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Full text of "Bibliotheque du Théatre François, depuis son origine; contenant un extrait de tous les ouvrages composés pour ce théâtre, depuis les mystères jusqu'aux pieces de Pierre Corneille; une liste chronologique de celles composées depuis cette derniere époque jusqu'à présent; avec deux tables alphabétiques, l'une des auteurs & l'autre des pieces"

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BIBLIOTHEQUE 


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THEATRE  FRANÇOIS, 

SON   ORIQINE* 


T   O  M  B      SECOND. 


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Lp  (lout  commence  àr'aiîranchir  des  liiens 
de  la  Sotfafe . 


BIBLIOTHEQUE 

•nîÉATRE  FRANÇOIS. 
S  Q  N  O  R  I G I  NE  } 

ÇoNTMNANT  uti  Extrait  ât  tous  Us  Ouvrages 
compoféspour  ce  Théâtre ,  depuis  les  Myfiires 
jufqu'aux  Pièces  de  Pierre  Corneille;.  uieLiftt 
Chronologique  de  celles  compofées  depuis  cette 
dernière  époque  jufqu' à  préfent  i  avec  deux  Ta- 
"blés  alphabétiques  j  l'une  des  Auteurs  Çf  l'aiari^ 
^  Pièces, 


TOME    SECOND. 


R    DRESDE; 
Ch«    Michel  GROELL,tîïffairc; 

M.    Dec.    LXVIIL 


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AT  RE 


FRANÇOIS. 


Année  1628. 

Jean  de  schelandre. 

TYR  ETSIDON.  TragUComiîdie  en  deux  Joue- 
nées  ,  dont  l'une  repréfentc  les  funeftes  fuccès  des 
amours  de  Léonce  8c  de  Philolinc ,  &  la  féconde  les 
divers  empèchcmcns  &  l'heureux  fuccès  de  Belcar  fie 
de  Meliaue.  Chaque  Journée  en  cinq  adcs ,  en  vers  » 
avec  une  Préface  de  F.  O.  P.  &  un  avis  de  l'Impri- 
mcur  an  Lcâeur.  Paris,  Robert-Etienne j  1618. 
in-So. 

(PREMIERE  JOURNÉE.  A^t  premier.)  Phar- 
nabaze  >  Roi  de  Tyr ,  &  AbdolominC)  Roi  de  Sldon , 
après  s'être  fait  long-tems  la  guerre  avec  un  fuccès 
égal ,  envoycnt  chacun  leurs  fils  à  la  tfite  de  l'année , 
pour  donner  un  combat  décifif.  La  victoire  refte  en- 
core incertaine  ;  &  les  deu!£  Princes  font  fûts  vù\au> 


%  THEATRE  FRANÇOIS. 

îiîers.  (  ASe  deuxième.  )/PhiIoline,  ïemme  du  vieux 
Zorote ,  veut  aller  au  bal.  Son  mari  lai  répond  qu'elle 
fera  mieux  de  s'occuper  des  foins  du  ménage.  Phi- 
loline  die  qu'elle  en  eft  laiTe  >&  qu'elle  mené  la  vie 
la  plus  tri(le.  Elle  ajoute  qu'au  moins  >  fi  elle  avbit  un 
enfant  ^  fa  compagnie  la  défennuyerôit. 

ZOROTE. 

II.  ne  dent  pas  à  moi.  Fais-jcpasle  devoir? 

P  H  I  L  O  L  I  N  £.     • 
K'ayanc  couché  que  vous,  je  n*en  puis  rien  fçayoir. 

Le  Vieillard  perfîAant  dans  fes  refus ,  elle  feint  de 
vouloir  fe  tuer  ;  ce  qui  le  détermine  enfin  à  lui  per« 
mettre  d'aller  au  bal  »  mais  accompagnée  de  fa  (œur. 
Elle  n'eft  pas  trop  contente  d'avoir  avec  elle  cette  fur- 
veillante  ;  &  elle  fe  propofe  de  fe  venger  de  fon  vieux 
mari. 

S'adcefTe  donc  à  moi  quelqu'homme  qui  me  plaife  , 
Quelque  beau  Cavalier ,  plein  d'amoureufe  braife. 


Zoroce,  ouvre  ton  fronc  \  ^  ta  rameure  t*attend  : 
7e  ce  la  planceray  (î  profonde  en  la  cêce  » 
Qu*elle  ne  tombera  qu*â  la  more  de  la  bêcc. 

\ARe  troijiéme.)  L^onte,  61s  du  Roi  Pharnabaze, 
voit  Philoline  au  bal  y  en  devient  amoureux  >  lui  dé- 
clare fon  amour  ,  &  en  eft  bien  reçu.  (  Aâe  quatrii^ 
me.  )  Timadon  >  Ecuyer  de  Léonte  >  fe  fert  d'un  jeune 
JPage  ^u'U  fait  babiller  eo  fille  >  pour  dpnner  à  Philo. 


THEATRE  FRANÇOIS.  3 

Une  une  lettre  de  ce  Prince  ;  &  craignant  qu'il  ne  foie 
furpris  par  le  vieux  Zoroce,  il  lui  demande  : 

Arez-votts  bien  lié  pour  paroicre   •    •     .    •    • 

la  crête  de  coq  d'inde  à  vos  aynes  pendue  > 

Gardez  qu'avec  la  main  le  méfiant  magot  »  • 

Voulant  prehdre  un  creufet,  ne  rencontre  un  lingot. 

LE    PAGE. 

J'ai  fait  de  m«n  relief  une  platte  peinture  : 
Que  G.  chaque  époufée ,  au  tournoy  de  nature, 
Afiuroit  fon  faquin  d'im  aulfi  fort  plaAron  , 
Le  plus  hardi  lancier  y  deviendroit  poltron. 

Le  Page  travefli  va  tout  de  fuite  chez  Zorote  ;  &: 
le  voyant  ivre^  il  fe  met  à  chanter.  Zorote ,  le  prenant 
pour  une  fille 9  &  la  trouvant  fort  à  fon  gré,  lui  pro- 
pofe  d'entrer  dans  fa  chambre,  &  dit  : 

Queyoîcy  bien  mon  fait  !  viens  ,  ma  mignone,  approche. 

L  E    P  A  G  E. 
O  que  Totre  batail  efl  trop  mal  pour  m^fclqche  ! 

n  y  entre  cependant,  &  Zorote  lui  dit  : 

Tu  trouveras  chez  moy  bonne  table  &  bon  lit* 

(  À3e  cinquième*  )  Zorote  eft  bien-tot  au  &it  de  tout 
le  manège  du  Page ,  &  des  amours  de  Lléonte  &  de 
fa  femme.  Il  veut  venger  fon  affront  fur  le  Prince 
même  ;  &  il  le  foit  affaffiner  par  des  foldats.  Cette 
Joamée  finit  par  les  regrets  du  Roi  Abdolomine  fur 
cet  aflTaflSnat* 


4  THE  A  TRE  FRA  NÇOIS. 

Je  ne  donnerai  point  4'extrait  de  la  féconde  Jour* 
née  I  donc  le  Aile  eft  moins  libre  que  celui  de  la  pre- 
mière ;  &  je  renvoyé  le  Lefteur  à  la  Tragédie  de 
Tyr  &  Sidon  par  Daniel  Dancheres  >  dont  j'ai  parlé 
(bus  Tannée  i68o.  Schelandre  a  fuivi  abfblumenc  le 
même  plan  &  la  même  intrigue  :  &  il  n'a  partagé  fa 
pièce  en  deux  Journées  y  que  pour  rendre  compte 
dans  la  première  des  amours  de  Léonte  &  de  Philo^ 
line  y  dont  il  n'eft  point  fait  mention  dans  celle  de 
Dancheres.  La  feule  différence  qu'on  y  trouve  9  eft 
dans  le  nom  des  deux  Rois  &  dans  le  dénouement. 
Dans  celle-ci)  Meliane  ne  meurt  point,  Belcar  revient 
à  Tyr ,  Pharnabaze  lui  donne  fa  fille  en  mariage ,  Se 
fait  mourir  dans  les  tourmens  Zorote  le  meurtrier  de 
fon  fils  9  qu' Abdolomine  lui  a  'envoyé  pour  ordonner 
de  ion  fupplice. 

THULLIN. 

tA  PRODIGIEUSE  RECONNOISSANCE  DE 
DAPHNIS  ET  DE  CLORIS,  leurs  amours,  leurs 
aventure»  &  leur  mariage«-Le  tout  rédigé  en  une  Co- 
médie en  quatrf  ades ,  en  vers,  dédiée  auxf  beaux  e& 
pritsdece  tems.  Paris >  JeanBeifin»  i6i8.  i/i-8^« 

Le  vieillard  Nemée  avoit  trouvé  fur  le  bord  du  ri- 
vage an  enfant  dans  fon  berceau  ;  il  en  avoit  pris  foin 
&  Tavoit  nbmmé  Daphnis.  Quelque  tems  après  j  le 
Berger  Palemon  avoit  au(G  rencontré  une  petite  fille 
cxpofée  fur  le  même  fleuve  :  i!  Tavoit  élevée  &  Tavoit 
nommée  Cloris.  Ces  deux  petits  orphelins  étoiént  éle- 
très  dans  ie  même  hameau«  Ils  le  virent  »  s'aimèrent  8c 


THËA  TRE  FR  A  NÇO IS.  J 

fe  donnèrent  la  foi  de  mariage.  I.e  Berger  Cléon,  qui 
almoic  aulTi  Cloris,  lui  déclare  (bn  amour.  La  Ber- 
gère y  eft  infenfible  y  &  lui  répond  qu'elle  a  donné  (bti 
cœur  à  Daphnis ,  &  qu'elle  n'aimera  jamais  que  lui* 
Dans  ce  même  tems  >  le  Roi  Eacide  vient  confuker 
l'Oracle  fur  ce  qu'il  avoit  à  &ire ,  pour  détourner  la 
pefie  qui  ravageoit  fes  Etats.  L'Oracle  lui  répond 
que  les  Dieux  ne  peuvent  être  appaifés  i  qu'en  obfer- 
vaut  les  loix  avec  plus  d'exaâiitude.  Cléon>  pour  fe 
venger  des  mépris  de  Cloris»  faifit  avidement  cette 
occa(ion  ,  &  va  dénoncer  les  deux  jeunes  amans  qui 
étoient  fur  le  point  de  fe  marier  avant  Tâge  prefcrît 
par  les  loix  du  pays.  Onteis  arrête  :  ils  répondent  aa 
Roi  avec  la  plus  grançle  fermeté  »  &  font  condamnés 
à  la  mort.  Le  Roi  Heiliphile  arrive  au  moment  même 
où  ils  alloient  être  exécutés.  Il  paroit  furpris»  en 
voyant  un  foîeil  empreint  fur  l'eftomac  de  Daphnîs» 
I)  demande  qu'on  fafpende  le  fupplice  :  il  prend  diver 
fes  informations.  Enfin  le  vieillard  Nemée^  qui  lui  ap. 
porte  le  berceau  dans  lequel  il  avoit  autrefois  trouvé 
cet  enfant,  ne  lui  laifTe  plus  lieu  de  douter  que  Daph« 
Dis  e(l  fon  fils.  Il  le  reconnoit  &  l'embrafle.  D'un  au- 
tre cocé  y  le  Berger  Palemon  arrive  auffi  :  il  fait  voir 
un  miroir  caiTé  qu'il  avoit  trouvé  dans  le  berceau  de 
Cloris ,  derrière  lequel  on  avoit  tracé  des  caraûèrea 
qui  £bnt  connoitre  que  Cloris  eft  fille  du  Roi  Eacide*- 
Ces  deux  Rois,  enchantés  d'avoir  fi  heureufement  re- 
trouvé leurs  en&ns  2.  les  unUTent  enfemble,  .&  condam»^ 


6  THEATRE  FRANÇOIS. 

netit  Cléôn  au  Tupplice  qui  étoit  préparé  pour  les  deux 
amans^ 

L'ANTIQUITÉ  DU  TRIOMPHE  DE  BEZIERS 
AU  JOUR  DE  L'ASCENSION  ,  dédiée  par  rim- 
primeur  à  Mefficurs  lesHabitansde  ladite  Ville,  con- 
tenant les  plus  rares  hiftoires  qui  ont  été  repréfentées 
au  rofiiit  jour  ^  ces  dernières  années.  Beziejëis  ,  Jean 
Martel»  1628.  i/z-ix. 

Les  treize  pièces  dont  je  vais  donner  Vanalyfefont  ren^ 
fermées  fous  ce  titre.  Pour  avoir  l'intelligence  des  mo- 
tifs de  cette  fête  t  il  faut  fç?ivoîr  que  >  la  ville  de  Bé- 
liers ayant  été  délivrée  des  ennemis  le  jour  de  l'Af- 
cenfioo ,  on  a  inftitué  une  cérémonie  pour  en  confer- 
ver  le  fouvenîr.  Ce  jour  -  là ,  les  peuples  Voifins  fe 
rendent  k  Beziers  ;  on  y  tient  une  foire  1  on  y  fait  une 
proeefllon  »  &  on  y  célèbre  des  Jeux.  Des  pièces 
dramatiq^s  font  partie  de  la  folemnité  de  ce  Jour.  Il 
faut  fçavoir  encore  qu'il  y  a  dans  cette  Ville  unegrofle 
ftatue  de  pierre  qu'on  croît  repréfenter  un  ancien  Ca- 
pitaine nommé  Pierre  Pecruce,  que  le  peuple  par  cor- 
rwption  appelle  Pepefuc.  Ceft  ce  même  Pepefuc  qui 
jotre  le  phis  grand  rôle  dans  la  plupart  de  ces  pièces. 

HISTOIRE  DE  PEPESUC  à  fept  perfonnages. 

Après  un  prologue ,  Megere  paroît  fur  la  terre  & 
annonce  la  guerre.  Les  Soldats  Gafcons  &  François, 
prennent  les  armes ,  &  réveillent  Pepefuc  leur  Géné- 
ral. Celui-ci  les  anime  à  bien  faire;  &  lorfqu'îls  font 
tout  prêts  à  combattre  ,  la  paix  les  arrête  par  fon  re- 
tour. Megere  revient ,  les  anime  de  nouveau.  Ils  reo- 


THEATRE  FRANÇOIS.  y 

trent  tous  en  fureur  ;  mais  la  paix  qui  revient  rétablit 
le  calme ,  &  chacun  fe  retire  dans  fon  foyer.  Dans 
cette  pièce  froide  &  fans  fe! ,  le  Soldat  François,  Mé- 
gère &  la  Paix  parlent  &ançois;  &  les  autres  Adeors» 
gaicon. 

LE  JUGEMENT  DE  PARIS  à  huit  perfoiw 
nages. 

Le  Berger  Paris  eft  amoureux  de  la  Bergère  Oeno^ 
ne  y  qui  le  fuit  pour  éprourer  fa  fidélité.  Enfin  elle  fe 
rend  &  avoue  fa  fbiblefTe. 

PARIS, 
permettez  cependant  que  je  baife  une  fois 
Ces  lèvres  de  coral,  qui  vont  faifant  les  loîx. 
A.mcs  cbades  defîrs. 

O  E  N  G  N  E. 

Votre  bouche  de  rofe. 
Ne  doit  pas  demander  une  fî  iufle  chofe. 

COLIN. 
Ayflo  non  pouyrio  pas  ana  millou  que  ya  y 
Puis  qu'aves  commençât ,  es  rafou  d*accaba. 
Intras  dedins  tou  bofc  joufl  caucos  ombrettos  , 
Refrefcas  la  calou  de  voftros  amourettos. 

Ceci  ne  peut  pas  mieux  aUer  qu'il  va.  Pidfque  pom 
ave^  commencé  9  il  efi  rcàfonnahle  à* achever.  En»eTi  ^^^ 
le  bois  f  Cf  fous  Fombre  des  arbres ,  rafratchiffii  la  chb^ 
leur  de  vos  amour s*^ 

Ils  (bivent  ce  confeil.  Quelque  tems  après  Coiin  dit  1 

Je  ou  m'en  bou  dins  lou  bofc,  per  vcyre  s'elle  es  laflc. 
Jt  m*tnvâis  ddns  le  hoh,£OHr  voir  un  feu  fi  tilt  tfiê^t^ 


8  THEATRE   FRANÇOIS. 

Cependant  Mercure  arrive  ;  il  annonce  Tavcntare  de 
la  pomme  d'or  jettée  par  la  Difcorde,  &  defiinée  à  la 
plu$  belle.  Il  rend  compte  auffi  de  la  querelle  que 
cette  pomme  a  fufcitée  entre  les  Déeffes  Junon  » 
Pallas  &  Vénus ,  &  du  deflein  que  les  Dieux  ont  pris 
de  rendre  Paris  juge  dé  ce  différend.  Les  Déeffes 
arrivent  devant  leur  Juge  »  &  font  chacune  un  long 
difçours  au  berger.  Paris  leur  répond  : 

.  Déedês ,  ce  feroic  un  jugement  volage.. 
De  juger  d*un  foleil  à  travers  un  nuage. 
Votre  riche  parure  ombrage  vos  thréfors  : 
Ces  beautés  font  dedans ,  il  les  faut  voir  dehors  ; 
Il  vous  faut  exhiber  à  mes  yeux  toutes  nues. 

Elles  obéiffent  :  &  Paris  adjuge  à  Vénus  le  prix  de 
la  beauté.  Elle  lui  promet  en  récompenfe  les  faveurs 
.  de  la  belle  Hélène  ;  &  il  part  pour  la  Grèce.  Cepen- 
dant Colin  inftruit  la  malheureufe  Oenone  du  départ 
de  fon  amant.  Cette  tendre  bergère  fc  défoie  ;  elle  fe 
rappelle  le^  promefles  de  Paris  ;  elle  répète  les  vers 
que  pour  elle  il  avoit  gravés  fur  les  arbres. 

Alors  que  Paris  înfîdelle 
Sans  Oenone  refpirera  y 
le  flux  à  foy-mêmc  rebelle 
Vers  fa  fourcc' retournera. 

Enfin  elle  fe  donne  la  mort.  Colin ,  au  défefpoîr  da 
malheur  qui  vient  d'arriver  ,  &  dont  fon  indifcrétion 
^Jl  caufe^  veut  aulfi  fe  tuer  ;  m^is  la  réflexion  qui 


THEATRE  FRANÇOIS.  g 

hit  qu'il  pourroit  être  mangé  par  les  loups  9  le  dé- 
tourne de  ce  defTein. 

You  fîou  doncos  d'avift  pcr  cfvka  aquel  fort  j 
Que  qui  es  viou  fio  viou  y  &  qui  es  mort  fîo  more. 
Je  fuis  doncques  d*avis  four  éviter  ce  fort , 
Que  qui  efi  vif  fait  vif  y  CT*  que  qui  efi  mortjoit  mort. 

Il  enterre  Oenone,  &  grave  une  épîtaphe  fur  fon 
tombeau.  Cette  pièce  en  un  afte  eft  moitié  en  fraa« 
çois  i  moitié  en  gafcon. 

HISTOIRE  DE  LA  RÉJOUISSANCE  DES 
CHAMBRIERES  DE  BEZIERS,  fur  le  nouveau 
refkilliiTement  d'eau  des  tuyaux  de  la  fontaine. 

Il  y  avoit  à  Beziers  une  fontaine ,  qui  depuis  quel« 
ques  années  ne  couloic  plus.  Les  fervantes^  qui  étoienc 
obligées  d'aller  chercher  de  Tean  fort  loin  >  fe  plai« 
gnent  à  la  Ville  &  la  noenacent  de  la  quitter  »  (i  la 
fontaine  n'eft  bientôt  rétablie.  Elles  difent,  pour  leura 
raifons ,  qu'en  allant  à  la  rivière  9  elles  courent  rifque 
de  tomber  y  que  les  femmes  ont  le  malheureux  penr 
chant  de  faire  toujours  leur  chute  par  derrière  9  & 
que  les  hommes  viennent  alors  mettre  le  doigt  9  ou  le 
bouchon9  dans  le  gouleau  de  leur  bouteille ,  qu'ils  fen« 
dent  même  bien  fouvent.   A  cette  occafîon  9  les  fer<- 
vantes  racontent  de  bonnes  hiftoires  qui  leur  font  ar- 
rivées. L'une  eft  rencontrée  par  fon  galant  qui  la  ren- 
verfe ,  &  veut  voir  fi  elle  eft  fêlée  :  il  trouve  le  dé- 
faut &  y  met  une  emplâtret  L'autre  écume  le  çot^ 


20  THEATRE  FRANÇOIS. 

(on  amant  la  prend  par  derrière ,  elle  laifTe  tomber  l'é- 
cumoire  &  la  cherche  :  l'amant  lut  en  préfente  le 
manche  9  &  lui  dit  de  le  mettre  dans  certain  trou  > 
pour  le  rendre  folide.  D'autres  difent  des  chofes  à 
peu  près  femblables.  Cependant  la  Ville  leur  promet 
qu'elles  feront  bientôt  contentes  ;  &  en  eiFet  on  voit  y 
peu  de  tems, après,  la  fontaine  jaillir.  Les  fervantes 
célèbrent  cet  événement  par  des  chanfbns  affez  plai^ 
fautes.  Cette  farce  comique  &  fort  orduriere  efl  en 
un  afte ,  &  moitié  françois  f  moitié  gafcon. 

LES  MARIAGES  R'HABILLÉS ,  Paftoi^lê 
à  cinq  perfbnnages. 

Le  vieillard  Policart  confie  à  fon  valet  Cafcarel 
qu'il  a  defTein  de  fe  marier  avec  Coucouve,  &  le 
charge  de  conclure  cette  zSàitç.  Il  veut  en  même- 
tems  (aire  ^poufer  Serane  fà  fille  unique  avec  Alimou 
fils  de  Coucouve.  Cafcarel  s'acquitte  de  fa  commiffion; 
&  ce  double  mariage  étoit  prêt  à  fe  conclure  >  lorfque 
ce  valet ,  ayant  été  grondé  par  fon  maître  9  brouille  » 
pour  fe  venger,  la  Vieille  &  le  Vieillard.  Il  leur  fait  à 
l'un  &  à  l'autre  un  récit  infidèle  de  leur  caraftère.  Où 
en  vient  cependant  aux  éclaircifTemens. 

COUCOUVE. 

Cafcarel  me  diguet  qu*on  pafTaves  pas  neity 
Quand  ères  endourmic ,  qu'on  piÛèlTes  al  leitr 

LE    VIEILLARD. 

Lou  malhurous  goujat  jamais  non  mange  rayes^ 
8'on  me  digucc  que  vous  quado  neic  y  cagayes. 


THEATRE  FRANÇOIS.        ti 


COUCOUVE. 


Cajcartlrr^a  dit  que  vous  ne pajfie'^^pas  une  nuit,  ^o^F* 
^ue  vous  étie:^  endormi ,  que  vous  ne  piJpkBie:^  au  lit* 

LE    VIEILLARD. 

Le  malheureux  Goujat ,  je  veux  ne  jamais  manger  ra^i 
vesy  s'il  ne  m* a  pas  dit  que  chaque  nuit  vous  y  ehiier* 

On  découvre  la  friponnerie  du  valet  ;  &  les  maria- 
ges s'accompliffent.  Cette  Paftorale  en  cinq  aftes  % 
n'a  nulle  obfcénité*  Elle  eft  toute  en  vers  gafcons  de 
douze  (illabes. 

LA  COLERE  DE  PEPESUC.  Les  Fêtes,  dont 
nous  avons  parlé,  avoient  été  interrompues  à  caufe 
des  abus  qui  s'y  étoient  gliiTés  ;  on  les  rétablit  en- 
fuite  :  &  cette  pièce  fut  repréfentée  à  cette  occafion» 
Elle  n'eft  qu*iine  efpece  de  dialogue  entre  quelques 
perfonnes  du  peuple,  fur  l'interruption  de  la  cérémo- 
nie, &  Pepefuc  qui  vante  fes  exploits  &  raconte  fon 
hifloire.  Une  femme  l'interrompt ,  pour  lui  demander 
ce  qu'il  a  fait  de  deux  groflès  coquilles  ^  &  d'un  long 
pendant  à  l'avenact  f  qui  faifoic  trémoufler  toutes  les 
filles.  Il  lui  répond  : 

Dame  Bigorro  aquos  Tcray  , 
Ycou  ay  perdu  mon  papagay  » 
Et  vous  diray  mon  infortuno. 
Uno  neit  qu'on  fado  pas  luno  , 
Une  troupe  de  jouveacels  , 
Que  dcraberon  lous  martels  , 
En  penfan  qu'yeou  foufH  uno  porco, 
Vcngeroun  d*une  eftrango  foru^. 


IX         THEATRE  FRANÇOIS, 

■  Me  lou  prengcron  en  las  dous  mas  ^ 
£t  pu/s  cire  qui  c  laras  ; 
Me  Vy  douaeron  de  eouâîdet 
Un  de  cenaillos-om^cides, 
Crcfcn  que 'forte  un  gros  martel 
De  la  grand  porte  d'uacaftel; 
Si  bé  que  tan  me  brandigeron  , 
Qu'a  la  â  me  lou  deraberon* 

Dame  Bigorre  >  cela  efl.  vrai  que  j'ai  perdu  mon  perr$* 
quet  ;  (r  je  vous  dirai  mon  infortune.  Une  nuit  qiiil  riy 
jçLvoit  point  de  lune  y  une  troupe  de  jouvenceaux  qui  crra^ 
choient  tous  les  marteaux  y  penfant  que  ^e.fujfe  u  :^  porte  f 
vinrent  d^ une  étrange  fot te  y  ils  me  le  prirent  avec  les  deux 
mains  ,  &  puis  tire  toi  9  tire  moi  :  ils  me  donnèrent  des 
JecouJJes  avec  des  tenailles  homicides ,  croyant  que  ce  JÛt 
un  gros  marteau  de  la  grande  porte  d*un  Château  ,  Ji  bien 
que  tant  ils  me  branlèrent ,  qu'à  la  jUi  ils  me  V arrache^ 
rent. 

Il  décaille  enfaite  les  diverfès  aventures  de  cet  etv* 
gin ,  qui  fervit  de  pilon  à  un  Apothicaire  ;  enfuite  de 
batan  de  cloche  ^  &c.  Ôcc.  Ceft  ainli  que  finit  cet 
ouvrage  y  qui  eft  en  un  aâe  &  écrit  ed  gafcon; 

LAS  CARITATS  DE  BEZIERS  à  huit  perfon- 
nages. 

C'eft  le  nom  de  la  Fête  en  queftion.  On  dit  &ire 

caritats ,  le  jour  de  la  cérémonie.  Dans  cette  pièce  > 

deux  jeunes  hommes  &  leurs  amantes  vont  alTiAer  à 

*    la  fête.  Ils  écoutent  les  difcours  des  perfonnages  qui 


THEATRE  FRANÇOIS.         13 

fervent  à  ce  triomphe.  On  fait  l'hifloire  de  Pepefuc  , 
du  chameau  ,  &c.  Les  filles  prennent  place.  Deux 
Bergers  ont  enfemble  un  dialogue.  L'un  d'eux  dit  ; 

Mas  Damas ,  predas  nous  eue  |ue  parel  de  filles , 
Kous  autres  li  aprendren  de  jouga  de  las  quilles  , 
Que  cal  cira  toujours  à  la  rego  del  miech. 

Mefdames ,  yrète^-nous  une  paire  de  fille  si  G*  nous  leur 
apprendrons  à  jouer  aux  quilles  ;  à  notre  jeu  ,  il  fauttou^ 
jours  tirer  â  la  raye  du  milieu.  La  proceflTion  palFe  en- 
fiiite  fur  le  théâtre  ;  &  les  deux  jeunes  amans  épou- 
fent  leurs  maitreflfes.  Cette  pièce  e(l  en  quatre  aâes 
^  en  vers  alexandrins  gafcons. 

HISTOIRE  MEMORABLE  SUR  LE  DUEL 
D'ISABELLE  ET  DE  CLORIS ,  pour  la  jouidance 
de  Pbilemon. 

Ilabelle  aime  Philemon  ;  mais  elle  eft  gênée  par 
une  vieille  mère  acariâtre  >  qui  lui  permet  rarement 
de  forâr.  Cloris  >  fon  amie  &  fa  confidente,  fe  char* 
ge  de  fes  meffages,  &  lui  procure  les  moyens  de 
voir  fon  amant.  Cette  Cloris  devient  elle-même  amou* 
reufe  de  Philemon.  Elle  combat  quelquefois  fa  paf> 
fion»  &  cède  enfin  à  fa  violence.  Elle  dit  à  Philemon 
qulfabelle  eft  infidelle.  Celui  -  ci  entre  en  fureur  9 
rompt  avec  fa  maitre/Te ,  &  offre  fon  cœur  à  Cloris 
qui  l'accepte.  Ifabelle ,  au  defefpoir ,  épie  la  conduite 
de  (on  amanc  :  elle  regarde  à  travers  une  porte ,  Se 


14        THEATRE  FRANÇOIS. 

le  voit  entre  les  bras  de  Cloris.  Elle  ne  doute  plus 
de  la  perfidie  de  ion  amie;  &  pour  s'en  venger,  elle 
lui  envoie  un  cartel  >  &  fur  le  théâtre  le  bat  contre 
elle,  répée  à  la  main.  Cloris  combe  morte  de  Tes  blef- 
fures.  Ifabelle  fe  déguife  en  foldat»  pour  ne  pas  tom* 
ber  entre  les  mains  de  la  Juftice.  Philemon  fe  met 
en  campagne  »  pour  la  chercher  ;  il  la  rencontre.  Sous 
fon  déguiiëment  9  elle  lui  demande  l'aumône  i  il  la 
reconnoit  t  &  l'époufe.  Cette  pièce  eft  en  cinq  aâes 
&  en  grands  vers  gafcons.  Elle  eft  bien  verûfiée ,  bien 
conduite  ^  &  les  perfonnages  bien  (butenus. 

PLAINTE  D'UN  PAYSAN  fur  le  mauvais  traî- 
fement  qu'ils  reçoivent  des  Soldats;  à  trois  perfon* 
cages. 

Ce  titre  explique  tout  le  fujet  de  cette  pièce  ,  qui 
eft  en  vers  gafcons.  C'eft  un  Payfan  &  deux  Soldats 
qui  viennent  à  la  fête  de  Beziers  »  &  qui  font  le  dé- 
tail dés  horreurs  de  la  guerre  y  &  fur  tout  des  rigueurs 
qu'on  exerce  contre  les  Payfans. 

LAS  AVANTUROS  DE  GAZETTO. 

LES  AVENTURES  DE  GAZETTE ,  à  fix  pet- 
fonnages. 

Ce  Gazette  eft  le  chef  d'une  troupe  de  Boulions. 
Il  raconte  quelques  aventures  qui  lui  font  arrivées.  Il 


THEATRE  FRANÇOIS,         is 

ne  fait  pas  cependant  le  fuj et  principal  de  b  pièce. 
Une  vieille  femme  fait  l'éloge  de  fa  âlle  >  qui  aime 
tellement  le  travail. 

Que  per  non  perdre  tems,  ben  fouyen  ons'avifo» 
Qu'elle  piffe  en  marchan  fan  leva  la  camifo. 

Que  pour  ne  point  perdre  de  tems ,  bien  Jouvent  on  la 
toit  qu'elle  piffe  en  marchant  fans  lever  fa  ekemife. 

Cette  fille  fi  fage  »  fi  diligente ,  eft  aimée  d'un  jeûne 
homme  qu'elle  dédaigne.  Sa  mère  la  perfécute ,  pour 
le  lui  faire  époufer  ;  mais  pour  fe  fouflraire  à  fes  re« 
proches  &  à  ceux  de  fbn  amant  f  elle  s'engage  dans 
la  troupe  de  Gazette.  On  la  pourfuit  &  on  la  ratrape. 
On  veut  punir  Gazette  9  qui  fe  juftifie.  Enfin  la  pièce 
finit  par  le  mariage  de  cette  fille  avec  fbn  galant. 
Cette  Comédie  eft  en  trois  aâes  &  en  vers  gafcoos 
de  douze  fillabes. 

LES  AMOURS  DE  LA  GUIMBARDE,  à  cinq 
perfbnnages. 

Cette  pièce  eft  très-plaifante  ,  &  paroit  n'avoir  été 
compofée,  que  pour  faire  valoir  quelques  chanfons  f  qui 
couroient  dans  le  tems  en  Languedoc  fur  les  amours 
de  Guimbarde  &  de  Dupont.  Celui-ci,  combattu  par 
l'amour  &  par  la  gloire ,  cède  à  ce  dernier'  fentiment» 
&  part  pour  le  Château  de  Plaifance ,  où  il  va  en 


i6         THEATRE  FRA NÇO IS. 

garniibn.  En  vain  Guimbarde  veut  le  retenir.  Elle 
jette  les  hauts  cris  fur  le  départ  de  ion  amant.  Mi- 
quonquette  y  (on  amie>  lui  confeille  de  cacher  Ton  cha- 
grin i  pour  ne  pas  de/enir  la  fable  de  la  Ville.  En 
effet  I  on  entend  chanter  de  tous  côtés  des  couplets 
fur  les  amours  de  Dupont  &  de  Guimbarde.  Il  y  en 
a  pittfieurs  de  très-plaifans  ;  mais  trop  longs  pour  les 
traduire.  Guimbarde  envoie  un  meflTager  àDupon^ 
pour  rinftruire  de  ce  qui  fe  paffe.  Cet  amant  arrive 
fur  le  champ ,  &  promet  de  punir  les  Chanfonniers  ; 
tnais  >  dans  le  même  tems ,  il  entend  chanter  dans  les 
coulifles  de  nouvelles  chanfbns  fur  lui  &  fur  fa  mai- 
trèfle.  Dupont  prend  alors  le  parti  le  plus  fage  :  il  fe 
prête  à  la  plaifanterie  ;  &  Guimbarde  &  lui  fe  met- 
tent à  chanter  ces  mêmes  chanfons ,  &  à  danfei^  avec 
la  plus  grande  gaïeté.  Cette  Comédie  efl:  en  un  ade 
&  toute  en  vers  gafcons. 

HISTOIRE  DE  DONO  PEIROUTOUNO. 

HISTOIRE  DE  DAME  PEIROUTOUNE/ 
k  quatre  perfonnages. 

Rondelette  eft  aimée  de  Braquetîn  ,  &  lui  tient 
rigueur.  Celui-ci  implore  le  fecours  deCupidon^  pour 
parvenir  à  la  fléchir.  Ce  Dieu  la  trouve  endormie» 
lui  tire  une  flèche  par  derrière ,  &  promet  à  Braque- 
quetin  qu'il  la  trouvera  plus  docile.  Dès  qu'elle  efl 

réveillée , 


THEATRE  FRANÇOIS.         ty 

réveillëe ,  il  va  Taborder  i  &  eft  fort  étonné  de  la 
trouver  encore  plus  cruelle.  Il  s'en  plaint  à  TAmour , 
&  lui  obferve  qu'il  faut  toujours  tirer  les  filles  par  de- 
vant ^  fi  on  veut  réulTir  avec  elles.  Enfuite  il  va  trou- 
ver Dame  Peiroutoune  »  &  la  met  dans  fes  intérêts* 
Celle-ci  vient  à  bout  d'adoucir  Rondelette ,  &  lui  fait 
époufer  Ton  amant.  On  célèbre  par  des  chanfbns  la 
gloire  de^Peiroutoune  :  l'Amour  lui-mênie  lui  cède  la 
palme  »  &  lui  remet  fes  flèches  &  fon  carquois;  Cette 
pièce  eft  en  un  ade  &  en  vers  languedociens. 

HISTOIRE  DU  VALET  GUILLAUME  ET 
DE  LA  SERVANTE  ANTOINE,  à  fix  perlon- 
nages. 

Guillaume  &  la  Servante  Antoine  déclament  con- 
tre l'Amour.  Ce  Dieu^  pour  les  punir  ,  lance  d'abord 
une  de  fes  flèches  fur  Guillaume,  qui  eft  embrafé  d'a- 
mour. Il  pourfuit  fans  cefle  Antoine,  qui  eft  inlènG- 
ble.  Cet  amant  malheureux  fe  defefpere j  l'Amour  ^ 
touché  de  fa  douleur ,  blefle  enfin  Antoine  ^  qui  de- 
vient aufll  tendre  que  Guillaume  ;  mais  celui-ci,  pour 
(è  venger  >  feint  d'être  peu  touché  de  fon  amour. 
Antoine  le  fuit  par. tout  ;  elle  va  le  trouver  dans  fa 
maifon.  Guillauifte  profite  de  l'occafion ,  &  fatisfàic 
les  defirs  d'Antoine.  Cependant  le  maître  de  Guil- 
laume &  la  maitrefle  d'Antoine  s'apperçoivent  de 
cette  intrigue  I  &  furprennent  ces  deux  amans  cou-, 
çhés  enfemblet  ; 

Tome  IL  ^ 


zS         THEATRE   FRANÇOIS. 

M  ADE  MOISELLE. 
Combien  de  fols ,  paillard&<,  as-tu  fouillé  ton  lie  ? 

ANTOINE. 

Non ,  pas  c[\ic  trente  cops. 
Seule  me  tJt  trente  coups, 

MONSIEUR. 
Un  tel  nombre  fufHt. 

Antoine  avoue  qu'elle  eftgroflè  ,  &  on  lui  fait  épou- 
/èr  fon  amant.  Cette  pièce  en  un  afte  eft  affez  plai- 
fante.  Le  Monfieur ,  la  Demoifelle  &  Cupidon ,  par- 
lent ftançois;  les  autres ,  languedocien. 

Les  deux  Boutades  qui  fuivent ,  fur  le  coqui- 
llage f  fur  la  pauvreté  &  fur  la  mode ,  ne  font  que  des 
déclamations  fans  fcènes.  Elles  font  en  vers  gafcons. 
On  n'y  trouve  que  ces  quatre  vers  françois;  c'cft  un 
perroquet  qui  parle  : 

Je  caquette  dans  un  bocage , 
£t  mes  difcours  font  bien  hardis  ^ 
Mais  Cl  yézoïs  dans  votre  cage , 
Je  ferûis  plus  que  )e  ne  dis. 

LES  AMOURS  D'UN  SERGENT  AVEC 
UNE  VILLAGEOISE  ,  à  deux  perfonnages. 

Ceft  un  dialogue  Gafcon ,  en  (lances  de  fix  vers  » 
entre' un  Sergent  &  une  Villageoife.  Le  Sergent  fait 
une  déclaration  d'amour  >  6c  la  Villageoife  le  refufe. 


THEATRE  FRANÇOIS.  19 

x:laude  brueys  et  Charles  feau. 
jardin  deys  musos  proa(ençalos. 

jardin  des  muses  provençales. 

Ce  recaeil  eft  compofé  de  différentes  pièces ,  dont 
la  plupart  n'ont  point  d'autre  titre  que  celui  de  Cp- 
médie;  il  eft  en  trois  volumes  i/z-ii.  fa.is  nom  de 
Ville  ni  d'Imprimeur.  Les  deux  premiers  imprimés 
en  16x8.  font  de  Claude  Brueys;  &  letroifiémê)  im- 
primé en  166  s  •  eft  de  Charles  Feau. 

COMEDIE  A  ONZE  PERSONNAGES.  Cette 
pièce  commence  par  un  long  prologue ,  fur  les  effets 
&  les  fuites  de  l'amour.  {  Aâie  premier,  )  Bourgau  p 
Apothicaire,  aime  Angelo,  &  en  eft  aimé  ;  mais  le 
père  de  cette  fille  la  donne  en  mariage  à  Matériau  p 
plus  riche  que  Bourgau.  Angelo ,  fâchée  de  n'être  pas 
à  (on  amant ,  promet  bien  à  fon  père  de  faire  (on  mari 
cocu  :  &  l'on  verra  qu'elle  tient  exaftement  fa  parole. 
Forlin  f  homme  fort  riche ,  aimoit  Ca(îaqdre  ;  &  on 
la  lui  a  refufée ,  parce  qu'il  étoit  plus  riche  qu'elle* 
Bourgau  &  Forlin  admirent  la  bizarrerie  de  leur  de- 
ftin.  L'un  a  été  refufé  à  caufe  de  fa  pauvreté  i  l'autre, 
à  caa(e  de  fes  richeffes.  Ils  prennent  la  réfolution  de 
renoncer  aux  femmes ,  &  de  ne  fe  livrer  qu'aux  dou- 
ceurs de  l'amitié.  Après  avoir  détaillé  tous  les  mal- 
beurs  qui  fuivent  le  mariage  9  ils  (îniffent  par  dire  : 

Tous  leys  maris  que  foac  contens  , 
V  aafatjiea  fus  loir  cuou  d'un  veicé. 


ta      THEATRE  FRANÇOIS. 

Tous  les  maris ^  qui  /ont  conttns  ^  danferoitnt  fur  Uçul 
d'un  verre. 

Le  valet  Fauquet  amoureux  de  la  (ervante  Brilr 
letto  >  la  preHe  de  céder  à  fa  cendreiTe  >  il  lui  dit  i 

Fen  un  enfant  à  la  mitac , 
f  £c  ti  fournirai  la  femcnzo. 

r' 

Faifons  un  enfant, de  moitié  $  &  te  fournirai  de  la  fc^ 
Utence. 

(  jlêle  deuxième.  )  Forlîn ,  malgré  fa  belle  réfolution^ 
devient  amoureux  de  Perline.  Bourgau  lui  fait  en 
vain  un  portrait  horrible  des  femmes  &  du  mariage. 
Il  lui  dit: 

Qu'u  pcend  ftemo  cromp'  un  houftau  , 
Que  tous  n'eu  pouorcon  uno  clau» 

Qui  prend  une  femme  ,  acheté  une  maifon  dont  tous  les 
•hommes  portent  la  clef 

i 

Tous  ces  difcours  (ont  inutiles  :  Forlin  perfide  dans 
fon  amour ,  &  engage  même  Bourgau  à  le  fervir*  Us 
vont  enfemble  trouver  Perline  ;  Forlin  Tépoufe ,  &  va 
Vite  fe  coucher  avec  elle.  (  A^e  troijiéme.  )  Bourgau 
devient  amoureux  de  Perline.  Il  réHfte  vainement  à  la 
paCHof)  qu'il  relient  pour  la  femme  de  fon  ami  >  qui ,  de 
fon  côté  inquiet  de  la  conduite  de  fa  femme»  veut  (ça- 
voirfi  elle  lui  eftfidelle.  11  prie  Bourgau,  dont  il  igno* 
rela  foibleffe,  d'éprouver  celle  de  fa  femme.  Il  prétex- 
te un  voyage ,  &  laifTe  le  champ  libre  à  fon  ami.  (  Aâle 
quatrième.  )  Forlio  >  pour  être  plus  fur  de  fon  fait  ^  fe 


THE  A  TJIE  FRANCO  IS,         « 

cache  dans  un  coin  de  la  chambre  :  Bourgau  a  la  coti» 
verfacion  la  plas  tendre  avec  Perline  >  qui  confent  en« 
"fin  à  lui  tout  accorder.    Ils  paflent  dans  une  autre 
chambre ,  pour  finir  plus  commodément  cette  con« 
Terfation.  Forlin  leur  laiife  conclure  l'affaire  ;  &  étane 
pleinement  convaincu  ^  il  ordonné  auifi  tôt  à  Ton  valet 
de  déménager  toute  la  mai(bn  >  &  de  le  fuivre  dans 
ÛL  retraite.  Bourgau  &c  PerKne  prennent  le  parti  de 
Tivre  enfemble.  Bientôt  aprè^  j  Bourgau  fent  renaître 
dans  (on  cœur  l'amour  qu'il  avoit  eu  autrefois  pooi^ 
Angelo,  &  cherche  les  moyens  d'en  jouir.  II  s'adre{% 
à  Ramplne  macq.  •  •  •  qui  lut  tient  des  propos  digner 
de  fon  état  9  &  qui  lui  promet  Tes  fervices.    Elle  va 
en  effet  trouver  Angelo»  6c  vient  à  bout  de  la  corrom^ 
pre.  Elle  vient  auffitôt  en  avertir  Bourgau  9  &  lui  dit  ;. 

la  befte  es  fellado  &  bridada  » 
Non  fàu  ptus  ren  que  la  xnonca. 

La  liu  eftfielUe  €r.  bridée  ^  il  m  faut  plus^  rien  fue  hg, 
monter, 

Ahgeb  fuppôfe  une  maladie  ^  &  \€îtt  les  hauts^ 
cris.  Son  mari  Matériau  va  chercher  l'Apothicaire 
Bourgau  9  l'amebe  à  ia  femme  &  les  laiffe  enfemble^ 
Il  regarde  par  le  trou  de  la  ferrure  y  &  voit  ce  qu'o» 
imagine.  Il  jure  de  fe  venger.  (  Aâle  cinquiéme.y  Ma* 
teriau  fe  déguife  ,  &  va  chez  Bourgau.  Celui-ci  Ivi 
demande  ^Ue  eft  fa  maladie. 


ii         THEATRE  FRANÇOIS, 

Un  pau  defToUto  rcmbourîgo  , 
M*es  yengu  enfle  comm*un  paii.  ' 

'      Un  peu  au'dejfous  du  nombj^il  m?eft  venu  enflé  comme, . 
ttnj>ain, 

Bourgau  y^  faire  un  cataplafme  :  en  mème^tefns 
Perline  arrive  dans  I:^  boutique.  Matériau  lui  expli- 
que fon  mal  ;  elle  fe  charge  de  le  guérir  »  &  ils  paflent 
enfe^ble  dans  une  chambre  >  pour  procéder  à  cette 
cure*  Quelque  temsaprèr»  Bourgau  revieut»  &  appor- 
te le  cataplafme.  Matériau  Ten  remercie  >  &  lut  ap- 
prend qu'il  n'en  a  plus  befoin  ji  &^que  Perine  Ta 
guéri.  ËnSn  il  fe  découvre  »  &  lui  die  qu'il  vient  de 
lui  rendre  ce  qu'il  lui  avoit  prêté,  Bourgau  au  defet 
poir  rencontre  Forlin  y  fait  la  paix  avec  lui»  ils  Te  dé- 
terminent à  renoncer  à  toutes  les  femmes ,  Se  à  (ë  con- 
tenter de  la  fervante  Brilletto  y  qu'ils  font  coucher  au 
milieu  d'eux.  Fauquet  >  ce  valet  dont  il  a  déjà  été 
fait  mention 9  veut  avoir  fa  part  de  Brilletto,  &  trou- 
ve le  moyen  de  coucher  avec  elle  dans  leur  lit*  Bour- 
gau &  Forlin  s'en  étant  apperçus  >  &  voyant  Hnuti- 
}ité  d^  vouloir  trouver  une  femme  fidelle  »  prennent 
ie  parti  de  pardonner  à  leur  feramé  &  à  leur  maitrefle. 
SPUFgau  époufe  Angelo  %  dont  le  mari  eft  mort  ;  For- 
lin reî>rend  Perline  ;  &  Brilletto  fb  marie  avec  Fau- 
quet. Il  eft  inutile  de  remarquer  que  l'Auteur  n'a 
point  le  mérite  de  l'invention  de Ton  fujet^i  &  qu'il  la 
tiré  du  conte  de  Joconde  dans  rAriôfte. 


THEATRE  FRANÇOIS.       a^ 

.  COMEDIE  A  SEPT  PERSONNAGES.  Cette 
pièce ,  qui  efl:  auill  en  cinq  aâ:es ,  eA  mal  imaginée  y  & 
de  très-mauvais  goût.  Carlin  eft  une  efp^éce  d'amou* 
reux  tranli  >  qui  aime  Pauline  à  la^  fureur*  Cette 
Pauline  le  dédaigne  toujours.  Carlin  s'adreiTe  à  une 
macq. .  •  •  qui.  s'efforce  dé  fëdulre  Pauline  9  &  qui  n'y 
peut  réuflir.  Cette  fille  fage  repouffe ,  avec  une  vertu 
aaftere  &  avec  mépris ,  les  différens  affauts  de  la 
macq..  •  •  mais  on  eft  furpris,  avec  raifon >  de  la  voir 
tout- à-coup  s^mbrafer  d'amour  pour  un  charettier^ 
à  qui  elle  fe  livre^  Carlin  la  furprend  entre  les  bras  de 
cet  indigne  amant:  &9  pour  la  punir  de  cette  hon^ 
teufe  fbibleffe ,  il  lui  fait  épouTer  fon  valet.  Appa« 
remment  qu'il  veut  auffi  fe  punir  lui-même;  car  il 
époufe  la  fervante  de  Pauline  ;  &  pour  que  perfonne 
ne  manque  à  la  fête ,  il  marie  la  macq.  «  ^ .  avec  le 
cbarettier. 

COMEDIE  A  SEPT  PERSONNAGES ,  &  ça 

cinq  aâres. 

L'Auteur  a  voulu  prouver  dans  cette  pièce  indé- 
cente >  qu'avec  de  l'argent  on  vient  à  bout  de  tout. 
Rolin  )  quoique  marié  $  eft  amoureux  d'Arcinno  j  fem- 
me  de  fon  voifin»  II  va  trouver  Fourgonne  j^efpeçe  de 
macq. .  • .  pour  l'engager  à  difpofer  Arcinno  à  le  bien 
recevoir.  Fourgonne  refufe  d'abord  de  feire  ce  met 
fage.  Elle  s'y  détermine  enfin  pour  50  écus^  que 
Rolia  loi  donne*  Elle  va  chez  Arcinno ,  qui  d'abord 


t6        THEATRE   FRANÇOIS. 

faire  dés  ordonnances.  Le  Secrétaire  de  Carnaval  loi 
raconte  comment  celles  qui  reftoicnt  ,  avoient  ité 
brûlées  dans  le  Château  de  Gafcogne.  La  defcrip- 
tion  de  ce  Château  eft  bien  faite  y  &  d'un  bon  co- 
mique. On  fait  de  nouvelles  ordonnances,  qui  (ont 
dignes  du  fujet.  Elles  prêchent  le  libertinage  &  la 
débauche.  L'Auteur  n'a  pas  été  plus  modéré  dans  les 
cxpreffions  que  dans  les  préceptes.  Voici  une  des 
maximes  les  moins  malhonnêtes. 

Quant  eis  ELuffians  gens  de  grand  cuco  > 
lous  amys  Juras  de  nacuro , 
De  tout  tens  lyés  agut  permés 
Bouta  levamc  per  no  mes  , 
Lorfque  trobon  quauquo  mendigo , 
Qu'a  mangefon  fou  rembourigo^. 

Quant  auxRibaudfy  ^ens  de  grand  cœur^  les  amis  Jurés 
de  la  nature ,  dt  tout  tem  U  leur  a  étéptrmis  de  mettre  U 
levain  pour  neuf  mois  y  lorfqu^Hs  trouvent  quelque  femelle  à 
qui  il  démange  fous  le  n'ombriU 

COMEDIE  A  SEPT  PERSONNAGES. 

C'eft  la  même  pièce,'  mais  d'une  autre  édition 
que  la  féconde  y  dont  je  viens  de  parler  à  l'article  de 

Jardin  deys  mufosy  &c. 

L'EMBARQUAMENT.,  LEYS  COîTQUES. 
TOS  ,  ET  LHUROUX  VI AGI  DE  CAR- 
MENTRAW. 

.  L'EMBARQUEMENT ,  LES  CONQUESTES, 
ET  L'HEUREUX  VOYAGE  DE  CARNAVAL. 


THEATRE  FRANÇOIS.         %-) 

C'eft  plutôt  un  dialogue  qu'une  Comédie ,  entre 
des  bourgeois  &  des  foldacs.  h^%  premiers  font  des 
queftions  aux  féconds ,  fur  les  difFérens  fujets  indi- 
qués dans  ce  titre.  Tout  cela  eft  dit  d'une  &çoq  a0ez 
comique ,  mais  ne  mérite  aucun  extrait.    ^ 

COMEDIE  DE  L'INTEREZ  OÙ  DE  LA 
RESSEMBLANÇO ,  en  cinq  aâes  &  à  huit  per« 
(bnnages. 

COMEDIE  DE  LINTEREST  OU  DE  LA 
RESSEMBLANCE. 

Maître  Gonin  a  dans  fa  maifon  une  (ille  fort  laide  i 
jSc  un  tréfor  gardé  par  des  lutins.  Il  promet  le  tréfor 
à  celui  quiépoufèra  fa  fille  9  &  le  délivrera  des  ef-* 
^its.  Un  Poéce  &  Jean  Fricano  9  efpece  de  fanfa- 
ron f  (e  préfentent  &  difputenc  la  préférence.  Riga- 
deon  9  valef  de  Goniq  %  &  qui  vraifemblablement  eft 
jui-mème  le  maître  Gonin  »  fait  tomber  dans  le  piè- 
ge le  père  »  la  fille ,  les  deux  amoureux  &  leurs  va- 
lets ,  &  s'empare  du  tréfor.  C'ed  ainfi  que  finit  cette 
f  iece  >  q[ui  çft  mal  conduire  1  fi(  qui  n'a  nulle  bonne 
plaifanterie*  ^ 

LA  FARÇO  DE  JUAN  DOUGRAU  A  SIEIS 
PERSONAGES  ,  OU  L'ASSEMBLADÔ  DEI 
PAURES  MANDIANS  DE  MARSILLO  PER 
EMPECHE  DE  BASTIR  LA  CHARITÉ,  en  un 
ade. 

.    LÀ  FARCE  DE  JEAN  DU  GRAU  A  SIX 


a«       THEATRE  FRANÇOIS, 

PERSONNAGES,OU  L'ASSEMBLÉE  DES 
PAUVRES  MENDIANS  DE  MARSEILLE, 
POUR  EMPESCHER  DE  BASTIR  LA  CHA- 
RITE'. 

La  ville  de  Marfeille  fait  bâtir  THÔpital  de  laCha- 
tlté  9  pour  renfermer  les  pauvres  tnendians.  Sur  cette 
nouvelle  tous  les  pauvres  fe  recrient  contre  la  tyran- 
nie y  &  préfèrent  la  liberté  aux  fecours  que  l'on  pro- 
jnet  dans  cette  maifbn.  Chacun  fe  plaint  à  fa  façon» 
Jean  du  Grau  les  raflemble  tous,  pour  prendre  une 
réfolution.  Il  les  harangue»  puis  demande  leur  avis. 
On  conclue)  enfin  à  faire  une  bourfe  commune»  à  met» 
tre  à  part  une  fomme  chaque  Jour  »  jufqu'à  ce  que 
THôpital  fut  bâti ,  &  de  vivre  enfiiite  de  cet  argent, 
(ans  pliis  demander  la  Charité  :  qu'alors  la  Ville ,  ne 
trouvant  plus  de  pauvres,  vendroit  certainement  cet 
Hôpital  ;  qu'auffitot  ils  fe  remettroient  en  campagne 
pour  recommencer  leur  métier.  Cette  prétendue  Ëirce 
tft  encore  plus  triffe  que  fon  (iijet. 

LOU  PROUCÉS  DE  CARMENTRAW,  î/»i 

12.  fans  date. 

LE  PROCES  DE  CARNAVAL. 

Carnaval  paroît  défolé  :  le  Joueur ,  le  Débauché» 
le  Danfeur ,  lui  demandent  raifon  de  fon  affliftion*  13 
répond ,  que  c'eft  uûe  femme  nommée  Madame  Ca- 
rême,  qui  le  perfécute ,  &  qui  veut  régner  à  fa  phce«^ 


THEATRE  FRANÇOIS.        zg 

Anffitôt  fes  amis  prennent  le  parti  de  la  noyer  :  ils  fe 
mettent  en  embufcade  ;  &  lorfqu'elle  pafTe ,  ils  la  jet* 
cent  dans  la  rivière  :  mais  elle  fe  fauve ,  &  aiOftée 
d'un  Avocat ,  elle  va  porter  fes  plaintes  au  Juge.  On 
plaide  la  caufe  de  part  &  d*autre  ;  &  Carnaval  eft 
condamné  à  mort.  Ceft  ainfî  que  finit  cette  pièce»  qui 
cft  en  quatre  aâes>  &  qui  n'a  rien  de  remarquable  » 
que  le  portrait  de  Dai;ne  Carême ,  trop  long  pour  être 
rapporté  ici. 

A  Gr^I  M  E'E  f  ou  P Amour  extravagant ,  Tragî-Co- 
tnédicy  dédiée  à  Madame  de  Chalais^  avec  un  argu- 
ment Se  un  avertiiTement  au  Leâeur.  PakiS^  Jean 
Martin,  1629.  i/i  8^. 

■ 

(  A^e  premier.  )  La  Prîncefle  Agimée  ,  qui  aime 
Dyfèrafte ,  (e  plaint  de  ce  que  fa  mère  veut  la  con- 
traindre à  époufer  le  berger  Pbilagan.  D'un  autre 
côté)  le  père  de  Dyfèrafte  veut  le  marier  avec  la  ber« 
gère  Alphife  >  qu'il  n*aime  poir  t.  Il  prend  le  parti 
d'aller  trouver  Agimée,  qui>  apr^s  quelques  difficultés» 
confent  à  prendre  la  fmee-avtTc  lui ,  déguifés  tous  deux 
en  bergers.  Ils  empruntent  les  habits  de  Philagan  8c 
d' Alphife  »  (bus  prétexte  qu'ils  ont  promis  de  fe  trou- 
ver à  un  bal ,  fous  ce  déguifement.  (  Aâfe  deuxième.  ) 
La  nuit  furprend  les  deux  fugitifs  à  l'entrée  d'une  fb- 
r&t.  Le  berger  Cléonor,  qui  paflbit  pour  Ponde  d'AI<j 


30        THEATRE  FRANÇOIS. 

phiie  9  les  empêche  d'y  entrer ,  en  les  aiTurant  qu'elle 
eft  remplie  de  bètes  féroces.   Par  reconnoiflance ,  ils 
lui  racontent  leur  hifloire  %  (k  lui  demandent  le  che- 
min qn'ils  doivent  prendre  ;  il  leur  conieille  d'aller  à 
Charente.  Cependant  le  père  de  Dyferafte  fait  cher- 
cher fon  fils  f  dans  le  deffein'de  le  forcer  à  épouièr 
Alphife.   Il  rencontre  cette  bergère  avec  Philagan , 
rievêtus  des  habits  de  fon  fils  &  de  ceux  d*Agimée, 
Il  foupçonne  qu'ils  les  ont  afTaiTmés ,  &  va  (e  plaindre 
à  la  Juftice  y  qui  condamne  à  la  mort  le  berger  &  la 
bergère.  Dans  ce  moment ,  Cléonor  arrive ,  qui  ap- 
prend^  ce  que  font  devenus  Agimée  &  Dyferafte,  & 
qui  par  ce  moyen  prouve  Tinnocence  d'Alphift  &  de 
Philagan.  (  Aâe  quatrième.  )  Agimée  &  Dyfenafte  vi- 
vent à  Charente  au  milieu  des  plaifirs.   La  Princeffe 
fatiguée  s'endort  fur  le  gazon  :  Dyferafte  veut  pro- 
fiter de  cette  occafion  pour  l'embrafler  ;  quand  Agi- 
mée ;  agitée  par  un  rêve ,  fe  réveille.  Elle  raconte  à 
fon  amant  qu'elle  avoit  cru  voir  Cléonor ,  fous  la  for- 
me  d'un  lion  >  qui  étoit  prêt  à  la  dévorer  ;  mais  qu'il 
étoit  accouru  y  &  qu'il  l'avoit  délivrée  de  fa  fureur.  Les 
bergers  &  les  bergères  y  furviennent  alors  ,  &  pro* 
pofent  à  la  Princeffe  de  vouloir  bien  danfer  avec  eux. 
Elle  accepte  cette  propofition.  Un  fanglier^  pourfuivi 
par  un  Chaffeur ,  vient  troubler  la  fête  ,  &  di(perfe 
les  bergers.  Dyferafte  tue  cet  animal ,  &  fe  trouvant 
(èul  avec  Agimée^  il  lui  parle  de  fon  amour. 


THEATRE  FRANÇOIS.         31 

A  G  I  M  É  E. 
Que  faut-il  te  donner ,  pour  te  rendre  content } 

DYSERASTE. 

Qu6  VOUS  ne  m*aimiez  point  d'une  amitié  commune  i 

Que  vous  favorisez  de  quelque  pnvauté  ' 

Mon  amour  qui  tient  trop  de  la  lidélité  ; 

Que  dedans  votre  fein  je  trouve  quelque  place  y 

Que  nulle  occafion  n*empêche  que  i'embraiTe 

Celle  qu'un  faiiit  hymen  me  devroit  accorder. 

La  Princefle  lui  promet  de  Taimer  ;  mais  à  condi- 
m  qu'il  ne  fe  permettra  jamais  rien  qui  puiiTe  por« 
:  atteinte  %  fa  vertu.  Ils  fe  jurent  tous  deux  une  fi- 
lité  éternelle»  ôc  fe  déterminent  à  partir  de  Cha- 
nte ;  mais  dans  l'inftant  arrivent  le  père  de  Dyferafte, 
ec  la  mère  d'Agimée*  Dyferafte  avoue  à  Ton  père 
l'il  aime»  &  qu'il  n'aimera  jamais  qu'Agimée.  Celle- 
tient  le  même  langage  à  fa  mère  >  qui  la  fait  met- 
î  en  prifon.  (  A6le  quatrième.  )  Ces  deux  amans  font 
ujours  fidèles  /  malgré  les  perfécutions  de  leurs  pa- 
ns. Alphifè ,  defefperée  de  ne  pouvoir  toucher  la 
ère  de  Dyferafte  9  iè  précipite  du  haut  d'un  rocher, 
bilagan  j  voyant  que  fes  foins  auprès  d'Agimée  n'ont 
is  plus  de  fuccès  9  viept  fe  battre  avec  Dyferafte  ; 
î  dernier  blefle  fon  adverfaire,  &  croît  même  l'avoir 
é.  Se  voyant  délivré  de  fon  rival ,  il  cherche  à  en- 
stenir  (a  maitreïïe  :  mais  dans  les  tranfports  qui  Ta- 
tent)  il  tire  une  flèche ,  qui  par  un  malheureux  lia- 


3*        THEATRE  FRANÇOIS. 

ÙLcd  /va  blefler  Agitnée.  Au  déferpoir  de  ce  malbear» 
il  veut  fe  tuer;  mais  la  mère  d'Agimée  l'en  empêche^ 
&  demande  au  Roi  quil  ibic  puni.  On  le  traduit  de- 
vant le$  Juges  y  auxquels  il  prouve  bientôt  (on  inno-' 
cence.  Evadelphe  vient  enfuice  Taccufer  de  la  mort  de 
Fhilagan ,  dont  il  fe  juftiâe  également»  Enfin  arrive 
Cléonor  9  qui  veut  perfuader  que  c*eft  lui  qui  a  pré- 
cipité Alphife  du  haut  du  rocher.  Il  ajoute  qu'Alphife 
n'eft  point  fa  nièce ,  mais  qu'elle  eft  fille  unique  du 
Prince  Lothare.  Dyferafte  ne  répond  à  cette  odieufe 
imputation  >  qu'en  défiant  publiquement  Tes  accufa- 
teurs  à  un  combat  fingulier  ^  &  en  (è  (bumettant  à  la 
volonté  de  Ton  vainqueur ,  qui  feroit  maître  de  le  dé- 
clarer innocent  ou  coupable»  (  ASe  cinquième.  )  Agi- 
mée ,  indruice  de  ce  qui  vient  de  fe  pafler ,  écrit  à 
(on  amant  >  de  fe  laiHer  vaincre  par  le  cavalier ,  qui 
portera  fur  ion  bouclier  la  devife  qu'elle  lui  indique. 
Il  comprend  aifément  ce  que  cela  veut  dire.  Il  entre 
en  lice ,  &  triomphe  de  tous  fes  adverfaires.   Enfin 
Agimée  fe  préfente  ^  (bus  un  habit  de  cavalier ,  com- 
bat Dyferafte,  qui  fe  laiiTe  terraffer.  Agimée  rappelle 
abrs  au  Roi  la  parole  qu'il  a  donnée  9  que  le  vain* 
queur  de  Dyferafte  pourroit  difpofer  de  fon  fort.  Elle 
fe  fait  reconnoitre  ,  &  fupplie  le  Roi  de  l'unir  à  fon 
amant.  Il  le  lui  accorde.  Dans  le  même  moment»  ar- 
rive un  Ambaifadeur  du  Prince  Lothare  9  qui  rede^ 
mande  la  fille  de  fon  maître ,  élevée  fous  le  nom  d'Aï- 
phife.   Tandis  que  le  Roi  lui  apprend  la  mort  de 

cette 


THEATRE  FRANÇOIS.       3? 

»ette  Princeffe;  oh  la  voit  arriver  fous  l'habit  de  ca- 
valier ,  iccompagnée  de  Philagan.  Ce  dernier  venoit 
pour  combattre  Dyferafte ,  elle  pour  le  défendre.  Ils 
apprennent  bientôt  l'événement  du  combat  9  &  font 
retentir  Tair  de  leurs  plaintes.  L'Ambafladeur  recon- 
Qoit  la  fille  de  Lothare  »  &  la  prie  d'agréer  la  main 
de  Philagan,  qui,  voyant  qu'il  n'avoit  plus  rien  à  efpé- 
rer  d'Agimée,  pffre  fon  cœur  à  Alphife.  La  pièce 
Énit  par  le  double  mariage  de  Dyferafte  avec  Agîmée* 
&  de  Philagan  avec  Alphife. 

C.  S.  S»  DE  LA  CROIX >  Avocat  en  Par- 
lement. 

< 

LA  CLIMENE,  Tragî  -  Comédie  Paftorale  en 
cinq  aâes ,  en  vers ,  dédiée  à  Madame  des  Loges  % 
avec  un  argument ,  &  quelques  œuvres  poétiques. 
PiuaTS  ,  Gilles  Corrozet,  1629.  in-S^. 

L'INCONSTANCE  PUNIE ,  ou  la  Melanle , 
Tragi- Comédie  en  cinq  aâres,  en  vers,  dédiécf  à 
Ariftandre,  avec  un  argument.  Pari  S  »  ie  même,  16410 

(SUJET  DELA  CLI  MENE.)  Le  Prince 

Siphax  craignant  que  Phalante ,  Roi  de  Catis ,  né  fie 
enlever  la  Princeffe  Marie ,  fa  fille ,  pour  la  Êiîre  épou- 
ièr  aa  Prince  Florimant ,  fon  fils  aine ,  &it  courir  fô 
brait  de  fa  mort ,  &  la  remet  eatre  les  mains  du  ber- 
ger  Semire.  Florimant  paffe  par  hafard  dans  le  villa» 
ge,  où  Semire  élevoit  la  jeone  Prioceffei  qu'il  faifoic 
Tome  IL  C 


34        THEATRE  FRANÇOIS. 

paiTer  pour  fa  propre  fille»  &  à  qui  il  avoit  doï^né  le 
nom  de  Climene.  Il  eu  devient  amoureux  ;  &  pour 
pouvoir  lui  parler  de  fa  paffion,  il  prend  l'habit  de 
berger ,  &  fe  fait  appeller  Akidor.  Liridas»  fon  frère  ^ 
paffe  par  ha(krd  dans  le  même  village.  Enchanté  de 
la  beauté  de  Climeile  >  il  fe  d^uife  aiifTi  en  berger  ^ 
&  prend  le  nom  de  Silahdre.  Ce  Prince ,  après  quel- 
ques converfations ,  qu'il  a  avec  la  bergère  y  voyant 
qu'il  ne  pouvoit  toucher  fon  coeur  »  perd  l'efprit ,  & 
£iit  mille  extravagances  ;  enfin  il  a  recours  à  un  Ma- 
gicien 9  qui  lui  donne  un  bracelet  p  par  la  vertu  du» 
quel  il  ddt  fe  faire  aimer  de  Climene  >  dès  qu'elle 
l'aura  à  (on  bras.  Il  trouve  le  moyen  de  le  lui  faire 
porter.  Auffitôt  Clknene  tombe  dans  un  fbmmeil  lé« 
thargique.  Une  eau  >  que  le  mtmè  Magicien  avoit 
donnée  à  Silandre^  la  fait  revenir.  Par  reconnoifTance» 
Climene  accorde  un  balfer  à  Silandre  ;  mais  elle  l'af* 
fure  en  mêrae-tems  que  c'eft  la  feule  £iveur  qu'il  re- 
cevra d'elle^  &  qu'elle  n'aitnera  jamais  qu'Âlcidor. 
Ce  berger  »  dans  fon  defefpoir  9  prend  l'habit  d'Her- 
mite.  Cependant  Âlcidor  ,  qui  avoit  été  témoin  da 
bai&r  t  que  CItmene  avoit  aecordté  à  Silandre  >  fe  livre 
à  la  plus  affreufe  jaloufiie  »  &  fait  à  fa  maitreffe  les 
reproct^es  les  plus  vif^.  Elle  fejuftifie  aiifëmènt ,  en 
lui  découvrant  le  myflère  du  bracelet  enchanfé.  Enfin 
dans  Silandre  9  Alcidor  reconnoit  fon  frère  Llridas. 
Le  bon -homme  Semire  révèle  la  naiiTance  de  Cli- 
mene. Alcidor  eiçmene  cette  Prinçeiire  à  la  Cour  du 
Jloi  fon  perc  >  où  il  l'époufet 


THEATRE  FRANÇOIS.  55 

Pour  donner  une  idée  de  la  vcirfification^  de  i'Au- 
tear  j  je  citerai  Tinvocation  que  le  Magicien  &it  aux 

Démons^ 

-  » 

Joignez  d'un  D<rud  étroit  qu*on  ne  puilTe  comprendre , 

£c  Silandre  à  Climenc  £c  Cltmenc  à  SH  andrè , 

Vous  qui  fçavez former  de  violensdefîrs,         i  * 

Qui  changez  les  humeurs  pour  changer  les  plailtrs  : 

Joignez  d'un  noeud  caché  que  pas  un  ne  comprenne  ^ 

ht  Climene  à  Silandre  y  &  Silandre  à  Climede. 

(  S.UJET  DE  ^INCONSTANCE  PUNIE.) 
Clarimanc»  Prince  étranger  i  eH  jeecé  p;^r  une  tempête 
dans  un  port^  près  de  la  detnem^^'ii»  pauvre  Geii« 
tilhomme ,  nommé  Crante  9  qui  a  itrOi»  filles.  Ce  Prin* 
ce  derienc  fucceffivement  amoureiix  de&  trch  iœut9> 
Ces  divers  chaogemens  font  caufe  de  plu&eurs  éiréne« 
mens  fiHiefles.  Câlins  »  amant  de  l'aînée  $  défefper^ 
de  la  voir  fur  le  point  d'époufer  le  Prince  1  va  fe  pré> 
cipiter  dans  tin  âeuve.  CloriTe,  feeur  puînée  de  Me* 
lanie^  vient  lui  annoncer  cette  triÛe  nouveiis;.  Le 
Prince  oubliant  Melanie  9  &  enchanté  de  la  bç^uté 
de  Clorife  1  la  demande  en  mariage  au  bon-  faommei, 
Crante  qui  la  lui  accorde  fur  le  champ.  Poqr  fe  venger 
de  Clorifa  >  Melanie  fait  paroitre  aux  yeux  du  Prince 
Lozie  f  fa  troifiéme  ibeur  ;  auffit&t  il  en  devient  beau- 
coup plus  épris  9  qu'il  n'avoit  été  des  deux  autres. 
Clorife  eft  fi  fenfible  à  cette  inconftance ,  qu'elle  fe 
donne  la  mort  ;  &  cette  mort  coûte  ia  vie  ^  l'in  ortu- 
née  Lozie  ^  qui  fur  le  champ  expire  de  douleur» 


3^        THE  A  TRÊ  FRA  'NÇO IS. 

Crante  aa  de(è(poir  de  tous  les  malheurs  arrivés  dan^ 
ià  mdifotiy  fe  tue  :  Melanie^  témoin  de  tant  de  fune- 
ftes  cataftrophes  p  court  fe  précipiter  dans  le  même 
fleuré  y  où  s'eft  jette  Con  amant.  Mais  quelle  eft.fa  fur'» 
priiè!  Elle  entend  Çc  reconuoit  la  voix  de  Caliris: 
elle  le  revoit  épris  du  même  amour.  Dans  le  tems  que 
ces  deux  amans  fe  livrent  à  la  joie  de  s'être  retrou- 
vés »  Clarimant»  llnconftant  Clarimant  furvient,  met 
répée  à  la  main  ,  fond  fur  le  fidelle  &  tendre  Caliris; 

f  r 

Un  ooup  de  foudre  frappe  le  Prince ,  Técrafe  à  leurs 
yeux  >  &  les  délivre  de  fa  fureur.  Dans  le  même  in^ 
fiant  f  ils  apperçoivent  une^pouronnei  qui  defcend  du 
fond  d'un  nuage  épais  >  &  qui  vient  (e  pofer  fur  la  tête 
de  Caliris  :  ils  entendent  auffi  une  voix  aérienne  ,  qui 
annonce  que  les  Dieux  ordonnent  que  Caliris  foie 
pour  jamais  uni  à  Melanie  parle  nœud  de  l'hymen. 
Ceft  ainfi  que  finit  cette  pièce ,  ^ui  certainement  mé« 
ritoit  plus  le  tkre  de  Tragédie ,  qne  celui  de  Tragî- 
Comédie.  Le  feul  endroit  que  j'ai  cru  pouvoir  en  ci- 
ter 9  efi  celui,  où  Mélanie  fe  plaint  de  la  coquetterie 
de  Clorife  »  qui  lui  enlevé  le  cœur  du  Prince  :  c'eft 
ainâ  qu'elle  s'exprime  : 

Ses  libres  actbns  décoiivroient  Ton  écÇTein , 
Quand  feignant  le  cacher ,  elle  montroit  Con  fein  : 
Fuis  ôcant  Ton  mouchoir ,  comme  chofe  importune, 
Faifoic  voir  tout  â  uud  fa  blancheur  non  commuQe  ^ 
£c  lotfqtte  l'étranger  furpris  par  ces  appas , 
Tachoic  àU  baUeC)  montraat  ne  vouloir  gas. 


T  HE  AT  AE  FRANCO  IS.  ^f 

ticGi^oit  tant  foie  peu ,'  puis  fe  biffant  furpréndre  , 
Recevant  ces  bldfer^  >  ae  xnanquoit  à  les.  ccQKk^^ 

P ICHO  U,n6k  Dijon ,  d'une  Emilie  nobleî 

M*  Ifnard  de  Grenoble  >  Dodenr  en  Médecine  i 
Se  (on  ami  »  dans  une  Préface  qu'il  a  im(è  à  la  tête  de 
la  Filis  de  Scire  >  dan^  laquelle  il  parle  de  la  per(bnne 
&  des  ouvrages  de  ce  Poëte  9  nous  apprend  qu'il 
fut  aiTaffiné  à  l'âge  d'environ  3  f  ans.  Il  ne  nous  eik 
dit  pas  la  raifon.  Il  afluce  que  le  Cardinal  de  Riche- 
lieu honora  cette  pièce  de  fon  appix>bation ,  quoique 
la  régie  des  24  heures  n'y  fut  pas  ob&rvée  ,  &  qu'il 
dit  nlème  àTAuteur  que  c'étoit  la  Paftorale  la  plua 
fufte  &  la  mieux  travaillée  qu'il  eût  encore  vue. 

LES  FOLIES  DE  CARDENIO^  tragî-Comé- 
4ie  en  cinq  aftes  9  en  vers ,  dédiée  à  M.  de  Saini* 
Simon.  Pa&is,  François  Targa  1  i<lf^o^  m-8^« 

L'INFIDELLE  CONFIPENTE ,  Tragî-Com* 
dédiée  à  M.  de  Càftelnau.  TfAKlS  ,  le  même  p  2  6}i. 

.-    f      •  ■     •       • 

LA  FILIS  DÉ  SCIRE,  Comédie  Paftorale  cm 
cinq  aâes ,  en  vers ,  dédiée  à  Monfieur  p  frère  unique 
Au  Roi ,  avec  un  prologue  &  des  fiances  >  adceiTéesi 
au  Roi.  Paris  >  le  mijn^  1  x6 j^» 

(SUJET  DES  FOLIES  DE  CARDENI0.| 
Cardenio ,  amant  aitiié  de  Lucinde  »  fe  perfoade  qu'élu 
le  lui  préfère  Dom  Fernant.  Cette  prétendue  infidé- 
lité le  tourmente  11  fort ,  qu'A  en  perd  la  raifon.  Donn 
FeroanC  cherche  à  profiter  du  malheur  arrivé  à  foa 


x^S  THEATRE  FRANÇOIS. 
jival  ;  mais  Lucinde  ne  veut  potot  récoetér.  Doro< 
thée ,  que  Dom  Fcrnant  avok  aimée ,  fe  défefpere  de 
fon  incQnflance.  11$  fe  read^ot  tous  facceiTivement 
dans  le  même  defert ,  où  Dom  Quichotte  >  fuivi  de 
^9(i^:ho .  j^Hnça  >  avoit  déjà  retXïonc!ré  €ardemo.  Ce 
tbailieoreux  amanc  Pavoit  pri$  pour  fon  confident ,  Sf, 
jîîroit  aveuglément  tous  fes  çpnfeils  ;  ce  qui  Jui  fait 
faire  beajL^cqup  plus  de  folies  qu'auparavant.  Le  bérop 
(delà  i^ai)(|i9e  d^jiritnt  alors  le  principal  objet  de  la  pie- 
ce.  On  lui  joue  mitje  tour«  :  enfin  l'on  ne  (çait  pas  trop 
|»ourquoi  il  n'eft  pics  du  tout  quedion  de  lui  ;  &  tous 
ces  amans  infqjptjanés  deviennent  heureux  cout-à« 
coup.  Cardenio  guérit  de  fa  folie,  lorfqu'on  lui  a 
prouvé  la  fi^tiélifé  4e  Luqinde.  Son  rival  »  Dom  Fer- 
x^U  i  cefle  de  travérfer  Tes  amours  ;  &  époufe  Doro- 
thée f  (à  première  palfion. 

•   (  SUJET  I^ÊLINFIDELLE  CONFIDENTE.) 

Lifanor  9  Chevalier  d'une  grande  confidération  ,  de* 
Yient:JW9Q\9i^iKÇ*i^jLprire>  fiHe  d'un  bourgeois  de 
Tolède ,  qui  »  pour  obvier  au  danger  de  cette  paffion  ^ 
la  met  diez  la  mère  de  Dom  Fernand  &  de  Dom 
Pedre  »  ennemis  déclarés  de  Lifanor.  Cephalie ,  leur 
Cx\i€\f  ^levîent  bieti^t  l'amier^  1^  confidente  <Qle  Lo-« 
r)re>&  l^^  proini^t  de  iavorifer  ion  ^cpour  ;  mpis  ayaul 
vu  Mfaqor ,  ejle  en  devient  bientôt  éprife  «  &  ne 
(pipgf  plp$  ^'à  x^ï^it  b,  ^palhjsif r^e  iimie  >  &  lui 
];avir  le  çœuç  dje  fpa  amant.  Elle  fubjUtue  une  de  :fè« 


THEATRE  FRANÇOIS.         39 

propres  lentes  avec  Ton  portrait ,  à  un  4}il!et  que  Lo« 
.fife  Ta  voit  priée  de  faire  tenir  à  Lifanor;  ât  Lifanot 
devient  încondant.  II  demande  &  obtient  des  rendez-' 
vous  f  dans  l'un  defquels  il  détermine  Cephalie  à  fe 
Jaifler  enlever,  Dom  Fernand  &  Dom  Pedre  9  îâftruits 
^qu'oq  vient  d'enlever  leur  fœur  >  pourfaivent  le  ravif^ 
jfeur  :  ils  le  joignent  »  le  bleiTent  &  le  traînent  »  pieds 
&  maip^  Ués>  d^ns  un  cacbot.  Ils  enferipenc  Cepha« 
:|ie  dans  la  n^èni.e  pfifbx).  Ces  deux  amans ,  trouvant 
le  moyen  de  s'échapper  9  arrivent   heureufement  à 
Lisbonne.  Les  deux  fireres  en  font  au  défefpoir;  & 
dans  une  difpute  Qu'ils  ont  avec  Lorife  >  qui  prenoie 
toujours  le  parti  jf^  Lifanor  >  Tqn  des  deux  lui  donne 
un  coup  de  poignard.  Elle  en  guérit  ;  mais  y  accablée 
par  fes  o^lheurs»  e)le  preo4  ^^  parti  d^  5-hai»ller  en 
Hermite ,  Çc  4e  fe  retirer  dans  pn  defert.  Elle  y  ren-' 
contre  Francilque  »  jdomefiique  de  Lifiitiôt->  qui  lui 
apprend  que  les  disux  frères  de  Cephalie  >  répandoiene 
le  bruit  que  c'étûit  Lifanor  qui  Tavoit  aKTavfl^née,   Il 
lui  dit  auffi  qu'il  alloit  à  la  Cour  du  Roi,  4#^>^ 
la  part  de  fon  maitre  »  ces  deux  calomniateurs.  Lorife 
prend  auflfitôt  fon  parti.  EUe  quitte  fes  babjiç^  4'HeF-' 
mite  9  &  prend  ceux  d'un  Chevalier*   Elle  arrive  à 
Lisbonne  ;  &  uniquement  occupée  du  danger  qu'ai« 
toit  courir  Lifanor  »  en  combattant  ]ui,  feul  contre 
deux  f  el]e  arrive  (àr  le  champ  de  bataille  9  &  fe  pro* 
pofe  pour  lui  fervir  dé  fécond.  Le  Roi  fufpend  le 
combat ,  pour  fçavoir  quçl  eA  ce  nouveau  Chevalier*^ 


40       THEATRE  FRANÇOIS^ 

Lifanor  la  renannoît  bientôt ,  malgré  fon  déguifêmene^ 
^  lui  demande  pardon.  Dom  Pedre  Te  jette  à  fes 
pieds  )  &  le  lui  demande  auffi  :  &  la  pièce  finit  par 
le  mariage  de  Lifanor  avec  Cephaliè ,  &  par  celui 
de  Dom  Pedr^  avec  Lorife  9  qui  confent  à  cette  union» 
pour  le  bonheur  &  la  tranquillité  4e  fbn  volage  amant* 
.  On  trouve  d'aflez  beaux  vers  dans  cet  ouvrage.  Je 
ne  citerai  que  ceux  que  Lifanor  dit  au  Roi  >  qui  veuç 
s'oppoCbr  à  ce  que  lui  feul  combattit  contre  les  deux 
frères. 

Grand  Ptincé ,  le  Dcftin  m'a  fait  naître  en  un  rang  , 
Où  |c  dois  plus  chérir  mon  honneur  qiîe  mon  fang  : 
Xc  mon  ame  ,  ayant  peur  d'offenler  ma  mémoire  y 
^  Sçaic  méprifer.ma  vie  Se  àif^ûtct  nia  gloire. 

(SUJET' DÉ  LA  FTLIS  DE  SCIREO  Cette 

-pièce  ^ftfi  connue ,  que  je  ne  crois  pas  devoir  en 

Tdonngr  pn  extrait  bien  fuivL  Jfe  ipe  contenterai  d'ail 

^  citer  quelques  vers  9  pour  donner  à  mes  lefteursune 

idée  du  talent  poëtique  de  Picbon. 

Gelîe  eft  ènlevçe  par  uni  centaure.  Elle  raconte  ainû 
fbn  aventuré  : 

-  .  •  1  .  -  *       * 

Auffitôc  me  liant  au  plus  prochain  ormeau  y 

Et  rompant  ines  habits  comme  un  foible  rameau  > 

Ce.  cruel,  elinemi  portant  fur  moi  là  vue»  '    ' 

A  ,fes .  fales  regards  m'expoCa  toute  nue. 

Moi  qui  poudois  alors  des  foupirs  jusqu'aux  deux  y 

Je  cdfai  dé  crier  pour  abaider  les  yeux  : 

I,a  honce  eu  mâme  temps  ûir  mon  yîfage  peint»  f 

M'ôca  çcçi;c  pâlçur  qur  veuoit  cic  ma  crainte }  '        ; 

tx.  mon  efprit  confus  s*iniaginoit  alors  ^ 

Que  ma  feule  paupière  «VYOic  couvert  moa  jsorps# 


T  HE  A  TR  É  FR  A  NÇO IS.         41 

Deux  bergers  9  que  Tes  cris  attirent  dans  le  bois  9 
la  délivrent  du  danger  auquefelle  étoit  expofée.  Elle 
:n  eft  pénétrée  d'une  fi  vive  feconnoiflance  ^  qu'elle 
:onçoit  la  plus  violente  paffion  pour  fes  libérateurs^ 
Elle  exprime  ainfî  les  charmes  de  l'amour  : 

Amour  9  quoiqu'on  en  dife  ,  eA  un  cyran  H  doux, 
,  Qu'on  aimr  le  pouvoir  qu*il  obtient  delTus  nous. 
Amour  eft  un  enfant  auifî  vieux  que  le  moncU; 
Un  glorieux  vainqueur  de  la  terre  &  de-ltondcy 
£c  qui ,  par  le  pouvoir  de  fes  charmes  divers  , 
Confervc  la  nature  &  peuple  l'univers. 

Dans  un  monologue  y  où  elle  fe  repréfente  l'état  de 
[on  cœur  >  partagé  entre  deux  bergers^  elle  s'écrie! 

Ha!  bergère'  infenfSe» 

A  quoi  fe  réfoudra  .ta  douteufe  penfée  >  ' 

Amour  ne  confent  pas  que  tu  fois  a  Itin  deuxj 
Et  le  Ciel  te  défend  de  les  aimer  ^pus  deux. 

AnDÙnte  9  l'un  de  fes  deux  amans  >  la  trouye  prcP 
que  fans  connoiffance  ^  couchée  à  l'ombre  d'un  épai$ 
Feuillage  »  &  dit  : 

Si  Tamour  fe  mouroit ,  çn  dirqlt  :  le  v<Àà\ 
£t  fî  la  mon  aimoic  y  on  la  peiadroit  ainii. 

Loriqu'die  eft  revepue  de  cejt  ^IfanoiùITement. 
A.miDte  confént  aulC  qu'elle  dXtxit  Ion  rival  j  &  lui  dit; 

7e  yeux  bien  qu'en  ton  ame  un  dodble  amour  s'aflemblej 
Tu  peux  aûner  fans  crime  Aminte  Zc  Nife  cAfemble. 
Et  lors  que  le  trépas  finira  mes  douleurs , 
Avok  pour  Tua  dts  feux>  &  pour  Taucre  des  pleura 


4%        THEATRE    FRANÇOIS. 

Un  collier  d'or  ^  fur  lequel  écoient  gravées  des  let- 
tres égyptiennes  y  çgion  ne  pouvoit  lire  qu'en  rejoi^ 
gnant  les  deux  parties  de  ce  collier  ^  dont  Filis  avok 
l'une ,  &  Tirfis  l'aqtre  >  procure  une  reconnaiffancç 
théâtrale ,  $c  donne  le  dénouement  à  cette  PaQorale  f 
en  apprenant  à  Celie  que  Nife  9  l'un  de  fes  deux 
amans  ^  eA  Ton  propre  frère.  La  pièce  fe  termine  par 
le  mariage  de  Celie  avec  Âminte  ^  &  par  celui  de 
Tirfis  ave.c  Filis. 

N.  VUPESCHIER,  Parifien ,  étoit  Avocat. 

LA  COMEDIE  DES  COMEDIES,  en  cinq 
aftes  9  en  profe  9  traduite  de  l'Italien  en  langage  de 
l'orateur  François.  P  A  Q.  i  s ^  Nicolas  de  la  Code, 
1629,  m-8^. 

Cette  pièce  t&  une  efpece  d'allégorie.  L'éIoquen« 
ce  y  eft  perfonnifiée  >  fous  le  nom  de  Clorinde«  Le 
premier  aâe  n'efl:  qu*un  prologue  ^  (ans  diflinftion  de 
fcènés.  Le  Dofteur  fait  à  fon  Secrétaire  l'aveu  de  (à 
pafTion  pour  Clorinde.  Il  veut  engager  aufli  l'un  de 
fes  anciens  amis  y  à  le  fervir  auprès  de  fa  maitrelTe* 
Ce  prologue  eft  rempli  de  ces  obfcénitési  qu'on  ne 
roagifibit  point  alors  d*entendre  fur  le  théâtre.  Ce* 
pendaiit  il  iK)uvoit  paioJtrâ  finguliety  de  voir  Je  Se- 
crétaire d'un  Doéteur,  lui  dire  :  J'envoje  Uen  f.f. 
ces  bonnes. gens  du  temspajfé^  i'avoir  pris  tant  de  peine 
à  ne  faire  rien  gui  vaille,  &c.  Outre  les  indécences» 


T  ME  AT  RE  FRANÇOIS.       4J 

il  7  a  des  traiit^  aiTez  libres.  Hyjdafpe  j  ami  du  Doc« 
leur  9  en  {>arlant  d'un  voyage  qu'il  a  fait  à  Rome> 
.<Ut,  4^'il  a  iiajfé  Us  yieds  de  celui  qui  ejt  la  tête  de  toute 
la  CMéiientéy  a^-fdeds  qui  marchent  fur  la  tête  des  Roh 
&   des  C<^m^e$.  Pans  le  quatr^me  ade^  qui  eil 
cottpé  par  fcèœs  >  ie  Paladin  cpiiSe  ^  Alexandrie  »  fpp 
camarade,  r^nnoar  donc  il  brûle  pour  Clorirxie.  EUe 
paroiCf  &  te  PaUdiio  lui  fak  une  Unigue  §e  ridicule 
harangue.    Le  Qo&^r  vient  équité,  ^  crquve  Iç 
moyeu  de  lui  dédafîer  fa  paffion.  Ce  dernier  eft  foi^ 
xnal  reçu  de  Qorinde.    II  prend  cependant  le  partjl 
de  l'aller  demander  en  mariage  ^tt  Seigneur  Pantap 
too  «  père  de  l'objet  qu'il  adore.  Il  lui  fait  l'hiftoirç 
ide  (^  vie  »  la  defcrîpcion  de  fa  maifon  &  de  Tes  jarr 
àiia&  »  ki  vanfê  les  charmes  de  iâ  folitude  >  &  lui  ap- 
prend qull  s'occeppe  à  per&âionher  ré}oq]uer>P9^ 
P^talon  lui  dem^ade  iin  petit  difco^rs  de  fa  façpn  » 
pour  être  en  état  de  |uger  de  fa  capacité.  Au  troi^ 
fiéme  aftei  k  Patadki  dans  uxi  éiitc^tien  qu'il  a  avec 
Clorinde»  lui  propofe  de  contraâer  enfemble  i/n  d$ 
tes  petits  mariages' JlUbres ^  qu'çn  ne  recherche  même  le 
confentemeat  de  ferjonae  pçur  les  conjommer.  En  pcr- 
foane  f^ge  »  ej^b  ki  répond  ;  VEglife  ne  les  approuve 
pas.   Le  Paladin  loi  dît  :  Elle  ne  les  approuve  pas  ;  elle 
ferme  néanmoins  hs  yeux  pour  faire  femhlant  de  ne  les 
pas  voir.  Le  Paladin  fe  retire  >  en  fàtuant  &  refahiant 
Çlorinde  i  qui  enmiyée  de  fes  ^o€ppUmens  &  de  fes 
(écérCQCÇS^  lui  4iC  :  Vm  êtes  msjJiplHn  de  cérémçnie^^ 


44        THEATRE  FRANÇOIS. 

que  le  vieux  Teftamenu  Dans  le  quatrième  aâ:e  »  \ë 
Dofteur  fe  plaint  à  Cloridde  de  Tes  rigueurs.  Survient 
le  Seigneur  Pantalon  y  à  qui  il  réi:ite  une  harangue  : 
Sur  les  fiécles  i'oT  en  comparâifon  des  miferes  G*  corrup' 
tien  du  nôtre.  Le  Paladin  fe  mocque  de  ce  difcours  ; 
&  en  fait  un  fur  la  vieîllejfe  de  Pantalon^  dont  celui* 
ci  eft  fi  enchanté  »  qu'il  lui  donne  la  préférenice  y  &  kii 
accorde  (à  fille  en  mariage  >  &  mettant  leur  main  Tune 
dans  l'autre  j  il  leur  dit  t  Alle^f  chers  enfans,  vcas 
enfermer  en  quelque  lieu  tous  deux  énfemble  ;  G*  n'e» 
farte^  point  que  vous  ny  fajjte^  un  tiers^  Dans  le  dn» 
quiéme  aâre  9  le  Dofteur  »  piqué  du  triomphe  de  foa 
rival ,  employé  le  bras  de  fon  ami  Hydafpe  9  pour 
donner  des  coups  de  bâton  au  preux  Paladin ,  qui 
ies  reçoit  avec  beaucoup  de  douceur  &  de  patience: 
Vne  dernière  fcène  où  Grifelin  »  fou  du  Doâeur,  tieat 
une  infinité  de  propos  extravagans»  fert  d'épilogue  à 
cette  pièce  finguliere>  quel'Auteur  à  intitulée  ^  je  ne 
fçais  pourquoi ,  la  Comédie  des  Comédies. 

i  •  -     • 

Le  but  de  Dupefchier  dans  cette  pièce  >  a  été  de 
faire  une  critique  plaifante,  de  l'éloquence  empou- 
Iée>  &  des  hyperboles  de  Balzac  >  fous  te  nom  de  du 
Barri.  Il  employé^  pour  les  tourner  enridicule^Sc  (es 
termes  femiliers»  &  fesphrafes  entières*  Un  Auteur 
contemporain  a  entrepris  l'apologie  de  Balzacien 
donnant  un  ouvrage  (bus  ce  titre. 

LE  THEATRE  RENVERSÉ,  OU  LA  CO- 
MEDIE DBS  COMEDIBS  ABATTUE^  parM« 


THE  A  TRE  FRANÇOIS.        45 
ile  L*  M.  Paris  y  Jean  le  Bouci  1629.  in»i2. 

