord; il le décrit
comme un arbrisseau toujours vert, de petite taille, d'un aspect tour-
menté et tortueux. Il ressemble au Cupressus uhdeana; mais on le dis-
tingue immédiatement à ses feuilles profondément découpées de chaque
côté, et à la glaucescence qui tapisse les sinus ; le dos et l'extrémité des
dents conservent une belle couleur verte. Cette particularité s'observe
difficilement sur les vieilles plantes exposées depuis longtemps aux in-
tempéries de l'air, mais cette diversité de nuance fournit un caractère
qui distingue le C. maenabiana, que M. Lobb a rapporté de la Sierra-
Nevada de la Californie septentrionale, où la plante formait des buis-
sons de 6 cà 40 pieds de haut. Les pieds que M. Veilh a reçus de M. Lobb
ont conservé tout le mérite de ce coloris mélangé de vert, de glauque et
de brun : lorsque cette plante est jeune et vigoureuse elle est extrême-
ment belle.
Pinus Bet8ï-«S§îleyi. A. Murray, in Edimb. new PMI. Journal,
i., 286, t. 6. — Gard, chron. 1855, p. 453, n° 27.— Fam. des
Conifères , Monœcie-Monadelphie. — C'est un arbre d'une grande
beauté ; l'un de ceux qui furent abattus mesurait 123 pieds de hauteur
et le tronc 44 pouces de diamètre; un autre avait 17 pieds 4 pouces
de circonférence à trois pieds au-dessus du sol. On le découvrit au
sommet d'une montagne élevée, par 41° de latitude Nord, à la même
altitude que les Pinns Jeffrey i et monticola, que YAbies grandis et plus
haut que les P. Benthamiana et Lambcrtiana.
Le P. Beardsleyi et le P. Craigana paraissent avoir plus d'affinités
avec le P. Benthamiana que toutes les espèces jusqu'ici décrites; mais
l'espèce qui nous occupe a les cônes longs de trois pouces seulement
tandis qu'ils en comptent cinq chez le P. Benthamiana; les feuilles de ce
dernier ont 11 pouces de longueur, dont un est entouré par la bractée
vaginale; celles du P. Beardsleyi ont seulement 6 pouces et la graine un
huitième de pouce : les ailes de la graine du P. Benthamiana sont
beaucoup plus grandes et plus larges que celles du Beardsleyi : le bois
du Beardsleyi est parfaitement homogène dans toute son épaisseur,
tandis que le cœur du Benthamiana est plus rouge que l'aubier : enfin
le premier croît beaucoup plus loin sur les montagnes que le second.
Il y a également quelque ressemblance entre ce nouveau pin et
le P. ponderosa, mais la forme du cône, l'apparence et la figure de la
graine, permettent de le distinguer suffisamment.
— 40 —
ARCHITECTURE DES JARDINS.
QUELQUES INDICATIONS SUR LES MOYENS D'OBTENIR UNE FLORAISON
CONTINUE DANS LES PARTERRES DES PETITS JARDINS,
Par M. Edouard Morren.
Trop souvent les parterres des jardins restent nus pendant la plus
grande partie de l'année ; on se borne à y introduire une seule ou un
petit nombre d'espèces qui fleurissent seulement soit au printemps,
soit pendant l'été, soit enfin à l'automne; et, hors l'une de ces époques,
le parterre reste dégarni. Il ne faut pas dans un petit jardin séparer dans
des plates-bandes différentes les plantes printanières, les estivales et les
automnales, mais s'efforcer de les coordonner dans l'espace restreint
dont on dispose, de façon à obtenir une floraison continue depuis les
premiers beaux jours jusqu'au retour de l'hiver.
Il est facile d'atteindre ce résultat en combinant avec art les cultures
des plantes bulbeuses, des végétaux herbacés vivaces ou annuels et de
quelques belles plantes d'ornement de serre tempérée, tels que Pélargo-
niums, Géraniums, Fuchsias, Verveines, Cupheas, Héliotropes, etc.; on
peut alors avoir un jardin dont toutes les parties soient émaillées de
fleurs pendant toute l'année. Il faut, dans un très-petit jardin, cultiver
un grand nombre de plantes vivaces printanières, au feuillage varié, tels
que les Arabis, les Murets, les Silènes, les Anémones, etc. : on les met
en terre, en automne, lorsqu'on rentre les plantes d'orangerie. A cette
époque on plante également les bulbes. Voici au reste la description de
quelques parterres ordonnés d'après les principes qui viennent d'être
énoncés.
On établit des bordures d'Oxalis ou de Crocus variés ; on peut même
former quelques bordures de Crocus et d'Oxalis réunis; les premiers
fleurissent au premier printemps, les seconds pendant tout le reste de
l'année. Dans le parterre brillent pendant le mois de mai quelques
groupes de Tulipes et au centre une douzaine de Jacinthes.
D'autres parterres peuvent être ornés, au printemps, de giroflées
jaunes, bordés d' Arabis et émaillés de Tulipes, d'Hépatiques, de Prime-
vères, d'Auricules, de Narcisses, de Gentianes, etc. Toutes ces plantes
peuvent rester en place pendant l'année, car on laisse entre elles des
intervalles assez grands pour y faire croître certaines espèces vivaces de
pleine terre, qui sont destinées à fleurir pendant le courant de l'été.
— 41 —
Puis vient le moment de sortir des serres toutes sortes de plantes
d'ornement, dont la floraison brillante succède immédiatement à celle
des plantes bulbeuses printanières; ce sont, comme nous l'avons déjà
dit, les Héliotropes, les Calcéolaires , les Verveines , les Fuchsias, les
Pélargoniums, les Géraniums, les Cupheas, etc., qui fournissent le
contingent le plus considérable.
Des semis de plantes annuelles, répandus çà et là, peuvent combler
les vides et contribuer surtout à la beauté du jardin pendant l'automne.
D'autres parterres peuvent se couvrir de brillantes fleurs, au moyen
de la disposition suivante : on les forme de Pivoines mélangées à des
Dahlias, les premiers épanouissent leurs vertes fleurs au printemps et
cèdent ensuite volontiers la place aux Dahlias. Il convient de semer dans
ces parterres quelques Pavots, des Mauves ou des Lavateres qui brillent
pendant l'espace de temps qui s'écoule entre la floraison des Pivoines et
celle des Dahlias; semées, et éparses dans le parterre et en bordure
épaisse, ces plantes dissimulent les tiges flétries des Pivoines.
Un second parterre de Dahlias peut être bordé de Salvia ou de Stachys,
qui donnent une végétation vigoureuse et une floraison abondante, sans
réclamer d'autres soins que celui de les enlever lorsqu'ils sont dé fleuris.
Au moyen de ces espèces si vulgaires, un jardin peut offrir une suc-
cession non interrompue de fleurs; il excitera l'admiration, au printemps
surtout par les plantes bulbeuses, en été par les espèces vivaces de pleine
terre et par les végétaux de serre tempérée, en automne par les Dahlias
et les semis de jolies fleurs annuelles.
THÉ INDIGÈNE.
Les feuilles du fraisier des forêts, recueillies immédiatement après
la maturation des fruits , desséchées au soleil ou légèrement torréfiées
sur des plaques chaudes, donnent par infusion, au rapport d'un médecin
de Vienne, M. Kletznisky, une boisson diététique dont l'odeur agréable,
la saveur astringente, rappellent celle du thé de Chine. Cette infusion
se mêle au lait chaud et froid sans se coaguler, supporte bien le
rhum, et possède la même action diaphorétique que le thé de Chine;
seulement elle est un peu moins excitante, quoiqu'on ne puisse lui
nier un léger effet somnifuge.
En distillant l'infusion, on obtient, avec l'eau condensée, un arôme
très-agréable, qui appartient sans doute à la classe de la coumarine et
de ses huiles éthérées. Le résidu renferme beaucoup de tannin, un peu
d'acide citrique et une quantité considérable de matière azotée et de
cendres.
BELG. HOKT. T. VI. 6
— 42 —
ARCHITECTURE HORTICOLE,
PLANS D'UNE DISPOSITION ÉCONOMIQUE A DONNER
AUX SERRES ET AUX RACHES,
Par M. Edouard Morren.
L'économie est toujours une considération importante à laquelle s'ar-
rêtent l'amateur et le jardinier qui veulent édifier un établissement hor-
ticole sur une petite échelle; et si, à peu de frais, on peut donner aux
serres une disposition convenable, il serait en effet ridicule de dépenser
beaucoup d'argent sans faire mieux. Les plans d'une disposition écono-
mique des serres et des bâches, que nous propesons aujourd'hui,
d'après un amateur anglais, ne seront, peut-être, pas sans intérêt pour
les fleuristes qui voudraient se donner la jouissance d'un petit établisse-
ment, réunissant les conditions nécessaires à la culture des diverses
sortes de plantes, c'est-à-dire une serre chaude, une serre tempérée, et
des bâches chaudes et froides. Ces plans ont été tracés en ne perdant
pas de vue une stricte économie d'espace, ce qui est un point d'une
grande importance pour les petits jardins, et dans le but de tirer le plus
grand profit possible de l'ensemble des matériaux : on a eu égard enfin
à la solidité à donner aux bâtiments et à la modicité du coût. Mais dans
les constructions horticoles, comme dans tout autre genre de bâtisses,
il n'y a pas économie à lésiner sur les matières premières; l'expérience
prouve que les meilleurs matériaux et les plus habiles ouvriers sont
toujours les plus économiques, et ceux qui épargnent quelqu'argent en
usant de ressources dans l'édification de leurs serres, ne manquent
jamais de regretter l'argent jeté, après six ou sept ans d'usage.
Dans ces plans on n'a pas indiqué la position à donner aux fourneaux;
mais nous conseillons de les placer du côté nord de la serre chaude, et
de manière à pouvoir chauffer les serres et les bâches, indépendamment
les unes des autres, ou le tout ensemble, selon la nécessité. Les serres
et bâches tempérées seront chauffées par des tuyaux sortant des serres
et bâches chaudes ; ces tuyaux doivent être placés horizontalement,
dans une auge cimentée, afin qu'on puisse, lorsque les plantes réclament
une chaleur humide, y verser de l'eau qui se transformera en abon-
dantes vapeurs (PI. 6, litt. D). Les tuyaux de chauffage doivent avoir
trois pouces de diamètre et ceux qui courent sous les tablettes pour le
— 43 —
bottom-heat, seulement deux pouces. Pour les bâches latérales il suffit,
ordinairement, de tuyaux de deux pouces, mais là où une haute cha-
leur est nécessaire, il faut des tuyaux de trois à quatre pouces ; les
bâches froides peuvent aisément servir de couches. Dans la serre chaude
on peut cultiver les orchidées, surtout les orchidées indiennes, et appro-
prier la serre tempérée à la culture des orchidées mexicaines et d'autres
des climats relativement froids.
PI. 6.
S2=H-fckK
A. Sentier.
B. Tablette pour placer les pots ou pour cultiver les plantes en pleine
terre.
C. Tuyaux d'eau chaude, de trois pouces de diamètre dans les serres,
de deux pouces dans les bâches.
D. Auge d'eau chaude pour le bottom-heat, chauffée par deux tuyaux
ou mieux par la cheminée des fourneaux.
PI. 7.
—
HcLc/>e ^froicL .
JBacûc Cfyaiul&.
B
B
B
StttC ^'cïcfe. -
tStZte^ cAccucfeï
B
B
.
J3cicZ)& ^froide- ,
BcicÂù cAcLude,.
— 44 —
LITTÉRATURE HORTICOLE
CONSIDÉRATIONS DIVERSES SUR LES PHÉNOMÈNES.
PÉRIODIQUES.
PHÉNOMÈNES DIURNES,
Par M. H. Lecoq,
Professeur d'histoire naturelle de îa ville de Clermonl-Ferrand.
(Extrait des Etudes de géographie botanique, etc.)
Si les saisons amènent périodiquement dans la vie des plantes des
changements qui se succèdent avec régularité, et qui sont dus prin-
cipalement à la chaleur du climat, la lumière solaire et le mouvement
diurne de la terre, qui en divise le cours, apportent aussi dans la
végétation des variations journalières qui modifient à chaque instant
les scènes de la nature.
Le matin, dès que l'orient s'éclaire, la riche ceinture de l'aurore
enveloppe l'horizon, les teintes diverses de la lumière réfléchie ou
réfractée, teignent le ciel de couleurs pures, et les nuages légers qui
flottent au firmament sont baignés de cette clarté douteuse qui n'est
plus la nuit, mais qui n'est pas encore le jour, image du passé qui
fuit, de l'avenir qui se presse. Le grand flambeau du monde s'élève
avec majesté; il écarte les nues, illumine leurs contours, et leurs
franges empourprées s'effacent sous l'éther lumineux dont il agite les
ondes vivifiantes.
Les gouttelettes perlées de la rosée des nuits se dissolvent dans
l'océan des airs , recueillent l'encens des fleurs et s'élèvent aux concerts
des oiseaux, comme un premier hommage à l'Eternel. Les plantes
nocturnes s'endorment, s'inclinent ou s'abritent des feux du jour;
les autres s'étendent et se réveillent.
La brise du matin se charge bientôt de nuages légers des pous-
sières fécondantes qui voyagent dans les airs, et vont au loin cher-
cher les germes auxquels il doivent donner la vie. Dès l'aube du jour,
les graminées, serrées dans les prairies, nous montrent leurs pani-
cules ou leurs épis couverts d'anthères suspendues, qui viennent de
s'échapper des enveloppes qui les retenaient captives. A cette pre-
mière heure du jour, les plantes aquatiques élèvent leurs fleurs au-
— 45 —
dessus des eaux, et les grands phénomènes de la génération com-
mencent, enveloppés des brillants tissus qui semblent destinés à en
voiler les mystères. Il nous serait impossible de décrire les innom-
brables combinaisons de la nature qui sont destinées à s'accomplir
sous l'influence de cette vive lumière, dont les corolles diversement
colorées doivent sans doute augmenter encore l'éclat ou affaiblir l'in-
tensité. C'est presque toujours le matin que tous ces prodiges se
présentent. 11 est des fleurs dont les corolles elles-mêmes sont sou-
mises à l'aclion directe de la lumière du jour, et que, pour cette
raison , on nomme météoriques. Les unes peuvent s'ouvrir et se fermer
pendant plusieurs jours, suivant la présence ou l'absence de l'astre
qui les éclaire; d'autres, entièrement éphémères, éclosent après l'aurore
et tombent effeuillées avant la fin du jour.
L'Arnica montana ouvre de bonne heure les disques dorés de ses
calathides ; les Tragopogon étalent leurs fleurons violets ou couleur
de soufre ; le Mcconopsis cambrica montre quatre pétales d'un jaune
pur, et le Chelidonium cornicûtdtum lutte de grandeur et d'éclat avec
le coquelicot matinal.
Les lins disposent en étoiles leurs pétales d'un bleu pur, qui tombent
presque toujours avant que le soleil n'ait atteint le méridien. Les
Lactuca, YAnagaUis phœnicea ne tardent pas à s'éveiller ; le Hiera-
cium Pilosella et quelques caryophyllées attendent neuf heures pour
s'ouvrir, et, sur les sables échauffés de l'Afrique, des ficoïdes et des
pourpiers ne s'éveillent que si les rayons ardents du soleil viennent
frapper leurs corolles.
Les cistes, aux pétales chiffonnés, aux grandes fleurs éclatantes,
s'ouvrent aux différentes heures de la matinée ; ils décorent d'une
riche parure les îles et les rivages de la Méditerranée : le soleil du
matin fait éclore leurs fleurs par milliers, et la brise du soir, chargée
de leurs pétales carminés, les dépose mollement sur les vagues, où
ils forment encore de nouveaux contrastes avec l'azur des eaux.
Les rosiers perdent bientôt, sous l'action du soleil qui passe au
méridien, les pétales odorants témoins de leurs amours, tandis que
les adonis, étalant toute la vivacité de leur coloris, resserrent avant
le soir leurs pétales allongés et réservent au lendemain la répétition
de ces mouvements excités par la lumière.
Le soir, les vapeurs se condensent en légers tissus que le zéphir
déploie ou chiffonne à son gré, en flocons mobiles qui se réunissent
en un voile épais, comme pour cacher l'instant précis où l'éclatant
flambeau a terminé sa carrière. Mais longtemps encore la lumière
inonde les espaces du firmament, toutes les nuances du rose et du
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pourpre s'y montrent tour à tour. De légers cirrus, détachés de la
nue, courent au zénith recueillir la dernière étincelle du feu qui
s'éloigne en mourant, et le crépuscule éteint les dernières ombres,
dont les contours indécis s'effacent comme le temps qui fuit et la vie
qui s'écoule. Alors les bruits du jour ont cessé ; la grande voix de
la nature ne retentit plus dans les accents divers qui s'élevaient jusqu'à
la divinité. L'oiseau balancé sur la branche flexible du chèvrefeuille,
ou caché sous la guirlande de l'aubépine, a suspendu ses chants
d'amour; l'insecte a replié ses ailes sous ses élytres dorées, et, mol-
lement bercé dans le calice parfumé de la fleur des champs, repose
sous un voile de pourpre ou de saphir.
L'écho ne répond plus au chant du pasteur; tout dort dans la nature,
et les plantes, comme les animaux, une fois privées de lumière, sont
soumises aussi à l'empire du sommeil.
Que l'on parcoure les bois ou les campagnes, que l'on suive l'eau
murmurante d'un ruisseau ou qu'on s'égare sur la pelouse, déjà
couverte de rosée, partout les plantes sont endormies; le vent des
orages les courbe sans les éveiller; le tonnerre gronde sans nuire
à leur repos; la pluie les inonde sans interrompre cet instant d'inertie.
La sensitive si délicate s'endort tous les soirs d'un profond sommeil ;
elle rapproche ses folioles, les applique les unes sur les autres, puis
elle abat ses longues feuilles pliées sur sa tige, et reste immobile
jusqu'à ce que la lumière ramène son réveil. Les chocs, les cahots
d'une voiture, le vent qui souffle avec violence, ne font que prolonger
cette immobilité. Le calme seul la rappelle à la vie.
La nuit paraît avoir une influence plus grande encore sur le sainfoin
des Indes, découvert au Bengale, en 1777, par milady Monson, dans
les lieux les plus chauds et les plus humides de ce vaste delta du
Gange.
Chacune des feuilles de cette délicate légumineuse a trois folioles
comme celles de notre trèfle, une plus grande au milieu, deux plus
petites sur les côtés. Dans le jour, la foliole du milieu est horizontale
et sans mouvement; la nuit elle se courbe et vient s'appliquer sur son
support, comme si la fatigue l'invitait au repos, et pourtant cette
foliole est restée toujours immobile, tandis que les deux latérales,
d'une activité incroyable, descendent et remontent, s'inclinent et se
relèvent devant la première , avec une assiduité constante et sans
employer plus d'une minute pour chacune de leurs oscillations.
Elles descendent plus vite qu'elles ne montent, et, constamment
agitées, image de ces existences tourmentées qui n'ont jamais connu
le calme et la paix, elles se meuvent dès leur naissance, et ne cessent
qu'à leur mort, continuant encore si la plante est coupée; mais, plus
vives dans leur jeunesse, elles ralentissent comme nous leurs mouve-
ments quand la vieillesse les atteint, quand la mort les menace.
Pas de sommeil pour ces deux folioles; la nuit est sans action sur
elles , tandis que la supérieure s'endort paisiblement : à peine si ,
pendant le jour, une d'elles s'arrête quelques instants, pendant que
l'autre continue à osciller. Le zéphir incline les rameaux de la plante
sans arrêter son essor, mais la tempête la rend immobile.
Quelquefois pourtant, dans ces régions brûlantes, la chaleur suffo-
cante oblige au repos, et notre plante fait la sieste pendant quelques
instants. Ses deux folioles s'arrêtent endormies.
Transporté dans nos serres, VHedysarum gyrans conserve en partie
son activité; mais éloigné du sol brûlant de sa patrie, de l'air humide
de ses marais, ses mouvements sont plus lents, moins réguliers,
et nous l'avons vu tromper son exil par de longues heures de sommeil.
Mais nous n'avons pas besoin d'aller chercher au loin les exemples
nombreux de ces intéressants phénomènes : parcourons la nuit nos
prairies et nos coteaux, pénétrons dans nos silencieuses forêts, alors
qu'elles ne sont plus éclairées que par la lumière tremblante et
argentée de la lune à travers le feuillage, et nous verrons bientôt
que toutes les plantes ont changé de forme et d'aspect.
Les trèfles ont redressé leurs folioles, qui dorment trois à trois sur
leurs longs pétioles; les délicates oxalis ont abaissé les leurs, qui
sommeillent inclinées et comme fatiguées de leur végétation du jour.
Les feuilles de Atriplex s'appliquent sur les jeunes pousses et som-
meillent en les protégeant.
L'œnothère, si commune sur le bord de nos rivières, dispose, le
soir, ses feuilles supérieures en berceau, formant ainsi un apparte-
ment à jour, où la fleur peut veiller ou dormir à son gré, et le Sida,
aux fleurs éphémères, renverse son feuillage, qui s'assoupit avec
nonchalance, comptant sur les pétioles qui le redressent et l'appliquent
contre la tige.
Ailleurs , ce sont des mauves aux jolies fleurs lilacées , dont les
feuilles se roulent en cornets et s'approchent des fleurs dans leurs ins-
tants de repos.
Le soir, pendant que la gesse odorante, le pois de senteur de nos
jardins, laisse échapper ses effluves parfumées, quand nos fèves fleuries
abandonnent à la brise les doux parfums des champs, leurs feuilles
s'appliquent les unes sur les autres et dorment d'un profond sommeil ,
au milieu de ces suaves émanations des corolles.
Le baguenaudier a des feuilles qui, le soir, s'éloignent dos fleurs et
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reposent, à l'instar le la — nsitive, face contre face, tandis que les
casses retournent leurs folioles, les a] ss ai et donnent dos à dos,
comme si elles conservaient le souvenir d"un profond «dissentiment.
Si déjà dans la nuit l'aspect de nos eamj _ ;. -t plus le même,
cette différence est encore bien plus marquée dans les contrées équi-
noxiales. Le paysage doit quelq -on caractère à des plantes légu-
mineus— . ses : herba -. _ iUX dormeurs par excellence I
dont les feuilles, étalées pendant le jour, se montrent en légers pa-
naches ou en lonc sséi s.
Le soir commencent leurs gr - olutions; elles sont i -
."astre qui décline , et dont les dernières lueurs d'un court crépus-
cule viennent éclairer encore le terme de leur assoupissement. Alors la
natui - endormie et entre dans ime apparent que
nous appelons la nuit, dans le silence et le sommeil.
Près de Calabozo et de Saint-J-r : . lans 1" Amérique du Sud, il
existe dans les savanes, au milieu des graminées, plusieurs plantes
voisines de la sensitive qui, fatiguées de la chaleur du jour, s'en-
dorment le soir avant même que le soleil ne soit couché; ce sont les
Mimosa pigra, M. dormiem et le Tvrnera guianemis, désignés par les
colons espagnols sous le nom expressif de Dormideras. Les be-tiaux à
demi-sauvages qui parcourent ces savanes lient avec avidité ces
sitrces h ri - larges touffes empiétement endormies sont
dévorées pendant leur sommeil.
On voit, dans un grand nombre de plantes, les feuilles protéger les
fleurs pendant la nuit, et ne s'endormir qu'après avoir dressé autour
d'elles un abri protecteur. Tel est le trèfle incarnat, dont les feuilles
entourent les riches corolles; tel est ce joli Lotus orniihopodwides , où
grand Linné vit pour la première fois le sommeil des plantes, en
remarquant qu'il présente le triple phénomène de relever ses bractées ,
composées de trois petites folioles, pour embrasser entièrement les
trois fleurs terminales, dans le même temps qu'il penche légèrement
- ; pédoncules, et qu'il I tomber sur la terre ses rameaux affai-
blis ei fatigués par la veille.
Dans d'autres, an contraire, les feuilles descendent tout à fait,
abandonnent les fleurs . se renversent et dorment sur le dos. On voit,
dans le lupin blanc, cette singulière disposition, et, dans quelques par-
Pyrénées où l'on cultive ensemble les deux plantes que nous
venons de citer, les champs sont de magnifiques parterres, on viennent
.chevétrer les panaches blancs du lupin et les têtes carminées du
- neh. La nuit, tout est changé; le lupin semble avoir perdu ses
feuilles et le trèfle ne montre plus sa fleur. On ne reconnaît plus, i
dan* le sommeil, le riche tapis si brillant pendant le jour.
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Pourquoi ces modifications profondes, ces instincts si divers dans
deux plantes de ia même famille? Pourquoi ces soins et d'où vient cette
espèce d'abandon? La rosée du ciel, utile à l'une, pourrait-elle nuire à
l'autre qui cherche à s'abriter?
Dieu seul connaît ces mystères; contentons-nous d'admirer.
Ainsi, les plantes dorment comme les animaux, et, chose remar-
quable, ce sommeil tend à les rapprocher de l'enfance. La feuille a
comme un vague souvenir de la manière dont elle était ployée dans
son bourgeon, lorsque, avant d'être éclose, elle dormait du sommeil
léthargique de l'hiver, mollement couchée sur le duvet et chaudement
abritée par ses fourrures imperméables.
Chaque nuit, elle cherche à reprendre cette ancienne position, et,
comme si elle regrettait la perte de son repos, elle essaie de se
rapprocher de la situation qu'elle avait dans son jeune âge.
Il y a plus : semblables aux animaux qui, dans leur jeunesse, sont
plus dormeurs qu'à un âge avancé, on voit les feuilles veiller plus
longtemps à mesure qu'elles vieillissent, dormir peu, ne plus dormir
du tout , et bientôt après la mort vient remplacer le sommeil.
Cette tendance au sommeil dans le jeune âge est surtout remar-
quable dans l'acacia de Sainte-Hélène (Acacia pendilla). Cette espèce
lève avec des feuilles ailées, et la jeune plante, semblable à la sensitive,
s'endort profondément tous les soirs. Pendant quelques mois, des
feuilles semblables se produisent ; elles sont ailées et dormeuses comme
celles du Mimosa dealbata; mais bientôt arrivent ses véritables feuilles;
entières, dressées contre la tige, elles ne dorment plus et restent
toujours dans la même position.
Ce ne sont pas seulement les organes foliacés des plantes qui sont
soumis à ces alternatives de veilles et de repos ; les fleurs , ces brillants
météores de la terre, s'éteignent aussi la nuit dans quelques espèces,
mais plus souvent, comme les astres du firmament, c'est pendant la
nuit qu'elles brillent de tout leur éclat.
Les unes se couchent de bonne heure et se réveillent très-tard;
d'autres ont un sommeil que rien ne peut interrompre, et pendant
lequel la mort les surprend, tandis qu'il en est de capricieuses, comme
tout ce qui est joli, qui, à moitié endormies, à demi-éveillees, hésitent,
attendent si l'aurore ramène le soleil, et s'inquiètent, avant d'ouvrir
complètement leurs corolles, si de gros nuages ne cachent pas l'horizon,
si le ciel enfin sera assez pur pour qu'elles puissent développer, sans
les compromettre, leurs magnifiques toilettes.
I.a chicorée sauvage forme ses jolies fleurs bleues dès on/f heures
BEL6. HORT. T. VI. 7
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du matin , mais quelquefois cependant elle attend jusqu'à trois et
quatre heures pour dormir complètement.
A deux heures, le mouron des champs, si gracieux par ses corolles
de saphir ou d'écarlate, s'assoupit jusqu'au lendemain matin.
Les piloselles , aux fleurs dorées et symétriques, ouvrent leurs
disques à la lumière, se referment à la même heure, et un grand
nombre de synanthérées , imitant leur exemple, s'endorment en plein
soleil.
L'œillet prolifère, plus dormeur encore, permet à peine que midi
ait sonné pour fermer ses pétales, et il attend neuf heures du lende-
main pour les ouvrir.
Chacun a pu voir le pissenlit se fermer à des heures diverses de
l'après-midi, et les corolles blanches et roses des liserons sommeiller
dès cinq heures du soir. Les pourpiers, les ficoïdes, les Sonclms, se
reposent à des heures diverses de la journée, et la dame d'onze heures,
dont le nom seul indique la paresse et la nonchalance, ne s'en couche
pas moins dès que trois heures ont sonné.
Mais suivons le ruisseau qui court sur ces belles prairies, et dont
les plis et les méandres dessinent un réseau mobile souvent caché par
les fleurs assoupies; nous verrons sur ses bords des groupes d'Aîisma
dont les pétales chiffonnés cachent les étamines. Semblables à des
rideaux fermés par un mécanisme invisible, le soleil seul pourra les
ouvrir. L'impatiente, aux tiges transparentes, abaissera ses feuilles
sur ses fleurs suspendues, les couvrant ainsi d'une tente mobile im-
perméable à l'eau , qui le jour s'élèvera d'elle-même pour redescendre
encore.
Les nénuphars, dressant leurs pétales charnus, oscilleront sur les
rides inégales des flots qui se succèdent, comme ces oiseaux de mer
qui, dormant sur la vague agitée, suivent ses contours mobiles et
toujours renaissants, et ne se réveillent qu'à la brise du matin.
Ainsi l'on voit ces fleurs, sous forme de lys flottants ou d'étoiles
d'or semées sur les lacs et les ruisseaux, attendre la clarté du jour
pour redresser leurs pédoncules, entr'ouvrir leurs calices et se montrer
dans leur magnificence.
Nos étangs sont aussi couverts de renoncules flottantes qui s'étendent
sur les eaux comme des étoiles de neige dont les rayons se relèvent
le soir et couvrent les étamines , ainsi que le ferait un voile de mous-
seline ou de linon.
Ne semblerait-il pas, après ces détails, que tout est silence et repos
dans la nuit, que la nature entière est morte et que les agitations du
monde sont suspendues? 11 n'en est rien, les ténèbres ont leur anima-
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lion comme les journées éclairées par le soleil ; la nuit a ses flam-
beaux, ses acteurs et sa vie, les décors ont changé, mais le drame
continue.
Si les feuilles sont en repos, si quelques fleurs sont fermées,
presque toutes ces dernières appartiennent à la nuit. C'est alors qu'elles
éclosent, on les trouve au réveil, et le parterre de la chaumière et le
tapis vert des montagnes se couvrent et s'émaillent de corolles fraîches
et odorantes.
C'est pendant l'obscurité que la plupart des plantes répandent ces
émanations qui parfument les nuits d'été et que l'air transporte à de
grandes distances.
A l'heure où tout repose, il y a donc des fleurs qui étalent leur
magnificence ; endormies pendant le jour sous les plis de leurs calices,
c'est le soir seulement qu'elles essaient d'entr'ouvrir leurs corolles ;
elles s'éveillent quand le soleil quitte notre hémisphère. Les Mirabilis
déploient alors ces larges corolles arrondies où le blanc, le jaune et
l'écarlate s'offrent dans toute leur pureté et se mélangent de mille
manières différentes ; le Cactus grandiflorus attend la nuit close pour
épanouir ses nombreux pétales, pour écarter ses innombrables éta-
mines et exhaler le parfum le plus suave et le plus délicat. Il semble
vouloir se soustraire à tous les regards ; les ténèbres sont nécessaires
à son hyménée, et l'aurore ne vient plus éclairer qu'un mystère ac-
compli et une parure flétrie.
Quelques espèces moins impressionnables conservent pendant le jour
leurs corolles entr'ouvertes, mais attendent le soir pour déceler leur
présence par les plus douces émanations. Le nom de tristes que tous
les botanistes leur ont donné pour épithète, s'applique à un Géranium,
à un Gladiolus, à un Hesperis, etc., dont les fleurs nocturnes n'avaient
pas besoin d'un brillant coloris, puisque les yeux ne pouvaient les
apercevoir, et que leur odeur seule devait nous guider vers leur séjour.
Pendant que la plupart de ses congénères sommeillent, le Silène
noctiflora reste ouvert jusqu'aux lueurs du malin. Les coquelicots de
nos guérets, les gesses qui s'attachent à nos buissons, les délicates
graminées qui se balancent dans nos prairies, les œnothères et les
épilobes qui suivent le cours de nos ruisseaux, la primevère de la
vallée et la soldanelie des montagnes, profitent pour s'ouvrir de la
sérénité de la nuit.
Jamais, du reste, un calme parfait n'existe pendant l'absence du
soleil; au contraire, l'oreille saisit et distingue des bruits qui dans
le jour sont confus et mélangés. Le silence dans la nature est presque
inconnu. L'insecte bourdonne encore sur la fleur qui s'entr'ouvre, le
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sphinx vient en bruissant y puiser le miel que sécrètent ses nectaires,
et la noctuelle déploie ses ailes dont les nuances fondues ou con-
trastantes défient les plus habiles pinceaux.
L'air dans les contrées chaudes se remplit de mouches lumineuses,
étoiles mobiles et vacillantes, constellations indécises qui semblent
parodier le spectacle des cieux.
Chaque plante a donc dans la journée ses heures de repos et
d'animation , et Linné , se reportant à l'âge d'or et aux simples besoins
des heureux habitants de ce siècle, avait divisé le temps d'après les
habitudes de veille et de sommeil des plantes, horloge moins exacte que
poétique, dont les heures changeaient suivant les latitudes. La lumière
paraît du reste être la cause active de cet état de veille ou de repos
que nous montrent les végétaux. M. Schnetzler a remarqué, pendant
l'éclipsé de soleil du 28 juillet 1851 , que toutes les feuilles d'un jeune
Robinia pseudo-Acacia se rabattirent pour dormir dès que la lumière
diminua, et qu'elles se réveillèrent à cinq heures, quand le soleil brilla
de nouveau de tout son éclat.
Le mélilot a des folioles qui se dressent sur l'axe de la feuille ; celles
du Colutea arborescents se relèvent au-dessus de l'axe, jusqu'à se toucher
par leur surface supérieure, précisément après que la lumière a cessé
d'agir.
La fleur de YOEnothera biennis s'ouvre à la nuit tombante, par la
même raison que les folioles du Robinia pseudo-Acacia se rabattent dès
que l'action excitante de la lumière a cessé (1).
C'est encore à l'action de la lumière qu'est due la tendance qu'ont
certaines fleurs à se tourner vers le soleil, et à suivre sa marche
diurne, phénomène qui a reçu le nom de natation. De Candole répète
avec les autres auteurs que ce fait est très- facile à voir dans YEelian-
thus annuus, soleil de nos jardins. Nous croyons le fait inexact, et
nous n'avons jamais vu cette fleur suivre le cours de l'astre qui l'éclairé.
Nous avons vu le matin les chicorées ouvrir leurs fleurs bleues en
face du soleil levant. Nous avons vu les anémones et toutes les pulsatilles
suivre son cours.
Bory de Saint-Vincent cite aussi les nombreuses anémones qu'il
observa en Grèce comme constamment tournées vers le soleil. « Je se-
rrais tenté de croire, dit-il, que ce mode de gyration invariable chez
aies anémones, lequel ne s'observe à un si haut degré dans aucune
» autre plante, dut être remarqué de temps immémorial, et que c'est
»à ces végétaux, bien mieux qu'à ce qu'on appelle héliotrope et tour-
(!) Bibliothèque de Genève, février 1852. Archives, p. 166.
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»nesol, que l'antiquité voulut faire allusion par l'histoire de la nymphe
«CIvtia, morte d'amour pour Apollon , et qui, métamorphosée en fleur,
«sembla conserver l'habitude de poursuivre de ses regards le radieux
» ingrat dont elle fut dédaignée (1). »
Dans l'étude de ces phases diurnes excitées par la lumière, nous
remarquons encore la fréquence des espèces sensibles vers les régions
équatoriales , et leur diminution vers le nord. Nous voyons des familles
entières, comme les légumineuses, cistinées, rosacées, nymphœacées,
plusieurs renonculacées, chicoracées, linées, balsaminées, oxalidées,
portulacées , ficoïdées, alismacées, offrir, soit dans le sommeil de leur
feuillage, soit dans l'époque de l'épanouissement de leurs fleurs ou
dans les mouvements diurnes et réguliers de leurs pétales, des phéno-
mènes dus bien positivement à l'action que la lumière exerce sur leurs
organes. Les légumineuses, les balsaminées, les oxalidées sont surtout
sensibles par leurs feuilles, les autres par leurs fleurs.
Les légumineuses à feuilles sensibles, les cistinées, balsaminées,
oxalidées, portulacées, ficoïdées, deviennent bien plus nombreuses
dans les pays chauds, et d'autres groupes impressionnés par la lumière
viennent aussi s'y ajouter.
Il est remarquable que la majeure partie de ces plantes impres-
sionnables appartiennent aux grandes classes des thalamiflores et des
calyciflores, un plus petit nombre aux corolliflores et aux monochla-
mydées, et très-peu aux monocotylédones.
Nous trouvons aussi dans la même famille des genres impression-
nables et d'autres impassibles. Les Erodium sont météoriques, les
Géranium ne le sont pas ou le sont moins. Les campanules ne montrent
pas de sensibilité, et les prismatocarpes n'ouvrent leurs corolles qu'à
une vive lumière.
On comprend que ces mouvements diurnes soient fréquents dans des
contrées où, pendant l'acte de la végétation, le jour succède régulière-
ment à la nuit, dans des lieux où la longueur des nuits se rapproche
sensiblement de celle des journées éclairées, comme cela a lieu sous la
zone torride. Par une raison contraire, les plantes dormeuses ou
météoriques doivent être rares vers les pôles. Là, pendant la vie des
plantes, les journées sont longues et sans ténèbres. Les nuits, quand
elles existent, sont réduites à des crépuscules éclairés. Où seraient donc
les alternatives qui rendraient sensibles le sommeil et le réveil des
plantes ? comment celles-ci seraient-elles guidées , lorsque les lépi-
doptères diurnes et nocturnes, trompés par la lumière, ne distinguent
(1) Bory, Exp. scicntif. en Morée, t. 1 , p. 209.
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plus la nuit du jour, échangent mutuellement les heures consacrées à
leurs jeux ou à leurs ébats, et se rencontrent ensemble sur des parterres
fleuris qu'une lumière continuelle éclaire et fait éclore.
Nous aurions désiré donner ici le tableau des plantes impression-
nables du plateau central de la France, du midi de l'Espagne et de la
Laponie; malheureusement les études faites, à ce point de vue, sont
trop incomplètes pour que nous puissions ajouter ces détails aux géné-
ralités que nous avons exposées.
LES PALMIERS DE LA GRANDE SERRE DE KEW,
d'après un article de M. J. Houlston,
Dans le Florish, frutish and Gardai Miscellany.
Dans la grande serre à palmiers du jardin de Kew, les plantes
se portent mieux qu'on ne l'aurait présumé, en raison de la rigueur
de l'hiver passé. Plusieurs individus deviennent maintenant très-grands
et prennent assez bien le port et les proportions qui les distinguent
dans leur pays natal; ce sont particulièrement les Musa, Zannia, Ence-
phalartos, Pandanus, Urania, les bambous et plusieurs palmiers qui
forment déjà d'admirables individus. Au nombre des plus beaux parmi
ces derniers, se trouvent : un Cocos plumosa qui a près de 60 pieds
anglais (18m,900) de haut, et un Cocos coronata de même dimension;
le palmier vinifère des Indes orientales (Caryota urens) de 60 pieds,
le sagoutier des Indes orientales (Arenga saccharifera) de 40 pieds
(12m,600), arbre magnifique, l'un des plus beaux de la famille, dont
les feuilles sont blanches à la face inférieure ; le palmier à cire de la '
Nouvelle-Grenade (Ceroxylon andicola), dont les feuilles sont également
blanches en dessous ; le grand palmier-éventail des Indes orientales
(Sabal umbraculifera) , haut de 30 pieds (9m,450), avec un tronc qui
mesure presque 2 pieds (0m,630) de diamètre à la base. On voit encore
dans la même serre un chou-palmiste d'Australie (Seaforthia elegans)
haut de 30 pieds (9m,450) ; un palmier-éventail d'Australie (Corypha
Australis) , à peu près aussi haut ; un palmier ivoire végétal (Phyte-
lephas macrocarpa), de 20 pieds (6m,300) ; un Livistonia Borbonica
de même hauteur et plusieurs autres également remarquables par
leur beauté et par leurs fortes proportions.
oo
CONSTRUCTIONS HORTICOLES.
RELATION DU TRANSPORT D'UN PALMIER GIGANTESQUE, Latania Borbonica ,
DU JARDIN LODDIGES AU PALAIS DE CRISTAL DE SYDENHAM,
Par Sir P. -F. Keir.
La riche collection de plantes exotiques que possèdent les MM. Lod-
diges à Hackney, Londres, jouissait, il y a un siècle déjà, de la grande
réputation qu'elle a conservée et agrandie aujourd'hui. Cet établissement
fut fondé par Conrad Loddiges, natif de Hanovre et qui arriva en
Angleterre en 1760. Il débuta comme jardinier à Hackney, chez
Jean Busch , le même qui fut appelé plus tard par l'impératrice Cathe-
rine de Russie pour dessiner ses jardins. Conrad Loddiges s'établit
à Hackney et se livra pendant soixante-dix ans au commerce des
plantes. On lui doit l'introduction d'une foule d'espèces répandues
aujourd'hui dans tous les jardins, telles que les Rhubarbes, le Ro-
sage du Pont, l'Aucuba du Japon, le Dahlia, etc.
Ses deux fils lui succédèrent et s'appliquèrent à donner un carac-
tère scientifique à leur belle et grande collection ; ils envoyèrent force
botanistes voyageurs dans les différents pays du globe pour y cher-
cher des plantes rares et intéressantes ; aussi jamais établissement ne
fut plus riche de toutes sortes de plantes cultivables.
Sir Joseph Paxton acheta, il y a deux ans, cette collection unique
pour compte de la compagnie du Palais de cristal de Sydenham; ce
n'était rien d'acheter, de l'or suffisait, mais il fallait transporter les
Titans végétaux de Hackney à Sydenham ; ce travail fut pénible et
intéressant.
Notre gravure, empruntée à Vlllustrated London News représente , ou
pour parler plus exactement, devrait représenter le transport d'un
gigantesque Latania Borbonica ou Palmier à éventail, de Hackney à
Sydenham , si le graveur n'avait xylographie un Phœnix au lieu d'un
Latania. Cet arbre, venu des îles Maurice, appartint d'abord à l'Im-
pératrice Joséphine et ornait les serres du palais de Fontainebleau :
plus tard il fut acheté et envoyé en Angleterre par Thomas Evans ,
Esq. à Stepney près de Londres ; à la mort de cet amateur, en 1814,
M. Loddiges, se rendit acquéreur du Palmier.
Ce Latania Borbonica n'avait à cette époque que cinq pieds de
hauteur : il est resté dans la Palmière de Hackney jusqu'à son trans-
- 56 -
PI. 11.
— 57 —
port au palais de Sydenham. Cet admirable végétal a maintenant 50
pieds de hauteur et pèse au-dessus de 2,000 livres ; il se trouve dans
une caisse de 8 pieds carrés et le tout ensemble pèse environ 15 tonnes
ou 30,000 livres. Lorsqu'il s'agit de mettre en mouvement cette
énorme masse pour l'envoyer au palais de cristal, on dut la barder de
fer et de bois; on fit ensuite avancer sous elle un chaniot qui, lui-
même pesait 14,000 livres et sur lequel on laissa descendre le Latania;
enfin on attela à ce précieux fardeau 32 des plus vigoureux et des plus
beaux chevaux de Londres.
Quoique la gravure ne semble pas attester une aussi grande largeur
de fronde, les feuilles ont cependant souvent balayé dans le trajet les
fenêtres du troisième étage des maisons, et l'on sait si les étages de
Londres sont assez haut placés.
L'établissement Loddiges est maintenant considérablement restreint;
des rues nouvelles ont traversé ses magnifiques cultures, jadis un des
plus beaux ornements de Londres, et des maisons se sont élevées dans
le célèbre jardin qui a fourni les principaux matériaux des riches et
belles collections, dont les Anglais ont aujourd'hui le droit d'être fiers.
Les vastes serres de Hackney possédaient toutes les Orchidées les
plus superbes et les plus recherchées. Jamais on n'a vu en Angle-
terre une collection aussi nombreuse de cette famille aristocratique.
MM. Loddiges unissaient la science à l'amour des fleurs et faisaient
autorité pour tout ce qui concerne la nomenclature et les caractères
botaniques des espèces et des variétés. La collection de Camélias n'était
pas moins admirable, tant par sa variété et sa richesse que par les
dimensions des plantes qui, pendant l'hiver, faisaient l'ornement obligé
de toutes les fêtes et dont les fleurs brillaient aux mains des dames.
Se promener dans les grandes serres des palmiers, y contempler la
beauté, la variété et l'ampleur du règne végétal, c'était se transporter
dans une forêt du Brésil où l'âme est enchaînée par le silence et la
solitude.
Mais la forêt est défrichée maintenant, tout est désert et il ne reste
que le souvenir et les heureux résultats d'une impulsion vigoureuse.
Les forêts indiennes et américaines que MM. Loddiges avaient im-
portées sur le sol Britannique sont transplantées dans l'immense
Palmière du jardin royal de Kew et dans les vastes transepts du Palais
de cristal de Sydenham.
M. Loddiges, fils, possédait en outre une fort riche collection d'oi-
seaux d'Amérique et a rédigé pendant quelques années un journal de
botanique « The botanical cabinet. »
BELG. HORT. T. VI. 8
58
INSTRUMENTS D'HORTICULTURE.
NOUVELLE SERINGUE-ARROSOIR ANGLAISE.
PL 12.
Nous mettons sous les yeux de nos lecteurs une nouvelle seringue
anglaise, inventée par MM. J. Tylor et fils, fabricants de meubles hor-
ticoles à Londres (Warwick Lane , Newgate Street, London). Cet
instrument réalise les conditions de la pompe aspirante et foulante
et son usage présente une foule d'avantages parmi lesquels l'économie
de temps n'est pas le moindre. Il peut servir à lancer l'eau sur les
plantes sous forme de pluie tombant sur le feuillage , ou à arroser les
pots sans mouiller les feuilles; il projette l'eau cà une hauteur de
huit pieds et peut déposer dans un pot élevé sur un gradin à cette
hauteur, juste la quantité d'eau qui lui est nécessaire. Cette seringue
est également avantageuse pour les jardins et pour les serres, et elle
peut verser deux fois autant d'eau, dans un temps donné, que tout
autre instrument de ce genre employé jusqu'ici. 11 n'est pas nécessaire
après chaque coup de piston de recourir au vase pour remplir le
cylindre, l'eau y arrivant d'elle-même par un tube flexible : par suite,
— 59 —
on épargne beaucoup de peine, beaucoup de fatigue , beaucoup de temps
et on gagne beaucoup de propreté, car l'inventeur a en outre arrangé
les choses de manière à ce que l'eau ne surgisse jamais par l'orifice
supérieur comme tant de seringues ont l'inconvenance de le faire.
M. Tylor et fils vend ses instruments à 21 et 25 schellings. Nous
espérons les voir bientôt importer en Belgique et en France.
Fumigateur a action spontanée.
Cet appareil auquel son inventeur, M. Richard Gallier, de West-
Bromwich (Angleterre) propose d'attacher son propre nom , est destiné
à éviter aux jardiniers et amateurs l'inconvénient de rester dans une
atmosphère de fumée de tabac pendant l'opération de Yenfumage des
serres. Il consiste en une cheminée conique, en tôle ou en terre cuite,
formée de deux moitiés superposées, dont l'inférieure, élevée au-dessus
du sol par des pieds assez courts, porte une grille dans son fond.
Pour exécuter l'opération, il suffit d'enlever la moitié supérieure de
la cheminée, de placer sur la grille trois ou quatre charbons ardents,
de répandre uniformément sur ces derniers la quantité requise de
tabac, de remettre en place le chapeau de la cheminée et de fermer en
sortant la porte de la serre : le reste s'exécute de lui-même.
Encre noire indélébile pour écrire sur le zinc
Au moyen de l'encre dont nous donnons ici la composition, on
peut inscrire, avec une plume, le nom des plantes, sur les étiquettes
de zinc. Voici la recette :
Vert de gris en poudre, une partie.
Sel ammoniac en poudre, une partie.
Noir de fumée, une demi-partie.
Eau, dix parties.
On mêle ces poudres dans un mortier de verre ou de porcelaine,'
en y ajoutant une partie d'eau, afin d'obtenir une pâte bien homogène;
on verse ensuite le restant de l'eau en continuant de mêler le tout
ensemble.
Avant de se servir de cette encre, il faut avoir soin d'agiter chaque
fois la bouteille ou le flacon qui contient cette composition. Après
quelques jours, les caractères prennent une grande solidité. Le noir de
fumée petit, au besoin, être remplacé par des matières colorantes
minérales.
— 60 —
JARDIN FRUITIER.
LA POMME FRAMBOISE OU CALVILLE RAYÉ D'AUTOMNE,
Par M. Royer,
Conseiller provincial à Namur.
Cet excellent fruit d'automne est particulièrement connu dans les
provinces méridionales de la Belgique, où on le cultive depuis très-
longtemps. Suivant Knoop, il serait d'origine hollandaise; cet auteur
en fait grand cas.
La pomme framboise est d'un beau volume, arrondie, un peu dé-
primée, plus ou moins côtelée, aplatie vers le pédoncule, où elle a
sa plus grande largeur; elle se rétrécit graduellement vers le calice
pour se terminer en pointe obtuse. La peau lisse, luisante, vert-clair,
jaunit légèrement à la maturité ; elle est fortement maculée de rouge-
clair, et striée de rouge carmin. Ce coloris est beaucoup plus intense
du côté du soleil que du côté de l'ombre; parfois même, les fruits
sont entièrement rouges vers cette première partie, et ponctués de
gris-roux. Le calice est clos; la cavité où il est placé, peu profonde
et côtelée ; ses divisions sont brunes, duveteuses ; le pédoncule, long
de 2 centimètres, est gros, vert, un peu charnu; il est placé dans
une cavité profonde, très-évasée, bosselée ou côtelée. La chair est
blanche, fine, très-tendre ou molle, remplie d'une eau abondante,
sucrée, un peu acidulée et dont l'arôme rappelle un peu celui de la
framboise, dont cet excellent fruit porte le nom. Le trognon est cor-
diforme; les loges sont grandes, ouvertes el contiennent ordinairement
deux pépins, petits, ovales, aigus par un bout, obtus par l'autre,
couleur brun-clair.
La pomme framboise mûrit vers la fin de septembre, dans une
saison qui produit jusqu'ici peu de bonnes pommes. C'est un motif de
plus pour lui donner une place dans les jardins , où l'on pourrait
avancer sa maturité, en la plaçant en espalier à bonne exposition.
On comblera ainsi une lacune dans les desserts du mois de septembre,
déjà si riche en fruits de tout genre. Par leur beauté autant que par
leur agréable parfum , les pommes framboises y figureront avec hon-
neur. Elles se conservent bien et longtemps au fruitier.
L'arbre est non-seulement fertile, mais peu difficile sur l'exposition;
iSV.i
Pommes Framboises
— 61 —
nous l'avons vu en espalier à l'exposition du nord, donner en abon-
dance de beaux et bons produits. Il est peu vigoureux; ses rameaux
sont grêles, courts, cotonneux à leur sommet; l'épiderme brun rouge,
et ponctué de nombreuses lenticelles petites, gris-roux, très-appa-
rentes, proéminentes et distribuées par groupes sur le rameau. La
feuille est moyenne, ovale, pointue, assez épaisse et largement dentée.
(Ann. de Pomologie.)
NOUVELLE NOTE CONCERNANT LE FRAISIER PERPÉTUEL,
DÉLICES D'AUTOMNE.
Nous avons, à la page 275 du T. V de la Belgique Horticole, fait
connaître les qualités d'une nouvelle variété de fraise. Ce que nous
disions était la relation fidèle de l'observation de 1854; pendant l'au-
tomne de cette année (15 octobre) cette fraise était criblée de fleurs et
de fruits chez le producteur, le sieur Lejeune, gendre de M. Lorio,
faubourg Hocheporte , à Liège.
M. Jacob-Makoy s'en rendit acquéreur, la baptisa du titre pompeux
et appétissant de délices d'automne et l'annonça en vente dans son
catalogue pour 1855 en la décrivant comme suit :
« Variété perpétuelle des Alpes, rouge, sans coulant, gagnée à Liège
et vendue pour la première fois en novembre 1854. Chaque plante-
mère donne deux à six hampes bien droites , d'environ 20 centimètres
de haut. Dans la bonne saison, la longueur des fruits atteint 4 cen-
timètres sur 3 centimètres de largeur. Cette perpétuelle est très-rus-
tique, car malgré 4° R. sous zéro et en plein air, il y avait encore à
la mi-novembre des fruits mangeables de 3 centimètres de haut et
3 centimètres de diamètre. »
Mais il parait que cette appréciation était prématurée, car, disons-le
sans détour, quantum mutatur ab Mo tempore, les prétendus Délices
d'automne ont cette année trompé l'attente générale ; ils n'ont produit
qu'une seule récolte abondante, comme font toutes les fraises : quelques
fleurs qui se sont montrées cà et là, pendant l'automne 1855, autorisent
seules d'attendre l'expérience de l'année prochaine et de supposer que
les Délices d'automne pourraient bien se transformer en Délices d'hiver
par la facilité de leur culture forcée. Nous crûmes devoir signaler à
nos lecteurs une fraise dont l'apparition en 1854 avait fait sensation à
Liège ; il était donc de notre devoir de leur faire connaître le sort qui
lui était réservé en 1855 : attendons 1856 : il ne passera que trop tôt.
— 62 —
CULTURE MARAICHERE.
LES RADIS D'AUTOMNE OU D'HIVER,
Par M. Pierre Joigneaux.
Le vocabulaire des jardiniers est surtout remarquable par la confu-
sion qui y règne: la plupart du temps, c'est à ne pas s'y reconnaître.
Les mots dont ils se servent changent avec les localités, et il s'ensuit
toutes sortes de mécomptes. On ferait bien, ce nous semble, de mettre
un peu d'ordre dans ce chaos des jargons et d'adopter une langue horti-
cole qui eût pour tous et dans tous les pays la même signification. S'il
était nécessaire d'en démontrer l'utilité, nous prendrions pour exemple
la confusion qui existe à l'endroit des radis d'automne ou d'hiver.
Dans une grande partie de la France, et à Paris notamment, on les
désigne sous le nom de raifort, bien qu'ils n'aient pour ainsi dire
aucune ressemblance avec le véritable raifort qui n'est autre chose que
le cochlearia armoracia ou moutarde de capucin. Dans les Vosges, ces
mêmes radis portent le nom de raves, tandis qu'en réalité la rave n'est
autre chose que le navet de la grande culture. A Bruxelles, ce sont
des radis gris d'été, des radis de saison, des radis de tous les mois.
Dans la province de Luxembourg, enfin, ce sont des ramonasses.
Comment se retrouverait-on au milieu de ce désordre d'appellations?
Sous le nom de radis d'automne ou d'hiver, nous entendons désigner
ces radis de la grosse espèce, que l'on sème ordinairement en juin,
juillet et août, pour les récoller en automne et les manger à titre
d'assaisonnement, par tranches crues, saupoudrés de sel et quelquefois
aiguisés d'un filet de vinaigre. Ces radis se rapprochent des navets de
table par le volume et la forme de leurs racines. Il y en a de ronds
comme une toupie; il y en a de longs et de cylindriques. Les plus
communs de ces radis et les mieux connus sont de couleur grise ou
brunâtre; les variétés les plus nouvelles sont: le rose de Chine, le
blanc de Chine, le blanc d'Augsbourg et le gros violet. Les personnes
qui ont écrit sur le jardinage vantent beaucoup ces variétés nouvelles,
les trouvent plus délicates, plus fines et moins sujettes à devenir
cotonneuses que le radis gris; mais les consommateurs ne sont pas,
à beaucoup près, de cet avis: leur saveur n'a pas le montant, le
piquant du vieux radis gris; elle se rapproche trop de la saveur de
— 63 —
navet. Nous avons cultivé le rose, le violet, tous deux à racines
longues et rondes, et, pour notre compte, nous les plaçons bien
au-dessous du radis gris ou brunâtre, en forme de toupie. On dit
beaucoup de bien du blanc de Chine à feuilles longues, et surtout du
blanc d'Augsbourg, dont la racine ressemble à une toupie renversée.
Nous ne connaissons pas ces variétés, et n'avons, par conséquent, pas
qualité pour nous prononcer.
La culture du radis d'automne ou d'hiver ne présente pas la moindre
difficulté. On peut les semer clair en planches de quinzaine en quin-
zaine, du mois de juin à la lin d'août, dans une terre bien ameublée
et bien fumée de l'année précédente. Autant que possible, on recher-
chera une exposition un peu ombragée et l'on ne ménagera pas les
arrosements en temps de sécheresse. Le plus souvent, on disperse les
graines une à une, de loin en loin, parmi les asperges, les oignons,
les endives, etc. Dans quelques localités de la France, sur certains
points des Vosges, par exemple, où l'on consomme beaucoup de radis
gris et blancs d'automne ou d'hiver, sous le nom de raves, il est
d'usage, pour les obtenir d'un beau volume, de procéder à une sorte
de pralinage qui nous inspire plus de confiance que celui de M. Bickès.
Ce pralinage consiste à introduire la graine dans une crotte de chèvre
et à mettre le tout en terre.
Les gros radis, dont il est question dans cet article, deviennent
spongieux ou cotonneux, comme disent les gens du métier, toutes les
fois qu'après les avoir semés de bonne heure on veut les conserver
l'hiver en cave. A cet effet, on aura donc soin de ne prendre que les
derniers semés et de les conserver dans du sable frais ou de la terre
fine, aussitôt après la récolte. Ils se maintiendront ainsi parfaitement
fermes pendant longtemps.
— 64 —
AGROLOGIE HORTICOLE.
SUR LES AVANTAGES DE L'EMPLOI DE L'ENGRAIS LIQUIDE
POUR LA VÉGÉTATION DES PLANTES.
Il n'est, aucun point de la culture des plantes, qui exige plus de
précautions, de connaissances et de surveillance que l'application des
engrais liquides. Lorsqu'une plante est confinée dans un pot, l'accrois-
sement de ses racines produit un exhaussement du sol et bientôt la
terre ne peut plus fournir assez de nourriture ; si l'on veut que la
plante grandisse rapidement, on doit remplacer cette terre épuisée par
de la terre vierge ou avoir recours à l'engrais liquide. On ne saurait
trop recommander à l'attention des fleuristes les avantages de cet auxi-
liaire, qui devrait être beaucoup plus employé qu'il ne l'est. J'ai
toujours remarqué l'action merveilleuse de cet engrais sur les plantes
très-florifères, telles que les pétunias, géraniums, certaines calcéolaires,
les balsamines et les crètes-de-coq, et jamais je n'ai rencontré une
plante d'ornement qui ne se trouvât pas bien de l'usage d'une plus ou
moins grande quantité de cet élément. Beaucoup de plantes de la
Nouvelle-Hollande sont d'une vigueur extraordinaire lorsqu'elles sont
soumises à ce traitement; les Epacris, Diosma, Pohjgala, etc., et beau-
coup de bruyères même, profitent beaucoup de l'engrais liquide con-
venablement employé, par exemple, une fois tous les huit ou dix jours.
En arrosant les plantes avec cet engrais, on remarquera, qu'après
l'avoir employé un certains temps, le sol ne se desséchera pas aussi
promptement que s'il avait été humecté avec de l'eau claire, et ceci,
indépendamment des propriétés nutritives extraordinaires qu'il aura
communiquées au sol; c'est déjà un résultat assez important que de
parvenir à cultiver des plantes sans être astreint à des arrosages
continuels. Il n'est pas plus difficile d'user de l'engrais liquide que
d'employer l'eau ordinaire, et considérant tous les avantages que l'on
en retire, il est vraiment inexplicable que son usage ne soit pas plus
répandu.
(Traduit librement de l'anglais.)
i. La vatera mantima . Gtnian. 2. Stvlidiuin recurvum . GraKam
65
B
HORTICULTURE,
NOTE SUR LE LAVATERA MARITIMA, Govan,
El les principales espèces dti même genre,
Par M. Edouard Morren.
Les Lavaters sont de belles Malvaeées spontanées dans l'Europe
méridionale, surtout dans le bassin de la Méditerranée; voisins des
Malva, M al ope, Althœa, Sida, Hibiscus, Pavonia et Abutilon, ils
établissent le passage entre les mauves herbacées des latitudes tem-
pérées et les gigantesques Bombax, Carolinea et Adansonia (Baobabs)
des tropiques; quelques-uns sont annuels et herbacés, beaucoup
forment, des arbrisseaux ou des arbustes ayant le port des Abutilon
et des Gossypium ou Cotonniers. Leur nom rappelle celui des Lavater,
famille dont plusieurs membres illustrèrent Zurich, depuis Louis
Lavater, né en -1527, jusqu'au célèbre auteur des Essais physiogno-
moniques, Jean-Gaspard Lavater ; il consacre spécialement la mémoire
de Henri Lavater, médecin et naturaliste, et de son fils Jean-Henri, qui
lui succéda dans la chaire de mathématiques et de physique.
Le genre Lavater fait partie de la monadelphie polyandrie de Linné
et de la famille des Malvaeées de la méthode naturelle. Il était primi-
tivement réuni au genre Malva, mauve. Ce nom de Malva, dériverait,
suivant quelques-uns, du mot grec ^«a*^, adoucissant, qui lui-même
a pour racine ftxXecxte ou ftet^aa-a-a, adoucir, et ferait ainsi allusion aux
propriétés émollientes et laxatives de la plante. Mais d'autres sou-
tiennent, à tort pensons-nous, que Malva dérive de l'hébreu, parce que
le nom hébreu des mauves est Malluach, à cause de leur saveur salée ;
malach signifiait sel dans le langage des prophètes. Les Grecs et les
Romains mangeaient la mauve cuite ou crue en salade, usage que nous
retrouvons encore chez les Chinois. L'histoire nous apprend aussi
qu'une mauve ligneuse était très-estirr.ée comme aliment chez les
Egyptiens.
Tout le monde sait que la mauve, dans le langage des fleurs, est l'em-
blème de la douceur et d'une tendre disposition, et voilà pourquoi elle
était rangée par les anciens au nombre des plantes funèbres : ils avaient
coutume de border les tombes de leurs amis de mauves et d'asphodèles.
Le genre Lavatera a été distrait de celui des mauves par le célèbre
Tournefort, professeur de Botanique au Jardin du Roi, à Paris, de 1686
oek;. hort. t. vi. 9
— 66 —
à 1708. Il est caractérisé par : un involucre à 3, 6 ou 9 divisions cohé-
rentes; un calice quinquéfide, une corolle formée de cinq pétales
ovales. Etamines cohérentes en un tube dilaté à la base, recouvrant les
ovaires et se prolongeant en une colonne terminée par un grand nombre
de filets. Ovaires nombreux, disposés en verticille autour de la base
d'un axe floral allongé en cône ou dilaté soit en disque orbiculaire, soit
en petites crêtes. Le style est terminé par des stigmates nombreux. Les
fruits ne s'ouvrent pas à la maturité, mais se séparent de l'axe.
Ce genre est riche en espèces d'ornement pour les jardins et les
serres tempérées, d'une culture facile et à fleurs grandes, d'un coloris
toujours brillant ou tendre.
Le Lavatera maritima, Gouan (L. rotundifolia de Lamarck) cons-
titue un arbuste qui peut s'élever jusqu'à deux mètres, très-branchu, à
feuilles orbiculaires, ordinairement à base tronquée, dentées, les supé-
rieures lobées, recouvertes de poils mous, blancs et cotonneux, per-
sistantes. Les fleurs sont nombreuses, naissent de pédoncules axillaires
solitaires, de la longueur des feuilles; elles sont blanches, roses ou à
fond blanc lavé ou maculé de diverses nuances de rose, à onglet pourpre,
larges et étalées. L'involucre est plus court que le calice, non ac-
eressent, à lobes lancéolés, un peu étalés. Calice à divisions triangulaires,
dressées, conniventes. Corolle une fois plus longue que le calice. Car-
pelles glabres, noircissant à la maturité, rugueux, à dos plane, à bords
aigus et ondulés. Axe floral en petit cône, relevé de crêtes membra-
neuses et ne recouvrant pas les carpelles.
Le Lavater maritime croît autour de la Méditerranée, dans le midi
de la France, en Sardaigne, sur les côtes orientales d'Espagne et
exceptionnellement dans quelques îles de la Bretagne française (île
d'Houat, Belle-Ile-en-Mer, etc.).
On le cultive en été en pleine terre dans le jardin, en hiver en serre
tempérée, et on le multiplie par graines ou boutures.
Les principaux Lavaters cultivés sont les suivants :
Lavatera t riméstrig , L. (Stegia lavatera DC.) ou Mauve-
fleurie.
Elle est annuelle, de pleine terre et spontanée dans l'Europe méri-
dionale. Les feuilles sont d'un vert gai, glabres, les fleurs grandes,
blanches, roses ou pourpres.
ï.avnccrn.nrevifoiin, DC. ou Lavater à feuilles d'érable.
Arbuste de serre tempérée, originaire de Ténérif et des Canaries.
Les feuilles sont à f> ou 7 lobes aigus, sub-dentées, presque glabres.
Les fleurs naissent solitaires sur des pédoncules axillaires; les pétales
grands, blancs, lilns ou lavés de rose, tachés de pourpre à la base.
— 67 —
Lavatera oEbia, L. ou Lavater d'Hyères.
Les tiges sont rameuses; les feuilles crénelées ou presque entières,
les inférieures cordées à 3 ou 5 lobes. Pédoncules axillaires, solitaires,
très-courts; pétales purpurins, bilobés, deux ou trois fois plus long*
que le calice. Axe floral prolongé en saillie hémisphérique, ne recou-
vrant pas le carpelle. Il forme un arbuste de 1 à 1 1/2 mètre, qui
réclame l'orangerie en hiver.
Lavatera Thuringsiaea, L. ou Lavater de Thuringe.
Plante vivace, herbacée, de pleine terre, à tiges hautes de 1-2 mètres,
cotonneuses. Feuilles inférieures anguleuses, les supérieures trilobées,
à lobe médian plus long. Pédoncules solitaires, uniflores, plus longs
que le pétiole. Pétales roses bilobés. Originaire de l'Allemagne et de
la Russie.
Ravalera arDiorea, L. ou Lavater en arbre.
Tiges hautes de deux à trois mètres , très-rameuses, à feuilles d'un
vert pâle, cotonneuses, plissées , crénelées. Pédoncules axillaires
agrégés, inégaux, plus courts que la feuille. Involucre plus grand que
le calice, accressent. Pétales violets , deux fois plus grands que le calice.
Bisannuel, spontané sur les rochers maritimes.
On cultive en outre comme arbustes d'ornement des orangeries, de
serre tempérée ou de jardin d'hiver : le Lavatera hispida, DC, à fleurs
roses et sauvage à Alger; le Lav. unguiculata, DC. à fleurs pourpres,
venu de Grèce; le Lav. micans, DC, originaire d'Espagne; le Lav. lusi-
tanica, DC, du Portugal; le Lav. triloba, DC, à fleurs lilas et natif
d'Espagne, etc.
On sème en pleine terre les espèces annuelles suivantes :
Lavatera mollis, Chr. (Egypte); ambigaa, DC (Naples); syl-
vestris, DG. (Portugal); lanceolota, W.; cretica, DC (Crète); Neapo-
litana, DC (Naples); etc.
APERÇU SUR LE STYLIDIUM RECURVUM de- Grahenn,
Et les autres espèces du même- genre,
Par M. Edouard Morren.
Cette charmante Styîidiée croît en Australie, dans les endroits tour-
beux, sous les arbustes, ou attachée aux flancs des montagnes entre
les pierres dans des stations ombragées. Les tiges sont rameuses,
hautes rie quelques pouces; les feuilles nombreuses, forment de petites
— 6H ~
rosaces, subulées, recourbées, à bords membraneux inférieurement.
Les fleurs sont rassemblées en une cime un peu rameuse, nombreuses
et d'un beau rouge.
Le genre Stijlidium compte un grand nombre d'espèces intéressantes
par la beauté de leurs corolles et la singularité de leurs mœurs : nous
croyons donc qu'on lira avec intérêt la monographie suivante du genre
Stijlidium, traduite du Hamburger-BlumenzeUimg, par la rédaction de
la Flore des Serres.
« Quoique les espèces du genre Stijlidium aient rang parmi les plus
jolies plantes, on les trouve cependant fort peu répandues dans les
jardins; chose d'autant plus étonnante que leur culture n'offre d'ordi-
naire pas de difficulté sérieuse. Sur près de cent espèces connues,
il ne s'en trouve pas vingt dans les différentes collections de l'Angle-
terre et du continent. A l'exception de deux ou trois, toutes les espèces
connues jusqu'à ce jour proviennent de l'Australie, où la plupart
croissent sur les bords de la rivière des Cygnes [Swan-River). Dans les
Plantœ Preisseanœ, le Dr Sonder en énumère plus de 70, parmi les-
quelles il en décrit environ 40 nouvelles. Ces dernières lurent dé-
couvertes et introduites par le Dr Preiss, qui en lit parvenir des
exemplaires d'herbier, en même temps que des graines.
»Les Stijlidium offrent tous, sous le rapport physiologique, un carac-
tère extrêmement curieux. Les étamines et le pistil, sont, comme chez
les Orchidées, soudés en un gynostème; les deux anthères, placées aux
deux côtés du stigmate, se tournent le dos. On comprend donc aisé-
ment la difficulté d'un contact entre le pollen et le stigmate. Mais la
nature sait obvier à tout. Elle a imprimé au gynostème, vers le milieu
de sa longueur, une courbure formée de cellules très-irritables. A la
moindre secousse qu'éprouve la fleur, cette courbure se redresse avec
une grande rapidité. Ce mouvement fait tomber le pollen mûr sur le
stigmate, et la fécondation est consommée.
»Pour cultiver les Stijlidium avec succès, on les place pendant l'hiver
dans une serre froide, en un endroit sec et éclairé; car tous, et princi-
palement les espèces à feuilles disposées en rosettes, souffrent promp-
tement de l'humidité. On rempote les plantes au printemps, et on
les place sous châssis froid, où l'été les voit se développer à merveille.
Pendant les jours de soleil on leur donne de l'ombre, le soleil brûlant
en été leur étant tout aussi funeste que l'humidité en hiver. On doit
user de prudence dans les arrosements et prendre garde que la terre
où elles croissent ne s'aigrisse. On prévient cet inconvénient en mettant
une couche de tessons au fond du pot. Le compost qui leur plaitle
mieux, c'est de la terre de feuilles, de la terre de gazons et un peu de
69 —
terre de bruyère; on y ajoute un peu de sable el du charbon de bois.
La multiplication se fait de graines, de boutures ou d'éclats.
«Les espèces les plus connues, que l'on cultive dans les jardins, sont
les suivantes :
1. SIYLIDfUtt ADNATUM, R. Br.
[Bot. Reg. t. 9iS).
Connu depuis 18*24 ; les petites tiges
qui s'élèvent du rhizome atteignent 5 à 6
pouces de hauteur, et sont, dès leur base,
couvertes de feuilles. Racème floral sim-
ple, terminal. Fleurs petites, rose clair.
2. STYLIDIUM FASCICULATUM, R.
Br. [Bot. Mag. t. 5816; Bot. Reg. t.
1459).
Ressemble au précédent, n'est proba-
blement qu'annuel. Fleurs en racème
long, terminal, non branchu ; d'un blanc
rougeâlre, petites.
5. STYLIDIUM FRUTICOSUM,R Br.
[glandulosum , Salisb.).
Connu depuis 180-3. Petit buisson, tige
ayant V-2 pied de hauteur, fleurs au som-
met de la lige, petites, rose clair.
4. STYLIDIUM LARICIFOLIUM, Rich.
[Bot. Reg. t. 550), tenuifolium [liai.
Mag. t. 2249).
Introduit dès 1818. Gazonnnnt , ra-
meaux littéralement couverts de feuilles
étroites, linéaires. Racème floral au som-
met de la lige, branchu. Fleurs grandes,
roses.
5. STYLIDIUM RECURVUM, Grah.
[Bot. Mag. t. 5913), St. bulbi/erum Blh.,
proliferum, DC.
Tige haute de G pouces, semi-gazon-
nante, grêle, branchue; fleurs terminales,
petites, rouges.
6. STYLIDIUM SCANDEKS, R. Br.
[Bot. Mugi t. 3136. Ham.bg. Gurtenztg.
V. p. 114.)
Connu depuis 1803. Tige haute de 1 </i
à 2 pieds, grêle, d'une apparence rou-
geâlre, branchue; feuilles longues de 3 '/.>
pouces, linéaires, en verlicille, à pointe re-
courbée. Racème dressé; il yen a plusieurs
au sommet des branches. Fleurs grandes,
d'un beau violet; très-belle espèce.
7. STYLIDIUM SAXIFKAGOIDES >
Lindl. [Bot. Mag. t. 4529 ; Belcj. Hort.
IV. 9' livraison). St.assimilc Bth. Hatnbg.
Gurtenztg. VI. p. -'«63.
Feuilles radicales, disposées en rosettes
très-rapprorhées; tige florale s'élevant du
milieu des rosettes, haute de t/.2 - I pied,
fleurs en racème simple, grandes, jaunes,
belles.
S.STYL.GRAMINIFOLlUM,Sw. (fiof.
Mag. t. 1918. Bot. Reg. I. t. 90).
Introduit en 1803. Feuilles radicales,
disposées en rosettes; tige florale, haute
de 1 à 2 pieds, fleurs en racème terminal,
grandes, rouge puce; belle espèce.
9. STYLIDIUM LEHMANNIANUM ,
Sond. (ftntœniim Ohlendff.).
Feuilles radicales en rosettes. Tige flo-
rale, haute de 5 à 5 pouces, fleurs grandes,
jaune nankin.
10. STYLIDIUM L1NDLEYANUM,
Sond. [St. cnulrosaceum Lindl.).
Fleurs nankin.
11. STYLIDIUM ARMERIA. Rich.
Feuillesradicales, disposéesen rosettes.
Tige florale, haute de 4 à 6 pouces, fleurs
grandes, rouge foncé.
VI. STYLIDIUM MELOSTACI1YS, R.
Br., Prod , FI. N. IL, p- 568. DC. Prod.
VII, p. 533.
L'illustre Robert Brown et son compa-
gnon de voyage, Ferd. Baner, découvri-
rent les premiers celte jolie espèce dans
la terre de Van Diémen. Le jardin bota-
nique de l'université de Vienne en a reçu
des graines, en 1852, du jardin botanique
de Heyne. Les fleurs sont rose lilacé et
de longue durée : l'espèce est de serre
froide.
13. STYLIDIUM MUCROXIFOLIUM ,
Sond. {Bot. Mag. t. 4538. Hambg. Gur-
tenztg VI. p. 520 ) St. Hookeri, FI. des
Serres. VI, p. 229.
Tige haute de 2 à 3 pouces, entièrement
recouverte de feuilles très-étroites. Ra-
cème floral terminal, long de 6 à 8 pouces.
Fleurs grandes, d'un jaune brillant.
14. STYLIDIUM CILIATUM . Lindl.
[Bot. Mag. t. 3883.) St. setigertim, DC.
Feuilles radicales en rosettes. Tige flo
raie haute de 1 à 1 ,!* pied, fleurs jaunes.
ÏO
18. STYLIDIUM BRUNONIAMJM ,
Blh. (Bot. Iîeg. vol. 28, t. 15).
Feuilles radicales en rosettes ; de leur
milieu s'élève une lige florale haute d'en-
viron 1 pied. Fleurs nombreuses, en ra-
cème terminal, beau rose.
16. STYLIDIUM SUFFRUTICOSUM...
Cité dans le catalogue de M. Low à
Clapton.
17. STYLIDIUM JUNCEUM. R. Br.
Feuilles radicales disposées en rosettes.
Fleurs rouges.
18. STYLIDIUM HIRSUTUM, R. Br.
(Bot. Mag. t. 3194).
Feuilles radicales, ayant presque 6
pouces de longueur, dressées ; lige radi-
cale, dépassant 9 pouces, également dres-
sée. Racème floral terminal, long de 1 à
1 i/s pouce; fleurs roses foncées, grandes.
19. STYLIDIUM P1LOSUM , Labill.
(Bot Mag. 1842 t. 41, St. longiful., Rich.)
Feuilles radicales, dressées; racème à
fleurs, haul d'un pied ; fleurs grandes,
blanches.
«Bien cultivées, les espèces énumérées ci-dessus sont presque toutes
d'un très-joli effet dans les serres froides. Ce qu'il importe le plus
d'obtenir dans la culture de ces plantes, ce sont des exemplaires forts.
Les espèces 3, 4, 6, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 15, 18 et 19 sont parti-
culièrement dignes d'être cultivées; elles se distinguent des autres par
des fleurs assez grandes et d'un brillant coloris.»
REVUE DE PLANTES NOUVELLES OU INTÉRESSANTES.
Isoinma Triaiiœi. Regel. — Isoîome de Triano. — Regel,
Gart. Flora IV, 107, PL 82.— Illust. Horticole. 1855. PL 57.-
Famille des Gesnériacées. — Cette jolie Gesnériacée a été découverte
dans la province de Santa-Martha en Colombie, par M. Warscewicz ,
qui l'a introduite en Europe. Elle s'élève à plus d'un mètre; les tiges
et les feuilles sont recouvertes d'une pubescence rouge de fer. Les
feuilles, longues de plus d'un décimètre, sont ovées-lancéolées, d'un
vert foncé, à bords crénelés-dentés. Les fleurs sont terminales,
grandes, d'un beau rouge vif; le tube de la corolle est allongé et
ventru, le limbe est presque régulier, à cinq lobes arrondis, plus on
moins marmorés de blanc.
Vlsoloma Trianœi est réellement de serre chaude, mais on le cultive
dans une bonne serre tempérée.
TliermopsSs foarbata. Royle. — Royle , Illuslr. Rimai. PL
p. 100, t. 39, fig. I. — Walp. Repert. V. I, p. 562. — Benth. in Hook.
Lond. Journ. Bot. V. 2, p. 43\. — Bot. Mag. t. 4868. — Syn. :
Anagyris barbata, Graham, in Wall. Cat. n. 5341. — Fam. des
Légumineuses. — Décandrie Monogynie. — Cette belle espèce de
Thermopsis, à fleurs grandes et d'une coloration splendide, a été cul-
tivée par M. Mooredans le jardin botanique de Glasnevin. Les graines
avaient été envoyées de l'Himalaya, par le major Madden. Elle vit à
— 71 —
une altitude de 10,000 à 43,000 pieds, dans les vallées les plus sèches.
C'est une superbe plante toute velue, à feuilles sessiles, lancéolées,
acuminées, glabres ou bordées de poils, en verticilles de trois à sept.
Les fleurs apparaissent sur des racèmes axillaires, épais, denses,
allongés. Les pétales sont grands, d'un beau violet très-foncé; l'étendard
est dressé, orbiculaire, bilobé, les ailes sont arrondies, plus courtes
que la carène ; étamines toutes libres; ovaire velu.
Saïvîn Catneriozii. Hort. Germ., ex Regel. — Gartenflora, cah.
de juin 4855, p. 484, tab. 424. — Sauge de Camerton. Fam. des
Labiées. — Cette sauge est très-répandue, sous le nom que lui con-
serve M. Regel, dans les jardins d'Allemagne; mais elle n'avait été
encore ni décrite, ni figurée. Il paraît qu'elle est venue du Mexique.
Elle forme un sous-arbrisseau d'un mètre et demi à deux mètres et
demi, à tige rameuse, couverte de poils courts; ses feuilles pétiolées
sont ovales ou en cœur, presque arrondies à la base, très-aiguës au
sommet, dentées en scie , ciliées, longues de 3 ou 4 centimètres; leur
face supérieure est rendue rude par la présence de poils très-courts ,
tandis que leur face inférieure est velue sur les nervures seulement.
A l'extrémité des branches et d'un grand nombre de rameaux courts se
développent de jolies grappes de fleurs colorées en rouge vermillon,
rangées par faux-verticilles de six ou quatre. Ces fleurs ont la lèvre
supérieure droite, échancrée à l'extrémité, un peu plus longue que la
lèvre inférieure, qui est trilobée. Cette sauge est tellement voisine du
S. elegans Vahl., que peut-être en est-elle une simple variété.
La sauge de Camerton fleurit abondamment aux mois de mars et
avril dans l'orangerie. Mise en pleine terre pendant l'été, elle donne
de très-beaux pieds qui ne fleurissent cependant qu'au printemps
suivant.
Stylopliorurai dipltytluan. Nuttall. —Nutt., Gen. Y. 2, p.'.
— Gray. Gen. Plants u. s. t. 48. — Botany of the Northern United
States, p. 27. — Syn. : Stylophorum petiolatum Nuttall, Stylopkorum
Ohioense, Spreng. Syst. Y. 2, p. 570. -- Meconopsis diphylla, DC.
Syst. Y. 2, p. 88. Prodr. VA, p. 421. Torrey et Gray, FI. N. Am. Y. I,
p. 64. — Meconopsis petiolata, DC. I. c. — Chelidonium diphyllum,
Michx. FI. V. I, p. 309. — Bot. Mag.pl. 4867. — Fam. des Papave-
racées. — Polyandrie Monogynie. — Le Stylophorum diphyllum, dont
les graines ont été envoyées en Europe par le Dr Asa Gray , profes-
seur de botanique à l'université de Cambridge, est spontané dans les
bois des Etats-Unis du Sud. Les plantes ont de six pouces à un pied
de haut, ressemblent nu Meconopsis rambrica; les tiges, les pétioles et
— 72 —
les pédoncules sont couver l s de poils dressés; les feuilles radicales sont
oblongues ou ovales, lobées, pennatifides , cordées à la base, à seg-
ments lobés ou crénelés, glauques intérieurement. Les feuilles cau-
linaires, ordinairement au nombre de deux, sont opposées et forment
un involucre. Les fleurs sont solitaires, d'un jaune pâle, inclinées, les
sépales poilus, les étamines nombreuses.
PBîysrelîus C'apensîs- E. Mey. (de çevynv, fuir et vxtot soleil).
— Phygélie du Cap. — Bot. Mag., Vol. XI, 1855, lab. 4881. — Benth.
in comp. to Bot. Mag., V. 2, p. 53. — Fielding, Sert. Plant., t. 66, 67.
— Benth. in de Cand. Prodr., v. 10, p. 300. — Fam. des Scrophula-
riacées, Didynamie Gymnospermie. — Cette belle plante, découverte
seulement dans ces derniers temps à Witbergen en Caffrerie, sur les
bords des torrents, n'a que bien peu de Vhabitus des végétaux de cette
région, mais ressemble singulièrement aux Pentstemons de l'Amérique
du Nord. Le Phygélie du Cap a fleuri cet été en plein air, chez
MM. Veitch à Exeter, et promet de donner des graines mûres; c'est
une excellente acquisition pour les jardins; la plante est sans doute
vivace et buissonneuse, mais elle peut réclamer une orangerie pour la
protéger pendant l'hiver. Le Witbergen est, pensons-nous, une mon-
tagne très-élevée, mais nous ne connaissons cependant pas la hauteur
au-dessus de la mer, de la localité où croît le Phygélie du Cap, hauteur
qui autorise probablement à croire à sa nature rustique.
Le Phygelius Capensis est une plante de deux à trois pieds d'élé-
vation, y compris sa panicule , dressée, ligneuse à la base, herbacée
supérieurement, branchue, partout glabre; branches quadrilatérales,
à angles ailés. Les feuilles sont opposées; les inférieures d'une gran-
deur moyenne, la lame mesurant 4 à 5 pouces, le pétiole deux pouces
environ; ce pétiole est profondément creusé en gouttière et auriculé à
sa base de chaque côté, la lame est ovale, légèrement acuminée, dentée,
penninerve et réticulée. Les feuilles deviennent graduellement plus
petites à la partie supérieure de la plante. L'inflorescence est une
panicule pyramidale , à rachis quadrilatéral , ailé , à divisions en
grappes corymbiformes, à pédicelles courbes et à fleurs pendantes. Le
calice a un tube court, obtus à la base, et un limbe de cinq segments
étalés ovés-acuminés. La corolle est tubuleuse, à tube très-long,
courbe, à base dilatée et renflée; elle se termine par un limbe très-
oblique à cinq segments écartés, pointus. Ces fleurs sont d'un beau
rouge vif, sauf la gorge qui est jaune.
Akebla quiitata. Decaisne. — I)cne. Mém. sur les Lardizalcaléês,
p. 195. — Lind. Bot. Beg., 1847, t. 28.— Flore des serres, Avril 1855.
- — I o —
— Bot. Moy., pi. 4864. — Syn.: Rajania quinata, Thunb. Jap.,p. 148.
— Fam. des Lardizabalées. — Monœcie hexandrie. — Cette belle
plante a été recueillie en Chine par M. Fortune, mais elle parait cepen-
dant originaire du Japon et est bien figurée et décrite dans la Flora
Japonica de Siebold et Zuccarini.
VAkebia quinata est un arbuste toujours vert, grimpant, à tiges
flexibles, arrondies, partout absolument glabres : les feuilles sont
alternes, à pétioles arrondis, ordinairement à cinq folioles articulées
sur le pétiole, pétiolulées, obovées , émarginées ou obcordées, entières,
coriaces, glauques à la face inférieure. Les racèmes sont axillaires et
naissent de branches latérales réduites, pédoncules, à divisions pour-
vues de petites bractées. Les fleurs sont pédicellées, unisexuelles,
odorantes : les mâles sont plus petites, terminales sur les racèmes,
leurs sépales sont oblongs ou elliptiques, réfléchis; étamines au nombre
de 6, sur deux rangs, à filaments très-courts, à anthères oblongues. Sur
chaque racème il y a de deux à cinq fleurs femelles, portées sur des
pédicelles plus longs que ceux des mâles. Ces fleurs sont d'un beau
violet, à trois sépales larges, elliptiques, concaves, coriaces, à trois ou
cinq ovaires surmontés d'un stigmate sessile.
Stanloopea eeornnta. Lindl. (A la mémoire de Philippe-
Henri, comte de Stanhope, président de la Société de médecine et de
botanique de Londres.) Traduit du latin : Stanhope cornu. — Bot.
Maq., tab. 4885. — Lemaire, in Flore des Serres, p. 481, Dec. 4846. —
Paxton, Flow. Gard. Geeanings, ?i° 54, ic. 20. — Reich., fil. Rot.
Zeit. X, 4852, p. 836. — Lindl., Fol. Orchid. Part. I, p. 8. — Synon.:
Stanhopeastrnm ccornutum, Reich., fil. in Mohl et Schlecht. Rot. Zeit. X,
1852, p. 927. — Xenia, Orchid, tab. 43. — - Fam. des Orchidées;
Gyiiandrie monandrie.
Le Stanhopea eeornnta est parvenu à l'établissement de M. Loddiges
à Hackney, de l'Amérique centrale. Les remarques suivantes sur cette
curieuse plante, que nous devons à M. le Dr Lindley sont plus pré-
cieuses qu'une simple description :
« Cette plante a été publiée en premier lieu par M. le professeur
Lemaire dans la Flore des Serres, en décembre 4846. Ce journal en
avait puisé la figure dans mon ouvrage intitulé Folia Orchidacea (oc-
tobre 4852), et l'auteur supposait que le Stanhopea eeornnta pouvait être
un monstre de quelque espèce, peut-être du Stanhopea tricornis. Immé-
diatement après, le professeur Reichenbach fi:s, annonça (Bot. Zeit.,
Dec. 24, 4852) qu'il avait examiné la plante en question, que ce
n'était pas une monstruosité, mais un nouveau genre, Stanhopcatirum,
BELG. HOP.T. T. VI. ÎC
— 74 —
unissant les Peristeriacées aux Stanhopêacêes. A l'époque où l'on
avançait la possibilité que le S. ecornuta pouvait n'être qu'un cas
teratologique, je ne l'avais pas encore observé, mais à présent que
j'ai pu disposer d'un exemplaire vivant je persiste dans mon opinion.
Il est vrai que l'on remarque une élévation au milieu du creux du
labelle, et que la colonne, au lieu d'être longue et ailée, est courte
et charnue. Mais d'un autre côté, le port de la plante est si exacte-
ment celui d'un Stanhopea que M. Loddiges, duquel nous avons reçu
le spécimen soumis à notre examen, l'avait toujours pris pour le
Stanhopea grandi flor a. Son mode de floraison ne présente pas la
moindre différence avec celui du S. cirrhata originaire des mêmes
contrées ; cette dernière espèce possède la plupart des caractères
qui paraissaient si étonnants chez le S. ccornuta.
Salvia asperata- Falconer. — (De salvare, sauver, à cause des
propriétés médicinales des sauges.) Sauge rude. —Bot. Mag. tab. 4884.
— Benth., in De Cand. Prodr. V. 12, p. 282. — Famille des Labiées ;
Diandrie monogynie.
Cette nouvelle sauge a fleuri cette année en pleine terre dans les
jardins de Kew. Les graines avaient été envoyées de Cachemire à Isaac
Anderson, Esq. à Maryfieîd, près d'Edimbourg. Elle s'élève à deux pieds
au moins et forme un petit buisson plus ou moins branchu dès la base.
Les tiges sont droites, hérissées de longs poils blancs mêlés à une
pubescence glanduleuse. Les feuilles inférieures sont pétiolées , les
supérieures sessiles, ovales ou ovales-oblongues, cordées à la base,
subacuminées, fortement bidentées sur les bords, velues, à surface
gaufrée et rude. Les épis floraux sont très-longs, à verlicillastres (faux
verticilles formés par les fleurs) de six à huit fleurs à peu près sessiles.
A la base de chaque verticillastre, on trouve une paire de bractées
opposées, sessiles, grandes, larges, ovales longuement acuminées,
étalées ou réfléchies, submembraneuses, d'un vert pâle, striées de
blanc-verdâtre. Le calice est campanule, presque aussi long que le
tube de la corolle, hispide, bilabié; la lèvre supérieure formée de trois
dents, dont la moyenne est la plus courte ; la lèvre inférieure bidentée. La
corolle est blanche, un peu verdoyante, courbe, cylindrique, d'un
tiers de la longueur du limbe. Celui-ci est bilabié; la lèvre supérieure,
dépassant l'inférieure, est oblongue, en forme de faux comprimée,
pubescente et hispide ; l'inférieure est trilobée, à lobe moyen chevelu
intérieurement. Etamines incluses. L'ovaire quaclrilobé, sur un large
disque charnu. Le style est très-long, mais inclus dans la lèvre supé-
rieure; le stigmate, un peu exserte, est formé de deux segments inégaux
ci subulés.
— 75 —
Seeiuannla iernifolia. Regel. (M. Seemann , rédacteur du
journal botanique le Bonplandia). — Gartenflora, cah. de juin 1855,
p. 183, tab. 122.— Seemannieà feuilles ternées. — Fam. des Gesné-
riacées.
Ce sous-arbrisseau, haut de 70 centimètres à 1 mètre, est couvert
dans toutes ses parties de poils courts et raides. Sa tige est grêle,
flexneuse, simple. Ses feuilles, disposées par verticilles de trois, rare-
ment de quatre, sont pétiolées, lancéolées, obtuses, entières, vertes en
dessus, blanchâtres en dessous, où les nervures se montrent tres-
saillantes. Ses fleurs, d'un rouge de brique, sont solitaires à l'aisselle
des petites feuilles naissantes du sommet de la tige, et par leur rap-
prochement, elles représentent une grappe courte. Les graines de cette
plante nouvelle ont été envoyées du Pérou à M. Regel sous le nom de
Gesneria quadrifolia. Elle fleurit aux mois d'octobre et novembre. On
la cultive en serre tempérée dans du terreau de feuilles ou de la terre
de bruyère. On la multiplie par boutures, et au moyen de ses rejets
ainsi que de ses tubercules écailleux.
SohralSa fi*ag;raiBs. Rz. et Pav. (Fr. Mart. Sobral, botaniste
espagnol) Sobral odorant. — Bot. Mag., tab. 4882. — Lindl., in
Gard. Chron. 1853, p. 598, ?i° 5. — Fol. Orchid., Part. 5, n. 12.
— Fam. des Orchidées; Gynandrie monandrie.
Cette espèce est un charmant petit Sobral odorant, originaire
de la province d'Ocana dans la Nouvel !e-Grenade, qui parait avoir
été découvert par Schlim, et fut d'abord introduit en Belgique,
d'où il passa en Angleterre. C'est une orchidée terrestre; les tiges
ont environ un pied de long; il en nait plusieurs d'une même
racine; leur partie inférieure est engainée par la base de la pre-
mière feuille et est couverte de quelques petites écailles. Les feuilles,
au nombre d'une ou de deux, sont oblongues lancéolées, de 4 à
5 pouces de long, un peu charnues, glabres comme tout le reste
de la plante, à nervation longitudinale et à nervures proéminentes
en dessous. Le pédoncule est terminal, long, comprimé, portant à
son extrémité deux ou trois bractées lancéolées, vertes, carminées,
ressemblant à de petites feuilles : de l'aisselle de la dernière de ces
bractées, longue de deux ou trois pouces, naît la Heur. Cette fleur
est petite pour un Scbralia, puisqu'elle n'a que deux pouces de
diamètre, mais elle est odorante, d'un jaune de soufre pâle un peu
verdâtre. Les sépales sont oblongs lancéolés ; les pétales sont de la
même forme, mais ils entourent la corolle. Le labelle est modérément
large, obové ou cunéé; les lobes latéraux sont obscurs, confinés à
— 76 —
la base; le lobe moyen est grand, étalé, fimbrié et crispé de la
plus belle façon, son disque est relevé par une belle macule jaune.
Tydœa oareliata. Regel, var. formosa. — Gartenflora, cah. de
juin 18o5, p. 181, tab. 120. Famille des Gesnériacées; Didynamie
angiospermie.
Cette belle plante a été introduite en Europe par M. de Warzêwicz,
qui en a recueilli les graines à Santa-Martha (Nouvelle-Grenade). La
variété qu'elle forme se distingue du type de l'espèce par une taille
plus basse, une floraison beaucoup plus abondante, et des fleurt»
plus belles, plus grandes, beaucoup plus abondamment marquées
de taches d'un rouge noir, se détachant sur la teinte générale d'un
beau rouge vif. Son beau feuillage et l'abondance de ses fleurs, qui
se développent l'été et l'hiver, en font une acquisition précieuse.
On la plante dans du bon terreau de feuilles meuble ou dans de
la terre de bruyère; on la place dans une serre tempérée près du
jour, et on l'arrose assez abondamment. A l'époque de la floraison,
on se trouve fort bien de l'arroser avec un peu d'engrais liquide.
Elle appartient à la catégorie des Gesnériacées qui sont en végétation
pendant toute l'année. On la multiplie promplement et très-facile-
ment au moyen de ses nombreux stolons qu'on détache et qu'on
plante à part.
B5Iâî;es*g;sî3 Staorïoeyanea. Lemaire. (J.-G. Billberg, conseiller
d'Etat et botaniste de Stockholm; il écrivit en 1822 sur les plantes de la
Suède.) Billberg bleu et rouge. — Bot. Mag., tab. 4883. — Flor. der
Gewchshsr. V. 3, p. 207. — Walp., Ann. Bot. V. I, p. 838. — Fam. des
Broméliacées; Hexandrie monogynie.
L'Amérique du Sud abonde en Broméliacées remarquables, qui doivent
toujours occuper une belle place dans nos serres chaudes, mais elles
sont malheureusement encore négligées des botanistes à cause de la dif-
ficulté de les sécher en herbier. La nouvelle espèce a les feuilles d*un
vert foncé, agréablement striées de bandes blanches transversales; les
bractées sont d'un rose tendre, et les corolles, de grande taille, sont
blanches lavées de bleu. La tige florale ou scape est entourée par la
couronne de feuilles et couverte de bractées lancéolées, fortement acu-
minées, roses, farineuses, dentées d'épines sur les bords. Les fleurs sont
en thyrse capité, à tube calicinal oval soudé à l'ovaire, à limbe de trois
segments roses, dressés, ovés. Les pétales de la corolle, au nombre de
trois, sont linéaires oblongs ou spatules, droits, légèrement recourbés,
très-obtus, roses dans le bouton, puis d'un blanc pur et passant plus
tard graduellement à une belle teinte bleue.
i i
LISTE DE PLANTES ANNUELLES
QUI MÉRITENT D'ÊTRE PLUS FRÉQUEMMENT CULTIVÉES QU'ELLES SE LE
SONT ENCORE SUR LE CONTINENT (4).
Cette liste a été dressée par M. J.-H. Beckmann, jardinier, alle-
mand d'origine, mais fixé en Angleterre, et les indications qu'elle
renferme ont été puisées dans les jardins et les ouvrages anglais.
Les plantes qu'elle mentionne sont ou récemment introduites, ou
trop peu cultivées sur le continent. A côté de leur nom nous ajou-
terons celui de la famille à laquelle elles appartiennent, l'auteur ayant
négligé de le faire.
Bartonia aurea, Lindl. (Loasées). Charmante plante de Californie,
à grandes fleurs jaunes et à longues étamines en grand nombre;
elle s'élève de 50 à 65 centimètres; elle convient parfaitement pour
des groupes dans les pelouses et pour les plates-bandes.
Bahia latifolia, DC. (Composées). Plante de Californie, dont la
végétation est trés-vigoureuse, qui se ramifie beaucoup et qui s'élève
à 65 centimètres. Ses fleurs en étoile sont d'un jaune pâle, très-
abondantes. Elle convient parfaitement pour massifs.
Cacalia sonchifolia. (Composées). Très-belle plante des Indes
orientales, haute d'environ 3 décimètres, dont les fleurs sont d'un
jaune d'or, très-convenable pour massifs et plates-bandes. îl faut la
semer dru.
Calandrinia umbellata, DC. (Pcrtulacées). Plante haute seulement
de 45 à 16 centimètres, à nombreuses fleurs d'un beau rouge.
C'est une charmante espèce qui convient pour rocailles, pour cor-
beilles, petites plates-bandes, même pour pots. Elle vient du Chili.
Il faut la semer de bonne heure en pots, parce qu'elle supporte mai
la transplantation.
Calandrinia discolor, Schrad. Plante basse, du Chili, à feuilles
charnues, à fleurs d'un beau rose, en grappes, qui s'élèvent jusqu'à
3 décimètres. Pour corbeilles et plates-bandes. Traitement de la
précédente.
Calceolaria chelidonioides. (Scrophulariacées). On peut avoir
celle espèce fleurie pendant toutes les saisons. Elle s'élève à 50
centimètres et elle porte une masse de fleurs d'un jaune pâle, qui,
néanmoins, ne durent pas longtemps. Elle convient très-bien pour
remplir des places vides, parce qu'elle fleurit promptement.
(1) Hnmhnrger Gartm uud Blumcnzcitùttn, juillet 1853. Journ. de In Sur.
imp, et rrnfr. rlr Paris.
— 78 —
Campanula (Speeularia) vihcœflora. (Campanulacées). Plante de la
Nouvelle-Hollande, très-jolie lorsqu'elle est en masse. Elle est haute
de 3 décimètres; elle porte un grand nombre do fleurs petites,
mais d'un beau bleu foncé, à gorge blanche.
Campainula (Speeularia) pentagona. Originaire du Levant, celle-ci
ressemble pour le port à la précédente; mais ses fleurs sont plus
grandes et un peu plus pâles. Une variété, Campanula pentagona
alba, a les fleurs blanches.
Cenia turbinata, Pers. (Composées). Plante du Cap, semblable
à une camomille, haute de 15 à 20 centimètres, à fleurs blanches,
très-abondantes. Elle convient pour les plates-bandes, mais surtout
pour bordures. Le Cenia turbinata formosa en est une variété à fleurs
jaunes.
Clintonia pulchella, Lindl. (Lobéliacées). Celte charmante petite
filante, quoique déjà bien connue, n'est pas cultivée comme elle
mérite de l'être. Elle vient du nord-ouest de l'Amérique. Elle con-
vient aussi bien pour plates-bandes que pour corbeilles et même
pour pots.
Cop.eopsis corois'ata, Hook. (Composées). Plante d'un bel effet
avec ses grands capitules étoiles, jaune pâle, dont le centre est
pourpré. Elle s'élève de 50 à 65 centimètres. Elle fait de belles
planches et peut même être disposée en corbeilles. Elle vient du
Mexique.
Diaistiius gardneri , Hort. (Caryophyllées). Joli œillet de l'Europe
méridionale, qui s'élève à 3 décimètres environ. Ses fleurs frangées
sont d'un rouge foncé. On peut très-bien le cultiver en pots; mais
on en fait aussi de charmantes planches pendant tout l'été.
Eucharidium grandiflorum, Fisch. et Mey. (Onagrariées). Jolie es-
pèce de l'Amérique septentrionale, qui s'élève à un pied, et dont
les fleurs ressemblent à celles du Clarkia pulchella, avec une teinte
un peu plus foncée. Elle fleurit abondamment; elle est très-propre
à faire des planches, des massifs et de longues lignes dans les
plates-bandes.
Eucmda bartonioides. (Loasées). Espèce déjà bien connue, de
l'Amérique du Sud, à grandes fleurs d'un jaune brillant. Sa taille
est de 33 centimètres. Elle est délicate et doit être cultivée en pots.
Eutoca viscida, Benth. (Hydrophyllées). L'une des plus belles es-
pèces annuelles d'ornement. Elle est déjà bien connue; mais on ne
saurait trop la recommander. Ses charmantes fleurs sont d'un beau
bleu intense. On en fait de très-jolies planches. On peut aussi en
obtenir de beaux pieds en pots. Elle vient de la Californie.
— 79 —
Gaillardia pîcta, Sweet. (Composées). Jolie espèce bien connue
et qu'on n'a pas besoin de recommander. Elle convient pour les
planches et pour des corbeilles au milieu de pelouses.
Gilia achille./EFOLia, Benth. (Polémoniacées). Elégante espèce de
la Californie, qui, semée dru, fait de délicieuses planches. Ses fleurs
sont d'un bleu pourpre foncé. Elle s'élève à 40 centimètres. Sa
végétation est plus vigoureuse que celle du Gilia ïricolor.
Gilia (Leptosiphon) lutea, Stend. Petite plante, l'une des plus
jolies qui nous soient venues de la Californie. Ses nombreuses fleurs
sont d'un jaune d'or. On peut la disposer en planches, en massifs,
sur des pelouses, ou même en pots.
Godetia schami? (Onagrariées). C'est la plus belle de toutes les
Godétiées. Elle est haute de 40 centimètres. Elle porte une masse
de grandes fleurs d'un rose pâle, dont chaque pétale est marqué
d'une macule rouge brillant. Elle convient pour planches. Elle est
de la Californie.
Helichrysum bracteatum, Willd. (Composées). Cette plante de la
Nouvelle-Hollande, quoique connue depuis longtemps, n'est pas cul-
tivée comme elle devrait l'être, en raison de l'effet que produisent
ses grands capitules jaunes. On en possède des variétés blanches.
Elle atteint un mètre de hauteur. Elle fait très-bien, en touffes, en
planches et dans les pelouses.
Heliophila trifida. (Crucifères). Petite plante intéressante du Cap
de Bonne-Espérance, aussi propre à orner les serres froides au
printemps que les planches des jardins en été. Elle s'élève à 25 cen-
timètres. Elle donne une profusion de petites fleurs bleues et blanches.
Hiriscus africanus. Mell. (31alvacées). Cette plante très-florifère
mérite, à tous égards, d'être cultivée. Ses fleurs sont blanches, tachées
de pourpre. Elle s'élève à 50 centimètres. On en fait de charmantes
planches: elle convient ainsi pour plates-bandes, comme elle fleurit
pendant tout l'été.
Ipomoea Burridgi. (Convolvulacées). Plante très-convenable pour
recouvrir les treillis. Elle donne quantité de fleurs d'un rouge d'œillet,
passant au blanc dans le centre.
Limnanthes alba (Limnanthées). Plante avantageuse par sa floraison
précoce et tardive. Elle est de la Californie. Elle s'élève à 25 centimètres;
elle fait beaucoup d'effet en masses au milieu des pelouses. Elle fleurit
abondamment et ses fleurs sont d'un blanc très-pur.
Linaria macroura. (Scrophulariées). Espèce très-intéressante, à
fleurs lilas-pâle, très-abondantes. Elle est haute de 33 centimètres. Elle
l'ait très-bien en planches et dans les plates-bandes.
— 80 —
Liislm GRANDiFLonuM, Desf. (Rubrum, Hort.) (Linéesj. Espèce haule de
33 centimètres, à grandes fleurs d'un très-beau rouge.
Loasa (Caiophora) lateritia, Hook. (Loasées). Cette plante bien
connue a été à tort fort négligée, car elle est très-jolie, grimpant
sur un treillis. Ses fleurs, d'un rouge-pâle, ont au centre des taches
blanchâtres. Elle est un peu délicate et doit être semée sur
couche.
Lupinus Moritzianus, H. Berol. (Légumineuses). Le plus joli des
Lupins annuels qui nous sont venus de Californie. Il s'élève droit à
85 centimètres. Ses fleurs d'un beau bleu, à sommités blanches, sont
abondantes et forment des grappes longues de 20 centimètres. Il
produit beaucoup d'effet dans les plates-bandes.
Malva zebriina (Malvacées). C'est l'une des plantes qui méritent le
plus d'être cultivées. Elle s'élève à 1 mètre 33 centimètres, et ses
fleurs sont grandes , en cloche , blanches , rayées de rouge. Elle
produit un très-bel effet en groupes dans les plates-bandes et les
pelouses.
Nolana grandiflora (Nolanacées). Espèce rampante, à feuilles un
peu charnues, du Chili. Ses fleurs ressemblent à celles d'un Liseron;
mais elles sont plus brillantes et rayées de bleu. Elle est charmante sur
des rocailles ou en petites planches.
Oxalis rosea (OxalidéesV Cette espèce, l'une des plus jolies parmi
les espèces annuelles, se trouve dans quelques jardins; mais elle n'est
pas , à beaucoup près, aussi répandue qu'elle devrait l'être, car elle fait,
pour l'été, des planches et des bordures d'un charmant effet. Elle ne
s'élève guère qu'à 15 centimètres, et elle donne en masse des fleurs d'un
rose-pâle. Elle est originaire du Chili.
Perilla arguta, Benth. (Labiées). Plante de Chine, dont le feuillage,
d'un pourpre sombre et très-crispé, contraste avec le vert des autres
plantes. Il faut la semer en pots sur couche chaude.
Phacelia tripeis;natifida , Hort. ( Hydrophyllées ). Espèce de
Californie, très-florifère, à fleurs d'un bleu intense, haute de 33 cen-
mètres, qui convient très-bien pour planches et pour massifs. Elle
n'exige aucun soin.
Platystemon californicum (Papavéracéesi. Il forme de jolies
planches et il fleurit de très-bonne heure. Il ne s'élève guère qu'à
33 centimètres. Ses fleurs sont blanchâtres et abondantes.
Podolepîs rfgata (Composées). De l'Australie. Il n'est pas laid et
fleurit longtemps. Ses fleurs sont grandes, d'un jaune pâle. La plante
s'élève à 50 centimètres. Le Podolrpis chrysdnthd, End!., lui ressemble;
mais s^s fleurs sont plus jaunes.