Cefl  un  examen  critique  de  la  pièce  de  Dupef- 
chier  %  dans  lequel  il  juftifie  pleinement  Balzac  y  de 
tons  les  prétendus  ridicules  9  qu'on  avoic  voulu  lui 
donner. 

RALTHAZAR  BARO  y  né  à  Valence  en  Dau- 
phiné ,  en  1600.  il  fut  Secrétaire  du  célèbre  Honoré 
d'Uf fé ,  &  acheva  le  roman  de  rAftrée.  Il  mourut 
en  néso.  l'un  des  quarante  de  l'Académie  Fiançoife, 

CELINDE ,  Po^me  héroïque  p  ou  plutôt  TragL 
Comédie  »  en  cinq  aftes ,  en  profe  ,  dédiée  à  Céfar 
Vendôme.  Paris,  François  Pomeray,  1629.  in^S"^^ 
Dans  le  troifiéme  afte  de  cette  pièce  >  on  repréfente 
une  petite  Tragédie 9  compofée  de  300  vers,  &  in- 
titulée ,  Judith* 

LA  CLORISE,  Paftorale  en  cinq  aftes,  en  vers, 
dédiée  au  Cardinal  de  Richelieu.  Paris  ,  Antoine 
de  Somma  ville  >  1 6  3  4.  i/z-S  ^« 

Cette  pièce  fat  jouée  par  la  Troupe  de  Bellerat , 
le  27  Janvier  1636.  devant  la  Reine  &  toute  laCour^ 
à  l'Hôtel  de  Richelieu, 

LA  PARTHENIE  ,  Tragî .  Comédie  ,  dédiée  à 
Mademdfelle  Marie- Anne-Louife  d'Orléans,  Paris  p 
Antoine  de  Sommaville^  <^43*  z^4^« 

LA  CLARIMONDE ,  Tragi .  Comédie ,  dédiée 
à  la  Reine  Anne  d'Autriche.  Paris  ,  Antoine  de  Som- 
niaville,  1643.  in-j^^. 


46        THE  AT  ri:  FRANÇOIS. 

LE  PRINCE  FUGITIF ,  Poëme  Dramatique  ea 
cinq  a<%esy  en.vers  ^  dédié  à  la  Reine  de  Suéde  ^  Chri- 
fiine.  PARIS)  Antoine  dd  Sommavilie,  x649«  i^'^°* 

SAINT  EUSTACHE,  martyr,  Po^me  dramati- 
que  en  cinq  aftes  y  en  vers ,  dédié  à  Henriette-Marie , 
fille  de  France  &  Reine  d  Angleterre.  Paris  ,  An« 
toinedeSommaviUey  1^49»  i/z-4^. 

CARISTE ,  ott  les  Charmes  de  b  Beauté ,  Poëme 

^  dratnattque  eti  cinq  ades  >  en  vers  »  dédié  par  Antoine 

de  Somma  ville ,  à  Madame  la  Princefle  »  après  la  mort 

de  r Auteur.  Paris  f  Antoine  de.  SommaviHe  9  x6)i* 

W-40. 

ROSE  MONDE  9  Tragédie.  Paris,  Antoine  de 
Somma  ville  >  1 6  $  i  •  în-4^  • 

L'AMANTE  VINDICATIVE ,  Poëme  drama- 
^  tique  en  cinq  aâes ,  en  vers.  P  A  R  i  S  >  Antoine  de 
Sommayiile,  16$ 2.  in-^^» 

{  SUJET  DE  CELINDE  )  Floridan  avoit  promis 
fa  main  à  Parthenice  ;  nmis  Tes  pafrenS  t'a  voient  deftihé 
à  Celitidé.  Celte  ci  aimoit  utnqoement  Lucidon.  Pb-. 
ridan  arrive  fur  le  théâtre ,  chantant  des  vers  en  Thon* 
neurde  fit  nouvelle  maitrefTe;  Parthenice ,  :qai  le  fotip* 
çonnoit  de  perfidie  9  le  fuit  dégdifée  en  hohime.  W&tt 
eft  bientôt  convaincue  de  fa  trahîfon  y  &  veut  le  ttier 
d'un  coup  de  piftolet  ;  mais  l'amorce  né  prend  point. 
Floridan  met  l'épée  à  la  main ,  reconnoit  Partbenice , 
1^  defarme;  répond  affez  mal  à  k%  juftes  reproches». 


THEATRE  FRANÇOIS.         47 

Ac  fort*  Les  paréos  de  Celinde  viennent  lui  appren- 
dre qu'ils  vont  la  marier  à  Floridan.  Elle  en  indruit 
aollltôt  Lacidor  9  qpï  vent  tuer  fon  rival.  Celinde  le 
ki  défend  f  &  lui  jure  qu'elle  ne  donnera  jamai$  fa 
main  à  d'autre  qu'à  lui.  Floridan  furvient  ;  tes  parens 
de  Celinde  qui  font  trompés  aux  difcour^  équivoques! 
qu'elle  lui  dent,  déterminent  le  jour  de  la  noce  pour 
le  jour  mèàie  ;  &  poar  folemaifer  cette  journée,  ils 
propofont  aux  quatre  amans  de  jouer  une  Tragédie  > 
qulbavoient  déjà  répétée.  Chacun  prend  place»  & 
ils  repréfentent  une  pièce  intitulée ,  Judith  ;  Floridati 
faifoit  le  rôle  d'Holopberne ,  &  Celinde  celui  de  Ju- 
dith. A  la  dernière  fcène^  Judith  s'approche  d'Holo- 
pheme  endormi  »  &  lui  plonge  fon  poignard  dans  le 
corps;  Celinde  tombe  enfuite  aux  pieds  de  fon  père , 
&  lui  reproche  fa  tyrannie  >  qui  Ta  déterminée  a(u  cri- 
me qu'elle  vient  de  commettre.  Pour  fauver  fa  mai- 
trèfle ,  Lucidor  veut  perfuader  que  c'eft  lui  feul ,  qui 
eft  coupable.  On  les  conduit  tous  deux  en  prifon* 
Floridam  eft  porté  dans  fon  lit.  Parthenice  le  fuit  ; 
&  croyant  qu'il  vient  de  rendre  tes  derniers  foùpirs^ 
elle  fe  précipite  (br  lui  y  s'enfonce  un  poignard  dans 
le  feih ,  &  prie  fts  parens  de  k  (ixire  enterrer  dans  le 
foème  combetfu.  Celinde  &  Lucidor  font  interrogés. 
Avant  que  de  prononcef  l'arrêt  de  mort,  om  condam- 
neCelinde  à  aller  faire  amande  honorable  far  le  tom- 
beau des  deux  infortunés  amans.  Celinde,  en  préfence 
de  tout  le  peuple,  &  les  mains  liées  derrière  le  dosj 


48        THEATRE  FRANÇOIS. 

dit  en  ce  moment  les  choies  les  plus  attendrifTanteS* 
Tout-à-coup  le  tombeau  s'ouvre  »  &  l'on  en  voit  fortir 
Floridan  &  Parthenîce.  On  peut  juger  de  l'étonné- 
ment  des  Aâreurs.  L'ofi  apprend  que  la  grande  quan- 
tité ^e  fang  quils  avoient  perdu  >  joint  à  un  long  éva- 
nouiiTementy  a  voit  fait  croire  qu'ils  étoient  morts  ^ 
qu'on  les  avoit  portés  dans  ce  tombeau  ;  mais  que 
bientôt  après  ils  avoient  repris  connoiflance,' &  que 
leurs  blefTures  n'étoîent  point  coniidérables.  On  les 
guérit.  Floridan  époufe  Parthenice  >  &  Celinde  époule 
ÏLucidor. 

(SUJET  DE  LA  CLORISE.)  Les  Bergères 
Clorife  Se  Eliante  font  aimées  par  Alidor  &  Pliili- 
dan.  Ces  deux  Bergers  font  long-tems  malheureux. 
Mais>  à  force  de  (Mns  &  de  tendrefTe ,  ils  trouvent  le 
moyen  de  rendre  leurs  bergères  fenfibles.  Ces  quatre 
amans  alloient  être  enfin  heureux  >  quand  les  parens 
de  Clorife  troublent  leur  bonheur  ,  en  la  promettant 
en  mariage  à  Erafle  :  mais  dès  que  cet  amant  géné- 
reux 9  apprend  le  penchant  que  Clorife  avoit  pour 
Alidor  ;  il  cède  tous  fes  droits  à  ce  Berger ,  &  en^ 
gage  même  les  parens  de  Clorife  à  confenûr  à  fon 
union  avec  Alidor  y  &  à  celle  d'Eiiante  avec^  Phili-j 
dan.  C'ed  là  le  dénouement  de  cette  pièce >  qui.eft 
affez  bien  écrite  >  &  paflablement  conduite.  Voici 
un  exemple  de  la  verfiHcation.  C'eA  Philidan  qui  part- 
ie à  Eliante  >  de  l'excès  de  fes  charmes. 

ELIANTE, 


TH1E:ATRE  FRANÇOIS.        49 

'  '    )  E  L  I  A  N  T  Ê. 

€'eft  trop ,  je  ne  fçaurbis  plus  longtems  confcntU 
A  t'almer  &  te  voie  capable  de  mentir. 

P  H  I  L  I   D  A  N. 

5î  de  ce  que  j'ai  dit  ta  rigueur  trop  connue 
Cherciie  la  yeiité ,  la  voili  toute  nue.  * 

[*  Il  lui  otefon  tnonchoir  dn  col,  ) 

î  L  I  A  N  TE. 

Que  fais-tu  »  Philidan } 

P  H  l  L  I  D  A  N. 

Ceft  que  je  veux  au  moins 
Vous  convaincre  d'erreur  avec  deux  beaux  témoins.  ^ 

E  L   I  A  N  T  E.  * 

(  *  Elle  remet  le  tnonchoir  fur  fort  coî^} 
Caufeur,  rens  ce  mouchoir  j  ou  de  tant  die  malices 
Je  fçaurai  châtier  Tauteur  &  les  complices. 

PHILIDAN. 
Pourquoi  les  caches  tu  3  ^'•^ 

E  L  I  A  N  T  E. 

Pour  ce  que  j'ai  raifon , 
Fuis  qu'ils  font  faux  témoins,  de  les  mettre  en  priion» 

(  SU  JET  DE  LA  PARTHENIE,)'Par  le  fort 
ëej  armes?  Parthenie  cft, devenue  l'efdave  d'Alexan- 
dre 9  qui  a  conçu  pour  elle  l'amour  le  plus  violent. 
Elle  lui  demande  en  grâce  de  vouloir  bien  donner  la 
liberté  à  fon  frère  Hytafpc.  Alexandrela  lui  accorde 
fur  le  champ  f  &  le  comble  depréfens.  Cet, Hytafpc 
étoit  répoux  de  Parthenie;  &  elle  en  avoitfait  my- 
llere  >  crainte  d'exciter  la  jaloufie  d'Alexandre  ;  .mais 

Tomll.  li 


50        THE ATRE  FRANCO IS. 

ce  (êcret  eft  bientôt  découvert;  &  Alexandre,  n'é* 
coûtant  que  fa  fureur  y  ordonne  qu'on  fafle  mourir  cet 
époux  trop  aimé  de  Parchenie.  Epheftion }  dans  la 
crainte  q«ie  le  Roi  ne  donne  cet  ordre  à  un  autre  » 
le  charge  de  le  faire  exécuter.  Bientôt  après  f  on  vient 
annoncer  à  Alexandre  la  mort  d'Hyrafpe.  Farthenie 
l'accable  des  reproches  les  plus  amers ,  &  veut  fe  poi« 
gnarder*  Epheflton  paroit  >  qui  lui  arrache  le  fer  des 
mains.  Alexandre  fent  toute  l'horreur  de  Ton  crime , 
demande  pardon  à  Parthenie  >  &  veut  l'exciter  à  le 
frapper  lui-même.  Epheftion,  voyant  le  fincere  repen- 
tir du  Roi  »  lui  apprend  alors  9  qu'étant  fur  qu'il  fe  re- 
pentiroit  bientôt  d'avoir  donné  un  ordre  aufli  cruel  > 
il  ne  l'avoit  point  exécuté  9  &  que  Hytafpe  vivoit  en- 
core. Alexandre  9  au  comble  de  la  joie  >  remercie 
fon  Bivori ,  &  rend  la  liberté  &  la  couronne  à  ces 
deux  époux. 

La  verfificatîon  &  la  conduite  de  cette  pîece ,  quî 
eut  un  très-grand  fuccès ,  firent  beaucoup  d'honneur  à 
fon  Auteur.  Entre  pluiieurs  morceaux  dignes  d'être 
rapportés  y  j'ai  choifi  celui-ci.  Ceft  Alexandre  qui 
xend  compte  à  Epheftion  d'une  converfation  qu'il  a 
«ue  avec  Parthenie  9  &  de  la  réponfe  qu'elle  a  faite 
à  ÙL  déclaration  d  amour. 

sire ,  ce  qu'aujourd'hui  tu  recherches  de  moi , 
£fl  digne  d*un  tyran  ,  mais  indigne  d'un  Roi, 
Que  ces  lâches  beautéi  devait  toi  proAicuent 
letirs  infâmes  appas  qui  charment  y  mais  qui  tuent } 
Qv'elles  t'accordent  tout  de  crainte  de  périr  : 
lUes  fsaYCAt  flatter  >  U  mot  je  f^ais  mouiir. 


r 


THEATRE  FRANÇOIS.        £1 

Ufc  plus  ragcmcnt  <ics  faveurs  de  Bellonne» 

N*aguerres  je  porto is  le  fcepcre  &  la  couronne  : 

£c  bien  que  déformais  ces  marques  de  grandeur 

Ne  foienc  plus  dans  mes  mains  >  elles  fonc  dans  mon  caur  : 

C'eft  là  que  y  defpitanc  les  coups  de  U  fortune  « 

£c  le  £acheux  fuccès  d'une  guerre  in^>ortune  » 

Malgré  ma  fervicude  &  malgré  c^  projets  , 

Ma  vertu  trouve  encore  un  fceptre  &  des  fujets. 

(SUJET  DE  CLARIMONDE.)  Alma2an,Roi 
d* Alger  ,  vient  de  gagner  une  bataille  contre  Soli- 
mont  I  Roi  de  Tunis  f  où  Solimont  a  été  fait  prilbn* 
nier.  Le  foecès  de  cette  Journée  eft  dû  à  la  conduite 
&  à  la  valeur  d'Alcandre,  favori  d'AImazan.  Ce 
Roi ,  pénétré  de  ceconnoifTance  y  &  rempli  d'admira- 
tion pour  les  grandes  a&ions  qu'il  lui  a  vo  faire  >  lui 
donne  le  choix  de  fa  récompenfe.  Depuis  long  -  tems 
Alcandre  étoit  amoureux  &  ^imé  de  CIarimonde> 
fille  de  Solimont ,  qui  avoit  été  conduite  à  Alger  avec 
(on  père.  Il  la  demande  en  mariage  ^  pour  prix  de 
fes  exploits.  Le  Roi  la  lui  accorde  >  malgré  les  repté« 
fentations  de  Melidor»  qui  aimoit  aufTi  Clarimonde* 
Melidor  »  voyant  que  rien  ne  pouvoit  déterminer  le 
Roi  à  refufer  Clarimonde  à  Alcandre  »  fort  pour 
chercher  les  moyens  de  troubler  le  bonheur  de  (on 
rival.  Le  Roi,  qui  n'a  voit  point  encore  vu  Glarimon- 
de  i  l'envoie  chercher  pour  lui  annoncer  qu'il  la  deftîne 
à  Alcandre;  mais  au  même  indant  qn'il  l'apperçoît^ 
il  en  devient  fi  éperduement  amoureux  >  qu'il  déclare 
à  Alcandre  qu'il  fiiut  qu'il  renonce  à  Clarimonde^ 

Dij 


THEATRE  FRANÇOIS. 

&  qu'il  veut  lui-même  Tépoufer.  La  Princefle  montre 
envain  toute  fa  tendrefle  pour  Alcandre.  Le  Roi 
tténace  de  faire  mourir  (bu  rivale  &  dit  àCIarimoade  :. 

Songe  aux  profpericés  dont  ma  grandeur  te  flace  > 
Ta  reponfe  fera  ton  naufrage ,  ou  ton  port  s 
£t  ta  bouche  eA  ici  l'arbitre  de  ton  fort^ 

Le  Roi  redouble  Tes  menaces  contre  Alcandre.  Cta-^ 
rimonde  perfiAc  dans  fes  refus.  Ils  fe  réparent  tous 
dans  le  plus  grand  chagrin.  Enfin  la  Princefle  veut: , 
voir  fon  amant  I  qui  fe  déguife  en  Jardinier  ^  pour  être 
introduit  dans  le  Palais.  Ils  ontenfëmble  une  longue, 
converfation.  Clarimonde  lui  propofe  de  forcer  la  pri- 
fon ,  &  de  rendre  la  liberté  à  Solimont ,  qui  a  un  grand 
parti  dans  la  Ville  i  &  qui  certainement  le  mettroit  à 
portée  de  tuer  Almazan.  Alcandre  préfère  fon  de- 
voir à  j'efpérance  de  pofTéder  fa  maitrefle  >  &  re* 
fufe  d'entrer  dans  aucun  complot  contre  fon  Roi.  Ils 
fe  quittent  >  ne  ponfervant  plus  aucune  efpérance ,  & 
dans  le  plus  grand  defefpoir.  Cependant  Meiidor ,  qui 
épioit  toutes  les  a&ions  d' Alcandre  i  ayant  appris 
qu'il  étoit  entré  déguifè  dans  le  jardin  |  le  fait  arrêter 
lorfqu'il  en  fortoit ,  &  vient  Taccufer  au  Roi  de  s'être 
introduit  dans  le  Palais  >  pour  lui  ocer  la  vie  6c  la 
Couronne.  Le  Roi  remercie  Meiidor  du  fervice  im^- 
portant  qu'il  vient  de  lui  rendre  >  &  lui  demande  quel 
cft  le  prix  qu'il  eh  defire.  Meiidor ,  qui  ignoroit  qu'AI- 
laazan  étoit  amoureux  de  Clarimonde,  lui  demande 
cette  ?£iQ£e0e  en  mariage.  Le  Roi  lui  répond  qu'il 


THEATRE  FRANÇOIS.        53 

rie  peut  la  lui  accorder ,  &  qu'il  la  defline  pour  être 
Reine  d'Alger.  Meiidor  fait  de  vainjB  efforts  pour  l'ob- 
tenir >  &  fort  dans  le  deifein  de  fe  venger  du  Roi.  En 
mème-tems  Clarimonde  qui  vient  d'apprendre  que  fou 
amant  a  été  arrêté ,  accourt  pour  le  juftifier ,  &  fe  jette 
aux  pieds  du  Roi  ^  pour  demander  à  prouver  l'inno* 
cence  d'Âlcandre.  Le  Roi  lui  dit  qu'AIcandrè  a  voulu 
ftttenter  à  fes  jours*^  La  PrincefTe  s'écrie  : 

O  faince  vérité ,  montre  toi  xoute  Jiue  ; 
Viens,  DéefTe  immortelle,  &  donne  â  Pinnocenc 
Conrre  la  calomnie  un  azile  puiiTanr» 
Sire ,  n'imputez  nen.au  généreux  Âlcandre  l 
Bien  loin  de  vous  trahir ,  il  a  fçu  vous  défendre*. 
£t  s'il  n*eut  aujourd'hui  mes  defirs  combattus, 
Solimont  feroit  libre^  &  vous  ne  feriez  plus. 

Almazan  efl;  inexorable.  Enfin  >  vaincu  par  (on  amours 
il  lui  propofe  de  donner  la  liberté  £e  à  Alcandre  &  à 
Solimont,  fi  elle  veut  bien  l'époufer.  Clarimonde, 
voyant  le  danger  que  couroit  &  fon  père  &  fon  amant^ 
prend  le  parti  d'yconfentir,  déterminée  à  fetuer»dèa 
que  Solimont  &  Alcandre  feroient  en  liberté,  Cô» 
pendant  Meiidor  (è  met  à  la  tète  d^une  troupe  de  con-* 
furés  ,  force  le  Palais,  &  cherche  le  Roi  pou?  le  poi- 
gnarder. Almazan  ^  fè  voyant  (ans  aucune  re(fource  f. 
n'attend  plus  que  la  mort  ^  lôrfqtfôn  Went  lui  annon- 
cer qu' Alcandre ,  ayant  appris  le  crime  de  Meiidor  » 
étoit  accouru ,  a  voit  combattu  ce^  traître,  hai  avoit  pafië 

^D  épée  au  travers  du  corp»>  &  avoit  mis  en  ^ite  tout 

Diii 


S4         THEATRE  FRANÇOIS. 

les  rebelles.  Melidor  vient  mourir  fur  le  théâtre  ,  & 
avoue  au  Roi  que  la  feule  jaloufie  lui  avoit  infpiré 
dlmputer  à  Alcandre  un  crime  dont  il  n'étoit  point 
coupable.  Le  vi&orieux  Alcandre  arrive  en  ce  mo- 
ifiènt.  Le  Roi  rembraffe,  le  prie  d'oublier  ce  qui  s'eft 
•paffé,  le  comble  d'amitié,  &  rend  la  liberté  &  la 
Couronne  à  Solimont,  à  condition  qu' Alcandre  foit  l'é- 
pOQ^c  de  Clarimonde^  &  régne  apràs  lui  dans  Tunis* 

(SUJET  DU  PRINCE  FUGITIF.)  Le  Prince 
Philoxandre ,  dont  on  a  envabi  les  Etats  y  fe  réfugie 
dans  le  Ropume  deCyrene,  où  il  vit  incognito.  Il 
devient  amoureux  &  eft  aimé  d'Ârchitrafte  >  fille  du 
Roi.  Deux  autres  Princes  >  Orphiiè  &  Alcede  >  font 
ks  rivaux.  Le  Roi  Ofmont ,  voifin  &  ennemi  du  Roi 
de  Cyrene,  arrive  avec  une  groflfe  armée  ^  pour  s'ena- 
parer  de  fes  Etats.  Le  Roi  fort  à  la  tète  de  fes  trou- 
pes, pour  aller  au< devant  d'Ofmont ,  &  déclare  que 
celui  des  Princes  »  qui ,  dans  la  bataille ,  lui  rendra  de 
plus  grands  fervices»  fera  l'époux  de  fa  fille.  Il  choi- 
fit  Philoxandre ,  pour  veiller  à  la  défenfe  de  la  Ville 
.&  de  la  Princefle.  Quelque  flaté  que  foit  l'amoureux 
Philoxandre  ><îu'Architrafte  (bit  confiée  à  fes  foins;  il 
iènt  cepeïîdant ,  que  s^il  refte  dans  Cyrene ,  il  ne  peut 
prétendre  au  prix  deftiné  par  le  Roi  à  celui  qui  fe  fera 
le  pltfs  diftiiigué.  11^  confie  fès  inquiétudes  à  la  Prin- 
celltt)  qui  lui  Ordonne  de  voler  au  fecours  de  fbn  perew 
Il  obéit  avec  jode.  Dès  qu'il  eft  arrivé  fur  le  champ 


V 


THEATRE  FRANÇOIS.        S$ 

de  bataille  y  la  viâoire  fe  décide  bientôt  poar  le  Roi 
de  Cyrene  >  &  le  Roi  Ofinont  eft  tué  dans  le  combat 
par  un  inconnu.  Orphife  &  Alcefle  vantent  leurs  ex« 
ploits  au  Roi;  &  chacun  d*eux  croit  devoir  obtenir 
la  préférence.  Le  Roi  leur  répond  qu'ils  doivent  s'ea 
rapporter  à  la  Princefle  ;  &  que  c^eft  à  elle  à  décider 
lequel  des  deux  elle  veut  pour  (on  époux*  Il  donne 
fes  tablettes^  à  Philoxandre ,  popr  les  porter  à  Archi^ 
trafte  >  &  pour  lui  dire  qu'elle  écrive  deiTus  le  nom 
de  celui  qu'elle  veut  rendre  heureux.  Il  les  rapporte 
bientôt  ;  &  le  Roi  y  lit ,  que  c'eft  Philoxandre  qu'elle 
choiGt.  Ce  Monarque  eft  aulfi  fâché  que  furpris  de 
ce  choix.  Il  cache  cependant  fon  reflentiment^  &  an* 
nonce  que  c'efl  Alcefte  que  la  Princefle  a  nommé.  Il 
charge  en  même  tems  Philoxandre  de  l'en  aller  avec* 
dr,  qui ,  fans  paroitre  aucunement  ému,  part  pour 
exécuter  cet  ordre.  Le  Roi  >  étonné  de  fa  tranquil- 
lité 9  le  rappelle  ;  &  à  force  de  ^ueftions  ^  il  tire 
enfin  l'aveu  de  fa  paffion  pour  la  Princefle.  Le  Roi 
paroit  fort  irrité  dé  fà  témérité,  Philoxandre  fort  Se 
reparok  bientôt  après  >  revêtu  des  mêmes  armes  qu'U 
portoit  lors  de  la  bataille.  On  le  reconnolt  pour  le 
vainqueur  d*Ofmont.  Il  jette  J'épée  de  cet  ennemi 
aux  pieds  du  Roi>  lu^  découvre  là  naiflance^  &  ob^ 
tient  la  Princefle  en  mariage* 

Cette  pièce  en  général  eft  aflèz  bien  verfîfôe.  Oo 
y  trouve  plufîeurs  beaux  endroits  :  en  voici  un  que 
î'ai  cru  qui  méritoir  d'être  rapporté.  Les  deux  riyaux.| 


56        THEATRE  FRANCO tS. 

Alcefte  &  Orphife,  veulent  fe  battre.    Pour  les  cfli 
empêcher  ^  le  Roi  leur  dit  : 

Arrêtez  ce  tranfport  dont  votre  ame  eft  faifie  \ 
Ne  vous  regardez  plus  d'un  œil  de  jaloufie  : 
Car  enfin  où  tendroit  ce  combat  entrepris  ? 
Pehfez-vous  qu'Architralle  en  dût  être  le  prix  ? 
tlle  dépend  de  moi ,  non  du  fore  de  vos  armes  : 
Il  faut  pour  Tacc^uenr ,  moins  de  fang  que  d:  larmes.  ,    . 

Oa  s'il  en  faut  du  fang  ,  il  ne  vous  efè  permis 
D'en  puifcr  autre  part  que  chez  mts  ennemis. 
i,     C'eft  là  qu'il  faut  cueillir  des  lauriers  digaes  d'elle  ,  &c. 

^'  (SUJET  DE  SAINTEUSTACHE.  )  Placide 
va  à  la  chaffe ,  pour  eiTayer  des  chiens  ,  que  l'Empe- 
reur Trajan  lui  avoit  donnés.  Il  apperçoit  un  cerf,  qui 
portoit  fur  fa  tête  une  Croix  lumineule  II  entend  en 
mêrne-tems  lortir  de  cette  Croix  une  voix  ,  qui  las 

placide ,  ccfTe  enfin  de  t'armer  contre  moi  .• 
Ouvre  l'œil  de  ton  ame  aux  rayons  de  la  foi  ; 
Ir  rendant  tes  efprits  de  ma  gloire  capables, 
Brife  de  tes  faux  Dieux  les  idoles  coupables^ 
G'eft  moi  fcul ,  qui  de  rien  ai  formé  l'univers; 
La  nature  me  do.'t  fes  miracles  divers  >    .  . 

•     Et  tout  ce  qui  refpire  ou  qui  paroîc  aii  monde 
N'eft  fait  que  pour  bénir  ma  fageiffe  profonde. 
Ces  deux  bras  que  je  t'ouvre ,  &  ces  pieds  que  eu  vof  j 
Attachés  par  des  clouds  fur  une  infâme  croix  , 
Ont  ftrvi  de  tribut ,  ou  plutôt  de  vidimes , 
Pour  expier  l'horreur  Se  l'excès  de  tes  crimes  : 
Ce  côté  d'une  lance  a  fouffert  la  rigueur  , 
Seulement  pour  t'ouvrirun  paiTagc  à  mon  cœur: 
Er  ce  corps  immolé  n*lauroit  point  de  bleffures, 
'  S'il  n*cûc  fallu  du  fang  pour  laver  tes  injarcs. 


TSEATRE  FRANÇOIS.        S7 

Frappé  &  pénétré  de  cç miracle,  Placide  le  vient 
raconter  à  fa  femme  ;  &  ils  fe  font  tous  deux  Chré- 
tiens. Il  prend  le  nom  dEuftache;  &  elle»  celui  de 
Téopifte.   A  peine  ont- ils  reçu  le  Baptême  ^  qu'on 
vient  leur  apprendre  qu'un  furieux  ouragan  a  ravagé . 
tous  leurs  biens.  Ils  en  reçoivent  la  nouvelle  avec  la 
plus  grande  tranquillité;  &  pour  ne  plus  habiter  le 
iéjour  dangereux  delà  Cour,  ils  prennent  le  parti  de 
pafTer  la  mer,  &  d'emmener  avec  eux  leurs  deux 
enBins.  Euftache  apperçoit  un  vaiiTeau  ,  Se  crie  à  ua 
Matelot  de  demander  au  Maître  de  Téquipage,  s'il 
veut  bien  le  recevoir  à  boi^«  Le  Matelot  vient  avec 
la  chaloupe  ?  fait  monter  dedans  la  femme  d'Eufia-* 
che ,  &  le  laifle  lui  &  (es  en&ns  fur  le  rivage.  Un 
moment  après ,  tandis  qu'il  eft  occupé  à  tranfporter 
fes  enBins  >  pour  leur  faire  pafler  un  torrent ,  un  lion 
en  enlevé  un ,  &  un  ours  Tautre.    Le  malheureux 
Euflache  continiae  fon  chemin ,  &  rencontre  une  Ber- 
gère qui  le  conduit  à  fon  père ,  au  fervice  duquel  il 
entre.  La  fcêne  fe  trouve  enfuite  occupée  par  le  re- 
tour du  vaiffeau  >  qui  avoit  enlevé  Téopifte.  Son  ra- 
vifTeur ,  nommé  Tirfis ,  l'entraîne  pieds  &  mains  liéa 
dans  un  bois ,  pour  l'y  violer  ;  mais  Téopifte  invo- 
que la  Vierge ,  &  le  >onnere  tombe  fur  Tirfis.  Ce- 
pendant Trajan ,  qui  ignore  &  ce  qu'eft  devenu  Eu- 
ftache ,  &  qu'il  ait  changé  dé  religion ,  le  fait  cher^ 
cher ,  pour  réduire  deux  Provinces  qui  s'étoient  ï£< 
vottées.    On  le  reoonnoîc  fous  fes,  habits  villageois^ 


$8        THEATRE  FRANÇOIS. 

&  on  le  ramené  à  la  Cour.  Les  deux  enfàns  d'Eufia^ 
che  y  enlevés  par  des  bêtes  féroces  9  reparoiflent  alors 
fur  la  fcène  ;  tous  deux  font  Soldats  >  l'un  fous  le  nom 
de  la  Fleur ,  l'autre  fous  celui  de  la  Fortune  >  liés  en- 
feroble  de  la  plus  forte  amitié.  Ils  fe  racontent  mu- 
tuellement leur  hiftoire  j  &  fç  reconnoifTent  pour  fre* 
res.  Ils  vont  enfuite  chez  un  Bourgeois  de  la  Ville» 
où  ils  dévoient  loger.  Ils  y  trouvent  Téopifte  pour 
fêrvante.  Ils  ont  une  converfation  avec  elle  ;  &  elle 
les  reconnoit  pour  fes  enfàns.  Elle  apprend  par  eux 
que  le  Général  va  bientôt  pafTer.  Elle  demande  à  le 
voie  pour  les  lui  recommander  ladnife  à  f^naudien* 
ce  >  elle  retrouve  en  lui  Ton  époux  >  &  lui  préiente 
fes  deux  enfans  1  qu'il  croy oit  morts  depuis  long-teras» 
Cette  double  reconoiflance  termine  le  quatrième  a&e. 
Au  cinquième  9  le  Préteur  reçoit  un  ordre  de  l'Em* 
pereur,  pour  aller  au  devant  d'Euftache  >  qui  revient 
viftorieux  >  &  pour  lui  faire  dreifer  des  autels.  EiH 
Aache  refufe  cet  honneur  impie»  &  déclare  au  Préteur 
qu'il  e(l  Chrétien.  Celui-ci  lui  repréfente  envain  les 
dangers  qu'il  court,  en  fuivant  une  loi  que  l'Empereur 
À  profcrite  ;  il  le  menace  envain  de  la  mort.  Eudache 
inébranlable  fe  h\t  gloire  de  braver  les  dangers  1  & 
d'adorer  le  vrai  Dieu ,  &  lui  dit  : 


Ces  déic^s  frivoles  y 
Ces  fantômes  parlans ,  ou  plutôt  Tes  idoles , 
Que  votre  efprit  de^^u  révère  en  tant  de  lieux  y 
Ka  un  mot  ces  dcrnoos  que  vous  nommez  vos  Diour^ 


THEATRE  FRANÇOIS,       $^ 

Sont  éiÇi  objets  trop  bas  pour  des  vœux  légitimes. 
Je  ne  connois  qu'un  Dieu ,  qui ,  chargé  de  nos  crimes  y 
Pour  contenter  Ton  père  &  fléchir  Ton  couroux. 
Sur  Tautel  de  la  croix  s^tÇi  immolé  pour  nous. 

Le  Préteur  voyant  qu'il  ne  peut  rien  gagner  fur 
fon  eiprit ,  le  fait  conduire  en  prifbn ,  &  va  trouver 
Téopïfte  >  à  qui  il  permet  d'avoir  un  entretien  avec 
lui.  Ils  en  fortent  vi&orieux  ^  &  plus  confirmés  que 
jamais  dans  la  Religion  chrétienne  :  leurs  deux  enfans 
fuivenc  l'exemple  y  que  leur  donnent  les  auteurs  de 
leurs  îpurs,  &  tous  les  deux  demandent  le  martyre. 
On  les  conduit  au  fupplice  ;  &  ils  meurent  tous  quatre 
avec  le  même  courage  &  la  même  fermeté.  La  pièce 
finit  par  la  converfion  du  Préteur  y  qui  déclare  qu'il 
eft  Chrétien. 

(SUJET  DE  CARISTE.)  Carifte,  jeune  ber- 
gère ,  dont  on  ignore  la  nailTance  »  arrive  en  Sicile. 
Cléon  9  fils  du  Roi  Antfaénor»  en  devient  éperdue- 
ment  amoureux»  dès  rinftant^mème  qu'il  l'apperçoit* 
Antfaénor  qui  ne  p^ut  concevoir  un  amour  auffi  fubit» 
fe  per&ade  que  ce  ne  peut  être  que  par  un  pouvoir 
fumaturel  >  &  que  Carîftô  eft  magicienne.  La  Prin- 
cefle  Afterie,  qu'il  vouloit  faire  épou&r  à  fon  fils  »  voih 
lanc  perdre  ià  rivale  >  le  confirme  dans  cette  idée  f 
&  (bbome  même  dei  gens  qui  viennent  rendre  comp- 
te au  Roi ,  qu'ils  ont  vu  Carifte  s'occupant  à  la  ma- 
gie. Il  la  fait  auffitôt  conduire  en  prifon ;  mais  il  ne 


€o        THEATRE  FRANÇOIS. 

peut  empêcher ,  fuivant  les  loix  du  Pays  ,  qu'elle  ne 
cherche  un  Chevalier  pour  défendre  fa  caufe.    Il  ne 
lui  donne  que  vingt- quatre  heures  pour  le  trouver  ;  & 
charge  Nicandre,  le  plus  valeureux  Chevalier  de  iâ 
Cour,  de  foutenir  f  les  armes  à  la  main  .que  Carifiè  eft 
magicienne.  Un  inconnu  fe  préfente  >  pour  être  le 
champion  de  Carifle.  Les  combattans  entrent  dans  h 
lice;  &  bientôt  Nicandre  eft  dé(àrmé.  Le  viâorieux 
inconnu  demande  qu'on  mette  Carifle  en  liberté  ; 
mais  le  Roi ,  contre  la  foi  donnée ,  &  plus  piéoccupé 
que  jamais  que  Carifle  e(l  magicienne,  pullque  Ni* 
candre  a é:é  vaincu (i  facilement  j  la  fait  re:o nuire  en 
pri(bn>  &  ordonne  qu'on  lui  amené  les  deux  combat- 
tans. On  peut  juger  de  (à  furprife,  lorfqu'il  reconnok 
Ton  fils  dans  celui  qui  a  été  vaincu,  &  la  PrincefTe 
Afterie  dans  le  Chevalier  viftorieux.  Lefeit  eft  bien- 
tôt éclairci.  Cléon  avoit  obtenu  de  Nicandre  la  per- 
miflion  de  combattre  à  fa  place ,  déterminé  à  (c  laifler 
vaincre  ,  &  rilême  à  mourir  ,  pour  fauver  les  jours 
'de  fa  maîtieffe  ;  &  Afterie,  ferepentant  des  calomnies 
'qu'elle  avoit  inventées  contre  Carifte,  n'ayant  pu  trou- 
ver de  Chevalier  pour  défendre  la  caufe  de  cette  in- 
•fortunée,  s'étoit  déterminée  à  combattre  elle-même* 
Cette  étrange  aventure  confirme  plus  que  jamais  le 
Roi  dans  tés  préventions  contre  Carifte.    Il  fc  déter- 
mine même  à  la  faire  mourir ,  lorfqu'on  lui  annonce 
tm  Courier  venant  de  Corinthe.  Pour  être  au  fait  du 
dénouement  >  il  faut  f^avoir  que  quelque  tems  aupa- 


THEATRE  FRANÇOIS.        6i 

ravant,  Cléon  écoit  devenu  amoureux  de  Stéphanie, 
fille  du  Roi  de  Corinthe  y  fur  la  réjputation  de  la  gran* 
de  beauté  de  cette  Princefle  ;  quil  avoit  obtenu  de 
fbn  père ,  de  la  faire  demander  en  mariage  /&  qu'on 
la.  lui  avolt  accordée  ;  mais  qu'au  moment  que  cette 
PrinceiTe  fe  préparoit  à  partir  ^  un  Prince  Corinthien 
s*étoit  emparé  du  Trône ,  avoit  fait  mourir  le  Roi  f 
père  de  Stéphanie  y  Tavoit  fait  enfermer  dans  une  tour^ 
&  peu  de  tems  après  avoit  fait  courir  le  bruit  de  fa 
mort.  Cléon  en  avoit  été  au  défefpoir ,  &  rien  n*a- 
voit  pu  Ten  diftraire  jufqu'à  l'arrivée  de  Carifte»  On 
fe  doute  bien  que  Carifte  eft  cette  même  Stéphanie, 
que  Ton  croyoit  morte.  Le  courier  de  Corinthe  la  re- 
connoit  ;  %  ce  courier  étoit  celui  là  même  qui  Tavoit 
fdixt  évader  de  la  tour  >  où  elle  étoit  enfermée  j  &  qui 
avoit  exigé  d'elle  de  cacher  fon  nom  &  fa  naiflance , 
tant  que  le  tyran  feroit  fur  le  Trône  :  ce  tyran  venoic 
de  mourir ,  &  k s  Corinthiens  redemandoient  leur 
Reine  avec  le  plus  grand  empreffement*  .Cette  re^* 
connoilTance  procure  le  bonheur  des  deux  amans  ; 
Cléon  époufe  Carifte ,  &  parc  avec  elle  pour  aller  à 
Corinthe. 

(SUJET  DE  ROSEMONDE.)  J'ai  déjà  parlé 
deux  fois  de  ce  même  fujet,  traité  toutes  les  deux 
fois  fous  le  titre  d'Alboin  ;  l'un  à  l'article  de  Claude 
Billard  Sieur  de  Courgenay ,  (bus  l'année  1607  ;  & 
l'autre  à  l'article  de  Nicolas  Chrétien  ,  Sieur  des  Croix, 
ibuc  l'année  1608 .Une  cbofe  aflez  fmguliere;  c'eft  que 


6%        THEATRE  FRANÇOIS. 

Baro  lui-même  l'avoit  déjà  à  peu  près  traité  fous  le 
titre  de  Clarimonde  >  à  Texception  du  dénouement 
qui  eft  abfolument  différent  ;  qu'il  en  a  tiré  beaucoup 
d'endroits^  &  de  (ituations  >  &  même  une  fcène  en- 
tière vers  pour  vers  :  je  me  contenterai  donc  d'en  par- 
ler trèsTucdnâement  ;  mais  j'en  citerai  un  morceau  » 
qui  m'a  paru  bien  verfifîé. 

Âlboin  accorde  Rofemonde  aux  vœux  d'Ermige  : 
cet  amant  y  au  comble  de  la  joie  y  vient  annoncer  à  la 
FrinceiTe  cette  heureuTe  nouvelle.  Rofemonde,  fe  rap- 
pellant  tous  les  malheurs  dont  elle  eft  accablée  >  craint 
que  loin  de  les  faire  finir ,  Tamour  ne  veuille  encore 
les  augmenter  :  Ermige  lui  répond  : 

Ce  Dieu ,  dont  vous  parlez  ,  amolli  par  mes  larmes  ^ 

N*a  plus ,  pour  nous  troubler  y  de  colère  »  ni  d'armes  ; 

Mes  pleurs  ont  détourné  les  traits  de  Ton  courroux  s 

£t  je  n*ai  déformais  à  combattre  que  vous. 

Je  fçai  que  pour  le  fang  dont  le  ciel  vous  fit  naître  9 

Quand  de  tout  l'univers  je  me  rendrois  le  maître  , 

Je  ferois  un  objet  indigne  d'efpcrer 

La  gloire  où  mes  defirs  me  forcent  d'afpîrer. 

Mais  Pamour  &  la  mort  égalent  tout  le  monde: 

Four  peu  que  votre  flamme  à  la  mienne  réponde. 

Cet  obflacle  du  rang  fe  verra  furmonté. 

Ou  par  votre  infortune ,  ou  par  votre  bonté. 

Courez ,  belle  Piincefle 9  où  ma  foi  vous  convie: 

Vous  êtes  aujourd'hui  l'arbitre  de  ma  vie  : 

Mon  fort  efl  dans  vos  mains  'y  &  mon  contentement 

Ke  dépend  déformais  que  d'un  mot  feulement. 

ROSEMONDE. 

Hélas  !  as-tu  befoin  du  fecours  de  ma  bouche  ^ 
Tour  connoître  à  quel  poi^it  ton  inceiêc  me  touche  j 


THEATRE  FRANÇOIS.       63 

Tes  dcfîfs  Tont  les  mîens  5  tu  le  fçaîs ,  ru  le  Voîi  \  ^ 

£c  mon  coeur  par  mes  yeux  te  l'a  dit  mille  fois. 

Pourquoi  donc  au|ourd*iiui  veux-tu  que  ]*i  t'expriioc 

L'excès  de  mon  anaour,  ou  plutôt  de  mon  crime} 

£c  que  daas  ce  moment  mf>n  feu  te  foit  Connu 

Par  un  mot  que  la  honte  a  toujours  retenu  > 

£t  bien  ,  puifqu'il  le  faut  «  &  que  c'eA  pour  ta  ^oire^ 

Ecoute  en  ce  feul  mot  Tanêt  de  ta  yiâoire  : 

Je  t'aime* 

\ 

/ 

Alboin  voit  Rofemondey  en  devient  amoureux  >  for. 
me  le  deflein  dé  Tépoufer  >  ordonne  à  Ermige  de  n'y 
plus  fonger  ;  &  rebuté  par  Rofemonde ,  la  fait  par  dé- 
pic  boire  dans  le  crâne  de  Ton  père  qu'il  a  tué,  eft 
enfin  afTaffiné  par  Ermige  &  par  Paradée^  qui  efl: 
auffi  amoureux  de  Rofemonde.  Ermige  fè  repent  bien- 
tôt de  fon  crime,  &  tue  Paradée.  Ce  traître  a  remis  à 
Aofenx>nde  une  fiole  ,  dont  la  liqueur  doit  calmer  les 
agitations  f  dans  lefquelles  les  remords  plongeoient  Er« 
mige.  Rofemonde  f  voyant  (on  amant  plus  agité  que 
jamais  y  lui  donne  cette  liqueur;  c'écoit un  poifon  fub« 
dU  Ermige  en  éprouve  bientôt  l'effet  ^  &  meurt.  La 
Princefle  fe  tue  ;  &  la  confidente  promet  aux  Speâa- 
teurs  que  ,  dès  qu'elle  aura  enfermé  ces  amans  dans 
le  même  tombeau  p  elle  ne  manquera  pas  auffi  de 
mourir. 

(  SUJET  DE  L'AMANTE  VINDICATIVE.  ) 
Cléandre  >  père  d'Oronte  9  eft  amoureux  d'Oxane ,  Se 
f  eue  répooler.  Celle-ci  aime  Oronte  ;  mais  Oronte 


€4       THEATRE  FRANÇOIS: 

adore  Olympe.  Oxane ,  qui  a  fait  de  vains  efforts  pour 
*  fe  faire  aimer  d'Oronte,  voyant  qu'elle  n'y  peut  réuf- 
fir  i  cherche  à  fe  venger»  Elle  parvient  bientôt  à  le 
brouiller  avec  Olympe ,  à  qui  elle  perfuade  qq'il  (b 
vante  de  Tes  faveurs  ;  d'un  autre  côté  ^  elle  perfuade 
à  Oronte  que  fa  maitreffe  eft  inâdelle  >  &  qu'elle  eft 
avec  un  amant,  à  qui  elle  a  donné  un  rendez -vous. 
Oronte  furieux  fort  pour  immoler  (on  rival;  au  mo- 
ment qu'il  va  le  percer  ^  il  reconnoit  fon  père  y  que  la 
méchante  Oxane  avoit  engagé  k  fe  trouver  à  ce  pré- 
tendu rendez-vous.  Cléandre  croit  que  fon  fils  a  voula 
raflkifiner ,  &  en  porte  fet  plaintes  au  Roi.  Oronte  eft 
fyr  le  champ  condamné  à  être  précipité  dans  la  mer. 
Oxane  apprend  bientôt  que  fon  amant  va  périr  :  elle 
fe  livre  au  plus  affreux  defefpoir  ;  &  cédant  à  k^  ja- 
ftes  remords  )  elle  fe  tue  9  après  avoir  écrit  au  Roi  une 
lettre ,  où  elle  Itii  avoue  tous  fes  crimes ,  &  où  elle 
prouve  l'innocence  d'Oronte.  Cette  lettre  arrive  heu- 
ceufement  à  tems  :  Oronte  eft  remis  en  liberté,  & 

,époufe  Olympe. 

1630. 

ANTOINE  MARECHAL ,  Avocat  au  Parlement 
de  Paris.  t 

LA  GENEREUSE  ALLEMANDE ,  ou  LE 
TRIOMPHE  DE  L'AMOUR  ,  ,Tragi  .  Comédie 
mife  en  deux  Journées ,  chaque  Journée  en  cinq  ac- 
tes j  çn  vers  ^  où  fous  noms  empruntés,  &  parmi  d'a- 
gréables £c  diverfes  feintes ,  eft  repréfentée  l'hiftoire 

do 


THEATRE  FRA NÇÙIS.        6 S 

^  fictt  Lottis  du  Cbâtelet  y  Baron  de  Cir e^ ,  &  de  & 
femme  Urfule  Audes  de  Cpilemberg.  Pakis  ,>  Pierre 
Rocolet,  16}  I.  i/z  8°.  La  première  Journée  dédiée 
i  M.  de  Ptty-Laureo9«  la  deuxième/  à  M.  de  Laqnay. 

LA  SŒUR  VALEUREUSE,  oa  r AVEUGLE 
AMANTE,  Tragi  Comédie,  en  cinq  aâes,  dédié» 
à  MonTeigneur  le  Djic  de  Vendôqaeé  Pa&is  ,  Arc« 
de  Somma  ville,  1634.  ûi- 8^* 

L'INCONSTANCE  D'HYLAS ,  Tragî-Coraédie, 
Pafiorale ,  en  cinq  aâes  >  en  vers  9  dédiée  à  Monfei-* 
gneur  Henry  de  Lorraine,  Archevêque  de  Reims. 
Paris ,  François  Tairga,  1635.  i/z-8^. 

LE  BAILLEUR,  ou  LES  SATYRES  DU 
TEMS  ,  oa  LES  RAILLERIES  DE  LA  COUR  i 
Comédie  en  cin^  aâes,  m^  vers^  dédiée  à  MonfcÎM 
gneor  le  Cardinal  de  Richelievu  Pari  s^  Toudaiist 
Quinet,  1638.  w-4^. 

LA  COUR  BERGERE,  ou  L'ARCADIEDEÎ 
MESSIHE  PHILIPPE  SIDNET  ^  Tragi  CoMédie, 
dédiée  à  Robert  Sidaey,  Comte  de  LeyceAre ,  Auei* 
bafladeuren  France.  Paris,  TounaiatQuinet^  *^39« 
w-4^, 

» 

LE  MAUSOLÉE,  Trag^Comédîe,dé«^  à 
M.  de  Moncancon  ,  &  .repré^ntée  par  la  Troupe 
Royale  y  en  id^ow  Paris.,  Touflàint  Quiaet,  164^^ 
iii-4«. 


E  JUGEMENT  EQVÏTABLE  DE  CHARLES 
LE  H4RDr  ^  DSRNIfill  DUC  DB^  BOUKû^^ 

T^mt  IL  £ 


66       THEATRE  FRANÇOIS. 

GNE ,  Tragédie,  dédiée  à  M.  le  Comte  de  Ranzap; 
Paris,  TouiTaint  Quinec>  16^6.  iii'^^. 

.  LE  VERITABLE  CAPITAN  ,  ou  LE  FAN- 
FARON  ;  Comédie  ,  en  cinq  aftes ,  en  vers  y  re- 
préfentée  fur  le  Théâtre  royal  du  Marais  f  &  imitée 
de  Plauce  j  dédiée  à  M.  le  Comte  de  VinieuU  Paris^ 
ToufTaint  Quinet,  1640.  i/z-^o. 

PAPYRE ,  ou  LE  DICTATEUR  ROMAIN  , 
Tragédie  ^  dédiée  à  M.  le  Duc  d'Epernon.  Paris  > 
Touifaint  Quinet  »  /  6^6.  în-j^^. 

(SUJET  DE  LA  GENEREUSE  ALLEMAN- 
DE ,  premere  Journée,  )  Le  Seigneur  Arifiandre  »  &« 
ineux  guerrier  y  devient  amoureux  de  Camille  :  ils  (^ 
jurent  tous  deux  une  tendreiTe  éternelle.  Adrafte  , 
frère  d'armes  d'Ariftafidre  >  trouble  tout -à- coup  Ton 
bonheur,  en  l'avertifTant  qu'il  eft  très-néceflàîre  qu'ils 
le  rendirent  auprès  de  l'Empereur ,  qui  avoit  beibin 
dé  leurs  ferviceS»  Ils  partent  &  laiflent  Camille  dans 
le  deferpoir.  Ils  paflent  à  la  Cour  d'un  Prince  Alle- 
mand 9  nommé  Corileon  ;  Cloriande ,  fœur  de  ce  Prin- 
ce 9  &  Rofeline,  Ton  époufe^  deviennent  amoureufes 
d'Aridandre  ;  celui-ci  donme.la  préférence  à  Rofeline ^ 
qui  le  baife  &  rebaife  fur  le.  théâtre ,  &  qui  lui  donne 
rendez-vous  pour  le  (bir.  Mais  il  eft  obligé  d'allery  le 
même  jour^  à  la  Cour  de  l'Empereur*  Par  le  confeil  de 
Cloriande,  Corileon  qui  avoit  (bupçonné  l'intrigue  de  fa 
femme  9  h  hït  enfermer  dans  une  tour»   Yacbles» 


THEATRE  FRANÇOIS.        6y 

Ambafladeur  auprès  de  Corileoo^  ^toii  ainbareux  de 
Cloriande  ,  &  avoit  appris  que  (a  ïnaitrefle  aimoie 
Ariflandre.  Dès  que  celui-ci  eft  de.  retour  >  il  k  dé& 
an  combat ,  qui  fe  pafle  fur  le  théâtre  f  &  dans  lequel 
fAmbafladeur  eft  tué.  On  pour(uit  Âriftandre  jùlques 
dans  fa  maifon.  Au  moment  qu'il  eft  prêt  d'y  être 
forcé,  il  eft  tout-à-coup  délivré  par  Camijie.  Cette 
amante  tendre  &  fidelle  s'écoit  déguifée  en  homme  i 
étoit  venue  à  la  Cour  de  Corileon ,  pouriépier  la  con« 
dnite  d'Ariftandre  ;  ne  pouvoit  douter  de  (bn  infîdé« 
Gté  ;  &  avoit  cependant  la  générofité  de  prendre  ià 
défenlè.  Elle  fe  fait  connoitre  à  fbn  parjure  amant  a 
elle  découvre  fon  (èx^ au  peuple  9  qui,  frappé  de  (à 
grandeur  d'ame>  s'appaife^Sc  fe  contente  d'avoir  la 
parole  d'Ariftandre  t  qu'il  fe  cbnftitueroit  prifonnier 
dans  un  Château  voifîn. 

fSUJET  DE  LA  DEUXIEME  JOURNEE.) 
Cbriande  juftifie  Rofeline»  pour  obtenir  la  liberté 
dAriftandre  ;  mais  malheureufement  on  trouve  entre 
les  mains  de  fon  page  la  bague  de  Rofeline ,  &  une 
lettre  qui  découvre  leur  intrigue.  Corileon,  furieux^  fkic 
mettre  (bo  rival  dans  un  cachot.  Camille  va  demander  à 
l'Empereur  la  grâce  de  fon  amant;  ellel'obiJtiit  :  mais 
Corileon  demeure  inflexible  >  &  veut  abfolument  faire 
mourir  Arifhndre.  Camille  employé  alors  &  la  ru(è 
fc  la  force.  Elle  (è  d(%uifè  en^maçon ,  pénétre  dans 
la  ptifoni  £e  infiruit  fon  amant  de  ^e  qu'il  doit  faire. 

En  ^ 


68        THEATRE  FRANÇOIS. 

£Ue  aâèœble  eDfâlce  des  troupes  ,  vient  attaqueir  la 
ville  d'Arles ,  où  k  paflè  la  Arène  >  la  prend ,  délivre 
Ariftaudrci  &  l'époufè. 

r  SUJET  DE  tA    SdSUR  VALEUREUSE.  ) 

Jl  faudrpit  écrirç^  uaafTçz  long  roman  >  pour  tracer  ki 
tous  îes  iévénemens  mis  en  aâion  dans  cette  Tragi<> 
Comédie.  Je  ^rois  qu'il  fuffira  de  dire  que  le  Roi  de 
Pferfe  à  deux  enfans  ,  une  fîHc  nommée  Oronte ,  & 
vm  âls  ix>mmé  Lucrdor  ;  qii'OroQCe  aime  ion  propre 
&ere;  que  celu^  ci  >  indigpé  de  cet  anaourj  quitte  la. 
Cour  de  Ton  père,  &  va  en  Thrace  ;  qu'il  a  pluiieura 
aventures  ;  que  fa  feur  déguîfée  ea  homme  ^  qui  va  à 
fe  recherche  n'en  a  pas  moins  ;  qu'elle  fê  bat  même 
iknsc^  outmii  fc^  contré  Jt|i ,  d^abord  &ns  te  comioi^ 
cre  I  eofutoe 4e .foreur  de  fe  v4)tr  xpéftïÇéc  par  ]mi  qu'il 
y  a  pluiieurç  autres  combansfingulierSy  où  pericmne 
ri'eft  tué  î  que  le  d^guifement  d'Ôronte  produit  plu- 
fieurs  méprifes  ;  qu'enfin  leur  père  les  reconcilie  :  Sd 
que  cette  pièce  y  chargée  de  tant  d'incidens  &  de  tant 
d'aâ^onsidUfikéntes,  n'en  èft  paa  plus întéreSànte« 

.     ^     .       •  .  ■» 

(SUJET  DE  L'INCONSTANCE  D'HYLAS.) 

î-e  titre  de  cette  Paflor^lc  cft  très- bien  rempli.  Hy- 
hs  aimé  çn  effet  fucceflïvemerit  plufieurs  Bergères ,  fc. 
fcs  trompe  toutes ,  les  unes  après  les  autres  ;  il  devient 
enfin  aiiioore«ik  de  3tdle  >  ikhi  moins  ioconfftante  que 
kii  :  &  leulr  markige  terarine  la  fAece  ,  fats  qiK  l'ÂU*: 
teur  nous  laîfTe  entrevoir  d  le  mariage  les  §|âérira  de 
leur  légèreté. 

(SUJET  DU    RAILtElTR.)   Clarimond  eft 
lue  dped»  da^manvais  ptaifitot  ;  il  trompe  plu&org- 


THE  A  TR'E  FRANCO  IS^.        6^ 

^rfbnniges  de  la  pièce  :  &  ceux^,  pour  s'en  vanger^ 
le  trompent  aoffi  4  leur  tour  ;.  ce  qui  fkijc  le.  dénoue* 
ment  de  cette  Comédie ,  qui  n'a  ni  fél ,  ni  liaifon ,  ni 
intrigue ,  ni  ftyle ,  &  qui  certainement  eft  fort  au» 
defTous  du  médiocre. 

(SUJET  DE  LA  COUR  BERGERE.  )  Bazile, 
Hoi  d'Arcadie  ,  effirayi  pat  un  Oracle ,  qiii  lui  avoi« 
anooocé  que  fes  co£ins  feroient  conduits  fur  Véchar 
fàut»  prend  llnbÂt  de  Berger,  &  âiit  enfermer  daot 
une  tour  fa  femme  &  (es  deux  filles  ,  Vainée  nommée 
Pamele  »  la  cadette  Philoclée.  Deux  jeunes  Princes 
amoureux  des  deux  ibeurs  >  pour  sintroduire  auprès 
d'elles,  fe  déguifcot  l'un  en  Amazone»  l'autre  eu  Ber* 
ger.  Sous  Ibn  habit  »  f e  premier  a  des  aventures  aflez 
plaifântes.  Le  vieux  Roi,  trompé  par  ibn  habillement^ 
eu  devient  amoureux  ;  la  Reine ,  qui  a  découvert  (on 
fexet  employé  tous  les  moyens  poffibles  pour  s'en 
faire  aimer ,  &  fe  moque  d^  lafimplicité  défoia  mariy 
qui  de  ibn  côté  trouve  bien  plaifane  les  tendres  em« 
preiTemens  de  ùl  femme  pour  cette  Amaaone.  Ënfiii 
poor  parvenir  au  dénouement ,  l'Oracle  s'accomplit  :> 
void  comment.  Omphiale ,  Prince  d'Arcadie ,  qui  n'a 
pu  obcettir  Philoclée  en  mariage ,  preiTé  par  &  mère  % 
que  l'ambition  dévore ,  fe  révolte  contre  le  vieux  Roi  i 
&  eideve  la  maltreft'&  fa  foeur  ^  8é  feit  tout  ce  qu'il 
peut  pour  gagner  Philoclée,  6c  pour  engagea*  Patnelé 
à  le  fervir.  N'ayant  pli  y  parvenir,  &  cherchant  à  lei 

Eiîj  - 


70       THMATRÊ  FRANÇOIS: 

intimider  y  il  feint  de  les  condamner  à  mort ,  &  les  hH 
conduire  fur  l'échafeut.  Alen  ne  peut  ébranler  le  coo- 
rage  des  deux  fœurs.  Il  les  fait  reconduire  en  prifon. 
Bientôt  après  9  n'écoutant  que  fon  defefpoir»  il  fe  tue; 
&  fa  mère  en  fait  autant.  Les  deux  Princes  dégut(és> 
voulant  fecourir  leurs  maitrefles  >  fe  font  reconnoitre  » 
&  volent  à  leur  fecours  :  ils  les  ramènent  bientôt  au 
Roi  9  &  les  lui  demandent  en  mariage.  Le  vieux  Bazilè 
qui  voit  que  l'Oracle  >  qu'il  redoutoit  ^  eft  accompli  >  les 
leur  accorde  »  &  quitte  les  habits  de  Berger» 

(SU  JET  DU  VERITABLE  CAPITAN 
MATAMORE.)  Cette  pièce  eft  une  imitation  dv 
Miles  Gloriofus  de  Plaute.  Matamore  a  enlevé  à  Ma« 
flrick  la  jeune  Philafie  ;  &  l'a  conduite  à  Paris.  Pla* 
*^cide ,  amant  aimé  de  cette  belle ,  découvre  le  Keu  où 
il  la  tient  enfermée;  il  gagne  l'amitié  du  voifin  de 
Matan^re  ;  &  l'on  pratique  une  porte  fecrette  >  qui 
communique  dans  les  deux  niailons.  Par  ce  moyen  ^ 
Placide;  voit  fa  maitrefle  à  toutes  heures  &  à  tous  mo> 
mens.  Un  valet  de  Matamore  les  iurprend  un  jour  en« 
femble>  &  va  en  avertir  fon  maître.  On  fabrique  fur 
le  chan^p  une  hiftoire  :  on  lui  dit  que  Philafie  avoit 
une  fœur  )umeûe>  qui  lui  reflèmble  fi  parSiitement  » 
qu'on  les  prend  tous  les  jours  l'une  pour  l'autre»  8e 
que  cette  (œur  eft  arrivée  à  Paris.  Le  valet  paroit  d'a^ 
bord  en  douter  ;  pour  le  perfuader ,  on  fait  parokte 
fucceffivement  devant  lui  Philafie  &  fit^  prétendue 


THEATRE  FRANÇOIS.         yi 

feur;  ce  qutoccâfiomie  des  kzzîs  9  qui  jettent  quel- 
que gayeté  dans  la  pièce.  Enfin  le  valet  demeuré 
parfaitement  convaincu  de  TexiAence  des  deux  (beurs* 
Les  deux  amans  prennent  alors  le  parti  de  fe  débar- 
rafler  du  Matamore ,  &  de  le  tourner  en  ridicule.  On 
lui  perfuade  qu'une  femme  de  grande  qualité  eft 
amoureufe  de  lui ,  &  lui  demande  un  rendez-vous  ; 
on  lui  dit^  en  mème-tems>  que  fur  la  plainte  de  la  fceur 
de  Philafie  9  un  Commtflaire  étott  venu  la  redéman^ 
der.  lia  peur,  &  il  la  rend.  On turpropofe  un  com- 
bat ;  il  le  refufè  »  &  va  à  foq  rendez-vons  >  où  il  re» 
çoic  cent  coups  de  bâton.  Enfin  ^  après  avoir  été  bien 
mocqué  &  bien  battu,  on  le  détrompe  »  &  on  té 
chafle  honteufement. 

(SUJET  DU  MAUSOLÉE.  )  Artemife,  veuve  de 
Maufole»  arrive  fur  le  thfôtre^  fiiivie  de  Ton  Echanfon, 
qui  porte  une  coupe  ;  elle  prend  rurne  qur  renferme 
les  cendres  de  (on  époux  »  en  mêle  dans  la  coupe ,  & 
l'avale.  Tandis  qu'elle  s'occupe  de  cette  trifle  &  tendre 
aftion ,  on  vient  l'avertir  que  la  Ville  e(ï  aflîégée  par 
Cenoman ,  Roi  de  Candie.  Ce  Prince  étoit  amoureux 
de  Doralie  $  fille  d'Artemife }  &  n'avoir  entrepris  ce 
fiége»  que  pour  trouver  une  occafion  de  pouvoir  lui 
parler.  Il  lui  &it  propofèr  une  entrevue  :  la  Princcflc 
f  accepte  »  mais  dans  l'intention  de  fe  défaire  de  lut. 
Elle  ordonne  que  quand  on  l'introduira  chess  elle ,  oix 
hi  ôce  fou  épée ,  &  pofte  des  ioldats  pour  l'aflaffiner.^ 


^%        THEATRE  FRANÇOIS. 

Çenoman  &  trouve  au  rendcs^vout  :  Iz  vb9  Se  (k  foil* 
jpiflipn  non*reul£tnent  défarment  Doralie»  mais  mèr 
me  ia  rendent  amourcttlè  de  lui  :  tUc  Taverck  d»  dan- 
g^  qu'il  a  couru ,  lui  rend  fixi  4p4e  >  fc  le  remroyc  à 
ipt)  c^mp.  CJiobante»  coufm  de  Doratkf»  eft  faûpri- 
^mer  dans  tin  combat ,  où  Cenoman  a  tout  l*ayane»- 
^  :  ce  vainqueur  géoiértux  le  renvoyé  for  ie  diaœp 
à  U  PrinceiTe.  ^irtin  l*ardente  paffien  de  ce  Prince 
triomphe  nonrfeuleinent  de  Doralie^  mats  encore  à' AU 
candie  y  qui  aim^t  la  PrincenÎT)  ic  à  qui  la  Reine  l'a- 
vait promife.  Ce  rival  généreux  (k  charge  depréfeater 
^i-m^me  Cenoman  à  Artemife,  9c  de  folticiter  pour 
Jui  la  main  de  Doralie.  ArtemUe  ne  peut  Ce  refufer 
aux  infiances  qu'on  lui  Fait  ;  &ç  la  pièce  fink  par  le 
mariage  de  Cenoman  avec  Doralie. 

(SUJET  DU* JUGEMENT  ÉQUITABLE.) 
Bodolpbe,  Gouverneur  de  Mafirick,  &  £ivofi  de 
Charles  le  Hardi  i  puc  de  Bourgogne,  devient amoo- 
reux  de  Mathilde  femme  d'Albert,  qui  ne  veut  point 
répondre  à  Ton  amour.  II  simagine  q«e  (on  mari  eft 
Je  feul  obfiack  qui  l'empêche  de  Tatisfaire  fkê  voeux  ; 
&  il  conçoit  rhorrible  projet  de  as  défaire  d'Albertf 
en  Tuppoiànt  une  lettre  qui  i'accuTe  d'avw  voulu  tirrey 
la  ville  au  Roi  Louis  X I .  avec  ^«i  Charles  étcAt  alors 
en  guerre.  Auflîtot  il  fiit  arrêter  ee  malheureux  époux» 
Qpi  efl:  condamné  à  mort.  Mafthilde  viest  hii  demander 
la  grace^  de  (on  mari  ;  U  la  refufea  9i  vpkt  eu. même 


THEATRE  FRANÇOIS.        75 

Ums  profiter  de  roccafion  poor  la  Tioler*  Heuraife* 
mtnt  Fredegonde  9  mère  de  Rodolphe  ^  arrive  eo  ce 
momeot ,  &  arrire  bien  à  propos  ;  car  Mathilde  étoit 
fiws  connoiflance.  Charles»  tnifaraic  de  cet  attetuatlf 
quitte  le  ^ge  de  Liège  >  &  arrive  à  Maftrick.  Il  fait 
veair  devant  lui  Rodolphe  9  qui  bient&t  eft  convaioco 
du  crime  qu'il  veook  de  commettre  ;  pour  réparation 
doqoel  il  loi  ordonne  d'épouier  Machilde  ^  laquelle  £ût 
bien  des  difficultés;  &  enfin  le  mariage  fe  conclud. 
Charles  donne  un  grand  feftio  pour  les  nouveaux  tna- 
rtés  y  an  (brtir  duquel  il  njene  toute  la  compagnie  f  à 
l'escception  de  Rodolphe ,  pour  voir  un  (peâacie,  quil 
dit  avoir  ordonné.  On  arrive  ;  on  levé  la  toile  :  &  l'on 
peur  juger  de  la  (urprife  des  fpeâateurs ,  quand  ils 
vpyetit  au  milieu  du  théâtre  Rodolphe  à  genoux  »  la 
tète  fiir  un  billaud  ^  &  It  bourreau  le  bras  levé  prêt 
à  frapper  9  lorfque  Charles  lui  en  donnera  le  (ignal. 
Cependant  ce  PHoce  fort ,  fans  l'avoir  donné  :  toutes 
les  femmes  attendries  par  ce  fpcâacle ,  le  fiiivent  ;  la 
mère  du  coupable»  à  leur  tète»  fe  jette  aux  genoux  de 
Charles  >  pour  dematïder  la  grâce  du  criminel.  Ma<- 
diilde  ellemème  s'attendrit,  &  ne  s'y  oppofe  plus: 
Cfaaiies  refis  inexorable.  Fredegonde  alors  lui  remet 
deux  billets ,  par  lefquels  il  apprend  que  Rodolphe 
t&  bn  fils.  Malgré  tout  ce  que  la  nature  infpire  en  ce 
flooment  à  Charles  >  il  envoyé  Tordre  que  le  coupable 
fiiic  cxéaaité  ;  Ce  Rodolphe  périt  parla  main  du  bour- 
fcao» 


74      THEATRE   F  A  ANC  OIS. 

(SUJET  DE  PAPYRE.)  Papyre,  Diftateor 
Romain»  quitte  (bn. armée,  &  va  à  Rome  ofiTfr  aut 
Dieux  des  facrifiees  :  il  défend  à  Fabie  f  Générât  de 
la  Cavalerie ,  de  combattre  pendant  fon  abfence.  Fa« 
bie  trouve  une  occafion  fi  favorable ,  qu'il  croit  ne  pas 
devoir  la  négliger  :  il  attaque  les  ennemis  >  &  rempor- 
te fur  eux  une  viAoire  complette.  Malgré  tout  l'éclat 
de  cette  aâion  »  Papyre  veut  punir  la  défobéiflance 
du  vainqueur ,  &  demande  au  Sénat  de  le  condamner 
à  mort.  Le  Sénat  n'ofe  niTabibudre  ni  le  condamner  » 
&  renvoyé  cette  affaire  au  peuple ,  qui  fe  trouve  dans 
la  même  indéctfion  y  &  qui  enfin  fe  détermine  à  laifler 
ce  Diâateur  le  maître  du  defiin  de  Fabie.  Le  févere 
Papyre  le  fait  auffi-tôt  faifir  par  Tes  Liâeurs  »  &  or- 
donne fon  fupplice.  Le  peuple  alors  fe  fouleve,  & 
prend  le  parti  de  Fabie.  L'armée  n'eft  pas  plutôt  in- 
flruite  du  fort  qu'on  deftinoit  au  héros  »  qui  l'a  voit  fait 
triompher  des  ennemis  de  Rome  >  qu'elle  (è  révolte , 
&  demande  à  grands  cris  la  grâce  ût  cet  heureux 
coupable.  Fabie  »  père ,  qui  pour  lors  étoit  Conful , 
n'écoutant  que  les  intérêts  de  fa  patrie  y  va  arracher 
fon  fils  des  bras  du  peuple  ,  &  le  Uvre  au  Diâateur> 
qoi,  touché  de  la  grandeur  d'ame  du  vieux  Fabie,  par- 
donne enfin  à  fon  fils.  Cette  pièce  eft  très-intéreflan' 
te.  Ce  qui  contribue  à  augmenter  l'intérêt  ;  c'en  que 
Lucille  9  femme  de  Papyre ,  eft  fœur  du  Conful  Fa- 
bie; que  Papyre  a  promis  fa  fille  au  jeune  Fabie» 
dont  il  pourfuivoit  la  mort;  que  Papyrie  aime  Fabie» 


THEATRE  FRANÇOIS.        js 

qu'on  kii  defline  poar  époux  >  &  iju'elle  veut  fe  don- 
ner la  mort  «  û  on  le  fait  périr  :  enfin ,  c'eft  que  le  jea^ 
ne  Fabie  ne  peut  haïr  Papyre  ;  qu'il  applaudit  à  (bo 
jugement  ;  &  qu'il  veut  fe  livrer  lui-même  entre  fes 

mains.  De  plus  9  la  pièce  efl:  fortement  écrite»  pleine 
de  beautés  de  détail ,  &  de  cette  noblefle  de  fenti- 
mens  qui  caradérifent  les  Romains*  Je  vais  rapporter 
ici  la  (cène  deuxième  du  troifîéme  aâe  y  qui  m'a  para 
fur-tout  mériter  l'attention  du  Lefteur.  Dans  la  fcène 
précédente ,  Lucille  »  femme  de  Papy re  9  le  foUicite 
en  vain  d'accorder  la  grâce  au  jeune  Fabie.  Papyife 
finit  cette  pièce  par  ces  mots  »  et  vainqueur  doit  périrm 
Sa  fille  Papyrie  entre  dans  ce  moment  ;  &  entendant 
le  deifein  cruel  de  fon  père ,  elle  dit  : 

Mais  non  pai  rotte  gendre» 

P  A  P  Y  R  E. 
Que  ce  nom  mefurprend  !  Lucille ,  qu'eft  ced. 

PAPYRIE* 
Ah  !  donnez-moi  ùl  tfe« 

P  A  P  Y  R  î. 

Et  toi ,  ma  fille  au£S  ! 
Quoi!  toute  ma  maifon  me  combat  y  &  conTpirs 
Contre  Pautorité  que  )e  garde  à  l'Empire  ! 
Confpirez  pour  Fabie ,  &  combatez  tous  trois  y 
J'aurai  pour  moi  l'empire  &  la  force  6c  les  loir. 
Que  parles  tu  d'un  gendre  ?  &  quelle  eft  cette  audace  y 
Qui  te  fait  demander  ôç  ûi  yie  &  ma  grâce  > 
Quoy  !  pour  mon  ennemi  (j[u*un  crime  rend  vainqueur  f 
Ta  bouche  o(e  s'ouvrir  auilî  bien  que  ton  cour  2 
Quelle  indifcrécion?  où  va  cette  imprudence} 
(  à  Luiile.  ) 
Madame ,  &  l'on  trahit  ain/i  ma  confidence! 
Vous  êtes  femme  enfin ,  &  tous  avez  parlé. 


y 


^6        THEATRE  FRANÇOIS. 

L  U  C  I  L  E. 

Je  ÙÙM  atcre  de  plus  ;  &  j'ai  couc  recelé. 

Mais  quand  bien  j'aurais  tû  ce  qu'il  faltoic  apprendre  ^ 

la  parole  vous  Ue  ;  eil-il  moins  votre  gendre  ? 

P  A  P  Y  R  E. 

]Lè  fccrec  a'ecoic  pas  û  prêt  à  publier  : 

>(a  parole  eft  facrée  s  elle  me  doir  lier* 

Oui  y  oui  9  nous  la  riendroo^.  Vous  n'aves  fçu  vous  tair9 

Ma  fille  a  trop  appris,  ^  n'ofe  que  rrop  faire  : 

Mais  un  moyen  me  reAe  ,  en  le  faisant  punir  > 

D'acquitter  ma  parole  8c  ne  la  pas  tenii: 

7e  la  dégagerai  fans  que  f  e  la  viole  » 

•le  romprai  ce  lien  (ans  rompre  ma  parole  s 

Fabie  eft  donc  mon  gendre  :  &  pour  ne  l'être  pas  , 

Je  me  puis  dégager  bientôt  par  Xbn  trépas  ^ 

Je  punirai  fon  crime. 

P  A  P  Y  R  I  E. 

Ah  !  mon  père  ! 

PAPY  RE. 

•  Et  le  votre. 
P.A  P  Y  R  lE. 

■ 

Sçachez  que  foQ  trépas  fert  futvi  dHin  autre  : 
Regardez  votre  foi  »  ma  douleur ,  8c  Ton  rang  i 
Epargnez  votre  gendre  $  épargnez  votre  iàng. 
Kous  avons  metiré  tous  deux  votre  co(ere  : 
Mais  il  ell  votre  gendre ,  8c  vous  étet  mon  pcot^ 

P  A  P  Y  R  É* 

M^is  il  eft  criminel  s  8c  vous ,  bien  plus  que  lui* 
Mais     ... 

L  U  C  I  L  £. 

Ferez  vous  périr  votre  race  aujourd'hui  ? 
Croyez  que  je  fuivrai  le  deftin  de  nu  fille. 
C^uoi  !  pour  un  point  d'honneur^  perdre  votre  £u9iUe  f 


THEATRE  FRANÇOIS.         yy 

P  A  P  y  XJE> 

€c  fomcTa  confenrer  k  pouvoir  foirrccaiay 
Qui  m*anime  à  ce  coup  &  ny  hauflb  U  main. 
Ma  main  lui  va  donner  ce  que  Rome  demande  , 
Si  Fabto  eft  trop^  peu ,  ma  famiire  en  offrande  j 
$t  ma  Êumlle  encor  eft  peu  pour  (on  belbin  , 
Tout  mon  fang  coukra  dans  un  fi  nc6ie  êûfk^ 
Ma  diâacure  attend  un  exemple  fi  rare: 
Elle,  on  lui  y  doit  périr. 3cc. 

1630* 

MONLEON.  ^ 

L'AMPHITRitE,  Poème  de  nouvelle  inventiob 
en  cinq  aAes,  en  vers»  dédié  à  M.  le  Marqnb  d'£f- 
fiat.  Pakis,  MaclûeaGinlIeiDot,  i6)o«  mu8^. 

THIESTE,  Tragédie,  dédiée  à  M.  le  ComtQ 
d'Allés.  Paris.  Le  même,  163  3.  in  4^ 

(SUJET  D'AMPHITRITE. )  Amphîtrîte  eft 
anooreolè  da  Soleil  ;  mais  ce  IKeu  épris  des  cbartnes 
deClydet  refofe  de  s'anir  à  elle.  La  DéeiTe  indignée 
fait  vœa  de  ne  plus  aimer  déformais  aucun  Dieu ,  8e 
conçoit  une  paffion  violente  pour  Léandre.  Jupiter  , 
examinant  avec  plus  d'attention  les  attraits  d'Amphi* 
trite»  devient  amoureux  d'ette ,  &  lui  hia  ià  déclaration 
qu'elle  reçoit  avec  mépris.  Ce  Dieu  s'en  plaine  à  t'A« 
moar  y  qui ,  ye  ne  fçals  poiïrquoi  j  endort  la  DéelTe- 
forte  bopd  de  la  mer.  Neptune  pafle  dans  ce  Heu  ^  où 
Ampbinile  étoit  livrée  aux  charmes  du  focnmeil  ;  il 
cSt  fur  te  ^bamp  épris  de  fa  beaaté  ;  il  lui  demende 


7S         THEATRE  FRANÇOIS. 

fa  main  ;  il  eft  traité  de  même  qae  Jupiter  ;  il  exhale 
(a  furear>  en  excitant  un  orage  eiFroyable.  L'Océan 
8c  Thétis  prient  Jupiter  de  calmer  la  colère  de  Nep- 
tune. Il  change  Léandre  en  rocher  :  Sylvie  qui  aimoit 
ce  Berger  »  grave  une  épitaphe  fur  ce  même  rocher. 
Amphitrite»  ignorant  le  deftin  fune(le  de  (on  amant>  le 
cherche ,  lit  l'épitaphe  >  &  fe  dérefpere.  Neptune  la 
prefle  de  fe  rendre  à  fes  vœux  :  elle  y  confent  enfin  > 
à  condition  qu'on  rendra  la  vie  à  Léandre»  &  qu'il 
époufera  Sylvie.  Les  Dieux  afliftént  aux  noces  de 
Neptune  &  d'Âmphitrite;  quand  le  Soleil  %  jaloux  du 
l>onheu^  du  Dieu  de  la  mer ,  embrafe  le  monde.  Ju* 
piter  lui  ordonne  d'éteindre  cet  embrafement  i  il  obât  ; 
&  la  pièce  finit.  Ce  drame  eft  d'une  longueur  exceifi? 
ve  :  il  y  a  peu  d'intérêt  y  mais  il  eft  bien  écrit  >  &  il 
devoit  produire  un  fpeftacle  magnifique. 

(SUJET  DE  THIESTE.)  Thiefte,  âpres  avoir: 
commis  un  incefte  avec  Mérope  9  femme  d'Acrée  fon 
frère  >  eft  obligé  de  s'enfuir  ^  &  vivoit  dansj'exil  avec 
deux  enfans»  qu'il  a  voit  eu  de  fa  belle- fœur.  Atrée» 
qui  ne  refpiroit  que  la  vengeance  »  feint  de  lui  par« 
donner  :  il  lui  propofe  de  venir  partager  fa  Couronne. 
Thiefte  y  confent  avec  ioye  »  &  fait  partir  avant  lui 
fes  deux  fils  :  ils  arrivent  à  la  Cour  d'Atréet  qui  aufli- 
tôt  faic  empoifonner  des  fruits ,  qu'on  porte  de  fa  part 
à  Mérope  >  dans  le  jtems  qu'elle  embraflbit  fes  enfans  : 
elle  leur  partage  ce  funefte  préfent^  &  ils  meurent  en« 


> 


THEATRE  FRANÇOIS.        ^g 

«  (a  bras.  Atrée  vient  jouir  de  fa  douleur,  âc  lui 
onne  le  choix  de  mourir  y  ou  par  ]e  fer  ou  par  le  poi- 
»n  :  elle  fe  tue  >  eu  vômiiTant  mille  imprécations  con- 
e  la  barbarie  de  (on  époux.  Thiefie  ignore  ces  mal- 
cors  :  il  arrive*  Atrée  l'accueille  avec  les  plus  grandes 
irefTes  ;  lui  donne  un  feltin ,  ^  milieu  duquel,  pour 
:ellcr  leur  réconciliation  >  il  &it  apporter  une  cotipe 
c  la  préfente  àThiefte»  qui  Ha  trouvant  pleine  de 
itngy  fe  livre  à  la  plu$  violente  inquiétude  :  il  deman- 
le  fes  enfkns  »  il  demande  Mérope  :  Atrée  fiiic  alors 
irer  un  rideau  >  &  lui  Biît  voir  la  tète  >  les  pieds  6c 
es  mains  àe  fes  deux  fils  :  il  lui  apprend  en  même 
:ems  qu'il  vient  de  fe  nourrir  de  leur  chair ,  &  que  la 
x>ope  eft  pleine  de  leur  (àng  :  on  tire  tout  d'un  conp  un 
lutre  rideau  >  &  il  lui  montre  le  cadavre  de  Mérope* 
Atrée  fe  repait  avec  joye  des  fureurs  &  du  défefpoir 
de  Tbiefte.  Il  n'y  a  jamais  eu  fans  doute  rien  de  plus 
affreux ,  que  le  fpe&acle  de  cette  Tragédie  >  qui  d'ail- 
leurs eft  bien  écrite  fie  bien  conduite. 

Il  y  a  une^  troifiéme  Tragédie  du  mftme  Auteur  , 
btitolée ,  Hector  >  donnée  en  1630.  Je  n'en  donne 

pas  d'extrait  >  ne  l'ayant  point. 

t 

x63o» 
P.  B. 

CLEONICE ,  ou  L'AMOUR  TÉMÉRAIRE , 
Tragi' Comédie  >  Pafiorale  ea  cinq  zStea,  en  vers  > 


8o     /  THEATRE  FRANÇOIS. 
dédiée  au  Roi.  Pa&is  ^  Nicolas  Rouffet ,  1 6 |o.  m-i^^ 

PoIemoD ,  amouretix  de  Cléonice  9  lui  fait  préfcne 

d'un  bracelet,  avaMic  de  panir  pour  un  voyage  de  quel*     j 

ques  îoiirs*  Cléouke»  affligée  de  l'abfence   de  toof 

amant  y  va  (è  promener , dans  «ts  bois  où  eBe  rencontre 

Potidor  >  qcA  hti  Êiit  cme  dédaratk»  d'amoar  :  eHe  re^ 

jette  lès  ¥œ»x  ;  &  eo  fe  quittant  elte  lasi£e  toinbor  le 

bracelet ,  que  Poiemon  venoit  de  bi  domier.  Polidor 

s'en  empare,  &  ne  reuc  pas  le  Uà  rendre.   Elle  va 

trouver  un  Magicien,  pour  qu'il  ki  procmre  les  moyens 

de  ravoir  Ton  bracdet.  Cekii^i  kd  pennet  d'enchanter 

une  {ontaine  >où  Pc^dcMr  a  coatume  de  v^srir  le  déiad- 

teser ,  &  Tallure  que  cette  eau  lui  ferai  for  le  cfaamp 

perdre  la  raifo».  Dsmis  leinèn^e  tetns>  Philidor  »  père 

de  Potidor  >  veut  Tet^ger  à  époufer  la  bergère  Atu 

floeae.  Cof^am  dans  Ton  aaKmr  pour  Ckonice ,  il  la 

ceftrfe.  Arimene»  ^ui  sdmoit  Potidor*  Te  rend  auprès 

de  cette  fontaine  enchantée  ^  ou  eUe  e%ere  «cocon* 

trer  l'objet  de  fa  tendrefTe  :  elle  boit  de  cette  eau ,  & 

fur  te  champ  efle  extravague.  Dorante ,  qui  en  étoîc 

amoureux >  la  joint,  &  veut  lui  parler  de  fa  flâme  ;  il 

eft  fort  furpris  d^  lui  entendre  tenir  des  difcourt  tota- 

lement  hors  du  bon  fens*  Cependant  Poiemon  arrive 

de  (on  voyage  ;  Cléonice  lui  raconte  Taventure  du 

bracelet  :  il  jure  dé  punir  Polidor  ;  il  le  rencontre ,  fe 

bat  contre  lui ,  Teçoît  un  coup  morte)  de  ta  maks  de 

fon  rival  >  &  expire.   Polidor  redoute  h  eotere  de 

Cléonice  9 


THEATRE  tRANÇOJS.        St 

£onice ,  &  rencontre  9  fort  à  propos ,  le  Magicien , 
i  lui  confeille  de  fe  vêtir  des  habits  d^  Foiemon  > 
qui  lui  donne  une  pommade,  qui  lui  fait  prendre 
Sî-t&c  les  traits  du  malheureux  Polemon.  Cfêonice 

trompe»  &  vient  lui  confier  qu'elle  a  feçii  une  let- 
I  de  (on  père,  qui  lui  mande  qu'il  veut^la  inarier  à  un 
ind  Seigneur  :  le  feint  Polemon  fe  défefpere  ;  &  en* 

ils  prennent  le  parti  de  s'enfuir  enfemble.  Peu  de 
ns  après  )  Cléonice  apprend  la  mort  de  (on  pere> 
qui  la  détermine  à  revenir  dans  (on  pays  avec  celui 
*elle  prend  toujours  pour  Polemon  ;  ils  rencontrent 
lilidas»  père  de  Polid^r ,  qui  croit  que  Ion  fils  a  é£<é 
î  par  Polemon  5  &  qui  »  s'imagin^ot  voir  (on  meur- 
er  y  fond  fur  lui  pour  fe  venger.  Le  feint  Polemon 
i  remet  alors  la  bpëte  magique  ;  &  fur  le  champ 
lilidas  reconnoit  (on  fils  ^  l'embraiTe  ;  mais  Cléoni<- 
détrompée  ne  refpire  qge  vengeance  contre  le  vain* 
lear  de  (on  amant ,  qgand  tout  à  coup  les  cho(e8 
ippaifent  9  par  l'apparition  fubite  de  l'ombre  de  Po- 
mon  ,  qui  apprend  à  Cléonice  que  Polidor  >  loin 
^tre  un  fimple  berger»  étoit  le  vrai  Polemon  qu'on 
oit  changé  en  nourrice ,  &  que  lui  au  contraire  qui 
oit  porté  le  nom  de  Polemon  9  n'étoit  le  fils  que  d'un 
Luvre  paftre.  On  confulte  l'Oracle  »  qui  confirme  ce 
le  Tombre  venoit  de  dire  ;  &  Polidor  époufe  Cléo- 
ce^  &  Dorante  Arimene }  que  le  Magicien  a  guérie. 


rome  11.  E, 


0%       THEATRE  FRANÇOIS, 

t6)0. 
RAM  PÂLE. 

i 

B^jLjNDE  9  Tragi-Comédie ,  où  parmi  le  mèlao^ 
ge  agréable  de  diverfes  variétés  ^  deux  PrinceiTes  ar- 
rivent ait  cofrible  de  leurs  delirs ,  dédiée  à  M.  de 
Toumoui  IJy€IK,  P.  Drobct,  1630.  i)i.8*. 


•o  • 


DOROTHE'E,oa  LA  VICTORIEUSE 
MARTYRE  De  Ï-'AMOUR,  Tragédie.  Lyom, 
Michel  Ddrand>  1658.  ia-8^. 

(  SUJET  DE  LA  BELINDE.  ]  Cette  pièce  rcf- 
femble  à  plufieurs  autres  «  dont  j'ai  déjà  donné  Tex- 
4rait.  Ce  font  des  amans  &  dt s  amantes  »  déguifés  les 
uns  en  femnies>  4es  autres  eti  hopimes  :  ce  qui  occa- 
fionne  quelques  amours  bizarres ,  &  quelques  avan- 
tures  tris^comiauoes  ;  enfin  on  re<K>nnott  leur  fexe ,  & 
00  les  ttâit  conformément  k  Iturs  defîrs.  Pdidor  & 
Belindeibnt  ies  héros  de  cette  Tragi-Gomédie  >  quife 
termioc  par  leur  mariage. 

{  SUJET  DE  POROTHEE. )  Dorotliée  profef- 
ibît  lêcretement  I^  Loi  de^  Chrétiens^  Aprice  &  Tb^ 
^le  en  deyiespenjc  amoureux.  Chriâiœ  &  Califte;, 
au  4é£elpoir  4e  ce  qu'elle  leur  4  enlevé  Ijeur^aïQ^os^ 
l'acou&nt  d'un  crime  imaginaire ,  if,  la  fom:  vepir  au 
Tribunal  d' Aprice  :  elles  fe  repentent  bien- toc  ()e 
cette  calomnie ,  Dorothée  ayant  publiquement  décla- 
ré qu'elle  eft  Chrétienne^  &  qu'elle  ne  veut  point 


THEATRE  FRANÇOIS.        ^3 

îS'aatre  époux  que  JefusChrift.  PrefTées  par  leur^re- 
rôordj»  >  elles  fe  jettent  aux  pied$  de  la  Sainte  >  qui 
leur  pardonne,  &  qui  les  convertit.  Aprice  au  défe& 
poir  de  cet  événement ,  s'en  plaint  à  fbn  ami  Théo- 
phile y  qui  augmente  encore  (à  douleur ,  en  lui  avouant 
qu'il  eft  lui-même  Chrétien.  Aprice  alors,  fe  livrant 
tout  entier  k  fa  fureur ,  fait  périr  Dorothée  9  Chriftine^ 
Cali(le>  Théophile,  les  valets >  les  fervantes;  &  pour 
que  la  fcène  fût  enfanglantée  par  tous  les  AâeurS;  H 
finit  par  fe  tuer  lui-même.  \ 

N.  DE  RAYSSIGUIER,  aé  à  Alby,  en  Langue- 
doc,  a  exercé  la  profeâion  4' Avocat.  ;.:..  v  ^ 


TRAGI.COME'DIE  PASTORALE,  ^q«  LES 
AMOURS  DAbTREE  ET  DE  CELADON ,  font 
mêlées  à  celles  ^de  Piane  ,  de  Silvandrej  &  iePMsp 
avec  les  inconjlances  d'Ujlas  >  en  cinq  aftes  ^  en  vers  » 
dédiée  à  Mademoifelle  de  Ragny>  avec  un  avis  aa 
Lefteur ,  une  préface  ,  8c  quelques  vers.  Paris  , 
Nicolas  Beffin,  i6)Q.  i/i-'S^. 

La  jB^/nf ,  Pierre  P^vid>  1631.  în-S*. 

L'AMINTE  DU  TASSE,  Tragi-Comédie ,  Pa- 
{lorale  en  cinq  a&es ,  en  vers  >  accomnKtdée  au  théâ» 
tre  François ,  dédiée  i  Monfeigneur  le  Pue  de  Yen-: 
tadour»  Paris,  Aug.  Courbé,  i6}t.in-8'*. 

I.A  BOURGEOISE ,  ou  LA  PROMENADE 

Fii 


84         THE  A  TRE  FR  A  NÇO IS. 

DE  SAINT.  CLOUD,  Tragi -  Comédie ,  en  Ani\ 
aftes^en  vers,  dédiée  à  M.  de  Briois,  Secrétaire da 
Roi  9  Seigneur  de  Bagnoilec,  avecun  avis  au  Leâeurj 
un  argument,  &  des  (lances  à  M.  le  Marquis  d'Ânv? 
bres.  Paris  ,  Pierie  Billaine>  163  3.  m-8^. 

FA  LIN  I  CE,  CIREINICE  ET  FLORISE, 
Tragi .  Comédie  ,  tirée  de  \Afirée ,  de  M.  Honora 
d'Urféi  dédiée  à  M.  le  Comte  de  Vieules.  Paris* 
Antoine  de  Sommaville,  1634.  if^^^* 

FILIDOR  ET  ORONTE,  ou  LA  CELII^E'E* 
ou  LA  CALIKIE  ,  Tragi- Comédie,  dédiée  à  Mada- 
me  de  Rohan.  P  a  Ris,  ToufTaint  Quinet^  1636* 

LES  TUILLERIES  ,  Tragî-Comédie  ,  dédiée  k 
M.  de  la  Lambe  Roquelaure,  Paris  >  Ant.  de  Som» 
inaville ,  16345.  i/I.«^ 

(SUJET  DE  LA  TRAGI-COME'DIE  PASTO- 
RALE. )  Aflrée  acca]>le  Céladon  de  toutes  fes  ïU 
.gueurs  ,  &  jui;défend  de  paroltre  jamais  devant  elle  ; 
ce  malheureux  berger  au  défefpoir  fe  précipite  daos 
le  Lîgnon:  Aftrée,  le  croyant  noyé,  pleure  la  mort  de 
Ion  amant.  *  Cependant  des  pétbeurs  le  retirent  de 
i'eau:  dès  qu'il  eft  rendu  à  la  v^e>  il  ne  s'occupe  que 
des  moyens  de  revoir  fa  maitrefle  ;  &  pour  n'en  être 
pas  reconnu»  il  Te  déguife  en  femme.  Aflréeen  efFefi 
ne  le  reconnoit  point  :  mais  dès  qu'elle  apprehd  qiie 
ci*efl:  le  t-endre  Céladon,  elle  fe  met  en  colère  contiie 
lui>  &  lui  ordonne  d'aller  fe  tuer.  Ce  fidelamaoc ?a 


THEATRE  FRANÇOIS.        8^ 

fout  cxécoteF  les  ordres  de  fa  cruelle  maitrefle  ; 
Aftrée  touchéQ  d'un  tel  ei^cès  d'amour  >  le  rappelle  9 
&  confent  à  l'époufec. 

(  L*  A  M  ÎN  T  E,  )  Cet  ouvrage  eft  une  traduftîon 
libre  de  VAnànta ,  célèbre  Paftorale  italienne  :  je 
n'en  donnerai  point  ki  l'extrait  :  on  le  trouvera  dans 
la  div.ifion  defiin^e  aux  traduâions  des  Poètes  étran- 
gers.  De  toutes  les  pièces  de  Ray(Cgqier ,  celle-ci  eft 
la  mfeux  écrite  >  parce  qu'il  a  fbuvent  traduit  heureu- 
lètnent  les  penfées  délicates  de  l'Auteur  italien  ;  mais 
lorfqu'il  a  voulu  s*en-écarter  9  il  eft  prefque  toujours 
tombé  dans  le  ridicule  le  plus  outré.  En  voici  uo 
exemple  : 

Afiiouc  n^cfl.que  tropi*aoti1  de  mes  pleurs  àttoiaïahf. 
Il  ne  demande  plus  que  mon  fang  8c.  ma  vie  : 
Et  je  veux  en  fuivanc  fôn  inhumaine  enyie^ 
Que  ma  cruelle  Se  lui ,  le  boivent  par  les  yeux. 

(SUJET  DE  LA  BOURGEOISE,  ou  LA 

PROMENADE  DE  SAINT  CLOUD.  )  Camilte  , 

}eune  Florentm  >  amoureux  de  Sylvie,  fur  le  faux 

bruîc  de  fa  mort»  quitte  fa  patrie,  prend  te  nom 

d'AcriTey  va  en  Hollande ,  &  die  là  vient  en  Fiance  , 

avec  A-tis ,  jeune  homme  »  avec  qui  il  s'eft  lié  de  h 

plus  grande  amitié  :  il  trouve  chez  (on  amïuné  certaine 

Clorife.  Cette  Clorife  éfoit  deftinée  en  mariage  à  Atis  : 

Acrife  lui  trouve  une  fi  parfaite  reiTemblsnce  avec  & 

chère  Sylvie ,  (.&  c'ètoit,  elle  en  cfFet  )  qu'il  en  devient 

9jnour.eux  ;  il  fe  livre  à.  6)n  penchant  avec. d'autant 

plus  de  Ëicili£é>  que  (on  aoâ  iui^ avoit  confié»  qu'il. qq 

Fuj 


S6       THEATRE  FRANÇOIS. 

vouloir  point  époufer  Cîorife ,  &  ^u'il  étoît  amoareui 
de  Florifc.  En  même  tcms  utie  bourgcoife  du  volfi- 
nage  devient  éperdumcnt  amoureufe  d'Acrîfe  ;  &  con- 
fioifTant  Tes  fentimens  pour  Olorife,  eHe  employé  tous 
ks  moyens  poifibles  pour  traverièr  fes  amours.  Aucutî 
ùt  lui  ayant  réuffi ,  elle  prend  le  parti  d'avertir  Atil 
que  (on  ami  le  trompe ,  &  quil  e(ï  amoureux  &  aimé 
de  Florife  :  Atis  furieux  fe  bat  Contre  Acrife  ;  on  kl 
fépare  :  &  heureufement  le  père  d'Acrile  arrive  en 
France.  li  reconnok  dans  Acrife  fon  6is  Canaille  :  &  la 
pièce  fc  dénoue  par  le  mariage  de  Clorife  redeve- 
nue Sylvie  avec  fon  amant,  par  celui  d'Atis  avec  Flo- 
rife ,  &  enfiti  par  celui  de  la  Bourgeoife  avec  !e  Se- 
crétaire de  la  maifbn.  Une  partie  de  la  fcêne  fe  paffe 
à  Saint- Cloud ,.  ce  qui  a  occafionné  le  fécond  titre  de 
cet  ouvrage. 

V 

.  (sujet.de  palinice,  cireinice,  et 

FLORIDE.  )  Ces  trois  jeunes  femmes  ont  chacune  un 
acupt;:  ces  amans  ont  des  rivaux  :  &  T Auteur  par- 
yient  par  dp  petûs  nK)yens,  &  par  une  intrigue  très- 
compliquée  à  les  marier  y  fuivanc  leur  de(àr«  Cette 
pièce  n.a  rien  de  remarquable  qu'une  aiTez  grande 
quantité  de  fiances^  qui»  quoique  médiocres»  Cm: 
cependant  ce  qu'il  y  a  de  mieux  dans  l'ouvrage* 

(SUJET   D'ALIDOR    ET  ORONTE.) 

Orotte  aimoit  Calirie  ,  &  en  étoit  aimé;  Alidor,  fon 
fceveu  9  arritfe  d'Angleterre!  voit  Calirie  &  en  der 


THEATRE  FRANÇOIS.        ty 

rîebc  épris  :  il  ne  peut  parvenir  à  s'en  faire  aimer  >  & 
tombe  dans  une  maladie  de  langueur.  Le  Médecin , 
ayant  découvert  le  fujet  de  (on  mat,  l'apprend  à 
Oronte  i  qui  confent  pour  lui  fauver  la  vie ,  de  céder 
la  makreffe  à  Ton  neveu  :  lorCque  le  mariage  eft  pr&e 
t  fè  conclure ,  Caiirie  h\t  les  plus  tendres  reproches 
il  Oronte  y  qui  en  eft  attendri  :  it  lui  demande  pardon  $ 
&  il  obtient,  fa  grâce  f  Alidor  les  furprend  en  ce  mo» 
ment  d'attepdriirement  9  &  veut  fe  tuer  de  défefpoir* 
Caiirie  l'arrête  ^  &  leur  promet  de  les  mettre  bien-tôt 
tous  les  deux  d'accord  :  en  effet ,  elle  fe  défigure  teU 
lement  le  vifage  avec  fon  couteau ,  qu'elle  deviens 
cfEroyable*  Malgré  Texcès  de  (on  changement»  Oronte 
demande  encore  à  Pépoufer  :  Alidor  héfke  :  il  recon^ 
noit  dans  le  même  inftant  une  amante  qu'il  avoit  eue 
en  Angleterre  9  qui  s'étôit  déguifée  en  homme  pour 
le  fuivre  »  &  qui  lui  fait  les  plus  tendres  reproches  fur 
Ibn  inconftance.  Alidor  lui  demande  pardon  flc  Té* 
poufe  ;  &  fop  oncle  fe  marie  avec  Caiirie* 

(SUJET  DES  TUILLERIES.)  Cette  pièce 
porte  ce  titre  ^  parce  que  c'eft  dans  cet  endroit  que 
fe  pafTent  la  plupart  des  événemens*  Alctdon  9  amanti 
de  Daphnide  ,  attaque  dans  ce  jardin  Lucidan  fon 
rivàV  :  ils  fortent  enfembte»  &  vont  fe  battre  près  de 
là  :  on  les  fépare  avant  qif  ils  fè  foient  bleflfés.  On  vien^ 
annoncer  cette  nouvelle  à  Daphnide  fie  à  Clarimene  ^ 
igniCoBt  dans  cette  même  promenade  :  après  quelques 


ê8        THEATRE  FRANÇOIS. 

a&ions  peu  théâtrales  >  &  très-longues  à  décrire  ,  Al2 
cidon  devient  amoureux  deClarimene  &  Tépoufe»  & 
Lucidan  fe  tnarie  avec  Daphnide. 

JEAN  MAIRETj  de  Befançon,  né  en  1610  î 
mort  en >  1 686.  il  fut  Secrétaire  de  M.  le  Duc  de 
Montmorency  )  &  dit  avoir  commencé  à  donner  fes 
pièces  dès  l'âge  de  quinze  ans. 

CRISEIDE  ET  JVRIM  AND  ,  Tragi  -  Comédie; 
Rouen  ,  Jacques  Befogne ,  1630.2/18^. 

LA  SYLVIE ,  Tragi  Comédie ,  Paftorale ,  dédiée 
à  M.  le  Duc  de  Montmorency.  Paris  ,  François 
Targa  ,  1630.  i/ï-8^.  (  Il  y  en  a  plufieurs  éditions.) 

•m' 

LA  SILVANIRE ,  ©u  LA   MORTE  VIVE  i 

Tragi -Comédie)  avec  des  chœurs  &  un  prologue  ^ 
intitulé  ;  TAmpur  Honnête,  dédiée  à  Madame  la  Du- 
cheffe  de  Montmorency ,  avec  un  argument ,  &  une 
préface  en  forme  de  difcours  poétique,  à  M.  deCra*. 
maiU  Par  i  s  ,  François  Targa ,  1 6  3 1 .  in-  4°. 

LES  GALANTERIES  DU  DUC  D'OSSONE  , 

Comédie  dédiée  à  Antoine  Brun ,  Procureur  Général 
au  Parlement  de  Dple^  Ibn  très- cher  ami.  Cette  épî- 
tre  eft  intitulée  :  Comique  Cf  JingulieTe.  Pari  S  j  Ro- 
colet,  1656.  w-4*'. 

LA  VIRGINIE,  Tragi-Comédie ,  dédiée  à 
la  Reine.  Paris,  Rocolet ,  16} s*  w-4^« 

LA  SOPHONISBE,  Tragi  Comédie ,  dédiée  ii 
M*  le  Garde  des  Sceaux.  ( Sfguier  )  Paris  >  Rocolet.^ 


THEATRE  FRANÇOIS.       89 

MARC- ANTOINE,  ou  LA  CLEOPATRE, 

Tragédie»  dédiée  à  M.  le  Comte  de  Belin.  PauiS, 
Sommaville,  1627.  w-4^. 

LE  GRAND  ET  DERNIER  SOLIMAN ,  ou 
la  mort  de  Mudapha»  Tragédie^  dédiée  à  Mad.  la  Du- 
cheiTe  de  Montmorency.  PÀRiS,Coarbé»i639.ÎAi-4^, 

LE  ROLAND  FURIEUX ,  où  Te  trouve  joint 
rfpifode  de  Zerbin  &  dTfabelle  ,  Tragi- Comédie» 
dédiée  à  M.  Belin.  PariS'»  Courbé»  1640.  i/i*4?. 

LILLUSTRE  CORSAIRE ,  Tragi  -  Comédie  , 
dédiée  à  Madame  la  Duchefle  d'Aiguillon.  Paris> 
Courbé»  1640.  in- 4^. 

ATHENAIS,  Tragi. Comédie,  dédiée  à  M.  TE. 
vêque  du  Mans.  (La  Fené)  Paris  »  Brequigny  ^ 
i64£«in-4^. 

LA  SIDONIE ,  Tragî-Comédîe  Héroïque ,  dédiée 
à  Mademoifelle  d'Haute  fort.  Paris»  Sommaviile  > 

1643.  2/l*4^. 

(SUJET  DE  CHRISEIDE.)  Arimand&  fa  chère 
Chrifeide  font  prifonniers]  dans  la  même  Ville  ,  & 
ils  ignorent  le  fort  l'un  de  l'autre.  Le  Roi  Gondebaut 
devient  amoureux  de  fy.  captive  >  &  lui  fait  faire  des 
propofitions  par  un  de  (es  pages  :  Chrifeïde ,  fidelle 
à  Arimand  »  rejette  la  paffion  du  Roi;  enfin  par  le  (è- 
cours  d'un  confident  zélé ,  elle  trouve  le  moyen  de  (e 
ûuver  avec  fon  amant.  Le  Roi ,  au  défefpoir ,  fait 
courir  après  eux  :  on  lui  ramené  Chrifeïde;  elle 
tft  conduite  à  l'Autel  7  où  Gondebaut  compte  l'é- 


ço        THEATRE   FRANÇOIS. 

poufer  ;  le  Sacrificateitr  eft  prêt  à  les  unir.  Chriféïde 
fe  faific  alors  du  couteau  facré,  embraffe  le  tombeau 
des  amans ,  azyle  inviolable  dans  ce  Royaume  >  & 
adrefl'è  ces  mots  au  Roi  : 

Grand  Roi  >  je  f  ure  ici  la  puiâance  adorable 
De  ce  Dieu ,  dont  le  nom  vous  eft  tant  vénérable  » 
I3b  ce  gcand  Testâtes  * ,  i^  qui  tous  vos  autels 

(  *  Nom  de  la  Divinité  adorudans  ce    Ttm^U) 
Rendent  incefli^nent  des  honneurs  immortels, 
Que  jamais  le  mépris  de  ta  royale  couche 
Ne  me  fît  recourir  au  tombeau  que  je  touche  } 
£t  n'etoit  qu'un  premier  en  mon  ame  a  pris  lieu  p 
Afin  de  t'epoufer ,  je  quitterois  un  Dieu  : 
Mais  fans  me  parjurer ,  &.  fans  trahir  ma  flame^ . 
7e  ne  puis  recevoir  un  autrie  feu  dans  Tame  ; 
Ferme  jufqu*à  la  mort  dans  ce  premier  deflèin^ 
Xt  ptête  â  me  porter  ce  couteau  dans  le  fein  y 
Si  l'on  me  veut  titer  du  tombeau  que  j'embraflè. 

Le  Roi  veut  cependant  la  forcer  à  quitter  cet  asyle: 
le  Grand  Prêtre  le  menace  de  la  colère  du  Dieu.  Le 
Roi  infifte  encore>lorfqu'Arimandparoit/&  fe  dévoue 
à  la  mort  pour  fauver  les  jours  de  Chriféïde.  Le  Roi 
fe  livre  d'abord  à  la  plus  violente  colère  ;  enfuite  il 
balance  entre  la  générofité  ou  la  vengeance  :  enfin  il 
fe  laifTe  toucher,  &  confent  au  mariage  de  ces  àcùs 
i^mans,  qu'il  comble  même  de  bienfeits* 

\  (  SUJET  DE  SYLVIE.  )  Thelamc ,  fils  du  Roi 
âp  Sicile ,  amoureux  de  Sylvie»  jeune  bergère^  prend 
\ks  habits  de  berger  pour  la  voir  plus  familièrement  : 
h  bergère  répond  à£t  paffion.  Ces  deux  amans  vi- 


THEATRE  FRANÇOIS.        çt 

toient  beuretix,  quand  le  Roi,  inftruit  de  ceteeineri*^ 
gue  9  &  voûtant  la  faire  finir  9  propofe  à  fon  fils  de  le 
marier  avec  la  fiile  d'un  Roi  voifin.  Le  Prince  refufe 
ce  mariage.  Le  Koi ,  qui  écoîc  magicien  9  furieux  dei 
refus  de  (on  fils,  Tenchante  lui  &  Sylvie  ;  il  fe  jrepent 
bien*tôt  de  cette  aftîon  ;  mais  il  ft'ayant  pas  le  poq» 
voir  de  rompre  le  charme,  H  fe  livre  à  la  plus  vive 
douleur.  Ffofeftan,  Prince  de  Candie ,  qui ,  fur  le  feut 
portrait  de  Méliphile ,  fceor  de  Tbefame ,  en  étcSt 
devenu  paflionément  amoureux  9  arriva  eu  Sicile  :  il 
apprend  que  le  Roi  avoit  promis  cette  Princefle  efl 
mariage  à  celui  qui  pourrok  rompre  le  charme  9  qu'il 
avoit  jette  for  fon  fils  :  ce  Prince,  non  moins  habile 
magicien  que  le  Rd  9  détruit  bien-tôt  renchantement. 
Le  Roi  acquitte  fa  promeflè  9  &  lui  &it  époufer  Meli« 
phile  ;  il  marie  en  méme-tems  Tbelame  avec  Sylvie* 

Cette  pièce  eut  dans  le  tems  le  plus  grand  fuccès  : 
ce  n'eft  certainement  pas  le  mérite  de  la  verfification; 
je  n'ai  pu  y  trouver  un  feul  vers  à  citer.  Ce  n'eA  pas. 
non  plus  par  la  conduite  ;  elle  eft  commune  &  em- 
brouillée.  Il  faut  apparemment  qu'on  ait  eu  envie 
d*encourager  TAutcur.     , 

(SUJET  DE  LA  SILV ANDRE.)  J'ai  déjà 
parlé  du  même  fufet  fous  l'année  1617.  ^^  rendant 
compte  d'un  ouvrage  ibus  ce  même  titre  >  qui  eft  de 
M.  d'Urfé,  en  vers  non  rimes.  Mairet  n'y  a  fait  d'au« 
tre  changement,  que  de  la  raettfre  en  vers  rimes  très* 
médiocres  i  &  bien  infiîrieurs  à  ceux  noii  rimes  do 


ç^        THE  A  TKE  FR  A  NÇOIS. 

célèbre  Auteur  de  l'Adrée.  Le  feul  mérite  de  cette 
Tragi  -  Comédie  9  c'efl  d'être  imprimée  magnifique- 
cnent  >  &  d'être  ornfe  à  chaque  aâe  d'une  belle  éf« 
campe,  gravée  par  Michel  Laine  ^  qui  eft  relative  au 
ifajet. 

(SUJET  DU  DUC  D'OSSONE-)  Le  Ducd'Ot 
fbne  efl  amoureux  d'Emilie ,  femme  du  Seigneur  Pau« 
lio  ;  celui-ci  devient  jaloux  de  Camille  ^  amant  de  (à 
femme ,  &  le  fait  aflaffiner.  Il  fe  fauve  enfuite  chez  le 
Duc  d'Oifone  ^  qui  lui  donne  azyle  dans  une  maifon 
à  trente  lieues  de  Naples.  Avant  de  partir ,  Paulin 
laifTe  fa  femme  en  garde  à  Flavie ,  fa  fœur ,  jeune  & 
jolie  veuve.  Le  Duc ,  profitant  de  l'abfence  du  mari  » 
va  la  nuit  fous  les  fenêtres  d'Emilie  :  il  y  trouve  une 
échelle  de  corde  ;  il  en  profite  «  monte  %  &  trouve 
Emilie  déguifée  en  homme  &  prête  à  fortir  ;  il  lui  bit 
l'aveu  de  (on  amour.  Emilie  lui  dit  qu'elle  n'y  peut 
répondre ,  &  lui  avoue  qu'elle  aime  Camille  ;  elle  im- 
plore (a  générofîtéy  pour  l'aider  à  tromper  une  vieille, 
avec  qui  elle  efl:  obligée  de  coucher  ;  &  le  prie  de 
vouloir  bien  tenir  fa  place  »  pendant  qu'elle  ira  rece- 
voir les  derniers  (bupirs  de  ion  amant*.  Comptant  fur 
fa  reconnoiffance  »  le  Duc  confent  à  tout  ;  &  Emilie 
fort.  Cependant  Flavie,  cette  prétendue  vieille»  qui 
a  entendu  toute  la  converfation ,  veut  profiter  de  Pa- 
venture.  On  la  voit  dans  (on  lit,  feignant  de  dormir ^ 
&appellant  en  fonge  le  Duc  d'OfTone.  Le  Duc,  fur- 
pris  &  piqué  de  curiofitéi  veut  voir  celle  à  qui  il  ini^ 


THEATRE  FRANÇOIS.        gj 

nre  une  R  i^rande  pafllon  :  il  la  regarde  ^  voie  une  jeu- 
le  &  jolie  perfonne ,  au  lieu  de  cette  vieille  duègne 
ja'on  lui  avoit  annoncée  y  &  fe  jette  entre  Tes  bras; 
Emilie  revient,  &  ignore  ce  qui  vient  defe  pafTer. 
Camille  fe  trouve  tout- à  coup  guéri ,  oublie  Emilie  » 
devient  amoureux  de  Flavie  >  &  lui  demande  un  ren« 
dez-vous.  De  (on  côcé  >  le  Duc  en  obtient  un  d'Emi« 
lie  t  qui  eft  piquée  de  l'infidélité  de  ion  amant.  Le 
Duc  &  CaiÀille  font  introduits  dans  la  maifon  >  ti  îQ^ça 
Tan  de  l'autre;  les  deux  fœurs  cherchent  à  fe  trom*- 
per  mutuellement,  &  fe  trompent  elles*  mêmes  lor& 
qu'elles  font  entrer  leurs  amans  ;  Flavie  prend  le  Duc 
d'OiTone ,  &  Emilie ,  Camille  :  cette  fituation  eft  co^ 
mique  &  théâtrale;  mais  Mairet  n'en  a  pas  fçu tirer 
parti.  Emilie  &  Flavie  fe  font  l*aveu  de  leur  foibleife» 
iè  pardonnent  leur  mutuelle  méfiance^  &  vont  coucher 
avec  leurs  amans. 

On  voit  par  cet  extrait  combien  cette  pièce  pèche 
contre  les  bonnes  mœurs  ;  les  détails  le  prouvent  en- 
core davantage  :  elle  eft  aflez  bien  conduite  i  maisfoi* 
blement  verlifiée.  Je  n'ai  pu  trouver  que  ces  quatre 
vers  contre  la  jalouGe  ,  qui  valûlTent  la  peine  d'être 
cités.  Emilie  parte  de  l'airafimat  commis  contre  fon 
amant. 

Ce  font  de  ces  effets  y  exécrable  vipère 
Qui  pique&  en  naldanc  ton  miferable  père , 
Monflre  de  jaloufîe  y  à  qui  cent  yeux  au  front] 
UefoQC  pas  yoix  e&€0r6  lesob|eu«çU4a*ili  rant«^    ' 


54        THEATRE  FRANÇOIS. 

(SUJET  DE  VIRQINIE.)LeRoideThrace 
avoit  un  fils  ;  celui  d'Epire^  une  fille  ;  ces  deux  Monar- 
ques avoient  confié  leurs  enfans  à  Calidpr  ^  qui  étoit 
un  Mage  refpe&é  dans  tout  le  pays*  Ce  fçsivant  hom- 
me avoic  lu  dans  l'avenir  que  ces  enfàns  dévoient  être 
m  jour  funeftes  aux  auteurs  de  leur  naiOT^^tice.  Pour 
Jeur  empêcher  de  commettre  ce  crime  ahomioable ,  il 
»*enfuit  à  Rome  avec  euK>  fHit  courir  1^  bruit  de  leur 
mort  t|^  les  fait  ié|ever  comme  frère  Se  fi^ux.  jLe  Roi 
d'Ëpire  meurt  ;  Euridicei  fa  veuve  i  déclare  la  guerre 
à  Clearque^  Roi  de  Thrace.  Un  naufrage  av<ût  jette 
en  Epire^  Perifi^re  9ç  Vir^nie,  firer^  &ç  fflpur»  Pe- 
rifudre  quî  fervoic  dans  l'armée  de  la  Reine  y  s'y  étoit 
fort  diAingué ,  ^  avoit  même  bleflé  le  Roi  Clearque. 
^ndromire  ,  coufme  d'Suridice  ,  devient  amoureufe 
4e  Pcriandre ,  ^  lui  découvre  fa  paflSon  ;  celui-ci  ne 
Teut  point  l'écouter;  elle  cherche,  à  s*en  venger;  & 
par  le  confeil  de  fa  nourrice  »  elle  charge  des  aiTafllns 
de  le  tuer.  Elle  cpit  avoir  été  obéie»  &  veutaufld 
fftire  mourir  Virginie^  eeUe  ci  échappe  au  danger  ;  Se 
fe  réfugie  auprès  d'Euridice,  à  qui  elle  compte  Ton 
aventure*  La  Reine  la  prend  fous  fa  prote(%ion*  La 
pourrice  >  furieufe  que  cette  viâdme  lui  foit  échappées 
&  craignant  même  que  la  Reine ,  qui  avoit  paru  avoir 
quelques  foupçons  contre  elle  ^  ne  découvrit  à  la  fin 
fes  intrigues  criminelles,  cherche  à  la  prévenir^  fie 
perfuade  à  Ândromire  qu'il  eft  néceflaire  d'accufer 
Euridice  d'avoir  eu  un  icommerce  criminel  avecPe« 


THEATRE  FRANÇOIS.  95 

idre.  Amintas  >  amoureux  d'Andrormre,  k  propofe 
ir  Ibucenir,  les  armes  à  la  iQS^iii,  la  vérité  de  cette 
:tt&cion«  Cependant  Periandre  qui  airoit  édiappé  à 

aiTaffins  >  &  qui  craîgnoit  les  fureurs  d'Andtomire  f 
toit  réfugié  chez  Clearque  ^  qui  l'avoit  reçu  avec 
nté.  Dès  qu'il  apprend  le  danger  de  la  Reine  &  de 
fœur  9  il  demande  à  fon  nouveau  proteâeur  la  per- 
iffioD  de  les  aller  défendre.  Clearque  y  confelit  ôc 
ut  même  l'accompagner.  Ils  entrent  dans  la  carrie- 

;  Periandre  combat. &  bleffe  mortellement  Amin* 
8  >  qui  >  avant  que  de  mourir ,  découvre  toute  Tin- 
igue,  &  juftifie  la  Reine.  Le  vainqueur  fe  décçuvre 
ors>  Scfkit  connoitre  (on  compagnon.  Euridice,  toiH 
lée  de  la  générofité  de  Clearque  >  fait  la  paix  avec 
\  Prince.  Dans  le  même  tems ,  Calidor  >  ce  Mage  » 
li  avoit  été  chargé  d'élever  le  fils  de  Clearque  &  la 
le  d'Euridicej  arrive  en  Epire.  Il  découvre  à  Clear« 
3e  que  Periandre  eft  fon  fils  9  &  à  Euridice  que  Vir* 
inie  eft  (à  fille  :  il  leur  appretid  en  mème^ems  le 
iotif  qui  Tavoit  engagé  à  faire  courir  le  bruit  de  la 
lort  de  ces  deux  encans  ;  &  déclare  qu'aftuellemenft 

n'y  a  plus  rien  à  craindre  ;  &  que  l'oracle  étoit  ac« 
ompli  y  puifque  Periandre  avoit  bleiTé  fon  père  dans 
n  combat^  &  que  Virginie  avoit  été  caufe  de  l'im' 
ofiure  de  la  nourrice  »  fous  laquelle  fa  mère  avoit 
lenfé  fuccombèr.  On  imagine  aifément  que  le  dé- 
louement  de  cette  Tragi-Comédie  eft  le  mariage  de 
'eriandrç  avec  V^gloic» 


SS        THEATRE  FRANÇOIS. 

En  général  cette  pièce  efl:  mieux  &ite  que  la  pré« 
cédente  9  tant  pour  la  conduite  que  pour  la,  verfîfîca- 
tion  ;  il  n'y  a  cependant  nul  endroit  bien  frappant  ;  & 
je  n'y  ai  trouvé  qu'un  morceau  du  récit  d'une  tempê- 
te ,  qui  mérite  peut  être  l'attention  du  Leâeur  :  c'en  ^ 
Periandre  qui  rend  compte  à  Clearque  comment  il 
avoit  abordé  en  Epire» 


le  iPilote ,  â  qui  l'art  &  les  périls  paiïèz 
Moncroienc  ceux  dont  alors  nous  étions  menacez  ^ 
S'écria  :  voiles  bas ,  te  que  chacun  s'aprête 
l       A  combatre  aujourd'hui  la  plus  fiere  tempête 
Qui  jamais  ait  troublé  la  bonace  des  flots. 
A  peine  achevoit-il  ces  véritables  mots , 
Que  le  ciel  entr'ouvert  nous  déclare  la  guerre  , 
Par  un  éclair  ûiiv i  d'u  n  grand  coup  de  ton  aère  s 
£t  comme  fi  ce  bruit  eut  été  le  fignal 
Pour  nous  épouvanter  d*un  aflfaut  général , 
Va  déluge  de  pluye»  un  orage  de  grêle, 
De  foudres  &  d'éclairs  nous  chargea  pêle-mêl; 
£t  nous  eûmec  raifon  de  craindre  également 
le  malheur  du  naufrage,  &  de  l'embrafement* 
Quelques  traits  de  clarté  ne  perçoient  les  ténèbres. 
Que  pour  rendre  à  nos  yeux  les  objets  plus  funèbres,^ 
£t  montrer  fur  le  £iont  des  plus  vieux  matelots 
L'image  de  la  mort  errante  fur  les  flots , 
Qui  tantôt  s'abaiffoient  en  profondes  vallées, 
£r  tantôt  fe  hauflbient  en  moi^^tagnes  (allées; 
De  forte  que  je  crois  que  la  vague  atteignit 
Jufqu'à  la  région  du  feu  qu'elle  éteignit; 
Car  les  fureurs  du  ciel  enfin  dindnuerenty    ice» 

(SUJET  DE  SOPHONISBE.)  J'ai  déjà  donné 
l'extrait  de  deux  pièces  fous  le  même  titre  ;  la  pre- 
mière fous  l'année  1581.  à  l'article  de  Nicolas  de 

Montreuz , 


THEATRE  FAANÇOIS.         ^7 

Montreux ;  la  féconde,  fous  l'année  1 585.  à l'artide 
de  Claude  Mermec.  Ainff  je  n'en  donnerai  point  de 
celle  de  Mairet  ;  c'eft  fans  doute  le  meilleur  ouvrage 
de  cet  Auteur.  Animé  par  les  grands  fuccès  de  Cor* 
neille,  Mairet  s'eft  furpafle  dan^ cette  pièce,  qui  eft 
fagemenC  conduite,  dont  les  versant  harmonieux  & 
afTez  pleins  d'idée»  &  qui  eut  la  gloire  d'occuper  le 
théâtre  pendant  foixante  Repréfentations  avec  les  mê- 
mes applaudiflemens.  Quelques  années  après ,  le  grand 
Corneille  traita  le  même  fujet  ;  mais  autant  dans  fa 
Sophonisbe,  Mairet  eft  audeffusde  lui-même, autant 
dans  la  (ienne ,  Corneille  eft  au-delTous  de  l'Auteur  de 
Cinna  :  &  je  crois  malgré  la  différence  du  génie ,  des 
talens  &  de  la  réputation  des  deux  Auteurs  y  que  Ton 
doit  donner  la  préférence  à  celle  de  Mairet. 

(SUJET  DE  MARC  ANTOINE.)  En  1682. 
le  Sieur  de  la  Chapelle  a  traité  le  même  fujet  fous  le 
titre  de  Cléopatre.  La  bataille  d'A&ium,  la  mort  d'An- 
toine ,  celle  de  Cléopatre  ,  la  générofité  d'Oâavie  » 
fœur  d' Augufte ,  &  répudiée  par  Antoine  y  font  des 
points  d'hiftoire  trop  connus^  pour  que  je  croye  devoir 
donner  l'extrait  de  cette  Tragédie  y  dont  la  conduite 
&  la  verfîficacion  ne  peuvent  pas   faire  honneur  à 
l'Auteur  ,  ni  exciter  la  curiofité  du  Leâeur.  Je  n'en 
rapporterai  qu'un  endroit  ^  pour  prouver  que  dans  les 
naauvaifes  pièces»  on  peut  quelquefois  en  tirer  de 
grandes  idées.  L'on  fe  rappelle  fans  doute  ces  quatre 
vers  9  qui  ont  été  (i  applaudis  fur  notre  théâtre  ^  & 
qui  le  font  encore  lorfqu'on  repréfente  la  Cléopatre  du 
Sr  de  la  Chapelle.  Pour  en  faire  fentir  toute  la  beauté, 
Je  vais  rappeller  les  (ituations  où  Eros  les  prononce. 

Antoine  vaincu  vient  chercher  fa  confolation  dans  les 

bras  de  Cléopatre  >&  apprend  la  mort  de  cette  Rçi- 

Tome  IL  G 


98      THEATRE  FRANÇOIS. 

ne;  cet  infortuné  Romain  fe  livre  au  plus  affreux 
défefpoir  >&  n'ayant  plus  rien  (jui  ne  lui  rappelle  Tes 
malheurs ,  il  prend  le  parti  de  mourir  ,  donne  foQ 
épée  à  Eros  (on  confident,  &  lui  ordonne  de  le  tuer: 
Eros  reçoit  avec  reipeâ:  le  gîaiye  de  fôp  makre  y  & 
lui  die  : 

Détournez  un  moment  votre  augufle  vifage. 
Donc  rafped  révéré ,  glaceroit  mon  courage* 
Vous  donner  le  trépas  ,  ce  feroic  vous  trahir  % 
Je  vous  dois  feulement  l'exemple  de  mourir  ; 
Imitez  moi. 

Eros  fe  frappe  dans  le  même  inftatit ,  &  Antoine  fe 
tue  de  la  même  épée.  Dans  cette  même  fituation  i 
Mairet  fait  répondre  à  Lucile  ,  ami  d'Antoine  : 

Seigneur  ,  puifqu*!!  vous  plaît  que'  je  fois  Phomicidc 
De  la  race  4'£née  &  de  celle  d*Alcide, 
Détournez  ,  )e  vous  prie ,  ou  cachez  à  mes  yeux 
Cet  augufte  vifage ,  &  ce  front  glorieux , 
Que  l'ai  vu  commander  à  tant  de  milliers  d'hommes. 

Après  avoir  prononcé  ces  mots,  Lucile  fe  tae. 
Antoine  >  frappé  de  la  générofité  de  Ton  ami»  fuit  fca 
exemple. 

(SUJET  DE  SOLIMAN  ou  DE  LA  MORT  DE 
MUSTAPHA.)  Un  avertiffement  que  l'on  trouve  à 
la  tête  de  cette  Tragédie ,  annonce  que  l'Auteur  l'a 
compofée  avec  beaucoup  de  (bin ,  &  qu'elle  eft  dans 
toutes  les  régies  du  théâtre.  Il  eft  vrai  que  l'unité 
de  lieu  &  d'aâion  s'y  trouve  >  &  que  la  régie  dts 


THEATRE  FRANÇOIS.        59 

irtngt  &  quatre  heures  y  eft  ohfcrv^e  ;  mais  pour  cela 
la  pièce  n'en  eft  ni  plus  intéreflante,  ni  mieux  veriifiéç  : 
en  voici  t'intrigue.  Mudapha  f  fils  de  Soliman  &  de 

Roxefane ,  a  été  changé  dès  le  berceau  :  &  lorfque 
ce  Prince  eft  (brci  de  l'enBince»  fa  mère,  qui  le  croie 
fils  d'une  Sultane^  fa  rivale 9  cherche  à  le  perdre 
dans  l'efpric  de  Sûliman  :  elle  l'accufe  d'avoir  une 
intrigue  criminelle  avec  la  fille  du  Roi  de  Perfe  9  dont 
il  eft  amoureqx  y  &  qu'elle  fait  pafler  pour  un  efpion  9 
à  caufe  que  cette  jeune  Princeffe  eft  déguifée  fous  des 
habits  d'homme.  Soliman  fe  laifle  prévenir  contre  Mu- 
flapha>  &  renvoyé  au  fupplice ,  lui  &  fa  maîtrefle. 
A  peine  l'exécution  eft-elle  finie ,  que  Roxelane  ap- 
prend que  ce  même  Muftapha  ,  qu'elje  vient  de  faire 
mourir,  eft  fan  propre  fils  :  livrée  aux  plus  affreux 
défefpoir,  elle  fe  perce  le  cœpr,  &  la  pièce  finit. 

(SUJET  DE  ROLAND  FURIEUX,)  M.  QuU 
nault  a  renfermé  toute  cette  Tragi- Comédie  dan?  le 
quatrième  &  cinquième  aile  de  fon  opéra  de  Roland  ; 

c'eft  abfolument  la  même  marche.    Roland  cherche 

Angélique  ,  il  entre  dans  une  forêt  où  il  trouve  fur 

les  arbres  (on  nom ,  gravé  avec  celui  de  Medor.   Il 

appelle  des  bergers  9  à  qui  il  demaqde  quel  eft  ce 

Médor  ;  on  lui  racont»  route  fon  hiftoire ,  &  on  lui 

montre  le  bracelet  qu'Angélique   leur  avoit   donné 

pour  récompenfe.    Roland ,  au  défelpoir  ,  s'enfonce 

dans  la  forêt ,  où  il  devient  furieux  ;  il  déracine  les 

arbres ,  tue  les  bergers  &  les  troupeaux  >  Sec.  Mairec 


tào       THEATRE  FkANÇOÎS. 

y  a  ajouté  l'épître  d'IfabeUe ,  de  Zerbin  ^  de  Rôdo* 
lùonc.  Ce(l  dans  cette  même  pièce  que  l'on  trouve 
deux^vers  bien  connus.  Aronce,  un  des  Officiers  de 
Rodomont  ^  lui  dit  qu'il  a  trouvé  deux  poinçons  d'un 
vin  mufcat  excellent^  &  qu'il  n'ofe  les  lui  offrir  à  caufe 
que  la  loi  lui  défend  d'en  boire  :  Rodomonc  lui  ré« 
pond  : 

Ne  croyant  de  ma  loi  que  ce  qiiMt  en  faut  croiire  , 
Sur  couc  quand  il  s'agit  de  manger  ou  de  boire  , 
S'il  efl  tel  que  tu  dis ,  j*cn  ptendrai  largement. 

A  R  O  N  T  £. 

£t  votre  Majellé  fera  tris-fagement. 

Cependant  Roland  de  plus  en  plus  furieux  y  rea< 
contre  Rodomont  j  le  renverfe  ^  &  pourfuit  toujours 
un  berger  >  i|u*il  jette  enfin  par-deffus  la  plus  hautç 
montagne.  Content  de  cet  exploit ,  il  veut  (e  repo- 
fer }  lorfqull  voit  un  monftre  contre  lequel  il  veut  com- 
battre ;  c'étoit  le  Dieu  du  Sommeil ,  il  fuccombe  fous 
les  charmes  &  s'endort  Adolphe  arrive  fur  l'Hippo- 
griphCf  lui  rend  la  raifbn  9  le  fait  monter  en  croupe 
fur  (on  cheval  ailé,  &  lui  dit  : 

•    ..«•.••••.    Serrez  les  genoux  9 
J*enfile  un  grand  chemin ,  où  les  plus  belles  bottes 
Peuvent  impunément  faire  la  nique  aux  crottes  : 
£c  lî  Ton  n*a  fermé  le  palfage  dts  airs. 
Nous  verrons  aujourd'hui  Charlcmagne  &  Tes  pairs. 

(SUJET  DE  L'ILLUSTRE  CORSÀII^,) 


THEATRE  FRANÇOIS.        toi 

épante  >  Prince  de  Sicile ,  étaat  à  MarfeiHe ,  devienc 
noureux  &  eft  aimé  de  la  PrincefTe  Ifinénie  ;  oblU 
S  de  s'abrencer  pour  quelque  tetns  ,  il  lui  demande 
être  admis  un  foir  dans  (k  chambre  >  pour  prendre 
>ngé  d'elle.  Il  y  vient  :  l'excès  de  fon  amour  >  la  cen- 
refle  ye  lui  promet  Ifménie ,  Toccafion  enfin  l'en- 
ige  à  vouloir  lui  dérober  un  baifer.  La  Princefle^  ftl« 
eufc  de  cette  témérité  ,  lui  défend  de  jamais  repa« 
>itre  devant  elle  :  le  Prince  veut  fe  juftifier ,  mais  en 
lin  ;  elle  ne  veut  point  Técouter.  Croyant  alors 
^oir  perdu  tout  efpoir  de  l'attendrir  i  il  fe  jette  par 
le  fenêtre,  &  fe  précipice  dans  la  mer.  Ifn^nieeftaa 
îfefpoir  de  la  mort  de  fon  amant  f  8c  devient  folle  i 
n  l'emmené  dans  une  mai(bn  de  campagne  >  &  oâ 
it  courir  le  bruit  de  fa  mort.  Au  bout  de  deux  ans  f 
ti  Médecin  la  guérit  :  on  la  ramené  à  MarfeiHe  avec 
»ute  9  fa  raifon  ;  mais  plongée  dans  une  mélancolie^ 
où  rien  ne  la  peut  tirer.  Lypas ,  Roi  de  Ligurie  » 
n  s'étoit  emparé  des  Etats  de  Sicile  i  depuis  la  perte 
î  Lépante»  arrive  à  MarfeiHe  ^  devient  amoureux 
Ifménie  ^  &  la  demande  en  mariage  à  Dorante  » 
rince  de  MarfeiHe  i  &  frère  de  cette  Ptincefle.  Do^ 
nte  f  enchanté  de  donner  fa  fœur  à  un  Roi  auiC  puit 
nt^la  lui  accorde.  Mais  liménle,  toujours  (idelle  à 
mémoire  âe  ion  cher  Lépante  j  ne  veut  point  en- 
:ndre  parler  de  ce  mariage.  Voilà  l'état  où  font  les 
bofes  »  lorfque  la  pièce  commence.  Il  faut  fçavoir  en- 
ore  que  Dorante  j  faifant  un  voyage  fur  mer  >  eft  priç 

G  \\\ 


îox       THEATRE  FRANÇOIS. 

par  des  corfaiïes.  Axâlla ,  Général  de  ces  pîratcJi 
qui  ti>étoîc  point  fur  fés  vaifleaùx  ,  lorrqu'on  le  fit  prî* 
fôntiter ,  apprenant  que  c*eîl  te  Prince  de  Provence ^ 
tju'il  a  tn  fa  poitTànce  ,  lui  rend  autfî  tôt  la  liberté  & 
te  téïivoye  à  MarfeUlè*,  coniblé  des  plus  riches  pré- 
fets ;  feïcigeâtitfèùleriient  de  ce  Prince  de  lin  donner 
fà  parofe ,  qlill lui  accordera  Ifeénie  eh  mariage,  s'il 
là  hiî  demande ,  avant  qu'il  eh  ait  dîfpofé.  On  Tent  bien 
tpie  tèt  Àîcalla  «ift  Lépante.  Des  pirates  fa  voient  re- 
tïtë  de  ï^au,  en  avoient  pris  foin ,  &  ravoîent  rendu 
iàia  Vte.  Bien-tôt  après,  il  fut  înftruit  dubruh  delà 
îtiôtt  dlfttiéhîe  :  cet  amant  malheureux  ne  voulant  pas 
^ûi  fûrvlvïe ,  &  cherchant  un  trépas  glorieux ,  confent 
d'ètfe  le  chef  de  ces  corfaires.    II  fait  mille  aàions 
*éclataft'tts ,  fans  trouver  la  mort  qu'il  cherchoit.  Enfin 
il  apprend  qu'Ifménie  rfell  point  morte,  &  il  brûle  de 
!{i  revoir.  Il  arrive  à  Marfeille  chez  le  même  Méde- 
<;ÎA,  ^û1  ^voît  guéri  laPrTncefle  ;  il  fe  fait  reconnoî- 
trè  à  tùî  >  &  lé  prie  dé  lui  procurer  les  moyens  de 
Vôîr  îôbjet  qu'il  adore.   Ce  Médecin  >  de  tout  tëras , 
attaché  à  Lépaiaté ,  lui  montre  toutes  les  difficultés  de 
^pénétrer  dans  là  retraite  d'tfménle.  Enfin  11  ne  trouve 
«fTàutre  expédient ,  que  de  le  lui  préfenter ,  comme  un 
fol,  qui  pourra  la  diftraire  de  fa  mélancolie.  Rien  ne 
Tui  <:ô\ite  pour  voit  ce  qu'il  aime  ;  fl  fe  déguife ,  eft 
ïhtroâuit  chez  Ifménie;  Scfous  un  nom  fuppofé,  il  lui 
Vacorite  Ton  hiftoire  ;  la  Prîncéfle  étonnée  du  rapport 
qu'elle  à  avec  la  fienne  ,  s'attendrit.  Lépante  profite 


THEATRE  FRANÇOIS.        lo^ 

da  moment ,  &  fis  fait  reconnoitre.  Ils  fe  furent  tous 
deux  une  tendrefle  éternelle  ;  elle  lui  confie  le  défef- 
poîr  où  elle  eftj. par  rapport  à  l'engagement  que  fon 
frère  a  cootra&é  avec  le  Roi  Lypas.  Lépante  lui  pro« 
met  de  lever  bien-tôt  cet  obftade  :  «n  efFet  >  il  en- 
voyé à  Dorante  xm  de  Tes  Lieutenans  ,  avec  une  let- 
tre (ignée  Axalla  ^  où  il  le  fomme  de  fa  parole,  8c 
lui  demande  Ifitiénle  en  mariage  :  Dorante  n'héfite 
pas  f  &  &tt  réponle  à  Axalla  qu'il  peut  arriver  >  âc 
qu'il  ferafépoux  de  fa  foeur.  Le  Roi  Lypas,  inftruît 
de  cet  événement  ^  enlevé  Ifinénie  ;  au  moment  où  il 
eft  prêt  d'entrer  dans  fcs  vaifleaux ,  il  eft  attaqué  par 
Lépante,  qui  déHvne  la  Princeffe,  8c  fait  Lypas  prî- 
fonnîer-  Le  vainqueur  fc  Kit  alors  comioître  pour  cet 
AxaHa^à  qui  Von  a  promis  Ifménie  i  fk  en  mème« 
tems  pour  Lépante  ,  Prince  de  Sicile,  que  l'on  a  cru 
mort.  Dorante  lui  fait  époufer  Ifn>étiie;  &  Lypas  »  pour 
obtenir  fà  liberté  ^  lui  rend  la  Sicile. 

(SUJET  D'AT HE ]5l  A I  S.  ) 

Il'cflrfai»  cher  Paulin,  qto'à  ne  confîdérer 
Que  cette  ma|eftc  qui  nous  fait  adorer^ 
Et  cette  vaine  pompe  étonnant  le  vulgaire  , 
Qui  nous  coâtc'beaucou^  ,&  ne  nous  fert  de  gaett-.  ^ 
Le  peuple  mal  inArufC)»  nous  croie  auffî  cantenc  » 
Que  dans  Tor  &  la  poprpre;,  il  nous  voit  éclatant* 
Mais  ceux  qui  par  fageffe  ,  ou  par  expérience  , 
l^adcnt  de  notre  fort  iyec 'plus  de  ictence^  ** 


to4       THEATRE  FRANÇOIS, 

Sçavenc  que  Ifs  chagrins  &  les  cutfans  foucis 
Sont  avec  les  grands  Rois  dans  les  Trônes  . 

Ccft  rEmperéur  Théodofe ,  qui  ouvre  la  fcène  par 
èes  vers.  On  peut  fe  rappeller  ceux  que  Phocas  dit 
en  coromeuçant -la  Tragédie  d'Héraclius.  Il  eft  bon 
d'obferver  queja  Tragédie  d'Athcnais  eft  de  t6^2ftx. 
celle  d'Héraclius  eft  de  1647—  Théodofe  ne  vouloit 

ppint  fe  marier>  &  fe  piquoit  même  de  méprifer  les 
feux  de  Tamour.  Sa  fœur  Pulçherie  >  qui  n'approuvoit 
point  fon  indifférence  9  lui  dit  qu'elle  vient  de  voir 
dans  Athenais  le  chef-d'œuvrç  dje-  la  beauté  «  de  la 
grâce  &  de  la  modeftie.  Tant  de  louantes  piquent 
la  curioGcé  de  l'Empereur  ;  il.  témoigne  à  fa  fceur  le 
defir  qu'il  aurait  de  voir  cette  jeune  iperveille.  PuU 
chérie ,  fur  le  champ  >  lui  en  procure  Toccafion  ^  &  le 
fait  cacher  dans  (on  cabinet  ^  au  moment  qa'Âthenais 
avec  fan  frère  »  viennent  rendre  la  PrincelTe  juge  de 
leurs  diâérens  y  au  fujet  de  la  fucceiTion  de  leur  père. 
Pulçherie  adjuge  gain  de  caufe  au  frère  ^  &  promet 
la  proteârion  à  la  fœur.  Théodofe  ^  qui  a  entendu  le 
plus  long  &  le  plus  faftidieux  plaidoyer  9  n'en  a  ce- 
pendant pas  été  ennuyé  >  tant  il  eft  enchanté  de  la 
beauté  d'Athenaist  II  avoue  à  Pulçherie  q«11  en  eft 
devenu  pafConnément  amoureux.  Après  quelques  évé- 
nemens  aflez  communs  ^  où  la  vertu  d' Athenais  brille 
toujours  de  plus  en  plus  9  l'Empereur  9  du  confente* 
ment  de  fa  fœur,  fe  détermine  à  Tépoufer*  Au  mo- 
ment où  il  va  être  heureux,  un  obftacle  imprévu  dé- 
truit tout  fou  bonheur.  Athenais  eft  payenne  >  Théo- 


THEATRE  FRANÇOIS.      îo$. 

dofe  eft  chrétied.  On  employé  les  plus  habiles  Doc* 
tears  pour  la  convertir  ;  Atbenais  >  toujours  ferme 
dans  fa  croyance ,  la  préfère  à  la  grandeur  &  à  fa 
tendrefTe.  Enfin  un  confident  de  l'Empereur  »  nommé 
Paulin ,  parvient  à  lui  démontrer  la  vanité  &  l'impuif- 
fance  de  ces  idoles  »  &  lui  fait  connoitre  les  faintes 
?éfités  de  notre  Religion.  Elle  fefàit  chrétienne  :  rien 
ne  femblc^  plus  «'oppofer  au  bonheur  de  Theodofe» 
lorfqu'un  mouvement  de  jaloufie,  auffi  ridicule  que  mal 
fondé  y  lui  fait  imaginer  qu'Athenais  aime  Paulin  :  n'é- 
coutant alors  que  fa  colère  >  il  chafTe  honteufèment 
du  Palais  cette  jeune  beauté  9  yeut  punir  Paulin  de 
fon  infidélité»  &  Te  livre  à  la  plus  affreufe  douleur. 
Enfin  Pulcherie  lui  démontre. la  faufleté  &  TinjuAice 
de  (es  (bupçons;  il  rappelle  Adienaisi  lui  demande 
pardon ,  &  l'époufe. 

(SUJET  DE  SIDONIE.)  Bereminthe,  Reine 
d'Arménie  >  &  mère  de  Pharnace  9  pendant  l'abfënce 
de  ce  Prince  j  conclud  le.  mariage  de  Sidoniet  fille 
d'Arcomene^.  fon  premier  Miniftre»  avec  Cioaxarey 
jeune  Prince  fans  Etats  ;  mais  qm  par  fa  valeur  avoit 
confervé  ceux  d'Arménie.  Ph^nacé  arrive  au  momenfi 
même  où  cet  hymen  alloit  k  conclure  :  l'amour  qu'il 
avoiç  pour  Sidonie»  &  l'oracle. qui  bi  avoit  été  pro^ 
nonce  au  Temple  dç  Jupiter  Ammour  le  déterminent 
jts'oppofer  à  cçtteunion.Cet  Oracle  s'exprimoit  ainfi: 


thS     T^ÊATkÈ  FRANÇOIS, 

la  merveillt  que  tu  chéris , 

Du  plus  4ie«rcttx  des  Rôis'^  desm&rîs  , 

Fera  la  deilinéfei 

£t  les  Dieux  l'aiment  tant  » 

Que  de  fon  hymence, 

t>épcTid  tout  le  bonheur  du  (bepttè  qui  t'attend. 

Pharnace  va  trouver  Ctoaxaure  9  £c  kii  deasailBe  avec 
hauteur  de  lui  céder  Sidonte.  Ce  frince*  lik  de  ia 
parole  4e  là  Reine  9  du  cooTenteii^eiit  d'Arcômene  ^  & 
de  l'ansour  de  Sidoiiile>  réfufe  à  Pbartiace  de  lui  faire 
on  ^refl  ûcdScé  :  oeloioci  s'efflport?e ,  &  met  l'épée 
à  la  main.  La  Reif»>  fortant  en  cet  inflatit^  fe  met  en 
colère  contre  £)n  fils  y  &  confirme  à  Cinaxare  la  pa- 
coleiqu'elle  lui  a^âonnée.  Pharnace  au  défe^k ,  mon- 
Cre  i  fa  mère  l'Orade  4]a'il  avoit  reçu  ^  &  cherche  à 
lui  prouver  que  c'eft  priver  (on  Royaume  &  4bn  fils, 
du  plus  grand  bonheur  >  (i  elle  ne  lui  accorde  pas  Si- 
éonie.  La  fiietne  béfite  quelques  momens ,  &  enfin 
pceod  le  (>aiFti  <de  s*eii  rapporter  à^  la  volonté  des 
Dieux*  ËUe  hk  venir  un  enfant,  met  le  nom  de  fon 
Çk  6c  «oeltii  de  Oaaxare>  dans  «m  vfUfe  >  Se  prononce 
^ue  ie  mora  qui  forcka  le  premier^  ^dééermtoera  xrdui 
qui  ^sm,  obtenir  la  main  de  S£dd«»e  ;  c'eft  celui  ^de 
Pharnace  <qni  fort ,  coQt  le  mc»fide  eft  au  4éfe(poir  ; 
mais  on  prend  lé  parti  4^obén:  ^  à  ce  -que  le  Ciel  vient 
de  décider^  On  conduit  Sidonie  àl'Aùtèl;  mfitle  pré- 
Ëiges  funeftes  fe  maoifeiîentaux  yeux  dés  (peftateurs. 
Enfin  Arcomene  prend  la  parole  >  rappelle  un  ancien 


THEATRE  FRANÇOIS.      loy 

Oracle  qui  annonce  qu^  le  Royaume  d' Arâiéôie  fera 
détruit  t  fi  jamais  une  efclave  ikvient  l'^pcmTe  ^  Roi» 
Il  déclare  que  Sidonie  eft  efclave  >  qu*il  Ta  trouvée 
fur  le  fern  d\ine  eftkve  ex^ranlre  ;  que  tfayaiw  point 
d^enfàns ,  tl  T'^v^  âevée  8t  lait  fdStt  fcnf  <k  fille. 
Enfin  il  fait  t»oîr  tittt  toééaiBe  d'ôir  qw'eMe  av*â8tatei» 
à  fon  xrd  :  un  Sage,  ^qui  fetrouve  dUtts  te  Teriiple^ 
prend  cette  tnédiffle , •&  nprês  î'*vôtr  exa«iiaé,  litf*ife 
que  Don-.fetrlement  >  Î^Artne  ft'éft  fcM  une  ^dWà\f^^ 
maïs  ttfème 'qu'elle 'eft  née  de  Tang  ïoyal.  L'ef(péra¥K:e 
renak  dims  le  cœur  de  PliarnUcfe;  mai*  rffé  eft  bien- 
tôft  Jétruhe  :  re  ftième  Sage  felt  voSr  que  'cette  mé^ 
daille  eft  creofe  i  îl  l'onvrej^  entît»eun  écrit >  pat 
lequel  on  apprend  qUe  Sidbtiie  -eft  néfe  d'i»  itttrtagé 
iecret,  que  le  feu  Roi  Hfrtrpu^fe  ^vcSt  contraâé  mwc 
une  Prîtîceflfe,  qùi'ëtôit  rtiattty  hii  donnant  te  ^jcffer  j 
que  peu  de  tewrs  après  ,  ce  îloi  airoit  ^poi*fé  feéri- 
mimlre ,  &  que  par  xonféquent  ISîdtoîe  écoît  ftefè*  d^è 
Pharnâce  ,  le  calme  tenait  auffi^ôt  >&Cinaxare  ép&ttt 
fe  û  dhôre  Sîdôme. 

1-650» 

LES  AVENTURES  AMOUREUSES  D'OM- 
PHALE  9  fon  combats,  fe  perte,  fon  retour  &  fon 
mariage.  Tragi-Comédie  dédiée  à  Monfeîgnéur,fréi^ 
unique  du  Roi.  'Parts  ,  Pîerré  t!hè>rrfîer,  xSjb.^/s- 
^.  On  trouve  au  commencement  *Me  Ode  au  J^câibir 


to8       THEATRE  FRANÇOIS: 

la  prife  de  la  Rochelle  ;  &  à  la  fin  i  les  amoars  de  ta 
.Bergère  Ifis,  efpece  de  Poëcne. 

(SUJET  D'OMPHALE.  )  Le  Prince  Daphnis  cft 
amoureax  d'Ooiphale  ,  &  en  obtient  un  rendez- vous 
pendant  la  nuit.  Polidon  »  rival  de  Daphnis  y  le  voit 
ibrtir  de  chez  la  Princefle  >  &  entend  &  leurs  derniers 
adieux  ,  &  le  rendez -vous  pris  pour  le  lendemain* 
^Furieux  du  bonheur  de  Daphnis  >  il  veut  le  perdre 
dans  TeCprit  d'Omphale;  il  va  la  trouver ,  &  lui  dit  en 
iecret  i  que  ce  jeune  Prince  té  vante  par  tout  qu'elle 
lui  a  accordé  Tes  dernières  faveurs  :  quelques  parti- 
cularités qu'il  avoit  entendues  9  le  rendez>TOus  don« 
né  pour  la  nuit  prochaine,  qu'il  lui  rappelle,  la  per- 
fuade  de  l'indifcrétion  de  fon  amant  ;  n'écoutant  alors 
que  fa  colère ,  elle  engage  Polidon  à  appeller  Daphnis 
en  duel.  Ce  Pritice  accepte  le  défi,  Çc  fe  porte  au 
cet^dez-vous  :  bientôt  Ton  adverlâire  paroit  ;  il  le  com« 
bat ,  &  le  perce  d'un  coup  mortel.  Mais  quel  eft  l'ex* 
ces  de  fa  douleur  ,  lorfque  dans  l'ennemi  qu'il  vient 
de  vaincre ,  il  reconnoit  ià  chère  Omphale.  Cette  ten« 
dre  amante ,  craignant  pour  les  jours  de  l'objet  qu'elle 
aime  encore  ,  .malgré  (à  jufte  colère  contre  lui  »  avoic 
engagé  Polidon  à  fe  défifter  du  combat ,  &  avoit  elle- 
même  pris  (a  place.  Daphnis  veut  (è  pafler  (on  épée 
au  travers  du  corps  :  Omphale  l'arrête  >  &  exige  mè« 
me  fa  parole  d'honneur ,  qu'il  n'attentera  pas  iur  (es 
jpurs  >  il  le  lui  promeci  mais  voulant  abrplument  périr» 


THEATRE  FRANÇOIS.       M09 

il  va  troaver  le  Roi  »  &  lui  conte  le  crime  qu'il  vient 
de  commettre  •  le  Roi  le  &it  conduire  en  prifon  9  6c 
envoyé  chercher  le  corps  d'Omphale>  pour  le  dépo- 
ièr  dans  un  fuperbe  mausolée.    On  ne  le  trouve  pas  : 
un  Hermite  a  voit  paiTé  à  l'endroit  où  s'étoit  donné 
ce  malheureux  combat;  il  s'étoit  apperçu  qu'Omphale 
refpiroit  encore  1  &  l'a  voit  transportée  dans  fa  retrai- 
te ,  où  il  la  guérit  bien-tôt.  Cependant  Polidon ,  dé- 
chiré par  Tes  remords ,  quitte  la  Cour  9  &  veut  fe  con- 
finer dans  une  retraite.  Il  arrive  précifément  dans  celle 
de  rHermite  »  qui  avoit  rendu  la  vie  à  Omphale.  Il 
ne  reconnoit  pas  cette  Prince(re>  qui  étoit  habillée  en 
berger.  Il  raconte  à  l'Hermite  Tes  aventures»  &  corn, 
ment  il  étoit  caufe  de  la  mort  d'Omphale  :  il  ajoute 
qu'il  va  l'être  auffi  de  celle  de  Daphnis»  dont  on  avoit 
diâeré  le  fupplice  >  pour  l'immoler  fur  le  tombeau  de 
cette  Princefle.  A  ce  récit  >  Omphale  reconnoit  l'in- 
nocence de  (bn  amant ,  &  apprend  ^  en  tremblant  9  le 
danger  où  il  eft.  Sans  en  rien  dire  à  l'Hermite  >  elle 
court  à  la  Ville»  fe  fait  reconnoitre  au  Roi»  au  mo- 
ment même  où  Ton  conduifbit  Daphnîs  k  la    mort; 
Daphnis  juftifîé  époufe   Omphale  ;  &    Polidqn  qui 
arrive  avec  THermite  >  ne  voulant  plus  troubler  le 
bonheur  de  ces  amans  >  donne  la  main  à  la  Princefle 
Méliante^  dont  il  étoit  aimé  depuis  long  tems.  •  •  •  • 
Cette  pièce  n'eft  pas  mal  conduite;  mais  elle  eft  l»eti 
plattement  verfifiée. 


iïù       THEATRE  FRANÇOIS. 

Vers  i6jo. 

LES  MURMURES  DES  FEMMES ,  FILLES 
ET  SERVANTES,  en  trow  aftes,  en  vcr#,  w-S^. 
£iQ8  diitte  >  ni  nom  de  Ville  ni  d'Imprimé  lu:* 

(SUJET  DE  CETTE  PIECE.)  Les  perfonnages 
de  cette  efpece  de  Drame ,  font  tous  des  femmes ,  oa 
des  filles  de  bourgeois  &  d'artiâiis  9  qui  fe  rencon- 
trent 9  &  qui  fe  dirent  mutuellement  qu*elles  font 
mandées  à  la  Ville  9  pour  fubir  la  réformé  ordonnée 
fur  les  habillemens.  Il  n'y  en  a  pas  une  qui  ne  crie  à 
TinjuRice ,  &  qui  ne  prétende  avoir  le  droit  de  por- 
ter le  vêtement  qui  lui  plaira  le  plus.  Il  n'y  a  dans 
cet  ouvrage  ni  conduire ,  ni  intrigue  ^  ni  gayecé  ;  & 
je  n'en  parle  ici  que  parce  qu'il  eft  divifé  en  aâes  1 
&  en  fcènes. 

i63i. 

GEORGES  DE  SCUDEKYj  né  au  Havre-de- 
Grâce,  en  1601.  mort  d'apoplexie  le  14  Mai  i66%* 
de  l'Académie  Françoife..  Il  étoit  frère  de  Mademoi- 
felle  de  Scudery ,  qui  a  donné  plufieurs  ouvrages. 

LIGDAMON  ET  LYDl AS ,  ou  L A  RESSEM- 
BLANCE,  Tragi.  Comédie  9  dédiée  à  M.  le  Duc  de 
Montmorency.  Pa&is,  François  Targa,  163^1.111^ 8^* 

LE  TROMPEUR  PUNI,  ou  l'HISTOIRE 
SEPTENTRIONALE,  Tragi- Comédie,  dédiée  à 
Madame  de   Combalet  ,  avec  une  Préface  lur  let 


THEATRE  FRANÇOIS,         tu 

(Eavres  de  Scuderjr  9  par  M.  de  ChandeviUe.  Paeis  , 
Pierre  BillainC)  1633.  in-S^. 

LA  COMEDIE  DES  COMEDIENS.  Poëme 
de  nouvelle  invention ,  en  cinq  aâe$  9  &.  09  prolo* 
gue,  dédié  à  M.  le  Marquis  de  Coalin*  PA&IS,  Au- 
gufiin  Courbé  >  i  6  3  5  •  in-S^. 

CRANTE .  Tragî-Comédie ,  dédiée  à  Madame  la 
Duchefle  de  Longueville,  Paris  ^  Augudin  Courbé> 

LE  VASSAL  GENEREUX,  Poëtne,  TragJ. 
Comédie ,  en  cinq  aâes ,  en  vers  >  dédiée  àMademoi- 
felle  Rambouillet,  Paris  >  Anguftin  Courbé^  xâ^ô. 

LE  PRINCE  DÉGUISÉ,  Tragî-Comédie ,  dé- 
diée à  Mademoifelle  de  Bourbon.  Paris  »  Aug^fiin 
*Courbé>  \6^6.  i/i-8*. 

LE  FILS  SUPPOSÉ,  Comédie  en  cinq  aôes', 
en  vers  y  dédiée  à  M.  le  Cbevaliçr  de  Saint-Georges* 
Paris  ^  Augu^in  Courbé ,  1636.  i/i-8''. 

LA  MORT  DE.  CESAR,  Tragi- Comédie,  a vc« 
nn  Prologue  du  Tibre  &  de  la  Seine,  dédiée  au  Car- 
dinal de  Richelieu.  Pa  K  l  s  ^  Aug.  Courbé ,  1 6  )  6. 

D ID O N ,  Tragédie ,  dédiée  à  M.  le  Comte  de 
Belin.  Paris  ,  Augufiin  Courbé»  16)7.  1/1-4^.    . 

L^AMANT  LIBERAL  ,  Tragi .  Comédie ,  dédiée 
à  la  RetnCt  Paris  1  Auguilin  Courbé ,  1^638.  in-^^. 


ztx        THEATRE  FRANÇOIS. 

L'AMOUR  TYRANNIQUE,  Tragî  -  Comédie  ; 
dédiée  à  Madame  la  Dachefle  d'Aiguillon ,  avec  un 
difcours  de  la  Tragédie,  ou  remarques  fur  Tamoar 
tyrannique  ,  dédiée  à  l'Académie  Françoîfe  ,  pat 
Sillac  d' Arbois.  (  Jean-François  Sarrafîn  )  P  a  r  i  s  > 
Auguftin  Courbé,  1639.  î«-4®» 

EUDOXE,  Tragî-Comédîe ,  dédiée  aux  Dames, 
par  Eudoxe  même.  Paris,  Aug.  Courbé,  1641. 
î/2-4^. 

ANDROMIRE,  Tragi-Comédie ,  avec  un  avis  aa 
Leâeur.  Paris,  Ane.  de Sommaville ,  1641. 2/1-4^ 

IBRAHIM ,  ou  IILLUSTRE  BASSA  ,  Tragî- 
Comédie»  dédiée  à  M.  le  Prince  de  Monaco.  PariS, 
Nicolas  de  Sercy  •  1643.  in  4^. 

A  X I A  N  E  ,  Tragt-Comédie  ,  en  cinq  aâres ,  en 
Profe ,  avec  une  préface ,  pour  jullifier  la  Profe.  Pa- 
ILiS ,  Nicolas  de  Farcy ,  /  644.  in-^^. 

ARMINIUS,  ou  LES  FRERES  ENNEMIS, 
Tragi Comédie I  avec  une  préface,  dans  laquelle  il 
rend  compte  d'une  manfere  avantageufe  des  (êize 
Poèmes  dramatiques  >  qu'il  a  compofês  ,  &  où  il  die 
que  cet  ouvrage  fera  le  dernier  de  ce  genre  qui  for- 
tira  de  fa  plume»  Paris,  TouiTainc  Quinet,  1644. 
1/1*4^. 

(SUJET  DE  LIGDAMON  ET  LYDIAS.) 

L*amoureux  Ligdamon ,  au  défefpoir  des  rigueurs  de 
Sylvie,  prendle  parti  de  fe  tuer.  Un  de  (es  amis  lui 
.confeille , .pttifqùll  a  le  deflfein  de  mourir,  d'aller  du 

moins 


THEATREFRAKfÇQJS.         iij 

iBcnns  à  rarmée  cberrcKer  un  trépstô^gtone^iXr  II  ac- 
cepte ce  çonfeil  avec  plaifir  9  &  pa^c;  pans^un  autre 
pays»  Lydias^  qui  reflcoibloic  parfakemeuc^à/Lygda- 
mon  >  &  qui  étoit  aimé  d'Amerineri/re  b^c  centre  uq 
de  Tes  rivaux  >  le  tue  1  &  ell  obligé  de  quitter  fa  maÎT 
CrefTe  &  (on  pays.  1^1  arrive  dans  {eHeu^qu||iab\j^ok 
Sylvie  :  cette  belle  f  depuis  le  départ  de  Ligdamon  > 
étolc  devenu  fenfible  à  fes  feux  y  &  cous  les  j6uf:s  pleu- 
roit  fon  abfence;  elle  croît  revoir  fonamanc  ;''elié  lûî 
&it  mille  careiTes  «  &  l'aflure  qu'elle  eft  dé(et  rnipée  it 
répoufer.  Mais  ce  berger >  fidèle  à  fon  An^j^ine-,  rejet^ 
te  les  careiTes  de  Sylvie»  &  TalTure  qu'il  ne  la  connoic 
pas  y  ce  qui  la  met  au  défefpoir.  Tàtidisquè  "cètfe  pan^ 
faite  reflemblance  lui  procuroit  une  auni  bonne  fortune  i 
cette  même  reflembknce  en  procuroit  une  bien  con* 
traire  à  Ligdamon.  Il  e(l  attaqué  par  le  frère  cte  cjeluî 
que  Lydias  a  voit  tué  ;  il  le  bleflTe  :  il  eft  pris  ».  ppur- 
fuivi  comme  meurtrier  ^  &  condamné  ànK>rt.  Cepen- 
dant Amerine  ,.  qui  croit  reconnoitre  fon  amant)  le  dé« 
livre  du  fupplicey  en. demandant  à  Tépoufer.  Lîgda- 
moQ  en  agit  avec  Amerine  »  comme  Lydias  avec  Syl- 
vie ;  &  voyant»  quoiqu'il  puifle  dire\  qu'on  le  coh^ 
doit  malgré  lui  au  Temple,  il  jette  du  ppifpn  dans  Isi 
cpupe.  nuptiale  9  l'avale  >  &,  tombe  fans  conaoiflançQ 
m  pied  de  1* Autel.  Un  ba^rd  heureux  conduit  Ljfi 
dias  &  Sylvie»  dans  ce  même  Temple yjppjKeconno^t 
aoffi^tôt  les  différentes  méprifesqu^ont  occasionnées  1|^ 
parfaite  reffemblance  d|^  Xigdamw  iSc  ^^e  («ydias. 
Tom  IL  ^  H 


ti4       THÉÂTRE  FkÀNÇÔIS. 

Sylvie  veut  (i}îiare%>n  atnaiât  dan^hnuic  datoinbeàa 
quand  ^duî^ui  aV^^it  (o\M\  \t  pèifbn^  Ligdamon» 
2M:rî?e  à  ptbpôs  pdiHr  faire  finir  ïk  dôulfent  ;  il  ârrètri 
Pefflct  de  la  pôtioli)  q^î  n'^tolt  tjtie  ibm&fef*.  Lîg^ 
damon  l:tpt'end  fes  ïètts,  reconnoît  Sylvie  &  l'époufè. 
Amcribé  fek  ett-'inème-tcfms  le  bonbear  de  Lydîas. 

:        •      ■'  :y  :    ■  '■-■       -  ^         ■■■■■:' 

fat  ^\iàe  c^tiQ  ç^jfiCQ  e(l  on  n!e  peut  plus  fldictde:^ 
TAutei^r.  y  abufe  fans  ceiTe  de  ces  pointes  ou  jeux  de^ 
bots ,  qui  en  effet  étoient  aiTez  d'ufage  en  ce  tems* 
tky  m^i^  iiôtit  on  ufoie  cependant  avec  modération. 
Scudéry ,  au  côiAraif e ,  aftetaed^  en  inférer  un  aff 
moins  dans  cba^que  repliquie.  Je  n'en  citerai  qu'un 
exemple  I  ix,  c'e  peut-être  i'endipiç  le  moins  dérai- 
fonnable  de  cett«  Tragi-Comédie. .  ^  •  Un  Berger  de- 
iinande  à  Sylvie  pourquoi  elle  refufe  avec  tant  d'opi- 
inâtteté  le  don  du  cûeur  de  Lîgdamon.  Sylvie  loi 
répondt    - 

Qb*it  gardb  ce  hezu.  don ,  pour  moi  )e  le  renvoyé  : 
le'nt  ywnfàiik pàflèt  ^t  uii  oifeau  àc  t>reye  » 
Qui  (é  nourrit  de  <et\iït  s  &  ce  iVeft  mon  deflèin 
De  reiïembler  lui  monftre  ayant  deux  coeurs  au  fein. 

{.SUJET  D^  TROMPEUR  PUNI.)  Arfiddr & 
GfêdAtè  i  Sè}gn«>âr$  Aingtbis  >  (bht  tous  deux  âmôu» 
rcu^fc  Ae  Nerée  5  Atfidor  eft  tAmè ,  Gléônfce  méprîfï  i 
célui-d  pou*  trouMer  le  bonheur  dé ^tï  rivale  tient 
lui  faire  confidence ,  qu'il  pafle  toufte^  les  nfuits  avec 
Nwéfe  >  &  lui  prc^e  lifxèttte  de  le  rendre  témoin  de 
fon  IjonBfëèr;  a  le  fait  eactier  j  &  Wén^tôt  tiprès, 
Arâdoi^là  yok^  itith><toic  peffiatÂ^tMA:  duezNerée; 


•  1 


THEATRE  FRANÇOIS.       itS 

/aiaca  de  l'infidélité  de  &  makrefle^  dès  qu'il  U 
it  9  il  Taccable  df s  repfoclies  les  plus  outrageant* 
is  quelques  évéi»eme{i5  affe?  communs ,  Neréii 
édater  fôn  ionocefKis  aux  yeuic  d'Arfidor^  Celuir 
irîeux  de  k  çalonmie  dt  Cléonte ,  fe  bat  <^til$ 
&  l€  tue.  Rien  ne  tremblant  plus  le  bonheur  d' Ac? 
'9  &  le  trompeur  étant  puni  ^  la  pièce  devoit  na^ 
llement  èvAu  jMais  elle  eut  été  trop  cputte  .i  ^ 
kri  fait  naître  tout- à- coup  un  incident  inatcendui 
dérange*  la  félicité  de$  deux  amans.  Le  Roi  d^ 
inemarck  fait  demander  au  Roi  d'Angleterre  la 
1  de  Nerée  pour  Alcandre ,  fon  favori  :  le  Roi 
igleterre  la  lui  accorde ,  &  fait  fur  le  champ  partir 
e  jeune  beauté  pour  Coppenhague.  Arfidor  au  dé- 
Dir ,  abandonne  fa  patrie  ^  &  va  errant  de  contrée 
:ontrée.    Il  rencontre  on  jour  trois  hommes  »  qui 
fouloient  aflafSncr  un  feul,  qui  fe  défendoît  vail- 
mant.  Il  prend  auffi-tot  le  parti  ^u  plus  foible ,  & 
les  aflkffins.  Celui  ci ,  à  qui  il  vient  de  fauver  la 
f  lui  jure  une  amitié  &  une  reconnoiffaTTCe  éter- 
e  :  ils  le  font  réjciproqucment  confîdenc||des  divers 
nemens  de  leur  vie.  On  peut  juger  de  leur  cLa- 
I ,  lorfqu'ils  fe  ^fe<îonnoiffent  pour  rivaux ,  c^étoit 
andre  qu'Arfidor  venoit  de  délivrer  de  la  main  des 
[fins  :  malgré  l'amitié  qu'ils  s'écoient  promife  >  l'a- 
ir  eft  le  plus  fbrt  ;  8t  quoi  qu'à  tegret ;  Ï1$  convien- 
t  cependant ,  que  lorfqu'ils  feront  arrivés  à  la  ca- 
lie ,  ils  fe  battcoac  l'un  ■çoatxe  i'autre  :  il«  y;arri- 


ii6        TÏIEMRE  FRANÇOIS. 

vent  y  &  Alcandre  obtient  du  Roi  toute  (iireté  pour 
Con  rival.  Ils  entrent  dans  la  carrière ,  fe  battent  :  Ar^ 
fidor  defarme  Alcandrei  &  lui  rend  aulChtôt  ibn  épée 
piour  continuer  le  combat  :  cétui-ci  touché  de  cet  excès 
de  générofitéy  le  reconnoit  pour  (on  vainqueur  >  lui  juré 
de  ne  plus  mettre  obftacle  à  fon  bonheur  ;  &  obtient 
pour  Arfidor  &  la  main  de  Nerée  $  &  la  proteâion  du 
Roi.  Je  vais  citer  un  endroit  de  cette  pièce  9  pour 
faire  connoitre  à  mon  Leâeur  comment  dans  ce  tems- 
Ik  on  exprimoit  lia  galanterie.  Arfidor  dit  à  Nerée  : 

Aujourd'hui ,  que  le  Ciel  sVft  paré  pour  ce  plaire  , 

Que  pour  voir  re$  beautés,  le  Soleil  nous  éclaire, 

£t  qu*â  travers  l'afur  il  darde  des  rayons , 

Qui  nous  viennent  baifer,  bien  que  nous  les  fuyons  ^ 

Viens  defibus  ces  ormeaux  éviter  leur  outrage  ^ 

Tu  t*y  mettras  à  Tombre ,  &  m^ôteras  l*ombrage  i 

Car  voi  que  ce  iirival ,  qu'Amour  a  fçu  coucher  , 

AbaifTe  fa  lumière ,  &  fonge  à  fe  coucher. 

Viens,  ma  belle  déefTe  ,  &  vois  dans  la  fontaine 

Ces  arbres  d'aientour  tracer  leur  ombre  vainc  j 

SouflFre  qu*en  ce  ruiiTeau  par  ua Toin  diligent. 

Je  failê  parmi  Tor  diflillcr  de  Targenc  > 

Que  lavAt  ces  cheveux ,  cette  onde  ait  Tavantage 

De  prendre  la  couleur  du  beau  fable  du  Tage  : 

Lors  faifanc  un  miracle  au  bord  de.  ce  ftiiflêau , 

On  verra  le  Soleil  au  iîgne  du  verfeau. 

Viens  conter  le  fablon  de  cecce  eau  cranfparence  \ 

G'ed  le  nombre  des  maux  donc  tU  fais/rignorante. 

Viens  voir  dans  ce  criftal  où  je  fens^  m*cmb^afer , 

Conmie  quoi  fans  couleurs  on  peut  pçindre  un  baifcr  i 

Viens  t*en  fouler  ces  âeurs  qui  penchenc  à  la  vue 

Sii  «cUet  dom  le  Ci«l  libéral  c'a  pouï vue-  .*  ' 


THEATRE  FR  ANÇCTlSi       if^ 

Viens  tromper  le  zéphire  tn^oufeux  de  BhiliB  , 
En  lui  moucranc  ce  ceint  de  rofes  &  de  lys  i 
U  ce  prendra  pour  elle  'y  ha  !  fe  faux  miferablie  ^^ 
Car  tes  perfèâions'n*bnc  rien  de  comparable  : 
Que  Ton  cherche  rob}et  Irplus  rempli  d*accraits , 
Que  Ton  faite  un  .^ofctcait  de  cous  les  btàiix  :poRtMCt  t* 
Les  grâces  de  Venus ,  celles <ie  la  nature ,  ' 
Le  plus  vif  coloris  qui  foie  en  la  peinture  ^ 
^  L'albâtre  »  le  coi^,  1^  viOige  d'amouf  ,         >  .  '  -'^ 

Les  étoiles  9  la  lune  y  &  la  clarté  du  iour;»  ) 

Les  perles»  les  rubis»  toutes  les  fleuts  enfemble^  ., 

N*ont  den  qui  foit  û  beau ,  ni  rien  qui  te  relTemble.  , 

Ce  diTcoun  e(l  charmant  y  autant  que  fôn^ùtear  ).  ' 
£c  <*eil  à  mon  regret  qu'il  eft  un  peu  menteur. 

-   ÀRSl  DOR,  ' 

Pour  Toir  fi  j*sii  flatté  ee  fu)et  de  ma  ftame  f      - 
#(.egarde  dans  cette  onde  »  ou  bien  dedatis  mon>  àm^.9. 
L*un  ôc  l'autre  à  l'inftant  te  feront  avouer,  ;   ,: 
Que  tout  ce  que  J'ai  dit  «trop  peu  te  lôucrT 


1  •  ^ 


^  '    I    w«  ft  i  *4   ■ 


(SUJET  DE  LA  ÇOMEDïE  DES  CQMB. 
DIENS«)  Cet  OQVi^ge  ccwimeJKKç.par  uaPrologip 
sn  profç  $  aflez  plai&tit  ;  enfuîteila  Comédie >.qôi'ttft 
sa  .deux  9iâes  &  en  prpfe  ;  ell^fe  pafe  eotre  diSi* 
:tm  A Aeors  dlane  troupe  4e  ComédieB8>  qai  arrivent 
i  hyQ^.f  ScokVvm  4*eiis;  r^ncontjre^^lbo  oncle»  iIQi> 
l'a^d  gronde  fon  ipf  ye» vde  bjproliiffipii  qn'il  a  eiq« 
biairée ,  Sç  qui  finit  >  p^r  entrer  lui-mènie  d«ns  IsLtroa^ 
pe.  On  lit  au  nsilieM  de  cettp  Comédie  oae  Edogue^ 
doqï^  voici  les  pr^iPMîr^^^irs;. 


fia       TffEATR  E  FR  ANÇOîSi 

,^:  T  ANCHE  t)  B. 

Que  faire  s  vous  ici  dans  cecce  Tprêt;  fombre  y 
Où  nul  foleil  que  vous  n*a  japiais  pénétré. 

J'y  cherchas  <ce  901  fuit  c'eft-à^dice  de i*oi|ibrc9 
It  fuyais  feulemenç  CQ  ()ue|^ài  tencoixcé» 

Enfin  cet  ouvrage  flngrfter  f  fimt  par  line  Tragt 
Comédie  Paftoralte  è»  trois  aftcs»  &  en  vers ,  inti- 
tulée >  \  Ammf'' taché  par  Vamour ,  que  ces  mêmes 
Adeurs  rèpréfëiièétic  pour  lé  début  de  fonde.  Ce 
Drame  ne  méri  e  aucun  èxtrsût;  il  eft  froid ,  fans  con- 
duite ,&  mal  écçil^è  -     v;  : 


•}■)■!  ■ 


(SUJET  D'ORANTE,  >  Xftpandre,  fik  du  Gou- 
verneur de  Napte«>  çA  aïoQiîirâHQ^âi  aîmid'QaDte» 
fille  d'uUf Se4gnei»r  Napotkaim  Malheurei^fement  pour 
ct^  amans,  la  haine  ia  plus^vi]^  d^vifoit  leurs  tnallbos; 
&  Lucinde  i  mère  d'Oratite ,  par  averfion  pour  la  fa^ 
«ûUé  cTlfimai^r^  »  a  voit  qùitt'éKaides  pour  feréfo- 
tgÎQr'cbèa  Ormiin ^  Gouverfieâr  dte  Pife^  (b»  parent» 
:ir  i4pi<(»«tageoit1à  hainci^.  *  Quèiqîle  maiié  j  €>it^ 
-jteitlenr  )iifiioiMfei|X'  4Ûrafité  :^  j^oor  panrdaîp  à  t» 
ibas/xï ivigz^ ÏMAhAiè  Mt^^^wè^^^  en  mariage  à  qb 
:v|cu<  Seigflfcttr  Piâm  ,  ntfmmé  Ptorànge ,  Te  ftltUM 
^fue  la  luiîne;  qu^ètle  concevidit  fi(<ciefEikeiiieQt  pour  fott 
4poux  >  la  poi»rFok  un  }efi#  AétttveiVàt^  àéeouter  ftvé- 
^nUmieni  (^ti^aaxM»r.  CépèiidàM^ lei^  laroies  dOraQ- 
te  f  dont  il  ignoroit  TankHiF  peur  JESm^ndre  s  Si  ta  ré« 
pugnancé  ^'elle  témoigne  pour  ce  mariage ,  le  dé« 


jFIpraoge  de  ne  pluj^foDgor  k  çQt;tç  ii^w,  ,Mw  Lu- 
àinde  y  flattée  des  graijujies  ricb^eç  df.Flpranget  lui 
grpmec  de  lui  teok  pvole^  &  de  (^}  (àqvçF^  de  Pife 
^yi^c  fa  fillÇ|  pour  ^  W  idpnner.  |fi9x^ndr^,^Vfrtipv 
Qr^ntc  de  tou^  cfSi  ^véçemeo^ ,  w^j^Jw  djtng^* 
^jja'U  y  cwit ,  airîvc>  i^ife,  djjfgwï^oÇP  M?«*^p4* 
,vQ|t  ^  maitrçû^»  ^  l'eçg^ge  à  le  foivrefo^  4e8  Jhar 
bi^  d^hoqame.  Florange  le  rencont^e^  >  ^:  l^,  cpipb^t  ; 
j^ Ton  âge  &  fe  £c4^1pflfeIeUT^î^  bie^rfpt  i.l^iBi^tcî 
4e  (pn  riv^l^qoî,  lai  .^apne  1%  viç.  Q«5i^t|,iiiritBiift: 
.q^'Iflflk^udrc  lui  auront  ^ç^c^v^  Qp^|%,  1v|  ff^vG^ye^TO 
^j^j^Lf  ^  lui  indiqua  Iç  lieu  ^  ea^%ti  :  Ifmiîindre 
.f?jf  ipei^d,  8^  trouva  Qr|pi^K;2^^  na^leiji^d^  t/p^s  fti&^ 
JJi  prçnd<  a^ttffi^tôt  i^  d^^^Ç^Jo  ç^hiifjfiH  sepm  CQm- 
}^t^  I  ijc  W  fcf^  a9îi(gi|8  :  ç'^toift:  Fl^iai^Q ,  .^W  ^ 
.HqiUfibyeogçi:  d'Owîn^jayîçâfr  ^uj^lu^  oc^>  vie> 

Q^^  fpçi  ÎWBM^,  cqpff 9f;à  fois  b9«ifefi^r>  *  fec^ 
.fç^^ç  r^îr  lei  d^^  f^mllei*  H  V^  l^vw  NI  iàe«5  fe 

.^(^$i;^op4«sdlH2lP^tn»p^;^  )eoi:  bj^lWglIt^If  |iqpll4 


.4f:  la  bdUf  Ro$l^ç >J]il^4^  Pue  d«  ^J;çtagpei,  Se  hé* 
l^tie^  4<|ifir8  Sfm,  .I<iKi<kR  jb  âb  4M  4n  Acà  des 


txo       TÉrÈÀTRÉ  FkANÇOÏS. 

Francs  9  èfl: Ton  rivah 'Dans  an  combat  contre  les  iXatf 
neis  j  Theandré  (îgnale  fon  couragfe  avec  tant  d'édat, 
^ue  lé.  fioi  àiàrhîé  de  fl  Valetrr ,  lui  accof  de  Refilée 
en -mÉi'iafgëi  'Lûcidan  s'y  oppofe  énvain.  Mais  an  mo- 
-ni^nt'àfênie  Où  çee  hymen  alloit  fe  célèbrery*le  Roi 
«jeurt  ;  &  Lùadàfe  n'^^iàs  plutôt  fur  le  Trône,  ^tfîl 
Vêtit  fôfter  RdBlée  à  l'époufer.  Les  Seîgnetiifs  &  te 
•peuplé  cherëhertt  en-  vatiti  à  empêcher  le  hoùveaa 
iîoi  ëêcommfeetfe  cette  ît^ùftice  ;  Lucidan  periîfté', 
i&Wéiaie'même  lesjours  de  Theandré  :  ce  qui  frrite 
tî  fottntéitœwts  &'  lei  e(^t«^  dé  la  N^ion  >  qti'on  le 
^hïtfle^^dtf  trène  ^  &  qu'on  iélit-Theandrc  à  (îf  place* 
Theandré  n'adcepte  h  Couronné  »  que  fous  re  fermctit 
Iblemnel  qu^n  lui  fEttcati^  pieds  des  Autelsf»  d'obéir 
QK^ètûttït  àu  pi^emiéif  de'tës  cbmmandemèns.  Après 
evokcéço  ce  ferment^^,  îl^Ôttté  fut  leTrône^  ïclBait 
au  «  petif^Ie  &  aux  Grands  "^tm  long  dîfcours^,  viin  if  létfr 
péàvi^é  I'z0}iigicé  àe  fon^^fenfi  &  aprèsléuir  avoir 
tappetlé  le  ferment  qu'ib' vîéhnént  <fe  fiîrei'îl  fëùrôi^- 
éc^nnè-de^rétondbitre  Ldbidan  pour  ieurthaièrèlégi- 
Cime.  Après  avoir  ceffé  de  parler  >  il  defcéhd  dtiTrô- 
iiëV  va^ébér<>bet'Luddani,<  l'y  feit  monter ,  loi  reidee 
le  Sceptre  &  la  Couronne ,  &lilt  prête  lé  fi^ëintë:  le 
ferment  de  fidélité.  Tous  fuivent  (on  exemple.  Lud* 
dan  toûoké  de%  généro&^  dê^foW  rival  /le' pi'fe^oa- 
Met  C9  <^i^ sTéft cpailé iSiM fait  époùfèt  Rofitébb 

'    En  tout  î  cette  pièce  h*é(f  pàtf  mal  côntlù^tëV  Û  y 
a  quël^cé^  àuiiK)ic^  pa(fiabte«^:  eh  voici -inl^^i' m'a 


{  r 


THEATRE  FRANÇOIS.       i« 

jnm  mériter  d'être  ràppotté  { <&fi^  hi  premier^' (bène 
da  premier  a^e.  Theandre  témoigne  à  Rolilée  Tior 
quiétude  où  il  (cft^  qu'elle  ne-fe.laifle  ébloyie^jpa^  li;t 
rang  de  fon  rival,  elle  lui  répond:  \       ^_ 

;    «      •  'f    ,.._,.    r 

;..•..,......    ÏTeri'dls  pas  davantage.     *  "^  "  I  '      '^ 

Qaaad  l'empire  dtt  Ciel  lui  r^drcut  eorpacoige ;    ^  ?  :i ^m  S7 

Quand  de  la  terre  entiete  il  fe  rendroit  vainqueur  « 

Il  en  perdroic  le  nom ,  en  attaqtiaiit  mon  caur. 

(SUJET  DU  PRINCE  DEGUKÊ.)  Cette 
pièce  eft  fort  compliquée.  CleàrqaCi  fits^du  Roi  de 
NapleS)  pafTe  par  la  Sicile»  y  yoit  Argenie  ,  unique 
héritière  de  ce  Royaume,  en  dévient  paffionnémene 
amoureux  9  retourne  chez*  fon  peré,  JBc  l'engage  à  en* 
voyer  des  AmbafTadeurs  y  popr  la,  lui  faire  obtenir  en 
mariage.  Le  Roi  de  Sicile  ks  refofe  j^  &  celui  de 
Naples  piqué  de  ce  tefusy  lût  déclare  là  guerre  ,  eft 
vainqueur ,  &  le  fait  pri.fçnnier.  Clearqîie  efpérant 
l'adoucir ,  ne  néglige  aucune  oceafion  de  Jui  donner 
des  preuves  de  refpeft.  "Mais  ce  Monarque  >  irrité  de 
(es  malheurs,  s'abandonne, Uil  chagrin >  &.  meurt.  Le 
brait  cjurt  que  Clear^e  l'avait  empoifanné  ;  &  Ro- 
femonde ,  mère  d'Argcnie  ^  adoptadt  cetre  impofture, 
d&rlare  que»  cette  fille  n^iira  point  d'autre  époux  ^  que 
cdai  qui  lui  apportera  1*:^!$  de.  Clearqne.  Cepen- 
dant ce  jeune  Prince ,  plus  amoureàt  dé  jour  en  jour, 
&  vaincu  parle  defîr  de  févolr ce  qu'il  aime,  malgré 
toos  les  dangers  qu'il  y  çouctr^priélKl  le  parti  d'abor* 
der  en  Sicile  >  fe  déguife  ^  èc  s'ëngvg^  comme  garçdn 


t%%      T  SE  AT  RM  FRANCO  TS. 

dbe39  fe  jarifarior  de  h  Rctee.  La  Prioceffe  1 
tre  plafienrs  foid  9  &eft  frappée  de  Êi  bom 
^le  hii  parle  ;  &  Iç  Prince  çn  confcrvitnt  le 
gi^exigeoit  l'état  qu'il  avoit  embrafTé»  ne  pei 
danr  pas  l'occaiiojti  de  lili.dii^edes  galanteries 
ve  même  >  nu  îoiir>celie  de  ki  réciter^es  St 


Au  doux  climat  de  !^  grece  y 
Un  Jeftie  Prince  amoureux  , 
Qui  a'oibic  voir  (a  maitrcCe  » 
Bric  un  iMCeia^aiigereux  i 
Pour  approcher  de  la  hçlle  ,^ 
QuHin  malheur 'jfalfolc  rebelle 
A  canttiÉifidsliréî?      r 

De{rcu,is.U9  habit  rudique,     . 
it  Couvrît  fa  qualité.:        ' 

la  lartuiie  fimoitiblo , 
Fouf  ikmaîfm  fim  pouvoir  y 

A  cette  H^mphe  adorable 
L'offrit  &' fit  recevoir  ; 
Aiofi  (but^fbabkdiiiiifdire  » 

|>*iMi,  tcom^ma  ^'UaiiQilfe  ^étt9  , 
Pcçnant  le  foin  chaque  jour  » 
Il  foute  aux  piedà  ta  Couronne  , 
Q^  (lu  i)iàâfiincé  lui  io&np» 
Pqur  avo^  jlfU»,4*{|nioui:. 
.    Il  vivait  de  cette  forte  » 
•  plein  de  gloire  &  de  plaidr  ^ 
I^aif  <^uae-«l^âpatioe  Aof  tt' ^ 
llficcena^f^i^4B%:( 
Qui  (bUicica  fon.ame  , 
De  faire  éclater  la  âame  ^ 
Qjul  le  piivoicidt  lopot  s 


l' t   I 


-  - .  * .  i 


;.■) 


jrSÉAfRE  PRAHÇOIS.      i%% 

Si  bien  que  s'approchant  d'elle  » 
Son  caur  lui  tint  ce  propdt. 