81 —
Portulaca (Portulacées). Presque tous sont de jolies plantes. Il
faut les traiter comme des espèces d'orangerie; cependant on peut,
très-bien leur donner place dans les plates-bandes. Ceux qui méritent
la préférence sont le P. Thclhisoni, dont la végétation est vigoureuse :
il a les fleurs rouges et une variété les a doubles; le P. splendens, à
fleurs d'un rouge pâle; le P. alba striata, à fleurs blanches rayées de
rouge, enfin le P. Thorboni lutca, à fleurs jaunes.
Rhodaisthe Manglesii, Linrll. (Composées). Cette délicieuse espèce,
de la rivière des Cygnes (Swan-River), n'est pas aussi répandue
qu'elle devrait l'être. Non-seulement elle produit un effet remarquable
dans les planches d'un jardin, mais encore elle forme, au premier
printemps, le plus brillant ornement d'une orangerie, avec ses capitules
rosés qui sont de très-longue durée. Comme elle est un peu déli-
cate, on doit la tenir d'abord dans de petits pots et ne la mettre en
pleine terre que lorsqu'elle a pris assez de force.
Sapoinarïa calabrica (Caryophyllées). C'est une plante étalée, à cause
de la faiblesse de ses tiges, à fleurs purpurines. Elle est très-belle et
elle convient parfaitement pour planches et plates-bandes, même pour
la culture en pots.
Silène pendula, Linn. Var. alba (Caryophyllées). Il donne une
grande quantité de jolies fleurs blanches. Il réussit surtout dans delà
terre tourbeuse. Il produit un charmant effet en planches et dans les
plates-bandes.
Sphenogyne speciosa, Mannd. (Composées). Jolie plante du Cap-de-
Bonne-Espérance, qui fleurit tout l'été. Elle figure merveilleusement
en planches et dans les plates-bandes par ses masses de capitules
orangé et noir.
Tagetes signata, Bartl. (Composées). Une cks plus jolies plantes
annuelles de l'Amérique méridionale, à feuilles finement divisées et à
capitules jaunes très-jolis et fort abondants. Une planche formée de
cette espèce est extrêmement jolie.
Venidium eximilm (Composées). Plante haute de 3 décimètres, qui
convient pour planches.
Whitlavia grandiflora, Lind. (Hydrophyllées). Jolie nouvelle plante
annuelle de Californie, à corolle bleue, d'une forme élégante et à
longues élamines. Elle s'élève à 33 centimètres. Elle fleurit abon-
damment.
BELC. HORT. T. VI. 11
82
CONSTRUCTIONS HORTICOLES.
NOTICE SUR LES ROCKWORKS OU ROCHERS ARTIFICIELS ,
Par M. Olivier Du Vivier.
L'amour du pittoresque est un sentiment profondément enraciné
dans le cœur de l'homme : l'histoire de tous les peuples et l'obser-
vation attentive de ce qui se passe constamment sous nos yeux,
en sont des preuves plus que convaincantes. L'homme rejette l'uni-
formité et il faut à son sens optique des images formées de lignes
courbes et gracieuses , pour que l'impression s'en transmette agréa-
blement à son cerveau. La nature, du reste, a également hor-
reur de la ligne droite, de la ligne droite pure, bien entendu:
ses œuvres , considérées aussi bien dans leur ensemble que dans
leurs détails, nous présentent un assemblage de formes qui, pour
la plupart, sont engendrées du cercle, de l'ellipse et de la para-
bole, et qui, unies à des couleurs harmoniques, réalisent des effets
superbes de pittoresque, de ce pittoresque qui plait tant à l'homme.
Telles sont les longues croupes de montagnes, surmontées de hauts
pitons en pyramides et séparées entre elles par de profondes val-
lées; tels sont encore tous nos végétaux, depuis le lichen jusqu'au
baobab; telles sont surtout les fleurs dont les formes, variées à
l'infini, font que chaque plante, chaque corolle même, peut pré-
tendre constituer à elle seule un pittoresque du plus haut intérêt.
Il n'est donc nullement étonnant que l'homme, enfant de la créa-
tion, cherche et se plaise à contempler ce qui, précisément, entrait
dans l'essence de la création.
Mais l'homme n'est pas seulement un être organique jeté sur
l'écorce du globe; l'homme est aussi, et principalement, un être
pensant; il a une âme, il est créateur, et, non content d'admirer
tout ce qui l'entoure, ne pouvant pas, d'après sa nature, user sans
discernement, des bienfaits que la Providence a placés sous sa main,
l'homme, disons-nous, s'est uni à l'homme, et la civilisation, née
de cette association, a enfanté ces merveilles innombrables dont le
résultat est de nous procurer la plus grande somme de bonheur,
c'est-à-dire de plaire à la fois à notre esprit et à nos sens.
C'est ainsi que naquirent les arts, les sciences, l'industrie; c'est
— 83 —
ainsi que s'épanouit l'horticulture. L'homme voulut d'autres fleurs,
d'autres parterres, d'autres jardins que ceux dont il avait été octroyé
gratuitement; il rassembla dans un espace étroit les fleurs des cinq
parties du monde, les plantes tropicales et les plantes circumpolaires, le
nénuphar lotos du Nil et le cèdre du Liban. Mais aussi combien de
difficultés ne dut-il pas vaincre, avant de parvenir à de satisfaisants
résultats! Quelle patience ne fallut-il pas à ces infatigables amants
des fleurs pour faire progresser l'horticulture, alors surtout que la
vraie science des plantes, que la botanique était encore plongée dans
de profondes ténèbres!
De nos jours, rien n'est impossible à l'horticulture, soutenue par
la botanique. Les merveilles nées hier sont effacées par celles du
lendemain, et c'est à peine si les nombreux journaux horticoles peuvent
suivre une à une toutes les améliorations qui surgissent dans le but
d'embellir nos jardins. Cependant, parmi tous ces essais suivis avec
persévérance et mis en pratique avec plus ou moins de bonheur,
il en est un qui, au point de vue du bon goût, nous semble
laisser beaucoup à désirer, bien que ce soit peut-être la chose dont
on puisse tirer le plus de parti pour l'ornementation des jardins
paysagers, précisément à cause du caractère pittoresque qu'elle leur
imprime. Nous voulons parler des rochers artificiels et de leur culture.
Mais avant d'aborder ce sujet intéressant, qu'on nous permette de
faire remarquer que l'expression « Rocher artificiel » est prise ici
dans un sens complètement abusif et vicieux, puisque les rochers
en question sont extraits du sein même des montagnes et que leur
agglomération seule est un effet de l'art. Le mot rocaille, employé
aussi quelquefois pour désigner les constructions dont nous parlons,
ne les exprime pas davantage, et nous croyons devoir proposer
avantageusement l'adoption du substantif anglais Rockwork (littéra-
lement : construction de rochers) qui, en langage horticole, représente-
rait parfaitement l'idée de « toute construction ornementale ayant pour
matériaux des blocs de rochers naturels de dimensions quelconques. »
Et maintenant, pourquoi cette partie de l'ornementation des jar-
dins est-elle si négligée? Pourquoi, lorsqu'on arrive à de si beaux
résultats dans l'édification des serres, dans le tracé des parterres,
ne parvient-on pas à agglomérer convenablement quelques pierres
qui se trouvent tout préparées sous notre, main? Pourquoi choisit-on
si mal les plantes destinées à parer les rockworks, alors que tous
nos jardins brillent de l'harmonie résultant de la combinaison des
couleurs et des formes florales? Pourquoi ? Mais arrêtons nos
interrogations et, pour y répondre, contrntons-n<Mis de dire que les
— te —
difficultés souvent très-grandes de se procurer les matériaux néces-
saires, que le manque d'un goût délicat et d"un jugement sûr, que le
siience gardé sur cette matière par les hommes compeîenis en cons-
tructions horticoles, que l'ignorance dans laquelle on croupit relati-
lent a la culture des végétaux pvtrophiics. que principalement et
surtout la tendance de notre imagination à vouloir créer et non pas-
im -. prétendre imposer l'art à la nature : que toutes ees casses
tantôt isc- es, Eaalôt reunies, constituent les véritables obstacles qui
s'opposent à l'édification convenable des roekworks.
Imiter la nature, tel est le principe le plus vrai et le plus gé-
néral que l'on doit se garder de jamais perdre de vue. C'est de ce
principe que découlent toutes les règles que nous allons tacher dé-
poser, règles qui, nous le savons bien, seront loin d'être complètes,
mais qui, peut-être, attireront l'attention des hommes spéciaux et
comme le bâton du législateur juif, feront sortir du rocher l'une
des sources les plus fécondes de la décoration naturelle de nos jar-
dins paysagers.
On élève des roekworks dans plusieurs circonstances et pour at-
teindre différents bUs : tantôt c'est une construction purement orne-
mentale, simplement pittoresque , nullement indispensable ; tantôt
e'est une espèce de clôture, de mur-limite, divisant élégamment
entre elles plusieurs parties d'une même propriété; d'autres fois, c'est
un rideau destiné à cacher aux yeux, des endroits ou des choses
peu faits pour leur plaire; souvent enfin, e'est un lieu retire, une
-èce d'hermitage, un arcanum où l'homme, amateur de la soli-
tude, va, loin des bruits du mo.. - livrer aux voluptueuses rêve-
ries d'une imagination libre et vagabonde.
Quoi qu'il en soit, et abstraction faite du but, le rockwork doit
toujours être une création indépendante : isolez-le autant que pos-
sible, et surtout, n'allez pas l'accoler soit à des murailles, soit à des
souches d'arbres, placez-le moins encore au milieu de ces ronds
points ombrages par les géants de la végétation. Ce n'est pas non
plus près des habitations, ni du centre d'une pelouse verdoyante
que doit s'élancer le rockwork, car, par ce rapprochement de l'art
et de la nature, l'on ne parvient qu'à produire des effets aussi peu
harmonieux que ridicules. Au contraire, choisissez les sites les plus
abrupts, les plus pittoresques de votre jardin ou de votre parc,
Ici. - ra un étang aux rives capricieusement déchiquetées et dans
l'onde duquel vous ferez miroiter la silhouette de formes plus bi-
zarres encore; là, un mince filet d'eau, une obscure fontaiiie sera
utilisée, et, par vos soins, se métamorphosera en une source dont
— 85 —
le limpide cristal s'épanchera en murmurant des crevasses rocail-
leuses que vous aurez fait naître; ou bien, vous transformerez de
légères et accidentelles ondulations de terrain en ravins escarpés;
ou bien encore, vous créerez la plus admirable perspective en éle-
vant le rockwofk à l'une des extrémités soit de l'avenue principale,
soit des allées collatérales du jardin.
On a placé des rockworks dans tous les pays et dans toutes les posi-
tions, et c'est encore là un reproche à adresser à ces sortes de construc-
tions. Quoi de plus absurde, en effet, que de les édifier là où tout est
montagnes, vallées et rochers? Quoi de plus ridicule que de rassem-
bler quelques pierres et de les agglomérer dans des contrées telles
que la Suisse, la Savoie, l'Ecosse?
Le rockwork peut être introduit dans les jardins pittoresques, si
improprement appelés jardins anglais, dans les jardins de ville comme
dans ceux de campagne, mais jamais il ne peut concourir à l'ornemen-
tation des jardins géométriques. Il peut même occuper toute la surface
d'un jardin peu étendu, qu'il agrandit alors considérablement par les
ondulations, les escarpements et les élévations que sa structure en-
traine nécessairement. M. Ch. Me Intosh rapporte avoir vu en Angle-
terre un de ces jardins et en donne une description trop curieuse pour
que nous n'en rappelions pas ici les principales dispositions. Le pro-
priétaire de ce jardin, homme de beaucoup de goût, avait cherché à y
créer le plus d'embellissements et le plus d'étendue possible par une
disposition habilement combinée de rochers , de pièces d'eau et de
plantations. Les promenades nombreuses et tortueuses, s'il en fut,
côtoyaient, les unes des rocs 1 aï 1 lés à pic, les autres de profondes ra-
vines, tandis que celles-ci s'enfonçaient dans de ténébreux souterrains,
et que toutes, rampant, circulant, s'entrecroisant, formaient un véri-
table labyrinthe dans lequel il était impossible à l'étranger de se recon-
naître.Bien plus, l'illusion avait été poussée si loin, que ce jardin, dont
la surface mesurait seulement 27 0 mètres de longueur sur 22 1/2 de
large, paraissait beaucoup plus vaste qu'il ne l'était en réalité, et que
vous passiez d'un sentier à un autre sans vous apercevoir que vous
veniez de traverser l'endroit situé au-dessus de celui dans lequel vous
vous trouvez, sans vous douter enfin que ce que vous admirez main-
tenant, ne se trouve qu'à quelques pas de ce que vous avez précédem-
ment contemplé. Le centre de cette petite merveille était occupé par un
aquarium de 36 mètres et demi de circonférence et de 60 à 90
centimètres de profondeur; admirablement creusé, ce lac mignon se
présentait dans toute sa beauté, alors surtout que, juché sur un pont
de construction aussi hardie qu'élégante, on pou\;iit embrasser d'un
— 86 -
coup d'œil tous les sites de ce charmant séjour. Les pics, les anfrac-
tuosités, les formes luxuriantes de la végétation, tout enfin venait se
refléter dans ce miroir limpide; ses bords irréguliers s'élevaient tantôt
d'une façon abrupte et sauvage, tantôt graduellement et par des degrés
taillés dans le roc, tandis qu'un ravin étroit et profond, forme de roches
à l'aspect usé, et rempli de cailloux arrondis, partait du souterrain et
aboutissait à cet étang, dont il paraissait ainsi avoir été la source.
L'effet de celte rockery, pour nous servir du terme propre, était vrai-
ment fantastique : il était entré dans sa construction plus de '132,000 k.
de pierres, et ces pierres, il avait fallu les transporter d'une distance
de 3 milles; l'aspect de ces roches n'était rien moins que juvénile, car
des mousses et des lichens abondants et variés en couvraient partout
la surface, et, des interslices qu'elles laissaient entre elles, s'échappait
une riche et verdoyante chevelure de plantes rampantes, de buissons
et d'arbustes. L'aquarium, où scintillaient les dorades aux reflets mé-
talliques, était riche en végétaux aquatiques, et bien certainement si le
propriétaire de cette construction eût été amateur de plantes alpines,
nous croyons que la flore suisse presque toute entière aurait pu y être
transportée et entretenue avec succès.
Nous arrivons maintenant au choix des matériaux propres à la cons-
truction des rockworks, et ce choix exige des connaissances spéciales,
à cause des actions de ces corps sur les plantes que l'on se propose d'y
cultiver. Nous ne voulons, nous ne pouvons pas donner les rapports
et les contrastes qui existent entre telle plante et telle variété de rocher;
un tel travail serait inutile d'ailleurs, car ici le choix n'est pas toujours
possible, et il faut, le plus souvent, se contenter de ce que la richesse
géologique de la localité nous présente; mais le plus souvent aussi, cela
suffit, et les ravins des rochers, les pentes et les sommets des mon-
tagnes, les falaises de la mer sont des sources assez prodigues des ma-
tériaux nécessaires. Après cela, que vos blocs soient calcaires, quar-
tzeux ou granitiques, qu'ils appartiennent aux terrains pénéen ou
dévonien , que ce soient des basaltes ou des roches porphyriques, peu
importe; mais ce qu'il ne faut jamais oublier en détachant la partie que
vous devez employer de la masse commune, c'est d'étudier la nature
sur place, de porter une attention minutieuse sur la manière dont les
variétés de roches sont disposées dans leur stratification et de prendre
une connaissance exacte des espèces et des genres végétaux qui y
croissent spontanément. En général, les roches rouges de couleur,
mélangées de marbres blancs, offrent les contrastes les plus agréables
comme fond et deviennent harmoniques avec les tapis verts des mousses;
mais, en général aussi, il pst bon de varier la nature des matériaux,
— 87 —
afin de pouvoir plus facilement cultiver les plantes des diverses loca-
lités rocailleuses.
Après ce que nous avons dit, est-il besoin de nous élever contre la
construction de ces monceaux informes , composés de pièces hétéro-
clites, de débris de bâtimenls, de coquillages, de fossiles, de pétrifica-
tions, etc., etc.? Est-il nécessaire de répéter que toutes ces ridicules
imitations ne sont qu'un blasphème adressé à la nature, que des cari-
catures de l'œuvre divine? Nous ne le croyons pas et nous nous
bornons à recommander fortement aux vrais amateurs du beau, de
rejeter loin de leur esprit tous les plans de semblables constructions
qui pourraient y surgir.
La terre propre à la végétation des rockworks et destinée à en réunir
les éléments, comme à en tapisser certaines anfractuosités, ne doit
pas non plus être choisie sans discernement; sa nature doit être en
rapport avec celle des roches employées, et favorable au libre dévelop-
pement des plantes alpines : ei!e sera donc sableuse ou calcaire, ou
bien calcaro-sableuse, mais jamais argileuse; sa couleur, d'un jaune
fauve variable, sera assez foncée pour s'échauffer aux rayons solaires,
et sa perméabilité aux eaux pluviales lui permettra de se conserver
humide à quelques pouces de pro'ondeur, sans former, après les pluies,
une sorte de pâte ou bouillie; enfin elle contiendra de l'humus (débris
organiques) susceptible, par une décomposition spontanée, de fournir
aux plantes des aliments solubles ou volatils.
L'emplacement où doit s'élever le rockwork étant choisi, les maté-
riaux qui doivent entrer dans sa composition étant prêts, il s'agit main-
tenant de présider à sa construction même, et c'est ici surtout qu'un
goût réfléchi , qu'une longue habitude d'observer attentivement la
nature deviennent d'une nécessité absolue. En effet, ces sortes de
constructions ne ressortenten aucune manière des principes de l'art
architectural, elles ne demandent rien de régulier, rien de symétrique,
rien de monotone; aucune apparence de travail ne doit s'y laisser
remarquer, et, bien loin de leur donner ce cachet artistique que l'on y
rencontre si souvent, il faut que leur surface présente le plus ("(irrégu-
larités possible et que les mamelons, les pics, les ravins, les grottes, les
escarpements y paraissent avoir été créés par la main de Dieu. Toutefois
l'expérience a fait naitre certaines règles générales que nous devons
exposer; mais auparavant il nous semble utile de dire quelques mots
de plusieurs constructions de ce genre élevées en Angleterre, cons-
tructions remarquables et intéressantes sous plus d'un rapport. Arrê-
tons-nous d'abord au magnifique jardin rocailleux de Blenheim, qui
couvre une surface de plus d'un acre de terrain . et où l'art est parvenu
— 88 —
à imiter les accidents des pays montueux, de façon à tromper l'œil lé
plus exercé. Il est formé de pierres calcaires entremêlées de débris
organiques, matériaux propres à la localité; des chemins et des esca-
liers habilement ménagés courent sinueusement d'une roche à une autre,
et font ainsi communiquer entre elles les diverses parties de cette
construction horticole. Etonnons-nous ensuite en contemplant les blocs
granitiques de Sion, qui ont été élevés à grands frais pour figurer un
aride et massif rocher couvert d'une végétation alpestre, mais qui
eussent avantageusement cédé leur place à une riche promenade tirée
au cordeau et embellie de vases, statues, balustrades et ornements ana-
logues, tels que le comportait le caractère du reste du jardin. Puis
remarquons en passant dans les cultures de M. Skirving, à Liverpool,
ce rockvvork formé de matériaux hétérogènes, recouvert de ciment et
jeté fort élégamment entre les parterres particuliers et le jardin public
de cet amateur distingué. Citons encore la merveilleuse représentation
des montagnes de la Savoie, avec la vallée de Chamouny, que lady
Broughton a fait élever dans son domaine de Hoole-House, dans le
Cheshire (1). Appelons enfin l'attention sur le rockwork érigé, il y a
peu de temps, à Chatsworlh, comme sur la plus prodigieuse, la plus
gigantesque, la plus immense conception de ce genre. Ce rockwork,
souriant sous son épaisse fourrure de végétation pétrophile, divise le
terrain situé autour du château princier, et le sépare de l'orangerie
Mammoth. Ici, on n'a rien imité, rien, si ce n'est la nature: aussi,
après examen fait, on est tenté de se demander si M. Joseph Paxton
n'a pas, par quelque procédé surhumain, enlevé de sa base une
montagne entière du Derbyshire pour la transporter à Chatsworth.
En Belgique, les essais tentés jusqu'à ce jour dans cette partie de
l'ornementation horticulturale, laissent encore beaucoup à désirer.
Nous n'osons nommer tel et tel jardin de notre connaissance, qui ne
mériteraient certainement aucun reproche , s'ils n'étaient défigurés
par des monceaux informes, ou plutôt aux fermes hideuses et absurdes,
que leurs possesseurs décorent pompeusement du litre de rochers
artificiels; artificiels en effet, ils ne le sont que trop! Nous ne louerons
pas davantage les constructions publiques de ce genre élevées en notre
pays, et, pour ne citer qu'un exemple, nous le choisirons dans un
endroit où tout respire la grâce et la coquetterie, dans un lieu que
visitent chaque année les touristes de tous les coins du globe, à Spa,
en un mot. À Spa, me direz-vous? Comment oser cherchera lutter
(1) Lp rockwork de Hoolo-llouse a été décrit er figuré par M. Ch. Morron . dans
ïe 3' volume de la Belgique horticole, page 55.
— 89 —
avec la nature, là où la nature est si brillante et si riche? Eh bien,
écoutez ce que dit M. Adolphe Joanne, en parlant du tas de pierres
empilées au-dessus d'une source minérale, au-dessus du Barisart, et
cela par les soins judicieux de l'édilité spadoise. « En 1850,» dit cet
estimable écrivain, « le bourgmestre et l'échevin de Spa abandonnèrent
leur traitement annuel pour la construction de je ne sais quoi au-dessus
de cette fontaine, dont l'eau, agréable a boire, est riche en acide car-
bonique. Leur goût n'égalait pas leur générosité. Il est impossible de
rien voir de plus ridicule, de plus laid, de plus inutile que la chose
inqualifiable à l'érection de laquelle ils ont employé leur traitement. Au-
dessus d'un affreux amas de blocs de rochers qui cherchent en vain à
imiter une grotte, s'élève un petit pavillon, sous lequel on ne peut se
mettre à l'abri ni du soleil, ni de la pluie, ni du vent. t> Ce jugement
pourra paraître sévère aux yeux des personnes qui n'ont pas vu cette
construction : pour nous, à qui on l'a fait admirer, il ne nous paraît
que juste, pour ne pas dire davantage.
Il y a deux points qu'il faut, parlout et toujours, s'attacher à ob-
server strictement dans la construction des roekworks : et d'abord,
c'est ce que nous avons déjà répété tant de fois, c'est-à-dire l'imi-
tation de la nature; faites donc que vos anfractuosiîés, vos pentes,
vos escarpements, ne crient pas bien haut que voire main les a
créés, mais, au contraire, que le rockwork paraisse comme inhérent
au sol sur lequel il se trouve; qu'il paraisse, non pas l'œuvre de
l'homme, mais une production échappée au souffle divin. La seconde
règle est d'interrompre habilement les accidents de terrain par des
végétations d'à-propos, nous voulons dire par des plantes alpines,
des plantes rocheuses, des plantes qui, comme ces tourelles féodales
dont il ne reste plus aujourd'hui que des ruines, cherchent, en
élevant leur habitas sur les pics les plus aigus, un air pur, un
soleil toujours brillant, une liberté d'épanouissement qu'elles ne
pourraient trouver ailleurs.
Le rockwork doit toujours se bâtir sur un ou plusieurs mon-
ticules de terre, s'il est construit dans un jardin à surface plane;
si, au contraire, celui-ci offrait fortuitement de ces sortes d'éléva-
tions, ou mieux, s'il laissait émerger de son flanc des blocs natu-
rels de rochers, ceux-ci et celles-là serviraient avantageusement de
charpente au rockwork. Les pierres de même nature, de même as-
pect, de même couleur, seront placées les unes à côté des autres,
car leur mélange, pour être plus bizarre, ne serait rien moins que
naturel. Si vous De vous proposez pas d'étendre votre construction
sur une grande surface, ne lui donnez pas non plus trop d'élévation.
BELG. HORT. T. VI. 12
- 90 —
pour que l'ensemble paraisse solide et bien assis sur sa base. On
peut toutefois créer une apparence de hauteur factice, soit en e.xea-
vant le terrain, là où surgit le rockwork, soit en opérant au sommet
de celui-ci une plantation d'arbres toujours verts et d'arbustes nains
particulièrement propres à cet usage. Faisons enfin remarquer que
les abords des constructions de ce genre ne doivent pas non plus se
ressentir des progrès de l'horticulture; les parterres, les plates-bandes,
les pelouses même, seront donc éloignés et feront place à une cul-
ture empreinte de la plus grande rusticité : ce seront, dit M. Noël
Humphreys, d'immenses genêts, des cytises florifères, des ajoncs
épineux à fleurs doubles, un choix bien fait, mais très-varié, de
fougères, des bruyères, des ronces à grandes fleurs, des clématites
et atragènes variant leurs fleurs du blanc au bleu, du rose au violet
et du jaune au brun.
Enfin le rockwork est érigé, et beaucoup de personnes croient
avoir tout fait quand elles en sont arrivées à ce point. En réalité
cependant, elles n'ont accompli que la moitié de leur tâche, car la
vie manque à leur œuvre, et, avec la vie, la grâce, la beau'é, en
un mot, les charmes de la parure. Ornez donc le rockwork, em-
bellissez-le, nen pas en y agençant des bas-reliefs ou en le décorant
de peintures et de sculptures, mais simplement en venant en aide
à la nature, c'est-à-dire en y transportant un choix de plantes propres
à y être cultivées, de plantes qui, tout en charmant l'œil par la
beauté de leur feuillage, de leur port et de leurs pétales, puissent
trouver dans leur nouvelle colonie tous les éléments de vitalité qui
existaient pour elles dans la mère patrie. Nous savons bien qu'une
foule de végétaux qui croissent dans les plaines, sont susceptibles
d'être entretenus entre les crevasses et les fissures des rockworks;
mais, outre que le plus souvent ces végétaux, placés dans de telles
conditions, vivotent plutôt qu'ils ne vivent, il faut aussi tenir compte
de l'effet produit sur notre sens optique, il faut compter avec l'es-
thétique, avec l'harmonie qui a présidé à la distribution des espèces
sur le globe.
Les plantes des montagnes, et particulièrement les espèces pétro-
philes, seront donc exclusivement choisies lorsqu'il s'agira d'animer
et de vivifier un rockwork. Parmi ces espèces, il en est, nous sommes
loin de le méconnaître, qui établissent leur station, ici. au milieu
des plaines d'une contrée fertile, là, sur les flancs déchirés d'une
roche volcanique ; mais il ne reste pas moins vrai que chacune
d'elle a son habitus propre, et que des circonstances, naturelles sans
doute, mais tout-à-fait spéciales, ont seules agrandi son aire d'exten-
— 9i —
sion au delà des limites que la nature lui avait primitivement tracées.
D'ailleurs, le nombre relatif des individus croissant dans des lieux
différents, la plus ou moins grande facilité de développement que
ces individus acquièrent dans les divers terrains où ils ont pris
racine, enfin leur faciès général, sont des caractères suffisants pour
faire distinguer qu'une espèce donnée est essentielle à la région des
plaines ou à celle des montagnes, appartient aux bords des rivières
ou aux coulées de lave hérissées de rochers.
Les plantes rupeslres comprennent de nombreuses et belles espèces,
parmi lesquelles l'amateur peut facilement faire un choix de plantes
variées qu'il saura répartir avec goût dans les différentes parties du
rockwork dont il aura embelli son habitation de campagne.
Certes, ce serait un travail fort utilement entrepris que celui qui
aurait pour but de décrire, dune manière claire et succincte, les
méthodes employées dans la culture des rochers dits artificiels,
de délimiter nettement les espèces pélrophiles, de décrire ces es-
pèces et de narrer leurs mœurs, de faire, en un mot, l'histoire
complète de l'élément vital du rockwork. Bien que ce vaste sujet
n'incombe pas à cet article, nous ne croyons pas pouvoir mieux
le terminer qu'en essayant d'esquisser à grands traits le tableau
d'une de ces végétations rupestres, qui font l'admiration de tous et
qu'il serait facile, avec quelques soins, de reproduire auprès do
son habitation de campagne.
Nous passons sous silence les différentes espèces de mousses, de
lichens et de champignons qui concourent, non pas à l'embellisse-
ment des rochers, mais qui leur impriment un cachet de vétusté
tout particulier, et nous arrivons à une famille presque entièrement
rupestre, au groupe élégant des fougères. Ici, point de fleurs pour
le vulgaire, point de couleurs éclatantes, mais, en revanche, un
feuillage aux formes aussi variées qu'insolites, et où l'on rencontre,
selon les espèces, toutes les nuances du vert le plus pur. Ainsi,
l'on voit le Polypodium vulgare insinuer sa souche écailleuse entre
les crevasses de rochers, et étaler, au revers de ses feuilles lan-
céolées, les disques dorés de sa régulière fructification. Deux autres
Po'ypodium , d'une grande délicatesse. , recherchent l'ombre et les
masses pierreuses : ce sont les P. phegopteris et P. dryopteris, tandi3
que le P. calcareum, à feuilles d'un vert pâle, croit sur les coteaux
qui lui ont fait donner son nom. Le Cystopteris fragilis couvre les
rochers humides et partage ses stations avec le C. regia, tout aussi
élégant que lui. VAllosorus crispus forme, sur le Mensenc, des ga-
rons serrés d'une grande beauté, et le Polypodium Oreopteris déroule
— 92 —
scs frondes découpées, au milieu des trachytes éboulés. Les nom-
breux Asplenium insinuent leurs rhizomes dans les moindres fentes
qu'ils rencontrent. VA. scolopendrium étale sur les rochers humectés
et ombragés ses touffes vertes, coriaces et vernissées; VA. ceteracfi,
une des plus belles espèces de ce genre, en est aussi une des plus
communes, VA. tricomanes doit son aspect gracieux aux petites
folioles nombreuses et arrondies de son feuillage, légèrement cré-
nelées à leur contour, ou profondément incisées. VA. maritimum
découvert et décrit, pour la première fois, par De L'Obel, qui le
trouva sur les rochers des côtes maritimes de l'Angleterre, et qui,
plus tard, fut retrouvé en France; VA. ruta-rmiraria , dont la ré-
putation, en thérapeutique, était jadis si générale; VA. adiantum
nigrum, dont les feuilles plusieurs fois ailées ressemblent à celles
de la plupart des ombelles; l'A. Breynii, VA. germanicum, enfin
VA. septentrionale, aux frondes linéaires, viennent payer également
leur tribut au paysage et ajouter une beauté particulière à l'har-
monie qui résulte de la réunion de ces bizarres végétaux. Il n'est
pas jusqu'au Lycopodium selago qui ne s'empare des roches élevées,
et qui ne concoure, pour une large part, à la décoration de ces
grandes scènes végétales, où apparaissent aussi les espèces nom-
breuses, mais encore mal définies, des genres Pteris, Blechnum,
Osmunda, Botrychium, Opliioglossum, etc. Pour mieux faire res-
sortir encore les ressources qu'offre la culture des membres de la
grande famille des Filices, nous donnons ici le dessin d'un rock-
work exclusivement planté de fougères, si ce n'est au sommet, où
la sombre et sévère végétation de quelques abiétinées vient trancher
heureusement avec les zigzags capricieux que forment les frondes
des végétaux placés au-dessous d'elle.
Mais cette famille est loin d'être la seule dont l'emploi doive se
recommander dans l'ornementation des rockworks, et il nous reste
encore à jeter un coup d'œil rapide sur quelques genres de plantes
particulièrement propres à cet usage. Les magnifiques Etudes sur la
Géographie botanique de l'Europe, etc., par M. Henri Lecoq, nous
seront, dans cette énumération, d'un grand secours. Si donc l'on
recherche les végétaux qu'affectionnent ces roches de nature et d'aspect
tout divers, ou remarquera bien certainement deux genres de plantes
très-différentes, qui semblent vouloir se partager le terrain : ce sont
les Sedum et les Saxifraga, ceux-ei cherchant les endroits humectés,
ceux-là bravant les feux du soleil et fleurissant abondamment dans
leur station découverte. Plusieurs graminées recherchent aussi ces
lieux peu fertiles, témoin le Bromus tectorum, les Poa, divers Fe&>
m —
PL 15.
Aspect d'uu Rockworlf piaulé de fougères t! de conifci
— 94 —
tuca et YAvena amethystina dont les frêles épis se balancent molle-
ment sur le flanc de tous nos coteaux de nature calcaire. Les
Hieraciam s'épanouissent également dans les lieux les plus arides;
tels sont le H. pilosella, le //. saxatile, le H. ochroleucum, le H. Mou-
geoti, le H. lonjifolium et lo H. amplexicaulc. Au printemps, de
nombreuses crucifères, parmi lesquelles les génies Bruya, Curdumine,
Biscutella et Sinapis apparaissent surfont au milieu des rochers vol-
caniques. UArabis alpina étale les bouquets blancs comme la neige,
et VA. cebennensis, réfugié dans les lieux les plus sauvages, se
plait sur les basaltes ou les roches granitiques, d'où il excite l'envie
du botaniste. La riche famille des synanthérées est principalement
représentée par les genres Anthémis, Imita, Lactuca , Gnaphalium,
Phœnixopits, Artemisia, etc., etc. Les Caryophvllées paraissent plus
communs sur les terrains primitifs; on y trouve VÂrenaria mun-
tana, VA. kispida, les Silène saxifraga, S. inaperta et le Diantlius
hirlus qui végète aussi très-bien sur les rochers basaltiques, de
même que VAndrosœmum officinale, qui croit dans les mêmes loca-
lités. Une des belles décorations des rochers est formée par I\4m-
thyllis montana qui s'y développe quelquefois en abondance, avec
des Pkagnalon, des Ononis, des Alsine, et qui marie si habile-
ment ses fleurs avec les corolles élégantes et frangées du Pohjjala
calcarea. Disons enfin que des Pencedanum, des Seseli, des Cumpa-
nttla, des Patent Ma, des Veronica, des Ger.tnivm, des Iris même,
et mille autres genres, se joignant à ceux que nous venons de citer,
ne contribuent pas médiocrement à donner à la végétation des ro-
chers, cette harmonie dans le paysage, cette richesse de tons, cette
élégance de formes, que l'homme, par d'habiles constructions hor-
ticoles, aime à rappeler jusqu'à près de sa demeure.
Pêches,
i. Grosse niionoiine 2 '.'> Madeleine de Courson
— 83 —
JARDIN FRUITIER
PÊCHE GROSSE MIGNONNE.
Par M. Edouard Morren.
Cette pèche est une des meilleures connues. L'arbre est très-fruc-
tifère, il a les feuilles très-finement dentées et couvertes, à l'extrémité
des pétioles, de petites glandules globuleuses d'un vert gai. Les fleurs
sont grandes et d'un rose Irès-pàle; les fruits sont gros, arrondis, à
epicarpe recouvert de duvet, à fond jaune comme bronzé, et nuancé de
riches teintes brun foncé et pourpre. Ici la chair est blanche, adhérente
au noyau, et là elle est rose, d'une saveur exquise et fondante.
PÈCHE MADELEINE DE COURSON , OU PÊCHE DE VIN,
PAR LE MÊME.
Cette variété n'est pas nouvelle, puisqu'elle était connue déjà de
Duhamel; mais c'est une des plus estimées pour son parfum exquis et sa
saveur très-vineuse.
Les feuilles sont grandes, étroites, acérées, bordées d'incisions bien
marquées et profondes, dépourvues de glandes. Les fleurs sont petites
et vivement colorées. Les fruits sont globuleux, de grosseur movenne,
à peau duveteuse, vivement colorée en rose du côté expcsé au soleil. La
chair adhère au noyau, elle est bianche, très-fondante, délicieuse,
d'un rose foncé autour de l'endocarpe.
PLAN DON DOMAINE DE TROIS HECTARES,
Par M. Edouard Morren.
L'entrée , près de laquelle se trouve la loge du portier {V. la pi. ri-contre, 12),
conduit à la maison (l'habitation et à ses dépendances : an sud-ouesi de la demeure,
sont u ne serre, un jardin floréal circulaire et un espace pour aquarium ; au nord-est,
une cour et une buanderie (5) , puis nue basse-coisr (4), avec les cages pour l'en-
graissement des volailles ; derrière est une porcherie (2) et en (1) une cour avec
remises et écuries qui communique avec un enclos (5) pour déposer le fumier et les
composts. En (6) sont les rouches et hangards , en (7) une partie de résene pour
les primeurs, et eu (8) deux serres à forcer. On peut arriver au jardin légumier (9)
par les dépendances et par le jardin anglais 5 on y a ménagé deux bassins alimentés
par l'étang Derrière le légumier on a bâti la maisonnette du jardinier et en a\ant on
a planté le fruitier. Dans le jardin, aux angles des promenades, sont des bouquets
d'arbustes nains.
Le caractère distinct if de ce plan est de chercher toute son ornementation dans les
plus belles espèces d arbres et d'arbustes, de les planter en groupe ou Isolés, suivaDt
les exigences du bon goût et d'un jugement sôr.
96
pl n.
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— 97 —
HORTICULTURE.
LILAS PRINCESSE CAMILLE DE ROHAN;
nouveau gain de M. Brahy-Ekenholm , édité par M. Jacob-Makoy;
Par M. Edouard Morren.
Le lilas est la plus belle, la plus aimable et la plus espiègle fleur de
mai; la fille aînée du printemps, la jeune et folâtre Hébé est l'emblème
de la jeunesse et de la première émotion d'amour, comme elle est un des
charmes les plus séduisants dont se pare la terre lorsqu'elle renaît
toujours jeune pour sourire au soleil de mai. Pour toutes ces raisons,
et pour bien d'autres encore, les amateurs de lilas, c'est-à-dire tout le
monde, accueilleront avec joie l'annonce d'une variété nouvelle obtenue
par M. Brahy-Ekenholm , amateur distingué , auquel l'horticulture
est déjà redevable d'un si grand nombre de produits remarquables (1).
Le nouveau lilas, Princesse Camille de Rohan, est gracieux et en
même temps remarquable et original. On pourrait croire qu'un lilas
dût être lilas; ce fut vrai pendant longtemps; mais aujourd'hui cette vé-
rité est usée: le nouveau lilas n'est pas lilas, il est rose : on possédait des
variétés lilas, violettes, bleues et blanches. Ces dernières sont blanches
parce que toute matière colorante manque dans leurs tissus; les pre-
miers ont conservé la couleur typique de l'espèce, c'est-à-dire un mé-
lange intime de bleu et de carmin dont résulte le lilas; dans les deuxièmes
et troisièmes la matière colorante bleue prédomine ou existe seule. Or,
c'est précisément la condition inverse que vient de réaliser M. Brahy;
toute trace ou nuance de bleu a disparu et il n'est resté qu'un rose de
chair le plus pur. Chaque fleur, à tube régulier et à limbe parfaitement
dessiné en forme de soucoupe , fort, épais et charnu au point de res-
sembler à de la cire, présente cette teinte tendre à sa face supérieure,
tandis que la face inférieure, le dessous de chaque fleur ou les boutons
sont d'une coloration beaucoup plus vive. Cette particularité fait excep-
tion au mode général de coloration des fleurs, qui sont d'ordinaire
d'une teinte beaucoup plus vive sur la face qui reçoit directement la
lumière. Le mélange du rose tendre et du carmin sur chaque fleur et
dans un seul thyrse produit un contraste de couleur très-agréable à
(1) Voy. Bc.lrj. hnrt., !.. IV, 185-3-1834, p. 65 : Les lilas nouveaux : 1° Croix de
Brahy ; 2° Ekenbolm ; 3" Double azuré ; 4° Charlcmagne.
BELC. IIOUT. T. VI. 13
— 98 —
l'œil. Chaque thyrse est grand, épais, arrondi, très-régulièrement fourni
de fleurs nombreuses et pressées sans se déformer; plusieurs thyrses
secondaires surgissent à la base de l'inflorescence principale et il en ré-
sulte un gros bouquet formé par une seule branche.
Le nouveau lilas devait porter un beau nom qui rappelât immédiate-
ment les nombreuses qualités qui le distinguent; on ne pouvait, dès
lors, faire un choix plus heureux que celui de Madame la princesse
Camille de Rohan, épouse de S. A. le prince Camille de Rohan, duc de
Montbazon et de Bouillon, l'un des plus éminenls, des plus passionnés
et des plus savants protecteurs de l'horticulture.
Le jardin du domaine de Sichrow près de Liebenau en Bohème, la ré-
sidence d'été du prince, couvre plus d'une lieue carrée. Il nous suffira de
dire, pour en faire apprécier les mérites, qu'on y cultive environ 6,000
espèces diverses de serre tempérée et de serre chaude, parmi lesquelles on
remarque une collection de 127 espèces et variétés d'acacia, un Banksia
solandri (grandis major) de 20 pieds de haut, le Bertholetia exeelsa, un
exemplaire d'une force remarquable du Lomatia polyantha, des collections
uniques d' ' JEschynantlms, d'Amaryllis, d'Amila, d'Artocarpus , de Bank-
sia, de Brownea, de Clerodendron, de Dryandra, d'Epaeriè, de Fuchsia ,
de Gardénia, de Gloxinia, de Protea, etc., etc., en un mot de toutes les
plus belles plantes cultivées. La collection d'Orchidées compte environ
500 espèces, et des plus rares : on y remarque le Cypripedium cau-
datiim, le Huntlcya radians, le Miltonia virginalis, YUropodium Lindeni,
VAerides affine, VA. quinquevulnerum, etc., etc. Les Palmiers, Cycadées,
Pandanées, Cyclanthées, Musacées et Dracena sont au nombre de 84
espèces : nous citerons seulement les superbes exemplaires d'un pal-
mier très-rare, le Brahea dulcis, du Licuala spinosa, du Seaforthia
elegans, du Tlirinax argentea et du charmant Thrinax pygmœa. Enfin,
près de 200 Cactées, 700 espèces et variétés d'Erica, 350 variétés
d'Azalea Indica, 250 Rhododendrons, plus de 500 Camélias, 250 Coni-
fères, 500 Pioses, etc., embellissent ce domaine princier.
Le nouveau lilas se recommande beaucoup par ses charmes personnels;
ils suffisent pour que tout le monde coure au devant de la fleur, pour
qu'on se dispute ses premiers sourires. N'est donc pas prophète celui
qui présage un heureux avenir à la belle fleur, qu'honore le grand nom
d'une noble dame, Madame la princesse Camille de Rohan, que protège
le zèle et les connaissances de son auteur, M. Brahy-Ekenholm, et que
recommande la réputation européenne de l'établissement de M. Jacob-
Makov, car c'est réalité.
I
1. C oletlS li lunuM , I* on tl
i var. pet'
•t.naïus 2.Lilas Princesse Camille de liolia
— 99 —
LE COLEUS BLUMEI, VARIÉTÉ PECTINATUS,
Nouveau gain de M. Jacob-Makoy;
Par M. Edouard Morren.
En 1851, M. YVillink, horticulteur-amateur d'Amsterdam, intro-
duisit en Europe une nouvelle espèce du genre Coleus, que Bentham
dédia au célèbre botaniste Blume, directeur du jardin botanique de
Batavia et auteur de la Flore de Batavia (1). Le genre Coleus fut
établi par Loureir (FI. Cochinch.) sur ce caractère, que les filaments
des étamines sont soudés à la base en un tube qui engaine le style
UoXios, gaine). Tout le monde connaît, aujourd'hui, cette remarquable
labiée de Java, un peu délicate, mais d'une multiplication très-facile,
au feuillage vert tendre, maculé de rouge de sang et aux longs épis de
fleurs bleues et blanches. Les feuilles de l'espèce sont ovales, acumi-
nées, dentées, atténuées à la base; le milieu de la lame est occupé par
une large macule rouge. L'établissement de M. Jacob-Makoy, à Liège,
vient de gagner une variété nouvelle du Coleus de Blume, que nous
figurons à la planche 18. Elle est remarquable par l'ampleur des
feuilles, la richesse de la coloration et surtout par la forme des dents ;
ces dents sont très-longues, allongées, ovales, acuminées, elles ont la
forme des dents d'un peigne et sont disposées de la même façon sur les
bords des feuilles, d'où le nom de pectinatus. Celte variété est de beau-
coup supérieure à l'espèce.
Le Coleus Blumei aime la chaleur, la lumière et l'humidité; la tempé-
rature de la serre tempérée lui suffit toutefois. La lumière directe du
soleil a pour effet d'augmenter la beauté de sa superbe panachure; à la
fin de mai, on peut mettre les plantes en pleine terre à une bonne expo-
sition.
APPENDICE A UN ARTICLE DU JOURNAL LA BELGIQUE
HOBTLCOLE SUR LES PANTOUFLES DU PERE FEUILLÉE
ET LES BRODEQUINS DU DOCTEUR FORTHERGILL;
Par M. Remy Romanet, du bourg St.-Audèal (Ardèché).
Tous les amateurs qui s'adonnent à la culture si riche des Calcéo-
laires, recommandent, après avoir semé les graines au mois de juillet
(1) Voy. Fclglqnc horticole, T. IV, p. 203.
— 100 —
ou d'août, de repiquer les jeunes plants, dans des petits pots bien drai-
nés; de les exposer ensuite pendant l'hiver aux rayons solaires, sur
"une tablette d'une serre tempérée; d'éviter avec soin l'humidité
presque permanente de la saison d'hiver, de ne leur donner qu'un
léger bassinage, tout juste pour entretenir la vie; avec ces soins minu-
tieux, on est largement récompensé au mois de juin, par une riche
floraison.
J'ai fait tout le contraire, c'est-à-dire qu'il s'est passé tout l'opposé à
mon insu ; néanmoins mes Calcéolaires ont fleuri, et voici comment :
au mois d'août 1854, j'ai semé des graines de Calcéolaires dans une
terrine, convenablement terreautée et drainée; je l'ai exposée à l'ombre
•comme cela se pratique ; les graines ont levé admirablement, j'ai laissé
les jeunes plants dans la terrine, que j'ai placée derrière une vitrine
d'une serre froide. Un hiver des plus rigoureux survint cette année-là ;
la neige a régné l'espace de 22 jours sur la surface du sol; le thermo-
mètre Réaumur est descendu à huit degrés au-dessous de zéro ; une
négligence impardonnable m'a fait perdre mes plantes de Calcéolaires;
j'en ai amèrement déploré la perte!
Vers le milieu du mois d'avril 1855 je changeais de place un grand
vase contenant un Calla d'Ethiopie, qui fut oublié, et qui a supporté
toute l'intempérie de l'hiver dont j'ai parlé; quelle fut ma surprise, en
apercevant derrière ce vase deux Calcéolaires en fleur d'un beau jaune!!
Probablement une fourmi avait emporté deux ou trois graines , et les
avait mises dans son trou, qui se trouvait au pied du mur touchant le
sol, et bien exposé au midi. J'enlève soigneusement les deux plants,
je les mets séparément dans un pot, et je jouis pendant tout l'été d'une
belle floraison.
Je partage l'opinion de M. Alphonse Karr, qui disait si bien dans ses
lettres écrites de son jardin et dont nous sommes privés à regret depuis
bien des années, dans le journal Y Illustration t que beaucoup de plantes,
demandant les soins si délicats d'une serre chaude ou tempérée, s'ac-
commoderaient peut-être très-bien en pleine terre.
Enfin, je laisse aux amateurs qui cultivent les Calcéolaires cette
étrange surprise, et cette expérience inattendue. Voilà bien une fleur,
comme le dit si spirituellement M. Charles Morren, une fleur pleine
d'imprévu et d'étrangetés ; une fleur de notre siècle!!
— 101 —
REVUE DE PLANTES NOUVELLES OU INTÉRESSANTES.
DelpHiaiium cardinale. Hook. — Elym. : de ê~t*<ptv, del phi-
nus, dauphin ; par allusion à la forme des fleurs avant leur épanouis-
sement.— Bot. mag., tab. 4887. — Delphinium, ou Pied d'alouette, écar-
late. — Fam. des Renonculacées; Polyandrie trigynie.
Les Delphinium bleus, pourpres ou blancs, nous sont familiers
dans les jardins. Nous avons la satisfaction de faire connaître une
espèce de Delphinium, égalant les autres, s'il ne les surpasse pas,
pour le port et l'aspect de la plante, et brillant surtout par le luxe
de la coloration des fleurs, dont l'œil peut à peine soutenir le vif
écarlate. Cette plante est une des nombreuses nouveautés recueillies
par M. Wm. Lobb en Californie et introduite dans nos jardins par
MM. Veitch et fils, d'Exeter. Traitée comme une plante annuelle de
nos jardins elle ne peut manquer de devenir la favorite de tous les
floriculleurs d'élite. Les explorateurs des Etats-Unis avaient men-
tionné cette rareté, 31. le Dr Torrey en avait des exemplaires en
sa possession, mais elle n'avait pas été publiée avant la figure que
vient d'en donner sir W. Hooker.
Les spécimens cultivés mesuraient de 6 à 9 décimètres, ce qui
est une taille beaucoup plus élevée que la hauteur des exemplaires
desséchés dans les herbiers. La plupart des feuilles sont radicales,
portées sur des pétioles très-longs, robustes, arrondis; elles sont
glabres, comme le reste de la plante, digitées, divisées en cinq seg-
ments principaux, étendus, cunéo-lancéolés, fortement nervés; la
circonférence de la lame représente un contour cordé; les segments
sont les uns simples, étroits et très-acuminés, les autres plus larges et
plus ou moins profondément divisés en deux à cinq lobes, qui sont
très-pointus. Les feuilles caulinaires sont peu nombreuses, graduelle-
ment plus petites à mesure que l'on s'élève, portées sur des pétioles
plus petits, à segments moins nombreux, passant enfin aux bractées
simples, sessiles, lancéolées de la panicule terminale. Cette panicule, ou
racème composé, est allongée et porte un grand nombre de grandes et
belles fleurs, à l'extrémité de longs pédicelles dressés et pubescents :
à la base de ces pédicelles sont deux bractées opposées et subulées. Les
fleurs sont légèrement pendantes, leur longueur est de cinq centimètres
environ y compris l'éperon, d'une riche couleur écarlate, excepté les
pétales qui sont en partie d'un jaune vif. Les cinq sépales sont larges,
ovés, très-obtus; l'éperon, aussi long que la fleur, légèrement ascen-
dant, est cramoisi. Les pétales et leurs appendices ou éperons sont de
— 102 —
la même forme et vont se loger dans l'éperon du calice; le limbe, aussi
bien que les petits pétales, est pileux. Etamines nombreuses; anthères
oblongues, jaunes. Les trois ovaires sont dressés, glabres, terminés en
styles courts et subulés.
C«5P«aâa sMsueE'Isa* Cham. — ■ Bot. Mag., tab. 4888. — Cham., in
Linncea 1829, p. 474. — De Cand., Prodr. 9, p. 476. — Syn. : Cardia
Sebestena. Yell. FI. Flum. v. 2, p. 251. — Etym. : Le genre Cordia fut
établi par Linné à la mémoire de Eurich et Valère Cordus. Le premier
naquit en 1486 à Simmershausen dans la Hesse, fut professeur à Erfurt
et à Marbourg, et mourut médecin à Brème en 1535; il publia entre
autres ouvrages le Botanoligicum. Son fils Valère naquit à Erfurt en
1515 et mourut k Rome en 1544 ; il fut médecin et botaniste, et
laissa : Annotatioms in Dioscoridem : Liber quintus stirpium de&crip-
tionum, quas in Italia sibi visas describit, avec des annotations de
C. Gesner, et Dispensatorium pharmacorum omnium. — Fam. des Bor-
raginées; Pentandrie monOgynîe. Cordie superbe.
La plante forme un arbrisseau de deux à trois pieds d'élévation.
Les branches sont robustes, rondes, lisses. Les feuilles, réunies en
grand nombre à l'extrémité des branches, sont grandes, de 18 à 24
cent, de long, elliptiques cunéées, quelque peu ondulées, entières, d'un
vert foncé, acuminées ; les nervures principales sont déprimées à la face
supérieure, proéminentes à l'inférieure. Le pédoncule terminal, aussi
long que les feuilles, porte une cyme dicholome , de très-grandes fleurs
blanches teintées de jaune, chacune sessile sur un rameau plus ou moins
scorpioïde. Le calice est blanc verdâtre, à peu près cylindrique, ouvert
irrégulièrement. Corolle très-grande, plissée, campanulée-infundibuli-
forme, à lobes larges, arrondis, étalés. Cinq etamines, insérées sur la
partie étroite du tube, incluses, à filaments pileux à la base, à anthères
sagilées, extrorses. Ovaire subglobuleux; style excédant peu les eta-
mines; stigmate deux fois bifide; segments clavés.
Culture. On suppose le Cordia superba originaire delarégion tropicale du
Brésil. On le traite comme plante de serre chaude et il fleurit en septembre.
A Ht uni conte Dissocia. LindL — Bot. Mag., t. 4890. — Lindl.
in Bot. Beg. 1838, sub. Tab. 19. —De Cand. Prodr. v. 9, p. 237. —
Syn. : Inearvillea Emcdi. Wall. Cat. n. 487. — Etym. : de «^fi, autour,
et X.OW chevelure. — Fam. des Bignoniacées ; Didynamie Gymnos-
permie. — - Amphicome des monts Emodi.
Cette plante, découverte par le Dr Wallich, est l'espèce typique du
genre Amphicome (Incarvillea, Wall.); ce genre des Indes Occidentales,
consiste en deux espèces, que le Dr Royle a séparées avec raison des
— 103 —
ïncarvillea pour en faire une section sous le nom de Amphicome. Le
A. arguta, espèce fort différente de celle-ci, fut le premier cultivé
et a été bien figuré par le Dr Royle dans sa Himalayari Flora et par le
Dr Linclley dans son Botanlcal R&gister (1838, tab. 19). Ce dernier auteur
parle de VA. Emodi comme d'une espèce beaucoup plus belle, à fleurs
plus grandes et plus nombreuses, à feuillage plus robuste et d'une taille
beaucoup plus élevée, mais dont on attendait encore l'introduction.
En 185u2, M. Hooker en reçut des graines du major Vicary, et la
plante fleurit à Kew, sous châssis froid, en octobre 1855. C'est une
agréable plante, originaire des montagnes de l'Emodi, près de Sri-
naghur.
Racine persistante, tige annuelle et, comme la plante entière, glabre,
haute d'un pied à un pied et demi , peu branchue. Feuilles impari-
pennées, à 5 ou 7 paires de folioles, opposées, cordato-ovales, obtuses
brièvement, mais manifestement péliolulées , à bords crénato-lobés.
Pédoncules terminaux , feuillus ou portant seulement deux à trois
bractées cunéées. Fleurs grandes, belles, d'abord en corymbe, pendant
la maturation des fruits l'inflorescence devient racémiforme. Pédicelles
courts, bractées. Tube du calice, turbiné, épais, charnu; limbe à
cinq dents courtes, obtuses , épaisses et granulées. Corolle orange,
d'une forme intermédiaire à l'infundibulée et la campanulée. Limbe
très-grand, à cinq lobes étalés, arrondis, émarginés, rosés. Etamines
incluses, insérées sur la partie contractée du tube de la corolle, clidy-
names; filaments courbes, de telle sorte que les anthères se trouvent
réunies par paires, à loges divergentes et portant chacune une longue
touffe de poils et un aiguillon en arrière. Ovaire oblong, brièvement
stipité, entouré d'un anneau hypogyne. Style filiforme, stigmate à deux-
lèvres grandes et étalées.
IBeBtriirohBuiBi Mac Carthiœ. Hook. — Bot. Mag., t. 4886. —
Etym. : de foifyûv, arbre, et put», vivre. — Dendrobium de Madame
Mac Carthy. — Fam. des Orchidées; Gyandrie Monandrie.
Cette superbe espèce de Dendrobium, qui semble avoir échappé jus-
qu'ici à l'observation des botanistes de Ceylan, se présente, pendante des
troncs des grands arbres, dans les forêts voisines de Ratuapoora, où
elle est désignée par les naturels sous le nom de Wisak-mal, ce que l'on
peut traduire par fleur du mois de pluie ou fleur de mai. Celte char-
mante plante, sans contredit la plus belle des Orchidées de Ceylan, a été
dédiée à Madame Mac Carthy, épouse de l'honorable Esquire C.-J. Mac
Carthy, secrétaire colonial de l'île de Ceylan.
Les tiges sont simples, longues de 4 à 6 décimètres, de l'épaisseur
— 104 —
d'une plume d'oie, striées légèrement; entrenœuds de 2 1/2 à 4 centi-
mètres. Les feuilles sont peu nombreuses, à la partie supérieure des
tiges, elles mesurent de 6 à 10 centimètres de longueur sur deux à deux
centimètres et demi. Les racèmes sont au nombre de un à trois, chacun
à l'aisselle d'une feuille et portant quatre ou cinq fleurs; les pédoncules
sont munis à la base de quelques bractées engainantes-, pédicelles
blanchâtres, longs d'environ trois centimètres. Fleurs belles, elles ont
presque 8 centimètres de longueur et 9 de diamètre, d'un pourpre
pâle; sépales étroits-lancéolés, égalant presque en longueur les pétales
beaucoup plus larges, oblongs-lancéolés ; labelle de la même taille que
les pétales, plus ou moins trapéziforme, arrondi à la pointe, émoussé,
à peine trilobé, plus ou moins caréné supérieurement, blanc, marqué
d'une foule de petites taches lilas sur la gorge, d'une grande macule
pourpre foncé sur le disque, et la pointe largement marginée de pourpre
pâle avec environ sept stries longitudinales plus foncées. Colonne
blanche, légèrement teintée de pourpre, subquadrilatère, munie de deux
cornes tronquées, dressées ou un peu réfléchies, entre lesquelles est
situé l'anthère, en forme de casque, purpurescenle; les quatre pollinies,
d'un jaune pâle sont adhérentes en une masse oblongue.
Cœlogyne speciosa. Lindl. — Bot. Mag., t. 4889. — Lindl. Gcn.
et sp. Orchid., p. 39. Bot. Beg. 1847, t. 23. — Syn. : Chelonanthera
speciosa, Blume, Bijd. 384, t. M. — Etym. : de k»s\os creux, fistuleux
et yvy>j , organe femelle. — Fam. des Orchidées; Gynandrie Monan-
drie. — Cœlogyne gracieux.
Cette belle espèce de Cœlogyne a été introduite de Java par Monsieur
Thomas Lobb, collecteur de MM. Veitch. Le labellum de la fleur est
admirable tant par le coloris que par sa forme exquise.
Pseudobulbes ovales-oblongs, comprimés et marqués de côtes élevées,
portant au sommet une seule feuille elliptique-lancéolée, acuminée,
membraneuse, striée et ondulée. De la base d'une jeune feuille cannelée,
surgit une hampe florale, beaucoup plus courte que la feuille, et portant
une ou deux fleurs pendantes, très-grandes, mais peu brillantes par le
coloris. Les sépales sont larges, lancéolés, les latéraux étant les plus
longs et les plus étroits, l'intermédiaire plus large et moins acuminé,
cariné, tous d'un vert olive-pâle. Pétales très-grands, linéaires, de la
même couleur que les sépales, pendants. Labelle très-grand, jaune
d'ocre, veiné, teinté et taché de rouge de sang, blanc à la pointe. Il est
de forme oblongue, trilobé, à lobes latéraux petits, à lobe moyen
large et lui-même bilobé, frangé. Sur presque toute la longueur du
kibelle sont deux grandes crêtes frangées et terminées par d'admirables
— 105 —
poils étoiles. La colonne est grande, semi-circulaire, ailée, huppée au
sommet, sous lequel est située la loge pollinique renfermant les quatre
masses réunies par une grande glande.
Rhododendron retusum. Bennet. Rosage émoussé. — Benn.
in Fi. Jav., p. 88, t. 20. — DC. Prodr. , v. 7, p. 724. — Bot. Mag., PL
4859. Syn. : Vireya retusa, Blum. Bijdr. p. 856. — Fam. des Ericacées.
— Décandrie Monogynie.
Il est originaire des montagnes élevées de Java où il fut découvert par
Blume; le Dr Horsfied le retrouva dans l'île de Sumatra, en 1818,
à une journée de Padang vers Menangeabo, à une altitude de 3000 pieds
au-dessus de l'Océan. On doit le cultiver comme plante d'orangerie.
MM. Rollison l'ont reçu de graines envoyées de Java par leur col-
lecteur M. Henschell. C'est une charmante plante (a lovelij plant) du
groupe des B.. ferrugineum et hirsutum, parmi les espèces européennes
et des B. anthopogon et lepidotum parmi les rosages indiens, mais su-
périeurs à eux par le coloris et le feuillage ; les fleurs sont plus écarlates
que dans aucune autre espèce du genre.
Le B. retusum constitue un arbuste d'un pied ou deux de hauteur,
ligneux. Les feuilles ont deux pouces à deux pouces et demi, sessiles,
oblongues ou elliptiques obovées , toujours vertes, coriaces, glabres, à
bords réfléchis, l'extrémité est très-obtuse. Les ombelles terminales, à 8
ou 9 fleurs, un peu inclinées. Le calice est court, vert-jaunâtre, cilié et
écailleux, une des divisions dépasse les autres. La corolle a un pouce et
demi de longueur, écarlate, tubuleuse infundibulil'orme, à base ventrue,
à limbe court peu étalé à, cinq lobes arrondis. Etamines 10, à filaments
glabres. Ovaire oblong quinqueanguleux. Style court.
Kliododendroit €aiâfornicuin. Hook. Rosage de la Californie.
— Bot. Mag., tab. 4863. — Fam. des Ericacées. — Décandrie Mono-
gynie.
Ce beau rosage de la Californie a le port du B. maximum ou plutôt
du B. catawbiense. Les feuilles , portées sur des pétioles courts, sont
longues de 3 à 4 pouces, elliptiques, obovées, aiguës, souvent mucro-
nées à la pointe, glabres et nues aux deux faces. Sous les fleurs, les
feuilles sont généralement plus nombreuses et plus serrées, de ma-
nière à former un large involucre vert foncé dans lequel brillent de
grands pétales vivement colorés. Le calice est petit, à cinq lobes; la
corolle est d'abord d'un carmin riche et bien ouverte, elle est largement
campanulée. Le tube est court et se divise brusquement en cinq lobes
larges, ovales, ondulés. C'est un des plus beaux rosages connus, il a
— 106 —
fleuri chez M. Veitch, King's-road, Chelsea, et a figure au mois de juin
dernier au palais de cristal de Sydenham.
Strei»tocar|>us Gardenê. Hook. Streptocarpe de Garden. —
Bot. Mag., pi. 4862. — Fam. des Didymocarpécs. — Diandrie mono-
gynie.
Nous avons signalé, il y a quelques mois, l'apparition du Strepto-
carpus polyanthiis, et nous avons de nouveau la satisfaction d'annoncer
une nouvelle espèce de ce beau genre, le S. Gardent, importé de Natal
par le capitaine Garden. Il a beaucoup d'affinité avec le S. Rexii, bien
connu des fleuristes, tout en étant très-distinct tant par le feuillage que
par les fleurs. Les feuilles sont plus grandes et plus belles, plus ovales,
plus rugueuses et cordées à la base. Les pédoncules sont toujours
biflores, le calice a les divisions étalées à leur extrémité. La corolle est
de même aspect que celle du S. Rexii, et cependant différente de forme et
de coloration : d'un pâle bleu uniforme dans le S. Rexii, ici le tube est
vert ou blanc verdâtre et le limbe lilas ; de plus le tube est plus large,
légèrement courbe inférieurement, et le limbe, au lieu de s'étaler en
cinq lobes égaux, est plus décidément bilabié, a deux divisions supé-
rieures relevées et trois divisions inférieures formant la seconde lèvre.
La plante fleurit copieusement dans une bonne serre tempérée pen-
dant toute la durée de l'été.
IBëgtlotEteittium littorale. Martius. Diplothemium du littoral.
— Mart, Palm. 110, t. 76, f. 5. — Klh. Enum. Plant., V. 3, p. 290. —
Bot. Mag., pi. 4861. — Syn. : Cocos arenafius, Gomez , Act. Olysip.
1812, p. 61. — Fam. des Palmiers. — Monœcie Polyandrie.
Les trois espèces décrites du genre Diplothemium sont considérées
comme particulières au Brésil; Martius dit de celle-ci qu'elle croit sur
les rivages sablonneux de St.-Sébastien.
Le caudex est court, horizontal ; les frondes de trois à quatre pieds
de longueur, dressées-étalées, rigides; le pétiole occupe plus de la moitié
de leur longueur, anguleux; les pinnules sont serrées, linéaires lancéo-
lées, très-acuminées, solitaires ou insérées trois ou quatre ensemble.
La spathe est longue de 4 à 5 pouces, acuminée. Les fleurs forment
un épi serré sur le spadice, d'un jaune plus ou moins vif : dioïque.
Drymonia villosa. Hook. — Bot. Mag., tab. 4866. — Fam. des
Gesnériacées. — Didynamie Angiospermie.
Cette belle espèce, remarquable par son beau feuillage, a été importée
en Belgique, de Surinam, par un voyageur de M. Van Houtte. Elle est
subherbacée, haute d'un pied à un pied et demi, très-branchue , cou-
— 107 —
verte de poils longs et serrés sur les rameaux et sur les feuilles. Les
fleurs sont axillaires, généralement ternées, à corolle villeuse extérieu-
rement, à tube gibbeux, courbe, comprimé, à limbe bilabié, blanche
teintée de pourpre, surtout à la gorge. Serre chaude.
RicoftiaGia f n-a^ra bus. Hook. — Bot. Mag., tab. 4865. — Fam.
des Solanées. — Pentandrie Monogynie.
C'est une fort belle espèce de tabac découverte pendant l'expédition
du capitaine Denham, par MM. Macgillivray etMilne, dans les rochers de
l'ile des Pins; elle est remarquable par la fermeté et l'épaisseur de ses
feuilles qui sont comme satinées à l'état sec, par les dimensions extra-
ordinaires qu'elle atteint par la culture, et par l'odeur délicieuse qui
s'échappe de ses grandes fleurs blanches. Le N. fragrans est certaine-
ment voisin du N. undulata, Vent, et Br. (iY. suaveolens Lehm.). C'est
une plante de culture facile dans toute serre froide et qui doit trouver
sa place dans toutes les collections; sa floraison est continue pendant
tout l'été.
REVUE DES ROSES NOUVELLES.
Rose gloire de Dijon, fig. dans le Floricult. cabinet, Dec. 1855.
Rose dérive du mot celtique rhod (red), rouge, à cause de la couleur
dominante de celte Heur à l'époque où ce nom lui fut donné.
Ludovic Verlhema. qui voyageait dans le midi en 1503, dit que la
Toscane était particulièrement renommée pour ses roses et qu'il en vit
des fleurs, à la fois rouge, blanche et jaune. M. William Ouseley relate,
dans son ouvrage sur la Perse, que lorsqu'il entra dans le jardin appar-
tenant au gouverneur près de Fassa ; il faillit être écrasé sous des roses.
La célèbre princesse Nourmahal creusa un canal entier qui fut alimente
d'eau de rose pour le plus grand bonheur du nez du grand Mogol. La
chaleur du soleil ayant séparé l'eau de l'huile essentielle de la rose,
on remarqua cette substance flottant à la surface du canal, et c'est ainsi
que fut découverte l'essence de rose.
La Rose gloire de Dijon appartient à la section des Roses thé; elle a
été gagnée par MM. Jacotot, de Dijon, qui l'ont exhibée récemment à
l'exposition de la Société d'Horticulture de Cote en France où elle obtint
la grande médaille, et où le jury la nomma Gloire de Dijon. Depuis, elle
fut encore exposée à la Société d'Horticulture de la Seine, dont les
dames patronesses lui décernèrent la grande médaille d'or. La plante
est forte et vigoureuse, le feuillage est riche et abondant, d'un beau
vert à la face supérieure avec le dessous des jeunes feuilles d'un char-
— 108 —
niant rouge carmin; elle est trés-florifère , les fleurs mesurent en
moyenne de 12 a lo centimètres de diamètre, absolument doubles, et
émanent le parfum le plus suave. Dans une situation sèche, la rose
Gloire de Dijon parait être parfaitement rustique, aussi bien les pieds
francs que ceux qui auraient été greffés : c'est une délicieuse plante
d'orangerie et elle l'emporte sur toutes les autres roses pour le forçage;
bien cultivée, elle peut donner des fleurs pendant toute l'année.
Rose Mathuris Régnier. — Rosier hybride remontant. M. Rouil-
lard le décrit de la manière suivante dans le Journ. de la Soc. Imp. et
cent. d'Hort. :
Bois gros, fort, dressé; mérithalles allongés; épiderme vert-clairet
assez distinctement velu sur le jeune bois; aiguillons assez nombreux
et forts, presque droits, très-aigus, rougeàtres, nuancés du jaune gri-
sâtre de la corne. Feuilles amples, composées de cinq folioles, rarement
de trois, ovales ou ovales allongées, de dimensions inégales, la termi-
nale toujours plus grande, toutes assez largement quoique peu profon-
dement dentées sur leur bord, finissent en pointe fort peu accusée, et
sont vert-clair et lisses en dessus, vert blanchâtre et un peu coton-
neuses en dessous. Le pétiole assez long, avec stipules bien distinctes à
la base et qui l'accompagnent jusqu'à peu près la moitié de sa longueur,
est armé en dessous de quelques aiguillons crochus et très-acérés ; il
est vert en dessous et teinté de rose rouge en dessus. Pédoncules assez
longs, forts, hérissés de faibles aiguillons (presque des poils), brunâtres.
Ovaires souvent coniques et quelquefois pyriformes, jamais étranglés
au sommet, presque lisses. (Ces deux derniers organes sont vert-clair.)
Sépales en nombre variable (de 5 à 8, caractère particulier), souvent
foliacés ou très-foliacés. Boutons forts, globuleux, se présentant en
corvmbes de 3 à 4 au sommet des rameaux où, parfois, ils sont soli-
taires. Fleurs moyennes (7 cent.), très-épaisses, cupuliformes, pro-
fondes en ouvrant, puis en achevant de s'épanouir elles se développent
en trois ou quatre faisceaux qui se déroulent régulièrement du centre
à la circonférence; elles sont très-doubles, quoique les organes de la
reproduction soient visibles; leur épanouissement se fait bien en toute
saison. Coloris rose tendre, pâlissant encore au pourtour floral. Odeur
suave.
Ce nouveau rosier sort des cultures de M. Lévèque dit René, horti-
culteur parisien, et appartient à la section des hybrides de Portland à
floraison continue. Sa forte végétation, qui ne lui retire rien de sa
faculté remontante, lui assure une longue durée et la beauté de ses
fleurs le recommandera sûrement à l'attention des floriculteurs. Il est
vraisemblable qu'il réussira franc de pied; il est déjà certain qu'il
— 109 —
s'accommode bien de l'églantier. Il a été mis au commerce à l'automne
de 1855.
Rose madame Masson. Nous trouvons dans la livraison de novembre
de Y Horticulteur français la figure de la rose madame Masson, gagnée
en 1854 par M. Marest, horticulteur, rue d'Enfer, à Paris. Cette
panche est accompagnée de la description suivante due a M. Lescuyer.
« Ce rosier est très-vigoureux ; son feuillage ample et d'un beau vert
accompagne admirablement de très-grandes et magnifiques fleurs par-
faitement pleines, d'un très-beau cramoisi velouté, et éclairé de rouge
vif passant ensuite au violâtre. — C'est une des bonnes roses de 1854.
Elle appartient à la section des hybrides remontants. »
Rose panachée d'Orléaiss; rosier hybride perpétuel (1). On recherche,
non sans raison, dans les jardins, ces variétés de rosiers à fleurs pana-
chées, dont les élégantes bigarrures rappellent celles des œillets fla-
mands et luttent souvent avec eux, sous ce rapport, d'élégance et
d'agréments.
Telle est, par exemple, celle dont on doit tout récemment la mise
dans le commerce à notre honorable correspondant, M. Dauvrcsse,
horticulteur-pépiniériste, à Orléans, et successeur de MM. Transon-
Gombauit.
Le bel individu que nous avons vu cette année, nous a offert des fleurs
de première grandeur, parfaitement pleines, très-étoffées, d'un beau
ton rose vif, admirablement et franchement panachées, c'est-à-dire,
striées, maculées et rubanées de teintes semblables plus ou moins
foncées.
Cette rose appartient à la section dite des hybrides perpétuelles, ainsi
dites, comme on sait, en raison de leur floraison pour ainsi dire perpé-
tuelle et qui ne cesse qu'à l'arrivée des gelées. Nous croyons pouvoir
la recommander au choix des amateurs comme une des plus belles et
des plus franchement panachées que nous connaissions jusqu'ici.
Docteur Heînon; Rosier hybride de Portland, à floraison remontante
et d'une forte végétation. (Chez Mr Léon Lille, horticulteur, marchand
grainier, pépiniériste, cours Morand, 7, à Lyon (Rhône) et chez M.Eug.
Verdier, fils aîné, rue des Trois-Ormes, 6, boulevard de la Gare d'Ivry ,
à Paris).
Le bois, gros et fort, forme un buisson touffu aux longs rameaux;
les mérithalles sont assez allongés, l'épiderme est lisse et vert-clair. Un
caractère distinctif de ce nouveau Rosier est le manque total d'aiguillon.
Les feuilles qui revêtissent bien les rameaux sont assez grandes,
{)) Ch. Lemaire, dans lllmt. Hort. Dec. 1855.
— no —
variables dans le nombre de leurs folioles, lesquelles cependant sont
presque toujours de cinq; celles-ci sont ovales-allongées finissant en
pointe, de dimensions inégales, la terminale plus grande, finement et peu
profondément dentées; elles sont lisses et vert assez clair au-dessus;
légèrement cotonneuses et vert-blanchâtre au-dessous. Les pétioles,
assez longs et grêles, sont accompagnés jusqu'au tiers environ de leur
longueur, par des stipules peu apparentes; ils sont armés parfois de
très-rares et petits aiguillons crochus , et leur couleur est vert-clair.
Les pédoncules, de longueur moyenne, sont assez forts et sou-
tiennent bien la fleur; ils sont vert-clair, parsemés de petits poils peu
nombreux de même couleur, un peu brunâtres au sommet; ils ont
souvent à leur base quelques petites stipules, et, parfois, une feuille
stipulaire.
Les ovaires, moyens, plutôt pyriformes,' légèrement étranglés au
sommet, que semi-fu si formes, sont presque lisses et vert-clair.
Les boutons se présentent au nombre de deux à trois au sommet
des rameaux, où ils sont souvent solitaires; ils sont assez gros,
presque complètement globuleux, terminés en pointe. Les sépales,
ordinairement au nombre de cinq, sont presque toujours très-foliacés.
Les fleurs sont moyennes (7 à 8 cent.) , pleines ; les pétales extérieurs
sont régulièrement disposés en coupe assez profonde, ceux intérieurs,
formant une rosette ou étoile à quatre compartiments, laissent aperce-
voir au centre les pistils et quelques rares étamines. La disposition
totale de ces fleurs qui s'épanouissent bien en toute saison, en toute
circonstance, est d'une grande régularité et remplie d'une gracieuse
élégance. Leur couleur est unique dans cette section , elle est d'un blanc
très-pur, qui n'est ni le blanc de lait, ni le blanc de neige; elle n'a ni
la légère teinte bleuâtre de l'un, ni la blancheur froide, absolue, de
l'autre; mais le bas et les plis des pétales reflètent une teinte jaunâtre
à peine sensible, qui avive le blanc de leur étoffe satinée. L'odeur,
très-particulière et fort suave, rappelle beaucoup celle du Rosier
Canelle (Rosa cinnamomœa),
Cette belle et très-précieuse Rose provient d'un semis fait en 1850
par M. Léon Lille, Grainier-Horticulteur à Lyon, dans lequel se
trouvaient beaucoup de graines du Rosier hybride remontant YElen-
dard de Marengo. Il paraît probable que la nouvelle rose sort de cette
variété, qu'elle rappelle assez dans son aspect général : cependant sa
forte végétation contraste avec celle assez chétive de VEtendard. Le
Docteur Hénon fait bien sur églantier, on peut croire qu'il fera de
même franc de pied. Il sera mis en vente cet Automne (1855).
Pieds forts. ... 25 fr. la pièce. — 100 fr. les cinq.
— moyen. . . 15 fr. la pièce. — GO fr. les cinq.
— 111 —
Rose Madame Vidot (Hybride remontant). L'Horticulteur français
de 1851 (1855, pi. X, p. 101) signale cette nouvelle rose qui vient
d'être mise dans le commerce par M. Eugène Yerdier, fds aîné,
horticulteur, rue des Trois-Ormes de la gare d'Ivry , près Paris. La
fleur est au-dessus de la moyenne pour la grandeur, bien faite, admi-
rable de coloris qui est un blanc rose carné tendre, transparent,
nuancé de rose plus vif. M. Lescuyer en donne la description suivante :
« Le pédoncule est gros, court, très-glanduleux, s'évasant graduelle-
ment en tube calicinal en forme d'entonnoir glabre, non contracté à la
gorge; folioles calicinales au nombre de cinq, allongées, assez large-
ment acuminées, glanduleuses en dehors, duveteuses en dedans et sur
les bords; dans trois de ces folioles, l'extrémité est plus ou moins
élargie et foliacée et les bords sont garnis d'un ou de deux appendices
linéaires ciliés. Pétales très-nombreux, obovales redressés, un peu en
cuiller, admirablement et très-régulièrement imbriqués dans les rangées
extérieures, ceux du centre plus ou moins plissés et un peu pèle-mèle
formant la rosette d'officier de la Légion-d'Honneur. Etamines nulles,
styles saillants, libres, nombreux, surmontant autant d'ovaires ren-
fermés dans le tube du calice.
CULTURE DES JACINTHES DANS DES VASES.
Remplissez les vases d'eau de pluie ou de rivière jusqu'à affleurer
juste le plateau ou base de la bulbe; placez-les dans un lieu obscur
pendant une quinzaine de jours, dans le but de favoriser la croissance
des racines ; après quoi apportez-les à la lumière le plus près possible
des vitres, car si on les laissait sur la tablette de la cheminée ou à
quelqu'autre endroit chaud mais obscur, les fleurs se développeraient
prématurément mais sans acquérir toute leur coloration ni leur vigueur.
Il convient de changer l'eau tous les quinze jours ou plus souvent si
elle se corrompait, et chaque fois de nettoyer les bulbes. Quelques
espèces produisent des rejetons sur les côtés des bulbes, il faut les
enlever à l'aide d'un canif ou d'un greffoir, mais lorsque deux hampes
florales surgissent du centre, il faut les conserver. Les Jacinthes simples
sont en général celles qui conviennent le mieux pour la culture aqua-
tique, mais quelques variétés doubles réussissent également bien. Après
la floraison on doit enlever les hampes, mettre les bulbes en pleine
terre dans un endroit sec du jardin.
— 112 —
HYDROPLASIE HORTICOLE.
Bassins, Vasques, Vases, Sujets, Fleurs artificielles hydrauliques en
métal et ajutages de jeux d'eau, fabriqués dans les ateliers de M. Henri
Leclerc, ingénieur mécanicien lujdraulicien à Paris,
Par M. Edouard Morren.
On a coutume d'harmoniser les jeux d'eaux avec les plantes; un filet
d'eau qui jaillit dans un jardin ou entre des fleurs, anime les beautés
immobiles et silencieuses des végétaux et l'éclat incolore des goutte-
lettes est rehaussé par le contraste avec la teinte sombre du feuillage et
le brillant coloris des pétales. Jusqu'ici on dissimulait plus ou moins
adroitement les ajutages des conduits d'eau dont surgissaient les jets.
M. Henri Leclerc, ingénieur mécanicien hydraulicien à Paris, a eu l'in-
génieuse idée de fabriquer des fleurs hydrauliques en métal, et il a
matérialisé cette idée avec une perfection étonnante. Les nombreux
visiteurs à l'Exposition universelle de l'Industrie à Paris, ont sans doute
admiré, dans la galerie d'annexé, une énorme corbeille fleurie dont
jaillissaient mille filets d'eau; en l'examinant avec attention, on était
surpris de reconnaître que c'était du sein même des fleurs que surgis-
saient ces jets ; ici de la pointe des feuilles ou des pétales, là de l'extré-
mité des étamines ou des styles.
Nous avons visité les ateliers de M. Henri Leclerc, situés rue
Menilmontant, 16; nous crûmes entrer dans une serre; partout autour
de nous s'épanouissaient des pots fleuris de Lys, d'Amaryllis, de Cou-
ronne Impériale, d'Iris, d'Achmea, d'Agapanthus, de Tulipe, de Calla,
de Typha, de Strelitzia de la reine, d'Aloës, de Billbergia, de Jacinthe,
de Crinum, de Tubéreuse et de bien d'autres encore cultivées en pots
ou réunies en élégantes corbeilles. Toutes ces plantes étaient faites de
cuivre. La nature était restée complètement étrangère à leur formation,
mais elle avait été fidèlement, savamment, nous nous permettrons même
de dire botaniquement imitée par M. Henri Leclerc. Les plantes avaient
leur port réel, les organes avaient conservé toute leur délicatesse, toute
leur fraîcheur naturelles, la teinte verte des feuilles et les nuances déli-
cates des fleurs étaient fixés sur le métal comme elles le sont sur les feuilles
et sur les fleurs vivantes. C'est dans l'épaisseur même de ces organes
délicats que l'habile ingénieur a ménagé les conduits d'eau qui viennent
se terminer à leur extrémité. Placez quelqu'un de ces pots, ou l'une ou
lia
PI. 19.
Fleurs hydrauliques de M. II. Leclerc :. Nénuphar , Nymphéa, Typha , Tubéreuse et Calla.
BELG. IlOItT. T. VF,
14
- 414 —
PI. 20.
Corbeille de fleurs hydrauliques.
l'autre de ces corbeilles sur l'orifice d'un tube où vous disposez d'une
pression hydraulique, et au même instant vous verrez jaillir, de la pointe
des pétales et des anthères des étamines, des jets d'eau délicats qui re-
tomberont en perles limpides sur le feuillage. Remarquez qu'en agis-
sant de la sorte vous ne commettrez pas une absurdité botanique, cette
eau ne surgira pas d'une plante qui croît naturellement dans des lieux
secs, elle ne viendra pas mouiller le feuillage d'une espèce des mon-
tagnes; M. Henri Leclerc a cherché les modèles de ses (leurs hydrau-
115
PL 21.
Corbeille de fleurs hydrauliques de l'Exposition universelle de l'industrie à Paris.
liques dans les végétaux qui croissent spontanément dans les stations
humides, qui se plaisent aux bords des ruisseaux ou sur les rives des
étangs.
Notre planche 19 représente cinq des fleurs hydrauliques de M.
H. Leclerc; ce sont des exemples d'une collection de plusieurs cen-
taines de sujets semblables fabriqués dans les usines de la rue Menil-
montant. Est-il besoin de les nommer pour que vous reconnaissiez le
Nénuphar à fleurs jaunes, le blanc Nymphéa, le Typha ou roseau du
Christ, la Tubéreuse odorante et le Calla d'Ethiopie? Ces Nymphéacées,
placées à la surface d'un bassin et ajustées à l'orifice d'un tuyau de con-
duite, lancent l'eau par la surface du stigmate et par l'extrémité des éta-
mines. La valeur commerciale des fleurs hydrauliques de M. H. Leclerc
— 116 —
ne paraîtra pas trop élevée, eu égard à la difficulté de la fabrication et au
fini de l'exécution.
Le prix des pots analogues à ceux représentés par notre planche 19
est de 40 à 70 francs; une corbeille, dont notre planche 20 offre un
exemple, vaut de quatre à huit cents francs. Quant au gigantesque bassin
qui a figuré à l'Exposition universelle, et dont notre planche 21 retrace
les principaux caractères, son coût est de 17,000 francs.
On ne saurait rien imaginer de plus gracieux et de plus séduisant
dans une serre ou dans un salon qu'une de ces corbeilles de M.
H. Leclerc, si l'on entremêle les fleurs hydrauliques de quelques végé-
taux vivants et qu'on puisse, le soir, disposer quelques lumières entre le
feuillage. Le murmure de l'eau, l'éclat des gouttelettes limpides et bril-
lantes qui scintillent, voltigent, sautillent, tombent, et retombent sur la
verdure des feuilles, la douce senteur des fleurs exercent sur l'âme les
plus suaves impressions.
CULTURE DES P1MELIA.
Ce beau genre de plantes de serre tempérée, peut, par quelques soins,
croître et fleurir de bonne heure. Il convient de rempoter dès l'appari-
tion du printemps, dans de la bonne terre tourbeuse, bien brisée par la
bêche mais non tamisée et mêlée d'une certaine quantité de sable; il faut
avoir soin, dans celte opération, de ne pas blesser les radicelles. Les
pots, qui ne peuvent pas être trop grands, doivent être bien drainés.
Les Pimelia aiment une terre riche de terreau et fortement tassée ; ils ne
prospèrent jamais dans un sol trop meuble. Après le rempotage, on con-
seille d'arroser les plantes et de les placer dans la serre à une bonne ex-
position, bien aérée et bien éclairée : jamais, sous aucun prétexte, on ne
peut les étouffer sous d'autres plantes, mais elles doivent être au con-
traire complètement libres. Les Pimelia doivent demeurer dans la serre
pendant l'été et être préservés des rayons du soleil lorsque l'action de
ceux-ci est la plus forte. Les rameaux, plantés dans du sable, couverts
d'une cloche et placés dans la bâche, s'enracinent facilement. Les Pimelia
dccussata-sîiperba, loncjifolia , glauca, hispida, Hendersoni, spectabilis
et supcrba, sont de fort belles espèces.
117
OPÉRATIONS HORTICOLES.
COMMENT AGIT LE DRAINAGE (I),
Par M. C. Risler.
Une petite expérience, qu'il est facile de répéter et encore plus facile
de comprendre, m'a beaucoup aidé à me faire une notion précise de la
manière dont le drainage produit les effets remarquables nue la pratique
a constatés. Peut-être pourra-t-elle rendre à d'autres le même service;
c'est pourquoi je vais essayer de la décrire.
Des recherches indépendantes du drainage m'avaient amené à faire
végéter diverses espèces de plantes dans des cônes en terre d'environ
0ra,55 de hauteur et 0ni,25 de diamètre à leur base. Tous ces cônes
étaient remplis de la même terre, en même quantité. J'avais laissé les
uns ouverts à la partie inférieure, après que j'y avais mis un décimètre
environ de petits cailloux qui y produisaient un drainage parfait. Quel-
ques-uns d'entre eux furent au contraire hermétiquement bouchés. Il
parait que, depuis le commencement de mes expériences, les pluies
n'ont jamais été assez abondantes pour verser dans les cônes une quan-
tité d'eau plus grande que la terre n'en pouvait absorber, car il n'en a
point passé du tout à travers les cônes drainés. Ainsi donc il ne pouvait
pas y avoir d'eau stagnante dans les cônes bouchés. Ces cônes repré-
sentaient une terre qui n'aurait pas besoin d'être drainée, si toutefois il
est vrai que le drainage n'agit, comme on le croit assez généralement,
qu'en permettant à l'excès d'eau de s'écouler. Et cependant les plantes
furent très-vigoureuses dans les cônes drainés , tandis qu'elles se mon-
trèrent souffrantes dans les cônes non drainés. Je ne pus trouver d'autre
explication de ce fait que celle-ci : les cônes drainés ont été mieux aérés
que les autres.
Pour m'assurer de la justesse de cette conclusion, je cherchai à repro-
duire autant que possible les 'conditions dans lesquelles se trouve une
terre drainée, en y ajoutant une disposition qui rendit visible toute
(1) Nous reproduisons ici cet excellent article de M. Eug Risler, inséré dans le
.Journal d'Ayr. prat. (France), et auquel nous adhérons complètement, à cause de
l'application des expériences de l'auteur au drainage, tel qu'il est pratiqué en hor-
ticulture.
— Ii8 —
entrée ou sortie d'air. La figure 22 reproduit cette disposition. Quelques
mots d'explication suffiraient pour des chimistes habitués aux appa-
reils ordinaires des laboratoires ; mais la plupart de nos lecteurs deman-
deront plus de détails.
PL 22.
Démonstration de l'aération du sol produite par le drainage.
J'ai mis à une hauteur de 0m,15 environ de la terre légèrement humide
dans un flacon muni à sa partie inférieure d'un robinet e, dont le tube
pénètre à une petite distance dans l'intérieur de la terre et peut repré-
senter, par conséquent, un drainage avec assez d'exactitude. L'ou-
verture supérieure du flacon est fermée hermétiquement au moyen
d'un bouchon à travers lequel passent, d'une part, un tube à robinet
qui sert à introduire l'eau, et, de l'autre , un tube qui communique
avec l'intérieur d'un flacon à trois tubulures , rempli en partie d'eau et
arrangé de telle manière que l'air qui y entrerait par le tube m serait
obligé de passer à travers l'eau et de rendre ainsi son entrée visible à
l'œil.
Je commence par fermer le robinet e, j'enlève le bouchon / du petit
flacon, et j'introduis à travers le tube / assez d'eau pour représenter une
forte pluie; puis, je ferme le robinet f, et je remets le bouchon en /. Tant
que le robinet e reste fermé, c'est-à-dire, tant que le drainage ne
s'opère pas, l'eau introduite occupe la position a b c cl , et ne pénètre
que très-lentement sous le sol, en déplaçant l'air qui s'y trouve ren-
fermé, et le forçant à sortir par le haut en bulles qui crèvent à la surface
du liquide. Dans ce cas, l'eau prend la place d'une certaine quantité
d'air; elle amène, il est vrai, l'oxygène qu'elle porte en solution; mais
elle n'en amène évidemment pas assez pour compenser celui qu'elle a
fait sortir; par conséquent, le sol renferme, après chaque pluie, moins
— 119 —
d'oxygène qu'il n'en renfermait avant cette pluie, et c'est seulement
quand l'eau ainsi introduite sera évaporée , qu'il pourra rentrer de l'air.
Mais si nous ouvrons le robinet e, si nous établissons le drainage,
nous verrons les choses changer complètement de face. L'air renfermé
dans la terre trouvant à s'échapper par le bas , ce qui devient aisément
visible si l'on plonge l'extrémité du robinet dans un vase d'eau, l'eau
abc d s'infiltre graduellement dans la terre, et, tandis que l'air cor-
rompu est chassé d'un autre côté, il arrive par en haut de l'air pur que
nous voyons traverser le flacon laveur par le tube m. Ainsi le drai-
nage agit même avant qu'il s'écoule de l'eau par les tuyaux. Quand cet
écoulement commence, l'aération cesse; nous voyons bien encore entrer
de l'air par le tube m, mais cet air ne sert plus à remplacer de l'air cor-
rompu, il remplace l'eau qui est partie; notre appareil fonctionne
comme un aspirateur ordinaire, et les faits que nous y observons
n'offrent plus aucun intérêt. On croit généralement que les drains
n'agissent que lorsqu'ils coulent. D'après ce qui précède il y aurait
deux actions : aération chaque fois qu'il tombe de la pluie, et écoule-
ment de l'eau que le sol ne peut absorber chaque fois que les pluies
dépassent la faculté d'absorption du sol. Dans le cas où il n'y avait ni
drainage, ni sous-sol perméable, nous avons vu que les pluies ne font
que diminuer la somme d'oxygène qui reste disponible pour les be-
soins de la végétation; maintenant, au contraire, il y a sortie d'air
corrompu, c'est-à-dire d'air privé d'une partie de son oxygène, et
entrée d'air nouveau.
Or, chacun sait que l'aération est le but principal de la culture. Pour
peu qu'un cultivateur se soit demandé la raison des pratiques que
l'expérience lui a fait adopter, pour peu qu'il réfléchisse davantage que
les bœufs qui traînent la charrue, il saura que les labours , par exemple,
sont destinés à aérer le sol. S'il avait, en outre, quelque confiance dans
les chimistes, il apprendrait des belles expériences de Saussure que
l'oxygène est nécessaire à la respiration des racines, comme il est né-
cessaire à celle des animaux; il verrait dans les travaux des autres sa-
vants, résumés dernièrement à l'occasion du drainage même par
M. Chevreul à la Société centrale d'Agriculture, et par M. Barrai, dans
son Manuel du drainage, que la transformation de tous les matériaux
que renferment ces terres que l'on achète à 2,000 frs. l'hectare, et de ces
engrais que l'on trouve bon de payer 6 frs. le mètre cube, que leur
transformation en argent bien monnayé, c'est-à-dire en substances ca-
pables de former le blé et tous les produits qui s'échangent contre l'ar-
gent, ne peut s'opérer que si l'on donne au sol de l'oxygène, et qu'à
défaut d'oxygène, ces terres elles engrais eux-mêmes, loin de produire
— 120 —
les végétaux, les luent au contraire, parce qu'ils deviennent des poisons
au lieu de devenir des aliments.
Ainsi donc, chaque fois qu'une pluie tombe sur une terre drainée ou
à sous-sol naturellement perméable, chaque fois qu'on donne de l'eau
à un pot drainé, elle y amène non-seulement l'eau nécessaire pour dis-
soudre les substances qui sont prêtes à servir d'aliments, c'est-à-dire
que l'oxidation a déjà rendues solubles; mais elle y entraîne à sa suite
une autre nouvelle portion d'oxygène, qui va préparer de nouveaux
aliments et les mettre à la disposition de l'eau, qui prochainement
viendra les porter dans le sein des végétaux. Chaque fois, au con-
traire, que l'eau tombe sur une terre à sous-sol imperméable et non
drainée, elle diminue la proportion d'oxygène que cette terre contient,
et puis, restant stagnante dans le sous-sol, elle produit d'autres effets
nuisibles, l'abaissement de température, etc., que l'on a souvent cons-
tatés; c'est seulement à mesure que le soleil évapore cette eau qu'elle
peut faire place à l'air. Dans les terres à sous-sol imperméable, l'aéra-
tion ne peut se faire sous nos climats qu'à une très-faible profondeur;
au-dessous de cette profondeur, les substances qui s'y trouvent renfer-
mées restent à l'état de poison, et voilà pourquoi il vaut mieux, dans
les sols d'une telle nature, et surtout dans ceux qui, en plus, sont
très-ferrugineux, ne donner que des labours superficiels, malgré les
conseils de quelques hommes qui nuisent au progrès réel, parce qu'ils
se font les avocats quand même d'un principe qui n'est juste que dans
certaines limites. Je ne relaterai pas les nombreux faits de la pratique,
qui à la fois prouvent l'aération que le drainage produit et s'expliquent
par elle.
Je crois pouvoir résumer ces observations en disant que la pluie est
le principal moyen d'aération que la nature a donné au sol.
Tout ce qui précède, et l'ingénieuse expérience qui explique le mode
d'action du drainage, s'applique non-seulement à la culture des
champs, mais plus spécialement encore au drainage que les fleuristes
opèrent dans leurs pots.
Prune Impériale violette.
124 —
JARDIN FRUITIER.
FRUNE IMPÉRIALE VIOLETTE,
Par M . Il o y e r ,
Conseiller provincial à Namur.
Les variétés du genre prunier sont très-nombreuses clans les nomen-
clatures françaises; Merlet, la Quintinie et Duhamel mentionnent une
foule de Damas, de Perdrigons, de Diaprées, d'Impériales, et autres
prunes, dont la plupart sont peu cultivées en Belgique. Nous ne devons
pas le regretter au point de vue des fruits de table; nos jardins sont
assez riches en variétés de premier ordre, et nous n'avons, sous ce
rapport, que l'embarras du choix, depuis surtout que l'Amérique, où
cette culture se fait sur une très-grande échelle, nous a envoyé beau-
coup de variétés précieuses. Mais il n'en est pas de même de la culture
des vergers, qui fournit au commerce les fruits secs, d'une si grande
importance dans l'économie domestique. Cette industrie est florissante
dans les vallées de nos provinces méridionales, où l'on a toujours cul-
tivé pour cet usage le Quëtsch ou Koëtsche ordinaire, connu dans ces
contrées sous le nom inexact d'Altesse; cette variété est très-productive
sans doute, mais laisse beaucoup à désirer sous le rapport de la qualité
et du poids. 11 en résulte la nécessité de recourir à la France pour les
fruits de choix : on les importe de Bordeaux spécialement, en assez
grande quantité et à des prix fort élevés.
Dans l'intérêt du progrès de nos cultures, il serait donc important
de rechercher les variétés fertiles de qualité supérieure, et analogue au
Quëtsch sous les rapports du goût, de la couleur et de la forme.
Ces conditions paraissent réunies dans les prunes Diaprées violettes
et Impériales violettes, qui se ressemblent beaucoup, mais qu'il ne faut
pas confondre. La première mûrit au commencement d'août; la seconde,
dont nous nous occupons ici, est une variété du mois de septembre.
Cette prune est grosse, ovale allongée, suspendue à une queue longue
de 25 à 27 millimètres, vert grisâtre, placée dans une cavité assez pro-
fonde, étroite et arrondie. Le sillon est bien prononcé, quoique peu
creusé. Le point pistillaire est rouge, assez large, très-apparent, con-
cave. La peau, violette et fleurie, est épaisse et se détache avec quelque
— 122 —
difficulté de la chair. Celle-ci est ferme, succulente, vert jaunâtre,
remplie d'un jus abondant, sucré et d'un goût relevé. Le noyau est
ovale, pointu à son sommet et obtus à sa base; il mesure 30 milli-
mètres en hauteur, 17 en largeur et 11 en épaisseur; les arêtes du
ventre sont obtuses, crénelées, divisées par un sillon étroit et profond;
celles du dos sont obtuses ; les joues sont convexes et rugueuses ; il
se détache bien de la chair, à laquelle il n'est adhérent qne par ses
extrémités.
La Quintinie estimait tellement ce beau fruit, que dans la liste des
premiers pruniers à planter dans un jardin de peu d'étendue, il place
Y Impériale violette en troisième ligne , immédiatement après la Reine-
Claude (1). Cet auteur affirme qu'elle est également bonne à manger
crue ou en pruneaux. Merlet cite aussi les Impériales comme propres
à ce dernier usage.
Nous avons vérifié ces allégations par quelques essais comparatifs.
VImpériale violette séchée, soumise au jugement de la commission
royale de pomologie, s'est trouvée au moins égale en qualité à la
Quëtsck ordinaire.
En poids, nous avons constaté les résultats suivants, sur Irenle-cinq
fruits de chaque variété :
Quëtsch 130 Grammes.
Prune de Bordeaux ou d'Agen. . 250 »
Impériale violette 388 »
Il serait donc intéressant de chercher à faire sortir la variété qui
nous occupe, du cadre des fruits de jardin pour l'introduire dans la
grande culture, et d'essayer sa fertilité dans les vergers. Nous en pos-
sédons quelques arbres en espalier au nord-est; à celte exposition, elle
n'a jamais été sujette à l'alternat des récoltes; depuis vingt ans, celles-
ci sont aussi abondantes que régulières.
L'arbre de VImpériale violette n'est pas de première grandeur, mais
il est vigoureux et d'une grande fertilité, il manque rarement de donner.
Les rameaux sont assez longs, rouge brun du côté du soleil, verls,
un peu violacés du côté opposé, surtout vers la cime; le vieux bois est
brun, tiqueté de très-petits points gris.
Le bouton est pointu, écarté de la branche par un support peu élevé.
Les feuilles sont ovales-lancéolées, pointues par les deux extrémités,
dentelées régulièrement et finement. Les fleurs sont assez grandes et
leurs pétales arrondis.
(1) Instruction pour les jardins, olc. \ édition de 1740, t. II, p. 403.
,r r
PHYSIOLOGIE VEGETALE.
DE L'ORIGINE DES ESPÈCES EN BOTANIQUE ET DE L'APPARITION
DES PLANTES SUR LE GLOBE,
Par M. A. Malbranciie.
(Ce travail a été lu à l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Rouen,
le 27 juillet 1855, à l'occasion de la réception de l'auteur).
Dans l'élude si noble des œuvres de Dieu, tout est digne de nos mé-
ditations ; mais un intérêt plus vif encore s'attache à la recherche de
l'origine des choses. Il semble que l'attrait de l'étude grandit à propor-
tion du mystère qui l'entoure, et de la hauteur de vues où il faut se
placer. Les pensées de l'homme ne connaissent point de bornes et,
franchissant les siècles, par delà ces jours où les astres commençaient
à mesurer le temps, elles sondent audacieusement ces mystères des
premiers âges de la terre, où la matière soumise se moulait obéis-
sante aux ordres de l'architecte divin, où le Créateur, penché sur
l'abîme, animait le chaos de sa parole puissante et faisait jaillir partout
la vie. La lumière dissipe les ténèbres, le firmament étend son pavillon
immense, les mers sont renfermées dans leurs bassins profonds, la
terre, dégagée des eaux, reçoit sa parure verdoyante; le soleil com-
mence son cours radieux, la mer, les airs, la. terre se peuplent d'ani-
maux variés, puis, d'un peu de limon qu'il pétrit sans doute lui-même
de sa main divine et auquel il joignit une parcelle de son être, une âme
libre, immortelle et esprit comme lui , Dieu forma l'homme, maître et
dominateur de tous les êtres, terme et chef-d'œuvre de la création.
Tel est, en quelques mots, ce travail merveilleux qui dura sans doute
de longs siècles, pendant lesquels des révolutions considérables ont
bouleversé le globe à diverses reprises et n'ont eu pour témoin que
l'auteur même des choses auquel il a plu d'envelopper d'un voile, peut-
être à jamais impénétrable, son œuvre créatrice.
Tous les jours, dans sa marche progressive et par l'organe de ses
plus illustres représentants, la science vient nous montrer la confor-
mité de ses observations avec le récit de Moïse. Les entrailles de la terre
sont les archives antiques où elle reconnaît l'ordre assigné par la Genèse
à la formation des choses. Il s'en faut cependant, qu'une certitude ab-
solue soit acquise sur toutes les solutions de ce gigantesque problème.
Des esprits, également éminents, sont divisés sur des appréciations où
— 124 —
l'expérience est souvent muette. Les opinions les plus diverses sont
soutenues avec une pareille habileté pour coordonner les laits géogé-
niques et expliquer les agitations de la jeunesse de notre globe. Le
champ est donc encore ouvert aux investigations; entrons-y sans pré-
vention, sans partialité, sans autre but que de chercher pour elle-même
la vérité, ce bien suprême de notre intelligence.
Il importe extrêmement dans les études spéculatives de se garder de
deux écucils, également dangereux, où bon nombre d'observateurs ont
l'ait naufrage. Quelques-uns partent d'idées préconçues, fixes, qui en-
traînent à leur insu leurs raisonnements et pèsent de tout leur poids
sur leurs conclusions. C'est un des plus funestes travers de l'esprit
humain que celle aberration de logique. Il faut que tous les faits se
plient, se façonnent au moule préparé à l'avance, qu'ils rentrent clans le
système qu'il s'agit de prouver. On néglige un détail fâcheux, on
généralise un fait exceptionnel; bon gré mal gré, la conclusion désirée
sort de cette logique flexible. Quelques autres, se cramponnant aux idées
qui ont cours depuis longtemps malgré l'incertitude qui les entoure,
et l'absence des solutions qu'elles ne donnent pas, se refusent à tout
nouvel examen, repoussent a priori les novateurs assez osés pour discu-
ter les opinions reçues. C'est, depuis que les esprits raisonnent, la vieille
lutte de la routine contre le progrès. S'il est des traditions respectables,
des vérités acquises inattaquables, c'est un étrange aveuglement que de
ne plus croire à la perfectibilité des connaissances humaines. Et, quand
on a vu crouler tant de systèmes qui paraissaient solidement établis,
peut-on bien conserver tant d'assurance? 11 y a quelque chose qui ne
change pas, qui n'est point perfectible, qui est complet : c'est la vérité
religieuse; mais la science n'a point eu sa révélation; livrée au travail
des esprits faciles à s'égarer, elle doit s'exercer longtemps encore avant
d'atteindre, si jamais elle doit y arriver ici-bas, sa perfection et sa sta-
bilité.
En étudiant les divers systèmes qui se sont produits pour expliquer
l'origine des espèces végétales, je n'en ai point trouvé qui satisfassent
complètement aux principes de la science et, j'ajouterai, au récit de la
Genèse. Car il y a dans les livres saints un élément du débat que l'on ne
peut négliger pour former sa conviction dans cette appréciation com-
plexe de faits et de théories où l'expérience nous fait souvent défaut.
D'ailleurs, bien établir l'accord des observations scientifiques avec le
texte sacré, c'est servir la science qui reçoit ainsi une confirmation et
une autorité nouvelles. Nous pèserons donc, à ce double point de vue,
la valeur de ces théories; j'essaierai d'en faire voir les imperfections et
de présenter quelques considérations nouvelles. .le puiserai le plus sou-
— 125 —
vent mes arguments dans les écrits de savants justement considérés,
plutôt que dans mon propre fonds. Néanmoins, c'est avec une certaine
défiance que j'aborde un aussi grave sujet et que j'expose ces aperçus.
— Que l'indulgence les accueille et que l'expérience les juge.
Quelle idée faut-il se faire de la création végétale? Quand et comment
les diverses espèces de plantes ont-elles apparu sur la terre? La puissance
créatrice s'est-elle exercée à plusieurs reprises? La matière serait-elle
susceptible de se modifier sous des influences biologiques variées? Ou
bien y-a-t-il eu simultanéité dans l'apparition de tous les types fixes et
invariables? Autant de questions sur lesquelles la diversité des opinions
partage les plus érudits.
On admet aujourd'hui, sans conteste, que les jours de la Genèse re-
présentent des époques d'une assez longue durée, que des catastrophes
importantes ont bouleversé le globe à plusieurs intervalles. En sondant
les profondeurs de la terre, la science a recueilli des débris précieux à
l'aide desquels elle fait revivre ces générations éteintes, elle rétablit le
globe dans sa virilité, le peuple des êtres puissants qui l'habitaient,
et nous refait le tableau de ces temps primitifs où les végétaux étaient
seuls en possession d'un sol encore brûlant, où les animaux sans maitre
erraient en paix dans les solitudes terrestres. Nous n'envisagerons la
question qu'au point de vue du règne végétal, et je dis d'abord que les
divers systèmes peuvent se réunir en trois groupes ainsi définis.
1° Y a-t-il eu développement progressif des végétaux, c'est-à-dire que
les plus simples, ayant paru les premiers, se sont-ils peu à peu modifiés,
transformés sous des influences biologiques changeantes en ceux que
nous voyons aujourd'hui? A chaque catastrophe les types primitifs n'au-
raient point été détruits, mais changés, perfectionnés, passant du simple
au composé, de l'imparfait au parfait. Les espèces actuelles dérivant
ainsi par progression des espèces primitives.
2° Toutes les plantes actuelles et passées, vivantes et détruites, ont-
elles été créées simultanément dès le commencement? A chaque révolu-
tion un certain nombre périssait sans compensation. Les survivantes
repeuplaient le sol.
3° Enfin des plantes nouvelles ont-elles apparu à chaque période géo-
logique, indépendantes de celles antérieures , soit qu'elles résultent de
créations successives correspondantes à chaque période, soit qu'elles
soient considérées, le dirai-je, comme productions spontanées de la
matière.
En d'autres termes et pour résumer ces différents point de vue, les
végétaux actuels sont-ils les descendants, les contemporains ou les suc-
cesseurs des plantes fossiles?