Nyi^phe:,  picD$;KCO0|uit(&iiÇ9 
P^un  fort  qui  m*eft  aiTez  deux  y 
Çuifqiie  Je  tiens  la  nailT^ce  ^ 

©tt  faag  des  Dieux  comme  tous*)   ■..   -  ^     ^ 

Maiii  fi  k  nifiaL^iof^bofe  , 
Q^uc  faje  çel^i  <iu^  difpofc 
B'un  coeur  qui  vous  efl  4^'Qné  ^ 
Déplak  à  l'œil  de  Silv^é:, 
X^  QDiui  T|i  ptiiifcK  la  vit 

Ççfqu'iU*iwr*coAdama^^  "       î 

Je  fuis  ......  il  ferme  U  iboUjChe^ 

Sur  le  puinc  de  fe  Dommer , 

QqacUociiitite  le  couche  t      ;  -' 

fit;  «ju'pn  U  doit  cftoAt  V    .      .     . 

U  fouffjre  la  violence 

Du  refpeâ  &  du  (Ilence  > 

Il  parflSf  pàU  Si  tfanâ  s  ' 

^C^dir»(iU  UclU 

Fut  picoyabh  ,  ou  rebelle  •    ^ 

L'hiftoire  finit  ainfî. 

T 

En  elfes  9  tt  ti-'t!^  avoir  pas  d^Éipàntage  à  dif  t«  Bufts 
après  qiMiqpafs  ^>i^ii4raMM  ^qfcii  tètti^eni  KHijoHJr»  dé 
mieux  w  mieux  dan»  f  efpm  de  la  Pikicefle  ^  il  lui 
avoQ»  quH  eft  te  fil»  do  Roi  de-N^âphts  i  &  que  c*^' 
fexcès  de  l'afAOUf  qiill  refTeoc  poor  eKe  ^  qoi  l'ai  d^- 
sermisiî  à  parottré  Rme  ce  dégaUbmdnl  :  Argeoic  lei; 
avoae  aofi  qtt'éHe  ^aime  i  &  lui  réeMmuiiide  le  ptîis 
grand  myAere.  C^s  amans  fiveitnt  heàreax ,  loHq^e 
ioot  à*GOup  kùr  bonheur  ell  troublé  pair  ta  jafouSfr  de 
la  femose  diu  jiïdifiief  ^  qui  j  amoureu&dti  Prinee-d^ 


•tx4      THSyiThJ^  mANÇOISi 

gnifé ,  &  au  dérefpoir,  de  s'en  voir  tnéprif^é ,  ayant 
découvert  (on  intrigue  avec  la  Princeffe  >  v^  aaffi-tôt  la 
révéler  à  la  Reine;  La  Reine  »  fîirieafe  de  ce  qu'elle 
vient  d'entendre  ,  'dèfcéod  dans  le /jardin  »  forprend 
Clearque  aux  genoux,  de  (a  fille  j  &  les  lait  tous  les 
deux  conduire  en  prifbn.  Une  Loi  4u  Royaume  avoit 
prévu  le  cas  où  une  jçune  PrincefTe  engageroit  (ba 
cœur  9  fans  l'aveu  de  Tes  père  &  mere>  Sç^çondamnoie 
à  la  mort  celui  des  deux  amans  ^  qui  le  premier  avoit 
&it  l'aveu  de  fa  pafllon  :  Clearque  n'béGte  pas  &  s'a- 
voue coupable.  De  (on  côté,  Argenie afliire  que  c'eft 
elle  qui  l'ed;  on  ne  peutconnottre  la  vérité;  &  pour  fe 
tirer  d'embarras  $  on  ordonne  que  le  fort  dés  armes  en 
dédderoit.  C'étoit  dans  ce  tems-là  la  reflburce  ordi« 
naire,  pour  les  affaires  embarrafTantes.  Le  Prince  trou- 
ve le  riioyen  de  féduire  fes  gardes^  qui  lé  font  fortir 
de  prifon  ;  &  pour  faiiver  les  jours  de  ce  qu'il  aimei 
il  s'arme  ^  il  entre  dans  la  lice  »  &  veut  combattre  pour 
ffirouver  que  c^i'Wiiiit,  qui ,  jç  pi^elpiçr ,  a  dédaré 
d^SLfe^x.  Animée  par  le  même  objet  i  Argenie  ^  qui  ii 
Î^HS  recouvert  fe  liberté,  fe  vêtit; ep  Chevalier,  &  fe 
f  grlfente  pour,  prouver  >  que  c'eft  au  .çoiitr J4re  la  Prîo- 
.^^9i  qui  ^^  coupable-  On  met  ces  deux  tendres  amaQs 
iyîsbà-?is  l'un  de  l'autre.  La  trompette,  foiïne,  le  fignU 
efe,  dotine  f  &  bien-tôt  la  PrincefTe;  eft  ir^iac^ie  ;  lôn  çs^ 
^q^  t0i;nbç>.Çkarque  la  recpnnoit>  il  veut  ië  tuer: 
.^F^enie  qui  n'étoit  point  blefTée  ,  &j.qi^i  feolemeat 
.^ojt.ét4  rçnyerfée  de  defTus  foa  cbev^U  arrête  les 


THEATRE  FRANÇOIS.       t%s 

tranfports  de  fon  amant  y  caisse  fon  défefpoir  ;  mais 
perfide  toujours  à  foutenir  que  c'eft  elle  y  qui  Ta  en- 
gagé dans  ce  fatal  amour.  Enfin  lé  Prince  ^  ne  voyant 
plus  d^utre  moyen  de  fauver  les  jours  d'Argenie , 
rappelle  à  la  Reine4e  ferment  qu'elle  a  fait  de  ne  don- 
ner  d'autre  époux  à  fa  fille ,  que  celui  qui  méttroît  eà 
fa  puiflkncc  la  tète  de  Clearque.  Il  fe  &it  connoitté 
alors  pour  ce  même  Clearque  v  dont  elle  pourfuic  lé 
trépas  :  il  n'ofe ,  dit  il ,  efpérer  la  récompenfe  promife, 
puifqu'elle  le  (bupçonne  d'un  crime  aufli  IfFreux  ;  mais 
il  confent  à  perdre  la  vie  f  fi  les  jours  d'Argenie  font 
en  fàrete.  La  Reine^  étonnée  »  balance  quelque  tems  t 
heureufement  elle  apprend  par  un  témoin  de  la  mort 
de  fon  époux ,  qile ,  loin  d'attenter  à  ks  jours  >  Oeai^ 
que  au  contraire  n'avoit  fongé  qu'à  les  çonfer\rer.  Ëilé 
oublie  alors  toute  fa  haine  ;  elle  ne  voit  plus  en  Ctear* 
que  que  le  plus  généreux  des  hommes ,  &  Tamanc 
ie  plus  tendre ,  &  elle  lui  fait  époofèr  Argenie*        : 

> 

(SU  JET  DU  FILS  SUPPOSE'.)  Deux  Gen- 
tilshommes François»  Rofandre  &  Almedor^  fe  pro- 
pofèntde  reflehrer  les  nœuds  de  leur  ancienne  amitié  ^ 
en  uBtiTant  leurs  enfàns.  Ro&ndre  n'avoit  qu'une  fille  > 
nommée  Luciane  ;  &  Almedor^  un  feul  fils  nommé Phi« 
tante.  Ce  fik  étoit  en  Breta^e  depuis  fa  naifance; 
il  y  étoit  amoureux  >  &  aimé  de  Belife ,  four  de  Clo- 
ff an  j  Gentilhomme  Breton  ;  &  Clorian  s'oppofoit  à 
leur  bonheur.  C'étok  là  la  pofition  de  Philante ,  lort 


iX^      THEATRE  FRANÇOIS,' 

qa'ao  domeiiique  d'Almedor  vient  lui  anjogncer  >  xpxi 
çft  cbargé  par  fon  pef  e  de  le  conduire  à  Paris  y  où  il 
veut  le  marier.  Ce  jeune  homme,  au  défefpoir)  va 
çonâer  fon  maliieur  à  fa  maitreiTe ,  jure  qu^i  moum 
de  douleur  >  s'il  la  quitte  un  inftaot^  &  ^n&n  la  décer« 
inine  à  le  fuivre,  (bus  des  habits  d'horame ,  lui  pro« 
mettaoc  de  la  conduire  à  fon  père  ^  qui  dès  qu'il  la 
verra  >  ne  pourra  qu'applaudir  à  fon  choix.  Il  charge 
en  œèœetems  ce  dooieflique»  qui  devoit  le:  mener  à 
Paris  I  &  qu^il  avoit  «ris  dans  Tes  intérêts  de  conduire 
Befife  à  un  lieu  ou  il  doit  bien-têt  l'aller  trouver.  La 
fortune  Voppofa  à  fon  projet  ;  Clorian  >  inîlruit  qu'on 
yeooit  d'enlever  fa  foeur ,  en  foupçonne  PhiUnte  &  le 
^it  arrêter.  Il  va  le  trouver  dans  la  prifbn  y  pour  fça^ 
voir  où  eft  Belife»  &  le  menace  de  la  mort  s'il  ne  le 
lui  apprend  :  mais  bien  tôt  vaincu  par  la  douleur,  la 
vertu  &  l'arpour  de  Pbils^nte ,  ii  devietft  fon  ami ,  loi 
procure  la  liberté  i  iipM  même  avec  lui  ^ur  rejoin- 
dre Belife.  Nous  l'avons  laifTée  en  habits  d'homme  9 
&  fous  la  conduite  du  valet  d'AInaedor.  Après  avoir 
attendu  vaînem^t  Philant^j  ce  ^|et  liH  coofeiUe 
palier  à  Paris  1  où  eUfe  apprendra  ce  ^'eft  devenu 
fou  amant.  EUe  y  arrivée  9  va  chez  Almeilor  >  s'infor* 
me  de  Philante  :  on  n'en  avoit  point  encore  eu  la 
inoindse  nouvelle.  Ce  même  valet  lui  coniètUe  alors 
de  proifiter  de  fon  d^guifement  >,&  de  fo  &ire  pafler 
pour  PMante.  En  eiïet  9  elle  arrive  avec  ce  rofé  coo- 
fident  :  &  le  bon^homme  qui  n'a  voit  jamais  vil  fon  fîlsi 


THEATRE  J^RANÇOIS.      i%y 

ne  doate  ^s  ^cre  et  m  (bit  Iti?  tft  ^n^banté  4e  & 
grâce  &  de  ft  %are  ^  &  fiir  le  thtaîmp  le  metie  chez 
Lociaoe.  Il  %ft  Ééceffaire  de  Tçàvoir  '(|Qe  éett<e  Lucia- 
ne  s^éoûic  env'^ki  o^fée  à^n-  tnariage  avec  Pliilan- 
te;    qu'elle  aimoit  un  jeune  Gentilhomme  DOmmé 
Oronte»  &  qu'elle  avoit  formé  le  projet  de  tâcher  dç 
dégoûter  d'elle  celui  qu'on  VOofoit  hii  &ire  époufer« 
En  efïet  dès  qu'elle  en  trouve  Toccafion  ^  eUe  acca- 
ble le  prÀendu  Philaote  de  h^kie^  d0  m^ri^  Mai^ 
Belife  qui  fem  coMbien  les  ntfOQiens  fotù:  précieut^  fe 
confie  à  elle,  &  lui  avoue  fon  fexe  &  fon  dégùife^i 
ment  :  elles  f^  jurent  aloris  l'amîtié  la  plus  forte  9  £c 
paroiflent  dune  fî  parfaite  intelligence ,  qu'Oronf e  qui 
arrive  dans  ce  moment  >  tombe  dans  ntoe  telle  jaloux 
fie  g  qu'il  prend  le  parti  d'appeller  fon  rival  en  duel. 
Oa  porte  le  cartel  chez  Almedor,  au  moment  m^me 
où  le  véritable  Philante  y  arrivoit  9  &  on  le  lui  remet. 
Ce  jeune  homme  »  étonfné  d'une  querelle  fi  peu  atten« 
due  ^fe  rend  cependant  au  rendez- vous.  Oronte^  fort 
furpris  de  voir  un  homme  qu'il  ne  connok  pas,  9'ex« 
pli  que  avec  lui.  Us  conviennent  d'aller  enlèmble  4:hez 
Almedory  pour  confondre  l'ittipoUeur  qui  prend  le 
'  nom  de  Philante.  Ils  font  demander  le  vieillard  ;  mais 
ib  odt  beta  hi  parler  >  ce  bon*b6aime  prévenu  ne 
veut  pas  les  écouter,  &  &it  venir  céhri  qu'il  veut  ^  8c 
qu'il  (butient  étire  fon  fils.  On  peut  juger  aifément  dé 
la  furprife  des  deux  amans,  lorfqu'ils  fe  reconnoUTent. 
Enfin  Clorian  conte  toute  l'bâfloire ,  fait  connoicre  à 


ia§      THEATRE  FKANÇOIS. 

A1niedpr&  la  naii&nq:  iSc  le^  biens  de  (à  ibeur.  Celui« 
ci  çonçenc  de  o'ècre  point  privé  de  Belife  ^  qa'il  avoit 
aimé  comme  fon  fiia>  la  reçoit  pour  (à  fille;  &  Rofan- 
dre,  fuivant  l'exemple  de  Ton  ami>  CQofeojt  au  bon- 
heur d'OroQte.  .  '^ 

(  SUJET  i5e  la  mort  de  CESAR.  )  Ce 

fameux  événement  eft  généralement  trop  connu  pour 
que  je  donne  l'extrait  de  cette  pièce  >  dans  laquelle 
Scuderi  a  fuivi  fcrupuleufement  tout  ce  que  nous  en 
ont;  tranfmis  les  Hifioriens.  Les  Auteurs ,  qui  depuis 
Ipi  ont  traité  le  même  fujet ,  ont  auffi  à  peu  près 
adopté  le  même  plan,  qui  y  pour  ainf^direy  eft  un 
plan  donné  par  l'hiftoire  même.  L'on  trouve,  quel- 
^ue^  beaux  vers  dans  cette  Tragédie.  Voici  ceux  que 
dit  Srutus  en  la  commençant  : 

Ke  4éUberoBs  pjus ,  le  fort  en  eft  )  etté  ^ 
jL*cx''cs  de  prévoyance  eft  une  lâcheté  : 
91  faut  pour  ce  grand  coup  choifir  l*heure  opportune  , 
.      £c  puis  s'abandonner  aux  mains  de  la  fortune. 
.  Fléau  dts  foibles  efptits  ,  image  lu  danger  , 
Vous  choquez  un  dellcin  qui  ne  fçauroit  changer. s 
n  efl  juile ,  il  eft  beau ,  c*eft  ce  que  je  demande  : 
Ma  main ,  rcfblvons  nous;  Thonneur  vous  le  commande  : 
Montions  le  m^me  cœur  qu'ont  montré  nos  parens , 
£t  que  le  nom  de  Çrute  eft  iFatal  aux  tyrans. 

Dans  la  cinquième  fcène  du  quai;riéme  aâe  y  Brute 
paroit  inquiet  du  fort  de  Porcie ,  en  cas  qu'il  fuccooi* 
be  fous  ion  entrepôfe^  elle  lui  répond  : 

'     -  On  verra  que  je  fuis  (quoique  l'on  iéxécute) 

La  fille  de  Cacon  ^  'ScU  femine  de  Siu(e  ^    .    r  : . 

Que 


THEATRE  FRANÇOIS.      tx^ 

Que  Tunivers  entier  s'dj||PnbIe  contre  toi  ; 
Au/n  bien  que  ton  coeur  fubdilera  ma  foi. 
La  peine  la  plus  grande  &  la  mieux  inventée  , 
Donc  Tamc  d*un  mortel  puifTe  être  tourmentée  f 
Me  verra  confcrver  tout  ce  que  j'ai  promis  , 
tt']2  ferai  pâlir  tes  plus  fiers  ennemis. 
Ma  &rce  8c  fa  vertu  feront  honte  à  leur  vice  , 
Je  trouverai  la  gloire  au  milieu  du  fupptlcc  ', 
£r  toute  leur  puiffance ,  &  toute  leur  rigueur , 
N'ébranleront  jamais  fon  ame ,  ni  mon  cœur. 

(SUJET  DE  D I DO N. )  C'eft  encore  idurt 
^inc  d'hidoire  trop  connu  >  &  trop  traité  pour  que 
e  croye  devoir  donner  aucun  extrait  de  cette  pièce. 
$cuderi  y  a  imité ,  autant  qu'il  a  pu  ,  le  Livre  de 
l'Enéïde.  Voici  un  des  endroits  qui  m'a  paru  le  plus 
paflable  :  je  le  rapporte  pour  donner  à  mon  Lefteur 
la  fàtisfaâion  4e  juger  3  fi  l'imitateur  a  bien  réudl^  en 
voulant  rendre  ces  beaux  vers  de  Virgile  : 

j^ec  tibi  Divn  pnrens  y  generli  nec  Dardanus  auftof. 
Perfide  >  fed  duris  gênUit  te  cautibus  horrens 
aucajùs  y  Hyrcanœque  admorunt  uhera  tigres* 

Kon ,  parjure ,  Vénus  ne  fut  jamais  ta  mère , 
Ni  *  Dardaa  ton  ayeul  ^  mais  le  Cau^fe  afTL'eiix  \ 
(  *  Dardanus f  ) 

T*engçndra  dans  les  flancs  d*un  rocher  ténébreux  ) 
Non ,  je  n*en  doute  pas ,  ame  lâche  &  traîtrefle  , 
Ton  enfance  a  fuccé  le  lait  d*une  Tigrelîè  : 
Non ,  non  ne  feignons  plui ,  difons  tout  en  ce  jour  f 
BanniiTons  le  refpeâ ,  comme  il  challe  Tamcair  ; 
A  t-il  voulu  donner  pour  adoucir  ma  plainct , 
Seulement  une  larme ,  au  fujet  de  ma  crainte  t 
A-c-il  fait  un  foupîr ,  me  voyant  fondre  en  pleurs  ? 
A-t-il  levé  les  yeux  couché  de  mes  douleurs  ! 

Tome  IL  1 


ijo        THEATRE  FRANÇOIS, 

A-t'il  cette  pitié  qui  m'ofl  fî  nécefkir^ 
Il  ne  la  connoîc  pas  ,  rinfâme ,  le  coHire  3 
Il  efl  né  pour  trahir ,  il  fuit  le  changement , 
£t  perfide  ,  fe  plaît  au  perfide  élément. 

(SUJET  DE  L'AMANT  LIBERAL.)  Pam^ 
phile  &  Léandre ,  Gentilshommes  Siciliens ,  font  tous 
deux  amoureux  de  Leonife  :  le  premier  fort  riche  ^ 
étoit  aimé  &  deftinè  à  époufer  Cette  belle  :  les  vœux 
4u  fécond  étoient  rejettes.  Ces  deux  rivaux ,  fe  prp- 
menant  un  jour  fur  la  mer  avec  l'objet  de  leurs  vœux 
&  Rodolphe  (on  père  ,  (ont  pris  par  des  corfaires 
Turcs  9  qui  demandent  20000  ducats  pour  leur  ran- 
çon. Rien  n'étoit  plus  aifé  à  Pamphile  que  de  les 
donner  ;  mais  fon  avarice  étoit  plus  forte  que  fon 
amour  ;  il  veut  marchander.  Léandre  plus  généreux 
propofe  à  ces  corlâires  de  vendre  (on  bien  pour  faire 
cette  fomme  »  &  de  l'emmené^  avec  eux  pour  cau- 
tion. Les  Turcs  prefïènt  Pamphile  de  fe  déterminer; 
îl  ne  peut  fe  réfoudre  à  payer  une  auflS  groffe  (bmme  : 
&  les  corfaires  craignant  de  perdre  du  tems ,  parta* 
gent  leur  butin  »  féparent  les  efclaves  y  &  arrivent  à 
Nicofie*  Le  maître  de  Leonice  la  vend  à  un  Juif  ^  qui 
en  devient  amoureux  >  &  qui  veut  en  jouir  ;  elle  pré- 
fère la  mort  à  fon  deshonneur.  Celui-ci  lui  reproche 
fa  douceur  &  fes  bienfaits  ;  elle  lui  répond  : 

Celui  qui  fe  repent ,  après  un  bon  ofHce  y 
£f(ace  entièrement  la  grâce  du  fer^ice  : 
Celui  qui  le  reproche ,  étant  peu  généreux  , 
AbTout  d'ingratitude  un  pauvre  mallieureuiE  : 


TMEATRE  FRANÇOIS,        131 

£t  celui  qui  ne  fen  qu*à  cau£ê  de  lui-même , 
Montre  qu'il  n'aime  point ,  ou  fculcnient  qu'il  s'aime  t 
Servant  par  intérêt ,  il  n'oblige  que  foi  j 
It  je  mets  en  ce  rang  le  bien  que  je  rcçoi. 
Cette  robe  a  de  Tor ,  vous  me  l'avez  donnée  x. 
Mais  9  hélas  !  la  vi^lime  efl  ainfî  couronnée  \ 
Quand  on  veut  Tégorger  »  on  la  pare  de  fleurs  9 
£t  ce  funefie  babit  m'a  bien  coûté  des  pleurs ,  &c* 
• 

Ce  Juii^,  voyant  qu'il  ne  peut  vaincre  fon  opiniâtre* 
té,  prend,  pour  fe  venger  ^  le  parti  de  la  vendre  à  un 
autre.    Il  la  mené  à  Haii ,  Bâcha  de  Nicofie ,  &  lui 
propofe  de  l'acheter.  Ce  Bâcha  avoii  avec  lui ,  lors- 
qu'on lui  montre  cette  efclave»  Hazan  i  fon  prédecef- 
feur  >  &  Ibrahim  Cadi  :  toqs  trois  en  deviennent  anK>u  - 
reux  :  les  deux  Bâchas  impétueux  veulent  fe  battre  ; 
leCa^i,en  Prêtre  rufé,  employé  l'adreffe  &  l'artifice  > 
&  dit  que  cette  efclave  étoit  (i  belle  ^  qu'il  faut  la  de- 
ftiner  au  Grand  Seigneur.  Nouvelle  difpute  entre  les 
deux  Bâchas ,  ils  veulent  avoir  la  préférence  pour  la 
lui  préfenter  j  faifant  femblant  de  vouloir  les  mettre 
d'accord ,  mais  en  eifet  ^  pour  fatisfaire  fa  pafiion  ^  le 
Cadi  propofe  de  la  garder  chez  lui  jufqu'au  moment 
de  (bn  départ  :  les  Bâchas  y  confentent ,  &  le  Cadi 
l'emmené.  Léandre ,  qui  croyoit  Léonife  périe  dans  la 
iner>  &  qui  ne  fongeoit  qu'à  mourir,  étoit  eiclave 
chez  ce  même  Cadi ,  avec  Rodolphe  &  Pamphile. 
On  peut  juger  de  fa  fiirprife  &  de  fa  joye ,  lorfqu'il  la 
revoit  vivante;  mais  l'on  doit  comprendre  auffi  fa  dou- 
leur, lorfqu'il  apprend  le  fort  qu'on  lui  deRine.  Il 


tS%      THEATRE   FRANÇOIS. 

confie  fon  hiftoire  &  fes  malheurs  à  un  de  Tes  cama- 
rades d'efclavage  »  nommé  Mahamud  >  qui  >  quoique 
Chrétien  ^  dans  le  fond  du  cœur  %  (è  faifoic  paffer 
pour  avoir  abjuré  fa  religion  ^  &  qui  écoit  le  principal 
confident  du  Cadi.  Mahamud ,  touché  des  larmes  & 
du  Gncere  amour  de  Léandre  i  lui  promet  de  le  fer- 
vir  I  &  de  trouver  le  moyen  de  le  faire  fortir  de  l'ef- 
clavage  y  lui  &  fa  maitrefle.  Une  feule  chofe  Tembar^ 
raffe  ;  c*e(l  de  pouvoir  lui  faire  parler  à  Léonife ,  pour 
concerter  les  mefures  enfemble.  Un  heureux  hafard 
1^^  leur  procure.  Le  Cadi ,  toujours  de  plus  en  plus 
amoureux  >  &  n'ayant  pu  fléchir  les  rigueurs  de  Léo- 
nife 9  les  charge  de  lui  parler  en  fa  faveur.  Pour 
furcroit  de  bonheur ,  la  femme  du  Cadi,  devenue 
amoureufe  de  Léandre  ,  charge  au(fi  Léonife  fie  lui 
rendre  le  pareil  office.  Léandre  &  Léonife  fe  trou-  ] 
Tent  donc  enfemble  :  &  le  tendre  Léandre  »  toujours 
rempli  d*amour  >  mais  qui  croit  que  Léonife  aime  tou- 
jours Pamphile  ^  lui  dit  : 

f  e  ne  viens  point  ici ,  poudS  par  met  àtùti , 
Troubler  votre  repos,  &  choqaer  vos  plai/irs; 
Bien  que  mon  coeur  brûlé  foit  toujours  dans  la  flâmob 
£i)fin  le  jugement  fait  mieux  agir  mon  ame, 
£tTans  bcifer  mes  fers,  ni  rompre  ma  prifon  , 
Je  n*ai  pas  moins  d'amour ,  mais  j^ai  plus  de  raifon  r 
Oui ,  |*ai  vu  mes  défauts^  i*ai  connu  vos  mérites  \ 
Et  comme  tous  les  deux  n'avoient  point  de  limites^ 
£i  que  mon  cœur  pourtant  vouloit  vous  adorer  *, 
Pour  «imer  faas  faillir,  faime  fans  efpétec,  &c. 


THEATRE  FRANÇOIS.      133 

Us  fe  rendent  enfiiice  mutueHement  compte  de  leur 
commiffion  :  ils  fîniiTent  par  fe  jurer  une  tendreiTe  éter- 
nelle }  &  par  s'arranger  pour  faire  réuffir  le  projet  et 
Mafaamud.  En  ef&t ,  par  le  confeil  de  cet  eiclave  ^ 
le  Cidi  fait  préparer  un  bâtiment ,  fous  préteste  de 
conduire  lui  même  Léonife  au  Grand  Seigneur  :  mais 
véritablement  pour  la  conduire  dans*  une  ifle  où  il 
prétendoit  en  abufer.  Dès  que  fon  bâtiment  eft  prêt  9  il 
part  avec  Léonife  9  n'emmenant  avec  lui  que  Rodoi^ 
phe  ,  Pamphile  >.  Léandre ,  Mahaouid  ^  &  quelques 
autres  efclaves  choifis  par  ce  dernier.    Ils  abordent 
bien-tôt  à  cette  ifle  ^  où  le  Cadi  comptoit  triompher 
des  rigueurs  de  Léonife.  Quand.  les  deux  Bâchas  in- 
ftruits  de  ion  départ  1  font  chacun ,  à  Tinfçu  l'un  de 
l'autre,  armer  un  vaiifeau  pour  le  pourfuivre»  &  lui 
enlever  l'efclave  chrétienne.   Ils  arrivent  tous  deux 
dans  cette  iile}  où  étoit  le  Cadi  ils  y  débarquent  » 
luD  d'un  coté  >  l'autre  de  l'autre  ,  fe  rencontrent ,  pé« 
i    fiétrent  leurs  deffeins ,  &  fe  combattent  avec  toute  la 
fureur  qu'infpire  la  jaloufie.   Enfin  »  lorfque  Léandre 
&  Mahamud  voyent  les  deux  partis  prefque  entière- 
ment détruits  >  iisfe  jettent  au  milieu  ^  immolent  bien- 
tôt ,  à  la  fureté  de  Léonife  1  ce  qui  reftoit  des  che6 
&  des  combattans  ;  &  pour  ne  plus  avoir  aucun  fujet 
d'inquiétude>  ils  tuent  le  Cadi>  remontent  dans  fon  bâ« 
timent  »  fe  fauvent  en  Sicile  ,  où  Léandre  reçoit  la 
(écompenfe  de  fa  valeur  &  de  fa  générofité  ^  en  époii« 
fm  &  chère  Léonife*. 


Î34       THEATRE  FRANÇOIS: 

(SUJET   DE  L'AMOUR   TYRANNIQUE.) 

Four  l'inteUigence  de  cet  extrait ,  il  faut  fçavoir  qao 
Tiridate^  Roi  de  Pont,  a  époufé  Ormene^  fille  d'O- 
rofmane  >  Roi  de  Cappadoce  ;  &  qu'il  eft  devena 
éperdôment  amoureux  de  Polixene ,  femme  de  Ti- 
grane  9  frère  d'Ormene  :  que  ,  pour  parvenir  à  l'avoir 
en  fa  puiflance  { il  a  déclaré  la  guerre  à  (on  beau- père  ; 
qu'il  fa  vaincu  dans  pluiieurs  combats  9  qu'il  l'a  fait 
prifbnnier  >  &  qu'il  s'eft  emparé  de  toute  la  Cappa** 
doce  >  à  l'exception  de  la  Ville  d'Amarie  1  dont  il 
forme  le  (tege  >  &  dans  laquelle  Tigrane  &  Polixene 
étoient  enfermés.  II  faut  fçavoir  aufli  que  la  malheureu« 
fe  Ormene  9  la  plus  vertueufe  des  femmes  9  6c  qui  ai* 
me  pafConément  fon  mari ,  eft  inftruite  de  (on  amour 
inceftueux.  C'eft  donc  devant  les  murs  d'Amarie  qu'eft 
établie  la  fcène  de  cette  Tragi-Comédie.  Tiridate  en 
prefTe  vivement  les  attaques  :  il  méprife  les  fages  con« 
ftils  de  Pharnabafe  9  Seigneur  de  fa  Cour ,  &  qui 
avoit  été  chargé  de  fon  éducation.  Il  ne  fait  pas  plus 
de  cas  des  prières  de  fon  beau-pere,  qui  veut  le  faire 
rentrer  dans  fon  devoir  ;  &  dans  toutes  les  occa(ion9 
il  montre  (on  caraâère  farouche  &  barbare.  Enfin 
voulant  avoir  abfoloment  en  (a  puiiTance  &  Polixene 
&  Amarie  9  il  fait  conduire  Orofmane  fous  les  ma« 
railles  de  cette  Ville  ^  &  ûrdopne  à  Phraafte?  l'un  de 
fes  Généraux ,  de  demander  à  parler  à  Tigrane ,  Se 
de  lui  dire  qu'il  a  Ordre  de  poignarder  (on  père  à  fes 
yeux  I  n  fur  le  champ  il  ne  rend  la  Ville.  Tigrane 


THEATRE  FRANÇOIS.       23$ 

l'héfite  pas  ;  &  malgré  ce  quil  a  à  redouter  >  la  pitié 
maternelle  l'emporte  ^  &  il  fe  détermine  à  fe  rendre. 
}rormane  le  lui  défend ,  &  lui  ordonne  même  dft 
ombattre  pour  le  falut  de  fa  fetij^me  &  de  la  Ville  ^ 
afqu'au  dernier  Ibopir ,  &  finit  par  lui  dire  : 

•  ...,.    Meurs  en  fils  d'Orofmaiie  y 
Comme  je  vais  mourir  en  père  de  Tigrane. 

L'ordre  de  poignarder  Orofmane  n'étant  qu'une 
einte  »  qui  n'avoit  pas  réuffi  »  Phraafte  le  ramené  aa 
[loi  f  qui  fur  le  champ  ordonne  un  affaut  général.  Le 
âge  Pharnabafe  veut  encore  eflayer  de  le  ramener  i 
a  douceur  ;  mais  l'orgueilleux  Tiridate  ^  fier  de  fes 
uccès  9  devenoit  chaque  inftant  plus  farouche  ^  &  lui 
3ît  qu'il  n'a  rien  à  craindre ,  &  qu'ayant  fçu  conquérir 
cet  Empire,  il  fçaura  bien  le  conferver.  Le  prudent 
Gouverneur  lui  répond  : 

•  .  «  .  Quand  votre  valeur  étendroit  fon  empire 
Aux  plus  lointains  climats ,  que  Ton  ait  decouvers> 
£r  feroit  un  état  de  tout  cet  univers  i 

Quand  (  dis-je  )  votre  cœur  n*auroit  plus  rien  â  craindre  ^ 

Si  Ton  delTein  n'eil  jufte ,  il  eft  toujours  à  plaindre. 

Au  milieu  des  grandeurs ,  dc$  Thrônes  édatans. 

Les  Princes  vicieux  ne  font  jamais  contents  : 

L*or  ,  la  pourpre ,  le  dais ,  le  fceptrs  &  la  couronne^ 

Ni  la  garde  qui  veille ,  &  qui  les  environne, 

Ke  fçauroient  empêcher  que  les  jufles  remords , 

rlus  cruels  mille  fois  que  les  plus  dures  morts , 

Au  milieu  de  la  pourpre ,  au  milieu  de  la  gloire  , 

Ne  leur  foient  un  bourceau  ,  logés^ns  la  mémoire» 

l'image  de  teiir  crime,  épouventable  à  voir, 

Ss  préfcatc  à  leurs  yeux  ,.aycc  le  défcrpoir  j 


*3C      THEATRE  FRANÇOIS. 

£c  tffî ,  dont  la  grandeur  nous  paroïc  fouveraine  , 

Sur  Ty voire  6c  fur  l'or  fc  fent  mettre  à  la  gêne  j  ; 

Son  efpric  efl  troublé  d'une  noire  vapeur  : 

Il  a  tout  ofFenfé ,  tout  aufli  lui  fait  peur , 

£c  fou  thrône  deviei^t  pour  punir  fa  malice  , 

Le  fuperbc  échafFaut  de  fon  fccret  fupplic«  r 

Ah  !  Seigneur ,  la  raifon  vous  parle  par  ilia  voix  y 

Elle  qui  doit  régner  où  régnent  les  grands  Rois. 

Tiridate  méprîfe  de  fi  fages  aviç»  &  lui  défend  de 
lui  en  donner  davantage.  L'afTaut  eft  donné  ^  &  la 
Place  eft  prife  ;  mais  Tigrane  &  Polixcne  fe  fauvent  : 
&  Tigrane,  cédant  aux  craintes  &  aux  larmes  de  Iba 
époufe,  çonfent  à  lui  donner  la  mort  qu'elle  defire,  & 
qu'elle  lui  demande  g  il  lui  plonge  un  poignard  dans 
le  fein ,  jette  (on  corps  dans  l'eau ,  &  ne  fe  perce  pas 
lui-même  pour  aller  imqooler  à  fa  vengeance  le  bar- 
bare, qui  Ta  réduit  à  cette  cruelle  néceflîcé.  L'amour 
féconde  rarement  les  defleins  fanguinaires  :  &  la  main 
tremblante  deTamonreux  Tlgrane>  n'a  voit  porta  qu'une 
légère  bleffure  à  l'objet  de  toute  fa  tendreffe.  Le  bruit, 
que  fon  corps  avoit  fait  en  tombant  dans  l'eau,  avoit 
fait  venir  du  fecours,  &  on  l'en  avoit  retirée ,  &  mi(è 
dans  une  tente  voifine  ;  mais  le  tyran  ignoroît  toutes 
ces  circonftances  ^  &  ne  l'ayant  pas  trouvée  dans  la 
Ville ,  fe  défoloit  d'avoir  ainfi  perdu  l'objet  de  tous 
fes  crimes.  Phraafte  la  lui  amené  ;  Tiridate  au  com- 
ble de  fes  voçux  ,  lui  déclare  fon  amour  ;  elle  le  re- 
jette avec  hauteur ,  &  le  quitte  avec  mépris*  Cepen- 
dant  on  vient  l'avertir  que  Tigrane  eft  dans  fon  ç^irap, 


r 


THEATRE  FRANÇOIS.       137 

il  le  ÙLit  aufli-tôc  arrêter  &  charger  de  fers.  Ce  Prin* 
ce  infortuné ,  au  milieu  des  malheurs  qui  l'accablent  p 
goûte  cependant  un  moment  de  confolation.  Il  ap- 
prend que  Polixene  eft  en  vie.  Il  lui  écrit  la  lettre  la 
plus  tendre  I  lui  rappelle  qu'il  l'a  (èrvie  en  pareil  cas» 
&  lui  demande  >  comme  la  plus  précieufe  preuve  de 
Ton  amour  »  de  lui  envoyer  du  poifon ,  pour  lui  faire 
éviter  l'horreur  de  mourir  par  l'ordre  du  tyran*  Il 
finit  fa  lettre  par  ces  vers  :  . 

Prcrc-moî  ton  fecours ,  pour  terminer  mes  peines  |  - 

Trouve  moi  ce  poifon  qui^me  délivrera  : 

Si  je  n*écois  chargé  de  chaînes, 

« 

J'irois  baifer  la  main  qui  me  le  donnera* 

Après  avoir  lu  cette  lettre  ^  elle  fe  livre  à  (es  réfle- 
xions 9  &  dit  : 

Trîfte ,  defefperée ,  înterdite  ,  &  confufe  ; 
Honneur ,  tu  veux  un  don  que  l'amour  ce  reEufe. 
La  mort  9  quelque  confeil  que  tu  puifTes  m'offrir  » 
£(l  plus  dure  à  donner  qu'elle  n'eil  à  fou^ir  : 
£c  de  tous  les  grands  maux ,  honneur ,  le  mal  extrême 
î.(i  d'en  faire  c.ndurer  à  l*ob|et  que  Ton  aime. 

Cependant  à  la  fin  elle  fe  détermine  ,  &  lui  envoyé 
ce  poifon  qu'il  defire  :  mais  Tiridate  rencontre  celui 
qu'elle  en  avoit  chargé»  l'arrête ,  s'empare  de  la  Iet«- 
tre  &  du  poifon ,  &  s'imagine  que  c'ef):  à  lui  qu'on  le 
deflinoit.  Alors  n'écoutant  plus  que  fa  fureur  »  il  prend 
le  parti  de  livrer  au:s  fupplices»  &  Ton  beau-pere»  & 


i 


J38       THEATRE  FRANÇOIS. 

fon  beau-frere,  &  fa  femme,  &  fa  belle-fœur  (aprè^ 
avoir  cependant  joui  auparavant  de  cette  dernière.  ) 
Quand  tout*à-côup  on  vient  l'avertir  ^  que  Troilus» 
fils  du  Roi  de  Phrigie  ,  &  frère  de  Polixene  ,  Tient  à 
la  tète  d'une  armée  de  Phrigiens ,  attaquer  la  fienne. 
Il  envoyé  Phraalle  fe  mettre  à  la  tète  de  ks  troupes , 
&  lui  ordonne  de  lui  amener  Troilus  chargé  de  fers. 
Alais  Phraafîe  »  au  lieu  de  combattre  Troilus ,  lui  rend 
au  contraire  les  armes  :  il  croit  fervir  fon  maitret  en 
mettant  un  obftacle  au  deflein  qu'il  avoit  de  commet- 
tre tant  de  crimes.  En  effet ,  ce  fuperbe  &  cruel  vain- 
queur 9  (é  trouve  lui-même  à  la  merci  de  (es  ennemis. 
Alors  la  généreufe  Ormene  >  qui  conferve  toujours 
ion  cara&ère ,  oublie  les  mépris  dont  Tiridate  l'a  voit 
accablée  dans  la  profpérité.  Elle  ne  (bnge  qu'à  fon 
malheur  préfent ,  &  fe  jette  aAc  pied$  de  fon  père  & 
de  fon  frère,  pour  leur  demander  la  vie  de  fon  époux. 
Orofmane  &  Tigrane ,  ne  peuvent  réfifîer  à  ks  lar- 
mes &  à  fa  vertu ,  pardonnent  à  Tiridate ,  &  la  pièce 
finit  par  la  plus  parfaite  reconciliation. 

Ceft  dans  cette  Tragi- Comédie ,  comme  je  J'ai  déjà 
dit  dans  mon  difcours  préliminaire  ,  que  fut  in- 
troduite la  régie  des  vingt -quatre  heures.  L'uni- 
té y  eft  auffi  obfervé.  EUe  eut  le  plus  grand  fuccès,, 
&  on  la  regarda  comme  un  vrai  chef-d'œuvre.  Le 
Cardinal  de  Richelieu ,  après  l'avoir  vu  repréfenter , 
dit:  cet  ouvrage  n'a  pas  béfoin  d'apologie,  &  il  fe 
défend  affez  de  lui-m&me.  Sarrazin ,  lorfqu'on  l'im^ 


THEATRE  FRANÇOIS.       139 

prima  9  mie  à  la  tète  un  difcoors  i  où  il  cherche  à 
prouver  les  grandes  beautés  de  cette  pièce  >  &  lea 
grands  talens  de  Ton  Auteur. 

(SUJET  D'EUDOXE.)  Certainement  Péloquen-: 
ce  de  Sarrazin^  &  le  crédit  du  Cardinal  de  Riche- 
lieu ,  auroiene  faits  de  vains  eflbrts  pour  (aîre  réuflir 
cette  Tragi  -  Comédie  >  qui  eft  fans  aâiôh  s  dont  le 
fujet  eft  médiocre  >  &  qui  eft  mal  écrite.  Cette  Ëu- 

doxe  avoit  d'abord  époulë  l'Empereur  Valentinien  » 
qui  avoit  été  tué  par  Maxime.  Celui  •  ci  s'étoit  em- 
paré de  Ton  Trône ,  &  avoit  forcé  fa  veuve  à  l'épou- 
fer.  Elle  avoit  deux  filles  de  fon  premier  mariage  % 
Tune  nommée  comme  elle  ,  l'autre  Fi^cidie.  Pour 
venger  la  mort  de  Valentinien ,  Eudoxe  avoit  appelle 
à  fon  fecours  Genferic ,  Roi  des  Vandales ,  qui  étoit 
fur  le  champ  accouru  >  qui  avoit  tué  Maxime  9  (âccagé 
Rome  >  &  emmené  captives  l'Impératrice  &  (es  deux 
filles.  Dès  fon  enfance ,  Eudoxe  aimoit  &  étoit  ^imée 
d'un  Seigneur  Romain ,  nommé  Urlàce  :  Thrafimond  1 
fils  de  Genferic,  étoit  devenu  amoureux  de  la  jeune 
Eudoxe  »  &  Placidie  étoit  aimée  par  Olimbre.  Tous' 
ces  difFérens  amours ,  quoique  réciproques  >  ne  font 
nul  effet  dans  la  pièce.  Le  feul  qui  puiffe  fixer  l'at- 
mention  »  eft  celui  de  Genferic  pour  l'Impératrice  >  non 
par  fà  galanterie ,  mais  parce  que  voyant  qu'il  ne  peut 
la  toucher ,  il  veut ,  comme  un  vrai  Vandale  >  la  violer 
à  tout  moment.  C'en  étoit  même  fait  y  fi  cette  Prin- 
cefle  n'a  voit  trouvé  le  fecret  de  mettre  le  feu  à  la 


140       THEATRE  FRANÇOIS. 

chambre ,  où  le  crime  allott  fe  commettre.  Il  eft  vrai 
qu'on  ne  peut  pas  trop  comprendre  ,  comment  elle 
peut  y  réuflir.  Mais  ce  qui  tfk  peut-être  encore  plus 
difficile  à  imaginer ,  c'eft  que  Genferic  qui  la  voit  au 
milieu  des  fiâmes  i  au  lieu  de  la  fecourir  >  la  quitte 
pour  aller  de  toutes  Tes  forces  crier  >  ai^  feu ,  au  feu  ; 
c*eft  pourtant  ce  qui  arrive.  Et  comme  tout  eft  incom^ 
préhenfible  dans  cette  pièce ,  Eudoxe  oublie  que  c'eft 
elle  qui  a  mis  le  feu  dans  le  Palais ,  pour  y  périr  avec 
toute  fa  famille  ;  &  s'emprefie  de  defcendre  par  une 
fenêtre  avec  fes  filles ,  pour  fe  (auver  de  l'incendie* 
En  même-tems»  fans  aucun  motif,  Genferic  rentre 
dans  ces  débris  embrafés ,  y  apperçoit  quelques  olTe- 
mens  >  ne  doute  pas  que  ce  ne  foit  les  précieux  reftes 
de  l'Impératrice  9  les  fait  porter  (bus  un  dais  >  leur  fait 
rendre  les  plus  grands  honneurs  »  &  commet  mille 
extravagances.  Enfin  un  galant -homme  furvient,  & 
le  vovant  plongé  dans  la  deuleur  &  dans  la  ftenefie» 
il  lui  demande ,  fi  en  effet ,  fon  repentir  eft  bien  fin* 
cere.  Genferic  protefte  qu'il  eft  dans  le  plus  violent 
défefpoir ,  qu'il  fent  toute  l'horreur  de  (k  conduite , 
&  qu'il  eft  bien  (ur  que ,  fi  par  un  événement  impof- 
fible  l'Impératrice  s'ofFroit  à  fa  vue  >  il  n'auroît  plus 
pour  elle  que  des  fentimens  de  refpeft  &.d'amitié« 
Puifque  cela  eft  ainfi ,  dit  cet  honnête  perlbonage,  la 
voilà.  En  efFe|i ,  l'Impératrice  paroit  :  Genferic  n'en 
eft  pas  trop  étonné  ;  il  lui  demande  pardon.  Et  pour 
ne  pas  perdre  de  tems>  dans  Tûiftant  même  >  il  lui 


THEATRE  FRANÇOIS.       141 

fait  épouièr  Urface;  il  unit  aulfi  la  jeune  Eudoxe 
avec  Trafimond  >  &  Placidie  avec  Olimbre  ;  &  tous 
fe  réunifient ,  pour  lui  dire  qu'il  eft  le  meilleur  hom- 
ne  du  monde. 

fSU  JET  D'ANDROMIRE. )  Cette  Princeffe, 
Reine  de  Sicile  9  partagç  les  feux  de  Cleonime  $ 
Prince  d'Agrigence  9  Général  de  fes  armées»  &  Thon* 
me  le  plus  aimable  &  le  plus  valeureux*  Arbas,  Prin- 
ce  de  Meffine  9  aimoit  depuis  long-tems  ,  &  étoic  ai- 
mé de  Policrice^  fœur  de  la  Reine  :  mais  il  cède 
tout-à-coup  à  Ton  ambition  »  &  fe  déclare  amant  d'An» 
dromire  >  &  prétend  à  fa  main  &  à  la  Couronne.  Ju« 
gurtha  f  Roi  de  Numidie  ,  avoiç  dé(iré  unir  fon  fils 
Siphax  avec  la  Reine  ;  mais  fidèle  à  fa  tendrefle.  elle 
avoit  refufé  ce  mariage.  Jugurtha  >  pour  s'en  venger  > 
étoit  entré  en  Sicile  >  à  la  tête  d'une  armée  formida- 
ble 9  s'étoit  emparé  du  Royaume  ;  &  il  ne  refioit  plus 
à  la  Reine  que  la  feule  Ville  de  Siracufe  ,  dont  il 
faifbit  lefiege.  Dans  unefortie,  Cleonime  avoit  ^il 
Siphax  prifonnier  >  l'a  voit  envoyé  à  la  Reine  f  &  s'é- 
toit  bien-tôt  lié  avec  lui  de  l'amitié  la  plus  tendre.  Ce 
Prince  n'a  voit  fenti  que  du  refpeâ  pour  Andromire; 
mais  étoit  devenu  paflSooément  amoureux  de  Strato- 
nice,  fà.  plus  jeune  iœur,  &  lui  avoit  plû.  Jugurtha 
envoyé  des  Ambafladeurs  à  Siracufe ,  pour  traiter  l'é- 
change de  fon  fils.  Andromire  fait  afiembler  ion  con- 


14%      THE ATRE  FRANÇOIS. 

feil  9  Arbas  s'oppofe  à  ce  qu'on  rende  la  liberté  à  Si« 
phax.  Cleonime  9  aa  contraire ,  prefle  la  Reine  de  la 
lui  accorder  9  &  en  mème-tems  de  le  renvoyer  làos 
rançon.  La  Reine  préfère  avec  plaifîr  cet  avis  géné- 
reux 9  &  fait  fur  le  champ  conduire  Siphax  dans  le 
camp  des  Numides.  Arbas  >  furieux  des  préférences 
que  la  Reine  accorde  fans  cefTe  à  fon  rival  >  jure  de 
s'çn  venger.  J^Q  effet  y  h  nuit  même ,  Cleoninse  or- 
donne une  fortîe  ,  ils  fe  mettent  tous  deux  à  la  tète 
des  troupes  ;  mais  à  force  d'argent ,  Arbas  avoir  ré- 
duit celles  qui  combattoient  fous  les  ordres  de  Cleo- 
nime ;  &  à  la  première  attaque  elles  Tabandonnent  au 
milieu  des  ennemis  »  qui  le  font  prifonnier.  On  le  con- 
duic  à  Jugurtha  ;  &  Siphax  voyant  (on  ami  dans  les 
fers  >  demande  fa  liberté  à  (on  père  9  &  lui  rappelle 
que  c*eft  ce  même  Cleonime ,  qui  vient  de  lui  rendre 
ion  fik.  Le  Roi ,  qui  fent  bien  que  Siracufe  y  privée 
du  fecours  de  ce  bérosj  doit  bien- tôt  tomber  en  fa 
puifi^nce  >  défend  à  (bu  fils  de  lui  en  parler  davanta- 
ge ,  &  le  charge  même  de  la  garde  du  prifonnier.  Le 
Prince  »  au  défefpoir  de  fe  voir  forcé  de  trahir  >  ou  foa 
devoir  9  ou  Tamitié  9  a  un  entretien  avec  (on  ami»  où 
brillent  dans  tout  leur  éclat  la  vertu  &  la  générofité; 
&  le  Prince  finit  par  l'aiTurer  que  9  dôt-il  lui  en  coûer 
la  vie  9  il  le  mectroit  bien-tôt  à  portée  d'empêcher  fon 
rival  de  profiter  de  fon  abfence.  Cependant  la  Reine 
apprend  le  malheur  arrivé  à  Cleonime»  Elle  accufe 


THEATRE  FRANÇOIS.       143 

Àrbas  d'y  avoir  contribue;  celui-ci  fe  jufllfie  >  lui 
rend  compte  de  l'aftion ,  &  lui  demande  ce  qu'il  au- 
roic  pu  faire  davantage.  La  Reine  lui  répond  : 

Y  mourir. 
Il  falloir  s'enterrer ,  évitant  rinfamie  , 
Dans  les  retranchemens  de  Tarmée  ennemie  : 
'  Ceft  là  que  le  trépas  étoit  &  jufle ,  6c  beau  , 

£c  qu'un  homme  de  coeur  auroit  fait  foi\  tombeau* 

Enfbite  la  Reine  fait  le  ferment  le  plus  folemnel  $ 
d'accorder  9  fans  réferve,  tout  ce  que  lui  deman(|eroit: 
cel«i  qui  lui  ameneroic  Cleonimç.   Arbas  fort  à  Tin- 
ftant  même  de  la  Ville  >  à  la  tête  d'un  gros  détache- 
ment y  attaque  le  quartier  où  j'on  gardoit  (on  rival  ^ 
le  délivre ,  le  ramenie  à  la  Reine  >  lui  rappelle  ion  fer- 
ment ,  &  lui  demande  fa  main.  Andromire  fe  livre 
au  défefpoir  >  mais  ne  peut  le  refufer.  Elle  fe  retire 
un  moment  chez  elle  f  demande  du  poilbn  à  ion  Mé- 
decin f  l'avale  avec  avidité  f  revient  trouver  Tes  fœurs  , 
&  déclare  devant  tout  le  monde >  que»  pour  prouver 
fa  tendreiTe  à  Cleonîme ,  &  pour  éviter  l'horreur  d'ê- 
tre à  Arbas ,  elle  vient  de  s'empoifonner,  Auffi-tôt 
Cleonime  veut  fe  tuer  ;*  la  Reine  le  lui  défend  :  Arbas 
y      fe  laiife  attendrir  par  un  ipedtacle  auflS  touchant  >  & 
1      montre  le  4^1us  iincere  repentir  de  tout  ce  qu'il  a  fait. 
'      En  même-tems  on  vient  les  avertir,  que  les  Numides 
font  maîtres  de  la  Ville.  Jugurtha  paroît  >  non  en  en- 
nemi ;  mais  au  contraire  dans  le  defTein  de  faire  le 
bonheur  général.  Vaincu  par  les  larmes  >  la  vertu ,  & 


144      THEATRE  FRANÇOIS. 

l'amour  de  fon  fils ,  il  s'écoic  déterminé  à  faire  tout  Cô 
qu'il  defiroic.  Mais  quelle  eft  (a  furprife,  quand  il  ap- 
prend  que  la  Reine  va  mourir!  Il  envoyé' chercher  le 
Médecin  7  qui  annonce  qu'on  n'a  rien  à  craindre  pour 
les  jours  de  la  Reine  :  que  lorfqu'elle  lui  Savoie  de- 
mandé du  poifon  >  s'étanc  bien  apperçu  du  trouble 
qui  déchiroit  Ton  ame  »  au  lieu  de  lui  en  avoir  don- 
né» il  ne  lui  avoit  préfenté  qu'un  breuvage  indifFé« 
rent.  Alors  Arbas  fe  jette  à  Tes  genoux  >  lui  demande 
pardon ,  l'aflurè  qu'il  ne  veut  plus  s'oppofer  à  fon  bon- 
hear»  &  lui  rend  fa'  parole.  Il  fe  tourne  enfuitevers 
Policrite  y  avoue  fes  torts  avec  honte ,  &  lui  demande 
grâce.  Enfin  le  mariage  d'Andromire  avec  Cleonimei 
de  Stratonice  avec  Siphax  >  &  de  Policrite  avec  Ar- 
bas >  rend  tout  le  monde  content. 

(SUJET  D'IQilAHIM.  )  Juftinîan  Paleologue', 
ayant  eu  dans  une  bataille  le  bonheur  de  fauver  (a 
vie  à  l'Empereur  Soliman ,  d'efclave  il  étoit  devenu 
Grand  Vifir ,  &  favori  du  Sultan.  Pour  lui  plaire,  il 
avoit  confenti  (fans  cependant  renoncer  à  fa  Religion) 
à  prendre  l'habillement  Turc>  &  le  nom  d'Ibrahim. 
Chaque  jour  fa  faveur  augmentoit  »  ainfi  que  fon  fin- 
cere  attachement  pour  le  Sultan.  Cepeniftnt  fouvent 
on  le  voyoit  trifte  &  rêveur  :  &  l'Empereur  ^  inquiet 
du  chagrin  de  fon  ami,  exige  de  fon  amitié  de  lui 
en  confier  le  motif.  Ibrahim  ne  peut  fe  refufer  aux 
tendres  follicitations  de  fon  maître  9  &  lui  avoue  que, 

lorfqu'ii 


THEATRE  FRANÇOIS.       14$ 

torfqa'il  fat  pris  fur  la  mer  9  il  aimoît  &  écoit  aimé 
dllabelle»  PrincefTe  de  Monaco;  &  que  le  tourment 
de  ne  plus  voir  l'objet  de  toute  fa  tendrefle  le  ploii- 
geoic  quelquefois  dans  une  douleur ,  qu'il  n'étoit  pas 
le  mairre  de  tracher.  Sans  lui  rien  dire ,  Soliman  en- 
voyé auffi-tôt  fes  Galcres  pour  enlever  Kabelle  ^  &  la 
préfente  à  fon  £ivori.  Ceft  dans  cette  pofition  9  c]ue 
commence  la  pièce.  Il  faut  cependant  fçavoir  encore 
que  9  peu  après  l'arrivée  d'Ifabelle  ,  Ibrahim  étoit  allé 
fe  mettre  à  la  tète  des  Turcs  y  pour  combattre  les 
Ferfans  ;  &  que  I^oxelane  -,  Sultane  âvorite  »  jaloufe 
de  la  grande  autorité  d'Ibrahim  9  cherchoic  à  le  per« 
dre.  Elle  en  trouve  bien-tôt  le  moyen  ;  pendant  l'at> 
fence  du  Viiir  ^  Soliman  devient  éperdûment  amou- 
reux d'Ifabelle  ;  &  malgré  les  combats  que  font  dans 
fon  cœur  l'amitié  &  la  reconnoidànce ,  l'amour  de- 
meure le  plus  fort.  Il  découvre  (à  paffi^n  à  Ifàbelle, 
qui  9  confiante  à  (à  tendreffe  pour  JuRinian ,  rejette  les 
vœux  du  Sultan.  Solimaa  étoit  vertueux;  &  il  au*-  ^ 
roic  »  fans  doute  y  triomphé  de  (on  amour ,  fi  llùftan  » 
créature  deRoxelane»  &  qui  fçavoit  combien  Ibra- 
him lui  étoit  odieux ,  n'avoit  cru  trouver  un  nK)yen 
fur  de  le  perdre  9  en  flattant  l'amour  de  rEmpereur. 
En  effet  t  il  lui  promet  un  prompt  fuccès,  fie  l'empê- 
che enfin  d'écouter  la  voix  de  la  vertu*  Ce  Monarque 
revoit  I&belle ,  &  veut  être  obéît.    Elle  préfère  la 
ixK>rt ,  fie  même  la  defire.  Tout  ne  refpiroit  en  ce  mO' 
ment  que  trouble  fie  qu'mtrigue  dans  le  Serrail^  lort 
Tome  IL  IK. 


14^       THÉ  A  TRE  FR  A  NÇO IS. 

que  toutà-coup  Ibrahim  revient  vainqueur  dés  Pef- 
fans ,  donc  il  apporte  le  Sceptre  &  la  Couronne  aux 
pieds  de  Soliman.  L'Empereur ,  honteux  d'avoir  fongé 
à  trahir  Ton  ami  >  pendant  qu'il  lui  foumet  un  Empire, 
fc  livre  encore  aux  douceurs  de  Pamitié  -  l'embrafle  5 
&  jugeant  de  fon  impatience ,  l'envoyé  trouver  If»- 
belle.  Il  fait  plus  ;  il  veut  abrolument  renoncer  à  cette 
beauté  y  quand  le  traître  Ruftan  vient  encore  par  Tes 
pernicieux  confeils  lui  ravir  l'honneur  d'avoir  écouté 
d'audi  judes  remords.  Cependant  Ifabelle  apprend  à 
Ibrahim  la  funede  paflîon  du  Sultan.  Ils  prennent  le 
parti  de  s'enfuir  enfemble  :  mais  la  cruelle  Roxelane 
avoit  trop  d'efpions  autour  d'eux  y  pour  n'être  pas  in^ 
ilruite  de  toutes  leurs  aâions  :  &  au  moment  même 
qu'ils  fortent  du  Serrait  >  elle  vient  en  avertir  l'Empe- 
reur f  qui  r  cédant  à  fa  douleur  &  à  fa  colère ,  envoyé 
tous  les  Janiffaires  après  eux.  On  les  rencontre  :  Ibra- 
him fe  met  en  défenfe ;  mais  il  jette  bientôt  fes  ap- 
mes  aux  pieds  de  fes  ennemis  >  lorfqu'on  le  menace, 
$'il  ne  fe  rend  pas  j  d'immoler  Ifabelle.  On  le  charge 
de  fers.)  &  on  le  conduit  au  Serrail.  Ruftan ,  qui  avoit 
été  chargé  du  foin  de  l'arrêter  ,  vient  rendre  compte 
au  Sultan  du.  fuccès  de  (on  entreprife  ;  &  pour  aug- 
menter encore  fa  colère ,  fuppofe  qu'il  a  découvert 
que  l'ingrat  Ibrahim  alloit  fe  mettre  à  la  tête  de  fes 
troupes,  &les  révolter  contre  lui.  Roxelane  exagère 
l'énormité  de  ce  crime  ,  &  demande  la  mort  du  cou- 
pable.   SoUmia.JTe;  rappelle  a^ors  qu'il  avoit  juré  à 


THEATRE  FRANÇÙlS.       14^ 

Ibfahim  »  lorfquUl  le  6t  Grand  Viûr  ,  <]iie  ,  quelque 
chofê.qui  arrivât,  tant  qu'il  feroit  envie,  de  ne  jamais 
le  condamner  à  mort.  Roxelane  envoyé  fur  le  champ 
chercher  le  Mufti,  qui  étoic  auffi  une  de  fes  créatu- 
res, pdur  tâcher  de  relever  TEmpereur  de  fon  fer- 
ment. Il  arrive;  il  le  loue  du  refpeft  qu'il  conferve 
pour  la  ikinteté  d'un  ferment  :  mais  il  trouve  un  moyen 
de  1  éluder  :  il  lui  dit  que ,  le  fommeil  ëtant  limage  de 
la  mort ,  il  pouvoit  profiter  de  cet  inAant  pour  faire 
périr  ie  coupable*  L'Empereur  adopte  ce  funefte 
canfeil ,  &  ordonne  à  Rufian  >  dès  qu'il. le  verroit  en- 
dormi, de  livrer  Ibrahim  entre  les  mains  des  muets. 
Il  fe  couche  :  Ruftan  attend  avec  impatience  le  mo^ 
ment  >  ou  il  verra  fermer  les  yeux  xlu  Sultan.  II  croit 
même  s'en  être  apperçu ,  &  veut  aller  fervir  la  fureur 
de  Roxelane  :  mais  Soliman  l'arrête.  Sans  ceffe  com- 
battu par  (es  remords ,  il  ne  pouvoit  goûter  les  dou- 
ceurs du  repos;  ramitié,  Tamour  &  la  reconnoiffan- 
ce  fe  peignoîent  alternativement  à  fes  yeux.  Enfin  il 
croit  entendre  la  voix  même  de  Mahomet,  lui  repro- 
cher le  crime  qu'il  veut  commettre.  Il  n'héfite  plus  : 
il  envoyé  chercher  Ibrahim  &  Ifabelle,  s'avoue  cou- 
pable ,  les  prie  de  lui  pardonner ,  &  de  lui  accorder 
leur  amitié.  Mais  craignant  encore  les  charmes  trop 
pmiTans  de  la  Princefle  de  Monaco ,  il  permet  à  Ibra- 
him de  l'emmener  en  Italie ,  &  il  les  comble  tous 
deux  de  préfens.  On  vient  en  raême-téms  lui  annoncer- 

K  ij 


14S       THEATRE  FRANÇOIS. 

î 

que  le  Mufti  &  Ruftan  avoient  été  déchirés  par  le 
peuple  9  6c  que  la  Sultane  écoit  morte  de  fureur. 

Quoique  je  n'aye  pas  trouvé  dans  cette  Tragédie» 
une  tirade  de  vers  digne  d'être  citée ,  elle  eft  cepen- 
dant bien  écrite  :  la  conduite  en  eft  bonne»  &  les  ca- 
raâères  font  (butenus.  Pour  ne  point  allonger  cet  ex- 
trait y  je  n'ai  pas  parlé  de  deux  perfonnages  vertueux* 

Celui  d'Aftçrie ,  fille  du  Sultan  »  qui  >  quoiqu'elle  aime 
Ibrahim  ,  ferc  toujours  I&belle ,  &  lui  facrifie  fon 
amour;  &  celui  du  brave  Achomat,  amoureux  d'A- 
fierie  >  à  qui  l'on  perfuade  que  Soliman  veut  la  don- 
ner à  Ibrahim  ;  &  qui  >  lorfqu'il  voit  ce  Yifîr  dans 
l'infortune  ^  vient  demander  fa  grâce  à  l'Empereur  % 
dûMl  lui  en  coûter  l'objet  de  fon  amour. 

(SUJET  D'AXIANE.)  Leontidas,  père  d'A- 
xiane  ^  avoit  été  injuftement  chaflé  de  Lesbos  ^  dont 
il  et  oit  Souverain.  Aigri  par  ce  malheur  y  il  s'étoit  fait 
cbef  des  pirates  »qui  défoloient  les  mers,  &  avoit  em« 
mené  fa  fille  avec  lui.  Un  jour  dans  un  combat ,  où 
il  eft  vainqueur  %  il  fait  prifonnier  Harmocrate ,  fils  de 
Diophantç  ,  Roi  de  Crète.  Ce  Prince  devient  bien- 
tôt amoureux  d'Axiane  y  &  en  eft  aimé.  Enfin  il  cher- 
che à  lui  perfiiader  de  (àifîr  upe  occaiion ,  où  elle  pour- 
voit quitter  les  vaifteaux  de  Leontidas  ,  &  de  le  fui- 
vre  en  Crète  >  où  il  Taffure  que  (on  père  fera  enchanté 
de  la  recevoir  :  elle  héfite  quelque  tems.  A  la  fin  i 
vaincue  par  l'amour  y  par  le  defeipoir  de  voir  chaque 


THEATRE  FRANÇOIS.       i4§ 

Inftant  broUer  aux  fers  de  fon  amant  >  &  par  Thor- 
reur  d'être  toojours  témoin  des  cruautés  qu'exer» 
çoient  les  pirates  9  elle  fe  détermine  à  le  fuivre».  Ils 
partent  &  abordent  à  Lemnps»  où  regnoit  Ârcbidame  ^ 
frère  de  Diophante  ;  &  Harmocrate  apprend  »  avec 
Cranfport^  cjue  fon  père  y  étoit  depuis  quelques  jours  ^ 
Il  lai  préfente  Axiane,  il  lui  vaotejes  vertus  de  cette 
PrincefTe  ;  il  lui  dit  que  c'eft  à  elle  à  qui  il  doit  la 
tibertée  :  enfin  il  lui  avoue  leur  amour  réciproques 
Toutes  ces  raifons  n'empêchent  pas  Diophante  de  les- 
accabler  tous  deux  du  poids  de  (k  colère»  &  de  dire 
à  Harmocrate  que  la  fuite  eft  une  aâion  lâche  &  hon-^ 
teufe.  Axiane  »  loin  de  fe  révolter  contre  la  dureté^ 
du  Roi  de  Crète  >  lui  parle  avec  une  douceur  &  une 
vertu  fi  refpeâable,  qu'elle  finit  par  l'attendrir  •  & 
qu'il  appl^dit  au  choix  qtfavoit  fait  fon  fils.  Cepen- 
dant Leontidas ,  furieux  de  la  fuite  d'Axiane  ^  Se  t^ 
chant  qu'elle  s'étoit  réfugiée  à  Lemnos  >  h\t  débai^ 
quer  Tes  troupes  ^  pour  prendre  cette  Ville  >  avoir 
Axiane  en  fa  puiflance^  &  la  punk  févecement.  Le^ 
Roi  de  Crête  9  avec  fon  fîrere  &  fon  fils ,  vont  à  la 
tête  de  leur  armée  pour  le  combattre  ;  la  bataille  s'en- 
gage ;  plufieurs  fois  Harmocrate  fauve  la,  vie  à  (bo. 
père ,  &  à  celui  de  fa  maitrefle»  Mais.>  ajrant  appris: 
qu'une  troupe  de  corikires  mardboient  pour  enlevée 
Axiane  >  il  vole  au-devant  d'eux,  &  les  défait.  Pen- 
dant fot^abfence,  Leontidas, étoit  demeuré  vainqueur^ 
avoit  fait  Diophante  prifonnier  ^  &  l'avoic  emmàn4 


r^ô       THE^ATRE  FRANÇOIS. 

<bna  Tes  vaHr4.aax.  Pea  de  tetas  après ,  Leemttdas  hà 
eev^ojse  ua  %t  (e^  Capitaines  ,  pour  tm  propoPef  fé*» 
cËaogff  d'ÂoâaôieL.  contre  Diophance  ;  &  en  cas  de  re- 
fus, poar  l'affurer  de  la  prochaine  mort  de  fon  père. 
Haj^mocrate  ne  peat  fe  déternoiner>  ni  à  rendre  Âxia^ 
tïQ  >  ni  à  laifler  périr  Diophaôte.  Enfin  il  prend  le  par« 
ti>  à  l'in%u  de  fa  makrefle ,  d'aHer  fe  fendre  lai-même, 
à  LeoQtidaSit  &  de  reprendre  fes  fers>  pour  rompre 
ceux  de  fon  père.  H  part.  D'uîn  awijre  côté,  Axiane» 
q^ioiqu'elle  n'ignore  pas  le  fort  que  lui  deftinoit  Leon« 
tidas,  va  trouver  ATchidame,  lui  amande  en  grâce 
de  lut  procurer  les  moyens  d'aller  ifrou  ver  fon  père, 
j&bi  prouve  que  «'eft  b  feule  reffource  qui  leur  refte. 
Archidame  s'oppofe^  quelque  tems  à  un  projet  qu'il 
croit:  devoir  lui  être  fatal  :  fnais  vaincu  par  fes  rai- 
ibnsi;  de  plus,  persuadé  que  rien  ne  peut  réHfter  à 
à  fés  charmes  &  à  fa  vertu  >  il  lui  donne  un  efquif. 
Elle  pecommande  ffu'on  cache,  avec  le  plus  grand 
ft>}n  ;  (bfl  départ  â-Hkrmocrate.   Elle  s'embarque ,  & 
adcive  au  vai(lba'tt  de  ion  père.    Mais  quelle  eft  & 
&  ftirprife  &  fa  doafcur ,  Ibrfque  le  premier  objet  qui 
fèappe  fes  «yeux' ,  eft  Harmocrate  lui-même.   Elle  fe 
jîgtte  a«x  genou»  de  Ton  père  ,  qui  demeure  infle- 
s^ibte  9  &  qui  ne  patoJt  pa«  même  ému  de  l'aôion 
gét^reufe  (te  ces  deux  amans.    Il  cbnfent  à  rendre 
te  liberté  à  Diophante  ;  mais  il  veut  garder  fon  an- 
cien prifonnier  ,  &  fiiire  mourir  fa  fiHe.  Il  fe  paflt 
alors  un  combat  de  tendrefle  >  entre  Harmocrate  & 


THEATRE  FRANÇÇIS.         tSt 

Axiane,  qui  veulent  mourir  l'un  pour  l'autre  9  fi  toa« 
diant  9  que  la  &rouche  Leontidas  en  eft  enfin  atten- 
dri. Il  rompt  lui  même  les  fers  du  Roi  de  Crète  >  c6n« 
fent  à  Tunion  de  fa  fille  avec  le  fils  de  ce  Monarque  : 
&  pour  la  rendre  plus  digne  de  lui ,  il  demande  des 
troupes  pour  aller  reconquérir  Tifle  de  Lesbos,  &  la 
lui  donner  pour  dot»  Ils  partent  tous  enfemble  pour 
cette  expédition. 

J'ignore  fi  c'eft  parce  que  cette  Tragî  Comédie  eft 
écrite  en  profi;  ;  mais*il  eft  difficile  d'en  trouver  une 
plus  froide  $  quoique  le  (ùjet  en  (bit  fort  intéredant. 

(SUJET  D'ARMENIUS.)  Dans  une  longue  Pré- 
face  >  que  l'on  trouve  à  la  tête  de  cette  pièce ,  Scu- 
deri  après  avoir  loué  >  fans  modefiie  9  les  quinze  dra- 
mes qui  précédent  celui  ci  ^  dit  :  »  Enfin  ,  Leâeur  ^ 
):»  il  ne  me  reôe  plus,  qu'à  nommer  le  grand  Arminius» 
»  que  je  vous  préfente  »  &  par  lequel  je  prétens  finir 
yy  un  fi  long  &  laborieux  travail  :  c'ed  mon  chef- 
»  d'oeuvre ,  que  je  vous  préfente  efl  cette  pièce,  & 
yi  l'ouvrage  le  plus  achevé  qui  foit  jamais  parti  de  ma 
m  plome  ;  car  foit  pour  la  fable ,  pour  les  mœurs  9  pour 
3»  les  (entimensy  &  pour  la  verfijScation ,  il  eiit  certain 
»  que  je  ne  fis  jamais  rien  de  plus  jufte  >  de  plus 
»  ^rand  ^  ni  de  plus  beau;  &  que  fi  mes  labeurs 
>3  avoient  pu  mériter  une  couronne,  je  ne  l'attendroîs 
3D  que  de  ce  dernier,  &c.  *  J'ignore  fi  les  Ledeurs  de 
ibti  tems  trouvèrent  cp^i  eût  raiibn  d'adjuger  ainfi 
la  palme  à  cette  Tragi- Comédie.  Mais  }e  fuis  per- 
fuadé  qu'on  ne  feroit  pas  aujourd'hui  de  /on  avis  : 
c'eft  même  à  mon  gré  une  de  (es  moindres  pièces  » 
&  où  l'on  trouve  le  plus  de  mauvais  vers ,  &  de  &uf- 


E 


i5x       THEATRE  FRANÇOIS. 

fes  pepfées  ;  les  caraâères  font  petits ,  &  ne  répon*^ 
dent  jamais  à  la  célébrité  des  perfonnages  qu'ils  re- 
préfencent.  Ce (l  en  un  mot,  !a  preuve  certaine  de 
a  décadence  d'un  homme  médiocre.  Arminius  vient 
dans  le  camp  de  Germanicus ,  lui  redemander  baflc' 

jnent  Hercinîe  fa  femme ,  &  fille  de  Segefte ,  Prince 

Allemand.  Ce  Segefte  >  pour  fe  venger  d* Arminius» 

qui  avoit  époufé  Hercinîe  malgré  lui»  avoit  embraiTé 

le  parti  des  Romains  >  avec  un  jeune  étourdi ,  nom* 

me  Flavian,  qui  étoit  ftere  du  héros  des  Gaules.  Il 

cft  néceffaire  de  fçavoir  que  Segefte  avoit  4^berd 

deCré  Arminius  pour  fon  gendre  y  qui  de  fbn  côté 

ibuhaitoic  fort  ce  mariage  »  &  qui  même  avoit  envoyé 

Ion  Grere  Flavian»  pour  régler  les  conditions.  Mais» 

Flaylan  »  dès    qu'il   eut  vu  la  Princeffe,  en  étoIt 

devenu  tell^ement  amoureux ,  qu'oubliant  fon  devoir  y 

il  n'avoit  travaillé  qu'à  rendre  Arminius  odieux  à  Se* 

gefte  &  à  Hcrcinie ,  quil  y  avoit  réuffi  ;  &  qu'à  force 

de  foins  fie  d'intrigues»  il  étoit  parvenu  à  fi  bien  fé* 

duire  le  père  &  la  fille  »  qu*il  avoit  enfin  obtenu  pour 

lui  la  main  de  la  Princefle.  Ceft  au  moment  même 

que  cet  hymen  alloit  fe  célébrer  »  qu'Arminius>  inftruit 

de  la  trahifon  de  fon  frère,  envoyé  des  Ambaflà' 

deurs  au  Prince  Allemand ,  qui  ne  veut  pas  les  écoa« 

ter;  &  que  voyant  qu'il  n'a  plus  d'autres  reflburces» 

prend  le  parti  &  réuflit  à  enlever  Hercinie ,  à  qui  il 

prouve  bien-tôt   (on  innocence  fc  fa  tendrefte  »  & 

qu'il  l'époufe.     Peu   de  tems  après  ,  un  parti   de 

ilomains  8*étanc  emparé  d'une  petite  Ville  où  il  Ta* 


THEATRE  FR^ANÇOIS.       153 

\ok  lailTée  9  l'a  voit  emmenée  dans  leur  camp.  Il  faut 
encore  fçavoir  qu'il  y  avoit  auffi  dans  le  même  camp> 
une  autre  PrincefTe  nommée  Segîmire  >  (Ille  d'Inguio- 
rnere»  Prince  puiflanc  parmi  les  Allemands.  Cette  Prin* 
cefTe  aimoi  t  Flavian»  &  en  avoit  été  aimée.  Voilà  ceque 
j'ai  cru  indifpenfable  de  fçavoir ,  pour  Tintelligence 
de  cette   pièce.  Arminius  vient  donc  trouver  Germa- 
nicus  ;  lui  offre  (es  tréfors  pour  la  rançon  d'Hercinie  i 
&  &it  un  pompeux  étalage  de  fa  grandeur  d'ame  y 
de  fes  vertus  &  de.  (on  amour  pour  la  fille  de  Sege«. 
fte.  Germanicus  fe  laiiTe  féduire ,  &  eft  prêt  à  lui 
rendre  (on  épou(è  j   lor(qu'Agrippine  lui  repréfente 
tout  ce  qu'il  a  à  redouter  de  l'efgrit  (bupçonneux  de 
Tibère.  Germanicus  écoute  fa  femme  avec  complai* 
fance  >  &  fuit  fes  avis.    Il  fait  toutes  les  honnêtetés 
poflibles  au  valeureux  Gaulois  ;  mais  il  lui  refu(è  Hef« 
cinie.  Arminius ,  au  defefpoir ,  employé  alors  tous  les 
plus  petits  moyens  pour  tâcher  de  la  lui  faire  rendre, 
il  va  implorer  l'ancienne  amitié  de  Segefie,  qui  le 
rebute  groflîérement.  Il  va  trouver  fon  frère ,  qui  né 
le  traite  pas  mieux  >  &  avec  lequel  il  finit  par  fe  bat- 
tre. Enfin  le  dénouement  de  ce  4hef-d*œuvre  s'opère 
par  l'arrivée  de  Germanicus  9  qui  >  ayant  entendu  le 
bruit  des  combattans,  fort  de  fa  tente,  &  trouve  les 
deux  frères  Tépée  à  la  main ,  &  prêts  à  s*entr'ègor'* 
ger.   Il  veut  punir  Flavian ,  d'avoir  ofé  violer  l'holpi- 
talité  jurée  à  Arminius  :  mais  ce  héros  »  Herciniey  la 
tendre  &  délaifTée  Seginùre  9  &  même  Agrippine  fe 


J54      THEATRE  FRANÇOIS. 

joignent  enfemble  f  pour  demander  fa  grâce.  Germa- 
nicus  la  leur  accorde  »  rend  Hernicie  au  généreux 
Arminius  >  &  (ait  époufer  Segimire  au  valeureux  Fla« 
vian.  Ainfi  tout  le  inonde  eft  ou  paroit  content. 

J'ai  déjà  dit  qu*en  tout ,  cette  pièce  étoit  mal  ver 
fifiée.  Voici  cependant  une  tirade ,  qui,  je  crois,  pour- 
ra plaire  :  c'eft  dans  la  fcène  où  les  deux  frères  fe 
souvent  enfemble.  Arminius  reproche  à  Flavian  fa 
perfidie ,  &  lui  demande  quel  motif  il  peut  alléguer 
pour  fa  jufiificatipn.  Il  lui  répond  : 


L'amour  eft  un  cfFct  qui  n*cft  pas  volontaire  : 
l'heure ,  Poccafîan ,  la  caufe  «  le  moment  » 
L'obicc ,  la  volonté ,  rien  n'agit  librement. 
C'efl  un  ordre  fecret  de^hofcs  enchaînées , 
Qui  fulvent  feulement  la  loi  de(  deflinées , 
Qu'on  ne  peut  empêcher,  &  qui,  malgré  nos  foins. 
Arrivent  à  leur  fin ,  lorsqu'on  le  croit  le  moins. 

On  attribue  encore  à  cet  Auteur,  LucIDAN,oa 
le  Héraut  d'armes,  en  1639.  ^  AnnibaU  Tragédie. 

1631. 

JEAN  DE  RofROU^  né  à  Dreux,  le  19  Août 
Ï609.  Lieutenant  Particulier  de  cette  Ville ^  où  il 
mourujt  d'une  fièvre  pourpreufe  le  27  Juin  16  fo. 

UHIPOCONDRIAQUE,ou  LEMORT 

AMOUREUX  »  Tragi-Coraédie ,  avec  un  argument;^ 
dédiée  à  Monfeigneur  le  Comté  de  SoiiTons*  PaeiSi 
Touflaint  Quinct ,  1 63 1 .  ifl-8°. 


THE ATRE  FRANÇOIS.      J^S 

CLEAGENOR  ET  DORISTÉE,  Tragî-Comé- 
die  »  avec  un  argument  >  dédiée  à  M.  le  Cocace  de 
Belin.  Paris  ,  TouiTaint  Quinet , 

LA  BAGUE  M  L'OUBLI ,  Comédie  eh  cinq 
aftesj  en  vers»  avec  un  argument,  dédiée  au  Roi» 
Paris,  François  Targa,  1635..  m  8^. 

LA  DIANE,  Comédie  en  cinq  a^Aes,  en  verSp 
avec  un  argument,  dédiée  à  M»  le  Comte  de  Fief<{ue^« 
Paris,  François  Targa»  16^5.  i;z.8®. 

LA  CELIMENE,  Comédie  en  cinq  aftes ,  eH 
vers  ,  dédiée  à  M.  le  Comte  de  Nançay.  Paris  9  Aur 
toiûe  de  Sommaville,  1636.  m  4^. 

L'HEUREUSE  CONSTANCE ,  Tragî-Comédie^ 
dédiée  à  la  Reine.  Paris  ,  Touffaint  Quinet ,  16 ^6. 

HERCULE  MOURANT,  ou  LA  DEJANIRE, 
Tragédie  ,  dédiée  à  M*  le  Cardinal  de  Richelieu-» 
Paris ,  Touflainc  Quinet,  1636.2/1-4^. 

LES  OCCASIONS  PERDUES,  Tragî- Corné- 
die,  dédiëe  à  Mad.  la  Comteffe  de  Soifibns.  Paris > 
Touflaint  Quinet,  163^6,  w-4^. 

LES  MENECHMES,  Comédie  en  cmq  aûes, 
en  vers,  dédiée  à  M«  le  Comte  de  Belin»  P  ari  s^ 
Antoine  de  Sommaville,  1636.  i/z<4^ 


o 


L'HEUREUX  NAUFRAGErTK^Comédie. 
Paris  >  Antoine  de  Sominavilte  >  *^6.JT*  ù>-4*« 


t 


1 

j£6       THEATRE  JtRANÇOiiS. 

LA  CELIANE,  Tragi- Comédie ,  dédiée  à  Mai 
dame  la  Marquife  de  Pezé,  Paris  ,  Touflaint  Qui- 
Det^  1637*  '^-4^* 

LA  PELERINE  AMOUREUSE ,  ou  L'ANGE- 
LIQUE ,  Tragi-Gomédie.  Paris  ,  Antoine  de  Som- 
inaville>  16  37*  1/1-4^. 

LE  FILANDRE ,  Comédie  en  cinq  aftes ,  en 
yers.  Paris  »  Antoine  de  Somma  ville  >  i6)7.i/i-4^« 

AGESILAN  DE  COLCHOS,  Tragi-Comédie , 
dédiée  à  Madame  de  Combalet.  Paris  ,  Antoine  de 

Sommavillei  i6  37.i/z*4^« 

*  . 

L'INNOCENTE  INFIDÉLITÉ,  Tragî-Comé- 

die.  Paris ,  Antoine  de  Sommaville^  <^37*  ''^  4°* 

LA  CLORINDE  »  Comédie  en  cinq  aftes ,  en 
vers.  Paris  y  Antoine  de  SommavilIe>  16^7.  in.j^^. 

AMELIE,  Tragi-Comédie ,  dédiée  à  Madame  la 
Princefle  Marie.  Paris»  Antoine  dp  Sommaville , 
x5}8.  î/z-4"* 

/  LES  SOSIES ,  Comédie  en  cinq  aftes,  en  vers, 
dédiée  à  M.  le  Marquis  de  Liancour.  Paeis,  An- 
toine  de  Sommaville,  1638. 1/1-4% 

LES  DEUX  PUCELLES,Tragi.Comédie,  dé- 
diée à  Mademoifellé  de  Longueville.  Paris,  An* 
coine  de  Sommaviite ,  1639.  ia.i2* 

LA  BELLE  ALPHREDE ,  Comédie  en  cinq 
aâ:es>.  en  vers,  dédiée  à  Sylvie.  PARIS,  Antoine  de 
Sgmms^ville ,  1 6  3  9.  i/i4^. 


THEATRE  FRANÇOIS.      157 

LAURE  PERSÉCUTÉE,  Tragi-Comédîe ,  dé- 
dièe  à  Mademoifelle  de  Vertus.  Pa&iS  ,  XouiTaint 
Quinec^  1639.  i/z-4*'. 

La  même,  chez  le  même,  1646.  irhia. 

«    La  même  9  dédiée  à  M.  de  Crequi  9  premier  Gen« 
lilhomme  de  la  Chambre  9  idem ,  in- 8^. 

ANTIGONE ,  Tragédie ,  dédiée  à  M.  le  Comte 
de  Guebrian,  Paris  ,  Touflâinc  Qainct ,  16 39. 

"  o 

J7Z-4    • 

La  mime  y  chez  le  même 9  1639,  in-iz. 

CHRIS ANTE,  Tragédie.  PariS»  Antome  de 
Somma  ville  >  1640.  1/1-4^  • 

LES  CAPTIFS  ,  ou  LES  ESCLAVES ,  Comé- 
die tirée  de  Plaute  ,  en  cinq  aâes ,  en  vers.  Paris  p 
Antoine  de  Sommaville^  lô^Otin-^^. 

La  même ,  idem ,  z/z«i2« 

IPHIGENIE  EN  AULIDE,  Tragédie.  Par iS, 
Touflainc  Quinett  1641.  i/z-4^ 


»«•  • 


CLARICE,  ou  L'AMOUR  CONSTANT, 
Comédie  en  cinq  aâes>  en  vers,  avec  un  avis  aa 
Leâeur  ^  dans  lequel  il  avoue  que  cette  pièce  eft  une 
imitation  de  celle  de  Sforza  d'Oddi.  Pari  s  ,  Tout» 
làint^  1644.  î/i-40. 


y 


BELISSAIRE,  Tragédie,  dédiée  à  M.  deGaife, 
Fa&iS)  Toaflaint  Qainct  j  i644<  in-4*'> 


X58       THEATRE  FRANÇOIS. 

CE  LIE  ou  LE  VICE  ROI  DE  NAPLES, 
Tragi-Comédie,  Paris,  Touffaint  Quinet ,  le^é. 

LA  S  CE  U  R  9  Comédie  en  cinq  aâes  ,  en  vers« 
FâriSj  Touffaint  Quinet,  1647.  in-^^. 

La  même,  fous  le  titre  de  SŒUR  GENEREUSE, 
idem f  in- 11.. 

LE  VERIT ABLE, S AINTGENEST,  Tragédie. 
Paris,  Antoine  de  Sommaville,  1648.  2/2-4'^. 

DOM  BERNARD  DE  CABRERE ,  TragU 
Comédie ,  dédiée,  par  une  Elégie»  à  M*  le  Cardinal 
de  Mazarin.  Paris,  Touffaint  Quinet^  1648.  i/z-4''. 

La  même%  idem^  in*it»        ,  . 

VENCESLAS ,  Tragi-Comédie ,  dédiée  à  M.  de 
Crequi,  premier  Gentilhomme  de  la  Chambre.  Paris, 
Antoine  de  Sommaville>  1^48^  in-^^. 

II  y  t  eu  plufieurs  éditions  de  cette  pièce ,  outre 
une  avec  dès  correâions  par  M.  de  Marmontel. 

COSROES  ,  Tragédie.  Paris,  Antoine  de  Som- 
maviile,  1649.  î^-4^- 

il  y  a  eu  auffi  plufieurs  éditions  de  cet  ouvrage , 
outre  une  avec  des  correâions  par  M.  le  Marquis 

d'Uffé.. 

DOM  LOPE  DE  CARDONNE,  TraglComé^ 


THEATRE  FRANÇOIS.       z^g 
ffie.  Pari  s  9  Antoine  de  Soramaville  ,  i6p.t  ï«-4'^- 

AMARILLIS  >  Paflorale  en  cinq  aftes ,  en  vers* 
Paris,  Antoine  de  Sommaville,  m-4^ 

LA  FLORIMONDE  ,  Comédie  en  cinq  aâres, 
en  vers,  &  dernier  ouvrage  de  M.  deRotrou»  PariS^ 
Antoine  de  Sommaville.  165  5.  in-^^. 

^  SUJET  DE  L'HIPOCONDRIAQUE.  )  Clorî- 
dan,  jeune  Seigneur  Grec,  eft  obligé  par  Tordre  de 
fon  père  d'aller  à  Corinthe ,  &  de  quitter  Perfide  , 
qu'il  adore ,  &  dont  il  eft  aimé.  II  trouve  en  chemin 
Cleonice,  que  deux  Gentilshommes  enlevoient.  Il 
tue  les  ravifleurs,  &  la  délivre^  Elle  conçoit  dans  ce 
moment  la  plus  grande  paflîon  pour  (on  libérateur  9 
&  le  mené  chez  fon  père ,  où  elle  fait  de  vains  efïurts 
pour  s'en  faire  aimer.  Un  jour  qu'elle  étoit  dans  un 
bois,  où  elle  fe  plaignoit  de  la  trop  grande  fidélité 
de  Cloridan,  elle  apperçoit  un  page  :  elle  l'arrête,  le 
queftionne ,  &  apprend  qu'il  étoit  chargé  d'une  lettre 
de  Perfide  pour  Floridan.  Elle  féduit  ce  page^  &  tire 
de  lui  cette  lettre ,  qui  étoit  conçue  en  ces  termes  : 

Adorable  fujet  des  maux  que  |*ai  fouflFerts , 

L'excès  de  Tamour  me  furmonte  ; 

Je  romps  le  voile  de  la  honte , 
Pour  te  mander  que  rien  ne  peut  rompre  mes  fers. 

Elle  y  change  quelques  mots  9  la  rend  enfulte  au 


z6o       THEATRE  FRANÇOIS. 

page  9  qui  la  remet:  à  Cloridan  >  qui  y  lie  : 

Adorable  fuiet  des  maux  que  j*ai  foufFercsy 

Au  point  que  là  mort  me  furmonce  , 

Je  romps  ^e  voile  de  la  honte 

Four  te  mander  que  rien  ne  peut  rompre  mesfèts» 

Ce  tendre  amant  au  defefpoir  ,  queftionne  en 
tremblant  ce  page ,  qui  9  fuivant  les  ordres  de  Cleo- 
nice  9  lui' annonce  que  PerHde  eft  morte«  Il  tombe  auffi' 
tôt  fans  cpnnoiiTance  ;  &  lorfqu'il  la  reprend ,  on  s*ap- 
perçoit  qu'il  eft  derenu  fou  9  &  qu'il  fe  croit  mort  lui- 
même.  Cependant  Aliafte  >  qui  étoit  amoureux  de 
Cleonice  »  &  qui  avoic  été  obligé  de  s'abfenter  pour 
quelque  tems  9  avoit  rencontré  Perfide ,  &  revenoic 
avec  elle  à  Corintbe.  Etant  près  d'y  arriver  9  ils  ren^ 
contrent  le  page  9  qui  avoic  trahi  Perfide  9  attaché  tout 
nud  à  un  arbre.  Elle  le  reconnoit  >  &  le  fait  déta- 
cher. Il  fe  jette  à  fes  genoux  9  &  lui  avoue  fa  perfi- 
die. Ils  volent  auffi-tôt  chez  Cleonice  :  &  tous»  de 
concert ,  travaillent  à  guérir  le  malheureux  Cloridaa 
de  (à  folie.  Pour  y  parvenir  t  on  lui  montre  plufieurs 
perfonnes  9  que  l'on  fuppofe  mortes  y  &  que  l'harmo- 
nie des  inftrumens ,  rend  bien-tôt  à  la  vie.  A  la  fin» 
il  fe  croit  lui  même  relTufcité,  &  court  embrafler  fâ 
maitrefTe.  Cleonice  >  guérie  de  fon  amour  pour  Clori* 
dan»  rend  fon  cœur  à  Aliafte  ;  &  le  mariage  de  Qo- 
ridan  avec  Perfide»  &  d'Aliafte  avec  Cleonice  ùit 
le  dénouement  de  cette  pièce. 

Rotroa 


THEATRE  rkANÇèlS.        t6i 

Rotrou>  qui  n'âvoitque  vingt  ans  >  lorfqull  a  corn* 
K)ré  cette  Tragi  -  Comédie  >  aflure ,  dans  l'argument  » 
|ue  l'on  trouve  à  la  tète  >  que  ce  fujeC>  qùelqu'étran- 
;e  qu'il  paroilTe  >  n'élî  cependant  que  l'image  d'un 
ivénenient  véritable ,  &  qu'il  s'eft  févérernerit  âftreinc 
u  collume  du  théâtre ,  (  ou  plutôt  à  tous  les  dé^nuts 
|ui  le  desbônoroient  alors.  En  effet ,  la  licence  des 
laifers  les  plus  lafcifs  >  donnés^  &  rendus  publique- 
nent,  y  étoit  autorifée.  ïi  a  même  ofé,  comme  on  le 
roit  dans  l'extrait  ci-deffus  ,  y  èxpofer  iin  page  tout 
iud ,  qui ,  danâ  cet  état  ;  a  un  long  entretien  avec 
'erfide.  Cependant  >  quelque  médiocre  que  Toit  cetfe 
Âece  y  elle  annonce  un  homme  de  talent ,  &  qui  a 
léja  quelques  cdnnoifTances  du  poëme  dramatique. } 

(SUJET  DE  DORISTÈE.)  Mënaiidrè,  rival  dé 
!^leageiior,  amant  aimé  de  Doriftée>  avoit  enlevé  cette 
»elle>  &  l'avôit  caché  chez  lui  :  mais  ks  (oins,  ni  fb'nt 
moar ,  n'ayant  pfi  la  fléchir  i  il  engage  (bn  ami  Oza« 
or  à  tâcher  de  la  rendre  favorable  à  Tes  vœux.  Ce 
raitre  Ozatiôr  i  loin  de  fervir  Ton  ami  i  étant  devenu 
li-même  amoureux  de  Doriftéê  ^  l'enlevé  •  la  déguife 
n  page,  te  veut  la  violer  dans  un  bois.  Cleàgenor^ 
ui  y  depuis  la  perte  de  fa  maitreffe ,  étoic  fans  cefle 
ccupé  à  pouvoir  découvrir  où  elle  étoit ,  vient  beà- 
îufemént  à  pafTer  dans  ce  même  bols.  Il  tue  té  ra- 
ifTeur»  £e  retrouve  ainfi  l'objet  ^e  fa  tendreffe.  Po^ 
(lée  fatiguée  des  violences  d'Ozanor>  mouroit  ile 
>if  ;  &  Cleagehof  court  à  une  fontaine  lui  chercher, 
e  Teaù.  Pendant  ce  tems,  iurvié^nnént  deux  voleurs  y'; 
ui  obligent  le  page  i  les  fuivrè  ^  &à  embraflèr  leur 
lome  11.  \à 


i6x      TM£ ATR E  FRANCO IS. 

mèeier#  Ckagenor  >  en  («venatit  de  h  fooiaioe ,  eft 
seiiGomré  pràs  du  cûrp&  d'Ozatior  i  j^r  ]«  Prévôt  & 
fes-archers  ^  qui  remmènent  ptifonnier.  Doriftée ,  à  qui 
tes  voleurs  avoient  donné  le  nom  de.  iPhilemoûd  >  arrête 
Tbéandre ,  fous  prétexte  de  lui  demander  h  bourfe  ; 
&  à  rinftant  fe  découvre  à  lui  :  &  toug  deu?(  de  cùû^ 
cérc  attaquent  les  voleurs,  qui  font  mis  en  faite. 
Théandre  >  infiruit  ,du  fexe  de  Philemond ,  en  devient 
paffionnément  amoureux  j  fiç  le  donne  pour  page  à 
Dorante ,  fa  femme  ,  qui  fur  le  champ  oot^it  la  plus 
Vive  pa(!ioh  pour  fon  beau  page  :  fa  beauté  fait  h 
même  impréffion  fur  le  eoeur  de  Diane,  femme.de- 
chambre  de  Dorante  «qui  devient  rivale  de  fa  mai- 
creire>  de  force  que  Philemond  prelfé  de  tous  côtés  i 

Quel  z&Tà  itie  gouverne  ,  &  quelle  éft  ma  fortune  ! 
FiUc,  )t  fuis  ravie  :  6c  pagp  i  on  m'importune 

Dorante ,  qui  ne  lé  pèrdo'it  jamais  de  vue ,  ta  prefTe 
ic  chanter ,  &  de  raccompagner  avec  (a  guiure  :  il 
diante  fes  paroles  : 

Je  plainiX^loris ,  le  mal  eztrêmd) 
A  quoi  ton  amour  te  refout  ; 
Mais  la  loi  qîii  fait  que  tout  m|aîme  , 
Ile  m'ofoUge  pais  d'aimer  couc. 

'  Enfin  ne  pouvant  plus  réiiAer  aux  importunités  de 
Dorante,  elle  lui  montre  fon  fein  en  plein  théâtre >  & 
lui  démontre  par  là  l'iniKilité  de  fes  poarfuites  :  elle 


THEATRE  FRANÇOIS.      i6^ 

lui  découvre  en  même- tçins  que  Tbeandre  ^  qui  coa- 
tioit  foQ  fexe,  brûle  pour  elle  du  plus  violent  ampur. 
En  eâet ,  cet  infidèle  époux  ^  qui  à  conçu  le  projet 
de  fe  réparer  de  fa  femme ,  pour  s'unir  avec  Doriftée  ■ 
lui  fait  croire  que  Cleagenor  a  été  tué  par  Menan- 
dre.  Cette  tendre  amande  au  defefpoir  s'ea&foie 
dans  ÙL  ctiambre.  Cependant  Cleagenor  étoit  ibrti  dé 
prifon  :  il  vient  voir  Theandre  ,  qui  lui  dit  que  Dod« 
ftée  eit  morte  de  la  main  d'un  voleur  >  qui  étoit  ac- 
tuelleroent  chez  lui.  On  hit  parokre  ce  prétetidu 
aiTaffin  :  &  lorfque  Cleagenor  vole  fur  lui  pour  lui 
, plonger  (on  épée  dans  le  corps,  il  reconnott(â  cberc; 
Doriftée ,  qu'il  époûfe  enfin  Hpcis  tant  de  traverfes  & 
de  malheureux  événemens.  La  femme  de  chambrd  9 
qui  connoit  alors  combien  elle  s!efi  abufèe  >  en  aimant 
Phiiemond ,  finit  la  pièce  par  ces  quatre  vers  : 

O  Tagreable  abus  !  Que  pouvoir  cecce  belle  i 
Je  cedois  à  ràm»ur ,  &.  j'efpcrois  tout  d'elle  : 
Mais  nature  y  pourvût  i  &  mon  honnecct^  |i 
Quoique  fe  rexpofailr ,  écoic  en  fntecéi 

L'Auteur  commence  ainfi  fôri  avertiflemeht  au  le 
ftetU:  :  »  Le  fort  de  Dorifiée  efl  rel^  qu* après  avoir  été 
y>  trois  fois  erdivée,  on  en  a  ravi  jufffuHà  Jbn  hiftàre  G* 
y>  que  fes  aventwes  qyant  fait  m  page  ^  fa  perfonhe  9 
>>  ont  fait  encore  des  pages  de  fa  vit.  c^  II  fc  plaint  e^- 
fuite  qu'oti  en  à  fait  plufieurs  éditions ,;  qui  l'ont  dé- 
figurée; mais  que  celle-ci  étant  de  fon  aveu.  >>  Cette 
•  5>  cadette  dé  trente  fxurs  fera  envie  aUx  autres  de  la 
:  yt  Jévre.y  ji  $IU  efi  traitée  favorablement  »  fr  fi  çftti 


164       THEATRE  FRANÇOIS. 

y>  beauté  qui  la  fit  adorer  au  théâtre  ,  conferve  encoié 
»  quelque  partie  de  fort  e^me,  quand  elle  fera  regardée  àe 
»  plus  prés,  ce 

(SUJET  DE  LA  BAGUE  DE  L'OUBLI.) 
Alphonfe  9  Roi  de  Sicile  >  eft  amoureux  de  Liliane , 
fille  du  Duc  Alexandre  ;  &  pour  obtenir  Tes  faveursi 
il  la  flatte  de  partager  un  jour  le  Trône  avec  elle. 
Enfuite  il  ordonne  les  préparatifs  du  mariage  de  fa 
four  Leonore  avec  le  Duc  de  Calabre»  fils  du  Roi 
de  Naples.  Mais  cette  Princeife  9  qui  dàmc  un  jeune 
Seigneur ,  nommé  Leandre ,  lui  promet  de  Tépoufer, 
s'il  peut  s'emparer  du  Royaume  de  Sicile ,  (ans  cepeo- 
dant  attenter  à  la  vie  d'Alphonfè^  Leandre,  enchanté 
de  cettç  eipérance»  va  confulter  Alcandre ,  fameux 
Magicien  >  qui  lui  donne  une  bague  enchantée  ,  qâ 
doit  faire  perdre  la  mémoire  au  Roi,  tant  quil  la  por' 
tera  à  fon  doigt.  D'un  autre  coté  >  la  tendre  Liliane , 
inftruite  que  fon  père  vient  d'arrêter  (on  mariage  avec 
Tancrede  »  Prince  de  Tarente^  en  avertit  le  Roi ,  & 
le  prefTe  d'accomplir  fa  promeiTe.  Alphonfe^  qui  defî. 
roit  éluder  cet  hymen ,  la  ralTure  &  lai  promet  de 
faire  arrêter ,  &  Alexandre  &  Tancrede ,  fous  pré- 
texte de  quelques  pratiques  fecretes  contre  l'Etat. 
Peu  de  tems  après ,  l'anneau  enchanté  que  Leandre 
avoit  trouvé  le  fecret  de  faire  porter  au  Roi ,  com- 
mence à  faire  effet.  On  le  voit  alternativement  extra- 
vagant  te  raifonnable  I  fuivant  les  tems  où  iU  la  bague 


THEATRE  FRANÇOIS.       165 

>n  doigt ,  &  ceuk  où  il  ne  l'a  pas.  Enfiq  %  infiruit: 
'  Fabrice  de  la  trahifon  de  Leandre  &  deLeonore». 
ait  démonter  le  diamant  enchanté  ^  fous  lequel  il 
uve  un  talifman  ,  qu'il  déchire  ;  &  ayant  appris 
?  pendant  fes  accès  de  folie  9  il  avoit  confenti  à  l'u* 
n  de  fa  fœur  avec  Leandre  >  il  les  envoyé  chér- 
ir ;  &  pour  qu'ils  ne  puifTent  pas  fe  douter  qu'il  eft 
itré  dans  fon  bons  fens  ^  il  porte  toujours  à  fbn  doige 
te  bague  >  qui  alors  ne  pou  voit  plus  &ire  efïet.  Il 
it  d'extra  vaguer  encore  :  il  les  fait  monter  fur  (on 
^ne  >  lâur  dit  que  c'efl;  à  eux  déformais  à  rendre  la 
ice ,  Sf.  les  prie  de  décider  d'une  af&iré  >  dont  il 
leur  rendre  compte.  Il  leur  raconte  leur  propre 
uOire  9  &  les  prefle  de  donner  leur  décifîon.  Lean^ 
;  voyant  bien  que  tout  étoit  découvert  %  fans  paroî* 
déconcerté  >  prend  la  parole  &  rappelle  aa  Roi 
violences,  qu'il  a  lui-m$me  exercées  contre  Lilia-* 
»  le  Duc  Alexandre  &  le  Comte  Tancrede.  l\ 
iite  que  l'amour  *  étant  la  feule  caufe  de  tous  ces 
ers  événemens  »  ce  (entiment  impétueux  portoio 
c  loi  fon  excùfë.  Leonore  &  lui  >  defcendent  du 
>ne7  fe  jettent  à  fes  pieds  >  &  lui  demandent  par- 
I.  Le  Roi  dit  alors  qu'il  va  réparer  fes  torts.  Il 
ine  la  main  à  Liliane ,  &  commet  le  Duc  Alexao- 
!  pour  décider  abfolument  du  Ibrt  de  Leoynore  & 
l^eandre  :  ce  Duc  confirme  leur  mariage  ^  le  Roi 
onfent  fur  le  champ  ;  mais  les  envoyé  à  Sarragoffe 
^u'^  qpUYÇl  ordrç*  i^ofuice  il  dgune  une  de  fes  çou^ 

La*  • 


iS6       THEATRE  FRANÇOIS. 

fines  eh  mariage  à  Tancrede  y  &  vingt  mille  écas  de 
^^etire  à  Fabriice  ^  potir  épou^r  Melite  >  fuivante  de 

I*ilianf  • 

t. 'on  verra  par  les  vers  fuivans ,  que  cette  fuivante 
fi*atoit  pai5  îe  ftyîfe  bien  cMtié.  Aptes  quelques  plai» 
feffîéries  qu'elfe  Fait  à  fa  maicreflb  ^  eHe  loi  dit  : 


IX  )e  cratns'bfeû  pour  vous ,  qu*enHn  il  ne  dérobé 
.    Ce  ^  ite  'SottÀt  paft  retrdfir  Votre  robe  i 
^      Qvft  ce-jcuAe  Méiurque  y  à  ces  tardas  infcrak  » 

Ne  vous  ôçe  une  Heur  »  pour  vous  donner  un  fruir* 

(SI7J£T  DE  LA  Ï)IANE. }  Mdiaiithe^  mere^é 
Lt&adre  &  ée  Diane ,  voulant  (kire  pafler  toutes  les 
Mctiefles  de  fa  maiion  fur  la  t&te  de  fon  61$ ,  fait  éle- 
ver  itcretteotent  ft  fille  •chez  un  payfan  ;  &  quel- 
que tems  après  ^  fiât  courir  le  bruk  de  fa  mort.  En* 
foitè,  pour  aiforër  «no:»:e  plus  là  fortune  de  Ltfandre , 
die  arrête  fûn  mariage  avec  Rofinde  y  quoiqu'elle  ne 
fèt  aiocs  âgéé'qve  tkiix  ans.*  Cè^eone  homme  y  qui 
ckflroit  voyager,  qukte  fa  patii».  Ditne,  qui  vivoît 
î^oram  fa  ùaii&Dce ,  avolt  iàfpiré  le  plus  tendra 
^iQOur  à  un  jeune  Seigneur  ,  iiômtné  Lyfimantt,  &  ne 
f^étoit  p(i  ^dëfetidre  devoir  delt  tferidrcflfe  pour  lûî* 
Lyfimant  >  obligé  d'atter  à  Paris  >  la  ^dti^  avec  le 
|3u»  grand  él^^gHn  ,  %c  les  ferméns  les  phis  réitérés 
lie  ^a  pltifs  par&ite  confiance.  Mais  qui  peut  âépefn* 
tite  la  douleur  de  Diane ,  lôrfqu'ëlle  apprend  que  fott 
amant «d  infidèle  >  &  qnl)  eft  amoiireiïK  d'Prantç ,  fille 


THEATRE  FRANÇOIS.       i6j 

de  Filetnoa.  Elle  parc  auifî-toc  pour  aller  troubler  (ê^ 
nouvelles  atiiours ,  &  &  mec  au  (êrvîce  de  fa  rivale. 
Un  nommé  Sylvian  >  payfan ,  amoureux  de  Diane  » 
prend  le  parti  de  la  fuivre,  &  encre  demeflique  chet 
Lyiknanc.  Si  Sylvian  n'avoic  pas  «d  le  bonheur  de 
plaire  à  Diane  ;  il  avok  celui  d'être  aimé  de  la  jeune 
Doi'othée ,  ^ui  n'béfite  pas  à  quitter  Bologne  ^  pour 
aller  rejoindre  (on  amant.  Orante  avoic  <^onçu  la  p1u0 
grande  anwclé  pour  Diane  ;  &  la  crouvant  un  jour 
occupée  à  lire  des  lettres ,  ellelui  demande  à  les  voir. 
Diane  les  VA  donne  (ans  liéfiter  :  c'étoic  une  rufe  qu'el* 
le  avok  imaginée,  pour  faire  connoître  à  Orante  que 
Lyfimant-étok  amoureux  à  Bologne,  puifque  cfétoit 
les  mêmes  lettres  qu'elle  avoit  reçues  de  lui.  Loin 
d'«n  être  affligée ,  Orante  en  eft  au  contraire  fort  aife. 
Elle  aimoîc  Arifte  ;  &  ht  feule  cbéiflance  pour  ion 
père  la  faifbic  confentir  à  époufer  Lyfimant.  Elle 
porte  fur  te  champ  ces  lettres  iFilemon,  qui  aufli.^ 
tôt  va  faire  les  réproches  les  pbs  amers  à  t.yfimaiit« 
Celui-^  les  reçoit  fort  froidement,  &  montre  fipea 
d'ardeur  pour  Orante,  que  Fil^mon  rompt  tout  enga-^ 
gement  aarec  lui.  Reu  après ,  Lyfimant  rencontre 
Diane ,  fans  la  connôitre  ;  &  la  prenant  (knplement 
pour  la  femme  de  chambre  d'Orante,  il  la  chargé  de 
lui  dire  qu'il  n'eft  nullement  .affligé  ^'avoir  rompii 
avec  fon  père ,  &  qu'il  eft  amoureux  de  Rofinde.  En 
effet,  il  va  chez  cette  Rtjiînde ,  «on pout diercfaer à 
lui  plaire  9  mais  dansîefpérancede  faire  de  la  peine  i 

\a  Vi 


i68      THEATRE  FRANÇOIS. 

Prante.  Cependant  Di^ne  n'en  eft  pais  moins  jalouft 
de  cette nquvçlle  ipaîtreffe ;  $c  à  l'inRant  inètne,ellç 
s'habille  en  homme ,  vjt  chez  Rofinde ,  jk  fe  fait  ai>. 
nopcer  fous  le  nom  de  Lifandre»  qui^  comme  on  a 
vu  au  cpn^menc^mçnt  de  cet  e3|:trait  »  dçvoit  être  foQ    J 
^poux.  Comme  elle  y  étoit  >  le  véritable  Lilàndre  ^r-    j 
rive  de  tés  voyages; ,  defçend  cbçz  celle  qvii  lui  eft 
^eftinée  en  mariage,  eft  fort  Turpris  d'y  trouver  un 
autre  lui-mèmç  »  &  veut  faire  punir  l'itnppfteqr  :  fon 
fexe  que  l'pn  découvre  »  empêche  qu'on  ne  la  menç 
ÇQ  prifbtXy  &  1^  fait  aufli  reconnoitre  pqur  fœur  de 
Lifàndre  >  par  une  marque  qu'elle  porte  au  (çin  ;  &;, 
tout  (^e  fuite  la  pièce  arrive  à  (pu  dénouement.  Diane 
^poufe  fon  cher  Lyfimant;  Lifandre  devient  l'épous 
de  Rodnde  ;  Arifte>  celui  d'Orante;  &  pour  que  tooç 
|e  monde  s'engage  fous  les  loix  de  l'hymen  ,  Sylviaq 
^'u^it  à  pQrpthéç* 

Cette  Comédie  eft  àls^leâure  d'une  très -grand  ç 
obfcurité.  Je  ne  fç^is  (i  la  rçpréfentation  en  déve? 
loppè "mieux  l'intrigue;  en  tout  cas,  elle  eft  fi  char» 
gée  d'épifodes  inutiles»  &  d'évenemens  mal  dirige  j» 
que  le  fpeâacle  en  devoit  être  beaucoup  plus  fati« 
guant  qiji'amufant.  Ep  tout  y  elle  eft  affez  b|en  écrite. 
Elle  commence  p^v  un  monologue  de  Diane  arrivée  ^ 
if'aris  9  &  conv2\incv|e  de  Tinfid  élite  de  fon  amant  ^ 
jpont  voici  les  premiers  vers  :       ' 

Le  Soleil  a  quitté  l'humide  fein  de  Tp.ndej^ 
Le  dernier  de  lès  jours  illumixie  le  inonde  i 


THEATRE  FRANÇOIS,       1^.9 

péplor^ble  rebut  d*un  infidèle  amant , 

Moins  aimable  qu*ainié ,  plus  ingrat  que  charmant* 


Toi ,  qui  vis  fon  amour  p  8c  qui  vois  Tes  dédains  , 
Redoutable  vainqueur  des  Dieux  &  des  Humains  , 
Eteins ,  ou  récompenfe  une  ardesr  6.  parfaite  t 
Que  je  meure  vangée  ,  ou  vive  fatisfaite. 

(  SU  JET  DE  CELIMENE.  )  Flprante,  niecç 
â'OrdLXitc,  lui  fait  Tavei;  de  la  tendrefle  qu'elle  reflent 
pour  Filandre  ^  &  lui  vante  Tanoiour  que  fon  amant  a 
pour  elle.  Filandre  arrive  en  cçt  inftantt  qui  j)aro!c 
troublé  à  la  yue  de  fa  maitrefle  >  quit  depuis  quelques 
jours  >  étoit  abfente»  &  qui  n'étoit  pas  revenue  chez 
fa  tante ,  que  de  ce  jour  ipème-  Or^nte  le  plalfànte 
for  (on  embarras ,  qui  augmente  y  &  qui  ne  finit  que 
par  l'aveu  qu'il  fait  de  fon  infidélité ,  &  de  l'amour 
qu'il  reflent  pour  Celimene.  II  poufle  fa  confidence 
plus  loin  ;  il  avoue  qu'il  eft  le  plus  malheureux  des 
hommes  >  &  Celimene  la  plus  cruelle  &  la  plus  înfen- 
lible  des  femmes.  Florante  lui  dit  que  i  malgré  cette 
grande  infenfibilité  >  elle  entifeprend  de  s'en  (aire  ai- 
mer ,  s'il  veut  lui  prêter  un  habit  d'homme  »  &  lui 
jurer ,  en  cas  qu'il  réu(fifle ,  de  reprendre  fes  premie- 
f  es  chaînes.  Filandre  s'y  engage ,  &  lui  envoyé  fur  le 
champ  un  de  fes  habits.  Elle  le  vêtit;  &  auffitôt  fe 
fait  préiènter  à  Celimene  y  fous  le  nom  de  Floridan , 
neveu  d'Qrantet  II  eft  néceflaire  de  fçavoir  que  Celi« 
{peoe  ayoit  un  amant ,  nommé  Alidor>,  qu'elle  n'ai- 


lyo        THEATRE  FRANÇOIS. 

moit  pas>  &  une  fœur  nomméç  Félidè ,  qui  atmoie 
&  étoit  aimée  de  Lyfis  »  ami  d'AIidor.  Ce  fuppofé 
Fioridan  réuffic  ais-delà  de  fes  e^érafoces ,  puifqa'ii 
tourne  ù  bien  la  tète  aux  deux  fœurs ,  qù'Alidor  & 
Lyfis  veulent  lui  faire  mettre  Vépée  à  la  niaiD.  U  par- 
vient à  les  calmer }  en  les  afluraut  que ,  loiu  de  vouloir 
leur  nuire  >  il  ne  cherchoit,,  au  contraire  >  qu'à  leur 
rendre  fervice ,  &  que  le  même  jour  ils  en  auroient 
la  preuve.  En  effet  y  il  obtient  de  Celimene  un  bracelet 
de  Tes  cheveux ,  &  un  rendez  -  vous  ;  &  de  Félicie  »  la 
lettre  la  plus  tendre  >  qui  lui  afllgne  apffi  un  rendes 
vous*  Dès  qu'il  a  en  mains  ces  preuves  de  fa  viâoirei 
il  les  remet  auffi-tot  aux  deux  amans  jaloux  :  &  A\U 
dot  va  tenir  fa  place  auprès  de  Celimene  y  6c  Lyfîs 
auprès  de  Félicie.  Ces  deux  jeunes  beautés ,  au  dé« 
lerpoir  de  fe  voir  trompées  par  le  parjure  FIori< 
dan  ^promettent  à  leur  amant  de  s'unir  avec  lui,  pour^ 
vu  qu'il  les  venge  du  volage  Fioridan ,  qui  furvîcnt  Se 
qui  fe  juftifie  bien-tôt  auprès  d'elle ,  en  leur  décou- 
vrant fon  fexe.  Enfin  la  Comédie  fe  dénoue  par  le 
mariage  de  Florante  avec  Filandre  i  de  Celimene  avec 
Alidor ,  &  de  Félicie  avec  Lyfis, 


Cecte  ^iece  n'eft  certainement  pas  ta  iaettleure  dt 
Jlotrou.  U  aufoit  dù^  je  crois  »  tirer  ghs  de  parti  de 
l'intrigue*  Les  vers  en  fontmèdiocres,  &  je  n*ai  trou- 
vé que  ceux  •  ci  qu'on  peut  citer,  Orante  vante  à  fa 


THEATRE  FRANÇOIS.      tji 

filece  les  charmes  de  la  campagne  qu'elle  habite ,  8c 
Ipi  dit  : 


Aoffi  mille  amoureux  en  cette ^iirade 
VienBfent  perdre  leur  foin  &  leur  kiqiriécud^ 
Ces  lieux  ont  chaque  jour  de  nouveaux  habitant} 
Ils  y  Tiennent  fachês ,  &  sY  trouvent  contens, 
L«s  cœurs  font  enchantés  de  l'air  qu*on  y  refaite. 
Chacun  y  fait  Pamouc  »  peu  de  monde  y  foupitt  \ 
Ce  Dieu  de  tous  Tes  traits  y  choifît  les  meilleurs  ; 
Il  éft  Roi  parmi  nous  >  il  eft  tyran  ailleurs^ 

{SUJET  DE  L'HEUREUSE  CONSTANCE.) 
Jjt  Roi  de  Hongrie  >  allant  incogoito  à  un  Village  , 
pour  ¥oir  }a  ileine  de  Naples ,  qa'ii  doit  époirfer  ,  f 
rencontre  Rofelie  y  qae  la  curioficé  y  a^oit  conduite. 
Ileft  (i  foudainemeiit  frappé  de  Jês  charmes  ^  qo'ou- 
bliaat  les  avantagea  qu*il  dok  troàver  dans  Ton  maria* 
ge  avec  la  Reine  de  Napiec  ^  il  envoyé  dire  'à  cette 
Prinçefle ,  qu'il  en  eft  bien  afBigé  ;  mais  qu'il  neibage 
pltis  à  hû  donner  h  main.  lA  S<eitie ,  furieure  de  cet 
outrage ,  retourne  auffitôt  en  Dalniatie ,  où  la  fcènt 
te  tx^nfpoxtt  avec  elle  ;  &  fié  fotigeaùt  qu'à  la  ven- 
geance »  elle  ipropofe  à  Paris ,  Ambafladeur  ^u  Rof 
auprès  d'elle^  de  Wppufer,  &  de  le  mettre  à  la  tête 
d'une  armée  iforwiîdaWe  ^  pour  ravager  la  Hongrie. 
Gt  Paris  étoit  auflS  ataoûreux  de  Reffelie  ;  ât  en  étok 
•rop  épris ,  pour  que  rèfpoir  ftatteur  du  Trône  put  le 
rendre  iiKOt^lMt^^  Maisxrraignantd'irriterlaReinei  s'H 
parott  w  vouloir  afefolumeiit  pas  Te  prêter  à  cette  pro^ 


x^%       THEATRE  FRANÇOIS. 

polition  y  il  lai  répond  qa'avant  touc>il  efi  nécefTaireqall 
retourne  en  Hongrie  rendre  compte  au  Roi  de  (k  mit 
Son  La  Reine  y  confenc  :  il  part  »  &  la  fcène  le  fait  en 
}iongrie>  où  leRoi  fait  de  vains  efforts  pour  faire  agréer 
fa  paffion  à  Rofelie.  Cette  belle  aimoic  Alcandre ,  frère 
du  Roi  ;  &  ce  jeune  Prince  en  étoit  auffi  éperdûment 
amoureux.  Le  Koi»  informé  de  leur  amour  mutuel  i 
voulant  lever  cet  obflacle  y  qu'il  croyoit  le  (êul  qui 
s'opposât  à  fon  bonheur  »  envoyé  une  Ambaffâde  à  h 
Beine  deNaples?  lui  fait  dire  qu'un  amour  involon- 
taire, mais  indilToluble  >  Tattachoit  pour  toujours  à 
Hofêlie  y  &  qu'il  lui  of&oit  pour  réparer  fes  torts  ^  de 
lui  donner  pour  époux  (on  frère  Alcandre  y  qui  paiToiC 
pour  un  Prince  accompli.  En  mèmetems  il  fait  partir 
Alcandre  pour  aller  fur  la  frontière  de  Dalmatie ,  atte»* 
dre  la  réponfe  de  la  Reine.    Cette  Princefle  >  pour 
éviter  une  guerre  cruelle,  accepte  la  propo(kion.  Dès 
que  le  jeune  Prince  efl:  inftruit  du  confentemenc  de  la 
Reine  >  il  prend  le  parti  pour  rompre  ce  funefte  hy« 
men ,  de  choifir  parmi  Tes  domeftiques  le  plus  laid  & 
le  plus  mauflade ,  pour  le  faire  pafler  pour  lui,  &  fe 
donne  pour  Gentilhon^me  de  la  fuite  du  Prince.  Son 
ftratagême  réuflît  :  la  Reine  eft  fort  étonnée  de  tout 
le  bien  qu'elle  avoir  entendu  dire  d'un  Prince,  qui  lui 
paroiflbit  auffi  brutal  quHnfenfé;  &  Êitiguée  de  tou- 
tes (es  impertinences,  elle  le  congédie.  Ce  Prince  em 
chanté  retournoit  en  Hongrie  pour  revoir  fa.  chère 
|lQfeIie>  lorfqu'il  reçoit  une  lettre  qui  Iç  n^et  ^a  çoobi 


TSE  A  TRÈ  FRA  NÇO IS.       iy^ 

)Ie  da  derefpoîr.  Le  Roi  f  pour  le  déterminer  à  coà- 
rlurefdn  hymen  avec  la  Reitie>  lui  écrit  qu'enfin  il 
ivoit  triomphé  des  rigueurs  de  Rofelie,  &  qu'il  ve- 
loit  de  répoufer.  Ce  n'étoit  pas  le  feul  ftratagèrae  » 
lont  le  Roi  s'étoit  fervi  pour  parvenir  à  époufer  Ro- 
elle.  Il  avoit  fait  remettre  en  même  tems  une  lettre 
lu  Pritlce  à  cette  belle ,  dans  laquelle  il  avouoit  qu'é- 
>loui  par  l'éclat  du  Trône ,  il  avoit  donné  la  main  à 
la  Reine.  Ceft  dans  ces  circonftances  qu'Alcandre 
irrive  incognito  en  Hongrie  >  il  veut  revoii'  encore  Ion 
nfidelle  maitrefle ,  &  lui  &irè  des  reproches  fur  (bn 
nconftance.  Il  fefait  introduire  chex  elle^  fans  vou- 
loir l'écouter  ;  ils  s'accablent  tous  deux  de  reproches. 
Enfin  ils  reconnoifTent  leur  erreur ,  &  (è  jurent  un 
Eimour  plus  tendre  que  jamais^  Le  Roi  les  furprend 
enfemble;  &  fai&nt  un  crime  à  Alcandre  d'être  fe« 
venu  fans  Ibn  ordre  >  il  l'envoyé  en  prifon.  Cepen^ 
dant  la  Reine  de  Naples,  curieufe  de  voir  <:ette  Rofe- 
lie  y  dont  la  beauté  fait  tant  de  bruit  ;  fe  déguife  en 
pèlerine  »  arrive  en  Hongrie ,  &  trouve  le  moyen  de 
ie  faire  admettre  chez  Rofalie.  Le  Roi  y  arrive ,  & 
efl  furpris  de  la  rare  beauté  de  cette  étrangère.  En 
même-tems  ce  Paris  >  qu'elle  avoit  voulu  époufèr , 
dans  un  mouvement  de  colère  y  furvient  >  &  la  fait  re- 
connoitre  pour  la  Reine  de  Naples.  Le  Roi  (è  jette 
aoi&tôt  à  Tes  genoux  >  &  lui  demande  pardon  ;  la  Rei- 
ne le  lui  accorde  ^  &  confent  à  Tépoufer.  Alcandre , 
qu'on  fait  fortir  de  prifon ,  reçoit  la  main  de  la  fidelle 


174       THEATRE  FRANÇOIS. 

Rofelie;  &  pour  confoler  PAmbaffa^eûr  Paris»  de b 
perte  d'un  Trône,  &  de  celle  de  Ta  maicrefle^  on  loi 
donne  en  mariage  Florinée  y  proche  parente  de  U 
Râne* 

Oti  voit  aifémént  par  cet  extrait  y  que  ni  la  réglé 
des  vinge.quatre  heures  >  ni  celle  de  l'unité  de  liea  > 
ne  font  pas  obfervées  dans  cette  Tragi-Comédie.  Aa 
refte  elleeft  tiSét  bien  conduite  &  aifez  intéreffante; 
.&  l'on  y  troiiye  quelques  vers  heureux  9  entr'aunres 
ceux-ci.  •  4  •  Âlcandre  ,  au  défefpoir  de  ce  que  le  Roi 
eft  amoureux  de  fa  chère  Rofelie  ^  &  craignant  qu'elle 
tie  fuccombe  à  Tenvie  d'être  Reine  9  dit  : 

Mourrai-|c  aujourd'hui ,  d'une  mort  étemelle } 
Car  c'efl  mourir  touiours ,  que  de  vivre  fans  elle. 
Va  porter ,  Dieu  des  cœurs,  ton  bandeau  (lir  Tes  yeiix  i 
Four  la  rendre  infenfible  aux  pompes  de  ces  lieux. 

iDdLîïS  la  fcène  fui  vante  ^  ce  Prince  dit  à  Rofelie  ; 

;•.••••  si  je  voyois  revivre  (Ur  la  terre 
les  maîtreCTes  du  Dieu  qui  lance  le  tonncre  y 
£t  hàtc  à  tput  le  monde  adorer  leurs  appas , 
Leurs  charmes  les  plus  doux ,  ne  me  tenceroient  pas  } 
Quoique  le  fort  m'offrît  fur  la  terre  ou  fur  Tonde  , 
Je  préfère  ces  yeux  à  l'empire  du  monde. 

(SUJET  DHERCULË  MOURANT.)  Cet 
événement  eft  trop  connu  >  pour  que  je  fafle  un  long 
extrait  de  cette  pièce,  dans  laquelle  Rotrou  a  abfo- 
lument  fuivi  la  marche  des  tragiques  anciens.  Hercule 

cherche  enyain  à  fe  Êtirc  aimer  jde  la  jeune  lole  ;  Se 

par  fes  foins  i\  excite  h  jaloufie  de  Délire  |  qniloi 


THEATRE  FRANÇOIS.       ty^ 

snvoye  une  robe  trempée  dans  le  faog  du  centaure 
Kefliis.  Il  ne  Ta  pas  plutôt  vécue,  quil  fe  knt  em- 
bra(ë  par  des  feux  dévorans.  Voyant  que  tout  lècours 
[ni  devient  inutile  ,  il  (ait  drefler  un  bûcher  >  &  il  or->- 
donne  lorfque  Ton  corps  fera  confumé  >  qu'on  immole 
lUx  pieds  du  bûcher  Arças  9  jeune  Prince  >  amant  aimé 
llole*  Au  moment  où  Ton  doit  exécuter  cet  (Mrdre 
inhumain  >  on  entend  un  grand  coup  de  tonnerre  :  le 
Ciel  s'ouvre ,  Hercule  paroit  dans  (a  gloire  1  annonce 
]ult  eft  au  rang  des  Dieux ,  pardonne  a  Arcas  9  Ce 
lui  fait  épouiêr  lole  ;  ainii  tout  le  monde  fe  retire 
content. 

Il  y  a  dans  cette  Tragédie  une  prière  qu^HercoIe 
adrefle  à  Jupiter ,  en  commençant  un  facrifice  qu  il  laî 
ofïre  f  qui  m'a  paru  mériter  d'être  rapportéeé  (li  parle 
à  Philoftete ,  aâe  troijîeme ,  fcène  première*  ) 

Oyez  û  mon  elpric  conçoit  une  prière 
Séance  dans  ma  bouche  ,  &  cligne  de  mon  peie. 
Qu?  ce  globe  azucé  foit  confiant  en  fon  Qouxsf 
Qu'à  jamais  le  Soleil  y  diriCe  les  jours-s 
Que  d'un  ordre  étemel  rafceur  brillante  &  ptu:e>  • 
Aux  heures  de  la  nuit ,  éclaire  la  nature  ; 
Que  la  terre  donnée  en  partage  aux  humains 
Ntfoit  jamais  ingratte  au  travail  de  leurs  maint) 
Que  le  fer  déformais  ne  ferve  plus  au  monde  , 
Qu'à  couper  de  Cerês  la  chevelure  blonde , 
Q'une  éternelle  paix  règne  entre  les  mortels  y 
Qo'oii  ne  verfé  chi  fang  que  4effu>  les  antek  s 
Que  la  mer  foit  €ua  flots ,  que  iannis  vent  n'exdrci 
Contre  Part  des  nochers  le  courroux  d'Amphicrice  i 
ÏC  que  le  foudre  enfin  demeure  y  après  mes  faits  , 
Padslet  tiMMBs  de  mon  père  un  ifiiiHle  faix. 

S    ^    «    •    .    • 


1^6     THEATRE  FRANÇOIS: 

(SUJET  DES  MENECHMES.)  Cette  pièce eff 
une  imitation  Tervile  de  celle  de  Plaute.  Je  n'en  don« 
nerai  point  d'extrait  ;  &  fi  quelqu'un  defiroit  en  con- 
noitre  le  fujet ,  je  le  renvoyé  à  la  pièce  charmante  da 
Sieiir  Regnard  y  qui  eft  fous  le  même  titre ,  &  qui  ren* 
ferme  la  même  intrigue  que  celle  de  l'Auteur  latin  ; 
mais  corrigée  &  embellie  par  la  quantité  de  détails 
heureux  qu'on  y  trouve^ 

(SUJET  DES  OCCASIONS  PERDUES.) 
^our  l'intelligence  de  cette  pièce ,  la  plus  finguliere 
peut-être  dt  toutes  celles  dont  j'âye  encore  rendu 
compte.  Il  eft  nécefTaire  que  je  mette  fouâ  les  yeux 
du  Lefteur  les  noms  des  perfonnages. 

Hélène  y  Iteine  de  Naples. 

Cleonce  y  Gentilhomme  de  la  Reine;  àt  amoureux  d'elle; 

Clorimand  ^  Prince  d'Efpagne. 
Atys. 

{Ormin,  Gentilshommes  Siciliens; 
Lerme* 

lyfîsy  Serviteur  de  Clorimand. 

Adraile  ,  Seigneur  Napolitain ,  amoureux  d'iTabeUe; 

ifâbelle ,  Demoifelle  atuchée  â  la  Reine. 

Alphonfe,  Roi  de  Sicile. 

Cleonis,  Confident  du  Roi. 

Filemon  ,  Confident  de  la  Reinei. 

Cleonard,  Confident  dé  Cleonte.*  * 

Hélène  »  étant  à  la  chaiîe ,  dit  à  Cleonte  i  dont  eÙé 
ignoroit  Tamour ,  de  ne  pas  s'éloigner  d'elle ,  tandis 
qu'elle  va  chercher  un  moment  de  repos.  Son  fommeil 
eft  bien-tôt  troublé  par  un  bruit  de  combàttans;  elle 
apperçoit  trois  hommes^  qui  en  attaquoient  un  feul. 

Cétoi» 


THEATRE  FRANÇOIS.       iyy 

lit  Acys  9  Ormin  &  Lerme  >  qui  avoient  ordce  da 
Uphonfe  d'aflaffiner  Clorimand^  dès  qu'ils  feroient 
es  près  de  Naples*  Quoiqu'à  regret  >  ces  Gen* 
mkvùçs  cherchoient  à  obéir  à  leur  Souverain  ;  &^ 
mandTe  défendoit.  La.Reine  »  vojrant  ce  combat 
il^  envoyé  Cleonte  &  fcs  Gardes  aii  fecours  du 
:e  Ëfpagnol  9  &  tes  crois  Gentilshommes  pren« 
la  fuite.  L'on  amené  Clorimand  à  la  Reine»  qui  ^ 
tnençaot  à  s'intéreflèr  à  Ton  fort,  lui 'demande  le 

de  (es  aventures.  Le  Prince  lui  confie  qu'il  avoit 
e  favori  du  Roi  de  Sicile  y  qu'il  étoit  amoureux 
imé  de  l'Infante,  fœur.du  Roi,  &  que  L'excès  de 
bonheur  avoit  armé  contre  Jiit  l'envie  des  court!- 
,  qui  l'a  voient  petduxlans  l'efpritdeileur  maitre^ 
ue  ce  Prince  ,  perfuadé  par  mille  faux  rapports  ^ 
>ic  fiétèrminé  à  le,  faire  périra  La  Réitie  paroittrès- 
Ible  aux  divers  é^iêénemens  arrivés  à  l'aimable  E(^ 
tiol  i  &  fa  pitiéi  di^ieucjbkn-tôt  &  plus  forte  paf- 
I.  Ne  pou^snotrfe  dâiernûoer.  à  lui  eu  faite  l'aveu^ 

ou,vre^(bn  cœur  &  Ifabeik>  &  elle  la  prie  d'é- 
ç  iM;i^:lettj:e  tendre  à  Clorimandy  &  dé  juidoinnec 
reu^ess  rvpus ,  pour  rjentretenir  fous  fes  fenàtresi 
»eUe  lui  r^egrifenie  enVaià^  iiue  par  cette.  deuÂHh 
sUe  court  dfqae  deiperdre  &  Adrafte  &  (à  céçvL^ 
mr  La:  Reine ,  qui  çoûapte  tetdr  la  fdacei  d^JûbelIë 
»  rendez-vous  >  la  raflure  >  Se  veut  êtes*  obéie  ;^&  la 
re .  eft  écrite  &  remife  à  Cloritniand  >.  qui  eft  <e»^ 
Dfé  de  fn  bonne  fQftuQe,  ayant  trquyé  Ifabelie' 

rom€  it.  yk 


t^^      THEATRE  FRANÇOIS. 

fore  à  fo0  gré.  Il  fe  rend  au  lieu  indiqué  ^  fuivi  iê 
Cleonte,  àqui  il  airoit  confié  fon  bonheur;  &l6rr« 
qu'ils  foat  près  ^e  la  fpiiàrr^  ^  il  epgage  Ton  ami  à  s'é- 
loi^i^r.  11  Erouire  la  Reine  qui  l'atcendoit;  ils  ont 
une  cQâverfation  fort  tendre  ^  &  Clorimand  qui  croit 
toujours  parler  à  Ilâbelle ,  {^roit  fort  amoureux.  Ce- 
pendiint  quelque  bruit  que  l'on  enten4  les  oblige 
^e  fe  réparer  ;  c^étoit  Adrafte  >  qui  ^  ayant  toutes  tes 
Quitale  bonheur  d'entretebir  fa  maicrciTe  à  cette  fenê- 
tre 9  venoit  pour  la  voir.  Clorimand  i  qui  ne  doute 
pa$  qu$  ce  ne  foit  fpn  ami  Cleonté  f  lui  &it  des  t^^^tQ' 
cbes  d'êlre:?jçnu  fi  tôt  Tinterrompre  >  lui  confie  i'eiccès 
4e  fou  amûuc  pour  Ifs^belle^  lui  vante  les  charmes  de 
ç^tte  jeune  beauté  \  fe  vante  de^;  Êi veûrs  (  honnêtes 
cependant  )  quil  en  a  reçàeis  >  &  lui  avoue  qtie  la  nuit 
f^i vante  il  obtiendra  tout  çd  qu'il  pe^it  deiirer,  Adra- 
fte  au  défcf^oir  d^ètse  devenu  le  confident  de  fon  ri- 
<KaI  >  &:  de  ne  pouvoir  douter  dé  l'infidéiké  de  fa  x&A 
XX^S^%  veut  d'abord  fe.  venger  de  CbriHàatid;  nràisil 
préfeit  d'aitcabler  atyaravant  l'infidèle  par  les  repro- 
f{be&  kfi  jphis  outiiageans,  puis  enfoite  d'attaquer  foa 
hmreux  &  indiferet  rival.  Cependant  fur  le  bruit  de 
1a  b^uté  do  la  |leiQe  de  Naples  y  AlphoÀfe  en  ét&a 
4ievenu  amoureux  ^  &  avoic  qukté  f<^  Eéa^  pour  ve- 
f)ir.|  fous  le  ncpi  d'Ambaff^deur ,  la  demaâde^  mœa« 
jriager  pour  bil-mème.  Tandis  qu'il  cherche  \  fe  faire 
iftiroduire  chez  la  Reine  f  Adrafte  &  Clorimand  fe 
rencontrent  ;  le  jalogx  Adrafle  facrifie  à  Ciorlmand  les 


THEATRE  FRANÇOIS, 

ettres  pleines  d'amoar  »  qq'il  a  reçues  dlfabelle  :  il 
^erfe  ainfi  dans  le  cœur  du  PriQce  Efpagnol  j  lepoifon 
je  la  jaloufie  ^  &  fe  recire.  Clorimand ,  animé  d^  fu« 
reur^  va  trouver  Ifabelley  &  fe  plaine  de  ce  qu'elle 
rhercbe  à  le  tromper.  I&belic>  qui  étok  aafli  de* 
irenue  amoureufe  de  Clorimand  >  lui  avoue  qu'elle 
ivoic  en  efiet  aimé  Adrafte  ;  mais  cUe  lus  jure  en  m^ 
ne  -  tcms  que ,  depuis  qu'elle  le  voyo|t  ^  Adrafle  lui 
5toic  devenu  plus  qu'indifférent  f  elle  lui  avoua  qu'elle 
reflepc  pour  lui  Tampur  le  pbis  tendre.  L'aimable  E^ 
pagnol  fe  laiiT^  Tédoire  :  le  plqs  cendre  baifer  ^Q  le 
juge  de  leur  réconciliation  ;  &  ils  prennent  un  rendea- 
^ous  pour  la  nuit  fuivante^  où  Clpriinand  dévoie  être 
introduit  dans  fa  chambre*  Malheufcufe^iit  la  Reine 
lirvient  dans  ce  moment  mèipç ,  &  efl  témoin  de  cette 
privs^qeé»  qui  la  met  forC  en  cokre*  Clôcimand  fe  re- 
ire  :  h  J^i^ine  s'emporte  contre IfiibeUe ; cetled  cbei. 
?bç  à  fçiaftUÎQr  9  &  fomient  qu'elle  n'a  fait  qu'exécuter 
'es  Offres»  &  qvCidlp  c'a  îamais  eo  d'autre  incentipa 
)ue  de  la  fervir.  La  Rjsine  lei  répond  décepiment  ; 

Vous  TOUS  acquittet  bied  de  ce  qu'on  vous  commande  s 
7e  n*fn  df ^  pçUt  use  pcciure  plus  gcande  i  .  / 

Jo  vous  veux  accorder  le  ^epps  deTQrmjUs  i 
Pour  loyer  de  vos  foins  »  ne  me  ypyfiz  jamaisi 
Sçacbez  que  6ûre  trop  ,  Se  ne  pas  afiez  faire  ^ 
Ç'éroi(  à  fflQQamQui  également  déplaire  s  ^ 

.    Cherchez  i  voc  baiièrs  ^^  autre  fpnçlem^t  s 
Me  les  re|ettez  point  fur  mpn  comma|i4emenc  i 
CVft  trop  d'obéiffance ,  &  vous  fonder  fur  elle  }        ' 
€'eft  ds  ma  ToioïKé  faire  une  maqucreUe. 

Mij 


t8o      THEATRE  FRAifÇOIS. 

Ce  gentil  étranger  à  vos  efptits  blefles , 
C'eil  à  lui  ;  non  à  moi  «  que  vous  obei(!èz« 
Adieu ,  n*exereez  plus  cette  charge  fatale  ^ 
Et  ne  m'obligez  point  â  revoir  ma  rivale. 

Ifabelle  fe  retire  ;  &  le  Roi  de  Sidlè ,  comme  A 
baiTadeur  >  eft  admis  à  l'Audience  de  la  Reine.  Il  ( 
pofe  fa  commiffion ,  vance  l'amour  &  la  puiffance  da 
Monarque  ,  qui  défire  fa  main.  La  Reine  le  fait  re- 
cîrer  j  en  lui  difant  qu'elle  en  va  délibérer  arec  ion 
Confeil.  Elle  confulte  Cléonte  f  &  lui  marqué  beau- 
coup d'éloigiiement  pour  ce:  mariage  ;  elle  lui  avoue 
en  même  »  tems  qu'elle  fera  plus  flattée  de  donner  la 
main  à  quelqu'un»  qui  lui  devra-le  Trê>ney  qued'épott* 
fer  un  Roi  >qui  croira  ,  avec  raiion  r  n^  l^i  rien  devoir. 
L'amoureux  Cléonte  applaudit  au  difcours  de  la  Rei« 
ne  9  fe  flattant  que  c^étoit  lui^qu'eHe  avait  àéCtgnéf 
Jorfqu'elle  n'avôit  parlé  du  projet  de    couronner  uq 
homme  d'une  paiiTance  inférieure  à  la  (iénne.  Mais 
quelle  eft  fa  douleur  &  fa  rage ,  lorfque  la  Reine  loi 
déclare  que  c'eft  Clorimand  qu'elle  veut  épouler  ^  & 
qu'on  doit  déformais  le  regarder  comn^e  Roi  de  Naples? 
C'eft  ainfi  que  finit  le  quatrième  ^aâl^^  pour  préparer 
dans  IjS  cinquième  une  foule  d'événemens  fîngùtiers  > 
&  enfi  grande  quantité^  que  peut-être  il  n'y  a  pas 
d'ade  qui  en  renferme  autant.  La  Reine  le  commen- 
ce en  chargeant  Filemon  9  fon  confident,  déporter 
une  lettre  au  gentil  EfpagtK)!»  &Te  retire.  Filemon, 
qui  apparemment  a  voit  trouvé  l'Ambafladeur  fuppofé 


THEATRE  FRANÇOIS.       z8i 

6  joli  que  Clorimand^  ne  doute  pas  que  ce  ne  foit  à 
que  le  billet  doux  s'adrefle^  &  le  lui  remet.  Il 
le  conçu  aioii  ; 

Renonçons  au  dégiiifement  9 

£r  levbnsje  mafque  à  la  feinte  t 

Traitons  Pamour  ouvertement  y 

Cher  Efpagol ,  je  fuis  atteinte  ; 

Je  conois  vos  venus ,  je  fçais  votre  naiflânce } 

Moncœureftûirmomëy  .  \  . 

£t  je  mets  fous  Votre  puifTance 

Ma  fortune ,  &  ma  volonté. 

Quand  la  nuit  voilera  les  deux  j       —   ^ 
Venez  apprendre  de  ma  bouche  , 
Combien.,  malgré  vos  envieux. 
Votre  infîgne  vertu  me  touche  i 
Us  dreiTent  une  embûche  à  votre  belfe  vie  ^ 
fvitez  ces  jaloux. 
Malgré  leur  haine  &  leur  envie  9 
Je  vous  aime^  Hélène  efl  à  vous. 


'  f 


I  ■  r 


Dn  peut  juger  de  l'excès  de  pye  du  Roi ,  en  liianft 

billet.  Jl  ne  doute  pas  que  la  Reine  eft  inflruite  de 

rang  >  &  il  fe  prépare  à  être,  le  plus  heureux  des 

urnes.  Il  fe  retire  >  voyant  Adrafte  &.  Cléonte* 

dernier  raiTure  le  jaloux  Adra(le>  &  lui  dit  qui- 

elle  eft  fidèle  >  &  que  c'eft  de   la  Re}ne  »    dcmt 

)rimand  eft  amoureux  ;  que  même  il  en  eft  aimé; 

is  qu'il  empêchera  fon  bonheur ,  &  qu'il  va  bien* 

le  priver  de  vie.  Adrafte  9  au  comble  de  Tes  vœux  » 

pour  parler  àlfabelle,  qui  apiendQÎt  9vecimpa^ 

ice  Clarimandy  pour  l'admettre  d9<ns  ion  lit^  â^ 

fioiÛQit  ces  Y  w  mpdeftes  ; 


l^a.        THÉÂTRE  FRANÇOIS, 

Que  ce  bel  étransgier  eA  long^tems  à  yenit  ! 

Que  de  triftes  penfers  viennent  m*encretenir  ! 

Avez-vous  donc ,  mci  Coin9  y  pour  ce  foir  refervee 

La  fleur,  que  vous  avez  G.  long-teimconfervéel 

Ce  que  vingt  ans  entiers  ont  fait  Axeurir  (le  fraie  , 

Sera-t-il  feulement  la  moiffon  d'une  nuit  ? 

Mais  qui  A'aimerpit  pas  ce  vaÎAqueuç  dç  mon  ^me  ?  Sec 

Elle  entend  da  brait ,  &  demande  ;  efi^ce  toi  ^  Clôt 
mand.  Adraftcf  voulant  profiter  de  l'occafion^Iairéponu, 
Oui,  maVieJJiy  &  ed  admis  dans  fa  chambre.  CIo- 
rimand  ^  qui  avoit  été  retenu  par  qtrelque  obfiacle  y  fe 
rend  au  lieu  indiqué  >  &  eft  aufli  furp^ris  qu'affligé 
de  ne  pas  trouyec  Ifabetle.  Il  ne  fe  doutoit  en  auca* 
ne  façon  du  malheur  qui  lui  arrîvcît.  Il  entend  da 
bruit  y  &  voit  un  homme  aflailli  par  plufieurs  :  il  vole 
à  fon  recours  >  &  le  délivre.  Cétoit  Cleonte  qui  avoir 
atta^é  le^  Aoi  dé  Sicile  /au  montent  qu'il  alloit  au 
midc2;>voi3i5  indicé  dans  le  bffldt  de  lai  Reine.  Clçonte 
n*^  pdttc  É^otimi ,  &  toy^nt  (on  entreprife  man- 
qi^e  y  fe  retiré  Ivec  précipitation,  tl  fe  (ait  alors  une 
tendre  reconneiffanee  entre  \t  Roi  &  fon  libérateur. 
]l$  fe  confient  niut^ellement  qù*ilâ  viennent  tous  deux 
60  bonne  fortune  dans  le  Palais*  La  Reme  parok  à  la 
porte  f  par  laquelle  elle  doit  fiiire  entrer  fon  amant  ; 
&  dit,  î?/-ci?  jwM  iwf ,  ma  vh.  Le  Roi  qui  ne  doute  pas 
^e  ç'eft  à  lin  que  ce  difcours  s'adrefle,  répond  :  Je 
la  viens  recevoir  de  vus  Tares  appas ,  &  rentre  avec  la 

Heine  I  qui  i  eo  referont  la  porter  dit»  Çlorimand  efi 


THEATRE  FRANÇOIS.       183 

è  moi  >  mon  amour  ejl  content.    Ces  mots  farprenàent 

fort  Clopmand ,  qui  ne  fe  doatoic  en  aucune  façon 

f  être  aimé  de  la  Reine  ;  &  il  fe  cache  dans  un  coin  $ 

pour  attendre  qu'l&belle ,  TintrodoiTe  chez  elle.  Ce- 

>endant  Cléonte  revient  ;  &  Ifabelle ,  entendant  du 

)ruit ,  fe  mec  à  la  fenêtre ,  &  demandé  qui  font  cé^ 

rens  indifcrets,  qui  viennent  troubler  le  repos  de  la 

leine.  Le  jabux  Cléonte  lui  répond  qu'elle  n'en  a 

)as  4}efoin  ^  puifqtfelle  eft  aftuellemeot  edtre  lés  bras 

le  Clorimand.  I&belle  lui  dit  de  ne  point  outrager 

bn  époux  i  &  que  Gbrimahd  eft  avec  elle.  On  pédc 

luger  de  là  furptife  Bc  du  chagrin  de  Clorhnandy 

]ui  entéhd  qu'on  le  croitjouiflàntdés  faveurs  de  deux 

oiies  femmes  f  &  qui  eft  dans  un  càin  fort  mal  à  fou 

life.  Enfin  tout  s'éclaircit  :  Adrafle  defceiid  avec  Ifa- 

}elle ,  qui  d'abord  eft  fort  en  colère  de  la  méprile. 

Snfih  toyant  bi^n  qif  il  ti'y  avoit  plus  dioyen  de  s'en 

lédire  >  elle  lui  dêoSande  pairdOn  d'un  itiometilt  dé  lé- 

rereté*  l'embraiTe  tendrement,  &  hit  promet  l'amoitr 

e  plus  conftant.  En  même-tems  la  Reine  >  qui  avotft 

Luffi  entendu  du  bruit  ^  defcend  fur  le  théâtre.  (H 
àut  fuppofer  qu'à  Naples,  les  Dames  étoient  fi  veç- 
ueufès ,  que  lorfqu'elles  admectoient  leurs  amans  dans 
eurs  chambres,  elles  vduloiént  couvrir  leur  défaite 
la  voile  de  la  plus  fombre  ô'bfcurité.  )  C'elï  ce  qiii 
ait  que  la  Reine  ^  toujours  dans  l'erreur  y  après  avoir 
rrondé|dic: 

Oai  Clôf  hnahd  eft  mieà ,  oui  Clôrimaod  eft  Roi  i 
Il«n(ft^éiDoncc^fi(Kapleiroiii(a]al»  i 


?S4       THEATRE  FRANÇOIS. 

Cependant  le  Roi  de  Sicile  ne  tarde  pas  à  rejoi* 
are  ÙL  nouvelle  époufe  ;  elle  qui  le  prend  toujours 
pour  L'AmbalTadeur  >  ordonne  qu'on  venge  l'outrage 
qu^il  vient  de  lui  faire.  Le  Roi  fort  furpris  de  fa  co- 
lère» lui  montre  le  billet  que  Filemon  lui  a  remis  de 
(d.  part;  &  Clorimand  le  fait  connoitre pour  le  Mo- 
narque de  Sicile.  Alors  la  Reine  9  qui  fent  bien  qu'el- 
le n'a  pas  d'autre  parti  à  prendre  que,  de  fuivre  Te* 
xemple  d'Ifabelle ,  accepte  avec  )oye  la  main  de  ce 
Monarque  >  qui  f  pour  témoigner  fa  reconnoiflance  à 
Clorimand  ,  lui  promet  l'Infante  en  mariage;  Cet  ef- 
poir  rallume  tous  fes  feux  »  &  il  fe  croit  au  comble 
du  bonheur.  Enfin  9  pour  que  le  pauvre  Cléonte  ne 
reftât  pas  fans  femme  >  On  lui  donne  Heliante,  coo- 

fine  de  là  Reine. 

•  * 

(SUJET  DE  L'HEUREUX  NAUFRAGE.  ) 
Cléàndre»  Prince  d'Epire»  aimoit  Sc.étoît  aimé  de 
Floronde  ,  fille  du  Roi  de  ce  pays.  Ce  Monarque 
ayant  refufé  fà  fille  aux  vœux  de  Cléandre ,  ce  jeune 
Prince  9  de  concert  avec  Floronde»  prend  le  parti  de 
l'enlever.  Ils  s'embarquent  &  quittent  l'Epire  ;  mais 
une  tempête  furieufe  fait  périr  le  vaifTeau ,  dans  le- 
quel il$  étoiient ,  &  Cléandre  efl  jette  (ans  connoifTan* 
€ç  far  les  rives  de  Daln^atie^  où  la  Reine  SalmacisSc 
Ççphalie  y  fa  fœur,  le  rencontrent^  &  le  font  tranfporter 
^ffnsun  Château  voiGn,  Pès  qu'il  ?i  repris  fesfenst 
U  ^  forf  étonné  àc  fe  vqiç  fur  un  lit  magnigque  ^  d|os 


THEATR^E  FRANÇOIS.  i8S 
pne  chambre  4e^  plp$  ornées  9  $c  dans  un  lieu  qui  lu^ 
çft  abfblumenc  inconnu.  Il  eft  reciré  de  Tes  réfiexion9 
par  l'arrivée  de  Salmacis  t  qui  vient  fçavoir  de  fe^. 
nouvelles  ;  quand  Çléandre  i'apperçpit ,  il  s*écrie  : 


Mais  ua  objet  charmant ,  ou  Venus  elle-même 
Vient  éclaircir  mon  doute ,  en  cet(%  peine  extcêmCf 
Telle  faifant  briller  Tes  appas  infinis  ^ 
Cette  mère  d*amour  va  baifer  Adonis  \ 
It  telle  d'orient  tous  les  matins  devalle 
L'époufe  de  Titon  ,  dans  les  bras  de  Cephalç. 

La  Reine  9  qui  commençoic  à  fentir  pour  Ton  hôtç 
plus  que  de  la  pafCon  9  lui  témoigne  le  defir  qu'elle  a 
d'apprendre  fes  aventures  :  il  les  lui  raconte  9  &  Ë|i^ 
voir  auffi.  la  plus  grande  impatience  de  fçavoir  à  qui 
il  doit  la  vie.  On  lui  dit  que  c'eft  k  la  Reine  de  Dal- 
matie.  Cependant  Çléandre  fe  livre  à  la  plus  grande 
douleur  ^  ne  doutant  pas  qu'il  n'r!t  perdu  fa  çhere  Flo- 
ronde^  En  même-tems  on  vient  apprendre  à  la  Reine  » 
que  le  Roi  d'Epire  étoit  à  la  tète  d'une  armée  formi- 
dable pour  lui  demander  Cléandie ,  qu'il  veut  punir 
comme  le  raviiTeur  de  fa  fille.  La  Reine  >  qui  faific  avec 
çmpreffement  toutes  les  occafions  de  revoir  Çléan- 
dre, vient  lui  apprendre  cette  nouvelle,  &  lui  pro- 
pofe  de  le  mettre  à  la  tête  de  ks  troupes ,  pour  fou- 
tenîr  une  querelle  qui  leur  efl;  devenue  commune. 
Poqr  témoigner  (a  reconnoiiTahce  à  la  Reine  j^  il  ac- 
çepçç  |a  propofîtipn  i  i^ais  malgré  toutes  les  chofes 


s 


iSS      THEATRE  FRANÇOIS. 

prévenances  que  loi  dit  cette  Princeûe ,  il  ne  pe 
s*empècher  de  Te  livrer  devant  elle  à  la  doaleur  la  pi 
amere ,  &  âax  plus  tendres  regrets  Ihr  la  mort  dé' 
miritrefle  ;  ce  qui  déchire  le  cœur  de  la  tendre  Sain 
cis«  Dans  ce  moment ,  on  lui  vient  annoncer  qu'oc 
enfin  découvert  un  jeune  homme  de  la  fuite  de  Clés 
dre.  Il  eft  nécefTaire  àt  fçavoir  que  cette  Prince: 
avoit  fait  chercher»  avec  le  plus  gt-ànd  foin  ,  qo< 
qu'un  qui  appartint  à  ce  jeune  Prince  :  &  à  for 
d'argent,  elle  lui  avoit  fait  promettre^  pour  ôter  toute 
pérance  à  fon  maitre  >  qu'il  diroit  avoir  vu  périr  FI 
ronde  dans  les  flots.  Ce  jeune  homme  eft  introdi 
devant  Cléandre  y  qui ,  reconhoiflant  fous  ce  déguii 
ment  fa  chère  Floronde»  eft  prèt^  dans  un  tranfp< 
involontaire ,  à  trahir  un  fecret  fi  nécefTaire  à  cache 
quand  Floronde  (  qui  ne  paroit  que  fous  le  nom 
Lifanor  ^  Se  que  déformais  je  nommerai  toujours  aini 
ientant  toute  l'importance  du  myflère ,  rintèrromp 
&  lui  Conte  comment  elle  a  vu  périr  Floi  onde.  Le  Pri 
ce  aSeâe  de  fe  livrer  à  la  plus  grande  doùlèûr  :  & 
Reine ,  croyant  qu'il  feroit  bien  aife  de  refter  feul  av 
Lifanor,  fe  retire  &  les  laifTe  tous  deux  enfemb 
Ils  fe  livrent  aux  tranfports  mutueîs  de  leur  joye  > 
iè  promettent  de  fe  conduire  fi  prudemment,  qu' 
ne  pourra  découvrir  leur  intrigue.  Cependant  ta  R* 
ne  9  dont  l'amour  augmentoit  à  chaque  inftant,  chère 
à  engager  Lifanor  à  lui  être  favorable  auprès  dé  ( 
maitre  >  &  lui  avoue  que  (on  déffein  eft  dé  lé  phcct  l 


THEATRE  FRANÇOIS.       tSy 

le  Trêoe.  Lifanor  lui  promet  de  la  fervir  de  Totl 
fiûeax.  Et  quand  elle  eft  avec  Cléandr é  9  elle  t\t  do 
la  confiance  que  fa  rivale  a  et  elle.  Pour  jettêr  Lifa^ 
nor  dans  un  plusgràdd  embarras ,  Cephalie ,  (ceur  dé 
la  Reine  >  qui  eft  devenue  aiifO  amoureufe  de  Cléan- 
dre  9  vient  lui  faire  la  même  confidence  »  &  la  charge 
de  vanter  fa  tendrefle  au  Prince  d'Epire.  Elle  le  lui 
promet ,  &  fe  retire.  Dorifmond  ,  grand  Seigneur  de 
Palnaatie  9  depuis  lông-tems  amourc^u^  de  Cephalie  » 
furieux  des  mépris  dont  cette  Princefle  l'accable  >  at- 
tribue ce  changement  aux  fentimens  qu'elle  a  pour 
Cléandre  $  &  fait  appeller  ce  Prince  en  due).  En 
même  tems  Cléandre  »  fçachant  par  un  efpion  la  mort 
du  TÎeox  Roi  d'Epire ,  vient  apprendre  cette  fâcheufe 
nouvelle  à  Flôronde  ;  &  ils  prennent  le  parti  de  prO> 
pofèr  à  la  Reine  d'envoyer  Lifanor  vers  le  nouveau 
Roi  9  pour  lui  fàn^  des  propofitions  de  paix.  Ils 
comptoient  fur  Taniitié  du  nouveau  Monarque  y  qui 
avoit  toujours  fort  aimé  Flôronde  ;  &  ils  efpéroient 
qu'en  la  revoyant  »  il  ne  pourroit  lui  rien  refiifer  ^ 
qu'elle  refteroi^*âùprès  de  fon  frère  ,  &  que  Cléandre 
chercheroit  le  moyen  de  les  aller  joindre.  La  Reine 
y  confent,  &  Lifanor  part.  Cléandre  fe  porte  au  ren- 
dez-vous indiqué  par  Dorifmond ,  &  eft  auffi-tôt  af- 
feilli  par  trois  aflaffins ,  qCtt  ce  trâicre  avoit  chargé  de 
le  tuer.  II  fe  défend  :  Dorifmond  accourt  au  moment 
qu'il  venoit  de  tuer  le  fecond  ;  le  troifiéme  fuit  bien- 
%Q%  W  (ot%  de^  dçux  autres  ;  &  enfin  Dorifmond  lui- 


i88       THEATRE  FRANÇOIS. 

même  eft  percé  d'un  coup  mortel.  Cléandre  aûfTi  tôt 
va  rendre  compte  à  la  Reine  de  ce  qui  vient  de  fc 
pafTer  ;  mais  il  la  trouve  dans  la  plus  grande  foreor 
contre  lui.  Elle  avoit  été  prévenue  que  Cléandre  ne 
4h  battoit  contre  Dorifmond ,  que  parce  que  ce  dernier 
avoit  découvert  que  le  Prince  d*Epire  étoit  amoureux 
&  aimé  de  Céphalie.  Sans  vouloir  écouter  fa  juftit 
cation  ,  &  fe  livrant  toute  entière  à  la  jalou(ie>  elle 
fait  conduire  le  Prince  en  prifon ,  &  ordonne  qu'on 
lui  faflfe  Ton  procès*  Les  Juges  fe  rafTemblent  >  &  le 
condamnent  à  mort.  On  le  conduit  au  lieu  du  fuppli-' 
ce ,  le  bourreau  eft  prêt  de  faire  fon  office  >  quand  un 
page  de  la  Reine  fait  arrêter  l'exécution  >  &  donne 
à  Cléandre  un  billet  de  cette  PrinceiTe  »  dans  lequel 
çlle  lui  mande  que ,  s'il  veut  lui  donner  la  main  >  elle 
eft  prête  d'oublier  l'injurîeufe  préférence  qu'il  a  don* 
née  à  fa  fœur.  Cléandre  protefte  qu'il  n'a  jamais  aimé 
Cçphalie ,  qu'il  adore  &c  adorera  toujours  Floronde  p 
&  que  cette  Princefle  eft  vivante,  La  Reine  >  qui  oe 
peut  confentir  à  fa  mort  y  vient  elle-même  pour  le  per- 
fuader.  Alors  Cléandre  lui  révèle  que  celui  qu'elle  a 
connu  y  fous  le  nom  de  Lifapor ,  eft  cette  Floronde 
qu'il  adore.   En  même-tems  cette  Princefle ,  toujours 
fous  les  habits  de  Lifanor  y  joint  la.  Reine ,  &  lui  con* 
firme  ce  que  Cléandre  venoit  de  lui  dire.  Il  faut  que 
le  Lefteur  fçache  que  Floronde  avoit  bien  eraployélc 
tems ,  qu'elle  avoit  paiTé  auprès  de  fon  frère  ;  non-fea-? 
lement  elle  avoit  obtenu  la  grâce  de  Ciéapdrç  j,  v^m 


THEATRE  FRANÇOIS.      t8<) 

avoit  auffi  obtenu  Taveu  du  Roi  >  pour  qu'elle 
)u(ac.  ï)e  plus  >  voulant  lever  les  obflacles  que  la 
le  pouvoit  apporter  à  eet  hymen  ,  elle  avoit  tant 
é  au  Rai ,  fon  frere  9  les  charmes  de  la  Reine  de 
matie  j  q,ue  ce  Monarque  en  étoit  devenu  amou- 
i,  »  Se  avoit  chargé  le  feint  Lifanor  de  propofer  à 
Leine  une  entrevue  »  pour  terminer  leur  querelle , 
aire  une  paix  durable.  En  effet  9  Lifanor  9  connu 
s   pour  Floronde  >  propofe  cette  entrevue  à  la 
ine  »  qui  y  confent.  Le  Roi  ne  tarde  pas  à  arriver  , 
[l  auffî  -  tôt  éperduement  amoureux  de  la  Reine  ; 
cette  entrevue  >  ainfi  que  la  piece^  finit  par  le  ma« 
rc  du  Roi  d'Epire  avec  la  Reine  de  Dalmatie .  & 
celui  de  Cléandre  avec  fa  chère  Floronde.  Pour 
phalie  »  prend  généreufement  (on  parti  9  &  cède  p 
s  regret  ',  Cléandre  à  Floronde. 

En  tout ,  cette  pièce  [eft  affez  bien  écrite  ;  la  con- 
ite  en  eft  fage  y  affez  régulière ,  &  n'eft  point  char-* 
s  d'événemens  ^igantefques  ,  comme  Teft  la  pré«( 
iente. 

(  SUJET  DE.  LA  CËLIANÉ.  )  Si  je  ne  tn'étoîfl 
s  impofé .  la  loi  de  donner  une  idée  de  toutes  les 
îces  de  théâtre  jufqu'à  Corneille  >  je  me  ferois  cer- 
nement  difpenfé  de  parler  de  celle-ci  ^  qui  ne  peut 
rien  exciter  la  curiofité  du  Leâeur.  Elle  eft  mal 
rite  &  mal  conduite ,  &  de  plus ,  fort  indécente  , 
ifq'u'bn  y  trouve  plufieurs  fcènes  >  dans  lefquellcs  !e$ 
lans  s'accablent  de  baifers  redoublés.  Pour  peu 
bme  que  Ton  veuille  laifTer  égarer  fon  imagination  , 


I^o       THEATRE  FRANÇOIS. 

|1  efl  aifé  de  foupçonner  que  ce  n'efl  pas  feulemeoti 
de  (impies  baifers  que;  fe  borne  la  tendre  complai* 
fance  des  amans.   On  y  voie  une  femme  bleflfée  pat 

(on  amanc  ;  &  sll  eft  impoffible  de  comprendre  com- 
ment cela  arrive  I  il  l'eft  encore  davantage  dlmagi- 
ner  comment  elle  eft  guérie  ^uffi  promptement.  Ao 
moindre  obftacle  9  f  Aâeur  tire  fon  poignard  >  &  vea 
fè  tuer;  &  cette  aftion  eft  répétée  fept  à  huit  fois 
danti  la  pièce.  On  y  trouve  auffi  un  excès  d'amitié^ 
digne  de  rabfurdité  de  cette  Tragi-Comédie  ^  qai 
commence  par  la  rencontre  de  Florimant  &  de  Pam* 
phile  j  anciens  &  intimes  amis.  Pamphile  confie  à  Flo- 
rimant  »  qu'il  eft  amoureux  &  aimé  de  Nife  ;  mais  que 
cette  beauté  ayant  qial-à-propos  conçu  des  foupçoDS 
de  fa  fidélité  ,  pour  les  calmer  y  il  avoit  pris  le  parti 
de  quitter  fon  pays ,  ^  de  venir  le  trouver.  Florimant 
fe  félicite  du  bonheur  de  le  voir ,  &  lui  confie  a.uffi 
qu'il  eft  amoureux  ^  aimé  de  la  belle  Celiane.  Epfîn 
il  quitte  (pn  ami,  çn  \m  dif^nt  que  c'étoit  là  le  mo» 
ment  quil  doit  aller  voir  Pobjet  de  fà  tendrefte.  Le 
pauvre  Pamphile  refte  feul ,  &  fe  livre  aux  triftes  ré- 
flexioDiS  qu0  loi  infpiretit  Tinjuftice  de  ce  qu'il  aime» 
&  finit  par  s'endormir.  Cependant  Nife  p  qui  a  de&p- 
prouvé  i'abfence  de  fon  amant  >  a  pris  le  parti  de  le 
fuivre ,  &  arrive  précifément  daps  le  bois ,  où  ellç 
trouve  Paœpl^iie  çndornai  :  elle  le  reconnoit»  &  hér 
fite  quelque  tems  fur  le  parti  qu'elle  doi$  prendre* 
Enfin  elle  fe  détermine  à  tirçr  l'épée  de  Pamphile  ; 


THEATRE  FRANÇOIS.        iqr 

]e  k  percer  avec  ;  TelFort  qu'elle  fait  réveille 
npfaile  y  qai  >  fans  la  reconnoitre  %  i'empècbc^ 
€  tuer.  Elle  fe  mec  eu  colère  d'un  fecours  qu'elle 
iéfiroit  pas  >  &  le  menace  de  tourner  fe$  armes 
tre  lui-niême.  Pamphile  toujours  ignorant  à  qui  il 
le  9  malgré  une  longue  converfation ,  fe  rit  de  fes 
laces»  Enfin  leur  difpute  ne  finit ,  que  lorfque 
nphi!e  lui  a  pafTé  fon  épée  au  travers  du  corps; 
:  tombe  à  fes  pieds  >  &  auffi-tôt  il  l'a  reconnoit. 

croit  bien  qu'il  veut  fe  tuer;  il  fe  livre  aux  plus 
dres  regrets  $  puis  fans  fonger  à  la  faire  panfer,  il 
re  dans  la  plus  ample  juftification  de  (on  parfait 
:>ur  pour  elle  ;  &  ce  n^eft  qu^après  un  dialogue 
aviron  cent  cinquante  yers  f  qu'il  fe  rappelle  qu'il 
t  aller  chercher  le$  moyens  d'étancber  fon  fang. 
;ft  ainii  que  6nit  \ç  premier  a€le.  Le  dfuxkmt 
nmenc^  par  une  lotigpe  conyerfation  %  que  Flori* 
pd  a  ^vec  fa  Cetiane  »  qui  eQ  fimvent  ipterrpmpoe 

les  plus  tendres  baifers*  Enfin  Celiane  finit  cette 
ne  p^  disç  à  fon  amani  : 

le  ffiîsd'un  s^iud  G.  fpîgtie^x  detpn  àlfe  ^ 
Que  le  ne  pui$  foufirir  que  le  Soleil  me  baîTe  | 

Avançons  dans  ce  bois  9  &  parmi  ces  ormeaux; 
Cbercboni  pour  nous  couvrir  de  plus  épais  raiiieaux  y 
Où  rien  jie  vienne  plus  traverfer  notre  ^oye  ,  • 

Où  nous  n*ayons  ph^  rien  qufc  l'amour  q^i  aoiis  voye. 

En  e&t,  ils  fe  retirent  dans  le  plus  épais  do  bois^ 


ig%       TtlEAtRE  FRANÇOIS. 

où  ce  Dîeu  feul  fçait  ce  qui  s'y  pafle  ;  &  l'on  voit  aloril 
fur  la  fcène ,  Pamphile  au  chevet  du  lit  de  Nife  y  qui 
la  baife  6c  rebaife  >  &  qui  après  pludeurs  baifers»  éta- 
blit (k  bouche  fur  Ton  fein  ;  Nife  >  qui,  malgré  toute  fa 
tendreiTe  9  veut  un  peu  moralirer  y  lui  dit  : 

■ 

£n  baifant  ces  cheveu ]c ,  tu  n'as  qu'un  avantage  ^ 
(Qu'une  toile  infenflble  avecque  toi  parcage  : 
Crois-tu  >  touchant  ce  corps ,  alléger  ton  fouci  i 
Ce  bonheur  eft  commun  à.  mes  h^bics  auili , 
Tous  ces  plaifirs  font  faux  :  û  la  beauté  de  Pâme 
K'efl  le  premier  objet  de  Pamoureufe  fiâme  ^  &e. 

Elle  continue  (a  morale  ;  &  Pamphile  relte  toii- 
jours  fur  fon  fein  ,  &  il  ne  s'en  retire  que  pour  faire 
place  à  Florimand  ,  Philidor  &  Celiane.   Ce  qui  eft 
difficile  à  comprendre ^  c'eft  comment  Nife,  qui  eft 
dans  fon  lit  y  fort  de  deflbs  la  fcène.  Enfin  »  elle  en 
ibrt>  puifqpe  les  trois  Aârpurâ,  que  je  viens  de  nom* 
mer  9  refient  feuls  fur  le  théâtre^   Ce  Philidor  étoit 
amoureux  de  Celiane  ;  Se  malhéureufement  avoit  été 
témoin  de  quelques  privautés  9  qu'elle  avoit  accordées 
à  Florimand.  Après  avoir  fait  les  reproches  les  plus 
amers  à  Celiane  ,  il  marque  toute  fa  colère  à  fon  riv^l» 
&  ils  fîniflent  par  fe  battre.   Pamphile  arrive  fort  à 
propos  pour  les- (éparer;  Philidor  fe  retire,  &  Pam- 
phile apprend  à  Florimand  >  que  Nife  eft  arrivée ,  & 
qu'elle  eft  aâuellement  dans  fa  maifon.  Florimand  va 
avec  fon  ami  faire  les  honneurs  de  chez  lui;  &  le 

deuxième 


THEATRE  FRANÇOIS.        193 

taxîéme  aâle  irnit*  Pendant  l'intervalle  du  deuxième 
a  troifiéme  a6le  >  Florimand  qui  a  vu  Nife  ,  en  eft, 
evenu  paffionnéinent  amoureux  ;  &  Celiane  en 
!ft  déjà  indruite.  Elle  confie  fa  jàloulie  à  fâ  nour<» 
ice  9  &  quitte  la  fcène.  Florimand  l'occupe  alors , 
z  dans  un  très -long  monologue  ,  il  fe  reproche  de 
lanquer  ainfi  à  Celiane  &  à  Ton  amie  II  fe  pion- 
;e  fi  fort  dans  fes  réflexions  ,  qu'il  ne  voit  ni  n'entend 
^aniphile  y  qui  furvient ,  &  qu'il  met  ainfi  au  fait  de 
bs  plus  fecrettes  penfées.  Pampbile  n'héfite  pas  fur 
e  parti  qu'il  doit  prendre  :  &  fans  fonger  au  chagrin 
Qortel  quil  va  caufer  à  Nife ,  uniquement  occupé  da 
>onheur  de  Florimand  >  il  l'interrompt  pour  lui  dire 
|u'il  peut  fe  tranquillifer  l'efprit ,  &  que  facrifiant  l'a* 
Qour  à  l'amitié  9  il  lui  cède  avec  plaifir  la  beauté  qui 
aafe  fon  tourment*  Florimand  s'oppofe  à  cet  excès 
e  générofité  :  &  pour  fe  punir  de  troubler  ainfi  le 
onheur  de  fon  ami  >  il  tire  (on  poignard  &  veut  s'en 
lercer*  Pampbile  l'arrête  ^  &  le  perfuade  enfin  d'ac- 
epter  le  facrifice  quil  lui  veut  faire  ;  il  fe  charge  mâ« 
le  d'y  déterminer  Nife  :  &  Florimand  enchanté  (e 
étire.  Nife  furvient;  &  le  généreux  Pampbile  lui 
onfîe  qu'il  Ta  cédée  à  fon  ami^  Nife  s'oppofe  en  vain 
;  ce  cruel  facrifice  ;  elle  cherche  envain  par  les  plus 
endres  careiTes  à  retenir  Pampbile.  Celui  ci  de  plus 
m  plus  emprefTé  pour  le  bonheur  de  fon  ami,  tire 
on  poignard  >  &  jure  à  Nife  de  s'en  percer  à  fes 
reux ,  fi  elle  ne  confent  à  faire  le  bonheur  de  Flori* 
Tome  IL  îî 


f^4      THE ATRE  FRA NÇOIS. 

âiand.  La  tendre  Nife  né  peut  (butenir  ce  (peâaclei 
confént  à  tout,  &  finit  par  dire  : 

Mon  Tgil  s'adoucira  par  ce  contentement  > 
Que  je  n'aurai  jamais  refufé  mon  amant. 

Ceft  aînfi  que  finit  le  troijîéme  aâle  ;  &  le  quatrième 
conlmehce  par  une  converfation  entre  Florimand 
&  Celiane^  où  Celiane  lui  téniioigne  toute  fa  jaloa- 
ût  9  &  lui  reproche  toute  ia  perfidie*  Florimand  pro- 
tefte  qu'il  lui  eft  toujours  fidèle.  Celiane  n'en  eft  pa^ 
la  dupe  >  &  le  quitte  dans  la  plus  grande  colère  con- 
tre lui*  Pamphile  &  Nife  fiirviennent  ;  &  Pamphite 
tnnotice  à  fon  ami  qu'enfin  NUe  confent  à  Ion  bon- 
heur. Ils  Te  retirent  tous  trois»  pour  faire  place  à  Ce- 
liane i  qui  revient  déguifée  fous  des  habits  de  garçoa 
jardinier  >  tenant  dans  fa  main  un  panier  plein  de  boa^ 
qùetSè  L*amoureux  Filidor  la  rencontré  &  la,  recoû- 
noit  ;  il  profite  de  l'occafion  ^our  lui  parler  de  (bft 
amour  :  elle  le  traite  toujours  avec  la  toême  froideur) 
&  joignant  la  plaifànterie  au  mépris  r  elle  It  quitte  en 
lui  donnant  une  fleur  de  fouci.  Filidor>  reft^feul^fe 
défefpere  des  rigueurs  de  Celiane;  &  cft  joint  par 
Julie  >  fœur  de  FloHmand  ,  dtfnt  il  étoit  aimé»  Elle 
Teut  chercher  à  calmbr  fa  douleur ,  mais  envain  ;  & 
ils  fe  retirent  enfemble»  L'on  roiç  ilors  Nife ,  tenant 
une  coupe  rehiplie  de  poifon  ,  qu'elle  eft  dans  la  réfo- 
lution  d'avaler  >  pour  ne  pas  donner  la  maîn  à  Flori- 
cimand.  Après  un  affez  long  itonologiie  >  elle  porte 


THEATRE  FRANÇOIS.       \q^ 

cette ^oupe  à  fa  bouche  »  lorfque  Julie  furvient ,  qui  la 
lui  arrache  des  mains  j  &  la  renverfe  par  terre* 
Nife  loi  fait  des  reproches  de  Tavoir  empêché  de  finir 
Os  malheurs  ;  6c  Celiane  ^  toujours  en  garçon  jardin 
çîer  j  vient  fe  mêler  à  la  converfation  :  elles  fe  font 
toutes  trçls  ^9  ftyeo  mutuel  de  leurs  (èutimens  ;  & 
Julie  jniagîne  un  ftratagème ,  qu'elle  alTure  qui  les 
rendra  toutes  beurjsufes.  Elle  (è  retiré ,  &  le  quatrié* 
jne  aâe  fiuif.  Dans  llnterv^ille  du  quatrième  ^6le , 
Julie  a  iuftruit  Nife  &  Celiaoe  du  rôle  qu'elles  doi-^ 
rent  jouer  :  eqfviite  elle  va  trouver  fon  frère  >  ^  qui  elle 
dit  que  fa  tendre  amitié  pour  lui  l'a  déterminée  à  lui 
révéla  qn  (êcret  »  qui  va  fans  doute  le  mettre  au  àè- 
fefpqir ,  mais  qu'il  eft  néceffaire  cependant  qu'il  ap« 
preuoe;  que  Nife  n'e(l  rien  moins  que  fage  ,&  qu'elle 
vient  4e  la  laiiTer  entrp  les  bras  d'un  garçon  jardin 
nier  ;  l'amoureux  Florimand  n'en  veut  rien  croire ,  & 
ÙL  (ceur  pc»ir  le  convaincre ,  le  mené  à  la  porte  de  la 
chambre,  où  Geliane  déguifée  étoit  avec  Nife.  Dès 
que  Nife  entend  du  bruit  ^  elle  ne  doute  pas^  fuivant 
ce  qu'elles  avcnçnt  arrangé  avec  Julie ,  que  c'eft  die 
qui  amené, fou  frère,  pour  le  convaincre  de  fa  préten- 
dre infidélité.  Elle  fe  jette  au  col  du  garçon  jardi- 
nier ;  &  Florimand  eH  témoin  des  carefles  les  ^lus 
tendces  ,  &  entend  les  difcours  les  plus  paffionnés.  Ne 
pouvant  plus  long*tems  retenir  fa  fureur ,  Florimand 
fe  .retire ,  &  va  chercher  Pamphile  pour  le  convaincre 
aufiî  delà mauvaife conduite  de  Ni^*  En  même-tevicv^ 


ig(S      THEATRE  FRANÇOIS. 

Filidor  9  toujours  tourmenté  par  foh  amour  pour  Ce^ 
liane  >  furvient  ;  &  Julie  lui  confie  que  la  tète  a  tour- 
né à  cette  jeune  beauté ,  qu'elle  fe  croie  homme  9  8c 
&  qu'elle  eft  paffionnément  amoureufe  de  Nife;  elle  le 
mené  à  la  porte  que  venoit  de  quitter  Florimand  ; 
&  Filidor  entend  les  tendres  déclarations  que  Celiane 
fait  à  Nife  >  &  fe  retire  en  déplorant  le  fort  de  Ce- 
liane.    Cependant  Florimand  qui  eft  allé  chercher 
Famphile ,  le  rencontre  ,  couché  au  pied  d'un  arbre  $ 
déplorant  Ton  malheur  ;  &  il  l'arrête  au  moment  qu'il 
alloit  fe  paiTer  (on  épée  au  travers  du  corps.    Flori- 
mand lui  dit  qu'il  ne  doit  pas  tant  regretter  Nife  >  & 
lui  conte  ce  qu'il  vient  de  voir.  Famphile  n'en  veue 
rien  croire.  Pour  le  convaincre ,  il  le  conduit  à  cette 
même  porte  où  il  avoit  été  témoin  de  la  mauvaife  con- 
duite de  Nife  ;  l'on  fent  bien  qu'auffi-tôt  qu'elles  (bup- 
çonnent  que  ces  deux  amis  peuvent  les  voir  y  les  ca^ 
refles  redoublent ,  les  plus  tendres  proteftations  k  re- 
nouvellent. Florimand,  cédant  à  fa  fureur,  veut  en* 
foncer  la  porte  ;  &  Nife  >  témoignant  le  plus  grand 
effroi ,  fait  promptement  cacher  le  garçon  jardinier* 
Florimand ,  Famphile  ,  Filidor  &  Julie ,  entrent  dans 
cette  chambre.  Après  avoir  fait  les  reproches  lesphis 
outrageans  à  Nife  9  Florimand >  l'épée  à  la  main»  ar- 
rache le  garçon  jardinier  de  derrière  la  tapiflerie  t  & 
veut  le  percer  aux  pieds  de  la  coupable  Ni(e.  Mais 
quelle  eft  fa  furprife^  lorfqu'il  reconnoit  la  tendre  Ce- 
liane^  qui>  loin  de  l'accabler  de  reproches  >  lui  tient 


THEATRE  FRANÇOIS.       2.97 

le  difcoars  le  plus  tendre*  Fbrimand  fe  jette  â  fcs 
pieds  9  lui  demande  pardon  y  Kobtient  &  Tépoufeb 
Pamphile  s'unit  à  fa  chère  Nife;  &  Filidor  qui  admire 
tefprit  de  Julie ,  &  qui  Tent  bien  qu'il  faut  qu'il  rei. 
nonce  à  Celiane/  donne  la  main  à  cette  jeune  beau- 
té >  dont  il  connoit  la  tendreffe  pour  lui. 

^  (SUJET  DELA  PELERINE  AMOUREUSE.) 
Cet  ouvrage  eft  fi  différent  du  précédent ,  que  Ton 
poorroit  douter  qu'ils  îuflent  dé  la  même  main-.  Celui- 
ci  eft  bien  écrit  >  les  vers  en  font  faciles^  l'on  en  ren** 
contre  même  d'heureux  9  la  conduite  en  eft  fage ,  la 
fable  bien  trouvée  ;  6c  il  n'y  a  que  les  défauts  dans 
lefquels  tomboient  alors  tous  les  Auteurs  ,  Corneille 
n'ayant  point  encore  fixé  les  régies  confiantes  du  po^- 
me  dramatique  ;  ainfi  je  crois  que  cette  pièce  a  eu 
un  grand  fuccès  y  Qc  a  fait  un  grand  honneur  à  Rotrou. 

Xacidor  qui  avoit  été  amoureux  à  Lyon  d'Angélique  » 
ayant  été  obligé  de  rçvenir  à  Florence ,  promet  à  (à 
isaitrefie  de  la  revenir  trouver  dans  fix  mois.  Ayant 
négligé  de  lui  donner  de  k^  nouvelles  >  elle  le  croit 
îa^déle;  &  pourpouvoir  quitter  fa  patrie,  elle  fe 
fait  pafifer  pourmort».  Lucidor  eft  afHigè  en  appre- 
nant cette  nouvelle  ;  mais  bientôt  touché  des  grands 
-biçns  de  Celie  >  fille  d'Erafme ,  il  la  demande  en  ma- 
riage y  &  l'obtient  :  mais  s'il  a  le  confentement  du 
perei  il  n'a  pas  celui  de  la  fille.  Celle  aimoit  un  au. 
;tre  Lucidor  >  qui  n'étoit  connu  que  comme  Peintre  f 
&  fous  le  nom  de  Léandre  ;  elle  avoit  même  poufifée , 
^latendreflc  pour  lui  afTez  loin  pour  qu'il  y  parût;  elle 


îg8     THEATRE   FRANÇOIS. 

^toît  groflfe  de  quatre  mois.  On  peut  juger  de 
défefpoir ,  quand  elle  apprend  que  fon  père  la  del 
à  Lucidor.  Pour  rompre  ce  mariage ,  de  concert  s 
ion  amant  9  elle  fe  fait  paiTôr  pour  fplle;  elle  fe< 
Diane ,  &  elle  eh  décrit  les  fondions  dans  des 
très  bien  faits.  £lle  veut  battre  fôd  prétendu ,  qu' 
prend  pour  Afteon  :  elle,  joue  fi  bien  fon  perfbnnage> 
le  bon  homme  Erafme^  après  avoir  épuifé  la  rci( 
des  Médecins ,  &  même  celle  df  s  Miniftres  des  Di( 
a  recours  à  une  Pèlerine ,  qui  vient  d'arriver  à  Flo 
ce ,  &  dont  on  vante  ks  fuWimes  connoifTanccs. 
iiourricè  de  Celîe ,  qui  fçàit  que  fcét'te  Pèlerine  v2 
river ,  &  qui  fçait  combien  elle  peut  être  utile  à 
lie  pour  cacher  fon  étât^  va  la  trouver  >  lui  cobf 
vérité  de  l'aventure ,  &  lui  demande  fon  fecôCIrs  j 
rompre  le  mariage  de  Lucidor  avec  Gelie.  La  P 
tine  y  codfent  >  d'autant  pluà  vèlot^i'érs  y  que  l'o 
de  fôn  pèlerinage  n'^voit  d'autre  iM  que  de  rétt 
ver  fon  cher  LUcidor.  G'étoit  cette  tnême  Âhgel 
que  Lucidor  avoit  aimée  à  Lyon ,  &  qu'il  croyoit  i 
tè.  La  Pèlerine  promet  à  Erafibé  d"emplôyer  t 
ià  fcience.  Tout  alloit  le  miéUx  dû  monde ,  lorfq 
vaîet  de  ce  vieillard  t  qui  avoit  écouté  à  la  perte 
con verfation  de  Gèlie  avec  ïà  noiihricé  ^  vient  têi 
tout  le  myftère  i  Erafme;  Le  boh-Bomn^e  en'i 
chercher  les  aïcHers  ,  &  ftit  tiitrêcet  Léandrè» 
voyant  qu'il  *n*a  plus  d'autre  reffoùrce ,  tlécoûvr 
ijaiffance.  Il  étoît  fils  d'un  des  principaux  de  Valer 


f 


THEATRE  FRANÇOIS.       19g 

&  ayant  été  pris  par  les  Turc$  >  &  n'ayant  pu  donner 
de  Tes  nouvelles  y  il  paiToit  pour  être  mort  :  on  ne  peut 
douter  de  la  vérité  de  Ton  hiftoire»  puif^oe  fon  frère  > 
qui  par  hafard  étoit  à  FloreDce  >  &  qui  même  étoic 
ïufli  amoureux  de  Célie ,  le  r econnoit  %  &  lui  cède 
toutes  iês  pr étentionl  fur  lu  maiu  de  cette  belle*  Eraf- 
n&e  >  enchanté  de  trouver  daqs  Tiimantaimé  de  (à  61Ie^ 
un  gendre  d'une  auffi  grande  naiflance ,  la  lui  donne 
fans  balancer;  la  tendra  Pèlerine  demandç  alor$leur 
affiftance ,  pour  conooltre  les  fèntimens  de  fon  Luci« 
dor.  Il  paroit  :  on  lui  parle  de  cette  Angélique  de 
Lyon  ;  il  avoue  tout  l'amour  qu'il  avoit  reiTenti  pour 
elle.:  il  avoae  auffi  tout  les  regrets  que  61  mort  lui 
avoit  caa£^s  ;  &avoueei%ore  ^ue  >  quelque  belle  que 
fût  Gélie  «  il  avoit  été  plus  tenté  par  fcs  richefles^  que 
par  fes  charmes.  Angélique  paroit  alors  devant  lui  ; 
it  la  reconnoît  avec  tranfport ,  il  l'obtient  aifément  > 
ainfi  que  la  main  de  Ja  belle  Pèlerine. 