— 126 —
§ I. Nous examinerons d'abord la théorie qui admet que les plantes
d'une première création présentant les organisations les plus simples, se
modifiant sous les influences des variations de la température, de la
pression et de la composition atmosphérique, sont arrivées par des
transformations successives aux types parfaits qui dominent aujour-
d'hui. Cette opinion, soutenue avec talent, jouit d'un certain crédit; aussi
entrerai-je à son égard dans un examen plus approfondi. Elle s'appuie :
1° sur les observations géologiques qui nous montrent la prédominance
des végétaux inférieurs dans les couches les plus anciennes du globe ;
2° sur des raisons physiologiques surtout qui impliquent la possibilité
pour les types spécifiques de se modifier, sous les influences climaté-
riques, assez profondément pour passer des plus simples aux plus com-
posés et des formes antiques si extraordinaires à celles que nous
voyons aujourd'hui.
Geoffroy Saint-Hilaire, un de ses plus illustres champions, recon-
naît un seul système de créations incessamment et successivement
progressives, remaniées sous toutes les formes, par l'action toute-
puissante des milieux ambiants. (1)
Le savant professeur de Clermont-Ferrand, M. Lecoq, pense qu'il
se produit continuellement des types nouveaux, des formes définies,
stables, qui se dégagent et se fixent par l'action du temps et de l'ha-
bitude. « Qui oserait affirmer, dit-il, que cette dernière création (l'ère
«actuelle) n'offre pas elle-même plusieurs périodes distinctes, ou plutôt
»une succession lente et progressive de tous les types qui la composent?
» Pourquoi ne pas considérer, comme les plus anciennes, les espèces les
» mieux définies, comme le sont la plupart des Monocotylédonées,
»des Fougères, des Conifères, des Cicadées, et ne pas voir dans les
»Dicotylédonées un certain nombre de genres, de création plus ré-
»cente (2) dont les espèces seraient encore confondues, attendant du
» temps et de l'habitude une stabilité qu'elles n'ont pas encore acquise(3).»
M. Naudin va plus loin. Dans un article très-intéressant, publié dans
la Revue horticole , il développe cette idée que des types primitifs, peu
nombreux, doués d'une certaine plasticité et d'une flexibilité consi-
dérable, modifiés par la différence des milieux, ont produit toutes les
(1) Etudes progj-cssivrs d'un naturaliste.
(2) 51. Lecoq paraît bien ici admettre plusieurs créations correspondantes aux
différentes ères géologiques ; mais nous verrons plus loin qu'il a depuis adopté l'idée
d'une création unique , se transformant également.
(3) Considérations sur l'Espère en botanique. (Portefeuille des horticulteurs, T. 1).
— \n —
formes que nous voyons aujourd'hui; ainsi se comprend, dit-il, la
communauté d'organisation des êtres d'un même règne (1).
Enfin M. Lecoq, dans un ouvrage tout récent, conclut ainsi sur
l'origine des espèces : « Nous croyons à la transformation passée ,
» actuelle et future des êtres d'une seule et unique création divine (2). »
Sur quels faits se base-t-on pour admettre ces modifications impor-
tantes de formes et d'organes, cette flexibilité des types sous les in-
fluences de la température du sol, de la pression et de la composition
atmosphérique? L'expérience nous a-t-elle montré quelques faits ana-
logues? Si cette facilité de transformation a existé, nous devrions la
retrouver dans les espèces actuelles. Elles ne diffèrent point par leur
organisation de leurs ancêtres; elles ne sont pas plus éloignées de ceux-ci
que les plantes actuelles de l'Equateur de celles qui peuplent les régions
polaires. Si cette mobilitéde formes existait encore aujourd'hui, ce serait
à désespérer de la nomenclature et des classifications botaniques. On ne
connaît pas d'observation certaine de la formation d'espèces nouvelles
ou du passage d'une espèce à une autre. Un grand nombre de savants
dont nous entendrons toul-à-1'heure le langage, professent la fixité des
types, leur résistance aux milieux. Les plantes, déplacées de leurs condi-
tions normales, périssent et ne se transforment pas. Nous verrons que
l'espèce est certaine, constante, invariable dans ses caractères impor-
tants. Dans les variations légères qu'elle peut offrir, on reconnaît facile-
ment la consanguinité des individus. Cela entre si bien dans le plan de
la nature, que la plupart des êtres frappés d'altération accidentelle ,
hybrides ou monstres, ne sont plus aptes à la fécondation ; ou si cette
faculté existe encore, c'est pour ramener leur postérité au type dont la
pureté avait souffert dommage. C'est par mutilation et par surprise,
pour ainsi dire, que l'horticulteur perpétue ces déviations à son profit.
La mutabilité des formes est contraire aux faits de l'expérience dans
l'ère actuelle. On n'a pu constater la moindre différence entre les espèces
contemporaines et les mêmes espèces qui habitaient le globe il y a 3 à
4,000 ans. Des graines trouvées dans les tombeaux égyptiens, ont repro-
duit des plantes en tout point semblables à celles que nous connaissons
aujourd'hui (3). « Pas une plante n'est perdue, dit le poétique Bernardin,
»depuis Circé, la plus ancienne des botanistes, dont Homère nous a en
(1) Considérations philosophiques sur V Espèce et la Variété. {Revue horticole,
n° 6, 1852).
(2) Etudes sur la Géojraphie botanique de l'Europe T. 5, p. 230, Paris, 1854.
(5) Girarmn. Joum. de Ph. et de Chim.
— 128 —
«quelque sorte conservé l'herbier... La jalouse Clylée se tourne toujour ;
»vers le soleil, et le beau fils de Lériope, Narcisse, s'admire encore sur
»le bord des fontaines (1). »
Il est vrai que le temps de nos observations est court relativement
aux périodes d'une longue durée qui l'ont précédé; mais, «toujours
»est-il, d'après Cuvier, qu'il suffit pour nous apprendre qu'il y a dans la
» nature une telle stabilité, que les espèces se maintiennent constamment
»avec leurs caractères distinctifs (2). »
On a cru un moment posséder un fait important pour la transforma-
tion des espèces. Un observateur dont la sagacité avait cette fois été
mise en défaut, M. E. Fabre, d'Ayde, après 10 ans d'expérience qui pa-
raissaient irréprochables, avait conclu que le blé (Triticum) dérivait des
OEgylops, plantes sauvages abondantes dans le midi de la France. Ce
grave résultat bouleversait toutes les idées reçues en établissant le pas-
sage, non-seulement d'une espèce à une autre espèce, mais d'un genre à
un autre genre. Tout le monde botanique fut ému de cette communi-
cation, et les « partisans de la philosophie de l'identité absolue, »
comme les appelle M. Jordan, criaient déjà : victoire! Mais un examen
attentif, fait sur les lieux même et, tout récemment, les expériences de
M. Godron, qui a reproduit sous ses yeux toutes les circonstances du
phénomène et fait voir qu'il rentrait dans les conditions habituelles de
l'hybridation (3), ont mis à néant tout ce que cette observation avait
d'extraordinaire. Dans son mémoire, l'habile botaniste que je citais
d'abord, M. Jordan , discute longuement toutes les expériences de
M. Fabre et se résume en disant, avec une sévérité un peu excessive
peut-être, qu'il est difficile d'accumuler dans une expérience des erreurs
plus manifestes et plus nombreuses (4).
(La suite à la prochaine livraison.)
(1) Etudes 4m% p. 194.
(2) ('.. D'Orbigny et A. Gentr. Géologie appliquée, 1851.
(ô) De la fécondation des OEgylops par les Trilieum, Nancy 185u.
(4) De l'origine île diverses variétés ou espèecs d'arbres fruitiers, etc. 18oô.
Camellia Auo'uste Delfosse.
429 —
HORTICULTURE.
COURTE BIOGRAPHIE DU CAMELLIA,
SUIVIE DE LA DESCRIPTION D'UNE VARIÉTÉ NOUVELLE :
CAMELLIA JAPONICA, VAR. AUGUSTE DELFOSSE,
Gain de M. Defresne, édité par M. Auguste Verschaffelt.
Par M. Edouard Morren.
D'après l'opinion la plus accréditée, l'introduction du Camellia en
Europe eut lieu en 1739 et serait due au P. G.-J. Kamel, de la C'e de
Jésus, qui fut envoyé en mission aux Iles Philippines à la fin du dix-
septième siècle. Le nom du Père Kamel, qui , italianisé, devient
Camelli, fut immortalisé par Linné qui l'attacha à l'arbuste au feuillage
sombre, sévère et ferme, aux fleurs éclatantes, amples et symétriques, et
que l'on aime sous le nom deCamellia ; on voit qu'en vertu de son origine
on devrait orthographier Kamelia. Linné témoigna ainsi, delà manière
la plus noble , sa reconnaissance envers celui qui avait fait connaître,
non-seulement le Camellia, mais encore un grand nombre de produc-
tions naturelles de l'île Luçon, et comme si tout le monde avait voulu
s'associer à la pensée de Linné , le Camellia est demeuré l'emblème
de la reconnaissance. Mais, si l'on en croyait l'opinion du célèbre
auteur de la Flora Japonica, le docteur Von Siebold, Linné aurait consa-
cré une usurpation : de même qu'Améric Vespuce recueillit l'honneur de
la découverte de Colomb, que M. Quinquet attacha son nom aux lampes
inventées par Argant, que le daguerréotype devrait plutôt porter le
nom de Niepce que celui de Daguerre, de même Kamel ne serait pas le
premier introducteur du Camellia. M. Von Siebold lui dénie cet honneur
pour l'attribuer à lord Petre. filais ceux qui partagent cette opinion au-
raient-ils le courage de décorer le Camellia du nom de Pétrin? Ce nom est
encore plus barbare que celui des Chinois qui disent son tsja en par-
lant de la rose du Japon, ce qui signifie thé de la montagne. On sait
que les Camellias et les thés sont deux genres de plantes très-voisins,
appartenant à la famille des Ternstrœmiacées.
Le Camellia, malgré la sinistre prédiction d'Alphonse Karr, qui pen-
sait qu'il ne devait la vogue dont il jouissait déjà jadis, qu'à la difficulté
de sa culture, et que dans le pays des roses, le règne du Camellia ne
pouvait être que passager, est, et sera longtemps encore une créature
bien séduisante pour tous ceux qui sont sensibles aux charmes des
belg. hort. t. vi. 15
— 130 —
fleurs. Un seul reproche peut être adressé à la rose du Japon, celui de ne
pas embaumer les airs: à ceux qui voudraient une raison de cette stérilité,
nous conterons la délicieuse allégorie imaginée, en 1820, par M. Norbert
Cornelissen, de Gand (1). «Jupiter s'ennuyait; Junon, malgré le récit
de quelques anecdotes scandaleuses, ne le déridait guère. Hébé et Flore
y réussirent. Hébé se chargea donc de raconter au maître des dieux
l'histoire de la plante apportée en Europe par un jésuite. C'est là de
l'imagination s'il en fut. Voici cette singulière histoire. Vénus avait
été surprise avec Mars par son mari Vulcain, et l'Amour se moquait
fort irrespectueusement de sa mère. Elle résolut de le faire fustiger, et
les Grâces devaient mettre en sang la peau fine de ce pauvre Cupidon; les
verges étaient désignées : c'étaient des branches de rosiers. Flore, dans
cette terrible conjoncture, sauva l'Amour. Elle indique à Zéphir la rose
de Niphon.« Vous reconnaîtrez, lui dit-elle, l'arbuste que la déesse vous
demande aux signes suivants : ses rameaux sont ornés de feuilles
brillantes et qui ne perdent jamais l'éclat de smaragde; la fleur est
semblable à la rose, belle comme la rose, privée d'épines et n'offensant
jamais la main qui la cueille : les dieux l'appellent Anacanthis, les
hommes Sasanqua. » Zéphir rapporta donc du Japon le Camellia,
l'anacanthis des dieux, et quand il parut « les Grâces admirèrent la fleur;
un premier mouvement de coquetterie, qu'il est si difficile de réprimer,
même à la cour de Cythère, l'emporta; l'anacanthide dans un instant
devint la parure de leur sein et de leur front virginal, et remplaça les
lis et les roses. » Il est presque inutile d'ajouter que dans le supplice
que les Grâces , de leurs mains délicates et flatteuses, infligèrent à
l'Amour, aucune épine n'effleura les molles et tendres chairs de l'enfant
espiègle. Vénus prit en haine la rose de Niphon. « Flore, cent fois
depuis ce jour fatal, lorsque seule avec ses trois compagnes, elle
embellissait la toilette de Vénus, sollicita le pardon de l'innocente fleur ;
mais la déesse n'oubliant jamais combien elle avait été humiliée, resta
inexorable, et depuis lors, la rose de Niphon a cessé d'embaumer
les airs, et reléguée sans gloire dans une île lointaine et inconnue aux
Muses , elle n'offre à la divine poésie ni l'image de sa beauté , ni même
la tradition de ses noms antiques. »
Le Camellia croît spontanément au Japon. M. Von Siebold, qui a pu
l'observer dans sa patrie, en donne la description suivante :
(1) De fatis KameUiœ Japonicœ litsus poeticns. Le titre seul est en latin ; le conte
est en français, écrit avec verve et enjouement. Voy. Annales Brlgiques des sciences ,
arts. etc. T. 5. p. 120-144. 1820. fianrt.
— 131 —
« Le Camellia sauvage, dit-il (Flora Japonica, p. 457), se présenté
eomme un arbre de 15 à 20 pieds de hauteur, souvent aussi comme un
arbrisseau, avec plusieurs tiges de 3 à 6 pouces de diamètre d'une seule
racine. L'écorce est lisse et cendrée. Il croît en société et s'empare
souvent d'une étendue de plusieurs arpents. Les bocages touffus
ressemblent beaucoup, par leur port, à ceux de nos hêtres de 15 à 20
ans, comme en général l'extérieur du Camellia s'en approche. C'est ainsi
qu'on le rencontre dans les contrées boisées des îles de Kinsin, Sikok,
et dans la plupart des provinces du Nippon , encore à une hauteur de
800 pieds au-dessus de la mer. Dans les provinces du midi, il commence
déjà à fleurir en hiver et y persiste jusqu'en avril. Les fruits mûrissent
en septembre. On recueille les semences et on en extrait une huile qui,
jointe à la cire végétale du Rhns sticcedaneum , aux huiles essentielles
de laurier et de giroflier, et à d'autres parfums, s'emploie comme une
pommade en usage clans le pays. L'écorce de la racine était recommandée
jadis, comme remède contre la diarrhée. Les branches, toujours vertes,
servent d'ornements aux cimetières, décorés toute l'année, selon l'usage
du pays. Lors de la floraison de la plante et principalement à la fête
des lanternes, pendant laquelle on décore et éclaire, la nuit, les tombeaux
avec le plus grand soin, et où se célèbrent conjointement les cérémonies
nocturnes des temples , il résulte de cet usage un profit considérable
pour les pauvres campagnards. Le bois est fort dur et s'emploie pour
les objets d'art, ou sert comme combustible dans les provinces où il
se trouve en quantité , comme par exemple à Nangasaki.
» Au Japon, en Chine et en Korai on le cultive depuis bien des siècles,
et le nombre des variétés produites ou par hasard ou par culture est
infini; il s'en fait aussi un grand commerce entre ces pays par
l'échange et la vente. Non-seulement les jardiniers s'occupent de ce
commerce, mais encore les gens de la campagne, et par cette dernière
raison on trouve fréquemment, en rase campagne, de superbes exem-
plaires de plantes-mères de Camellia, dont les branches, artistement
repliées vers la terre, sont greffées par approche sur des pieds sauvages,
même souvent rabougris et plantés, à l'entour, à cet effet. Certaines va-
riétés sont recherchées de préférence à certaines époques, comme dans
ces derniers temps celles à grandes fleurs simples. Au Japon on les traite
ordinairement comme arbres nains, et pour cela on les greffe par ap-
proche sur des troncs sauvages coupés très-près de la racine, souvent
même estropiés ou creusés. Dans les bosquets entourant les temples et
dans les jardins, on rencontre cependant des exemplaires cultivés, par-
venus à la taille d'arbres considérables. Un tel arbre, parsemé de cen-
— 132 —
laines de fleurs diverses en couleur et en grosseur , par suite de
greffes sur les différentes branches, produit un effet ravissant, nuançant
les teintes en rouge, blanc, bigarré, à fleurs simples ou doubles. Ordi-
nairement le Camellia cultivé fleurit un peu plus tard, en même temps
et en société avec le mume si recherché (Prunus mime), le coing japo-
nais (Cydonia japonica), les jasmins, les corylopsis, avec les cornouil-
lers (Cornus officinalis), et les magnoliers. »
La nouvelle variété de Camellia Japonica, etc., dont nous publions
le portrait à la planche 24, doit figurer au premier rang, parmi les
meilleurs succès des horticulteurs; elle se distingue surtout, par la
remarquable régularité de l'imbrication des pétales, qui forment comme
six rayons partant du cœur de la fleur et allant successivement en
s'élargissant vers la circonférence et par une coloration bien rare ,
les pétales étant bordés de carmin pâle et de blanc pur.
La fleur mesure un décimètre de diamètre; elle est parfaitement cir-
culaire, à peu près plane, et régulièrement double jusqu'au centre. Les
pétales sont d'autant plus grands qu'ils sont insérés plus près de l'exté-
rieur; ils ont alors de trois à quatre centimètres de largeur, sont arron-
dis, très-légèrement atténués au sommet, parfois même, montrent une
tendance à être acuminés, c'est-à-dire, à se terminer par une petite
pointe. Au centre même de la corolle, les pétales sont très-petits,
réguliers, lancéolés et forment une élégante rosace.
Chaque pétale est d'un pourpre carminé foncé vers la base et l'onglet;
vers la circonférence, ce carmin devient plus pâle et se dissipe peu à peu,
pour laisser un mince filet blanc sur le bord. D'après cette coloration ,
chaque pétale se dessine et se circonscrit nettement sur ses voisins , et
comme par leur ensemble ils forment une corolle parfaitement imbriquée
et bien pleine, en voyant ce Camellia, on est immédiatement frappé de
la régularité de tant de pétales bicolores, harmoniquement disposés et
tous distincts.
Le bouton est vert-pàle, protégé par des bractées et des sépales courts,
larges et imbriqués. Les feuilles sont ovales, régulièrement dentées, à
pointe réfléchie, d'un vert foncé ; les tiges sont fauves.
Ce magnifique Camellia est un nouveau succès pour les fleuristes
liégeois; il a été obtenu par l'un de nos plus intelligents horticulteurs,
M. Defresne, en fécondant artificiellement le Camellia Weimarii par
YEximia, et provient d'un semis de 4846. M. Defresne nous a assuré que
le Camellia Weimarii, variété semi-double, donne presque toujours un
grand nombre de variétés parfaitement imbriques. M. Defresne a donné
au nouveau Camellia le nom d'un homme honoré de tous les Belges ,
— 133 —
celui de M. Auguste Delfosse , ancien président de la Chambre des
Représentants, et député de la ville de Liège.
M. Ambroise Verschaffelt , de Gand , s'est rendu acquéreur du
nouveau Camellia Var. M. Auguste Delfosse.
Il sera mis dans le commerce au printemps prochain.
Plantes hautes de 25 à 35 centimètres : frs. 25.
S'adresser aux bureaux de la Belgique horticole, ou à M. Ambroise
Verschaffelt, à Gand.
PELARGONIUM ENDLICHERIANUM, FENZL.
Pêlargonium d'Endlicher ;
Par M. Edouard Morren.
M. Lindley a décrit récemment (The gara, chron. 1855, n° 35, p. 580),
une nouvelle espèce de Pélargonium, bien intéressante aux yeux des
horticulteurs parla beauté et la singularité de ses fleurs, et digne de fixer
l'attenticn des botanistes parce que, par le pays dont elle est originaire,
elle fait totalement exception à ce que l'on savait de la distribution géo-
graphique des Pélargoniums et que, comme si cette anomalie d'habitat
avait exercé une puissante influence sur son organisation, ses fleurs
présentent l'exemple d'une singulière anomalie de structure. Nous
savions que la patrie de la plupart des espèces de ce vaste genre était le
Cap de Bonne-Espérance ; on en avait découvert quelques autres dans
les colonies anglaises de l'Australie, dans la Nouvelle-Hollande, la terre
de Van Diémen et l'île de Tristan d'Acugna; aucune n'avait été observée
dans l'hémisphère nord, si ce n'est une aux Canaries et deux ou trois
en Abyssinie. Mais l'espèce qui fait l'objet de cette notice fait exception à
cette loi de géographie botanique ; elle appartient à l'Asie-Mineure. Elle
a été trouvée par le voyageur Kotschy, dans la Caramanie, et a été
envoyée par lui à Vienne où elle a été cultivée par M. François Rauch,
directeur d'un des jardins de S. M. l'Empereur d'Autriche. M. Kotschy
rencontra le P. Endlicherianum sur les pentes calcaires, dans les ravins
de l'admirable contrée montueuse qui avoisine le village de Gullek où
il le trouva en fleur le 30 juillet 1853. Ce village de Gullek n'est encore
mentionné sur aucune carte, mais on peut supposer qu'il se trouve
quelque part sur la pente méridionale du Bulgar-Dagh , ou chaine du
Taurus.
M. Lindlev avait observé l'été dernier le P. Endlicherianum, dans les
jardins delà société horticulturale de Londres, â Chiswick. Nous avons
à la même époque admiré son abondante floraison dans l'établissemenl
— 134 —
de M. Jacob-Makoy à Liège, et. nous avons pu en dessiner deux fleur»,
lithographiées à la planche 25, ftg. 5.
Le P. Endlicherianam est un sous-arbrisseau , à souche charnue, à
feuilles radicales, arrondies-réniformes, crénelées, dentées, pubescentes
et odorantes. Les fleurs sont grandes et frappent tout d'abord par leur
bizarrerie ; des cinq pétales qu'elles devraient présenter, les deux supé-
rieurs seuls sont développés; les trois autres ont avorté mais sont
visibles à l'état rudimentaire à la base du tube staminal, sous forme de
petites languettes blanchâtres. Les deux grands pétales sont rouge-
carmin vif, rehaussé de veines anastomosées plus brillantes. Chaque
inflorescence portait de dix à quinze fleurs.
Cette nouvelle plante requiert la protection d'une serre froide en
hiver, au moins la lui accorde-t-on jusqu'ici ; en été on la met en pleine
terre où elle acquiert un très-grand développement. Nul doute qu'elle ne
devienne la souche de nombreux hybrides.
REVUE DE PLANTES NOUVELLES ET INTÉRESSANTES.
1 :*(liviiaiiHius fulgens. Wall. — Bot. Mag., 1856, tab. 4891*
-Wall. Cat. n. 797. — De Cand. Prodr. V. 9, p. 261. — Fam. des
Cyrtandracées. — Didynamie gymnospermie. — iEschynanthe brillante.
Cette nouvelle espèce dTEschynante ne le cède en rien aux M. gran-
di florus, Don., Lobbianus, Hook., pulcher, DC, Javaîiicus, etc. Ses tiges
sont fortes, arrondies, traînantes, peu ramifiées : les feuilles opposées,
grandes, vert foncé, épaisses, charnues, oblongues-lancéolées, presque
ovales, acuminées, entières, légèrement carénées en dessous; nervures
obscures, pas même visibles dans les feuilles âgées dont le parenchyme
parait ridé et dont les bords sont quelque peu sinués et dentés. Les
fleurs sont réunies en une ombelle terminale, sans bractées, ou munies
seulement d'une paire de petites feuilles à la base. Les pédicelles sont
courts, uniflores. Calice plus long que les pédicelles, d'une forme inter-
médiaire entre la cylindrique et l'infundibuliforme, beaucoup plus large
que le tube de la corolle, à limbe dressé-élalé, à cinq lobes égaux,
petits et pointus. La corolle est trois fois aussi longue que le calice, en
forme de massue, à tube allongé etsvelle, allant graduellement en s'élar-
gissant, vers la partie supérieure où elle est comprimée et contractée,
à limbe quinquélobé et quelque peu bilabié. La couleur des fleurs est
écarlate et chaque lobe de la corolle est marqué de lignes noires. Les
étamines sont didynames, longuement exsertes; les anthères conni-
ventes par paire. Slvlo également très-exserte, à stigmate très-dilaté
— 135 —
Cette espèce est originaire de Tavoy, aux Indes orientales, où elle a été
recueillie par Goniez. Elle est arrivée, à l'établissement de MM. Veitch à
Exeter et Chelsea, de Moulmein, par M. Thomas Lobb. Elle promet de
fleurir de bonne heure et peu de plantes la surpassent pour la culture
dans des vases suspendus dans les serres chaudes.
Clivia Gardent. Hook. — Bot. Mag., tab. 4895. — Etymol. : le
genre Clivia a été établi par Lindley, en l'honneur de la duchesse de
Northumberland, de la maison de Clive. — Fam. des Amaryllidées. -
Hexandrie monogynie. — Clivie du major Garden.
Cette nouvelle plante, figurée dans la livraison de janvier 1856 du
Botanical magazine, est manifestement une espèce de Clivia, Lindl.
(Imantophyllum, Hook.), et bien distincte de l'unique espèce jusqu'ici
connue de ce genre Africain. Les feuilles sont plus longues et s'amin-
cissent graduellement en une pointe acuminée mais pas aiguë. L'ombelle
est composée d'un plus petit nombre de fleurs, mais elles sont doubles
de celles du C. nobilis et plus vivement colorées, fortement courbées ou
falquées et les pointes des sépales, au lieu d'être infléchies en dedans, de
manière à ne laisser qu'une très-petite ouverture entre elles, sont étalées
et constituent ainsi une corolle infundibuliforme. Le Clivia nobilis
habite les rives de la rivière du Grand-Poisson (Great Fish River), dans
l'Afrique méridionale ; le C. Gardeni a été découvert dans la colonie de
Natal, par M. le Major Garden, qui l'a introduit au jardin royal de Kew.
Traitée comme une plante de serre tempérée , cette nouvelle espèce
fleurit abondamment pendant les mois d'hiver et reste dans cet état pen-
dant plusieurs semaines.
Leptodactylon Californicum. Hook. — Bot. Mag. , tab. 4872.
— Hook. etArn. Bot. of Beech. Voy. v. 1, p. 369, t. 89. — Synon. :
Gilia Californica, Benth., in De Cand. Proclr., v. 9, p. 316. — Etym. :
de mtttos, mince, et «JWriMo?, doigt, parce que la plante est fissidactyle ,
c'est-à-dire a les feuilles fendues en filets capillaires et courts. — Fam. des
Polémoniacées. — Pentandrie monogynie. — Leptodactyle de Californie.
Celte charmante plante a été considérée par M. Hooker et le Dr Arnott,
comme devant constituer un genre distinct de Polémoniacées , et ils lui
donnèrent le nom de Leptodactylon, à cause de la forme des feuilles ,
profondément digitées et à segments très-étroits. D'après M. Bentham,
le genre de Hooker et Arnott formerait plutôt une section du genre
Gilia, à laquelle il conserve le nom de Leptodactylon, et aux deux
espèces de Leptodactylon, les L. Californicum et L.Hookerii, il en ajoute
une troisième, venant des Montagnes-Rocheuses, le Cantuu pungens du
— 136 -
Dr Torrey (Ogochloa Torrcyi de Don, dans le Gard. dict. vol. 4, p. 246).
Le port du Leptodactyle de la Californie rappelle plutôt un Phlox qu'un
Gilia; comme son nom l'indique, il est originaire de la Californie;
M. William Lobb en envoya des graines, de San Bernardino, dans
la Californie méridionale, à MM. Veitch. Cette nouvelle plante est une
précieuse acquisition pour nos jardins; elle forme un sous-arbrisseau
rustique, remarquable par le feuillage abondant de ses rameaux infé-
rieurs et par les dimensions et la beauté des corolles. Les fleurs s'épa-
nouissent en juillet. En voici du reste le signalement complet :
Arbrisseau bas et procumbant, très-branchu, à rameaux délicats,
abondamment recouverts d'un feuillage fascicule. Feuilles alternes, pro-
fondément digitées jusqu'à la base en cinq à sept segments subulés
mais arrondis, rigides, capillaires et mucronés à la pointe. Fleurs
nombreuses, grandes, naissant sur de courts rameaux latéraux, sessiles
à l'aisselle des feuilles et souvent si pressées qu'elles cachent complète-
ment les feuilles et les branches. Sur le calice on observe de longs poils
dressés, le tube est cylindrique à cinq côtes, à dents subulées, mucronées.
Corolle hypocratéri forme, rose, à tube délié, plus long que le calice, à
limbe de cinq lobes grands, étalés, cunéés. Anthères au nombre de
cinq, sessiles, insérées juste dans le tube de la corolle, oblongues.
L'ovaire est ovale, glabre; il surgit d'un disque annulaire. Style aussi
long que l'ovaire, à stigmate triple, linéaire, de la même longueur ou
plus allongé que le style. (Voy. Pl. 25, fig. 2.)
Helianthemnm Tuberaria. Mill. — Bot. Mag., tab. 4873. -
Mill. Dict. n. 10. • — De Cand., Prodr., v. I, p. 270. — Synon. : Cistus
tuberaria, Linn. Sp. Pl. p. 741. Cav. le. v. I, p. 65, t. 67. — Tuberaria
nostras. Bauh. Hist. v. 2 , p. 12. — Etymol. ": de txios, soleil, et ctvS-tjuov,
fleur; les fleurs sont jaune d'or et la plante végète dans des stations
fortement éclairées par le soleil. — Fam. des Cystinées : Polyandrie
monogynie. — Hélianthème des truffes.
C'est une charmante plante, aux fleurs les plus grandes de toutes les
espèces d'Hélianthème, ressemblant à une rose jaune, très-convenable
et d'un très-bel effet sur un rockwork situé au midi dans un jardin; elle
fleurit en juillet et la fleuraison se continue pendant longtemps. L'es-
pèce est spontanée dans le midi de la France, en Italie, en Espagne, en
Portugal, en Sicile et dans le nord de l'Afrique. Son nom spécifique
de Tuberaria vient de ce que sa présence est presque toujours un indice
certain de la présence de truffes dans le sol. L'Hélianthème des truffes
ou Hélianthème à feuilles de plantain est une plante connue depuis
longtemps, mais trop négligée. Ses brillantes fleurs, formées de cinq
i. Cn lia (lia ut houles. End. 2.. Leptodactyloi) ('aliloniiciim.liooL.iU'onvoU u lus Althaeoïdes,
var Aro virus, i Tel rat liera ericoïdes. Hort. 5.Pelar6oiiiiLra HiuIIicIkm'imiuhii.
137
pétales d'un jaune brillant, amples, obcordés, étalés, avec une grande
macule rouge de sang foncé à la base, s'épanouissent en plein soleil
et ne demandent que peu de soins. Les pieds doivent être rentrés à la
fin de l'automne, tenus secs pendant l'hiver et transplantés dans l'en-
droit le plus chaud du jardin au mois de mai.
Gilia Dianthoïdes. Endl. — Bot. Mag., tab. 4876. — Endl.
Atakt., t. 29. — Benlh. in De Cand. Prodr., v. 9, p. 314. — Synon. :
Fenzlia dianthiflora. Benth. in Bot. Beg. (sub tab. 1692, Collomia coc-
cinea) Hook. le. Plant., v. 2, p. 199. — Etym. : le genre Gilia a été
établi par Ruiz et Pavon en l'honneur de Philippe Salvador Gil, bota-
niste espagnol, qui vécut dans la seconde moitié du dix-huitième siècle.
— Fam. des Polémoniacées. — Pentandrie Monogynie. — Gilia à fleurs
de Dianthus.
Cette charmante petite plante annuelle, si bien appropriée aux bor-
dures des parterres, est originaire de la Californie, où elle avait été
découverte par Douglas; elle vient d'être introduite dans nos jardins
par MM. Veitch, qui l'ont reçue de leur collecteur, M. W. Lobb. C'est
déjà une bien jolie espèce à l'état spontané, et cependant la culture l'a
si bien modifiée que l'on aurait d'abord quelque peine à la reconnaître :
ainsi d'une toute petite plante, à peine ramifiée, portant seulement
deux ou trois fleurs, elle s'est métamorphosée en un végétal très-
rameux, étalé, à branches filiformes et à petites feuilles linéaires com-
plètement cachées sous une quantité innombrable de fleurs, de la teinte
la plus délicate de lilas et rehaussées chacune par cinq macules, rouge
de sang foncé, entourant un œil de couleur orange situé au centre.
Elle fleurit pendant toute la durée de l'été, surtout si on a soin de l'ar-
roser suffisamment. (Voy. son portrait, Pl. 25, fig. 1.)
La plante atteint 12 à 15 centimètres de hauteur. Les tiges sont
minces, filiformes, glabres ou munies de quelques poils dressés, droites
et à peu près simples ou plus ou moins étalées et ramifiées par dicho-
tomie, auquel cas elles sont très-florifères. Feuilles opposées, connées
à la base par paires distinctes, étroites, linéaires, poilues et ciliées dans
leur moitié inférieure. Pédoncules courts, dressés, minces, poilus, ter-
minaux et axillaires, solitaires et ne portant qu'une fleur; celle-ci est
dressée. Calice à cinq segments inégaux dans leur longueur, poilus sur
le dos. Corolle en roue, grande, eu égard à la taille de la plante; tube
court; limbe à cinq lobes étalés, obovés, aigus, à bords dentelés en
scie. Cinq étamines égales, insérées près de la base du tube; anthères
ovales, oranges; filaments minces, subulés. Style un peu plus long que
le tube, à stigmate triple, linéaire.
— 138 —
Convolvulus AUf&ueoidcs, L. var. Argyreu» FI. des Serres,
lab. 1021. — Linn. Sp. 222, non Thunb.— Sibth. et Sm. FI. Grœc.
t. 194. — Synon. : Convolvulus argereus, DC. FI. franc, supplém. —
Convolvulus althaeoides, Bot. Mag., t. 359. — Trattin Thés, bot., t. 57.
— Convolvulus argyrophyllus, Verzeichn. Pfl. Hoffmans. Gart. 1824,
p. 53. — Etymol. : le genre Convolvulus a été établi par Linné; ce mot
vient de convolvere, tordre, rouler en spirale, à cause des tiges volu-
biles de ces plantes. — Fam. des Convolvulacées. — Pentandrie Mo-
nogynie. — Liseron à fleurs d'Althaea, variété à feuilles argentées.
Le Convolvulus Althœoides est une plante d'Europe, qui n'est pas
assez cultivée dans les jardins, eu égard à ses grandes fleurs à corolles
plissées, d'un rose frais. Ses rameaux, grêles et semi-ligneux, s'étalent
en tous sens sur la terre; les feuilles sont remarquablement découpées
et dans la variété argyreus ont une apparence argentée et soyeuse. Cette
espèce est spontanée dans le bassin de la Méditerranée, se trouve en
Provence et a été signalée dans deux localités de la Flore de Montpellier.
Elle est vivace, se contente d'une toute petite place au soleil, dans
n'importe quelle terre: elle se multiplie de boutures. (Vov.Pl. 25, fig.3.)
Tctratheca ericoïdes. Hort. — FI. des serres, tab. 1065. —
Etym. : de nr^u, quatre, et 5-iw, endroit où l'on conserve quelque
chose, réservoir; les étamines étant quadriloculaires. — Fam. des Tré-
mandrées. — Octandrie monogvnie. — Tétrathèque éricoïde.
Il ne faut pas confondre cette jolie plante avec sa sœur, dont le nom lui
ressemble trop, le T. Ericifolia on Tétrathèque à feuilles cl'Erica. Leurs
personnes se distinguent plus aisément que leurs noms. Dans l'espèce
qui nous occupe et dont nous avons dessiné une branche fleurie sur la
planche 25, les rameaux sont glabres ou très-parcimonieusement pi-
leux; les feuilles linéaires subsessiles, alternes ou plus souvent rassem-
blées en faux verlicilles ternes, à bords recourbés; les pédicelles sont
axillaires, solitaires, beaucoup plus courts que les feuilles, glabres ainsi
que le calice. Ce dernier a les sépales ovales, acuminés, pointus; les
pétales sont obovés roses; les anthères linéaires, plus courtes ou éga-
lant les pétales, ont la pointe jaune. Le T. Ericifolia se distingue de ce
signalement par ses feuilles plus courtes, plus strictement verticillées, à
surface hérissée de poils ou de papilles et surtout par ses pédicelles
beaucoup plus longs que les feuilles et par quelques poils sur le calice.
L'espèce est originaire d'Australie, croît à Van Diémen et peut passer
l'hiver en serre froide. En été elle peut être mise en pleine terre et en
plein air, dans du terreau de feuilles mêlé de terre de bruyère. Elle y
formera de jolis buissons si on la soumet à une taille sévère. Multiplica-
tion par boutures.
— 139 —
REVUE DES FOUGÈRES NOUVELLES.
Maintenant que les fougères deviennent si populaires, et que les
amateurs de plantes d'ornement apprécient les qualités ornementales
de leur gracieux feuillage, dont l'effet est de rehausser, par le contraste,
les beautés des plantes très-florifères, nous pensons qu'une courte notice
sur les fougères nouvelles de jardin, peut être utile à ceux qui forment
descollections de ces plantes (1).
1° Nephroleims davallioides. T. M. — Etym. : Nephrolepis de
vt<Pt>os, rein, et m™ , écaille, indusie. — Nephrolepis Davallioïde. —
Syn. • Aspidiam davallioides, Swartz, syn. Fil. 48 et 247; Hooker , le.
Plant., t. 395-6.
Fronde puînée, glabre; pinnules ses-
siles, les inférieures stériles, lancéolées
acuminées, dentées obtusenienL , les su-
périeures fertiles, plus étroites et très-
allongées, profondément crénato-lobées, à
lobes arrondis et portant à la pointe une
sore unique ; rachis couvert de petites
écailles étroites. (Voy. PI. 26, fig. 1.)
Le Nephrolepis Davallioïde est une agréable fougère de serre, tou-
jours verte, à frondes gracieuses et pendantes, longues de près d'un
mètre, larges de 24 a 30 centimètres. Les pinnules sont distantes, hori-
zontales , les inférieures larges , les supérieures plus étroites , plus
longues et très-également lobées, à lobes étroits, arrondis à la pointe
qui porte une seule sore, dont l'indusie réniforme est placée juste en
dedans du Lord du lobe. Une structure semblable se présente dans le
Dicksonia abrupta de Bory, plante séparée par Près] comme constituant
un genre nouveau, sous le nom de Leptoplemia : mais la fructification de
la plante deRory est en réalité celle d'un Dicksonia, puisqu'elle possède
l'indusie bivalve propre à ce genre. Dans le Nephrolepis Davallioïde au
contraire, qui est réuni par quelques ptéridilogistes à l'espèce de Bory,
le bord du tube est entier et l'indusie est réellement celle d'un Nephro-
lepis. Il se rapproche, en outre, des Nephrolepis par le développement
d'un rhizome stolonifère filiforme écailleux, auquel les frondes sont
adhérentes en fascicules. Cette très-élégante espèce a été introduite de
Java, en 4852, par MM. Rollisson.
2° Platyloma brownii. J. Smith. — Etym. : de kXutos, large, et xuua,
(1) La reproduction des fougères a lieu par des spores Les spores se développent
dans des sporanges, ordinairement accumulés par petits amas à la face inférieure des
frondes. On a donné à ces réunions de sporanges le nom de sores. Ces sores sont
quelquefois nues, quelquefois recouvertes d'une petite écaille, figurant une sorte de
couvercle mobile à la maturité et nommée indusie. C'est une petite pellicule mince et
scarieuse, formée au détriment de la cuticule. Le sporange présente souvent une
série de cellules plus grandes les unes que les autres et qui servent à provoquer la
déhiscence (l'ouverture) pour laisser échapper les spores : c'est Ieconnecticule.
— 140 —
PI. 26.
Fig. 1. Kephrolepis Davallioldcs-
Fig. 2. Plalyloma Brownii.
Fig. ii. Pycnopteris Sirholdi.
Fie. -!. Davalli.i dissecta
141
frange, bord, bordure. ■ — Platylome de Brown. — Hook. Journ. Bot. ,
iv. 160. — Syn. : Adiantum paradoxum, R. Brown, Prod. Nov. Holl. ;
Allosusus paradoxus, Kunze; Pteris latizona, A. Cunningham, MS. ,
in Herb.
Fronde ovale pinnée; pinnulespeu nom-
breuses, oblongues-ovées, ou lancéolées,
arrondies ou subcordées à la base ; ner-
vures non apparentes; sores larges, li-
néaires, marginales; indusies étroites,
herbacées; rachis et pédicelles de chaque
fronde pubéruleux et de même que le long
stipe, ayant l'apparence de l'ébène et
portant quelques écailles.
(Voy. PI. 26, fig.2.)
Cette belle et rare fougère de serre froide est très-voisine du Platy-
îoma falcatum; mais elle diffère essentiellement de cette espèce par la
longueur des stipes, ses frondes courtes et larges, par la forme différente
des pinnules et par la nature des écailles disséminées sur les stipes et
les rachis. C'est une magnifique espèce, croissant à 6 décimètres de
hauteur, et dont les frondes sont attachées sur les côtés d'un rhizome
rampant. L'espèce , qui a été introduite en 1853 par MM. Henderson ,
est supposée venue de la Nouvelle-Zélande; on ne la connaissait jusqu'ici
qu'à la Nouvelle-Hollande.
3° Pûlypodium (Arthropleris) Filipes. T. M. — Etym. : de sroAur ,
beaucoup, et noàiov, diminutif de %ov?, pied. — Polypode patte de chat.
Fronde simple , elliptique-lancéolée ,
ou oblongue-ovée; ou bien pinnée , à
1-5 paires de petites pinnules oblon-
gues-obtuses et une pinnule terminale
lancéolée-acuminée, ordinairement plus
grande que les autres ; sores submargi-
nales ; rachis et stipes cotonneux ; rhi-
zome filiforme, couvert d'écaillés fauves,
étalées, lancéolées.
Cette curieuse petite plante, qui a l'apparence d'un Ficus rampant, a
été importée par MM. Henderson, en même temps que le Platyloma
Brownii. Ses frondes, qui sont articulées avec le rhizome rampant, sont
longues de 8 à 12 centimètres, parfois de forme elliptique lancéolée et
absolument entières, ou oblongues-ovées, avec un petit lobe ou deux à la
base, parfois distinctement pinnée, avec une, deux ou trois paires de
petites pinnules obtuses etune pinnule terminale acuminée-lancéolée, or-
dinairement plus grande, obscurément crénelée et légèrement velue en
dessous, sur les nervures. Les rachis et les stipes sont couverts de petits
poils courbes ; le rhizome est très-svelte et revêtu d'écaillés lancéolées ,
couleur de tan. Les nervures sont une ou deux fois dichotomes et termi-
nées en dedans du bord. La plante a fructifié modérément, l'été de 1854,
dans le jardin de la Société Royale de Botanique de Londres, et a montré
qu'elle était un Polypodium du groupe des Arthropteris, bien différente
par son rhizome mince et sa petite faille de toutes les autres espèces
de la même section de ce genre.
— 142 —
4° Pycnopteris. Th. Moore. — Etym. : de vokios, dense, serré , com-
pacte, et *Tipit%, fougère.
Sores médianes,circulaircs, très-grandes,
disposées contre les côtés par deux , trois
ou quatre séries irrégulières, indusiées.
Indusie arrondie-réniforme. Nervures di-
cholomes ; veinules allongées, parallèles-
courbes, libres, terminées contre les bords
par un point; les plus inférieures, l'anté-
rieure et la postérieure (parfois plus, ou
même toutes) de chaque fascicule , sori-
fères.
Pycnopteris Sieboldi. T. M. in Hort. Van Houlle. — Pyenoptère
de Siebold. — Syn. : Aspïdium Sieboldi, V. Houtte , cat.; Lastrea
Sieboldi, T. M. in Herb.
Fronde coriace, large pinnée , lisse;
pinnules peu nombreuses, obliquement
oblongues lancéolées , falquées, irrégu-
lièrement dentées; les inférieures pédon-
culées et inégalement cordées à la base ,
les supérieures sessiles et décurrentes;
sores grandes, nombreuses, irrégulière-
ment disposées en deux ou trois séries;
stipes écailleux inférieurement ; frondes
adhérentes. (Voy. PI. 26, fig. 3.)
Le Pyenoptère de Siebold est une remarquable fougère, d'un faciès
si spécial et d'un port si d fièrent de celui des autres Aspidium à ner-
vures libres, qu'on peut raisonnablement proposer de l'en séparer. Il est
d'un aspect fier et raide, d'une couleur verte très-foncée, et cherche sa
beauté ailleurs que dans la délicatesse habituelle des fougères, ce qui le
rend précieux pour les effets de contraste. Il croît à la hauteur de trois
décimètres ou plus; la partie foliée des frondes est aussi large que longue
et consisteen d eux ou quatre paires de pinnules très-épaisses, ayant la
consistance du cuir et une pinnule terminale plus grande. Les pinnules
des frondes stériles sont longues de lu2 à 20 centimètres, obiongues-
lancéolées, falquées, acuminées et légèrement ondulées, portées sur un
stipe de 9 à 42 centimètres, très-robuste à la base et couvert, là, d'écaillés
longues, étroites et terminées en poils. Les frondes fertiles qui portent
des sores partout, sont élevées sur des stipes plus longs que les stériles
et sont de plus quelque peu contractées, les pinnules les plus parfaites
ayant environ deux centimètres et demi de largeur tandis que sur les
frondes stériles elles mesurent quatre centimètres. Les sores sont très-
grandes, noires, très-fournies et soutenues par une sorte de réceptacle
élevé. La vernation est particulière. Le rhizome ou caudex, auquel adhèrent
les frondes , s'accroît tout-à-fait verticalement et la pointe développée
au-delà de la base des frondes parfaites, de manière à montrer deux
ou trois séries de frondes naissantes, ayant une disposition décussée.
Cette fougère a été fournie à M. Van Houtte par M. Von Siebold, comme
originaire du Japon ou de la Chine. Elle croît bien en serre tempérée;
mais on peut la dire rustique depuis qu'elle a survécu à l'hiver de
1854-1855, dans le jardin de M. Ward à Clapham, et en plein air.
— 143 —
sans aucune protection, dans le jardin de M. East, Esq. à Blackleath,
duché de Kent. On peut l'obtenir avec beaucoup de facilité de ses spores.
Le genre Pycnopteris se rapproche des Laslrea par sa fructification ,
et des Polystichum par sa nervation : ces nervures sont absolument
semblables à celles des scolopendres.
5° Davallia dissecta. J. Smith. M. S.; Etym. : du nom du bota-
niste Edmond Davall de Orbe, dans le canton de Berne. — Gard. Mag.
Bot. iii., 325. — Davallie découpé.
Fronde délicate, glabre triangulaire,
très-pinnée , sub-membraneuse ; pin-
nules allongées, triangulaires, acuminées,
les inférieures obliques; les dernières
oblongues, profondément pinnatifides , à
segments linéaires entiers ou bifides ;
racbis et nervures moyennes ailées ; sores
occupant la pointe des segments; sou-
vent munies d'une petite dent extérieure;
involucres linéaires, en forme de petite
coupe; rhizome allongé, grimpant, très-
écailleux, à écailles subulées, fimbriées;
frondes articulées.
(Voy. PI. 26, fig. 4.)
Le Davallie découpé est une très-élégante fougère de serre chaude,
mais pouvant aussi croître dans une atmosphère tranquille sans l'in-
fluence d'une haute chaleur. Les frondes sont d'un vert pâle agréable et
sont très-divisées ; elles sont longues de trois à cinq décimètres.
Elles sont dans leur ensemble triangulaires ou plus ou moins penta-
gones, par suite du grand développement des pinnules inférieures; les
autres pinnules sont étroites, allongées, triangulaires-acuminées; les
pinnules primaires et secondaires sont oblongues; les segments étroits
linéaires, entiers ou avec une entaille superficielle à la pointe. Les sores
sont situées à la pointe des lobes et ont, par occasion, une petite dent
du côté extérieur, très-rarement une seconde du côté interne; les invo-
lucres sont en forme de coupe linéaire. Cette fougère, qui est native de
Java, fut introduite en 1849, par MM. Rollisson; c'est une des formes
les plus élégantes du beau genre Davallia et elle se cultive très-aisément.
6° Phlebodium multiseriale. Moore et Houlston, in Gen. and sp. of
Cuit. Ferns, ined. — Etym. : de <pA£/3a>«^?, vaisseau. — Phlebodie mul-
tisériée.
Fronde ample, sub-pinnée, verte, non
glauque; segments grands, lancéolés-acu-
minés, dilatés à la hase, entiers ; sores en
plusieurs séries de chaque côté de la ner-
vure médiane; rhizome rude, à écailles
brun pâle ; frondes articulées.
Le Phlebodium multiseriale est une noble fougère, du port et de
l'aspect du Phlebodium aureum, mais qui en diffère par la plus grande
largeur de ses segments, par l'absence complète de cette teinte bleuâtre
qui dominedans le P. aureum et par les nombreuses petites sores rangées
en quatre ou cinq séries sur toute la surface des segments. Les frondes
sont longues de fi à 12 décimètres, pinnatifides ou pinnées à la base;
_ \u —
ïes segments sont lancéolés, aeuminés, longs de 24 à 30 centimètres,
larges presque de 5 centimètres; les sinus sont étroits et arrondis et
non pas larges et obliques comme dans le P. aureum. La fructification
occupe la partie supérieure de la fronde ou parfois couvre toute la sur-
face de certaines autres. La plante vient de l'Amérique du Sud et fut
introduite à Kew, en 4850; plus récemment elle a été reçue du Deme-
rara. C'est une espèce d'un bel effet parmi les fougères de grande
taille.
(Pour être continué).
CULTURE DU SALVIA SPLENDENS,
Par M. Thomas Williams, de Liverpool (1).
il est à remarquer que le Salvia splcndens, aux brillantes fleurs
écarlates, est rarement cultivé avec tous les soins qu'il exige; je soumets
cette plante au traitement suivant, qui m'a toujours donné d'heureux
résultats.
Dès le mois de mai, je place trois ou quatre boutures au bord d'un
pot à fleurs de six pouces : dès qu'elles sont enracinées, je mets chaque
plante séparément dans un pot de même dimension, et sitôt qu'il est
rempli de chevelu je transplante dans les pots destinés à la floraison.
Les plantes ne réclament ensuite qu'un arrosage abondant et, par inter-
valles, de l'engrais liquide; elles doivent être mises en serre tempérée
et souvent pincées, jusque vers le mois d'août; dès cette époque on
peut les laisser croître librement.
Toute bonne terre ordinaire convient au Salvia splendens; il faut
seulement veiller à ce que le drainage soit bien établi, afin que l'eau
s'écoule facilement. Les plantes cultivées ainsi s'élèvent de six à huit
pieds et se couvrent, jusqu'à la Noël, d'une floraison abondante; nulle
autre n'est plus ornementale et n'égayé davantage pendant ces tristes
mois de l'année : ce Salvia se prête parfaitement à la culture en boule;
en conservant une tige-mère et enlevant toutes les autres, on obtient
aisément une belle tète fleurie.
Le Salvia speciosa (ou S. pulchdla de quelques-uns) est de plus petite
taille; en le conduisant convenablement, il forme un buisson nain,
couvert d'une floraison abondante; ses fleurs, d'un rouge brillant, sont
fort recherchées en hiver et au printemps, de même que celles du
1) Traduit du Floricuttural Cabinet
— 145 —
Salvia Gesneriflora, dont les grands épis produisent le plus bel effet
pendant les trois premiers mois de l'année. Les boutures doivent être
faites au mois d'août ; elles doivent passer l'hiver sous un bon châssis
sec qui les garantisse des gelées ; aux premiers jours du printemps on
les met en pleine terre où les plantes peuvent se développer librement.
En automne, lorsque les gelées sont à craindre, on les enlève avec la
motte de terre pour les mettre en pots et les rentrer dans la serre :
convenablement arrosées, elles fleurissent abondamment à l'époque
indiquée. Les plantes provenant des boutures d'automne deviennent de
forts pieds ; si l'on désire des plantes naines, on emploie des boutures
du mois d'avril.
SEMIS DE FOUGÈRES DE SERRE CHAUDE.
On remplit un pot de grandeur convenable avec de la terre de
bruyère sableuse , dont on laisse quelques parties s'élever au-dessus
des autres, de telle sorte que la surface soit inégale. On se contente
ensuite de jeter la semence des Fougères qu'on veut multiplier sur le
haut et sur les côtés de ces petites éminences. Ce genre de semis est
rendu nécessaire par l'exiguité de cette semence, et par la nécessité
de varier pour elles les conditions dans lesquelles elle se trouvera
placée à la suite de cette opération. On comprend en effet, sans peine,
que si on se contentait de la répandre sur de la terre formant une
surface unie, elle se trouverait toute soumise à la fois aux mêmes
influences d'humidité surabondante ou de trop grande sécheresse,
tandis que la formation de petites éminences, entre lesquelles se trouvent
des parties plus humides, permet toujours à un certain nombre de ces
graines de trouver ce qui leur convient.
La terre sur laquelle on veut semer a dû être préalablement échaudée
à l'eau bouillante, précaution qui a pour résultat de tuer les graines
de Fougères communes et rustiques qui pouvaient s'y trouver déjà,
comme celles de YAspidium Filis-Mas et de quelques autres, qui même,
malgré ce soin préliminaire, se montrent encore quelquefois.
Généralement, ces semis réussissent bien sous une cloche placée
dans la partie fraîche d'une serre de manière à ce que toute évapora-
tion soit empêchée; mais lorsque les jeunes plantes commencent à se
développer, elles ne s'accommodent nullement de ce genre de traite-
ment. On ne doit jamais arroser la surface des pots, mais on les main-
tient suffisamment humides en les posant sur une assiette où se trouve
un pou d'eau.
BEI G. HORT. T. VI. 16
— 440 —
MEUBLES ET ORNEMENTS DE JARDIN.
CHOIX DE PLANTES POUR LES GRANDS VASES
D'ORNEMENT (1).
L'auteur de l'article dont nous allons donner une analyse se plaint de
ce que les grands vases, qui prennent aujourd'hui une place de plus en
plus importante dans l'ornementation des jardins, ont presque toujours
des formes et des dimensions qui ne permettent pas d'y enfermer une
masse de terre suffisante pour nourrir des plantes. Il regrette aussi
qu'un peu plus de goût et de variété ne préside pas au choix des plantes
avec lesquelles on garnit ces vases , et qu'on n'adopte presque toujours
pour cet objet que des Pélargoniums à fleurs rouges , qui sans doute
fleurissent abondamment, mais qui n'ont ni la grâce ni l'élégance de
plusieurs autres végétaux également propres à ce genre de disposition.
Il n'est pas nécessaire, dit-il, de recourir à des plantes d'un prix élevé
pour obtenir un charmant effet avec les vases de ce genre ; souvent les
espèces les plus communes l'emportent pour cet objet sur une foule
d'autres plus remarquables par leur rareté. Ainsi il dit avoir vu un vase
rempli de Fougères indigènes qui était d'une beauté surprenante , et il
ajoute (jue beaucoup de Fougères exotiques seraient encore préfé-
rables à la plupart de celles de nos pays. Comme plantes à recommander
avant toutes sous ce rapport, il signale YAgapanthus umbellatiis et ses
analogues. De forts pieds d'Agapanthe, transplantés au mois de mai
dans les vases destinés à l'ornementation et ensuite arrosés abondam-
ment, cette espèce étant presque aquatique, produisent un très-bel effet
par leurs feuilles ensiformes et retombantes ainsi que par leurs belles
ombelles de fleurs bleues. Dans des endroits abrités et couverts, un
vase garni de Calla œthiopica est vraiment magnifique. L'auteur vante
aussi le Tritonia aurea comme très-beau avec ses fleurs d'un bel orangé
et ses feuilles étroites, pourvu qu'il soit planté en touffe épaisse. Le
Phormium tenax et quelques Yucca se recommandent par leur feuillage.
On peut encore trouver parmi les Glayeuls et les Iris un assez grand
nombre de plantes qui figurent très-bien dans les grands vases pour
décoration. Afin de rehausser l'effet de ces plantes, l'horticulteur anglais
(1) The. florish, fruitish and Gardai Miscellany, cahier d'août 1 855. — Journ. de
la Soc. Imp. et Cent, d'hort. de Paris.
— 147 —
conseille d'ajouter à leur touffe des plantes grimpantes ou à longues
tiges , qui puissent serpenter autour des bords du vase ou qui re-
tombent pour former des festons autour de la base. Les plantes qu'il
signale comme les plus convenables pour cette effet sont les Lophosper-
mum, les Maurandia bleu, rouge et blanc, les Tropœolum pentaphyllum
et speciosum, le Calystegia pubescens, le Campanula fragilis , les Lobelia
erinus et unidentata, et quelques autres plus petites, qui peuvent être
utilisées pour les vases de faibles dimensions.
SUR LE PIRCUNIA ESCULENTA, Miq.,
( Phytolacca esculenta ), comme plante potagère;
Par M. S. Regel.
L'introduction de ce nouveau légume remonte déjà à quelques
années, et M. Regel dit pouvoir porter maintenant un jugement sur
sa valeur réelle. Il n'a pas trouvé qu'il justifiât l'éloge qu'on en avait
fait à l'époque de son introduction.
On peut employer les feuilles de cette plante de la même manière
que les épinards; non-seulement elles ne valent pas mieux, mais encore
leur arrière-goût particulier et acidulé doit les faire regarder par la
plupart des personnes comme inférieures à notre épinard ordinaire.
En outre, la culture du Pircunia exige beaucoup plus de précautions
que celle de l'épinard. Si l'on opère de bonne heure, on peut récolter
les feuilles tout l'été, et il suffît même de rabattre les pieds pour leur
faire produire de nouvelles tiges. La racine volumineuse et charnue
de cette espèce passe parfaitement l'hiver en pleine terre; ainsi elle
s'est conservée en très-bon état, à Zurich, sans couverture, pendant
l'hiver dernier ; mais les gelées blanches font périr le jeune plant. Une
terre plantée de Pircunia donne des récoltes plusieurs années de
suite. On peut, pendant l'hiver, couvrir la terre avec du fumier court
qui suffira ensuite parfaitement comme engrais. Le produit devient même
très-abondant et plus assuré, les années suivantes, lorsqu'on procède
ainsi.
— IIS
ARBORICULTURE.
NOUVELLE VARIETE DE L'ARBRE AUX QUARANTE ECUS,
éditée par M. Jacob Makoy.
SALISBURIA ADIANTIFOLIA , VAR. LACINIATA ;
Par M. Edouard Morren.
Le genre Salisburia, de la famille des Conifères, a été fondé par
Smith (Transact. of Linn. Society, t. III) à la mémoire de Rich.-Ant.
Salisbury, botaniste anglais, auteur du Prodromus stirpium in Horto
Chapel Allerton viventium, 1796, et, avec la collaboration de Hooker, du
Paradisus Londinensis, 1800. La seule espèce bien déterminée est le
Salisburia adiantifolia Sm., plus connue sous le nom linnéen de Gincko
biloba : elle est originaire de la Chine où elle acquiert des dimensions
gigantesques. Bunge rapporte avoir vu près d'une pagode, aux environs
de Pékin, un Gincko dont le tronc de l'arbre mesurait plus de treize
mètres de circonférence. Son introduction en Europe remonte à l'an-
née 1727.
L'établissement de M. Jacob-Makoy, à Liège, a mis dans le com-
merce, l'année dernière, une variété nouvelle, complètement différente
du type et bien propre à exciter la convoitise des amateurs de coni-
fères en particulier et de beaux arbres en général. L'origine de cette
variété nous est inconnue. Dans l'espèce, les feuilles glabres, veinées,
portées sur des pétioles assez longs et flexibles, ont le bord supérieur
arrondi, inégalement crénelé et simplement divisé par le milieu en
deux lobes. Dans la nouvelle variété laciniala, les feuilles sont profon-
dément divisées en lanières minces, très-nombreuses, inégales, den-
tées, d'où le nom de laciniala. La végétation de cette variété est aussi
rustique que celle de l'espèce, mais on sait que la croissance de l'arbre
aux quarante écus est toujours faible et languissante dans le jeune âge
et que ce n'est qu'après avoir vaincu cette première faiblesse que la
plante pousse avec vigueur pour devenir l'un des plus beaux ornements
de nos jardins. La planche 27 est destinée à donner une idée de la forme
des feuilles du S. adiantifolia var. laciniala : elle représente un très-
jeune rameau en voie de développement; nous n'avons donc pu donner
aux feuilles toute l'ampleur qu'elles acquièrent.
— 149 -
PI. 27.
Salisburia ailianliiblia , var. laciniala
— 150 —
JARDIN FRUITIER.
MOYEN DE FORMER PROMPTEMENT LES ESPALIERS,
Par M. Du Breuil,
Professeur d'agriculture et d'arboriculture (1).
L'établissement des chemins de fer exerce la plus heureuse in-
fluence sur la production des fruits de table, en leur ouvrant une voie
prompte et facile pour arriver aux centres de consommation les plus
éloignés. Cette culture, bornée d'abord au voisinage des grandes villes,
s'étend de plus en plus, et constituera bientôt, pour notre pays , une
industrie nouvelle dont les produits se répandront sur tous les marchés
du nord de l'Europe. Aussi jamais on n'a tant planté d'arbres fruitiers,
jamais on ne s'est tant préoccupé de l'amélioration de leur culture : pra-
ticiens et amateurs rivalisent de zèle à cet égard, et nous ne doutons pas
que cet art ne parvienne bientôt à un haut degré de perfection , si ce
progrès se soutient encore pendant quelque temps.
Nous devons toutefois signaler ici une tendance fâcheuse, chez un
grand nombre de nouveaux adeptes de l'arboriculture fruitière. C'est
l'oubli du côté économique dans cette intéressante question. Ils se
torturent l'esprit pour imaginer de nouvelles formes à imposer à la
charpente des arbres, sans tenir compte du temps et des difficultés. Us
ne font ainsi que démontrer de nouveau , qu'avec du temps et de l'intel-
ligence, on peut soumettre la charpente des arbres aux formes les plus
variées et les plus capricieuses. Us ne songent pas assez à remplir ces
conditions, qui doivent cependant dominer toutes les autres , à savoir :
que la charpente des arbres fruitiers doit offrir une forme telle, qu'elle
puisse être constituée dans le laps de temps le plus court , avec le moins
de soins possible, sans perte d'espace et en conservant aux arbres leur
plus haut degré de fertilité, ou en d'autres termes, que l'on puisse tirer
d'une surface donnée, consacrée à cette culture, le revenu net le plus
élevé. Nous venons aujourd'hui proposer une forme propre à donner ce
résultat.
On sait que les formes le plus généralement employées pour les poi-
(1) Joiim. d'Agr. prat. de France.
— loi —
riers en espaliers sont telles, qu'il faut pour un mur de 2™, 50 d'élévation
un laps de temps de 16 à 18 ans avant que ces arbres ne couvrent entiè-
rement la surface qu'on a dû réserver à chacun d'eux, c'est-à-dire 16 à
20 mètres carrés. C'est trop attendre le produit maximum de ces arbres;
car pendant ce temps l'intérêt du prix du sol, de la construction des
murs et des frais d'entretien, n'est payé que d'une manière très-insufti-
sante par le produit. Nous avons déjà décrit dans la troisième édition
de notre traité d'arboriculture, sous le nom de cordon oblique double,
une forme de charpente qui , appliquée contre des murs d'au moins
2ra,50 d'élévation, permet de terminer complètement les espaliers de
poiriers, pommiers, pruniers, cerisiers et abricotiers dans l'espace de
six à sept ans. Celles que nous conseillons aujourd'hui (PI. 28) et qui
n'est que l'application aux espèces précédentes du cordon oblique simple
que nous avons imaginé en 18-43 pour le pêcher, donne un résultat
plus prompt encore, puisqu'on atteint le même but à la fin de la troi-
sième ou de la quatrième année. Voici comment on devra procéder pour
un espalier de poiriers :
Choisir des arbres d'un an de greffe, sains et vigoureux, greffés sur
coignassier , pour les variétés très-vigoureuses, et sur franc pour les
autres. Les planter le long des murs en laissant entre chacun d'eux un
PI. 28.
Espalier en cordon oblique simple i système Du Breuil).
— 152 —
intervalle de trente-cinq centimètres seulement. Les incliner, en les plan-
tant, sur un angle de 60°, puis retrancher le tiers de la longueur
totale de la tige. Favoriser le développement du bourgeon terminal,
en appliquant pendant l'été le pincement aux bourgeons latéraux pour
les transformer en rameaux à fruit. L'année suivante, lors de la taille
d'hiver, retrancher le tiers de la longueur totale du nouveau prolonge-
ment et donner aux rameaux latéraux les soins ordinaires pour en faire
des rameaux à fruit. Soumettre, pendant l'été, les nouveaux bourgeons
aux mêmes opérations que précédemment. Répéter ces soins chaque
année jusqu'au moment où la tige a parcouru les deux tiers de l'espace
qui la sépare du sommet du mur. Alors incliner la tige sur un angle de
45° lors du palissage d'hiver, et continuer de l'allonger jusque sous le
larmier. Ce but sera atteint vers la fin de la troisième ou de la quatrième
année, et l'espalier sera ainsi terminé et en plein rapport. 11 n'y aura
plus toutefois qu'à compléter la charpente du premier et du dernier
arbre de l'espalier en leur donnant la forme qu'indique notre figure,
afin qu'il ne reste aucun vide sur le mur.
On peut donc obtenir avec cette nouvelle disposition, vers la cin-
quième année, un produit maximum qu'on était obligé d'attendre
avec les anciennes formes pendant seize ou dix-huit ans. Il convient en
outre de signaler la simplicité de cette forme, qui rend son exécution
facile même pour les jardiniers les moins exercés , la possibilité de
réunir un grand nombre de variétés différentes sur un petit espace,
enfin la promptitude avec laquelle on peut remplir l'intervalle laissé
libre par la mort accidentelle de l'un de ces arbres. On peut craindre
il est vrai, que le peu d'intervalle laissé entre les arbres (0m,35) ne
soit insuffisant pour le développement convenable de leurs racines;
mais cette objection tombe d'elle-même si l'on songe au peu d'étendue
de la tige et à l'espace dont les racines peuvent disposer en avant du
mur. Si l'on redoute, au contraire, que la tige ne soit trop restreinte
et que cela ne nuise à la formation des boutons à fleurs par suite d'un
excès de vigueur, il suffira d'examiner la fertilité des nombreux espa-
liers de pêchers soumis à notre forme en cordon oblique simple pour
voir s'évanouir cette crainte. Une seule objection reste, c'est qu'on
ne pourra convenablement établir cette forme que contre un mur
offrant au moins trois mètres d'élévation. Les murs plus bas ne per-
mettraient pas aux tiges d'acquérir une longueur suffisante, et leur
excès de vigueur nuirait alors à leur mise à fruit. Disons en terminant
que ce cordon oblique simple, avec plantation à 0m, 35, peut être appliqué
avec le même succès aux pommiers, pruniers, cerisiers et abricotiers
en espalier ou en contre-espalier, pourvu que le support de ces derniers
ait au moins trois mètres de hauteur
Poiiv SanOmnolo.
— 153 —
POIRE SANGUINOLE ;
Pau M. Edouard Morren.
Cette poire est décrite dans la plupart des grands traités de pomo-
logie; mais nous n'avons pas été peu surpris en lisant qu'on ne la culti-
vait guère que pour son originalité et que sa chair était insipide. Si cela
est vrai de l'ancienne sanguinole nous ne craignons pas d'avancer que
celle du pays de Liège constitue une race spéciale, car sans être de pre-
mier choix, les poires que nous avons dégustées cet automme étaient très-
bonnes. La chair n'est ni tout-à-fait ferme, ni tout-à-fait fondante; elle le
serait sans une certaine quantité de sable du côté des pépins ; elle a un
goût.... de poire bien entendu, mais assaisonné d'un arôme qui rappelle
la framboise, la fraise, la cerise, en un mot tous les fruits à chair rouge.
Cet arôme a sa raison d'être dansla matière colorante rouge qui im-
prègne tout le tissu de la sanguinole et qui est la même que celle de la
cerise, de la groseille, de la framboise, etc.
L'arbre a les feuilles grandes, farineuses et présentant ce caractère
particulier qu'elles sont plus larges que longues. Le fruit est petit, de 6
à 7 centimètres de hauteur, ovoïde globuleux, un peu irrégulier; le pé-
doncule est inséré latéralement. La peau est assez épaisse, adhérente, à
fond vert, tachée et marbrée de rouge, marquée et mouchetée de nom-
breuses petites taches brunes, très-abondantes surtout vers l'ombilic, et
que l'on retrouve même sur la queue. L'intérieur du fruit est réellement
admirable; la chair est rouge pivoine, marié à des teintes roses et blan-
ches. Cette chair ressemble à du sang, à s'y méprendre, ainsi que le
prouve l'anecdote suivante. Un de nos principaux pépiniéristes liégeois,
dont le nom a été souvent cité dans ce recueil, employait depuis quelque
temps, comme journalier, un ouvrier forgeron , momentanément sans
ouvrage, lorsqu'il s'aperçut que bon nombre de ses fruits, et des meil-
leurs, disparaissaient; il allait se livrer à la recherche du coupable quand
il fut prévenu par notre jardinier-forgeron, qui accourut vers lui tout
effaré, lui assurant qu'il venait d'éprouver un violent crachement de
sang : il tenait encore en main la moitié d'une poire sanguinole qu'il
supposait teinte de son sang. Notre pépiniériste n'eut pas de peine à con-
naître son voleur, et il le renvoya se soigner chez lui.
La sanguinole mûrit dans la seconde moitié d'octobre. Servie en mar-
melade ou en compote, elle constitue un plat charmant, d'un goût très-
agréable.
- 154 —
PHYSIOLOGIE VEGETALE.
*■ r
DE L'ORIGINE DES ESPECES EX BOTANIQUE ET DE L'APPARITION
DES PLANTES SUR LE GLOBE ,
Par M. A. Malbranche.
[Suite) (1).
Citons encore d'autres témoignages de la fixité des types spécifiques.
Linné, revenant sur les idées exprimées dans ses premiers ouvrages,
part du principe « qu'il y a autant d'espèces que l'Etre infini produisit au
» commencement de formes diverses sur la terre (2). »
De Candolle déclare que les espèces sont permanentes. « Tout indi-
vidu, dit-il, provient d'un autre semblable à lui; tous les faits certains
»nous conduisent à cette opinion qu'on n'attaque qu'en combinant des
«faits douteux ou ambigus (3). »
Fée, qui admet cependant un ordre progressif de types qui se déve-
loppèrent successivement sur le globe, de plus en plus préparé pour des
créations plus parfaites, reconnaît néanmoins la fixité pour ces formes
nouvelles et fait cette sage réflexion qui me semble un peu la progres-
sion naturelle qu'il admet d'abord. « Si le hasard, dit-il, présidait seul à
»la création des corps organisés, et si la nature n'assurait point leur repro-
»duction d'une manière fixe et immuable, les mêmes formes ne seraient
«jamais reproduites et tout rentrerait bientôt dans le chaos (4). »
M. Godron, dans un mémoire remarquable, établit, d'une manière
incontestable, la fixité de l'espèce sur laquelle le climat, le terrain, les
milieux ne peuvent produire que des modifications légères accidentelles,
sans jamais altérer les caractères importants, qui sont invariables. Le
climat tue les espèces plutôt que de les modifier (5).
Je lis dans Cuvier : « On n'a aucune preuve que toutes les différences,
»qui distinguent aujourd'hui les êtres organisés, soient dénature à avoir
»pu être produites par les circonstances (6). »
(1) Voy. livraison de janvier, p. 12-5.
(2) Phil. bot.
(ô) Uict. des se. natur. de Levrault. art. Géographie bot.
(4) Essai sur les Cryptogames. Introduction, p. X.
(ô) De l'espèce et des races dans les vires organisés.
(li) Règne animal, Introduction.
De Jussieu, Flourens, Milue Edwards, de Blainville partagent Ja même
upinion.
Si donc, dans la période moderne, rien ne peut faire supposer que la
multiplicité des espèces est le résultat des modifications produites par
les influences extérieures, est-on bien fondé à déclarer qu'il en fut au-
trement dans les périodes antérieures? Sans doute, la jeunesse des plantes
et la puissance de changements atmosphériques ou géologiques, dont on
peut à peine estimer la valeur, ont pu réagir plus énergiquement que les
phénomènes analogues actuels ; mais enfin ce n'est là qu'une supposition
gratuite que rien ne vient appuyer. Il eût fallu, d'ailleurs, que cette action
des agents extérieurs eût été assez forte et assez profonde pour faire
passer les plantes, non-seulement d'une espèce à une autre espèce, mais
d'un genre à un autre genre; car les plantes fossiles, que nous retrou-
vons , diffèrent considérablement de celles existantes aujourd'hui.
A très-peu d'exceptions près, elles appartiennent toutes à des genres
particuliers. La paléontologie nous enseigne ce fait très-remarquable et
très-important : qu'elle n'a point constaté, avec évidence, de formes in-
termédiaires, transitoires, faisant passage d'une espèce à une autre (1).
La mutabilité des espèces, si elle était possible, ne se concevrait que
par l'action lente et continue de causes de plus en plus prononcées,
agissant graduellement sur les êtres. N'est-ce pas ainsi que les varia-
tions s'obtiennent , que les naturalisations se font , tandis que des
changements brusques et subits font périr les végétaux , mais ne les
modifient pas ?
Permettez-moi de citer encore à ce sujet De Candolle, qui a généra-
lement mis tant de prudence dans ses conclusions : « Quelle complica-
tion d'hypothèses ne faut-il pas admettre pour conclure que les êtres
«actuels sont des modifications de ceux qui ont été détruits? On conçoit
«sans peine qu'une grande révolution terrestre a pu détruire les êtres
«alors existants, à peu près comme une inondation locale détruit les
«animaux elles plantes d'une vallée. Mais pour que ces êtres se fussent
«transformés en d'autres, il faudrait supposer, contre les faits géolo-
«giques, que ces révolutions ont été très-lentes; et, contre les faits or-
«ganiques, que les espèces peuvent se modifier en espèces, genres ou
«classes différentes (2). »
M. Geoffroy St.-Hilaire fait observer que si toutes les espèces avaient
existé tout d'abord, comme il en disparaissait à chaque révolution du
(1) C. D'Orbigny rtA. Gente; foc. cit.
(-2) Physiolog. végct.
— 156 —
globe, le nombre des espèces devrait décroître, et c'est le contraire qui
a lieu (1). De cette prétendue augmentation des espèces, il tire un argu-
ment en faveur de la transformation des types, se multipliant avec les
diverses influences qu'ils subissent. Voyons ce que vaut cette assertion?
Sur quoi se fonde-t-on pour prétendre que le nombre des plantes aug-
mente? Le dénombrement des premières époques est encore à faire, et
l'on n'en saurait vouloir dresser le catalogue avec les espèces fossiles
maintenant au nombre de quelques mille. Les plantes augmentent,
mais c'est dans nos Flores, dans nos herbiers. Si elles ont presque
quadruplé depuis Linné (2), c'est qu'on a exploré un bien plus grand
nombre de pays; c'est qu'on a distingué beaucoup de formes que les
anciens botanistes avaient réunies ou confondues. «Il est certain, dit
M. Jordan, qu'il y a eu augmentation d'espèces ou de races dans les
livres de la science, dans les catalogues du commerce; mais rien ne
prouve qu'il y ait eu augmentation correspondante dans la réalité des
choses, c'est-à-dire, qu'il y ait eu des créations nouvelles (3). » La
France a sans doute été bien explorée, eh bien ! il n'y a pas d'année
que l'on ne distingue ou ne découvre encore plusieurs espèces nouvelles.
Sont-ce des dérivations d'autres types? sont-ce des créations nouvelles?
Rien de tout cela. Elles n'avaient point été remarquées. Que de landes, de
forêts, de rivières, de montagnes au monde où l'œil exercé d'un bota-
niste n'a point encore pénétré, et où végètent certainement beaucoup
de plantes inconnues que découvriront les explorateurs à venir et qui
augmenteront encore nos catalogues.
On a conclu aussi du règne animal au règne végétal pour affirmer la
mobilité des espèces. Les races humaines et celles des animaux domes-
tiques ont fourni des arguments qui semblaient, au premier abord, diffi-
ciles à réfuter. Mais l'observation a démontré que les caractères qui
distinguent ces races n'ont aucune importance en classification. Les
caractères fondamentaux des espèces, tirés de la dentition et de la con-
nexion des os, ne sont nullement altérés chez les diverses races de
chiens, par exemple. Les croisements féconds, qui font disparaître ces
différences, l'influence bien manifeste de la nourriture, du climat, des
habitudes, joignez-y, pour les races humaines , celle des mœurs, de la
(1) Cours de Zoologie, p. XII.
(2) Linné portait à 8,000 le nombre des plantes connues, cl évaluait a <\vu\ et
trois fois ce nombre la totalile de celles ilu globe. Do Candolle estimait que cette Kjta
lité devait être de 110 à 120 nulle. M. Jordan pense qu'on en distinguera encore
autant.
(5) Loc. citai.
— 157
religion, du langage, t'ont bien voir que ces variétés ne sont qu'un acci-
dent et n'ont qu'une iixité relative. Toutes ces formes, déviations pas-
sagères d'un type, qui reparaît dès que cessent les influences qui l'a-
vaient modifié, sont bien des races et non des espèces nouvelles et
ne prouvent rien contre la fixité des types spécifiques dès qu'il est
reconnu que les caractères qui les distinguent n'ont aucune valeur
organique.
Dans le règne végétal on obtient ou on rencontre aussi des races et
des variétés. La plupart disparaissent avec les causes qui les ont pro-
duites. Nous avons déjà vu que les hybrides et les variétés, qui s'écartent
trop des caractères de l'espèce, reviennent par la reproduction au type
primitif ou sont frappées de stérilité. La nature ne permet pas que ces
formes anormales se perpétuent et jettent de la confusion dans les types
qui sont son ouvrage.
On se fait généralement une fausse idée de ce qu'il faut entendre par
espèce. L'espèce n'est point le groupement arbitraire des individus qui
se ressemblent, pas davantage une création méthodique pour aider notre
mémoire. L'espèce est l'œuvre de la nature , ou plutôt du Créateur.
C'est cette forme typique, spéciale, originelle, indélébile, inhérente au
germe et dont il a été marqué , quand il a été créé. C'est cette forme
propre, constante, ineffaçable, que rien n'arrête et ne modifie grave-
ment dans son développement, qui brave les obstacles, ou bien la ma-
tière elle-même qu'elle caractérise , qu'elle spécifie , y succombe.
Rien ne ressemble plus quelquefois à un germe qu'un autre germe.
En voici deux que le même milieu a reçus , la même nourriture leur est
présentée ; voyez cependant, à mesure qu'ils se développent, comme les
différences se prononcent, comme les types spéciaux se dessinent, comme
cette prédestination finale, invincible, innée en chacun d'eux se montre
de plus en plus malgré l'uniformité des circonstances. L'un est devenu
cette humble Renoncule qui tapisse de ses corolles de neige la surface de
l'eau ; l'autre , ce superbe Nénuphar dont les périanthes dorés sont un
des plus beaux ornements des eaux tranquilles et solitaires. Ne sentons-
nous pas qu'il y a là quelque chose, indépendant de l'atmosphère, du
sol, de la température. Il y a là un atome, un germe, descendant et héri-
tier d'un aïeul, fécondé au commencement par la volonté divine, et dont
la vie suit forcément son cours dans les circonstances pour lesquelles il
a été créé.
L'espèce est un type de raison dont les caractères que nous saisissons,
sont la manifestation, l'expression. « Le fonds essentiel , observe très-
» judicieusement M. Jordan, qui nécessairement préexiste au développe-
»ment et produit ce développement, est conçu par la pensée comme
— 158 —
«absolument un et indivisible, par conséquent comme immuable et
«inaltérable.... Le fonds commun, identique chez tous les individus qui
«représentent une même forme spécifique, c'est là l'espèce (1). »
Cherchons maintenant dans un autre ordre de considérations des élé-
ments de conviction. Dans une matière où l'expérience fait souvent
défaut, les preuves de raison vont nous éclairer.
C'est se faire, ce me semble, une singulière idée de la puissance créa-
trice que de supposer qu'elle ne produisit d'abord que des êtres impar-
faits, sans caractères définis, sans formes constantes, et qu'il fallut les
influences du temps et de l'habitude pour les perfectionner et fixer leur
organisation. Les plantes n'auraient donc pas été créées pour les milieux
où elles sont placées, pour les influences qu'elles subissent. Dans cette
hypothèse qui va jusqu'à considérer le règne végétal «comme un grand
«arbre dont les racines, mystérieusement cachées dans les profondeurs
«des temps cosmogoniques, auraient donné naissance à un nombre limité
«de tiges, successivement divisées et subdivisées.... Ces premières tiges
» représenteraient les types primordiaux du règne, leurs dernières rami-
«fications seraient les espèces actuelles (2);» dans cette hypothèse, dis-je,
l'olivier, l'oranger, le riz, n'auraient donc point été créés, dès le com-
mencement, pour les brûlants climats du soleil ; ni le blé , le pommier,
les conifères, pour les zones refroidies du Nord. Il nous faudrait ad-
mettre que des végétations indécises, uniformes, devinrent riz ou blé,
produisirent des pommes ou des oranges, selon les conditions biolo-
giques où elles se sont trouvées.
Voilà , clans toutes ses conséquences, ce système de perfectionne-
ment des espèces. « Cette théorie conduit à un abime , dirai-je avec les
auteurs de la Géologie appliquée. » De là au matérialisme il n'y a que la
main. On lui fournit ainsi des armes terribles. Si l'on ne conclut pas la
même proposition, on part à peu près des mêmes prémisses. On ne dit
pas : « La vie, comme la matière, est de toute éternité ! Rien n'est fait de
rien; créer ne peut donc être qu'une modification heureuse de la matière...
il n'y a pas d'autre création. » On ne dit pas : «De génération en géné-
ration la nécessité de nouvelles habitudes, les efforts continus qui s'en
sont suivis ont pu rendre l'habitant d'un élément propre à un autre élé-
ment... Si le serpent est la succession du ver, le renard l'embryon du
lion, le lion celui de l'orang ou de l'éléphant... de la progression intelli-
( 1 ) Loc. cilat.
(2) Naudin; Considéré philosophiq. sur l'espèce, o\c. Loi-, citât.
— 159 —
génie de ce dernier pourra naître l'homme (1) !..» Théorie monstrueuse,
qui ravale l'homme au niveau de la brute et fait de son intelligence, cet
apanage sublime de son être, un instinct plus parfait. Théorie impie qui
exalte la matière et se passe de la divinité.
Les savants que j'ai cités ne vont pas si loin ; on veut bien faire une
exception pour l'homme. Ils ne tirent pas de leurs théories ces consé-
quences qui en découlent pourtant : la matière, est une ; ce sont les in-
fluences diverses qui font la variété des résultats. Après chaque révolution
géologique, les espèces se trouvaient modifiées en se perfectionnant.
Ainsi , nouveaux phœnix, et plus heureuses que cet oiseau célèbre, les
plantes renaîtraient de leurs débris, plus parfaites que leurs ancêtres.
Une seconde considération sur laquelle s'appuient les partisans de la
progression, c'est la gradation d'organisation, observée parmi les fos-
siles, à mesure que l'on se rapproche de l'époque actuelle. Mais de ce
que cette progression existe , doit-on en conclure nécessairement à la
transformation des espèces primitives? Non, sans doute; il convient de
voir si cette assertion ne contredit point les principes les plus certains de
la science ni les quelques données qu'il a plu à Dieu de nous révéler
sur son œuvre. Nous savons déjà que la science et la raison sont loin
d'être favorables à ce système ; nous verrons tout-à-1'heure s'il peut se
concilier avec les textes sacrés ; mais voici qui va lui porter un coup
mortel.
Cette gradation successive de l'apparition des êtres n'est rien moins
qu'exacte, et, si la majorité des observations semble la confirmer, la
minorité des espèces qui font exception est toujours un obstacle invin-
cible à la loi des perfectionnements. Dans le règne animal, où cela sem-
blait le moins faire de doute, écoutez ce qu'en pensent les auteurs les
plus récents : « Ce degré successif de perfection a été exagéré. Il n'est pas
» exact dans toutes ses parties, puisqu'on trouve dans les terrains anciens
»des mollusques, des reptiles et des poissons d'une organisation très-
» complexe, tandis que les terrains modernes recèlent des genres de ces
«animaux d'une apparence très-simple (2). » «Les classes d'animaux, à
«l'exception de 2 sur 19 (mammifères et myriapodes), ont marché paral-
«Ièlement et non successivement... Il résulte de ce qui précède que les
«animaux, loin de perfectionner successivement leurs organes et de pas-
«ser par tous les degrés de perfection dans les âges du monde, ont sou-
(1) Boucher de Perthes. Essai sur Vorif/inc cl l'apparition des êtres ; T. I, pag.
317 et suiv.
(1) C. d'Oruigny cf A. Gknte. Loc.citat.
— 160 —
«vent à cet égard, moins gagné que perdu dans quelques embranche-
»ments, ou sont au moins restés stationnaires ; ce qui exclut tout-à-fait
»la marche croissante, générale, du simple au composé, dans le cours
«des âges géologiques (1). »
Les auteurs de la Flore fossile d'Angleterre, MM. Lindley et W. Hut-
ton, rejettent aussi la théorie de progression, soutenue par M. Bron-
gniart, en se fondant sur ce qu'on n'a pas encore découvert dans la
houille de cryptogames inférieurs (champignons, mousses), sur l'ahsence
ou la petite proportion de monocotylédonées herbacées, dans les couches
anciennes (2). On répond à cela que la délicatesse de ces plantes ne leur
aura pas permis de résister aux événements qui ont bouleversé le globe
et que, si on ne les retrouve plus, leur petite taille a pu aussi les dé-
rober aux recherches. Mais on peut encore objecter à la progression que
l'on trouve déjà des dicotyiédonées, dès la première période, dans ce
terrain houiller (3), qui recèle les vestiges de la première végétation ;
dicotyiédonées qui seraient le dernier terme d'une progression d'orga-
nisation déplus en plus complexe, et aussi ces fougères arborescentes,
ces Cicadées gigantesques, dernier terme d'une progression en vigueur
et en puissance.
Enfin je me demande, à ce point de vue, comment on explique qu'il
existe encore des cryptogames et des monocotylédonées, si ces plantes
ont été la première évolution du règne végétal et si les influences exté-
rieurs pouvaient les modifier à ce point de les changer en dicotyiédo-
nées. Je me demande encore par la même raison, comment il a pu y avoir
sitôt des dicotyiédonées , dont le nombre est assez grand encore en y
comprenant avec M. Lindley, le genre fossile Sigillaria, puisqu'on dé-
clare que cette organisation plus parfaite n'est que le résultat des causes
extérieures.
(La fin à la prochaine livraison.)
(1) A. d'Orbigny. Cours élément, de Paléontologie. 1850.
(2) A. De Candolle. Introduction à l'étude de /a botanique.
(ô) A. Brongniart. Prod. du végét. /hss. — C. d'Orbigny et A. Gente. Loc. cit.
Gloximas.
i. Mademoiselle Brialmonl . 2. Général Brialmont . 3.Cornélie
4 Marie l.co'rcllo. D.Louis Leûrelle.
— 161 —
HORTICULTURE.
NOUVELLES VARIÉTÉS DE GLOXINIAS,
De la collection de Madame Legrelle d'Hanis ;
Par M. Edouard Morren.
Nous présentons, ci-contre, à nos lecteurs, l'iconographie de quelques
variétés nouvelles du genre de plantes fondé par l'Héritier en l'honneur
du botaniste P.-B. Gloxin, de Strasbourg, le genre Gloxinia : ce sont
des spécimen d'une des collections les plus nombreuses et les mieux
choisies de la Belgique, celle de Mme Legrelle d'Hanis, d'Anvers, dont les
soins éclairés et persévérants, qu'elle veut bien donner à ces brillantes
Gesnériacées, ont été couronnés du meilleur succès. Deux des variétés
dont nous publions le portrait (PI. 30, n° 2 et 5) appartiennent à la sec-
tion remarquable des erectœ, à corolle droite, dressée, la plus estimée
aujourd'hui dans le monde horticole. Ces Gloxinias sont aussi appelés
Gloxinia Fyfiaria, du nom de celui qui les a le premier fait connaître
en 4845, M. Fyfe, jardinier à Rothesay dans le Beteshire. Ils méritent
sous tous les rapports l'affection des amateurs et l'attention desbota-
nistes. Leur port est préférable à celui des nombreuses variétés de
Gloxinia speciosa; les fleurs sont droites, agréablement colorées et régu-
lières; elles sont d'un effet admirable dans les bouquets. Elles étonnent
le botaniste par leur insertion dressée, le tube droit de la corolle, le
limbe régulier, étalé et surtout par la présence de cinq étamines égales,
et non didynames, par suite du développement, tout-à-fait inattendu
chez une Gesnériacée, et de la fertilité de l'étamine rudimentaire. Ces
caractères sont essentiels et il est bien difficile d'admettre que les
Gloxinia erecta des horticulteurs soient le résultat d'une hybridation :
ils ont même une importance au moins générique.
MIle Brialmont , qui entoure les fleurs de soins charmants et de
tendres sollicitudes, a bien voulu accepter, de Mme Legrelle d'Hanis,
l'hommage de l'une des plus fraîches et des plus gracieuses variétés de
Gloxinia de sa collection. Les autres variétés dessinées sur la planche,
portent les noms de M. le Général Brialmont, aide-de-camp de Sa Ma-
jesté le Roi, Cornélie, Mlle Marie Legrelle et M. Louù Legrelle.
RELG. HORT. T. VI.
— 162 —
CULTURE DES GLOXINIAS,
D'après la méthode d'un amateur anglais du Derbyshire.
Les Gloxinias, si nombreux et si généralement répandus dans les
cultures, sont originaires des contrées tropicales où on les rencontre
croissant dans les taillis et les lisières des épaisses forêts, sur un sol noir
formé par la décomposition des feuilles et des écorcesqui tombent chaque
année. Us y sont, en outre, soumis à des pluies torrentielles, suivies
de l'action d'une vive lumière et d'un air pur. La chaleur bienfaisante
et humide qui en résulte provoque le développement de leurs belles
feuilles charnues et de leurs charmantes fleurs blanches, azurées ou
roses, avec une rapidité qu'il serait impossible d'atteindre dans nos
serres chaudes d'Europe.
Pendant l'hiver je conservais les variétés des Gloxinias, en feuilles,
dans une petite serre chaude, dont la température descend rarement en
dessous de 16° pendant le jour, et de 15° pendant la nuit. Au commen-
cement de mars j'examinais les plantes, leur donnais un supplément de
ehaleur et pendant toute la durée de l'été elles fournissaient une admi-
rable fleuraison, que je ne crois cependant pas comparable à celle qui
doit se produire dans les stations humides de l'Amérique Méridionale.
Décidé à suivre les indications de la nature, je commençai l'avant-
dernier automne à diminuer graduellement les arrosements. Au mois
de novembre une trentaine de mes plantes étaient complètement flétries
et je les débarrassai des feuilles et des tiges mortes. Après ce, elles
furent enfouies, avec quelques Gesnérias, sous une couche de vieux
tan d'un pied d'épaisseur, où elles restèrent jusqu'au milieu de février,
époque à laquelle je les trouvai commençant à pousser hors de leurs
pots. Je préparai alors le compost suivant dans la serre chaude pour lui
donner la température convenable : terreau bien consommé provenant
d'un vieux chêne , terre de bruyère sableuse et sable blanc, en parties
égales, auxquelles j'ajoutai environ un cinquième d'argile tourbeuse.
Au-dessus du drainage je plaçai une couche de terreau de feuilles et de
bois à moitié consommé et je donnai aux plantes des pots de seize ou de
trente-deux, suivant leur force. Après le rempotage elles reçurent un
bon arrosement et furent soumises à une température de 18 à 23 degrés
centigrades ; pendant tout le temps que les feuilles mirent à se faire jour
au travers du sol , on distribua l'eau avec prudence, mais on maintint le
sol humide et l'on plaça quelques réservoirs d'eau autour des plantes
pour saturer l'atmosphère de vapeurs aqueuses. Lorsque les feuilles
eurent atteint un certain développement, les arrosements furent plus
fréquents, et soir et matin on les mouillait à l'aide d'un petit arrosoir
— 163 —
avec de l'eau portée à la température de la serre. Une fois la semaine je
leur distribuai de l'engrais liquide, ce qui leur donna une vigueur ex-
traordinaire. Les plantes commencèrent à fleurir vers le milieu d'avril ,
et, à la mi-juin elles brillèrent de tout leur éclat, surpassant tout ce
que j'avais vu auparavant. Quelques plantes avaient plusieurs tiges de
douze à seize pouces de hauteur, surmontées de nombreuses fleurs :
sur l'une d'elles je comptai soixante-sept fleurs parfaites en même
temps. Sur un pied de G. speciosa je trouvai soixante-treize superbes
fleurs ouvertes, et pendant toute la durée de la saison il ne me donna
pas moins de cent soixante-dix corolles. La plante mesurait , depuis
l'extrémité d'une feuille jusqu'au côté opposé , deux pieds de diamètre;
chaque feuille avait neuf pouces de largeur. Un G. candida portait
quarante fleurs ouvertes à la fois.
Le reste de ma collection (cent quarante plantes) ne fut pas recouvert
de tan, les tiges et les feuilles ne me paraissant pas assez fanées; mais il
fut conservé, tout-à-fait sec, dans une température de quatorze degrés.
Ces plantes ne furent pas excitées avant le commencement d'avril ; elles
fleurirent après celles du premier lot, mais sans atteindre la même per-
fection. Je suis convaincu que beaucoup d'horticulteurs distingués ne
consentiront pas à laisser sécher leur plantes en automne, craignant de
les voir périr par trop de siccité ; il est certain qu'en laissant les plantes
dans la serre chaude, où la température est de seize à dix-sept degrés
et où l'air est saturé d'humidité, elles doivent être plus on moins ex-
citées et que lorsqu'elles commencent à sortir de la période de repos ,
beaucoup d'entre elles seront parfaitement incapables d'absorber la nour-
riture qui leurest octroyée sous forme d'arrosement,et conséquemment
périront. Je puis cependant assurer que par celte méthode je n'ai
perdu aucune plante. Mais celles qui avaient été protégées dans le tan ,
se développèrent et fleurirent avec le double de vigueur de celles dont
les pots restèrent à l'air.
La multiplication des Gloxinias n'est pas plus difficile que leur cul-
ture ; elle se fait par boutures , divisions, par les feuilles ou par graines
qui sont toujours abondantes. Dans la culture du G. maculata il est
convenable de réduire les jets à deux ou trois au plus ; il s'élève alors
à deux ou trois pieds.
REVUE DE PLANTES NOUVELLES ET INTÉRESSANTES.
Tecoma fulva. Don. — Bot. Mag., tab. 4896. Don. Gen. Syst. v. 4,
p. 224. — De Cand. Prod. v. 9, p. 224. — Synon. : Bignonia fulva,
Car. le. v. 6, p. 58, t. 580. — Etym. : du nom Mexicain de ce genre
— 164 —
Tecomaxochitl. — Fam. des Bignoniacées. Didynamie Angiospermie. —
Tecoma à fleurs jaunes.
Il n'est pas douteux que cette superbe plante ne soit la même que le
Bignonia fulva de Cavanilles, connue seulement, jusque dans ces der-
niers temps, de cet auteur et de Louis Née, qui rapporte l'avoir trouvée
« in siccis arenosis portus Aricœ in confinio Peruviœ, » vers 18° 26 de
latitude sud. MM. Cuming, Mc Lean et Warszewicz l'ont également
trouvée au Pérou et M. Pentland en Bolivie. Elle vient de fleurir chez
MM. Veitch.
C'est un arbrisseau dressé, à branches brun pourpre, arrondies,
glabres, sauf les plus jaunes qui sont poilues. Les feuilles sont opposées,
pétiolées, imparipennées, à douze folioles opposées, sessiles, cunéées,
grossièrement dentées, glabres et à une foliole terminale ; pétioles mé-
diocrement ailés, contractés au point d'insertion des folioles; rachis
ailé entre chaque paire de folioles ; les jeunes feuilles sont légèrement ve-
lues. Fleurs en racème terminal ou porté sur de petites branches axil-
laires qui naissent des feuilles supérieures; l'ensemble de l'inflorescence
est une grande cyme feuillée. Pédicelles velus. Calice glabre (poilu, sui-
vant Cavanilles) obové, obscurément anguleux, découpé en cinq dents
assez profondes, triangulaires, acuminées, dressées. Corolle longue de
deux pouces, rouge à la partie supérieure, d'un beau jaune en dessous ;
tube cylindrique, mais aminci et délié à la partie inférieure de manière
à devenir infundibuliforme et courbe; limbe à peine bilabié à cinq lobes
à peu près égaux, arrondis, étalés. Quatre étamines, incluses, didy-
names, insérées sur la gorge de la corolle, à filaments courts, à an-
thères à deux loges oblongues un peu divergentes et à connectif terminé
par une petite dent; la cinquième étamine est avortée et se retrouve plus
bas dans le tube. Ovaire allongé, surmonté d'un disque épais glandu-
leux; style plus long que la corolle, à stigmate grand, bilabié.
Nyctanthes Arbor-tristi». Linn. — Linn.Sp.pl. v.2, p. 8. Roxb.
FI. Ind. v. I, p. 85. Hort. Kew. éd. %v. 1. Ker, Bot. Reg., t. 399.
DC. Prod. v. 8, p. 314. Bot. Mag., tab. 4900. — Synon. : Scabrita
scabra, Linn. Syst. veget. éd. 12, p. 115. Parillium arbor tristis, Gartn.
Manjapumeram, Rheede, Hort. Malab. v. 1, p. 35, t. 21. Sép 'halica',
Jones, Asiat. Res. v. 4, p. 224. Etymol. : »u|, nuit, et avêof, fleur. —
Fam. des Jasminées. Diandrie Monogynie. — Arbre triste ou Jasmin de
nuit.
Quoique sir Joseph Banks introduisit, dès 1781, le Nij et anthes arbor
tristis des Indes, cette plante intéressante est cependant peu répandue
dans les collections. Son nom lui a peut-être porté malheur. SirW. Jones
— 165 —
(Asiat. Res.) nous dit que cet arbre riant, car il n'a rien de triste dans
son aspect, répand son délicieux arôme à une distance considérable tous
les soirs, mais qu'au lever du soleil il laisse tomber la plupart de ses
fleurs nocturnes, qui sont ramassées avec soin pour l'usage des parfu-
meurs et des teinturiers. On l'appelle aux Indes Sép 'halica, nom qui
exprime l'idée que les abeilles dorment sur ses fleurs. Il est vrai, tou-
tefois, qu'après la chute des corolles blanches et odorantes, à gorge et à
tube oranges, qui a lieu de bonne heure chaque matin, la plante est d'un
aspect assez insignifiant. C'est, suivant Roxburg, la matière colorante
orange des tubes, qui est recherchée des teinturiers, mais qui malheureu-
sement ne peut pas acquérir de fixité. La floraison a lieu en été. D'après
Clusius le N. Arbor tristis ne croîtrait aux Indes qu'à Goa, mais le
Dr Hooker l'a trouvé en abondance dans l'Assam.
Le N. Arbor tristis forme aux Indes un petit arbre, et dans nos cul-
tures un arbuste déjeté, à rameaux quadrangulaires, ailés, à angles co-
lorés en rouge. Les feuilles sontovées, acuminées, de deux à cinq pouces
de long, opposées, penninerves, entières ou souvent dentées-lobées; les
pétioles mesurent un demi ou trois quarts de pouce. L'inflorescence est
un corymbe terminal à ramifications opposées , portant chacune trois
fleurs sessiles ayant à la base deux larges bractées ovées entourant le
calice. Celui-ci est cylindrique, subturbiné , couvert de poils apprîmes,
tronqué, à cinq dents très-minimes. La corolle est hypocratériforme, à
tube trois fois aussi long que le calice, orange h l'intérieur et à l'exté-
rieur; le limbe est à six segments étalés, imbriqués, cunéés, subcon-
tortés, creusés à la périphérie, blancs. Deux étamines incluses à filets
très-courts, insérées juste à la gorge, à anthère ovée-cordée, munie d'un
petit appendice à la face dorsale près de l'extrémité. Ovaire ovale globu-
leux; style inclus, plus court que le tube de la corolle; stigmate pelté
avec une dépression au centre.
Cypripedium purpuratum. Lindl. in Bot. Reg. v. 23, t. 1991.
Wight.Ic. Plant. Ind. Or. v.S,t. 1790 ? Bot. Mag. tab. 4901 , Etym. :
de KvTTfiiç, nom grec de la déesse Vénus, et nehtt, Trohov, chaussure,
le beau labellum de ces plantes ayant quelque analogie avec une
chaussure. — Fam. des Orchidées. Gynandrie Diandrie. — Cypripède
pourpre.
Le Cypripedium purpuratum, Lindl. , est très-voisin du C. Venustum
Wall.; la principale différence consiste dans l'absence de verrues à la
partie supérieure des pétales. Cette charmante plante est originaire de
l'Archipel Malais et fleurit en serre chaude au mois de novembre.
Les feuilles sont radicales, les plus grandes de quatre ou cinq pouces
— 166 —
de long , oblongues , légèrement acuminées , souvent bien trifides à la
pointe, distiques, engainantes et équitantes à la base ; leur surface est
striée et entre les stries sont des macules vertes et blanches. La hampe
ou scape qui naît d'une petite feuille engainante, s'élève à huit ou dix
pouces, est arrondie, purpurescente et pubescente. La fleur est grande ,
solitaire, terminale; à la base d'un long ovaire clavé, on trouve une
assez grande bractée verte. Les sépales sont étalés, les deux supérieurs
très-grands, subarrondis, très-acuminés , blancs, richement striés de
pourpre; le sépale inférieur est petit, oblong, pointu, brun pourpre,
dirigé vers le sol. Les pétales sont très-grands, oblongs, acuminés, de
couleur pourpre foncée. Le labelle est grand , unguiculé, d'un pourpre
verdâtre, légèrement veiné. L'étamine stérile est réniforme.
Magnolia Campbelllt. Hook. f. et Toms. in FI. ind. 1.77, et
prior , in Illustr. of Himal. Plants, tab. IV, V, Illustr. Hort. vol. III ,
1856 , tab. 79. — Etymol. : François Magnol, professeur de botanique
à Montpellier, né en 1638, mort en 1715. Linné, en créant ce genre,
dit qu'il le dédiait à Magnol , par allusion à l'éclat de son savoir. — Fam.
des Magnoliacées. Polyandrie Polygynie. — Magnolia de Campbell.
Voici en quels termes , d'après la traduction publiée récemment dans
l'Illustration Horticole , M. Hooker fils fait connaître ce splendide
végétal :
Ce superbe arbre, qui forme un trait si remarquable dans le paysage
et la végétation du Dorjeling, fut choisi par le docteur Thomson et moi,
pour rappeler les éminents services de notre ami le docteur Campbell,
résidant dans ce pays , en ce qui regarde la naissance et les progrès de
cet important établissement sanitaire, ainsi que ses nombreuses contri-
butions à nos connaissances sur la géographie, les productions natu-
relles , les arts, les manufactures et les races humaines du Népaul et
du Sikkim-Himalava.
La Magnolia Campbellii a été découverte par le docteur Griffith ,
dans le Boutan. C'est un grand arbre forestier, commun dans les bran-
ches externes de la chaîne du Sikkim , à une altitude moyenne de
8-10,000 pieds, se montrant sur la route, au-dessus de Pacheem, et
de là gagnant le sommet duSinchul, à 8,000 pieds , et celui du Tonglo
à 10,000. Quoiqu'il se montre quelquefois dans les branches centrales
de ces chaînes de montagnes , à une pareille élévation , il y est beaucoup
moins fréquent ; le tronc en est droit, souvent haut de 40 pieds, sur 12
à 20 de circonférence et revêtu d'une écorce noire; le bois en est mou
et presque sans usage. Les fleurs s'épanouissent en avril, au sommet
de toutes les branches, alors que l'arbre est encore absolument sans
— 167 —
feuilles; elles varient du blanc au rose foncé ou presque cramoisi et en
volume de six à dix pouces; l'arôme en est faible. En mai l'arbre est en
pleines feuilles et le fruit mûrit en octobre; alors encore se montrent
quelques fleurs petites et déformées. Chez les jeunes plantes les feuilles
sont entièrement glabres ; celles des arbres plus avancés en âge sont
plus ou moins soyeuses en dessous.
Il y a dans l'Inde deux autres espèces de ce genre; l'une, la M. globosa
Hook. f. et Thoms., n'a jusqu'ici été découverte que dans les vallées in-
térieures du Sikkim, où elle croît sur les lisières des bois, à 9-10,000
pieds d'altitude; c'est un petit arbre à feuilles également décidues, à
fleurs globuleuses , d'un blanc de neige et de la grosseur du poing à
peu près ; elles paraissent en juin et sont fort suavement odorantes. Elle
est étroitement alliée à la M. conspicua du Japon, introduite dans nos
jardins. L'autre espèce, la M. spherocarpa, Roxb., est indigène dans le
Chittagong , les monts Khasia et le Népaul , où elle habite les vallées
subtropicales. Les M. Campbelli et globosa seront sans doute rustiques
en Angleterre, mais la sphenocarpa réclamera chez nous une chaleur
presque tropicale.
Culture. Orangerie et serre froide : sol riche , meuble , frais et pro-
fond. Muliplication par le marcottage et mieux par le greffage sur le
M.purpurea.
DendroMnm Mglbbnm. Lindl. — Bot.Mag.,tab.A89%.— Syn. :
Dendrobium bilobum, Paxt. FI. Garden. v. 3, p. 25, n. 491, fig. 245. —
Etym. : v. s. p. 103. — Fana, des Orchidées , Gynandrie Monogynie. —
Dendrobium k deux bosses.
Cette espèce de Dendrobium porte de très jolies-fleurs, lilas foncé, à
sépales ovés , étalés et a été nommée bigibbum , parce que les deux fo-
lioles latérales du périanthe se terminent chacune en un éperon court ,
émoussé et courbe. Les pétales sont grands, orbiculaires, horizontaux ;
le labelle est de couleur foncée, trilobé, à lobes latéraux, grands, re-
courbés et à lobe moyen un peu réfléchi, légèrement concave à la pointe!;
son disque porte une grande crête élevée , blanche et papilleuse sur la
plus grande partie de son étendue. Mais les tiges longues et faibles de la
plante , les feuilles peu nombreuses et étroites, lui ôtent beaucoup de
ses avantages. Elle a été découverte par le Dr Thomson, sur le mont
Adolphe, sur lacôte Nord-Est de la Nouvelle-Hollande et envoyée à Mr C.
Loddiges. La station où on l'a trouvée étant située sous les tropiques,
montre qu'elle demande plus de chaleur pour sa culture que la plupart
des Orchidées australiennes.
— 168 —
Aralia papyrlfera. Hook. — Bot.Mag., tab. 4897. Hook. Joum. of
Botany, 1852, p. 53 , t. 1, 2. — ■ Etym. : Sarrazin, médecin français à
Québec, envoya en 1804 un Aralia à Fagon à Paris, sous le nom ca-
nadien de Aralia. — Fam. des Araliacées. — Pentandrie pentagynie.
— Plante au papier de riz.
On est maintenant complètement édifié sur l'histoire, l'origine et la
nature du fameux papier de riz des Chinois , qu'ils fabriquent avec
Y Aralia papyrifera. Cette plante a été envoyée en Angleterre par sir
John Bowring, gouverneur de Hong-Kong et par son fils J.-C. Bow-
ring; elle y a fleuri en décembre 1855. Les branches ne forment que
très-peu de bois et renferment une moelle abondante de la plus éclatante
blancheur et qui constitue la matière première de la fabrication du pa-
pier de riz.