/ 


(SUJET  DE  FILANDRE.)  Les  deux  frère 
.Tbiiiiante  &  Philandre  font  amoureux  de  Theane  • 
le  premier  è(t  aimé,  les  vœux  du  fécond  (ont  rebu- 
tés. GélLdor  eft  amoureux  &  aimé  de  Nerée»  fœur 
de  Thimoœte ;&  Cephife^  fceur  de  Theane»  aime  vai- 
nement Celidor.  L'on  voit  par  là  que  Philandre  Se 
Cephife  font  malheureux.  Ils  s'unîiTent  enfemble^pour 
parvenir  à  femer  la  jabufie  dans  l'efprit  des  quatre 
amans  heureux  ;  &  ils  y  parviennent  bientôt.  Theane 


tiod     .  THE  A  TR  E  FR  A  NÇO IS. 

troit  que  Thîmante  efl;  amoureux  de  fa  (œur  ;  &  Thi« 
tnante ,  de  Ton  côté,  croit  que  Tincondante  Theane re- 
çoit les  vœux  de  Ton  frère  Philandre.  On  perfuade 
aifément  à  Nerée  que  Celidor  aime  Cephife»  &  a 
Celidor  que  Nerée  aime  Pbilandre  ;  ain(i  Philandre  f 
fans  cefTe  accablé  des  rigueurs  de  fa  raaitreiTe  9  &  le 
plus  infortuné  des  amans  I  pafle  pendant  quelque  tems 
pour  le  plus  heureux  &  le  plus  aimé  des  hommes* 
Mais  enfin  la  fourbe  fe  découvre  i  Thimanthe ,  qui , 
pai^un  excès  de  douleur  de  ht  perte  de  fa  maitreffe, 
s'écoit  allé  noyer ,  (è  retrouve  ;  &  la  pièce  finit  par  le 
mariage  de  Thimante  avec  Theane  9  de  Celidor  avec 
Nerée  >  &  de  Filandre  avec  Cephife>  qui  tous  deux, 
n'ayant  plus  d-efpérance  pour  fe  confoler>  prennent  le 

parti  de  s'époufer.  Quoique  cette  pièce  ne  (bit  pas 
mal  écrite  ,  le  fujet  en  eft  petit ,  llntrigue  commune , 
la  décence  y  eft  peu  obfervée ,  &  l'envie  dç  fe  tueç 
prend  aflez  louvçnt  aijx  Aftcuts, 

(SUJET  D'AGESILAN  DE  COLCHOS.) 
Ce  fujet  eft  tiré  mot  à  mot  des  Amadis.  La  pièce 
commence  par  un  combat  de  Florifel  avec  Bruneo  9 
Prince  amoureux  de  Diane  »  fille  de  Sidonie>  Reine 
de  Guindaye  &  de  FlorifeL  Pour  donner  l'intelligen- 
ce de  cette  pièce  à  ceux  qui  ne  connoiiFent  pas  les 
Amadis  ,  il  eft  néceffaire  de  fçavôir  que  Florifel ,  fils 
de  l'Empereur  Amadis  de  Grèce»  étant  jeune  Cheva- 
lier, &  cherchant  les  aventures,  pafia  dans  i'ifle  df 
Guindaye^  vit  Sidoniç^  en  devint  amoureux,  lui  plat^ 


THEATRE  FRANÇOIS.       xoi 

8c  en  eut  la  Princeffe  Diane  ;  que  ce  Prince  tomba 
bien  tôt  dans  le  plus  violent  défefpoir  >  d'avoir  ainfi 
manqué  à  la  Princeffe  Lucelle  j  dont  il  étoit  éperdâ* 
ment  amoureux  >  &  qu'il  prit  le  parti  d'abandonner 
Sidonie  ;  que  cette  Reine  9  au  défefpoir  de  la  perte  de 
Ion  amant  V  ne  recevoit  d'autre  coniblation  que  de  la 
jeune  Diane,  dont  la  beauté  croiflbit  chaque  iour  ;  que 
dès  que  cette  jeune  Princeffe  eut  atteint  1  âge  de  trei** 
zc  an9>  on  ne  pouvoit  la  voir  fans  l'adorer  ;  que  Sido* 
nie  avoit  envpy^é  le  portrait  de  Diane  dans  toutes  les 
Cours  de  l'univers»  &  avoit  promis  que  celui  qui  lui 
apporteroit  la  tète  de  Florifel  y  deviendroit  l'époux  de 
fa  Hlle  ;  que  plulieurs  Princes  avoient  déjà  tenté  de  mé- 
riter un  prix  au(C  flatteur  >  &  que  Bruneo  étoit  un  de 
ceux  i}ui  pourfuivoient  la  mort  de  Florifel.  Ille  jointe 
le  combat  &  efl  vaincu.  Florifel  lui  rend  la  liberté, 
&  lui  ordonne  feulement  d'aller  mettre  fes  armes  aux 
pieds  de  la  Reine  Sidonie.  Bruneo  rencontre  le  jeune 
Agefilan  9  fils  du  Roi  de  Colcbos ,  à  qui  il  compte  fon 
défaire  ;  il  lui  montre  en  mên^e  tems  fon  bouclier  » 
fur  lequel  étoit  peint  le  portrait  de  Diane.  Agefilan 
D'à  pas  plutôt  jette  les  yeux  fur  cette  beauté  >  qu'il  en 
devient  pafSonnément  amoureux  ;  mais  ne  pouvant 
honnêtement  entreprendre  d'ôter  la  vie  à  fon  onclé 
Florifel)  il  prend  le  parti»  par  le  confeil  de  fon  Ecuyer, 
^e  s'habiller , en  femme»  d'aller  en  Guindaye,  6c  de 
chercher  les  moyens  fous  ce  déguifement ,  de  fe  faire 
introduire  chez  la  jeune  beauté  qu'il  adore.  Il  arrive 


xo%      THEATRE  FRANÇOIS. 

bien-tôt  dans  cette  lile ,  Ce  met  fous  les  fenêtres  de  li 
belle  Diane ,  Scy  chante  cette  cbanfbn  : 

\ 

O  ciel  !  û  ta  Diane  eut  de  mêmes  appas , 
Qu^on  peint  ceux  de  celle  que  faime , 
Ce  qu*on  dit  de  Venus,  &  de  Paris  n*e(l  pas  » 
Ou  Ton  aveuglement  en  jugeant,  fut  extrême* 

La  Princeffe  enchantée  de  la  beauté  de  la  voix 
qu'elle  vient  d'entendre ,  fe  met  à  la  fenêtre ,  &  que- 
flionne  laperfonne  qui  vient  de  chanter  :  Agefiiîin  dé- 
gttifé  lui  répond  en  tremblant,  tant  il  éft  frappé  de 
ks  charmes.  EhSn  il  lui  dit  qu'il  eft  une  jeune  fille 
de  Crète ,  qu'il  fe  nomme  Daraïde  *  ;  &  qu'ayant  en- 
tendu  dire  que  Diane  étoît  la  gloire  du  monde  ,  elle 
àvoit  pris  le  parti  de  venir  lui  offrir  fes  ièrvices.  La 
PrincefTe ,  enchantée  &de  fes  talens&  de  ià"  conver- 
fatîon ,  la  retient  avec  grand  plaifîr ,  la  préfente  à  la 
Reine ,  qui  confent  que  Daraïde  vive  avec  Diane;  & 
bien-tôt  Diane  fènt  la  plus  tendre  amitié  pour  l'aima- 
ble Daraïde.  Bruneo  arrive  en  ce  moment ,  qui,  pour 
exécuter  les  ordres  de  Florifel ,  met  fon  épée  aux 
pieds  de  la  Reine.  Cette  PrincefTe ,  qti ,  malgré  l'in- 
fidélité de  Florifel ,  raîmoit  encore ,  témoigne  en  mê- 
me-tems  &  de  la  douleur  de  voir  que  fk  vengeance 
n'eft  pas  fatisfaite  >  &  de  la  joye  de  ce  que  fon  par- 
jure amant  u'avoit  pas  perdu  la  vie.  Après  quelques 
événemens  affez  îndifférens ',  le  Prince  Anaxartei 

*  f  r  ;e  n'en  parlerai  plus  que  fous  ce  nom* 


r 

THEATRE  FRANÇOIS.       aoj 

Chevalier  amoureux  »  arrive  à  la  Cour  de  Guindaye  y 
pour  (butenir  ,  les  armes  à  la  main  ,  que  fa  maicrefle 
êft  la  première  beauté  de  l'univers.  La  feinte  Daraïde^ 
révoltée  de  ce  difcours>  arrache  une  épée  de  la  main 
d'un  page ,  pour  foutenir  que  la  beauté  de  Diane  tie 
pëUt  foufFrir  aucune  comparaifbn*  Après  quelques  poli^ 
t^fTes   qu'Anaxarte  fait  au  fexe  de  Dat^ïde  f  il  eft 
6nHn  forcé  de  combattre  contre  elle  ;   &  Daraïde 
eft  bien  -  tôt  viÀorleufe,   La  Princeffe  eft  enchantée 
de  devoir  le  prix  de  la  beauté  à  (a  chère  Daraïde  ; 
&  la  Reine»  furprife  &  charmée  de  fa  valeur ,  la  char- 
gé de   venger  fon  injure  contre  le  volage  Florifel. 
Daraïde  >  n'ofant  refufer  la  Reine  >  lui  promet  une 
prompte  fatisfaârion.  Cependant ,  quand  ii  eft  feul ,  il 
regrette  les  momehs  qu'il  va  paffer  éloigné  de  fe  chère 
Diane  ;  &  dans  (k  dbuleur ,  il  (t  ^omme  8c  fe  fait 
connôître  pour  le  Prince  Agefilan  à  Ardenie  «  confi- 
dente de  Diaîîe>  qui  Fécoute.  Cette  Zfélée  confidente 
va  fur  le  champ  révéler  ce  myftère  à  Diane ,  &  la  fé- 
licite fur  une  conquête  auifi  glorieufe  Diane  lui  avoue 
qu'envain  elle  Veut  fe  fâcher ,  que  l'amour  la  retient, 
•  "^u'efle  aimoît  Daraîdé,  qu'elle  aime  Agèfflan  ;  mais  que. 
Il  le  Prince  ofé  lui  découvrir  fe  maiffiince  ,  elletâche- 
Ta  pendant  quelque  teins  de  lui  trémbigner  de  la  cô- 
iere.    En  effet,  Daraïde  arrive  pour  prendre  xrohgé 
^'elle  ;  &  dans  rattendrîffement  de  fes  adieux ,  elle  fe 
*fàît  connôître  pour  l'amant  le  plus  tendre.   La  Prin- 
ceffe feint  d'entrer  dans  la  plus  grande  colère ,  &  fe 


ao4      THEATRE  FRANÇOIS. 

retire.  Le  Prince ,  fè  croyant  perdu  >  tombe  fans  con* 
ooliTance  :  la  Reine  paroit»  fuivit  de  Diane  »  qui} 
fçachant  '  le  défefpoir  de  fon  amant  >   cherchoic  une 
occafion  de  le  calmer.  En  effet  «  elle  trouve  le  moyen 
de  lui  dire  bien  des  chofes  ,  qui  remettent  le  calme 
dans  Ton  ame;  elle  finit  par  Tembrafler.     Le  Prince 
part  y  arrive  au  bord  de  la  mer  pour  s'embarquer  >  & 
«ft  fort  furpris  d'y  trouver  Florilel ,  qu'une  tempête  fu- 
rieule  avoit  jette  fur  le  rivage  :  ils  fe  reconnoiflenc* 
«AgeGIan 9  enchanté  d'une  aufll  beureufe  rencontre» 
avoue  à  Florifel  qu'il  eft  chargé  par  Sidonie  du  foin 
/de  (a  vengeance;  &  fans  lui  faire  part  de  (on  projet» 
il  le  fait  cacher  dans  une  maifon  fûre ,  &  va  auffi-tôe 
trouver  Sidonie ,  lui  dit  qu'il  a  rencontré  Florifel  i 
^n'il  Ta  combattu  &  tué.  La  Reine^»  au  défefpoir ,  k 
livre   aux  plus  tendres  regrets  ,  veut  mourir  ;  mais 
auparavant  elle  délire  voir  encore  l'amant  qu'elle  a 
«ant  aimé  9  &  fe  tuer  auprès  de  lui.  Daraïde  la  con- 
duit dans  la  maifon  où  étoit  Florifel  ;  la  Reine  re* 
connoit  qu'il  n'eft  qu'endormi  :  Daraïde  lui  dit  qu'elle 
^  voulu  lui  réferver  la  gloire  de  fe  venger  elle-mè' 
me.  La  Reine  n'y  peut  confentir.  Florifel  iè  réveille, 
jreconnoit  cette  Reine  9  qu'il  avoit  autrefois  tant  ai* 
mée  y  fe  jette  à  fes  genoux  y  lui  demande  grâce  y  loi 
jure  un  amour  éternel  y  lui  offre  fa  main  y  dont  il  étok 
maitre  de  difpofer  »  la  Princeffe  Lucelle  étant  morte. 
La  colère  de  la  Reine  s'éteint  9  l'amour  vient  régner  k 
fa  place  ;  &  elle  confent  ^  avec  tranfport  y  k  ThymeQ 


THEATRE  FRANÇOIS.       %o^ 

qae  Florifel  lui  propofe.  Daraïde  rappelle  alors  à  la 
Reine  le  ferment  qu'elle  a  fait  de  ne  donner  la  maio 
de  Diane  qu'à  celui  qui  lui  livreroit  la  tète  de  Flori- 
fel y  &  la  fomme  de  lui  tenir  fa  parole  y  puifqo'il 
avoit  rempli  la  condition.  La  Reine  lui  dit  qu'elle  en 
tèroit  enchantée  ,  fi  elle  étoit  d'un  autre  faxe  ;  Daraïde 
lui  répond  que,  puifqu'elle  ne  veut  pas  la  lui  donner^ 
à  fa  prière  9  elle  ait  la  bonté  de  l'accorder  au  Prio» 
ce  Agefilan  >  qui  efl  éperdûment  amoureux  de  Dia* 
fiu.  La  Reine  y  confent  :  Daraïde  k  fait  alors  recon- 
sdtre,  &  bien* tôt  l'union,  de  Florifel  &  de  Sidonie, 
d* Agefilan  avec  Diane  rendent  ces  quatre  amans 
heureux.  (  La  pièce  finit  par  une  fcène  d*un  certain 
Rofaran^  faux  brave,  &  perfonnage  épiTodique >  que 
TAuteur  avoit  introduit  dans  cette  pièce ,  pour  y  ré- 
pandre de  la  gayeté  ,  &  qui  n*y  jette  que  du  froid  ; 
c"efl  le  feul  défaut  qu'oin  puifle  reprocher  à  cet  ouvra* 
ge  9  qui  efl  le  meilleur  que  jufqu'alors  Rotrou  eâc 
compofé.  La  conduite  en  efl  fage  &  intérefTante  ;  la 
verfification  en  efl  noble  &  aifée  ;  &  je  crois  qu*avec 
un  peu  de  foin»  on  la  pourroit  mettre  à  portée  de 
paroître  avec  fuccès  fur  notre  théâtre.) 

(SUJET  DE  L'INNOCENTE  INFIDÉLITÉ.) 

Hermante  >  jeune  beauté ,  dont  Felifmond  y  Roi  d*E« 
pire ,  avoit  été  épris  &  bien  traité ,  déplore  fa  foi- 
blefTe ,  voyant  que  ce  Roi  alloit  faire  monter  fur  le 
Trône  Parthenie  ^  dont  il  étoit  devenu  paiTionnémenc 
amoureux  :  elle  veut  oaourir  plutôt  que  de  renoncer 
au  Trône  9  &:  au  cœur  du  Roi.  Enfin  Clariane»  ùl 


%o6       THEATRE   FRANÇOIS. 

nourrice ,  à  qui  ^lle  con6e  tous  k$  çhagrioi  »  lui 

ièille  diroplorer  le  fecours  d'un  vieillard  >  qui 

doit  Tart  magique,  &  fe  propoTe  d'ailer  le  cor 

de  fa  part.  Hernsante  la  prefTe  de  oe  pa^perd 

tnflanc.   Clariane  y  vole,  &  revient  bien-toc  lui 

que  le  Magiden   lui  prépare  un  açneau  encb: 

que  tant  qu'elle  le  portera  à  ion  doigt  >  le  Roi  i 

d'amour  que  pour  elle  ;  &  que  dans  u|ie  heu 

plus  9  elle  aura  cette  bague  en  fa  puifTance  :  mais 

heuteiifeœent  pour  elle  penxiant  ce  court  înter^ 

le  Roi  conduit  Partbenie  au  Temple ,  &  l'épouA 

Roi  témoigne  toute  la  )oye>  qu'il  refTent  de  ce 

nen.    Mais  à  peine  la  cérémonie  en  eft  achc 

qu'Her mante  entre  dans  le  Temple,  &  aufll-tô 

lifmond  ne  voit  plus  Parthenie  qu'avec  mépris 

s'occupe  uniquement  d'Hermante.  Tout  le  monde 

pris  d'un  G  prompt  changement ,  fort  ;  &  le  Rc 

Hermante  avec  empreflement  9  qui  ne  le  traite  qu 

dédain.  Enfin  elle  confent  à  lui  pardonner  »  s'il  (i 

termine  à  faire  périr  la  nouvelle  Reine ,  ^  à  la 

régner  en  fa  place.  Felifmond  >  aveuglé  par  la  i 

invincible  du  charme  9  y  confent  ^  &  forme  le  de 

de  charger  Evandre  9  fi>n  confident ,  de  condui 

belle  Parthenie  dans  une  maifon  de  plai(ance ,  de 

tre  côté  de  la  rivière,  &  en  chemin  de  la  n< 

Hermante  lui  promet  alors  de  lui  rendre  toute  fà 

dreiTe  ;  &  pour  préliminaire^»  lui  accorde  quel 

baifersi  que  le  Roi  >reçoit  avec  tranfport.  Il  en 


THEATRE   FRANÇOIS.      %cj 

aaffi-tôc  chercher  Evandre  >  &  lui  ordonne  d'exécatei: 
cet  horrible  projet.  Cet  Evandre  écoit  un  homme  ver- 
tueux >  &  fort  attaché  à  fon  maître  ;  il  accepta  cette 
cruelle  commiffion',  non  dans  le  deflein  delà  remë 
plir  y  mais  dans  la  crainte  que  »  s'il  l'eût  refufé  ,  le  Roi 
c'en   chargeât  un  autre  »  qui  l'exécutât  pour  faire  % 
cour  au  Monarque.    Il  va  donc  trouver  Parchenie  » 
qui  y  malgré  toutes  Tes  injufiices ,  aimoit  pa(fionémeot 
Felifmond.  Il  lui  confie  l'ordre  barbare  qu'il  vient  At 
recevoir;  mais  il  lui  jure  en  mêmetems  qu'il  ne  l'exér 
cutera  pas  f  &  qu'au  contraire  il  va  la  conduire  dans 
une  forterefle  à  lui  y  où  elle  vivra  inconnue  &  en  (&;•- 
reté  f  &  qu'il  fera  courir  le  bruit  de  fa  mort.  Cette 
îenne  &  vertueufe  Reine  ^  voulant  en  tout  complaire 
à  fon  cruel  époux  >  preflfe  Evandre  d'exécuter  fa  conH 
miflioD.  Enfin  elle  Ce  rend^féduite  par  refpérance  4le 
Toir>un  jour»  le  Roi  revenir  de  fon  aveuglement,  &  (e 
laifTe  conduire  au  Château  d*Evandre.  Cependant  il 
y  avoit  à  la  Cour  d'Epire  un  grand  Seigtieur  >  nommé 
Clarimond ,  fort  amoureux  de  Parthenie ,  qui  avok 
compté  l'époufer ,  &  qui  étc^  au  dérefpoir  qu'elle  eût 
donné  la  préférence  au  Roi.  Il  ie  flatté  de  pouvoir 
profiter  du  mépris  que  le  Roi  ténooignoit  pour  (à  nou^ 
velle  ^oule.  Et  ayant  appris  par  Clariane  le  funeAe 
projet  contre  ia  vie  de  la  R-eine-»  fie  le  fecours  que 
lui  prêtoit  Evandre  >  déterminé  par  les  confeik  de 
xette  vieille  intriguante  y  il  fe  détermine  à  Tenlever 
du  Château  i  où  l'on  venoit  de  la  <:onduire«  Pour  y 


ap8        THEATRE  FRANÇOIS: 

parvenir  >  il  étoit  néceffaire  de  féduire  une  jeune  fîlle> 
nommée  Leoniet  la  feule  qui  eût  fuivi  la  Reine  ;  & 
la  feule  y  qui  pendant  la  nuit ,  pouvoit  ouvrir  la  porte 
du  Château.  Celiane  s'en  charge ,  a  une  longue  coa« 
Terfation avec  elle,  lui  donne  de  riches  préfens  delà 
part  de  Clarimond  ;  &  cette  fille  promet  de  faire  tout 
ce  que  1  on  défire.  Ce  n'étoit  qu'une  feinte  :  Leonie 
connoiiToit  toute  la  noirceur  de  l'ame  de  Celiane;  & 
dès  qu'elle  l'a  quittée ,  elle  va  avertir  la  Reine ,  en 
préfence  d'Evandre ,  de  ce  qui  vient  d'arriver.  Evan- 
dre  prend  fur  le  champ  fon  parti,  il  arme  les  foibles 
mains  de  Parthenie  &  de  Leonie,  de  deux  piflolets; 
il  en  prend  autant ,  &  vont  tous  trois  attendre  Cla» 
rimond  à  la  porte  y  par  laquelle  il  devoit  être  intro- 
duit. Ils  ne  l'y  attendent  pas  long  tems.  Â  peine  ce 
criminel  amant  de  la  Reine  eft  -  il  entré  i  qu'elle  loi 
lâche  un  coup  de  piftolet  :  il  tombe  mort  ;  la  faite 
s'enfuit  ;  la  coupable  Celiane  qui  l'accompagnoit  > 
laifie  de  frayeur  »  eil  arrêtée  y  &  fait  bien-tôt  Tavea 
de  tous  fes  crimes.  Evandre  n*a  pas  plutôt  appris 
que  c'eft  par  le  fecours  d'une  bague  magique,  qae 
Hermante  triomphe  du  cœur  du  Roi ,  quil  recondok 
en  fecret  Parthenie  à  la  Capitale.  Il  la  tait  cacher 
dans  fon  appartement,  &  va  dire  au  Roi  qu'il  a  exé- 
cuté fa  comminfion..  Felifmond  ^  de  plus  en  plusavea« 
glé ,  loin  de  fentir  aucun  remords  ,  paroît  même  en- 
chanté de  cette  nouvelle.  Il  eft  bon  de  fçavoir  que  > 
lorfqu'Evandre  eft  introduit  devant  leRçi^lafituatioa 

n'eft 


f  THEATRE  FRANÇOIS.       %o§ 

tfeft  pas  trop  décente.  Il  le  trouve  fortatit  du  lit  d'Her- 
mante  ,  fe  fervant  des  domeftiques  de  cette  femme 
pour  s'habiller ,  maudiflant  la  brièveté  d'une  nuit  auffi 
délicieufe  pour  lui  :  &  tout  cela  fe  pa(te  devant 
les  fpeâateurs.  Félirmond  va  achever  fa  toilette  dans 
un  cabinet  f  où  il  emmené  Evandre.  Cet  homme  ver- 
tueux profite  d'un  moment  où  le  Roi  veut  refter  feùl  ^ 
rentre  dans  la  chambre  d'HermanCe  ;  &  >  le  poignard  à 
la  main  >  lui  arrache  le  fatal  anneau  qui  avoit  troublé 
l*e(prit  de  Féiifmond.  Cette  femme  appelle  à  fon  fè« 
cours  ;  le  Roi  paroit  »  &  veut  la  venger.  Mais  le  char- 
me n'a  voit  plus  d'effet  :  il  la  trotive  bien- tôt  auffi  haif* 
Éible  9  que  l'inftant  d'auparavant  il  la  trouvoit  adora* 

-  ble.  Le  crime  qu'il  vient  de  commettre  y  fe  retrace  à 
i'inftanc  à  fes  yeux;  il  (è  livre  au  plus  affreux  délè& 
poir  y  envoyé  Hermante  en  prifon  y  &  ordonne  à  Evan- 
dre de  faire  dreffer  un  maufolée  dans  le  même  Tem^ 
pie  >  où  le  matin  il  avoit  époufë  Partbenie  y  il  lui  or. 
donne  en  mème-tems  de  âiire  raflembler  les  parens  de 
cette  Reine  infortunée.  Accoutumé  à  la  promptitude 
avec  laquelle  Evandre  exécute  fes  ordres  y  il  fe  rend 
lui-même  dans  ce  Ten^le  ,  raconte  aux  parens  de 
Parthenie  le  crime  qu'il  a  commis,  &  leur  propofe  de 

i  le  punir  >  en  l'immolant  aux  mânes  de  fa  vertueufé 
époufe.  Voyant  qu'ils  relient  tous  dans  l'inadion^  il 
tire  fon  poignard  &  veut  s'en  percer.  Maisja  Reine 
paroit  y  qui  change  l'excès  de  fa  douleqr  en.  un  excès 
de  joye.  Il  lui  demande  pardon^  &  il.robtient  aîfé-_ 
Tome  lU  O 


%to       THEATRE  FRANÇOIS. 

mène.  La  pièce  fiait  par  le  cosnfeil  pxadenc  qn'EvaiP 
dre  donne  au  Roi ,  de  laifier  à  la  Reine  une  heure  de 
repos  >  donc  elle  a  un  grand  .belbio. 

Le  travail  du  chemin  a  Ia(Ie  c^  beau  cprpj  ; 
£c  le  chemin  eft  long  du  Royaume  des  morts. 

Cette  p^ece  t^e  peut  €;ertainen^ejnt  pa^  eotrer  gn 
comparaifon  avec  la  précédente.  Elle  eA  cependant 
aflez  bien  vcrfifiée  ;  mais  j'intrigue  en  eft  jmaf  conçue 
&  mal  conduite.  On  ignore  fi  la  vieille  Çeliane  eil 
punie  ;  on  n'eft  pas  plui  sofiruit  du  fort  d'Herroante  ; 
à  chaque  inQant  la  fcèoe  ichange  de  Jieu  ;  &  la  iitqatioo 
dans  lacjueUe  Evand^  trouve  le  j^oi ,  ^a^omme^cc* 
ment  du  cinquième  afte  ^  eft  de  la  plus  grande  indé- 
cence >  ain(]  que  les  détails. 

(SUJET  DE  LA  FLQRINDE.)  Cette  pièce 
eft  9  je  crois  >  une  des  plus  mauvaifes  de  Rotrou  :  die 
eft  mal  écrite  ;  &  quoique  Tîntrigue  en  fbit  aflez  platte> 
elle  n'a  cependant  nulle  vraifemblance.  C'eft  un  nom- 
mé Celiandre  >  qui  tourne  la  tète  à  toutes  les  fem. 
mes  qu'il  rencontre.  Il  n'aime  cepetldant  que  Clorin- 
de  9  qui  par  le  confeil  de  Dorimene  9  fà  rivale ,  aiïefte 
de  rejetter  Tes  vœux  »  quoiqu'elle  l'aime  pafliooé- 
ment.  Cet  amant  au  déiefpoir  de  fes  mépris ,  feint  de 
rompre  fes  chaînes  ,  &  de  s'attacher  à  Dorimene. 
Clorinde ,  quoique  dans  le  plus  horrible  chagrin  9  n'a 
pas  Pefprit  de  s'expliquer  avec  lui  »  &  perfuadée  de 
rinconftance  dé  fon  amant ,  elle  fe  livre  à  la  doulenr 
la  plus  amere^  &  prend  le  parti  de  mourir.  Une  de 


V    V 


r  THEATRE  FRANÇOIS.       an 

ttt  amies  >  nommée  Lifante  ,  la  voyant  baignée  de 
pleurs  9  lui  demande  le  motif  de  fes.  larmes  ;  elle  lui 
raconte  rinfidéUté  de  Ceiiandre  :  la  jeune  Lifante  ^ 
pour  fervir  fon  amie ,  lui  promet  d'emplayer  le  fecours 
de  la  plus  fine  coquetterie,  pour  détacher  Ceiiandre 
de  Dorimene,  &  s'engage  de  le  ramener  bien-tôt  à 
fes  pieds.  En  ei&t^  elle  trouve  le  moyen  d'avoir  une 
longue  converfkion  avec  iul ,  dans  laquelle  elle  em« 
ployé  avec  adreile  cet  art  fëduiiknt ,  û  funefte  à  la  li- 
berté des  hommes  ;  mais  envain.  Cependant  plus  elle 
caofe  avec  Ceiiandre ,  plus  elle  goûte  les  charmes 
de  ÙL  converfation.  Enfin  cette  feinte  la  conduit  in(ën« 
Q>lemait  iôus  le  pouvoir  du  Dieu  qu'elle  avoit  fi  long- 
^ems  bravé.  Oubliant  alors  les  intérêts  de  fon  amie  % 
elle  s'occupe  uniquement  à  le  confirmer  dans  fes  inju- 
fies  fbupçoos.    C'eft  ainfi  que  (e  paflent  les  quatre 
premiers  aâes  fans  ciialeur ,  ians  intérêt ,  &  dans  une 
querelle  monotone  :  quepetle  qui  pouvoit  6c  qui  de- 
voit  finir  dès  la  première  fcène  ;  mais  l'Auteur  vou- 
loit  donner  une  pièce  en  cinq  aâes.  Enfin  dans  le  cin- 
^émc  y  .CeUandre  delèfperé  >  &  né  pouvant  plus  s'ex- 
pofecaux  rigueurs  &  aux  mépris  de  jClorinde  >  fe  dé« 
.      termine  à  aller  à  la  guerre^  &  en  partant  lui  fait  re-. 
I      mettre  la  lettre  la  plus  tendre.  Clorinde  enchantée 
prend  auffitôt  le  parti  de  courir  après  fon  amant ,  8c 
de  le  ramener  avec  elle.  Et  apparemment ,  pour  exé- 
cuter iim  projet  d'une  façon  plus  galante  >  elles  s'ha- 
inlienc  en  hommes  >  elle  ^Lifanti^  9  avec  laquelle  elk 

Ou 


^ 


ftex       THEATRE  FRANÇOIS. 

étoic  raccommodée  j  depuis  Taveu  que  celle-ci  lof 
avoit  fait  de  fa  trahiron  >  &  le  repentir  qu'elle  îui  en 
avoit  témoigné.  Toutes  deux  donc  >  le  pifiolet  à  la 
main,  attendent  Celiandre  à  (on  paiTage;  celui-ci»  plon- 
gé dans  Tes  trides  réflexions^  eft  fort  étonné  des'en^ 
cendre  demander  la  bourfe  ;  il  veut  fe  mettre  en  dé- 
fenfê}  &  reconnoit  Clorinde.  On  croit  que  c'eft  lu 
qui  fe  précipite  à  fes  genoux  ;  point  ^c'eft  elle  qui  (ë 
Jette  aux  fkns  >  où  elle  lui  fait  Taveu  de  Tamour  le 
plus  tendre  >  &  où  elle  lui  jure. que  ce  n'eft  que  par 
les  confeils  de  la  perfide  Dorimene,  qu'elle  a  afiefté 
une  indifférence ,  que  fon  cœur  démentoit  parfaite* 
tnent.  Celiandre  >  au  comble  du  bonheur  y  renonce 
auffi-tôt  à  fon  ardeur  guerrière,  embraife  (k  mattreffe; 
&  ils  retournent  enfemble  à  Paris  pour  fe  marier.  La 
jeune  Lifante  engage  auifi  fa  foi  à  Celimant  >  frère  de 
Clorinde  >  qui ,  depuis  long  -  tems  ,  étoit  amoureux 
d'elle  :  &  l'on  foupçonne  que  Dorimene  va  fe  Ëiire 
Religieufe. 

(  SUJET  D'AMELIE.)  Amélie  avoue  à  Dorife, 
fa  confidente»  qu'elle  eft  touchée  de  l'excès  de  l'amour 
de  Dionys;  mais  qu'elle  n'ofe  pas  lui  faire  l'aveu  de 
fa  tendrefTe.  Celle-ci  lui  confeille  d'aller  dans  le  jar- 
din» de  fe  coucher  fiir  un  lit  de  verdure»  &  que 
lorfqu'elle  y  verra  arriver  fbn  amant»  de  feindre  de 
dormir  ;  &  en  rêvant  de  lui  avouer  tout  ce  qu^elle 
penfe  de  favorable  pour  lui  ;  qu^enfoite  à  fon  réveil ^ 


THEATRE  FRANÇOIS.         %i3 

elle  lui  dira  qu'on  ne  doit  point  faire  aucun  compte 
des  longes.  Cela  s'exécute  ponftuellement  ;  &  le  ten- 
dre &  difcrec  Dionys  pafTe  fubitement  de  l'excès  de 
la  fatis&âion  dans  l'borrible  chagrin  >  d'avoir  vu  Ton 
bonheur  ne  durer  qu^un  inftant.  Il  eft  bon  de  fçavoir 
que  le  père  d'Ameiîe  ne  vouloit  point  de  Dionys  pour 
gendre  ;  il  ne  le  trouvoit  pas  aflez  riche  :  il  donnoic 
la  préférence  à  un  certain  Erafte  >  que  fa  fille  déte^. 
fioit.  Après  plufieurs  événemens  très- peu  intéreflans, 
Dionys  propofe  à  Amélie  de  l'enlever  ;  &  elle  y  con« 
fent  (ans  balancer.  Son  bc^n-homme  de  père  fe  déref- 
pêre  à  cette  nouvelle;  &  Erafte  prend  le  parti  de 
courre  après  elle  ;  il  ,1a  joint  >  &  la  veut  faire  arrêter 
par  deux  laquais  qui  te  fuivoient.  Un  jeune  bomtne 
prend,  la  défenfe  d'Amélie  :  Erafle  met  l'épée  à  la 
main  pour  le  punir  de  (on  audace;  mais  il  jette  bien- 
tôt Tes  armes  à  Tes  pieds  »  lorfqu'il  le  reconnoit  pour 
Cloris,  jeune  Demoifelle,  dont  il  avoit  été  palTioné- 
ment  amoureux  >  &  qu'il  croyoit  morte.  Ses .  feux  fe 
rallument  ;  il  promet  à  Amélie  de  ne  plus  porter  ob« 
llacle  à  (on  union  avec  Dionys.  Il  va  même  trouver 
le  père  9  dont  il  apporcre  le  confentement  ;  &  tout  fe 
termine  très  heureufement  &  très  ennuyeufement.  Il 
y  .a  même  un  troifiéme  mariage  9  d'Orante  »  fœur  d'A« 
melie  »  &vec  Lyfidan  >  ami  de  Dionys.  Je  n'ai  point 
parlé  de  l'intrigue  de  ces  deux  amans  ^  à  laquelle  j'a- 
wue  gue  Je  n'ai  pas  compris  grand  chofe.    Cette 

O  iij 


a/4       THEATRE   FRANÇOIS. 

Orante  fage  &  vcrtueufe,  q»i  a  promis  fa  foi  à  Lyfidan^ 
devient  tout-à-coup  amoareufe  de  Diotiys  y  fie  fait  de 
vains  efforts  pour  i'entever  à  fa  iëeur.  Sa  paffidn  s'é- 
teint aulfî  aifément  qu'eHe  s'étoit  allumée ,  &  elle  finit 

par  s'attacher  à  Lyfidan.  Atl  refte  i  cette  pièce  »  quoi- 
qu'un peu  mieux  écrice ,  eft  encore  plus  mauvaife  que 
la  précédente.  II  eft  difficile  de  comprendre  comment 
Rotrou  a  pu  s'imaginer  de  tirer  cinq  aâes  d'un  fujec  » 
dont  on  auroit  peine  à  faire  une  fcène  théâtrale.  II  a 
cru  peut-èére  trouver  une  grande  reiToprce  dans  lé 
rôle  d'un  Capitan  ;  mais  ce  perfpnniige  $  ordinairement 
très-faiiidieuxy  eft  ici  d'uq  ennui  mortel,  &  pour  le 
moins  âûfli  .p]at  que  l'intrigue  de  la  pièce;  &  en  vé- 
rité c'eft  tout  dire.  '  , 

(SUJET  £>ES  SOSIES. )  Gé  fùjët  éft  trop  conntf 
pour  mériter  un  ^extrait;  G'eftmhe- tradiiâriôn-,  ou 
pour  mieux  dire  y  une  imitation  de  J'Ampbitr^on  de 
Plante  ;  pièce  que  Molière  a  JFait  paroître  depuis  fur 
notre  théâtre ,  â'une  façon  fit  bcilïaiite,  qu'elle  eût  fait 
oublier  celle  de  Rotrou^  fi  elfë  ne  feùt  été  dès  fa 
naiflance.- 

{ SUJET  BESi  DEUX  PUGEIiLES. )  Théo- 
dofe  &  Le|]cai}ie>  (ont  ceé  deu^  prétenidûes  P«œL- 
les^t  qui  ifen  noéritenit  rien  moins  que  le  ctom,  puit 
qtre  la  première  (  (bu&la  promeife ,  il  efl:  vrai ,  de  itia*' 
riage)  a  déjà  ceflé  de  l'être >  &  que  k  iicednde  comp- 
toit  bien  aulfi  fur  la  même  avendare  )  ayant  accordé 
^  pendant  la  nuit  un  rendez-vour  kfy&  amajit  »  qui  n'a 


THEATRE  FRANÇOIS.        %îS 

f^  liea  >  8e  qui  occaiionne  un  qaiprôqup  >  principal 
iacideot  de  cette  pièce ,  qui  commence  par  ces  vers  : 

Dieux  !  que  te  Ciel ,  ce  foir ,  couvre  d'un  voile  obfcur 

Ce  lambris  étoile  de  fa  route  d'azur  ! 

O  àtitt  !  pour  m*eâcaucer  tu  pafles  ma  prière , 

Tu  {êmMes  moins  cacher  qu'éteindre  la  lumière ,  &c. 

C'éft  Dom  Antoine  qui  les  dit ,  allaht  chez  Leucà- 
die  >  qui  doit  cette  huit  même  conibier  tous  fes  defirs. 
Il  eft  joint  par  Lindamor ,  fbn  domeftique  >  à  qui  il 
dit: 


.  Mais  f  approche  à  la  £n  du  glorieux  féjour  » 
Où  je  dois  polfedér  ce  miracle  d'amour. 
Auens-  là  mon  retour ,  &  quoique  ta  pnTdehcc 
T'ait  Eût  digne  d*entrçr  en  notre  coii^nc^  } 
Ne  te  laiffe  point  voir  à  ce  premier  abord 
Où  l'honnlte  pudeur  fait  un  dernier  effort , 
Où  quelque  glace  en<tor  relie  parmi  les  fiâmes  j 
Où  les  moindres  témoins  blçiTent  les  yeux  des -dames  > 
Où  la  crainte  eft  encoc  fî  proche  du  dedr , 
Qu'elle  y  ravit  aux  fens  la  moitié  du  plai/ir. 

Enmème.tems  Lindamor  lui  ren^etihie  lettré  de  Théo- 
dofe,  }eune  beauté  >  dont  il  avoie  obtenu  les  dernières 
&f  eurs,  àprèsi  Itiî  avoir  promis  de  l'époufèr?  Tattrait  du 
phifir  ]e  détoufue  Aé  lire  <^ette  lettre.  EnStiil  la  iit^ 
il  cft  touché  de  Pextrètiîe  tendreflfe  qu'on  lui  montre , 
8c  de  l'aveu  qu'on  lui  &it  qu'il  fera  bien- tôt  père.  La 
probité  triomphe  ;  &  il  renonce  bien  •  tôt  au  rendez^ 
roQS)  qui>  l'inftant  d'auparavant»  fàilbît  l'objet  de 


/^ 


%i6       THEATRE  FRANÇOIS, 

tous  (es  vœux.  Cependant  Leucadie  >  impatientée  de 
pe  point  vpîr  arriver  fon  ainant  >  defcend  en  petit 
destiabillé  à  la  porte  de  fa  maifo»  ;  elle  entend  du 
bruit,  croit  <jue  c'eft  lui ,  &  dit  :  cher  Antoine >  eft-ce 
toi.  Elle  redouble  cette  queftion ,  avec  encore  plus  de 
tendreife;  6c  Ton  peut  juger  de  fa  iùrprife  &  de  fon 
défefpoir  ^^uand  au  lieu  de  (on  amant  >  elle  reconnoit 
fon  père,  qui  fe  met  dans  la  plus  grande  colère  coo^ 
(re  elle.  Çeft  ^infî  que  finit  le  ^r^mier  aSe.  L^  fécond  ^ 
ain(i  que  les  rroi;  autres  fe  paiTent  chez  un  Hôtelier, 
ou  dans  les  environs  de  l'Hôtellerie ,  dans  laquelle  la 
jeune  Theodofe,  inquiète  de  Tabrence  de'  Dom  An- 
toine, venoit  d'arriver ,  &  a  voit  demandé,  uae  chans- 
bre  pour  elle  feule,  Il  eii  néceflair^  de  içavoir  que 
pour  pouvoirs  fui  v^^  fon  amant  i  elle  s'étoit  vêtue  en 
homme  ;  que  rhôte  &  l'hôtelTe  y  (ont  trompés ,  & 
qu'ils  raifonnent  çntreeuxdu  chagrin  cruel  où  ce  jeune 
homme  paroît  plongé.  Peu  de  tems  après ,  unt  autre 
jeune  homme  ,  nt)mmé  Alexandre ,  arrive  dans  la  me* 
me  Hôtellerie ,  &  demande  une  chambre  avec  ero- 
pr^ffement  :  l'hôte  lui  répond  qu'il  n'y  en  a  plus  ;  il 
inlîfte  y  6ç  fur  l'affurance  qu'il  m  veut  prendre  .^'ob 
inoment  de  repos  ,  l'hôteiTe  imaginant  que  le  premier 
jeunç  homme  doit  dormir,  ellçje,  conduit  dans  fa 
chambre ,  en  prenant  la  papole 4»  d^^P^Çr  arrivé,  qu'il 
.n'y  reftera  que  trois  heures  au  plus.   Le  voilà  donc 
introduit  dans  la  chambre  où  étoit  Theodofe;  il  fe  jettç 
f^r  un  lit  ;  mais  à  peine  y  eft  il ,  quç  l'iofoiftw^ç 


THEATRE  FRANÇOIS.       %iy 

Theodofè  ,  qui  croît  fon  amant  infidèle ,  commence 
les  plus  criftes  complaintes.  Alexandre  en  eft  fi  toa« 
cbé  >  qa'il  ne  peut  s'empêcher  de  le  lui  témoigner* 
Theodofè  furprife  >  &  craignant  qu'on  ne  veuille  atr 
tenter  à  fon  honneur  ^  (ë  jette  en  bas  de  (on  lit  ;  Ale^ 
icandre  en  fait  autant  >  &  lui  propofe  >  malgré  la  fati* 
gue  dont  il  eft  accablé,  de  fortir  de  cette  chambra» 
fi  il  l'iniportune.  Il  s'offre  en  mèmje-»tems  de  la  fèrvir 
de  tout  fon  pouvoir  :  Theodofè  prend  confiance  en  lui> 
&  finit  par  lui  compter  fon  hiftoire  ;  ce  qui  pjrocurj^ 
une  reconnoifTance  :  car  cet  Alexandre,  à  qui  elle 
vient  de  confier  qu'elle  eft  groffe  »  eft  fon  propre  fre* 
re  ;  mais  elle  Ta  voit  fi  fort  intéreffé  par  i*éxc$s  de 
l'amoor  qa^UeLavoif  témoigné  pour  Dom  Aptoin^t 
qa'il  lui  promet- de  la  fervij:  >  JU  jfe  '  punir  fbn  amanç 
4s'il  eft  infidde.  Ils  .partemt  enfèmble  de  cette  Hôtelier 
rie  9  &  prennent  le  chemin  deSeville.  En  pafTant 
dans  une  forêt  >.U9:C<^0coQtren|  unjçune  homme,  que 
les  voleurs  avoiçnt  attaché  à  un  arbre  >  après  l'avoir 
volé.  Il  eft  bon  que  le  Leâeurfçacbe  que  ce  jeune 
homme  étoit  l'infortunée  &  tendre  Leucadie  >  qui> 
pour  fuir  la  çdere  de  fbn  per^e-^  ayoit  pris  le  parti  de 
levètif  ainfi,  &  avoit  été  vQléç&;  attachée  à  cet  ar- 
bre par  les  v^le^rs*  Dans  la  criiiQjl;^  de  les  rencoa. 
trer  y  Alexandre  &  les  deux  jinipe^  Fucelles  ^  dont 
l'une  étoit  déjà  groffe,  &dont  l'autre  avoit  bien  comp« 
^é  en  courre  les  rifques^  reprennent  le  chemin  de 
}'l)ôteUerie  ;  pour  fe  mettre  en  état  de  voyager  avec 


%ï8       TSEdTRE  FRANÇOIS. 

phis  de  nihroté.  Dè$  ^tilts  font  arrivés ,  les  deux  jeu" 
nés  aies  dégaifées  fe  fient  de  la  plus  tendre  amitié , 
&  fe  ptonifeêcènc  la  pias  tendre  confiance  ;  elles  fe  de- 
mandent leur  aventure  ;  la  pauvre  Leucadie  commen- 
ce à  compter  la  &énne  >  elle  nomme  fon  amant ,  c'é- 
toit  ce  même  Dom  Antoine  ^  que  Theôdofe  avoit  tant 
de  raifons  de  regarder  comme  fon  m^ri  ;  ètle  f^tt 
cependant  fe  cofHieniry  &  laifie  à  fa  rivale'  ïé  tems 
d'achever  fonhrfïoire.  Cependant  Alexandre  y  informé 
du  fexe  de  Leucadte  ^  en  étoit  devenu  pàffionnément 
amoôr^i.  Peu  de  tems  apirèt»  it  fe  paffe  un  grand 
brurit  ;  c^étott  Tes  mèmei  voleurs  qui  potirfiiWoieD^ 
Dbm  AntoiMé  Leucadie  le  rècbnnôft,  &  vote  à  foa 
fèco^f^  y  mais  eftvaiti  ;  il  tùm^^  baigné  datis  fon  fang, 
ài^  iftdtâcifat  qu'Aldkandre  &  Theoddfe^  arrrrVQientpoar 
le  défeÀ^e.  Les  vôteur^  i^erifiijrei^;  lïom  Antoine 
recoâtioit  fes  deu^  m^ltreffes  >^&^ft  aC^  emba'r raflU 
Mai$  eâfiiï  croyant  n'avoir  pins  qu^'un  moment  à  vivre  y 
il  fé  déelaréen  faveur  de  TheodDfe.-  Le^Leâreurfçait 
MMl^^en  hc^iiffMmr  r  it  né  p6â^i|  pas  felre^  autre- 
ment. Léâcàfdié  Ib^  die  là  mad&Wr  &  bientôt  après 
éîd  appôiler  Thîeodôfe  f  voûtant  fe^  ba^re  avec  elle  : 
Tbé(9dofe  vvéÀfk-  (po«lv^,  &  lui  pafle  avéë  tant  de 
é6>âceùr  &d'anâtié>  qâb  Leufcadie  rÉfmbràfTb  &  M 
t^  fon  amant.   MÙselfe  j^nden  mèmé-iems  lé 
partî  de  n(i6urir;-&'  *yattt  reécôlDtré  les  arcbeirs  qui 
eherchoient  lés  ^otefuifs,  eHé  fé  ftiit  paflfer  pbur  un 
tf  eux }  avoue  que  dépôts  la  ptûs  tendre  jeuneffe  >  eSe 


THEATRE  FRANÇOIS,      ni^ 

nt  cmbrafTé  la  proféf&on  dt  voleur  »  qu'elle  avoir 

nmis  tant  de  vols  >  tant  de  in^urtres.  Enfin  les  ar- 

;rs  l'arrêtent  &   la  cotiduifeiit  en  prifon ,  ce  qu^ 

nine  le  quatriçme  aSte.  Le  cinquième  commence  par 

combat  entre  le  père  de  Dom  Antoine  Se  celui  de 

eodofe.  Dpm  Sanche ,  père  de  Leucadie ,  compté 

n  en  avoir  auiC  fa  part ,  en  cas  que  celui  de  Tkeo^ 

è  foit  vaincu  ;  ce  combat  eft  interrompe  p*ar  Dom 

toine,  qui  henreurement  n'a  volt  point  ééé  âu& 

Se  qu'on  l'a  voit  imaginé  >  &  qui  étoit  dan^  la  frfui 

Biite  famé,  il  fe  foit  alors  qne  grande  recoÀnoî& 

ce  :  Theodofe  demande  pardon  à  foù  père  9'  tdb^ 

Qt ,  &  etvméme  tems  Dom  Antoine  p&ûf  fen  épàvit. 

;  vieux  Sancbe  fait  encore  le  mutin  >  &  véuè  fe 

:tre;  kxrfqu'on  entend  un  gratid  bruit  â'é|)éé8  :  6n^  y 

irt  9  &  l'on  reconnoit  Alexittldre  cô^baétant  kfé 

:hei?s ,  pour  mettre  Leucadie  en  lîbe^té.  Doià  San^ 

e  reconnoit  LdUcadie  ;  Si  -c&m^^  cbèf  dé  là  Jufti- 

y  la  fait  mettre  en  Mb^né.  AléJilÀnfdre  lui  parle  dé 

I  amour  pour  fa  fillev6(  obtient  fon  aveDK  ÈébcsMié 

iéfitepas  à  lui  donner  tefien'y  toucbéé  dé  la  viatie^ 

se  laquelle  il  avoie  éipoà  fk  vie  pour  Ut  mettre  eà 

erté,  &  ayant  promis  à  fen-  àrate'theodiàré^'  âd  né 

nais  troubler  (bti  bonbeur.  Aînfi  là  pîecé  fiàîf  pâi? 

nmfiage  de  Do^cà  Ahtôihé  àf^éic  î'héodb'fe  y  ëc  pai^ 
ui  d'Alexandre  avec  Leacadie.  Gd(  ôévragé  ét^ 
m  fupérieur  aux  deux  pr^çédéfist.  H  eft  bien  écrit  i 
vers  en  font  faciles.  Il  y  a ,  il  eft  vrai ,  un  trop 
ind  nombre  d'événemens  ;  mais  ptufieurs  prodùifeat 


xxo      THEATRE  FRANÇOIS. 

des  fcènes  heureores  &  touchantes.  En  y  corrigeant 
quelque  chofe j  je  crois  qu'on  pourroit  la  rendre  trèS" 
fufceptible  d'un  grand  fuccès» 

(SUJET  DE  LA  BELLE  ALPHREDE.) 

Jlgnore  fi  c*eft  pour  juftifier  l'état  de  fa  chère  Sylvie, 
à  qui  Rotrou  dédie  cet  ouvrage ,  que  l'héroïne  de  la 
pièce,  ainfi  que  de  la  précédente,  eft  groiTe  à  pleine 

ceinture  :  mais  il  n'en  eft  pas  moins  vrai  que  la  belle 

lAl[^rede  eft  dans  ce  trifte  état;  &  d'autant  plas 

Crifte)  que  Ton  cher  Rodolphe  n'eft  qu'un  inconftaot; 

qu'il  eft  devenu  amoureux  d'une  jeune  Angloife,  nom- 

ihéc  I(àbelle>  &  qu'il  a  abandonné  la  pauvre  AU 

phrede.  Dans  cette  jiumiliante  fituation ,  elle  avoit 

pris  le  parti  de  fe  déguifer  en  homme  y  pour  le  fuivre 

&  tenter  encore  un  dernier  efFort  fur  le  cœur  de  ce 

pçr^de^'  quand  eUe  l'apperçoit  au  milieu  de  plofieors 

pirates  Arabes  y  qui  veulent  pu  le  prendre }  ou  le  tuer. 

Elieyoleàfon  fecours^tue  le  plus  confidérable  de 

c^  brigands  f  &  les  autres  prennent  la  fuite.  RodoI« 

pbe,  qui  ne  la  r^onoit  p^s  fous  ces  vêtemens ,  veut 

ki  témoigner  toute^^fàr:e.cpntioi(rance.  Mais  quelle  eft 

iàfurpjrife  brfque  fpn  libérateur  >  fans  l'écouter  ^  Tac- 

cable  de  reproches»  &  lui  dit  de  défendre  fa  vie.  Il 

la  recpnnoit  alors  >  lui  demande  pardon  ,  lui  avoue 

qu'il  fent  toute  l'énormité  de  fon  crime,  qu'il  en  eft 

pénétfé  de  douleur  :  mais  qu'une  force  fupérieur^ 

ï'entraine>  &  qu'il  eft  obligé  de  céder  aux  charmes 

trop  poiflans  de  h  jeune  ifabelle«  AJphrede  m  défefr 


THEATRE  FRANÇOIS.       %%i 

olr,  le  préffe  de  (è  défendre.  Rodolphe  jette  Ton 
pée  à  Tes  pieds  y  &  lai  dit  que  fa  vengeance  efi  ^ude» 
:  qu'il  fe  livre  à  k$  coups  :  elle  lui  répond  f  en  laif« 
nt  tomber  (on  épée  : 

Toffirant  à  ma  fureur ,  lâche  objet  de  mes  larmes  ^ 

Tu  fçais ,  combien  légers  font  les  coups  de  mes  armes ^ 

Comme  ils  font  fans  efFec ,  tu  les  attens  fans  peur, 

Alphrede  9  (  &  eu  le  fçais  )  ne  peut  frapper  au  cœur* 

Conferve  donc  le  four ,  &  fuis  tes  deAinécs  ; 

Le  Ciel  à  tes  fouhaics  égale  tes  années  : 

7e  fçaurai  cependant  alléger  mes  douleurs  ; 

Celui  qui  peut  mourir  y  peut  vaincre  tous  malheurs  >  &c«' 

Cependant  les  Arabçs»  voulant  venger  la  mort  de  leu^ 
ef  9  viennent  en  plus  grand  nombre ,  fe  faiGflent  da 
rjure  Rodolphe  &  de  la  tendre  Alphrede  »  &  les 
nduifent  devant  Amintas ,  leur  Général  f  qui  avoiç 
I  fils  nommé  Acafte,  Il  eft  bon  de  fçavoir  que  ce6 
Qdintas  >  Gentilhomme  de  Barcelonne  ,  ne  courroie 
ifi  les  mers  que  dans  Tefpérance  de  retrouver  une  (œur, 
/Icafte  9  qui  lui  avoit  été  enlevée  il  y  avoit  près  de 
linze  ans.  On  enchaine  les  deux  prifbnniers ,  &  bien^ 
t  l'on  conduit  devant  lui  le  jeune  homme  déguifé. 
n  peut  juger  de  l'excès  de  la  joye  de  ce  vieillard  9; 
rfque  dans  ce  jeune  homme  >  il  reconnoit  cette  fîllo 
chère  qu'il  cherchoit  depuis  fi  long-tems.  Le  Lefteur 
;  (ans  doute  bien  perfuadé  que  Rotrou  a  eu  foin 
>rner  autant  qu'il  a  pu  cette  reconnoifTance.  Mais 
tnnoye  je  Ibupçonne  que  ces  ornemens  ne  Tinterei^ 


%x%       THEATRE  FRANÇOIS. 

fent  pe.Q£-ètre  que  médiocrement  ;  f  eo   fopprime  I 

détails*  En&i  la  belle  Alphredè ,  toivchée  des  caref 

réitérées  de  Tauiteur  de  fes  jours  ^  ne  veut  rien  avi 

de  caché  pour  lui.  Elle  lui  avoue  qu'inceflamment  c 

va  le  faire  grandpere,  fans  cependant  lui  donner 

gendre  y  parce  que  fon  amant  eA  infidèle  ;  elle  lai  2 

prend  en  mème-tems  que  cet  amant  à  été  fait  pri(i 

nier  avec  elle>  &  qu'il  eft  dans  ce  même  vajiTe 

Amintas  veut  fur  le  champ  employer  fautorité  p( 

lui  &ire  réparer  l'honneur  de  fa  fille.  Elle  s'y  oppo 

&  fe  jet^e  à  fe^  pie^s^  pp,u^  lui  4ei^an4er  la  peri 

fion  de  pafTer  en  Angleterre  avec  (on  frère  AcaC 

Qu'elle  veut  parler  à.  cette  Ifabelle  9  qui  lui  a  enl 

le  cœur  de  (on  amant ,  &  promet  à  fon  père  9  que  i 

employer  la  force  9  elle  trouvera  le  moyen  de  coni 

ce  cette  affaire  à  une  bôureu(è  fin*  Elle  le  conjure 

mème>jtems  de  rendre  la  liberté  à  Rodolphe  9  dès  qu' 

fera  partie.  Le  bon  Amintas  confent  à  tout.  Alphr 

ibftruit  alors  Ferrande,  confident  de  Rodolphe, 

qui  étoit  dans  fes  intérêts ,  du  rôle  qu'il  doit  joa 

&  part  pour  l'Angleterre,    Ferrande  vieiït  bien . 

après  annoncer  à  fon  maître  >  que  fes  fers  vont  • 

rompus    &  que  telle  a  été  la  dernière  volonté  d 

phrede  ;  il  lui  raconte  que  cette  jeune  beauté  a  1 

du  les  derniers  foupirs  ;  que  le  vieil  Amintas  é 

devenu  amoureux  d'elle  ,  avoît  tenté  tous  les  mo) 

pour  la  féduire  ;  qu'elle  a  voit  rejet  tée  fes  vœux  a 

mépris  >  &  que  lui  ayant  avoué  l'excès  de  (on  as 


THEATRE  FRANÇOIS.      5115 

poof  jiû  JUaaot  j  tout  perfide  qu'il  étoit  ;  la  rage  de  c« 
vieillard  étoit  Montée  au  point ,  qu'il  lui  avoit  plongé 
uo  poignard  dans  le  cœujr  ;  qu'il  9'étoit  bien  tôt  re^ 
penti  de  fa  barbarie ,  &  que  )a  tendre  Aipbrede  la 
loi  avoit  pardonnée  >  en  exigeant  qi^'il  rendit  la  li- 
berté à  cet  amant  f  qu'il  tenoit  dans  les  fers.  Rodol- 
phe fe  défbrpere  »  &  (ê  regarde  comme  l'auteur  de 
ÙL  mort.  Au  mifleu  de  (es  regrets ,  Am^as  vient  lui 
annoncer  qu'il  eft  libre  »  &  le  maître  de  partir  lorf- 
^12*11  le  voudra.  Rodolphe  l'accable  de  reproches  &[ 
d'injures  ;  entr'autres  il  lui  dit  : 


Viel  troncy  que  par  mépris  la  parque  lailTe  au  |oar^ 
Ou  que  te  croyant  mort  fa  maio  avare  oublie ,  &c« 

Enfin  f  voyant  qu'il  ne  peut  honnêtement  propofer 
un  duel  au  vieiSard»  il  prend  le  parti  de  venger  fur 
le  fils  le  aime  du  père  9  &  part  pour  aller  joindre 
Acafte  en  Angleterre.  La  fcène  s'y  tranfporte  ;  & 
l'on  voit  un  certain  Erafle  amojoreux  d'Iiabelle ,  qui 
a  trouvé  le  moyen  d'enlever  cette  jeupe  beauté  avec 
Ibn  père  Eurilas ,  &  qui  veut  faire  mourir  ce  vieil- 
lard pour  le  punir  de  fes  refus.  Un  hasard  heureux 
conduit  en  cet  endroit  Acafte  &  (â  (œur  Alphrede 
habillée  en  homme  ,  qui  prennent  la  défenfe  d'Euri- 
laS)  &  tuent  Erafte  &  fés  complices.  Ayant  appris 
qu'Ifabelle  efl:  gardée  dans  un  bois  voifîn  par  les 
valets  de  cet  Erafle  ,  ils  volent  à  fon  fècours^  &  la 


1 

%Z4      THEATRE  FRANÇOIS. 

délivrent  bien-tôt.  Mais  Acafie  y  f^^d  ^  liberté  i  & 
dès  le  premier  moment  devient  paffionément  amoa^ 
reux  dlfàbelle ,  qui  témoigne  à  Tes  libérateurs  toute 
fa  reconnoilTance.  Alphrede,  qui  ne  perd  point  fon 
objet  de  vue  »  paroit  dire  avec  indifférence  que  fon 
frère  &  elle  >  font  venus  en  Angleterre»  pour  appren- 
dre aune  jeune  beauté»  nommée  Ifabelle  ,  que  fon 
amant  Rodolf»he  eft  mort.  Les  regrets  d'Ifabelie  font 
bien-tôt  connoitre  l'intérêt  qu'elle  prend  à  cette  fa- 
nefte  nouvelle.  Cependant  Acafte  >  qui  ne  veut  pas 
perdre  un  inftant»  va  trouver  Eurilas,  lui  découvre 
fa  naiflance»  lui  parle  de  Texcès  d'amour  qu'il  reiTent 
pour  (à  fille  >  &  la  lui  deniandé  eti' mariage.  Ce  bon 
vieillard  >  enchanté  de  trouver  aufli  promptement  une 
occaGon  de  lui  témoigner  fa  reconnoiflance ,  l'embraiTe 
&  l'accepte  pour  fon  gendre  ;  il  le  conduit  auffi  tôt  à 
Ifabelle  >  &  lui  ordonne  de  l'accepter  pour  époux^ 
Elle  qui  croyoit  fon  amant  mort  >  qui  devoit  (on  bon' 
neur  à  Acafte  >  &  qui  le  trouvoit  fort  à  fdn  gré  f  l'ac* 
cepte  avec  plaifir.  Cependant  le  trifte  Rodolphe  >  tou- 
jours déchiré  par  fes  remords ,  plus  amoureux  qu'il 
ne  l'avoit  jamais  été  de  la  belle  Alphrede ,  toute  morte 
qu'il  la  croyoit  9  &  ne  (bngeant  plus ,  qu'avec  horreur^ 
à  l'amour  qu'il  avoir  reflenti  pour  Ifabelle ,  aborde  ea 
Angleterre  >  au  moment  même  où  l'on  célébroit  le  ma- 
riage de  l'heureux  Acafte.  Il  le  fait  appeller^en  duel; 
k  cartel  fe  donne  ridiculement  au  milieu  du  ballet 
danfé,  pour  célébrer  le»  noces  d'ifabelle.  Aca^lefe 

rend 


THEATRE  FRANÇOIS.       1lx§ 

l^ènd  au  lieu  indiqué  ;  &  >  mallgré  toute  la  bravoure 

dont  il  étoit  doué ,  veut  y  au  lieu  de  fe  battre  >  entrer  en 

juftification  avec  Rodolphe,   11  avoît  fes  raifons  :  il 

vouloit  pénétrer  quels  écoient  Tes  fentimens  pour  Ifa- 

belle.    Il  lui  dit  que^  (i  c'eA  elle  qui  eft  la  caùfe  du 

combat  qu'il  defire  y  il  la  lui  cède  de  tout  (bn  cœur. 

Rodolphe  lui  reproche  fa  lâcheté  ,  l'aiTure  qulfabelle 

lui  eft  devenue  parfaitement  indifférente,  &  qu'il  ne 

veut  le  combattre  que  pour  venger  >  par  fa  mort>  celle 

de  l'infortunée  Alphrede  >  que  (on  barbare  père  a  fî 

cruellement  maflacrée.  Quoiqu'enchanté  de  cet  aveu» 

Acafte  veut  juger  encore  quelle  imprefTion  ta  vue  d'I« 

fabelle  pourra  produire  fur  Rodolphe.  Il  Tenvoye  cher« 

cher 9  céitere  fes  offres  de  la  lui  céder;  celui-ci  per* 

fifie  dans  fes  refus  y  &  à  vouloir  combattre.  Acafte  > 

iktisfait  &  bien  éloigné  de  vouloir  mettre  Tépée  à  la 

main  contre  l'amant  de  fa  fœur ,  lui  dit  qu'il  va  lui 

montrer  cette  beauté^  qui  defarmera  ià  colère.  Ro« 

dolpbe  >  prêt  à  perdre  patience  ,  Ini  reproche  encore 

Tindignité  de,  (a  conduite.    Enfin  Alphrede  arrive  i 

Rodolphe  ne  daigne  pas  jetter  les  yeux  fur  elle ,  6c 

prefle   Acafte  de  ie  mettre  en  défenfe  >  lui  répète 

qu'il  veut  venger  iamort  d'Alphrede,  qu'il  adore  toute 

morte  qu'elle  eft^  &  qu'il  adorera' toujours  jufqu'aa 

moment  que  l'excès  de  fa  douleur  &  defbn  repentie 

voudra  bien  le  rejoindre  avec  elle.  Alphrede,  baignée 

de  larmes,  fe  fait  ieconnoitre  :  Rodolphe  fe  jette  à 

lies  genoux  9  lui  demande^  grâce  ^  fie  l'obtient  fans 

lome  IL  Ç 


1 

%%e      THEATRE  FRANÇOIS. 

peine.  Enfin  les  baifers  les  plus  tendres  ,  le  calme  le 

plus  heureux  fuccedent  à  l'agitation  qui  régnoit  fur  la 

fcène  i<  &  Tunion  de  Rodolphe  avec  la  belle  Alphre- 

de,  termine  cet  ouvrage  ,  qui  n'eft  pas  (ans  métittf 
quoique  rempli  des  chofes  les  plus  ridicules  %  uot 
dans  la  diâion  que  dans  la  conduite  y  &  dont  je  crois 
qu'on  pourroit  tirer  parti  en  te  retouchant  avec  foin; 
jBc  en  l'accommodant  à  nos  ufages. 

(SUJET  DE  LAURE  PERSÉCUTÉE.  )  Ceft 
ici  une  bien  mauvaife  pièce  à  tous  égards  ;  elle  eft 
fans  intérêt;  les  vers»  la  diftion^  là  conduite  font 
également  ridicules  ;;  &  la  grande  réputation  ,  que 
Rotrou  avoit  déjà  acquife ,  ne  put  empêcher  la  chute 
de  cet  ouvrage  I  qui  commence  par  le  Capitaine  des 

Gardes  du  Roi  de  Hongrie ,  qui  vient  arrêter  Oron- 
tée  »  héritier  préfomptif  de  la  Couronne.  L&  motif  de 
fa^ colère  du  Roi  contre  fon  fils»  eft  qu'il  avoit  appris 
que  ce  jeune  Prince  étoit  amoureux  d'une  jeune  S&t 
inconnue  y  nommée  Laure  ,  qu'il  vouloit  époufer; 
&  que  ce  Roi  avoit  arrêté  fon  mariage  avec  la  fiUe 
du  Roi  de  Pologne ,  qui  y  ce  jour  la  même ,  devoit 
arriver  à  Bude ,  Capitale  de  fes  Etats.  Le  Prince  fe 
met  fort  en  colère  9  &  enfin  rend  fon  épée.  Une 
chofe  aflez  bifarre  >  c'eft  qu'O Aave  >  confident  do  Prin- 
ce 9  fçachant  que  le  Roi  fait  chercher  par  tout  Laure, 
pour  la  faire  mourir  1  prendie  parti  pour  lui  faover  la 
vie  9  de  la  faire  habiller  en  page  »  &  de  la  faire  con- 
duire fous  cet  habit  dans  la  prMbn  d'Orontéew  Ce 
déguifement  réuffit  fi  bie&i  que  le  Rd  qui  la  reocoa- 


THEATRE  FRANÇOIS.      %%j 

tre  >  &  qoi  a  une  longue  converfation  avec  dSe  »  ne 
fe  doute  de  rien  >  &  la  renvoyé  à  (bn  fils  >  qui  »  com«* 
me  l'on  crdc  bien ,  la  reçoit  avec  des  tranfports  de 
joye  inexprimables.  Cependant  (ans  qu'on  fçache  quel 
fecrec  il  a  employé  pour  fortit  de  fa  prifon  >  il  vient , 
foivi  de  Ton  joli  page ,  pour  (ê  jetter  aux  pieds  de  Ton 
père,  qui  étoit  en  cofpverfàtion  avec  Ton  Caj^taine 
des  Gardes  >  à  qui  U  cônfioit  toute  Ta  colère  contre 
Orofitée>  &  ibr-rout  contre  Laure,  quil  ventàbroltt- 
ment  faire  mourir.*  Ce  Capitaine  des  Gardes  »  qui  eft 
on  bon*homme>  lui  représente  quil  tfy  a  pas  de  mo^ 
rif  pour  ôter  ta  vie  à  cette  jeune  beauté  i  le  Roi  lui 
répond  : 

•      *'»      ••«      »'■      •      « 

Sans  reircire  ni  sailofi)  m  çoi^pte  de  mes  roeur  % 
Je  yeux  ce  que  je  yeux  y  pasce  que  je  le  veux. 

•  Enfin  Orontée  fe  Jette  à  fès  pieds  >  &  cherche  en- 
vain  à  ^attendrir.  Le  Roi,  de  plus  en  plus  furieux i 
lui  reproche  d'aimer  une  inconnue. 

•       .        .       .        .        .   Une  femme 
Pletdue, abandonnée,  entre  toutes infôrae y  v 

Qui  {de  mtUc  aHbuvk  les  defîrs  dtiTohis^  . 
£t  capable  de  cout^  fl  ce  n^eft  d*un  refus  9  &ç« 

On  peut  juger  combien  îc  pauvre  petit  Page  fouf- 
Ire  9  de  fe  voir  crayonner  avec  un  pareil  pinceau ,  & 
combien  le  Prince  cherche  à  détromper  fon  père  (ur 
tidée  quil  s^eft  formé  de  fa  chère  Laure.  Le  Roi  n'en 
veut  pdtit  démordre  j|  &  Paflure  qu'il  lut  en  dotosetoi 


xx8      THEATRE:  FRANÇOIS. 

la  preuve.  Le  Prince  promet  de  n'y  plus^fonger,  fl 
en  efFet  on  lai  fait  voir  des  chofes  auffi  pea^vraifenu 
blables.  Le  Roi  prend  le  parti  de  fédqire  Oâ:ave;il 
y  réuffit  ;  &  ce  traitre  lui  promet  que  le  Pf  Ince  fera 
bien  fîta  s'il  ne  fe  laifle  abufer  :  il  fort  pour  arranger 
toute  fa  fourberie.  Une  chofe  incroyable  >  &  qui 
exille  cependant  dans  cette  pièce  ;  c'eQ  que ,  cette 
Laure  y  qui  fçait  avec  quelle  ardeur  le  Roi  pourfuitfon 
trépas  9  quitte  (es  habits  de  Page ,  &  bien  iure  que  ce 
Monarque  ,  ne  •  la  connoit.  pas  ^  y  uniquement  par 
plaifanterie  >  ou  pour  faire  parade  de  fa  beauté , 
yiept.fe.  jetter  i  fes  pieds ,,&:.  lui  deniande  jufticc 
d'un  jeune  homme  qui  l'a  abufée  Le  bon  Roi 
s'enflamme  »  lui  promet  jqflicç ,  6^  la  congédie j  mais 
il  charge  (on  Capitaine  des  Gardes  de  tâcher  de  la 
faire  confentir  à  hii  accorder  fes  faveurs  :  î!  s'acquitte 
.de  (à  comçiiflîon  ;  &  il  e{l«fur  le  champ  accepté,  dès 
jjue  la  .nqit  fera  venue.  Il  v^a  avec  emprefferaent  an- 
noncer cette  bonne  nouvelle  à/Temoureiix  vieillard} 
qui  témoigne  tpute  l'impatience  qu'il  a  de  voir  arriver 
ce  moment  fortuné.  Son  61s  Iç  joint  dans  ce  inQment, 
&  avec  ironie  lui  apprend  que  cette  fille»  qui  fort 
de  chez  lui  y  eft  cette  même  Lâure,  dont  iî  a  parlé 
avec  tant  de  mépris.  Le  .Roi  (lirieux  va  s*enfenner 
dans  fon  cabinet ,  où  Oâave  vient  le  trouver  podr 
lui  apprendre  que  fa  fourbe  eft  toute  prête.  En  effet, 
îi  avoit  Êduit,  fous  l'idée  de  rendre  fervice  à  fa  maî- 
treffe)  une  femme-de^çbambre  de  Laure |  qui  s^tojt 


THEATRE  FRANÇOIS.      %i^ 

tue  des  habits  que  cette  jeune  beauté  avoît  portés 
jour  là.  Elle  fe  met  à  une  fenêtre  y  fous  lacjuelle 
Roi  avoit  conduit  Orontée:  &  là  elle  fait  les  plus 
ndres  déclarations  à  Oârave  >  qu'elle  requiert  d'à* 
our  :  elle  fait  plus ,  elle  parle  avec  mépris  de  la 
iffiondu  Prince  )  qu'elle  avoue  n'avoir  jamais  aimé 
rontée  furieux  >  tire  (on  épée  pour  punir  la  perfide» 
*  Roi  l'arrête  y  &  la  fenêtre  fe  referme.  Refié  feul, 
entre  dans  la  plus  grande  fureur,  il  veut  fe  tuer^il 
ut  tuer  Oâûive,  il  veut  tuer  Laure  :  enfin  il  fe  livre 
es  réflexions^  qu'il  finit  par  rheureufe:comparaifon 
le  je^vais  mettre  fous  les  yeux  du  Leâeur.  C'eft 
3fi  qu^ii  s'exprime  : 

Avec  quelle  confiance  au  courroux  qui  m'anime , 
De  ma  divinité  ferai*je  ma  viâime  ! 
Faut- il  donc  ruiner  le  temple  où  j'ai  prié , 
£c  démolir  Taucel  oà  j*ai  facrifîé  ? 
Puis-)e ,  Tayant  aimée  à  Tegal  de  moi-même , 
D*un  extrême  fî-tôt  pafler  à  l*autre  extrême. 
Kon  ,  fortez  de  mon  fein  ,  vains  projets  que  je  fais  : 
Je  Taime  au  plus  haut  point ,  que  je  Taimai  jamais. 
7e  fçais  que  ma  confiance  ,  après  un  tel  outrage  » 
£fl  bien  moins  un  «xcès  ,  qu'un  défaut  de  courage  ^ 
ît  que  le  fouvenit  de  fa  déloyauté 
£fl  un  honteux  reproche  à  mon  honnêteté. 
Mais  le  mal,  que  je  fens ,  reffemble  à  ces  ulcères , 
.  Qui  par  quelqu'accident ,  deviennent  néceffaires  , 
Doac  il  efl  dangereux  de  fe  laifTer  guérir  ^ 
£t  qu'on  ne  peut  fermer  fansfe  Êiire  mourir,  &c. 

Enfin  il  finit  par  la  voir,  &  Paccable  de  reproches; 
inre  veut  fe  juftifier  >  il  ne  l'écoute  pas.  Oâave  qui 


ajo      THEATRE  FRANÇOIS. 

craint  un  éclaircilTement  9  qui  pourroic  lui  devenir  &' 
tal  j  le  détermine  à  fe  retirer  chez  lin.  Il  n'y  refte  pas 
long'Cems  :  il  trou(ve  le  fecret  de's'évader ,  &  revicoc 
chez  Laure  lai  renouveller  Tes  reproches.  La  querelle 
n'eat  jamais,  peu^ècre  eu  de  fin ,  fi  Lydie ,  cette  mê- 
me femme  -  de  •  chambre ,  qui  y  de  bonne  foi ,  avoit 
<;ependant  fêrvi  à  abufer  le  Frioce  >  ne  f!ïc  venu  les 
détromper.  Les  tranfports  de  la  réconciliation  font  aoffi 
ceijdres  que  ceux  de  la  colère  avoient  été  violens.  Ayant 
appris  que  h  PrinceiTe  Polopoife  alloit#arriver  >  ils 
prennent  le  parti  de  fe  marier ,  pour  confiater  leac 
état.  En  efïet  ^  on  la  voit  bientôt  paroitre  ;  &  le  Prin- 
ce qui  ne  la  redoute  plus  y  lui  dit^  toutes  (ôrtes  de  ga- 
lanteries.   Enfin  Laure  revient  jouer  à  fes  pieds  le 
même  perfonnage  y  qu'elle  avoit  ddevant  joué  à  ceux 
du  Roi.  Elle  lui  conte  une  hiftoire  >  où  elle  fuppofe 
qu'elle    alloit    époufer    Ton  amant  ^   mais    que  fes 
parens  s*y  oppofoient  à  caufe  qu'il  étoit  d'une  naifian* 
ce  fupérieure  à  la  fienne.    La  PrinceiTe  veut  laiifer 
décider  le  Prince  ;  mais  il  la  prie  de  prononcer  le  ja- 
gement  ;  elle  décide  que  >  l'amour  foumettant  à  Ton 
pouvoir  &  la  fortune  &  la  nature  même  y  puifque 
ces  deux  amans  s'aimoient  fi  paflîônément,  ils  dé- 
voient s'époufer  malgré  l'oppofition  de  leurs  parens. 
Orontée  &  Laure  applaudirent  à  cet  arrêt  >  &  lai 
avouent  qu'elle  a  décidé  leur  bonheur,  puifque  c'eft 
leur  hiftoire  qui  vient  de  lui  être  racontée.  Elle  eft  un 
peu  étonûée.  En  même  <  tems  un  vieillard  >  nommé 


THEATRE  FRANÇOIS.       z3r 

Clidamas  ^  qui  avoic  élevé  Laure  comme  fa  fille  g 
vient  dire  à  Infente  que  cette  Laure  eft  fa  fœur ,  que 
le  feu  Roi  leur  père  avoît  fur  la  foi  d'un  fonge  voulu 
faire  mourir ,  &  que  la  Reine  lui  avoit  confiée  pour 
conferver  fes  jours  ;  il  lui  remet  des  lettres  de  cette 
Reine,  leur  mère ,  qui  confirme  cette  hiftoire  ;  &  lln- 
fànte  ,  enchantée  d'avoir  retrouvé  une  fœur  auflî  aima- 
ble, l'embraffe  avec  tendreffe  >  &  eft  trop  bonne  pa- 
rente pour  vouloir  s'oppofer  à  fon  bonheur  :  ainfi  elle 
lui  cède  le  Prince  de  tout  (on  cœur.  Le  Roi  arrive  en  ce 
moment ,  qui  ne  comprend  rien  à  la  joye  immodérée 
d.e  fon  fils.  Enfin  tout  s'éclaircit  ;  &  comme  il  ne  dé- 
firoit  qu'une  Princefle  pour  belle-fille  >  il  confent  à  Tii^ 
nion  d'Orontée  avec  Laure  ;  mais  on  refte  fort  em- 
barraflée  de  ce  qu'on  fera  de  Ilnfante.  Enfin  un  cour- 
tifan  avifé  prop  ofe  au  Roi  de  l'époufer.  Ce  Monar- 
que adopte  ce  confeil  avec  tranfport,  &  demande 
en  tremblant  l'ayeu  de  l'Infente,  qui  le  lui  donne  avec 
plaifir.  Ainfi  cette  pièce  fe  termine  par  le  double 
mariage  de  l'Infante  avec  le  Roi ,  qui  ne  s'attendoit 
certainement  pas  à  cette  bonne  fortune  $  &  par  celui 
du  Prince  avec  fa  chère  Laure. 

(  SUJET  D'ANTIGONE.  )  Cet  ouvrage  n'a  pas 
dû  faire  plus  dlionneur  à  Rotrou  que  le  précèdent. 
Une  chofe  bizare  ,  c'cft  qu'il  a  trouvé  le  fecrct  de 
n'infpirer  aucune  terreur  y  en  traitant  le  fujet  le  plus 
fait  f  fans  doute  ^  pour  en  infpirer*  Tout  meurt  dans 

P  iv 


a^x      THEATRE'FR  ANÇO 1S. 

cette  pièce ,  on  ne  regrette  perfonne ,  &  Ton  ne  (! 
pas  même  le  plus  léger  attendriffement.  La  vcrfific 
tion  n'eft  pas  meilleure  que  la  conduite.   La  pie 
commence  ainfi,  que  celle  de  Racine.  Jocafte  expri- 
me la  mortelle  inquiétude  où  elle  eft  >  &  l'horreor 
qui  la  déchire  de  ce  que  Eteocle  a  profité  d'un  mo- 
ment de  fommeil  où  elle  a  été. plongée  ,  pour  fortir 
de  Thebes  ^  &  aller  combattre  Polinicc.  Elle  apprend 
avec  quelque  {àtisfaftion  que  Menecée  y  $*étant  dévoué 
à  la  mort  pour  le  falut  de  (k  patrie  9  avoit  arrêté  la 
fureur  des  combattans  :  mais  ce  calme  ne  dure  pas 
longtem».  On  vient  bien- tôt  après  lui  annoncer  que 
Polinice,confervant  toute  fa  haine  contre   fon  frère 
Eteocle  9  lui  avoit  fait  propofer  pour  terminer  leurs  dif- 
férends de  fe  battre  l'un  contre  l'autre ,  &  qu'Eteocle 
l'avoit  accepté,  Jocafte  fait  tout  ce  qu'elle  peut  pour 
empêcher    ce  combat  ciiminel.    Les  deux  frères, 
trop  animés  pour  écouter  ni  la  raifon  ni  la  nature  > 
perfiftent  dans  leur  férocité.    Enfin  dans  Tintervalle 
du  deux  au  troifiéme  a6ie  ,  ils  fe  battent  &  fe  tuent  tous 
deux.  Jocafte ,  livrée  au  defefpoir  y  fe  tue  au  moment 
qu'elle  apprend  la  fin  cruelle  de  fes  deux  fils  ;  & 
Créon  9  comme  le  plus  proche  héritier  de  la  Couron- 
ne >  eft  proclamé  Roi.  Hémon  >  Ëls  du  nouveau  Mo« 
narque ,  vient  annoncer  ces  triftes  nouvelles  à  Anti- 
gone  >  dont  il  étoit  amoureux  fc  aimé ,  en  lui  dépei- 
gnant l'inftant  où  fes  deux  frères  s'abordent  ^  &  où  le 
combat  eft  prêt  à  commencer  ;  il  lui  dit  ; 


THE ATRE  FRA NÇOIS.      %33 

-    '    Pareils  à  deux  lions ,  &  plus  cruels  encore , 

Du  gefte  f  ciiâcua  d*cux ,  l'un  Taucre  fe  dévore  ^ 
Avant  qu'en  êcrc  aux  mains ,  ils  combaccenc  da  veux  » 
£c  Te  lancent  d*abord  cent  regards  furieux  ,  &c. 

.  Après  tant  de  tragiques  événemens  ,  on  pourroic 
foupçonner  que  la  piecç  alloit  finir  :  elle  n'eil  feule- 
ment pas  à  la  moitié ,  &  les  trois  derniers  a&es  lan- 
guiiTent  en  dialogues  froids  9  pour  amener  encore  un 
événement  tragique  9  mais  point  incéreïïant.  Dès  que 
Créon  eft  monté  fur  le  Trône  >  il  fait  élever  un  fuper- 

be  maufoléeàEteocle;  il  défend  >  fous  peine  de  ia  vfe, 
que  l'on  enterre  Polinice»  &  deRine  le  corps  de  ce 
Prince  pour  pâture  aux  corbeaux.  La  pieiife  Anti- 
gone  )  qui  fçavoit  que  >  (i  (on  malheureux  frère  n*étoiC 
pas  enfeveli ,  fon  ame  erreroit  fans  cefle  fur  les  bords 
du  Scix ,  &  ne  pourroit  jamais  trâverfer  ce  fleuve  re- 
doutable f  veut  lui  rendre  ce  religieux  devoir  ;  &  mé- 
prifant  le  danger  9  elle  fort  la  nuit  pour  exécuter  cette 
louable  entreprife»  elley  réuffit;  mais  elle  eft  arrêtée 
au  moment  même  qu'elle  vient  de  l'achever*  On  la 
conduit  au  Roi^  qui  ^  furieux  du  mépris  qu'elle  a  eu 
pour  fes  ordres  »  la  condamne  à  être  renfermée  dans 
une  grotte  >  &  à  y  mourir  de  faim.  Le  tendre  Hémon 
(e  iette  envainaux  pieds  de  fon  pere>  lui  parle  envain 
de  l'excès  de  l'amour  qu'il  reflent  pour  Antigonet 
dont  la  mort  entraînera  certainement  la  fienne.  Le 
barbareCréon  rede  inexorable  ;  un  de  fes  princi- 
paux Minifires  n'en  eft  pas  plus  favorablement  écou« 
té.  Enfin  on  lui  amenç  le  fameux  aveugle  Tyrefîas  9 


^34■      THEATRE  FRANÇOIS. 

donc  le  f^volr  furnaturel  étoic  refpeâé  dans  tonte 
Grèce.  Ce  fàge  vieillard  lui  annonce  qu'il  fera  ble 
tôt  accablé  des  plus  grands  malheurs ,  s'il  ne  renon 
à  (on  projet  inhumain.  Créon  le  traite  de  vieux  ra< 
doteur  ,  &  demeure  inflexible.  Hemon,  ayant  perdu 
toute  efpérance)  prend  le  parti  d'aller  forcer  la  roche 
où  Ton  gardoît  Antigone ,  &  de  la  délivrer.  Mais  quel 
•eft  fon  défefpoir,  lorfqu'en  y  entrant  il  trouve  foo 
amante  baignée  dans  fon  fang ,  &  qui  venoit  de  fe 
percer  le  cœur  :  il  fe  livre  aux  plus  tendres  regrets 
Créon  arrive  à  propos  ,  pour  effuycr  les  plus  cruels 
reproches.  Enfin  >  quand  Hémon  n'a  plus  rien  à  direy 
il  tombe  mort  fur  le  corps  de  fa  maitrefle.  Ce  (pefta- 
cle  touche  afTez  Créon  pour  le  faire  évanouir  ;  &  la 
pièce  finit  9  fans  que  Ton  fçache  combien  le  Roi  refte 
fans  connoifTance. 

(SUJET  DE  CRIS ANTE. )  Les  Romains  fe  font 
emparés  de  Corinthe  :  Antioche  >  Roi  de  cette  Ville  » 
s'eft  fauve  au  milieu  du  carnage  ;  mais  Crifante,  (on 
époufe  9  a  été  faîte  prifonniere ,  &  conduite  dans  le 
camp  des  vainqueurs.  La  pièce  commence  par  le  dé- 
part de  Manilius>  Général  des  Romains  >  qui  eft  obli- 
gé d'aller  à  Tegée  ,  Ville  voifine ,  &  qui  pendant  fon 
abfence  charge  le  jeune  Caffius ,  un  des  plus  valeu* 
reux  Officiers  de  l'armée  f  du  commandement  de^ 
troupes  &  de  la  garde  de  la  Reine.  Caffius  eft  en^ 
chanté  de  cette  commiCton*  Dè$  le  moment  que  Cri- 


THEATRE  FRANÇOIS.       X3/; 

(ànte  étoit  arrivée  dans  le  camp  >  il  en  étoit  devenu 
paffionèment  amoureux»  Il  va  la  trouver,  lui  oiFre 
tous  les  fervices  qui  peuvent  dépendre  de  lui  »  &  finit 
par  lui  déclarer  Ton  amour.  Crifante  regarde  cet  aveu 
comme  un  outrage ,  &  lui  reproche  d*ofer  abufer  de 
rétat  où  le  fort  Ta  réduite.  CafTius  fe  retire  dans  le 
plus  cruel  dérefpoir.  Enfin  cédant  à  la  violence  de  Ton 
amour  »  il  envoyé  chercher  Orante ,  une  des  femmes  - 
de  la  Reine  j  &  veut  l'engager  à  le  fervir  auprès  de 
fa  maicrefTe  :  celle-ci  s'y  refufe.  Voyant  qu'il  ne  peut 
la  (ëduire ,  il  lui  déclare  qu'il  efl  déterminé  à  jouir 
de  la  Reine  »  ou  de  gré  ou  de  force  >  &  lui  dit  en 
mèmetems  que  >  fi  elle  confent  k  lui  accorder  fes  fa- 
veurs 9  il  lui  rendra  aufll-tôt  la  liberté  ;  mais  que  fi  elle 
perfifie  dans  fes  refus  >  il  aura  décidément  recours 
aux  moyens  les  plus  odieux.  Après  lui  avoir  ainfi 
annoncé  fes  volonté  »  il  la  quitte  ;  &  elle  va  trouver 
Crifante.  Elle  s'acquitte ,  en  tremblant  >  de  fa  corn* 
mifTion*  Cette  Princefle  friifonne  d'horreur  à  cette 
propofition.  Orante>  qui  croit  que  c'eft  cependant  le 
meilleur  parti  que  la  Reine  puifTe  prendre  >  finit  par 
lui  dire  :  fi  vous  vous  livrés  k  lui  avec  complai- 
fance ,  il  promet 

•        •        -        •        .       Avotremajefléy 
De  lui  faire  au0tcôc  rendre  la  libené. 

La  Reine  tire  aulfi-tôt  fon  poignard  »  &  perce  le 
cœur  d'Oraùte ,  en  lui  difant  : 

Prend  U  déjme  en  ta  mort ,  horreur  de  la  nature* 


%3S     THEATRE  FRANÇOIS. 

Cette  fcène  efl:  théâtrale  ,  bien  conduite ,  &  bien 
écrite ,  &  a  du  feire  effet.  Cependant  Caffius  n'écou- 
tant plu^  que  (à  paffion  >  après  avoir  fait  envain  on  der* 
nier  effort  pour  obtenir  l'aveu  de  cette  Princeffe  in- 
fortunée, la  traite  comme  autrefois  le  fils  de  Tarquia 
avoit  traité  Lucrèce ,  &  tout  de  fuite  lui  rend  la  li- 
berté. Crifante  au  défefpoir  de  l'outrage  qu'elle  vieot 
de  recevoir ,  s'adreife  ainfi  à  la  mort  : 

Efpoir  des  affligés ,  ténebrcufe  DéefTe ,    » 
Tu  cherches  qui  ce  fuis ,  &  tu  fuis  qui  te  preflê* 
Ne  va  point  effrayer  ces  fuperbes  Palais  y 
Où  perfonnc  pour  coi  ne  forme  de  fouhaics  > 
Epargne  ces  beautés ,  que  tout  le  monde  adore  : 
Laiflè  qui  te  redoute  ,  &  viens  à  qui  cMmplore  \ 
Des  plus  heureux  mortels  tp  tranches  les  devins  j 
Jufques  dans  les  berceaux  eu  cherches  àt%  butins  \ 
£c  tu  crains  mon  abord ,  parce  que  tu  m'es  chère  &c« 

Enfin»  elle  prend  le  parti  d'alUr  retrouver  le  Roi* 
(bn  époux.  Caffius  rendu  à  lui-même ,  envifage  toute 
Hiorreur  de  fon  crime ,  &  fe  livre  aux  plus  triftes  re- 
grets. Pendant  qu'il  fe  fent  déchirer  par  fes  remords  > 
ilnfortunée  viâime  de  ik  funeOe  paffion  avôit  rejoint 
Antioche>  qui  fe  livre  aux  plus  doux  tranfports>  en 
revoyant  l'objet  de  toute  fa  tendreiTe.  La  Reine  l'ar^ 
rëte  ;  &  par  un  courage  au- defTus  de  l'humanité» 
cette  belle  &  vertueule  Princefle  lui  dit  qu'elle  eft 
indigne  de  fes  careflTes  >  &  lui  fait  l'aveu  de  tout  ce 
qui  s'eft  pafTé.  Le  Roi  »  qui  n'a  voit  pas  l'ame  auffi  éle^ 
vée  >  reçoit  avec  chagrin  cette  affreufe  confidence» 


r 

.THEATRE  FRANÇOIS.      %3y 

h  fe  livrant  à  une  baife  jaloufie ,  lui  fait  les  reproches 
les  moins  mérités  Crifante  au  dérefpoir  de  cette  bar- 
barie >  &  voulant  lui  prouver  l'injuAice  de  Tes  (bup« 
ÇODS,  retourne  au  camp  des  Romains  j  où  Manilius 
étoit  déjà  de  retour.  (Il  eft  bon  de  fçavoir  que  l'on 
n'avoit  aucun  foupçon  du  crime.de  Caflîus^  &  que  la 
mort  de  deux  foldats  »  qui  s'étoient  entre-tués  à  la 
porte  de  la  tente ^  où  Ton  gardoit  la  Reine  >.avoit 
perfuadé  que  cette  PrinceiTe  avoit  été  enlevée  par  les 
troupes  du  Roi  (bn  époux.  )  Cette  malheureufe  Rei- 
ne entre  dans  la  tente  du  Général ,  fe  jette  à  Tes  pieds» 
&  lui  raconte  le  crime  de  Caflîus.  Manilius  frémic 
d'horreur  à  ce  funefte  récit  >  &  envoyé  auffi  tôt  cher- 
cher le  coupable  >  qui  j  loin  de  chercher  à  fe  juftifier  » 
avoue  un  crime  qu'il  détefte»  &  demande  la  mort 
qu'il  mérite.  Il  met  même  Ton  épée  aux  pieds  de  la 
Reine ,  pour  qu'en  le  privant  elle  -  même  de  la  vie  f 
elle  puifle  goûter  à  longs  traits  le  ptaifir  de  la  ven- 
geance. Les  principaux  Chefs  de  l'armée,  craignant 
que  Manilius  ne  le  condamne  >  lui  vantent  fa  valeur^ 
lui  rappellent  les  fervices  qu'il  a  déjà  rendus ,  &  ceux 
que  l'on  en  peut  encore  attendre.  Manilius  eft  inexo- 
rable ;  &  par  un  jugement  digne  des  anciens  Ro^ 
mains ,  il  remet  Caflîus  au  pouvoir  de  la  Reine ,  pour 
qu'elle  puifle  à  (on  gré  ordonner  fon  fupplice.  Cri- 
iante  ramafle  alors  l'épée  du  criminel  ^  la  lui  remet 
entre  les  main$  >  en  adreflanc  ces  mots  à  Manilius  ;  , 


«■3 »      THEATRE  FRA NÇOIS, 

Je  fais  contre  ma  haine  on  généreux  effort, 
£t  je  laiffe  à  fa  main  la  gloire  de  (a  more. 
Tiens ,  fois  en  ce  devoir  le  Prêtre  àc  la  viûime^ 
£t  qu'une  belle  mort  repare  un  lâche  crime. 

Cafllus  fe  tue  :  la  Reine  demande  fa  tète  ^  &  tout 
de  fuite)  va  retrouver  Antîoche,  qui  refafe  de  lavoir. 
Elle  entre  farieafe  daus  ià  tente  ,  lui  reproche  la  cruau- 
té de  fes  foQpçons,  jette  à  fes  pieds  la  tètt  de  Caf- 
fius»  &  fe  perce  le  cœur.  Antîoche  <  fentant  qu'il  a  eu 
fort  f  &  voyant  bien  qu'il  n'avoit  pas  d'autre  parti  à 
prendre,  fe  pafle  fon  épée  au  travers  du  corps ^ ce 
qui  fait  le  dénouement  de  la  Tragédie. 

Cette  pièce  a  de  grandes  beautés  >  fur»  tout  dans 
les  détails  ;  la  veriiHcacion  en  eft  noble  &  facil^.  Ec 
fi  les  Speâateurs  ont  bien  voulu  fe  prêter  à  l'événe- 
ment ,  qui  fait  le  noeud  de  la  pièce  »  c'efl  à-dire^  aa 
viol  de  la  Reine ,  qui  fe  pafTe  dans  Hntervalle  da 
du  deuxième  au  troijiéme  a&Cy  je  crois  qu'ils  te  font  livra 
avec  tranfport  au  plaifir  d'encourager  l'Auteur  par 
des  applaudiiTemens  redoublés,  &  que  cet  ouvrage 
a  fait  grand  honneur  à  Rotrou. 