REVUE DES FOUGÈRES NOUVELLES.
(Suite. Yoy. p. 139.)
7° Davallia bullata. Wallich. — Wall. Cat. IV°. 258. Hook. Sp.
Fil. i., 169,*. 50 b. Gard. Chron. 1855, p. 532.— Davallieà frondes
bullées.
Frondes ovales -deltoïdes, submem-
braneuses , tripinnées, à divisions infé-
rieures acuminées triangulaires, obliques,
allongées ; pinnules lancéolées , oblon-
gues, pinnatifides, à dernier segment en
forme de dent linéaire-pointue , courbée
en faux et portant les sores à la face
inférieure ; involucres en coupe oblon-
gue ; rhizome rampant couvert d'écaillés
brunes , entières , étalées , subulées ;
frondes articulées.
(Voy.Pl. 31,fig. 1.)
Cette fougère qui est petite, très-élégante, a été introduite à Kew en
1852, du Népaul et de l'Assam, et à peu près à la même époque, par
M. Nuttall. Elle paraît être décidue, les rhizomes étant souvent, sinon
toujours , dépourvus de frondes pendant l'hiver ; ces frondes sont
articulées, hautes tout au plus d'un pied, vert pâle, submembraneuses,
glabres, deltoïdes, tripinnées, à rachis ailé. Les segments primaires infé-
rieurs sont subopposés, triangulaires, allongés, acuminés; pinnules
oblongues-lancéolées, profondément pinnatifides ; pinnules secondaires
oblongues, terminées par une dent pointue, courbe, falquée. Les sores
sont solitaires sur la face inférieure de ces segments falciformes et ont
un involucre court, oblong, tronqué, cupule. Les frondes fertiles ont
toute la face supérieure comme grossièrement chagrinée par une mul-
titude de bulles, d'où le nom de D. bullata.
8° Phlebodium in^equale, T. M. in Herb. - Syn. : Polypodium
riseriale Hort. — Gard. Chron. 1855, p. 660.— Phlébodie inégale.
169 —
Fronde ample , pinnée , herbacée ,
membraneuse ; segments lancéolés , lé-
gèrement glauques , les inférieurs pé-
tioles , les supérieurs sessiles et adnés ,
tous inégaux à la base ; sores grandes,
rondes, sur une série le long de la ner-
vure médiane; rhizome couvert d'écaillés
déprimées, ovées , acuminées ; frondes
annuelles articulées.
Les frondes sont grandes, pendantes, vert pâle, de trois ou quatre
pied au plus d'étendue , pinnées , oblongues-ovales. Les pinnules in-
férieures sont lancéolées, atténuées à la pointe et rétrécies à la base où
elles sont inégalement développées, la lame se continuant plus bas sur
le pétiole du côté antérieur que du côté opposé. Vers le milieu de la
hauteur des frondes les pinnules sont sessiles ; les supérieures sont
adnées-décurrentes et la terminale est ordinairement, mais pas toujours,
lobée et inégale à la base. Le bord des pinnules est crénelé. Les sores
sont grandes, rondes, disposées en une série simple contre la nervure
moyenne , placées tantôt dans une aréole costale à l'extrémité d'une
veinule , ce qui caractérise les Goniophlebhim , tantôt 'sur une veinule
extérieure à l'aréole costale ou enfin au point d'intersection de deux
ou d'un plus grand nombre de veines, ce qui est l'organisation nor-
male des Phlebodium.
Le Pli. inœquale est donc une espèce intermédiaire entre les genres
Goniophlebhim et Phlebodium; c'est une fort belle plante de serre
chaude , remarquable par ses frondes caduques qui tombent toutes en
hiver et se renouvellent de bonne heure au printemps. Le stipe est
charnu et vert pâle. Le rhizome, qui est de la grosseur du pouce et
croit en touffes ramifiées , est couvert d'écaillés étroitement appliquées
contre lui, ovales, acuminées. L'aspect général de cette plante rappelle
le Phlebodium aureum, mais elle en diffère essentiellement par ses
frondes annuelles et réellement pinnées. On la croit originaire de
Guatemala et importée il y a quelques années par M. Loddiges.
9° Adiantum cultratum, J. Smith. — Hook. Sp. Fil. i. 34. Gard.
Chron. 1855, p. 660. — Syn. Adiantum pentadactylon . Hort. non
Langsdorff et Fischer. — Etym.: a privatif et Ahumv, mouiller; a^iÛ»toS>
qui craint l'humidité. Adiante coutelier.
Frondes glabres, tripartites bipinnées ;
pinnules oblongues-rhomboïdales, lobées
à la marge supérieure et à la pointe , en-
tières au bord inférieur falqué 5 sores
petites , étroites , oblongues linéaires ,
placées à l'extrémité des lobes 5 stipes
brun-acajou , frondes adhérentes.
(Voy. PI. 51, fig. 2.)
Cette belle espèce ornementale d' Adiantum, demande la serre chaude.
Les frondes sont glabres, vert foncé à reflet olive, de quatre décimètres
et demi à six décimètres d'élévation et tripartites-bipinnées, c'est-à-dire
bipinnées avec la partie inférieure de segments bipartites. Los pinnules
170 -
PI. 31.
Fig. 1. Daralliabullata, Wall.
Fig. 2. Adianluiii cullraluin, i. Si».
Fig. 3. G\mii(K;ramina lanata, Klolzsch.
Fig. 4. Acrophorus hispidus, T. I.
— 171
sont oblongues rhomboïdales , légèrement cordées, le bord supérieur
et l'extrémité plus ou moins atténués présentent de nombreuses cré-
nelures,et le bord inférieur est concave. Les sores sont petites, étroites,
linéaires-oblongues, occupant l'extrémité des lobes. Le stipe etlerachis
sont bruns- marron foncé pendant leur jeunesse et noircissent plus
tard. Les frondes sont adhérentes sur un rhizome rampant.
Cette espèce est connue en Belgique sous le nom de Adiantum
pentadactylon , qui appartient à une forme lobée de VA. trapéziforme.
Elle en diffère par des proportions plus minimes , des pinnules plus
étroites à bord postérieur falqué , presque pas du tout glabres en
dessous et des sores plus petites linéaires-oblongues.
10° Gymisogramma lanata. Klotzsch. — A. Braun in App. Gen. et
Sp. nov. Hort. Reg. Bot. Berol. coluntur 1854.— Gard. Chron. 1855,
p. 660. — Etym. de yu/uno;, nu et yp*^*, ligne, trait ; les lignes de
sores ne sont protégées par aucun organe. — Gymnogrammie laineuse.
Frondes ovales lancéolées , bipinnées
intérieurement, pinuatifides à l'extrémité ;
segments sessiles , étroits , lancéolés ;
pinnules oblongues , les inférieures dis-
tinctes, contractées à la base , les supé-
rieures confondues , mousses ; les pre-
mières sont lobulées ou subpinnatifides
à la base, inégalement dentées , à bord
légèrement réfléchi ; la surface supé-
rieure est glabre , l'inférieure laineuse ;
stipes et rachis couverts de poils laineux
jaune cannelle.
(Voy. PI. 31, fig. 3.)
Cette remarquable fougère a été recueillie en 1850 à Veragua par
M. Warszewicz et germa pour la première fois, de spores, dans le
jardin de M. Mathieu, à Berlin. Elle possède un court caudex dressé,
donnant naissance à un petit nombre de frondes tendres et herbacées,
dont les stipes sont revêtus d'une bourre jaune pâle et de crins foncés,
et dont la face inférieure, recouverte de poils blancs et laineux, est
toute chargée de sores, consistent en séries de sporanges étendues sur
les nervures. Cette espèce appartient réellement au genre Gymnogramma
quoiqu'elle paraisse très-différente des autres espèces répandues dans
les cultures. Dans le spécimen décrit par M. Moore, le stipe mesurait
environ 9 pouces de long, la partie foliacée de la fronde 18 pouces;
les plus grands segments avaient 5 pouces et les pinnules un pouce.
Elle est de serre chaude.
11° Acrophorus hispidus. T. M. — Proc. Lin. Soc. 1854, 285. Gard.
Chron. 1855, p. 661. — Syn. : Davallia hispida, Heward, Herb. Dav.
Novœ Zelandiœ, Colenso, Tasm. Journ. of Nat. Science; Hooker, Species
Filicum, t. 51, B. — Etym. : de **p«», pointe, extrémité et çtpuv, porter.
Les sores sont portées par l'extrémité des veinules inférieures. — Acro-
phore hispide.
172 —
Frondes ovales, acuminées, tripinnées,
membraneuses, rigides ; segments sti-
pités linéaires, oblongs, acuminés; pin-
nules pyramidales, lancéolées obliques à
pointes pinnatifides ; pinnules secon-
daires lancéolées, profondément pinnati-
fides, à segments ovales, pointus, falqués
ou obovés, entiers ou munis d'une ou de
deux dents; sores nombreuses sur les
dents latérales des lobes, indusiées; in-
dusie consistant en une écaille large,
ovale, fixée en travers de sa base; cau-
dex rampant, velu ; stipes et rachis fau-
ves; la base du stipe et la côte des pinnules
primaires sont recouvertes de nombreux
poils ferrugineux. (Voy. PI. 31, fig. 4.)
Cette espèce a été rapportée au groupe des Leacostegia de la section
des Davallia; elle diffère des Davallia en ce que les sores ne sont pas
renfermées dans un involucre tubuleux, mais recouvertes par uneindusie
écailleuse, et elle nous paraît plus voisine des Cijstopteris que des Da-
vallia. Elle constitue une élégante fougère de serre tempérée dont les
frondes paraissent être d'une ampleur très-variable; elles atteignent
parfois deux pieds d'élévation y compris le stipe, et dans d'autres cas,
d'après M. Hooker, elles s'arrêtent à trois pouces. Les frondes sont très-
gracieuses et finement découpées, d'un beau vert, chargées de fructifi-
cations qui sont ordinairement placées sur une petite dent des der-
nières divisions. VA. hispidus a été introduit il y a peu de temps par
M. R. Kennedy de la Nouvelle-Zélande où M. A. Cunningham l'avait
découvert.
12° Lomaria discolor, Willdenow . — Willd., Sp. PL v. 293. — Gard.
Chron. 1855, p. 661. — Syn. : Onoclea, Swartz. Hemionitis, Schkuhr.
t. 6, Osmunda, Forster.— - Etym. : de xapu, rebord, marge. Les indusies
sont à peu près marginales. — Lomaria de diverses couleurs.
Frondes en touffe, pinnées; les sté-
riles sont étroites, lancéolées, à pinnules
alternes, sessiles, oblongues, pointues,
horizontales, subcrénelées, jaune pale en
dessous; les fertiles sont linéaires-lan-
céolées, à pinnules linéaires obtuses,
horizontales, souvent foliacées à la base;
indusies ciliées dentées.
Cette espèce a été importée de la Nouvelle-Zélande par M. Kennedy et
a fructifié pour la première fois chez le Dr Young à Kennington. Les
frondes stériles, portées par un caudex dressé, sont étroites lancéolées,
à pinnules oblongues pointues, d'un vert foncé au-dessus et plus pâle in-
férieurement et longues d'un pied à un pied et demi. Les frondes fertiles
sont plus grandes, dressées, plus étroites, à pinnules linéaires dilatées à
la base. Serre tempérée.
PL 33
)
Belvédère rustique
P1.32.
■ m
-SB h&.
■
Belvédère champêtre
— 173 —
ARCHITECTURE HORTICOLE.
DESCRIPTION DE DEUX BELVÉDÈRES DE JARDIN,
Par M. Edouard Morren.
Un belvéder ou belvédère est un petit bâtiment construit dans un
jardin ou un parc, sur une éminence d'où l'on découvre une grande
étendue de pays, pour se mettre à l'abri des rayons du soleil ou des in-
jures du temps. C'est un mot italien qui signifie Belle-vue, parce que
c'est un point d'où l'on doit jouir de beaux paysages. Dans les plus petits
jardins on a coutume de former un remblai, souvent tapissé d'un
Rockwork et surmonté d'un belvéder pour y prendre le frais en se ré-
créant de l'animation qui règne sur une route pavée ou ferrée, un fleuve,
une rivière ou un canal. Dans les maisons de campagne ou les parcs il
est rare que l'on ne trouve pas des accidents de terrain naturels dont
on puisse profiter pour édifier des constructions de ce genre.
Les planches 32 et 33 représentent deux modèles de belveders gra-
cieux, élégants et commodes que l'on peut réaliser à peu de frais. Le
premier, le belvédère champêtre, s'élève au bord d'un ruisseau, au haut
d'une chute d'eau naturelle; on y arrive par un sentier sinueux qui
serpente sur la colline. La base est formée d'une maçonnerie grossière,
octogone, en pyramide tronquée et entourée de broussailles fleuries;
elle supporte une construction de bois consistant en une chambrette
vitrée à huit côtés, destinée à des repas champêtres; autour règne une
galerie d'où l'on domine tout le pays d'alentour et qui par huit colon-
nettes légères supporte la corniche du toit. Celui-ci est formé de minces
planchettes ou plutôt de lames de zinc et peint par bandes de couleur
vive.
Le pavillon rustique, figuré planche 33, est d'une construction plus
simple et moins coûteuse. Il est placé sur un rocher naturel, au bord
d'une pièce d'eau, au-dessusde l'entréed'une grotte ou d'un passage sou-
terrain. Des degrés grossièrement taillés dans le roc ou formés de frag-
ments artistement disposés, entourés de quelques arbrisseaux croissant
dans les anfractuosités du rocher, s'élèvent jusqu'à lui. La base est cir-
culaire naturelle ou artificielle. Quelques perches solides soutiennent un
toit ombreux formé de chaume ou de mousse verte.
Il est inutile de dire qu'il importe bien moins de construire un belvé-
dère de telle ou telle façon, que de le placer dans la meilleure situation
possible et de ménager avec intelligence les plus beaux points de vue.
De grands arbres ne peuvent jamais le dominer.
— 174 —
COMMENT ON PEUT ÉTABLIR UNE GLACIÈRE A BON MARCHÉ ,
ET COMMENT IL CONVIENT DE CONSERVER LA GLACE ;
Par M. Edouard Morren.
A mesure que nous avançons dans la civilisation, ce qui n'était
d'abord qu'un luxe raffiné, devient nécessaire à notre existence : il n'en
est de meilleure preuve que le besoin de glace pendant les mois d'été.
Cette consommation va sans cesse croissant, et là où une glacière
médiocre suffisait il y a quelques années, il en faut deux ou trois de nos
jours. L'usage de la glace est d'ailleurs une jouissance tellement à la
portée de tous que nous ne comprenons pas bien pourquoi il ne s'est
pas vulgarisé davantage.
La nature fait croître pendant l'été les bois qui doivent nous chauffer
pendant les froids , comme elle nous donne en hiver de la glace destinée
à nous rafraîchir pendant les ardeurs de l'été. Tout le monde s'approvi-
sionne de chauffage pour l'hiver, tandis que bien peu emmagasinent de
la fraîcheur pour l'été. Est-ce à dire que la glace coûte cher, que sa con-
servation est difficile , qu'elle réclame des soins tout spéciaux ou entraîne
à de grandes dépenses ? Rien n'est moins vrai : la nature ne nous en
prodigue que trop. — Quand nous n'en savons que faire, pourquoi ne la
ramasserions-nous'pas ? Rien n'est plus aisé que de lui donner un abri,
la mettre en magasin ; il suffit de la traiter comme toute autre marchan-
dise susceptible de s'avarier, c'est-à-dire d'user de quelque précautions
à son égard. Il en coûte beaucoup de se chauffer en hiver, tandis que
rien n'est plus aisé que de lutter contre la chaleur de l'été, de jouir des
beautés de la nature en tempérant ses excès. Si tout le monde pouvait
être convaincu de la facilité et du bon marché de l'établissement d'une
glacière, l'usage de la glace, qui n'est encore répandu qu'à Paris, dans
les grandes villes ou chez les riches, ne tarderait pas à devenir général.
Tout jardin d'une certaine étendue, devrait compter, au nombre de
ses dépendances, une glacière, dont le soin incomberait nécessairement
au jardinier : nous espérons que les observations suivantes ne seront pas
lues sans intérêt par les abonnés à la Belgique horticole.
Le problème de la conservation de la glace se réduit à la question d'en-
tourer cette glace d'une enveloppe, assez peu conductrice de la chaleur,
pour empêcher la température extérieure de pénétrer jusqu'à elle. Si l'on
pouvait entourer la glace d'une substance qui ne se laissât pas pénétrer
par la chaleur, il est évident qu'elle se conserverait indéfiniment sans
— 175 —
altération. Malheureusement cette substance n'existe pas ; il n'est point
de corps qui s'opposent complètement au passage de la chaleur , comme
il en est qui s'opposent au passage de la lumière. Il faut donc placer la
glacière dans des conditions telles, qu'elle s'échauffe le moins possible,
c'est-à-dire que la chaleur ne pénètre jusqu'à elle que le plus difficile-
ment possible.
En premier lieu, le réservoir où l'on peut aller chercher la glace,
doit être, si possible, une large pièce d'eau, bien entretenue, sans
mauvaises herbes , ni feuilles mortes , car rien n'est d'un emploi aussi
incommode que de la glace souillée. L'eau qui doit fournir la glace pour
les usages domestiques, devra donc, si faire se peut, ne pas être bordée
ni ombragée par de grands arbres , qui exercent encore une influence
nuisible en s'opposant à la gelée de l'eau, parce qu'ils arrêtent la radia-
tion de la chaleur. C'est là un phénomène que l'on peut observer après
toute nuit froide : tandis qu'une portion d'un étang est prise, la partie
qui est dominée par des branches reste libre.
Il est bien évident qu'il faut emmagasiner la glace pendant les plus
grands froids et jamais pendant le dégel, car plus la glace sera froide,
plus il faudra de chaleur pour la fondre. De la glace à 5° ou 6° c. résis-
tera bien plus longtemps que de la glace à 0°.
Ayant obtenu une glace limpide, nous la supposons transportée à la
glacière où elle est brisée avec soin , sur un parquet propre et solide,
formé d'une substance très-peu conductrice, comme de la paille, du bois
ou surtout du poussier de charbon ; on ne saurait la réduire en frag-
ments trop petits, ni la tasser et la presser trop fortement. Il faut
tasser la glace à mesure qu'on charge la glacière, d'abord pour utiliser
tout son espace, ensuite pour s'opposer à la circulation de l'air. Tous
les fragments de glace finissent par se souder en une seule masse qui
résiste bien plus aisément à la chaleur qu'une multitude de petit mor-
ceaux isolés.
Une grande glacière conservera, toute proportion gardée, une plus
grande quantité de glace qu'une petite. Il est de la plus haute impor-
tance qu'elle soit placée dans une situation parfaitement sèche. Nous
conseillons aussi d'éviter, quoique ce soit l'usage, l'emploi de la paille
sur les côtés, parce que, si une fois elle a été atteinte par l'humidité,
elle hâte la fonte de la glace.
On connaît un procédé américain , qui a été suivi en Angleterre chez
lord Lilford, dans le Northamptonshire, et chez lord Jersey, dans
l'Oxfordshire, pour se faire quitte de l'humidité ; il consiste à ménager
une petite ouverture , que l'on puisse fermer à volonté , dans la porte de
la glacière et une autre correspondante dans le mur opposé. Ces trous
— 47b' —
sont ouverts chaque nuit, et fermés de bonne heure chaque matin. II en
résulte un courant d'air sec et frais qui enlève l'humidité dont l'influence
fâcheuse n'aurait pas tardé à se faire sentir sur la glace. Les gravures
qui accompagnent cette notice sont faites d'après ce plan.
PI. 34.
a, fosse 5 6, vestibule ;
ec , portes ; dd , ouver-
tures ; ce, mur de pierres
bien sec ; f, voûte de
briques ; g, couche d'ar-
gile de quatre pieds d'é-
paisseur ; h et i, siphon
ot drain pour l'écoule-
ment de l'eau; 15 /t 6 m.,
quatre mètres; 10/"1 6 in.r
trois mètres.
Fîg \. Coupe transversale d'une glacière.
Fig. 2. Seelinii horizontale d'une glacière.
Les lettres ont la même signification que dans la fig. 1,
— m —
On perd beaucoup de glace par l'ouverture trop fréquente ou incon-
sidérée de la glacière; l'heure la plus convenable pour y entrer est
pendant l'aube.
En résumé, pour conserver de la glace avec succès, il faut s'efforcer
de la recueillir bien propre, la réduire en poudre, la bien tasser, remplir
la glacière aussi exactement que possible et enlever toujours l'humidité.
Quant à la situation, la glacière doit être abritée des rayons du soleil
par des arbres élevés, mais du côté du nord elle peut être libre, plutôt
qu'ombragée par des branchages qui s'opposent à la radiation de la
chaleur accumulée pendant les jours chauds de l'été.
On fait les glacières de différentes formes, de diverses dimensions et,
en vue de l'économie du charriage, en général, près des eaux destinées
à les alimenter, sur un terrain en pente. Quelques personnes ne brisent
pas la glace pour la tasser, mais remplissent les intervalles avec de la
neige et de l'eau; nous ne conseillons pas cette pratique ; parce qu'il est
bien difficile d'entamer une masse aussi compacte.
On peut , à l'aide d'une légère modification , éviter de grands frais
dans la construction d'une glacière : on a coutume de les bâtir en cône
renversé, cette forme permettant à la glace de se tasser en une masse
compacte. On peut cependant leur donner la forme carrée et employer
des matériaux beaucoup moins dispendieux que la maçonnerie. Une
simple cage de bois, juste suffisante pour empêcher le contact de la glace
au sol et une couche épaisse de paille ou de chaume, sont tout ce qu'il
faut, si les autres conditions énumérées plus haut sont remplies. Ainsi,
à l'aide de quelques matériaux à bon marché et rustiques et de quelque
connaissance des lois qui régissent la diffusion de la chaleur par l'ab-
sorption et la radiation, la plus modeste villa peut, comme le domaine du
riche, avoir sa glacière. Une glacière construite d'après le procédé de
M. Hawkins, et pouvant contenir 4,000 liv. de glace, ne coûte que
437 frs. 20 c. En voici la description :
« Elle est à moitié creusée dans le sol et carrée en tous sens : sa lar-
geur est de 2 mètres, sa profondeur de 2 mètres; le fond se termine
en entonnoir. A cette faible profondeur les eaux se perdent ordinaire-
ment d'elles-mêmes; si le terrain n'était pas propre à les absorber, on
s'en débarrasserait par un petit conduit. Sur le fond on place un cadre
formé de quatre pièces de bois, d'un décimètre d'équarrissage, bordant
bien exactement les parois verticales et appuyé sur le sol ; et par-dessus
ce cadre un certain nombre de traverses horizontales recouvertes à leur
tour par des lattes; les parois verticales sont garnies delà même manière;
on y dispose simplement des montants de 10 centimètres, revêtus de
lattes sur toute leur hauteur. Enfin on recouvre la glacière avec
BELG. HOKT. T. VI. 18
— 178 —
un couvercle formé de quatre grandes pièces croisées, séparées par
un intervalle d'un mètre et débordant un peu l'excavation de manière
à former soutien par la terre. On peut ménager au centre de ce cou-
vercle un petit conduit en planches, s'élevant presque à la hauteur
du sol et par lequel on jette la glace pendant l'hiver. Cette espèce de
cage, bien simple, une fois posée dans l'intérieur de l'excavation, on n'a
plus qu'à revêtir intérieurement toutes les faces avec des paillassons;
on a eu soin de ménager une porte avec quelques gradins sur la face
tournée au nord ; on recouvre cette porte de bottes de paille, ainsi que la
partie inclinée placée tout-à-fait en dehors ; enfin, après avoir mis de la
paille au-dessus des lattes du couvercle, on fait un remblais d'environ
un mètre d'épaisseur, autour duquel on plante des arbustes ou des
arbres capables d'entretenir toujours à la surface un ombrage suffisant,
et de faire ainsi un nouveau rempart contre les rayons du soleil.
PI. 3o.
Glacière établie d'après le système de M. Hawkins.
» Certes , il n'y a pas à craindre pour une pareille construction de se
voir entraîner à de bien grandes dépenses ni d'échouer. Si le terrain est
solide, on peut même diminuer les frais, et se contenter de traverses
tapissées de paillassons. L'intervalle entre les deux portes peut être uti-
lisé pour la conservation des aliments; mais il faut observer que l'on ne
doit entrer dans la glacière que le plus rarement possible et de grand
matin ; chaque fois que l'on ouvre la porte, il se fond une certaine quan-
tité de glace.
»0n comprend aisément que l'on peut construire sur le même plan
une glacière beaucoup plus vaste. 11 se fond d'autant moins de glace
— 179 —
que la glacière est plus grande et en contient davantage. Aussi
dans une très-petite glacière se fond-il énormément de glace. Pour
en conserver une livre pour l'été, il faudrait peut-être en mettre mille
pendant l'hiver. Il n'y a donc pas un avantage notable à construire une
glacière sur des proportions plus restreintes que celles que nous
venons d'indiquer. Si on a trop de glace pour soi, il en reste pour obli-
ger ses voisins et ses amis, et c'est une obligeance qui ne coûte pas
cher. »
CULTURE MARAÎCHÈRE.
ACCLIMATATION EN EUROPE DE QUATRE NOUVELLES
VARIÉTÉS RUSTIQUES DE BATATES (batatas edulis) ,
Provenant du Japon et introduites par M. le Dr Von Sieboldt;
Par M. Edouard Morren.
La Batate est connue depuis le XVIe siècle; elle est originaire des
tropiques, d'où insensiblement elle s'est propagée vers les zones tem-
pérées. Depuis longtemps elle est naturalisée dans l'Amérique du Nord,
le Japon et la Chine. Dans ces deux empires, elle remplace entièrement
la pomme de terre, et dans toutes les contrées situées sous l'isotherme
de 12° R., elle peut être acclimatée sans peine aucune. Il en est actuel-
lement de la Batate comme de la pomme de terre ; l'une et l'autre se
sont multipliées , sous des climats divers, en variétés nombreuses qui
se distinguent par la feuille, ia fleur, la couleur, la farine, la qualité
et la productivité. La Balate peut donc être cultivée avec succès où l'on
cultive la pomme de terre, sa congénère, également originaire des tro-
piques. Les Bâtâtes cultivées au Japon sont entre toutes les plus fari-
neuses, elles ont la plus grande analogie avec les meilleures variétés de
pommes de terre, et généralement dans ce pays on préfère la Batate au
Yams ou Discorea Japonica.
La Batate fournit une énorme quantité de racines qui se préparent et
se mangent de la même manière que les pommes de terre, soit bouil-
lies, rôties ou frites. Avant sa maturité complète on peut en faire des
conserves au sucre qui sont exquises et elles peuvent se prêter à toutes
les formes que le luxe de nos tables a imaginées. Le Dr Von Sieboldt ,
qui a passé sept années au Japon, déclare avoir mangé journellement des
Bâtâtes avec le plus grand plaisir.
Convaincu delà haute utilité alimentaire de cette plante, le Dr Von
— 180 —
Sieboldt s'est efforcé d'introduire en Europe les races les plus rustiques
du Japon, et après plusieurs essais infructueux , il est enfin parvenu à
recevoir en vie, à Leyde, quatre variétés différentes, lesquelles sont dans
ce moment en voie démultiplication dans l'établissement horticole d'ac-
climatation des produits Javanais à Leyde. Voici les noms indigènes des
quatre variétés de Bâtâtes rustiques importées récemment dans les Pays-
Bas par les soins du Dr Von Siebold :
4° Satsuma-imo ; Batate du district de Satsumn.
2° Aka-imo; Batate rouge.
3° Siro-imo; Batate blanche.
4° Hanabeke-imo; Batate à fleur de Cydonia japonica.
La culture de la Batate doit nécessairement être d'abord réservée aux
jardins potagers ; des soins particuliers et des semis successifs ne tar-
deront pas à donner des variétés plus rustiques encore. En attendant,
il faut, comme pour tant d'autres de nos légumes, hâter la croissance
des Bâtâtes , en les mettant d'abord dans des couches pour les trans-
planter ensuite en plein air. Cette plante demande moins de soins qu'un
grand nombre d'autres légumes dont les qualités sont bien moins pré-
cieuses et dont l'avenir n'offre aucune chance d'amélioration.
Rien n'est plus simple ni plus facile que la culture de la Batate ; il
faut lui réserver un terrain préparé à l'avance par un bêchage pro-
fond ; on met les jeunes boutures en place vers la mi-mai, lorsqu'aucun
abri ne leur est plus nécessaire ; si les racines ne sont pas entièrement
développées on ombrage les plantes durant quelque temps afin que le
soleil n'arrête pas leur reprise. Dès le mois d'août on trouve au pied
des plantes des tubercules bons à consommer, que l'on peut détacher
sans nuire à la végétation ; ce n'est qu'en octobre qu'on arrache toute
la plante pour faire la récolte entière, les tubercules ayant alors atteint
leur entier développement. La bonne conservation des racines exige
un endroit parfaitement sec, à l'abri du froid et surtout des atteintes
de l'humidité.
Le Dr Von Sieboldt a tout espoir dans l'acclimatation de cette plante
et en vue de la propager dans toute l'Europe , il a multiplié en grand
les quatre variétés rustiques du Batatas edalis. Une souscription est
ouverte à l'établissement d'acclimatation du Dr Von Sieboldt et Ge, à
Leyde, qui fournit une plante de chacune de ces variétés de Batate, au
prix de 10 francs les quatre.
Nous prévenons MM. les abonnés qu'ils peuvent obtenir ces quatre
variétés au même prix , en s'adressant directement au bureau du
journal la Belgique Horticole, où se trouve un dépôt de ces plantes
utiles.
181
GÉOGRAPHIE BOTANIQUE.
LES ENVIRONS DE BUENOS-AYRES.
Lettre adressée à la rédaction de la Belgique horticole,
Par M. Leichtlin.
Le Rio de la Plata, fleuve dont les eaux sales ne justifient guère 1s
le nom de fleuve d'argent, est à son embouchure large de 60 lieues ; un
peu plus haut il a 10 lieues. Sur la rive droite, s'élève dans une situation
magnifique et en amphithéâtre sur une colline, la ville de San-Filipe de
Montevideo. Une journée plus loin, le voyageur voit s'étendre sur une
plaine basse et environnée seulement d'un côté de quelques collines, la
ville de Buenos-Ayres , métropole de la république du même nom,
qui s'est séparée dans ces derniers temps des autres provinces qui for-
ment maintenant la confédération Argentine. Un séjour de trois mois
à Buenos-Ayres m'engage à vous communiquer les observations que
j'ai pu y faire et que je crois de nature à intéresser un botaniste et un
horticulteur.
L'aspect général de la contrée est une plaine parfaitement unie, dont
la monotonie n'est interrompue çà et là que par quelques petites col-
lines. Cette plaine, de Buenos-Ayres jusqu'aux Cordillières, s'élève in-
sensiblement jusqu'à une altitude de 3,000 pieds. Le caractère de la vé-
gétation de cette région rappelle au voyageur l'Europe méridionale ou
le bassin de la Méditerranée; mais l'absence presque complète d'arbres
et le glacial pampiro, ajoutent beaucoup à la mélancolie du paysage.
Ce pampiro est un vent violent, qui souffle du sud-ouest et apporte sou-
vent avec lui de grands nuages de poussière, des orages et des ouragans
furieux. Il s'oppose tout-à-fait à la croissance des arbres dans la plaine.
Le pampiro , comme tous les vents, est le résultat de la tendance à
l'équilibre dans l'atmosphère ; il se forme sur les sommets des Cordil-
lières et se précipite avec véhémence sur ces plaines ou pampas qui, à
certains endroits, lui offrent des débouchés de 200 à 300 lieues de large.
Ces immenses plaines émanent pendant les nuits sereines la chaleur du
soleil qu'elles ont condensée pendant le jour; la déperdition va même
au-delà de la chaleur reçue, de sorte qu'elles se refroidissent considéra-
blement, et lorsque le pampiro, qui n'est pas bien chaud de son naturel,
— 182 —
souille par-dessus, il est loin de se réchauffer : ces circonstances expli-
quent comment, après qu'il a venté quelques heures, la terre, dans les
environs de Buenos-Ayres , se couvre d'une croûte de glace. Ce vent
est cependant un bienfait pour ces régions, qui seraient bientôt affligées
par des maladies de toute sorte, ne fût-ce que par suite de la coutume de
laisser se putréfier dans les rues des cadavres ou des restes d'animaux
égorgés. Après que le pampiro a venté, l'air est aussi pur que dans les
montagnes de la Suisse.
La température moyenne de l'année est de . . . 16°-17° R.
» » du mois le plus chaud, de 23° R.
» » » » froid, de 11° R.
C'est à cause du pampiro seul que pendant la nuit l'air est refroidi de
2° à 3° R.
Les plantes qui caractérisent le tableau de la végétation du pays sont
notamment des graminées, des agaves, des cactées, quelques rares
espèces d'arbres et d'arbustes, et des palmiers disséminés çà et là. Ces
prairies indéfinies, uniformément formées de gazons et qui commencent
aux portes de la ville, se nomment ici Pampas. En Colombie et au Brésil
de vastes plaines analogues portent le nom de Llanos et dans l'Amé-
rique Septentrionale celui de Savanes ou Prairies.
Les routes qui conduisent à la ville dans l'intérieur du pays ne mé-
ritent plus ce nom, à l'exception des deux principales, dès quelques lieues
de distance. Elles viennent se noyer dans une mer d'herbes, hors de
laquelle on voit seulement s'élever, comme des récifs, de loin en loin ,
de gigantesques Hombu's, arbres qui me paraissent de la famille des
Urticées et qui servent ici comme de colonnes itinéraires pour le voya-
geur.
La flore de ces Pampas ne comprend que quelques familles; on y ren-
contre des Solanées herbacées, des Composées , des Verbenacées, des
Crucifères, peu de Campanulacées, très-peu deLiliacées; mais plus près
des rivages de la mer la végétation s'enrichit notablement. Dans les par-
ties basses, voisines du Rio de la Plata et exposées aux inondations, on
voit se développer des Erythrina arborescents, des Arundo,des Cyperus
et divers joncs , tandis que sur les eaux mêmes flottent des Pistia et des
Pontederia (rosea et crassifolia). De nombreux Tradescantia et des So-
lanées herbacées se pressent sous les arbres là où elles trouvent un peu
d'ombre. Je n'ai trouvé des Palmiers qu'à l'état cultivé, entre autres des
Corijpha minor et des Phœnix dactylifera , et l'on s'aperçoit aisément
qu'ils se trouvent ici sur leur limite extrême de croissance.
Les jardins qui environnent la ville sont entourés de haies d'Agave
americann, de Cactus, d'Opuntia, d'Arundo donax (?) ou d'une espèce
— 183 —
d'Acacia. Sous ces plantes le sol est tapissé de violettes, et des Trupœo-
lam pentaphyllum s'entrelacent autour d'elles et s'élèvent quelquefois
sur les Solanum glaucum, les saules-pleureurs et les Arbres du paradis
qui sont plantés dans les clôtures. Ce dernier arbre « arbol dclparaiso »
est beaucoup cultivé, mais de même que les saules-pleureurs, le Ro-
binia pseudo-acacia et les peupliers, sa présence à Buenos-Ayres est le
résultat d'une introduction. Il ressemble assez aux Frênes, mais je n'ai
pas vu la fleur; son bois sert, ainsi que celui des autres arbres nommés
ci-dessus, à former les corals ou covalons, espèces d'enclos où l'on
parque le bétail pendant la nuit. J'ai en outre retrouvé quatre arbres
fruitiers d'Europe, le pêcher, l'olivier, l'oranger et le coignassier. Ce
dernier sert de sujet pour tous les arbres fruitiers à pépins et pousse à
merveille. La culture de l'oranger est très-répandue, mais ses fruits ne
sont que de qualité médiocre : l'olivier croit trop lentement pour qu'il
acquière quelque importance, mais il en est autrement du pêcher dont
on a fait des plantations immenses et qui produit, par sa croissance ra-
pide, tous les trois à cinq ans, une bonne coupe de bois à brûler : dès
la seconde année, il donne une abondante récolte de fruits que l'on fait
sécher, comme les pruneaux en France, pour servir de nourriture
d'hiver.
Le chardon d'Espagne (Cynara cardunculus) est devenu un fléau du
pays. Quelques graines sont arrivées en 1769, attachées, paraît-il, aux
poils d'un âne; elles ont trouvé le climat favorable et le sol bon, et se
sont multipliées d'une manière effrayante et funeste : de grandes éten-
dues de terrain en sont couvertes et ne peuvent plus servir à rien, car le
bétail et les chevaux ne les broutent pas. Ce chardon, les agaves, les
cactées, les Hombu's, les orangers, les acacias et quelques autres plantes
constituent des prairies dont la vue produit une impression pénible sur
l'esprit de l'étranger qui arrive d'Europe et qui, en présence de cette
végétation tropicale bâtarde, songe avec bonheur aux majestueuses forêts
et aux prairies verdoyantes de la patrie.
Passons maintenant à l'état de l'horticulture. Les maisons de cam-
pagne, qui font pour ainsi dire encore partie de la ville, se nomment
quintas : elles sont la demeure des riches pendant l'été. Leurs jardins
sont grands, ombragés d'arbres fruitiers de tous genres et spécialement
d'orangers; autour des maisons il y a quelques plates-bandes, plantées
de toutes sortes de fleurs et d'arbustes. Quelques quintas ont des collec-
tions assez complètes et des jardins floraux très-bien dessinés et parfai-
tement entretenus, mais elles sont rares : on y voit quelques Acacias de la
Nouvelle-Hollande, des Clianthus, des Héliotropes, des Cactées, des
Salvia, des Géraniums, des Dahlias, des Brugmansia couverts de leurs
— 184 —
superbes corolles blanches, des Gardénia florida en très-grands exem-
plaires, des Rosiers, des Abutilon, des Hibiscus, des Pyrus japonica,
quelques Conifères, des Lauriers, des Bignonia, etc. , etc. Les Azalées
et les Rosages n'y vivent pas et les Gamellias réussissent mal , ils
ne font que des boutons à fleurs et s'épuisent en peu d'années ; c'est
avec de grandes précautions et des soins assidus que les jardiniers par-
viennent à les cultiver et très-rarement à les multiplier. Aussi les prix
en sont-ils très-élevés : un Camellia passable, de 60 centimètres de hau-
teur, vaut 150 à 200 francs. Une fleur de Camellia blanc se paye en
hiver (juillet), qui est l'époque de la floraison, une once d'or ou 85 frs.;
mais on n'en vend qu'à des occasions exceptionnelles. Les plantes ne se
vendent que rarement à Buenos-Ayres, les propriétaires faisant des
échanges entre eux et aussitôt que l'un d'eux est en possession d'une
nouvelle plante, on la retrouve chez tous les autres.
On lutte avec peine contre les animaux nuisibles : en quelques en-
droits il est nécessaire d'entourer chaque pied de rosier d'un vase d'eau
enfoncé dans la terre pour les garantir des ravages de certaines fourmis :
ces insectes, en moins d'une heure, dévorent un rosier tout entier.
Un grand nombre de plantes potagères viennent très-bien, spéciale-
ment les choux, mais il faut établir à grands frais des pompes et des
bassins pour des irrigations, car sans cela tout se dessèche en été. Le
sous-sol est çà et là imprégné de sel; à tel endroit, en creusant un peu,
on trouve de l'eau salée, tandis que 10 pieds plus loin on retrouve de
l'eau douce. Le blé ne pousse que des feuilles, sauf en quelques endroits
favorisés, et quant aux pommes de terre, il faut les renouveler tous les
trois ans par des tubercules étrangers, et malgré cette précaution le
produit est aqueux et sans goût.
De l'autre côté du Rio de la Plata, dans la Banda oriental del Urai-
quay, la situation, le sol et les conditions climatériques sont plus favo-
rables à l'agriculture et à l'horticulture.
Tel est le résumé de mes observations botaniques et horticoles à
Buenos-Ayres; je n'ai d'autre prétention que l'exactitude, et j'espère que
vous voudrez bien accueillir avec indulgence le récit d'un jeune homme
qui se hasarde pour la première fois de mettre ses aperçus par écrit.
.
( alvillc Manche à cotes
— 185 —
JARDIN FRUITIER.
LA POMME CALVILLE BLANCHE A COTES,
Par M. Edouard Morren.
Ce fruit est gros, les plus beaux mesurent 8 centimètres en dia-
mètre transversal et 6 Va en hauteur ; la base est largement aplatie
et le sommet rétréci. L'œil est irrégulier, situé dans une petite dé-
pression ; il en part cinq côtes saillantes qui se prolongent, s'élargissent
et disparaissent sur le pourtour de la pomme ; elles reparaissent mais
plus surbaissées du côté de la queue. Celle-ci est courte (8 millimètres),
et logée dans un entonnoir profond. La peau est d'abord jaune vert
et jaunit à la maturité : du côté du soleil elle est souvent pointillée et
vergée de rouge ; de plus elle est fine, lisse et luisante. La chair est
blanche, tendre et fine, d'un goût sucré, aromatique, un peu acidulé,
très-bonne comme toutes les calvilles. Les loges ovariennes sont peu
élevées et renferment des pépins courts et larges. Elle mûrit vers la
mi-décembre, mais on peut la conserver jusqu'en avril et mai.
Les rameaux sont gros, longs, brun-violacé. L'arbre est très-fertile,
convient très-bien pour la culture en espalier dans des expositions au
nord ou au couchant ; greffé sur franc on le cultive en haut vent.
Le spécimen que nous avons figuré et décrit provient des pépinières
de M. Fastré, à Tilff , près de Liège.
— 18(> —
PHYSIOLOGIE VEGETALE.
r r
DE L'ORIGINE DES ESPÈCES EX BOTANIQUE ET DE L'APPARITION
DES PLANTES SUR LE GLOBE ,
Par M. A. Malbranche.
(Suite et fin) (i).
La première période végétale dont les schistes et la houille nous ont
conservé les débris, a déjà, en effet, une certaine vigueur pour le premier
degré d'une progression qui n'est pas terminée de nos jours, d'après
quelques auteurs. Des Fougères arborescentes, des Lyeopodiacées gigan-
tesques disent assez quelle énergie la végétation avait déjà dans ces pre-
miers âges, et je me sentirais aussi disposé à croire à la décadence qu'à
la progression du règne végétal. Tout n'a-t-il pas un peu déchu depuis
l'origine des choses, à mesure qu'on s'éloigne des types que le Créateur
avait formés d'abord. Où sont aujourd'hui les équivalents de ces grandes
races d'animaux dont les squelettes nous étonnent ? Qu'est la race hu-
maine elle-même auprès de ces patriarches, de ces premiers ancêtres
dont la longévité nous confond ? Et dans des temps plus voisins....
Nous sommes étonnés de ces harnais de guerre
Qu'à peine noire bras peut soulever de terre,
Et nous nous demandons si chez l'homme d'alors
La taille était plus haute et les muscles plus Torts ;
N'en doutons pas, leurs fils, triste progéniture,
Ont déchu par degrés de force et de stature.
(Barthélémy.)
Voyons maintenant dans le texte sacré quelles raisons nous trouve-
rons pour ou contre cette théorie. Rappelons d'abord le texte même de
la Genèse (2) :
« Dieu dit encore : Que la terre produise de l'herbe verte qui porte
»de la graine, et des arbres fruitiers qui portent du fruit, chacun selon
»son espèce, et qui renferment leur semence en eux-mêmes pour se re-
» produire sur la terre. Et cela se lit ainsi. »
« La terre produisit donc de l'herbe verte qui portait de la graine
» selon son espèce, et des [arbres fruitiers qui renfermaient leur
(1) Voy. livraison de janvier, p. 123. et de février, p. 154.
(2) On néglige habituellement de consulter les traditions bibliques , le seul livre
où soit écrite cependant l'histoire des premiers âges de la terre. Il faut sans doute se
résoudre à ignorer beaucoup ici-bas. Nous ne voyons les choses qu'à travers des
ombres, mais s'il a plu à Dieu de soulever un coin du voile , ce n'est pas être trop
curieux que de proliter de celle lumière, et ce serait être ingrat que de la dédaigner.
— 187 —
» semence en eux-mêmes, chacun selon son espèce. Et Dieu vit que
»cela était bon. »
« Il y eut un soir et un matin. Ce fut le troisième jour (1). »
Est-il possible de voir dans ces paroles qu'il ne fut créé au
commencement que des plantes inférieures qui ont préparé le sol
et formé le premier homme, pour recevoir des plantes de plus en
plus parfaites (2). Est-il possible d'y comprendre qu'il ne fût créé
qu'un petit nombre de types, ou plutôt de formes incertaines, sus-
ceptibles de se modifier considérablement et attendant des causes exté-
rieures, du temps, de l'habitude leur perfection et leur stabilité (3).
Il me parait que Dieu a commandé que la terre produisit tout
de suite des plantes parfaites : « des herbes et des arbres qui por-
tent leur fruit , chacun selon son espèce. » Cela ne coûtait pas
davantage à sa puissance ; cela convenait mieux à sa majesté. Et
il a été obéi complètement : « et cela se fit ainsi.... Et Dieu vit
que cela était bon. » Faudrail-il admettre que de longs siècles ont
passé sur des créations élémentaires, que les animaux avaient déjà
paru (puisque, s'il faut nous décider d'après les débris fossiles, il
est nécessaire d'arriver à la période jurassique pour trouver des
végétaux analogues à ceux existant aujourd'hui) avant que le créa-
teur eût pu juger son œuvre et trouver que cela était bon.
L'historien sacré ne distingue pas de degrés, comme pour le règne
animal. Avant de passer à une autre période, il nous apprend que
la terre avait produit et que Dieu vit que cela était bon. « Il y eut
un soir et un matin. Ce fut le 3me jour. » Ainsi , avant toute autre
création, voici le règne végétal complet, jugé bon. Je ne vois point
de place à l'équivoque, à l'incertitude. L'herbe n'a point dû précéder
l'arbre mais l'accompagner. Tandis que celui-ci s'élançait dans une
atmosphère chargée des gaz les plus favorables à la végétation, celle-
là végétait modestement à ses pieds , cachant la rudité d'un sol encore
brûlant. L'harmonie qui résulte de la distribution des plantes devait
régner déjà sur la terre. On ne saurait concevoir autrement l'œuvre
divine. «Il a pu plaire à Dieu, dit le cardinal Wiseman, de faire
«paraître les plantes dès le premier instant de leur naissance dans
» toute leur grandeur et leur beauté (4). »
S'il n'y a point eu développement progressif dans l'apparition des
(1) Gcnes. c. I, v. 11 et 12. Traduct. de Lcmaistrc de Sary.
(2) POIRET , FÉE , BrONGNIART.
(5) A. St.-Hilaire , Lecoq , Naudin.
(4) Discours sur les rapports entre la science rt la religion révélée . 5e Disc ,
P. 212.
— 188 —
végétaux, ces herbes et ces arbres, premiers habitants du sol, (liftèrent
cependant de ceux que nous voyons aujourd'hui. Ceux-ci sont-ils leurs
contemporains des premiers âges, ou bien leur ont-ils succédé à cer-
taines époques? Nous entrons là dans une nouvelle phase de la discus-
sion qui sera traitée brièvement.
§ II. Toutes les espèces végétales sont-elles contemporaines de la
première création de ce 3e jour où la terre, fécondée par la parole di-
vine, se couvrit de sa première parure?
A l'examen général des fossiles il ressort une loi que M. Pietit
a ainsi formulée : « Les espèces d'animaux d'une époque géologique
«n'ont vécu ni avant, ni après cette époque; en sorte que chaque
«formation a ses fossiles spéciaux et qu'aucune espèce ne peut être
» trouvée dans deux terrains d'âge différent (1). » Cette absence des
formes d'un terrain dans tous ceux qui l'ont précédé serait impossible
à expliquer, si toutes les espèces ont primitivement vécu simulta-
nément. On ne peut raisonnablement supposer que toutes les formes
postérieures à une époque se sont toujours dérobées aux recherches,
ou bien que, seules, elles ont survécu toutes, sans pertes, sans
extinction appréciable, aux révolutions du globe, révolutions qui ont
pourtant anéanti de si puissantes végétations, tandis que les plus
délicates aurait résisté. Il faut cependant se placer nécessairement
dans l'une de ces deux hypothèses , si l'on admet cette contemporanéité
des espèces actuelles et éteintes. Leur délicatesse, que l'on pourrait
invoquer pour supposer qu'elles ont pu échapper aux investigations
de la science, rend encore moins probable qu'elles aient pu résister
aux bouleversements qu'il leur a fallu traverser pour arriver jusqu'à
nous.
Cette seule considération me semble assez importante, assez décisive,
pour ne pas nous arrêter davantage à cette opinion.
§ III. De tous les faits géologiques il résulte clairement qu'il y a eu
succession dans l'apparition des végétaux. Après chaque révolution ter-
restre de nouvelles espèces ont paru, non pas dérivation de formes anté-
rieures, nous l'avons reconnue impossible, pas davantage survivance
de générations contemporaines, mais types absolument nouveaux, par-
ticuliers à leur époque, produit de créations nouvelles, successives ou du
développement de germes préexistant.
Je ne m'abaisserai point à discuter la théorie des créations spontanées,
dont l'énoncé seul répugne au plus simple bon sens. Créations sponta-
nées, accouplement barbare de deux mots qui s'excluent; car l'idée de
(1) Traité île Paléontologie.
— 189 —
création implique nécessairement un créateur, un intermédiaire, agis-
sant sur la chose produite ; l'idée de spontanéité marque, au contraire,
un acte que rien n'a provoqué, un mouvement propre, indépendant.
Générations spontanées n'est pas plus heureux; qui dit génération, in-
dique une descendance d'êtres antérieurs, de parents générateurs. Un
esprit sensé ne peut soutenir ce système qui n'a bientôt plus que des
contradicteurs.
Des créations successives supposent que la puissance créatrice, agis-
sant à chaque époque, suppléait par de nouvelles créations aux extinc-
tions périodiques des êtres. Cette opinion, adoptée par quelques auteurs,
ne les satisfait point complètement. « En effet, lisons-nous dans la géo-
logie appliquée, bien que cette théorie ne rende pas exactement compte
»de tous les faits et qu'il en coûte à l'esprit d'admettre que le créateur
»ait, pour ainsi dire, brisé à plusieurs reprises son œuvre de la veille,
«elle est loin de soulever des objections aussi graves que les deux
«autres (4). » Cette réflexion révèle bien l'embarras de la science lors-
qu'elle n'a plus que les cadavres pétrifiés des êtres pour se prononcer
sur leur naissance, leur vie et leur mort.
Une dernière théorie admet la préexistence originelle de tous les
germes et leur développement successif dans le temps , à mesure que se
présentaient les conditions favorables, prévues parle créateur. Dans
cet ordre d'idées, les germes de toutes les espèces furent créés au com-
mencement, un certain nombre se développa d'abord, types appropriés
aux conditions de leur époque et la caractérisant. Une révolution sur-
vient, anéantit tout ou partie de ces êtres ; de nouveaux germes se
réveillent, produisent de nouvelles espèces, et ainsi de suite jusqu'à
l'époque actuelle qui terminera, nous pouvons le penser, la succession
de ces diverses évolutions.
Voici comment St. Augustin , qui fut une des plus grandes lumières
de son temps, résume cette théorie :« La production des êtres vivants
«et animés, dit-il, n'était complète et terminée que d'une certaine ma-
nière dans leur principe et dans leur cause, en ce sens que la terre et
»les eaux, en passant du néant à l'être, avaient reçu en même temps le
«pouvoir d'amener au jour, à l'époque fixée, les êtres vivants destinés à
«répandre dans les airs, dans les abîmes des mers et sur tous les points
«du globe la vie et le mouvement qui forment le plus bel ornement de
«la nature... Ainsi, répète le savant Docteur, les êtres vivants n'ont
«apparu dans l'état actuel que dans le temps, ou autrement dit, par le
«déroulement successif des siècles (per volumina seculorum) (2). »
(1) C. d'Orbigny et A. Gente Loc. cil.
(2) Lettres sur la Genèse.
— 190 —
Cuvier , ce génie qui a jeté tant de lumière sur les questions
géologiques, a écrit ces paroles remarquables : « Les formes ne se
«produisent ni ne se changent elles-mêmes. La vie suppose leur exis-
tence ; elle ne peut s'allumer que dans des organisations toutes
» préparées et les méditations les plus profondes comme les observations
»les plus délicates n'aboutissent qu'au mystère de la préexistence des
» germes (1). »
Plusieurs esprits d'élite, Haller, l'admirable physiologiste Bonnet,
le cardinal de Polignac, Leibnitz, Mallebranche ont, exprimé la même
opinion. Seulement quelques-uns, comme l'auteur de l'Anli-Lucrèce,
vont bien plus loin que la thèse que je défends. Ils prétendent que
dans les premiers germes, dans les premières espèces créées, étaient
contenues toutes celles qui devaient se développer dans la suite des
siècles. Ainsi tous les chênes qui existent, ont existé ou existeront,
étaient contenus en germes dans le premier qui fût créé. L'humanité
tout entière était dans Adam. On fait valoir à l'appui de cette théorie
des arguments qui ne manquent pas de fondement, mais, sans me
prononcer sur leur valeur, je m'arrête aux limites que je me suis tracé :
l'apparition des espèces sur le globe. Le reste regarde leur propagation
et leur reproduction qui me semblent suffisamment expliquées par
la faculté dont elles furent clouées, en les créant, de se reproduire
par leur semence.
Créations successives ou germes préexistants, la science ne peut
plus nous éclairer sur le choix entre ces deux systèmes ; où cher-
cherions-nous des faits analogues. Voyons si les traditions bibliques
ne nous apporteront pas quelque lumière.
Rien dans la Genèse ne peut faire supposer une périodicité clans
la création des plantes, une répétition de l'action créatrice sur la
matière. Il paraît au contraire que le règne végétal a été formé d'un
seul jet. Serait-il bien raisonnable de croire que, après chaque phase
de la création animale, Dieu fût revenu au règne végétal? Non! Il
exprime un commandement : « que la terre produise. » Et la terre
à cette parole est fécondée, pénétrée de ces germes innombrables
dont l'évolution successive devait remplir les longs siècles du globe.
Tout d'abord une première génération puissante couvre la nudité
du sol et Dieu juge « que cela est bon. » Mais voici une nouvelle
explication du texte hébreu, que nous a fait connaître M. Marcel
de Serres, qui vient merveilleusement à l'appui de la création ori-
ginelle de tous les germes et donner à cette doctrine une grande
vraisemblance.
(1) Rèfprc intimai: introchir1io?i.
— 491 —
M. Marcel de Serres a fait remarquer que le latin de la Vulgate
n'a pas rendu exactement le texte hébreu. Mais dans cet entraînement
des esprits vers la succession graduée des êtres, il a forcé le sens
des mots pour leur faire exprimer cette progression que l'on voulait
retrouver partout. « Descheb , qui répond au latin germen et que
»nous avons traduit, dit-il, avec M. Cahen, par toutes sortes de
«végétaux, faute de mieux, semble plutôt signifier la plante cellulaire,
»la plus simple du règne végétal. En second lieu l'expression Descheb
»(Herba) a été généralement entendue comme désignant les herbes; ce
«qui comprend tous les végétaux non ligneux. Enfin par hets (arbor) ,
.«Moïse a indiqué les arbres proprement dits; gradation qui est par-
«faitement d'accord avec ce que nous a appris la succession des couches
«terrestres sur la succession des végétaux (1). »
Il y a dans ce raisonnement, au point de vue de la science végétale,
plusieurs inexactitudes. Jamais les plantes cellulaires (en acceptant ce
mot), les herbes et les arbres, ne peuvent former une progression d'êtres
comparables, soit par leur organisation, soit par leur vigueur. Les
herbes comprennent des plantes de l'organisation la plus parfaite, tandis
que les arbres monocotyledonées sont placés très bas sur l'échelle de la
perfection végétale. Nous allons revenir à Germen ; mais les herbes et
les arbres, si nous saisissons bien la pensée de l'écrivain sacré, ex-
priment toutes les espèces de végétaux. Ce fut là les deux divisions des
premiers naturalistes, et c'est encore de nos jours, pour les personnes
étrangères aux sciences naturelles, une façon habituelle de distinguer
les plantes. On ne peut voir dans ces expressions qu'un langage à la
portée de tous. De même quand Josué commande au soleil de s'arrêter;
quand nos astronomes annoncent le lever et le coucher de cet astre,
ils ne s'expriment point comme des savants, ils parlent pour être com-
pris de tout le monde.
Je ne suis rien moins qu'hébraïsant, mais, en acceptant le sens latin
attribué à l'hébreu par M. Marcel de Serres, il peut bien m'ètre permis
d'en discuter botaniquement les limites et la valeur. Ainsi en rendant
germen (heschele) par plantes cellulaires, on me semble avoir totale-
ment dénaturé le sens exact de ce mot. Germen, d'où notre mot fran-
çais germe, n'a jamais exprimé que le premier état d'un être, le point
de départ d'un système qui va se développer, la semence, l'embryon
d'un type qui attend des circonstances favorables pour commencer son
évolution ; mais jamais en être développé , quelque élémentaire et
quelque simple qu'on le suppose. Par germen il faut absolument en-
tendre, ce que nous apprend le sens littéraire, naturel, exact, ces
(1) Dans les Etudes Pliilnsnpfi. sur le clirislirmismr. par A. IS'icoi.as, T. 1 . P. 364.
— 492 —
germes dont je vous parlais en établissant la constance de l'espèce, en
germes créés par une finalité arrêtée dans le dessein du créateur (1).
Dès lors tout se comprend sans effort: germina herbammet arborum;
les germes de toutes les plantes sont créés dans le sol, préparé pour les
recevoir (2). La vie repose en eux, attendant pour se produire des con-
ditions favorables, son printemps, si vous voulez. L'action divine est
complète et terminée, le jeu des éléments fera le reste. Ainsi fait le
semeur : quand il a confié à la terre travaillée la précieuse semence, il
attend de la vertu qui réside en elle et des circonstances favorables des
saisons, la moisson promise à ses peines ; et, médiocre ou abondante,
elle ne se fait jamais attendre. Jamais l'août n'a passé sans que les épis
dorés aient couvert les sillons , sans que la pourpre des raisins ait rougi
les treilles.
Ce sommeil des germes n'a rien qui répugne à la raison. Nous voyons
tous les jours, par une singulière analogie, des graines enfouies reposer
de longues années endormies dans le sol jusqu'à ce que, des boulever-
sements de terrain lui rapportent de l'air et de la lumière, ces conditions
nouvelles déterminent leur évolution.
De même encore nous voyons tous les ans chaque plante se mon-
trer à son époque, à sa saison, sans que nous nous rendions bien
compte de ces différences. Chaque automne le sol reçoit les graines
de toutes les plantes; mais, en vain avril réchauffe la terre de ses
premiers rayons, en vain mai ramène les longs jours et les chauds
soleils, tandis que, dès mars, les tussilages ont épanoui leurs ca-
pitules, les scabieuses attendront que les ardeurs de la canicule aient
passé sur leurs jeunes tiges. Et plus tardifs encore, le colchique et
l'œillet superbe ne viennent qu'aux derniers beaux jours réjouir la
terre qui se refroidit déjà. La végétation se distribue ainsi pendant les
mois de l'année, comme elle a dû le faire pendant les siècles qui ne sont
que comme un jour devant le Tout-Puissant.
(1) Il ne peut s'agir ici que de l'idée métaphysique du germe , et nullement de
semences ou d'embryon comme les botanistes l'entendent. Sans chercher davantage
à pénétrer les mystères de cette œuvre divine, on doit se faire une idée différente
de l'exercice d'une toute-puissance qui crée et de la génération d'êtres qui se repro-
duisent.
(2) Nous ne pouvons résister au désir de citer cette belle pensée : « Le Créateur
«avait dès le principe chargé la mer de travailler au profit de la terre , comme un ro-
buste esclave accomplit la tâche trop rude pour le père de famille ; l'Océan avant
■ d'arroser notre sol parle mécanisme des nuages, l'avait labouré, retourné, sans
«épargner les façons ni l'engrais. »
Kosei.lt nn Lorgi fs. La vmrt avant l'homme, p. 12G.
i. Delphinium cardinale Book. 2/Delphinium ajsureum.flo.p]
?>. Delphinium coernlesceiis fb-pk. 4. Delphinium maonifieum.
— 193 —
HORTICULTURE.
LES DAUPHINELLES DES JARDINS,
Par M. Edouard Morren.
Le nombre des dauphinelles aujourd'hui décrites et figurées par les
botanistes, s'élève à soixante espèces environ , la plupart originaires de
l'Europe ou de l'Amérique du Nord. Leur nom exprime l'analogie des
fleurs, avant leur épanouissement, et de la forme des dauphins (del-
phinus), figurés dans les armoiries. Elles sont en effet curieuses et
insolites; ces fleurs se prolongent en arrière en un long appendice,
nommé éperon, formé par le sépale supérieur. Le calice est pétai oïde
et coloré, à sépales inégaux, le supérieur redressé en cornet pointu ou
éperon; quatre ou deux pétales irréguliers, souvent soudés en un seul,
forment une corolle presque monopétale, terminée à sa base par un
éperon engainé dans celui du calice. Les étamines sont nombreuses; les
carpelles, qui sont des follicules, sont sessiles, libres et verticillés;
leur nombre est variable de 1-5; les graines sont anguleuses et ru-
gueuses.
Les dauphinelles sont annuelles ou vivaces, rustiques, d'une culture
facile, terre franche, meuble, bonne exposition, multiplication des
espèces vivaces par éclats, des annuelles par graines, d'une floraison
abondante et on les recherche, avec raison, ainsi que les aconits, à cause
de leur belle couleur bleue dont la nature s'est montrée si avare. La
plupart des espèces répandues dans les jardins ont donné des variétés
de coloration et à fleurs doubles ou pleines. Ces espèces, les plus recom-
mandables, sont : le Pied d'alouette ou Delphinium Ajacis Linn.; la
dauphinelle des champs ou D. consolida L. qui fleurit dans les moissons
après les bluets et les coquelicots; la dauphinelle d'Orient, D. orientale
Gay, \eD. cardiopetalum DG. des Pyrénées; la dauphinelle à grandes
fleurs, D. grandiflorum L., originaire de la Sibérie, vivace et à grandes
fleurs bleues souvent doubles; le magnifique D. Cheilanthum Fisch,
var. Hendersoni; le D. albiflorum DC. ou dauphinelle à fleurs blanches,
vivace et venant d'Arménie; le D. rtegans var. de B. de Barlow, à
grandes fleurs semi-doubles d'un bleu chatoyant; le D. azureum dé-
couvert par Michaux dans l'Amérique boréale; le D. intermedium Ait.
si fécond en variétés, le D. speciosnm Bieb. du Caucase; la dauphinelle
BEI.G. HORT. T. VI. 19
— 194 —
à fleurs tristes (D. triste Fisch.), remarquable par sa coloration brun-
fauve et noire et enfin la Staphysaigre (D. staphysagria Lin.) employée
en médecine.
Sur la planche 37 sont peintes quelques fleurs du D. cardinale Hook.
que nous avons signalé et décrit à la page 101 et dont nous pouvons
aujourd'hui annoncer l'arrivée sur le continent et la mise en vente. Le
D. azureum Mich. a produit une charmante variété à fleurs pleines
(fig. 2) d'un bleu tendre; celles du D. intermedium Ait . var. carulescens
fl. pi. ont les pétales lilas, chatoyants, bordés d'azur (fig. 3) ; enfin
le D. magnijicim Paxt. (fig. 3) est peint du bleu le plus intense.
EXPÉRIENCES SUR LA VÉGÉTATION DES PLANTES
ÉPIPHYTES,
Et conséquences qui en découlent relativement à la culture de ces plantes.
Par M. P. Duchahtre.
La connaissance de la végétation est la base la plus solide, je ne
crains même pas de dire la seule base solide que puisse avoir la culture.
En effet, si l'on savait comment toutes les plantes végètent, si l'on était
fixé sur les conditions d'humidité, de température, de sol qui déter-
minent leur accroissement, sur la manière dont elles se comportent
relativement à l'air qui les entoure, à la terre dans laquelle s'enfoncent
leurs racines, il suffirait de reproduire exactement pour elles dans les
jardins l'état de choses en vue duquel la nature les a organisées. Dès lors
toute culture deviendrait rationnelle, aussi éclairée dans ses principes
que sûre dans ses résultats, et les milliers d'observations individuelles
dont se composent aujourd'hui l'art du jardinage, au lieu de rester des
faits isolés et purement traditionnels, se relieraient en un corps de doc-
trine cohérent et méthodique.
Malheureusement l'horticulture ne possède pas encore cette base sur
laquelle tout porte à espérer qu'elle reposera plus tard. Quelques faits
généraux ont été découverts, quelques grandes lois ont été posées; mais,
sur une foule de points, elle est encore réduite à marcher à peu près
au hasard, à procéder par simples tâtonnements. Cependant ii serait
injuste de lui en faire un reproche ; car cette connaissance approfondie
de la végétation sur laquelle elle devrait fonder tous ses préceptes, ce
n'est pas elle qui est appelée à l'acquérir ; c'est à la physiologie végétale
— 195 —
à lui en fournir les éléments que sa mission à elle est de féconder par
une application intelligente et raisonnée.
Mais, il faut bien le reconnaître, la physiologie végétale n'est pas
encore parvenue à répandre le même jour sur tous les phénomènes de
la vie des plantes. Malgré les travaux assidus d'un grand nombre
d'hommes éminents, une obscurité presque complète couvre quelques
parties de son vaste domaine ; l'incertitude règne sur plusieurs autres,
et, parmi celles qu'on regarde comme suffisamment connues, on est
quelquefois surpris de reconnaître, à l'essai, que tel principe qu'on
acceptait de confiance avait besoin d'être confirmé par l'expérimentation,
même que telle idée générale qui était admise comme vérité démontrée
était en complet désaccord avec les faits. Cette assertion, qui pourra
paraître hardie, j'espère en démontrer l'exactitude dans cette note à
propos d'un sujet qui intéresse également le physiologiste et l'horti-
culteur.
Il existe une catégorie de plantes très-remarquables par la situation
exceptionnelle dans laquelle elles vivent ; c'est celle des plantes qu'on
nomme épiphytes ou épidendres, pour indiquer qu'elles végètent dans
une indépendance complète du sol , fixées à l'écorce d'arbres qui leur
servent uniquement de supports. Il faut bien se garder de confondre
ces végétaux singuliers, placés en général par la nature dans les régions
chaudes du globe, avec d'autres qui croissent également sur des arbres,
mais dans des conditions entièrement différentes, par exemple avec notre
Gui. En effet, tandis que les premiers ne cherchent sur les arbres qu'un
simple support, les derniers y puisent l'aliment qui leur est. nécessaire;
pour cela ils enfoncent profondément dans le tissu qui doit remplacer
pour eux le sol nourricier, soit des racines douées d'une organisation
particulière et d'un mode de formation tout-à-fait spécial , soit des
suçoirs qui produisent pour eux le même effet. Ce sont donc de véri-
tables parasites, dont l'existence est tellement liée à celle de la plante
nourricière qu'ils meurent nécessairement lorsqu'elle meurt. Au con-
traire, les épiphytes sont uniquement superficielles; leurs racines
flottent simplement dans l'air, ou tout au plus elles se collent à la sur-
face de l'écorce, du bois, des corps divers avec lesquels elles sont en
contact. Ces plantes ne peuvent dès lors rien puiser dans le tissu de
l'arbre qui les porte ; aussi n'ont-elles avec les vraies parasites qu'une
ressemblance apparente et non réelle ; ce sont, comme on l'a dit, des
fausses-parasites, pour lesquelles il est indifférent que leur support soit
vivant ou mort, et qu'on cultive avec un plein succès en se bornant à
les fixer sur des branches coupées ou bien à de simples morceaux de
liège. Pour achever de fixer les idées à ce sujet, je rappellerai que les
— 496 —
épiphytcs habituellement cultivées dans les jardins appartiennent aux
familles des Orchidées, des Broméliacées et à un petit nombre d'autres
groupes naturels.
11 semble logique de supposer que des plantes sans la moindre rela-
tion avec le sol , dépourvues de tout organe propre à puiser dans les
arbres qui les portent l'aliment nécessaire à leur nutrition , des plantes
pour lesquelles il n'existe pas d'autre milieu que l'air atmosphérique,
doivent puiser dans cet air l'humidité dont elles ont besoin pour leur
développement. C'est en effet l'idée à laquelle on s'est universellement
arrêté. On a dit et répété dans tous les ouvrages de botanique et d'hor-
ticulture que les plantes épiphytes vivent principalement de l'humidité
en vapeur qu'elles puisent dans l'air; que les organes de cette absorp-
tion nécessaire à leur existence sont, d'un côté, les feuilles, de l'autre
et principalement les racines aériennes. En examinant ces racines au
point de vue de leur structure anatomique, on y a reconnu une orga-
nisation spéciale. Par exemple, dans celles des Orchidées, on a constaté
depuis longtemps l'existence d'une enveloppe extérieure formée d'un
tissu particulier, et l'on a dit dès lors de la manière la plus positive que
cette zone externe est spécialement chargée d'absorber et de condenser
la vapeur aqueuse de l'atmosphère, pour l'introduire dans l'intérieur
du végétal qui doit en faire son principal aliment.
Partant de cette idée, les horticulteurs ont imaginé pour les plantes épi-
phytes en général, et pour les Orchidées tropicales en particulier, un mode
de culture tout spécial. Pour mettre à la portée des organes absorbants la
vapeur aqueuse avec laquelle on suppose qu'elles doivent surtout se
nourrir, on s'est attaché à rendre extrêmement humide l'air des serres
dans lesquelles on les cultive. Nous lisons même dans un ouvrage récent
très-connu et justement estimé sur la Culture des Orchidées (par
M. Morel, p. 66), que, pour certaines de ces plantes, l'humidité de la
serre peut suffire. D'un autre côté , le célèbre horticulteur anglais
Loddiges , après avoir épuisé tous les moyens ordinaires pour rendre
extrêmement humide l'air de sa serre à Orchidées, est allé jusqu'à trans-
former ses bâches en un vaste bassin toujours rempli d'eau, sur lequel
sont disposées ses plantes , soutenues simplement par des supports à
quelques centimètres au-dessus de la surface du liquide.
Il y a mieux. L'un des botanistes les plus distingués de l'Allemagne,
M. Unger, a fait deux expériences par lesquelles il croit avoir démontré
non-seulement que les racines aériennes absorbent la vapeur d'eau ré-
pandue dans l'air, mais encore qu'elles en absorbent une grande quan-
tité. Dans sa première expérience, il a vu, dit-il, une racine aérienne
(VEpidendrum elongatum longue de 17 pouces, placée dans un air saturé
— 197 —
de vapeur d'eau, absorber en 24 heures plus de */9 de son poids
(Voyez Anatomie und Physiol. der Pflanzen, 1855, pag. 506 et 507).
Sa seconde expérience a porté sur une épiphyte de la famille des Com-
mélynées, le Spironema fragrans Lindl. Un pied de cette plante, simple-
ment fixé contre un morceau de bois, a été suspendu dans l'atmosphère
humide d'une serre. Dans l'espace d'un an, dit le savant allemand, il a
doublé de poids, grâce uniquement à la vapeur d'eau répandue dans
l'air qu'il a pu absorber au moyen de ses racines aériennes (Voy. Sit-
zungsberichte ,vol. xn, p. 349).
Eh bien, cette idée que les épiphytes, Orchidées, Broméliacées et
autres, vivent surtout de la vapeur d'eau absorbée par leurs feuilles et
leurs racines aériennes; cette idée universellement admise et sur laquelle
est basé en grande partie leur traitement dans les serres; cette idée, je
suis obligé de le dire, est erronée, et l'explication qu'on a donnée de la
végétation de ces plantes se trouve ainsi sapée par sa base. En effet,
des expériences en grand nombre m'ont prouvé que les épiphytes n'ab-
sorbent l'humidité en vapeur répandue dans l'air ni par leurs feuilles
ni par leurs racines; d'où il résulte que l'atmosphère humide des serres
ne leur fournit rien, ne les nourrit pas et ne peut intervenir dans leur
végétation qu'en diminuant la transpiration abondante dont leur sur-
face serait le siège, si l'air qui les entoure était plus sec. Pour qu'elles
absorbent l'eau nécessaire à leur nutrition, il faut qu'elle leur arrive à
l'état liquide. Dès lors, dans leur pays natal, les pluies et les rosées,
dans nos serres, les seringuages et les arrosements ont pour elles toute
l'importance qu'on avait attribuée à tort à la vapeur aqueuse.
Maintenant, pour faire partager la conviction que j'ai acquise à ce
sujet, je dois exposer les résultats de mes recherches. Seulement, ne
voulant pas fatiguer l'attention, j'abrégerai cet exposé en le limitant
à quelques-unes des nombreuses expériences que j'ai faites. J'ose
espérer qu'elles constitueront une démonstration d'une parfaite
rigueur.
Un moyen aussi simple que sûr de reconnaître si des plantes ont
opéré une absorption quelconque, est fourni par l'emploi de la balance.
Evidemment les feuilles ou les racines ne peuvent absorber de l'eau
sans que le poids de la plante entière en soit augmenté, tandis qu'une
diminution de poids indique sur-le-champ ou bien que l'absorption a
été nulle, ou tout au moins, et dans la supposition la plus défavorable,
qu'elle a été insignifiante comparativement à la déperdition. La balance
dont j'ai fait usage accusait nettement les demi-décigrammes, et dès lors
elle me donnait une exactitude plus que suffisante pour les observations
auxquelles je l'employais. Pour obtenir une certitude complète, j'ai tenu
— 198 —
à vérifier, d'abord séparément, s'il y avait absorption de vapeur aqueuse,
dans un air très-humide, d'un côté, par les feuilles, de l'autre, par les
racines aériennes; après quoi j'ai soumis des plantes entières à la même
expérimentation. Je ne dois pas négliger de dire que, si j'ai pu faire mes
expériences et les varier autant que je le désirais, je le dois à l'obligeance
de M. Louis Neumann qui a mis à ma disposition, dans la serre chaude
du Jardin des Plantes confiée à sa direction, tous les sujets dont j'avais
besoin.
§ 1. — Pour reconnaître si les feuilles des plantes épiphytes absorbent
de la vapeur d'eau dans un air rendu avec intention extrêmement hu-
mide, j'ai renfermé une tige vigoureuse de Dendrobium moschatum
chargée de 14 feuilles, sous une cloche de verre que j'ai posée sur une
assiette remplie d'eau. L'air contenu clans cette cloche était ainsi telle-
ment humide que la surface intérieure du verre se couvrait d'une
couche de vapeur condensée en eau. Au commencement de l'expérience,
le 5 octobre, la tige entière pesait 18 gr. 55. Après une semaine, son
poids était déjà réduit à 16 gr. 95. Ainsi, au lieu d'absorber l'humidité
abondante de l'air qui l'entourait, elle avait perdu, en si peu de temps,
1 gr. 60, c'est-à-dire près de '/te c^e son poids primitif. — Une grande
feuille d'Angrcecum eburneum, longue d'environ 65 centimètres, a été
placée le même jour, 5 octobre, de manière analogue. YA\q pesait alors
44 gr. 05. Après quinze jours, quoiqu'elle fût encore très-fraîche, elle
ne pesait plus que 40 gr. 35. Elle avait donc perdu, malgré sa grande
consistance, 3 gr. 70, c'est-à-dire '/t2 &Q son poids primitif. — Une tige
d'Epidendrum elongatum, portant 12 feuilles, a été suspendue, le 9 oc-
tobre, dans la serre à Orchidées du jardin des Plantes, dans laquelle
règne constamment une extrême humidité. Elle pesait alors 13 gr. 55.
Le 6 novembre suivant, c'est-à-dire en moins d'un mois, et quoiqu'elle
fût toujours verte et fraîche, son poids était descendu à 11 gr. 90. Elle
avait ainsi perdu 1 gr. 65 ou A/Sde son premier poids.
Le Spironema fragans Lindl. ayant été le sujet d'une des expériences
de M. Unger, j'ai mis un soin particulier à vérifier de quelle manière il
se comporte dans toutes les circonstances diverses sous l'influence des-
quelles il m'a été possible de le placer. J'ai commencé, le 12 décembre,
par en suspendre une longue branche, pourvue de dix feuilles, dans une
partie de la serre à Orchidées où j'étais certain qu'elle ne recevrait pas
d'eau. J'en avais préalablement recouvert la section avec une couche
épaisse de collodion. Le poids de cette branche était alors de 19 gr. 50.
Le 12 janvier, ou exactement un mois plus lard, elle ne pesait plus que
13 gr. 65, et elle avait ainsi perdu 5 gr. 85 ou presque un tiers de sou
poids primitif. Durant cet espace de temps, non-seulement elle n'avait
— 190 —
pas végété du tout, mais encore ses trois feuilles inférieures avaient en-
tièrement séché, et les autres, quoiqu'elles fussent restées vertes, étaient,
devenues visiblement flasques. On verra plus loin que d'autres branches
de la même espèce se sont comportées tout différemment lorsque, sus-
pendues dans la même serre, elles ont été mouillées par des serin-
guages à peu près journaliers. ■ — Une autre branche de Spironema,
remarquable par son extrême vigueur, a été suspendue, le 12 janvier,
dans la même partie de la serre, sa section inférieure ayant été préala-
blement recouverte de collodion. Son poids, qui était alors de 49 gr. 60,
était déjà descendu, le 19 janvier, après une semaine, à 40 gr. Elle
avait donc subi, dans ce court espace de temps, la diminution consi-
dérable de 9 gr. 60, près de */5 du poids initial, ce qui s'explique par la
grande quantité de suc qui remplissait ses tissus au commencement de
l'observation.
Les exemples fournis par les quatre plantes dont il vient d'être ques-
tiou prouvent, je crois, surabondamment que des plantes épiphytes,
réduites à leurs feuilles ou à leur tige feuillée, ne prennent pas d'humi-
dité dans l'air qui les environne.
§2. — Dans le but de déterminer le rôle des racines aériennes par
rapporta l'humidité répandue dans l'air, j'ai d'abord employé une dis-
position particulière. J'ai pris un pied de Dendrobium moschatum formé
d'une tige longue de 25 centim. et chargée de onze feuilles, de la base
de laquelle partait un faisceau de 16 racines en état parfait, qui s'étaient
développées à l'air. Le 6 octobre, cette plante, dont le poids fut trouvé
égal à 12 gr. 65, fut adaptée à une cloche à douille, de telle sorte que, le
bas de la tige passant à travers un bouchon qui fermait exactement
l'ouverture supérieure, le faisceau de racines se trouvait seul renfermé
dans la cloche, et la tige feuillée flottait librement dans l'air. La cloche
fut alors posée sur une assiette pleine d'eau. Les racines entourées ainsi
elles seules d'une atmosphère très-humide, n'y ont absolument rien
puisé et, le 26 du même mois, la plante avait perdu 2 gr. 65 ou environ
*/g de son poids primitif. — Pour compléter la démonstration en éliminant
la transpiration des feuilles, j'ai disposé de la même manière, le 6 octobre,
un autre pied de Dendrobium moschatum qui portait un magnifique
faisceau de 21 racines en état parfait. La tige, qui sortait de la cloche à
douille, a été coupée au-dessous de la feuille inférieure. Le poids de la
portion de plante mise en expérience était de 9 gr. 75. La cloche ayant
été posée sur une assiette pleine d'eau, les racines se sont trouvées
plongées dans une atmosphère confinée extrêmement humide. Cepen-
dant elles n'ont pas absorbé une quantité appréciable d'humidité, et,
le 26 octobre, ou après 20 jours d'expérience, la plante avait perdu
— 200 —
I gr. 10, c'est-à-dire un peu plus de '/g de son poids primitif. — Je
n'ajouterai qu'une autre expérience du même genre. — Le 9 octobre,
une tige d'Epidendrum elongatum, du bas de laquelle partait un faisceau
de 10 longues racines en très-bon état, développées dans l'air, a été
coupée immédiatement au-dessous de sa feuille inférieure. Le faisceau
de racines s'est trouvé par-là isolé avec une faible longueur de tige, et le
tout ensemble a pesé 2 gr. 65. La plante ainsi préparée a été suspendue
dans la serre à Orchidées, et, dès le 19 octobre, ou en 10 jours, son
poids était descendu à 1 gr. 70. Loin d'absorber de l'humidité, elle avait
ainsi perdu en peu de temps 0 gr. 95, c'est-à-dire près de 2/o de son
poids primitif.
§3. — Après avoir fait isolément, comme on vient de le voir, des
expériences sur les feuilles et sur les racines aériennes des plantes épi-
phytes, j'ai voulu expérimenter sur des plantes entières, en opérant
toujours dans l'atmosphère très-humide de la serre à Orchidées du
Jardin des Plantes. Les résultats de ces nouvelles observations ayant été
parfaitement concordants soit entre eux, soit avec les précédents, je me
contenterai d'en rapporter quelques-uns pris en quelque sorte au
hasard.
Le 9 octobre, un pied d'Epidendrum elongatum formé de 2 tiges
feuillées inégales et de 6 racines aériennes en très-bon état, a été sus-
pendu dans la serre. Il pesait alors 4 gr. 45. Après 10 jours de séjour
dans cette atmosphère humide, son poids n'était plus que de 3 gr. 55.
II avait ainsi perdu 0 gr. 90, c'est-à-dire environ 75 de son poids pri-
mitif. — Le même jour, je mis en observation une bille de chêne écorcé
qui portait plusieurs pieds d'Oncidium ampliatum majus pourvus de
nombreuses racines. Sur les 9 pseudobulbes que présentait la touffe en-
tière, 4 seulement se terminaient par une feuille bien développée. Le tout
ensemble pesa 741 gr. 35. Dix jours après, ce poids s'était réduit à 731 gr.
70; il avait donc diminué de près de 10 gr. — Le 27 octobre, j'ai pesé un
pied d'Oncidium Lanceanum à 4 feuilles, remarquable par la force et la
longueur de ses racines aériennes dont l'extrémité était verte sur en-
viron 15 millim. La plante était placée entre deux petites plaques de
liège mince, et sa base était entourée d'une petite quantité de mousse
sèche. Le tout ensemble pesait 162 gr. 15. Au bout d'un mois et demi
de séjour dans la serre humide, le 12 décembre, ce poids était descendu
à 146 gr. 75; il avait donc diminué de 15 gr. 40. Comme dans l'exemple
précédent, il faut reporter une partie de la diminution sur le support
de la plante; mais certainement cette partie ne peut avoir été considé-
rable, car le bois et le liège étaient déjà très-secs au commencement de
l'observation. — Une forte tige d'Ornitliidium densifîorum bifurquée et
— 201 —
portant 7 pseudobulbes terminés chacun par une feuille avec deux
autres sans feuille, a été détachée du pied-mère, et sa section a été re-
couverte de collodion. Ainsi préparée, elle a pesé 71 gr. 75. Au bout
d'une semaine, le 19 janvier, elle ne pesait déjà plus que 69 gr. 65, et
cependant sa végétation avait continué; trois inflorescences, dont l'ex-
trémité se montrait à peine en dehors de la gaîne au commencement de
l'expérience, s'étaient allongées de manière à se montrer en majeure
partie et chacune d'elles avait épanoui une de ses fleurs.
Je me bornerai à ces exemples qui me semblent plus que suffisants
pour la famille des Orchidées. Pour celle des Broméliacées, j'ai pu
prendre comme sujets d'observation deux Tillandsia indéterminés. Le
premier forme une touffe arrondie, dans laquelle sont réunis , sans in-
termédiaire, deux pieds en bonne voie de développement. Ses feuilles
lancéolées, très-aiguës , canaliculées , nombreuses , longues de 8 à 10
centim. , sont blanchies par une couche de petites écailles qui se
montrent au-delà des bords comme des dents irrégulières et membra-
neuses. Il est désigné sur l'étiquette comme venu de Santos. Le 18 dé-
cembre, la touffe entière de cette plante pesait 61 gr. 50 : un mois plus
tard, le 19 janvier, son poids s'est trouvé réduit à 55 gr. 80. Elle avait
donc subi une perte de 5 gr. 70 , c'est-à-dire de plus de i/ii de son
poids primitif. — Le second Tillandsia, également indéterminé, a de
longues feuilles en gouttière et nues ou à peu près, qui forment une
touffe étroite et allongée. Il est fixé contre un petit morceau de bois
très-léger, avec lequel il est arrivé de son pays natal. De sa base est
sortie une pousse actuellement en végétation, qui a déjà quelques centi-
mètres de longueur. Le 18 décembre, la plante avec son support et un
très-petit coussinet de mousse, pesait 180 gr. 50. Un mois plus tard, le
19 janvier, ce poids n'était plus que de 176 gr. 50 ; cependant la plante-
mère et son jet latéral paraissaient aussi frais que le premier jour.
11 est, je crois, démontré par les expériences dont on vient de voir les
résultats, que les plantes vraiment épiphytes, Orchidées, Broméliacées
et autres, ne tirent de l'atmosphère, ni par leurs feuilles, ni par leurs
racines, l'humidité qui s'y trouve répandue, quelque forte que puisse
en être la proportion. C'est là, si je ne me trompe, un fait inattendu,
contraire même aux idées qui avaient eu cours jusqu'à ce jour. Mais
comment ces plantes se nourrissent-elles, puisque leur situation est
telle qu'elles ne peuvent rien recevoir que de l'atmosphère, seul milieu
dans lequel elles vivent? C'est uniquement en absorbant l'eau liquide
qui mouille leur surface et particulièrement celle de leurs racines, or-
gane principal de cette absorption. L'exactitude de ce nouvel énonce
m'a été prouvée par un grand nombre d'expériences, parmi lesquelles
— 202 —
je me contenterai d'en rapporter quelques-unes qui soient de nature à
fournir une complète démonstration.
§ 4. — J'ai rapporté plus haut une expérience dans laquelle un pied
vigoureux de Dendrobium moschatim, ayant ses racines seules renfer-
mées dans une cloche dont l'air était très-humide, avait perdu en 20
jours près de '/3 de son poids initial. Lorsque la plante a été parvenue
à ce point, j'en ai mouillé les racines en secouant un peu d'eau dans la
cloche une ou deux fois par jour. Grâce à l'absorption qui a eu lieu,
dans l'espace de 5 jours , la plante avait réparé ses pertes, elle avait re-
pris sa fraîcheur, et, du 26 au 31 octobre, son poids s'était élevé de
3 gr. 60 au-dessus du point le plus bas auquel elle fût d'abord des-
cendue. — Les résultats ont été lout-à-fait analogues pour le faisceau
isolé de racines de la même plante qui, comme on l'a vu , avait été
adapté à un semblable appareil.
J'ai rapporté encore une expérience faite sur un pied iVEpidendrum
elongatum à deux tiges inégales, fouillées, de la base desquelles par-
taient 6 racines en très-bon état. Lorsque cette plante suspendue dans la
serre à Orchidées, eut assez perdu de son poids pour descendre de 4 gr.
45 à 3 gr. 55 et même 3 gr. 45, on commença à la mouiller à peu près
une fois par jour au moyen d'un simple seringuage. Dès ce moment,
elle augmenta de poids graduellement, et, malgré les irrégularités
qui avaient eu lieu dans les seringuages, elle était remontée, le
12 janvier, à son poids initial de 4 gr. 45. ■ — Un autre pied de la
même espèce dont la tige portait 6 feuilles et avait produit à sa base deux
longues racines avec quelques autres beaucoup plus courtes , a donné
des résultats encore plus prononcés. Le 9 octobre , son poids était de
3 gr. 40, et, 10 jours plus lard, comme on n'avait pas donné d'eau, il
était descendu à 3 gr. 25. Alors on a commencé à seringuer, d'abord
rarement, puis à peu près chaque jour , à la fin assez régulièrement
deux fois par jour. Traitée de la sorte, cette plante a suivi une marche
ascendante dans laquelle on n'a pas observé d'autre points d'arrêt que
lorsque, pour un motif quelconque , les seringuages étaient disconti-
nués. Du 19 au 31 octobre , son poids, d'abord réduit à 3 gr. 25, était
monté à 3 gr. 95, et il était parvenu à 4 gr. 20 dès le 12 décembre. Il
avait ainsi dépassé exactement d'un gramme celui qu'avait la plante au
moment même où elle avait été mise en expérience. Je ferai remarquer
que l'accroissement de poids s'est montré constamment en rapport avec
les mouillages donnés. Il a été plus fort lorsqu'on a seringue deux fois
par jour que lorsqu'on l'a fait une seule fois, et il a été suspendu dès
que la plante n'a plus reçu d'eau momentanément, pour reprendre lors-
qu'on a recommencé de mouiller.
— 203 —
J'ai obtenu des résultats analogues sur le Dendrobium nobile, le Bras-
savola perrina , sur deux Eria de Cayenne , sur r 'Ornithidium denisr
florum, sur deux Oncidiuin, etc. Je n'entrerai pas dans le détail de ces
nombreuses observations. J'ajouterai seulement les résultats remar-
quables que m'a donnés le Spironema fragrans. Une branche vigou-
reuse de cette épiphyte portant 10 belles feuilles et 5 racines sèches, a
été suspendue dans la serre, le 12 décembre, après que sa section eut
été soigneusement recouverte de collodion. Elle pesait alors 31 gr. 65.
A partir de ce moment elle a été seringuée assez régulièrement une fois
par jour. Le 19 janvier suivant, c'est-à-dire après un mois et 7 jours,
son poids s'était élevé graduellement à 34 gr. 25. Pendant ce temps, la
plante avait développé, sur 4 de ses nœuds, 6 racines aériennes dont
une était déjà longue d'environ 15 millim., et tout en elle indiquait une
vigueur vraiment remarquable. D'autres pieds de la même espèce m'ont
donné des résultats tout-à-fait semblables et il m'est resté ainsi la con-
viction que si, dans l'expérience de M. Unger, un pied de la même
plante, suspendu dans une serre, a doublé de poids en un an , ce fait
tient uniquement, non pas à une absorption de la vapeur aqueuse, puis-
que mes observations prouvent qu'elle n'a pas lieu, mais à l'effet de se-
ringuages donnés par le jardinier a l'insu de l'expérimentateur.
La conséquence capitale amenée par tout ce qui précède , c'est que
le principe fondamental sur lequel repose la culture des plantes épi-
phytes en général et des Orchidées en particulier, est en désaccord avec
la marche naturelle de la végétation de ces plantes. En cherchant par
tous les procédés possibles à charger d'humidité l'atmosphère des serres,
on ne contribue en rien à la nutrition de ces singuliers végétaux, et le
seul moyen pour leur fournir l'élément fondamental de leur développe-
ment consiste dans les arrosements pour celles qui sont en pots, dans
les seringuages pour presque toutes, mais particulièrement pour celles
qui sont cultivées sur des bûches ou contre des plaques de liège. Les
tenir dans un air extrêmement humide sans les mouiller, c'est simple-
ment les affamer tout en cherchant à les nourrir; tandis que leur végé-
tation est accélérée par des mouillages fréquents, toutefois dans la limite
de ce qu'il est permis de faire dans la culture en serre.
Au reste, ce qu'on observe dans la nature concorde avec les résultats
des expériences que j'ai rapportées et avec les conséquences que j'en ai
déduites. Les Orchidées épiphytes spontanées ne peuvent se nourrir que
de l'eau des pluies ou des rosées; or, des expériences que je ne crois pas
devoir rapporter en ce moment m'ont prouvé qu'en général la force
d'absorption des racines aériennes est peu considérable. Pour ces di-
vers motifs, on ne doit pas s'étonner du grand nombre de racines que:
— 204 —
développent ces plantes. M. Béer, qui insiste sur ce point dans son im-
portant ouvrage sur les Orchidées, dit avoir reçu d'Amérique des pieds
qui en portaient jusqu'à 5 ou 6 étages, et sur lesquels il restait encore
des vestiges qui prouvaient qu'un grand nombre de ces organes avaient
été brisés. Ainsi la nature multiplie dans ces végétaux les organes ab-
sorbants pour leur permettre de profiter le plus possible de l'eau qui ,
hors de la saison des pluies , doit être rare pour eux. dans les régions
où ils croissent naturellement. Mais dans nos cultures où le climat arti-
ficiel qu'on leur fait diffère nécessairement sous plusieurs rapports de
celui qui leur est naturel et où d'ailleurs les mouillages plus ou moins
fréquents qui entrent dans le régime habituel des serres les placent
dans des conditions tout-à-fait différentes, ces plantes ne montrent pas
d'ordinaire la même abondance d'organes absorbants. D'ailleurs leur
développement y est généralement peu rapide, et les Broméliacées épi-
phytes se font encore remarquer parmi elles sous ce rapport, elles qu'on
voit souvent ne posséder qu'un faisceau très-peu volumineux de ra-
cines aériennes courtes et grêles, par lesquelles on ne peut supposer que
se fasse une absorption considérable.
La manière dont j'ai montré que les épiphytes absorbent leur prin-
cipal aliment me semble expliquer ce fait aujourd'hui bien connu que
l'eau de pluie est la plus avantageuse de toutes pour leur culture. C'est
qu'en effet, sur les arbres qui les portent, elles ne peuvent recevoir
d'autre eau que celles des pluies et des rosées, la plus pure de toutes, et
dès lors celle des sources, des puits et des rivières, qui contient tou-
jours en dissolution des matières salines ou autres, doit être pour elles
un aliment indigeste, s'il m'est permis d'employer cette expression.
Il est presque inutile de faire observer en terminant que le seul but
que je me suis proposé dans cette note a été d'établir un principe gé-
néral déduit de l'expérience, et que je ne veux, ni ne dois entrer dans
des détails qu'on trouve d'ailleurs indiqués avec soin dans différents
ouvrages, notamment dans celui de M. Morel sur la culture des Orchi
dées, à son excellent chapitre sur les mouillages.
REVUE DE PLANTES NOUVELLES ET INTÉRESSANTES.
Rhododendron Monlinainense. Hook. — Bot. Mag. tab. 4904.
— Fam. des Ericées; Décandrie Monogynie. — Etym.: de po^v, rose, et
<JWp«v, arbre, les rosages étant des végétaux frutescents ayant la plu-
part des fleurs roses. — Rosage de Moulmain.
Les recherches récentes des botanistes ont démontré que c'esl dans
— 205 —
les parties orientales du globe, près du parallèle des îles Malaises, dans
la région montueuse depuis Bornéo et Java au sud, jusqu'au Sikkim-
Himalaya au nord, que l'on découvrira le plus grand nombre de Rhodo-
dendrons ; témoin les récentes découvertes du Dr Hooker dans cette
dernière contrée, celles de MM. Griffith et Booth dans le territoire du
Boutan , des botanistes hollandais à Java et de M. Lowe à Bornéo.
Le R. Moulmainense a été rencontré par M. Thomas Lobb, surtout à
Moulmain, à une altitude de 5,000 pieds au-dessus du niveau de la mer.
C'est un arbrisseau à rameaux rougeâtres, glabres, comme tout le reste
de la plante et privés des petites écailles ou lépides si abondantes sur
un grand nombre d'espèces du genre. Les feuilles sont principalement
insérées à l'extrémité des branches et juste sous l'ombelle de fleurs ;
elles ont quatre à cinq pouces de long, largement lancéolées, penni-
nerves, brièvement acuminées, coriacées , vert foncé au-dessus, plus
pâles à la face inférieure. Pétioles courts, arrondis, renflés à la base.
Fleurs formant une ombelle à l'extrémité des branches, mais naissant
cependant par groupes de deux ou trois, pédoncules à peu près aussi
longs que les fleurs. Calice très-court, à peine visible, si ce n'est après
la chute de la corolle et alors il se présente comme un petit disque
quinquélobé. Corolle blanche (rose dans quelques exemplaires d'herbier)
teintée de jaune à l'intérieur, infundibuliforme-campanulée. Tube peu
allongé, sillonné; lobes du limbe, plus longs que le tube, étalés, oblongs-
obtus, pas apiculés, ondulés. Dix étamines, dressées, plus courtes que
les lobes de la corolle, à filaments légèrement velus inférieurement, à
anthères petites, oblongues (abortives?). Ovaire oblong, exlraordinaire-
ment étroit, à six sillons profonds ; style glabre plus long que les éta-
mines, à stigmate capité, indistinctement lobé.
Rixea aznrea, Mon*, var. grandiflora. — Illust. Hort. 1856
tab.85. — Synon. : Tropœolum azureum Miers, var. grandifloram.
— Etymol.: le genre Rixea a été fondé par M. Ch. Morren, à la mé-
moire du gantois J. Rixe, qui le premier importa le froment au Chili.
— Fam. des Tropœolées, Octandrie Monogynie. — Rixea azuré, variété
à grandes fleurs.
Cette nouvelle variété, du Rixea azurea Mon*., est remarquable par
ses fleurs deux ou trois fois plus grandes que celles du type, par sa
végétation plus robuste, ses feuilles plus amples, etc. Elle a été adressée
directement du Pérou à l'établissement de M. Amb. Verschaffelt à Gand,
où elle a fleuri pour la première fois au mois de juin 1855.
Cenia pruinosa. DC— De Cand. Prodr. VI. 31.— Gard. Chron.
1856, p. 4. — Etymol. : de «evo?, qui ne contient rien, vide, crenx,
— 206 —
parce que les pédoncules floraux sont vides à leur extrémité renflée en
forme de toupie. — Fana, des Composées ; Syngénésie superflue. — Cenia
cirier.
Celte espèce est une des plus jolies plantes annuelles d'introduction
nouvelle; quoique native du Cap de Bonne-Espérance, elle ne demande
pas plus de soins qu'un plant de Camomille, auquel elle ressemble
quelque peu par ses feuilles finement découpées en segments linéaires.
Elle forme des touffes d'un vert brillant , hautes de cinq à six pouces
seulement et qui donnent avec profusion et pendant fort longtemps des
capitules floraux, circulaires, convexes, du diamètre d'une pièce d'un
franc, consistant en une foule de fleurons tubuleux jaunes, entourés
d'un cercle de rayons courts, jaunes en dessus, d'un pourpre foncé en
dessous. L'involucre consiste en deux rangs de huit bractées chacun,
insérées à l'extrémité d'un renflement du pédoncule et couvertes d'une
fleur glauque, d'où le nom de pruinosa.
Ccni.i turbinata. Persoon. — De Cand. Prodr. VI. 830. Cenie
toupie.
Cette plante , l'ancien Cotula turbinata de Linné, avait été perdue,
jusqu'à sa nouvelle réintroduction du Cap il y a quelques années.
Elle ressemble beaucoup au C. pruinosa, mais les feuilles sont plus
aiguës et plus poilues, le renflement de l'extrémité du pédoncule est
beaucoup plus considérable et sans glaucescence. Elle a fourni trois
variétés horticoles : C. turbinata, C. turbinata formosa et C. turbinata
alba.
Ceanothus integerrimus.Hook. — Hooker et Arnott in Beechey's
Voyage, p. 329. ■ — Gard. Chron. 1856, p. 36. — Etim. : Théopliraste
nomma Kiuva^o; une plante épineuse, d'ailleurs inconnue et Linné
attacha ce nom à un genre de plante de la famille des Rhamnées et de
la Pentandrie monogynie. — Céanothus à feuilles entières.
Cette plante est peu connue, quoique parfaitement rustique et sub-
toujours-verte ; elle forme un grand buisson, à rameaux sveltes, ayant
le port des C. thyrsiflorus , azureus eipallidus. Les feuilles sont minces,
ovales, trinerves et complètement privées de pubescence. Les fleurs
sont d'un blanc pur, en panicules terminales étroites. On trouva d'abord
cette espèce en Californie, plus tard Hartew la revit dans la vallée de
Sacramento. Le C. verrucosus, espèce tout-à-fait distincte, est parfois
appelée C. integerrimus par les horticulteurs.
Banksia Victoria?. Meisn. — Bot. Mag. lab. 4906. Meisn. New
Austral. Prot. in Hooh. Journ. Bot. 1855, v. 7, p. 119. — Synon.:
— 207 —
Banksia speciosa , Lindl. Bot. Beg. t. 1728 {non Br.).— Etymol.: genre
fondé par Linné fils en l'honneur de sir Joseph Banks, né en Angleterre
en 1743, qui accompagna avec le Dr Solander, le capitaine Cook dans
son premier voyage autour du monde en 1769, 70 et 71 et qui publia
les dessins et gravures de la belle édition de Premier Voyage de Cook,
Londres 1773. Il fut comblé d'honneurs et s'en montra digne par la
noblesse de son caractère et les services qu'il rendit aux sciences natu-
relles ; il fut président de la Société royale de Londres, correspondant
de l'Institut de France et mourut en 1820. — Banksia de Victoria.
Cette espèce croît dans la région de la rivière des Cygnes ; elle est
d'un très-beau port, très-voisine du B. speciosa, mais s'en distingue
par les segments des feuilles plus larges, planes et verts en dessous.
Encephalartus CafFei». Lehm. — Bot. Mag. tab. 4903. Lehm.
Pugill. v. 6, p. 11. Miq. Monogr. cycad. p. 53. — Synon. : Cycas
caffra , Thunb. Nov. Act. Beg. Soc. Ups. tom. 2, p. 283. Zamia cycadis
Linn. Fil. suppl. p. 443. Ait. Hort. Kew. éd. 2. p. 412. Zamia Caffra
Thunb. FI. cap. éd. Schult. p. 429. Encephalartns longifolia, Lehm.
Pugill. v. 6, p. 14. Miq. I. c.p.M. — Etym. : Encephalartos de u, dans,
Ktç>u\f}, tête et ùprcs,pain; les fruits alimentaires et charnus consistent
en une réunion de carpelles en forme de tète. — Fam. des Cycadées.- —
Diœcie polyandrie. — Encéphalartus des Caffres ou pain des Caffres.
Les quarante espèces dont se compose le genre Encephalartus sont
encore la plupart imparfaitement connues, faute de spécimens complets.
L'E. Caffer, notamment, découvert par Thunberg, et YE. longifolius de
Lehmann sont deux espèces bien difficiles à distinguer (1). Le premier
est l'arbre à pain des Caffres ; Thunberg nous dit de la substance
appelée pain des Caffres, qu'elle consiste dans le bourgeon (ou choux)
terminal de la plante , formé par les jeunes feuilles et le sommet de la
tige. Pour en préparer du pain, les Caffres ont coutume, après en avoir
enlevé la moelle, de l'enfouir en terre, où ils le laissent pourrir pendant
l'espace de deux mois, après quoi ils le pétrissent et en font un gâteau,
qu'ils cuisent très-légèrement dans la cendre. Les graines peuvent égale-
ment être frites et mangées. L'arbre croît dans des endroits secs et sté-
riles, entre les pierres, et pousse lentement.
(1) Le Dr Lehmann distingue ainsi ces deux espèces dans son Pugillus :
E. Caffer; caudice glabre- ; rachi trigono, pinnisque lanceolalis aculis mucronatis
viridibus glabris, junioribus dente uno alterove , adultis integris, fructu glabro.
E. longifolius; caudice glabro, rachi tetragono pinnisque lanceolalis acutis muticis
integerrimis viridibus glabris, fructu glabro.
— 208 —
Cattleya maxima. Lindl. — Bot. Mag. tab. 4902. Lindl. Gen. et
Sp. Orchid, p. 116. Bot. Beg. 1844, sw^. t. 5. Joum. of the Hort. Soc.
v. i,part. 1, p. 64. Bot. Beg. 1846, v. 32, t. 1. — Etymol.: genre établi
par Lindley en l'honneur de W. Cattley, membre de la Société d'horti-
culture de Londres. — Fam. des Orchidées ; Gynandrie Monandrie. —
Cattleya grand.
Originaire de la Colombie, le C. maxima est très-voisin des C. Mossiœ
et labiata dont il diffère spécialement par les pseudobulbes longuement
cannelés et par les pétales convexes et ondulés , d'une apparence toute
différente des pétales minces et à peu près planes des C. Mossiœ et labiata.
Chaque panicule est formée de six à sept grandes et belles fleurs , à
sépales étalés, étroits, lancéolés, acuminés, ordinairement colorés en
rose pâle ; les pétales sont également étalés, de la même couleur, mais
plus larges et ondulés ; le labelle est très-grand, les deux lobes latéraux
roulés en un tube, celui du milieu est grand, étalé et crispé.
Laelia acuminata. Lindl. — Bot. Mag. Tab. 4995. Lindl. Bot. Beg.
1841. t. 24. — Genre établi par Lindley à la mémoire de Caïus Lœlius ,
surnommé Sapiens et dont Cicéron a placé le nom en tête de son dia-
logue de Amicitia. Après s'être fait remarquer au forum comme ora-
teur, il accompagna Scipion-Emilien , son ami, au siège de Carthage,
s'y distingua par sa valeur, fut préteur en Espagne et consul l'an 140
av. J.-C. et se retira à la campagne où il partagea ses loisirs entre l'étude
et les travaux agrestes. — Laelie acuminée.
Ce Lselia, délicat , gracieux et odorant est originaire de Guatumala ,
d'où il a été envoyé à la Société d'Horticulture de Londres par M. Hart-
weg, sous le nom de Flor de Jésus que lui donnent les naturels, à cause
de sa beauté. On l'a découvert, croissant sur un tronc de Calebassier
(Crescentia cujete), clans un endroit nommé Retatnlen. Il est très-voisin
du Lœlia rubescens de Lindley, dont il ne paraît différer que par ses
fleurs plus grandes, disposées en corymbe, et par la forme du labelle.
Ces fleurs sont blanches, très-gracieuses, à ovaire long, pédonculi-
forme, muni, dans la moitié de sa longueur, d'une bractée subulée,
à sépales étalés, linéaires-oblongs, ou plutôt acuminés, à pétales ob-
longs.
— 209 —
ARCHITECTURE DES JARDINS.
LES LABYRINTHES DE JARDINS,
Par M. Edouard Morren.
Dédale, le Vaucanson d'Athènes, après avoir tué son neveu dans la
crainte de le voir un jour le surpasser lui-même dans l'art de construire
des automates, se réfugia en Crète; il y bâtit, par ordre de Minos, le
fameux labyrinthe qui conserva son nom et dans lequel le juge des
enfers voulait enfermer Pasiphaé, sa femme, pour cause d'inconduite.
Pasiphaé y fut tuée par Thésée, et Minos y égara Dédale avec son fils
Icare sous le prétexte qu'ils favorisaient Pasiphaé dans ses débauches.
Telle serait, d'après la Fable, l'origine des labyrinthes ou dédales.
Les anciens citent encore le labyrinthe d'Egypte, que l'on suppose plus
ancien que celui de Crète, et ceux de l'île de Lemnos et d'Elrurie. Or,
personne n'a jamais vu le labyrinthe de Crète ; mais cette ile, aujour-
d'hui Candie, présente de profondes cavernes, à galeries compliquées;
pour les parcourir, il est indispensable de se munir d'un fil, qu'à
l'exemple de Thésée, on doit laisser traîner derrière soi depuis l'entrée.
Tournefort est le premier qui visita ces cavernes creusées au pied du
mont Ida et il les décrit dans son Voyage du Levant. Tout porte à croire
qu'elles sont l'objet de la fable des labyrinthes de l'antiquité.
Au dix-septième et au dix-huitième siècle, le goût des labyrinthes de
jardins était très-répandu. Les rois les avaient mis de mode, car ceux
de Versailles, de Chantilly et de Choisy-le-Roi étaient renommés. On les
formait de charmilles, de thuyas ou de lilas, s'efforçant de disposer
les allées et les sentiers de façon à égarer le promeneur, puis à l'in-
quiéter, de jeter le trouble et la crainte dans son âme lorsque, las d'errer
dans ces sombres et monotones promenades, la nuit venait le surprendre
sans qu'il pût trouver d'issue. Les chemins se ressemblaient tous, d'une
longueur uniforme, plantés d'une seule sorte d'arbres, sans rien qui pût
servir d'étape ou de point de repère, et l'on n'avait pas les ailes d'Icare;
d'ailleurs le souvenir de sa catastrophe venait encore assombrir l'ima-
gination. Le poète des jardins l'a dit :
Lassé d'errer, en vain le terme est devant moi;
Il faut encore errer, serpenter malgré soi ,
Et, maudissant vingt fois votre importune adresse,
Suivre sans cesse un but qui rccnle sans cesse.
RELG. HORÎ. T. VI. 20
210 —
PI. 38.
— 211 —
Notre gravure reproduit le dessin d'un labyrinthe de jardin qui pour-
rait être imité dans un parc d'une certaine étendue, car à part l'inten-
tion de rire aux dépens des promeneurs égarés, les promenades sont
très-agréablement tracées , variées et très-nombreuses , sans être con-
fuses, pour l'espace restreint dont on dispose ; on met beaucoup dans
peu avec ce plan. Ce labyrinthe est appelé labyrinthe en volute ou spi-
rale, dans le bouquin auquel nous l'empruntons ; l'auteur l'accompagne
de ces lignes :
« Au centre du labyrinthe est un bassin accompagné d'une salle percée
de huit allées, qui se rendent à quatre carrefours, d'où insensiblement
vous passez dans des culs-de-sacs, ornés de cabinets, de berceaux de
treillage, tapis de gazon, fontaines, figures, etc., qui surprennent et
amusent agréablement ceux qui s'y sont égarés. La quantité d'allées et
de détours différents qui se rencontrent dans la composition de ce laby-
rinthe, le rendent des plus embarrassants, sans cependant lui ôter la
régularité et la grâce du dessin. Il n'y a qu'une seule entrée, qui sert
aussi de sortie, où l'on a placé exprès un cabinet de treillage pour le
rendre plus difficile.
» Ce labyrinthe demande un peu de terrain pour devenir beau en
exécution, et ne peut guère se planter dans un espace moindre de 7 à
8 arpents, sans cela les allées se toucheraient de trop près, ce qui en
ôterait l'embarras, et en même temps tout le mérite. »
REMARQUES SUR LE ROSA DEVONIENSIS.
La Rose Devoniensis est une hybride obtenue de la Rose jaune de
Chine (R. Ochroleuca), mais son père est inconnu. Quant à sa culture ,
on peut, en toute sûreté, recommander de la planter contre un mur ex-
posé à l'est ou à l'ouest, la couleur des fleurs étant dans cette situation
beaucoup plus riche que si les rayons du soleil les frappaient directement.
Le sol doit être une bonne terre grasse bien fumée, pour que la plante
puisse développer dans toute leur vigueur ses belles et grandes fleurs
doubles , d'un beau jaune et mesurant souvent plus de cinq pouces de
diamètre : elles sont très-abondantes, parfaites et d'un parfum qu'au-
cune autre rose ne surpasse. La rose Devoniensis est l'un des plus beaux
ornements de la pleine terre pendant l'été. On rempote les plantes à
l'automne, on les taille à la fin de janvier et les replace dans les par-
terres au commencement de mai. Pendant l'hiver on les protège sous
un châssis frais sans être humide. Si l'exposition était chaude et sèche,
les plantes peuvent ne pas être relevées, mais quelques pouces de feuilles
sèches les protègent suffisamment contre les rigueurs de l'hiver.
— 212 —
NOTIONS GÉNÉRALES
DE PALÉONTOLOGIE VÉGÉTALE.
Traduit de l'Allemand du Dr M. Seubert, de Carlsruhe (I),
Par A.-P. de Borre, candidat en Sciences naturelles.
La Paléontologie du règne végétal, ou Paléophytologie , est l'histoire
naturelle des plantes du inonde primitif; elle décrit les débris fossiles
de végétaux qui se trouvent dans les différentes couches géologiques, et
cherche à établir d'après ces données les caractères de la végétation des
époques terrestres antérieures. Nous obtenons par là une image du dé-
veloppement successif de la vie végétale sur la terre pendant les temps
qui ont précédé l'histoire; c'est pourquoi on peut encore distinguer
cette science comme histoire primordiale du règne végétal, de Yhistoire
moderne du règne végétal , qui traite des changements survenus dans la
végétation pendant les temps historiques, et qui se rattache naturelle-
ment à la géographie botanique.
Les plantes fossiles, comme en général toutes les pétrifications, ne se
trouvent que dans les roches de sédiment, ou couches résultant d'un
dépôt par l'eau. Les conditions dans lesquelles se présentent les débris
des plantes fossiles sont très-variées. Quelquefois toute leur substance
est remplacée par la matière pétrifiante, ordinairement la chaux ou la
silice, auquel cas leur structure interne et caractéristique est souvent
perdue; cependant beaucoup de bois silicifiés la conservent et sontencore
reconnaissables sous le microscope, même dans leurs organes élémen-
taires. Si, au contraire, la substance organique se conserve plus ou moins,
la pièce, quand elle est plate et mince, présente une empreinte distincte
souvent jusque dans ses plus petits détails, comme cela se voit princi-
palement chez les feuilles; ou bien la masse a ses parties ligneuses plus
ou moins transformées en charbon.
Nous distinguons deux espèces de charbons fossiles, la houille et le
lignite (2). Tous deux sont évidemment d'origine végétale, comme le
prouve incontestablement leur composition chimique. Chez la houille,
la métamorphose est plus complète; elle ne laisse plus reconnaître dans
sa masse aucune structure végétale. Le lignite au contraire se présente
sous l'aspect d'un bois bitumineux, souvent encore si peu changé, qu'il
(1) Lehrbuch der gesammten Pflanzenkunde. IVU Abschnitt. Stuttgart, 1853.
(2) La houille elle lignite, qui ont souvent une grande ressemblance dans leurs
caractères extérieurs, se distinguent toujours parfaitement , en ce que la première
donne avec les alcalis caustiques une solution d'un jaune pâle, tandis que le dernier
produit une solution brun foncé.
— 213 —
laisse reconnaître évidemment, même à l'extérieur, la structure du bois,
et qu'il montre sous le microscope les formes caractéristiques des or-
ganes élémentaires. Parfois aussi l'intérieur de la pétrification est rempli
de substance minérale, tandis que la surface constitue une mince gaine
de charbon , qui porte l'empreinte caractéristique.
En général les plantes fossiles ne se trouvent qu'incomplètes et en
fragments. Les circonstances qui ont accompagné leur dépôt, et notam-
ment l'action de l'eau, les ont souvent partiellement détruites; il est
rare qu'elles conservent les parties les plus tendres, telles que les fleurs.
Les feuilles, les troncs et les fruits , pour autant que ceux-ci sont con-
servés, sont généralement séparés les uns des autres. C'est ce qui fait
qu'il est souvent impossible d'appliquer aux plantes fossiles les règles
de la détermination scientifique des plantes; nous devons donc nous en
tenir aux caractères de la première vue, comme la distribution des
veines des feuilles, et nous ne pouvons souvent nous prononcer avec
entière certitude sur la question de savoir si les organes séparés appar-
tiennent ou non à une même plante, ni sur leur rapport avec les plantes
actuelles. Si nous comparons les végétaux fossiles qui se sont conservés
jusqu'à nous, avec la végétation qui vit actuellement sur la terre , nous
leur trouvons une concordance d'autant plus grande avec cette dernière ,
que la couche à laquelle les débris végétaux appartiennent, est plus ré-
cente. Dans les plus anciennes formations se présentent des espèces qui
paraissent appartenir à des familles aujourd'hui éteintes, comme les
Astérophyllitées (1); plus tard les familles, mais non les genres, se rap-
portent à la végétation actuelle ; enfin dans les couches les plus récentes,
nous trouvons des espèces de genres encore vivants, tels que les genres
Chara, Pteris, Quercus, Fagus, etc. Lorsque les caractères ne permettent
aucune détermination décisive sur l'identité du genre, mais qu'il faille
pourtant faire connaître la grande ressemblance des espèces fossiles
avec celles d'un genre vivant, on se sert de la désinence ites ; exemples :
Asplenites, Pinites, Chondrites, etc. On n'a pas encore déterminé avec
précision des plantes fossiles qui seraient identiques avec les espèces
actuellement vivantes.
L'énumération systématique suivante comprend les familles auxquelles
on a jusqu'ici rapporté avec vraisemblance des débris fossiles, et comme
exemples, quelques genres importants avec leurs principales particula-
rités. De courtes descriptions seront donnnés seulement pour quelques-
unes des formes les plus remarquables, surtout les formes anomales ,
qui diffèrent essentiellement des espèces vivantes.
(1) Ces familles sont inarquées d'un astérisque dans l'énumération qui va suivre.
— 214 —
CHAPITRE I.
APERÇU SYSTÉMATIQUE DES GENRES DE VÉGÉTAUX FOSSILES LES
PLUS IMPORTANTS.
I. — THALLOPHYTES.
FAMILLE DES ALGUES.
Les Algues fossiles sont médiocrement nombreuses; on trouve sur-
tout des Algues marines des sous-familles des Fucoïdées et des Floridées.
Les premières plantes qui se rencontrent dans les terrains de transition,
sont des Fucus, et, à partir de là, on trouve des Algues à travers toute
la série des formations jusque dans les plus récentes. Les plus anciennes
formes sont plus semblables à celles des mers tropicales; les plus nou-
velles ressemblent à celles des climats plus froids.
Genres : Confervites Brongniart, et Caulerpites Sternberg, dans le
calcaire jurassique, la craie et les formations tertiaires.
Chondrites Sternb., et Sphcwococcites Slernb. Des espèces nom-
breuses depuis le terrain de transition jusque dans les formations
tertiaires.
Cystoseirites Sternb., et Fucoïdes Harl., dans les terrains tertiaires.
Sargassites Sternb., dans la craie et le lias.
FAMILLE DES LICHENS.
On n'a reconnu jusqu'à présent que deux espèces fossiles de Lichens,
dans les formations les plus modernes.
FAMILLE DES CHAMPIGNONS.
Quelques petits Champignons parasites ont été trouvés sur diverses
parties de plantes, dans les anciennes formations.
Genres : Excipulites Gôppert, Sphœrites Unger, Nyctomyces Hartig.
Sur les bois fossiles.
II. — CRYPTOGAMES FOLIACÉS.
C'est seulement dans le Succin, dans une formation tertiaire par con-
séquent , que l'on trouve des Mousses et des Hépatiques , notamment de
nombreuses espèces du genre Muscites Brongn.
L'immense majorité des plantes fossiles de ce groupe sont des Cryp-
togames vasculaires, à savoir les véritables Fougères, et les familles
voisines, en partie éteintes aujourd'hui.
215 —
FAMILLE DES FOUGERES.
La famille des Fougères est très-richement représentée dans les plus
anciennes formations, notamment dans la houille; elles paraissent avoir
été pour la plupart des Fougères arborescentes; cependant on ne peut
plus rapporter les empreintes de frondes aux tiges auxquelles elles ap-
partiennent, car les deux organes se présentent séparés. La disposition
des organes de fructification n'étant en général plus visible, les genres
sont fondés principalement sur la distribution des nervures.
La richesse des Fougères en espèces se maintient à peu près sans di-
minution jusqu'à la formation crétacée, et les genres typiques de la
période houillère se retrouvent jusque-là. Mais, dans les formations ter-
tiaires , on trouve au contraire des genres de Fougères beaucoup plus
petites, et notamment des espèces voisines de nos Fougères vivantes.
1° Frondes ou feuilles de Fougères.
Fig. 1. — Un fragment de Nevropleris leunifolia.
Genres : Nevropteris Brongn. Feuilles simples, bipinnées; pinnules
cordiformes à la base; nervures latérales simplement ou doublement
dichotomiques. De nombreuses espèces dans la formation houillère ;
quelques-unes aussi dans les formations triasique et jurassique.
Odontopteris Brongn. Espèces nombreuses dans le terrrain houiller.
Fig. 2. — Une piuuule de Cyclopteris orbieularis.
Cyclopteris Brongn. Feuilles simplement pinnées , pinnules circu-
— 216 —
laires, nervures très-divisées. Un petit nombre d'espèces dans le terrain
houiller , un plus grand nombre dans la formation carbonifère, quel-
ques-unes dans le lias et le jura.
Fig. 3. — Sphenopleris elcgans.
Sphenopteris Brongn. Feuilles multipinnées, pinnules lobées à lobe
inférieur divisé ou denté ; nervures latérales naissant sous un angle aigu,
dichotomiques. Espèces en petit nombre dans le grauwacke, nombreuses
dans le terrain houiller, en plus grand nombre depuis le keuper jusqu'à
la craie.
Hymenophyllites Gœpp. Feuilles 2-3 pinnées, avec un rachis ailé et
des pinnules sessiles; nervures une fois dichotomiques. Sores ronds, à
l'extrémité des pinnules. De nombreuses espèces dans le terrain houiller,
en petit nombre dans les couches plus modernes.
Fig. 4. — Pecopleris aquilina.
Pecopteris Brongn. Feuilles simplement pinnées ou multipinnées, pin-
nules sessiles dans toute leur largeur, nervures latérales arquées, dichoto-
miques; sores arrondis, 2-sériés. Des espèces très-nombreuses dans le
terrain houiller; d'autres dans le keuper et jusqu'à la craie; une espèce
également dans la formation du lignite (dans leSuccin).
— 217 —
Tœniopteris Brongn. Plus rare dans les formations anciennes, riche-
ment représenté dans les diverses formations secondaires.
Ahomopteris Brongn. Une seule espèce dans le grès bigarré.
Alethopteris Gœpp. Espèces nombreuses dans le terrain houiller, et
davantage dans les couches secondaires.
Asplenites Gœpp. Depuis le terrain houiller jusque dans les couches
tertiaires.
Parmi les genres vivants, on trouve entre autres dans les terrains ter-
tiaires, les genres Pteris L., et Aspidium Swartz.
2° Troncs de Fougères.
Protopteris Sternb. Surface du tronc portant les cicatrices des feuilles
disposées en spirale; cylindre ligneux composé de huit faisceaux vascu-
laires. Espèces nombreuses, principalement dans le terrain houiller;
quelques-unes aussi dans le grès bigarré.
Caulopteris Lindley. Grandes cicatrices disposées en séries épaisses.
Dans la formation carbonifère.
Psaronius Cordier. Espèces nombreuses dans le grès rouge du terrain
pénéen (1). Quelques auteurs les ont rapprochées du genre Marattia
parmi les Fougères vivantes, tandis que Brongniart leur assigne une
place parmi les Lycopodiacées.
"famille des sigillariées.
Genres : Sigillaria Brongn. Troncs dont la surface est couverte de
cicatrices foliaires discoïdales, disposées en séries longitudinales. Ils
présentent en général trois faisceaux vasculaires centraux, qui ont leur
origine dans la couche interne du cylindre ligneux. Ces troncs atteignent
une grandeur considérable et ont parfois environ 40 pieds de longueur.
Les cicatrices sont plus petites que celles des Fougères arborescentes,
et attendu cette circonstance, ainsi que leur constitution différente, on
ne sait encore trop si les plantes de ce groupe étaient réellement des
Fougères, ou si elles doivent former une famille particulière, quoique
très-voisine. Suivant Brongniart au contraire, les Sigillariées appartien-
draient aux Dicotylédones gymnospermes. Elles sont nombreuses dans
le terrain houiller. Les espèces du genre Stigmaria Brongn. sont vrai-
semblablement les racines de ces plantes.
Syringodendron Brongn. La surface des troncs présente de larges ri-
goles dans lesquelles se trouvent les petites cicatrices rondes des feuilles.
Mêmes terrains.
(1) Le Todtlkgcndc des géologues allemands. [N. du Tracl.)
248 —
FAMILLE DES LYC0P0D1ACÉES.
Fig. 5. — Lycopodites (Walchia) Schlolheimii. Rameau avec fructifications. Brongniart place le
geure Walchia parmi les Conifères.
Genres : Lycopodites Brongn. Feuilles squammiformes , disposées
en spirales. Organes de la fructification en forme de cônes. Quelques
espèces dans le terrain houiller, et des espèces douteuses dans le jura.
d
Fig. 6. — Lepidodendron elegans. a. Un troue, b. Coupe du troue, c. Rameau pourvu de
feuilles, d. Morceau d'écorce avec les cicatrices foliaires , de grandeur naturelle.
Lepidodendron Sternb. Troncs dichotomiques, atteignant jusqu'à
100 pieds de hauteur environ, couverts de cicatrices rhomboïdales dis-
posées en spirales; feuilles simples, linéaires, situées au milieu des
cicatrices supérieures. De nombreuses espèces dans le terrain houiller.
Knorria Sternb. Dans le grauwacke.
(La fin à la prochaine livraison.)
■
s^s*!&
Xoix exotiques.
L.Lecythis ollaria.2.Carya olivoeformis . 3.Bertlioletia excel«a.4*P»staria Lentiscus.
5.Caryocar butyrosum. 11. AracKis bypoéaea.7. Anacardhun occulculalc .8 ( arya alba.
— 219 —
HISTOIRE DES PLANTES UTILES.
DE QUELQUES FRUITS ETRANGERS OU EXOTIQUES,
Par M. Edouard Morren.
Les fruits dont nous allons parler sont non-seulement intéressants au
point de vue botanique, mais ont acquis, la plupart, une grande impor-
tance commerciale. On ne se contente plus aujourd'hui des produits de
son pays; les facilités des communications établissent entre tous les
peuples une solidarité commerciale, industrielle et économique; un
grand nombre de productions intertropicales sont devenues d'une né-
cessité absolue aux habitants des zones froides et tempérées ; d'autres ,
d'un usage plus restreint, se répandent chaque jour davantage. La fa-
cilité avec laquelle les fruits à péricarpe osseux et les différentes sortes
de noix peuvent être conservés et transportés au loin, et l'agréable sa-
veur de la plupart d'entre eux, les font rechercher, soit comme matière
alimentaire, soit comme addition à nos desserts. Croirait-on , par
exemple, que l'on importe annuellement en Angleterre jusque 50,000
boisseaux de noix du Rrésil, fruit que depuis quelques années on trouve
chez la plupart des épiciers et qui provient principalement du district
de Para au Brésil. C'est l'histoire naturelle de cette noix et de quelques
autres fruits secs analogues, que nous allons brièvement faire con-
naître.
1° Noix du Brésil; Bertholletia excelsa Humb. etBonpl.
(PL 45, fig. 3.)
La noix du Brésil ou de Para est le fruit d'un grand et bel arbre de
l'Amérique australe, le Bertholletia excelsa, de la famille des Myrtacées,
tribu des Lecythidées. Cette espèce constitue seule le genre Berthol-
letia, fondé par Humbold et Bonpland (FI. Mquin. I. 122, T. 36) en
l'honneur du physicien français Berthollet. Elle abonde "dans les forêts
du district de Para au Brésil et dans les forêts de l'Orénoque. C'est un
arbre gigantesque , dont le tronc atteint souvent quatre pieds de dia-
mètre à la base et une centaine de pieds de hauteur avant de se ra-
mifier et dont la hauteur totale est alors de 120 pieds. Les noix ou
graines ne viennent pas isolées, mais elles sont rassemblées avec la plus
remarquable exactitude au nombre de 16 à 20, dans une capsule li-
gneuse, à peu près ronde, un peu pyriforme , charnue en dedans; les
— 220 —
^raines ou noix sont triangulaires et fixées à la colonne centrale ; elles
consistent en une enveloppe ligneuse, ou test brun foncé, présentant deux
faces latérales aplaties et une face plus petite convexe et très-ru-
gueuse; en brisant cette enveloppe, un peu plus dure que celle de notre
noix indigène , on trouve une grosse amande , arrondie , allongée,
d'une saveur qui rappelle celle de la noisette, mais plus huileuse et très-
délicate.
La capsule des Bertholletia est si dure et si lourde qu'il est dange-
reux de passer, à l'époque de leur maturité, sous ces arbres ; au moins
une tête d'Indien n'est-elle pas assez solide pour résister au choc fatal
d'un Castanha-Cabomba, comme l'appellent les Brésiliens.
Les singes sont avides des noix du Bertholletia; on les voit parfois
frapper patiemment la capsule avec une pierre pendant plusieurs heures
pour arriver aux graines qu'elle récèle. Ils surveillent la chute des fruits
avec grande attention, et lorsqu'il vient à en tomber un, c'est le signal
d'une amusante gribouillette ; à l'instant les sentinelles quadrumanes,
perchées dans les hautes cimes , s'élancent de branches en branches en
s'accrochant par leur longue queue préhensible , sur le précieux juvia ,
pour lequel s'engage un combat acharné , image fidèle des luttes de la
race humaine. La hauteur des Bertholletia rendrait leur récolte très-
difficile : on raconte que les Indiens profitent pour cette opération de
l'instinct d'imitation des singes ; ils les attaquent en leur lançant des
pierres, et ces animaux leur jettent en retour des capsules du Berthol-
letia, avec accompagnement de force hurlements. On récolte ainsi une
grande quantité de noix qui sont transportées dans des canots et livrées
au commerce. La principale station des Bertholletia est la rivière Ari-
pecuru, une branche du fleuve des Amazones ; la récolte se fait pendant
l'hiver, par des bandes d'indiens Castanheiros.
Le Bertholletia excelsa a été introduit en Europe; il croît dans plu-
sieurs serres chaudes de Belgique. Ses rameaux sont alternes, garnis à
l'extrémité de feuilles coriaces, très-amples, oblongues, entières, exsti-
pulées, alternes, les fleurs sont en grappe ou épi, d'un jaune blanchâtre
à étamines blanches.
2° Noix de Sapucaïa ; Lecythis ollaria Loeffl.
(PL 45, fig. 1.)
Le Lecythis ollaria est un arbre de la même famille que le Bertholletia
(Lecythidées) et croît dans les mêmes localités. Il appartient à un genre
formé de huit espèces environ , toutes propres à l'Amérique méridio-
nale, fondé par Loeffing (de A**»***, flacon, par allusion à la forme du
fruit) et dont le nom français est Quatelé. Le quatelé marmite (Lecythis
— <m —
ollaria) est un bel arbre dont le bois est très-recherché pour les cons-
tructions submergées; ses feuilles sont cordées, presque entières, ovales,
sessiles. Le fruit est une capsule en forme d'urne, dure, ligneuse,
épaisse, convexe à son sommet, bordée par les restes du calice, s'ou-
vrant par une sorte de couvercle qui tombe en laissant une ouverture
suffisante pour que les noix puissent en sortir. Ces capsules servent aux
indigènes de tasses et de vases, elles ressemblent assez bien à une mar-
mite surmontée de son couvercle, et on les appelle Marmites de Singes.
Les Noix de Sapucaia sont les graines du Lecythis ollaria ; elles sont
attachées à un placenta conique, sont allongées, légèrement courbées
en S et à surface profondément ridée longitudînalement ; la coquille
est plus tendre que celle de la plupart des noix. Il est regrettable que ce
fruit délicieux ne soit pas plus connu ; il en arrive parfois de petites
quantités en Angleterre, qui sont vendues à vil prix vu l'ignorance où
l'on se trouve de ses qualités précieuses. Il est cependant bien supérieur
à la noix du Brésil ; sa saveur est plus délicate et il est plus digestible.
Malheureusement ces qualités sont bien connues des singes qui
abondent dans les forêts brésiliennes ; ils n'ont garde d'assommer les
Indiens castanheiros avec des cabombas ou capsules de Quatelé , mais
ils les gardent précieusement et s'en nourrissent, ce qui fait que nous
ne pouvons en obtenir qu'un bien petit nombre. Les singes, dans leur
avidité pour les noix de Sapucaia, poussent la main à travers l'ouverture
de la capsule juste suffisante pour lui livrer passage et empoignent les
noix ; mais l'orifice qui a laissé passer la main vide se refuse à la laisser
retourner pleine, et l'animal s'exténue en vains efforts plutôt que d'aban-
donner son butin. Les Indiens profitent de cette stupide cupidité pour
surprendre les singes ; ils enlèvent le couvercle de quelques noix qu'ils
jettent sous les arbres; un singe gourmand venant à passer ne se con-
tente pas d'un seul fruit, mais plonge les mains dans deux à la fois,
en s'obstinant à ne pas lâcher prise ; dans cette situation sa capture
est nécessairement aisée. « Il est trop vieux singe pour se laisser prendre
à un Cabomba » est un proverbe vulgaire au Brésil. *
3° Noix de Souari ; Caryocar dutyraceum.
(PL 45, fr. 5.)
Les espèces du genre Caryocar (de xctpyàv, noix) de Linné, de la famille
des Rhizobolacées , sont des arbres très-remarquables de l'Amérique
tropicale dont plusieurs sont cultivées dans les serres d'Europe, notam-
ment le superbe C. nuciferum aux grandes fleurs à pétales pourpres
presque noirs bordés de rouge et aux étamines nombreuses, exsertes
— 222 —
et d'une belle couleur jaune. Ce genre est constitué par 7 espèces en-
viron et on lui réunit comme section les deux genres Pekea et Souari
d'Aublet.
Le C. butyraceum est un arbre gigantesque qui croit dans le Demarara ;
son bois est très-estimé pour la construction des navires. Ses fruits
sont de grosses noix qui viennent en touffes et portent les traces de la
pression qu'elles exercent l'une sur l'autre ; elles renferment quatre
graines comprimées de deux côtés , arrondies à l'extérieur et colorées
en beau rouge brun ; leur surface est couverte de nombreux tubercules
arrondis. L'amande est peut-être plus agréable que celle de toutes les
autres noix ; elle est aussi douce que celle de l'amandier mais plus
tendre et d'une saveur plus laiteuse ; elle renferme une grande quantité
d'une huile grasse, butyreuse, aussi bonne que l'huile d'olive et qu'on
emploie souvent à Cayenne en guise de beurre. Quoique ces fruits se
conservent bien, on n'en importe qu'une très-petite quantité en Angle-
terre, probablement à cause de la grande difficulté de la récolte, vu la
hauteur de l'arbre.
4° Noix d'anacarde; Anacardium occidentale Linn.
(PL 45, fig. 7,)
Les Anacardiers sont de grands arbres, originaires des Indes et in-
troduits par la culture en Amérique. L'espèce la plus remarquable est
l'Anacardium occidentale L., appelé bibo dans son pays natal. C'est un
arbre élevé, à feuilles grandes, elliptiques-oblongues, lisses en dessus,
âpres à la face inférieure, à fleurs petites et nombreuses, à ovaire libre,
à une seule loge et un seul ovule suspendu, surmonté de trois styles. Le
fruit est une petite noix réniforme, de couleur gris-cendré, enchâssée
jusqu'au tiers de sa hauteur dans un gros disque charnu et renflé que
l'on prendrait pour le fruit proprement dit parce qu'il acquiert plus de
volume que la noix. Le suc de ce disque, fermenté, sert aux Indes à
fabriquer une sorte de vin et une excellente limonade. Quant à la noix
elle-même, ses parois consistent en trois parties distinctes; l'extérieure
et l'intérieure sont dures et sèches, mais la partie moyenne est creusée
de canaux qui renferment un suc rougeâtre tellement acre que l'impru-
dent qui aurait le malheur d'y porter les dents ressent immédiatement
de vives douleurs et une excoriation des lèvres et de la langue. Ce suc sert
à ronger les excroissances charnues et, mêlé à la chaux, il forme une
encre à marquer le linge en caractère indélébiles, sans toutefois altérer
l'étoffe; il est encore usité dans plusieurs maladies. L'amande renfermée
dans cette coquille est très-bonne; on l'obtient en faisant rôtir les noix
sous la cendre; leur goût rappelle la châtaigne ou la pistache. On les
— 223 —
mange fraîches ou confites au sucre ou au sel. On prétend aux Indes
qu'elles exercent une heureuse influence sur la santé, chassent les hu-
meurs, exaltent les sens et même qu'elles donnent de l'esprit à ceux qui
n'en ont pas; on en voit, parfois, aux étalages des confiseurs, mais on
en achète rarement.
La noix d'Anacarde est souvent confondue avec l'Anacarde des bou-
tiques, fruit du Semecarpusanacardium Lin. fil. (Anacardium offïcinarum
Gœrtn.), arbre spontané de l'Amérique tropicale et avec lequel ils ontbeau-
coup de ressemblance. L'Anacarde des boutiques a le fruit plus long, porte
une cicatrice blanche à la base et diffère de forme et de couleur; la zone
moyenne donne une belle matière noire très-usitée pour la fabrication
des vernis, industrie pour laquelle on importe surtout ces fruits.
L'amande rôtie est cependant aussi douce que celle de VA. occidentale.
5° Noix de Pecan (Pecan Nut); Carya oliv/Eformis Nutt.
(PL 45, jfy'. 2.)
Le genre Carya (x*/)«*, noyer) a été fondé par Nuttal aux dépens de
plusieurs espèces de Juglaus de Linné et renferme environ douze es-
pèces propres à l'Amérique boréale. Les caractères différentiels du genre
sont : 3 ou 6 étamines, au lieu de 14-16, un seul style sessile, au lieu
de 2, etc. La noix du C. olivœfoi'mis a, comme le nom de l'espèce l'in-
dique la forme d'une olive ; elle en a à peu près les dimensions mais un
peu plus de longueur et plus étroite. Sa couleur est le brun rougeâtre
pâle, et l'écaillé est peu résistante. La saveur de l'amande rappelle im-
médiatement la noix de notre pays. On n'en importe que de faibles
quantités en Europe. Ces noix sont très-estimées des Américains; on en
extrait une huile grasse ; on en exporte de la Louisiane vers les Antilles
des cargaisons complètes.
6° Noix Hickory (Hickory Nut) ; Carya alba Nutt.
(PL 45, fig. 8.)
Le Carya alba est une des plus belles essences forestières de l'Amé-
rique du Nord. Sa noix est à écaille lisse, jaune pâle ou blanchâtre,
striée longitudinalement de trois ou quatre rides, très-forte. L'amande
qu'elle renferme a l'apparence de celle de la noix ordinaire; elle sert de
nourriture aux Peaux-Rouges.
7° Pistaches, fruits du Pistacia Ientiscus Linn.
{PL &,fig. 4.)
Le pistachier est cultivé dans une grande partie de l'Europe méri-
dionale, dans les îles de l'Archipel grec, spécialement à Chio où l'on
recueille la résine de cet arbre. Son fruit est d'un vert rougeàtre, d'un
ponce de long; l'amande est d'un vert pâle et d'une saveur très-agréable.
Le? Turcs et les Grecs consomment beaucoup de pistaches et ne nous
en envoient que de très-faibles quantités.
8° Pistaches de terre, Arachis hypogjia Linn.
PL 45, fig. 6.)
L 'Arachis hypogœa L. A. A f ricana, Lour., A. asiatica, Lour., A.
americana, Ténor.) ou Arachide est la seule espèce de ce genre de
Le^rumineusr. C'rSt une plante herbacée, annuelle, rameuse, à feuilles
bijur es, ï folioles obovales, entières, obtuses, et à stipules adnées,
inéquilatérales, acérées. Les fleurs sont les unes hermaphrodites sté-
riles, les autres femelles et fertiles; elles sont petites, jaunes, axil-
laires. sessiles, ordinairement géminées. Après la fécondation, le stipe
de l'ovaire des fleurs femelles, court dans l'origine, s'allonge peu à peu,
et finit par élever l'ovaire au-dessus du tube calicinal , lequel persiste
sous forme de pédoncule. Alors le jeune fruit se recourbe vers la terre,
s'y enfonce, et y accomplit sa maturation à plusieurs pouces au-dessous
delà surface. La pistache de terre est généralement cultivée sur les côtes
occidentales d'Afrique, où elle constitue la base de l'alimentation de la
population nègre; on l'y nomme Moonduli; elle s'est répandue sous
toute la zone équatoriale. en Chine et aux Etats-Unis. Les fruits ren-
ferment une ou deux graines, de la grosseur d'une noisette, d'un goût
analogue; elles renferment une excellente huile grasse. On les mange
crues, bouillies ou torréfie^;. L" Arachis hypogea se cultive dans le midi
de la France ; en lui donnant quelques soins il peut réussir dans nos
jardins potagers.
CULTURE DES PORTULACCAS POUR BORDURE.
On sème en mars sous couche ou en pots dans une bâche. Lorsque
les jeunes plantes apparaissent, on les repique dans de petits pots et on
les conserve quelque temps en serre tempérée; plus tard on les trans-
porte sous couche libre, les protégeant seulement pendant les nuits
froides, jusqu'à l'époque de leur transplantation. Vers le milieu de mai
on les livre à la pleine terre. Les portulaccas aiment une bordure ou un
terrain pierreux bien éclairé du soleil; un sol humide et argileux leur
est funeste : les fleurs ne s'ouvrent que sous l'influence des ravons
directs du soleil; elles se continuent jusqu'à l'arrivée des froids. Ce
sont des plantes très-recommandables , d'une agréable floraison et d'un
bel effet ornemental.
Œillets de fantaisie.
]. ;\lln<" PhiHppsDorn. «2. VI m' Noëlle. 3.Napoléon III. 4 Capitaine Paillon
— 225 —
HORTICULTURE.
A PROPOS DES OEILLETS DE FANTAISIE
DE LA COLLECTION DE M. JaCOB-WeYHE ;
(Représentés pi. 46.)
Par M. Edouard Morren.
Fig. 1. OEillet de fantaisie à fond jaune : M<"e Philippsborn, de Cologne.
Fig. 2. OEillet de fantaisie à fond blanc : Mœe Noëlle, dame du directeur général
• de la Monnaie, à Berlin.
Fig. 3. OEillet de fantaisie à fond jaune : Napoléon III.
Fig. 4. OEillet de fantaisie à fond jaune : Capitaine Paillou.
Les fleurs, filles du soleil et de la rosée, sont d'aimables coquettes qui
savent user de tous les moyens de séduction pour attirer, retenir et
exciter l'amour. Elles demandent peu. donnent beaucoup et sourient
avec tant de grâce à celui qui les aime !
On aime les fleurs, mais on a sa fleur préférée.
C'est elle qui nous paraît entre toutes la plus accomplie, elle est le
principal ornement du parterre ; c'est elle dont on éloigne avec la plus
grande sollicitude les herbes vulgaires et envieuses qui s'obstinent,
malgré les plus sévères remontrances, à vouloir fréquenter la bonne
compagnie ; c'est elle que l'on protège la première contre ceux qui
pourraient troubler son repos, porter atteinte à sa santé, la faire souf-
frir ou la fâcher ; c'est elle qui sait donner le bonheur.
Quel est donc le charme séducteur de la fleur préférée ?
Ce n'est pas la pureté de ses formes, la fraîcheur de son teint, ni le
parfum suave qu'elle exhale, mais plutôt le sentiment qui naît de l'har-
monie de toutes ces beautés, son expression. Chaque fleur, comme
toute œuvre artistique, est l'expression d'une idée créatrice, d'une
pensée, d'un sentiment.
Les fleurs sont une source féconde et intarissable d'inspirations, à
laquelle on va s'abreuver de sentiments de reconnaissance et d'espé-
rance, de consolation et de bonheur, de rêverie et de joie, de pureté et
d'amour.
Savoir lire dans les corolles, c'est connaître le langage des fleurs.
Chacune semble être l'expression d'un sentiment, elle en devient l'em-
blème et, par suite, se trouve intimement liée à un souvenir, à une es-
pérance !
Cette fleur est la fleur préférée.
BELG. HORT. T. VI. 2*
— 226 —
L'œillel, par son feuillage à la fois robuste, élégant et délicat, son al-
lure libre et dégagée, ses pétales profondément enracinés débordant un
calice trop étroit, ses fleurs d'une forme harmonique, de couleurs pures
et surtout d'un parfum enivrant, symbolise Y amour sincère. Mais
l'œillet, comme l'amour, présente une énorme quantité de variétés.
L'œillet blanc, constant dans sa couleur, exprime un amour fidèle;
l'œillet rose, couleur de chair, est la fleur de la sensation, etc.
Les œillets de fantaisie me rappellent les bergères enrubanées de
Watteau; ce sont de belles joufflues, bien fraîches et en même temps
remplies de finesse, de grâce et de coquetterie; leur unique soin est la
toilette; puis, heureuses de tant de crinoline, de volants, de satin, de
soie, de gaze, de rubans, de nœuds et de bonnes senteurs, elles attendent
le papillon en se souriant à elles-mêmes.
Comparez ces fleurs à l'œillet flamand (1); vous trouverez à celui-ci
une expression toute autre.
L'œillet flamand est la beauté campagnarde ; ses contours sont amples
et arrondis , son teint blanc et frais est hardiment coloré d'incarnat, elle
ne connaît rien de la recherche des modes de la ville , elle étouffe sous
l'étreinte du corset; oubliant toutes les sages exhortations de MM. les
amateurs, l'œillet flamand crève souvent son calice.
Le Bon Jardinier pour 1855, donne les conseils suivants pour la cul-
ture de l'œillet.
« Ces plantes perdent la pureté de leurs couleurs par une culture peu
soignée; dès que l'on voit leurs nuances se confondre, et le fond blanc
prendre une teinte rougeùtre, on marcotte la plante en pleine terre
franche pure; on relève les marcottes pour leur faire passer l'hiver en
pot, dans une pièce sèche et bien aérée, et on les replante dans la même
terre, à bonne exposition libre dans le jardin, après les premières pluies
d'avril. Si la pleine terre franche ne leur rend pas tout leur éclat , on
les réforme comme dégénérées, mais elles peuvent encore fournir
d'excellentes graines. — Les œillets se cultivent en pots de 0m,16 à 0m,20
de diamètre. Leur faible tige ne peut supporter la fleur ; il lui faut un
tuteur. On se sert d'une baguette de bois , ou de fil de fer , peinte en
vert, à laquelle on l'attache avec du jonc ou du fil, à mesure de la
floraison ; on les place sur un buffet ou gradin disposé en six ou sept
rangs de tablettes.
«Pour entretenir une collection ou l'augmenter, il faut semer ou re-
courir au commerce. On sème de préférence les œillets doubles, dits vio-
(I) A défaut de la nature, Voyez Belgique Horticole, T. 1, PI. 51), p. 277.
— 227 —
lels-pourpre , bizarre-rose, bizarre-feu. L'œillet simple donne toujours
de la graine ; mais sur 2 à 3,000 graines on obtient difficilement un semi-
double. Il faut donc préférer celle des doubles. On sème au printemps
en terrine, en terre franche mêlée d'un tiers de terreau bien passé, ou en
terre de bruyère. On lève le plant quand il a six à huit feuilles. On
le repique dans une planche de terre franche bien ameublie et fumée de
l'année précédente, ou terrautée au moment du repiquage. On met les
plantes à 0m,22 l'une de l'autre, si l'on doit les relever en motte à l'au-
tomne, pour les distribuer dans les plates-bandes, et à 0m,35 à 0m,40 , si
l'on veut les laisser en place. On soigne cette plantation en binagesët arro-
sementsjusqu'àla fin de l'automne. Ces jeunes plantes sont si vigoureuses
qu'elles passent ordinairement l'hiver sans soins ni couverture; mais
comme elles sont très-sensibles au verglas, aux transitions subites de
température en hiver et aux hâles du soleil de mars, les horticulteurs
attentifs bordent leurs planches de petites bâches sur lesquelles ils éten-
dent des paillassons pour éviter ces accidents. Après les premières pluies
douces de la fin de mars , ils ne les couvrent plus au soleil. On a soin,
en les couvrant , de leur ménager un courant d'air; ils ne craignent
point un froid de 8 à 10 degrés. Au printemps, on enlève les feuilles
pourries. On donne de fréquents binages jusqu'à la fleur, qui, dans nos
climats, a lieu vers la fin de juin.
«Quand les tiges commencent à monter, on plante un tuteur ou une
baguette dans le pot et on y attache les montants avec du jonc, de la
laine, ou avec des anneaux en métal ou en gomme élastique, que l'on
remonte à mesure que les tiges s'allongent; on ne laisse que trois à
quatre boutons sur chacune. On place au bout des baguettes des ergots
de mouton, de porc ou de veau, où les perce-oreilles se retirent à la
pointe du jour, et où on peut les détruire le matin. A mesure que les
jeunes plants fleurissent, on arrache ceux qui n'ont pas les qualités
requises. Ordinairement les jeuhes plantes ont des touffes de marcottes.
On fera bien d'en couper quelques-unes aux plantes rares , poiir les
bouturer à l'ombre, en bonne terre. On coupe horizontalement ces mar-
cottes au milieu d'un nœud; on fait ensuite, au milieu de ce nœud, une
fente longitudinale de 0m,009 à 0m,012 seulement. On ôte les feuilles
jusqu'à 0m,04 de hauteur. On ouvre la terre avec son doigt , et on y
place la bouture, qu'on soigne et arrose jusqu'à ce qu'elle indique qu'elle
a des racines. Ces boutures, préférables aux marcottes, conservent plus
longtemps la pureté de leur coloris; c'est le moyen qu'il faut employer
pour sauver une plante qui menace de dégénérer.
»Les CCillets ne se rentrent qu'aux gelées, qu'ils ne craignentmème pas;
mais l'humidité leur est contraire. En hiver il faut les tenir ou sous un
— 228 —
hangar approprié, ou en orangerie près des jours, ou dans des chambres
bien aérées. On ne les arrose que pour ne pas les laisser mourir; on
leur donne l'air et le soleil tant que l'on peut, quand la température est
douce. On les préserve du soleil de mars , et sur la fin de ce mois , on
leur rend l'air libre après les premières pluies.
»Les semis d'OEillets ont produitaussi une série de nouvelles variétés,
qui ont sur les autres le grand avantage de remonter et de fleurir tout
l'hiver. En les rentrant dans une serre froide ou un jardin d'hiver, on
jouit pendant toute la mauvaise saison de leurs fleurs odoriférantes ,
blanches, rouges et panachées. On n'a pas encore obtenu de nuances
aussi diverses que dans la race des non remontantes ; cependant quelques
horticulteurs sont arrivés à composer des collections de 30 à 40 variétés,
et il faut espérer qu'avant peu les Œillets remontants rivaliseront de
variété et de richesse de coloris avec leurs devanciers. »
LISTE DES FOUGÈRES DE SERRE FROIDE ET TEMPÉRÉE.
La culture de cette intéressante famille de plantes s'étend chaque
année davantage. Les fougères plaisent par l'élégance de leurs frondes
et la belle coloration de leur feuillage ; elles sont remarquables par leurs
formes variées et bizarres et la délicatesse des détails de leur organisa-
tion. L'expérience a prouvé que toutes les espèces suivantes peuvent se
contenter de la chaleur des serres froides que l'on ne chauffe que pen-
dant les froids les plus rigoureux. Les noms précédés d'un astérisque
sont ceux des plantes qui depuis deux ans ont résisté à l'air libre,
quelques-unes seulement ont été légèrement protégées par de vieilles
frondes ou des feuilles sèches. Les espèces marquées d'un S demandent
moins d'humidité que les autres et prospèrent dans une serre sèche.
Adianlum assimile, Sw.
*
»
cuneatum, Hook.
S
n
monanthemum, Lin
¥S
»
hispidulum, R. Br.
»
praemorsum, Swz.
»
formosum, R. Br.
»
canariense, Willd.
»
reniforme, Lin.
»
falcatum, Swz.
»
affine, Willd.
il
polyodon, Forst.
»
pubescens, Schk.
•
»
acutum, Willd.
»
selulosum, J. Sm.
n
planicaule, Wall.
S Â
splenium attenuatum, R. Br.
S
»
Petrarchae, Dec.
s
»
furcaturo, Swz.
*
Athyrium
umbrosum, J. Sm.
»
palmatum. Lam.
»
axillare, J. Sm.
#
«
lucidum, Forst.
*
Antigramma rhizophylla, J. Sm
*
n
ebeneum, Ait.
Alsophylla capensis, J. Sm
s
»
compressum,S\vz.
Acrophorus hispida, T. Moore.
s
n
oblusatum, Forst.
Arlhopter
is exigua, T. Moore.
Asplenium Qabelliforme, R. Br.
229
Balanlium culcila, Kaulf.
Blechnum triangulare, Link.
» occidentale, Lin.
• striatum, R. Br.
» australe.
Cyathea dealbata, Don.
» medullaris, Don.
S Cassebeera farinosa, J. Sm.
S » pteridoides, Presl.
» hastata, J. Sm.
» inframarginalis, J. Sm.
S Cheilanthes micropteris, Swz.
S » spectabilis, Kaul.
S » viscosa, Lk.
S » cuneata, Lk.
Cibotium Schiedii, Sch.
» Barometz, J. Sm.
* Cyrtomium falcatum, Swz.
Darea bullifera.
■>> diversifolia.
» cicutaria.
» flaccida.
Davallia tenuifolia, Swz.
» canariensis, Swz.
» pyxidata, Cav.
» bullata.
Dictymia attenuata, J. Sm.
Drynaria erinoïdes, J. Sm.
» diversifolia.
» Fortuni.
» vulgaris, J. Sm.
* » Billardieri, J. Sm.
» pustulata, J. Sm.
» linearis.
Doodia aspera, R. Br.
* » lunulata, R. Br.
» caudala, R. Br.
* Diplazium decussatum, J. Sm.
Dicksonia squarrosa.
» antarctica, Labf.
» arborescens, L'Hér.
Doryopteris pedata.
S Elaphoglossum conforme.
S » squamosum.
Goniophlebium argutum7 J. Sm.
» sepultum, J. Sm.
» vaccinifolium.
* Gymnogramna Totta, Lowe.
» leptophylla, Desv.
» chaerophylla, Desv.
aurita, Hook.
Goniopleris fraxinifolia.
» proliféra.
S Gleichcnia micropliylla.
S » dicarpa.
Hypolepis repens, Presl.
* » rugulosa.
Lygodium palmatum, Swz.
» flexuosum, Swz.
» japonicum, Swz.
» articulatum, Swz.
» microphyllum, Swz.
Litobrochia vesperlilionis, J. S.
» leptophylla, J. Sm.
Lomaria lanceolata, Spreng.
» nuda, Willd.
* » Patersoni, Spreng.
» gillesi, Hook.
» magellanica, Desv.
» attenuata, Willd.
Lastrea glabella.
„ acuminata.
» spinescens.
• elongata, Presl.
» eburnea, J. Sm.
» decomposita, J. Sm.
» decurrens.
» canariensis, Presl.
S Mohria thurifraga, Swz.
Meniscium simplex.
S Mertensia flabellata, J. Sm.
Marattia elegans, Endl.
* Nephrodium molle, R. Br.
» unitum, R. Br.
S Nothochlœnanivea, Desv.
S » bypoleuca, Kunze.
S » vestita, J. Sm.
S » marantae, R. B.
S » Eckloniana, Kunze.
S » distans, R. B.
S » lendigera. J. Sm.
Neottopheris vulgaris, J. Sm.
S Nipholobus pertusus, Spreng.
S » varius, Kaulf.
S » rupestris, Spreng.
S » lingua, Spreng.
Nephrolepis exaltata, Schott.
» undulata.
* Onychium lucidum, Spreng.
S PycnopterisSieboldi.
Platylomacordata, J. Sm.
»
flexuosa, J. Sm.
S
»
ternifolia, J. Sm. ,
* s
rt
rotundifolia, J. Sm
S
»
Browni, J. Sm.
»
»
faleata, J. Sm.
280 —
S Plaljloina calomelanos, J. Sm.
S » atropurpurea, J. Sm.
Phlebodium aureum.
» Iriseriale.
» sqiiamulosum.
* Pteris longifolia.Sm.
» cretica, Sm.
crenata, Swz.
umbrosa, R. B.
serrulata, Lin.
argnta, Vahl.
kingiana, Endlich.
Iremula, R. B.
semipinnala, Lin.
Platycerium grande, J. Sm.
» alcicorne, Desv.
Polypoclium effusum, Swz.
»
»
»
»
»
* Polypodium trichoides.
» paradisœ.
» subpeliolalum, Hook.
Polystichumjungens, Presl.
» proliferum, J. Sm.
» capense, J. Sm.
» drepannm, Presl.
» hispidum, J. Sm.
» falcinellum, Presl.
S Scolopendrium Krebsi.
* Sitolobium davalloïdes, J. Sm.
Todea africana, Willd.
» pellucida, Carm.
Trichomanes reniforme, Forst.
S Woodsia mollis, J. Sm.
' Woodwardia radicans, Willd.
REVUE DES PLANTES NOUVELLES ET INTÉRESSANTES.
Corréa cardinal!». Muell. — Bot. Mag. Tab. 4912. — Etym. :
José Francesco Corréa de Serra, naquit en 1750 à Serpa, petite ville forte
de l'Alentéjo en Portugal; il voyagea à Paris, à Londres, dans l'Amé-
rique du Nord et fut plus tard membre des Cortès de Portugal où il
mourut en 1823. Botaniste zélé, il écrivit plusieurs mémoires sur la
physiologie des plantes. — Famille des Diosmées; Octandrie Mono-
gynie. — Corréa éearlate.
MM. Veitch ont reçu le Corréa cardinalis de l'Australie par graines ;
la plante forme dans l'établissement de Exeter et Chelsea un beau
buisson de deux à trois pieds de hauteur , à branches gracieuses, ar-
rondies, à feuilles vert foncé en-dessus, pâle et blanchâtre à la face in-
férieure et dont les plus jeunes rameaux portent des fleurs pendantes ,
de deux centimètres et demi à quatre centimètres de long, d'un éearlate
vif, sauf les segments de la corolle qui sont jaunâtres. Les filets des éta-
mines dépassent le limbe dressé de la corolle de plus d'un demi centi-
mètre. Le C. cardinalis est une précieuse acquisition pour toutes les
serres froides, tant par la beauté de ses fleurs que par l'époque de leur
apparition , le commencement de mars. Le Dr F. Mueller a découvert
cette plante près de la rivière Latrobe, dans les endroits buissonneux et
sableux sur les montagnes et dans la plaine stérile de Port-Albert,
à la colonie de Victoria dans l'Australie méridionale.
Eschscliolzia califoruica. DC. var. Flore pleno. — Lejourn.
des roses, troisième année, première livraison. — Etym. : Jean Frédéric
— 231 —
Eschscholz naquit à Dorpat en 1793, où il pratiqua la médecine. Il ac-
compagna Kotzebue comme médecin dans ses voyages d'exploration de
1815-18 et de 1823-26, puis fut nommé professeur de médecine à
Dorpat et mourut en 1831 : il écrivit spécialement sur la zoologie. —
Fam. des Papavéracées ; Polyandrie Monogynie. — Eschscholzie de Ca-
lifornie à fleur double.
Tout le monde connaît l'Eschscholzie à fleur simple, dont le coloris
or éclatant attire les regards. L'année dernière, M. Léon Lille (de Lyon)
remarqua dans ses semis une variété à fleurs doubles, dont il s'empressa
de couper les rameaux pour les multiplier. Les boutures ne réussirent
pas, et le pied-mère épuisé par la taille, ne put fleurir de nouveau. Il
faut espérer qu'il donnera des graines cette année et que par ce moyen
il pourra se propager.
PLANTES NOUVELLES DE SERRE FROIDE ET TEMPÉRÉE,
Mises pour la première fois dans le commerce, par M. J. Linden.
(Extrait du catalogue de M. Linden, pour 1856.)
Calyptraria Hœinantha. PI. et Lind. — C'est avec une vive sa-
tisfaction que nous offrons cette merveilleuse plante, le plus splendide
représentant (sans en excepter le Medinilla magnifica) de la famille
des Mélastomées, introduit jusqu'à ce jour en Europe. Ses fleurs sont
éclatantes, très-nombreuses et amples; c'est à leur coloris que ce ma-
gnifique arbuste doit le nom énergique de Sangre de toro sous lequel il
est connu dans son pays natal. C'est un arbuste touffu et très-florifère,
à branches, pétioles, pédoncules, pédicelles et calices recouverts, de même
que la face inférieure des feuilles, d'un duvet fauve. Ces dernières sont
extrêmement épaisses, coriaces et très-remarquables par leur belle nerva-
tion réticulée. Les racèmes florifères ont jusqu'à deux pieds de longueur,
portant chacun 15 à 20 fleurs, à pétales charnus et persistants et à ca-
lice s'ouvrant en forme de boite à savonnette.
Découvert en 1844 , par M. Schlim , sur les versants semi-froids du
redoutable Paramo de Cachiri , ce Calyptraria a été retrouvé plus ré-
cemment par le même voyageur, dans la province d'Ocana, d'où il nous
en envoya des souches vivantes et des graines. Il croit dans les terrains
argileux, à une altitude de 5,000 à 7,000 pieds, en compagnie d'autres
arbustes de grand mérite que nous sommes heureux de posséder égale-
ment à l'état vivant. Ce sont le Purdiaca nutans, aux gracieux épis re-
tombants , à bractées d'un blanc pur et à fleurs d'un rose tendre ; le
— 232 —
Clethra consimilis, à feuilles de Vaccinium et à jolies fleurs blanches en
corymbes, plusieurs magnifiques Bejaria et Lisianthus , etc. (Prix, 30
à 50/* rancs.)
Cnphea eminens. PL et Lind. (Voy. Belg. Hort. t.\, p. 293).
Probablement la plus remarquable espèce de tout le genre. C'est une
plante robuste semi-ligneuse , ù tiges droites, hautes de 0m,40 à 0m,50,
garnies vers le bas de nombreuses feuilles lancéolées, semblables à celles
du pêcher et se terminant par un épi très-serré de fleurs , comparative-
ment très-grandes et dont les calices présentent des nuances de rouge
très-vif et de jaune orange. Malgré l'absence de pétales, cette espèce est
d'un très-bel effet ornemental. (Prix, 20 francs.)
Gonocalyx pulcher. PL et Lind. — Charmante vacciniée frutes-
cente, à rameaux touffus, dressés, garnis d'un feuillage dense, et çà et là,
parmi les feuilles, de jolies fleurs tubuleuses d'un rouge vif. Les fleurs
sont petites , presque orbiculaires et ressemblent un peu à celles de
l'Alaterne (Rlwmnus Alaternus). Les jeunes pousses, de même que les
nouvelles feuilles, se colorent d'un beau rose pourpré. Le G. pulcher a été
découvert par M. Schlim, en compagnie du Calyptraria hœmantha, etc.,
dans les provinces de Pamplona et d'Ocana, où il croit à une altitude de
7,000 pieds. (Prix, 25 francs.)
Monochactam ensiferum. Naud. — Petit arbuste touffu à bran-
ches divariquées et à feuilles épaisses, linéaires lancéolées, glabres en
dessus , les pétioles comme les parties herbacées des rameaux sont
d'un beau rouge. Les fleurs sont grandes, d'un rose vif. C'est une char-
mante plante, dont la découverte est due à 31. Ghiesbrecht, qui la ren-
contra dans la province d'Oaxaca au Mexique. (Prix, 15 francs.)
Scutellaria Trianœi. PL et Lind. — Charmante espèce à corolle
d'un rouge violet presque amaranthe, à lèvre inférieure très-large et
semi-orbiculaire, à feuilles lisses et ovales. Originaire des régions tem-
pérées de la province de Bogota, d'où elle nous fut envoyée par M. J.
Triana. (Prix, 15 francs.)
V REVUE DES FOUGÈRES NOUVELLES.
(Suite. Voy. p. 168.)
13° Nephrodium venustum, HewardM. S. — Gard. Chron. 1855,/;.
677. — Etym. : de vtçpoç, rein, à cause de la forme des indusies. —
— 233
PI. 47.
Fig. 1. Nephrodium venustum, Dew.
Fig. 2. Laslrea pilosissinia, J. Sm.
c^^^.
Fig. 3. lastrea rccedens , J. S m.
Fig. \. Davallia lenuifolia , Swarlz.
— 234 —
Synon. : Aspidium venustum, Heward, Mag. Nat. Hist. 1838.
phrodie gracieuse.
Ne-
Frondes glabres lancéolées, pinnato-
pinnatifides à divisions alternes , étroites
linéaires lancéolées, sessiles, ou les plus
inférieures très-brièvement pétiolulées ;
segments arrondis, oblongs-obtus sub-
falqués; sores sub-marginales; rachis cou-
verts de poils étoiles. (Voy. pi. 47, fig. 1.)
Cette espèce est une belle fougère de grande taille ; ses frondes me-
surent six décimètres à un mètre de longueur sur deuxà trois décimètres
de large : elles sont absolument glabres, d'un vert clair et brillant, pin-
nées ; les pinnules inférieures sont quelque peu pétiolées ; les supérieures
sessiles, amincies en pointe effilée et allongée. Les pinnules sont divisées
jusqu'à la moitié de leur longueur environ en lobes oblongs, un peu
falqués, entiers et légèrement ciliés. Les sores sont sub-marginales, sou-
vent réunies en ligne. Les frondes sont adhérentes à un rhizome dressé.
Le N. venustum est originaire de la Jamaïque; il a été introduit en 1852
au jardin botanique de Kew et se cultive en serre chaude.
14° Lastrea pilosissima, J. Smith. — Gard. Chron. 1855. p. 677. —
Etym. : Le genre Lastrea fut établi par Bory-Saint- Vincent à la mémoire
de C. J. L. de Lastre, qui écrivit en 1835 sur la végétation du départe-
ment de la Vienne et publia en 1842 une flore de ce district. — Synon. :
Aspidium pilosissimum, G. Don. M. S.,Herb. Hort. Soc. Lond. — Las-
trea très-poilu.
Frondes ternées, deltoïdes ou penta-
gones, a partitions inférieures tripinnées,
trapézo-triangulaires , à divisions posté-
rieures triples des antérieures; à pointe
allongée ; pinnules obliques oblongues-
ovées , profondément pinnatifides, à seg-
ments oblongs ou obovés, entiers ou si-
nueux; sores petites dispersées; rachis
et côtes velus en dessus, pubescents en
dessous ; stipes velus. (Voy. PI. 47, fig. 2.)
Le Lastrea pilosissima réclame la chaleur de la serre chaude ; il est
natif de Sierra Leone et fut introduit au jardin botanique de Chelsea en
1851 par M. Whitfield. Les frondes sont vert-grisàtre, herbacées et su-
jettes à noircir facilement; elles croissent à 4 ou 6 décimètres de hau-
teur et sont à trois branches ou plutôt pentagones par le grand déve-
loppement des deux pinnules postérieures divergentes. Les dernières
pinnules sont oblongues-ovées ou ovées-tronquées et souvent obliques
ou inéquilatérales, profondément pinnatifides à lobes oblongs ou obovés,
entiers ou sinueux sur leurs bords. Les sores sont terminales sur les
veines, assez petites, disséminées sur toute la fronde en petit nombre
sur chaque segment. Le stipc est abondamment recouvert de longs poils
blancs mêlés à des écailles noires ; les rachis et les grosses nervures
sont couverts de longs poils en-dessus et pubescents en-dessous; sur la
— 235 —
face supérieure de la fronde on remarque des poils raides implantés sans
ordre ; on en retrouve un plus petit nombre à la face inférieure le long
des veines. Cette espèce est très-voisine de YAspidium quinquefidum de
Palisot de Beauvois, mais elle est beaucoup plus composée.
15° Lastrea recedens, J. Smith. — Gard. Chron. 1855. p. 708. —
Synon. : Polypodium recedens, J. Sm., En. Fil. Phil., Hook. Journ. Bot.
iii. 394. Lastrea elegans des horticulteurs. — Lastrea modeste.
dentés ; sores submarginales ; stipes ad-
hérents à un rhizome rampant.
(Voy. PI. 47, fig. 5.)
Frondes pentagones, pubescentes-glan-
duleuses,- tripinnées, pinnules linéaires
oblongues, aiguës, décurrentes, profon-
dément pinnatifides, à segments courts et
Cette élégante fougère est originaire de Ceylan et des îles Philippines ,
d'où le Dr Gardner l'a envoyée à Kew. Ses frondes portées par un stipe
allongé, écailleux à la base, atteignent 5 à 6 décimètres de hauteur; elles
sont d'un vert clair et abondamment recouvertes de petits poils mêlés
à des glandes. Leur contour est pentagonal, les deux pinnules posté-
rieures étant considérablement élargies ; les pinnules secondaires sont
oblongues, ou linéaires-oblongues, aiguës; elles sont pinnatifides, à seg-
ments courts dentés. Les sores forment une série le long de la marge de
ces segments où elles sont accumulées en grand nombre. Le rhizome
est rampant, les frondes lui sont adhérentes et naissent sur ses côtés, leur
stipe est dressé, la partie feuillée est étalée. Cette espèce reste toujours
verte et se cultive en serre.
16° Drynaria Fortum, T. Moore, Gênera and. species of cultivated
Ferns, ined. — Gard. Chron. 1855 p. 708. Etym. : de J)y?, chêne, parce
que ces plantes, croissant dans les forêts, sont dryophiles. — Drynaria
de Fortune.
Frondes simples, lancéolées atténuées,
subcoriaces, légèrement ondulées , gla-
bres, marquées de points transparents ;
sores réunies à la partie supérieure de
la fronde, en une série voisine de la côte;
stipes articulés avec un rhizome ram-
pant et écailleux.
Le D. Fortuni est une espèce élégante, toujours verte, à frondes
simples, ayant l'apparence d'un Scolopendre légèrement ondulé. Les
frondes mesurent trois décimètres au moins de longueur, étroites lancéo-
lées, atténuées tant à la base qu'à la pointe, d'un vert foncé, entières ou
subsinuées et ondulées, lisses, marquées de points transparents qui in-
diquent la terminaison des dernières veinules , elles sont portées par un
stipe légèrement écailleux qui vient s'articuler latéralement sur un rhi-
zome rampant. Les sores forment une seule série de points ronds contre
la côte à la partie supérieure des frondes. Cette espèce a été recueillie
en Chine par M. Fortune, pendant son second voyage. Elle réussit par-
faitement en serre tempérée.
— 236 —
17° Davallia tenuifolia, Swartz. Synopsis Filicum , 133, 350;
Hooker, Sp. Fil. i., 186. Gard. Chron.ASSS. p. 709. — Etym. : v. p.
143. — Davallie à feuilles tenues.
Frondes dressées ou arquées, ovales-
lancéolées , allongées , glabres , subco-
riaces, biou tripinnées, à rachis comprimé
ou ailé; derniers segments très-nombreux,
dressés,linéaires, en forme de coins, tron-
qués, bifides ou légèrement échancrés ;
sores terminales contre l'extrémité tron-
quée des segments, courts, oblongs, soli-
taires ou par paires.
(Voir PI. 47, fig. 4.)
Cette plante, déjà répandue dans les herbiers où elle se faisait remar-
quer par la raideur alliée à une élégante découpure des frondes, est à l'état
cultivé une des fougères les plus élégantes , ses grandes frondes profon-
dément divisées retombant avec grâce de manière à mieux faire res-
sortir leurs beautés. Leur couleur est un vert gai et leur longueur six
décimètres; les divisions sont ovales lancéolées, deux fois séquées et
chaque segment de nouveau séparé en deux lobes cunéiformes. Chaque
fronde , dans son ensemble , est constituée par une multitude de lobes
étroits à pointe tronquée , portant chacun , en dessous, près de cette
pointe, une sore courte oblongue dans le sens transversal : l'extrémité
tronquée des lobes est souvent échancrée. Les sores sont logées dans un
petit involucre creusé en forme de coupe. Cette élégante fougère a été
introduite de Java en 1851 par MM. Rollissons et est encore rare dans
les cultures ; elle est toujours verte et doit être tenue en serre.
CULTURE DU CAMPANULA PYRAMIDALIS.
Cette belle plante n'atteint pas toujours le degré de perfection dont
elle est susceptible. On sème en mars sous châssis; lorsque les plantes
ont fait deux ou trois feuilles, on les repique dans des pots de trois
pouces, on les abrite jusqu'à ce qu'elles aient fait racine, puis on les
endurcit petit à petit. Préparez en mai une bonne pièce de terre, dans
un endroit bien aéré, et plantez-y les campanules à cinq décimètres de
distance; laissez-les en place jusqu'en mars suivant, époque à laquelle
elles auront fait de bonnes racines. On relève alors les plantes avec une
bonne motte de terre autour des racines et on leur donne des pots de
45 centimètres et le compost suivant : parties égales de fumier de cheval
bien décomposé, d'argile calcareuse, de terreau de feuilles, mêlées à du
sable blanc et bien drainé. On les rentre sous une couche ou dans une
bâche, que l'on tient soigneusement fermée dans les premiers temps.
Bientôt les campanules montrent leur hampe florale ; on leur fournit
alors beaucoup d'air, on les seringue et les tient assez humides. Lorsque
cette hampe est haute d'environ deux pieds on reporte les plantes dans
un endroit bien aéré de la serre; elle s'élèvera dès lors rapidement et
peut atteindre jusque trois mètres.
— 237 —
MEUBLES ET ORNEMENTS DE JARDIN.
SIDÉROTECHNIE HORTICOLE.- ALLEE COUVERTE, KIOSQUE , FAUTEUILS
ET DIVANS AMÉRICAINS, EN FER CREUX,
Par M. Edouard Morren.
Un ameublement de jardin en fer creux présente des avantages incon-
testables sur le bois et la fonte. Le bois, quel que soit le soin avec lequel
on l'entretienne, ne résiste pas longtemps aux variations de chaleur
et d'humidité; la fonte est d'un usage incommode, elle est lourde et
très-fragile. Le fer creux au contraire a la légèreté du bois unie à la
solidité du fer. Des chaises, des bancs et des tables de bois restent long-
temps mouillés après la pluie, la fonte devient brûlante sous l'action
du soleil ou bien elle refroidit trop si la chaleur de l'atmosphère est peu
élevée. Les meubles de fer creux étant façonnés en tubes de tôle recou-
verts d'un vernis de couleur claire, l'eau glisse sur leur surface et ils se
maintiennent à une température uniforme, qualité précieuse pour les
treillages destinés aux plantes grimpantes. Enfin le fer creux se prête
mieux que le bois ou la fonte, à toutes les exigences du goût et de l'hor-
ticulture artistique.
Ces avantages sont d'ailleurs appréciés par le public. Il s'est établi en
Belgique, en France et en Angleterre plusieurs usines considérables
occupées uniquement à la fabrication de meubles, d'ornements et d'us-
tensiles de jardinage, en fer creux. On en fait des tables, des chaises,
des fauteuils, des bancs, des corbeilles, des vases, des jardinières, des
treillages, des bordures, des balustrades, des grilles, etc., et même des
pavillons, des kiosques, des ponts, des poulaillers, des serres, etc. Ces
différentes constructions se distinguent par un caractère propre de légè-
reté, d'élégance et de propreté; elles conviennent spécialement pour les
petits jardins de ville ou pour les embellissements des parcs. L'un des
établissements les plus vastes de sidérotechnie horticole est l'usine Tron-
chon, établie à Paris, avenue de St.-Cloud. On a pu remarquer ses pro-
duits à l'Exposition universelle de l'horticulture de 1855 à Paris, dans
le pavillon de l'Industrie horticole, et l'on a dû reconnaître qu'ils se re-
commandaient, outre les qualités générales des meubles de ce genre, par
le bon goût, la correction et le cachet artistique de leur dessin. Les gra-
vures qui accompagnent cet article sont la reproduction exacte de
meubles et d'ornements sortis de l'usine Tronchon.
238
— 239 —
La planche 48 représente une promenade couverte, telle qu'il peut être
convenable d'en établir dans certaines circonstances pour prendre le
frais pendant que le soleil est trop ardent ou pour respirer l'air alors qu'il
pleut ou qu'il vente; c'est aussi un passage entre le corps de logis prin-
cipal et une de ses dépendances. On plante auprès de cette charpente des
Aristolochia, des Ampélopsis, des Glycine, des Clematis, des Bignonia,
des Menispermum, des Periploca, des Humulus, des Vitis, des Celas-
trus, etc., qui s'élancent, s'enlacent et se tortillent en une voûte de ver-
dure impénétrable au soleil et à la pluie. On garnit chaque année la base
de cette construction avec des volubiles annuelles, telles que des Ipomœa,
des Calystegia, des Cobœa, des Tropœohm, des Passiflora, des Cyclan-
tera, etc., dont les corolles brillantes s'épanouissent sous les yeux des
promeneurs et embaument l'air qu'ils respirent. On peut, il est vrai,
élever la charpente de ces berceaux en bois, mais elle doit généralement
être alors trop massive pour résister au temps et au poids, chaque année
plus considérable, des végétaux qu'elle soutient.
l'I. 4!). Fauteuil et divan américains.
— 240 —
Il nous est arrivé depuis peu de temps d'Amérique des modèles déli-
cieux d'un nouveau système de chaises, fauteuils, divans, fumeuses ,
causeuses, bancs, etc., qui , sans aucun doute, sera, bientôt générale-
ment imité. L'idée de ces sièges devait venir à ceux qui avaient vu les
hamacs suspendus des Indiens ; ils consistent en un tissu à mailles mé-
talliques, suspendu au dos et attaché au devant du siège comme il est
représenté planche 49. Ce tissu est souple et flexible, il se plie aux si-
nuosités du corps de celui qui s'y repose. La plupart des sièges de jardin
sont durs et incommodes , un point du corps se fatigue pour tout le
reste dont il supporte rudement le poids, mais s'ils sont faits d'après le
système américain, chaque point trouve son appui et le corps entier
prend du repos. Beaucoup de nos lecteurs ont pu sans doute apprécier
les douceurs de ces sièges dans les charmants jardins dessinés par
M. Loire aux Champs-Elysées pour l'exposition universelle d'horticul-
ture à Paris en 1855.
Enfin nous avons représenté (PI. 50) un élégant kiosque, de style
moresque, construit en fer creux et sorti des ateliers de M. Tronchon.
Il est soutenu par six colonnettes autour desquelles grimpent quelques
végétaux fleuris; au levant et au couchant sont deux stores mobiles qui
donnent de l'ombre.
Fig. 50. Kiosque moresque en fer creux.
— 241 —
PHYSIOLOGIE HORTICOLE DE LA TOILETTE.
LA SAPONAIRE,
Par M. Ch. Morren.
On vend à Paris et par conséquent dans toutes nos grandes et petites
villes de Belgique, des paquets d'une plante merveilleuse, d'une tige
exotique coupée en morceaux longs d'un pouce, mélangés de quelques
feuilles brisées et de portions de racines, le tout soigneusement renfermé
dans un sachet de papier rose et musqué, recouvert d'une étiquette
chimico-comique, disant comme quoi la saponine, quinlescence de la
plante merveilleuse, est le vrai savon de la nature. Ces petits paquets se
vendent, en effet, chez les marchandes de modes et sont vivement re-
commandés aux dames et demoiselles pour leur permettre d'ôter ou de
faire ôter sur toutes les espèces de soieries les taches de graisse ou
d'huile qu'elles n'y font jamais, mais dont les maladroits servants de
table ont le malheur d'être plus ou moins coupables. Il va de soi que
la saponine, principe du savon naturel, n'a aucune des mauvaises
qualités du savon de fabrique; elle n'ôte pas le brillant de la soie, elle
conserve le lustre des étoffes, elle n'affaiblit, ni ne rehausse aucune
teinte, quelque délicate qu'elle soit, elle ne corrode ni ne mange aucune
couleur; enfin, la saponine est au savon, ce que sont la petite maîtresse
et son boudoir parfumé au rustre de village et son étable.
On comprendra facilement quenouseûmes quelque velléité d'examiner
cette plante à savon, qui ne pouvait avoir de rivale que la brosse à fibres
ligneuses, tirée en Chine hors d'un arbre à savon, dont la propriété
saponifiante est éternelle. Nous avions d'ailleurs le plaisir de posséder
une botte de ces fibres fameuses, grâce à l'obligeance de M. le baron
M , qui rapporta lui-même de la Chine cette merveille pour faire la
barbe à ses amis d'Europe. On prend la botte en question, on l'agite
dans de l'eau, l'eau se savonne, couvre le menton de mousse et sert à
quoi vous savez; on laisse sécher sa botte et on recommence tant de
fois qu'on le veut. Evidemment il n'y a que les Chinois qui pouvaient
faire rivaliser leur savon en arbre avec la saponine des marchandes de
modes de Paris. Nous revenons à celle-ci, au singulier. Celte plante
saponifère nous parut être une espèce que nous offre en profusion notre
Flore nationale, une espèce fort anciennement connue et à laquelle,
depuis la botanique du moyen âge, on a réservé le nom qui indique sa
propriété, à savoir la Saponaire et jadis la Saponale. L'examen le plus
BEI.G. HORT. T. VI. 22
— 242 —
circonstancié nous confirme que la plante de Paris est une des plus com-
munes en Belgique.
En effet, qui n'a pas vu en juillet, août et septembre, le long des
haies, aux bords des routes, sur les lieux arides et secs, surtout entre
les pierres des torrents, sur les îles laissées à nu dans les fleuves et
rivières, dans les lits des canaux , des cours d'eau, des ruisseaux plus
ou moins taris, une jolie plante, munie de racines vivaces, longues,
noueuses, blanches et traçantes, de tiges nombreuses, presque ligneuses,
cylindriques, atteignant jusqu'à un demi-mètre de hauteur et noueuses,
de feuilles d'un vert foncé, allongées, entières, terminées en pointe aux
deux bouts, lisses au toucher et rappelant en quelque sorte l'existence
du savon dans la plante par l'onctuosité de leur surface. Ces feuilles ont
trois ou cinq nervures longitudinales distinctes. Les fleurs sont dispo-
sées en thyrses ou panicules comme celles d'un phlox auxquelles elles
ressemblent d'ailleurs. Ces fleurs sont blanches ou presque toujours
rosées, très-nombreuses, pourvues d'un tube et d'un limbe divisé en
cinq lanières disposées en étoile. Le parfum de ces fleurs est très-doux,
très-agréable et rappelle un peu celui du miel de Narbonne.
Cette plante a reçu de Linné le nom de Saponaria officinalis. On la
trouve chez quelques pharmaciens, mais son usage médical est aujour-
d'hui fort restreint. La racine, les tiges, les feuilles et les fleurs sont
amères , résolutives , apéritives et sudorifiques : on ne perd rien à
le savoir.
Le bétail s'abstenant de pâturer la Saponaire, on la trouve presque
toujours entière, et comme elle est vivace, on la revoit toutes les années
aux mêmes emplacements. Dodoëns faisait remarquer dans ses Pemp-
tades de 4616 (p. 179), que de son temps les Belges cultivaient cette
plante dans leurs jardins à cause de sa beauté. Le fait est que la Sapo-
naire mériterait d'orner les grottes, les pierrailles, les endroits rocail-
leux de nos jardins, surtout dans les grands parcs. Au reste, aujour-
d'hui que sa qualité revient à la mode, la Saponaire serait à la fois une
première utilité et une plante d'agrément dans les parterres. Elle se
maintient très-bien en plate-bande et nous en cultivons depuis huit ans
dans l'école du jardin botanique de Liège, sans qu'elle nous donne ni
souci ni travail. Tous les ans, on maintient les racines clans les limites
de leur propriété; on sarcle et voilà tout. La reproduction de la plante
se fait soit par la division des vieux pieds, soit par les graines. Les
plantes venant par ce dernier moyen fleurissent dès la seconde année.
11 paraît au reste que le sexe connaît depuis longtemps la Saponaire.
Les bacchantes avaient fait cette connaissance avant les modistes de
Paris. Ce fait, Guillandinus, Langius, Dodonams l'ont prouvé. Il y avait,
— 243 —
au dire de ces érudits, plusieurs espèces de thyrses dont se servaient
aux fêtes de Bacchus et de Saturne, et dans les orgies de Rome, les
femmes échevelées couronnées de pampres ou de lierre. Un de ces
thyrses s'appelait Céphalote, parce qu'il était terminé par une tête de
fleurs, et dans ce cas spécial, les bacchantes avaient jeté leur dévolu sur
la Saponaire, dont les fleurs parfumées, la panicule fournie et la cou-
leur consacrée depuis l'antiquité aux amours et à leur mère, légitimaient
ce choix.
D'autres anciens nommaient la Saponaire, Tunica, parce qu'elle ser-
vait à nettoyer les tuniques. Sa propriété était donc connue à une
époque très-reculée.
Des bacchanales la Saponaire est tombée, au moyen âge, dans le gre-
nier des droguistes et des apothicaires, pour descendre enfin de nos jours
dans les magasins de modes. Ainsi le voulurent la civilisation, la méde-
cine et la chimie. Cette dernière science a décrété que la Saponaire
contient une substance, appelée Saponine, laquelle a pour propriété
de faire mousser de l'eau claire, propriété plus ou moins inexplicable
pour certaines personnes, mais nullement pour d'autres. Il ne faut pour
produire cet effet que l'y agiter. Puis avec cette eau claire, devenue
grasse, on enlève sur les tissus les taches de graisse et d'huile. On em-
ploie de préférence de l'eau chande qui dissout mieux la saponine; on
met la plante coupée dans un bassin, on y agite avec une main bien
propre les morceaux des sommités séchées, coupées et fendues, et on
obtient bientôt le savon naturel et mousseux qu'on frotte sur et dessous
la tache jusqu'à ce que celle-ci disparaisse. A moins que la couleur, si
c'est une soie teintée, ne soit soluble dans l'eau, la nuance reste, en
effet, sans mutation dans la plupart des cas. On asperge à l'eau propre,
on frotte la soie et on laisse sécher.
Comme la botanique ne court en Belgique, ni les rues ni les cam-
pagnes, nous osons conseiller aux horticulteurs de cultiver la Saponaire.
Le petit paquet de tiges coupées coûte à Paris un franc et demi. Il y a tout
bénéfice et agrément de payer cinquante centimes chez l'horticulteur,
une plante destinée à ce triple avenir, à savoir : d'orner les jardins, de
dégraisser les dames et de faire la barbe aux maris.
_ 244 —
NOTIONS GÉNÉRALES
DE PALÉONTOLOGIE VÉGÉTALE.
Traduit de l'Allemand du Dr M. Seubert, de Carlsruhe (\),
Par A.-P. de Borre, candidat en Sciences naturelles.
{Suite.) (2).
FAMILLE des équisétacées.
Fig. 7. — Calamiies varîans. a. Une porlioa de tronc avec deux verlicilles, l'écorce n'est que
partiellement couservée. b. Une portion de la surface, aussi dénudée en partie.
Fig. 8 — Equisclum columnare. Un nœud, pourvu de la gaine dentée, formée de feuilles
réunies.
Genres : Calamités Suckow. Troncs articulés; articulations can-
nelées; les cannelures sont plus visibles sous la croûte de charbon
qu'à l'extérieur. Les feuilles laissent après leur chute de petits nœuds.
Rameaux en verticilles. De nombreuses espèces dans le grauwacke et le
terrain houiller, d'autres espèces dans le grès bigarré et le keuper.
Equisetites Sternb. Tige articulée, striée longitudinalement ; divi-
sions des feuilles profondément séparées. La plupart des espèces dans
le keuper; quelques espèces se trouvent aussi dans le terrain houiller
et le terrain jurassique.
Des espèces du genre Equisetum L. se trouvent également dans
les terrains tertiaires.
'famille des astërophyllitées (3).
Cette famille, aujourd'hui éteinte, et très-voisine des Equisétacées,
(1) Lehrbuch der gesammlen Pflanzenkunde. IVtc Abschnitl. Stuttgart, 1855.
(2) Voy. p. 212.
(3) Brongniart place cette famille parmi les Dicotylédones gymnospermes.
— 245 —
renferme des plantes arborescentes et herbacées, à tige rameuse, arti-
culée, et à feuilles verticillées, de formes variées. Les organes de fructi-
fication en épis sont terminaux sur les tiges et les branches.
Genres : Asterophijllites Brongn. Tige striée; feuilles étroites, acumi-
nées, uninerves; épis déliés. Espèces nombreuses, partie dans le terrain
de transition, partie dans le terrain houiller.
Annularia Sternb. Comme le précédent, mais les feuilles sont con-
jointes à la base, et d'inégale longueur.
Fjg. 9. — Spkeiiophyllum Scklotheimii. a. Un rameau avec deux épis, b et c. Feuilles de
différentes formes de la même plante.
Sphenophyllum Brongn. Feuilles disposées en verticilles de 6 à 12,
cunéiformes, dentées ou lobées, tronquées à l'extrémité supérieure. Epis
terminaux ou latéraux, épais. Les espèces se trouvent dans le terrain
houiller.
III.
MONOCOTYLÉDONES.
FAMILLE DES GRAMINÉES.
On n'a trouvé que peu de débris de Graminées fossiles, savoir
des tiges et des feuilles. Les inflorescences se présentent plus rarement.
Genres : Mtophylhm Brongn., et Echinostachys Brongn., dans le
grès bigarré. Culmites Brongn., dans les terrains tertiaires; on y
— 246
trouve également des feuilles appartenant à des espèces des genres
Triticum et Arundo.
L'existence fossile des Cypéracées n'est pas encore précisément dé-
montrée; il en est de même des Liliacées et des Pandanées.
FAMILLE DES SMILACÉES.
Geisre : Smilacites Brongn. Feuilles d'un grand nombre d'espèces
dans différentes couches tertiaires.
FAMILLE DES NA1ADEES.
Genres : Zosterites Brongn., et Caulinites Brongn . , dans les ter-
rains tertiaires; les espèces provenant de couches plus anciennes sont
douteuses. Les espèces du genre Potamogeton sont assez nombreuses
dans les couches tertiaires plus récentes.
FAMILLE DES PALMIERS.
Des troncs, des feuilles et des fruits de Palmiers se rencontrent de-
puis le terrain houiller jusque dans l'époque tertiaire, où ils sont beau-
coup plus abondants.
Fig. 10. — Une feuille de Flabellaria Lamauonis.
Genres : Flabellaria Sternb. Grande feuille en éventail, à nervures
parallèles. Espèces douteuses dans le terrain houiller, rares dans les
couches secondaires, plus nombreuses dans les tertiaires.
Fasciculites Cotta. Troncs à faisceaux vasculaires épars; dans le ter-
rain houiller.
Phœnicites Brongn. Feuilles pinnées. Terrains tertiaires.
IV. — DICOTYLÉDONES.
Parmi les Dicotylédones fossiles, les Apétales sont de beaucoup les plus
richement représentées. Mais, parmi ces dernières, les Cycadées et les
— 247 —
Conifères, c'est-à-dire les Gynmospermes, ont la prépondérance. Il est
utile par conséquent, dans l'étude des végétaux fossiles, d'opposer à cette
division des Dicotylédones gymnospermes , celle des Dicotylédones angios-
permes, comprenant ainsi le reste des Apétales , les Monopétales et les
Polypétales.
A. — DICOTYLÉDONES GYMNOSPERMES.
FAMILLE DES CYCADÉES.
On trouve des troncs et des feuilles de Cycadées depuis la formation
carbonifère jusque dans la craie ; ces débris abondent surtout dans le
terrain jurassique; un seul genre se trouve encore dans les terrains ter-
tiaires. Parleur distribution fossile , comme aussi par plusieurs carac-
tères , tels que la conformation des parties ligneuses et l'estivation in-
volutée des feuilles, les Cycadées se rapprochent beaucoup des Fougères.
Fig. \\. — Extrémité de feuille du Plerophylluui Jœgori.
Genres : Pterophyllum Brongn. Feuilles pinnées; folioles adnées, à
nervures parallèles. Espèces nombreuses, dans le keuper , le lias et le
jura.
Medullosa Cott. Troncs cannelés, à étui médullaire considérable. Dans
la formation carbonifère.
Les genres : Trigonocarpus Brongn. et Zamiostrobus Endlicher , ont
été établis sur des fruits apocarpiens et syncarpiens de Cycadées.
Fig. 12. — Tronc de Zamilcs uiacrophyllus.
Zamites Brongn. Feuilles pinnées; folioles cordiformcs à la base;
— 248 —
nervures souvent fourchues. Troncs raccourcis, épais, couverts de
cicatrices foliaires rhomboïdales. De nombreuses espèces dans les ter-
rains secondaires.
Nilssonia, Brongn. Beaucoup d'espèces dans les mêmes terrains que
le genre précédent.
FAMILLE DES CONIFÈRES.
Les Conifères sont très-richement représentées dans la Flore fossile ,
et leurs bois se sont conservés plus ou moins intacts en grande quantité.
On les reconnaît toujours aux rangées de grands points à double con-
tour, qui occupent les côtés des cellules prosenchymateuses tournés
vers les rayons médullaires , tandis que, à l'exception d'un petit nombre
de vaisseaux spiraux , les vaisseaux proprement dits y manquent com-
plètement. Ces caractères de structure microscopique propres au bois
niiiiiijpi
ireii.insiiiîïï
IHIIllMQI
n
Fig. 13. — Coupe transversale dans la direction des rayons médullaires du Dadoxylon
Brandlingii.
Fig. U. — a Coupe transversale ; b Coupe longitudinale du Finîtes ponderosus.
des Conifères, nous le trouvons, ainsi que leurs autres caractères, dans
tous les lignites, aussi longtemps que leur structure interne est distinc-
tement reconnaissable. Le succin, qui se trouve dans le lignite, est la
résine du Pinites succinifera; il contient parfois des restes de plantes ou
d'animaux remarquables par leur parfaite conservation. Outre les troncs
ligneux et les rameaux garnis de feuilles, il n'est pas rare de trouver à
l'état fossile les cônes des Conifères.
Genres : Peuce, Witth., Pissadendron, Endl., et Dadoxylon Endl.
Troncs dans le terrain de transition , et dans la formation carbonifère.
Avançantes Gœpp. Troncs et feuilles dans le keuper et la craie.
Feuilles et cônes dans les couches tertiaires.
Albertia Schimp. Feuilles allongées, finement striées, rétrécies à la
base. Cônes allongés, à écailles triangulaires terminées en une pointe.
Plusieurs espèces dans le grès bigarré.
249
Fig. 15. — In rameau avec des feuilles, et à côté un cône de Voltzia helcrophylla.
Voltzia Brongn. Feuilles sessiles, droites ou courbées. Cônes cylin-
driques, à écailles 3-5 lobées, sillonnées. Dans le grès bigarré.
Pinites Gœpp. Ce genre, déjà représenté par plusieurs espèces dans
les couches secondaires, offre les débris les plus nombreux dans la pé-
riode tertiaire. Beaucoup de leurs troncs, qu'on rencontre dans le lignite,
sont remarquables par leur dimension ; on connaît des exemplaires de
30 pieds de circonférence. Leur bois est parfois si bien conservé, qu'on
peut encore l'employer comme tel. Sur ce grand nombre d'espèces, il
n'y en a que peu dont on trouve des feuilles et des cônes fossiles.
Cu'pressites Gœpp. Les branches , les cônes et les chatons mâles se
trouvent à l'état de conservation. Les espèces se trouvent dans les
terrains secondaires et tertiaires.
TJmrites Sternb. Des branches de ce genre se trouvent déjà dans les
terrains secondaires. D'autres espèces, parfaitement conservées, se ren-
contrent dans le succin.
On y trouve également les chatons mâles du genre Juniperites
Brongn.
Cupressinoxylum Gœpp. Troncs abondants dans le lignite.
Taxodites Ung. Plusieurs espèces dans les couches tertiaires les plus
récentes.
Taxites Brongn. Des troncs, des feuilles et peut-être des fruits de ce
genre se trouvent dans le lignite.
B. — DICOTYLÉDONES ANGIOSPERMES.
Cette section du règne végétal , la plus vaste dans le monde actuel,
n'offre que des traces isolées jusqu'à la fin de la période secondaire. Au
250 —
contraire, il en apparaît, dans la période tertiaire , des espèces nom-
breuses, semblables pour la plupart aux espèces actuellement vivantes.
C'est à la période secondaire qu'il faut rapporter le genre Credneria ,
Fig. 16. — Credneria cuneifolia.
dont les feuilles se trouvent dans le quadersandstein (1) ; ses affinités et
sa place systématique sont encore incertaines jusqu'à présent.
1° APÉTALES.
FAMILLE DES BALSAMÉES.
Des feuilles du seul genre Liqaidambar L. , se trouvent dans diverses
couches tertiaires.
FAMILLE DES SAL1CINÉES.
Les genres Salix L. et Populus L. sont tous deux représentés par de
nombreuses espèces, dont les feuilles se trouvent dans différentes
couches tertiaires.
FAMILLE DES BÉTULACÉES.
Genres : Betula L.; feuilles, chatons et fruits de plusieurs espèces
dans divers terrains. De plus, des troncs qui forment le genre Betuli-
nium, Ung.
AlnusL. Plusieurs espèces dans les terrains tertiaires; une espèce
dans le succin.
(1) Les géologues allemands donnent ce nom à certains grès très-siliceux, parfois
ferrugineux ou manganésifères , mais appartenant à des formations très-diverses. Il
s'en trouve beaucoup dans les terrains crétacés, et à la partie inférieure du système
liasique de Monsieur le professeur Dumont. (Note du Traducteur.)
251 —
FAMILLE DES MYRICEES.
Genres : Myrica L. Espèces nombreuses dans les couches tertiaires
moyennes.
Fig. 17. — Une feuille de Complonia asplenifona.
Coînptonia Banks. Feuilles étroites, allongées, pinnatifîdes. Dans les
couches tertiaires moyennes et récentes.
FAMILLE DES CUPULIFÈRES.
Genres : Quercus L. Espèces nombreuses dans les terrains tertiaires
les plus modernes (miocènes). On en trouve des feuilles , des fleurs et
des fruits conservés, ainsi que des troncs ressemblant par leur structure
au bois de chêne, et qui forment le genre Quercinium Ung.
Fagus L. Feuilles et fruits dans différentes couches tertiaires. Les
troncs qui y appartiennent , forment le genre Fagonium Ung.
Carpinus L. Feuilles nombreuses et fruits dans les couches tertiaires
les plus modernes.
FAMILLE DES PLATANÈES.
Genre : Platanus L. Feuilles de plusieurs espèces.
FAMILLE DES JUGLANDÉES.
Des espèces nombreuses du genre Juglans L. Les feuilles, les fruits
et le bois ont une plus grande dimension que chez les espèces actuelles.
FAMILLE DES ARTOCARPÉES.
Des feuilles du genre Fiais dans le lignite.
— 252 —
FAMILLE DES THYMÉLÉES.
Les troncs ligneux de cette famille forment le genre Haueria Ung. ,
qui se trouve dans les couches tertiaires les plus nouvelles.
FAMILLE DES LAURINÉES.
Genres : Laurus L. , et Daphnogene Ung. Dans le lignite et d'autres
couches tertiaires.
FAMILLE DES SANTALACÉES.
Fruits du genre Nyssa L., dans le lignite.
2° MONOPÉTALES.
Tous les représentants de cette classe se trouvent seulement dans les
couches tertiaires, et de préférence dans celles d'âge moyen ou récent.
FAMILLE DES RURIACÉES.
Genres : Morinda Vaillant. Cinchona L.
FAMILLE DES VACCINIÉES.
Genre : Vaccinium L.
FAMILLE DES ÉRICACÉES.
Genres : Dermatophyllites Gœpp., Andromeda L. , Rhododendron L.
FAMILLE DES OLÉACÉES.
Genres : Elœoïdes Ung. , Olea L. , Fraxinus L.
FAMILLE DES APOCYNÉES.
Genres : Echitonium Ung., Apocynoplujllum Ung.
De plus, les familles exotiques des Sapotacées, des Ebénacées et des
Styracées, ont aussi leurs représentants dans la flore fossile.
3o POLYPÉTALES.
Quant à la distribution fossile, la remarque faite pour les Monopé-
tales, s'applique aussi à cette classe.
FAMILLE DES MAGNOLIACÉES.
Genres : Magnolia L., Liriodendron L.
253 —
FAMILLE DES BUTTNERIACEES.
Genre : Dombeyopsis Ung.
Fig. 18. — Acer tricnspidaliim. a. Une empreinte entière de feuille; b. l'extrémité d'une
autre feuille.
FAMILLE DES ACERIINEES.
Genre : Acer L. De nombreuses espèces de ce genre offrent des em-
preintes caractéristiques de feuilles dans différentescouches tertiaires. On
trouve de pins, à l'état fossile, les fruits ailés de ce genre, et du bois
d'érable formant le genre Acerinium Ung.
FAMILLE DES HALORAGEES.
Tiges garnies de verticilles foliaires, formant le genre Myriophyllites,
et une sorte de fruit, qui paraît appartenir au genre Trapa.
FAMILLE DES RHAMNÉES.
Genres : Rhamnus L., et Ceanothus L.; en feuilles nombreuses, très-
caractéristiques et en fruits isolés.
FAMILLE DES ILICINÉES.
Genres : Ilex L., et Prinos L., la plupart du temps seulement en em-
preintes foliaires.
FAMILLE DES CÉLASTRINÉES.
Genres : Celastrus L.; de nombreuses espèces. EvonymusL.
— 254 —
FAMILLE DES TÉRÉBINTHACÉES.
Genres : Pistacia L. , et Rlms L. Beaucoup d'espèces de ce dernier.
FAMILLE DES MYRTACÉES.
Genres : Myrtus L. Eugenia Micheli.
FAMILLE DES POMACÉES.
Genres : Pyrus L., Cratœgus L.
FAMILLE DES DRUPACÉES.
Genres : Amygdalus L., Prunus L.De nombreuses espèces de tous
les deux.
FAMILLE DES LÉGUMINEUSES.
Les débris des Légumineuses sont plus abondants que ceux de toutes
les autres Dicotylédones angiospermes ensemble. On en trouve à l'état
fossile, des feuilles , des fruits et des graines.
Genres : Cijtisus L. ; Glycyrrhiza L. ; Phaseolites Ung. ; Palœolobium
Ung.; Cœsalpinia Plumier; GleditschiaL.; Cassia L.; BauhiniaL.',
Mimosite s Bow. ; Acacia L.
Dans la même classe, les familles des Capparidées , des Nymphéacées
des Cucurbitacées, des Malpighiacées, des Tiliacées, des Sapindacées, des
Mélastomacées et des Rosacées sont représentées par des restes isolés,
qui ne sont pas toujours déterminables d'une manière certaine. Ce qui
est surtout remarquable, ce sont les fleurs fossiles assez bien conservées,
qui semblent appartenir au genre Getonia Roxburg, de la famille exo-
tique des Combrétacées.
(La fin à la prochaine livraison.)
Xéfiier à eros fruit
— 255 —
JARDIN FRUITIER.
DU NÉFLIER ET DU NÉFLIER CULTIVÉ A GROS FRUIT,
(duhamel) (Mespilus Germanica L.), Par L. de Bavay.
Genre de la famille des Rosacées, dont les caractères sont un calice
monophylle à cinq segments aigus et persistants ; corolles à cinq pétales
arrondis, adhérents au calice; environ vingt étamines à anthères
simples, arrondies et à fdaments pareillement insérés sur le calice; un
ovaire infère ou adhérent au calice ; deux à cinq styles terminés chacun
par un stigmate. Fruit pomiforme-globuleux , un peu ovale, charnu,
ombiliqué à son sommet, contenant cinq loges, dont chacune renferme
une graine osseuse.
Le Néflier est indigène au midi de la France et aux autres contrées
méridionales de l'Europe. C'est un grand arbrisseau ou un petit arbre ,
dont le bois est dur et dont les feuilles sont alternes, simples ou lobées,
munies à leur base de stipules très-caduques ; à fleurs ordinairement
terminales et disposées en corymbes.
Le fruit du Néflier se nomme nèfle; il est généralement peu estimé;
cependant il est des personnes qui en font le plus grand cas , en raison
des propriétés rafraîchissantes qu'il possède à un haut degré et qu'il
doit à sa saveur acidulée et astringente. Cette saveur même est un motif
pour en user avec modération ; car, pris en trop grande quantité, il laisse
dans la bouche une sensation âpre et désagréable.
On cueille les nèfles vers la fin d'octobre et avant leur maturité ,
qu'elles achèvent sur la paille; car elles ne sont bonnes que lorsqu'elles
sont blettes.
Les Néfliers réussissent dans toutes espèces de terrains, pourvu
qu'ils ne soient pas marécageux; cependant ils sont plus productifs
dans les terres un peu légères, chaudes et substantielles. Toute exposi-
tion leur convient.
On multiplie le Néflier de noyaux, qui ne lèvent qu'au second prin-
temps ; aussi emploie-t-on le moyen plus court des marcottes et de la
greffe sur l'aubépine et moins avantageusement sur le coignassier et le
poirier : la greffe en écusson, à œil dormant, est celle qui convient le
mieux.
Le Néflier, plus irrégulier encore dans sa végétation que le coignas-
sier, refuse absolument de se soumettre à une forme quelconque. Pour
l'empêcher de devenir trop tortueux, on lui donne de bonne heure un
tuteur assez solide. Des fleurs terminant les petits rameaux qui gar-
nissent les branches , sont aussi un obstacle à la taille qui détruirait la
— 256 —
récolte. Il n'y a donc lieu à employer la serpette que pour le mettre à
tige, après quoi on l'abandonne à la nature, en prenant soin seulement
de le nettoyer de son bois mort et des fruits avortés et restés au bout
des branches.
C'est un arbrisseau à placer dans les lieux agrestes, où la nature
du sol refuse à nourrir tout autre arbre fruitier plus précieux.
Le genre ne contient qu'une espèce fruitière unique; c'est le Néflier
commun ou des bois; il a produit plusieurs variétés, entre autres le
Néflier à fruit sans noyaux et le Néflier à gros fruit; ce dernier est le
meilleur et le plus recherché.
Le Néflier commun ou des bois est de médiocre grandeur. Le tronc,
peu volumineux, est tortueux, à rameaux irréguliers, souples, pu-
bescents, dans leur jeunesse, d'un brun fauve en vieillissant et ordinai-
rement épineux. Les épines sont fortes, courtes et ordinairement
aiguës. Les feuilles sont alternes, lancéolées elliptiques, entières
on seulement dentées au sommet, vertes en dessus, tomenteuses en des-
sous, à pétiole court, cotonneux, ayant à sa base deux stipules ovales et
caduques. Les yeux sont bruns, pointus et appliqués contre les tiges.
Les fleurs sont blanches, solitaires, terminales, à pédoncule court,
ferme, cotonneux. Le calice est à cinq segments foliacés, velus, surtout
à la base, persistant et couronnant le fruit, qui est petit, plat et pres-
que sphérique.
Le Néflier cultivé a gros fruit (Mespilus macrocarpa DC, Néflier
monstrueux,) aies tiges plus fortes et plus élevées que dans le type;
elles n'ont point d'épines et poussent plus régulièrement. Les feuilles,
plus larges presque du double, sont rarement dentées. Les folioles du
calice sont aiguës et longues de 27 à 30 millimètres et couronnent éga-
lement les fruits. Les yeux sont petits et les boutons à fruits assez gros
et pointillés de gris.
Les fruits sont gros du double au moins du Néflier commun ou des
bois. Ils sont sur l'arbre d'une couleur vert-grisâtre. Ces nèfles, tant
qu'elles n'ont pas acquis la parfaite maturité, ont une saveur acerbe qui
les fait repousser; ce n'est que lorsqu'elles sont blettes qu'elles devien-
nent mangeables. On les cueille vers la fin d'octobre, et on les étale sur
la paille dans un lieu sec. Les grosses nèfles mûrissent plus difficilement
que les petites : pour hâter et régulariser leur maturité, on les roule
dans un drap, ce qui les rend blettes également à la surface et à l'inté-
rieur; autrement , celui-ci est mûr quand le pourtour est encore vert.
Cette variété, qui se cultive comme le Néflier commun, n'est guère
plus difficile sur l'exposition et la nature du terrain et ne demande aucun
soin particulier.
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i . A m nlucomc ciuodi Liiull. 2.Spiraea Eleevesiana var, Flore pleiio,
HORTICULTURE.
AMPHICOME EMODI, Lindl. — ÀMPHICOME DES MONTS EMODI.
Famille des Bignoniacées. — (Planche 64, fig. 1.)
Par M. Edouard Morren.
Nous avons signalé , dans notre Revue des plantes nouvelles, p. 102,
cette élégante Bignoniacée, aussitôt après son apparition en Angleterre.
Nous n'avons rien à ajouter à la description que nous en avons donnée
alors, le dessin ci-joint pouvant suppléer à ce qui lui manque. Il suffira
d'y jeter un coup d'œil pour s'assurer du bel effet ornemental de YAm-
phicome Emodi dont les fleurs à tube orangé et à limbe rose sont envi-
ronnées d'un feuillage recouvert d'une glaucescence bleuâtre. La plante
est vivace dans les monts Hymalaya où elle fut découverte par le
Dr Wallich. La seconde espèce du genre, Y A. arguta Royl. est connue
et cultivée depuis longtemps : on la distingue de sa sœur puînée
aux segments des feuilles sessiles, ovales-lancéolés, bordés de dents
éparses et fortes et aux lobes du calice subulés ; elle eroît dans l'Hyma-
laya entre 6,000 et 8,000 pieds d'altitude.
On cultive ces plantes en serre froide.
SPIRyEA REEVESIANA, Hort., var. FLORE PLENO.
SpirEe de M. Reeves, variété a fleurs pleines.
(PI. 64, fig. 2.)
Par M. Edouard Morren.
C'est une bonne nouvelle que celle de l'introduction récente d'un
arbuste pour la pleine terre. Les serres reçoivent sans cesse de nom-
breuses acquisitions, tandis que le nombre des espèces rustiques s'ac-
croît lentement. Le Spirœa Rcevesiana Poir. à fleurs simples, a été ap-
porté de. Chine en Europe dès 1824, par M. John Reeves, qui vient de
mourir dans sa 82e année , à Clapham en Angleterre. Cet homme hono-
rable, ardent horticulteur, fut pendant de longues années expert des
thés (tea-taster) pour la compagnie des Indes-Orientales en Chine, et
l'horticulture lui doit un grand nombre de belles espèces. Outre le
Spirœa Reevesiana, il a introduit en 1821 le Priniula Sincnsis par les soins
BEI.G. HORT. T. VI. 23
— 258 —
du capitaine R. Rowes; en 1822 il envoya à la Société d'Horticulture,
le Prunus serrulata et le Prunus salicina , et envoya en Angleterre de
nombreuses variétés de Chrysanthèmes de la Chine. Le Spirœa Ree-
vesiana est confondu par quelques horticulteurs avec le Spirœa lan-
ceolata, auquel il ressemble d'ailleurs beaucoup et qui a récemment
produit par voie de semis une variété à fleurs doubles, mais cette
dernière espèce a les inflorescences en corymbes axillaires courte-
ment pédoncules. Le Spirée de M. Reeves à fleurs doubles vient d'être
rapporté de Chine par le célèbre voyageur Fortune. C'est un arbuste
rustique, éminemment ornemental, d'une culture et d'une multiplication
très-faciles. Les feuilles sont lancéolées, dentées, quelquefois trilobées
ou pinnatifides, glabres, glaucescentes à la face inférieure. Les fleurs
forment des racèmes ou fausses ombelles axillaires ou terminaux, lon-
guement pédoncules. Voulez- vous avoir le signe particulier de son si-
gnalement, voyez les poils qui couvrent la face inférieure des sépales du
calice. La variété à fleurs doubles a de plus les étamines transformées
toutes en pétales. L'ensemble de la plante forme un buisson de plus
d'un mètre de hauteur.
NOTE SUR LA GERMINATION DES GRAINES ANCIENNES,
Par M. Max. Leichllin.
Persuadé qu'il est du devoir de toute personne qui expérimente de
faire connaître les résultats heureux et intéressants qu'elle obtient,
je désire communiquer aux lecteurs de la Belgique horticole un nou-
veau procédé pour faire germer des graines âgées et surannées; je serais
heureux si mes paroles pouvaient avoir quelques conséquences avanta-
geuses pour quelques-uns d'entre eux.
On a reconnu depuis assez longtemps déjà l'action favorable que le
chlore exerce sur la germination, et on emploie avec avantage ce gaz en
solution dans l'eau. Quelle est donc lacausede cette influence spéciale?Le
chlore possède, spécialement sous l'influence de la lumière du soleil, la
propriété dedécomposer l'eau, il s'unit avec l'hydrogène, forme de l'acide
chlorhydrique et met l'oxygène de l'eau en liberté. Cette grande quantité
d'oxygène, pour ainsi dire condensé et en contactavec les graines ne peut
manquer d'en accélérer la germination, puisque l'on sait que cet acte est
provoqué par l'union de l'oxygène avec le carbone de l'albumen des
graines, sous l'influence de la lumière, de la chaleur et de l'humidité.
Un excès d'oxygène autour des graines doit donc infailliblement exciter,
favoriser et hâter les progrès de la germination. L'action du chlore est
donc indirecte et s'exerce par l'oxygène qu'il développe.
Cependant on ne peut pas toujours employer avec succès l'eau chlorée.
Toutes les graines de nature farineuse et mucilagineuse ne s'en trouvent
pas bien ; les graines oléagineuses particulièrement éprouvent une in-
fluence fâcheuse de l'action du chlore, parce que l'huile contenue dans
les cotylédons est coagulée et rancie; la germination est alors au moins
ralentie, sinon rendue impossible.
L'emploi du charbon de bois réduit en poussière nous a présenté des
résultats favorables dans ces circonstances. J'avais reçu de la Nouvelle-
Hollande quelques graines d'une Asclépiadée, âgées déjà de deux ans. Je
les avais traitées de diverses manières sans réussir à provoquer la germi-
nation. C'est alors que je mis en usage le charbon de bois pulvérisé et
répandu sur la terre dans laquelle j'avais semé les graines. Après une
dizaine de jours elles étaient levées.
L'horticulteur ne doit pas s'arrêtera ce résultat pratique; il doit
raisonner ses opérations et s'efforcer de reconnaître la cause des phéno-
mènes qui se présentent à lui. Dans ce cas particulier il nous semble
que l'action du poussier de charbon doit être attribuée à la faculté que
possède cette substance d'absorber et de condenser dans ses pores toute
espèce de gaz. Le charbon de bois attire et retient une grande quantité
d'air atmosphérique et par conséquent il présente aux graines plus d'oxy-
gène qu'elles n'en reçoivent dans les circonstances ordinaires. Mais peut-
être que l'un ou l'autre des lecteurs de la Belgique horticole est à même de
faire des expériences nouvelles et plus exactes, de nature à déterminer
définitivement la théorie de l'influence de la poussière de charbon de
bois sur la germination. Je serais heureux de voir mon récit réussir
à donner cette impulsion.
REVUE DES PLANTES NOUVELLES OU INTÉRESSANTES.
Coix stiginatosa, C. Koch et Rouché. — App. Gen. et Sp. nov. et
min. cogn. quœ in H. B. Beroliensis col. A. 1855. — Fam. des Grami-
nées. — Monœcie Triandrie. — Larmille stigmatique (1).
(1) Coix stigmatosa C. Koch et Bouché : Folia elongata, anguste lineari-lanceo-
lata; nitentia ; spicae beterogamae; mascula pedunculo complanato longiore insidens ;
spicula biflora, glumis chartaceis, oblongis, acutis, multinerviis, flores totos amplec-
lentibus; paleae membranaceae, inferior major ; lodiculae duse inœquales, carnosula?,
apice truncaue ; pedicellus ad latus singulae spicula? brevis, spiculam incompletam
— 260 —
Celle nouvelle espèce de Larmille (Larme de Job) introduite au jardin
botanique de Berlin et décrite par MM. Koch et Bouché, est très-voisine
du C. Lacryma L. mais elle l'emporte par un port plus ample et la racine
vivace. On la distingue des C. agrestis Lour. et C. exaltata Willd., qui
ont les chaumes solides et du C. arundinacea Koen. dont les épilets
sont axillaires et subsessiles, aux caractères suivants.