-  (SUJET  DES  CAPTIFS.  )  Cette  pièce  eft  la 
traduâion  de  celle  de  Plante  >  intitulée  de  même  ; 
ainfi  je  n'en  donnerai  point  d'extrait ,  je  me  contente- 
rai feulement  d'en  rapporter  quelques  vers,  qui  m'ont 
paru  bien  faits.    Dans  la  troifiéme  fcène  du  deuxième 

nSe,  Philenice  qui  aime  un  jeune  captif  d'Elide» 

nommé  Tindare  ^  &  à  qui  Celie>  fa  confidente,  re- 


THEATRE  FRANÇOIS.      239 

>roche  cet  amour  honteux  >  lui  répond  pour  fe  jufti- 
΀r: 

Je  ne  reconnois  point  cet  amour  ordinaire  y 
Donc  notre  efprit  fe  forme  un  être  imaginaire  , 
A  qui  notre  foibleile  érige  des  autels  ^ 
£t  qu^elle  pfe  placer  entre  les  Immortels. 
Ces  traits ,  qu'il  a  portés  jufqu*att  fein  de  fa  mere« 
Ces  fiâmes  &  ces  fers  ,  ne  font  qu'une  chimère  \ 
On  les  pourroit  éteindre  «  on  les  pouroit  brifer  , 
Mais  on  Ce  forge  un  Dieu  pour  les  autorifer. 
L'amour  qui  me  podède ,  eft  une  autre  pùidânce  ^ 
£ficâive  y  2c  qui  part  d'une  réelle  éflence  , 
Qui  malgré  moi  réfifle  à  fes  perfecuteurs , 
l.^  Dieux  m'en  font  témoins  \  car  ils  en  font  auteurs  ^  &c« 

Dans  la  Jcène  cinquième  du  quatrième  aSe  >  après 
|ue  l'on  a  découvert  que  Tindare,  qui,  jufqu'abrs 
voit  été  regardé  comme  un  homme  confidérable 
l'Elide  ,  n'étoit  qu'un  vil  efclave  9  ce  malheureux 
eune  homme  fe  trouve  avec  Philenice  qu'il  adore  , 
Se  dont  il  eft  aimé  :  ils  ont  enfemble  la  [converfation 
a  plus^  tendre.  Tindare  reproche  aux  Dieux  Tinjudi- 
:e  de  l'avoir  fait  naître  d'ui^k  rang  (î  inférieur  à  celui 
le  l'objet  de  tous  fes  fentimens.  Philenice  lui  dit  : 

•      ••••••• 

PuiCque  c'eft  un  arrêt  du  fort  qui  me  poutfuit  ^ 
Il  faut  aveuglement  fuivre  ta  dedinée ,    - 
Qui  m'ordonne  l'amour ,  &  défend  rh/menéc* 
Je  réconcilierai  quatre  ennemis  puiflàns , 
L'amour  £c  la  vcrm  la  raifon  &  les  fens , 
£t  fçaitraibien  aimer  ,  fans  prendre  de  licence 
Qui  puiilt  défi)eaci£  le  lieu  de  toa  aai^;|noe<* 


2-40      THEATRE  FRANÇOIS. 

Oui ,  Tindare ,  je  t'aime  ,  &  ne  veux  point  de  toi  i 
Je  te  ferai  fidelle  ,  &  te  tiendrai  ma  foi  i 
NourifTant  le  dcfir  ,  je  tuer^  i*efpérancc  i 
J*aimerai  le  parti ,  mais  fuirai  l'alliance  i 
£t  puifque  mon  attente  a  fi  mal  fuccedé  , . 
Mon  coeur  fera  vaincu  fans  être  pofTedé  i 
Si  le  triomplie  au  moins  n'a  fuivi  la  viâoire  y 
,   Un  fécond  après  toi  n'en  aura  pas  la  gloire. 
Va  9  que  bientôt  le  Ciel  te  tire  de  ce  lieu  : 
Mais  je  perdrai  la  vie  en  te  perdant.  Adieu.     . 

Enfin  la  pièce  finît  par  le  mariage  de  Philenîcc 
fon  cher  Tindare ,  qui  eft  reconnu  pour  le  fils  d\ 
plus  riches  habitans  d'Ecolie. 

(  SUJET  D'IPHIGENIE  EN  AULII 
Hacïne  a  traité  depuis  !e  même  fujet  f  qu*il  a  j 
ainfi  que  Rotrou,  dans  Euripide,  que  ce  der 
traduit  fervilement;  mais  fans  y  mettre  les  gr 
beautés  qui  font  dans  roriginal.  Il  n*a  pas  mèm 
ployé  les  ornemens  des  détails.  La  verfificati 
cft  médiocre,  &  le  ftyle  eft  encore  au-deflbus  ;  ps 

fituation.  Céft  une  biche  qui  paroît  fur  l'Aute 

moment  que  Ca!chas  aPoit  plonger  le  couteau  d 

fein  de  la  jeune  Iphigente ,  qui  devient  iijvifible. 

ne  paioît  alors  dans  fon  char  ,  &  annonce  aux  ' 

qu'elle  a  fait  tranfporter  la  fille  d'Agameranon  en 

ride  ,  pour  y  être  grande  PrêcieiTe  dans  fon  tei 

qu'elle  eft  fatisfaîte  de  la  foumiffion  que  ce  Che 

Grecs  lui  a  témoignée;  &  que  les  vents  vont  êi 

vorables  pour  le  départ  de  la  flotte.  Racine»  ai 
traire,  en  empruntant  les  traits  du  génie  du  ! 
Grec^  a  fçu  imroduire  i'épifbde  d'Ëriphile  ^pou 


THEATRE  FRANÇOIS.        %4i 

^re  le.  dénouement  conforme  à  nos  ufages  ;  &  il  a 
Orné  cette  Tragédie  par  le  charme  de  cette  po^Qe 
iiarmonieufe  »  qui*  cara&érife  tous  fe^  ouvrages. 

(SUJET  DE  CLARICE.  )  Avant  que  d'entrer 
dans  le  détail  de  cette  pièce ,  il  eft  nécefTaire  de  (ça« 
voir  que  la  plus  forte  animofité  regnoit  entre  Ray- 
mond père  de  L^andre ,  &  Horace  père  de  Clari•^ 
ce;  que  ce  dernier  ayant  eu  le  de(rous>  a  voit  ^té 
obligé  de  quitter  Gènes  i  fa  patrie ,  &  de  fe  réfugier  à 
Florence  i  &  que  ce  départ  forcé  avoit  encore  animé 
Ta  haine  contre  Raymond.  Le  Le&eur  foupçonne  fans 
doute  que  Léandre  étoit  amoureux  &  aimé  de  CIa« 
rice  9  &  efl:  bien  petfuadé  du  défefpoir  affreux  où  ce 
jeune  homme  eft  plongé  >lôrfqu'il  voit  l'objet  de  fa 
tendreife  forcé  d'abatidonnier  fa  patrie.  Cédant  à 
l'excès  de  fon  amour ,  quelque  danger  qu'il  apper- 
çoive,  s'il  étoit  reconnu  par  Horace ,  il  fe  détermine 
à  fuivre  fa  maitreffe  :  mais  comme  il  avoit  des  pré-* 
cautions  à  prendre  vis*à>vis  de  fon  pere^  quife  feroic 
oppofé  à  fon  départ ,  s'i}  en  avoit  pénétré  les  motiâ  ; 
il  feint  d'aller  en  Efpagne^  &  s'embarque.  Il  eft  prid 
en  chemin  par  des  Algériens  ,  chez  lefquefs  il  refte 
efclave  pendant  (ix  ans>  fans  pouvoir  donner  de  (es 
nouvelles.  Un  jeûne  Gentilhomme  de  Florence ,  t%mj 
mé  Alexis ,  arrive  alors  à  Alger  ^  le  rachetfe  y  le  prend 
à  (on  fervicej  &  conçoit  pour  lui  la  plus  tendre  ami^ 
tié.  Cet  Alexis  avoic  été  amoureux  dlfabelle ,  qui 
fainoqic  ^âe  bonne  foi ,  &  qui  fe  Sattoit  de  V€^\i^<^\. 

Tû/7iâII.  Ci 


ft"î4*       TJÏE  AfkEFRÀNÇ  0:i  S. 

Mais  il  îavoit  abandonnée ,  dès*  cfixc  Clarice  fat  arcii 
vée  à  Florence.  Occupé  de  (on  nouvel  amodr ,  8c 
comptant  fur  i'efprit  &  fur  rattachement  de  Léandre» 
^i  avoit  pris  lei  nom  d'Hortenfe^  &  qui- ^ans  toute 
Ja  pièce  parpit  toujours  fous  ce  nom  \ï%  il.en  avok 
fait  préfenf  à  Horace  ;  m^is  il  i^  Imi  avoit:  pas  encore 
confié  Ton  fecret.  Si^  fiDnées.  d'abfeiKe  avoient  a^ez 
changé  Léandre  9  poar  qu'il  n^  pût  pas  être  reconnu 
Di  par  le  père  ni  par  la  fille.  Il  gagna  Men^tot  toute  la 
confiance  de  ron.nQiiv^att  oiaitr^*  C'eft  dans  ee(te  po« 
fition  que  con^mence  la  Congédie  >  dont  je  ne  donne* 
cai  qu'un  entrait  foçt  cQijçt ,  cette  pièce  étant  rem" 
plie  d'épifodes  reçues>  dan$  ce  tcms-là  $  mai»  abfolu* 
ment  rqettées^  d^s  celui-ci«  Hortenfe  rencontre  Al- 
phode  f  un  de  fes  a^ciei^  ^i$  :^  quî  lui  fair  des  re« 
proches^  de  laifler  fi)n  perQ  da^s^  l'inquiétude  qii$: lut 
caufè  une  aufC  longue  abfence»  $c  quî  lui  tnet. fous  les 
yçux  les,  danger^  où  il  s'eKpofe^»  s'il  eft  reconnu  par 
Horace.   Hortenlè  avoue  Tes  torts  >  les  attribue  à  la 
violence  de  foo  amour  9  &  c^age  (on  ami  à  partis 
pour  Gènes  >  pour  travailler  à  réconcilier  (on  père 
avec  celui  de  Clacice>  &:  pour  tâcher  que  foo  bymen 
a^yec  cette  jeune  beauté  fût  la  bafe  de  cette  récon^ 
ciliaiion.  Alphonfe  fe  lailTe  perfuader  9  ât  part  pour 
entamer  cette  négociation.    Divers  évéoeraens  aflèis 
indifFérens  conduifeot  au  dénouement  :  entre  ajutres  » 
Horace  v^ut  donner  fa  fille  en  mariage  à  un  vieux 
^^d^io  9  qui  n'a  pas.  le  fens  çQjamun^  àiais  qui  éit 


THEATRE  F'RANÇOIS.      ii4J 

fort  riche  &  fort  àmoareux.  Fartni  pldfieurs  {^i^po^ 
iMicoles  r  que  ce  Médecin  dene  à  (on  futur  beau  père  p 

il  lai  pcoinefry  aufTitôt  cjue  Clarice  fera  fa  femme  > 

^    -.  "    •  .  .  ■  ■'■■■■■• 

De  lui  faire  un  fîlypoôcur  dçs  la  naif^ce  p 

Four  marque  du  CçaVoir  donc  le  père  e(i  doué. 

ParoU  enfuit^  Uo  CaCpitanV  perfonnage  aJcfrs  aaffi  & 
la  mode  >  qu'il  feifoit  rrdiciile  aaj6ufd*htii ,  qui  eft  can-^ 
txA  amoureux  de  Ciarice  >  tantôt  dl&betl#,  dont  \é 
rpld  eft  parâite^niefit;  inrotile  dans  la  pièce  ;  car  il  â6 
r^paad  aoconçf  %2(ftté ,:  &-  il  me  fere  qu'à  ptocèrer- 
deg  feènes  très^&ftidieufesw  H  dit  à  fi)ifi  vafet: 

Sçaîâ-cu  mes  qualités  >  Lieutenant  de  la  pefte  , 
Intendant  gfnérsrl  des  nléni^ces  du  fort  y 
Coloiiel  du  canlage  y  êc  Gïtnmis  de  la-mort  y 
L*effroyable  terreur  d^  terre  &  cte  Votât  ^ 
£c  pour  dire  ,  en  un  mot  y  le  deftruâeur-du  monde. 

Ctarice  inftrdite  du  ^rojec  qu'a  Ion  père  de  la  dôn«- 
ner  en^  mariage  ao  vieuss  M édecîiï ,  pour  conferver  h 
foi  pour  Leatiube^  tout  pai^jùre  qu'elle  le  crûit»  for- 
me le  projet  de  l'aller  retrouver  à  Geneâ  ;  puis  réflé* 
chiffant  for  l'iadécence  à  une  fflte  <le  quitter  la  maifont 
gatemeUé ,  eHeidî  aàr^ifleces^  paroles  :  Je  vetfx  partir  ; 

-  '         ■  *  > 

.  .  .«.  •  •  .  Et  toujoa»  mon  honneôr  me  retient  ; 
Mon  honneur  qui  m*efl  cher ,  parce  qu'il  t'appartient. 
Je  n'ofe  te  ehdfchef  â  caufe  que  je  c*aim^  , 
]£t  me  privé  Jk  toi  poui^  l'amour  de  toi  même. 

.'.••.,      ■     _         .  -  -  « 

Quelques  coups  de  bâtons  que  l'on  dotvtvt  ?l^\!^^ï^ 


%44      THEATRE  FRANÇOIS; 

teur  f  rompent  (on  marhge  :  mais  U  fe  j^réfente^n  an^ 
tre  rival ,  qui  plonge  Hortenfe  dans  le  plus  violent, 
défefpoir  :  c'eft  Alexis ,  fon  ^rocieti  maître  9  (bn  amir 
qui  le  prie  de  le  fervir  auprès  de  Clarice ,  donc  il  eft 
amoureux.  La  reconnoifTaAe  engage  Hortenfe  à  le  lui 
promettre*  En  effet  il  l'exécute ,  &  Horaceraccepte 
Alexis  pour  fon  gendre.  Cette  Comédie  devient  alors 
fort  interrelTante.  Clarice»  encore  plus  affligée  de  ce 
nouveau  mariage  quetiu  précédent  1  puifqu'elle  ne 
peut  plijs  prétexter  (es  refus  >  ni  fur  l'inégalité  4e l'âge» 
ni  (ur  celle  de  la  naiflance»  fe  détermine  abfolument 
à  partir.  Elle  rencontre  Hortenfe  ;  &,  pour  le  mettre* 
dans  fes  intérêts  ^  elle  lui  compte  fon  hiftoire;  elle  lui 
avoue  l'excès  de  fon  amour  pour  Leandre.  Celui  ci 
cft  prêt  à  fe  fa^re  connoicre.  Mais  la  probitétriom- 
phe  :  il  préfère  le  bonheur  de  fiin  ami  au  (ien  propre» 
&  détermine  enfin  Clarice  à  retourner  chez  elle: 
Après  cet  eflFort  générenx  i  il  fucconibe  à  fa  douleàr. 
Enfin  Alphonfe  arri^  de  Gènes»  avec  une  efpece 
de  teftament  de  Raymond ,  dans  lequel  il  demande 
pardon  à  Horace  (des  chagrins  qu'il  lui  a  caufés»  & 
le  prie  ,  pour  réunir  leur  deux  faniilles  >  d'accorder  à 
Iteandre  Clarice  en  mariage.  Alexis  apprend  d'abord 
cette  nouvelle  avec  chagrin  :  mais  lorfqu'il  (çait  que 
ce  Leandre  eft  ce  même  Hortenfe,  fon  plus  cher  ami, 
il  vole  au  devant  de  lui,  pour  être  le  premier  à  lui 
apprendre  cette  heureufe  nouvelle.   La  fcène  entre 
les  deux  amis  efl  fort  théâtrale,  Hortenfe  1  tout  entier 


THE ATRE  FRANÇOIS.      ^45 

à  fa  douleur ,  ne  peut  comprendre  le  bonheur  qu*A- 
itrgxs  lui  annoncé.  II  croit  avoir  perdu  Clarice  ^  &  eft 
bien  fur  que  ce  mot  h'eft  plus  pour  lui  qu'un  être 
chimérique.  Ce  n'cft  qu'après  lui  avoir  répété  plu- 
sieurs fois  qu'il  la  lui  cède,  &  qU'Horace  la  lui  don- 
ne ,  qu'U-  a  la  (àtisfaâion  de  le  voir  pafler ,  de  l'ex- 
cès de  la  douleur  ^  aux  tranfports  de  la  joye  la  plus 
pure.  Ils  vont  enfemble  chez  le  bon- homme  Horace  ^ 
où  la  pièce  fe  termine  par  le  mariage  de  Leandre 
avec-Clàrice  ,  &  par  celui  d'Alexis  avec  Ifàbelle^ 
LbrCqué  Leandre  éft  reconnu ,  &  que  fon  bonheur  efl! 
cotJÀdS>ii  ^  Aâeur  ftit  cette  réflexion  : 


■  V      " 


C" 


A  U  En ,  le^écite  obtient  fa  récompenfe  : 

£t  r^tmour  nous  fait  voir  qu^avecque  cpnnoi (lance  , 

Quoiqu'on  s'en  imagine ,  ii  régit  l'univers , 

•£t  qu*U  porte  un  baivds^u  >  fnais  qu'il  voie  au  travers* 


^  jSi  dé.nôs  jours  on  traitoit  ce  fujet  avec  un  peu  de 
fbîn  ije  crois  quHl  auroitun  très-grand  fuccès.  Rotrou 
atoit  traduit  cette  pièce  de  Sfbrza  d'Oddf ,  Auteur 
l^lieo  :  ce  Poëte  étoit  le  plus  grand  admirateur  >  & 
toujours  l'imitateur  de  Plante  ;  &  les  pièces,  qui  nous 
reft ent  de  Jui  9  font  toutes  dans  le  genre  de  ce  celé- 
brt  Auteur  comique. 

,         .îc      .    -       •  .  '         •  •  •        ■  - 

(SUJET  Ï)E*BELISSAIRE.)  Avant  que  d'é- 
poqfèf  t'Empei^éur  Juffinien  ,  Théodore  avoit  aimé 
BeliiTaire  venais  ceiâi  -  ci  >  fidèle  à  Anthonie  ^  dont  'H 
étoit  éperdûment  amoureux  f  n'avoit  janiais  voulu 
s'unir  avec  Théodore;  Bien  tôt  aprèsii'Empereur  la  fait 


0.4^      THEATRE  FRANÇOIS. 

nvontçr  fur  le  Trône,  &  elle  fcmfery^e  dansibo  ç( 
ïe  défir  de  la  vçngeance.  Envain  ce  Mros  'g3gp? 
i)^t^ïl\ç$  f  formel;  des  Royaumes*  Il  ne  p^ut  cri 
pher  de  la  hai^e  de  rimpéjr^trijce  t  qui  yeut  abl 
meot  fi^irje  périr  celui  qui  a  hleifé  fon  at^pur  pr^; 
Elle  réduit  up  Çourcifan  »  nommé  Léonce,  qui > 
les  ha^it;^  4'uii  (bldac  eftrppié  ^  çiendî^a^ ,  vient 
mendier  l'apijQiQiie  au  Général  des  Kooiain^  ^  çpin| 
iaifir  ui^  ipOanç  j^vorable  pour  1^  p(^najr4@r. 
lifTa^ref.  attendri  dç  râat  de^e/foldat  .qj^'Ji  nerQ 
nojflbit  pas  9  Ifii.dpnçe  m^  ciï^^4%^  gpnd  ] 
Léonce,  touché4e  cette  géj^çficéyrfçjoçteà^ifl 
lui  avoue  fon  projet  criminel  »  &•  l'avertit  de  fe 
der  du  courroux  d'une  femme.  C'eft  ainfi  ij^e  fir 
premieT  aSe.  Dans  le  deuxième  9  ppuyp)  aiTail^^t/:  1 
pératrice  ^  au  défefpoir  qoe  Léonce  né  faft 
mieux  fervie ,  trouve  le  moyen  de  corrompre  Nac 
qui  lui  promet  d'exécuter  âdéle^^çt  Ces  ordr^. 
effet,  \1  va  chez  Bi^iiT^jr^^i  &Je  ^cmi^ant  ondoi 
il  veut  profiter  de  ce  moment  ^  lor(qu^il  voit  à  cè^ 
Iqiun  papier  où  fon  nom  eft  écrit  :  il  Hl;  que  l'Ei 
réur ,  voulant  donner  à  fon  favori  les  plus  fprteS  { 
ves  de  (k  confiance  &  de  (on  amitié  »  l'a  voit  laii 
maigre,  de  nommer  celui  qq'it  jqgjsq^  te  plu$^d 
d'être  le  Qpuverneur  d'It^  -^  &  q«P.  p'ét^fe  lui 
frvolt  çhoifi  pour  cgt  inippi;tapt  ^(nplpir  fPiéfi^fi 
reconndi&nce  9  il  ééteile  fon  crl:f^  >  :  &  éctk  au 
de  ce  même  papier  :  garde  «^îoj  du:  courroux  d 


JHEATRE  FRANÇOIS^.      a47 

npe.  L'Impératrice  apprend  bien-tôt  queNarfez 
Ta -pas  mieux  feryie  que  Leoncç»  &  s'adrefle  à 
ilippe»  qu'elle  gagne  ^vec  d'autant  plus  de  facilité  » 
AntJiDniej  4ont  il  eft  amoureux  9  doit  être  le  prix 
fon  crime.  Lehafard  fait  que  Narfez  &  Léonce 
eodent  la  converfation  de  Théodore  avec  Philip* 
:  ^  6c  i^lant  l'enipéicher  d'attenter  aux  jours  de 
r  bienfaiteur  9  Us  rattetident  à  (on  paflage  pour  lui 
r  la  vie*  Il  alloit^  en  ei&t,,  fuccomber  fous  leurs 
ips  9  iorfque  Beliflàire  Xurvient  9  &  voyant  deux 
unies  qui  en  atcaquoient  un  feul  >  prend  fa  défenfè 
les  met;  en  fuite.  Il  ne  veut  point  fe  faire  connoi- 
par  celui  à  qui  il  vient  de  conferver  les  jours  ;  & 
ai»cl  lui  donne  fa  bague.  Dans  le  troijiéme  aBe ,  aa- 
afTaffipat  manqué  :  Philippe ,  qui  igliore  que  c'eft  à 
tiflaire  à  qui  il  doit  la  vie  ^  cherche  toujours  à  exé- 
er  les  ordres  de  l'Impératrice  ;  &  ayant  rencontré 
&meux  Général  >  il  lui  demande  fa  main  à  baifer  ; 
nptant  lui  retenir  le  bras  >  &  en  mème-tems  lui 
rcer  le  cœur.  BeMaire  refufe  l'hommage  qu'on  veut 
rendre.  Enfin  %  vaincu  par  les  inflances  les  plus 
es ,  il  la  lui  donne  :  heureufèmenc  Philippe  recoù- 
It  la  bague»  qu'il  avoit  remife  à  (bn  libérateur  ;  colv- 
fe  à  fes  pieds  qu'il  étoit  venu  par  les  ordres  d'une 
ime  pour  lui  ravir  le  jour;  il  lui  en  dit.a/Tez  pour 
faire  comprendre  que  c'étoit  Théodore  qui  avoic 
ijuré  fa  perte.  Cependant  cette  Princefle,  au  défef^ 
r  de  voir  échouer  ainii  toutes  fes  entreprifes  fur  les 


%48     THEATRE  FR'ANÇOISf. 

jours  de  BelifTaire  ,  ne  veut  plas  (e  rapporter  qa 
elle-même  du  (bin  de  fa  vengefthce  ;  &  ayant  m 
contré  l'objet  de  fon  courroux  fur  un  lit  de  repor 
elle  fe  précipite  fur  lui  pour  lui  percer  le  fèîn ,  Jo 
qu'elle  eft  arrêtée  tout- à^  coup  par  l'Empereur  It 
même.  Ce  Monarque,  croyant  ion  ami  dans  le  fein  < 
repos,  avoit  refpefté  fon  (bmmeil ,  &  atteiidoit  tr 
quillement  qu'il  fût  réveillé  pour  lui  parler  d'af&i 
importantes.  Juftinien ,  indigna  dé  l'aâîoh  de  The 
dore ,  la  condamne  à  l'exiU  &  aflbcie  Beliflaîre  à  l'Ei 
pire.  Il  profite  de  fa  nouvelle  autorité  pour  faire  grâ- 
ce à  l'Impératrice ,  &  pour  la  reconcilier  avec  Coâ 
époux  :  enfuite  il  renoncé  au  pouvoir  fouverain.  Loin 
d'être  touchée  de  cette  aârion  généreufe^  Théodore 
n'en  eft  que  plus  animée  à  la  vengeance.  Le  bâfard 
lui    procure  une  lettre  très -tendre,  que  BeliCTaire 
écrivoit  à  fa  chère  Anthonie.  Elle  la  porte  à  l'Empe* 
reur ,  &  lui  perfuade  que  c'eft  à  elle  que  cette  lettre 
s'adrefTe,  &  que  (on  favori  cherche  à  le  deshonorer» 
Le  trop  crédule  Juftinien  ajoute  foi  à  cette  impoiture* 
&  fans  vouloir  écouter  les  juftifîcations  de  Beliflairei 
il  le  condamne  à  mort.  Lorfqu'on  vient  dire  à  Theo^ 
^ore  que  l'on  conduit  BeliiTaire  au  fupplice,  elle  (e 
fent  déchirée  par  fes  remords,  &  veut  reparer  k. 
crime  qu'elle  a  commis  :  elle  envoyé  avertir  Juftintcn 
qu'elle  Ta  abufé  9  &  que  Beliflaire  étoit  innocent. 
L'Empereur  envoyé  au  plutôt  un  courrier  pour  em» 
pêcher  l'exécution.  Il  arrive  trop  tard  >  $c  ce  béros 


THÉÂTRE  FRANÇOIS.      ^49 

tf^toît  déjà  plus*  Ceft  aînfi  que  finît  cette  Tragédie , 
qui  certainement  eft  au-deffous  du  médiocre.  Rotrou , 
en  voulant  faire  paroitre  dan»  Téclat  le  plus  brillant 
la  vertu  de  (on  héros  ^  fe  fert  toujours  des  mêmes 
moyens.  BelKTaire  s'exprime  (buvent  comme  un  Capi. 
tan  ;  il  eft  platement  amoureux  d'Anthonie.  Juftinien  , 
qui  a  toujours  paiTé  pour  un  très-grand  homme  >  joue 
ici  le  rôle.d'un^  trè$- grand  fbt.  Narfçz,  un  des  hom- 
mes le  plus  vertueux  de  (on  fiecle  >  nous  eft  donné 
comme  un  aflaffin  de  fang-froid  :  &  ce  même  Belif- 
faire  9  fi  fbuvent  Ëinfaron  »  lorfqu'il  eft  condamné  à  la 
mort  f  reproche  baflement  à  l'Empereur  les  différen- 
tes Qccafions  où  il  lui  a  fauve  la  vie  >  lui  rappelle 
combien  de  Royaumes  il  a  conquis  pour  lui>  combien 
de  vidoires  il  a  remportées  ^  &  combien,  de  fois  il  a 
obtenu  les  tiônneurs  du  triomphe;  &  le  tout>  pour 
demander  la  vie.  Ennn  9  cette  pièce  eft  pleine  dedé- 
Êiuts*  L'un  des  principaux  >  c'eft  que  l'on  ignore  ce 
que  devient  la  coupable  Théodore  r  que  Ton  ne  fçaic 
pas  davantage  le  fort  de  la  tendre  Anthonie  ;  &  que 
Ton  n'eft  pas  plus  inftruit  de  ce  que  penfè  l'Empereur 
après  ce  funefte  événement* 

(  SU  JEÏ  DE  CELIE.  )  Je  ne^croîs  pas  avoir 
fait  l'extrait  d'une  pièce  plus  mauvaife  que  celle  --ci  : 
elle  eft  fans  intrigues  9  fans  intérêt  &  mal  écrite.  Je 
me  (èrois  même  difpenfé  d'en  parler  >  fi  je  n'a  vois  cni 
devoir  faire  également  connoitre  Rotrou  ^  &  dans  fès 

défauts  Se  dans  fes  grandes  qualités.  Deux  frères  » 

Dom  Alvare  &  Dom  Flaminie  >  neveux  du  Vicerôi 

de  Naples»  à  llnfçu  l'un  de  raiitre,  (ont  tous  deux 

amoureux  de  Celle  a  fille  d'Euphrafte  ;  Gentilhomme 


a^o      T  HÈ  AT  RE^  FRANÇOIS-. 

Napolicam  >  &  fort  pauvre.  Alvare  a.rni^  4ans  (es  iû« 
cérèts  Lucinde  t  fille-de- chambre  de  Celiez  Agafie> 
vakt  d'Euphrafte,  eft*dans  ceux  de  Ffaminfc  :  mr"' 
ramour  a  rangé  Celle  du  parti  de  Dom  Âtvare.  F 
minle  ayant  appris  que  fon  oncle  >  malgré  (Iqégalité 
^es  ripbelTes  >  avoit  confenti  au  mariage  d*Alirace  avec 
Celie  ,  a  recours  aux  moyens  les  plus  odieux  po 
rompre  cet  hymen.  Il  va  trouver  fort  frôre  ;  il  lui 
qu'il  s'intérefle  trop  à  fa  gloire  &  à  fpn  bonheur  ,  pour 
lui  laifTer  coptraâer  un  hymen  aufli  honteux  ).&  pour 
se  pas  l'avertir  que  Celle  n'étott  qu'une  fille  abaudou- 
néej  qui,  j[ùfqu'àpréfent,n*a voit  eii  d^aùtf'e  revenu 
que  celui  qu'elle  s'étoît  procuré  par  Tes  complaifances 
criminelles  ^^ue  lui-même  en  payant  ayoit  obtenu  Tes 
&veurs«  Alvare  fé  met  en  fureur  contre Ton  frère  >  & 
ireut  le  punir  d'ofer  attenter  à  1»  répâtatidn  de  Celie. 
Cefui-ci  lui  propofe  de  lui  donner  cette  même  nuit  îa 
preuve  de  ce  qu'il  vient  de  dire ,  &  lui  mpntfe  une 
lettre  de  Celie  9  qui  lui  alTigne  un  rendez* vous»  En 
efïèci  4^<]ue^e'fatll  fuom^^ût:  eflraïri\^é>l^  pauvre 
Alvare  eft  témoin  qtf  Agafte  introduit  ^at^ec  myftere 
Fiaminie  dans  la  m^ifbn  d'Euphraftè.  II  fe  retire  fîw 
lieux  ;  &  lé  lendemain  ayant  rencontré  Euphraâe ,  il 
lui  annonce  qu'il  rompt  avec  fafîlle»  &  liû  raconte 
tout  ce  qui  s'eft  paflé,  Le  bon  homme  au  défefpoir 
de  l'infamie  de  Celie  f  va  tout  auffi-tôt  lui  pbnger  un 
poignard  dans  le  cosur*  Flamipie  a{>pre&d  bien -tôt 


THEATRE   FJRANÇOIS.      a^i 

te  funefte  npi^velle  >  &  voyant^ue  (on  impofture 
fervi  qu'à  faire  périr  l'objet  de  fa  tendrelTe  >  il  fe 
t  déchirer  par  les  remords  les  plus  cruels  >  &  va 
^t  avouer  à  Ton  frère.  Ils  vep|çptcous  deux  mourir  ^ 
0^  expier  l'un  Ht  mlomnie^  Tautre  (on  trop  de  cré- 
lité ,  &  fe  (^ifp^tent  long-cems  lequel  eft  le  plus 
ipable.  Cependant  Eupbrafte  >  rendu  à  lui  •  même» 
t  qu'il  n*apas  trop  bien  Ëtit  d'écouter  fi  légèrement 
i  premier  Qipugement  9  &  de  tuer  ainfi  fa  fille  fans 
avoir  dooné  feulement  le  tems  de  (è  juftifier.  Il  va 
:cufer  au  Vijpe^oi  de  ce  crîme^  odieux  ;  mais  il  l\à 
itient  en  m^c^rtems,  que  lè$  4eux  neveux  font 
nplices  de  (à  mauvaifè  aâîon  ;  &  que }  fans  écouter 
i^oix  dii  fang»  ^  n'écoutant  que  celle  de  la  jufiiceà 
3e  peut  fe  iJifpeofer  de  les  faire  périr  tous  troiiè 
s  deux  frères»  plongés  dans  4e  défefpoir  de  la  mort 
Celief  eonviet^neittf:  qu'BuphfaCie.  a  raifôn^  &  & 
nouent  volontiers  à  perdre  la:viç.  Le  Viceroi-qui 
loit  fes  neveux >  eft.aiTez  emharraifê.  Enfin >.pout 
tirer  d'affaiiie  ^il  prononce  que  pour  qui  cherche  à 
lurir  9  la  mort  n'eft  pas  un  foppUce  >  &  qu'il  a  ima« 
é  un  moyen  bien  plus  fôr  pour  les  punir  tons  trois. 
ttfreuCeiQ!ÇPt  qu'Euphrafie  avoit  encore  une: fille  fort 
le.  nommée  ISnene^  Il  ordc^ne  donc  à  ce  maU 
ireuK  père  de  vivre  9  pout  ^voir  le  Jtems  de  fe  repeui» 
de  fon  crime;  au  tendre  Alvare  de  conferver  fes 
rs  y  pour  pleurer  fans  ceiTe  (k  maitrefife  ;  &  à  Fla- 
licj  comme  au  plus  criminel»  d'époufer  la  jeune 


x^x      THEATRE  FRANÇOIS. 

Ifinene.  On  auroic  peine  à  imaginer  ce  qbi  arrive  de 
ce  beau  jugement.:  c'eft  qu'Euphrafte  eft  tout-à-coap 
confblé,  &  dit  qu'iV  gagne  beaucoup  à  ce  marché  i 
poifqu'au  lieu  d'une  fille,  il  acquiert  un  fils;  c'eftqoe 
Flaminie,  oubliant  Celle  avec  l#mème  fecilité ,  avoue 
<|Q'iI  eft  au  comble  de  la  joye  9  &  quil  trouve  Iftnene 
Ibrc  à  {bn  gré.  Mais  ce  qui)  y  a  de  plus  furprenaot  ^ 
encore  :  c'eft  qu'Alvare,  ce  modèle  des  par&its  aman^i 
eft  outré  de  jaloufie  du  bonheur  de  (bn  frère  ;  c'eft 
qu'il  (butient  qu'il  époufera  Ifmene  rau(fi-bien  que  lui; 
J6l  qu'il  eft  bien  bieare  que  Flaminie  /étant  reconnu  le 
plus  coupable ,  au  lieu  d'être  puni  comme  il  le  mè« 
rite  y  reçoive  au  contraire  une  récompenfe  aulfi  agréa- 
ble*   Enfin  9  cédant  au  tranfport  de  fai  colère.  &  au 
dèfir  qu'il  a  d'époùfer ,  il  tire  à  moitié  fon  épée  >  & 
|ure  que  ce  n'eft  que  par  fa  mort  qu'on  [^eut  pofleder 
Ifuiene.  Flaminie  9  qui  meurt  auffi  d'envre  de  fe  ma« 
rieri  lui  répond  peu  tendrement  qu'à  cela  ne  tienne  1 
&  accepte  le  combat*  Le  pauvre  Viceroi-eft  dans  le 
ptus  grand  embarras >  &  cherche  ënirsin  à  calmer  l'a- 
cimoQté  de  fes.neveux.    Enfin  Pou  ne Içait  ce  qui 
alloit  arriver  »  lorfque ta  jeune  Ifmene  parait  >  &  vient 
annoncer  que  Celle  eft  en  pleine  (ànté  ;  que  fon  père 
aveuglé  par  la  colère ,  n'avoit  porté  qu'un  cotip<>  qui 
avoit  gliÏÏé  fur  fa  gorge  »  &  que  faifie  pat  la  frayear 
elle  s'étolt  évanouie.    En  effets  on  la  voit  bien  «rôt 
parokre  plus  belle  ^ue  jamais  :  le  calme  r^nait  dans 
le  coeur  d'Alvare  ;  &  comptant  époufer  (;^le«ci  ^  il  rer 


THEATRE  FRANÇOIS.       x$3 

ice  fans  peine  à  Ifmene ,  Celie  fait  un  peu  !a  rçn- 
rie  >  &  pardonne  enfin  à  Alvare;  ;  &  le  mariage  des 
kx  frères  avec  les  deux  fœurs  termine  xecte  eiù 
'eûfe  Tragi-Comédie. 

[SUJET  DE  LA  SŒUR.)  Autant  que  faî  cm 
iivoir  annoncer  la  pièce  précédente ,  comme  une 
s^plus  mauvaifés  donc  j'aye  encore  rendu  compte  « 
:ant  je  crois  pouvoir  dire  que  je  n'ai  pas  jufqu'à 
^nt  parlé  d'aucune  »  mieux  conduite  &  plus  in» 
«(Tante  que  celle-ci.  Le  fujet  en  eft  heureux;  le» 
fs  en  font  nobles  &  aifés;  &  Von  ne  peut  pas  s'em- 
cher  d'être  furpris  que  ces  deux  ouvrages  foicnt  de 
même  main.  Il  eft  vrai  que  je  foupçonne,  avec 
elque  fondement  „ que  celui-ci  pourroit  bien  être 
e  traduâion  de  ce  même  Sfor2a  d'Oddi ,  duquel 
>trpu  avoic  déjà  traduit  Clarice.  La  Sœur  eft  abib- 
nent  dans  le  genre  que  cet  Auteur  avoit  adopté , 
:ft-à  dire ,  dans  celui  des  Auteurs  dramatiques  La- 
is ;  mais  foit  traduârion  ,  foit  imitation  »  Rotrou  ne 
•us  a  pas  moins  laiflié  une  pièce  excellente  9  dont  je 
is  rendre  compte  dans  le  plus  grand  détail  >  elpe- 
nt  pouvoir  engager  quelqu'un  des  Poètes  de  nos 
urs  à  la  rendre  fufceptible  de  paroitre  fur  notre 
éâfre>*où  je  crois  qu'elle  pourroit  faire  un  grand 
fet.  ' 

(  A&e  premier  ,  fcène  première.  )  Lelie  1  amoureux 
Aurelie ,  confie  à  Ibn  valet  Ergafte  >  le  défefpoir  où 
eft  de  ce  que  (on  père  veut  lui  faire  époufer  Eroxe- 
e  )  &  le  conjure  de  chercher  des  moyens  pour  rbm* 
re  ce  fatal  hymen.  Ergafte  lui  confeiUe  de  fe  confier. 


454      THE  A  TR  È  FRANCO  IS. 

à  Erafte,  qui  étant  amoureux  &  aimé  d'Eroxenci 
fera  certainement  charmé  de  le  fervir  en  cette  occa- 
fion  ,  puifqu'en  mème^tems  il  fe  fervira  lui-même.  11^ 
vont  enfemble  le  chercher,  [fcèrie  deuxième)  Lydie, 
fervante  d'Orgie ,  oncle  d'Eroxene ,  &  par  conféqoeot 
confidente  de xrette  jeune  beauté ,  cherche  Erafte  pdur 
lui  apprendre  une  fâcheafe  nouvelle^' (/c^Aze  troifiémt) 
Erafte  joint  Lydie  :  celle-ci  lui  apprend  que ,  dès  le 
foir  même ,  Lelie  doit  être  l'époux  d'Eroxene.  Enfte 
au  défefpoir ,  prend  le  par^  de  fe  battre  contre  fûtt 
rival,  ifcéne  quatrième)  Lelie  vient. avec  empreffe- 
ment  joindre  Erafte^  qui  le  reçoit  très^ froidement ^ 
&  qui  lui  avoue  qu'il  le  regarde  comme  fon  rival 
Pour  le  détromper ,  il  lui  conte  fon  hiftoîre.  Il  y  a 
près  de  quitize  ans  que  la  Reine  de  Pologne  voulut 
faire  venir  à  la  Cour  ma  mère  &  ma  fœur  ;  elles  fe 
mirent  aufTi-tôt  en  mer  y  &  on  ignore  leur  fort.  Eofiù 
il  y  a  environ  deux  ans  que  mon  père  apprit  qu'elles 
étoîent  tombées  au  pouvoir  dunCorfeîre;  il  fçiA  ^ue' 
manière  a  voit  été  vendue  &  tranfportéc  à  Conftan- 
rinople  >  qu'on  avoit  vendue  ma/oeur  à  un  autre  Mar- 
chaud;  mais  qu'on  ignoroit  ce  qu'elle  étoit  devenue. 
Sur  le  champ  9  il  me  fit  partir  avec  la  rançon  de  ma 
mère*  J'arrivai  à  Venife  >  où  je  devins  éperdûmént 
amoureux  d'une  fille,  nommée  Sophie  f  qui  iervoic 
dans  l'hôtellerie  :  elle  me  dit  qiïe ,  fans^  connoître  ks 
auteurs  de  Tes  purs  y  elle  (çavoit  feulement  qu'elle 
étoit  d^une  iliuftre  naiilknce^  &  qi>'6Ué  avoit  été  fiite 


'       THEATRE  FRANÇOIS.       a^^ 

sfclàvë  dès  fa  plos  cendre  enfance.  Sa  fagefle  >  (a 
beauté  m'attachèrent  à  elle  pour  le  refle  de  ma  vie  s 
&  (lir  de  mourir  de  douleor,  fi  je  b  qtsitroisuninftant, 
^  confiai  mon  amour  &mes  in<)uiétude9  à  E^gafte, 
)ui  me  confeitla ,  après  avoir  vu*qu'enyaiir  iï  voulœt 
ne  diftraîre  de  cet  engagement  y  de  refter  iricognit0 
mprès  de  ma  maitrefTe  le  tems  que  je  devois  em^^ 
)Ioyer  pour  fadre  le  voyage  de  Gontiantinoplç  ;  après 
juoi  }e  reviendrois*  re^ouver  mon  pere>  ^  qtnjera^* 
nenerois  Sophie  y  que  je  diroîs  être  ma  fœur  Aureliev 
que  î'avoisr^racbetëe  à  Condantinople  d'un  Marchand 
d'efclaves  y  qui  en  même-tems  m'a  voit  appris  la  mort 
de  ma  mère.  J'exécutai  fon  confeil  :  je  fuis  revenu  id 
&vec  la  jeune  Sophie  j  qui  paiïe  pour  ma  fœur  Aure- 
lie  ;  je  lUdore  chaque  ]oar  de  plus  en  plus  ;  je  fuis 
même  engagé  avec  elle  par  un  mariage  fecret.  Jugez 
maintenant  Ci  vous  devez  être  jaloux  de  moi ,  &  fi  lé 
mariage  d;Eroxenfe'  ne  m'eft  pas  pTus  fâcheux  qu'à 
vous-même.  Ergafle,  ennuyé  de  la  longue  hiftoire  de 
ion  maicre,  prend  la  parole»  &  leur  dit  qu'il  n'eft 
qu'uB  moyen  pour  les  tirer  intrigues  ;  c*eft  que  LeKé 
accepte  avec  tranfport  la  propolicion  que  doit  tuf  faire 
(on  père  d'époufer  Eroxene  ;  &  qu'Erafte  lui  deman- 
de en  nïêmetems  Aurelie  ett  mariage»  &  de  h  pren- 
dre fans  dot»  Article  néceifaire ,  puifqu'il  l'avoit  déjà 
promife  au  vieillard  Polidore  fous  la  même  condition  9 
Se  que  certaiùement  par  ce  moyen  ils  gagneroient  du 
moins  du  temr.  Les  deux  jeunes  gens^  enchantée  de* 


l'unir  avec  Polidore.  Anfelme  >  qui  paroic  dans  < 
ment,  empêche  la  converfation  d'aller  plus  loin, 
s'en  va  dans  la  chambre  d'Aurelie  >  pour  lui  coi 
qu'ils  ont  projette  pour  (brtir  d'embarras  ;  .&  E 
reifte  avec  le  vieux  Anfelme»  qui  ,paroic  méc 
de  l'affiduité  trop  marquée  que  Lelie  témoigo 
fœur.  Ergafte  qui  joue  le  perfbnnage  d'un  vale 
gant  &  plaifànt ,  à  tout  ce  que  lui  dit  le  vie 
répond  toujours  :  c'eft  la  coutume  de  Turquie  ; 
à  la  Hn  impatiente  Anfelme»  qui ,  pour  changer  ci 
verl^tion ,  lui  dit  qu'il  prétend  dès  ce  fuir  mèn 
rier  fà  fille  Aurelie  avec  Polidore."  Erg?ifte ,  qt 
dégoûter  le  père  de  (on  maître  de  ce  mariage , 
que  Polidore  n'eft  pas  aulTi  riche  qu'on  le  croit, 
il  lui  dit  que  ce  même  Polidore  fe  mocquoit  fam 
de  lui ,  &  publioit  par  tout  qu'il  avoit  plufteurs  i 
tnodités  perfonnelles  >  qui  rendoient  fa  focié 
defasréable.  Quand  Ergafte  voit  le  bp0<*hom 


THEATRE  FRANÇOIS.       %Sy 

avoue  à  fa  confidente  qu'elle  eft  jaloufe  des  ai&duitâ 
de  fon  amant  chez  le  frère  d'Aurelie»  &  qui  la  char- 
ge de  veiller  à  ce  qui  fe  pafle  ,  &  de  lui  en  rendre 
compte.  Lydie ,  reftée  feule  ^  fait  des  réflexions  fur  la 
piûifance  de  l'amoar  :  Lelie  la  joint.  Et  comme  pour 
exécuter  le  projet  convenu  >  il  eft  fort  preffé  d'aller 
trouver  le  bon-homme  Anfelme  f  il  lui  parle  fort  à  la 
bâte 9  &  s'arrête  peu  avec  elle.  {Scène  fixiime)  Anfel- 
me paroit.  Erafte  i  qui  croit  Lydie  bien  loin  ^  l'aborde 
avec  emprelTement ,  lui  exagère  (on  amour  pour  Aa<> 
relie ,  la  lui  demande  en  mariage  »&  l'obtient.  Lydie» 
qui  s'étoit  cachée  dans  un  coin  >  &  qui  avoit  entendu 
toute  la  conver&tion^  déclame  dans  un  monologue  con- 
tre la  perfidie  des  hommes»  &  fe  prépare  à  avertir  (à 
maîtrelTe  de  l'infidélité  d'Erafte.  Le  troîfUme  aSe 
commence  par  le  vieillard  Geronte»  qui  arrive  de 
Conftantinople  avec  ibn  fils  nommé  Horace  ;  ils  fonts 
tous  deux  vêtus  à  la  Turc  ;  &  te  fils  nç  parle  que  cette 
langue.  Ces  deux  perfonnages»  fur-tout  celui  du  fils, 
(ont  très-épi(bdiques  »  &  fort  inutiles  à  la  pièce  »  où 
ils  ne  fervent  qu'à  amener  une  fcène  y  qui  veut  être 
plaifante.  Enfin ,  le  bon  -  homme  Geronte ,  enchanté 
de  fe  retrouver  dans  fa  patrie ,  apperçoit  Anfelme  & 
n  l'embraftr  :  enfuite  il  lui  dit  qu'il  a  vu  fa  femme  à 
Conftantinople  )  qu'elle  eft  en  bonne  fanté,  mais  fort 
farprife  du  peu  d'empreflement  qu'il  a  pour  la  rache- 
ter. Anfelme  alTure  que  fa  femme  eft  morte,  &  quel 
Geronte  radote  >  fur-tout  lorfqa'U  ]fà  foutiedt  que  ja* 
Tome  IL  Ml 


XS8      THEATRE  FRANÇOIS. 

filais  là  filk  Aurelie  ti'àvoit  para  dans  Codftantino 
Geronce  lui  remet  alors  une  lettre  de  Conftance. 
(èlme  ne  peat  fe  refufer  à  cette  preuve ,  puifqoll 
connok  la  main.de  fa  femme.  li  appelle  fa  fille  A 
He  pour  la  pr^fenter  k  Gerônte  »  &  pour  qu'elle 
prenne  par  lui  des  nouvelles  de  fa  mère»  Cette  ( 
]«tte  le  pauvre  Anfelme  dans  la  plus  grande  pei 
xité  i  car  Geroûte  fentîent  <}u'Aitrelie  veut  Tabi] 
^'elle  n'eft  pas  (a  fille  j  &  qu'il  Ta  vue  fervantc 
cabaret  à  Venife*  Aurelie  fe  récrie  contre  llmpei 
du  vieillard»  Se  fe  retire.  Celui-ci  quitte  Anii 
potir  quelques  affaires  »  &  liii  laifle  fon  fils  jufqu'i 
retour.  Anfelme  fait  fes  réflexions  fur  ce  qui  vien 
fe  paffer;  lorfqull  eft  joint  par  Oelie  &  Ergafte 
queftionne  fon  fils  fur  Ion  voyage  à  Conftantino] 
&fur  ceux  qui  lui  ont  afluréqueOonftanceiétdit  me 
L*elîe  s'embarraflfe  :  Ergaftç  prend  la  paitofe  >  & 
pond  pour  fon  maître  >  6c  foutient  à  Anfelme  que 
ronte  s'eft  voulu  moequertle  fui  ;  ^pour  lelui  prou 
il  quefttonne  Horace  dans  tme  langue  qu'il  fabr i 
fût  le  champ.  Honrèe  fiirpris  lui  répond  -en  T 
Êrgààt  explique  à  fa  façon  toutes  ks  réponfes  d' 
fftce>  &  finit  par  perfuader  à  Anidine  queGero 
ée  îaveu  de  fon  fils  ,  Aoit  un  peu  yvre  ,1orfqtrt 
avoit  parïé.  Leiie ,  enchanté  de  f  dprit  de  fon  va 
fit  croyant  êtne  forti  d'mtrîgue ,  fe  retire  avec  lui. 
ronte  vient  retrouver  Anfelmet  qui  lui  reproche^ 
mauyt^eé  pkilanteries  6c  fonyvreffe*  Cehii-ci 


TffEATfiE  fRA}{ÇOIS.      *5.9 

tçitt  furpris ,  fut  -  tout  iQf  rqu'^t^ffilme  lai  fmmt  qtt6 
(pa  fils  <|  tout  9iyoué.  |1  garlç  boQ  Tqfç  ^  Horace  f  qui 
\\^  r^pppd  qu'un  hof^n^f  lui  avQ^  parié  en  uue  lam 
glAe  qui  li||  ^oh  tpt|^|ei):|en(  iuCQUUue ,  quHl  lui  avoil 
r^popdu  qft)?|qqe^  motç  ppur  lui  dire  qu'il  ne  l'enteiH 
dojt  pa^  >  $c  que  ç'â:^i(  i^  tout  ce  qui  s^étoit  paifif; 
Qeroope  ^iTure  JVnfi^Iuie  qu-qn  çl^erche  è  le  tromper^ 
j^  s'en  v?if  J^nÇplmP  i  f  efté  feul  %  fe  promet  bien  de  fii 
yipnger  d'prg^^^.  Ce0:  i^iuii  que  finit  Attréfiéme  aSei, 
|>  qiuffriim^  QDitqmf  ncf  par  I^eiie  ^  qi^i  rit  encore  avee 
^f g^(le  de  l-ko^tçux  (Iratagème  qu'il  avoit  eniployé 
pour  tfPiBper  fqp  père.  Il^i  (put  Ipçj^rrompus  par  Tarf 
rifjée  d'une  ff^mmP  vêtue  ^  U  Turque  9  ^qi  y  iapr&s  plui» 
(ie^rç  qçegiQj)^  t  fp  &it  f  nfiu  cpupoltré  pour  Confilb^ 
f:e  »  feipm?  d'Aufelme  de  mère  de  Leiiê«  Celui  -oâ 
pr^pd  Ip  ^irti  (de  lui  coût  ^vpuer.  Cette  tendre 'merg 
p?rdppD^  à  Tpn  fite»  S^  lui  promet  même  d'appûyer  & 
g^iirjberie>  S?  de  faire  pfifibr  aus  yeux  d'Ânfelme  Sa» 
pbif  ppur  i^  fille  Au|:elie«  Srgafte  fort  pour  aller  avec# 
fi^  i^  feipt^e  Ayrelie  de  tput  ce  qui  vient  de  fe  paSer^ 
le  du  rple  q^'^le  doit  Jouer  brfqu'elle  parpitra  dèf 
i^Ut  CPUftwce»  Ia  fçène  troifUm  fe  pafle  entre  Coqr 
ft|i|/ce  &  Mie ,  qui  témoigne  à  ffi  njere  Fexcès  de  & 
tÇQd^efle  if.  de  f»  r/bCQnnpiAance.  L'arrivée  d'AnfeIt 
fo^  I  qid  vient  etpbral&f  &n  époufe  »  forme  lu  fcinf 
^^iiéi€.  Il  t^oigoe  conte  (à  joye  de  fon  heureux 
rf  fpur  »  &  ordpufie  qfi'on  fa0e  deicendre  Aurelie  pour 
vmrfii  ioere^  &:^s  çia^uiimc*  Aucelie  fe  Jette  àucsi^ 


i^â    THEATRE  FRAf/ÇOrs. 

de  &  miere  ,  qui  Tembrafle  avec  la  plus  grande  tcn^ 
drefle.  Anfëlroe  enchanté  de  Ton  bonheur  >  fe  retire 
avec  fa  fille  ;  &  \^JcèneJixiéme  fe  pafle  entre  Confian- 
ce y  Lelie  &  Ergafte.  Cette  fcène  eft ,  on  ne  peut  pas 
plus  intéreflante.  Ergafte  fait  des  complimens  à  Con« 
fiance ,  for  la  manière  fubtile  donc  elle  a  joué  (on  rôle  ; 
elle  héiite  un  inftant ,  &  apprend  enfin  à  Ton  fils  qu'Au- 
relie  eft  réellement  fa  fœur.  Lelie  fe  défefpere  ;  fa 
mère  Texcufe  fur  l'ignorance  où  il  avoit  été  de  la 
oaiffance  d'Aurelie  ,&  centre  chez  Anfelme»  de  peur 
c]u'il  ne  le  furprenne  dans  Tétat  de  fureur  où  il  e(t. 
[Scèae  Jeptïéme)  Lelie  veut  mourir;  Ergafte  cherche 
aie  cônfoler»  &  lui  perfuade  d'aller  trocfVer  Erafte* 
^cène  huitième)  Erafte  arrive  d'un  côté,  &  Eroxene 
de  l'autre.  Il  eft  fort  étonné  de  la  trouver  dans  la  plus 
grande  colère  contre  lui.  Il  ignoroît  que  Lydie  avoie 
entendu  la  converfation  qu'il  avoit  eue  avec  Anfelme 
datis  Iç  feconi  aêle  y  &  qu'elle  en  avoit  rendu  compte 
à  fa  maitrefle  :  il  veut  fe  juftifier;  elle  le  quitte  en  lui 
défendant  de  la  voir  jamais.  {Scène  neuvième  )  Erafte 
fe'  défefpere  de  la  cogère  d'Eroxene  ;  &  il  ne  fçait  à 
quoi  Vaitfibuer.  (  Sci/itf  dixième  )  Erafte  rencontre  Ly- 
die ;  il  veut  s'eitpliquer  avec  elle  fur  le  courroux  d'E- 
rbxene  :  celle  -  ci  ne  veut  point  l'entendre  ni  lui  ré- 
pondre ;  dans  l'excès  de  fa  douleur ,  il  la  quitte  pour 
aller  confulter  Lelie.  La  fcéne  onzième  fe  pafle  efttre 
Orgie ,  oncle  d'Eroxene ,  &  Lydie  9  &  eft  bien  né- 
ceilaire  au  dénouement.  Le  vieillardi  en  colère  d'avoir 


THEATRE  FRANÇOIS:       %6t 

trouvé  Lydie  en  converfation  avec  Erafte ,  lui  fait  les 
reproches  les  plus  outrageans.  Il  la  veut  faire  rentrer 
chez  lui  9  où  il  rafTure  qu'il  la  battra  tout  à  Ton  aife. 
Celle-ci ,  effrayée  de  la  menace  ^  n'y  veut  abfolumenc 
pas  rentrer  ;  &  le  pétulent  vieillard  la  prend  par  les 
cheveux  9  &  l'entraine  malgré  elle  chez  lui.  Le  cm- 
quîéme  aâe  commence  par  Lydie  ^  qui  fort  furieufe  de 
chez  Orgie  >  qui  l'a  battue  outrageufement.  Elle  (ë 
promet  de  fe  venger  promptement ,  &  feprOpofe  pour 
cet  effet  d'aller  trouver  Ânfelme.  (  Scène  deuxième 'y 
Elle  le  rencontre  tout  à  propos  »  &  lui  raconte  qu'Âu- 
celie  »  qu'il  croit  fa  fille  |  eft  fille  d'un  certain  Pamphi- 
le»  frère  d'Orgie,  &  mort  depuis  quelque  tems;  & 
qu'Eroxene  ^  qu'pn  tient  pour  fille  de  Pamphile  >  l'eft 
de  Confiance  &  de  lui.  Anfelme  étonné  lui  demande 
l'explication  de  cette  énigme.  La  voici.  LorfqueCon- 
fiance  mit  au  monde  Âurelie  >  on  la  donna  à  nourrir  à 
Fenice>  femme  de  Pamphile.  Cette  Fenice ,  qui  >  de 
(on  côté,  venoit  d'accoucher  auffi  d'une  fille  ^  promit 
de  donner  ion  enfant  à  élever  à  une  nourrice  »  &  d'a- 
voir (bin  de  la  fille  d'Anfelme.  Elle  fit  tout  le  contrai- 
re :  elle  donna  Aurelie  à  élever  à  une  nourrice  y  (buS 
le  nom  d'Eroxene  ^  &  éleva  fa  propre  fille ,  (bus  le 
nom  d'Aurelie  >  &  la  fit  paffer  pour  fille  d'Anfelme  p 
efpérant  >  avec  le  tenis ,  que  la  feinte  Aurelie  leur  té« 
moigneroit  fa  reconnoiffance  de  l'avoir  tirée  de  rindi«« 
gence  où  le  Ciel  la  defiinoit.  Un  hafard  heureu:ij:,  queU 
^ue  tems  après  >  procura  à  Pamphile  des  richeffçs^forc 


ultérieures  à  telles  d'Abfeltâe.  Il  vôulôt  àXoks  wimi 
la  vérité ,  &  irtpretidtie  4a  61te^  Gë  fbt  d^iis  ce  tems- 
là  I,  tjuJeUe  fut  elitevée  atèc  ConSÀtrce  ^zk  xm  certain 
Turc.  Ptà  de  tems  après>  Pâhi^hltè,  fetitàt^l:  là  fin  pro^ 
chaîne  >  donna  Toh  bien  à  fen  flrere  Orgie  ;  tnàis  à  là 
charge,  eo  cas  iqu'bh  ittroiiva  la  fkùfle  Àurèlie^  de 
h  éàKei  dé  di:jt  mHle  dticàts.  Elle  apprfehd  èm  tnëme« 
cèn»  &  Atifehttè  i'atttô^  de  Lèli^  pbtut  cette  fatiilfe 
AureKèrfc  lui  dit^ûll  eft  dans  lie  droit  de  répéter 
Ces  dix  niilte  ducats ,  ptsirqitte  \t  teftàtn^t  eft  tn  bon- 
ne ferme  ictae^  un  Notaires    bifférent^e^  jpréùvés  ne 
péthrent  plâ$  {j^Ëiëttre  à  Anfi^tnê  de  doiitèt  dé  Ik 
vgrîté  dfe  cme  biftofrê.  Il  Va  ttrouvet  Oiçiè  >  qui  re- 
i&et  f  avec  un  pett  de  peiné  >  fes  dix  ihille  dtrcàts  ;  lit 
le  nmtiaîgè  de  Ldié  avec  Sophiie ,  Ifit  ^'Erafte  ^oi  fe 
îuAiSe  ailÎMctat  àvë'c  Etoxelû^ ,  tèrihibe  ceinte  pièce  i 
^  }'avouè  avoir  tr  otivé  cfaarmantie.  ^ 

(SUJET  DU  VÉRITABLE  SAtNt  GENEST.) 
Pôèr  récom j)ebftr îa  valeur  deMàtîmîn,l'Èttipéreûf 
Skldétl^  Itti  accordeiàfinè  eh  iûaHagè  :&  pour  rdem- 
dtf^  la  pôitij^e  de  tét  h/méh  >  on  BAt  Venir  dés  Corné- 
4Jeft6  ^ui  l'épréfèhtent  une  Tragédie  ^  dotlt  l'aâ^oti  eft 
le  martyre  d'Adrîàh,  dont  Génttt ,  CÔëbrè  Àâeair, 
repi'âën^  te f Àlè.  Il  lé  joûéliftipârietirefiieût,  qo'au 
niiHéu  âïèâ^dela  ptécè/ilèhtéçoit  dés  tote^liménsdt 
rË«|>eréâr  K  dé  totité  là  Gour.  Lt>ir%u*a  arrive  au  mo- 
Itïeiit  dan^  la  piéée  où  l'on  hd  promet  toos  lôs  hoonenri 


THEATRE  FRANÇOIS.      ^63 

qu'il  peut  délirer,  s*il  veut  renoncer  au  vrai  Dieu^  &  où 
on  loi  &it  Yoir  tous  les  fupplices  préparés ,  s'il  perfifie  à 
ne  TOidoir  point  âcrifier  aux  Idoles  :  enfin  briqu'il 
fait  ùi  dernier^  profisffion  de  foi ,  où  f  loin  d'être  inti« 
tnidé  par  Tappareil  des  tourmâns  y  il  démontre  ia  va^ 
nîté  &  l'ihipuiflance  des  £uix  Dieux  ^  &  où  il  établit 
les  ointes  vérités  dn  Chriftianifme  y  Genefi  >  tout-à* 
coup  pénétré  fie  éclairé  par  un  rayon  de  la  grâce  f 
déchre  hautement  qu'il  a  embraflé  les  feotimens  de 
cdoi  dont  il  repréfentoit  le  personnage  ;  en  un  mot^ 
qa'il  écoit  Chrétien  ;  quil  fe  faiibit  gloire  de  l'être , 
&  qu'il  écoit  prêt  à  (iibir  avec  délices  les  plus  cru^ 
fiipplices  f  pour  (butenir  les  vârités  reipeâables^de  là 
Rel^ion  Ctirétienne.  On  regarde  d'abord  tous  ces 
diicours  comme  un  art  merveilleux  du  Comédien: 
mais  on  en  eftbieivtât  d^^ompé.  L'Empereur  furieux 
le  condamne  au  Tupplice  >  ^Hl  («bit  avec  la  fermeté  » 
le  courage  »  &  la  piété  <hKi  vrai  Chrétien. 

Cette  Tjragédie  n'eft  oertainemexit  pas  digne  de 
t  Auteur  de  la  pièce  précédente.  U  y  a  quatre  vers  qui 
m'ont  paru  mériter  d'être  cités,  Dioçletien  dit  que ,  par 
le  (ècours  de  l'hiAoire  »  malgré  la  baffeiTe  de  fa  naif- 
fance  9  Maximin  pafTera  à  la  poftérité  ;  c'eft  ainfi  qull 
la  dépeint» 

UhUfaaure ,  4es  grands  cocacs  la  |»Ius  cbete  cfpirfmc^  j 
Que  le  cems  traite  feule  avccque  xévérence  \ 
Qui  ne  redoutant  rien ,  ne  peut  rien  refpe^r  y 
Qui  fe  prodah  ûuxs  £ird  9  ^  parle  fans  flatter  9  &c. 


a6'4      THEATRE  FRANÇOIS. 

(SU JET  DE  DOM  BERNARD  DE  CABRERE.) 
Cette  pièce  n'eft  pas  meilleure  que  la  précédente. 
Rotrou  a  imaginé  une  aflez  médiocre  intrigue ,  pour 
avoir  lieu  de  faire  éclater  le  malheur  y  qui  poorfiit 
iàns  ceflè  Dom  Lope  de  Lune ,  malgré  fa  vertu  &  les 
fervices  qu'il  rend  journellement  à  TEtat-  En  eilèt  f 
rien  ne  lui  réuffit.  Dom  Bernard  de  Cabrere  ^  Gêné* 
rai  des  armées  &  favori  de  Dom  Pedre  ^  Roi  d'Ar- 
ragouy  r^voye  porter  une  lettre  à  ce  Monarque  > 
dans  laquelle  il  lui  rend  compte  des  différentes  vic- 
toires qu'il  a  remportées  fur  Tes  ennemis  >  qui  font 
toutes  dues  à  la  valeur  &  à  la  conduite  de  Dom  Lope» 
Il  égare  cette  lettre  :  il  va  cependant  parler  au  Roii 
Au  moment  où  il  eft  prêt  à  s'expliquer  devant  lui, on 
apporte  à  Dom  Pedre  une  lettre  de  Leonore  >  dont  il 
eft  amoureux  :  il  ne  s'occupe  plus  que  de  la  lettre 
qu'il  viebt  de  recevoir  9  &  Dom  Lope  eft  éconduit.  Il 
retrouve  cependant  une  nouvelle  occafion  d'être  in- 
troduit devant  le  Roi.  II  lui  préfente  un  placet  que 
Dom  Pedre  paroit  recevoir  avec  bonté  f  &  qu'il  s'ap- 
prête à  lire.  Dans  ce  moment  même ,  pafle  Leonore 
qui  fait  un  faux  pas.  Le  Roi  veut  lui  donner  la  maint 
laifte  tomber  le  mémoire  qu'il  vient  de  recevoir  ,  &le 
perd.  Enfin  Dom  Bernard  arrive  à  la  Cour ,  &  releva 
fes  elpérances.  Il  le  mené  avec  lui  chez  le  Roi ,  qui 
embraffe  Dom  Bernard ,  le  fait  Amiral  &  Duc  d'OC* 
fone  f  &  qui  lui  demande  le  détail  de  ta  dernière  ac- 
tion. Le  Général  lui  en  rend  compte  ;  &'précifémenfi 


THEATRE  FRANÇOIS.       %6s 

lu  moment  où  il  lui  vainte  les  grands  exploits  de  (bn 
atni ,  le  Roi  s'endort ,  &  n'en  entend  pas  un  mot.  Il 
Te  réveille  »  lorfqu'il  lui  nomme  les  autres  Officiers  qui 
Te  (ont  diflingués.  II  leur  aflîgne  à  tous  des  récom- 
penfe»  ;  &  l'infortuné  Dom  Lope  eft  le  feul  oublié. 
Enfin  il  reçoit  une  déclaration  d'amour  ^  (ignée  Vio- 
lente 9  nom  de  rin&nte ,  fœur  du  Roi.  II  fe  flatte  que 
du  moins  l'amour  va  le  dédommager  des  rigueurs  de 
la  fortune.  Il  eft  bon  de  fçavoir  j  pour  comprendre  le 
dénoûment  de  cette  pièce  >  que  l'Infante  aimoit  Dom 
Bernard;  &  que  Leonore>  malgré  l'amour  que  Dom 
Pedre  avoitpour  elle>  aimoit  auflS  ce  héros.  Leonore> 
ayant  pénétré  les  fentîmens  de  Violente ,  pour  lui  Biire 
prendre  Dom  Bernard  en  averfion  ^  imagine  de  rédui- 
re un  Secrétaire  du  Roi,  à  qui  elle  fait  contrefaire l'é* 
criture  de  Dom  Bernard,  pour  lui  adrefler  une  lettre 
la  plus  remplie  d'anpipur  :  elle  vouloit  la  faire  tomber 
entre  les  mains  de  l'Infante  9  pour  exciter  fa  jaloufie 
&  lui  faire  croire  que  Dom  Bernard  ne  défiroit  que 
Leonore.  Le  Roi  furprendfon  Secrétaire,  écrivant 
cette  lettre  ;  &  voyant  qu'elle  s'adrefTe  à  l'objet  de  (a 
tendrefTe  >  pour  punir  (à  témérité  >  il  le  fait  mettre  en 
prifbn.  Peu  de  tems  après  >  Dom  Bernard ,  voulant 
obliger  fon  ami  Dom  Lope  f  vient  trouver  le  Roi  9 
pour  lui  parler  en  fa  Biveur.  Dom  Pedre  préoccupé , 
&  qui  croit  que  c'eft  la  grâce  du  Secrétaire  qu'il  vient 
demander  ^  l'arrête  au  premier  mot ,  &  te  prie  de  ne 
lui  pas  4emander  la  feule  chofe^  qu'il  ne  peut  pas  lui 


adS       THE  A  TRE  FR  ANÇOIS. 

accorder  ;  mais  qu'il  a  des  raifons  peribnnelles  de  fe 
plaindre  amèrement  de  lai*  Dom  Bernard  n'ofe  iofif- 
ter  davantage  ;  &  ayant  rencontré  Dpm  Lope ,  il  loi 
demande  quels  peuvent* être  les  grands  grie&  quête 
Roi  a  contre  lui.  Celui-ci  i'aflure  qu'il  ne  peut  en  avoir 
aucun;  &  que  c'eft  la  fuite  de  fa  mauvaiiè  étoile» 
qui  te  détermine  à  prendre  le  parti  de  fe  retirer  chea 
lui ,  &  d'abandonner  tout  efpoir  de  fortune.  Dom  Ber- 
mrd  le  conjure  de  vouloir  bien  encore  l'aider  àr^ 
pou&er  les  ennemis  qui  fe  fout  approchés  de  ht  Ville. 
Il  ne  veut  point  refufer  fon  ami  :  ils  fe  mettent  à  la  tête 
des  troupes ,  6c  bien  têc  la  vi&oire  couronne  leur  va- 
le  ur*  Dom  Bernard  vient  rendre  compte  au  Roi  de 
ce  nouveau  fuccès  ;  6t  en  habile  courtilkn ,  U  ne  nom- 
me pas  Dom  Lope  :  mais  il  répète  faits  cefTe  que  ce 
fuccès  efl:  du  au  courage  d'an  brave  foldat  »  efpérant 
toujours  que  Dom  Pedre  lui  demar.derott  le  nom  de 
ee  brave  homme.  Pmât'dil  tout  ;  le  Roi  feperfuadei 
i^tte  par  modeftie  ^  Dom  Bernard  ne  vent  pas  fe  nom* 
mer  ;  êc  que  c'eft  lui  9  qui  eft  ce  foidàt,  dont  il  a  tant 
txdké  ia  valeur.  Il  técampenfe  quelques  Officiers 
qu'on  lui  nomme  5  &  le  pauvre  Dom  Lope  eft  encore 
t>rjblié.  Cependant  ce  mortel  infortuné  rencontre  l'In- 
fante ;  &  perfuadé  que  c'éft  <i'eHe  qtf  il  a  reço  cette 
tendre  déclaration ,  êoxlt  j'ai  parlé  ci-^eflus  ^  8  ofe  lui 
iSeclarerfon  amour.  V-oyatit  que  la  Priftceife  îe  reçoit  , 
Très-froidement ,  û  lui  rappelk  la  lettre  qu^  a  reçac 
d'elle*  L'Infiiutc  le  prend  akws  pour  on  M ,  €c  ap- 


THEATRE  FRANÇOIS.      %6i 

pilIê  à  Ton  Tecoiyrs.  Le  Roi  fiirvient  x  Dotn  Lopd  faifift 
<^ette  occafion  pour  lui  parler  de  fes  fervice$.  Dom 
Pedre  y  qui  les  ignôroic  >  le  pretid  aufC  pôdr  uti  it>- 
'enfé^  SsL  le  fait  fQttir  par  les  épaulée.  Il  rencouttè 
Oom  Bernard  >  à  qui  il  raconte  cet  affront.  Cependant 
Ton  valet  arrive ,  qdi  lui  remet  nne  lettre  &  uneéchar- 
)é  de  la^n  de  (\  nsattreiTe,  ^ui  étdit  une  vieille 
iile  attachée  à  lltifante  »  qui  en  efiet  Te  ùoinmoit  X\^ 
eDte  t  il  lu)  en  &it  ainfi  le  portrait  : 


l.a  plui  belle  tnoitié  de  ce  mouvant  fquelecte 
Couché  deïTous  Ton  lit ,  èc  vieflbus  fa  toilbctt  ; 
D'abord  que  i*ai  n^omé ,  s'afuflatit  avec  foin  y 
£lle  a  pris  Tes  patins  pour  me  voir  de  plus  loin  | 
Vout  Second  ornement  )*ai  vu  fur  Tes  épaules 
IM  i^regé  des  mon^ ,  qui  (éparent  ks  Gaules  i 
Son  front  où  Ton  diroit  que  te  fbc  â  ^zSk , 
S*éleye  à  hauts  filions  fur  un  oeil  enfoncé , 
Qu'on  peut  dire  un  foleil ,  non ,  parce  qu'il  édaife  , 
j^s  parce  quMtJft  ftd ,  &  qu'il  n'a  ^int  de  frcrc. 
Lt  tems  à  ptis  plki^t  par  de  lon^s  atdden'ts  , 
À  ronger  Jk  potkk  i'ivotrc  de  fes  dents  : 
&'un  art  mal  agencé  ^  le  plftere  &  la  peinture  > 
Sut  fil  pendante  t<^«e  ofit  ioaché  ta  tiatute. 
Rien  ne  la  pare  enim'qin  fte  fok  cmprutacé. 
.  Pour  Ton  poil  y  il  eft  fien  ^  pour  l'avoir  fttheté  \ 
Mais  il  fut  autrefois  GclUi  d'une  auccc  tècc>i&c. 

Ne  cédant  :plu«  a«oune  «^>éràii€e  à  Dom  Lof>e>  il 
prend  congédie  fera  ^auiî,  lia 'dit  ^n  hwatX  ftâieu,8t 
p^.  lie  Roi  aborde  en  te  moTnent  Dom  Bernard  ; 
&  après  plufieurs  queftions  ^  découvre  avec  plaifir 


%68      THEATRE  FRANÇOIS. 

qa*ileft  amoureux  de  Tlnfânce;  il  l'envoyé  auffi-tôt 
chercher ,  &  la  lui  donne  pour  époufe.  Leonore  far- 
-vient  9  qui»  voyant  que  Violente  va  lui  enlever  Ton 
amant  »  rappelle  au  Roi  qu'il  lui  avoit  juré  de  lui  ac- 
corder l'époux  qu'elle  défireroity  &  qu'en  conféquen- 
ce  elle  demandoit  Dom  Bernard.  Dom  Pedre  loi 
avoit  en  effet  fait  cette  promelTe  >  fe  flattant  que  le 
choix  tomberoit  fur  lui  même*  Il  eft  un  moment  em- 
barraflTé;  puiS)  fansfonger  à  tenir  fa  parole  ^  &  content 
des  vertus  de  fon  favori  >  il  embrafle  Leonore  &  i'é* 
poufe.  Dom  Bernard  faifit  cet  indant,  pour  parler  ao 
Roi  des  fervices  de  Dom  Lope.  Dom  Pedre  paroit 
honteux  de  ne  les  avoir  pas  récompenfés  :  il  charge 
Dom  Bernard  de  le  faire  revenir  à  la  Cour ,  &  de 
l'adurer  qu'il  y  fera  comblé  de  grâces.  C'eft  ainfi  que 
&dM  cette  ennuyeufe  Tragi- Comédie. 

(  VENCESLAS.  )  La  célébrité  de  cette  Tragédie 
m'empêche  d'en  donner  l'extrait  ;  je  n'ai  cherché  dans 
cet  ouvrage  qu'à  mettre  fous  les  yeux  de  mes  Lec- 
teurs l'analyfe  des  pièces  qv'ils  auroient  de  la  peine 
à  trouver  >  &  dont  la  plupart  font  peu  connus.  Celle-ci 
étoit  chez  tous  les  Libraires  ;  avant  même  qu'un  Au- 
teur connu  par  fes talens  dramatiques,  en  eât  corrigé 
quelques  vers  >  dont  les  exprefïions  n'étoient  plus  d'Q- 
fagëi  &  l'eut  reroife  au  théâtre»  où  jelle  reçut  de 
nouveaux  applaudiflemens.  Cette  pièce  eft  fans 
contredit  le  chef  d'œuvre  de  Rotrou ,  tant  par  la  con- 
duite que  par  la  beauté  des  caraâères  »  &  par  la  ver^ 
liScation. 


THEATRE  FRANÇOIS.      ^6^ 

(COSROES.)  hts  mêmes  raîfons  m'empêcheront 
de  donner  Tanal/iè  de  cette  Tragédie  ^  dans  laquelle  » 
quoiqu'inférieure  à  la  précédente ,  on  trouve  les  plus 
grandes  beautés.  Dans  Ton  tems  ;  elle  eue  aulfi  un  très- 
grand  fuccès.  En  170  5.  feu  Monfieur  le  Marquis  DufTé 
la  fît  reparoicre  avec  des  correâions  ;  &  il  eue  lieu  de 
s'applaudir  de  la  peine  qu'il  avoit  prife. 

{ SUJET  DE  DOM  LOPE  DE  CARDONNE.) 
Dom  Pedre ,  fils  de  Dom  Philippe  »  Roi  d'Arragon  f 
amoureux  dElife»  (œur  dé  Dom  Lope  de  Cardon- 
ne,  fait  tout  ce  que  peut  infpirer  l'amour  le  plus  ten- 
dre >  fans  parvenir  à  toucher  le  cœur  de  cette  jeune 
beauté)  qui  ne  peut  oublier  que  ce  Prince  a  tué  en 
duel  Dom  Louis  fon  amant ,  qu'elle  alloit  époufer. 
Dans  le  tems,  que  la  douleur  immodéré  de  l'Infant^  met- 
.toit  toute  la  Cour  dans  Tinquiétude,  Dom  Lope  de  Car- 
donne  &  Dom  Sanche  de"  Moncade ,  tous  deux 
amis  )  tous  deux  Généraux  des  armées  d'Arragon  » 
mais  malheureufement  tous  deux  amoureux  de  l'In- 
fante Théodore  ,  à  l'infçu  l'un  de  l'autre  y  reviennent 
àSarragofle;  de  après  avoir  remporté  difFérentes  vic- 
toires >  apportet^t  aux  pieds  du  Roi  les  dépouilles  de 
(es  ennemis.  En  rendant  compte  à  ce  Monarque  des 
détails  de  la  campagne  9  chacun  d'eux  tour  à  tour 
exalte  les  exploits  de  Ton  ami  »  &  lui  attribue  tous 
les  avantages  que  l'on  a  remportés;  Le  Roit  enchanté 
de  leur  union  &  de  leurs  fervices  (ignalés>  s'engage 
à  leur  accprder  tout  ce  qui  pourra  flatter  leurs  défirs , 


tiyo      THEATRE  FRANÇOIS. 

ils  reftenc  to^s  fileqx  d^nç  le  (ilence.    Dom  Philippe 
charge  alors  l'Infànce  de  tâcher  de  l^s  faire  expliquer* 
Elle  n'y  réaffit  pa^  plus  que  Ion  pçre  ;  ils  paroifleac 
cous  deux  trçmblans  devant  elle ,  &  n'ofent  fe  déch- 
irer,  Enfin  un  ipi^lbççreitijç  hafarçl  }çur  fiiît  connaître 
qu'ils  (ont  tous  dçox  rivauijp  ;  le  plus  polimerj(  da 
inonde»  &en  fe  jurant  toujours  l'amitié  la  plusten- 
jdre ,  ils  prennent  le  parti  de  s'égorger.  Us  font  fépa- 
tirés  par  le  père  de  Dom  Sanche  >  qui  leur  propofe  de 
remettre  leur  combat  jufqu'à  ce  qu^'iis  ayent  connu  les 
lèntimens  de  l'Inâinte  ;  ^  que  fi  el)e  en  préfère  an» 
de  (ç  foumettfe  à  fa  volonté.  Ils  y  confentent.  Thee^ 
ibre  alloit  &  dédarer  en  faveur  de  Çardonne»  qu'elle 
aimoic  depuis  long-|tetps>  lorfque  fon  frère  vient  te 
conjurer,  de  cacher  encore  (es  fentim^ns  9  fe  flattant 
qu'Elifè  s'adre&roit  à  lui  pour  obtenir  la  préférence 
pour  fon  frère  >  &  qu'il  auroit  la  fatisfadUon  de  loi 
rendre  fervîce.  Llnfaàte  ne  peut  refbfer  Dom  Pedre  : 
Us  deux  rivaux  amis  ont  encore  une  converfàcioû 
avec  elie;  &  pour  complaijre  à  Dom  Pedre  ^  elle 
les  traite  tous  deux  également  èp.  froidement.   Ib 
preoneoc  alors  le  parti  d'achever  leur  combac  II  eft 
jiéceflaire  de  fçavdrque  le  Roi  f  inftruit  de  leur  àrSi^ 
rend,  leur  avoit  défendu )  (bus  peine  de  la  vie  f  de 
Cù  battre  enfemble.  L'amour  les  force  à  la  défbbéit 
&fflce*  &  Cardonne  vient  bien-tôt  annoncer  à  Théo- 
;dore  que  Mançade  eft  mort.  L'Infante  »  connoiflaot 
clecaraâèce  inflexible  dç  (bq  père  >fent  tout  le  danger 


THEATRE  FRANÇOIS.        %yi 

|Qe  courre  (on  amant  ;  &  dans  l'excès  de  fa  douleur  ^ 
te  peut  s'empêcher  de  lui  montrer  toute  fa  t^ndrefle^ 
In  eiFet^  le  Roi  paroit ,  &  déclare  à  Cardonne ,  que 
our  tenir  fa  parole  »  il  lui  accorde  l'Infante  en  ma^ 
âge  ;  mais  qu'il  peut  fe  préparer ,  des  pieds  de  l'Au<- 
A,  k  porter  fa  tète  fur  un  écha&ut.  Cet  arrêt  cruel 
lioit  s'exécuter ,  lorfque  llnfant  vient  rappetler  aa 
.oi  qu'il  lui  a\roit  juré  de  lui  accorder  telle  grâce  qu*il 
éfireroic  sll  vouloit  renoncer  à  Elife  :  qu'il  renonçoie 
onc  à  cet  hymen  ;  &  que  pour  le  prix^  d'un  auffi 
rand  facrifice,  il  demandoit  la  vie  de  Cardonne.  Le 
,oi  la  lui  accorde  à  l'inftant.  Elife  >  attendrie  par  ce 
-ait  de  généroiké  »  oublie  fon  premier  amant ,  Se  vole 
ans  les  bras  de  Dom  Pedre  ;  &  le  double  hymen  de 
Infant  avec  fa  chère  Elife ,  &  de  Cardonne  avec  lin- 
mte  termine  cette  Tragî- Comédie.  Le  père  de 
ioncade  vient  annoncer  en  même  teras  que  (on  filt 
*efl:  pas  mort ,  &  qu'il  y  a  même  Heu  d'e(pérer  & 
;aérifbn. 

Cette  {Hpce  Ibrt  inférieure  aux  deux  précédantes  ^ 
Teft  cependant  pas  fans  mérite  ;  elle  eu  aflez  intéi- 
elTante  &  bien  écrite.  Les  rôles  des  deux  amis  font 
inguliers;  celui  d*Elifc  eft  très-beau  ;  mais  un  défaut 
4en  confidérable  ;  c'eâ  la  double  intrigue  qui  »  icès^ 
xivent  1  lÎLifp/end  l'intér èt^.  Elle  o'a  ét^  impriniée  qu'a- 
rès  la  mort  de  l'Auteur. 

(SUJET  DE  FLORIMONDE-  )  Cette  jeune 
(cauté  aimeCleante,quiméprife l'amour.  D'unaùtre 


a7^       THE  AT  HE  FRANÇOIS. 

côté  »  Tbeafte  qui  avoit  aimé^  Felicie^  qu'il  croit  mor- 
te 9  &  qui  feint  d'être  amoureux  de  Cleonice ,  adore 
Florimonde.  Cleonice  nefait  femblant  de  recevoir  faTO- 
rablement  les  vœux  de  Theafte ,  que  pour  avoir  oc- 
cafion  de  parler  avec  lui  deTbimante,  (bn  frère  i 
qu'elle  aime  tout  abfenc  qu'il  eft  ,  &  tout  perfide 
qu'elle  le  croit.  Différens  événemens ,  la  plupart  pea 
incéreiTans ,  conduifent  au  dénoùment.  Je  ne  parle- 
rai que  de  ceux  néceiTaires  pour  le  faire  comprendre. 
Florimonde,  ne  pouvant  toucher  le  cœur  de  l'infenfible 
Cleante  9  eft  prête  à  mourir  de  douleur.  Evandre ,  foD 
ami  9  lui  confeille  de  feindre  d'écouter  les  vœux  de 
Theafte^  afin  de  piquer  l'amour  propre  de  Cleante* 
Elle  fuit  cet  avis»  qui  lui  réulTit  parfaitement;  & 
Cleante  devient  bien-côt  éperdûment  amoureux  d'elle. 
Elle  l'accable  à  Ton  tour  de  mépris,  &  en  fa  préfence 
comble  Theade  de  faveurs.  Cleante  veut  fe  battre 
contre  fbn  heureux  rival  :  Evandre  empêche  ce  duel» 
ainfi  que  plufieurs  autres ,  dont  il  eft  inutile  de  rendre 
compte.  Un  jeune  homme  »  qui  fe  dit  frère  de  Felicici 
veut  fe  battre  autfi  contre  Theafte  »  pour  le  punir  de 
l'outrage  quMl  a  fait  à  fa  (beur.  Evandre  empêche  en- 
core ce  combat.  Cependant  Cleante ,  réduit  au  défef- 
poir,  &  déterminé  à  mourir  9  reçoit  de  Florimonde  l'a- 
veu qu'elle  n'a  jamais  ceiTé  de  l'aimer.  D'un  autre 
coté ,  ce  prétendu  frère  de  Felicie  eft  reconnu  pour 
Felicie  elle-même  ;  Theafte  la  reçoit  avec  tranfport  1 
&  reprend  fes  chaînes.  Enfin  Thimante  reparoit  tout- 

à-coap, 


THEATRE  FRANÇOIS.      9:yi 

à  coup  f  avoue  Tes  fautes  ^  &  Cléonice  lui  pardonne* 
Ainti  un  triple  maçiage  fait  le  dénoûment  de  cette 
pièce  >  qui  eft  médiocre  >  &  qui  n'a  non  plus  été  im- 
primée qu'après  la  mort  de  Rotrou. 

9 

(AMARILLIS.  )  Cette  piecfs  n'a  Jamais  été 
repréfentée.  *  Rotrou  voyant  que  les  ï'aftorales  n'é- 
toient  plus  à  la  mode  f  ne  voulut  point  donner  celle- 
ci  ;  mais  il  fe  fer  vit  du*  fujet  pour  compofer  fa  Celi- 
mene  9  dont  j'ai  précédemment  rendu  compte,  dans 
laquelle  il  a  confervé  prelque  tous  les  vers^  &  toutes 
les  fcènes  d'Amarillis.  Il  changea  feulement  le  nom 
des  AâreurSjfupprima  les  Stances  &  le  rôle  des  trois 
fàtyres.  Après  fa  mort ,  un  de  fes  amis  ayant  trouvé 
cette  Paftorale  parmi  fes  papiers,  la  fit  imprimer,  Se 
oe  lui  rendit  pas  fervice. 

L'on  attribue  encore  plufieurs  autres  pièces  à  cet 
Auteur ,  entr'autres  DOM  ALVARE  DE  LUNE, 
donnée  en  16-^7. 

JEAN  PUJET  DE  LA  SERRE, :Hiftoriogra- 
;phe  de  France ,  &  Confeiller  d'Etat,  né  à  Touloufc 
en  1600.  &  mort  eni566. 

PANDOSTE  ou  LA  PRINCESSE  MALHEU- 
REUSE, Tragédie  en  Profe  ,  dédiée  à  Uranie, 
divifée  en  deux  Journées  chacune  en  cinq  ades ,  & 
avec  quelques  cha^geriiens  dans  les  perfdnnàges.  On 
trouve  après  TEpître  dédiçatoire ,  un  avis  au  Lefteuc 

-& l'argument  des  deux  Journées.  Paris,  Pierre  Bil* 

Jaine,  .1631.  i/i-S**, 

Tome  U.  % 


/ 


a.74       THEATRE  FRANÇOIS, 

m 

'  PYRAME.  Tragédie  en  cinq  aftes ,  en  profe^ 
diée  à  Madame  la  Comtefle  de  Bergbe.  Lyon  >  J 
Aymé  Candy  y  7 6  n*  '^-B^* 

THOMAS  MORUS ,  OU  LE  TRIOMPHE 
LA  FOI  "ET  DE  LA  CONSTANCE,  Trag 
en  cinq  a&es  >  en  profe ,  dédiée  à  Madame  la 
chelTe  d'Aiguillon.  If  a  Kl  s,  Aug.  Courbé»  n 

LE  SAC  DE  CARTHAGE ,  Tragédie  en 
aâes,  en  profe.  Paris  yToufTaint  Quinet  ^  u 
W-40. 

LE  MARTYRE  DE  SAINTE  CATHERIP 

Tragédie  en  cinq  aftes ,  en  profe ,  dédiée  à  Mad 
la  Chanceliere«  Paris  ,  Ant.  de  Somma  ville  ^  it 

CtlMËNE,  ou  LE  TRIOMPHE  DE 
VERTU ,  Tragi  -  Comédie  en  cinq  ades,  en  pn 
dédiée  k  Madame  la  Dachefle  de  Sully.  Paris  ,  j 
deSommaville»  i(S43.i/r-4^. 

THÉSÉE,  ou  LE  PïlINCE  RECONNU,  : 

giComédie  en  cinq  aftes ,  en  profe.  Paris ,  Ant. 
Sommaville  f  1 644.  in-^^. 

(SUJET  DE  PANDOSTE.)  Cette  Tragédie 
divifée  en  deux  Journées. 

PREMIERE    JOURNÉE. 

Agatocle ,  Roi  de  Sicile ,  arrive  dans  la  Cou 
Roi  Pandofte  ;  fa  bonne  miae  >  les  charmes  de  (à  < 


TÉE ATRÈ  TR ANÇO IS.      %2^ 

VérIadoDy  fes  attentions  pour  la  Reine»  verfenc  dans 
le  coeur  de  Pandofte  tout  le  poifon  dé  la  jaloufiç» 
Eperdoment  amoureux  de  Bellaire  i  qu'il  venoic  d'é* 
pouier  y  il  crdyoit  qu'on  ne  pouvoit  la  voir  fans  l'aimera 
Il  prend  les  poIitefTes  d'Agatocle  pour  des  preuves 
d'amour  :  bien- tôt  il  foupçùnne  Ton  époufê  d^ètre  d'ac- 
cord avec  lui  pour  le  deshonorer ,  &  il  prend  le  parti 
de  faire  empoifonner  Agatode;  Ce  Prïnce  eft  averti  à 
tems  y  &  quitte  promptement  les  Etats  de  Pandbfiei 
8a  fhlte  confirmé  encore  lés  foupçons  du  jaloux  Mo- 
narque ;  &  quoique  la  Reine  fût  enceinte ,  il  la  fait 
mettre  en  prifon  :  elle  y  accouche  d'une  fille  ^  que 
le  Roi  Biit  expofèr  fur  les  flots»  dans  un  bateau  fans 
voiles  Scians  matelots  :  enfuite  il  veut  faire  punir  fon 
époufe  comme  coupable  d'adultère*    Une  Loi  dti 
Royaume  ne  permettoit  pas  de  condamner  une  Reine^ 
iàns  avoir  auparavant  confulté  rÔracle  d'Apollon.  On 
obferve  cette  cérémonie  ;  &  l'Oracle  juftifie  abfolu- 
tnent  Bellaire.  Mais  cette  Princèffe  ne  jouit  pas  long, 
téms  du  bonhét^r  d'avoir  vu  éclater  Ton  inhocenceé 
Elle  apprend  la  nouvelle  de  la  mort  de  fon  fils  uni- 
que ;  &  la  douleur  qu^elle  en  reflent  ^  termine  auffi- 
tôt  fa  vie. 

Cette  pièce  eft  froide^ /ans  intérêt.  La  Serre  si 
cru  faire  un  chef-d'œuvre,  d'éloquence  dans  les  ten- 
dres'adieux  que  la  Reine  fait  en  mourant  à  fon  cruel 
époax  ;  6c  yraifemblablemeht  il  s'eft  trompée 

Slj 


d'un  payfan^  qui,  frappé  de  la  magnificence  defes 
geS)  &-du  brillant  d'une  bague  de  grand  prix  c 
]ui  avolt  attachée  au  col*  i'avoit  élevée  comme  fa 
&  lui  avoit  donné  le  nom  de  Pauvie.  Dorade 
unique  du  Roi  Agatocle ,  rencontre  un  jour  cette 
ne  bergère,  &  en  devient paffionéraent  amour eq: 
parvient  à  s'en  fa|re  aimer  ;  &  après  s'être  enga 
l'époufer,  il  l'enlevé.  Crainte. que  le  père  nourr 
de  Fauvie  ne  révélât  leur  fecret ,  ils  l'emmenent 
eux.  Ils  font  jette?  par  une  tempête  afFreufe  fui 
rivages  du  Royaume  d^  Pandofte.  Ce  Monarque,  a 
apperçu.  Fauvie ,  ne  .peut  rélîfter  à  fes  cha^rmes 
en  devient  palfionément  amoureux'.  Il  cherche  en 
à  la  féduire  la  vertucufe  &  tendre  Fauvie  n'eft  p 
éblouie  ci  par  la  majjefté  du  Trône  ni  par  l'a] 
des ,  préfens.  Enfin  Pandoi5:e  fait  mettre  Doraftc 
prifon  ;  &  peu  de  tems  après  il  le  condamne  à  m 
efpérant  que  Fauvie  >  pour  obtenir  la  grâce  de 
éproux?  lui  accorderoit  celle  qu'il  défiroit.  Dan 
*même  tems^onlui  annonce  des  Ambaffadeurs  du 
de  Sicile ,  lequel  ayant  appris  que  fon  fils  avoit  en 


THEATRE  FRANÇOIS.       2.77 

b  fille  d'un  payfan  ^  &  étoit  arrivé  dans  les  Etats  de 

Pandoâe^  lui  envoyé  redemander  ce  jeune  Prince  f 

&  en  mème-tems  la  punition  de  la  bergère*  .Pandofte 

eft  fort  furpris  de  trouver  dans  Dorafte  l'héritier  du 

Trône  de  Sicile  :  il  le  fait  mettre  fur  le  champ  en 

liberté;  &  ne  pouvant  fe  déterminer  à  punir  Fauvie^ 

il  impute  tout  le  crime  au  payfan  »  qui  paiïbît  pour  le 

père  de  cette  jeune  beauté»  &  l'envoyé  au  fupplice. 