La plante est vivace, rameuse, à plusieurs tiges portant des feuilles
allongées à reflets blanchâtres, ondulées, très-glabres et munies de
ligules très-courtes ; épis latéraux doubles ou ternes, simples, composés
les mâles d'un petit nombre d'épilets, les femelles d'un seul; ces der-
nières ont les stigmates allongés et fortement papilleux.
Tradescantia hypophiiea, C. Koch et Bouché. — Appendix Gen.
etSp. nov. et min. cogn. quee in H. B. Ber. col. a. 1855. — Fam. des
Commélynées. — Hexandrie Monogynie.
Cette espèce a les tiges pendantes, géniculées et qui présentent ce ca-
ractère spécial de porter une série de poils blanchâtres ou souvent bru-
nâtres. Les feuilles sont oblongues aiguës, hirsutes, à gaines velues;
les pédoncules sont dichotomes très-glabres, à rameaux glanduleux.
Les fleurs sont petites, disposées en ombelles de deux à cinq, glandu-
leuses, calice égalant la longueur de la corolle.
Elle a été introduite par M. Warszewicz des régions tropicales de
l'Amérique. Voisine du T. gcniculata Jacq. elle en diffère par des feuilles
plus petites et les ombelles glanduleuses.
Fritillarla Pyrenaica, L. — Linn. Cod. Nov. 2397. — Fam.
des Tulipacées. — Hexandrie Monogynie. — Fritillaire des Pyrénées.
« Infausta species, multorum sphalmatum dubiorumque mater. » Espèce
maudite, mère de beaucoup de malheurs et de méprises! est- il dit déjà
dans l'édition de J. Aug. et J. Herm. Schultes du Systema vegetabilium
(Vol. VII, P. I, pag. 389). Aucun botaniste n'a jamais su quelle plante
Linné avait voulu désigner sous le nom de F. Pyrenaica, et quelques-uns
supposent même que Linné lui-même ne le savait pas exactement. D'après
et parvam gerens ; spica altéra et tertia ferainea involucro ovato, duro, marginibus
connatocum 2-3 spicis aliis abortivis et ex parte emergentibus inclusa, unispiculata;
glumse involucriformes, intus spongiosa?, inter se connatae, florem unicum amplec-
tentes ; paies complanala?, enerviae, carnoso membranaceaa, ovatae, in cuspidem su-
bito attenuatae, inferior paulo major; staminea oeffœta; lodiculse nullae; germen
ovatum.compressum ; stylus ad apiceni pilis papillosis obtusis ; stigmata duo, deu-
sissime papillosa, elongata.
— 261 —
quelques auteurs, cette espèce serait la même que le F. nervosa Willd.,
d'après d'autres ce serait le F. racemosa Sm. M. Koch, directeur adjoint
au jardin botanique de Berlin et secrétaire-général de la Société d'Horti-
culture de Prusse, vient de soumettre cette question à un examen ap-
profondi. Il a été conduit à distinguer le F. Pyrenaica L. du F. racemosa
Sm. de la manière suivante en considérant cependant comme probable
que ces deux plantes ne sont que des variétés d'une même espèce :
F. Pyrenaica, L. Caulis 1-5 florus
folia suprema erecta, flores longitudine
superantia ; sepala tessellata, ochraceo-
brunnea, apice leviter reflexa ; capsula
columnaris subito attenuata.
F. racemosa. Sm. Caulis pluriflorus
folia superiora erecta, flores longitudine
superantia ; sepala tessellata ochraceo-
brunnea, apice erecta; capsula obeonica,
ab apice ad basim attenuata.
Fritillalre des Pyrénées. Tige por-
tant de 1 à 5 fleurs ; feuilles les plus su-
périeures dressées, dépassant la hauteur
des fleurs; sépales échiquetés de brun
et de jaunâtre, à extrémité légèrement
réfléchie, capsule colomnaire, subitement
atténuée.
Fritillalre à grappe. Tige pluriflore,
feuilles supérieures dressées, dépassant
les fleurs en longueur; sépales échiquetés
debrun et dejaunàtre,à extrémité dressée,
capsule obeonique, atténuée du sommet
à la base.
Fritillaria prœcox, Hort. — Fritillaria alba, Hort. Eystett. Ord.
III. t. 8. f. 3. — Fritillaire précoce (1).
Glaucescente; tige pluriflore; feuilles oblongues linéaires, allongées;
fleurs au nombre de 2 à 3, blanches, formées de sépales à 5 nervures
sans coloration en damier; style de la longueur de l'ovaire avec lequel
il arrive à la moitié de la hauteur du périanthe; capsule courte oblongue.
Cette plante avait été considérée jusqu'ici comme une variété du
F. meleagris, mais elle se distingue de cette espèce par les feuilles au
nombre de 6 à 8 (au lieu de 4 ou 5), glaucescentes, et plus larges, par
des fleurs plus grandes, toujours blanches et par un style de la longueur
de l'ovaire et non pas plus long.
(1) F. prwcox, Hort. Caulis 1-1 i/« pedalis, glaucescens, apice recurvus; folia prui-
nosa, glaucescenlia, punctis albis subtilibus adspersa, erecta, omnia alterna, semipe-
dalia, 1/2 poil, medio lata, suprema flores longitudine psene duplo superantia; flores
solitarii aut 2-3 umbellati, penduli ; sepala oblonga, dorso et ad basin extus angulato-
carinata, inter se cequalia, sed interiora paululum latiora, poil, longa, 5 lin. lata,
nervis 5 aut 7 flavescentibus et longitudinalibus percursa ; Glamenta basi appendice
lata instructa, anguste lanceolata, antheris oblongis et flavis sesquilongiora ; germen
columnare, leres, vix trigonum. Stylus trifidus, puberulus, mox decidiuus, antheriN
paululum superans.
— 262 —
Fritillaria lutea, Bieb. fl. taur. Cauc. I, 269, III, 263. — Fri-
tillaire jaune.
La couleur des fleurs de cette espèce est variable, elles sont échi-
quetées de jaunâtre, d'orangé ou de brun pâle; une de ces variétés,
notamment celle à fleurs brunes, est souvent confondue avec le Fr.
latifolia "Willd. ; toutes ont les feuilles glauques. Le F. latifolia var.
major du Botanical Magazin (pi. 1207). le F. latifolia var. lutea du
même ouvrage (pi. 1538) et le F. latifolia de Redouté (LU. pi. 51) ap-
partiennent bien à cette espèce distincte du F. lutea. Le F. lutea Bieb.
se rapproche en outre beaucoup, surtout par la glaucescence, du
F. glaucescens Willd. Mais on peut le distinguer à ses fleurs d'un jaune
sale, à peine, sinon pas du tout, échiqueté, mais striées de brun, et à ses
feuilles beaucoup plus larges. Depuis que le F. lutea Bieb. est cultivé
au jardin botanique de Berlin, il n'a jamais présenté de variations, à
son observateur M. Koch, et il constitue certainement, d'après cet au-
teur une, espèce distincte introduite d'Orient. C'est une fort belle plante,
souvent haute de deux pieds, à feuilles larges au milieu d'un pouce.
Le F. aurea Schott. paraît voisin du F. lutea Bieb., mais il se distingue
par des feuilles un peu plus larges et subverticillées.
Myogalum affine, G. Koch et Bouché. — Syn. : Ornithogalum
affine ïïort. ■ — Fam. des Asphodélées; Hexandrie Monogynie. —
Myogale allié.
Celle plante est glaucescenle à feuilles marquées d'une ligne blanche
médiane, canaliculées, de 10 à 14 nervures; fleurs dirigées dans tous les
sens, à pédicelle horizontal, sépales verts bordés d'une large marge
blanche, très-étalés pendant la floraison, mais connivents dans les fleurs
fanées; filets très-larges, bidentés à la pointe, alternant avec d'autres
d'un tiers plus courts. Cette espèce est voisine du M. nutans Lk. mais
elle fleurit 10 à 15 jours plus tard; de plus, les feuilles de cette dernière
espèce sont seulement marquées de 8-10 nervures, et les fleurs sont
plus grandes et d'un vert plus pâle. Le M. Boucheanum Kth. diffère par
des feuilles plus larges, verles, de 23 â 26 nervures; au contraire le
M. ThirkeanimiC. Koch [Ornithogalum preesandrum Gris), a les feuilles
plus étroites, les pédoncules plus grêles, les fleurs moins nombreuses
et les filaments des étamines plus courts et moins bidentés.
âjpctotis acauli», L. Var, speciosa, DC. — DC. Prodr. VI,
p. 485. — Flore des serres, T. XI, tab. 1104. — Elvm. : «p™?, ours, et
ois, oreille. — Fam. des Composées, tribu des Calendulacées-Arctoti-
— 263 —
tlces; Syngénésie nécessaire. — Arctotis sans tige, variété gracieuse.
UArctotis acaulis de Linné et toates les espèces de la tribu des Arc-
lotidées habitent le Cap de Bonne-Espérance. « Comme les Venidium et
les Gazania, dit M. Planchon dans la Flore des serres, leurs très-proches
alliés, les Arctotis sont presque tous remarquables par la beauté de leurs
Heurs. Us sont aussi très-variables de forme et de coloris et sous ce rap-
port aucune espèce ne joue plus que VA rctotis acaulis. G'est au point
que Jacquin a pu, sans trop d'invraisemblance, figurer comme trois es-
pèces distinctes, sous les noms d' Arctotis tricolor, undulata et speciosa,
les trois formes que Lessing et De Candolle donnent comme de simples
variétés de Y Arctotis acaulis. Ajoutons que la plante figurée par Jacquin
(Ilort. Schœnbr. t. 158) sous le nom d'Arctotis acaulis n'est pas le véri-
table Arctotis acaulis de Linné, et que De Candolle en a fait Y Arctotis
adpressa. »
1/ Arctotis acaulis var. speciosa a les scapes de la longueur des feuilles,
celles-ci sont profondément lyrées; les ligules sont jaunes et rouges de
sang à la base et à la face inférieure. Dans la variété tricolor le scape est
double ou triple des feuilles, celles-ci sont à peu près entières ou à peine
lyrées et les ligules sont jaune de soufre en dessus, rouge foncé en des-
sous. La variété undulata se distingue de cette dernière par des fleurs
orangées plus pales à la face inférieure.
UArctotis acaulis se cultive en orangerie; l'humidité lui est funeste.
En été les pots sont enterrés à une bonne exposition chaude et souvent
entourés de mousse pour que le soleil ne dessèche pas promptement la
terre. On peut encore le traiter comme plante annuelle en le semant et
repiquant sous couche chaude.
Ornithogalumi ruthciiicum , Bouché in Kth. Enumerut. PL IV.
— Etym. : opvtéo; , oiseau, et y»xu., lait. — Famille des Asphodélées ;
Hexandrie monogynie.
Cette espèce, à peine distincte de YO. umbellatum L. s'en fait remar-
quer par ses pédicelles ascendants et par ses capsules à angles obtus,
au lieu d'être aigus. Les feuilles sont concaves, linéaires, larges de 3 à 4
lignes , de la même longueur ou dépassant un peu le scape, parcourues
au milieu par une large strie blanche. La hampe porte 7 à 9 fleurs en
corymbe; pédoncules ascendants; pétales blancs, verdàlres au milieu,
munis d'une très-petite pointe , deux fois plus longs que les iilets des
étamines; ovaire hexagone.
k
— 264
FLORICULTURE DE SALON.
CULTURE DES FOUGÈRES SOUS CLOCHE,
Par M. Edouard Morren.
On est heureux de constater les progrès de la culture des Fougères,
surtout auprès des dames qui savent toujours distinguer l'élégance et la
grâce. Quelques-unes nous ont fait l'honneur de nous demander s'il fal-
lait absolument à ces plantes une serre, si elles ne pouvaient les voir
végéter et prospérer dans le salon sous leurs yeux et sous leurs soins
immédiats, afin de s'environner au moins de quelques-unes de ces
plantes au feuillage mille fois découpé (Adiantum) et rehaussé d'or ou
d'argent (Gymnogramma Chrijsophillum, tartarea, dealbata, etc.). Nous
nous empressons de répondre affirmativement et de faire connaître une
méthode conseillée par M. J. Cox, jardinier anglais, et nous sommes per-
suadé qu'elle sera suivie par plusieurs.
Fis. 65.
Fig. 66.
11 suffit de voiries deux vignettes
qui accompagnent cet article pour
comprendre tout le procédé et s'as-
surer qu'il n'est pas d'une exécution
impraticable. Procurez -vous un
piédestal d'une forme quelconque,
mais en harmonie avec l'ameu-
blement du salon et suffisamment
élevé pour que son plateau arrive
au moins à la hauteur de l'appui
de la fenêtre. On conseille de le faire
circulaire et de lui donner un
diamètre de trois pieds, mais à la rigueur il peut être moins large.
On place sur ce piédestal une cloche de verre ou plutôt une petite
serre de salon qui doit avoir la même forme et reposer solidement. La
charpente peut être de bois ou, si l'on veut plus de légèreté, en baguettes
de cuivre. Dans notre dessin, le haut de la cloche est en voûte mais il est
quelquefois plus facile de le faire rectiligne.On doit surtout avoir soin de
ménager de chaque côté un compartiment qui puisse s'ouvrir et qui se
ferme bien exactement et de disposer quelques crochets solides dans le
haut de la cloche pour y suspendre des petits pots. On forme sur le
fond du meuble un lit de fragments de pots cassés, de cailloux ou de
toute autre matière poreuse, sur lequel on étend une couche mince et
unie de sable. Cela fait on place au centre de ce petit terrain, une pyra-
mide de zinc à quatre faces, haute de 40 à 50 centimètres, à sommet
tronqué et terminé par un plateau à bords relevés et munie sur les
côtés de fortes saillies, de deux pouces carrés environ, solidement sou-
dées, comme il est représenté dans la gravure 66. Cette pièce est destinée
à servir de soutien à un petit rocher ou rockwork que l'on fait de pierres
siliceuses ou calcaires, pesant chacune cinq à six livres et que l'on dispose
tout autour du cône de zinc de manière à le cacher complètement. Les
saillies qui existent sur les faces de la pyramide servent à retenir les
pierres qui doivent être solidement assujéties. On peut pour mieux y
parvenir se servir d'un peu de ciment ou de fds métalliques. Les inters-
tices ménagés avec discernement dans la construction sont alors remplis
d'une bonne terre, douce, onctueuse au toucher, formée de terre franche,
déterre de bruyère et de sable, et on y plante un choix de jeunes Fougères
fortement enracinées.
Les espèces de petite taille sont sans doute celles qui conviennent le
mieux pour ce genre de culture, mais rien n'empêche de mélanger de
quelques variétés plus grandes que l'on peut remplacer si elles prenaient
trop d'accroissement. Entre les Fougères, on plante quelques Sélaginelles
ouLycopodes etl'on y laissecroîtreles mousses, les Marchandas etles Jun-
germanns, afin que la végétation vienne recouvrir toute la surface du
rocher d'une couche de verdure. Une belle plante de Lycopodium um-
brosum placée au sommet y fait un effet admirable et l'on peut suspendre
au dôme de la cloche quelques petits pots de Lycopodes pendants. Le
petit réservoir ménagé au sommet de la pyramide de zinc doit être tou-
jours rempli d'eau et les racines des plantes entretenues dans un état
d'humidité en rapport avec leur végétation. Lorsque tout est arrangé et
planté, il faut arroser légèrement en se servant d'un petit arrosoir à
pomme très-fine ou d'une seringue de jardinier. On continue à donner
de l'eau très-rarement parce que l'humidité est toujours très-grande sous
— 266 —
une cloche fermée; aussi est-il utile de permettre de temps eu temps la
circulation de l'air en ouvrant une des portes latérales.
On peut cultiver dans ces petits appareils un très-grand nombre d'es-
pèces rustiques ou de serre tempérée que l'on peut se procurer partout;
il serait doublement intéressant d'y introduire nos charmantes Fou-
gères indigènes que l'on peut rapporter de ses promenades.
QUELQUES MOTS SUR L'HISTOIRE DE L'ORANGER
Et sur son mode le plus facile de culture comme plante d'appartement ,
Par M. Olivier Du Vivier.
Chanté déjà par les poètes grecs et latins, l'arbre aux pommes d'or
(mala aurea) eut de tout temps une célébrité que ne purent lui ravir ni
les siècles, ni les invasions successives de mille végétaux gracieux , dans
le domaine de l'horticulture. Toujours fêté, choyé, cultivé avec les plus
grands soins, l'Oranger est resté la parure indispensable de tout jardin
plus ou moins complet : son port majestueux, son feuillage d'un beau
vert et toujours persistant, ses fleurs du blanc le plus pur et de l'odeur
la plus suave, ses fruits enfin, en font un des plus beaux ornements
de nos allées, un des plus précieux joyaux de nos serres.
L'oranger doux, Citrus aurantium, L., Aurantium vulgare, Poit. et
Risso, parait être, selon toute probabilité, originaire de l'Afrique. C'est,
en elfe t, près de Bernic, l'ancienne Hesperis, situé dans le pays de
Barca, ou bien à Larache, dans l'empire de Maroc, que les historiens
fixent la situation du jardin consacré à Vénus et conquis par Hercule.
S'il faut en croire une autre version, l'Oranger aurait sa patrie en Judée
et ce serait la ville de Citron qui lui aurait donné naissance.
Suivant Macrizi, auteur arabe, l'orange fut apportée de l'Inde, posté-
rieurement à l'an 300 de l'hégire , et semée d'abord dans l'Oman , d'où
il se répandit très-promptement dans les jardins de la Syrie, d'Antioche
et d'Egypte.
D'après Palésio, ce serait aux Croisés que la France devrait l'intro-
duction de l'Oranger, et ce serait à Hyères, en Provence, que ce bel
arbre aurait tout d'abord pris droit de domicile et d'indigénat. Selon
d'autres auteurs, le premier pied d'oranger cultivé en France, serait le
Grand Bourbon ou Grand Connétable ou encore François 1er, semé en
1421 à Pampelune, transporté en 1500 à Chantilly, puis en 1684 à
Versailles où il est encore le plus beau et le plus majestueux de l'espèce.
Quoi qu'il en soit de ces diverses opinions, toujours est-il que partout
— 267 —
où l'Oranger se montra, partout il enleva les sympathies des amants de
Flore. Louis XIV, qui savait si bien distinguer et reconnaître le beau, était
grand admirateur de cet arbre; il en avait toujours des pieds fleuris dans
les galeries de ses palais, où ils étaient placés dans des caisses argentées
et artistement ciselées. Aujourd'hui, nous l'avons déjà dit, tous les jar-
dins en possèdent, et le midi de l'Europe et de l'Amérique ont leurs
forêts d'Orangers comme nous avons nos forêts de hêtres et de chênes.
Mais ce n'est pas seulement aux possesseurs de vastes jardins et de
serres y annexées que l'Oranger vient offrir toutes les délices de sa cul-
ture. Car, si d'un côté ce végétal est en grand honneur chez les horti-
culteurs et les grands propriétaires, de l'autre nous ne croyons pas
émettre une fausse opinion en pensant et disant qu'il est trop abandonné
par la classe aisée de la population, qu'il n'est pas assez souvent choisi
pour orner nos demeures. Voyez plutôt et jugez : les salons de nos jours
regorgent de plantes très-variées, de fougères, de crassulacées , de
liliacées, de calcéolaires , d'orchidées et de cent autres espèces; mais
des Orangers, peu, trop peu de personnes en cultivent, et encore les
cultivent-elles souvent mal.
Et pourquoi donc cet abandon? En vérité, il serait bien difficile de le
dire, à moins que d'en rejeter la cause sur la mode, cette maîtresse capri-
cieuse et sans raison aucune, qui étend sa domination tyrannique jus-
que clans l'empire de Flore. Nous ne voulons faire le procès à aucune
fleur, car toutes ont droit à notre admiration et chacune d'elles a ses
qualités, mais certes il n'en est guère qui réunissent autant de charmes
que l'Oranger, il n'en est pas qui dédommagent aussi largement l'ama-
leur des peines et des soins éclairés qu'il s'est donnés pour la conserva-
tion de celte aimable plante. Et enfin, n'est-ce pas un acte de galanterie
bien délicate que celui d'entourer une épouse chérie, une sœur aimée ,
de ces fleurs qui, abstraction faite de leurs qualités matérielles, offrent
encore, par leur signification emblématique, l'image du plus bel attribut
de ia femme?
Nous ne décrirons pas ici les caractères botaniques bien connus de
l'Oranger doux, ni les nombreuses variétés de l'espèce; nous passerons
également sous silence les usages nombreux de ses feuilles, de ses
fleurs, de ses fruits et de son bois, et nous nous contenterons de pré-
senter quelques considérations sur la culture la plus facile de l'Oranger
destiné à faire l'ornement des salons.
Si l'on veut avoir la jouissance de voir naître , de voir croître et
d'élever soi-même des Orangers, il faut d'abord choisir ou composer
une terre convenable, et la meilleure est la terre normale ou franche,
— 268 —
mêlée d'un quart de terreau de feuilles et de fumier, ou de bonne terre
de bruyère. Cela fait et les pots renfermant cette terre ayant été préa-
lablement arrosés, on plante, au mois d'avril, les graines ou pépins, à
la distance de 2 pouces l'un de l'autre et à une profondeur d'un bon
pouce, au moins. On expose ensuite les pots au soleil environ une heure
ou deux par jour jusqu'à ce que les plantes soient levées, et alors il faut
les y laisser continuellement pour ne les retirer que le soir, ou même
pendant la journée, si la température était trop basse. Inutile de dire
qu'il faudrait arroser les graines avant leur germination si le sol qui les
renferme, se desséchait. Lorsqu'un pot se trouve trop garni, l'on ar-
rache les plants les plus faibles, afin de donner aux autres une plus
grande facilité d'évolution, et à mesure qu'ils croissent, on garnit leur
pied de nouvelle terre semblable à celle qu'on a employée.
Au bout de deux ans , on peut relever en mottes les jeunes plants et
les mettre chacun dans un pot. On coupera alors les brins qui en gar-
nissent les pieds, et on arrachera les feuilles et les épines qui pourraient
les rendre noueux et tortus.
11 faut arroser les jeunes Orangers régulièrement et donner de temps
à autre de petits labours à la terre; mais ce qui leur convient mieux
encore que les arrosements ordinaires, c'est de plonger les pots jusqu'à
mi-hauteur dans un vase rempli d'eau et de les y laisser jusqu'à ce que
leur superficie paraisse humide.
Au bout de six ans, les Orangers sont généralement en état d'être
greffés, en approche ou en écusson à œil dormant; la première de ces
greffes se fait en mai, la seconde en juillet, août ou septembre. Il ne
nous incombe pas de rappeler ici ces deux procédés opératoires, et les
gens du monde devront nécessairement s'adresser à un jardinier exercé
pour les faire exécuter.
Ces soins, on le voit, ne sont pas bien difficiles à prodiguer; il ne faut,
du reste, que les continuer aux Orangers greffes : labourer et rafraî-
chir la terre de temps en temps; ôter tous les petits jets et les feuilles
qui pousseraient au pied.
L'Oranger ne demande pas à être arrosé souvent. Il ne lui faut
qu'une très-légère humidité pendant l'hiver, mais il lui en faut, car
trop de sécheresse le ferait dépouiller. Lorsqu'il est exposé à l'air libre,
on lui donne un bon arrosement d'abord, s'il fait fort chaud, puis on
continue par des arrosements plus légers. Il a, du reste, besoin d'eau
chaque fois que ses feuilles se fanent et se plient. La meilleure eau pour
l'arroser est celle dans laquelle on aura fait macérer de la lie de vin, des
crolins de mouton, de la fiente de pigeon ou des fonds de tonnes d'huile
— 269 —
d'olive. L'eau de mare et celle qui s'écoule des tas de fumier sont en-
core excellentes; mais ces substances, qu'on est loin de rechercher pour
nos appartements et desquelles on peut parfaitement se passer, seront
très-bien remplacées par de l'eau de citerne ordinaire dont la tempé-
rature sera celle de l'air ambiant.
Telles sont les quelques règles à suivre dans la culture de l'Oranger;
en les mettant en pratique, on sera certain de réussir et l'on pourra
ainsi, en toute saison , orner, embellir et parfumer les salons au moyen
d'une des plus charmantes créatures que possède le règne végétal.
CULTURE DU PASS1FLORA EDULIS,
Par M. Ch. Shepherd.
Le Passiflora edalis mérite d'être cultivé plus fréquemment qu'il ne
l'est aujourd'hui, soit à cause de ses fleurs qui sont très-belles, mélan-
gées de vert, de rouge ponceau, de pourpre, de bleu et de blanc, seu-
lement de courte durée, soit à cause de ses fruits bons à manger qu'on
peut obtenir chaque année en abondance, pourvu qu'on ait le soin de
féconder les fleurs artificiellement. Une serre à ananas est celle qui lui
convient le mieux; la plante cultivée en pots qu'on enfonce dans la
tannée et attachée près du verre à un treillis en fil de fer, végète par-
faitement.
Cette Passiflore a besoin d'être à l'étroit dans son pot pour devenir
aussi fertile que possible; seulement il faut l'arroser abondamment
pendant le temps de son développement, qui doit commencer au mois de
mars, pour que le fruit atteigne sa maturité en temps convenable. Elle
prospère dans une terre franche, légère et riche. On la multiplie facile-
ment soit par graines, soit par boutures. Le bouturage est préférable
au semis comme donnant des pieds qui se mettent plus promptement
en rapport. Des pieds de deux ans produisent déjà en profusion.
Le fruit de cette plante est à peu près de la grosseur d'un œuf de
poule à sa maturité, sa couleur est d'un pourpre brunâtre foncé. Il est
couvert d'une écorce épaisse, dure, qu'il faut enlever. La pulpe inté-
rieure qui couvre cette écorce ressemble à celle d'une groseille à ma-
quereau, si ce n'est qu'elle est jaune et qu'elle entoure des graines beau-
coup plus grosses que celles de la groseille. Sa saveur semble en réunir
trois différentes et elle plaît généralement beaucoup à ceux qui la con-
naissent. La plante est très-belle lorsqu'elle porte ses fruits en abon-
dance. Elle végète avec vigueur , et elle fructifie très-bien, même
lorsqu'on la palisse autour d'un treillis cylindrique.
270
INSTRUMENTS D'HORTICULTURE.
CUEILLE-FRUITS DE M. DITTMARE DE WURTEMBERG
ET DE M. ARNIIEITER DE PARIS.
Ces deux instruments se trouvaient exposés sous le Pavillon de
l'Industrie, à l'Exposition universelle d'Horticulture de Paris, et ont été
l'objet de la description suivante de V. Borie :
Fig. 67. Cueille-Fruits de M. Dittmarc. Fig. 08. Cueille -Fruils de M. Ariiheilcr.
« Le premier a été construit dans les ateliers de MM. Dittmare frères,
de Wurtemberg (fig. 67) ; il est très-simple. Les deux lames du sécateur
— 271 —
sont en forme de serpe. Un ressort, appuyé sur une cheville qui est
attachée à la lame immobile, maintient les ciseaux ouverts. Un peu
au-dessous du sécateur est rivé un petit cercle en fil de fer très-fort,
autour duquel est attaché un fourreau en filet. Cet instrument a deux
inconvénients : il faut prendre beaucoup de précautions afin de placer le
filet exactement sous le fruit que l'on veut détacher; on peut être gêné
par des branches ou par tout autre obstacle, le tronc d'un arbre, un
mur. Le cerceau du fourreau faisant une saillie considérable, il serait
quelquefois difficile d'approcher le sécateur du pédoncule des fruits ;
ensuite chaque fois que l'on veut faire passer les fruits du filet dans le
panier, il faut dégager l'outil du fourré de l'arbre, et ramener la poche
aux fruits à portée de la main.
»Le cueille-fruits de M. Arnheiter de Paris (fig. 68), obvie à ces deux
inconvénients au moyen d'une invention ingénieuse. Le manche de
l'instrument passe au milieu du fourreau destiné à recevoir les fruits.
La saillie extérieure du cerceau est conséquemment moins grande. On
peut cueillir sans se préocuper de placer la poche exactement au-dessous
du fruit qui, en se détachant du couteau, ne peut tomber ailleurs. Enfin,
au moyen d'un cordeau, on peut élever et abaisser la poche sans
changer l'instrument de place. Notre dessin représente le panier du
cueille-fruits remontant vers le couteau, pour reprendre sa place au
niveau de la partie où s'emmanche le bâton. t>
FRAGMENTS DU RAPPORT
PRONONCÉ AU NOM DU JURY
Chargé de juger les concours de l'exposition florale de Versailles en 1855,
Par M. Bernard de Rennes (1).
Lorsque vint le moment de réaliser la grande pensée à laquelle nous
devons le Palais de Cristal et ses merveilles, on reconnut que le titre
d'universelle donné à cette exposition manquait d'exactitude sous un
rapport essentiel.
(1) Cet article n'est pas un rapport d'un intérêt purement local ; il est écrit dans un
style vif et animé, inspiré par l'amour des fleurs et guidé par leur observation judi-
cieuse. M. Bernard de Rennes trace en quelques lignes un portrait pittoresque et exact
des fleurs qui se présentent à lui; c'est là un talent aussi rare que diflicile à acquérir.
( Note de la Direction.)
— 272 —
On avait été forcé d'en bannir les plantes et les fleurs. Aucune place
n'avait pu être convenablement disposée pour cette branche de la
richesse nationale, pour cette horticulture qui a fait depuis vingt ans
de si heureux progrès, et qui est devenue en France une importante
industrie et un art charmant! C'est que les plantes et les fleurs sont des
êtres vivants, qu'on ne peut montrer que vivants, et qui exigent de
l'air, de l'espace, des abris, de la chaleur, des soins incessants, con-
ditions indispensables à leur existence, conditions impossibles à réunir
dans le Palais de l'Industrie.
Ainsi cette grande solennité allait être privée de son plus riche
ornement; cette fête nationale, donnée par la France au monde entier,
était exposée à se passer de fleurs, de fleurs, ces créations divines qui
reposent si doucement les yeux , bien vite fatigués de l'œuvre hu-
maine!... Le monde horticole s'est ému! Paris et Versailles se sont
mis à l'œuvre, et deux Expositions florales sont venues compléter et
embellir celle de l'Industrie.
Nos jardiniers versaillais y ont largement contribué, et bien loin de
reculer devant la concurrence parisienne , stimulés, au contraire, par
cette rivalité, on les a vus redoubler d'efforts, se multiplier, pour
soutenir leur réputation et pour figurer en même temps au jardin des
Champs-Elysées et au parc de Versailles.
Ce sont ces efforts et leur succès que nous venons récompenser
aujourd'hui.
Les récompenses que nous allons distribuer sont un témoignage de
l'intérêt sérieux du gouvernement pour toutes les branches du travail,
et de l'utilité d'une association qui, en si peu d'années, a fait faire tant
de progrès à l'Horticulture. Ces progrès se mesurent à l'accroissement
des résultats commerciaux , au développement des établissements
horticoles, à l'immense différence qui existe entre nos premiers essais
d'exposition, dans les salles de l'Hôtel-de-Ville, et l'élégant jardin où
nous sommes réunis.
Ici se place naturellement l'éloge d'un homme que son absence me
permet de louer, de M. le président Pescatore, dont le nom est dé-
sormais européen chez tous les horticulteurs. Nul, en France, n'a fait
autant que lui pour l'art chanté par l'abbé Delille, l'art d'embellir les
jardins. Jamais fortune plus honorablement acquise n'a contribué plus
libéralement à propager, à répandre le goût des belles plantes, à
populariser l'amour des fleurs, à encourager les producteurs !
L'exposition de Versailles a été en grande partie l'ouvrage de
M. Pescatore ; et, si par un sentiment de délicatesse que tout le monde
— 273 —
a compris el approuvé, il ne s'était pas volontairement interdit le
concours, le premier prix lui appartenait de droit. Nous aurions eu alors
à vous parler de cette étonnante et merveilleuse famille des orchidées,
dont, avant lui, on ne connaissait en France que de rares et incomplètes
collections; fleurs aux formes bizarres, mais d'une beauté saisissante,
et qui vous ravissent par la vivacité et les contrastes harmonieux de leur
brillant coloris, par les parfums suaves ou pénétrants qu'exhalent des
corolles de nacre, de saphir, de moire chatoyante, ou d'un blanc à rendre
la neige jalouse! plantes admirables, au milieu desquelles les regards
charmés et fascinés se perdent dans des mirages sans fin. Mais je l'ai dit :
devant le désintéressement de leur possesseur, le jury s'est abstenu, il a
respecté une volonté généreuse qui ne réclamait que la satisfaction
d'avoir contribué si puissamment à l'éclat de l'exposition.
Toutes les récompenses ont été partagées entre les autres concurrents,
et c'est ce partage dont nous venons vous rendre compte.
Nous allons donc vous parler d'Horticulture, et d'avance je vous
demande pardon pour quelques détails techniques, inévitables dans un
pareil travail. Rassurez-vous cependant, je ne suis pas savant du tout, et
je serais désolé de le paraître. J'aime les fleurs tout simplement, comme
Dieu nous les a faites , et si je les étudie avec amour, si je recherche
curieusement les lois de leur organisme, c'est pour avoir un motif de
les admirer davantage et de rendre grâce à Celui qui nous les a données.
Je n'oserais pas d'ailleurs faire de la science en présence de ces noms :
La Quintinie, Le Nôtre, Bernard de Jussieu, Thouin, qui brillent ici, grâce
à l'heureuse idée de notre collègue, M. Heuzé, à qui il appartenait plus
qu'à personne, lui, professeur dans l'une de nos premières écoles d'A-
griculture, d'évoquer à nos yeux ces grands noms de nos maîtres à tous.
Nous allons parcourir, si vous le voulez bien, cette route que j'appel-
lerai sans figure le chemin des fleurs, et malgré mon secret penchant à
prolonger une promenade pendant laquelle l'heure s'écoule si rapide-
ment, je tâcherai d'abréger les stations.
Parmi ceux de nos horticulteurs qui ont le plus attiré l'attention du
jury, il en est un qui a concouru quatre fois et mérité quatre prix, et
dont le nom, rencontré une cinquième fois dans les concours imprévus,
a obtenu une cinquième couronne.
On le trouve d'abord au chapitre des importations. Le premier il in-
troduit à Versailles et le lis géant, à la tige élancée de trois à quatre
mètres, terminée par un racème de larges fleurs blanches veinées de
pourpre et délicieusement odorantes ; et à côté de ce lis indien, une autre
PELG. HORT. T. VI. 24
— 274 —
plante rapportée de l'Himmalaya, le rhododendron sikkim auklandii, aux
splendides panicules de fleurs, conquête d'autant plus précieuse que
l'arbuste appartiendrait à la pleine terre.
Le même exposant se fait remarquer au concours des plus belles cul-
tares, d'abord par son rhododendron catesbei alba, la plus belle et, en
même temps, la plus florifère des variétés hybrides du maximum et du
ponticum, ensuite par un massif de trente variétés d'autres rhododen-
drons provenant de ses semis, et enfin par une corbeille d'azalées de
l'Inde, petits arbustes symétriquement arrondis, couverts littéralement
de fleurs, véritable mosaïque offrant tous les tons de la gamme des cou-
leurs, la parcourant par une gradation artistement calculée, et passant
du rouge pourpre à toutes les nuances du rouge, à toutes les nuances
du rose jusqu'au blanc rosé et au blanc d'albâtre. Et finalement, par un
contraste de forme dont l'œil est enchanté, le même horticulteur nous a
offert sa collection de cyclamens, la fleur aux clochettes gracieusement
relevées, la fleur chérie des belles Siciliennes, et qui joint au mérite d'un
suave parfum le don d'une longue floraison.
Le jury a voulu réunir les cinq palmes obtenues par cet exposant, il
en a tressé une couronne, et il a décerné le prix d'honneur, la médaille
d'or de l'Impératrice à M. Truffaut fils, de Versailles, à M. Truffaut,
qui, en apprenant son triomphe, en a de suite modestement reporté
l'honneur à ses dignes maîtres, messieurs Bertin et Briot.
A côté de ce prix d'honneur et sur le même plan, vient se placer le
prix de l'Empereur, donné par M. le ministre d'Etat. Le vainqueur dont
je vais proclamer le nom, a également concouru cinq fois et cinq fois
triomphé. On conçoit dès-lors que le choix devenait difficile entre ce
concurrent et son rival. Mais vous allez voir avec quel judicieux discer-
nement, avec quel tact délicat a prononcé le jury! Le prix de l'Impéra-
trice appartenait de droit aux plus belles fleurs, celui de l'Empereur a
été attribué à des produits plus sérieux, aune culture très-belle aussi,
mais plus sévère, et qui vient accroître magnifiquement notre richesse fo-
restière; je veux parler de ces admirables conifères des régions tempérées
du Mexique, de la Nouvelle-Hollande, de la Nouvelle-Zélande et de quel-
ques parties de la Chine et des montagnes de l'Inde, arbres de pleine
terre, aux proportions immenses, et qui donneront dans l'avenir à nos
forêts montagneuses un caractère de grandeur et de majesté inconnu à
notre vieille Europe.
C'est dans cette tribu que se font admirer les abies douglassii, à la
tige élancée, haute de 180 pieds, au feuillage finement découpé, vert
sombre en dessus, argenté en dessous; les araucaria si variés, pyra-
mides de 150 pieds de hauteur, aux rameaux gracieusement pendants,
— 275 —
au feuillage curieusement imbriqué; les élégants cîipressus, aux branches
dressées ou retombantes à la manière des saules pleureurs; les odorants
jimiperus, au bois dur et incorruptible, et tant d'autres que j'omets à
regret, et enfin le colosse californien, la merveille de la végétation, le
Wellingtonia giganlea, qui atteint 300 pieds d'élévation, 80 pieds de
circonférence et qui compte alors trois mille ans d'âge! La pensée s'ar-
rête comme perdue devant ce prodige de la création.
Les conifères n'appartiennent pas tous à la pleine lerre. Plusieurs et
en grand nombre, comme les araucaria du Brésil, exigent la serre tem-
pérée, et deviennent ainsi l'ornement obligéde nos jardins d'hiver, cette
charmante création de notre époque, grâce à laquelle l'abri de quel-
ques châssis de verre nous sépare des frimas glacés de décembre et de
janvier, et nous offre dans une tiède atmosphère la verdure brillante
des conifères mêlée à l'éclat du camélia et de cent autres plantes dont
l'art de nos jardiniers sait hâter la floraison.
Avant de vous faire connaître l'homme qui a doté le commerce de
Versailles de cette nouvelle arboriculture, je dois signaler ses louables
efforts pour introduire chez nous Yigname de la Chine, cette base de la
nourriture de l'immense population du céleste Empire, et pour rem-
placer ainsi la pomme de terre, dont une maladie, rebelle jusqu'ici à tous
les moyens employés pour la combattre, a momentanément diminué la
production.
Et maintenant je nomme et j'appelle à recevoir le prix de l'Empereur,
M. Rémont, pépiniériste, à Versailles.
Après ces deux prix, qu'un sentiment de haute convenance nous fai-
sait la loi d'appeler les premiers, vient se placer une récompense non
moins digne de l'ambition de nos horticulteurs, la grande médaille d'or
de nos Dames Patronesses. Elle appartenait naturellement aux fleurs.
Le moyen le plus efficace d'améliorer les races et d'obtenir des
plantes nouvelles, est le semis. Pour atteindre le but, il faut marier
les plantes et faire naître de ces unions des couleurs et des formes
participant des deux types générateurs; c'est ce qu'on appelle l'hybrida-
tion, opération difficile, qui demande beaucoup de tact, beaucoup d'in-
telligence et une extrême légèreté de main, soit qu'on procède par le
rapprochement des deux plantes, soit qu'on transporte, à l'aide d'un
pinceau, le pollen d'une fleur sur le stigmate d'une autre fleur. Eh bien!
un homme plus avisé, ou mieux inspiré, a eu l'heureuse idée de recourir
à un agent bien autrement léger, bien autrement habile que le plus ha-
bile opérateur : il a introduit dans la serre, au moment propice, un es-
saim d'abeilles, et vous devinez de suite le résultat : obéissant à son
instinct butineur, la mouche laborieuse va voletant de fleur en Heur,
— 276 —
chargeant ses antennes, ses pattes, ses ailes, de la poussière fécondante,
et tour à tour l'enlevant et la déposant sur chaque plante. Le moyen
était trouvé, l'œuvre était accomplie, et de là cette admirable collection
de pelargonium nouveaux, nouveaux de formes et de couleurs, où se
rencontrent six larges pétales, richement maculés, et offrant aux yeux
éblouis les coloris les plus frais, les plus brillants, les plus variés.
C'est cette collection qui a mérité la première médaille d'or de nos
Dames Patronesses; c'est son habile créateur que j'appelle à la recevoir :
M. Duval, jardinier à Bellevue.
Se plaçant à ses côtés et le serrant de près, un autre horticulteur a
mérité une double distinction pour la même culture. M. Pierre Dufoy,
de Paris, a obtenu une médaille d'argent pour ses pélargonies à grandes
fleurs, une seconde pour ses pélargonies fantaisies, une troisième pour
de délicieuses verveines, plante si chère à la floriculture !
La seconde médaille d'or de ces dames a été décernée par le jury à deux
collections de plantes d'une incontestable supériorité, aux pensées et aux
cinéraires exposées sous les numéros 158 et 159. C'est après dix ans
d'efforts persévérants, d'essais répétés, de semis renouvelés, de soins de
tout genre, qu'a été obtenue cette collection de fleurs de pensées si re-
marquable. C'est une véritable transformation; jamais cette plante
n'avait montré des masques plus bizarres et plus curieux, un assem-
blage de dessins et de macules fantasques d'un effet plus saisissant. Et
puis, des pétales d'une ampleur et d'un développement inouis, des cou-
leurs à défier tous les prismes de l'arc-en-ciel, et une étoffe à désespérer
nos plus habiles ouvriers de Lyon. Un velours épaix, soyeux, brillant,
irisé, chatoyant, et appelant irrésistiblement la caresse et le toucher.
Le même horticulteur a exposé des cinéraires et nous a montré qu'il
était maître en plus d'un genre. Quelle jolie fleur que la cinéraire, avec
son air enfantin et sa fraîcheur printanière! quels regards ne sont
frappés de cette douceur de forme, de ces pétales étalés en rayons, se
soudant avec grâce à un petit disque brun, couronné d'une aigrette
d'or, sur lesquels la palette divine a répandu les couleurs les plus
suaves, quand elles sont multiples et qu'elles se fondent dans une dégra-
dation insensible, ou les plus vives et les plus éblouissantes, quand la
fleur n'offre que deux couleurs ou un coloris unique!
L'habile cultivateur de ces belles plantes , et qui a mérité la seconde
médaille d'or des Dames Patronesses, est M. Charpentier, jardinier à
Bellevue.
Une plante qui ne ressemble à aucune, qui à elle seule constitue un
genre, et un genre offrant plus qu'aucun autre la variété de coloris
dans la fixité de la forme, a mérité et obtenu la quatrième médaille d'or
— 277 —
des Dames Patronesses. Ce sont les calcéolaires herbacées qui oui si
vivement excité la curiosité de nos visiteurs. Cette Heur affecte la forme
singulière d'une chaussure évasée et élargie, et de là son nom. C'est, si
l'on veut, une babouche turque, ou si l'on veut encore, une aumônière
entr'ouverte. Mais que de gentillesse dans cette forme originale! et
comme ce tissu, qu'on croirait emprunté, par sa finesse et son reflet, à
la pure laine de cachemire, est merveilleusement tigré, couvert de mou-
chetures qui en font autant de fourrures qu'on croirait enlevées à de
petits léopards de mille couleurs diverses.
Le jardinier, inventeur après Dieu de cette fleur singulière, celui qui
a remporté le prix, est M. Lotin, de Port-Marly.
Versailles, si riche en grands souvenirs, et si fière à juste titre de son
palais historique et des magnifiques ombrages de son parc royal,
dont j'aime si fort la solitude et la douce tristesse, ne possède qu'une
seule industrie, l'Horticulture, mais qui a pris depuis quelques années
les plus heureux développements dans toutes ses branches, dans ses
primeurs, dans ses légumes, dans ses fruits forcés, aussi bien que dans
ses fleurs et ses arbustes d'ornement. A qui donc vont être décernées
les deux médailles d'or de l'édilité versaillaise? vous l'avez pressenti : à
deux simples jardiniers; à l'un pour ses légumes si beaux, pour ses
primeurs, pour ses fruits si merveilleusement forcés qu'on les croirait
venus dans leur saison naturelle et sous leur propre climat, depuis le
bananier des Indes et les ananas de la Jamaïque, jusqu'à nos fraises,
jusqu'à nos raisins, jusqu'à nos groseilles et à nos cerises qu'il vous a
montrées pendantes à un arbre vivant; à l'autre, pour la taille habile de
ses fruitiers et la conduite de ses espaliers, pour les formes variées qu'il
sait donner à chaque arbre, formes appropriées avec discernement à la
nature et à l'espèce de chaque fruit. Sous sa serpette intelligente, la
branche conserve tout ce qu'elle peut nourrir de boutons à fruit, tandis
que la croissance du bois est également ménagée dans une juste pro-
portion. On peut lui appliquer, avec une légère variante, le vers si
connu de Boileau, et dire que pour lui :
« La sève esl une esclave et ne sait qu'obéir. »
Je me hâte de proclamer les noms de ces deux ouvriers éminents et
j'appelle, pour le premier prix de la ville de Versailles, M. Pcelle,
jardinier à Glatigny; pour le second prix, M. Deseine, pépiniériste à
Bougival.
II eût été regrettable que l'important concours des légumes et des fruits
se lut trouvé réduit à ces deux rivaux ; mais beaucoup d'autres pré-
— 278 —
tondants se sont présentés dans la lice, et le jury a été heureux d'avoir
encore des récompenses à donner. Il a décerné deux médailles d'argent
à M. Fraget pour ses légumes et ses ananas, une autre médaille à
M.Boyer pour ses fruits conservés, et une troisième médaille d'argent à
M. Defresne pour ses arbres fruitiers, si habilement formés et conduits !
Il est une fleur dont le nom n'a pas encore été prononcé et qui
semblerait être l'objet d'un coupable oubli, comme s'il était possible de
jamais oublier le type même de la beauté. Je l'ai conservée à dessein
pour la dernière, ne pouvant, par l'ordre des concours, l'appeler la
première, ainsi que c'était son droit de reine. On la nomme, et son nom
suffit et son éloge est complet! C'est la rose, et M. Fontaine fds, dont le
nom est populaire parmi les rosiéristes de l'Europe, est l'un de ses jar-
diniers favoris. J'appelle M. Fontaine à recevoir une médaille grand
module.
Aucun concours n'a été ouvert cette fois aux industries accessoires de
l'Horticulture. Leur place était marquée au Palais de Cristal. Ce n'est
donc pas à titre d'exposant que M. Henri Le Clerc, mécanicien, nous a
apporté le jet-d'eau qui a décoré notre exposition d'une manière si
gracieuse et si utile à la fraîcheur de l'atmosphère; ce n'est pas non
plus comme récompense, mais comme témoignage de satisfaction pour
son empressement à nous être agréable et pour son désintéressement ,
que la Société lui a décerné une médaille d'or petit module.
A son nom doit être associé dans nos remerciments le nom de notre
obligeant collègue, M. Séguy, directeur des eaux de Versailles, pour le
concours qu'il a bien voulu prêter à l'établissement de cette vasque.
Et maintenant que j'ai fait ainsi la part de tous, me sera-t-il permis de
songer à la mienne et de réclamer aussi une récompense? Je vous la
demande, et elle me sera douce, elle sera complète et telle que je l'ambi-
tionne, si, en sortant d'ici, chacun emporte sous l'impression de mes
paroles, un motif, s'il aime déjà les fleurs, de les aimer davantage, s'il
ne les connaît pas encore, de se procurer vite ce bonheur, et s'il est
convaincu qu'aucune jouissance n'est plus pure , plus douce , plus
entière; qu'aucune ne donne plus de repos à l'esprit, plus de calme au
cœur, plus d'élévation à la pensée, qu'aucune enfin ne fait mieux com-
prendre et bénir la grandeur et la bonté de Dieu !
— 279 —
NOTIONS GÉNÉRALES
DE PALÉONTOLOGIE VÉGÉTALE.
Traduit de l'Allemand du DrM. Seubert, de Carlsrufie (1),
Par A. -P. de Borre, candidat en Sciences naturelles.
(Suite et fin.) (2),
CHAPITRE II.
DU CARACTÈRE DE LA VÉGÉTATION PENDANT LES DIFFÉRENTES PÉRIODES
TERRESTRES.
11 résulte déjà manifestement de rénumération qui précède des formes
les plus importantes des végétaux fossiles et des lieux où on les trouve,
qu'ils sont distribués avec une certaine régularité dans les diverses for-
mations , qui représentent les grandes époques ou périodes du dévelop-
pement de notre planète. Certains genres ou certains groupes sont plus
particuliers aux formations les plus anciennes, certains autres aux plus
modernes, et constamment nous voyons les grandes divisions de la for-
mation terrestre différer les unes des autres par les caractères particu-
liers de leurs débris organiques; on peut en conclure que le règne
végétal , comme le règne animal , a dû présenter un aspect essentielle-
ment différent pendant les haltes successives du développement de la
terre. Chaque période terrestre doit donc posséder aussi son caractère
propre de végétation ; seulement il est souvent très-difficile d'esquisser
un tableau clair de la végétation primitive d'après ses débris relativement
chétifs, tant à cause du développement très-restreint du règne végétal
sur une terre couverte alors presque en totalité par les eaux, que par
suite de la conservation imparfaite des végétaux. Nous devons par con-
séquent nous borner à la caractérisation botanique des principaux
groupes de formation, en passant sous silence les divisions particulières,
qui résultent de la Paléontologie du règne animal.
Si nous étudions ces diverses périodes principales de formation, au
point de vue du caractère prépondérant de leur végétation , en tant que
celui-ci s'est conservé à l'état fossile, nous y trouvons une apparition
successive des différentes formes de plantes, qui indique évidemment un
développement graduel du règne végétal depuis sa première origine jus-
qu'à la période terrestre actuelle. Les formes inférieures des Cryptogames
(i) Lehrbucb der gesaminlen Pflanzenkuncle. IVe Abschnitl. Slullgarl, isri.~.
(2) Voy. p. 212 , et p. 244.
— 280 —
commencent la série, les cryptogames vasculaires leur succèdent immé-
diatement, puis viennent les Phanérogames gymnospermes, et enfin les
Phanérogames angiospermes, jusqu'à ce que, dans les formations tertiaires
les plus modernes, la végétation présente une composition générale ana-
logue à celle que présente le monde végétal de nos jours. Il faut cependant
ensuite faire entrer en ligne de compte les influences des agents extérieurs
sur la vie des plantes, pour autant que nous puissions les établir pour ces
époques éloignées, en les déduisant de circonstances diverses. Dans les
premiers temps de l'existence de notre planète, en tant que nous pouvons
les connaître, une portion extrêmement grande de la surface terrestre
était couverte par la mer. C'est pourquoi la végétation commence néces-
sairement par des Algues, les seules plantes marines proprement dites.
Plus tard, un plus grand nombre de terres surgirent du sein des eaux;
mais on doit toujours les considérer comme des îles dispersées sur la
vaste surface des mers; et, dans la suite, les localités marécageuses
durent encore longtemps prédominer, même dans l'intérieur des conti-
nents. Il paraît donc naturel que les Equisétacées et les Fougères, et en
général toutes les plantes qui se plaisent encore maintenant dans un sol
marécageux, ou du moins dans une atmosphère imprégnée d'humidité,
se trouvassent en majorité dans les formations anciennes et moyennes,
tandis que les formations récentes présentent les formes variées des
plantes terrestres proprement dites.
Nous adoptons d'après Brongniart les périodes principales suivantes
de la végétation dans les époques géologiques successives; leur ensemble
constitue le tableau du développement graduel du règne végétal sur la
terre.
I. — RÈGNE DES CRYPTOGAMES VASCULAIRES.
1° PÉRIODE PRIMAIRE OU CARRONIFÈRE.
Elle comprend les plus anciennes couches fossilifères du terrain de
transition, où se trouvent les premiers débris végétaux, notamment des
Algues marines, et s'étend jusqu'au zechstein. Mais le développement
le plus remarquable de la végétation dans cette période, se montre dans
la formation carbonifère proprement dite (1) , dont les masses de
houille, comme nous l'avons déjà dit, ont indubitablement une origine
végétale. On peut donc par conséquent en appliquer le nom à toute la
période. Toutefois, comme la plupart du temps, la structure végétale
(1) Le système bouiiler de notre savant inaîtic , M. Dûment. {Note du Trad.)
— 281 —
est détruite dans la houille elle-même, ce n'est que d'après les empreintes
des couches de grès et de calcaire qui l'accompagnent, que nous pou-
vons conclure avec vraisemblance, que les Sigillaria, les Syringoden-
dron, et les Fougères, dont les feuilles s'y trouvent si abondamment,
sont en grande partie les plantes dont les troncs ligneux se sont méta-
morphosés en houille. Nous pouvons donc caractériser cette période
primaire par le développement prépondérant des Cryptogames vascu-
laires; les Gymnospermes s'y montrent aussi déjà, mais en faible pro-
portion.
II. — RÈGNE DES GYMNOSPERMES.
2° PÉRIODE DU GRÈS BIGARRÉ (1).
Ici, à côté des Fougères, encore proportionnellement nombreuses et
de forme caractéristique, se présentent les Dicotylédones gymnospermes,
notamment de nombreux exemplaires de plusieurs espèces des deux
genres Voltzia et Haidingera. Mais les Cycadées y sont encore rares,
tandis qu'elles paraissent prendre un développement prédominant dans
le keuper et se rattacher aux plantes du jura. Pour cette raison , le
keuper, qui autrement est regardé comme faisant partie du trias, doit,
au point de vue botanique, être attribué à la période suivante.
0° PÉRIODE JURASSIQUE.
Cette période se partage, d'après les caractères de la flore fossile, en
trois subdivisions :
a) Epoque de végétation du keuper (2).
Elle n'a de commun avec la période de grès bigarré que le grand
nombre relatif des Fougères et des Equisétacées, sans qu'il y ait pour-
tant concordance dans les formes; ce sont la plupart du temps des
genres qui apparaissent ici pour la première fois, et qui doivent se
conserver plus ou moins à partir de là jusque dans les formations les
plus récentes. A côté d'eux se présentent les Cycadées dans leur plus
grand développement, et aussi des Conifères.
b) Epoque de végétation du lias (3).
Cette époque concorde en beaucoup de points avec la précédente, el
(I) Terrains pénéen et triasique (en partie), de M. Dtiraonl. (Note du J'rud.
{■2) Système kcuprique de M. Dmnont.
ô) Système liasique.
— 282 --
toutes deux renferment beaucoup d'espèces identiques ou très-voisines.
Ce sont encore les Gymnospermes qui ont la prépondérance, principa-
lement les Cycadées, qui sont représentées par de nombreuses espèces
des genres Zamites et Nilssonia.
c) Epoque de végétation de l'oolitlie (1 ) .
La végétation de cette époque concorde aussi, dans les traits princi-
paux, avec celle de la précédente; mais elle peut se caractériser par la
plus grande ressemblance de ses Cycadées, appartenant pour la plupart
au genre Zamites, avec les espèces encore vivantes, et par la plus grande
proportion des Conifères.
Le groupe dit Wealdien, qui, d'après ses autres caractères géolo-
giques, se rattache à la formation crétacée, appartient, d'après sa flore
fossile, à la période jurassique, les Cycadées et les Conifères, c'est-à-
dire les seules Phanérogames gymnospermes, y ayant un développement
prépondérant, tandis qu'il ne s'y rencontre pas encore des Dicotylé-
dones angiospermes (2).
III. — RÈGNE DES ANGIOSPERMES.
4° PÉRIODE CRÉTACÉE.
Ici se présentent pour la première fois les Dicotylédones angios-
permes, qui forment présentement les trois quarts de toute la végéta-
tion. Cette période fait en quelque sorte, tant par sa position que par sa
flore, la transition des couches secondaires aux couches tertiaires sui-
vantes. Elle renferme toutes les formes caractéristiques principales des
premières : les Fucoïdées, les Fougères, les Cycadées et les Conifères ;
et déplus, outre un petit nombre de Monocotylédones, diverses Dicoty-
(1) Elle correspond aux systèmes portlandien, oxfordien et balhonien de M. l)u-
mont.
(2) Les dépôts lacustres et fluviatiles dont il s'agit ici, et qui sont situés dans le
sud-est de l'Angleterre , sont placés par M. Dumonl à la partie inférieure de son sys-
tème aachénien, et doivent commencer la série des terrains crétacés. Leur nature
géologique et leur faune ne laissent aucun doute à cet égard. Quant aux Cycadées et
aux Conifères qu'on y rencontre, ne faudrait-il pas les regarder comme des contem-
porains des derniers instants de la période jurassique, qui auraient été engloutis dans
des dépôts crétacés lors des révolutions qui ont dû marquer la fin de l'époque du
jura? L'absence de Dicotylédones angiospermes s'expliquerait aussi par la circon-
stance que la création végétale de l'époque crétacée ne s'était pas développée, aucune
terre de formation crétacée n'ayant encore surgi au sein de l'Océan. (Note du Trad.]
— 283 —
lédones très-bien caractérisées, comme par exemple le genre Credncria,
qui se trouve en beaucoup d'endroits dans le quadersandstein. Les Dico-
tylédones gymnospermes et angiospermes y sont à peu près en nombre
égal. Le dépôt le plus moderne de la formation crétacée est celui qu'on
nomme Fucoidensandstein , et qui renferme en grande quantité des
Algues marines, surtout du genre Chondrites.
5° PÉRIODE TERTIAIRE.
La flore tertiaire se rattache en général dans ses parties les plus mo-
dernes, à celle qui couvre actuellement la surface de la terre. Elle est
caractérisée par la prédominance des Dicotylédones angiospermes, ainsi
que des Monocotylédones,et en particulier des Palmiers. Elle sedistingue
de la flore des couches secondaires adjacentes, notamment de celle de la
craie, en ce que les Gymnospermes y deviennent moins importantes, et
que leurs formes se rapprochent plus des formes actuelles des climats
tempérés; c'est ainsi que les Cycadées manquent entièrement, du moins
en Europe, dans les sédiments tertiaires. Nous avons déjà dit précédem-
ment, que les lignites qui se présentent dans ces terrains avec une
épaisseur considérable, sont composés d'amas de bois de Conifères plus
ou moins transformé.
Par une comparaison plus rigoureuse des formations tertiaires parti-
culières, d'après les débris organiques qu'elles renferment en abon-
dance, on peut les partager en trois grandes subdivisions : les dépôts
anciens (éocènes) , les dépôts moyens (miocènes), et les dépôts mo-
dernes (1) (pliocènes).La première de ces époques se caractérise botani-
quement par la prédominance des Algues et autres plantes marines, et
par l'existence d'un très-petit nombre d'espèces de Palmiers. Les couches
moyennes offrent une prédominance des Palmiers et des autres familles
exotiques ; enfin dans les couches modernes (pliocènes), les Monocoty-
lédones sont en diminution, et les Palmiers manquent complètement;
la végétation présente une grande analogie avec celle des contrées tem-
pérées de l'Europe et de l'Amérique du Nord.
Résumé. — En général, la flore fossile, comparée avec la flore ac-
tuelle, offre comme caractère particulier la prédominance des Crypto-
games vasculaires et des Dicotylédones gymnospermes, tandis que les
Thallophytes et les Dicotylédones polypétales existaient dans un rapport
(1) L'expression modernes a ici un sens tout relatif. 11 no s'agit point ici des ter-
rains quaternaire!--, dont la flore ne diffère pas, pour les diverses contrées, de la flore
contemporaine. [Noie du Trad.)
— 284 —
à peu près égal a ce qui a lieu de nos jours. Les Mousses au contraire,
les Monocotylédones, et surtout les Dicotylédones monopétales se pré-
sentent parmi les plantes fossiles dans une proportion beaucoup plus
faible que dans la flore du monde actuel. Si, en général, on attribue
souvent aux plantes, comme aux animaux du monde ancien, des dimen-
sions gigantesques, cela n'est vrai que jusqu'à un certain point, en ce
que certaines formes de plantes, comme les Equisétacées et les Lycopo-
diacées, se présentent dans les plus anciennes formations avec un déve-
loppement arborescent, tandis que, dans la création de nos jours, ce ne
sont que des herbes, et en ce que, chez les Fougères du monde pri-
mitif, les espèces arborescentes l'emportent également. Le déploiement
extraordinaire de matière végétale qui se voit dans les dépôts de houille,
indique peut-être moins une végétation colossale et luxuriante, due à la
grande quantité d'acide carbonique contenue dans l'atmosphère à ces
époques terrestres reculées, qu'un long espace de temps pendant lequel
ces amas se sont formés peu à peu. Enfin, la comparaison des caractères
de la végétation des formations anciennes et moyennes avec ceux de la
végétation des formations modernes et du monde actuel, démontre que,
plus nous nous reportons en arrière dans le temps, plus la végétation
semble analogue à celle des régions tropicales; d'où nous pouvons con-
clure qu'il existait autrefois une température plus élevée, qui s'est
abaissée peu à peu. La végétation se montre aussi beaucoup plus unifor-
mément répartie à la surface de la terre dans les périodes antérieures
que de nos jours; la différence de climat des diverses contrées, et la divi-
sion correspondante de la végétation d'une même époque en flores par-
ticulières, apparaît pour la première fois dans la période tertiaire, et ne
se montre complètement dessinée que dans le monde actuel.
Tokav dos jardins ou Fondant roux
— 285 —
JARDIN FRUITIER.
RAISIN TOKAY DES JARDINS.
(Chasselas Tokay des Jardins, Fondant roux.) Par M. L. de Bavay.
Le vin de Tokay (1) est si renomme des gourmets, que partout on
désire posséder le cépage qui le produit. On désigne généralement,
hors de Hongrie, sous le nom de Vin de Tokay, tous les précieux vins
de liqueur des crus les plus estimés de l'Hegyallya, qui se récoltent non-
seulement dans cette contrée, mais plus spécialement sur le coteau de
Mezès-Mali , à Tokay (2). Bien que récoltés entre les 48e et 49e degrés
de latitude septentrionale, ces vins passent pour les meilleurs de l'Eu-
rope. Toutefois, cette opinion n'est pas admise en France, où l'on
oppose aux vins muscats de l'Hegyallya les produits les plus fins de la
Côte-d'Or et les délicieux muscats des départements méridionaux. La
pomologie n'a pas à intervenir dans ce débat, que nous devons nous
borner à mentionner.
Rien n'indique que le raisin qui nous occupe soit originaire de
Hongrie. Il existe beaucoup de cépages dans les vignobles de ee terri-
toire ; et aucun n'y est connu sous le nom de Tokay; selon M. le comte
Odart, il n'y est pas même cultivé. Cette variété, dont on ignore l'ori-
gine, a reçu dans la Collection des raisins d'Angers la dénomination
de Tokay des jardins. Lelieur, dans sa Pomone, cite un Tokay dans le
département des Hautes-Pyrénées, mais c'est un raisin noir. Celui qui
fait l'objet de cet article, ne proviendrait-il pas du département du
Haut-Rhin, où il existe depuis longtemps? 11 est à présumer qu'il y
aura été importé de la Suisse, où l'on estime le vin qu'il produit. Il est
connu dans ce pays sous le nom de Fondant roux.
L'arbre est vigoureux et productif. Les sarments sont gros, de cou-
leur cannelle verdàtre, à mérithalles espacés de 10 centimètres. Les
feuilles sont grandes, à cinq lobes légèrement dentés, d'un vert ordi-
naire. Le pédoncule est rouge, cylindrique, long de 12 centimètres.
Les grappes sont grosses ou moyennes. Les grains sont moyens, ronds,
peu serrés; leur couleur est rose clair, un peu jaunissant; ils sont demi-
cassants et d'une saveur fort analogue à celle du Chasselas de Fontaine-
bleau.
Cette variété, qui est exposée chez nous en plein midi, mûrit vers le
15 septembre. C'est un raisin de table très-estimé, et dans les contrées
où l'on peut cultiver la vigne en vue de la vinification, les produits qu'il
donne ne sont pas à dédaigner.
(1) Bourg de Hongrie, au pied du massif de collines appelé montagne de Tokay,
;i GO kilomètres de Presbourg.
(2) Petite chaîne de collines de la Transylvanie, formant l'extrémité d'un contre-
fort des Karpathes, qui va s'abaissant jusqu'à la Theiss, le long de la rive droite du
Bodroah.
28U -
HISTOIRE DES PLANTES UTILES.
LES FÉCULES D'ARROW-ROOT.
Le nom cVArrow-root , qui signifie mot à mot racine à flèches, vient
de l'usage que font les Indiens d'Amérique du véritable Arrow-root; ils
pensent que c'est le meilleur antidote pour les blessures des flèches em-
poisonnées. C'est une excellente fécule employée surtout pour nourrir
les convalescents et les vieillards et pour faire de fort bonnes pâtisseries.
On importe annuellement en Angleterre environ 400 tonnes des diffé-
rentes sortes d'Arrow-root. Mais plusieurs fécules sont confondues
Fig. 70. Maranla arundinacea.
dans le commerce sous ce nom. Aux Indes occidentales l'Arrow-root
est le produit du Maranta arundinacea (Fig. 70 ) de la famille des Ma-
rantacées. C'est une fécule d'une pureté remarquable, qui se présente
sous la forme d'une fine poudre blanche et brillante, mêlée à de petites
masses, aisément friables entre les doigts. Au microscope on reconnaît
dans cette poudre l'organisation des granules lamelles de fécule; on voit
des couches concentriques très-minces, et successivement un peu pins
°287
larges autour d'un point qui occupe le sommet du grain et qu'on a
nommé hile. Cette fécule ressemble beaucoup à celle de la Patate, mais
elle est d'un blanc jaunâtre au lieu d'être bleuâtre, et les granules sont
moins translucides. L'Arrow-root ne s'extrait pas, comme son nom
pourrait le faire supposer, d'une racine, mais des tiges souterraines ou
rhizomes du Maranta arundinacea. Ces rhizomes sont écailleux , blancs
et contiennent beaucoup de fécule; ils se forment sous terre et si on les
laisse végéter ils donnent naissance à une nouvelle plante qui absorbe
à son profit la fécule déposée dans le rhizome. Pour en extraire PÀrrow-
root on réduit les rhizomes en pulpe dans des mortiers de bois, on lave
la masse à l'eau froide et le liquide laiteux que l'on obtient est passé à
travers de fins tamis de crins puis laissé en repos; il se fait un dépôt,
blanc qu'on lave de nouveau à l'eau pure et qu'on laisse ensuite
se précipiter; enfin on décante
'eau et on fait sécher au soleil
e dépôt blanc, qui est alors
l'Arrow-root du commerce. Le
plus estimé est celui des Ber-
mudes.
L'Arrow-root des Indes Orien-
tales s'extrait du Curcuma angus-
tifolia (fig. 71), de la famille des
Zingibéracées ; cette plante pro-
duit de petits rhizomes dans
lesquels il existe une substance
colorée et acre, et qui donne
naissance sur les côtés à un
grand nombre de prolonge-
ments fibreux. La plupart de
ces derniers portent de petits
tubercules arrondis, et entière-
ment dénués de la saveur, de
l'odeur et de la couleur du rhi-
zome. Ces tubercules, qui ren-
ferment une grande quantité de
fécule, sont recueillis et soumis
aumèmetraitementque l'Arrow-
root des Indes- Orientales; on
en obtient une fécule fine et
blanche mais différente de la
première par une apparence plus
opaque et l'absence de particules
solides lorsqu'on la triture entre
Fie. 71. Curcuma augnstifoiia.
288 —
les doigts. On connaît une autre variété d'Arrow-root, un peu brunâtre
et provenant probablement d'une autre espèce de Curcuma.
L'Arrow-root du Brésil est le produit des racines du M anihotutilissima,
espèce d'Euphorbiacée (fig. 72)
désignée aussi sous le nom de
Janipha manihot. C'est un ar-
buste de vingt à trente pieds et
à racine grosse et renflée, dont
le suc, comme celui de toute la
plante, possède des propriétés
extrêmement vénéneuses; mais
ce poison est rendu absolument
inoffensif par la chaleur. Ces
racines, qui pèsent souvent de
25 à 30 livres, sont râpées à
l'état frais ; on en extrait le suc,
puis la pulpe est parfaitement
lavée. Le suc, quoique étant un
violent poison, devient, après
avoir été bouilli, un délicieux
assaisonnement nommé cassa-
ripe et très-estimé des gour-
mets. Après que la pulpe a été
lavée à l'eau froide, la fécule se
sépare à un grand degré de pureté et on la èche au soleil; on obtient,
ainsi une fine poudre blanche, appelée Arrow-root du Brésil, dans le
commerce et dans sa patrie, connue sous les noms de moussache et de
cipipa.
Enfin PArrow-root de Tahiti est la fécule du Tacca pinnalifida, origi-
naire des îles Molluques et des îles de l'Océan pacifique, et cultivée dans
différentes contrées de la Chine et des Indes. Ses racines acquièrent un
grand développement par la culture, et servent d'aliment en Chine et
en Cochinchine, quoique d'un goût très-amer. Les naturels convertis de
Tahiti préparent, sous la direction des missionnaires , une sorte
d'Arrow-root avec ces racines , encore fort peu répandue dans le
commerce.
Fin. 72. Slaiiikol ulilissinu.
L_8 . Scutellana splendens , Lk , Kl, cl Oit. ()_ 12 . Oxalis 0 il oui. s , Kl
— 289 —
HORTICULTURE.
SCUTELLARIA SPLENDENS, LINK, KLOTZSCH ET OTTO.
SCUTELLAIRE OU TOQUE BRILLANTE.
Famille des Labiées. — Didynamie, Gymmospermie.
Par M. Edouard Morren.
Trib. Scutellarinées, Benth., genre Scutellaria L. Sect. Heteran-
thesia, Benth.
SCUTELLARIA SPLENDENS. — Can-
libusadscendentibus,ramosis,pubescenti-
bus ; foliis peliolatis late cordato-ovalis ,
obtusis vel vix acuminatis, rugulosis, de-
flexis, laele-viridibus, grosse dentatis,
utrinque villoso- pubescentibns , flora-
libus parvis, sub-ovatis, utrinque alte-
nualis, e viridi violaceis, glanduloso pu-
berulis, deciduis ; raceniis elongatis,
simplicibus calycibusque violaceis , glan-
duloso-puberulis; floribus sparsis; corol-
lis saturate-cinnabarinis , puberulis, ca-
lyce sextuplo longioribus , tubo elongato
tenui, lobis abbreviatis ; antheris giabris,
acheniis minutissime echinulatis.
Perennis herbacea, suffrutex.
In Mexici prov. Vera-Cruz.
Icon. plant, rar. Hort. bot. Berol. p.
51, 1. 13.
Paxlon. Mag. of Bot. X, 99.
Ann. de Flore et Pomone, (Série 2.) II,
n°2, nov. 1843, p. 52.
DC Prodr. XII, 415.
Walpers. Repert. Bot. syst. III, 4844-
45, p. 749.
Perilomiacordifolia, Chain, et Sehlechi.
Linnaea 6, p. 574.
S. cordifolia, Bot. mag. t. 4290.
Cette jolie Scutellaire a les fleurs d'un rouge écaiiate vif, très-nom-
breuses et groupées en longs racèmes. Elle vient du Mexique, demande
en hiver une température de 8 à 10° R., un sol sec et une situation
contre les vitres dans la serre. En été on peut la planter en plein air
comme quelques Salvia et Pentstemon du Mexique. Elle aime un sol
formé de terreau de feuilles bien consommé et mélangé de sable; elle
fleurit en juin et juillet.
Le genre Scutellaria, déjà très-nombreux, s'enrichit encore chaque
jour par des introductions nouvelles. Nous présenterons prochainement
à nos lecteurs quelques nouvelles espèces importées en Europe par le
célèbre horticulteur de Bruxelles, M. Linden, directeur du jardin zoolo-
gique. Mais par suite de ces nouvelles acquisitions, une certaine con-
fusion ne saurait manquer de venir embrouiller la nomenclature du
genre, surtout la section des Heterantliesia (Benth.) , à laquelle la plu-
part appartiennent. Nous pensons donc devoir publier la description
détaillée de la toque brillante.
BELG. HORT. T. VI.
25
— 290 —
La tige est vivace, presque herbacée, ordinairement ramifiée dès la
base, ascendante, quadrilatérale à angles obtus, légèrement pubescente ,
d'une couleur verte passant au violet; elle atteint la hauteur de 1 1/2
pied. Feuilles opposées, longuement pétiolées, ovales cordées, brus-
quement amincies, légèrement pubescentes sur les deux faces, à bords
grossièrement dentés, rugueuses, membraneuses, déclinées, longues
de 2-3 pouces, larges de 1 1/2 à 2 pouces. Pétioles divergents, très-lé-
gèrement pubescents, arrondis, canilaculés supérieurement, d'un vert
violacé, longs d'un pouce. Racèmes pouvant atteindre un pied de
hauteur, presque ronds, striés longitudinalement et de même que les
calices etles pédoncules d'un brun violacé et pubescents. Fleurs pédoncu-
lées, éparses,mais à l'état de bouton, surtout vers la pointe elles forment
des verticilles de quatre fleurs qui se déforment par le développement
de l'axe; bractées caduques, longues de deux lignes, ovales acuminées,
légèrement amincies à la base, dentées en scie, pubescentes glandu-
leuses; les deux inférieures seules font exception par leur constance.
Le calice est long de deux lignes, campanule, bilabié; à lèvres entières,
fermées après la floraison ; sur le dos de la lèvre supérieure on trouve un
appendice (scutellum) en forme d'écaillé, qui se dresse après la floraison
et, qui donne au calice, qui a les lèvres étroitement fermées , la forme
d'un casque à visière abaissée. Corolle ringente, d'un rouge de cinabre
vif, légèrement pubescente, longue d'un pouce, à tube légèrement
courbe, cylindrique dans la moitié inférieure, aminci puis élargi vers les
lèvres qui sont triangulaires obtuses; la lèvre supérieure est trilobée,
à lobe moyen fortement voûté, tronqué, à bord dentelé, à lobes laté-
raux de lamême longueur, repliés en dedans ; la lèvre inférieure est plus
longue, courbée en bas, entière, tronquée en avant, glabre supérieure-
ment, de la même couleur que le reste de la corolle. Etamines au nombre
de quatre, blanches, insérées sur le côté supérieur de la corolle, les
inférieures les plus longues et monoloculaires, à filets présentant sur la
face inférieure et vers le milieu une série de poils blancs assez longs; an-
thères presque parallèles, attachées à un connectif saillant et munies de 5
à 8glandes lenticulaires d'unblancbrillant,degrandeur inégale, s'ouvrant
longitudinalement, à sutures glabres. Pollen elliptique, présentant un
sillon. Ovaire quadriloculaire, à carpelles très-légèrement velus, atta-
chés latéralement sur un gynophore, oblong, tronqué, épais à la base.
Style blanc, filiforme, caduc, un peu courbe, de la longueur des
etamines, bifide à la pointe, à division supérieure plus courte.
Cette espèce présente beaucoup de ressemblance avec les S. longiflora
Ben th., S. multiflora Kcnih., S. atriplicifolia Ben th., S. coccinea Humb.
et Kth., S. incarnata Vent, et Perilonia ocymoïdes Humb. et Kth.
— 291 —
Mais le S. longifolia a des feuilles et des calices glabres ; le S. multi-
flora a les fleurs plus courtes et des feuilles glabres ; le S. triplicifolia
a des feuilles presque entières, glabres, et des fleurs à peine pubes-
centes. Les feuilles sont tronquées, et, de même que les fleurs, sont
dépourvues de poils dans le S. coccinea; les tiges du 5. incarnata sont
très-rameuses, et ses fleurs sont d'un rouge brun foncé; enfin \ePeri-
lonia ocymoïdes ne diffère pas seulement par la forme du calice, de la
corolle et des fruits, mais aussi par des feuilles plus petites et glabres
à la face supérieure.
Explication des figures de la planche 73.
1 Feuilles et racème, grandeur naturelle.
2 Une fleur de grandeur naturelle.
3 Corolle fendue longitudinalemenl pour monlrer la forme du limbe et l'insertion
des étamines.
4 Une des petites étamines.
5 Une des longues étamines, grossie environ six fois.
G Un grain de pollen.
7 Le même qui a été humidifié (grossissem. de 140).
8 Gynophore, carpelles et style à un grossissement de six fois.
OXALIS OTTONIS KL.
OXALIDE DE OTTO.
Famille des Oxalidées. — Décaxdrie, Pentagynie.
Par M. Edouard Morren.
Oxalis Ottonis Kl. Acaulis, bulbosa; bulbo simplici, basi radiées plures tenues
emiltente ; foliisternatis, longe petiolatis, foliolis latissime-obcordato bilobis, subtus
margineque sparsim pilosis , inter somnum conduplicatis , unilaterali-pendulis ;
scapo unifloro, sparsim piloso, foliis longiore, supra médium bibracteolato, ad basim
articulato, post anthesin geniculato-procumbente, sepalis linearibus, obtusis, mar-
gine pubescentibus , dorso longitudinaliter fusco-striatis, corolla saturale-aurea,
nitente ; filamentis edentulis , basi nudis , stylisque pilosis ; ovarii loculis
6-9 ovulatis.
Klotzsch in Otto und Cietrich Allgem. Gartenzeitung VII, p. 313.
Icon. plant, rar. hort. Bot. Berolensis, p. 8, lab. 4.
Les Oxalis américains ont trouvé, dans le professeur Zucarini, de
Munich, un si excellent monographe que, par ses travaux, la plupart des
doutes sur l'identité des espèces ont été résolus, et qu'il est facile de
déterminer celles qui ont été décrites. Il les divise en espèces acaules et
en caulescentes; les acaules, auxquelles appartient l'Oxalis Ottonis, sont
— 292 —
subdivisées en simplieifeuillées, en trifoliolées et en palmatifoliolées.
Les trifoliolées se partagent enfin en espèces bulbeuses, munies de tuber-
cules, et en espèces à racines articulées.
Les bulbes de ce petit Oxalis se sont trouvées par hasard entre des
plantes et de la terre que le jardin botanique de Berlin reçut, en 1839,
de Cuba par M. Edouard Otto. A la même époque, on le cultivait à Bir-
mingham sous le nom de O.geniculata. C'est une charmante plante, pré-
cieuse pour tous les jardins d'amateurs: elle est basse, touffue, et même
les plus petites bulbes se couvrent, à l'automne, d'un très-grand nombre
de fleurs d'un effet agréable par leur belle couleur jaune d'or et leur
forme élégante. Nous l'avons remarquée, depuis quelques années, dans
les jardins de M. Henrard, démonstrateur du cours d'agriculture à
l'Université de Liège, et pépiniériste à Sainte- Walburge, près Liège ; la
floraison a lieu en septembre, et le feuillage est moins fugace que celui
de la plupart des espèces américaines, car la végétation se continue sans
interruption pendant tout l'hiver. On place les bulbes dans de petits
pots, en plein air, au printemps ; elles restent en repos pendant l'été,
poussent à l'automne des feuilles longues de trois pouces, composées de
trois folioles chacune, divisées en deux lobes profonds, et des fleurs d'un
jaune brillant et larges de six à sept lignes. A l'approche des froids , on
doit rentrer les pots en serre froide ou sous châssis.
Description. La tige souterraine consiste en une bulbe ronde de la
grosseur d'une noisette etémettantà la base quelques radicelles minces.
Elle est recouverte d'une peau brune et sèche, et consiste en écailles
concentriques, blanches, charnues, pointues lancéolées. Les feuilles pa-
raissent par fascicules avec les fleurs, immédiatement du sommet de la
bulbe; elles sont ternées,leur pétiole est filiforme, long de trois pouces,
un peu pubescent et légèrement élargi en gaine à la base {stipulée, petiolo
adnatce) ; les folioles sont presque sessiles, très-larges, courtes, profon-
dément obcordées, lisses et glabres sur la face supérieure, poilues çà
et là sur la face inférieure, très-finement ponctuées, de 5 à 7 lignes de
large, longues de 2 i/s-3 lignes. Les lobes sont arrondis, obovés, réunis
jusqu'à la moitié de leur longueur par une nervure simple, transparente
et saillante sur la face inférieure. Les folioles ne peuvent pas, à cause de
leur grande largeur, être placées l'une à côté de l'autre, comme dans les
autres Oxalis; mais la foliole impaire se trouve dans une situation hori-
zontale et étalée avec les deux lobes extérieurs des folioles paires, tandis
que les deux lobes intérieurs de ces dernières sont dressés et forment
presque un angle droit avec les autres; dans l'état de sommeil, les
deux lobes des folioles se rapprochent par la face supérieure et pendent
toutes d'un seul côté. Chaque hampe ne porte qu'une seule fleur; elles
— 393 —
sont longues de cinq pouces, deux fois articulées, pubescentes ; l'arti-
culation inférieure se trouve à 6-8 lignes au-dessus de la base : elle
est très-renflée et la hampe se courbe, après la floraison, au point de
se coucher contre la terre. La seconde articulation est placée au-dessus
du milieu : elle porte deux bractées opposées, linéaires, sessiles, longues
de 1 i/a ligne et un peu poilues. Calice à cinq divisions, étroitement
appliqué contre la fleur, à folioles linéaires obtuses, légèrement poilues
sur les bords, longues de 2 1/2 lignes, larges de 1/2 et présentant une
large nervure médiane brune. La corolle est d'un jaune d'or, brillante,
étalée, de 6 à 7 lignes de diamètre, à tube cyathiforme; elle est formée de
cinq pétales, cohérents à la base, tordus dans le bouton, entiers, presque
orbiculaires, courlement onguiculés; l'origine du limbe porte, jusqu'à
la moitié, des nervures très-fines et rouges; au sommet, ils sont imbri-
qués, larges de 4 à 5 lignes, longs de 6 à 7. Il y a dix étamines mona-
delphes à la base, dont cinq alternativement deux fois plus courtes que
celles qui sont opposées aux sépales. Anthères biloculaires, jaunes,
ovales, obtuses aux deux bouts , déhiscentes par deux stries longitudi-
nales, insérées latéralement, courbées vers l'intérieur dans le bouton,
horizontales à l'ouverture de la fleur et plus tard tournées vers l'exté-
rieur. Pollen à grains triangulaires obtus lenticulaires; filets subulés,
nus, les plus longs poilus, mesurant trois lignes; les plus courts
glabres, longs d'une ligne. Ovaire allongé, pentagone, obtus, glabre, se
prolongeant à la pointe en 5 styles, quinquéloculaire, à loges 6 à 9 ovu-
lées. Ovules pendants, droits; 5 styles subulés, divergents, légèrement
velus au côté extérieur, d'un tiers plus courts que les plus longues éta-
mines; stigmates capités, pénicillés, jaunes.
La seule espèce voisine de YO. Ottonis Kl. est YO. eriorhiza zuccar,
qui se distingue par une bulbe velue, par l'absence de l'articulation infé-
rieure sur la hampe et par des styles plus courts.
Explication des figures, planche 73.
'J Oxalis Ottonis, grandeur naturelle.
10 Appareil sexuel grossi pour montrer les étamines cl les styles.
11 Coupe longitudinale de l'ovaire.
12 Grains de pollen considérablement grossis.
— 294 —
MONOGRAPHIE DES COLCHIQUES ET DES CROCUS
Qui fleurissent à l'arrière-saison;
Traduit de l'allemand du Dr Cii. Koch (1),
Par M. Jules Bourdon,
Docteur en sciences naturelles.
Au printemps, le réveil de la nature s'annonce par le développement
de fleurs qui appartiennent en grande partie au groupe nombreux des
Monocotylédonées bulbeuses; des Jacinthes, des Tulipes, des Scilles, des
Crocus, des Iris, des Narcisses, des Perce-Neige, des Ornithogales,etc,
sont les avant-coureurs des beaux jours. Quand la terre, après avoir
été couverte de neige pendant des mois entiers, commence à s'échauffer
sous les premiers rayons du soleil, alors que la verdure des prairies,
des buissons et des forêts n'est encore que peu apparente, on voit rapi-
dement pousser les fleurs des plantes bulbeuses, qui, complètement for-
mées dès l'automne précédent, étaient protégées contre les influences
extérieures parles enveloppes du bulbe. Et ce sont encore des plantes
bulbeuses, quoique bien moins nombreuses et moins variées, qui
fleurissent à l'arrière-saison et semblent clore la végétation. Dans nos
climats septentrionaux, nous n'avons que notre Colchique d'automne,que
tout le monde connaît; mais déjà dans les Alpes et surtout en Orient,
ainsi que dans les pays qui entourent la Méditerranée, il s'y joint plu-
sieurs autres espèces du même genre et un grand nombre de Crocus.
Dans les contrées tropicales, il existe également des plantes bulbeuses;
ce sont principalement des Monocotylédonées à ovaire infère, les Ama-
ryllidées, qui apparaissent après les chaleurs de l'été, au moment où la
première pluie annonce l'a.pproche de l'hiver ou de ce qu'on nomme la
saison des pluies (2). Les plaines tristes et désertes, connues en
Amérique sous les noms de Pampas et de Llanos, se transforment subi-
tement en une campagne parée des fleurs les plus belles et offrant les
(1) Verhandlungcn des Verehies zur lie farder wtrj des Gartcnbaiics in den Konig-
lich. Prcussisclicn Slaaten. Nouvelle série; deuxième année, 1854, p. 170.
(2) On pourrait, d'après ces termes, supposer que la saison des pluies, dans les
régions tropicales, représente, sous tous les rapports, l'hiver de nos contrées. II est
loin d'en être ainsi : c'est , au contraire , à notre été que celle saison correspond
quant au plus grand développement de la vie végétale, et quant à l'apparition de la
plupart des animaux dont l'existence est en relation intime avec les saisons. (T.)
— 295 —
nuances les plus variées ; il y a peut-être même trop de couleurs bril-
lantes, et l'on aimerait à y voir plus de verdure.
On se plaint souvent que l'arrière-saison est pauvre en fleurs, mais
on ne cherche pas à se procurer, sous ce rapport, les mêmes jouissances
qu'au printemps. Le choix des fleurs est certainement loin d'être aussi
grand que pendant le second tiers de l'année; mais il y a pourtant assez
de plantes bulbeuses qui fleurissent en automne pour en cultiver dans
cette saison une collection à laquelle on ne puisse reprocher ni la mono-
tonie, ni le manque de variété. Les horticulteurs pourront d'ailleurs par-
venir à augmenter celle-ci, s'ils veulent accorder plus d'attention aux
fleurs d'automne; les nombreuses variétés de Crocus, de Jacinthes et
de Tulipes n'ont pas non plus toujours existé , mais elles ont été pro-
duites par la culture.
M. l'inspecteur Bouché cultive déjà une assez grande quantité de
plantes bulbeuses automnales; sa collection, qu'il présenta à l'une des
réunions de la Société pour l'avancement de l'horticulture dans les
Etats prussiens, fut admirée de tous ceux qui la virent. C'est une cul-
ture à laquelle fous les possesseurs de jardins devraient prendre intérêt;
aussi serait-il à désirer qu'on recherchât quelles sont les plantes bul-
beuses qui portent fleura l'arrière-saison ; c'est ce qui m'engage à essayer
de donner ici une liste de celles qui me sont connues et qui, pour la
plupart, se trouvent au jardin botanique de Berlin. Les genres Colcliicum
et Crocus sont les plus importants ; la majeure partie des espèces du
premier fleurissent en automne ; quant au second, la moitié des espèces
qui le composent se trouvent dans le même cas.
I. COLCHIQUE. COLCH1CUM, L.
Ce genre, par son ovaire triloculaire, appartient à la famille des Mélan-
thacées, et, par son bulbe solide et son périgone muni d'un long tube,
à la division des Colchicées. 11 se distingue des genres Bulbucodium L.
et Merendera Ramond, par son périgone gamophylle et à gorge nue.
Les Colchiques ont tout-à-fait l'aspect des Crocus, mais leur ovaire est
libre, et non adhérent comme chez ceux-ci. Des vingt-deux espèces con-
nues actuellement, seize fleurissent en automne, les autres au printemps
et en été. C'est principalement dans les montagnes qu'elles croissent, et
surtout dans le Caucase et sur la grande chaîne qui, commençant aux
Pyrénées, règne presque sans interruption depuis le nord de l'Es-
pagne jusque près do Constanlinoplc , en traversant le midi de la
France, la Suisse, l'Autriche et la Turquie; on en trouve en outre plu-
— 296 —
sieurs espèces en Orient et dans les diverses contrées de l'Europe mé-
ridionale, et quelques-unes dans le nord de l'Afrique.
1. C. autumnale , L. — Bien qu'on n'aime pas à voir celte jolie
fleur dans les pâturages à cause de son principe acre, elle est cependant,
pour les prairies de l'Allemagne centrale et méridionale, un véritable
ornement, que l'on remarque d'autant plus que la campagne est pauvre
en fleurs à l'époque de l'année où elle paraît. Aussi est-elle plus connue
que beaucoup d'autres plantes ; la poésie et la tradition populaire s'en
sont emparées pour en faire le sujet de chansons et de récits. De là
viennent, également les noms divers que le Colchique d'automne porte
dans les différentes contrées, noms qui tous rappellent quelque phéno-
mène propre à cette plante, ou se rattachent à quelque tradition. Les
plus communs sont W ' ksen-Safran , Lichlblume , NacktcHure, Nackte
Jung fer, Michaelisblume , Herbstblume , Hundshoden, Kïihschlotte, Zeit-
blume, Spinnblume et Filins antepatrem (1). Ce dernier nom (le fils avant
le père), employé surtout par les anciens botanistes, rappelle l'intéres-
sant phénomène de l'apparition des fleurs avant les feuilles (2). L'habi-
tation du Colchique d'automne ne s'étend pas au-delà de l'Europe cen-
trale; à l'Est, on ne le trouve que jusqu'à la Volhynie et la Pologne; il
est douteux qu'il croisse en Crimée, dans le Caucase, en Turquie, en
Grèce et en Italie.
Le Colchique d'automne est caractérisé par le tube de son périgone,
qui a plusieurs fois la longueur du limbe ; celui-ci est de couleur de
ebair, et ses divisions sont rapprochées en forme de cloche. Le bulbe
porte, au printemps, des feuilles lancéolées, et il ne produit, en général,
que peu de fleurs. Un autre caractère, important pour les botanistes,
consiste en ce que les trois styles sont renflés à l'extrémité et recourbés,
et portent à leur face interne les stigmates qui sont linéaires.
Il y a déjà assez longtemps qu'on cultive plusieurs variétés, dont quel-
ques-unes ont même été décrites comme espèces. Telles sont :
a. La variété à fleurs doubles, déjà citée par Bauhin dans le Pinux.
b. La variété à fleurs blanches, d'un rouge pourpré ou jaunes (flore
albo, purpureo et luteo), figurée dans le Florilegium de Swertius.
c. La variété à feuilles bordées de blanc (foliis variegatis).
d. Une variété intéressante que Schullz a décrite sous le nom de Col-
(1) En français, le Colchique d'automne est également désigné par diilérents noms
vulgaires, tels que Safran des près, Safran bâtard, Tue-Chien, Vcillotte. (T.)
(2) Ce nom ne proviendrait-il pas plutôt de ce que le fruit semble précéder la
Heur? (T.)
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chicum patois, dans la Flora pour l'année 1826, p. 132. Les divisions du
périgone sont divergentes et plus spatuliformes ; elles ont la longueur des
styles qui, d'ailleurs, ne sont pas saillants et égalent les étamines.
Depuis assez longtemps, on cultive une plante sous ce nom dans le
jardin botanique de Berlin ; mais ce n'est probablement que la variété à
Heurs rouges du C. polyanthum , Gawl.
e. Une variété non moins intéressante qui fleurit régulièrement au
printemps au lieu de fleurir en automne; elle a déjà été décrite par
Schrank sous le nom de C. vernum , par Hoffmann sous le nom de
C. vemak, et par Spenner sous le nom'. de C.prœcox.
f. On rencontre en outre diverses formes anomales : tantôt le pé-
rigone présente plus de six divisions, leur nombre pouvant même
aller jusqu'à douze ; tantôt il y a moins de six étamines, le plus souvent
cinq.
g. Enfin, c'est peut-être encore à celte espèce que doit se rapporter
le C. polyanthum, Gawl., qui n'a été décrit nulle part; l'auteur n'a fait
que nommer cette plante, figurée d'ailleurs par Clusius, et indiquée
par cet ancien botaniste comme croissant spontanément en Hongrie ; il
s'en trouve également une figure dans le Florilegium de Swertius. Elle
est sans doute très-voisine du C. autumnale, mais s'en distingue suffi-
samment par le grand nombre de fleurs qui sortent du bulbe et par leur
nervation, qui est différente. Nous la possédons depuis longtemps dans
le jardin botanique de Berlin; ses fleurs sont blancbes ou d'une couleur
de chair foncée; nous l'avons reçue deM.Buek, à Francfort-sur-1'Oder,
sous le nom de C. multiflorum. On finira peut-être par reconnaître que
c'est une espèce particulière.
2. C. lsetuni, Stev. — Cette espèce n'a encore été trouvée que dans le
Caucase. On l'a souvent confondue avec le Colchique d'automne, mais
elle s'en distingue essentiellement par sa couleur plus foncée, par les
divisions de son périgone moins larges et s'écartant davantage; par son
tube beaucoup plus court, ayant à peine trois à quatre fois la longueur
des divisions, et par ses styles plus droits, à peine renflés à l'extrémité,
ne portant pas les stigmates sur leur côté. On n'avait trouvé cette espèce
que dans les plaines au nord du Caucase et sur les hauteurs qui les tra-
versent; mais je l'ai observée, et même en grande quantité, dans les par-
ties les plus élevées. La plante que j'ai vue dans les jardins, indiquée
sous le nom de C. lœtum, était toujours le C. variegatum, L.
3. C. Neapolitamim, Ten. — Cette espèce intéressante a déjà été
figurée sous le nom de C. latifolium, par Redouté, dans la 468e pi. de
son célèbre ouvrage sur les Liliacées. Elle parait représenter notre Col-
— 298 —
chique d'automne dans l'Italie méridionale; cependant, d'après Teiiore,
cette dernière espèce y existerait également. Le Colchique napolitain est
caractérisé par une raie blanche qui règne sur la l'ace interne des divi-
sions du limbe, et par une glande jaunâtre sécrétant du nectar et située
à la base des étamines. Elle n'est malheureusement pas plus connue dans
les jardins que l'espèce précédente.
4. C. imiltiflorum , Brot. — C'est une espèce encore douteuse ,
dont le caractère distinctif doit consister en ce que trois fleurs sortent
souvent d'une seule et même spathe. Elle a pour patrie le Portugal.
5. C. speciosum, Stev. — C. latifolium, Gris, nec Sm. — Cette
espèce est certainement la plus belle et la plus grande ; elle est extrê-
mement abondante dans les montagnes du Caucase, et croit également
en Grèce et dans la Turquie d'Europe ; elle l'orme, dans ces contrées,
un des principaux ornements que fournisse le règne végétal. J'ai vu,
notamment dans le pays des Ossètes, au milieu du Caucase, de grands
espaces tout couverts de cette fleur. Elle s'annonce, dès le printemps,
par ses feuilles très-larges, arrondies à l'extrémité et un peu charnues.
Chaque bulbe produit ordinairement trois ou quatre fleurs qui ont sou-
vent un pied de long, et sont roses et non de couleur de chair. Le tube
est au moins quatre fois plus long que le limbe; celui-ci est campanule
et ses divisions sont largement oblongues ; leurs nervures longitudi-
nales, d'un rouge foncé, sont unies les unes aux autres par des lignes
transversales qui ne sont pas d'une couleur différente et qui, par con-
séquent, ne forment pas un dessin en damier. Les styles sont en
général un peu plus longs que les étamines, et atteignent le milieu des
divisions du limbe.
6. C. ïlj zucfitiiiiiaiB. Gawl. — Cette espèce , également belle , est
aussi assez répandue dans nos jardins ; pour la taille, elle est intermé-
diaire entre l'espèce précédente et le Colchique ordinaire. Elle croit dans
les environs de Constantinople , et je ne sache pas qu'elle ait encore été
trouvée clans d'autres pays. Les feuilles sont assez larges et arrondies
en haut ; de nombreuses fleurs poussent ordinairement d'un seul et
même bulbe. Le limbe est d'un beau rose ; on lui attribue ordinairement
le quart de la longueur du tube , mais le rapport de ces deux parties
dépend de la profondeur à laquelle se trouve le bulbe, et il est par con-
séquent plus ou moins variable. Les divisions du périgone sont oblongues
et ressemblent beaucoup à celles du Colchique d'automne, mais elles
présentent des nervures longitudinales plus lines, plus droites et moins
serrées, qui sont à peine reliées les unes aux autres par des ligues trans-
— 299 —
versales. D'après Steudel et Grisebach, c'est à celte espèce que se rap-
porte le Colchicum orientale, Friw. in Kunth enum. pi. IV, p. 143.
7. C. var iegatum , L. — Les divisions du périgone sont assez
divergentes, de couleur de chair et marquées d'un dessin en damier de
couleur violette. Cela leur donne un aspect tout particulier, qui dis-
tingue essentiellement cette espèce des précédentes et la rend très-
propre à orner les jardins. Les fleurs ont la grandeur de celles du Col-
chique d'automne. Les feuilles sont oblongues-lancéolées ; leur bord
ondulé fournit un bon caractère. Jusqu'à présent, cette espèce n'a été
trouvée que dans les îles de l'Archipel grec.
8. C. Bivonac, Ten. — Cette espèce, plus petite que la précédente, a
également un dessin en damier sur sa fleur, mais ce dessin est moins
distinct, la couleur des veines étant blanchâtre, quelquefois pourtant
rougeàtre. Elle se distingue en outre par les divisions de son périgone
plus dressées, et par ses feuilles plus étroites et non ondulées sur les
bords. Ce Colchique n'a été trouvé, d'une manière certaine, qu'en Sicile
et dans l'Italie méridionale. On le voit quelquefois dans les jardins sous
le nom de C. lœtum.
9. C. Atticum, Sprunn. — Cette espèce, trouvée dans les environs
d'Athènes, est indiquée comme voisine du C. Byzantinum, Gawl.; mais
il est probable que ce n'est nullement ici sa place, et qu'elle appar-
tient plutôt au genre Merendera, à cause de son périgone divisé jusqu'au
bulbe. On ne dit pas non plus si elle fleurit en automne. Elle doit avoir
des feuilles coriaces, d'un vert bleuâtre et dressées, et plusieurs fleurs
sortant d'un même bulbe.
10. C. liugulatum, Boiss. et Sprunn. — C'est une seconde espèce
originaire de la Grèce, mais provenant des montagnes; elle est égale-
ment peu connue et seulement d'après les herbiers. Elle appartient pro-
bablement aux espèces à petites fleurs, étant indiquée comme voisine du
Colchique des sables (C. arenarium, W. et K.). La longueur de toute la
fleur est de moins de deux pouces, et un peu plus de la moitié de cette
longueur appartient au tube. Les divisions du limbe sont très-étroites,
de couleur rose et seulement un peu plus longues que les styles ; les
étamines font à peine saillie hors du tube.
11. C. iimbi'oftiim, Stev. — Ce Colchique, ainsi que les trois sui-
vants, est une espèce à petites fleurs; il convient donc moins que les
précédents pour être cultivé dans les jardins. Il a cependant encore un
avantage, c'est que plusieurs fleurs sortent toujours de chaque bulbe.
La fleur est de couleur de chair ou d'un rougeàtre clair; le tube est assez
— 300 —
long, ayant en moyenne cinq fois la longueur des divisions du limbe ;
celles-ci sont oblongues et un peu conni Ventes vers le haut. Les ner-
vures longitudinales ne sont pas aussi serrées que dans le Colchique
d'automne, et ne sont pas reliées entre elles par des lignes transver-
sales. En outre, cette espèce se distingue des autres espèces à petites
fleurs par sa capsule, qui ne se termine pas en pointe à la base, mais est
arrondie comme dans notre Colchique ordinaire. Les feuilles , qui
poussent au nombre de quatre ou de cinq, sont assez larges. Cette
plante n'a encore été trouvée qu'en Crimée.
12. C. arenarfum , W. et K. — Cette espèce est moins propre à
être cultivée que la précédente, la fleur étant encore plus petite et chaque
bulbe n'en portant ordinairement qu'une. La couleur de la fleur lire un
peu sur le violet ; les divisions du limbe sont très-étroites , et , en
moyenne, quatre fois plus courtes que le tube ; leurs nervures longitu-
dinales sont droites et ne sont pas reliées entre elles. Les styles sont
filiformes et à peine recourbés à leur extrémité. La capsule se termine
en pointe à la base, ce qui distingue essentiellement cette espèce de la
précédente. Ce Colchique porte, en général, plusieurs feuilles assez
étroites. Il croît, à ce qu'il paraît, en Hongrie et dans le Banat, mais
seulement dans les plaines.
13. C. parvuluin, Ten. — Ne portant non plus qu'une fleur, qui
est également petite, cette espèce se distingue de la précédente par les
divisions de son périgone, plus larges , arrondies à l'extrémité et faible-
ment marquées d'un dessin en damier, et par ses étamines qui pré-
sentent un renflement à leur base et dépassent les styles. Les feuilles
sont également très-étroites et assez nombreuses. Cette espèce n'a en-
core été rencontrée, d'une manière certaine, que dans les prairies mon-
tagneuses de l'Italie méridionale, car il me semble douteux qu'elle ait été
trouvée en Morée, comme le dit Link.
14. C. Alpinum, DC. — C. montanum, Ail. nec L. — Cette espèce,
qui fleurit déjà en juillet et en août, et dont les fruits sont mûrs dès l'ar-
rière-saison, pourrait ne pas figurer ici, cl si je la cite, c'est parce que
ses fleurs poussent également sans feuilles. C'est au Colchique d'automne
qu'elle ressemble le plus ; les divisions du limbe ont également des
nervures longitudinales ondulées, et sont cinq à six fois plus courtes
que le tube; mais chaque bulbe ne porte en général qu'une fleur, et
celle fleur est petite. Ce Colchique ne croît guère que sur les pentes mé-
ridionales des Alpes, dans le Dauphiné et sur les Apennins.
[La suite au prochain numéro.)
— 301 —
PROCÉDÉ EMPLOYÉ EN CHINE POUR PARFUMER LE THÉ.
Traduit de l'anglais, par M. A. De Borre.
Nous empruntons à une lettre du voyageur anglais , Robert Fortune,
datée de Schanghaï, le 2 mai 1855, les détails intéressants qui suivent :
Je vous ai envoyé, il y a quelques années, une notice sur la méthode
chinoise de colorer le thé à l'aide du plâtre et du bleu de Prusse, procédé
que les Chinois emploient pour satisfaire le goût dépravé des Anglais et
des Américains. J'essaierai aujourd'hui de vous décrire un procédé beau-
coup plus agréable et plus rationnel, à savoir celui de parfumer le thé. Ce
qui prouve la vérité de ce que j'avance, c'est la valeur respective de ces
deux opérations aux yeux des Chinois; en effet, s'ils colorent le thé,
c'est uniquement celui qu'ils vendent, tandis qu'ils consomment eux-
mêmes et apprécient extrêmement le thé parfumé. Voici donc une
notice sur cette préparation, empruntée à mon journal.
J'avais pris depuis quelque temps des informations sur les procédés
singuliers employés pour parfumer le thé, mais les réponses 'que j'avais
obtenues, étaient tellement insuffisantes, que j'avais perdu l'espoir
d'apprendre la chose, à moins d'avoir pu voir et juger de mes propres
yeux cette opération. Me trouvant peu après à Canton, j'appris que
cette méthode était mise en usage dans une fabrique de thé de l'île de
Honan. Je fus conduit à celle fabrique par MM. Walkinshaw et
Thorburn, négociants en thé à Canton, et par le marchand chinois à qui
elle appartenait. J'étais par conséquent dans les meilleures conditions du
monde pour m'instruire à fond sur cette merveilleuse industrie. A
notre entrée dans la fabrique, une scène remarquable s'offrit à nos yeux.
Toute la place était remplie de femmes et d'enfants occupés activement
à séparer du thé noir les tiges et les feuilles brunes ou jaunes. Ce
travail est payé à raison de 6 cash la boite, et chacun des travailleurs
peut gagner par jour environ 60 cash. Toute cette scène me rappelait
la grande fabrique de cigares du gouvernement à Manille. Des hommes
étaient occupés à livrer le thé à l'état brut, puis à le reprendre purifié.
Avec chaque quantité de thé, on donnait une marque en bois qui devait
être rendue avec elle. Dans les provinces septentrionales, on pèse les
feuilles avant et après l'opération , afin d'empêcher les fraudes, qui sont
assez fréquentes. Je ne remarquai pas à Canton la même précaution.
Plus loin, beaucoup d'autres ouvriers travaillaient à faire passer le thé
par des cribles de diverses grandeurs, afin d'en séparer les graines, et
aussi pour trier les diverses variétés de thé. Cela se faisait en partie au
moyen d'une machine à secousses, de construction analogue à celles que
les cultivateurs emploient chez nous pour cribler le grain. Après avoir
/
— 302 —
jeté un coup d'œil sur ces opérations, je dirigeai mon attention sur la
manière de parfumer, qui était le véritable but de ma visite, et que je
vais essayer de décrire.
Dans un coin du bâtiment se trouvait un grand tas de fleurs d'oranger
qui remplissaient l'air du parfum le plus délicieux. Un homme était
occupé à les cribler pour en séparer les étamines et autres petits or-
ganes, opération nécessitée par l'obligation où l'on est de séparer les
fleurs après qu'elles ont communiqué leur parfum au thé. Sur 100
parties, on en utilise 70, et on en rejette 30. Quand on emploie
des fleurs d'oranger, elles doivent être tout-à-fait épanouies, afin
d'avoir tout leur parfum ; mais, quand on se sert de fleurs de jasmin,
on peut les prendre en boutons, et elles s'épanouissent et exhalent
leur parfum', tandis qu'elles sont mêlées au thé. Quand les fleurs
ont été tamisées de la sorte, elles sont propres à être employées. Pen-
dant ce temps, on sèche soigneusement le thé qu'on doit parfumer.
Il est bon de remarquer qu'à cette époque de l'opération , le thé est sec,
tandis que les fleurs d'oranger sont absolument comme si elles venaient
d'être cueillies. Alors on mélange de grandes quantités de thé avec les
fleurs, dans le rapport de 40 livres de fleurs à 100 livres de thé. On
laisse le tout ensemble pendant 24 heures. Ce temps écoulé, on sépare
les fleurs du thé; on y parvient aisément par des criblages et des van-
nages réitérés. Il arrive cependant que l'on trouve en Angleterre quel-
ques-unes de ces fleurs restées dans le thé. D'autre part, une petite
quantité de thé reste attachée aux fleurs humides; on les donne généra-
lement aux pauvres, qui les séparent à la main.
Pendant cette partie de l'opération, les fleurs ont imprégné les feuilles
de thé d'une forte dose de leur odeur; mais elles y ont aussi laissé une
certaine quantité d'humidité qui doit nécessairement être séparée. Cela
se fait en exposant le thé sur des corbeilles et des claies, à la chaleur
d'un petit feu de charbon de bois. Le parfum communiqué au thé est
très-faible pendant un certain temps, mais il reparaît comme l'odeur
propre du thé, après que celui-ci est resté en paquets huit à quatorze
jours. On répète l'opération, si l'on juge que le parfum n'est pas suffi-
sant; et le facteur de la fabrique me dit que quelquefois il parfumait
deux fois avec des fleurs d'oranger, et une fois avec du Mo-le (Jasminum
sambac) .
Les Chinois se servent, pour parfumer le thé, de diverses plantes,
dont quelques-unes passent pour supérieures aux autres, et qui
ne se trouvent pas toutes dans la même saison de l'année. La
chose m'ayant paru digne d'attention, j'ai eu soin de me procurer
les noms chinois de ces plantes, et d'établir, par un examen attentif,
— 303 —
leur corrélation avec les noms scientifiques. La liste suivante a été
faite avec le plus grand soin, et est d'une entière certitude. J'ai indiqué
par des chiffres le mérite relatif de chaque plante aux yeux des
Chinois, et par des astérisques, celles qu'ils emploient ordinairement
à parfumer le thé destiné à l'étranger.
1 — Rose odorante . . . .en Chinois : Tsing-moi-qni hwa.
1 ou 2 — Prunier à fleurs doubles « Moi hwa.
* 2 — Jasminum sambac ... » Mo-le hwa.
* 2 on ô — Jasminum paniculatum . » Sieu-hing hwa.
*4 — Âglaia odorata .... » Lan hwa, ou Ju-tschu-lan hwa.
5 — Olea fragrans » Kwei hwa.
* 6 — Oranger » Chang hwa.
* 7 — Gardénia florida. ... » Pak-sema hwa.
On a assuré qu'on employait aussi fréquemment des Chloranthus.
C'est une erreur qu'il faut probablement attribuer à la ressemblance du
nom chinois de cette plante (Tschu-lan) , avec celui de V Aglaia odorata
[Lan ou Ju-tschu-lan).
Les différentes fleurs que je viens d'énumérer, ne s'emploient pas
dans les mêmes proportions. Pour 100 livres de thé, on prend 40 livres
de fleurs d'oranger, ou 100 livres d' Aglaia odorata, ou 50 livres
de Jasminum sambac. Les fleurs de Sieu-hing (Jasminum paniculatum)
s'emploient d'ordinaire en mélange avec celles de Mo-le (J. sambac), dans
le rapport de 10 livres des premières pour 30 des secondes, et les 40
livres du mélange suffisent pour 100 livres de thé. Le Kwei-hwa (Olea
fragrans) est surtout en usage dans les contrées septentrionales pour
donner le parfum à une variété rare et chère , le Hyson-Pecco, qui
fournit une boisson exquise et très-roborante, si on la prend à la chi-
noise, c'est-à-dire sans sucre ni lait. La quantité de fleurs employées
me parut très-grande, et je m'informai si le thé parfumé n'était pas
ensuite mêlé à de grandes quantités de thé non parfumé. Les Chinois
répondirent, sans hésiter, qu'il n'en était rien; mais je dois dire qu'en
dépit de leur assertion, il me reste encore des doutes sur ce point (1).
La durée du temps pendant lequel le thé retient le parfum qu'on lui a
donné, est réellement surprenante. Elle varie avec les espèces. Le thé à
Y Olea fragrans, par exemple, ne se conserve bon qu'un an ; au bout de
la seconde année, le parfum a complètement disparu, et est remplacé
par une odeur oléagineuse particulière et désagréable. Le thé aux fleurs
d'Oranger ou de Mo-le se conserve deux ou trois ans, et le thé au Sieu-
(1) M. Fortune ne mentionne pas. au nombre des plantes odorantes servant à par-
fumer le thé, le CamcUia sasanqna, cité par les voyageurs qui, avant lui, avaient dit
quelques mots de cette industrie. A. De B.
— 304 —
Iring, de (rois à quatre «ans. Le thé à YAglaia conserve son parfum plus
qu'aucun autre, savoir : pendant cinq à six ans. Le thé au Sieu-hing est
celui que les étrangers doivent le plus estimer, bien que les Chinois le
considèrent comme un thé de deuxième ou de troisième classe.
Le thé parfumé pour l'étranger se prépare à peu près uniquement à
Canton et est connu des marchands sous les noms «d'Orange-Pecco par-
fumé,» et de « Kaper parfumé. » Ces espèces croissent dans la province
de Canton, à Tai-shan, ou dans les environs. M. Walkinshaw m'a appris
qu'on avait aussi parfumé pour le commerce anglais d'autres espèces de
thé, tant noir que vert, mais que ces essais n'avaient pas réussi. Le thé
Kaper est au thé noir , ce que le thé Impérial et le thé Perle sont au thé
vert; il prend pendant la manipulation la forme de globules, et se sé-
pare aisément des autres feuilles par les cribles et les vans. C'est une
erreur assez commune de croire que les thés Impérial, Perle et Kaper
se fonten roulant à la main une à une des feuilles de thé vert ou de thé
noir. Une semblable opération leur donnerait un prix bien plus élevé
que celui qu'ils ont. On calcule qu'une récolte de thé donne 70 o/o
d'Orange-Pecco, 25 o/o de Souchong, et 5 o/o de Kaper. La quantité de
véritable Kaper doit être par conséquent très-restreinte; mais on a beau-
coup de moyens de l'augmenter par des manipulations particulières.
Dans une grande fabrique comme celle de Canton, il reste nécessai-
rement après le criblage de l'Orange-Pecco, du Kaper et du Souchong ,
une quantité considérable de poussière et de déchets de thé. On les vend
à bas prix dans le pays, et sans doute on leur rend souvent avec de la
terre et d'autres ingrédients une certaine apparence, pour former ce
qu'on vend actuellement en Angleterre sous le nom de lie tea (thé men-
teur). Rien ne se perd en Chine. Les tiges et les feuilles vertes triées
par les femmes et les enfants trouvent du débit dans le pays; et les fleurs,
après avoir cédé leur parfum, sont données aux pauvres qui parviennent
encore à en détacher quelques feuilles de thé échappées aux machines
qui servent à la séparation. Certaines fleurs, comme celles d'Aglaia,
sont séchées, après avoir été séparées du thé, et servent à préparer
le bâton odorant, qui joue un si grand rôle dans les cérémonies reli-
gieuses de celte nation.
Il résulte de ces recherches qu'outre les fleurs employées par les
Chinois, il en est beaucoup d'autres qui pourraient remplir le même
but; et, dans un pays comme les Indes, où vraisemblablement on cul-
tivera le thé sur une grande échelle, il sera possible de faire des essais
pour le parfumer avec toutes sortes de Jasminées, d'Aurantiacées, de
Daphnées, et d'innombrables plantes odorantes de ces climats.
74.
Cyprès chauve on Taxodium dis Hélium.
PI. 75
-
S a ko- (Jothaea ro msp icua
— 805 —
ARBORICULTURE.
LE CYPRÈS CHAUVE, ou TAXODIER DISTIQUE.
Taxodium distichum, Rich. ,
Par M. Edouard Morren.
Faïu. des Conifères § Cupressi liées. PI. IL Monœcic Mouadclphie.
Le Cyprès chauve a été introduit en Angleterre avant 1640, puisque
Parkinson (1) , qui écrivit la même année, parle d'un cyprès d'Amé-
rique, introduit de la Virginie par Tradescant, et qui est la même plante
que celle que l'on nomme aujourd'hui Taxodium distichum. Miller, dans
ses Dictionnaire des Jardiniers de 1731 et 1752, cite des Cyprès chauves
(Cupressus disticha) qui avaient, dès cette époque, atteint des dimen-
sions considérables. Dans l'édition de 1731, il dit de cet arbre : « On est
d'ailleurs assuré que cette espèce est fortdure, d'après quelques individus
qui ont été autrefois apportés en Angleterre et qu'on voit encore au-
jourd'hui dans quelques jardins, et particulièrement dans ceux de Jean
Tradescant, à l'Ambeth méridional, près du Wauxhall , où l'on en
trouve un, entre autres, qui a plus de trente pieds de hauteur, et qui est
d'une grosseur considérable, quoiqu'il soit dans une cour ordinaire, où
l'on n'en prend aucun soin , et dans lequel on ■ enfoncé plusieurs cro-
chets pour y attacher des cordeaux de lessive. Cependant cet arbre est
fort sain et vigoureux, mais il n'a pas encore produit de fruit jusqu'à
présentée qui peut être occasionné par le manque d'humidité; car nous
voyons souvent des plantes aquatiques élevées dans un sol sec, où elles
produisent rarement autant de fleurs ou de fruits que celles qui restent
dans l'eau. » Dans l'édition de 1752, il ajoute : « On voit aussi un de ces
arbres assez gros dans le jardin d'Abraham Janssen , à Wimbleton , en
Surrey, qui a produit une grande quantité de cônes qui, dans les années
favorables, ont donné des semences parfaitement mûres et aussi bonnes
que celles qu'on apporte de l'Amérique. On a transplanté cet arbre,
lorsqu'il était déjà fort grand, dans un sol sec et stérile, ce qui a arrêté
son accroissement; car, depuis, il fait très-peu de progrès. »
Humboldt mentionne des cyprès plantés au Mexique , dans les jardins
des empereurs , avant la conquête des Espagnols , et qui paraissent ap-
partenir à l'espèce qui nous occupe. Un d'entre eux, connu sous le nom
(I) Park. Theat.,elc., p. 1477.
1ÎI.IC IIORT. T. VI. 20
— 306 —
de Cyprès de Montézuma, et croissant dans les jardins de Chapultepec,
près de Mexico, avait déjà atteint toute sa croissance en 4520; son tronc
mesurait 13 mètres de circonférence. Un autre, existant à Santa-Maria
de Tula, près d'Oaxaca, avait 39 mètres de circonférence.
Dès 1640, Parkinson doutait que cette conifère fût un véritable cyprès,
comme on la nommait alors, et pensait qu'on l'avait considérée comme
telle, seulement à cause de l'odeur de son bois. Elle fut cependant classée
par Linné et les botanistes qui le suivirent dans le genre Cupressus, jus-
qu'à ce que L. C. Richard (1) en fit un genre nouveau, Taxodium, nom
qui rappelle que les feuilles ont la même disposition que celles des ifs
(Taxus). Deux années plus tard, MM. Mirbel et Schubert en firent le
sujet d'une description nouvelle sous le nom générique de Schubertia (2) ;
mais celui de Taxodium ayant la priorité, a été admis dans la science.
Cependant le genre primitif de Richard a été réduit plus tard par Endli-
eher, qui a formé à ses dépens le genre Glyptostrobus pour le Taxodium
hcterophyllum Brong.
Les Taxodiers sont des arbres de l'Amérique septentrionale, s'étendant
du 20° au 45° de latitude boréale ; les uns atteignent de très-grandes
hauteurs , les autres restent à l'état d'arbustes. Leurs branches sont
souvent pendantes, les feuilles étroites, caduques, alternes et distiques.
L'espèce la plus importante est le T. distichum Richard, vulgairement
appelé Cyprès chauve, Cyprès de la Louisiane. Il peut atteindre 120 pieds
d'élévation, et son tronc mesurer 25 à 40 pieds de circonférence. Les
ramilles sont très-délica\es et ressemblent, avec leurs feuilles étroites,
caduques et d'un vert gai, à des feuilles pinnées d'acacia. Les chatons
mâles sont petits et forment une sorte d'épi pendant ; les femelles sont
globuleux. Les fruits sont durs, de la grosseur d'une petite noix, arrondis,
formés d'écaillés épaisses, légèrement striés, chagrinés en dehors. Les
graines sont ligneuses , comprimées , irrégulières , quelquefois un peu
prolongées en forme d'arête au-delà des bords ; elles mûrissent en oc-
tobre et peuvent se conserver deux ans.
L'arbre est d'un aspect pyramidal pendant sa jeunesse, mais lorsqu'il
a atteint tout son développement, sa cime est large, étalée et rappelle
le port d'un vieux cèdre du Liban ; il est rare de lui voir celte forme en
Europe. Les Taxodiers distiques qui croissent sur le bord des rivières ,
et qui se trouvent pendant la moitié de l'année avoir leur base baignée
par l'eau ont l'écorce plus pâle que celle de ceux qui vivent dans des en-
droits secs, leur bois est aussi plus pâle, moins résineux et moins lourd :
(1) Annales du Muséum. T. XVI, p. 209.
(-2) Ifouv. Bulletin de In Soc. Philom. III, p. l-'ô.
— 307 —
on les nomme Cyprès blancs dans les Carolines et eu Géorgie. Les
antres, qui ont l'écorce plus foncée, le bois plus résineux et d'une
pesanteur spécifique plus grande, sont appelés Cyprès noirs, et sont
même parfois portés dans les catalogues sous le nom de Taxodium dis-
tichum nigrum , mais on voit que l'on peut à volonté obtenir des Cyprès
noirs à l'aide de Cyprès blancs et vice-versa. Le bois du Cyprès chauve
est d'un grain fin et devient, après avoir été exposé quelque temps à
l'air, d'une couleur rougeâtre; il est d'une grande force, très-élastique,
moins résineux que celui des pins et résiste bien à la chaleur et à l'hu-
midité. Le feuillage est léger, clair, d'une teinte très-agréable; à l'au-
tomne il devient rougeâtre, avant de tomber.
Le Cyprès chauve atteint en Amérique les plus grandes dimensions
dans les marécages des provinces méridionales et des Florides, dont le
sol fangeux est chaque année submergé parles inondations; le tronc
peut y acquérir 40 pieds de circonférence à la base, mais cette partie
est, il est vrai, au moins trois fois plus épaisse que le reste du tronc ;
elle est ordinairement creusée aux trois quarts de sa grosseur et sa sur-
face est sillonnée longitudinalement de cannelures tortueuses, elle n'est
d'aucune valeur, et l'arbre est toujours abattu à 5 ou 6 pieds au-dessus
du sol.
Une particularité très-curieuse que présente le Taxodier distique ,
est l'existence des protubérances ou exostoses coniques qui naissent des
racines secondaires horizontales , sur les vieux individus et s'élèvent
quelquefois à 2 mètres au-dessus du sol. Ces singulières productions ne
se montrent que sur les vieux arbres de 8-12 mètres, plantés aux bords
des eaux , dans des marécages ou dans les lieux susceptibles d'être
inondés; elles s'élèvent verticalement, ont l'écorce lisse , rousse ou bru-
nâtre comme celle des racines, et sont creuses intérieurement. Jamais
elles ne se couvrent de végétation, et Michaux nous dit qu'il n'est jamais
parvenu à leur faire pousser des racines ni des feuilles. Les nègres s'en
servent pour faire des ruches d'abeilles. M. Carrière rapporte que les
Taxodiers du Parc de Fontainebleau, placés dans le voisinage d'une ri-
vière, montrent un grand nombre de ces protubérances, les unes for-
mantdans l'eau et le long des rives une sorte de mur naturel ; les autres
s'étendant à 6-8 mètres de distance, et tellement abondantes qu'il est
impossible de faucher la prairie qu'elles ont envahie. Mais près d'Or-
léans, à Olivet, des Taxodiers âgés de près de 40 ans n'ont pas encore
montré d'exostoses. 11 en est de même au château de Cheverny près
Blois (Gher et Loire) où plusieurs individus de 20 à 22 mètres de hau-
teur, sur 2 mètres de circonférence, plantés sur le bord d'un étang,
n'ont encore donné que quelques petites protubérances sur les racines
les plus voisines de l'eau.
— 308 —
M. Carrière, dans son excellent Traité général des conifères, 18S5j p.
149, ajoute :
« Cet arbre habite et recherche principalement les lieux fangeux; et
des marais d'une étendue considérable, couverts de ces arbres, ont
reçu le nom de Cyprières. Mais pour qu'ils acquièrent de grandes dimen-
sions, il faut que les marais aient beaucoup de profondeur, car lorsqu'ils
reposent sous un sous-sol quartzeux et peu profond, ils ne s'élèvent
guère au-delà de 8-15 mètres. En raison des qualités de son bois, le
T. distichum est l'un des arbres les plus précieux des Etats-Unis; il
joint à une grande solidité une élasticité considérable et une incorrup-
tibilité qui le font très-rechercher à la Louisiane, où on le préfère à tout
autre, tant pour la charpente que pour l'industrie; on en exporte an-
nuellement une grande quantité aux Antilles. S'il ne jouit pas des mêmes
avantages en Europe qu'aux Etats-Unis, il n'est cependant pas sans in-
térêt; il est même probable qu'il donnerait d'assez beaux produits, si
on le cultivait dans les terrains fangeux et chauds de la France mé-
ridionale, soit clans la Camargne ou dans les endroits les plus humides
des Landes de Bordeaux. Il suffirait de planter les arbres sur les bords
des fossés; l'on pourrait ainsi utiliser avantageusement des terrains qui,
jusqu'à présent, sont restés à peu près improductifs.
» Comme arbre d'ornement, le T. distichum présente d'autres avan-
tages : il a le mérite d'être très-rustique et de supporter facilement nos
hivers les plus rigoureux. Planté près des étangs, il en orne admirable-
ment les rives, et produit, par son feuillage aussi léger qu'élégant, le
plus agréable effet. Ses racines forment par leurs protubérances, quand
les arbres sont rapprochés de l'eau , une sorte de digue naturelle, du
coup d'œil le plus pittoresque. »
Ajoutons que nous connaissons aux environs de Liège plusieurs
T. distichum d'un âge et de dimensions assez considérables pour
prouver que le climat de Belgique leur est très-convenable. Ces arbres
ne sont cependant pas plantés dans leurs conditions de végétation na-
turelle; on doit les placer dans les endroits les plus humides et il serait
à désirer que l'on fit l'essai de plantations de Cyprès-chauves dans les
marais de la Campine; nous pensons qu'ils y prospéreraient comme
les mélèzes le font dans les endroits secs et arides. Les graines sont
traitées comme celles des Cyprès, et elles germent dès la première
année. L'arbre peut aussi être multiplié de boutures faites en automne.
Un moyen facile do les faire reprendre est de les mettre dans de l'eau
avec un pouce de terre au fond du vase; les rameaux émettront des
racines qui viendront se développer dans cette terre; dès lors les jeunes
plantes peuvent être traitées à la manière ordinaire.
— 309 —
SAXL-GOTILEA CONSPICUA,
Ou Saxe-Gotha distingué, conifère de pleine terre,
Par M. Edouard Morren.
(Voy. PL 75.)
M. le Dr Lindley vient, dans le Journal de la société d'horticulture de
Londres, d'attirer l'attention sur une nouvelle conilére rustique, le
Saxc-Gothœa conspicua, dont le nom est l'un des titres de François-
Albert-Auguste-Charles-Emmanuel, prince de Sa^e-Cobourg et Gotha,
époux de la reine Victoria. C'est un fort bel arbre vert, haut de trente
pieds et découvert par M. Lobb sur les Andes de Patagonie près des
neiges éternelles avec le Podocarpus nubigena, le Fizt-lioya patagonica,
le Libocedrus telragona, etc. Son climat est beaucoup plus rigoureux
que le nôtre, de sorte qu'il croit avec vigueur depuis quatre ans à Exeter,
chez MM. Veitch, en plein air sans aucune sorte d'abri.
On peut décrire les Saxe-Golhœa, dit M. Lindley, comme des végétaux
à Heurs mâles de Podocarpus, à fleurs femelles de Dammara, aux fruits
de Juniperus, aux graines de Dacrydium et à l'aspect d'un Taxus. Leurs
fruits charnus, composés d'écaillés cohérentes, renfermant la graine et
formant ce que l'on nomme une galbule, les placent près des Juniperus,
dont ils diffèrent d'autre part par lesanthères non peltées, parla présence
de plus d'un rang d'écaillés parfaites dans le fruit et par ses ovules à deux
téguments au lieu d'un seul. Sous ce dernier rapport ils se rapprochent
des Podocarpus et particulièrement des Dacrydium, mais le tégument
extérieur de la graine est une membrane abortive et incomplète, enve-
loppant seulement la base de la graine. Sir William Hooker comparait
les Saxe-Golhœa à un Podocarpus avec les fleurs en cône; il fut sans
doute conduit à ce rapprochement par la nature de l'ovule, et c'est le
moyen le plus philosophique de comprendre la nature de ce singulier
genre. Les Saxe-Golhœa offrent beaucoup d'intérêt en formant le
passage direct des Taxodium à Heurs solitaires aux cônes imbriqués
des véritables conifères.
Les feuilles ont en général les dimensions et L'apparence de l'if
commun, le Taxus baccata; mais elles sont glauques en dessous, ex-
cepté sur la nervure médiane et sur deux ligues étroites en dedans des
bords, qui sont d'un pâle vert. Les fleurs mâles consistent en épis ter-
minaux plus ou moins allongés et présentant â la base quelques écailles
concaves et acuminées qui forment une sorte d'involucre (PI. 75, lig. 2).
Chaque fleur consiste en une anthère solitaire membraneuse, présen-
tant un appendice lancéolé, acuniiné et réfléchi cl deux loges parallèles
— 310 —
s'ouvrant longitudinalement (fig. 3). Les Heurs femelles (lig. 4) forment
un petit cône arrondi , pédoncule, terminal à écailles imbriquées, char-
nues , fermes, lancéolées, soudées ensemble à la base où elles forment
un centre solide; toutes semblent être fertiles, et elles portent (fig. 5)
dans une petite fossette, au milieu de la face interne, un ovule réfléchi,
qui, d'après M. Clarcke,a la même structure que celui des Gnetum et qui
aurait trois téguments; l'interne prolongé en une sorte de stigmate n'est
pas aussi manifeste que chez les Gnetum et que M. Lindley avait consi-
déré comme une simple expansion du nucelle à travers le hile. L'enve-
loppe externe est libre , mince et entoure l'ovule de telle sorte que ses
deux bords ne peuvent pas se rencontrer à la partie inférieure de l'ovule,
en d'autres termes , cette enveloppe présente une fissure vers sa face
inférieure; le tégument moyen est charnu et épais. Le fruit (fig. 6) est
formé par la consolidation des écailles libres du cône en une masse
charnue , déprimée, à surface irrégulière par l'avortement des écailles
stériles. La graine (fig. 7) est une noix délicate d'un brun pâle, luisante,
ovale, avec deux petites côtes et un hile large et irrégulier; à la base on
retrouve une membrane mince et courte qui représente le tégument
externe de l'ovule.
MÉDAILLE D'OR
DECEKNLE
A LA BELGIQUE HORTICOLE,
Par la Société Impériale et Centrale d'Horticulture de Paris.
RAPPORT DE M. MOREL,
Premier Vice-Président de la Société.
Messieurs,
Vous avez renvoyé à l'examen d'une Commission composée de MM.
Vilmorin, Duchartre, Pépin et Morel, les quatre premiers volumes d'un
ouvrage périodique ayant pour titre : la Belgique horticole, Journal des
jardins, des serres et des vergers.
Cette publication , fondée en 1850 par M. Ch. Morren, qui en est le
rédacteur, est imprimée en beaux caractères et en format grand in-8" ,
illustrée d'un grand nombre de planches, soit coloriées, soit xylogra-
— 311 —
phiées. Pour mieux vous faire connaître les bases sur lesquelles repose
le plan de cet ouvrage, nous mettrons sous vos yeux les matières prin-
cipales qui concourent à sa composition.
Horticulture ou culture, multiplication et description des plantes;
Revue des plantes nouvelles ;
Littérature botanique et borlicole;
Histoire des plantes curieuses ;
Physiologie;
Horticulture de salon ;
Architecture des jardins; constructions ;
Meubles de jardin et instruments de jardinage ;
Arboriculture, pomologie et jardin fruitier ;
Culture maraîchère;
Pathologie végétale, ou maladies des plantes;
Animaux nuisibles ou utiles.
La culture des plantes de salon est très-remarquablement exposée;
les vignettes très-nombreuses qui la figurent sont parfaitement exé-
cutées. Les végétaux appropriés à ce genre de traitement y sont repré-
sentés dans des jardinières , des corbeilles et dans des lampes et vases
suspendus.
Plusieurs plans et dessins pour la composition des jardins souttrès-
recommandables.
Les nouveautés soit en plantes tleuries, soit en fruits, y sont repré-
sentées par des planches coloriées dont le nombre et d'environ 50 par
volume.
L'iconographie n'est pas généralement le côté par lequel se distinguent
les publications périodiques de l'horticulture, et à cet égard la Belgique
horticole fait exception à la règle ; les planches xylographiées, qui sont
en grand nombre (environ 80 par vol.), sont bien exécutées.
Les limites de ce rapport ne nous permettent pas de passer en revue
tous les articles qui méritent d'être signalés; nous nous bornerons à ne
citer qu'un très-petit nombre de ceux que nous relevons dans chacun
des quatre volumes :
Monographie des Cypripedium cl des Penstemon;
Histoire médicale, botanique et horticole des Nymphéa.
Culture des plantes aériennes pour salons;
Id. du chou marin en Belgique;
Description d'un jardin à Heurs harmoniques, de grandeurs, formes
et couleurs. Cette notice sur la disposition des Heurs pour en faire res-
sortir les nuances, est d'un grand intérêt pour apprécier l'effet qu'elles
produisent en massifs homogènes ou hétérogènes ;
— 312 —
Décoration des arbres fruitiers comme moyen {tour les luire fructifier;
De la greffe par application ;
De la supervégétation chez les pommiers;
Sur les Nepenlhès et plantes à amphores ;
Osphrésiologie des plantes; odeur posthume de l'Orchis mâle;
Moyens de faire produire aux plantes leurs feuilles, fleurs et fruits à
des époques déterminées d'avance ;
Sur la culture de la vigne, par M. Charmeux ;
Théorie des couleurs chez les végétaux;
De l'horticulture considérée comme science sociale, morale, artistique
et littéraire.
L'auteur a, en outre, disséminé dans son ouvrage quelques notices
aussi spirituelles qu'intéressantes; elles ont l'avantage de reposer le lec-
teur d'une attention soutenue en mettant sous ses yeux des faits amu-
sants et instructifs.
M. Ch. Morren, rédacteur de la Belgique horticole, est depuis long-
temps avantageusement connu comme botaniste et comme horticulteur.
Cette publication ne pouvait donc tomber en de meilleures mains, et
nous n'hésitons pas à dire que les nombreuses leçons de théorie et
de pratique répandues dans son livre ne sont pas au-dessous de la
réputation de son auteur. Cette publication est du nombre de celles
qui doivent être entre les mains des amateurs d'horticulture. Ils pour-
ront y puiser des instructions utiles et y rencontrer un guide expéri-
menté pour leurs travaux.
Votre mission, Messieurs, étant d'encourager tout ce qui contribue
aux progrès de la science horticole, nous nous résumons en vous pro-
posant de renvoyer ce rapport au Comité des récompenses.
La Commission des récompenses, composée de MM. Garnon, prési-
dent, Pépin et Rousselon, statuant sur ce rapport, a conclu de la ma-
nière suivante :
Notre premier vice-président , M. Morel, vous a rendu un compte dé-
taillé de la Belgique horticole , Journal des jardins, fondé en 1850, par
M. Ch. Morren, qui en est le rédacteur. M. le rapporteur en fait res-
sortir le mérite, et considère cette publication comme tout-à-fait digne
d'être lue et étudiée par les amateurs d'horticulture. Il demande aussi
qu'une récompense soit offerte à M. Morren.
La Commission vous propose de décerner à M. Morren une médaille
d'or. (Accordé.)
9
rieur cl fruits (ces derniers moitié <lo grandeur uaturelle ) du
\ au il la G ma ucu si s Smllô.
— 3 la —
HISTOIRE DES PLANTES UTILES.
HISTOIRE DE LA VANILLE ,
Considérée comme un produit nouveau des Indes-Orientales (1),
Par M. H. De VR1ESE, Professeur à Leydc.
ANALYSE ET TRADUCTION
Pau M. Edouard Morren.
Il est a remarquer combien il reste encore
de connaissances positives à acquérir sur
certains articles du commerce, qui forment
cependant la base d'importantes spéculations,
cl que nous fournit la nature végétale.
(Desvaux.)
L'auteur de cet important travail, après avoir fait ressortir l'utilité de
l'étude des plantes et des produits naturels en général pour le commerce
et l'industrie, rappelle les célèbres découvertes de Robert Brown, en
1821, sur la fructification des Orchidées qui ont eu pour résultat de
provoquer la fécondation artificielle de la Vanille, d'abord au jardin
botanique de Liège, puis dans différentes contrées intertropicales. Il se
propose de donner l'histoire de la Vanille, mais sans se dissimuler les
nombreuses difficultés que présente ce genre de recherches par suite
de la difficulté de communication, des descriptions incomplètes des au-
teurs et des spécimens d'herbiers dépourvus de certains organes impor-
tants. La Vanille est aujourd'hui généralement connue; elle entre dans
la composition d'un grand nombre de préparations que le luxe invente
et multiplie. La liqueur fine connue sous le nom de crème de Vanille,
beaucoup de sucreries, les meilleures qualités de chocolat consomment
une grande quantité de cette épice qui semble être devenue indispen-
sable. On est étonné en parcourant les statistiques, de voir quel chiffre
élevé atteint la consommation annuelle, et on reconnaît que lu plus
grande partie est absorbée par les cafés des boulevards de Paris.
On s'est trop pressé de croire à une relation entre l'introduction de
la Vanille en Europe et celle du chocolat. Cette assertion n'a rien dç
certain et il est beaucoup plus probable que la Vanille et la Cochenille
ont été introduites toutes deux en 1510 du Mexique en Europe, tandis
que le chocolat n'a été apporté qu'en 1520. Il parait que les Espagnols
(1) Tuinbouw-flora van Nedcrland. Vol. II, li\. 2,5,4, 185G.
— 314 —
sont les premiers des Européens qui aient appris à mêler la Vanille au
Cacao pour en faire un chocolat aromatique (1).
Le professeur de Leyde, Charles de l'Ecluse, écrit (2) qu'il a reçu en
1602 de la Vanille de Hugo Morgan qui était pharmacien de la reine
Elisabeth. Il nomma ce fruit : « lobus oblongus aromaticus . »
L'histoire botanique de la Vanille et la connaissance de la découverte
des espèces sont très-obscures; les descriptions et les représentations
des anciens auteurs sont très-imparfaites. Ce que l'on trouve dans les
herbiers, sans fleurs ni fruits, n'est d'aucun secours, puisque ces organes
sont indispensables pour fixer les espèces, et l'on sait que ce genre en
compte plusieurs.
On trouve des iconographies et des descriptions de Vanilles dans Plu-
kenet, Plumier et Merian, mais les plantes décrites par ces auteurs
appartiennent sans aucun doute à différentes espèces que Linné (3) a
cependant réunies en une seule qu'il décrit comme suit : plante grim-
pante, à feuilles ovales oblongues, nervées, sessiles, caulinaires, à vrilles
spirales (4). Excepté dans sa Materia medica, Linné ajoute : Royeni
Hortus Lugduno-Batavus , Merian et Plumier.
On lit ce qui suit dans Mmc Sybille Merian : « C'est l'espèce la plus
» grande de Vanille ; deux espèces croissent à Surinam, une autre est
«un peu plus petite de feuilles et de fruits, les feuilles sont épaisses d'un
«doigt, elle s'attache aux arbres comme la Clématite d'Europe, les ra-
«meaux et les feuilles sont verts comme l'herbe, les fruits verts ressem-
blent à une gousse de haricot (5) et sont remplis de graines oléagineuses
»et odorantes. Elle croit dans les bois sur les arbres les plus élevés, de
«préférence sur ceux qui vivent dans les terrains marécageux ou Int-
imides; on connaît son usage pour le chocolat, mais il est regrettable
«qu'il n'y ait pas dans le pays des hommes curieux qui aillent à la re-
» cherche de produits analogues, qui sans doute existent dans cette vaste
»et riche contrée. C'est le Volubilis siliquosa Mexicana foliis plantaginis
»de Rajus, le Fililxoclitil, flos niger et aracus aromaticus de Hernandez
«dans son Historia Mexicana et le Vahilla flore viridi et albo fructa
y>nigrescente de Plumier dans son Nova plantarum gênera. »
«Ce végétal est encore représenté dans différents auteurs sous plu-
(1) Le célèbre Linné a publié un écrit sur le potns cliocolatus, auquel il allie
aussi la Vanille, mais il ne s'explique pas sur l'époque de l'introduction. Amœnitates
Acadcmicœ 1765.
(2) ExolicorHin libri IX, p. 72, 1605.
(ô) Species plantarum 1547.
(4) « Epidendrum Vanillée, scandais-, foliis ovato-oblongis, uervosis, sessilibus,
caulinis, cirrhis spiralibvs. «
(5) Va u il la guiauensis Splilg ?
— 315 —
«sieurs autres noms que l'on peut trouver dans le Almagestwm bota-
»nicumde Plukenet, p. 381 (1). »
La plante de Blérian n'est cependant pas celle qui produit les Vanilles
du commerce, comme nous le prouverons.
La description de Plumier est conforme au Vanilla planifolia Andr.
surtout pour la couleur verte et blanche des fleurs (2); il semble ce-
pendant qu'il a encore connu une autre espèce, mais elle n'est pas suf-
fisamment désignée.
Linné a établi son Epidendrum Vanilla d'après la planche et la des-
cription de Plumier. On a pensé que la plante de Plumier était la même
que le Vanilla aromatica Sw.,maiscette espèce est peu connue et Lindley
croit improbable que les fruils du commerce proviennent d'elle; ils ap-
partiennent, sinon toujours, au moins le plus souvent, au Vanilla plani-
folia Andr. M. Robert Biwb (H&rtus Kewensû) les rapporte au Vanilla
aromatica mais sans citer de preuves à l'appui. Il est aussi établi par les
expériences de M. Charles Morren et d'autres, que les fruits du Vanilla
planifolia ne sont pas inodores.
M. Schiede, qui a voyagé en Amérique et spécialement au Mexique,
pense que l'on a confondu, sous le nom de V. planifolia, deux espèces
différentes, l'une avec deux sillons (V . sylvestris) , l'autre sans sillons
(V. sativa) sur les fruits.
Selon de Humboldt, les Mexicains se servaient déjà de la vanille, pour
la préparation du chocolat, avant la conquête de l'Amérique par les Es-
pagnols; elle aurait été introduite du Mexique en Europe, en 1510,
comme une substance aromatique, et en 1520, selon le même auteur,
aurait eu lieu l'introduction du cacao, à peu près en même temps que
la cochenille et un peu après le tabac.
De Humboldt et Bonpland (1811) nous révèlent ce qui suit sur le
même sujet (3) :
«L'usage de la Vanille a passé des Aztèques auxEspagnols. Le chocolat
des Mexicains était parfumé de plusieurs aromates, parmi lesquels la
gousse de la vanille occupait le premier rang. Aujourd'hui (1811) les
Espagnols ne font le commerce de cette production précieuse que pour
la vendre aux autres peuples de l'Europe. Le chocolat espagnol ne con-
tient pas de Vanille, et à Mexico même, on a le préjugé de regarder ce
parfum comme nuisible à la santé, surtout pour les personnes qui ont
(1) Do Surinaamsclie insekten, naauwkeurig onderzoelit en in prinl gebragl cloor
.Maria Sybilla Merian, Amsterdam 1730, p. 20, Afl. XXV.
(2) Plum. nov.gen. pi. Amer. p. 23. ej. pi. Amer, t'aseiculus VIII, p. 18ô. Il dit
Vanilla flore viridi et albo; lructii nigricanle.
(3) Voyage de Humboldt et Bonpland, III* partie. Essai politique sur le royaume
de la Nouvelle-Espagne, t. III, p. 198. Paris 1811.
— 316 —
le système nerveux très-irritable. On entend dire gravement que la
vanille cause des maux de nerfs {la baynila du pasmo). Il y a peu d'an-
nées qu'à Caracas on disait la même chose de l'usage du cale , qui com-
mence cependant à s'y répandre parmi les indigènes.
«Lorsqu'on considère le prix excessif auquel se soutient constamment
la Vanille en Europe, on est étonné de l'incurie des habitants de l'Amé-
rique espagnole, qui négligent la culture d'une plante que la nature pro-
duit spontanément entre les tropiques, presque partout où il y a de la
chaleur, de l'ombre et beaucoup d'humidité. Toute la Vanille que con-
somme l'Europe vient du Mexique, et par la seule voie de Vera-Cruz. On
la récolte sur une étendue de terrain de quelques lieues carrées. Il n'y a
pas de doute cependant que la côte de Caracas, et même la Havane,
pourraient en faire un commerce très-considérable. Nous avons trouvé,
pendant le cours de nos herborisations, des gousses de vanille très-aro-
matiques et d'une grandeur extraordinaire, dans les montagnes de
Caripe, à la côte de Parvie ; dans la belle vallée de Bordones, près de
Cumana ; dans les environs de Portocabello et de Gnaignaza ; dans les
forêts du Turbaco, près de Carthagène des Indes ; dans la province de
Joren, sur les bords de la rivière des Amazones, et dans la Guyane, au
pied des rochers granitiques qui forment les grandes cataractes de l'Oré-
noque. Des habitants de Xalapa,qui font le commerce de la belle Vanille
mexicaine de Misantla, ont été frappés de l'excellence de celle que M.Bon-
pland a rapportée de l'Orénoque et que nous avons cueillie dans les
bosquets qui entourent le llaudal de. Maypure. A l'île de Cuba, on trouve
des plantes de Vanille sur les côtes de Bahia Honda et au Mariel. Celle
de Saint-Domingue a le fruit très-long, mais peu odoriférant ; car sou-
vent une grande humidité, en favorisant la végétation , est contraire au
développement de l'aromate. D'ailleurs , les botanistes voyageurs ne
doivent pas juger de la bonté de la Vanille d'après l'odeur que cette liane
répand dans les forêts de l'Amérique : celle odeur est due en grande
partie à la Heur, qui, dans les vallées profondes et humides des Andes,
est quelquefois longue de quatre à cinq centimètres.
» L'auteur de Y Histoire philosophique des deux Indes (1) se plaint du
peu de notions qu'il a pu se procurer sur la culture de la Vanille au
Mexique. Il ignore même le nom des districts qui la produisent. Ayant
été sur les lieux, j'ai été à même de prendre des renseignements plus dé-
1 aillés et plus exacts. J'ai consulté, à Xalapa et à Vera-Cruz, des per-
sonnes qui, depuis trente ans, font le commerce des Vanilles de Misantla,
( 1 ) Raynal, 1. 11, p. 68, § 16. Thiery de Menonvillc, de la culture du Nopal, p.142.
On cultive aussi un peu de Vanille à la Jamaïque, dans les paroisses de Sainte-Anue
ri '!i' Sainte-Marte. Brown, p. 326.
— 317 —
de Colipa et de Papantla. Voici le résultat de mes recherches sur l'état
actuel de cette branche intéressante de l'industrie nationale.
» Toute la Vanille que le Mexique fournit à l'Europe est recueillie dans
les deux intendances de Vera-Cruz et d'Oaxaca. Cette plante abonde
principalement sur la pente orientale de la cordillière d'Anahnac, entre
les 19° et 20° de latitude. Les indigènes ayant reconnu de bonne heure
combien, malgré cette abondance, la récolte était difficile, à cause de la
vaste étendue du terrain qu'il fallait parcourir annuellement, ont pro-
pagé l'espèce en réunissant un grand nombre de plantes dans un espace
plus étroit. Cette opération n'a pas exigé beaucoup de soin : il a suffi de
nettoyer un peu le sol et de planter deux boutures de Vanille au pied d'un
arbre, ou bien de fixer des parties coupées de la tige au tronc d'un Liqui-
dambar, d'un Ocotea ou d'un Piper arborescent.
» Les boutures ont généralement quatre à cinq décimètres de longueur.
On les attache, avec des lianes, aux arbres sur lesquels la nouvelle tige
doit monter. Chaque bouture donne du fruit la troisième année. On
compte, pendant trente à quarante ans, jusqu'à cinquante gousses par
pied, surtout si la végétation de la Vanille n'est pas arrêtée par la proxi-
mité d'autres lianes qui l'étouflent. La Baynilla amazona, ou Vanille sau-
vage, qui n'a point été plantée par la main de l'homme, croissant dans
un terrain couvert d'arbustes et d'autres plantes grimpantes, porte, au
Mexique, des fruits très-secs et en très-petite quantité.
» Dansl'intendance de Vera-Cruz, les districts célèbres par le commerce
de la Vanille sont la Subdelegacion de Misantla, avec les villages indiens
de Misantla, Colipa-Yacualta (près de la Sierra de Chicunquiato) et Nantla,
appartenant tous jadis à YAlcaldia major de la Antigua; la Jurisdiccion
de Papantla, et celles de Santiago et San Andres Tuxtla. Misantla esta
trente lieues de distance de laVera-Cruz, au nord-ouest, et à douze lieues
de la mer : c'est un endroit charmant, dans lequel on ne connaît pas le
fléau des mosquitos et des gegen, qui sont si nombreux au port de
Nantla, sur les bords du Rio de Quilate, et à Colipa. Si la rivière de
Misantla, dont l'embouchure est près de la Barra de Palmas, était rendue
navigable, ce district parviendrait en peu de temps à un haut degré de
prospérité.
» Les naturels de Misantla recueillent la Vanille dans les montagnes et
les forêts de Quilate. La plante fleurit dans les mois de février et de
mars. La récolte est mauvaise si, à cette époque, les vents du nord sont
fréquents et accompagnés de beaucoup de pluie. La fleur tombe sans
donner du fruit, lorsque l'humidité est trop grande. Une sécheresse
extrême est également nuisible à l'accroissement de la gousse. D'ailleurs
aucun insecte n'attaque le fruit vert, à causi? du lait qu'il contient. On
— 318 —
commence à If couper aux mois de mars et d'avril, lorsque le subdélégué
a publié par ban que la récolte est permise aux Indiens : elle dure jus-
qu'à la fin de juin. Les naturels, qui restent huit jours de suite dans les
forêts de Quilate, vendent la vanille fraîche et jaune à la gente de razon,
qui sont des blancs, des métis et des mulâtres ; ceux-ci connaissent seuls
le beneficio de la Baynilla, c'est-à-dire la manière de la sécher avec soin,
de lui conserver un lustre argenté et de la ficeler pour le transport en
Europe. On étend les fruits jaunes sur des toiles, et on les met au soleil
pendant quelques heures. Lorsqu'ils sont suffisamment chauffés, on les
enveloppe dans des draps de laine pour les faire suer ; la vanille
noircit alors, et l'on finit par la sécher en l'exposant, depuis le matin
jusqu'au soir, à l'ardeur du soleil.
»La préparation quel'on donne à la Vanille, à Golipa, est bien supé-
rieure au beneficio usité à Misantla. On assure qu'en déballant les pa-
quets de Vanille à Cadix, on trouve dans celle de Colipa à peine six pour
cent de déchet, tandis que, dans la Vanille de Misantla, le nombre des
gousses pourries ou gâtées s'élève au double. Cette dernière variété est
plus difficile à sécher, parce qu'elle a le fruit plus grand et plus aqueux
que celle de Colipa, qui récoltée dans des savanes, et non sur des mon-
tagnes, est appelée baynilla de acaguales. Lorsque le temps pluvieux ne
permet pas aux habitants de Misantla et de Colipa d'exposer la vanille
aux rayons du soleil jusqu'à ce qu'elle ait acquis une couleur noirâtre
et qu'elle se couvre de stries argentées [manchets plateadas) , on est obligé
de recourir à l'emploi d'une chaleur artificielle. On forme, au moyen de
petits tuyaux de roseaux, un cadre suspendu par des cordes, et couvert
d'une toile de laine, sur laquelle on étend les gousses. Le feu est placé
au-dessous, mais à une distance considérable. On sèche les gousses en
donnant un léger mouvement au cadre, et en chauffant peu à peu les
roseaux et la toile. Il faut beaucoup de soin et une longue expérience
pour réussir à bien sécher la vanille par cette méthode, que l'on appelle
beneficio de poscoyol. Les pertes sont généralement très-grandes, lors-
qu'on emploie la chaleur artificielle.
»A Misantla, on réunit les fruits de Vanille en paquets, appelés mazos:
un mazo renferme cinquante gousses; par conséquent un millier
(millar) a vingt mazos. Quoique toute la Vanille qui entre dans le com-
merce paraisse être le produit d'une seule espèce (Tlilxochtl), on divise
cependant le fruit récollé en quatre classes différentes. La nature du
sol, l'humidité de l'air et la chaleur du soleil influent singulièrement sur
la grandeur des gousses et sur la quantité de parties huileuses et aro-
matiques qu'elles contiennent. Ces quatre classes de Vanille sont les
suivantes, à commencer par celles d'une qualité supérieure: baynilla
— 319 —
/ma, dans laquelle on distingue de nouveau la grande fina et la chica fina
ou mancuema;\e zacate; le rezacate et la basura. Chaque classe est
facile à reconnaître en Espagne, par la manière dont les paquets sont
ficelés. La grande fina a communément 22 centimètres de longueur, et
chaque maso pèse, à Misanlla, dix onces et demie; à Colipa, neuf à
dix. La chica fina est de cinq centimètres plus courte que la précédente,
et on l'achète la moitié moins cher. Le zacate est une Vanille très-
longue, mais extrêmement mince, et très-aqueuse. La basura, dont un
paquet a cent gousses , ne sert qu'à remplir le fond des caisses que l'on
expédie pour Cadix. La plus mauvaise qualité de Misantla s'appelle bay-
nilla cimarona (sauvage) ou baynilla palo : elle est très-mince et presque
dépourvue de suc. Une sixième variété, la baynilla pompona, a le fruit
très-grand et très-beau :on l'a expédiée à différentes reprises en Europe,
et par le moyen des négociants de Gènes, pour le Levant ; mais comme
son odeur est différente de la vanille appelée grande fina, elle n'y a
trouvé aucun débit jusqu'ici.
»On voit, d'après ce que nous venons derapportersur la Vanille, qu'il
en est de la bonté de cette production comme de celle du quinquina ,
qui ne dépend pas seulement de l'espèce de cinchona dont il provient,
mais aussi de la hauteur du sol, de l'exposition de l'arbre, de l'époque
de la récolte et du soin avec lequel l'écorce a été séchée. Le commerce de
la Vanille et celui du quinquina, se trouvent également entre les mains
de quelques personnes que l'on appelle habilitadores, parce qu'ils avan-
cent de l'argent aux cosecheros, c'est-à-dire aux Indiens qui font la ré-
colte, et qui se mettent par-là sous la dépendance des entrepreneurs.
Ce sont ces derniers qui tirent presque seuls tout le profit de cette
branche de l'industrie mexicaine. La concurrence des acheteurs est
d'autant plus petite à Misantla et à Colipa, qu'il faut une longue expé-
rience pour ne pas se laisser tromper dans l'achat de la Vanille préparée.
Une seule gousse tachetée (manchada) , peut faire perdre , pendant la
traversée d'Amérique en Europe, une caisse entière. On désigne, par
des noms particuliers (mojo negro , mojo blanco, garo), les défauts que
l'on découvre soit à la gousse, soit au pétiole (gargante). Aussi un ache-
teur prudent examine plusieurs fois les paquets qu'il réunit dans le
même envoi.
» Le district de Papuntla, qui était jadis une alcaldia major, se trouve
à 18 lieues au nord de Misantla : il produit très-peu de Vanille, qui en
outre est mal séchée, quoique très-aromatique. On accuse les Indiens
de Papantla, comme ceux de Nantla,de s'introduire furtivement dans les
forêts de Quilate, pour recueillir le fruit de ïEpidendrum planté par
les naturels de Misantla. Dans l'intendance d'Oaxaca, c'est le village de
— 320 —
Teutila qui est célèbre par la qualité supérieure de la Vanille que pro-
duisent les forêts voisines. Il paraît que cette variété a été la première
introduite en Espagne , au seizième siècle, car encore aujourd'hui la
baynilla de Teutila est regardée, à Cadix, comme préférable à toutes les
autres : on la sèche, en effet, avec beaucoup de soin , en la piquant avec
des épingles, et en la suspendant par des fils de pité; mais elle pèse à
peu près un neuvième de moins que celle de Misantla. J'ignore la quan-
tité de Vanille qui est récoltée dans la province de Honduras, et exportée
annuellement parle petit port de Truxillo; mais il parait qu'elle est peu
considérable.
» Les forêts de Quilate donnent, dans des années très-abondantes, 800
milliers de Vanille. Une mauvaise récolte, dans des années très-plu-
vieuses, ne s'élève qu'à 200 milliers. On évalue, en terme moyen, le
produit :
De Misantla et de Colipa, à 700 milliers.
De Papantla, à . . . 100 »
De Teutila, à. ... 110 »
La valeur de ces 910 milliers est, à Vera-Cruz, de 30 à 40,000 piastres.
Il faudrait y ajouter le produit des récolles deSantiago etde San Andres
Tuxtla, sur lesquels je manque de données suffisamment exactes. Sou-
vent la récolte d'une année ne passe pas en entier en Europe ; mais on
en réserve une partie pour la réunir à celle de l'année suivante. »
La question de la Vanille a surtout été traitée en Europe depuis les
importantes communications de M. Charles Morren (1).
Charles Greville (2) a, parait-il, le premier cultivé la Vanille en Angle-
terre, à Paddington,près de Londres, où elle a fleuri en 1807, mais sans
donner de fruits. Il est probable qu'elle avait déjà été introduite en An-
gleterre par le marquis deBlandford (duc de Marlborough). Elle a été
introduite en Belgique on 1812. Parmentier la fit parvenir au jardin
d'Anvers, où elle fut cultivée par Sommé, qui l'a répandue dans tous
les jardins de la 4ue, surtout en Flandre et à Liège. Elle ne frucli-
tifiait jamais, mais elle fleurit deux fois dans les serres de Madame la
vicomtesse Vilain XIV. L'époque exacte de son introduction dans les
Pays-Bas n'est pas connue d'une manière certaine, quoiqu'on la trouve
dans les travaux de Van Roven.
(La suite à la prochaine livraison.)
(1) A lecture read before the Brilisli Association for the avancement of science, at
New-Caslle. Ann. of natur. liislory, III. 11 mars 1 «S t ï> . Bulletin de l'Académie
de Bruxelles, IV, 3.
(2) Brown, Verni. Schrifte, 11, 48. Morren, 1. c.
. MU H
l Madame Campai). 2. Anna EkenKolm . 3. Princesse Henriette
\. Docteur Von SieDold. .S. Capitaine ffiméate.
— 324 —
HORTICULTURE.
HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA PENSÉE,
Par M. Ch. Morren.
« Voir venir les choses est le meilleur moyen de les connaître, «disait
M. Turpin, alors même qu'il ne turlupinait pas et qu'il ne disait pas
pouvoir faire pousser des truffes en semant des feuilles de chênes.
M. Turpin avait ses bons moments et c'est dans un de ceux-là qu'il
écrivait la pensée qui ouvre notre histoire.
Il y a deux moyens de voir venir les choses et ils ne se ressemblent
pas. L'un est le moyen physiologique; c'est de semer une plante,
de la voir venir et de la suivre dans toutes ses métamorphoses, dans
tous ses phénomènes, jusqu'à la mort; l'autre est de voir venir cette
plante dans le monde, de consulter les trésors de l'antiquité, les manus-
crits du moyen-âge, les incunables, les bouquins, les traités et les mo-
nographies du jour sur papier rose, et alors on connaîtra aussi, mais
sous un autre point de vue, l'objet de sa passion. Or, pour bien appré-
cier ce qu'on aime, il faut adopter, en horticulture surtout, les deux
moyens à la fois, les deux voies de Turpin, et cependant il n'était pas
fort sur le dernier procédé : c'est que celui-là en effet est un peu en-
nuyeux. Nous proposons donc de commencer la biographie des pensées
par les pensées des anciens.
S'il est incontestable que les anciens ont connu les violettes, on
pourrait mettre en question qu'ils aient connu les pensées et à coup sûr
le rapport naturel qui lie dans un même genre ces deux espèces, ne
leur était pas venu. Théophraste a parlé d'un <p\oyt»v que quelques
érudits, comme Dodoëns, ont cru être la pensée, mais les commenta-
teurs Bodé de Stapel et Scaliger ont démontré l'inanité de cette assertion.
Ce çxiyiov était pour eux l'oreille d'ours cultivée de leur temps par
les tulipiers de Hollande qui avaient besoin, disaient-ils, d'un petit
grain d'ellébore « elleboro opus habent, ut mania hac liberarl possint. »
Cependant pour Stapel et Scaliger, un des nombreux épisodes scandaleux
de la vie de Jupiter ne peut s'expliquer que par la pensée. Le maître des
dieux aimait la nymphe Io, et, voulant cacher ses amours à sa femme
Junon, il transforma sa maîtresse en petite vache. La terre voulant
BELG. HOUT. T. VI. 27
— 322 —
être agréable à cette amante de nouvelle espèce, créa une fleur pour lui
être agréable et cette (leur représentait la jeune fille, c'est-à-dire la
jeune vache; comme elle, la fleur rougissait, puis s'empourprait et enfin
blanchissait « rubescit cnim veluti virgo, purpurasit autem, veluti bucula
et albescit. » Cassianus Bassus est garant du fait et Scaliger ne peut voir
dans ces trois couleurs la violette odorante , mais bien la pensée.
Aimé Martin se défend, dit-on, d'être l'auteur du Langage des fleurs,
ce livre célèbre et si populaire. Qu'il s'en défende ou ne s'en défende
pas, toujours est-il que l'auteur n'a point, à propos de la pensée, raconté
quelque aventure mythologique, et qu'à propos de la violette l'histoire
d'Io n'est plus celle de nos anciens auteurs si naïfs dans leurs pensées.
Après le culte des dieux est venu le christianisme, et, dans les légendes
du moyen-âge, la pensée tricolore, comme la pensée des champs (viola
arvensis) est devenue la fleur de la Sainte Trinité (herba sanctse Trini-
tatis) à cause, croit-on, de ses trois couleurs. Sur un grand nombre
de manuscrits ornés de miniatures que nous avons consultés pour la
rédaction de notre Flore paléographique et notamment sur plusieurs de
ces livres précieux déposés à la bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles,
nous avons constaté la présence de la pensée, mais la pensée non modi-
fiée par la culture. Elle n'en était pas moins un ornement des jardins.
« Ces fleurs, dit De l'Escluse, croissent es jardins.... chacune fleur de
trois couleurs diverses : celles de haut sont le plus souvent de couleur
violette et perse , les aultres bleues ou iaulnatres aians des traicts noirs
et iaulneset velues au millieu.» La sainte Trinité était représentée par
ces trois couleurs ; du moins est-ce l'opinion de Scaliger, mais on pour-
rait penser que cette dénomination est provenue d'un autre motif. Lors-
qu'on regarde attentivement une pensée, on remarque dans son milieu
un triangle formé par les bords repliés des deux pétales latéraux et du
pétale inférieur. Dans ce triangle surgit le stigmate qui y semble un œil,
et autour de ce triangle se trouve une gloire formée de stries qui si-
mulent autant de rayons. Or, on sait que dans les symboles chrétiens
un triangle d'où sortent des rayons lumineux et qui contient à l'inté-
rieur un œil ouvert, est l'image du Dieu créateur, formé de trois per-
sonnes, qui veille à tout l'univers. Cette idée vient spontanément à une
foule de personnes qui remarquent la pensée. Nous avons connu un
frère Trappiste qui avait peint sur le mur de sa cellule une pensée et
dans le triangle une tête de mort. La salutation du couvent : Frère,
pensez à la mort, était exprimée par cette fleur. Combien de fois, dans
le monde, ne voyez-vous pas de jeunes amants se donner leur portrait
peint dans le triangle d'une pensée. La fleur est toujours ici une arme
parlante.
Q9ÎJ
Dans les incunables de botanique et dans toutes les éditions du
XVIe siècle, la pensée est citée partout sous le nom de pensée sans
qu'aucun de ces auteurs pense à expliquer l'origine de ce nom français.
Les auteurs latins de l'époque la nomment jacea, herba Trinitatis, herba
clavellata, les allemands freyscham Kraut ou dryefelticheyt Blumen; le
premier de ces noms allemands provient de ce que « ces fleurs boulies
et beues, guérissent le commencement du mal caduc ou de la maladie
des petits enfants, quand ils escument. » Le second nom rappelle la
légende du moyen-âge. Les Anglais ont donné à la pensée un nom tout
aussi sentimental que les français; ils l'appellent la paix du cœur,
heart's case. Nous ne croyons pas que M. T. B.Hall, dans ses mémoires:
On the habits and peculiarities of british plants and on the dérivations of
their latin names, ait expliqué l'étymologie de ce nom. L'horticulteur
monographe de la pensée, M. Rangonot Godefroy, se perd en conjec-
tures sur le nom français de sa fleur favorite. Le passage cité plus haut
de Clusius prouve que le nom de la couleur pensée , est venu de la fleur
qui était, disait-on, perse. Dodoëns écrivit en 1567 une Histoire des
fleurs odorantes et propres à faire des couronnes; c'est là que le botaniste
de Malines nous apprend que de son temps, non-seulement les Français,
mais encore les Brabançons et les Belges d'alentour nommaient cette
fleur la pensée, mais même silence sur la raison de ce nom.
Clusius rapporte que de son temps les Flamands appelaient la pensée
Dreyvuldicheit bloemen ou penseen, c'est-à-dire, d'après la légende
pieuse : Fleur de la Ste. Trinité.
M. Ragonot attribue à la culture de la pensée, une date bien récente :
1810. Lady Marie ïennet, fdle du comte de Tankervill, s'en serait
occupée sérieusement la première, et après elle Richard, jardinier de
Walton, un des frères Lee, puis Lady Ledelay et enfin le monde horti-
cole tout entier. Nous croyons ces essais beaucoup plus anciens, nous en
demandons pardon à ces dames. Le premier qui cultiva des pensées
comme plantes d'ornement, est Joachim Camerarius. Avant 1S79,
De l'Escluse n'avait pas encore vu de pensée tricolore, mais Camerarius
la lui communiqua. Il était dans la destinée de la pensée d'être une fleur
de dame, car Camerarius la tenait de l'illustre princesse Du Château qui
l'avait prise clans les montagnes delà Suisse. De l'Escluse vit les pre-
mières pensées toutes jaunes ou toutes pourpres obtenues de semis,
dans les jardins, dit-il, du prince Guillaume de Hesse, àCassel. Notre
célèbre botaniste donna la première figure en bois de la plante qui nous
occupe.
Cependant les pensées unicolores et fort belles, devaient être rares et
elles le furent longtemps, car, un siècle après, Stnpel, qui vivait en Hol-
— 324 —
lande dans ce XVIIB siècle si ardent pour les tulipes, les jacinthes, les
renoncules et autres fleurs d'ornement, déclare qu'il n'avait jamais vu
de pensée jaune. La pensée ou violette tricolore était aussi une plante
spontanée de Hollande, et la lecture du passage qui y a rapport, prouve
évidemment que les anthophiles de Harlem n'y faisaient pas une grande
attention. Vandergroen, jardinier du prince d'Orange, dans son Jar-
dinier des Pays-Bas, publié à Bruxelles en 4672, ne signale que quatre
ou cinq pensées ; il y établit clairement aussi, que les variétés viennent
de semis, et signale les blanches, les rouges, les perses (violettes)
bigarrées , les rouges bigarrées et les blanches à feuilles de perses
(pêcher) ; il recommande déjà de ne prendre les graines qu'au fond de
la capsule.
Jusqu'au XVIIe siècle, la culture des pensées devait être restreinte,
parce que jusque-là la seule viola tricolor avait produit des variétés. La
sexualité des plantes était encore un mystère pour la plupart des
hommes, mais au XVIIIe il n'en est plus de même, les écrits de Zaluzian,
de Camerarius, de Geoffroy, de Vaillant, et surtout ceux de Linné, qui
par son ingénieux système avait popularisé les idées sur le mariage des
fleurs, avait démontré que non-seulement les fleurs avaient des sexes,
mais que parfois la nature permettait des unions adultérines entre des
espèces différentes. La théorie sur l'hybridation devenait une réalité. Or,
Linné en dirigeant les cultures de Clifford, au commencement du
XVIIIe siècle, avait eu à s'occuper des pensées qu'il cherchait à classer.
Les cultures d'Hermann achevèrent de le convaincre, et bien qu'il donnât
les viola grandiflora et calcarata pour des espèces, l'une des Alpes
suisses et des Pyrénées, et l'autre de cette dernière station seulement,
il n'hésita pas à les regarder comme des progénitures de la viola tricolor
dont il distinguait une foule de variétés.
L'école anglaise est le résultat de ces idées linnéennes. Les belles pen-
sées obtenues en Angleterre sont des résultats de fécondations croisées.
On a fait copuler entre elles les viola calcarata Linn. (montana lutea
grandiflora de Bauhin), viola gi^andiflGrade Linné, viola amœna d'Ecosse
et la base du genre, l'ancien viola tricolor. De là sont provenues les
pensées actuelles des jardins. Nous regrettons que M. Ragonot n'ait pas
fait connaître ces détails dont la connaissance est de la plus haute utilité
pour la pratique horticole et les amateurs de ce beau genre.
L'hybridation eut deux résultats, l'un de multiplier les couleurs,
l'autre de perfectionner les formes. Le pourpre, le violet, le jaune, le
brun, le bronze, le blanc, l'azur, le rose, l'incarnat se marièrent selon
des combinaisons diverses, et M. Hogg qui s'occupe en Angleterre beau-
coup de ces pensées, signale plus de cent variétés de coloris; elles sont
— 325 —
en effet possibles en nombre infini. Sous le rapport de la forme, il y a à
remarquer qu'originairement la pensée est une fleur irrégulière, et nous
prouverons, dans son histoire physiologique, pourquoi elle doit l'être,
et dès lors l'irrégularité qui est un défaut de symétrie ne peut plaire à
l'homme de bon goût. Ce que nous appelons le beau est en toute chose
le résultat d'une harmonie de formes, s'il s'agit déjuger par les yeux,
de sons, s'il faut juger par l'ouïe. De la recherche du beau est né un art
particulier, Vesthétique, qui joue un si grand rôle dans les beaux arts.
Or, nous sommes d'avis qu'il y a une esthétique horticole ou botanique,
et cela est si vrai que sans raisonner le pourquoi de ce sentiment, les An-
glais ont désigné dans chaque genre déplante qu'ils cultivent ce qu'ils
appellent des perfections. La connaissance de ces perfections, connaissance
qu'il est toujours possible de raisonner à priori, d'après des lois fixes et
immuables, constitue une branche de notre esthétique horticole ou bota-
nique. En appliquant ces idées aux pensées, nous arrivons à déterminer
facilement ce que doivent être les perfections. M. Gorrie, en Angleterre,
sans raisonner comme nous, est arrivé par instinct, par le sentiment du
beau, appréciation de toute intelligence droite et de toute sensibilité déli-
cate, à déterminer le même type du beau ou la perfection de la pensée.
Si vous jetez les yeux surune pensée tricolore de nos champs, sa figure
générale est un triangle formé de deux pétales supérieurs bleus se diri-
geant en haut en faisant un angle au milieu de la fleur et d'un pétale
long inférieur; latéralement entre ces pétales s'en étendent deux autres
et la figure, bien que se circonscrivant dans un triangle, devient irrégu-
lière. L'irrégularité ne peut plaire aux yeux de l'homme, cela est impos-
sible, cela est contre nature. Or, toute fleur sera d'autant plus belle
qu'elle réalise mieux la condition d'une circonférence dont chaque point
est équidistant du centre : c'est là une figure symétrique et harmonique;
nous la recherchons dans la tulipe, la renoncule, la rose, le camellia, la
jacinthe, partout enfin ; nous devons la retrouver dans la pensée. Donc,
toute pensée à pourtour circulaire, à larges pétales arrondis, sans échan-
crures ni lobes, se superposant sans laisser des angles vides entre eux,
sans ondulations, d'une certaine grandeur, sera, quant à la forme, une
perfection, parce qu'elle sera une ligure géométrique régulière. Si à ces
conditions de forme on ajoute des couleurs brillantes, pures, harmo-
niques et permanentes, on aura le complément de la perfection et dans
ce cas une pensée sera conforme, si elle réalise ces conditions, au canon
ou règle de l'esthétique. Chaque homme raisonna t-il ses sentiments ou
non, s'écriera en la voyant : qu'elle est belle! Nous le répétons, les
Anglais ont déjà dans leur horticulture raisonnée, admis l'existence des
canons comme règle fixe de la beauté. Quand l'horticulture se raisonne
bien, elle devient réellement une des fractions des beaux-arts.
— 326 —
MONOGRAPHIE DES COLCHIQUES ET DES CROCUS
Qui fleurissent à l'arrière-saison;
Traduit de l'allemand du Dr Ch. Koch (4),
Par M. Jules Bourdon,
Docteur en sciences naturelles.
{Suite.) (2).
IL SAFRAN. CROCUS, L.
Quoique, pour la forme extérieure, les Crocus ressemblent extrême-
ment aux Colchiques, ils appartiennent cependant, à cause de leur ovaire
infère, à une tout autre famille, à celle des Iridées, qui se distingue
essentiellement de la plupart des familles voisines par le nombre des
étamines, qui est toujours de trois. Le genre Crocus est lui-même carac-
térisé par son port particulier et par son style qui se divise d'abord en
trois, puis en un grand nombre de parties.
Le nombre des espèces actuellement connues peut être évalué à cin-
quante, dont la moitié environ fleurissent au printemps et l'autre
moitié en automne. Mais malheureusement les premières seules sont
cultivées dans les jardins avec un soin tout particulier, bien que ce soit
précisément parmi les dernières que se trouvent les plus belles espèces.
Aussi est-il à désirer que les jardiniers s'attachent spécialement à la
culture des espèces fleurissant en automne, afin d'obtenir par la suite
une série de variétés aussi nombreuse que celle que nous possédons
pour les espèces qui fleurissent au printemps, principalement pour les
C. venins elversicolor.
Les Safrans offrent également beaucoup d'analogie avec les Col-
chiques, quant à leur patrie considérée d'une manière générale; ils
semblent seulement être encore beaucoup moins communs en deçà de
la chaîne de montagnes que nous avons citée à propos de ceux-ci, mais
ils sont d'autant plus abondants au-delà. Leurs limites vers l'Est ne
sont pas exactement connues; aucune espèce n'a encore été observée, à
ma connaissance, au-delà du Volga et de la mer Caspienne. On n'a pas
encore non plus trouvé un seul Crocus en Perse , mais on en connaît
(1) Verhandlungen des Vereines zur Beforderung des Garlenbaues in den Koiiii/-
lich. Preussischen Staaten. Nouvelle série; deuxième année. 1854, p. 170.
Ci) Voir ci -dessus, p. 294.
— 327 —
un qui croit dans la province deTalysch sur la mer Caspienne, province
qui appartenait jadis à la Perse, et un autre dans la Haute- Arménie;
enfin on en a découvert quelques espèces en Syrie et dans le nord de
l'Afrique.
PREMIÈRE SECTION.
Divisions du limbe inégales.
1. €. Byzautinu», (Parkins.) Ker. — C. Banaticus, Gay. — C.
speciosus, Rchb. — C. iridifloms, Heuff. inherb. et hort. — C'est cer-
tainement le plus beau Crocus que l'on connaisse. Cette espèce et la sui-
vante sont très-faciles à distinguer des autres par les divisions de leur
iimbe qui sont inégales. Le bulbe est légèrement arrondi; ses tuniques
sont d'un brun-jaunâtre, très-minces et composées de fibres longitudi-
nales toutes parallèles. Il pousse en automne une ou deux fleurs dont le
tube est assez long et d'un blanc-bleuâtre; les divisions extérieures du
limbe s'écartent beaucoup, ont une nuance d'un bleu-grisâtre plutôt
que violette et une forme elliptique, et sont deux fois aussi grandes que
les divisions intérieures; celles-ci sont plus étroites, blanches, dressées et
un peu tordues. Les trois élamines sont plus courtes que les divisions
du limbe et que les stigmates; ceux-ci ont à peu près la môme longueur
que ces divisions et sont multifides et de couleur jaune. Cette espèce
n'a encore été trouvée que dans les environs de Constantinople et en
Transylvanie.
2. C. Herbertianus , Kœrnicke. — Cette espèce, établie récem-
ment, est extrêmement voisine de la précédente , ayant comme elle les
divisions du limbe inégales; mais elle est plus petite dans toutes ses
parties. En outre les divisions extérieures sont obtuses et ont une
nuance bleuâtre se rapprochant davantage du violet, tandis que les
intérieures ne sont pas blanches, mais d'un bleu clair; comme dans
l'espèce précédente , elles sont dressées et un peu tordues, et plus
courtes de moitié que les divisions extérieures. Enfin les étamines dé-
passent un peu les divisions du limbe et ne sont guère plus courtes
que les stigmates, qui sont également très-divisés. La patrie de cette
intéressante espèce est la Transylvanie , d'où elle est arrivée au jardin
botanique de Berlin; elle y a été pendant longtemps cultivée sous le nom
de C. iridifloms.
DEUXIÈME SECTION.
Stigmates profondément divisés; fleurs bleues, violettes ou blanches;
divisions du limbe presque égides.
3. C. speciosus. Bièb. - - Colle espèce, qui mérite réellement son
— 328 —
nom, est un des ornements des montagnes du Caucase, jusque dans une
saison très-avancée. Il est douteux qu'on l'ait rencontrée également dans
d'autres montagnes; elle pourrait bien cependant croître ailleurs, d'autant
plus qu'ellea été souvent confondue avec le C.Pyrenœus, Ker. Les tuniques
du bulbe sont membraneuses et minces et ne présentent que des stries
longitudinales incomplètes qui sont en partie à peine visibles; ces tu-
niques se détachent plus ou moins au-dessus de la base. Le tube est
assez long et d'un blanc-bleuâtre ; la gorge est blanche et présente de
petits poils blanchâtres au-dessus de l'insertion des étamines; celles-ci
sont blanches. Les trois divisions extérieures du périgone sont elliptiques
et d'un violet bleuâtre; elles sont traversées de trois nervures longitudi-
nales plus obscures et offrent aussi une nuance plus foncée vers leur
base; les divisions intérieures, qui sont à peu près de la même grandeur,
sont beaucoup plus pâles et distinctement veinées. Les styles, d'un orangé
clair et divisés en un grand nombre de parties divergentes, ne dépassent
que peu les étamines.
On possède déjà une variété de cette espèce à fleur très-grande et
presque entièrement blanche et à styles de couleur plus foncée et plus
profondément divisés.
Une seconde variété est originaire de la Transylvanie et pourrait bien
se trouver aussi dans la Turquie d'Europe. Les fleurs sont plus grandes
et de couleur plus foncée, la gorge est jaunâtre, les étamines sont éga-
lement jaunâtres et les stigmates encore plus finement divisés; un
examen plus exact pourrait bien démontrer que c'est une espèce dis-
tincte, surtout que chaque bulbe porte en général deux fleurs.
4. C. nudifloi'us, Smith (1798). — C. multifidus, Ramond (1800).
— C. Pyreîiœus, (Parkins.) Ker (1808). — C. speciosus, Wils. — Cette
espèce est en général plus petite que la précédente, et le limbe est aussi
plus petit par rapport au tube. La fleur est de couleur plus claire; la
gorge est d'un jaunâtre pâle et sans poils. Les étamines sont également
dépassées par les stigmates, qui sont orangés et à divisions nombreuses
mais courtes. Mais ce Safran se distingue essentiellement de toutes les
espèces voisines, en ce qu'il produit des stolons et en ce que les tuniques
du bulbe présentent des fibres longitudinales distinctes et se détachent
tout autour, mais non au-dessus de la base. Il ne croît que daas
l'Europe occidentale et en Angleterre; on ne le trouve plus à l'est des
Cévennes.
5. C. pulchellus, Herb. — Cette espèce, qui n'est connue que par
l'herbier de Herbert, a été trouvée dans les environs de Constantinople;
ce n'est probablement qu'une variété plus petite cl à Heurs plus rouges
— 329 —
du G. Byzantinas, Ker. Elle en diffère en outre par une gorge d'un
jaune foncé et des stigmates moins profondément divisés. Les tuniques
externes du bulbe sont membraneuses et se séparent à la base.
6. C. Toaraefortii, Gay. — Cette espèce, beaucoup plus petite,
ne se trouve pas non plus, à ma connaissance du moins, dans les jardins.
Les tuniques du bulbe sont également très-minces et finissent par se
déchirer en fibres capillaires. La fleur a une couleur bleuâtre avec des
stries violettes. La gorge est d'un jaune clair, presque blanche, de même
que les étamines, qui sont finement velues; les stigmates sont profondé-
ment divisés et d'un rouge-ponceau. Chaque bulbe porte une à trois
fleurs. Cette espèce n'a été trouvée d'une manière certaine, que dans les
Cyclades.
Le C. parvulus, Herb., indiqué d'abord comme espèce, a ensuite été
rapporté au C. Tournefortii par l'auteur lui-même; cela reste douteux
tant qu'on n'en a pas vu de fleurs. J'en doute surtout à cause de la patrie
du C. parvulus, qui est la Syrie.
7. C. Boryi, Gay. — C. Io?iicus, Lindl. — C. Veneris, (nec Venereus,
Herb.) Tapp. in Poech enum. pi. ins. Cypr. — Ce n'est peut-être qu'une
variété à fleurs pâles de l'espèce précédente. Les tuniques du bulbe sont
également minces, mais elles ne se séparent en fibres longitudinales qu'à
la base et finissent par se détacher tout autour. La fleur est d'un blanc
de lait et n'a pas de stries, mais la gorge et le tube sont jaunes.
Cependant d'après Lindley et ïappeiner, la première serait orangée et
souvent striée de violet en dehors. Les étamines et les stigmates sont
exactement semblables à ceux de l'espèce précédente. Le Safran de Bory
a été trouvé dans le Péloponèse, dans les îles de la Grèce, à l'île de
Chypre et dans l'Asie mineure.
8. C. sci'otinus, Salisb. nec Bert. — Le bulbe est arrondi et entouré
de tuniques plus solides, qui présentent des fibres longitudinales assez
grosses. Le tube du périgone est strié de violet ; le limbe est d'un violet
plus grisâtre; ses divisions extérieures offrent en dehors quelques stries
un peu plus claires, et â la base et en dedans une tache jaune; la gorge
est d'un jaune clair et a un cercle de poils fins. De la gorge sortent les
trois étamines, dont les filets sont jaunâtres, courts et creusés en gout-
tière à leur face externe, et dont les anthères, d'un jaune d'or et plus
longues que les filets, atteignent â peine la base des stigmates; ceux-ci
sont d'un rouge-ponceau et leurs nombreuses divisions forment une
touffe. Cette espèce n'a encore été trouvée qu'en Espagne, puisque la
plante d'Italie indiquée sous le même nom est identique avec le C. Ion-
— 330 —
giflorus, Raf., et se distingue principalement par les tuniques de son
bulbe à veines disposées en réseau, par ses étamines sans sillon et par
ses stigmates à peine divisés.
9. C. Clusil, Gay. — C. autumnalis multifidus, Brot. — Cette es-
pèce a été établie par Gay, d'après un Safran découvert par Clusius près
de Lisbonne, puis observé également et figuré par Brotero. Elle est à
peine différente de l'espèce précédente; elle semble ne s'en distinguer que
par les fibres longitudinales des tuniques de son bulbe qui sont reliées
vers le haut en forme de réseau, par sa fleur à gorge blanche et par ses
feuilles apparaissant en même temps que les fleurs.
10. C. SaBznianni, Gay.— C. Tingitanus, Herb. — Cette espèce
n'a été décrite non plus que d'après des herbiers et je ne sache pas
qu'elle soit encore cultivée, dans aucun jardin. Elle ressemble tellement
au C. serotinus, Salisb. que Herbert même propose del'y réunir. D'après
la description, elle ne s'en distingue qu'en ce que la gorge ne porte pas
de poils et a peut-être une nuance plus jaunâtre. Sa patrie est le Maroc.
11. C. Caunbesscdesli, Gay. — C'est une espèce non moins dou-
teuse qui a été trouvée à l'île Majorque, l'une des Baléares, et qui pro-
bablement doit aussi être rapportée au C. serotinus, Salisb. On ne la
connaît qu'à l'état de fructification.
12. C. Damascenas , Herb. — Nous ne connaissons cette espèce
que d'après des herbiers ; elle a été recueillie près de Damas par le vice-
consul anglais Cartwright. Des espèces connues jusqu'à présent, elle est
la seule qu'on rencontre aussi loin au Sud-Est. Pour les tuniques du
bulbe, c'est avec le C. nudiflorus, Sm. et les espèces voisines qu'elle
semble avoir le plus d'analogie, puisque ces tuniques sont également
d'une nature assez membraneuse, et que leurs fibres longitudinales ne
sont pas très-saillantes, et se réunissent les unes aux autres vers le
haut. Le tube est marqué de six stries et n'est pas plus long que le
limbe; celui-ci est d'un bleuâtre tirant sur le gris; ses divisions exté-
rieures présentent trois stries assez larges, penniformes latéralement.
Les stigmates sont blanchâtres et assez profondément bifides, et dé-
passent les étamines, dont les filets sont également blancs et les anthères
jaunes.
13. C. médius, Balb. — Cette plante, originaire du Piémont, res-
semble beaucoup au C. nudiflorus, Sm. et semble seulement être encore
plus grande, de sorte qu'elle se rapproche plus ou moins du C. speciosus,
Bieb. Mais elle se distingue très-facilement de ces deux espèces par les
— 331 —
tuniques extérieures de son bulbe qui sont percées à jour en forme de
crible. La Heur est belle, grande et d'un violet intense; le tube est assez
long et la gorge nue. Les anthères sont beaucoup plus longues que les
filets et atteignent souvent la hauteur des stigmates; ceux-ci sont de
couleur safranéeet profondément divisés. Cette belle plante ne se trouve
pas encore, à ma connaissance du moins, dans nos jardins.
14. C. dianthus, G. Koch. — C'est une espèce remarquable qu'il
serait à désirer de voir introduire dans nos jardins. Chaque bulbe porte
constamment deux ou trois Heurs d'un beau bleu; ce bulbe est lui-même
très-grand ; ses tuniques extérieures sont formées de fortes fibres lon-
gitudinales, reliées les unes aux autres en forme de réseau. Il en résulte
que cette espèce ressemble au C. mediws, Balb., ainsi qu'au C.cancd 'lattis,
Herb. cité plus bas. Le tube est bleu, comme le limbe, et il a en général
la même longueur que ce dernier, dont les divisions sont elliptiques. La
gorge est également bleue; il en sort des filets Irès-courts, portant des
anthères extrêmement grêles; celles-ci atteignent la même hauteur que
les stigmates, qui sont multifides. J'ai trouvé cette espèce dans la
Haute-Arménie.
15. C. Spruueri, Boiss. et Heldr. — Cette espèce, originaire de la
Grèce, porte aussi quelquefois deux fleurs sur un même bulbe; par
les tuniques extérieures de celui-ci, elle se place immédiatement à côté
de l'espèce précédente. Mais la fleur est de couleur rose et ses divisions
sont elliptiques et présentent à leur base des stries violettes. La gorge,
comme dans l'espèce précédente, ne porte pas de poils. Les anthères ont
de même des filets très-courts, mais n'atteignentpas la hauteur des styles,
qui sont de couleur orangée, multifides et un peu plus courts que les
divisions du limbe.
16. C. vallicola, Herb. — Cette espèce fut trouvée pour la première
fois en 1843 par le célèbre voyageur Th.Kotschy dans les montagnes de
l'Asie-Mineure, non loin de la grande route que les caravanes suivent
pour se rendre de Trébizonde à Erzeroum; un an après elle fut aussi
envoyée par M. Carlwright, vice-consul anglais à Trébizonde. Le limbe
est d'un blanc brillant (et non d'un jaune-paille clair, comme l'indique le
Botanical register, 1847, t. 16, f. 3) ; il a à peu près la longueur du tube,
qui est d'un jaune clair et s'évase subitement à sa partie supérieure; les
divisions du limbe sont elliptiques-allongées et terminées en pointe, et
présentent à leur base, tant en dedans qu'en dehors, deux taches jaunes.
Les anthères sont blanches et ont plus de deux fois la longueur des
iilcls; elles atteignent la hauteur des stigmates qui sont d'un jaune d'or
— 332 —
et offrent souvent à leur extrémité des divisions simples. Enfin, quant au
bulbe, il est recouvert de tuniques membraneuses dont les fibres longi-
tudinales parallèles sont reliées les unes aux autres vers le haut.
TROISIÈME SECTION.
Stigmates non fendus, mais souvent dentelés; fleurs bleues, violettes ou
blanches; divisions du limbe presque égales.
17. C. Caspius, F. et M. — Cette espèce diffère entièrement, quant
à sa patrie, du C. Boryi, Gay, auquel Herbert la réunit ; elle n'est mal-
heureusement connue que d'après des herbiers et je ne l'y ai pas encore
vue moi-même. Les tuniques du bulbe sont minces et membraneuses,
mais ne se séparent pas en fibres à la base. Je ne trouve indiquée nulle
part la couleur de la fleur, mais elle parait être bleuâtre ou violette. Le
tube est, par rapport au limbe, beaucoup plus long que dans le C. Boryi,
Gay; la gorge est un peu velue. Le caractère important qui dis-
tingue l'espèce actuelle de celle qui vient d'être citée, consiste dans les
stigmates non fendus, mais à bords entiers. C'est de toutes les espèces
connues celle qui croit le plus vers l'Est; elle a en effet été trouvée sui-
tes bords de la mer Caspienne dans la province de Talysch, qui apparte-
nait jadis à la Perse, et fait maintenant partie de l'empire Russe;
d'après cela, il est probable qu'un jour on trouvera aussi des Safrans en
Perse.
18. C. sativus, L. — C. autumnalis, Sm. et Lam. — C. officinale f
pers. __ Cette espèce est cultivée depuis très-longtemps, notamment
dans le midi de la France, dans quelques partie de l'Italie, en Hongrie et
dans plusieurs contrées de l'Orient, à cause de ses stigmates fortement
aromatiques et de couleur safranée, qui, sous le nom de Safran, forment
un article de commerce important. Sa patrie véritable doit être l'Orient,
quoiqu'on la rencontre aussi dans divers endroits de l'Italie à l'état sau-
vage. Le bulbe est pyriforme; ses tuniques extérieures sont caractérisées
par des fibres longitudinales distinctement saillantes et reliées entre
elles vers le haut en forme de réseau. La fleur pousse sans feuilles; le
limbe est d'un violet-rougeâtre et en général presque aussi long que le
tube; celui-ci devient plus foncé à la partie supérieure; la gorge est d'un
violet foncé et présente une couronne de poils. Les trois stigmates
ont une couleur safranée, s'élargissent vers leur partie supérieure, sont
plus ou moins crénelés et égalent en longueur les divisions du limbe.
Dans \eBotanical register, année 1845, Herbert indique sous le nom
«le C. intromissus, une espèce dont il n'a pas vii de fleurs et dont il n'a pu
— 333 —
donner l'époque de floraison. Quoique cette espèce soit placée près du
C. sativus, L., il se pourrait qu'elle en fût très-différente, car je ne con-
nais aucune espèce dont le bulbe ait des tuniques à fibres longitudinales
molles.
19. C. Pallasii, Bieb. — Cette plante n'a été observée jusqu'à pré-
sent qu'en Crimée et ne se trouve pas encore dans les jardins. Elle res-
semble beaucoup au C. sativus, L. ; elle doit s'en distinguer par des stig-
mates un peu moins aromatiques et plus courts que les divisions du
limbe, et par des feuilles pendantes. D'après Bieberstein, les feuilles
sont toujours dressées chez le C. sativus, L.
20. C. Thouiasii, Ten. — C. odorus, Vis. stirp. daim. — G. lon-
giflorus, Rchb. icon. X, f. 1281. — C. Pallasii, Vis. et Gris. — C. cam-
pestris, Herb. — C. hybermis, Friv. — C. Hadriaticns, Herb. — C. Cart-
wrightianus, Herb. — Cette espèce, qui croit dans le sud-est de l'Europe
et dont l'habitation est très-étendue, est différente du C. sativus, L., ainsi
que duC. Pallasii^ieb., et présente ce caractère que les feuilles viennent
en même temps que les fleurs. Elle ne se distingue d'ailleurs des espèces
qui viennent d'être citées qu'en ce que les stigmates sont renfermés dans
lafleur, plutôt rougeà très que d'un jaune-safran pur, et encore moins aro-
matiques, et en ce que les divisions extérieures du limbe dépassent un
peu les intérieures. Si du reste le C. Pallasii, Vis., devait réellement se
rapporter à cette espèce et non pas former avec le C. hybermis, Friv.
(C. campestris, Herb.) une espèce particulière, le C.Thomasii, Ten. se
reconnaîtrait encore à son bulbe non pyriforme, mais plus arrondi et
un peu déprimé à sa partie supérieure.
D'après Grisebach, le C. hybermis, Friv. se distingue du C. Pallasii,
Vis., par sa fleur plus ouverte. Mais chez cette dernière plante les stig-
mates sont encore indiqués comme ayant les bords moins entiers.
Sous les noms de C. Hadriaticns et de C. Cartwrightianus, Herbert a
encore décrit deux espèces à fleurs blanches et d'un lilas clair; mais il a
depuis reconnu lui-même que la dernière au moins pouvait être une va-
riété du C. Pallasii propre à la Turquie; plus tard même il l'y a réunie.
Je les regarde toutes deux comme appartenant à l'espèce actuelle, puis-
qu'elles n'en diffèrent que par leurs fleurs blanches et quelquefois
striées.
Le C. Thomasii a été trouvé dans l'Italie méridionale, en Dalmatie,
dans presque toute la Turquie d'Europe et en Grèce.
21. C. longiflorus , Raf. — C. odorus, Biv. — C. Neapolitanns,
Hoppe. — C. serotinus, Bertol. discr. dc'Zaff. ital. — Cette espèce, qui
— 334 —
n'a encore été trouvée qu'en Sicile, est aussi très-voisine du Safran offi-
cinal, mais se distingue également par un bulbe arrondi (non pyriforme)
et plus petit, dont les tuniques extérieures cependant ont la même struc-
ture. La fleur est plus petite et de couleur violette; le tube est très-
grêle et beaucoup plus long que le limbe; la gorge est jaune et ne pré-
sente, au lieu de poils (que du reste Herbert indique chez les plantes
qu'il a cultivées), qu'une rugosité due à des cellules saillantes. Les stig-
mates, d'une couleur safranée moins intense, mais également aroma-
tiques, dépassent à peine les étamines, et offrent des dentelures un peu
plus profondes. Quelquefois les feuilles paraissent en même temps que
les fleurs, mais elles sont alors très-petites et continuent à s'allonger.
22. C. odorus, Zerapha. — Je ne connais pas suffisamment cette
espèce, qui est, en tout cas, très-voisine de la précédente. Elle paraît
être principalement caractérisée par son bulbe ovale, et par les divisions
de son limbe qui présentent trois stries foncées bien distinctes. La gorge
est jaune et porte de petits poils plus ou moins développés. Cette plante
n'aencore été trouvée qu'à l'île de Malte.
23. C. Kotechyanns, C. Koch. ■ — C'est une espèce nouvelle que
nous devons à l'infatigable voyageur Th. Kotschy de Vienne, et qui a
été répandue par MM. Moschkowitz et Siegling d'Erfurt (1). Elle se rap-
proche assez du C. sativus, L.; elle se distingue par son limbe à divisions
extérieures et intérieures toutes d'un bleu clair, oblongues et obtuses, et
par sa gorge d'un jaune d'or, de laquelle partent des stries de la même
couleur qui vont se perdre dans la base des divisions; les divisions exté-
rieures, à peine plus longues que les intérieures, présentent cinq à neuf
nervures longitudinales d'un bleu foncé. Les anthères sont portées par
de très-courts filets, et les stigmates sont presque entiers et ont une
teinte plus dorée que ceux du C. sativns, L. Cette jolie plante croît sur
le Taurus.
24. C. canccllatas, Herb. — C'est une plante de la Grèce, bien
reconnaissable aux tuniques de son bulbe; elles ne sont en effet for-
mées que de grosses fibres ayant entre elles de nombreuses liaisons, ce
qui fait ressembler ces tuniques à un treillis, ou mieux encore à un filet
à pêcher. Les feuilles ne sont encore que peu développées après la flo-
raison, qui souvent a déjà lieu en plein été (du moins dans la patrie de
cette plante). La fleur est assez grande et d'un bleu-rougeàtre, traversée
seulement de stries plus foncées à la base des divisions. Les stigmates
(1) Voy. la nouvel]*; série des Verhandlungen, 1™ année, pag. Ô98, où oc Crocus
se trouve décrit pour la première fois.
— 335 —
sont de couleur orangée, presque entiers et ne dépassent guère les
étamines. Ce Safran ne croît, d'une manière bien certaine, qu'en Grèce,
car la petite variété recueillie en Syrie par Kotschy pourrait bien appar-
tenir à une autre espèce. Mais deux autres variétés indiquées depuis par
Herbert se rapportent, sans aucun doute auC.cancellatus, dont elles dif-
fèrent par des fleurs blanches. L'une, qui est striée de violet à la base du
limbe et a un reflet bleuâtre, a reçu le nom de C. margaritaceus; l'autre,
qui peut présenter ou non des stries, mais est d'ailleurs absolument
blanche, celui de C. Mazziaricus.
QUATRIÈME SECTION.
Fleurs jaunes de diverses nuances.
25. C. §iiwopowiaMïis, C. Koch. — J'ai découvert cette jolie espèce
en 1836, dans les montagnes du Caucase, où son bulbe, désigné sous
le nom d'Ensela, est généralement employé comme aliment. Ce bulbe,
petit et ovale, est recouvert de tuniques brunes et membraneuses, sur
lesquelles on distinguée peine des nervures longitudinales, et qui se dé-
tachent irrégulièrement à la base. Cette espèce a pour caractère essentiel
un limbe infundibuliforme qui se transforme insensiblement en un tube
de la même longueur que lui ou à peine plus long, est en entier d'un beau
jaune-paille, de même que le tube, et ne présente aucune nervure de
couleur plus foncée. Les divisions du limbe sont oblongues, arrondies,
à peu près égales entre elles et beaucoup plus longues que les stigmates;
ceux-ci, d'un jaune d'or et dentelés, ne dépassent guère les anthères, qui
sont longues et blanches. On pourrait peut-être rapporter à cette espèce
la variété jaune du C. Carlwriglitianus, Herb. (C. Pallasii, Bieb.) que
Herbert nomme C. Cartwrightianus var. Creticus, parce qu'elle a élé
trouvée sur les montagnes de l'ile de Candie.
26. C. Yitelliniis , Wahlenb. nec Hort. — Cette plante de la Syrie,
trouvée sur le Liban par le voyageur suédois Berggreen, n'a plus été
observée depuis et n'a jamais été introduite dans les jardins. Elle est
essentiellement distincte du C. vitelliniis, cultivé au jardin botanique de
Berlin, qui fleurit au printemps. D'après le voyageur qui l'a découverte,
la fleur a entièrement une couleur de jaune d'œuf, sans aucune ner-
vure de couleur différente ou seulement plus foncée. Elle s'éloigne de
l'espèce précédente par son limbe à divisions lancéolées, beaucoup plus
longues que les stigmates, qui sont multifidcs et de la même longueur
que les étamines. Il est probable que les feuilles paraissent en même
temps que les fleurs.
— 336 —
ARBRISSEAUX DE PLEINE TERRE,
FLEURISSANT DE BONNE HEURE AU PRINTEMPS,
Par M. William WOOD.
Il est surprenant qu'on n'ait pas encore songé, plus qu'on ne l'a fait,
à réunir dans les jardins un plus grand nombre d'arbrisseaux à flo-
raison précoce, qui puissent former une agréable transition entre la
nudité de la terre en hiver et sa riche parure de fleurs au printemps.
L'espèce qui peut ouvrir la série des floraisons de la manière la plus
convenable est le Daphne mezereum, dont les fleurs purpurines, blanches
dans une variété, exhalent une odeur suave. Une autre espèce plus
brillante qu'elle, est le beau Rhododendre de la Daourie (Rhododendron
dauricam atrovirens) qui, dès le commencement du mois de mars,
épanouit ses fleurs d'un joli violet rose. Quelques pieds de cet ar-
brisseau très-rustique, abondamment florifère, d'un port gracieux,
plantés au milieu d'une masse du premier, ou formant eux-n >es une
masse isolée, produisent un effet remarquable. Le Jasminum nudifloriim,
qui fleurit en hiver et au premier printemps, produit de charmants
contrastes, sur un bord de verdure, par ses fleurs d'un joli jaune clair,
semblables à des étoiles. Après lui fleurit le Forsythia viridissima, dont
les branches se couvrent littéralement de fleurs jaunes, à odeur suave,
et qui se montre aussi rustique qu'abondamment florifère. On peut
faire contraster avec cet arbrisseau l'élégant Rhodora Canadensis, qui
produit une profusion de fleurs roses lilacées, petites, mais jolies. Ces
espèces sont suivies du Dentzia gracilis et du Rerberis Darwini, char-
mants arbrisseaux, dont le premier ressemble à un Syringat en minia-
ture, avec de nombreuses grappes de fleurs blanches comme la neige,
dont le second est orné d'un grand nombre de grappes pendantes de
fleurs colorées en jaune d'or, qui contrastent d'une manière charmante
avec la verdure du feuillage. Plus tard fleurit le nouveau Rhododendron
ciliatum de l'Himalaya, jolie espèce naine, dont les fleurs blanches,
légèrement lavées de rose sont grandes comparativement aux dimensions
de la plante.
Enfin M. Wood recommande comme méritant d'être plus répandues
qu'elles ne le sont encore, et comme très-propres à être cultivées en
pot, quelques espèces essentiellement ornementales, bien connues, il
est vrai, mais encore trop peu recherchées, dont la floraison est plus
tardive, notamment le Pêcher à fleurs doubles, le Ribes atro-sangui-
neum, et le charmant Amandier nain, à fleur simple et double.
33"
MULTIPLICATION DES ÏROPOEOLUM A TUBERCULES.
La multiplication des espèces de Tropœolum pourvues de tubercules,
telles que les Tropœolum tricolor, Jaratti, azureum, violaeeum, présente
beaucoup de difficultés et ne réussit même pas toujours lorsqu'on la fait
par les méthodes ordinaires. Aussi le prix de ces plantes se maintient-il
toujours assez élevé. Il est rare d'en obtenir des graines, et d'ailleurs
même celles qui sont bien mûres et fraîches ne germent pas très-facile-
ment. Les boutures exigent beaucoup de soins et souvent les pieds
qu'elles produisent meurent avant d'avoir formé des tubercules. Cette
difficulté de multiplication a déterminé l'auteur à essayer un nouveau
procédé de propagation qui lui a parfaitement réussi et qu'il expose de
la manière suivante.
Au moment de la plantation, en automne, les pots qui doivent rece-
voir les tubercules destinés à la multiplication des Tropœolum sont rem-
plis di '^nost habituellement employé pour la culture de ces plantes
seulem£n's et -u'à 5 ou 6 centimètres du bord. Les tubercules sont
alors enf(ises dont ->îtié dans cette terre, après quoi on donne assez de
chaleur et line Par'<ie <*nour déterminer une végétation rapide. Dès que
la tige grêle et a tourbeuse; forme fe ces plantes est devenue longue de
50 à 65 centimètres, en lu '">ant et tordant avec assez de précautions
pour ne pas la rompre, on lui dit des blessures sur plusieurs points,
et, autant que possible, au point d'insertion des feuilles; on la dispose
ensuite en cercle sur la surface de la terre où on l'assujettit. On achève
ensuite de remplir le pot jusqu'à la hauteur ordinaire , avec de la terre
de bruyère ou du terreau de feuilles mélangé de beaucoup de sable, de
manière à ne laisser sortir que la sommité delà tige. Celle-ci s'accroît
rapidement; la plante, comme de eoutume, végète avec beaucoup de
vigueur et fleurit abondamment. Sa tige endommagée avec intention et
recouverte de terre, produit des racines sur plusieurs points, de ma-
nière à déterminer une nutrition abondante. En outre, en retirant
plus tard la terre superficielle, on reconnaît autour du tubercule-mère
plusieurs jeunes tubercules qui se sont produits aux points où la tige
avait développé des racines et était devenue plus épaisse. Ainsi tracé, un
pied de Tropœolum Jaratti, dans un pot de 16 centimètres, a donné six
nouveaux tubercules qui avaient de 2 à 3 centimètres de diamètre.
Le Tropœolum pentaphyllum planté en pleine terre et traité de la même
manière a produit un grand nombre de tubercules dont l'épaisseur allait
REI.fi. HORT. T. VI. 28
— 338 —
jusqu'à 5 centimètres. Ainsi, dans la même année , on se procure sans
difficulté des tubercules de ces plantes assez forts pour servir i les mul-
tiplier commodément et avec sûreté.
(Gartenflora , traduction du Joum. de la Soc.
Imp. et Cent, dlwrt. de Paris.)
SUR LA CULTURE DES ORCHIDÉES EN PLEINE TERRE,
Par M. E. Regel.
Un mémoire étendu qui vient d'être publié par M. E. Regel, au
sujet du jardin botanique de Zurich , renferme, dans un chapitre spé-
cial, un véritable traité sur la culture des Orchidées de pleine terre,
à laquelle il a donné une attention toute particulière, pendant tout le
temps qu'il est resté à la tète de cet établissement. Nous croyons que
nos lecteurs liront avec intérêt un résumé de ce travai' ..^rtant,
fruit de l'expérience personnelle du savant qui dirige .. , , noment,
le jardin botanique de St.-Pétersbourg. ,, . ,. .
Tandis que la culture des Orchidées tropK j7 . . . nos jours en
, ,, , ■ • ,. . forsythia v>'\ J
très-grande vogue, celle des plantes indigent . orne famille est en-
d iienrc """
core presque entièrement négligée. La ca, J en est surtout dans l'opinion
généralement répandue que ces végétaux ne peuvent être cultivés en
pleine terre, mais seulement en pots et que même dans ces conditions,
ils exigent beaucoup de soins et de précaution. D'après M. Regel , cette
opinion est entièrement erronée.
Les Orchidées indigènes de nos pays croissent naturellement dans les
prés, dans les plaines, sur les pentes des montagnes, à l'ombre des bois.
On ne les rencontre que sur les terres qui n'ont pas encore été fumées,
ou qui ne l'ont été que très-faiblement. Dès que les prairies com-
mencent à recevoir des fumures régulières , les Orchidées qui s'y
trouvaient ne tardent pas à disparaître. Elles viennent spontanément
tantôt sur les sols entièrement incultes formés uniquement par la désa-
grégation des roches ou ne contenant encore qu'une très-faible propor-
tion d'humus, tantôt sur des terres plus riches en humus, quelques-unes
même croissent dans l'humus pur. Parmi ces dernières sont les espèces
des bois touffus, qui ressemblent entièrement par leur port à des
parasites. Telles sont YEpipogum Gmelini et le Neottia nidus-avis. En
outre, on en rencontre certaines dans des endroits humides ou même
marécageux, d'autres sur des pentes sèches, etc.
— 339 —
Parmi les espèces de nos pays, la plupart forment en terre deux tu-
bercules, soit ovoïdes, soit prolongés inférieurement en digitation, dont
l'un déjà flétri, épuisé, fournit au développement de la tige de l'année ;
dont l'autre, tout frais et renflé, devra servir à la végétation de l'année
suivante. D'autres, telles que les Epipactis, Neottia, Cypripediam, ne
présentent qu'un faisceau de racines simples, plus ou moins épaisses. 11
est de la plus grande importance, lorsqu'on veut transporter ces diffé-
rentes Orchidées de la campagne dans les jardins, de les enlever avec une
motte telle que leur portion souterraine y soit contenue en entier. Ces
faits posés et développés, M. Regel expose la culture des Orchidées
indigènes dans plusieurs paragraphes dont voici le résumé.
Les Orchidées de nos pays peuvent très-bien être cultivées dans les
jardins, pourvu qu'on les place de manière analogue à leur station
naturelle.
Toute fumure doit être soigneusement évitée. Dès lors, il faut éviter
de les planter dans une terre déjà engraissée par une culture jardinière
antérieure ou fumée depuis peu de temps. Pour celles comme la plupart
des Orchis et Ophrys qui croissent naturellement dans des prairies ou
des pelouses dont la terre est plus ou moins mêlée d'humus, on fait un
mélange d'une partie de terre fraîche douce ou de terre de gazon, d'une
partie de terre tourbeuse et d'une demi-partie de sable argileux ou de
vase d'étang.
GRAND FESTIVAL HORTICOLE
Organisé à Liège le 24 août 1856, à Voccasion du 25e anniversaire de
l'inauguration de S. M. le Roi.
La livraison du mois d'août de la Belgique horticole était déjà com-
posée lorsque s'est ouverte la grande exposition de fleurs, fruits, cé-
réales et instruments aratoires, organisée par les Sociétés d'horticul-
ture de Liège réunies, à l'occasion de l'arrivée du roi dans leur ville.
Mais nous voulons profiter du peu d'espace libre qui nous reste pour
remercier tous les horticulteurs belges et étrangers qui ont bien voulu
contribuer à l'éclat d'une manifestation en l'honneur du Roi , de l'em-
pressement qu'ils ont montré pour répondre à l'appel de la Commission
organisatrice. L'exposition a surpassé l'attente générale : il nous suffira
de dire que 127 exposants y ont pris part en répondant à 98 concours,
et que le jury a décerné 2 médailles d'or, 48 médailles de vermeil, 79
médailles d'argent , 43 médailles de bronze. Nous publierons le compte
rendu de l'exposition dans la prochaine livraison.
— 340 —
JARDIN FRUITIER.
DU MURIER,
Par M. L. de Bavay.
Arbre monoïque et parfois dioïque. Fleurs mâles : calice à quatre di-
visions, corolle nulle; quatre étamines à filaments droits, plus longs
que le calice. Fleurs femelles : calice semblable; corolle nulle, ovaire su-
père, globuleux, surmonté de deux styles divergents.
Le fruit est formé par la réunion de toutes les fleurs femelles, d'un
chaton dont les calices, devenus charnus, constituent autant de petits
fruits à une graine, lesquels s'unissent et composent la mûre.
Les mûriers sont des arbres dont le suc est laiteux , les feuilles
alternes, simples et accompagnées de stipules à leur base. Les chatons
sont solitaires ou réunis plusieurs ensemble dans les aisselles des
feuilles.
Cet arbre a beaucoup plus d'importance pour les feuilles qu'il fournit
à la nourriture de l'insecte qui donne la soie, que sous le rapport de son
fruit, qu'on ne sert pas à table.
Nous n'avons pas à nous occuper des mûriers qui servent à l'éduca-
tion des vers à soie. Nous ne devons considérer le mûrier que sous le
rapport des fruits et c'est pourquoi nous allons traiter du mûrier noir.
MURIER NOIR.
[Monts nigra, Lin.)
Arbre de 7 à 14 mètres selon le climat et la nature du terrain, se
formant en tête plus ou moins arrondie, à branches et rameaux tor-
tueux et à bourgeons courts et serrés. Feuilles pétiolées, cordiformes,
aiguës, dentées, glabres et rudes en dessus , pubescentes en dessous ,
entières ou quelquefois lobées ou découpées. Chatons solitaires ou par
deux ou trois ensemble, de forme oblongue, à axe et calice pubescents,
dans les fleurs mâles; ovales, à courts pédoncules, dans les fleurs fe-
melles. Fruits ovales-oblongs, de grosseur variable, d'un pourpre noi-
râtre, dont la saveur mucilagineuse , sucrée et acide, est assez agréable.
Les fleurs paraissent en juin et les fruits mûrissent successivement de
juillet en septembre.
Le mûrier noir est originaire de la Perse , mais l'époque de son in~
troduction en Europe est inconnue, puisque les auteurs anciens n'en
font aucune mention. Il a probablement été importé par la Grèce et
l'Italie, d'où les Romains l'auront apporté dans les Gaules à une époque
qu'on ignore également.
Alnrirr noir
— 341 —
Les poètes de l'antiquité ont dit que son fruit a été blanc. D'après
Ovide (Métamorphoses, livre IV), c'est depuis que Pyranie s'est donné
la mort au pied d'un mûrier, que ses fruits, arrosés par une pluie de
sang, sont devenus noirs, et que sa racine ensanglantée a donné la cou-
leur de pourpre à la mûre qui pend à ses rameaux.
Les mûres fraîches étaient en usage à Rome, où on les mangeait au
commencement des repas, et l'on en faisait une préparation médicale,
espèce de panacée universelle, à laquelle on attribuait la vertu de guérir
tous les maux.
De notre temps, on les mange fraîches pendant tout le mois d'août.
Elles sont rafraîchissantes et un peu astringentes, de même que le sirop
que l'on prépare avec parties égales de sucre et de mûres noires cueillies
avant leur parfaite maturité. Ce sirop s'emploie en gargarismes, comme
spécifique contre les maux de gorge. Etendu d'eau, il forme une boisson
que l'on administre dans les lièvres bilieuses.
L'écorce du mûrier est noire, acre et amèrc; on peut en faire des cordes
et du papier. Pline a vanté sa propriété purgative ou vermifuge; mais
la médecine moderne n'en fait aucun usage.
Ses feuilles sont, dit-on, employées en Sicile et en Calabre pour la
nourriture des vers à soie dont on Areut obtenir un fil plus grossier mais
plus solide.
Son bois, qui, au dire de Pline, noircit en vieillissant, s'emploie à des
ouvrages de menuiserie et de tour. Il y a quelques années qu'à Londres
à la vente de la veuve du médecin Garrick, un vase de ce bois sculpté et
monté en vermeil, fut vendu 600 francs et un fauteuil sculpté et fait du
même bois atteignit le prix de 3,800 francs. Il convient d'ajouter que
ces objets provenaient du bois d'un mûrier planté par Shakspeare.
Le mûrier noir est presque toujours relégué dans les basses-cours, où
il trouve un abri contre les vents du nord et un terrain mêlé de dé-
combres, ce qui lui convient parfaitement. On le laisse croître en liberté,
en le débarrassant seulement du bois mort; on ne le taille que pour le
rajeunir ou lorsque ses fruits ont perdu leur qualité.
Il y a des mûriers dont les récoltes sont alternes, c'est-à-dire, très-
abondantes une année sur deux. On reconnaît facilement l'année abon-
dante au grand nombre de fleurs femelles et à la rareté des fleurs mâles.
Les mûriers noirs d'une certaine force, qu'on élève dans les pépi-
nières, sont d'une reprise assez difficile, s'ils n'y ont subi quelques
transplantations préalables. C'est pourquoi il est bon de pratiquer des
trous assez grands et de les y planter, en remblayant avec des détritus
de couche ou d'autres terres légères et substantielles.
[Annales de Pomologie, li, 79.)
CULTURE MARAÎCHÈRE.
LA POMME DE TERRE SAUVAGE,
Par J. Lindley.
Malgré toutes les recherches faites sur la patrie de la pomme de terre,
son origine est encore enveloppée d'obscurité. Sans parler des opinions
anciennes, Meyen, dans sa Géographie botanique, lui assigne pour patrie
toute la partie occidentale de l'Amérique méridionale, l'ayant rencontrée
lui-même à l'état sauvage dans deux localités du Chili et du Pérou.
Il admet aussi avec Ruiz et Pavon qu'elle se trouve dans les montagnes
de Chancay, mais ne pense pas, comme Humboldt, qu'elle ait été cul-
tivée par les anciens Mexicains avant l'arrivée des Européens. Il n'est
pas parfaitement certain que les pieds trouvés par Meyen fussent réelle-
ment sauvages; mais sur la côte orientale de l'Amérique. Darwin, natu-
raliste du Beugle , a vu la pomme de terre croissant sur les côtes sa-
blonneuses des îles qui forment le petit archipel des Chanos, par le 45e
degré de latitude. Les tubercules étaient généralement petits; l'un d'eux
cependant avait 5 centimètres de diamètre et ressemblait sous tous les
points aux pommes de terre anglaises. On les trouve encore plus au
sud, sur la côte du Chili, et les Indiens les nomment Aquinas. Au
Chili, la pomme de terre est à l'état sauvage et connue sous le nom de
Maglia; des tubercules envoyés en 1822 par M. Caldelengh, et cultivés
dans le jardin de la Société d'Horticulture de Londres, ont donné une
plante identique à la pomme de terre anglaise. On en a fait , il est vrai,
une variété sous le nom de Solarium Commersonii ; mais, quant à moi,
je ne saurais trouver aucune différence entre notre pomme de terre et
la Maglia du Chili.
M. Uhde, qui réside au Mexique, m'a aussi envoyé des tubercules
sauvages de ce pays qui ont reproduit notre pomme de terre. De plus,
en juin 1846, la Société a reçu une variété velue du Solarium tuberosuin,
donnant peu de tubercules, mais beaucoup de stolons. Le paquet portait
pour étiquette : « Pommes de terre sauvages du Pérou, recueillies à
2,400 mètres d'élévation.» Cette espèce est identique à la Maglia Au
Chili ; c'est elle que Schlechtendall a désignée sous le nom de Solanum
verrucosum; elle provenait de Mineral-del-monte. Je la trouve égale-
ment identique à une espèce provenant du volcan d'Orizaba, d'une
hauteur de 3,000 mètres, et que Schlechtendall et Bouché ont désignée
sous le nom de Solanum stolonifcrum.
Le Chili et le Mexique sont donc bien la pairie de la vraie pomme tic
terre.
— 343 —
HISTOIRE DES PLANTES UTILES.
NOTICE SUR QUELQUES PRODUITS IMPORTANTS
Fournis par diverses espèces de Palmiers ,
Par M. Olivier Du Vivier.
Le pauvre et ignorant émigrant qui abandonne sa cabane natale pour
aller demander au sol de l'Amérique du Sud ce que la terre de la vieille
Europe ne peut lui donner, doit être frappé d'éionnement à la vue de
cette magnifique et singulière végétation dont il ne pouvait avoir au-
cune idée. La richesse des formes et des couleurs lui fait déjà pressentir
l'abondance des produits, et c'est avec joie qu'il va s'attacher à la glèbe,
certain d'être largement rémunéré des premiers travaux qu'il lui faut
nécessairement entreprendre.
Notre dessein n'est pas de tracer, à grands coups de pinceau , un
(ableau séduisant, mais peu utile, de la végétation des tropiques; ce
que nous voulons , c'est tirer de ce tableau quelques-unes des plantes
qui, par leurs productions diverses, sont devenues presque nécessaires
à l'humanité, c'est décrire ces plantes, leurs produits et la manière dont
on les obtient; c'est établir des rapports plus intimes entre l'Europe et
les autres continents, en faisant connaître à celle-là les matières ex-
portées de ceux-ci.
Pour cet article, nous avons choisi , dans la belle famille des Pal-
miers, plusieurs espèces intéressantes dont nous nous proposons d'ana-
lyser les productions.
§ I. LES PALMIERS A SAGOU.
Le Sagou est une fécule provenant de diverses espèces de palmiers,
et surtout des Sagus Rumphii (V. pi. 79), Sagus lœvis et Saguerus Rum-
phii, espèces de taille peu considérable (20 à 30 pieds au plus) et que
l'on trouve ordinairement dans des endroits marécageux. Leur tronc
ou stipe présente extérieurement un derme rugueux et épais, assez ana-
logue à celui du bambou; mais à l'intérieur , il est rempli d'une moelle
ou tissu cellulaire qui renferme une énorme quantité de fécule tenue là
en réserve par la nature pour la maturation du fruit, car aussitôt que
la floraison du palmier a cessé et que le fruit commence à se développer,
les cellules féeulifères disparaissent elle slipc se vide complètement.
344
L'extraction du Sagou est une
opération très-facile, mais elle
doit se faire avant l'épanouisse-
ment des fleurs, et elle exige
que l'arbre tout entier soit sa-
crifié. On choisit, pour la prati-
quer, le moment où les feuilles
des Palmiers se couvrent d'une
poudre blanchâtre et que plu-
sieurs épines, tant du sommet
que des feuilles, commencent à
tomber : c'est alors que la moelle
est le plus abondante. Le tronc
abattu est ensuite fendu et divisé
en morceaux de 6 à 7 pieds de
longueur, et la moelle arrachée,
dépouillée de ses enveloppes,
puis fortement broyée, est sou-
mise à des lavages répétés qui
séparent le sagou du paren-
Pl. 79. Le Minier à Sagou (Sagus Rumphii). chyme. De celte façon la fécule
se dépose au fond du vase, et, en décantant, on l'obtient très-blanche,
très-fine et constituant, après avoir été séchée au soleil, une pâte ap-
pelée Sagiimanta; mais afin qu'elle se conserve, on est obligé de la
passer et de la mouler avec des platines perforées, puis de la dessé-
cher au feu.
Beaucoup de fabriques anglaises emploient aujourd'hui le Sagou
comme amidon. Mais longtemps auparavant il servait de nourriture
aux habitants de l'Archipel indien qui le préparent de diverses façons.
Ainsi, clans toutes les îles Moluques, aux Manilles, aux Philippines, etc.,
on en forme, avec la pâte molle, tantôt des pains mollets assez bons,
tantôt, par son association avec quelques aromates, des poudingiies qui
conviennent fort bien aux convalescents; d'autres fois, et alors c'est aux
marchés d'Europe qu'il est destiné, le Sagou est soumis au procédé dit
de granulation, procédé qui a pour but d'en former de petits grains ar-
rondis, translucides et offrant un lustre perlé : cette préparation, la
seule qu'on emploie dans nos contrées comme nourriture, est encore
un secret conservé par les Indiens.
Le Sagou est maintenant universellement employé sur notre con-
tinent, où il entre dans la composition des potages à l'instar du riz, du
vermicelle, delà pâle d'Italie : ses grains se gonflent par leur ébullition
— 845 —
dans le bouillon et y acquièrent une plus grande translucidilé. C'est un
aliment léger et réparateur, quoique de facile digestion. Seba le recom-
mandait particulièrement comme la première nourriture à donner aux
enfants, et les médecins du siècle dernier le conseillaient dans la
phthisie; mais le Sagou, pas plus que les médicaments, n'a aucune vertu
spécifique contre cette dernière affection; s'il agit, c'est tout simple-
ment comme adoucissant, comme émollient.
Il existe dans le commerce deux ou trois variétés très-distinctes de
Sagou. La plus répandue est le Sagou perlé, qui se présente sous forme de
grains de sable très-régulièrement arrondis. Puis vient le Sayou granulé,
dont les grains atteignent la grosseur d'une graine de moutarde et qui
forment une excellente préparation devenant d'un usage de jour en jour
plus général. Enfin, comme troisième variété, nous admettons le Sagou
brun (Sagu fuscum de Pereira) que l'on rencontre rarement et dont , en
1851, on a pu voir un spécimen à l'Exposition des Importations , de
Liverpool. Ce Sagou, de couleur rouge-brun, présentait un aspect
onctueux et ressemblait assez bien à des graines de radis plus grosses
que d'ordinaire; il est spécialement connu dans le commerce sous le
nom de Sagou de Bornéo.
Presque tout le Sagou qui arrive en Europe nous vient de Singapore;
mais ce lieu n'est rien autre que l'entrepôt des produits de l'Inde. Les
Palmiers à Sagou croissent spontanément dans les nombreuses îles de
l'Océan indien, et c'est de là que le Sagou est envoyé à Singapore, puis
exporté par toute la terre. Afin de montrer combien sa consommation
est grande, nous ne citerons qu'un fait, à savoir la quantité qui en est
importée annuellement en Angleterre et qui s'élève aujourd'hui à plus
de 5,000 tonnes.
La fécule est le seul produit que les Européens extraient des sagou-
tiers; mais dans l'Inde, les feuilles de ces monocotylédones servent en
outre à couvrir les maisons, leurs nervures remplacent le chanvre pour
la fabrication des cordages, et enfin, il n'est pas jusqu'au duvet qui
recouvre le limbe foliaire qui ne serve aux Indiens à la fabrication de
certaines étoffes.
§ II. LE PALMIER GOMMUTK
Souslenom de Gomuto, le célèbre Rumphd'Amboine décrivit un pal-
mier que Labillardière observa dans les vallées humides des Moluqueset
baptisa du nom d'Arenga Saccharifera. C'est le palmier Gommiiti (v.
pi. 80), arbre au port noble, d'environ 20 mètres de hauteur, à
feuilles ailées et longues de 5 à 6 mètres ; ses fleurs sont monoïques et
situées dans des spathes séparées.
«"346
l'I. 80. Le Palmier Gomuiuli
(Areiiga sacekarifera).
UArenga, sans avoir l'impor-
tance du sagoulier, n'en constitue
pas moins, pour les habitants des
tropiques, une production végétale
des'plus utiles. Lorsque ses grandes
feuilles ont achevé leur croissance,
lorsqu'elles se flétrissent, elles tom-
bent, laissant la base du pétiole
étreindre fortement le stipe; bien-
tôt toutefois, le parenchyme mou
de ces restes de pétioles, se décom-
pose à son tour et laisse à découvert
de fortes fibres souvent disposées
comme à l'époque de leur dévelop-
pement, mais qui ne tardent pas à
se détacher elles-mêmes et à pendre
librement, ce qui fait croire, la pre-
mière fois qu'on examine cet arbre,
que le tronc a été déchiqueté et
comme privé de son derme.
Or, ce sont ces fibres qui, pré-
parées, servent aux habitants de
l'Inde à la fabrication de toiles, de
cordages, de câbles et d'une foule
d'autres objets domestiques. Les
libres de Gommuti sont très-communes, mais elles servent presqu'ex-
clusivement aux indigènes, et il n'en arrive que fort peu sur notre con-
tinent où il n'est pas probable d'ailleurs qu'elles obtiennent quelque
succès ; leur raideur, qui empêche d'en fabriquer des cordages lisses,
et leur manque d'élasticité, ne peuvent en effet être compensées par
leur principale qualité, c'est-à-dire leur inaltérabilité par l'humidité.
Mais ce n'est pas là le seul produit fourni par YArenga; en pratiquant
des incisions aux régimes naissants de ce palmier, il en découle une
liqueur qui, soumise à la coction, donne du sucre, et, à la fermentation,
une liqueur agréable. En ménageant les incisions, on obtient cette
liqueur pendant plus de la moitié de l'année. Enfin, pour terminer, nous
dirons que les fruits encore verts de YArenga, sont confits au sucre, et,
dans cet état, très-estimés à la Cochinchine où on les sert sur les tables
les mieux composées.
Ml
§ III. LE COCOTIER.
Commun sous les tropiques, mais surtout dans les îles de l'Archipel
indien, le cocotier (Cocos nacifera, L.) (v. pi. 81) est un des bienfaits
les plus précieux que la
nature ait pu concéder
aux habitants de ces
contrées. Le stipe, les
feuilles, les fruits, tout
y est utile. L'homme
peut y trouver tout ce
qui lui est strictement
nécessaire pour vivre,
et la preuve, ce sont les
nombreux équipages je-
tés sur des ilôts sablon-
neux, et qui n'ont dû
leur salut qu'à l'exis-
tence de quelques Coco-
tiers dont le germe y
avait été jeté par ces
mêmes vagues qui en-
gloutissent les mortels.
La noix de coco, ou
le coco, fournit aux ha-
bitants des tropiques
une nourriture agréa-
ble, une boisson rafraî-
chissante , des fibres
textiles, différents us-
tensiles de ménage et
une huile estimée pour
divers usages domesti-
H. 81. Le Cocotier (Cocos nucifera, L.) ques.
L'enveloppe extérieure de cette noix offre trois surfaces planes qui se
lerminent au sommet en une pointe émoussée, de sorte qu'une section
transversale de la noix entière produirait une figure triangulaire. Cette
enveloppe, formée de fibres nombreuses et très-fortes, formant une
coque dure et compacte à la périphérie et un tissu très-làche à l'inté-
rieur, cette enveloppe, disons-nous, sera examinée tout-à-1'heure.
Immédiatement après elle, en allant de dehors en dedans, se présente
— 348 —
une coque de forme ovule, très-dure, et d'environ un quart de pouce
d'épaisseur : entre les mains des indigènes, cette coque, polie et tra-
vaillée, se transforme en tasses, poires à poudre, vases, gobelets, gon-
doles et autres jolis ouvrages nuancés de diverses couleurs, comme ceux
que l'on fabrique avec la calebasse. A Siam, elle sert à mesurer les
liquides, et pour cela, on gradue sa capacité avec de petits coquillages
univalves (Cyprœa moneta, L.) appelés Cauris. Il y a ainsi des cocos de
deux cents, trois cents et même de mille cauris.
Lorsque les cocos ne sont pas encore mûrs, on trouve, sous la coque
dont, nous venons de parler, une grande quantité d'une eau claire, odo-
rante, aigrelette dont on fait usage, dans le pays, soit pour se désaltérer,
soit pour relever les sauces. Plus tard, cette eau se convertit en une
amande fort agréable au goût, mais qui, conservée longtemps, finit par
rancir et devient ainsi une nourriture lourde et indigeste. Enfin, quand
les cocos ont atteint la moitié de leur grosseur, on les nomme Cocos au
lait, parce que la substance qu'ils renferment ressemble à une crème
épaissie, crème qui forme un mets délicat et très-recberché.
Un autre produit important est encore retiré de la noix de coco :
c'est l'huile ou plutôt le beurre de coco que l'on extrait de l'albumen blanc
de l'amande, et qui est généralement employé dans les Indes. Ce beurre,
assez consistant, est d'un blanc lardacé et possède une odeur sui
gemris, odeur d'abord assez faible, mais qui, à mesure que l'huile
vieillit, devient de plus en plus désagréable, et finit par rappeler celle
des fromages les plus avancés ; sans cet inconvénient, le beurre de coco
servirait beaucoup plus qu'il ne le fait, dans la fabrication des savons et
des pommades; on ne l'emploie en Europe que pour en retirer delà
stéarine de coco ou cocinine, avec laquelle on fabrique d'excellentes
bougies. 11 constitue aussi la base de quelques savons très-grossiers et
usités principalement dans la marine. En 1851, la quantité de ce corps
gras importée en Angleterre, s'est élevée au poids de 5000 tonnes,
provenant en grande partie de Manille et de Ceylan.
Quelques mots maintenant de l'enveloppe extérieure du coco, Lqui est
désignée sous le nom de Caire. Les fibres que l'on en retire sont pres-
qu'aussi tenues que celles du chanvre et ont sur ces dernières l'avantage
de résister plus longtemps à l'action de l'eau. Ces fibres se préparent dans
l'Inde sur une vaste échelle, mais c'est surtout dans les parties orientales
de cette contrée qu'on les rassemble et qu'on leur donne les qualités
requises pour servir à la confection des cordages, etc. Du reste, cette
préparation est très-simple : on bat fortement le caire pour en séparer
les fibres sèches cl très-légèrement unies entre elles; celles-ci sont ensuite
peignées par un regayoir très-solide, qui rejette tout ce qui n'est pas
— 349 —
propre à être tissé, et les fibres, alors bien distinctes, sont triées selon
leur grosseur et importées en immense quantité en Europe, où elles sont
aujourd'hui manufacturées en bonnes cordes, paillassons, nattes, etc.
Dans l'Inde, on les emploie surtout comme cordages de navire et comme
filets de pêche, leur légèreté les recommandant spécialement pour ce
dernier usage; leur durée est également surprenante, et il n'est peut-
être pas de fibre végétale qui supporte mieux qu'elles les alternatives de
sécheresse et d'humidité. Le caire est aussi transformé en brosses qui
sont plus durables que celles que nous fabriquons avec des soies de
cochon; et, sans même lui faire subir aucune préparation, les habitants
pauvres de l'Inde se servent de ce caire en guise de brosses, de l'emploi
desquelles ils n'ont qu'à se louer. L'importation des fibres de cocotier
prend tous les jours un accroissement plus considérable : en 1850,
l'Angleterre en a vu débarquer dans ses ports plus de 10,000 tonnes,
arrivant surtout de Ceylan et de Bombay.
Outre des noix, des fibres, de l'huile, et sans parler des racines, dont
on construit des paniers, etc., le Cocotier, comme d'autres espèces de la
même famille, produit encore le Vin de palmier, appelé aussi Toddy;
mais sur la manière dont se fait l'extraclion de ce vin, règne une
erreur que l'on voit encore se reproduire tous les jours dans les
ouvrages les plus estimables. On affirme, en effet, qu'en coupant le
chou ou les bourgeons terminaux constituant le cœur du palmier, il
s'écoule de la blessure un liquide dont la fermentation donne naissance
au toddy. Cette opération, qui tuerait le palmier, ne se pratique pas du
tout de cette façon, mais bien en excisant la spathe, c'est-à-dire l'enve-
loppe de la panicule des fleurs. Par là, on empêche le Cocotier de pro-
duire autantde fruits qu'il en aurait portés ; mais comme il donne 12 ré-
coltes par an, l'on perd seulement un mois, si l'opération est bien faite.
Le Cocotier, disons-nous, donne des fruits tous les mois, et, où on
les cultive, on a soin d'éclaircir les régimes florifères, de façon que
chacun d'eux ne produise que 7 à 12 noix, sans quoi, celles-ci seraient
inférieures en qualité et en grosseur.
M. Braithwaite Poole, dans ses statistiques, a constaté qu'en 1850, il
a été importé en Angleterre 1,575,000 noix de coco, ou le poids énorme
de 1,575 tonnes. Et qu'on se souvienne qu'en Europe, cette noix est
simplement un objet de curiosité; qu'elle sert principalement de jouet
aux enfants, qu'elle n'a, en un mot, aucun usage économique.
Le Cocotier croissant surtout sur les bords de la mer et sur les rives
des fleuves, se propage très-aisément; son fruit, recueilli parles flots,
surnage et est poussé par le vent jusqu'à ce qu'il atteigne un récif de
corail, un banc de sable sur lequel, implantant de puissantes racines, il
— 350 —
se développe, se transforme en magnifique palmier, et porte la vie et
l'abondance là où tout n'était auparavant que désert, et néant. Mais
l'homme va au-devant des vues de la nature, et, n'attendant pas ce que
peut-être il ne rencontrera jamais, il crée des plantations de cocotiers,
comme nos pères ont créé les jardins fruitiers avec la pomme, la poire ,
la pèche, etc. C'est surtout dans l'Amérique méridionale que cela se
pratique comme suit : Les noix de cocos que l'on choisit pour graines
sont plantées à environ un pied de profondeur, et on en forme des rangs
serrés entre eux, pour la plus grande commodité de l'arrosement : on les
plante souvent aussi le long des murs des maisons, afin que l'eau qui
tombe des toits les arrose; cela suffît ordinairement, et le propriétaire se
trouve soulagé d'un grand travail. Cinq mois après , les pousses com-
mencent à percer la terre, et après un an , les jeunes arbres peuvent
être transplantés. On les place alors à la distance de 8 ou 10 pas les
uns des autres, dans la terre qu'on a défrichée pour les recevoir;
aussitôt qu'ils ont pris racine, et il en est fort peu qui périssent, on
est presque dispensé de toute culture ultérieure.
§ IV. LE DATTIER.
Le Dattier, (Phœnix dactylifera, L.) ( V. pi. 82) appartient à la
Diœcie de Linné et constitue le Palmier par excellence (1). C'est un
arbre magnifique, élevant son stipe altier à plus de 50 pieds de hauteur,
et terminé par une ample touffe de feuilles pennées, de palmes, dont les
folioles aiguës s'étalent élégamment sur les côtés d'un pétiole souvent
long de plus de cinq pieds. Rien de plus gracieux, rien de plus élégant
qu'un bosquet de ces arbres ; écoutez plutôt ce qu'en pense le poète
Moore :
« Those groups of lovely dale-trees, bending
Languidly their leaf-crown'd heads,
Like youthful maids, when sleep descending
Warns them to their silken beds (2). «
De l'aisselle des feuilles sortent des spathes fort longues qui
bientôt vont s'ouvrir et laisser s'échapper de larges grappes rameuses
ou régimes, portant les unes des fleurs, les autres des ovaires,
(1) Chaque fois que la Bible et le Nouveau-Testament citent le Palmier, c'est du
Dattier qu'ils entendent parler.
(2) Ces groupes de séduisants dattiers , courbant languissamment leur tête cou-
ronnée de feuillage, ressemblent à ces fraîches jeunes filles que le sommeil gagne et
conduit à leur couche de soie.
^5i
selon le sexe auquel appartient
l'individu. Le transport de la
poussière fécondante sur les or-
ganes femelles réclame donc ici
l'intervention d'un agent quel-
conque, et ce sont ordinaire-
ment les abeilles et le vent qui
se chargent de ce soin ; mais il
arrive bien souvent que des
Dattiers femelles restent impro-
ductifs, faute de fécondation.
Michaux rapporte à ce sujet que
les Persans avaient depuis long-
temps reconnu que le pollen
pouvait se conserver intact et
qu'ils avaient coutume d'en ren-
fermer une certaine quantité
dans des tubes hermétiquement
fermés pour la projeter sur les
Dattiers femelles, dans les con-
trées où l'ennemi avait détruit
tous les individus staminifères.
Enfin la datte succède à la
fleur. Ce fruit n'est guère aussi
estimé en Europe que dans son
pays natal , et il serait assez dif-
ficile d'en dire la cause, car,
outre son parfum et son goût
exquis , il constitue encore un
PI. 82. LeDallier (Pbœnix daclylifera , L.) mets très-nourrissant. Les dattes
nous viennent de Barbarie et d'Egypte, et sont ordinairement de la
variété dite Tafilat; parfois cependant nous recevons aussi d'Egypte
des Dattes blanches qui sont un peu plus grosses que le fruit du chêne,
presqu'aussi lisses que lui et d'un blanc jaunâtre assez foncé; tandis
que les Tafilat, deux fois plus volumineuses qu'elles, sont d'un rouge
brun sombre, à surface ridée et couvertes d'un exsudât saccharin.
Le D' James Richardson dit, en parlant des dattes du Fezzan :
« Alors que toute nourriture vient à manquer, le Dattier prodigue,
chaque année, son fruit nourrissant et empêche ainsi les habitants du
désert de mourir de faim. Les dix-neuf vingtièmes de la population du
Fezzan vivent uniquement de dattes pendant neuf mois sur douze, et
— 352 —
une multitude d'animaux s'en nourrissent également, précisément à
l'époque où les oasis manquent d'herbages. » Plus loin, le même voya-
geur décrit 46 variétés de dattes qu'il a trouvé cultivées dans les oasis
des déserts du nord de l'Afrique.
Complètement mûre, la datte fraîche est appelée ruteb; mais dans cet
état elle n'est pas susceptible d'une longue conservation. Pour qu'on
puisse l'exporter au loin, elle doit être cueillie un peu avant sa maturité,
puis desséchée au soleil.
Les Arabes extraient des dattes une espèce de sirop qu'ils emploient
dans plusieurs préparations culinaires; ils en fabriquent aussi la farine
de dattes que son incorruptibilité rend des plus précieuses ; enfin on
peut retirer et on retire de ces fruits une sorte particulière de vin et de
l'alcool.
Outre le fruit, le cœur et les bourgeons terminaux du Dattier, connus
sous le nom de chou de Palmier, sont fort estimés comme légume;
quand on enlève ce chou , il s'écoule de la blessure pratiquée une im-
mense quantité de liquide qui fermente rapidement et qui, soumis à la
distillation produit un arrack de qualité inférieure. Malheureusement le
pied doit périr après qu'on lui a fait subir cette opération.
Le bois des jeunes Dattiers ne peut être employé à aucun usage, mais
celui des pieds mâles âgés sert en Afrique comme bois de charpente et
de menuiserie, et résiste parfaitement à l'action destructive de l'humi-
dité ; c'est toujours le bois du Dattier mâle que l'on emploie, les plants
femelles étant précieusement conservés pour la production des dattes.
Le Dattier se plaît dans les terrains sablonneux des pays tropicaux ;
on le trouve cependant cultivé en Grèce, en Italie et même en Provence;
mais c'est surtout dans l'Afrique septentrionale et dans quelques parties
de l'Asie que la connaissance de sa culture remonte aux périodes
les plus reculées. Au rapport de Burckhardt, ces arbres sont hérédi-
taires dans les familles arabes et vendus comme des objets de valeur.
Bien souvent la dot d'une jeune fille est tout entière composée de
Dattiers, et l'importance que l'on y attache est si considérable, que la
première question que se font les Bédouins est-celle-ci : « Quel est le
prix des dattes à la Mecque ou à Médine? »
La quantité de dattes importées annuellement en Angleterre dépasse
rarement le poids de 10 à 12 tonnes.
OiK'ulium Limminohei , Ed. M?
353
HORTICULTURE.
ONCIDIUM LIMMINGHEI.
Oncidie de M. le comte Alfred de Limminghe.
FAMILLE DES ORCHIDÉES. — GYNANDRIE MONANDRIE.
Par M. Edouard Morren.
Oncidium Swartz, Perianthium explanatum. Sepala saepius undulata, lateralibus
nunc sublabelloconnatis. Petala conformia. Labellum maximum, ecalcaratum, cum
columna continuum, varie lobatum, basi tuberculatum v. cristatum. Columna libéra,
semiteres, apice utrinque alata. Anthera semi-bilocularis, rostello nunc abbreviato,
nuncelongato rostrato. Pollinise 2, postice sulcata, caudicula plana, glandula oblonga.
— Herbse epiphytae, nunc pseudo-bulbosœ. Folia coriacea. Scapi paniculati vaginali
rarius simplices. Flores speciosi, saepius maculati. rarius albi. Lindlcy.
Oncidium (sect. glainduligera) Limminghei. Caulis epiphytus scandens. Pseudo-
bulbis adpressis, oblongis, obcordatis, basi atlenuatis, obsolète rugosis, mono-
pbyllis, squama utrinque axillari, longiori, scariosa, acuminata, velatis. Foliis
solitariis, sessilibus , pseudo-bulbos vix duplo superantibus, planis, ovato-oblongis
obtusis,'mucronatis,basiinîequalicordatis, acutis,subdimidiatis,alutaceoseabriusculiSj
maculis fuscis transverse multistriatis. Scapo tenue elongato, simplici, bracteato —
bracteis membranaceis acutis — 1-2-5 floribus vicissim florentibus. Sepalis basi
connatis; sepalo dorsali petalisque conformibus, concoloribus, ovatis, obtusis, sub-
undulatis, basi attenuatis, flavovirentibus fusco late maculatis; sepalis inferioribus
paulo minoribus, virescentibus pallide brunneo pictis. Labelli basi auriculis rotun-
datis, isthmoobcuneato elongato in laminam reniforme-obcordatam bilobam expanso.
Crisla biloba, lobo inferiore majore, utrinque tuberculata. Disco tabuliformiquadran-
gulari callis 2 grumosis anticis notato. Columnae alis 4 laceratis fimbriatis : 2 latera-
libus angustioribus, 2 apicilaribus inflexis, basi purpureo punctatis. Labelli lobis
crislaque aureis purpureo guttatis. Ed. Morren.
0. Limminghei Ed. Morr. Lindl. Folia Orchidacea part. VI et VII, 1855, p. 56. —
C. et Ed. Morren, Bchj. Uort. VI, p. 553, Tab. 83. 1856.
UOncidium Limminghei a fleuri, pour la première fois, au mois d'août
1855 dans les serres du jardin botanique de l'Université de Liège. Son
origine n'est pas bien certaine, mais nous pensons qu'il est originaire de
l'ancienne province de Caraccas dans l'Amérique méridionale et qu'il
faisait partie d'une collection de plantes envoyées en Belgique par M. Van
Lousberghe, consul des Pays-Bas. Quoi qu'il en soit, l'examen de la
fleur nous révéla un Oncidium, et nous fit supposer l'espèce nouvelle
RELG. HORT. T. VI. 29
— 354 —
et voisine de YO. papilio : le savant professeur Lindley confirma ces
vues et reconnut qu'elle devait former, avec YO. papilio une section
spéciale du genre Oncidie, celle des glanduligera. M. le comte Alfred de
Limminghe, botaniste distingué, l'un des plus éminents protecteurs de
l'horticulture belge et grand amateur d'Orchidées, voulut bien accepter
la dédicace de la plante.
L'oncidie de M. le comte de Limminghe est pour le botaniste une
plante curieuse et intéressante sous plusieurs rapports; elle possède
en outre une grande élégance de formes. C'est une miniature gracieuse
de YOncidium papilio: de même qu'il semble qu'un papillon jaloux
vient toujours cacher les fleurs de YO. papilio, de même on croirait voir
posée sur la hampe fleurie de YO. Limminghei une grosse abeille venant
butiner le nectar de la fleur.
«Il est difficile, dit M. le Dr Lindley (1), de trouver une place satisfai-
sante pour YO. papilio; et maintenant que l'on connaît une seconde es-
pèce (0. Limminghei) présentant aussi des pétales et un sépale dorsal
beaucoup plus grands que les sépales latéraux, il semble convenable de
les associer en un petit groupe complètement séparé des autres. » Ces
deux espèces se distinguent en effet par plusieurs caractères impor-
tants, notamment par l'existence de glandes ou de divisions pectinées
sur la colonne formée par les organes de la reproduction, des nom-
breuses espèces, deux cents environ, que compte aujourd'hui le genre
Oncîdium.
Sa végétation est franchement ëpiphyte ; elle croît, librement sus-
pendue dans la serre, sur un morceau de bois d'acacia sans terre, sans
humus et sans mousse : la tige émet des racines aériennes qui adhèrent
fortement contre l'écorce, et elle-même donne naissance en s'allongeant
à des pseudobulbes distiques, aplatis, oblongs, à sommet en cœur, à
base rétrécie, à surface couverte de rugosités confuses et donnant
chacun naissance à une seule feuille. Ces pseudobulbes mesurent en-
viron 2 centimètres de hauteur, 15 millimètres de largeur, sur une
épaisseur de 3 à 4 millimètres; ils naissent, comme les véritables bour-
geons , protégés par deux écailles, vertes d'abord , plus tard scarieuses
lancéolées, acuminées, opposées, axillaires et voilant en partie les pseu-
dobulbes comme une espèce de membrane blanche en les dépassant
même par leur pointe. Les feuilles sont solitaires, sessiles, longues de
3-4 centimètres, larges de 2 centimètres environ, planes, arrondies ou
ovales, à base en cœur, à extrémité amincie , âpres au toucher, très-
Ci) Lindley, Folia Orchidacra, part. VI <n VII, p. 56. 1835.
— 355 —
finement chagrinées, et marquées de nombreuses stries rouges, petites,
transversales et irrégulières. Ces feuilles présentent en outre une par-
ticularité remarquable, à savoir, que les deux moitiés du limbe diffèrent
de forme et de grandeur; le sillon qui marque la nervure jmédiane au
lieu de partager la feuille en deux parties égales, ne correspond au con-
traire jamais au diamètre géométrique, l'un des côtés étant cons-
tamment plus large que l'autre, formant à la base une oreillette plus
ample et le dépassant à la pointe. D'autres feuilles présentent ce phéno-
mène d'absence de symétrie, par exemple, celle des Bégonia : mais
dans toutes ces plantes on observe comme règle générale, que le demi-
limbe le moins développé est toujours situé du côté de la tige, tandis
que celui qui a pris le plus d'extension est dirigé en dehors. Chez YOn-
cidium Limminghei au contraire, si l'on suppose la tige formant l'axe
de la plante, on trouve que les demi-limbes les plus développés sont
dirigés vers le centre et par conséquent que toutes les feuilles ont
alternativement la moitié droite et la moitié gauche plus considérable.
Hampe longue de 15 centimètres, glabre, arrondie, maculée de rouge
brun, de vert et de petites stries blanchâtres, munie à des distances de
5 centimètres environ de petites bractées scarieuses, lancéolées, acu-
minées, d'un jaune fauve, marquées de petites côtes longitudinales pa-
rallèles et longues de 5 millimètres : elle porte deux à trois boulons qui
s'épanouissent successivement. Chaque fleur mesure de 3 à 4 centimètres
de diamètre. Le sépale dorsal et les deux pétales supérieurs sont de
même forme et de même couleur, ovales, obtus, légèrement ondulés ,
atténués à la base, étalés, un peu rejetés en arrière, d'une longueur de
47 millimètres sur une largeur de 8; ils sont d'un brun fauve pâle,
maculé de jaune verdâtre surtout vers le sommet, d'un aspect mat,
verdàtre extérieurement avec des stries et des macules brunes, surtout
vers les marges. Sépales inférieurs plus petits que le dorsal avec lequel
ils sont soudés à la base, longs de 13 à 14 millimètres, larges de 6 à 7,
entiers, d'un jaune pâle, marqués de bandes transversales fauves. Le
labelle est grand, d'une longueur de 18 millimètres, largeur de 15 ,
muni de deux grandes ailes latérales arrondies à bords ondulés, isthme
rétréci, s'élargissant en un lobe large, étalé, quadrilatéral arrondi, légè-
rement échancré au milieu; tout entier d'un jaune clair vif et brillant ,
maculé partout, sauf à l'origine du lobe moyen, de macules rouges,
semblables à des gouttelettes de sang. La crête se présente sous forme
d'une lame saillante, mince, comprimée, présentant sur son profildeux
lobes, le supérieur très-petit, l'inférieur beaucoup plus vaste, et mon-
trant de chaque côté à la base une petite saillie tuberculeuse, de la
même couleur que le labelle. Le disque est tabuliforme quadrangulaire ,
— 356 —
les angles antérieurs portant de petites callosités irrégulières. Colonne
pourvue fie quatre ailes ou appendices pectinées, les deux latérales plus
petites, les deux supérieures infléchies et présentant une dent infé-
rieure plus profonde que les autres, d'un jaune pâle coloré en rouge vif
à l'insertion sur la colonne.
Culture. La culture de YOncidium Limminghci est fort simple; il
végète sur un morceau de bois d'acacia revêtu de son écoree et sus-
pendu par un fil de fer aux vitres d'une serre chaude. Il se multiplie
aisément par divisions de la tige que l'on fixe contre une branche
jusqu'à ce qu'elles aient émis des racines. La floraison se fait en août et
septembre.
LA SERRE A ORCHIDÉES DE M. LLEWELYN
A PENLLERGARE.
La lecture des descriptions de la végétation splendide qui couvre les
bords des cataractes des rivières tropicales, suggéra à M. Llewelyn, la
pensée hardie de cultiver ses orchidées dans des conditions analogues.
C'est la chute du fleuve Berbrice décrite d'une manière si saisissante par
Sir R. Schomburgk à l'occasion de la découverte du Huntleya violacea
qu'il ne craignit pas de représenter dans ses serres; il forma de ces
plantes un groupe enchanteur, animé par une chute d'eau et en même
temps les plaça dans les meilleures conditions de développement, l'humi-
dité et la chaleur. Peut-on en effet imaginer un séjour plus délicieux
que l'intérieur de la serre dePenllergare, dont notre gravure reproduit
une vue; et n'y trouve-t-on pas réalisé le meilleur mode de culture des
orchidées par un amateur? Il ne faut pas un grand effort d'imagination
pour se croire transporté sur les rives d'un ruisseau de la Guyane, et si
quelque chose peut rappeler qu'on se trouve dans la serre d'un riche
amateur anglais, c'est que les fleurs les plus suaves des Indes orientales
se marient aux formes élégantes et bizarres des épiphytes de l'Amérique
tropicale.
Le Huntleya violacea fut l'une des premières espèces plantées, et il
fleurit et prospéra immédiatement.
Les genres des Indes orientales, tels que les Vanda, les Saccolabium ,
les Aerides et d'autres espèces caulescentes sont cependant ceux qui
végètent avec le plus de vigueur; la plupart d'entre eux exigent à
chaque instant l'emploi de la serpette pour modérer leur ardeur d'en-
vahissement sur le territoire des espèces plus délicates. Les plantes qui
croissent ainsi ont une vigueur toute sauvage et sont bien différentes de
PI. M
Vue de la Serre à Orchidées de lî. Llcwelvii, à PeDllcrgar<
— 3S8 —
celles cultivées à la manière ordinaire; véritables filles de l'air, elles pui-
sent leur subsistance dans l'humidité atmosphérique seulement, et
peuvent donner une idée de leurs forêts natales. Différentes espèces en-
tremêlées dans une admirable confusion , des Dendrobium, des Cama-
rotis, des Renanthera , côte à côte avec des guirlandes de fleurs et des cou-
ronnes de feuilles entrelacées, envoient leur longues racines s'abreuver
à l'eau de la cascade ou même jusqu'au bassin où elle vient se précipiter.
Beaucoup d'espèces se fixent sur la roche elle-même, d'autres sur des
blocs de bois, d'autres encore s'élancent de corbeilles suspendues et
l'on peut ainsi en rassembler un grand nombre dans un espace relati-
vement restreint. L'effet général est admirable et l'humidité, constamment
entretenue par une chute d'eau , fortifie la constitution des plantes en
leur donnant le bien-être qu'elles trouvent dans leur patrie.
L'eau qui doit alimenter la cascade est amenée au sommet de la serre
par un tuyau de conduite qui passe au travers de la chaudière; elle est
ainsi portée à une température suffisante, puis elle vient se précipiter
du haut d'un rockwork, se brise sur les saillies des pierres , en mille
éclats lancés sur les plantes ou qui retombent pour se briser encore et
former une nouvelle chute qui se divise en plusieurs petits ruisseaux
et forme enfin une large nappe étendue jusqu'au vaste bassin occupant
le centre de la serre et dont les rives sinueuses sont verdoyantes d'Or-
chidées, de Fougères et de Lycopodiacées ; quelques pierres dont le
sommet dépasse le niveau de l'eau, des troncs d'arbres qui s'y sont af-
faissés semblent avoir été envahis par la riche végétation épiphyte des
tropiques. L'arrangement des pierres du rocher ou rockwork doit
varier suivant la nature de celles que fournit le pays; chez M. Llewelyn
elles sont disposées d'une manière assez régulière en couches super-
posées comme dans les roches naturelles; l'état d'humidité dans lequel
elles se trouvent a fait qu'elles ont été promptement couvertes d'un
épais tapis de Fougères semées spontanément et par les tiges rampantes
des Lycopodiacées tropicales, au milieu desquelles beaucoup d'espèces
d'Orchidées aiment à s'enraciner.
On peut dans la plupart des serres parvenir aisément à imiter la dis-
position de celle de Penllergare. C'est le véritable mode de culture des
Orchidées, et l'on obtient un effet bien supérieur à celui produit par des
plantes végétant à l'étroit dans des pots régulièrement placés. D'ailleurs
presque toutes les serres à Orchidées sont à présent établies sur un plan
de jardin d'hiver, non-seulement chez les riches amateurs, mais même
chez nos principaux horticulteurs qui auront sans doute reconnu que
ce mode de culture est avantageux aux espèces. La singulière végétation
des Orchidées , dont les unes veulent croître enterre, les autres au
— 359 —
milieu des sphagnum, celles-ci sur des bûches de bois, celles-là dans des
corbeilles suspendues, dans la sécheresse ou dans l'humidité, à la lu-
mière ou à l'ombre , semble presque exiger une disposition variée et
accidentée. La transformation d'une serre en un plan conforme à celui
que nous venons de décrire n'occasionne d'autres dépenses que celles de
la construction du rockwork et de la conduite de l'eau.
REVUE DES PLANTES NOUVELLES OU INTÉRESSANTES.
Pteris hcterophylla, L. — Bot. Mag. tab. 4925. — Linn. Sp.
PL p. 1534. — Willd. Sp, PL v. 5, p. 394. — Fée, Gen. Fil. p. 125 et
126. — Synon. : Adiantum foliis hexagonis Plumier, fil. pi. 37. —
Famille des Fougères; Cryptogamie. — Ptéris à feuilles variables.
Ce Pteris ressem-
ble beaucoup au Cry-
ptogrammes crispa
Ht. (Pteris crispa L.)
de l'Europe, tantpar
sa taille que par ses
frondes fertiles plus
longues que les fron-
des stériles, et à pin-
nules fertiles com-
primées présentant
des sores opposés
paralèles. C'est, mal-
gré ces affinités gé-
nérales, une espèce
distincte et fort tran-
chée parmi les congé-
nères ; elle se trouve
surtout à la Jamaï-
que, d'où elle a été
introduite clans le
jardin royal deKew;
le célèbre Plumier la
découvrit jadis àSt.-
Domingue ; elle se
trouverait également
près de Rio de Ja-
neiro et dans l'île de
Cuba.
PI. 85. Pteris helerojtltylla L (7» grand, nal.)
— 360
PI. 86. Piunule slérilc (grossie). PI. 87. Piunule fertile (grossie).
Les frondes stériles ont environ 15 à 20 centimètres de hauteur; les
fertiles ont jusqu'à 35 centimètres de longueur; les pinnulesdes pre-
mières sont ovées ou obovées , dentelées; celles des secondes sont
oblongues ou oblongues linéaires, les unes et les autres sont glabres.
Arlstolochia Thwaitesii, Hook. — Bot. Mag. tab. 4918. — Fa-
mille des Aristolochiacées; Gynandrie Hexandrie. — Aristoloche de
Thwaites.
Pendant une excursion dans l'intérieur de Ceylan, M. Thwaites, direc-
teur du jardin botanique de Peradenia, découvrit celte espèce d'Aristo-
loche dont il envoya des graines à M. Hooker. De ces graines sont pro-
venus les pieds qui ont ileuri au mois de mars de cette année et d'après
lesquels l'espèce a été décrite et figurée. Cette plante est remarquable,
dans un genre qui ne renferme guère que des espèces fétides, ou ino-
dores, parce que ses fleurs exhalent une très-bonne odeur comparable
à celle du Colocasia odora. Elle forme un sous-arbrisseau dont la tige
dressée, simple ou rameuse uniquement à sa base, haute d'environ 2 dé-
cimètres, part d'un rhizome renflé en tubercule. Ses feuilles sont
lancéolées, assez nettement spatulées , acuminées au sommet, parfai-
tement entières, portées sur un court pétiole. Du haut du rhizome
partent plusieurs inflorescences qui consistent en sortes de grappes
longues de 8 ou 9 centimètres , dont chacune ne porte à la fois
qu'une seule fleur épanouie. A chaque fleur est opposée une petite
bractée. Ces fleurs elles-mêmes sont jaunâtres, chargées de poils en
dehors et en dedans, et leur gorge est colorée en brun pourpre foncé;
361 —
elles ont la forme d'un long tube deux fois courbé brusquement sur
lui-même, médiocrement évasé à son orifice qui est oblique. M. Hooker
fait observer que cette Aristoloche, qui a été tenue en serre chaude, pa-
raît être facile à cultiver.
i lollinsla veina, Nutt. — Bot. Mag.tab.AWl.— Nûtt. Journ.
Acatl. Philad. v. I, p. 190 l. 1. — Famille des Scrophularinées. Didy-
namie Angïospermie. — Collinsia printanière.
Celte gracieuse espèce annuelle est ab-
solument nouvelle pour les jardins, le Col-
linsia verna de Sweet étant le C. grandiflora
Lindl. originaire de l'Orégon. Elle n'est pas
moins intéressante par la beauté des fleurs
à lèvre supérieure blanc pur, et à lèvre infé-
rieure d'un riche bleu d'azur que parce qu'elle
est l'espèce type sur laquelle Nuttall établit le
genre, le premier qu'il fonda et qu'il dédia à
son ami Zacharie Collins de Philadelphie,
botanistedislingué.Ildécouvrit le C. verna en
Pensylvanie, croissant dans un terrain d'al-
luvion riche et un peu sableux ; on le trouve
aussi dans le Kentucky et le Missouri. C'est
une espèce annuelle de pleine terre donnant
une abondante floraison.
Rhododendron falconeri, Hook. fil .
—Bot. Mag. lab. 4924.— Synon : Rhododen-
dron venosum Nuit. — Famille des Ericacées;
Décandrie Monogynie. — Rosage du Dr Fal-
coner.
Le R. Falconeri a fleuri pour la première
fois en Europe chez MM. Slandish et Noble
à Bayshot, et chez M. Fairie à Liverpool.
Les énormes capitules de fleurs blanches et
ses belles et immenses feuilles, assignent à
cette espèce une place d'honneur parmi les
plus beaux Rhododendrons connus.
Les amateurs devront remarquer que le Rhododendron venosum de
Nuttall, introduit du Bootan par M. Booth doit èlre fondu dans le
/{. Falconeri pour ne former avec ce dernier qu'une seule cl même
espèce sous le nom de Falconeri., antérieurement décrit.
ri. 88. Collinsia verna Null
('/, gr. nat.).
— 36-2 —
Les exemplaires qui ont fleuri en Angleterre n'ont encore que trois ou
quatre pieds de hauteur; dans sa patrie, le R. Falconeri s'élève à trente
pieds, et son tronc, souvent branchu dès la base, acquiert jusqu'à deux
pieds de diamètre. Les feuilles adultes ont huit, dix pouces et même un
pied de longueur; elles sont coriaces, épaisses, elliptiques ou obovées,
obtuses à la base et au sommet; la surface supérieure est nue, d'un vert
foncé luisant; la face inférieure est revêtue d'un duvet laineux ferrugi-
neux. Les fleurs, réunies en tète, sont nombreuses, très-grandes,
blanches, marquées à la partie supérieure du fond de la corolle d'une
macule pourpre ou chocolat foncé. La corolle est campanulée, à limbe
modérément étalé et divisé en huit ou dix lobes arrondis, obtus. Calice à
cinq lobes très-petits, presque nuis. Etamines au nombre de douze
à seize, à anthères brunes, petites ; pistil à stigmate très-grand, presque
orbiculaire.
Rhododendron Hookcri, Nattai!.— Bot, Mag. tab. 4926.—
Famille des Ericacées. Décandrie Monogynie. — Rosage deHooker.
PI. 89. Rhododendron ïîookcri Rull. (4/9 gr. liât.).
Cetle brillante espèce, découverte sur le mont Oola, au Bootan, à
8,000 et 9,000 pieds d'altitude supramarine, où elle forme des bois
entiers conjointement avec le Rhododendron eximium, a fleuri en avril
1856 chez M. Fairie à Livefpool.
— 363 —
Les feuilles sont coriaces et très-épaisses, glauques en dessous; les
fleurs, au nombre de dix à quinze par corymbe, sont d'un rouge sang
vif, à cinq lobes profondément bilobés.
Rhododendron Brookcanniii, Low. — Bot. Mag. tab. 4935.
— Fam. desEricacées. Décandrie Monogynie. — Rosage de sir James
Brooke (rajah ou sultan de Sarawak, dans l'île de Bornéo).
Les découvertes botaniques dues aux explorations de MM. Hooker,
Thompson, Lobb, Low, Henshall, etc., dans le vaste continent indien
et les îles fertiles de la Malaisie, ont pour ainsi dire créé une nouvelle
ère au genre Rhododendron; des formes insolites ont surgi de Java,
de Bornéo, d'Assam : tantôt ce sont des fleurs gigantesques aux coloris
les plus riches suspendues en touffes arrondies à l'extrémité de rameaux
et de tiges s'enroulant autour des arbres géants des forêts de l'Himalaya
ou de Java, tantôt des fleurs aux formes mignonnes abondamment jetées
sur des arbrisseaux buissonnants; quelques espèces sont pourvues de
feuilles énormes, laineuses ou lisses comme un miroir; d'autres sont
garnies d'un feuillage presque nain; enfin les fleurs présentent toutes
les nuances imaginables de la palette du peintre excepté le bleu. Les
îles de Bornéo, de Java, etc., offrent surtout les types jaunes, orangés
et vermillonnés; l'Himalaya, les types cocomés, blancs et rosés. Avec
une pareille fécondité de formes et de couleurs, le genre Rhododendron
doit devenir, entre les mains de nos habiles horticulteurs, un élément
assuré de richesse, et pour l'amateur une source presque intarissable
de jouissances pendant un long avenir.
Le R. Brookeanum a d'abord été découvert et décrit par M. Low
pendant son voyage d'exploration h Bornéo. M. T. Lobb l'a ensuite
introduit chez MM. Veitch de Londres. C'est une espèce épiphyte, à
grosses racines charnues, croissant sur les très-grands arbres des forêts
humides. Les capitules sont amples, les fleurs jaune d'or. La culture
est analogue à celle du R. Javanicum.
Rhododendron campanulatum, var. Wallichii, Hook, —
Bot. Mag. tab. 4928. — Synon. : Rhododendron Wallichii Hook, fds. — ■
Rosage campanule, variété du Dr Wallich.
Le savant docteur Hooker fils avait d'abord considéré ce Rosage, dé-
couvert par lui dans le Sikkim-Himalaya, comme une espèce distincte;
mais ayant eu occasion de remarquer plus tard la nature variable du
Rhododendron campanulatum, il fut amené à ne plus regarder le nou-
veau rosage que comme une forme particulière du type campanulatum,
dont elle se distinguerait par un feuillage très-peu duveteux en dessous,
ou presque glabre, et par ses corolles lilas mais non maculées.
— 364 —
HISTOIRE DES PLANTES UTILES.
HISTOIRE DE LA VANILLE,
Considérée comme un produit nouveau des Indes-Orientales (1),
Par M. H. De VRIESE. Professeur à Leyde.
ANALYSE ET TRADUCTION
Pau M. Edouard Morren.
(Suite et fin.) (2).
La Vanille parail avoir rarement lleuri eu Hollande, et elle n'y a jamais
porté fruit. Elle a cependant fructifié en premier lieu dans les serres du
jardin botanique de Liège, ensuite à Paris, à Kew, à Padoue, à Berlin et
dans plusieurs autres jardins de l'Europe. L'honneur de cette décou-
verte revient à M. Charles Morren,qui a montré que l'on peut, recueillir
en Europe de la Vanille aussi bonne (sinon meilleure) qu'au Mexique.
Il a prouvé que dans nos serres, la Vanille, placée dans les mêmes con-
ditions que le climat du Mexique, y prospère comme dans sa patrie.
Si l'on a soin de mettre les plantes dans la partie la plus sombre des
serres, elles s'enlaceront autour des Palmiers et des Dracœna, et alors la
culture réussira et elles porteront des fruits. La raison pour laquelle les
plantes ne fleurissent pas est uniquement qu'elles sont trop petites et
trop jeunes, ou que la température est trop basse, ou l'atmosphère pas
assez humide. Pour fleurir dans les serres, une plante de Vanille doit
avoir de cinq à six ans, et la floraison sera d'autant plus riche que la
plante est plus branchue. Cependant il faut observer que le nombre des
Heurs ne dépend pas de la grandeur des plantes, mais surtout des condi-
tions où elles se trouvent.
Les expériences de M. Charles Morren sur la Vanille sont basées sur
la science; nous en rendrons compte plus loin.
Le Vanillier des serres est le Vanilla planifoliu Andr., qui a été in-
troduit, en 1739, par Philippe Miller. C'est de cette espèce que le docteur
f\) Tuinbowv-flora van Nederluntt. Vol. Ii, liv. '2, ô, 4, 1850.
(-->) Voir ci-dessus, |». ôl".
— 365 -
Lindley a publié une belle illustration d'après Fr. Bauer (1), dont les
fruits sont répandus dans le commerce et qui, dans ces dernières an-
nées, a été transporté de Leyde à Java et à Surinam , de Paris à Pile
Bourbon (la Réunion), et d'Angleterre dans ses différentes colonies.
On sait que Robert Brown a décrit deux espèces (2) , savoir :
1° Vanilla aromatica Wild. Sp. pi. 4, p. 14, avec renvoi à Plumier,
ic. 183, t. 188. C'est donc à cette espèce qu'on devrait rapporter l'Epi-
dendrum Vanilla de Linné. 11 dit qu'elle provient de l'Amérique méri-
dionale (3). Brown renvoie au Species plantarum de Wildenow, dont la
synonymie est fort embrouillée, et où plusieurs espèces sont sans doute
confondues.
2° Vanilla planifolia Andrews reposit. 538 (Myro bromœ fragrans,
Salisb.par., p. 82.) C'est la Vanille odorante des Indes occidentales, intro-
duite en 1800 par Charles Granville ; elle fleurit d'avril à juin (4).
Quant au V. aromatica, je m'en suis enquis vainement à Kew ; elle
n'y existe pas. Lindley ne pense pas que ce soit cette espèce qui fournit
les fruits du commerce, mais bien le V. planifolia Andr. (5).
Du Tour, auteur français , parle de deux variétés du Vanilla aroma-
tica, dont l'une, de Saint-Domingue {Vanilla flore viridi et albofructu
nigricante Plum. gen. 25. ic. t. 188), aurait les fruits inodores, tandis
que la seconde, Vanilla mexicana (synon. de V. aromatica S\v.), serait
odorante (6). Cependant Brown donne cette Vanille, c'est-à-dire celle de
Plumier, comme une synonymie du V. aromatica , quoique Plumier ait
déclaré qu'elle servait, au Mexique, à parfumer le chocolat.
A Venezuela on cultive différentes Vanilles, notamment:
1° La Corriente [Courante). On en distingue deux variétés, l'une
(1) Illustrations of Orchidaceons plants ; by Francis Bauer Esq. with notes by
John Lindley. London 1830-1838. La planche XI de cet ouvrage doit représenter le
fruit du V. planifolia. Je ne pense pas que M. Klotzch démontre suffisamment son
opinion que ce fruit soit celui du commerce, et pourquoi il parle d'un« prétendu fruit
du V. planifolia. » Bot. Zeit. 1845, p. 564. C'est à tort qu'il rapporte le V. Guia-
nensis Splilz.au V. planifolia Andr.
(2) Gênera et species plant. Orchidearum, quse in horto Kewensi eoluntur (Hort.
Kew., vol. V, p. 188-222. Verm. Schr. II, 28).
(3) Déjà décrite par Swartz : Foliis-ovato-oblongis nervosis, capsulis cylindraceis,
longissimis. Sw. nov. Act. Ups. 6, p. 66.
(4) Déjà décrite : Foliis oblongo-lanceolatis, planis, obsolete-striatis , label lu
retuso.
(5) Morren, Annals of nat hist. III, p. 1. Bullet. de l'Acad. roy. des sciences et
lettres de Belg. 1837. IV, 1838, p. 225.
(6) Dict. d'hist nat., éd. de Déterville, t. XXXV, p. 202.
— m —
pleine de graines, très-aromatique, à peau très-fine et fort estimée,
l'autre (Cuereda) a la peau épaisse, mais elle est très-fertile et la plus
importante pour le commerce (Vanilla aromatica? Sw.).
2° La Silvestre ou Chimarrona (blanche ou brune); ses fruits sont
toujours plus petits que ceux connus sous le nom de Corriente, ils ne
sont pas aussi bien développés et mûrissent plus difficilement; on la
trouve désignée clans quelques ouvrages sous le nom de Scinarona.
3° La Mestiza (moyenne, metresse). Ces fruits sont plus cylindriques
que ceux de la véritable Vanille, ils sont tachés de brun sur un fond
verdàtre et à la maturité il leur arrive souvent de se crevasser et de se
déchirer.
4° La puerca (la porcine). Les fruits de ce Vanillier sont beaucoup
plus petits que ceux du Corriente (n° 1), plus arrondis, d'un vert plus
foncé et lorsqu'ils ont été préparés en les laissant sécher ils exhalent une
très-mauvaise odeur, d'où leur est venu le nom de Vanille de Cochon.
o° La pompona a les fruits beaucoup plus gros et plus courts que
le Corriente ; leur arôme est très-agréable et se développe surtout lorsqu'ils
commencent à sécher, mais il disparaît promptement, ce qui ôte à ces
fruits toute leur valeur. Il est très-probable que c'est celte dernière
espèce que l'on trouve désignée par quelques auteurs sous le nom de
Bova (Vanille bouffie) et que l'on appelle Vanillon dans le commerce ;
elle ne vaut que 60 francs environ le kilogramme, tandis que la première
espèce se vend à raison de 160 francs.
La récolte se fait au mois de décembre ; la maturité s'annonce par
une teinte jaune clair que les fruits prennent pendant cette période.
On doit avoir soin de les cueillir avec leur pédoncule, puis on les dispose
sur des nattes que l'on a laissées préalablement s'échauffer au soleil.
Sous l'influence de la lumière et de la chaleur les Vanilles prennent en
12 heures une couleur brune comme le café; mais à défaut de soleil on
peut employer la chaleur artificielle, pourvu qu'on ait soin de ne pas
dépasser la température d'un four dans lequel on vient de cuire le pain.
On continue à soumettre les fruits pendant deux mois à l'influence
du soleil, et lorsqu'ils ont atteint une maturité convenable on fait un
triage des diverses qualités. On doit avoir grand soin de ne pas pousser
ladessication jusqu'à rendre les gousses sèches et cassantes, maisde leur
conserver une certaine mollesse. Les fruits ayant été assortis on les
renferme par bottes de cinquante dans des caisses de fer-blanc. Souvent
on les falsifie et on fait passer le puerca et la pompona comme fruits de
première qualité. Les Vanilles de premier ordre sont désignés sous les
noms de premiera, Chica fina, Sacate, Resacate et basura.
La premiera de toute première qualité se reconnaît par l'extrême
- 367 —
longueur des gousses ; chaque fruit doit mesurer 24 pouces, et l'épaisseur
est analogue. L'ombilic par lequel il adhérait à la plante doit être
rempli.
La Chica fina est semblable à la premiera sauf que les fruits sont
moins longs, et généralement deux de cette espèce n'en valent qu'un de
la première.
La Sacate est la variété moyenne, sous tous les rapports moindre
que les deux précédentes.
La Recasate est de troisième qualité; quatre de ces fruits ne valent
qu'une belle gousse; ce sont les fruits cueillis avant la maturité, ils sont
petits et secs, au lieu d'être grands et mous.
La Basura ou racaille est la dernière qualité, et consiste dans un
ramassis de tous les débris des gousses tachées ou brisées, elle est de
très-minime valeur.
La première qualité est surtout en but aux falsifications du commerce
qui trouve toujours le moyen d'y mélanger des gousses de troisième et
quatrième qualité.
Lorsque tout le continent américain était sous la dépendance de
l'Espagne, le commerce de la Vanille était du monopole de la couronne.
Il y avait alors une inspection sévère qui déterminait la cueillette des
fruits, et le choix des assortiments; il en résultaitque les qualités étaient
alors supérieures à celles de notre époque.
Longtemps après que la domination espagnole avait disparu, la pro-
duction de la Vanille est restée très-restreinle. Le district de Misantla
n'en produisait guère que 50,000 gousses annuellement , mais à partir
de 1844 la récolte atteignit le chiffre de 2 millions de gousses; en 1845
et 1846 il s'éleva chaque année d'un million. A cette époque une bande
de brigands envahit cette contrée, et fit main basse sur le commerce de
la Vanille; ils la fournissaient à tout prix contre de l'argent comptant.
Mais en dehors de cet odieux monopole le commerce a toujours pu se
procurer 20,000 caisses, c'est-à-dire plusieurs millions de fruits.
Au Mexique on cultive quatre Vanilles différentes :
1° Vanillier-Pomvone (Vanilla pompona) décrit plus haut. La gousse
est courte et épaisse, se sèche difficilement, et ne peut pas lutter contre
les Vanilles de première qualité.
2° Vanillier sauvage, dont la gousse est longue et étroite.
3° Le Vanillier-metis est très-peu estimé.
4° Le Vanillier franc, le plus recherché dans le commerce, provient
des districts Nantla,Jicaltepec et Misantla dans lePapantla; elle croît
aussi dans les forêts du Tuamtepec; on la cultive depuis ces dernières
années jusque vers les bords même du Golfe, mais les fruits qui pro-
viennent de ces parages sont généralement inférieurs.
— 368 —
La croissance de la Vanille est incalculable; en trois ou quatre ans
elle atteint la cime des plus hauts arbres, une seule plante se divise en
30 à 70 rameaux, qui par leurs embranchements forment une liane
immense. L'époque de la floraison est, au Mexique , les mois de mars,
d'avril et de mai; le pédoncule croît en même temps que la fleur, et
s'allonge jusque 6 à 7 pouces. S'il y a fécondation, un fruit succède à la
fleur, il croît pendant un mois, puis la maturité réclame 6 mois, de sorte
que la récolte peut se faire en décembre.
Pour établir une plantation de Vanille au Mexique on choisit une
forêt vierge que l'on éclaircit en coupant un grand nombre de plantes,
arbrisseaux et lianes; on abat tous les gros arbres, ne laissant que
ceux dont les tiges ne dépassent pas 10 pouces de diamètre. Le meilleur
moment pour la plantation est le mois d'avril, époque où la terre étant
très-humide, les plantes reprennent avec facilité. Le mois de septembre
convient également à cause des pluies. Cette opération se fait avec grand
soin ; chaque bouture mesure un mètre à un mètre et demi de longueur;
on les plante près d'arbres à tige droite, à cime étendue, à feuillage peu
touffu et en préférant surtout les espèces à sève laiteuse : les Vanilliers
qui croissent sur les figuiers produisent les meilleurs fruits, mais ils ne
croissent pas sur l'arbre à copalle (Rhus copallinium) ni sur le poivrier;
on ne les plante jamais au pied des arbres dont l'écorce se renouvelle
annuellement, ce qui détruirait les racines. On place deux boutures au
côté de chaque arbre, en enterrant trois entrenœuds, et en les recouvrant
de feuilles sèches et de broussailles ; leur extrémité est liée contre le
tuteur. On laisse entre chaque plante quatre à cinq mètres de distance,
afin que la vanille n'envahisse pas trop tôt tout l'espace, et il convient
même de laisser un certain nombre d'arbres libres qui puissent aider à
soutenir la liane. On détruit la cime des arbres qui s'élèvent trop, pour
les forcer à pousser des branches latérales qui conviennent à la crois-
sance de la Vanille. Après un mois les boutures ont pris une rapide
croissance et les soins de culture se résument dès lors à s'opposer à
l'envahissement des plantes sauvages, dont on ne doit tolérer que la
quantité nécessaire pour entretenir l'ombre et la fraîcheur. Une
Vanillière bien entretenue doit donner des fruits dès la troisième année;
on ne les établit jamais sur le versant des montagnes, mais dans les
plaines exposées au sud ou au sud-ouest, aux bords des rivières, dans
les terres basses ou sur le plateau des montagnes, et toujours sur un
terrain argileux ou d'alluvion ; les terres sablonneuses ou trop grasses
ne leur conviennent pas, les premières les dessèchent et les secondes les
pourrissent. Les fruits étant mûrs en décembre, la cueillette se fait à la
main ou par de longues perches à l'aide desquelles on lord les
pédoncules.
— 369 —
Surinam ne fournit pas de Vanille qui convienne au commerce. Cette
plante, originaire de l'Amérique du sud et des Antilles, fut introduite
en Europe et dans différentes contrées intertropicales,oùeIle fut entourée
de tous les soins nécessaires à sa croissance. Elle y fleurissait sans y
fructifier jamais. Mais les recherches scientifiques sont venues éclaircir
ce mystère et y porter remède. En 1831 Robert Brown présenta à la
Société Linnéenne de Londres ses observations relatives à la fécondation
des Orchidées, question fort peu connue jusqu'à ce jour. En 1793, Chr.
Conr. Springel écrivait que les insectes avaient une grande influence sur
cette fonction de ces plantes, et il ajoute que leur coopération était
indispensable à l'accomplissement de cet acte, parce que le nectar que
les fleurs distillent s'attachant à leurs pattes servait à recueillir le pollen.
Il en est de même dans la famille des Asclépiadées, où l'intervention des
insectes est également indispensable. Ceux-ci ne font d'ailleurs pas
défaut dans les contrées tropicales, où leurs cohortes innombrables
rendent la vie fort incommode. Cependant, même dans leur patrie, les
Orchidées fructifient rarement, et dans nos serres, malgré de nombreux
essais elles s'y refusent presque constamment; il en est de même de la
Vanille qui fleurissait souvent, mais qui ne produisait jamais de fruits;
il fallait une opération artificielle qui vînt en aide à la nature, pour
accomplir le rôle que celle-ci remplit ordinairement.
Nous trouvons que relativement aux Orchidées, dès 1799, un certain
Wachter fit le premier fructifier une plante de cette famille, le Habenaria
bifolia (1) . Plus tard Salisbury, Treviranus, Adolphe Brongniart et Mirbel
ont obtenu des fruits d'Orchidées par des fécondations artificielles (2).
M. Ambroise Verschaffelt, horticulteur à Gand, a récemment par ce
procédé obtenu des graines fertiles de plusieurs espèces (Lcptodes bicolor,
Lodia, Phalenopsis), qui, ayant été semées, ont donné naissance à de
jeunes plantes (3). La voie à suivre pour obtenir des fructifications arti-
ficielles chez les Orchidées , avait d'ailleurs été rigoureusement tracée
par les observations de Robert Brown.
C'est M. Charles -Morren, professeur de botanique, d'abord à l'Uni-
versité de Gand, puis à Liège, qui le premier a appliqué cette méthode
à la Vanille. A lui revient donc l'honneur des résultats obtenus dans les
cultures de l'Europe et des colonies.
Les expériences de fécondation faites à Gand sur les Orchidées, don-
nèrent à M. Morren l'idée de les renouveler sur les grands pieds de Va-
(1) Racmcr's Archiv. II, 209.
(2) Trevinarus, Zeitschrift fur P/iys. II, 22!5.
(3) L'illustration horticole, vol. 2, Livr. !>, 1855, p. *5.
RELG. HORT. T. VI. 30
— 370 —
nilliers qui fleurissaient abondamment chaque année à Liège; on n'aurait
pu faire ces expériences ni obtenir ces résultats sans être éclairé par la
science. Dès 1836, M. Morren obtint une cinquantaine de fruits d'un
même nombre de fleurs, et en 1837, il en récolta 100. Dès lors, la cul-
ture était assurée et il avait atteint ce résultat que du moment qu'on a des
fleurs, les fruits leur succèdent infailliblement. M. Morren est le premier
qui ait fait une récolte de Vanille en Europe (1).
Mais maintenant comment provoquer en Europe la floraison du Va-
nillier, un Vanillier donné, lui faire porter des fleiws?..
Voici comment procédait 31. Morren : La serre doit être une bonne
serre chaude, d'une élévation plus considérable que les serres à Orchi-
dées ordinaires. On place la Vanille dans un sol consistant en coke,
terre de bois, terre de jardin bien humide et bois de saule, et on la
conduit sur des colonnes de fer ou des perches de sapin revêtues de
leur écorce. Pour la faire fleurir on tord les rameaux en une spirale
courte, on les fend, on leur fait des incisions, en un mot on provoque
par tous les moyens possibles des arrêts de sève et de développement.
La floraison se fait alors en février et avril ; les fruits réclament un an
pour mûrir, après ce laps de temps leur extrémité jaunit et ils tom-
bent; on les expose sous -les vitres au soleil le plus chaud, ils pas-
sent alors au brun chocolat et développent' leur délicieux arôme.
La fécondation ne manque jamais. Quelques heures après cette opéra-
tion, les pétales pendent flétris et la fleur s'abaisse toute entière. Cependant
il s'écoule trois semaines entre l'imprégnation et la fécondation propre-
ment dite, c'est-à-dire entre le moment où l'on met le pollen en rapport
avec la surface stigmatique et celui où les organes fécondants pénètrent
dans l'ovaire. Par suite de la découverte de M. Morren, toutes les colonies
intertropicales peuvent se livrer avec avantage à la culture de la Vanille,
ce qui montre une fois de plus l'influence de la science sur l'industrie.
Le premier résultat a été l'introduction du Vanillier aux Indes occiden-
tales, aux îles Philippines, Bourbon, à Cayenne, au Brésil, etc.
MM. Reinwart et Blume firent, en 1841, la proposition au gouverne-
ment hollandais, d'introduire cette plante à Java; elle fut en effet ex-
pédiée par M. Schuurmans Stekhoven et transportée par M. Pierot.
On a su depuis, par un écrit de M. Blume, que le Vanillier se trouvait
déjà à Java, mais on ignore quand et comment il y est arrivé (2). On n'y
(1) Annals ofnat. hisl. III, 14 mars 18ô9. — Bnllct. de l'Acad. roy. des Se. et belles-
lettres de Bruxelles, année 1837, IV, 1838, p. 225.
(2) Blume, bijdragen 422, Rumphia I, 197, t. 68. — Jaarbook van de Kon. Nc-
derl. Maatsch. tut. aanmoediging van den Txriubouw 1844, p. 41 cl suiv. — Ann. de
la Société de bot. et d'ar/ricidt. de Gand, III, 145.
— 371 —
connaissait d'ailleurs pas le moyen de le faire fructifier, et, jusqu'en 1850
il n'avait pas encore produit des fruits à Java. A cette époque (à la date
du 24 octobre) l'aide jardinier du jardin botanique de Java, M. Binnen-
dijk écrivit à M. De Vriese : « Nous avons (1) découvert la fructification
de la Vanille et nous sommes heureux de voir toutes les plantes qui fleu-
rissent se charger de bouquets de gousses, dont quelques-unes mesu-
raient 15 centimètres. Les plantes de trois ans portent 14 à 15 bouquets
formés chacun de 10 à 12 gousses; ces Vanilliers s'enroulent naturelle-
ment autour des cannelliers, mais nous les avons détachés pour arriver
plus commodément aux fleurs. »
En 1851, M. De Vriese reçut de M. Teijsmann un rameau fructifère
provenant des plantes cultivées à Buitenzorg ; déjà antérieurement le
gouverneur général Rochussen avait envoyé à S. M. le roi de Hollande
des fruits mûrs et préparés. M. Teijsmann a continué la culture de la
Vanille sur une grande échelle, et avant peu de temps le commerce
pourra en retirer de grands avantages, la plante ayant pris à Java
un développement extraordinaire. Pour montrer l'importance commer-
ciale de cette épice il suffira de dire qu'on en importe annuellement à
Bordeaux lia 12,000 kilogrammes, la plus grande partie consommée
en France, l'exportation se bornant à 1000 et 1200 kilogrammes.
Les prix étaient au 3 juillet 1855 de :
lre qualité fine de 8 pouces de long 60-65 fr. le Va kilogr.en entrepôt.
2e
7-7 %
»
50-55 fr.
|re
» cour te de 5-6 Va
»
35-40 fr.
2e
» mi-fine de 8-8 Va
»
45-50 fr.
2e
» » 7-7 Va
»
30-35 fr.
2e
» » 5-6
»
20-25 fr.
Les Vanilles d'une qualité inférieure ne trouvent de placement qu'au
prix de 8-12 francs le Va kilogramme.
En comparant entre elles la longueur moyenne des Vanilles de dif-
férentes provenances, on arrive au résultat suivant :
1° Vanille de Mexico. . . longueur 8 pouces.
2°
»
l'Ile de France
»
7
3"
»
Liège . . .
»
8
4<>
»
Syon House .
»
8
5°
»
Buitenzorg .
»
8
6»
»
la Réunion .
»
i
Il est assez singulier que l'on classe généralement la valeur de la
(1) MM. Teijsmann et Binnendijk.
— 372 —
Vanille d'après la longueur du fruit, et que cette base serve générale-
ment à établir les différentes qualités. Cependant on trouve sur un seul
bouquet des fruits de grandeur très-inégale. La qualité réelle du fruit
dépend plutôt de l'huile essentielle qu'il contient.
En 1846, le ministre J. C. Baud chargea M. DeVriese d'envoyer à Su-
rinam quelques plantes dont l'introduction pourrait présenter des avan-
tages; le véritable Vanillier n'étant pas indigène dans cette colonie,
M. De Vriese joignit cette plante à son envoi et apprit quelques années
plus tard, par M. le général-major baron R. T. Van Raders, gouver-
neur, qu'elle y avait prospéré. Mais on doit conclure d'un travail récem-
ment publié par M. H. C. Focke (4) que cette culture est déjà aban-
donnée, sans doute à cause du défaut d'une personne éclairée.
Mais Splitgerber (2) nous apprend qu'il croît à Surinam une espèce
particulière de Vanillier, le Vanilla Guianensis, Splitgerber (3), dont
nous avons donné la figure pi. 76, p. 343 (livraison de juillet). Voici ce
que cet auteur nous dit de cette plante :
« Le V. Guianensis croît avec le plus de vigueur dans cette partie
basse et marécageuse de la Guyane hollandaise, qui n'est pas fort éloignée
des côtes de la mer. Il m'a paru moins fréquent vers l'intérieur, où le
terrain devient plus ou moins montagneux : souvent on le voit couvrir
de ses tiges, les troncs des plus gros arbres jusqu'à cinquante et
soixante pieds de hauteur, portant vers le sommet un nombre consi-
dérable de fruits, lesquels deviennent odorants en se desséchant, et
s'ouvrent constamment en deux valves, caractère distinctif du genre.
L'une de ces valves est plus ou moins convexe, et répond à la division
intérieure de la corolle qui forme le labelle; l'autre plus large, paraît
comme formée de deux côtes soudées à angle droit, dont les faces sont
opposées aux deux autres pétales. Les graines, en nombre immense, sont
attachées à des funicules d'un tissu cellulaire très-allongé; libres au
sommet, ces funicules se réunissent vers la moitié de leur longueur, et
composent une masse de consistance molle, nommée communément
pulpe de la Vanille.
(1) Aanteekeninrjcn betreffendc de in Surinam e voorkomendc soorten vanhetges-
lacht Vanilla in Wcst-Indie. Bijdragcn tôt de bevordcring van de Kcnnis in Ncderl.
West-hidiche Kolonicn. Haarlem 1854, p. 275.
(2) Note sur une nouvelle espèce de Vanille. Ann. Se. Nat. II série, t. XV,
p. 279.
(5) Vanilla Guianensis, Splitg. foliis elliptico-oblongis acuminalis, perianthii
campanulati laciniis apice revolutis, labello iniundibuliformi-convolulo acutiusculo ,
fructu triqnetro.
Crcscit non raro in sylvis humidis Surinami.
— 373 —
»11 est extrêmement rare de trouver sur les fruits de l'espèce de la
Guyane quelques-unes de ces aiguilles d'acide benzoïque qui forment
fréquemment des effiorescences sur ceux du commerce. Ils se distin-
guent ainsi de ces derniers par un arôme beaucoup plus prompt à
s'évaporer; il en faut probablement chercher la cause dans la méthode
défectueuse suivie à la colonie pour les préparer, car jusqu'à présent
l'insouciance si naturelle aux colons a empêché de tirer aucun parti d'un
végétal qui n'exige pas même la peine de le cultiver. Il faut dire cependant
que la préparation des fibres de l'espèce décrite ci-dessus offre plusieurs
difficultés dont la plus grande consiste à empêcher les valves de se sé-
parer, car alors leur parfum diminue promptement. L'huile dont on
enduit les capsules du commerce suffit pour parer à cet inconvénient.
Mais il n'en est pas de même à l'égard de celles du V. Guianensis : elles
sont fort grosses et tellement charnues, que leur dessication exige beau-
coup de temps, surtout dans un climat aussi humide que celui de Su-
rinam : quelque soin que l'on prenne de les entourer d'une ficelle , leurs
valves tendent continuellement à s'écarter; il serait peut-être utile
d'employer une chaleur artificielle, afin de hâter leur dessication, ou de
les couvrir d'une couche d'huile plus épaisse , ce qui les rendrait moins
coriaces; mais ce moyen ne doit être mis en usage qu'avec beaucoup
de circonspection, car l'huile employée en trop grande quantité com-
munique bientôt une odeur désagréable aux capsules, ce qui détruit en-
tièrement leur qualité. C'est ce que l'on remarque également à celles qui
ont été conservées dans du sucre, méthode emplovée fréquemment au
Brésil. Quoi qu'il en soit, des essais multipliés et faits avec soin, peu-
vent seuls fournir un remède contre cet obstacle qui ne me paraît nul-
lement insurmontable. »
Splitgerber signale ensuite une seconde espèce de Vanillier indigène à
Surinam, le V. palmarum Lindl. Il ne l'a rencontrée que dans les forêts
de l'intérieur du pays, à proximité de la montagne bleue [Blaauwe berg),
où elle croit contre les stipes et sur les sommets des M aurifia et de quel-
ques autres palmiers.
On connait jusqu'à ce jour les espèces suivantes du genre Vanilla :
1° Vanilla aromatica, Stvartz in act. l'ps. G. p. 00, R. Brown in f/orto Kcw. V.
220 (V. flore viridi et albo, l'ructu nigricante, PI. ic. 183, t. 188. Epiilendrum Va-
nilla. Linn. sp. pi. 1347). Amérique du sud, dans les bois humides et montagneux
Swartz; Brésil près de Rio Janeiro. Gardn. 052 ; dans la province de Minas Gerae
Martine.
2° Vanilla clavicclata Swartz in Sclirad. Journ. 1799. 2. fig. 1, fl. ind. orc. 1515
(Epid. claviciilatum Sw. prod. 120. Cerei atfinis, etc. Sioane p. 1G0, t. 224 flg. "cl
4.) I»es Antilles, d'après Swartz.
3° Vanilla plamfolia Andr.
— 374 —
4° Vanilla albida Bl. bijdr. 422. Rumphia 1. 197, t. 67. Bois humides de Java.
5° Vanilla grandiflora Lindl. gen. and sp. of orch. pi. 435. An V. Pompona
Schiede ? Guyane française, St.-Martin, etc.
G" Vanilla bicolor Lindl. in bot. reg. 1838. mise, n* 58. DemerarySc/i07N&.
7» Vanilla palmarum Lindl. 1. c. (Epidendrum Palmarum Salzmannpl. exsc. Bras.
Ep. Vanilla flor. ilum.?) Bahia,surle stipe des Palmiers.
8° Vanilla aphylla Bl. bijdr. 422. Rumphia I. 198, t. 68, à Java sur les terrains
d'alluvion.
9° Vanilla sativa Lindl. 1. c. Baynilla mansa des Espagnols du Mexique. Croît à
Papantla, Misanlla, Nantla, Colipa où on la cultive.
10» Vanilla sylvestris Lindl. 1. c. Baynilla cimarona des Mexicains, croît avec
la précédente.
11° Vanilla pompona Schiede. Linn. IV, p. 573. Lindl. I. c.
12° Vanilla inodora Lindl. Baynilla de Piserco Schiede? Linn. IV. p. 574. De
Misantla.
13° Vanilla guianensis Splitg.
14° Vanilla ovalis Blanco. Flora de Filipinas éd. ait. p. 448.
15° Vanilla majayensis Blanco 1. c. p. 593.
16» Vanilla ïïamata Klotzsch.
17° Vanilla rdiziana Klotzsch, toutes deux du Pérou.
18° Vanilla odorata Presl. inrel.Henk, p. 101 du Guayaquil.
19" Vanilla chamissonis Klotzsch de la province de Ste. -Catherine.
A ces espèces, on doit sans doute ajouter le
20° Vanilla lutescens Moquin-Tandon originaire de Guayra au Paraguay et cul-
tivée depuis quelques années au jardin botanique de la Faculté de médecine à Paris.
Ses feuilles sont ovales, les fleurs d'un beau jaune , en grappes axillaires , les fruits
longs de 10 à 15 centimètres.
EXPLICATION DE LA PLANCHE 76, P. 313.
Vanilla Guianensis, Spiltg.
1 . 2 Colonne ou Gynostème vu de côté et de face.
3 Opercule.
4 Masse pollinique.
5 Graines (grandeur naturelle).
6 Graines (grossies par le microscope).
7.9 Ovules avec leur funicule, observés au microscope.
8 Grains de pollen.
10 Ovules du V. Palmarum Lindl.
11 Diagramme de la fleur du V. Guianensis Spiltg.
Noix Muscade ( Myristica tnoschata),
t~\ ■» v«
3/D
LE MUSCADIER.
Par M. Duchartre.
Le muscadier [Myristica fragrans Houtt., M. officinalis L. fil., M. mos-
chata Thunb., M. aromatica Lam.) est une des possessions les plus
précieuses des Hollandais. Il ne croît spontanément que dans celles des
Moluques qui forment la portion sud-est de l'archipel et sur le côté de
l'île de Ceram ; mais il s'est répandu peu à peu dans toutes ces îles. Sa
culture est restreinte à trois de ces îles qui appartiennent à la préfecture
de Randan, savoir ." Lonthor, Bantan-Neyra et Way, situées autour
du volcan de Gunung-Apie; là ses produits atteignent toute leur perfec-
tion, tandis qu'ils deviennent de qualité plus faible à mesure qu'ils pro-
viennent de pays plus éloignés de ces parages. Malgré cette particularité,
la culture de cet arbre a été tentée en divers pays, sans donner cepen-
dant jamais des résultats de nature à porter ombrage au monopole hol-
landais; ainsi elle a été introduite de bonne heure à l'île de France et
de là à Cayenne; d'un autre côté les Anglais en ont fait des plantations
considérables soit à Sumatra, où en 1820, sir T. Rafles en possédait en-
viron 100,000 pieds, dont un quart en plein rapport, soit au Bengale.
Dans les îles de Bandan, les plantations de muscadiers sont disposées
en quinconce, et elles sont protégées contre la trop grande ardeur du
soleil et contre les vents de mer par de grands arbres plantés dans l'in-
tervalle, le plus souvent des Canarium, dont on enlève les branches
inférieures pour laisser circuler l'air plus librement. L'arbre commence
à porter à cinqou six ans; mais ses produits sont faibles pendant quatre
ou cinq ans. Lorsqu'il est en plein rapport, on obtient annuellement de
chaque pied femelle environ 5 kilogrammes de noix muscades et '/s ki-
logramme de macis. Pendant presque toute l'année, il porte à la fois
des fleurs et des fruits. Ceux-ci n'atteignent leur maturité qu'au bout
de neuf mois ; ils fournissent trois récoltes par an ; la première et la plus
abondante se fait à la fin de juillet ou au commencement d'août, la se-
conde en novembre, la troisième à la fin de mars ou au commencement
d'avril. La maturité de ces fruits se reconnaît à la couleur roussàlre de
leur péricarpe qui commence en même temps à s'ouvrir; ils ont la
grosseur d'une petite pèche, marqués de chaque côté d'un sillon longi-
tudinal, presque glabre, d'abord vert pâle, puis jaunâtre, s'ouvrant à la
maturité en deux valves de manière à laisser voir par la fente la graine
vulgairement connue sous le nom de noix muscade, revêtue de son
macis. Aussitôt les fruits mûrs, des hommes montent sur les arbres,
— 376 —
cueillent les fruits et les jettent à terre; d'autres les ouvrent sur-le-
champ et en retirent la graine en rejetant le péricarpe. On détache en-
suite le macis qu'on expose au soleil pendant quelques jours pour le
faire sécher entièrement, après quoi on l'humecte d'eau de mer pour
éviter qu'il ne se brise en morceaux, et on l'introduit dans des sacs où
on le presse fortement pour l'expédier. Quant aux muscades, après les
avoir ainsi dépouillées de leur macis, on les expose au soleil pendant
trois jours, en ayant le soin de les enfermer tous les soirs, après quoi on
achève de les sécher à la fumée pendant trois ou quatre semaines; on
brise ensuite leur test pour en retirer l'amande qu'on plonge dans de
l'eau de chaux dans le but de la garantir de la pourriture, qu'on enferme
dans des tonneaux préalablement enduits de lait de chaux, et qu'on
livre ensuite au commerce sous le nom de muscades. D'après les docu-
ments reproduits par M. Hooker, la quantité de muscades qui se vend
annuellement en Europe, s'élève à 250,000 livres. Pour éviter que le
prix de cette substance ne vienne à baisser, lorsque la récolte est très-
abondante, le gouvernement hollandais n'en conserve que la quantité
nécessaire pour la consommation annuelle, et il fait brûler l'excédant.
On distingue deux variétés principales de muscades : la royale et la
verte. La première se distingue par ses noix plus grosses, que leur
macis déborde au sommet, tandis qu'il est plus court qu'elles dans la
seconde. En général les bonnes muscades sont grosses, arrondies, pe-
santes, finement marbrées et de couleur gris clair; celles-là sont vulgai-
rement nommées muscades femelles, tandis qu'on nomme muscades
mâles ou sauvages, celles de qualité inférieure, qui sont plus allongées,
plus légères et plus colorées. La muscade et son macis renferment deux
huiles, dont l'une, fixe, jaune, d'une odeur agréable, en consistance
de suif, s'obtient par pression dans la proportion de 7S> ou même quel-
quefois de V3; elle est connue sous le nom impropre d'huile de macis, et
sous ceux de baume ou beurre de muscade; l'autre, volatile, peu abon-
dante (environ d/30)5 s'obtient par distillation et porte dans le commerce
le nom d'huile de muscade. L'abondance de ces deux huiles dans le macis
le rend plus aromatique que la noix elle-même. La saveur de la muscade
est comparable à celle de la cannelle et du girofle, aromatique, chaude
et comme poivrée, surtout celle de la noix même ; les fragments de celle-
ci se fondent dans la bouche en laissant une impression très-durable,
tandis que ceux du macis s'y ramollissent simplement sans se fondre.
La muscade jouit de propriétés toniques excitantes, qui, jointes à sa
saveur aromatique, en font un des condiments les plus habituels et les
plus estimés. Dans les climats chauds elle entre dans la plupart des mets,
souvent même dans les boissons. Elle joue aussi un rôle important dans
la médecine indienne.
TABLE DES MATIÈRES
DU
SIXIÈME VOLUME DE LA BELGIQUE HORTICOLE.
1. — Horticulture.
1. Noie sur quelques variétés nouvelles de Capucines, et la culture des es-
pèces bulbeuses, par M. Ed. Morren. . * 1
2. Moyen de faire fleurir le Tropœolum Wagenerianum , par M. E. Rege. . 4
5. Remarques sur les Mimules, par M. Ch. Morren 7
4. Note sur la culture des Pélargonium , par M. Ed. Morren 12
5. Esthétique et culture des Cinéraires , ou des qualités que ces fleurs doivent
réaliser d'après M. G. G., par M. Ed. Morren 15
6. Un mot sur la rusticité de plusieurs arbres résineux , de quelques variétés
de Camellias et autres plantes 19
7. Note sur les Pélargoniums Soarlels et leur culture, par M. Ed. Morren. . 55
8. Note sur VAdlumiacirrhosa, RaGn, par M. Ed. Blorren 55
9. Note sur la Lavalera maritima , Gouan , et les principales espèces du
même genre, par M. Ed. Morren 65
10. Aperçu sur le Stylidium recurvum de Graham , et les autres espèces du
même genre, par M. Ed. Morren , 67
11. Liste de plantes annuelles qui méritent d'être plus fréquemment cultivées
qu'elles ne le sont encore sur le continent 77
12. Lilas.: Princesse Camille de Bohan; nouveau gain de M. Brahy-Ekenholm,
édité par M. Jacob-Makoy ; par M. Ed. Morren 97
15. Le Coleus Blumci, variété pectinalus, nouveau gainde M. Jacob-Makoy, par
M. Ed. Morren 99
14. Appendice à un article de la Belgique horticole sur les pantoufles du père
Feuillée et les brodequins du docteur Fothergill, par M. Remi-Romanet. ib.
15. Culture des Jacinthes dans des vases 111
16. Culture des Pimelia 116
17. Courte biographie du Camellia, suivie de la description d'une variété nou-
velle : Camellia Japonica , var. Auguste Delfosse , par M. Ed. Morren. 129
18. Pélargonium Endlicherianum, Fenzl, par M. Ed. Morren 155
19. Culture du Salvia splendcns 144
20. Semis de Fougères de serre chaude 145
21. Nouvelles variétés de Gloxinias de la collection de M'"e Legrelle d'Hanis,
par M. Ed. Morren 161
22. Culture des Gloxinias d'après la méthode d'un amateur anglais du Der-
byshire 162
25. Les Daaphinelles des jardins, par M. Ed. Morren 195
24. Expériences sur la végétation des plantes épiphytes, par M. Ducharlre. . 194
25. Remarque sur le Basa Dcvoniensis 211
26. Cultures des Portulaccas pour bordure 224
27. A propos des OEillets de fantaisie, par M. Ed. Morren 225
28. Liste des fougères de serre froide et tempérée • 228
29. Culture du Campanula pyramidalis 256
50. Amphicome Emodi, Lindl., par M. Ed. Morren 257
— 378 —
31. Spirœa Recvesiana, hort., yar. flor. plen., par le même 257
32. Note sur la germination des graines anciennes, par M. Max. Leichllin. . . 258
33. Culture du Passiflora edulis, par M. Cl). Shepherd 269
34. Scutcllaria sple?idens, Link, Klotzsch et Otto, ou description de la Toque
brillante, par M. Ed. Morren 289
35. Oxalis Ottonis, Kl., ou description de l'Oxalide de Otto, par le même . . 291
36. Monographie des Colchiques et des Crocus qui fleurissent à l'arrière-
saison ; traduit de l'allemand du Dr Ch. Koch, par M. Jules Bourdon. 294 et 326
37. Histoire littéraire de la Pensée, par M. Ch. Morren. 321
38. Arbrisseaux de pleine terre fleurissant de bonne heure au printemps, par
M. William Wood 336
39. Multiplication des Tropœolum à tubercules 337
40. Sur la culture des Orchidées en pleine terre, par M. E. Regel 538
41. Oncidium Limminghei, par M. Ed. Morren 553
42. La serre à Orchidées de M. Llewelyn 326
2. — Revue des plantes nonvclles ou iaatéi'essantes.
1. Abies Ilookeriana, Murr. .
2. Abies Pattoniana, Murr. .
3. Acrophorus hispidus, T. M.
4. Adiantum cullratum, J . Sm.
fi. yEschynantus fulgens, Wall.
6. Akebia quinata, Decaisne.
7. Amphicome Emodi, Lindl.
8. Aralia papyrifera, Hook. .
9. Arctotis acaulis, L., var. spe-
ciosa. DC
10. Arislolochia Thwailesii, Hook
11. Banksia Victorise, Meisn. .
12. Bégonia magnifica, Linden
13. Billbergia rhodocyanea , Le
maire
14. Calyptraria Hœmantha, PL et
Lind
15. Cattleya maxima, Lindl. .
16. Ceanoihus inlegerrimus, Hook
17. Cenia pruinosa, DC. . .
18. Cenia lurbinata, Pers. . .
19. Chœtogastra lindeniana, PL
20. Clivia Gardeni, Hook. . .
21. Caelogine speciosa, Lind. .
22. Coïx sligmatosa, Koch. .
23. Collinsia verna, Nuit. . .
24. Convolvulus allhseoides , L.
var. argyreus. ....
25. Cordia superba, Chain. .
26. Correa cardinalis, Muell. .
27. Cuphea eminens, PL et Lind
28. Cupressus Lawsoniana, Murr
29. Cupressus Macnabiana, Murr
50. Davalliabullata,WalI. . .
51. Davallia dissocia, J. Sm. .
32. Davallia tenuifolia, Sw\ .
33. Delphinium cardinale, Hook
Ùi
ib.
171
169
134
72
102
168
265
359
206
5
76
231
208
206
205
206
6
155
104
259
560
138
102
250
232
38
ib.
168
145
256
101
54 Dendrobium bigibbum, Lind. 167
55. Dendrobium Mac Carihiae ,
Hook 105
56. Diplothemium littorale, Mart. 100
57. Drymonia villosa, Hook. . . ib.
58. Drynaria Fortuni, T. M. . . 235
59. Encephalartus Cafter, Lehm . 207
40. Eschscholzia californica , DC.
var. flor. plen 230
41. Frilillaria lutea, Bieb. . . 262
42. Frilillaria praecox, Hort. . . 261
43. Frilillaria pyrenaica. L. . . 260
44. Frilillaria racemosa, Sm. . . 261
45. Genelyllismacrostegia.Turczn. 6
46. Genelyllis tulipifera, Hook. . 5
47. Gilia dianthioïdes, End. . . 137
48. Gonocalyxpulcher, Pl.et Lind. 232
49. Gymuogramma lanala, Kl. . 171
50. Helianlhemum tuberaria, Mill- 136
51. Isoloma Triansei, Regel. . . 70
52. Juniperus pyriformis, Murr . 38
55. Laslrea pilosissima, J. Sm. . 254
54. Lastrea recedens, J. Sm. . . 255
55. Leplodactylon californicum. . 155
56. Locheria magnifica , PL et
Lind 7
57. Lœlia acuminata, Lindl. . . 208
58. Lomaria discolor 172
59. Magnolia Campbellii, Hook. 166
60. Moiiocliœtum ensiferunî , P.
etL 252
61. Myogalum afflue, C. Koch. . 268
62. Kephrodium venustum, Hew. 252
65. NephrolcpisDavallioïdcs,T.M. 139
64. Nicotiana fragrans, Hook. . . 107
65. Nyclanthes Arbor trislis, Lin. 164
66. Oruilhogalum ratheuicuui. . 265
— 379
67.
68.
69.
70.
71.
72.
73.
74.
75.
76.
77.
78.
79.
80.
81.
82.
83.
Phlebodium inaequale, T. M.
Phlebodium multiseriale, M.
Phygelius Capensis, E. Meg. .
Pinus Beardsleyi, Murr. . .
Platyloma Brownii, J. Smith.
Polypodium filipes, T. M. .
Pteris heterophylla, L. . .
Pycnopteris Sieboldi, T. M. .
Rhododendron Brook., Low.
Rhododendron californicum ,
Hook. . •
Rhododendron campanulatum,
var. Wallichii, Hook. . .
Rhododendron Falc, Hook. fil.
Rhododendron Hookeri, Nuit.
Rhododendron Moulmainense,
Hook
Rhododendron retusum,Benn.
Rhododendron
Rixea azurea , Morr. , var.
grandiflora
168
84.
143
85.
72
86.
39
87.
139
88.
141
89.
358
90.
142
363
91.
92.
105
93.
94.
363
95.
361
362
96.
97
204
98.
105
363
99.
205
100.
Rose Docteur Henon. . . . 109
Rose Gloire de Dijon. . . . 107
Rose Madame Masson . . . 109
Rose Madame Vidot. . . . 111
Rose Mathurin Régnier. . . 108
Salvia asperata, Falconer. . 74
Salvia Camerloni, Hort.Germ.
ex Regel 71
Scutellaria Trianei., PI. et Ld. 232
Seemannia lernifolia, Regel . 75
Sobralia fragans, Rz. et Pav . «6.
Slanhopea ecornuta, Lindl. . 73
Slylophorum diphyllum, Nut-
lall 71
Tetralheca ericoïdes. Hort. . 138
Thermopsis barbata, Royle. . 70
Thujopsis dolabrata, Sieb. et
Zuccarini 36
Tradescantia hypophsea, C.
Koch • . 260
Tydsea ocellata, Regel. . . 76
1.
2.
3.
4.
3. — Histoire des plantes ntiles.
Usage des feuilles du Caféier en infusion 20
De quelques fruits étrangers ou exotiques, par M. Ed. Morren 219
Les fécules d'Arrow-root 280
Histoire de la Vanille considérée comme un produit nouveau des Indes-
Orientales, par M. H. de Vriese, analyse et traduction, par M. Ed.
Morren 315-364
Notice sur quelques produits importants fournis par diverses espèces de
Palmiers, par M. Olivier Du Vivier 343
La Saponaire, par M. Ch. Morren 241
Le Muscadier, par M. Duchartre 375
4.
Horticulture de Salon.
1. Culture des Fougères sous cloche, par M. Ed. Morren 264
2. Quelques mots sur l'histoire de l'oranger et son mode de culture le plus
facile comme plante d'appartement, par 31. Olivier Du Vivier 266
5. — Opérations horticoles.
1. Du greffage des pruniers et des cerisiers, par M. J.-J. Bochnal, père. . . 20
2. Comment agit le drainage, par M. E. Risler 117
6. — Littérature horticole.
1. Considérations diverses sur les phénomènes périodiques. Phénomènes
diurnes, par M. H. Lecoq, professeur d'histoire naturelle de la ville de
Clermont-Ferrand
2. Les Palmiers de la grande serre de Kew, d'après un article de M. J.
Houlslon, dans le Florish, frutish and Gardcn Miscellany. • . . .
7. — Architecture des jardins.
44
54
1 . Quelques indications sur les moyens d'obtenir une floraison continue dans
les parterres des petits jardins, par M. Ed. Morren 40
— 380 —
2. Plans d'une disposition économique à donner aux serres et aux bâches, par
le même 42
3. Plan d'un jardin de trois hectares, par le même 95
4. Description de deux belvédères, par le même 173
5. Comment on peut établir un glacière à bon marché et comment il convient
de conserver la glace, par le même 174
6. Les labyrinthes de jardins , par le même 209
8. — Constructions horticoles.
1. Relation du transport d'un Palmier gigantesque, Latania borbonica, du
jardin Loddigesau palais de cristal de Sydenham, par Sir P. F. Keir. . 55
2. Notice sur les /{ockworks ou rochers artificiels, par M. Olivier Du Vivier. . 82
9. — Meubles et ornements de jardin.
1. Choix de plantes pour les grands vases d'ornement • . . 14G
2. Sydérolechnie horticole : Allée couverte , Kiosque, Fauteuils et Divans
américains, en fer creux, par M. Ed. Morren 257
10. — Hydroplasie horticole.
1. Bassins, vasques, vases, fleurs artificielles hydrauliques en métal et aju-
tages de jeux d'eau, fabriqués dans les ateliers de M. Henri Leclerc, in-
génieur mécanicien-hydraulicien à Paris ; par M. Ed. Morren it2
11. — Instruments d'horticulture.
1. Nouvelle seringue-arrosoir anglaise 58
2. Fumigateur à action spontanée 59
3. Cueille-fruits de M. Dittmare du Wurtemberg et de Al. Arnheiter de Paris. 270
12. — Agrologic horticole.
1. Sur les avantages de l'emploi de l'engrais liquide pour la végétation des
plantes 64
13. — Physiologie végétale.
1. De l'origine des espèces en botanique et de l'apparition des plantes sur le
globe, par M. A. Malbranche 123-154-186
14. — Pathologie végétale.
1. Mode d'emploi du soufre dans le traitement de la maladie de la vigne, par
M. C.-J. Thibault 24
15. — Géographie botanique.
î. Les envirous de Buenos-Ayres, par M. Leiehllin 181
16. — Arboriculture.
1. Nouvelle variété de l'arbre aux quarante écus, Salisburia adiantifulia , var.
laciniuta, par M. Ed. Morren 148
2. Le Cyprès chauve ou Taxodier distique (Taxodium distichum Rich.), par
le même 305
3. Saxe-Gothœaconspicua ou Saxe-Gotha distingué, par le même 309
17. — Jardin fruitier.
1. Cerise blancbe du Nord, par M. Ed. Morren 21
2. Note sur l'établissement d'une fraisière, la culture et la propagation des
fraisiers, d'après les préceptes de M. Underhill, amateur anglais. ... 22
— 381 —
5. La pomme framboise ou calville rayé d'automne, par M. Royer GO
4. Nouvelle note concernant le fraisier perpétuel, Délices d'automne ... 61
5. Pêche grosse mignonne • 95
6. Pêche Madelaine de Courson ou pêche de vin 95
7. Prune impériale violette, par M. Royer 121
8. Moyen de former promptement les espaliers, par M. du Breuil 150
9. Poire sanguinole, par M. Ed. Morren 153
10. La pomme calville blanche à côtes, par le même 185
11. Du Néflier et du Néflier cultivé à gros fruits, par M. de Bavay 255
12 Raisin Tokay des jardins, par le même 285
13. Du Mûrier, par le même 340
18. — Culture maraîchère et jardin potager.
1. Culture maraîchère du Cardon 28
2. Le Crambe maritima ou chou marin 31
3. Les radis d'automne ou d'hiver, par M. P. Joigneaux 62
4. Sur le Pircunia csculenta, Mig., comme plante potagère, par M. S. Regel . 147
5. Acclimatation en Europe de quatre nouvelles variétés rustiques de Bâtâtes
{Batatas edulis), provenant du Japon et introduites par M. le Dr Von Sie-
boldt, par Ed. Morren 179
6. La pomme de terre sauvage, par M. J. Lindley 342
19. — Miscellanées.
1. Encre noire indélébile pour écrire sur le zinc 89
2. Notions générales de Paléontologie végétale, traduit de l'Allemand du doc-
teur Seubert. par M. A. de Borre 212-244-279
3. Fragment du rapport prononcé au nom du jury chargé de juger les concours
de l'exposition florale de Versailles en 1855, par M. Bernard de Rennes. . 271
4. Médaille d'or décernée à la Belgique horticole par la société impériale et cen-
trale d'Horticulture de Paris. Rapport de M. Morel, premier vice-président
de la Société . ... 310
5. Grand festival horticole du 24 août à Liège 339
20. — Planches coloriées de fleurs.
1. Amphicome Emodi. Lindl 257
2. Camellia Japonica, var. Aug. Delfosse 129
3. Coleus Blumœi, var. pectinatus 97
4. Delphiniumazureum, flor. plen 193
5. Delphinium cardinale, Hook ib.
6. Delphinium cœrulescens, flor. plen ib,
7. Delphinium magnificum ib.
8. Diclytra scandens 33
9. Gloxinias, var 161
10. Lavatera maritima, Gouan 65
11. Lilas princesse Camille de Rohan 97
12. Œillets de fantaisie , var 225
13. Oxalis Ottonis, Kl 289
14. Pélargoniums scarlets, var • 33
15. Pensées, var , . . . 321
16. Scutellaria splendens, Link , 289
17. Spiraea Reevesiana, hort., var. fi. pi 2Ï7
18. Stylidium recurvum, Graham 65
— 38-2 —
19. Tropœolum Chaixianum 1
20. Tropœolum Naudinii ib.
21. Tropœolum Scheuerianum ib.
22. Vanilla Guianensis, Splitg. . . • 313
21. — Planches coloriées de fruits.
1. CERISIER.
Cerise blanche du Nord . . 21
2. MURIER.
Mûrier noir 340
3. NÉFLIER.
Néflier à gros fruit 255
4. NOIX EXOTIQUES.
1. Anacardium occidentale 219
2. Arachis hypogaea. . . • ib.
3. Rertholetia excelsa. . -. ib.
4. Carya alba ib.
5. Carya olivaeformis t&.
6. Caryocar butyrosum • ib
7. Lecythis ollaria ib.
8. Pistacia lentiscus ib.
5. PÊCHERS.
Pèche grosse mignonne 95
Pêche Madeleine de Courson ib.
6. POIRIER.
Poire sanguinole 153
7. POMMIERS.
Pomme calville blanche à côtes 185
Pommes framboises ou Calville rayé d'automne (50
8. PRUNIER.
Prune impériale violette .... 121
9. VIGNE.
Raisin Tokay des jardins 285
22. — Planches et figures xylographiées.
ARCHITECTURE HORTICOLE.
1. Plans d'une disposition économique des serres et bâches 43
2. Plan d'un domaine de 3 hectares 9(5
3. Plan d'une glacière 17t»
4. Glacière établie dans le système de M. Hawkins 178
5. Plan d'un labyrinthe de jardin 210
CONSTRUCTIONS HORTICOLES.
6. Aspect d'un rockwoi k planté de Fougères et de Conifères 93
7. Belvédère rustique 172
8. Belvédère champêtre 173
9. Vue de la serre à Orchidées de M. Llewelyn à Penllergare 357
— 383 —
OPÉRATIONS HORTICOLES
10. Transport du Latania borbonica 86
11. Démonstration de l'aération du sol produite par le drainage 118
MEUBLES ET INSTRUMENTS D'HORTICULTURE.
12. Seringue aspirante et foulante 58
13. Fleurs hydrauliques de M. Leelerc 113
14. Corbeille de fleurs hydrauliques 114
15. Corbeille de fleurs hydrauliques de l'exposition universelle de Paris en 1853. 115
16. Allée couverte construite en fer creux 238
17. Fauteuil et divan américains 239
18. Kiosque moresque en fer creux 240
19. Rocher sous cloches pour la culture des Fougères 264
20. Cueille-fruits de M. Dittmare 270
21. Cueille-fruits de M. Arnheiter ib.
ESTHÉTIQUE HORTICOLE.
22. Esthétique d'une cinéraire. . • 15
CULTURES OU PLANTES MODÈLES.
23. Portrait du Pélargonium de M. Onghton 12
24. Modèle de culture de Pélargoniums 14
25. Modèle de culture de Cinéraire 16
CULTURE DES ARBRES FRUITIERS.
26. Espalier en cordon oblique simple 151
PLANTES NOUVELLES OU INTÉRESSANTES.
27. Adiantum cultratum 170
28. Acrophorus hispidus i . . ib.
29. Collinsia verna,Nutt 361
30. Convolvulus althœoides 137
31. Davallia bullata 170
32. Davallia dissecta 140
33. Davallia tenuifolia 233
34. Gilia dianthoides, End 137
35. Gymnogramma lanata 170
36. Lastrea pilosissima ... . 233
37. Lastrea recedens ib,
38. Leptodactylon californicum, Hook 137
39. Nephrodium venustum 233
40. Nephrolepis davallioides 140
41. Pélargonium Endlicherianum 137
42. Platyloma Brownii 140
43. Pteris heterophylia ., 359
44. Pycnopteris Sieboldi 140
45. Rhododendron Hookeri 362
46. Salisburia adiantifolia, var. laciniala. . . . • 149
47. Tetratheca ericoïdes, Hort 137
ARBRES.
48. Cyprès chauve ou Taxodium distichum 304
49. Saxe Golhisa conspicua ,{03
— 384 —
PLANTES UTILES.
30. Arenga saccharifera 346
51. Cocos nueifera 347
52. Curcuma angustifolia 287
53. Manihot utilissima 288
54. Marantaarundinacea 286
54. Phœnix dactylifera 351
56. SagusRumphii 344
PLANTES FOSSILES.
57. Nevropteris tenuifolia 215
58. Cyclopteris orbicularis ib.
59. Sphenopteris elegans 216
60. Pecopteris aquilina ib.
61. Lycopodites Schlotheimii 218
62. Lepidodendron elegans ib.
63. Calamités varians. 244
64. Equisetum columnare ib.
65. Sphenophillum Schlotheimii 245
66. Flabellaria Lamononis • 246
67. Pterophyllum Jœgeri 247
68. Zamites macrophyllus t'6.
69. Dadoxylon Brandlingii 248
70. Pinites ponderosus ib.
71. Voltzia heterophylla 249
72. Credneria cuneifolia 250
73. Comptonia asplenifolia • 251
74. Acer tricuspidatum 253
Portrait gravé.
PORTRAIT DE JEAN KICKX.
FIN DE LA TABLK t)ES MATIÈRES DU SIXIÈME VOLUME.
AVIS.
Messieurs les abonnés à la Belgique horticole qui désirent recevoir des graines de
fleurs ou de plantes d'ornement, sont priés d'adresser leurs demandes à la direction du
Journal, qui tient à leur disposition un choix très-varié de semences de pleine-terre ou
de serre : chacun d'eux recevra un envoi analogue aux désirs qu'il nous aura ex-
primés.
New York Botanical Garden Library
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