Ce  payfan  déclare  alors  que  Fauvie  n'efl:  point  fa 

fille,  &  qu'il  Tavoit  trouvée  abandonnée  fur  lés  flots; 

Il  produit  en  mème-tems  &  les  langes  &  la  bague  y 

qu'elle  avoit  alors  au  col.  Cette  bague  fert  alors  à  la 

faire  reconnoître  i  &  Pandode  trouve  en  cette^j^ine 

bergère  cette  même  jeune  fille ,  que  dans  un  tranfport 

de  jalouGe  il  avoit  voulu  faire  périr.  L'on  fent  bien 
que  tout  le  mc^nde  eft  bientôt  d'accord  ,' &  que  le 
mariage  de  Dorafte  avec  Fauvie  termine  cette  pie« 
ce  y  qui  certainement  n'eft  pas  meilleure  que  la  pré^ 
cédente. 

(  F  Y  R  A  M  E.  )  Je  ne  donnerai  point  d'extrait  de 
cette  Tragédie  ;  tout  le  monde  eft  inftruit  de  cette 
hiftoire  :  &  la  façon  dont  la  Serre  l'a  traitée  9  n'inyitje 
certainement  pas  à  entrer  dans  les  détails.  Pour  f^ilre 
connoître  par  quelle  efpëce  d'éloquence  cet  Auteur 
comptoit  foutenir  un  drame  en  profe.  Je  vai^  rappor- 
ter réndroit  de  cet  ouvrage ,  qu'il  regardoit  avec  le 
plus  de  complaifance.  Dans  la  première  fcéne  du  qua,n 
triéme  afie ,  Pirame  avoue  à  Thisbé  qui!  fe  fuit  tour- 
menter par  les  foupçons  de  la  jaloufic.  Xhi^bé  lui  ré« 
pond  : 


II 

1)1 


.%j8     THEATRE  FRANÇOIS; 

x»  Te  laiiTesvCu  déjà  maitrifer  à  çettepaflîôo > ^ol  Itt 
3>  la  tyraqpiç  çft  ÎDfopportable  ?  De  qai  peu3ç-ta  toq  Id 
f»  jaloux,  a: 

PYRAME.  |« 

1»  Du  Soleil  qui  te  regarde  >  de^  1-air  qui  t^enviroo' 
;ii  ne,  de  la  terre  qui  te  porte  »  &  du  zepbiremème 
y>  qui  fe  cache  dans  tes  cheveux.  Je  fuis  encore  ja- 
9»  loux  de  toi-même  y  car  il  me  femble  que  nia  boa** 
:p  cbe  devroic  faire  l'oSSce  de  tes  mains  >  Quêtant  pa^ 
d»  dignes  de  toucher  ton  beau  vifage  ;  tes  regards  me 
»  mettent  en  peine  ,  ne  pouvant  être  toujours  lear 
3>  objet;  tes  foupirs  muets  y  tes  penfées  trop  feaet- 
ap  tes  y  &  enfin  toutes  tes  a&ions  me  tiennçnc  conti- 
ai  nuellçment  en  aârion  ,  pu  pour  Tenvie  ou  poor  b 
9>  crainte  :  Par  donne- moi,  chère  ame,  tous  ces  tranf 
K>  ports  d'ajQQQur ,  puitquç  tes  perfedions  les  qqt  fak 
1»  Witre.  ce 

T  H  I  S  B  É, 

o»  Ttt  me  demandes  pardon  d'une  erreur  qçii  mérir 
^  te  récompenlè  ;  &  pour  te  Içl  témoigner ,  je  veai; 
:^  foulager  te^  inquiétudes.  Sçacbes  donc  que  le  So- 
>»  leil  ne  me  regarde  ji^mais  que  de  çplere  y  dans  le 
:ù  mépi;is  qqe  je  F^is  de  fa  clarté  >  puifque  tu  e$  le  feul 
^  aftre  qui  m'éçlairç.  Que  l'air  qui  m'çnviroane  entre 
9>  ^ien  dans  ma  bouche  >  mais  non  pas  dans  mon  coeari 
qo  parce  qu'il  eft  tout  plçiti  d'amour^  La  vanité  que 
îl  f  ai  s^ijifi  de  me  dire  ta  ipaîtrefle ,  me  fait  fouleif  I^ 


THEATRE  FRANÇOIS,      %y^, 

».  terre  d'an  pied  dédaigneux  :  &  le  zephir  ne  Ct  ca- 
i»  cbe  dans  mes  cheveux ,  que  de  la  honte  qu'il  a  de 
i^  ne  pouvoir  rien  prétendre.  Pour  mesregards^ilsfbnt 
o  toujours  vagabonds  &  errans  hors  de  ta  préfencë  i 
»  ne  pouvant  trouver  d'objet  capable  de  le^  arrêter  ; 
y  &  je  te  dirai  que  mes  foupirs  *  quoiqu'ils  foient 
o  muets  t  te  parlent  toujours  le  langage  de  ma  paf- 
»>  fioB  )  &  mes  penfées  n'ont  rien  de  fecret  que  le^ 
»  fecret  de  mon  amour,  ce 

(  SUJET  DE  THOMAS  MORUS.  )  Henri  VIL 
Roi  d'Angleterre ,  employé  tous  les  moyens  poffiblesi 
pour  qu'Artenice  ,  fAniie  de  BoUlen  )  dont  il  ieft 
éperdument  amoureux  >  réponde  à  Tes  déiirs  ;  8t  né 
pouvant  y  réuflir  ^  il  prend  le  parti  de  l'époufer  9  tkdiè 
répudier  la  Reine.  IPour  lever  les  difficultés»  que  lé 
Pape  oppolbit  fans  cefle  à  ce  projet  y  il  change*  dé* 
Religion,  &  fait  monter  Artenicefur  le  Trône.  Tho- 
mas Morus^  Chancelier  d'Angleterre,  vient  trouvët 
le  Roi  »  &  lui  tient  le  difcours  le  plus  éloquent  &  lé 
plus  courageux ,  pour  (butenir  les  droits  des  Auéels 
8c  ceux  de  la  Reine.  Henri  ne  pouvant  le  gagner^  Si 
le  trouvant  toujours  inébranlable  dans  fes  pritdpes't 
l'envoyé  au  fupplice.  Il  meurt  avec  la  piété  &  la  fer- 
meté, qu'on  de  voit  attendre  d'un  au  (fi  grand  homme# 

■y     i 

Cette  pièce ,  qui  n'efl:  pas  meilleure  que  les  précé*^ 
dentés,  a  de  plus  un  très- grand  défaut.  C'eft  qu'Ar- 
tenice  y  joue  le  plus  beau  rôle*  iSon  caraârère  eft  reft 

Siv 


:s8o       THE  AT  RE  FR  ANÇOIS.  ^ 

pedable  :  on  Taîme  i  on  ne  peut  s'empêcher  d'applati^ 
dir  à  fon  élévation.  On  voit ,  fans  regret ,  le  départ, 
de  la  Reine  ;  6c  >fe>n  eft  peii  toiiché  de  la  mort  de 
Thomas  Moru^, 

(SUJET  DU   SAC   DE  CARTHAGE.)  Les 

Romains  s'étant  emparé  de  Carthage  >  les  malheU' 
reux  habitans  de  cette  Ville  »  pour  refpîrer  encore  la 
liberté  >  prennent  le  parti  de  fe  renfermer  dans  la  Ci- 
tadelle; mais  les  vivres  leur  manquent  bien -tôt  :ce 
qui  les  détermine  à  envoyer  un  Officier  pour  deman* 
der  à  capituler.  Scipion  ne  veut  fe  prêter  à  aucune 
proportion ,  8ç  déclare  <jull  ne  les  écoutera  que  lorf- 
qu'ils  fe  prendront  à  difcrétion  >  &  qu'on  aura  fait  moa- 
^ir  certains  chefs  qu'il  défigne.  Au  défefpoir  de  cette 
l;)arbarîe,  ils  fe  déterminent  à  fe  défendre  jufqu'au 
dernier  foupir.  Cependant  Afdrubal»  voyant  le  fort  qui 
les  attend,  8c  cr^gnant  pour  fa  femme  &  ks  filles^ 
va  trouver  Scipion,  &  lui  promet  de  le  rendre  maî- 
tre de  la  Citadelle.  Spphronice ,  fon  époufe  9  indignée 
des  foupçons  que  Ton  a  contre  lui  >  va  le  trouver  dans 
la  tente  du  Général  des  Romains  ,  l'interroge  ;  & 
ayant  appris  fon  projet ,'  malgré  la  préfence  de  Sci- 
pion f  elle  l'accable  de  reproches ,  le  quitte  &  rentre 
dans  la  Citadelle,  plie  s'arme  avec  fes  filles ,  pour  dé- 
fendre fa  patrie  &  mourir  glorieufement.    Quelques 
Carthaginois  qui  la  foupçonnent  d'intelligence  avec 
fon  mari,  accourent  pour  l'immoler  ^  leur  fureur; 
p^is  il$  la  trouvent  fervent  d'exemple  kux  phis  hiA-^ 


THEATRE  FRANÇOIS.       x8i^ 

▼es  Carthaginois.  Malgré  toute  fa  valeur  i  les  Ro«^^ 
ifiains  par  la  trahifon  d'Afdrubal ,  fe  rendent  enfin 
naitres  de  la:  Citadelle  y  où  ils  mettent  tout  à  feu  & 
à  iang.  Afdrubal  fe  précipite  au  milieu  des  fiâmes 
pour  iâuver  fa  femme  ScCss  enfans.  Dès  queSophro- 
BÎce  Tapperçoit,  elle  donne  la  mort  à  fes  deux  filles, 
&  fe  perce  le  cœur  du  même  poignard.  Afdrubal, 
déchiré  par  ce  fpedacle  funefle ,  &  dévoré  par  fes 
remords ,  fe  pafîe  (on  épée  au  travers  du  corps. 

Il  y  a  quelques  beautés  dans  cette  pièce  :  le  rôle 
<Jle  Sophronice  eft  ferme  &:  courageux  ;  Scipion  ba- 
varde un  peu ,  mais  il  foutient  affez  l'idée  qu'on  s*eft 
fdrmée  de  la  vertu  des  anciens  Romains.  On  auroit 
peut-être  pu  tirer  parti  de  ce  fujet,  s'il  .eut  été  orné 
des  agrémens  de  la  po^ûe. 

(SI/JET  DU  MARTYRE  DE  SAINTE  CA- 
THERINE.  )  Pour  remercier  les  Dieux  d'une  vic- 
toire éclatante,  qu'il  vient  de  remporter,  TEmpereur 
ordonne  qu'on  leur  offre  un  facrifice  folemnel,  &  veut 
obliger  les  Chrétiens  à  brûler  de  Tencens  fur  leurs 
autels.  Fidèles  au  vrai  Dieu  ,  ils  préfèrent  la  mort  à 
une  pareille  profanation.  Catherine ,  Princefle  d'Ale- 
xandrie ,  plaide  leur  caufe  en  préfence  de  l'Empe- 
reur ,  &  finit  par  fe  déclarer  Chrétienne.  L'Empereur, 
ébloui  par  fes  charmes ,  lui  offre  fa  Couronne ,  à  con- 
dition qu'elle  changera  de  Religion.  La  Princeffe  re- 
jette fes  offres  avec  mépris  ;  ce  Monarque  de  plus  en 
plus  amoureux  i  voulant  la  gagner }  fait  venir  un  fameux 


a^z      THEATRE  FRANÇOIS. 

pbilofbphe ,  pour  difputer  contre  elle ,  en  préfence  de 
toute  la  Cour.  Elle  réfute  tous  Tes  argumens^  &  finit 
par  convertir  le  philoCophe .,  l'Impératrice  &  tous  les 
Auditeurs.  L'Empereur  furieux  les  envoyé  tous  an 
fupplice.  Avant  que  de  mourir  >  Catherine  &it  pla« 
fieurs  miracles  ;  &  après  fa  mort»  on  entend  les  An* 
ges  chanter  une  hymne  à  fa  louange.  L'Empereur 
convaincu  par  cette  merveille ,  embrafTe  le  Chriftia- 
nifme. 

Le  fond  de  cette  Tragédie  efl:  fans  contredit  très" 
édifiant  ;  mais  les  détails  en  font  bien  froids  &  bien 
ennuyeux. 

(SUJET  DE  CLIMENE. )  Clîmene  &  Pam- 
philie  )  fa  fœur  ,  Princefles  chailées  de  leurs  Etats  i 
fe  réfugient  chez  un  Roi  voiGn.  Poliarque ,  favori  de 
ce  Prince  >  devient  amoureux  de  Climene  9  &  s'en 
fait  aimer  :  il  fe  croit  au  comble  du  bonheur  9  quand 
il  apprend  que  fbn  maître  eft  (on  rival.  Tout  concoarl 
à  fa  perte.  Pamphilie  »  qui  eft  devenue  amoureufe  de 
lui  >  pour  lui  ôter  toute  efpérance  d'époufer  Climene  t 
découvre  au  Roi  la  tendre  union  de  ces  deux  amans* 
Ce  Monarque  9  furieux  contre  fon  favori  >  le  fait  met*» 
tre  en  pri(bn  ;  &  fa  colère  augmentant  de  moment  en 
moment ,  il  veut  faire  mourir  &  Poliarque  &  Clime- 
ne) &  tous  ceux  qui  ont  pris  leur  parti  :  puis  tout-à- 
coup  il  pardonne  à  tout  le  monde  ;  marie  Poliarque 
sivec  Climene  ;  leur  donne  des  troupes  pour  remonter 


THE  A  TR  E  FRA  NÇOIS.      aSf 

fiir  !e  Trône;  fait  grâce  à  Cléonte  >  qui  1%  trahi  pour 
obéir  à  Patnphilie ,  dont  il  eft  amoureux  ;  8c  pour 
comble  de  générp^é  >  lui  donne  cette  ftrinceiTe  ayeç 
une  riche  dot* 

Cette  pièce  eft  peut-être  la  plus  mauvaîfe  &  la  plus 
ennuyeufe  de  toutes  celles  de  la  Serre  ;  &  c'eft  beau- 
coup dire* 

(  THES£E.  )  Les  mêmes  raifons  qui  m'ont  empê- 
che de  donner  l'extrait  de  Pyrame  y  m'empêchent  d'en 
donner  de  cette  Tragi- Comédie;  je  neferois  qu'en- 
nuyer  mon  leâeur ,  n'y  ayant  certainement  rien  dans 
cet  ouvrage  >  foit  par  le  flyle  >  Toit  par  la  conduite  »  qui 
mérite  Ton  attention.  Si  cependant  quelqu'un  défiroit 
connoitre  les  détails  de  ce  fujet,  je  le  renvoyé  avec 
confiance  k  TOpera  »  que  le  célèbre  Quipault  a  fait 
fous  le  même  titre.  C'eft  à  peu  près  la  même  marche* 
JaZ,  feule  diSérence ,  en  ne  parlant  pas  de  celle  qui 
exifte  entre  un  chef-d'œuvre  £c  une  platitude  y  ceft 
qu*ici  Thefée  éppufe  Ântiope  9  Reine  des  Amazones» 
&  que  dans  l'Opère ,  ç'eft  la  jeune  Eglé  que  ce  héros 
^poufe. 

1631. 

BRI  DARD. 

Û  R  A  N I E ,  Tragi .  Comédie  Paftorale ,  en  cinq 
nAes  f  dédiée  à  Mademoifelle  de  Bourbon  9  avec  un 
avis  au  Leâeur*  quelques  vers  &  un  argument* 
Paris*  Jean  Martin ^  16^8.  in-8^. 

(SUJET  D'URANIE.)  Florilame ,  Prince 
^'Iflande  ^  eft  ^mçjpreux  &  aimé  d'y ranie  1  fille  du 


iLè4      THEATRE  FRANÇOIS. 

Roi  de  Phrigie.  Ce  Monarque  y  qui  défire  un  Prince 
plus puiflant pour  fon gendre,  refufe Florilame. Celui- 
ci  ,  au  défefpoir ,  veut  d'abord  tuer  Je  Roi  ;  mais  il  eft 
retenu  par  cette  réflexion ,  qu'il  dit  tendrement  à  fit 
maîtrefle. 

Puis  pourois-je  donner ,  quand  )*en  aurois  cArie  y 
La  more  à  celui-là  qui  c'a  donné  la  vie. 

Enfin  ne  trouvant  pas  d'autre  expédient,  il  lui  pro* 
pofe  de  quitter  la  Cour  de  (on  père ,  8c  de  fe  réfugier 
en  Arcadie ,  où  (bus  de  (impies  habits  de  bergers  ils 
pourront  faire  Taraour  tout  à  leur  aife.  La  PrincefTe 
y  confent  ;  &  ils  partent  :  ce  qui  met  le  Roi  dans  la 
plus  grande  fureur.  En  mème-tems  les  Amba(radears 
du  Roi  de  Phéacie>  viennent  lui  demander  pour  leur 
maître ,  Uranie  en  mariage.  Voici  toute  la  harangue 
du  Chef  de  ramba(rade. 

Grand  Roi ,  notre  fouhaic  vous  donne  le  bon  foir ..... 

On  leur  (ait  part  de  l'enlèvement  de  la  Prihce(re; 
&  fur  le  champ  ils  prennent  leur  audience  de  congé* 
Cependant  les  deux  jeunes  amans  arrivent  heureufè- 
ment  en  Arcadie»  Florilame ,  voulant  pro(îcer  de  la 
liberté  où  ils  fe  trouvent ,  demande  un  baifer  à  Ura^ 
nie  :  cette  Prince(re  rougit  ;  il  lui  dit  : 

Mais  pourquoi  rougis-cu  ? 

URANIE. 

Ne  fçais-cu  pas  encore 
Qu'envoyant  le  Soleil,  on  voit  rougir  l'aurore  î 


THE  A  TRE  PRA  NÇOIS.      %8$ 

Leur  bonheur  n'eft  pas  de  longue  durée.  Une  ber» 
gère  de  la  contrée  devient  amoureure  de  Florilame^ 
&  ne  peut  parvenir  à  s'en  faire  aimer.  Pour  fe  ven- 
ger ,  elle  trouve  le  moyen  de  perfuader  à  Uranie  que 
Florilame  èft  inconftant.  Cette  Princefle  trop  crédule 
reçoit  fon  amant  (i  froidement ,  que»  pénétré  de  défeC- 
poir ,  il  fe  dévoue  à  la  mort.  II  monte  fur  le  rocher 
le  plus  efcarpé  y  &  crainte  que  fa  chute  ne  fervit  pas 
fon  défîr  ^  il  s'enfonce  auparavant  un  poignard  dans  le 
feîn,  puis  fe  précipite  du  rocher.  D'un  autre  côté, 
la  Princefle ,  ne  voulant  pas  furvivre  à  l'infidélité  de 
fon  amant ,  eft  prête  à  fe  percer  le  cœur ,  lorfqu'elle 
eft  arrêtée  par  un  vieillard,  qui  lui  perfuade  ,  avai  t 
d'exécuter  fon  projet ,  de  confulter  l'Oracle  de  Dia- 
ne. Il' la  conduit  dans  le  Temple  de  cette  Déefle  ; 
die  interroge  l'Oracle ,  qui  lui  répond  ; 

Un  trcpalIB  vivant  t'ôçpra  de  ce  dcuiL 

On  apporte  en  efïet  dans  ce  mêmfe  Temple  le 
pauvre  Florilame  baigné  dans  fon  fang  :  la  Princefle 
le  reconnok  »  &  l'inonde  de  fes  larmes.  Que  ne  peuc 
point  fur  un  cœur  bien  épris  les  preuves  de  tendreflesf 
de  robjet  qu'il  adore  ?  Florilame  9  le  tendre  Florila* 
me,  qui  paroiflbit  n'avoir  pas  un  moment  à  vivre, 
recueille  avec  tranfport  les  larmes  précieufes  d'Ura- 
nie  ;  &  ces  larmes  ont  un  charme  fi  puiflant  p  qu'elles 
le  rendent  aufli  -  tôt  à  fa  vie.  Ce  bonheur  inattendu 
eft  fuivi  d'un  autre ,  fur  lequel  ils  ne  pqavoient  pas 


%66      THEATRE  mAÉfÇÔlS. 

plus  compter  :  c'éfl:  que  le  Capitaine  des  Gardei 
Roi  de  Phrigie  vient  leur  annoncer  que  le  Rôi|  i 
feulement  n'ell  plus  en  colère  contre  eux*  mais  m 
qu'jl  les  attend  avec  impatience  >  &  qu'il  confent  ï 
«mioUè  Ils  s'embarquenc  auffi-tôt  >  arrivent  en  Pfari 
le  Roi  les  embrafle  f  &  fait  dans  f  inftant  mtm 
lebrer  leur  mariage. 

Pour  donner  une  idée  du  talent  poëtique  du 
Bridard)  j'ai  cru  devoir  rapporter   deux   ftan' 
que  j'ai  choifies  parmi  iix  y  que  fe  difent  tendreî 
Florilame  ôc  Uranie ,  étant  fur  le  vaiiTeaa  qu 
cpnduit  en  PhrigiCé 

û  R  A  N  I  £i 

pieux  y  que  cecce  onde  efl  amouretife  ^ 
Depuis  qu'elle  porte  nos  feux  ! 
11  femble  qu'elle  fait  à^^  vceux  g 
De  n'être  jamais  rigoureufe. 
Regardez  comme  le  repos 
Coule  lentement  fur  Ton  dos^ 
Ha  !  certes ,  notre  amour  la  tente'. 
N'eft-ce  pas  que  dans  ce  beau  tem^ 
Elle  veut  devenir  confiante  y 
Nous  voyant  tous^  deux  û  confbiis* 

FLORILAME. 

Admirable  6c  cbafte  Uranie  , 

Les  amours  font  nos  patelots  ;  " 

Les  grâces  fe  changent  en  flots  y 

Pour  te  donner  leur  compagnie» 

Vois  comme  autour  de  ce  vaiileâtty 

Les  belles  nymphes  de  cette  eau  » 

A  travers  ces  miroirs  liquides  » 

Péyoreuc  des  yeux  tes  beautés  j 


THEATRE  FRANÇOIS.      a^y 

£c  font  gloire  d'avoir  dans  leurs  feins  tout  humides 
I>es  chaleurs  poutres  raretés. 

Je  ne  dois  pas  non  plus  oublier  de  faire  part  à  mes 

Lieâeurs  d'un  avis ,  qui  fe  trouve  à  la  tète  de  cette 

Tragi- Comédie^  où  Bridard  après  avoir  pris  (bin  de 

le  louer  tant  qu'il  peut  >  &  (urement  beaucoup  plus 

qu'il  ne  l'a  été  par  Tes  contemporains  >  dit  :  y>  Certes 

3>  pourvu  qu'une  per(bnne  m'ait  en  quelque  opinion  p 

3>  je  méprife  les  cenfores  &  les  louanges  de  ces  criti- 

y>  ques  à  la  douzaine.   Si  mon  ftyle  n'eft  relevé ,  il 

3»  eft  intelligible  ;  fi  mes  vers  ont  peu  d'orgueil  »  ils 

y»  ont  aflez  de  politeife  y  pour  m'exempter  du  nom  de 

y>  pédant  ^  que  mes  envieux  poifedent  légitimement* 

y>  J'ai  hanté  d'autres  lieux  que  des  Collèges ,  où  j'ai 

y>  appris  à  ne  point  faire  du  latin  &  du  François  une 

»  même  langue  ^  &c.  ce 

1631. 

J.  G.  DÛRVAL. 

LES  TRAVAUX  D'ULYSSE ,  Tragî-Comédîe 
en  cinq  aâ:es^  &  tirée  d'Homère»  dédiée  à  M.  le. 
t>uc  de  Nivernois.  P  a  r  i  s  ^  Pierre  Menard  ,1631;. 

AGARISTE,  Tragi- Comédie  en  cinq  aftes,  en 
Vers ,  dédiée  à  Madame  la  DucbefTe  de  Nemoursl» 
Paris,  François  Targa ,  163 6,  in^S^. 

PANTHÈE>  Tragédie  en  cinq  aftes,  en  vers, 
tirée  de  Xenophon  i  dédiée  à  M.  le  Duc  de  Nemours* 
Pa&is  I  Cardin  Befognei  1639.  in-^^ 


%8S       THEATRE  FRANÇOIS, 

(SUJET  DES  TRAVAUX  D'ULY! 

L'Auteur  a  inféré  dans  cet  ouvrage  9  qui  rel 
beaucoup  plus  à  un  poème  épique  >  mis  en  dia 
qu'à  un  drame ,  tout  ce  qu'il  a  pu  raffembler  de 
tures  d'Ulyfle  »  après  le  fiége  de  Troycs.  Oi 
ce  héros  favorifé  par  Eole ,  qui  lui  donne  de: 
remplis  des  vents  néceflaires,  pour  lui  proq 
heureux  voyage.  L'on  voit  auffi  les  matelots 
perfuadés  que  ces  outres  contiennent  les  plu: 
préfens ,  les  ouvrent  toutes,  &  excitent  la  p 
lente  tempête.  Ulyfle  eft  obligé  d'aborder  da 
de  Circé.  Il  cft  aimé  de  cette  Princefle  ;  &  aprc 
obtenu  d'elle  la  délivrance  de  fes  coropagn 
voyage  ,  il  la  quitte  pour  defcendre  aux  enfen 
on  fait  paroître  la  Cour  de  Pluton  :  Ulyfle 
avec  les  grands  criminels  de  la  fable.  II  y  re 
avec  plaifir  les  ombres  de  fes  amis,  tués  au  f 
Troyes.  Tirefias ,  qui  paroît  à  fon  tour,  lui  fa 
rentes  prédidions  fur  ce  qui  doit  encofe  lui  i 
enfuite  on  fait  paVoitre  fur  la  fcène  Jupiter  > 
ieil  &  d'autres  Divinités.  Enfin  Ulyfle  ,  val 
de  tous  les  obftacies  9  rejoint  fes  compagnons; 
en  fimflant  cette  pièce  ,  Jupiter  annonce  la  j 
jpour  venger  le  Soleil,* de  ce  qu'ils  ont  ofé  < 
des  troupeaux ,  qui  lui  étoient  confacrés. 

On  ne  peut  citer  de  cette  pièce  auffi  réguli 
lizarre  9  que  les  vers  fur  les  maux  que  caufe 

nç 


THEATRE  FRANÇOIS.      %Sq 

sllémenc  dans  le  monde  Tor  &  l'argent.  Ceft  par 
ate  réflexion  qu'Ulyffe  commence  : 

Minéraux  épanchés  du  vaîflèau  de  Pandore , 

Veines  d*or  &  d'argent ,  que  tout  lé  monde  adore  $ 

Vains  tréfors  amadés  dans  le  temple  d'Até  , 

Pernicieux  outils  de  la  néceâité}  ^ 

Ixecrables  métaux  dans  la  terre  (leriles,    ,  ..:  j 

Mais  qui  faites  germer  tant  de  o^aux  dans  Içs  Villes  ^ 

Vous  êtes  fi  puifTanSf  qu*aO)Ourd*hui  les  mortels 

Aux  idoles  d'argent  >  érigent  des  autels,  &c« 

(SUJET  D'AGARITE.  )  Le  Roî  amoureux  de 
L  jeune  Agarite  ^  charge  un  de  Tes  courtifans  de  &ire 
cette  belle  l'aveu  de  fk  paf&on.  Celui  ci»  pour  l'en- 
2tger  à  lui  répondre  f  lui  die  en  lui  montrant  UQ  tst« 
leau  qui  repréfente  le  Frintems* 

r 
•  ••••••« 

Voyez  ce  beau  printems  où  Pamour  s'eft  lui-même 

Repréfenté  par  tout  comme  Tùr  un  emblème  9 

Il  n*efl  trait  là  de-dans,  qui  ne  youd^fafTe  voir 

Des  chefs'd'ceuvres  entiers  de  Ton  dirin  pouyoir* 

Alors  que  ces  peupliers  à  la  vigne  fe  lient , 

Leurs  feuilles  tremblent  d'aife ,  &  leurs  branches  s*en  plient  | 

L'efprit  qui  les  produit ,  d'un  foin  perpétuel  ,  * 

Nourrit  entre  leurs  troncs  un  amour  mutuel  ^  ^ 

Ainfi  le  grenadier  &  le  mirche  fe  baifent  » 

Xt  parmi  les  citrons  ,  les  oranges  fe  plaifenti 

Cette  palme  profite  &  fe  charge  de  fruits , 

FaCant  près  de  fon  mâle  Qc  les  jours  &  les  nuits^  &Ct 

Cependant  Medoti  >  père  d'Agarite»  indruit  de 
imour  du  Roî  pour  fa  fille ,  &  voulant  la  fouftraire 
Qx  pourfuites  de  ce  Monarque;  fait  courir  le  bruic 


%go      THEATRE  FRANÇOIS. 

qu'elle  eft  enlevée  ^  &  la  fait  enfermer  dans  un  vieax 
.  Château  >  où  elle  pafTe  bien-tôt  les  momens  les  plus 
délicieux  p  par  l'amour  mutuel  entre  Policafte  JSc  elle. 
Ayant  eu  9  un  jour ,  enfemble  quelque  petites  alterca- 
tions 9  Agarite  cherche  à  appaifer  (bn  amant  :  il  Eût 
ainfi  ks  condi  tions  : 

c         '  ■ 

P  O  L  I  G  À  s  T  E. 

Pour  n'y  pcnfer  jamais ,  permets  que  je  te  baUe« 

y  A  G  A  R  IT  i. 

Fou<;yu  qu'en  tout  honneur.... 

jQ     .  P  O  L  I  Ç  A  S  T  Ç. 

Je  ne  démande  rien   . 
Autre  chofe,  d'honi&ur>  que  de  prendre  le  ti«n« 

AGARITE. 

■* 

Tu  t'émfUicîpes  trop  de  parkr  de  la  forte. 

POLICÀSTE. 

-  .  .  j.  '  ,      . 

Ha  !  que  tu  coimois^mal  l'amour  que  je  te  porte; 

AGARITE. 

Après  un  doux  biifer  ,  ne  demande  rien  plus  } 
J^^hais  plus  que  la  mort  <^es  plaifîrs  diiïblus. 

,^  O  L  I  C  A  S  TE. 

76  ne  yeux  point^palTer  ou  le  <ein  ou  la  bc^che  ; 
>ligQarde ,  ne  crains  point  qi^'autre.part  je  te  t  ouche^ 

A  G  A  R  ï  T  E. 

C*e(l  trop  recommencer.  Ha  !  je  me  iaclierai. 

'  POLI  CAS  TE. 

, .     . .  Je  n'en  veux  plus  qu'un  autre ,  &  puis  je  m'en  iraJM 

AGARITE. 

pcpêchei-Y0U8|  je  crains  que  Lyzcne  revieoAe» 


THEATRE  FRANÇOIS.       xgi 

Elle  avoit  Tes  raifons  pour  craindre  la  préfence  de 
Lyzene;  elle  fçavoic qu'il  étoit  amoureux  d'elles  mais 
elle  îgnoroit  encore  qu'il  Tavoit  demandée  en  maria- 
ge ^  &  que  Medon  la  lui  avoit  accordée,  Medon  vient 
avec  (atisfaéHon  annoncer  à  Ta  fille  le  bon  parti  qu'il 
à  trouvé  pour  elle,  &  lui  Ayante  lès  grands  biens  de 
Lyzene.  La  tendie  Agarite  >  peu  SdCtéè  des  faveurs 
de  la  fortuné ,  répond  à  fon  père  : 

J*j|ixnerois  oiieux  avoir  Policafte  tout  nud, 

Medon.  eft  peu  touché  du  noble  défintereflemenÉ 
de  fa  fiUe,  &  lui  ordonne  de  (e  préparer  à  donner  la 
main  à  celui  qu'il  lui  deflinei  La  pauvre  Agarite  au 
défefpoir  cherche  fon  amant,  poufr  lui  apprendre  cette 
funefte  nouvelle.  Celui  -  ci  la  raflure ,  &  lui  confeille 
de  feindre  d'obéir  à  fon  peré  ;  &  le^  foir  de  fes  noces 
dé  quitter  la  maifoh  patertieHè^  pourrie  venir  join- 
dre dans  un  azyle  fur ,  qu'il  lui  indique.   Le  projet' 
S'exécute  ;  &  Agarité  rejoint  Policafte ,  qui  la'  fait 
âégaifer  en  homme  ;  en  l'aidant  à  s'habiller ,  il  ne  peut 
•'empêcher  de  prendre  quelques  privautés  :  Agarité 

le  gronde  >  &  il  lui  tépoiid  :  ' 

."'/*■'■■'■ 

iyipn  ame  ,  le  moyen  d^  l'aid^  à  tâtons  ** 

(*  CétoitlamitA 
La  main  en  ce  devoir ,  eA  (î  pc^  àni  tetonis , 
i^A^on  ne  peut.  '    > 

(A  G  A  K  I  TE.) 
XaifTc-iBoi* 

1  \\ 


%gz      THE ATRE  FRANÇOIS, 

(POLICASTE,  ) 

Pourquoi  te  lai{{êraî-je  ? 
Miracle  !  j*ai  trouvé  fur  deux  pommes  de  neige 
Deux  petits  glands  de  feu  y  &c. 

Il  dl  néceiTaire  de  fçavoir  que  le  Roi  avoit  été  m^ 
ftruit  qu'Agarite  alloit  époufer  Lyzene  ^  &  qu'il 
a  voie  formé  le  deiTein  de  faire  enlever  cette  belle  le 
jour  de  Tes  noces  ^  &  de  faire  tuer  Ton  mari*  Des  hotok 
mes  mafqués  entrent  dans  le  bal ,  tuent  le  nouveau 
marié  ;  mais  ne  trouvant  point  Ton  époufe  9  on  eft  bien- 
tôt après  convaincu  qu'Agarite  eft  morte  >  parce  que 
Ton  trouve  k^  habits  fur  le  bord  de  la  mer.  A  cette 
affreufe  nouvelle ,  le  Roi  fe  livre  au  plus  violent  dé- 
fefpoir  :  il  fait  faire  la  ftatue  de  cette  jeune  beauté  f 
qu'il  met  fur  un  lit  de  parade  »  &  vient  tous  les  jours 
y  pleurer  la  perte  de  robjet  qu'il  adore.  Les  deux 
jeunes  amans»  ennuyés  de  leur  retraite  >  revienneoc 
déguiCés  dans  la  ville  ^  &  apprennent  ce  qui  fè  pafle 
à  la  Cour.  Policafte  perfuade  à  une  jeune  Pxincefle, 
qui  avoit  quelque  goût  pour  le  JUoi  >  de  prendre  la 
place  de  h  ftatue  J'A^arite  ,  ^  dç  faifir  un  inftant 
fevorable  pour  confoler  le  Roi.-  Ce  Monarque  arpve 
à  fon  ordinaire  pour  continuer  (es  triftes  regrets.  Il 
eft  d'abord  fort  étonné  de  ce  changement  de  décora- 
tion; peu  à  peu  il  s'y  acçoutyme  :  enfuitè  il  devient 
amoureux  de  cette  jeune  Princefle  >.&  jenfin.il  finit 
par  l'époufer.  Enchanté  xle  (on  boqheur  >  il  veut  coq« 
noitre  l'auteur  d'un  fi  heureux  fliratagème  ;  on  IqJ 


THEATRE  FRANÇOIS.       %q$ 

nene  Policafte  »  qui  $'engage  de  faire  quelque  chofe 
^  bien  furprenant  ^  c'eft  de  rendre  Agarite  à  la  vie» 
on  la  lui  promet  en  mariage  ;  le  Rœ  lui  en  donne 
parole  :  auffi-côt  Agarite  paroit  >  &  on  lui  Ëiit  époa*; 
r  Ion  cher  Policade, 

(  SUJET  DE  PANTHÉE.  )  Panthée  eft  prifon.. 
ère  de  Cyrus;  Arafpe  eft  commis  à  fa  garde  >  &  en 
rvient  amoureux  :  voyant  qu'il  ne  peut  la  faire  con- 
Qtirà  Tes  déiirS)  il  veut  la  violer.  Le  Roi ,  inftruit  de 
)  forfait  9  charge  Abradate,  ami  d'Arafpe  ^  de  lui 
m  laver  la  tête.  Pour  mieux  s'acquitter  de  fa  com» 
i(Con>  Abradate  prend  le  ton  ironique ,  &  lui  dit; 

Après  nnt  de  périls  que  vous  avez  courus , 
Pcnfei  vous  point  toujours  être  aimé  de  C/rus  ? 
Serez ^ous  point  au  rang  des  illuflres  Monarques  9 
Pour  ce  dernier  combat ,  dont  vous  pprtez  les  marques? 
Ce  coup  d*ongle  imprimé  vous  a  mis  en  courroux* 
Mais  efl-il  de  la  main  de  Panchée  ,  ou  de  vous  î 
Tout  au  milieu  du  front ,  vous  avez  une  étoile  | 
N*eA-ce  point  de  l*agrafFe  attachée  à  fon  voile  î 
Quelque  gros  diamant  a  caufe  ce  malheur ,  * 

Qjui  vous  fait  fur  le  nez  une  extrême  douleur*  ,   ; 

£t  cette  cgratignure ,  une  épingle  mal  mife  ,  *         r 

Vous  Ta  faite  à  la  joue  »  en  baifant  la  chemife  i 
Je  m*étonne ,  voyant  .votre  poil  hérifTé , 
Comme  vous  n^êtes  chauve,  en  ayant  tant  lalflél 
G  ce  fameux  combat ,  &  digne  de  mémoire , 
Qvi  voi^s  met  à  main  une  palme  de  gloire  ! 

Arafpe  confus  »  n'a  rien  de  bon  à  répondre  ;  mais 
i    confofion    redouble   encore  ^   loriqu'il  voit  arri-. 


ig4      THEATRE  FRANÇOIS. 

ver  Cyrus  9  qui  veut  d'abord  le  faire  punir  iMi^ 
ment  ;  &  qui  enfuite,  eti  fin  politique ,  trouve  le  moyen 
de  profiter  de  fa  faute.  Il  feint  de  Texiler ,  &  lui  or- 
doni^e  d'aller  chez  Tes  ennemis ,  ou  fans  doute  il  fera 
bien  reçu ,  enfuite  de  revenir  lui  rendre  compte  de 
)a  fituation  de  lair  armée.  Cependant  Panthée ,  per- 
fuadée  que  c'efl  par  rapport  à  elle  que  Cyrus  s'eft 
privé  d'Arafpe,  pour  témoigner  fa  reconnoiflànce  à 
ce  Monarque ,  écrit  à  fon  mari  Abradate  de  quitter 
le  parti  de  Crefus ,  pour  venir  prendre  celui  du  Roi 
des  Perfes.  En  effet ,  Abradate  fuit  les  confeils  de  fi 
femme.  Cyrus  le  reçoit  avec  les  plus  grands  hon- 
neurs, &  lui  donne  le  commandement  d'une  partie 
de  fes  troupes.  Qn  doit  bien  remar^guer  en  cet  endroit 
avec  quelle  adreffe  Durval  fçait  donner  à  Cyrus  le 
çara&ère  de  la  plus  grande  bienfaifance.  Malgré  tous 
les  embarras  de  la  guerre  9  ce  Monarque ,  toujours 
plein  de  bonté  &  d'attention  j  fait  donner  à  Abradate 
une  grande  tente ,  poqr ,  avant  fon  départ  y  paffer  du 
moins  une  bonne  nuit  avec  fa  femme  ;  Abradate,  en- 
chanté  de  cette  honnêteté,  vient  en  rendre  compte 4 
Ifanthée ,  &  à'exprinae  ainfi  : 

Avant  que  je  me  rende  où  ma  charge  m'appelle  ^ 

Cyrus  m*a  voulu  fatre  une  grâce  nouvelle , 

pe  nous  loger  enfemble  encor  cette  nuit , 

four  au  moins  »  fi  je  meurs ,  vous  lai£*er  un  beau  fruît« 

|1  juge  que  deniain  >  vous  ferez  plus  contente  ,  &e. 

|i.près  avoir  eu  une  très  «•  bonne  nuit>  &  rempli  toulQ 


^  THEATRE  FRANÇOIS.      %g^ 

le^  devoirs  ,  Abradate  quitte  Panthée ,  (è  met  à  la  tête 
dés  troupesi  livre  on  combat  à  Crefus»  où  ce  Monarque 
eft  bleflié  &  fait  prifbonier.  Mais  le  nouveau  Gén^ 
lal  eft  lui-même  blei][é  daDgéreufement.  On  le  rap* 
porte  dans  le  camp  >  où  il  meurt  entre  les  bras  de 
Panthée ,  qui  >  de  défefpoir ,  fe  tue  fiir  le  corps  de  fou 

époux* 

•  -  • 
Cette  pièce  eft  très-régulîere ,  &  remplie  de  per- 
JTonnages  épiibdiques.  L'Auteur  dans  la  Préface  avoue 
qu'il  n'a  point  voulu  s'afTujettîr  aux  régies  des  trois 
Unités  :  auflî  les  violet-il  à  chaque  inftant.  La  fcèet 
eft  tantôt  dans  le  camp  de  Cyrus,  tantôt  dans  celui 
de  Crefus.  Il  y  a  une  PrinceiTe  Armenide^  époufe 
de  Tygrane,  qui ,  fans  (ça voir  pourquoi ,  eft  d^guifée 
en  honmie  >  &  qui  ne  produit  aucun  ei^^t  ;  certaine- 
ment  la  verfification  ne  fauve  pas  l'irrégularité  delà 
conduite* 

R.  M.  SIEUR  DU  ROCHER, 

L'I  N  b  I E  N  N  E  AMOUREUSE ,  ou  L'HEU- 

REUX  NAUFRAGE,  Tragi-Comédie  en  cinq 

aâes  9  en  vers  >  imitée  de  l'Ariofte  9  dédiée  à  '^Made- 

moifelle  de  Liancourtj  avec  un  argument,  6c  quel* 

,  qoes  vers  à  l'Auteur.  PÀ&ls  ^  Jean  Corr^zet,  1^31» 

LA  MELIZE  ,  ou  LES  PRINCES  RECON- 
NUS >  Paftorale  comique  en  cinq  aftes  j  en  vers  y 
avec  un  prologue  facétieux ,  un  argument,  &  quel- 
ques vers  à  TAuteçir  f  dédiée  à  Madame  la  DvcheiTe 


r 


%9&     THEATRE  FRANÇOIS. 

de  Moncbazon.  Paris:  Corrozec ,    1634.  in-8^# 

(SUJET  DE  L'INDIENNE  AMOUREUSE.) 

Clerafte  &  Rodomare  y  fils  du  Roi  du  Pérou ,  fonc 
{cctés  par  une  tempête  dans  l'ifle  de  la  Floride  >  & 

arrivent  aflez  à  propos  pour  délivrer  Axiane ,  fille  da 
Roi ,  qui  étoit  au  moment  d'être  violée  par  Méan- 
dre 1  Prince  du  Mexique  9  à  qui  ils  accordent  la  vie. 
Clerafte  devient  amoureux  d'Axiane  9  &  a  le  boa- 
beur  de  lui  plaire  :  elle  lui  accorde  même  quelques 
jbaifers* 

C  L  E  R  A  s  T  E. 

»    .    .    • •    .    -    s 

£t  ibuffrez  que  mon  ame  en  eztafe  ravie  ^ 
fiance  fut  ce  fein  le  dernier  craie  de  vie. 

AXIANE, 

Laidèz  meurir  ces  fruits  :  le  tems  8c  la  raifoii 
Vous  les  feront  ceuillr  en  leur  propre  faifoii* 

CLERASTE. 

Vous  permettrez  du  moins  que  nos  bouches  fe  colent^ 
£c  que  dans  ces  plaiiîrs  nos  deux  âmes  s'envolent.  . 

AXIANE. 

Vous  priver  de  fî  peu  9  ce  feroic  voi^s  punir  i 
Mais  après  cela  die ,  à  n*y  plus  revenir. 

!Après  s'être  dit  bien  des  chofes  tendres  >  voyant 
que  le  jour  efl  prêt  à  finir,  Axiané  dit  à  (bn  amant: 

Retirons-nous ,  mon  ame ,  attendant  que  le  fout 
Recommence  de  luire  avccque  notre  amour* 

CLERASTE. 

Mon  bel  aftrc ,  tes  yeux  n'ont  que  trop  de  liimicrei 
tl  Iç  Soleil  Cautoa  i*vîîittç,uCjt  cacticrç-. 


THEATRE  FRANÇOIS.      %S7 

Voyant,  par  les  rayons  que  jettent  tes  beaux  yeux  j 
Qae  tu  n*es  ici  basque  ce  qu*il  efl  aux  deux. 

Cependant  Méandre  eft  bien-tôt  inftruit  de  l'intel- 
ligence qui  règne  entre  ces  deux  amans  ;  &  pour  la 
troubler)  il  donne  un  rendez*vous  à  Rofemonde. 
dont  il  eft  aimé  :  il  lui  fait  prendre  les  habits  de  à 
coufine  Axiane ,  &  par  ce  ftratagème  perfuade  à  CIe« 
rafte  qu'il  efl:  tout  au  mieux  traité  par  la  Princefle. 
Ce  tendre  amant  au  défefpoir ,  &  croyant  ne  pouvoir 
plus  douter  de  (on  malheur  9  fe  précipite  dans  les  flots. 
Son  frère  vient  demander  juflice  au  Roi.  Ce  Monar- 
que inftruit  des  motifs  qui  avoient  porté  Clerafle  à 
fe  donner  la  mort ,  fait  mettre  en  prifbn  Axiane  & 
Méandre ,  &  bien-tôt  les  condamne  à  la  mort.  Il  eft 
néceflaire  de  fçavoir  qu'on  avoit  rétiré  Clérafte  du 
milieu  des  eaux  »  &  qu'on  l'avoit  rendu  à  la  vie  ;  mais 
que  ce  Prince,  fe  rappellant  fanScefTe  l'infidélité  d'A« 
xfane  i  &  plongé  de  plus  en  plus  dans  l'amertume  & 
la  douleur  9  s'étoit  confiné  dans  un  défçrt.  Il  faut  fça« 
voir  encore  que  Rofemonde ,  ayant  appris  qu'on  avoic 
condamné  Axiane  ^  fe  reprochant  d'avoir  contribué 
à(bn  malheur  ,  &  déchirée  par  fes  remords»  s'étoïc 
retirée  dans  le  même  défert.  Le  Printe  la  rencontre  : 
elle  lui  apprend  tout  cequis'eft  pafTéà  la  Cour  depuis 
qu'il  s'en  eftabfenté.  Par  ce  récit  elle  lui  fait  connoître 
l'innocence  d'Axiane  ;  mais  lui  apprend  en  même- 
tems  que  cette  Princefle  infortunée  va  périr  par  la 
jnaia  du  bourreau.  Clérafte  n'hérite  pas  ;  il  part  dans 


5,9^      THEATRE  FRANÇOIS. 

rioftant)  perfuadeà  Rofemonde  de  le  faivre;  ikarni^ 
Tent  au  moment  même  où  Ton  alloit  livrer  la  Frio* 
celTe  au  fupplice  :  ils  la  juftifient  aifément.  Le  R(H 
tranfporté  de  joye  de  trouver  fa  fille  innocent^  i  la 
jdonne  en  mariage  à  Clérafte  >  Biît  époufer  RofetnoD- 
4e  à  Rodomare>  &  fait  brûler  Méandre. 

f  SU  JET  DE  MELIZE.)  Des  pirates  avoîent 
enlevé  Melize,  fiUe-du  Roi,  &  l'avoient  donnée  au 
Roi  d'Arcadie.  Le  Roi  d'Elide  déclare  la  guerre  à 
celui  d'Arcadie^  &  s'empare  de  fes  Etats.  Le  Monar- 
que détrôné  fe  réfugie ,  &  vit  incognito  dans  une  fo- 
rêt yoifme.  Avant  que  de  partir ,  il  avoit  remis  entre 
les  mains  d'un  de  fes  confidens  fes  deux  enfans>  Flo- 
rîgene  &  Delphire  avec  Melize  ,-pour  les  faire  élever 
dans  un  village  voiGn  :  il  lui  recommanda  fur-tout  de 
leur  cacher  le  fang  ilIuAre  à  qui  ils  dévoient  la  vie  » 
&  qu'il  leur  perfuada  qu'ils  font  fils  de  payfans.  Ces 
enfans  croiffoient  en  âge  &  en  beauté  ;  Florîgene  de- 
vient amoureux  de  Melize  >  &  en  eft  aimé.  Ce  Flo- 
rîgene étoit  fi  joli ,  qu'il  tournoit  la  tête  à  toutes  les 
bergères.  Enfin  après  bien  des  tracafiferies ,  des  jalotf- 
fieSy  de  petites  intrigues  &  de  plus  petits  moyens  9 
on  heureux  événement  procure  la  reconnoiflTance  de 
tous  ces  enfans.  Le  vieux  Roi  d'Elide  étoit  mort  :  fon 
fils  Clitimant  étoit  monté  fur  le  Trône;  ce  Prince  avoit 
vu  Delphire  &  en  étoit  amoureux.  Il  rend  la  Cou- 
ronne au  vieux  Roi  d'Arcadie ,  pçre  de  ùk  maitrefTç» 


THEATRE  FRANÇOIS.      2,95 

lui  demande  Pejphire  en  mariage  ^  &  rpbtient ,  ac« 
corde  (à  feur  Melize  au  gentil  Flprigcne  :  8c  tout  le 
monde  eit  heurelux. 

Je  n'ai  point  trouvé  dans  cette  pièce  très-médiocre, 
devers  qui  valuiTent  la  peine  d'être  cités;  mais  j'ai 
cru  devoir  rapporter  le  Commencement  du  prologue, 
qui  ,  comme  Ton  a  vu  >  eft  annoncé  fous  le  titre  de 
facétieux  ,  &  qui  du  moins  eft  fort  fingulier.  Voici 
ion  début. 

»  Rien  »  rien  :  Je  ne  le  ferai  pas ,  je  n*y  fiiîs  pas 
»  tenu  ,  bien  que  pour  ce  faire  je  foi^  aflez  fourni  de 
»  fil  &  d'aiguille.  Youlez  fçavoir ,  Mefdames ,  le  fujet 
y>  d.e  ma  jufte  colère  ?  C'eft  que  nos  Confrer'es  fou^ 
y^  tieiîfient  par  une  infinité  de  beaux  argumens,  que 
:»  je  fuis  tenu  de  vous  le  faire ,  que  ma  qualité  m'y 
y>  oblige;  Bref,  qu'il  faut  que  je  vous  le&fTe  :  &  bien 
p>  il  n'y  a  remède,  puifque  votre  mérite  &  mon 
'>3  devoir  me  foUicitent  de  vous  le  faire  pour  .1^  dé- 
yy  charge  de  ma  cotifcience.  Je  vous  le  ferai  donc. 
yy  Que  la  fueur  ne  vous  monte  point  fur  le  front ,  MeC- 
»  dames  :  j'entends  le  prologue ,  &c. 

165  !• 

JEAN  OGIER  DE  GOMBAUD,  né  à  SaîAt- 
Juft  de  LuiTac  >  près  Brouage  en  Saintonges  y  mort  eii 
1666.  âgé  de  près  de  cent  ans;  il  étoit  de  l'Acadé- 
mie Françoife  &  Gentilhomme* 

L'A MARANTE,  Paftorale  en  cinq  aétes ,  en 
vers ,  avec  des  chœurs  &  un  prologue  >  dédiée  à  la 
Heine ,  mère  du  Roi.  Paris,  Ant.  deSommaville^ 


3QO       THEATRE  FRANCO li: 

LES  DAN  AIDES ,  Tragédie  ,  dédiée  à  Monfeî- 
gneur  Fouqaet.  Paris,  Aug.  Courbé»  1650.  i/I-S^ 

(SUJET  D'AR  AMANTE.)  Amarante ,  fille  de 
JDaphnfs ,  étoit  la  plus  belle  &  la  plus  riche  bergère 
du  canton  ;  tous  les  bergers  (bupiroient  pour  elle.  Mais 
elle  ne  s'étoit  point  déclarée  pour  aucun  d'eux.  Le 
jeune  Alexis  étoit  le  plus  paiConné  ;  &  quoiqu'il  fùl 
pauvre  i&  qu'il  ignorât  l'auteur  de  Tes  jours  >  il  cher* 
choit  fans  ceflè  à  lui  donner  des  preuves  de  l'excès  de 
fon  amour.  Son  bonheur  le  conduifît  un  jour  dans  an 
bois,  où  il  délivra  Amarante  des  mains  d'un  fatyre, 
qui  étoit  prêt  à  la  violer  ;  la  bergère  fut  fenfible  com« 
me  elle  le  devoit  à  un  auffi  grand  fervice  >  mdis  n'o(à 
c^endant. pas  encore  fe  déclarer  en  fk  faveur.  Dapbnis 
fou  père,  défirant  avoir  un  gendre,  la  prefle  de  choî- 
fir  un  époux.  Tous  les  amans  fe  rafTemblent  ;  un  plai. 
fant  >  lés  voyant  en  fi  grand  nombre ,  dit  ; 

VoU^  bien  des  épousa  : 
Il  faudra  un  grand  lie  pour  les  contenir  tous. 

Cependant  Amarante,  ne  pouvant  réfifier  aux  or- 
dres réitérés  de  (bn  père ,  déclare  qu'elle  donnera  la 
main  à  celui  qui  lui  rapportera  une  ceinture  qu'elle 
avoit  perdue ,  lorfque  le  fatyre  voulut  lui  Biire  vio^ 
lence>ou  qui  lui  préfentera  la  dépouille  d'un  grand 
cerf  célèbre  dans  le  canton,  à  caufe  de  fa  finguliere 
légèreté.  Elle  fçavoit  qu'Alexis  avoit  ramaifé  la  cein- 
.ture>  &  elle  ne  doutoit  point  qu'il  ne  fiuc  bienaôi 


TMEA.TRE  FRANÇOIS.      501 

^nqueur  du  cerf.   En  effet  j  il  devance  tous  lès  ri« 
vaux  ;  ii  voit  le  cerf»  le  joint  &  le  tue  ;  mais  malheu- 
reufement ,  fuccombant  fous  la  fatigue  quil  avoit  ^f- 
fuyée  ce  jour  là,  &  contre  cet  animal  &  contre  lelà« 
tyre,  il  s'endort.  Oronte^  jeune  bergerei  qui  lui  avok 
ftovain  offert  fa  tendreiTe»  voyant  qu'il  avoit  rempfi 
les  deux  conditions  exigées  par  Amarante ,  &  qu^il 
àlloit  devenir  fon  époux  >  cède  k  la  jaloufie,  lui  vole 
la  ceinture ,  &  attache  au  col  du  cerf  un  billet  f  qui 
paroic  écrit  de  la  main  même  de  Diane ,  par  lequel 
cette  Déefle  ordonne  la  mort  d'Alexis ,  pour  avoir 
ofé  tuer  un  animal  qui  lui  écoit  con(acré.  Dès  que  les 
bergers  ont  connoiflance  de  cet  ordre  cruel ,  ils  arrè« 
leot  le  malheureux  berger  9  &  le  conduifent  au  (up- 
plice.   Aniarante  prend  envain  fa  défenfe  :  il  alIoit 
périr  >  lorfque  Timandre  9  le  plus  puiflant  des  bergers 
de  la  contrée,  arrive  tout  à  propos  d'un  très -long 
voyage  9  qu'il  avoit  entrepris  pour  retrouver  fon  fils 
&  (à  fille  ,  qu'on  lui  avoit  enlevé  depuis  long-tems  : 
on  peut  juger  de  fa  joye  lorfqu'il  reconnoît  fon  fils 
dans  Alexis ,  &  fà  fille  dans  Oronte.  Sa  fatisfàdioa 
eft  bien-tôt  troublée,  lorfqu'il  apprend  qu'on  alloit  fai- 
re mouric  Alexis» Oronte  alors  ,  pour  fauver  les  jours 
de  foH  frère ,  révèle  la  fupercherie  qu'elle  avoit  faite; 
&  Alexis  juftifié  pafle  auffi-tôt  des  bras  dp  U  mort 
dans  ceux  de  ùl  cheie  Amarante» 

Cette  Paftorale  chargée  d'incidens  >  qui  la  rendent 


30X       THEATRE  FRANÇOIS. 

très-  ohfcurei  eft  bien  mauvaife  &  bien  mal  écrite; 
les  chœurs  danslesentr'aâes^  (ont  ce  qu'il  y  a  déplus 
paflable ,  mais  ne  méritent  cependant  pas  que  j'en 
dte  aucun  fragment.  ' 

(LES  DAN  AIDES.)  Je  ne  croîs  pas  devoir 
donner  i'analyfe  de  cette  pièce  ;  &  je  renvoyé  à  deux. 
Auteurs ,  qui  ont  traités  le  même  fujet ,  Aiuperous 
en  1704.  Ibus  le  titre  d'Hypermneftre ,  &  TÀbbé 
Abeille  fous  celui  de  Lincée.  La  première  eut  le  plus 
grand  fuccès  ;  &  on  la  voit  encore  aujourd'hui  avec 
la  même  iâtisfaftion.  La  féconde ,  quoique  remplie 
de  grandes  beautés ,  n'a  point  été  repréfèntée.  A  la 
mort  de  l'Abbé  Abeille  ,  on  la  trouva  dans/fes  pa- 
piers :  il  n'y  a  pas  long  -  tems  qu'on  l'a  imprimée  en 
Hollande  pour  la  première  fois.  Celle  de  Gombaud 
dans  fon  tems  attira  avec  juftice  les  fufFrages  de 
tous  les  fpeâateurs.  La  conduite  ^  il  eft  vrai ,  n'en  eft 
pas  exaâement  régulière  ;  mais  la  verfiScation  en  eft 
noble ,  &  préfente  (buvent  des  tableaux  vraiment  tra- 
giques. Pour  en  donner  une  idée  9  j'en  citerai  deux 
endroits  ;  l'un  pris  dans  la  deuxième  f cène  du  premier 
aSe  ,  au  moment  que  le  Roi ,  intimidé  par  un  Oracle 
qui  lui  a  prédit  qu'il  périroit  par  la  main  d'un  de  fes 
gardes ,  fait  venir  des  devins  ;  i»'un  d'eux  >  après  avoir 
confulté  les  entrailles  des  animaux  >  lui  dit  ; 

les  Dieux  épouvantés  abandonnent  leurs  Temples  , 
îtfemblent  redouter  des  montres  fans  exemples» 
La  première  viâime  entraînée  à  TAutel , 
Tombe  comme  indignée  après  le  coup  mortel  ; 
Xe  fang  coule  à  regret  dé  Tes  veines  tremblantes  i 
Les  autres  ont  Pefiroi ,  paroifTent  chancellanteSy 
It  pour  fe  délivrer  font  leur  dernier  e£Fort  y 
Pa  les  voit  ac^ai^Ujc  long-tcm^dprèsleur  more. 


THE  AT  RE   FRANÇOIS,      30^ 

On  voit  des  coeurs  flétris,  des  entrailles  horribles  ^ 

Qui  de  notre  infortune  ont  des  marques  viables. 

La  flâme ,  au  lieu  de  tendre  au  fuprême  (ejouc  , 

Au  lieu  de  s'élever ,  rampe  tout  à  Tentour  j 

£t  telle  que  Lucine  au  milieu  des  nuages , 

£lle  prend  la  couleur  conforme  À  Tes  préiCages  : 

Tantôt  rouge  &  fànglante ,  elle  attaque  les  corps^  • 

£t  tantôt  pâle  &  fombre  ,  elle  imite  les  morts. 

Les  torches  ont  perdu  leur  clarté  coutumiere^ 

£t  ne  font  éclater  qu'une  ombre  de  lumière. 

Comme  les  mânes  Tout  au-delà  du  tombeau  y 

Si  le  trifte  univess (bufire  quelque  flambeau,  &c. 

L'aatre  eft  tirée  de  la  féconde  fcène  du  quatrième 
le  :  c'eft  Alphite  >  confidente  d*Hypermneflre ,  qiû 
snc  lai  apprendre  le  crime  affreux  que  fes  ibeurs 
*nnent  de  commettre.  Interrompue  dans  fbn  récit  ^^ 
le  le  continue  ainG  : 

Pour  courir  au  fecours ,  que  d'un  commun  accord  , 

£Ues  fe  dévoient  rendre  en  ce  tragique  e£fort , 

la  fîere  Iphimedufe ,  &  la  belle  Âflerie , 

Spnoient  .cbmn^e  en  triomphe  ,  &  niàrchoienc  en  furie  f 

Les  bras  nuds  &  faugUns  ,  également  armés. 

Qui  déjà  fembioient  être  au  meurtre  accoutumés^ 

La  vaine  ambition  de  paroître  cruelles , 

Amcnoit  Callidice  &  Theane  après  elles* 

Toutes  avec  ardeur ,  s'avançoient  pour  aider 

Celles ,  que  trop  de  crainte  auroit  pu  retarder. 

£n  effet ,  Adianthe  ,  Hyppodame ,  Euridice 

Ne  fe  pouvoient  réfoudre  à  ce  cruel  office  } 

£t  d'un^trouble  fi  grand ,  leurs  courages  preflés 

La&floient  languir  les  corps' qu'elles  avoient  bleiTés,  &c. 

L*on  attribue  encore  à  cet  Auteur  Cidype  &  Aconce» 
:  Théodore.  Ces  pièces  n'ont  point  été  iœgrioiéea. 


y<74       THEATRE  FRANÇOIS. 

RICHEMONTBANCHEREAU,  né  à  Saumur, 
b6i2.  il  étok  Avocat  au  Parlement 

L'ESPERANCE  GLORIEUSE ,  ôa  AMOI 
ET  JUSTICE,  Trag.  Comédie  en  cinq  aâtes,  en  v( 
dédiée  à  Monfeigneur  le  Prince  de  Condé>  avec  un  2 
au  Leâeur,  une  Préface  à  M.  de  la  Martiniere  BroiTs 
Gentilhomme  Vendomois  >  &  quelques  poëfies  di\ 
fes.  Paris,  Claude  Collet»  i6)2..  i/i-8^. 

LES  PASSIONS  EG ARE'ES ,  ou  LE  ROMi 
DU  TEMS ,  Tragi-Comédie  en  cinq  aûes ,  en  ve 
dédiée  à  Monfeigneur  le  Comte  de  Fiefque,  a 
un  avis  au  Leâ;eur.  Parjs»  Claude  Collet,  16: 
fa  8<*. 

(  SUJET  DE  L'ESPERANCE  GLORIEUS] 
Cloris  avoic  eu  quelques  complaifances  pour  Philid< 
cet  amant  indifcret  fe  vante  de  fes  Biveurs  >  &  ti 
même  des  propos  injurieux  à  Ton  honneur.  Elle 
trouver  un  Procureur ,  &  lui  dit  : 

Monfîeur ,  il  efl  befaîn  id  de  confulter 

Que  la  force  d'amour ,  m*ayaac  fait  arrêter 

Dans  un  lien  fatal ,  ou  mon  ame  eft  complice  > 

D*un  cercain  innocent ,  tout  fourré  de  malice  , 

D'un  infidel  atnant  qui  tire  vanité  , 

De  triompher  envain  de  ma  fidélité  » 

De  qui  les  beaux  difcours  ,  xponflrcs  de  flatterie  f    . 

M*ont  fembfê  des  crayons  de  l'enfant  d'Idalie  j 

Mais  dont  la  lâcheté  fe  porte  jufques-U  ^ 

De  publier  ici  que  j'avois  fait  cela  , 


THE 4Tii£  FRANÇOIS.       305 

Et  qui  plas  eft  éncor ,  thùCè  plus  inhumaine  , 
21  a  mis  â  ma  porte  ud  boiichoil  pour  enfeagne  t' 
il  a  fait  des  romaûs  pour  me  deshonorer* 
N'aurois-|e  pas  bon  droit  dé  le  faire  appénérî 

Le  Procareur  lui  ébnfeitfe  de  demander  juftice»  il 
efle  une  Requête  qu'on  jpréfeute  au  Ju^e  du  lieu. 
3ici  tin  fragment  de  cette  requête  :  c'eft  Cioris  qui 
pofe  fe$  griefs  contre  Finlidor. 


*i  -  i  *■  /■     •' 


é  •  •  •         ' 


Que  le  vite  a  p6ttyoîrH>ù^  lâ^nàtufe  abonde  y  .:     '      < 

:  5Î";#^  *^'*  de  yecnw  <i^ç  pRur;pfittplçr.l«  nXtoftde  » 
Que  ce  que  la  nature  en  naifliant  lui  donna  >     • 
A  pour  fes  (Qretés  befoin  d'un  cadena. 
Z>e  dire  qucramour  prend/a  çqtt^  pjour  d^ppff  f  .  , 
Quand  la  terre  i:çgaracaur4çj(I<ius  de  fg  Juppé  9.  ,     . 
Que  Tamour  fe  recire  en  Ton  Ûeu  plus  fecret  > 
Pour  lui  faire  jecter  d^laçi^es  ^e  regrtfc  :  .->  ; 
Qu'amour  nâquitide  l'eau ,  qu'elle  aime  les  anguillts^ 
£t  qu'en  cas  de  procès  tout  le  droit  éft  aux  filtés.     "   ^  ^ 
Ainû  la  Suppliante  ofe  vous  requérit ,      ,  . „. ; 

(  Si  vous  n'avei  £iit  voeu  àc  la  faiie  mourir  ) 
D'en  vouloir  décernet  àùè'i^ia.  Tenoinmée  ; 

Qui  de  feu  qu'eUe^oit  ^  n^.eft^piurqu'Ufïé^âÀséii  '  '"  '  ' 
Qu'à  ces  fins  Philidoc ,  corpipteur  de  l'amour  ,  .    .  ; 
Ait  a^gnatîonàcecbmpétetirjour,       •  '- —  •        * 

Four  guérir  Ton  ho^peiv: ,  en  dépens  8ç  ^mei^lç^    , 

Dommages ,  intérêts.  :  c'eft  ce  qu'elle  demande  i;  :  ^ 

Le  tout  coniideré«  yous  plaifè  l'ordoAner  r  ,      c  , .    . ..  ^ 
£lle  a  pour  votre  droit  wx  baifei:  à,4oAaec»  . .,  -^ 

Le  Juge  fort  content  de  la  ^récompecife  qu'on  lui 
it  efpérer,  prononce  cette  Sentence  ;      ^  -  -* 
Tome  II.  y, 


|of      THE4TRK  rjt^N^ÇOJS^ 

E^  yû  ^)i*a(naur,  ^  lé  dfifljil^ , 
Sur  la  tecK  ^  le  ciel  y  &  ronde  » 
iSax^sii^  davantage  epqui;^^' 
Nous  ordonnons  que  tout  le  monde 
i  fera^comme  il  çft  re^MJi.  - 


\  .f^  -         t  ^0^4 


'   PubfcteïhrftahtattGrrfiér: 

DrefTez  le  jugement  fur  le  v^dci^fiecet* 

Après  ce  premier  Jugement  ^  l'af&ire  eft  portée 
devant  le  Juge,  Royal  »  &  .phâ4éet  cotttradiâokement 
devant  luu  L' Avocat  «foi  parie  c^tfcte  Oorisv  die  ea« 
tre  autres  chotàs: 


I ' •  »  I '«  i , 


Je  confdf^  >  konSaîr ,  que  ma  partie  àdrèrfë 
Seiaifl*e  bien  fouirent  tomWr  à  la  fenverie ,  &c. 


i^ 


Les  Avocats  àyam  celKâ^'de^  parier,  le  Juge  io' 
tcrroge*Clôriàl  «lui  dit  :   \]Z  1 

Clodsy  lere^  Ifi  mUn  {  êteS'T9Ùspas  p^ 
Vous  fi^i{tokifiiiec.dUuie{binde  qoeteUe* 

Enfin  le  Jdgé  prononce  àinE&S^^^         : 

Nous  dUô^  V  ï^aht  f|^  ce  diîbbt^ri  d^ârniouffecte  y 
Que  nous  n^^SHnoùs  plus  qu'une  inationnette  ^ 
Que  la  Dame -atu  bouchon  tnfottAefada  fait , 
Zt  viendra  dét^et  tons  ceux  qui  lui  ont  fait.  ^ 

Et  ce  beau  différend  venant  de  l'amour  même  , 
':i  <^:4^^ni^qûe'pôu[rplââre^^àTobitde» 

I<e  dé&ndeuf  «i^  gpmnwipîggipa  .    .       :  ^ 


■  r 
»  ■ 


( 


THE ATRE  FRA IfÇOIS.      §6y 

t)ts  pie  ces  de  Cloris ,  6c  la  collation. 
Xc  £u£Ulc  dçoit  iiiifi  fur  Tes  fins  de  rtqoefie^ 
Kous  ne  rcinpêchons  pas  de  >ouec  defon  téfiç  i 
A  la  charge  pourtant ,  d'éviter  les  abois  , 
Que  rhonneur  peUt  foiiffrir  à  la  fin  de  neuf  mois  >  &c« 

^  1  ,  *  ■  •        •  ■>•,■*  \    *  »  ■    '  -  >■ 

Il  lai  nonime  auflS  un  Carateur»  &  lui  défend  de 
>Dger  à  fe  marier  de  ce  jour  à  onze  ans.  Pendsiiit! 
>us  ces  plaidoyers ,  Philidor  étoic  ixiiorc  9  6k  Cloni 
voie  contrafté  an  noavel  engagement  avec  le  jeoîle 
'hilane  9  dont  elle  eft  éperdûmènt  àmoareufe ,  & 
a'elle  vôuloit  épdufer  ;  Ton  Carateur  s'oppofè  à  cet 
ymen^  Scelle  fe  retire  dans  un  défert.  Philanedé- 
louvrê  le  lieu  de  (a  retraite 9' &  s'y  rend  en  habit 
l'Hermite.  Enfin  pour  dénouer  là  pièce  >  on  fait  pàL* 
'  oitre  l'ombre  de  Philidor  >  qui  confeiTe  que  c'éft  il 

brc  qu'il  a  mal  parlé  de  Cloris  ^  &  ^oi  dit  : 

Je  fuis  ce  malheureux,  de  qui  la  médifance 
jËntreptit  autrefois  de  bleffer  Tinnocence. 
TaÀ  pour  punition  des  fiâmes  5c  àc&  fers , 
£t  pour  honte  Tèffiroi  du  cachot  des  enfers. 

Il  retourné  auffltôt  dans  fk  défagréable  habitai* 
don.  En  mème-temis  l'Àmoùr  paroit  dans  Ton  chàr  i 
qui  ordo  nné  l'union  de  Philane  &  de  Cloris  9  &  qu{ 
leur  promet  mille  bonheurs.  Perfbnne  n'bfe  s'oppôfer 
à  la  volonté  du  maître  des  Dieusç;  &  ces  deux  amani 
fe  marient  à  la  grande  CatisËiâion  l'un  de  Tautre* 

Cette,  pièce  indécéâté  i  ïâal  écrite  9  &  pluâ  tiiti 


3o8      rUXATRE   FRANÇOIS. 

conduite  encore  •  a  cependant  eu  le$  plus  grands  élo* 
ges  de  tous  les  Auteurs  contemporains  :  on  peut  foop- 
çonner  que  la  jaloufîe ,  de  nos  jours  (i  commune  en* 
tre  les  Portes  ,  n'étoit  pas  encore  bien  établie  dans 
ce  tems  là. 

(SUJET  DES  PASSIONS  EGARE'ES.)  Je 
ne  crois  pas  qur*il  y  ait  jamais  rien  eu  de  (i  abfarde 
que  cette  pièce  ,  qui  d'ailleurs  eft  fi  chargée  d'épifo- 
des  »  qu'il  faudroit  la  fuiyre  fcènes  par  fcènes  >  pour 
en  donner  une  jufte  analyfe.  Je  me  contenterai  dooc 
d*en  rapporter  les  chofes  principales.    Caliante  eft 

amoureux  &  aimé  d'Artenice.  Aronte^  vieillard  ridi* 

cule>  eft  auffi  épris  de  cette  jeune  beauté  ,  qui  fe 

moque  de  lui ,  &  qui  répond  ainfi  à  la  déclaration 

d'amour  du  bonhonmie. 

Un  peu  de  ctin  blanchi  d'âge  d&  non  de  raifon  >  > 

Collé  defTous  un  os  accueilli  dé  poifon  , 
Où  mille  vermifTeaux  onc  déjà  fait  un  iiege,i 
Qui  ferc  à  1*  odorat  de  prifon  &  de  piège  -y 
Vd  parchemin  rouillé  y  qui  fut  autrefois  fîonc  > 
lorfqu'on  pouvoir  encor  y  tracer  un  affront  s 
Deux  portraits  de  ces  creux  d'un  cheval  de  bagage  y 
.  Qu'on  appelioit  fourcils  en  fervant  au  ménage  j 
Deux  cavernes  de  cire ,  ou  )e  fais  un  ferment  ^ 
Qiie  vous  en  faites  trop  pour  votre  enterrement  > 
Un  tuyau  de  vapeurs ,  dont  n'approche  perfonne , 
Farce  qu^on  tient  par  tobt  que  la  lèpre  fe  donne  y 
Deux  antres  vermoulus ,  où  l'on  voit  quelques  vers , 
Qui  ne  daignent  ronger  un  mort  dans  l'univers  ^ 
Un  peu  de  cuir  u(é  dedus  une  carcadè  y 
Qu'on  n'oferoit  choquer  de  peur  qu'elle  fe  cafTe  i 
Peux  lèvres  «  dont  les  traits  font  û  vieux  5c  d  meuti  ^ 
Qu'à  peine  ^ euvenc^ils  nous  dire  un  je  me  meurs  i 


THEATRE  FRANÇOIS.      309^ 

tTn  foufflie  9  dont  l*haleine  un  peu  contagîeulb  y 
€oarc  ici  le  danget  d'être  litigleure  i 
Un  poil  tout  hériflS  f  qu'on  n'oferoit  toucher. 
De  peur  qu'en  le  touchant  on  vînt  à  l'arracher; 
Un  corpi  qui  pafleroit  poutTombre  d*ua  atome  ^ 
$i  Ton  lui  dérpboit  le  titre  de  fantôme  i 
Un  port  qui  raccourcit  enfemhle  tout  le  corps,. 
Pour  avoir  moins  de  peine  à  paifer  chex  les  morts  ; 
Infîn  vos  cheveux  gris ,  v  0$  yeux  caves  en  tête  » 
Vos  os  pareils  à  ceux  de  quelque  vieille  bête , 
Demandent  bien  plutôt  quelque  prompt  monuraenr^ 
Que  de  vous  arrêter,  i  me  voir  feulement. 

• 

Une  Magicienne  prend  la  figure  d'Artenice ,  Se  fout 
déguifement  jouit  de  Caliante.  Filandre  &  AlcidOf 
it  tous  deux  amoureux  d'Agarite  ;  le  premier  fe 
ouille  avec  elle»  &  fe  réconcilie»  d'une  manière  un 
o  fînguliere  ».  d'autant  que  le  raccommodement  fe 
ic  fur  le  théâtre  y  &  fe  pafle  ainfi.  Agarice  fe  cou- 
e^  &  feint  de  dormir.  Filandre  fe  met  auprès  d'elle 
abufe  de  Ion  fommeil  ;  puis  il  meurt  fur  fon  (ein 
ns  un  excès  de  plaifir  ;  8c  ce  qu'il  y  a  encore  de  plus 
:oncevable,  c'eft  qu'Agarite  fe  confole  de  la  mort 
i  fon  Filandre  »  en  embraffant  Alcidor  >  &  le  con- 
lifant  dans  fit  chambre  9  fans  doute  pour  y  réjpéter 
fcène  dont  elle  a  préfenté  le  fpeftacle  en  public.  On 
mve  encore  bien  d'autres  ridicuUtés  dans  cette  pie* 
:  un  Guillaume  qui  dit  beaucoup  de  platitudes»  & 
i  fans  fçavoir  pourquoi  »  met  le  feu  à  la  ville  ^  ou/ 
en  du  monde  çérit*   Oliante  6c  Artenice  qui  fe 

Y  i\\ 


battent,  fç  reçpnnoiiTçQ^  &  s'épcml^nt,  poojr  fiûre  Iie^ 

4énouement  »  mais  faos  lo^Eifs  m  raifiHis.  Je  {KAmoii 
citer  encore  plufietirs  autres  événbthèns  auffi  cohtrai- 
res  au  bqn  fens  :  maïs  je  crois  a^FOir  feit  afiez  cdnnoi- 
.  tre  cet  ouvrage  >  qui ,  guoiqu'encore  plus  mauvais  qae 
le  précèdent^  &  certainement  bien  plus  contre  les 
bonnes  mœurs  >  a  reçu  cependant  lés  éloges  lè$  plus 
flatteurs  des  Auteurs  tes  plujs  çélébries  du  tem  s  »  tels 
que  Racan  >  Mairet  »  Desfontaines  »  Gombaiid  9  & 
plufieurs  autres  ^  c|ui  s'efForcjpretit  à  l'envi  d['exalter  la 
beauté  de  cette  pièce.  Je  ne  peux  m'empêcher  de  ci* 

ter  les  vers  de  Gombaud ,  c'eft  ainfi  qu'il  s'exprime  ; 

»  ■  •     ■  ■     ■    • 

Ô  f  que  j  e  vois  d'appas  dedans  tes  pa£lioxi$  \ 

£t  que  ces  belles  fi£tioQs 

Que  ta  plume  nous  a  tracées  ^ 

Si  doucement  flattent  refpric  , 
Que  je  ferois  ferment  qu'un  Ange  les  écrit  » 
£t  qne  l'amour  lui  feiil  en  trouve  les  penjR6$« 

MKEmCLE,  Gonfeiller  dn  Ro} ,  ^  Général  de 
la  Cour  des  Monnoyes»  né  en  i5qo.  mpnrat  Doyea 
de  Udite  Cour  en  1661. 

P  A  L  E  M  O  N  ,  Fat)Ie  bocagere  &  paftorale ,  ea 
cinq  aâes,  en  vers >  avec  des  chœurs^  un  prolpguç 
èc  une  préface.  Paris  ,  Buguaft  ^  1 6 }  x  •  î/z- 8  ^. 

N I O  B  ES  Tragédie  çn  cinq  aâeS)  en  versy  avec  it% 

choeurs,  une  préface  &  un  argument ^ Paris  Ze  mtmel 

■<  .  '*    >.».".■  ■■,"■*  ■  '•  •  ■ 

L^  EIPELLE  BERGERE  , Comédie  paftorale, 
enfrlnq  a^e8}'en  vers»  i^vec  des  choeurs  ^  un  prdQ- 


THEATRE  rKANÇOlS.       ^ 

gae  f  une  pjr^ce  ^  va  ^trgameot.  Cette  p^^  le 
trouve  »  page  %i^  5 .  da  feçonil  Lijvrf  i^ef  Ëi^trecietis 
des  iiluftres  Berges ,  9\m^g^  cle  Frqiiçle  împnmé  k 
Paris  che2  Dugnaft >  en  16^^  i/t-S^. 

(SUJET  DE  PÂLEMON.)  Four  garantir  les 
bergers  fie  bergères  de  Saint -Germain  des  pièges 
de  l'arnoor,  Diane  vient  s'établir  ^ans  la  forêt  >  fi(. 
prend  les  habits  de  bergère.  Elle  expofe  ainfi  tes  noo- 
tift  qui  l'y  ont  déternrïnée. 

le  viens  état  ce  pays  en  ces  habits  rqftiques  , 
Afin  4'anéantir  les  fettertes  pratiques  y 
Que  l'amour  y  conduit  y  débauchant  mes  chadèisrs, 
Parrefpoirmtnronger  cf6  cet  feintes  douceurs^ 
Il  attire  leurs  ctturs  à  ce  que  plus  fabborre  s 
Il  promet  des  baifers ,  ou  quelque  chofe  encore  ' 

Qtii  leur  plaît  davantage  9  &;c. 

Son  (êconrs  eût  été  Êivorable  an  matheqrenx  Pale- 
tnon  >  (i  elle  avpit  pu  le  guérir  de  Ipn  amour  pour 
l'ingrate  Climene.  Ce  tendre  berger  cberchoit  fsnvain 
k  lui  plaire  ;  rien  ne  pouvoit  vaincre  (on  indiffiSrence. 
n  rencont  re  un  jour  Ergafte  1  &  lui  racoifite  ajtifi  To- 
rigine  de  (on  arnoor. 

Je  n'avoîs  point  appris  à  connoître  l'amour , 
liOrfque,  pour  éviter  le  plus  grand  chaud  du  foura 
J'allai  vers  un  ruiflêau ,  de  qui  le  beau  rivage 
Çonfervoit  raille  fleurs  dedans  un  frais  ombrage  |     , 
<Sa  fource  eft  à  l'écart }  &  jamais  nos  troupeaux  , 
Pour  fe  défalteter ,  ne  vont  troubler  Tes  eaux* 
P I A  N  £  «  qui  préfide  à  l'horreur  des  bocages  «, 
I.e  permet  feulement  aux  animtaux  faiivages^ 


Stx      THEATRE  FKAff.ÇOlS. 

Bicliei ,  daims  ,*&:  cHeyceuils ,  qu!  Vont  èa  (ïlretê 
Data  ua  lieu  (S  pUiHiQt ,  &  fî  peu  ftêqucnté,  ' 
Près  de  cette  demeure  oà  Flore  a  Ton  empire  y 
l*air  doucement  ému  du  rpufle  de  zephîre  , 
£c  la  fraîcheur  de  Teau  me  venoient  careflèr  y 
Afin  que  leur  douceur  m'invitât  d*ayancer. 
le  fuiyis  le  fentier  qui  m*y  pouvait  conduire  » 
Jufques  fous  un  couvert  où  le  Soleil  vient  luire  ^ 
Comme  à  la  dérobée  au  travers  des  rameaux 
pe  cent  arbres  feuillus ,  vieux  Palais  des  pifeaux  »      ' 
Qui  dès  Taube  du  jour  dans  cet  épais  feuillage  » 
^ont  ouir  jufqu'au  foir  un  amoureux  langage  \ 
Me  pe;nfant  repofêf  dedans  lin  lieu  fî  beau  , 
Je  vis  plufieurs  carquois  au  bord  de  ce  ruiffeau  y 
Attachés  fut  1^  faule  en  forme  de  trophée. 
Le  coeur  xpe  bat  a\i  fçin  ,  ppoA  ame  eft  échaufl^ç 
P'ua  defir  violent,  &  |e  ne fongeois pas 
Que  l'allois  avancer  l'heure  4e,  mpn  trép;^. 
Je  découvre  de  loin  quelques  nymphes  enfemble  s^ 
Je  deâre ,  )e  crains ,  je  m'adure  5c  \t  tremble  s 
J'avance  toutefois,  Çc  l'ardeur  du  defir , 
Me  promet  par  leur  vue  un  extrême  plaiiîr  s> 
La  peur  cède  la  place  à  l'efpoir  de  la  joye  ; 
£t  comme  le  chafTeuc  approche  de  fa  proye  » 
Paifant  un  long  circuit ,  falloM  â  pas  comptée 
^  Fout  contempler  de  près ,  ces  divipes  beautés  ; 
Craignant  d'être  apperçu  ,  je  n'eulTe  o(%  qu*â  peine 
Mettre  un  pied  devant  l'autre  »  &  poùiler  mon  haleîae  s 
J'avois  de  la  frayeur  des  feuilles  qui  tomboient  » 
Je  frémiCpis  ai|  bruit  des  oifeaux  qui  paffoient  | 
£t  l'onde  du  tuilTeau  ,  par  fo^  petit  murmure , 
Me  fembloit  nuirç  aufH  dedans  cette  aventure. 
Enfin  tout  en  fueur  entre  des  arbriftèaux  , 
ït  caché  des  builTons ,  qui  le  long  de  ces  eaux 
Ipont  une  paliffade ,  &  croifTent  en  grand  noo^bre  • 
Afin  d'entretenir  ce  beau  rivage  à  l'ombre , 


TfJEÂTRE  FRANÇOIS.       31^ 

Tai  pu  voir  d'alTez.près  rhonneyi  d'un  tel  réjout^ 

Et  les  fens  traafportés  de  merveille  ic  d*amour , 

J*apperçu«  dans  le  bain  quatre  nymphes  très-belles. 

O  puilTants  Vénus ,  je  vis  C  |L  I M  £  N  £  entre  elles  , 

C  L I M  £  N  £  que  fadore ,  &  de  qui  1 .1  beauté     . 

Triomphe  de  nia  joye  &  de  ma  liberté  : 

O  que  feus  de  plaiHr  de  la  voir  toute  nue  ! 

Une  flâme  d*ara9ur  à  mes  fens  peu  connue , 

Me  furprit  par  les  yeux ,  &  pafià  dans  mon  cœur. 

Qui  brûlant  fit  hommage  à  fou  nouveau  vainqueur ,  &c. 

Cç  récit  ne  fert  qu'à  lui  rappellcr  fes  malheurs  ;  & 
De  (e  Tentant  plus  la  force  de  les  fupporter ,  il  prend 
le  parti  de  s'aller  précipiter  dans  la  Seine.  Son  père 
qui  furvient  à  proposa  le  détourne  de  ce  fatal  projet  » 
&  le  détermine  à  faire  un  dernier  effort  pour  yaincre 
l'indifférence  de  Climene  :  il  y  confent ,  ^  le  fort 
femble  auffi-tôt  VQuloir  le  fervir.  Il  délivre  fa  bergère 
des  pattes  d'un  loup  qui  Pallpit  dévorer  :  c'étoit  une 
magicienne  qui  étant  amoureufe   de  lui ,  &  jaloufe 
de  la  tendreffe  qu'il  témoignoit  à  Climene  »  pour  (è 
venger  de  (à  rivale  f  avoit  conjuré  ce  loup  y  afin  de  la 
faire  périr*  Climene  délivrée  de  cet  affreux  danger  ^ 
au  lieu  de  témoigner  fa  reconnoiffance  au  tendre  Pa- 
lemon>  le  quitte  fans  lui  rien  dire  9  &  le  lai(fe  dans 
le  plus  afifreux  défefpoir.  Elle  va  compter  fon  aven- 
ture à  Delon  »  bergère  de  fes  amis  >  quiyTurprife  de 
(on  indifférence  8e  de  fa  cruauté ,  lui  dit  : 

N-'excitez  pas  l'amour  à  fe  veoger  de  vou^. 


$t4       THEATRE  FRANÇÙlSi 

CL  I  M  E  N  E. 

Il  ne  in^mporte  pss  qull  fe  mette  en  coortoox  | 
Diane  ,  pour  le  moins  ^  me  fera  favorable. 
la  menace  d'amour  ne  m*eft  point  Tedoutabfe^ 
Lprfijue  cette  Déefle  a  foia  de  me  gardée^ 

DELON. 

^n  pouvoir  toutefois  fe  doit  à|Fpt^ender* 

Il  me  fouvient  toujours  de  la  trifle  aventure 

Qà  Kaysfe  perdit.   Naysque  la  nature 

Avoir  faite  ici-bas ,  pour  fe  faire  admirer  } 

Son  extrême  beauté  fe  yoyoit  défirer 

D'un  grand  nombre  d'amans  j  mais  famais  la  cruelle 

M'aima  pas  un  de  ceux  qui  foupiroienr  pour  elle* 

Seulement  à  la  chafle  elle  prenoit  plaifir , 

Et  les  fombres  forêts  étoieilt  tout  fon  defîr. 

Celui  qui  dans  les  fers  de  fon  cruel  empire 

Avoir  le  plus  d'amour  &  le  plus  de  martyre  , 

C'étoit  le  bel  Adrafle ,  agréable  chafleur  » 

Que  la  faveur  du  Ciel  avoit  fait  poileflèur 

Pe  fes  plus  riches  dons ,  Se  qui  dès  fa  jeuneHè 

Avoir  le  bien  de  vivre  auprès  de  fa  maîtreflè  s 

lis  écoient  de  même  âge  9  U  d'un  defir  pareil , 

Et  n'avoient  pas  dix  ans  ,  que,  dès  que  le  Soleil 

Commençoit  â  dorer  les  fommets  des  montagnes,,' 

Xnfemble  ils  pourfuivoient  dans  de  rafes  campagnes^ 

Lès  timides  levreaux  'y  &  quelquefois  auffi 

La  prife  des  oifeaux ,  étoit  tout  leur  fouci  : 

Ils  retournoient  au  ibir ,  &  chargés  de  leur  proye 

Xntroient  dans  leur  demeure  avec  beaucoup  de  (oye* 

Mais  enfin  lorfque  l'eau  de  fon  rapide  cours  » 

Dedans  la  même  voye  eut  refait  plusieurs  tours  , 

Ces  plaiHrs  innocens ,  èc  fes  chères  délices , 

Se  changèrent  foudain  en  d'horribles  fupplices  } 

Comme  on  voit  qu'un  beau  jour  fe  rend  tri/le  â  nos  yeux  9 

Quand  l'orage  furyient ,  ^  nous  cache  les  cietu^ 


rSEATRE  TKANÇOIS,       31$ 

Adrafte  commençj^  de  cefijêadc  en  l'ame 

tes  premiets  mpuvexnens  d'une  nailEmte  flâme  9 

it  recevant  le  )oag  il  ne  put  ihritec 

les  attraits  de  Najrs ,  qui  le  dévoient  domter* 

Tandis  qu'il  s'effprça  de  fléchie  cette  belle , 

it  bois  reprjt  trois  fois  une  feuille  nouvelle , 

^t  trois  fois  le  Soleil  fit  jaunir  les  moitrons  t 

|1  gémit ,  ii  pleura  \  £bn  ame  en  cent  façons  ' 

Découvrit  les  çwm  dont  elle  épit  gênée. 

^4ai$  ce  fut  vaiûement ,  &  fa  n  ymphe  obftin^ 

Lui  ténioignant  toujours  une  extrême  rigiieur, 

§ouffi:it  qu'en  fa  prefence  il  mourût  de  langueuit* 

Mourant  9  il  l'adoroit ,  &  d'une  voix  débile 

|1  tâcha  d'adoucir  ce  courage  immobile  , 

Mais  les  trilles  accens  de  (a  dolente  voix 

Emurent  feulement  les  rochers  &  les  bois» 

Cette  inhumanité  ne  fut  pas  inipunie  \ 

Nays  fe  vit  faifîr  d'une  aveugle  manie  f 

Qui  la  mit  à  la  gieiie ,  ^  termina  (es  jours  » 
Pour  ne  pouvoir  jouir  de  fes  folles  amours* 

p  C  LI  M£N  £  !  écoiitez  la  fuite  d'une hifloire ^ 

Que  vous  devez.gta^er  dedans  votre  mémoire  ^ 
Vengeance  épouvantable  y  ^  juile  châtiment»  , 

P'avoir  caufê  la  mort  d'un  fi  fidèle  amant. 

Nays  »  la  fieré  nymphe  ,  appetçut  l^lidore  , 

Qui  trop  jeune  pour  lors ,  ne  pouvoir  pas  encore 

Devenir  amoureu^ ,  £c  reffentir  au  coeur 

Les  foins  qu'y  met  l'amour  »  quand  il  en  eft  vainqueur* 

Bile  en  fiit  toutefois  ù.  vivement  èprife , 

Que  fon  coeur  ,  ennenii  de  la  moindre  remife  , 

Mouroit  d'impatience ,  £c  ne  pouvoit  durer 

Sanss'offirir  à. celui  qu'il  vouloir  adorer. 

Auffi-tôt  eUe  alla ,  de  raifon  dépourvue  » 

Trouver  ce  bçau  garçon ,  doux  charme  de  ia  vue  ^ 

Qui  trompe  fes  defirs  9  &  ne  peut  amortit 

Les  Çecré'tces  acdeun  qu*il  lui  fait  reflèntir* 


/ 


pS      THEATRE  FRANÇOIS, 

Que  tes  yeux ,  lui  dit-elle ,  &  que  ton  beau  vifage 
Sur  les  plue  accomplis ,  emponenc  d'avantage  ï    , 
Que  ta  mete  efl  lieureufe ,  &  qu'elle  a  de  plaifîr 
De  voir  ton  beau  printems  répondre  à  fbn  defîrî 
Tu  ne  cédesjcn  tien  aux  nymphes  les  phis  belles  : 
Xt  quiconque ,  crois-moi ,  te  yetroit  arec  elles  , 
Ke  pourroit  remarquer  d'autre  diveriitê , 
Si  ce  n'eft  que  ton  teint  a  ît  plus  de  beauté. 
Tes  regards  font  plus  doux ,  &  les  puilTantes  flèches 
\       Qu'y  vient  {^rendre  l'amour ,  font  de  plus  grandes  brèches. 
£lle  tieno  ce  langage  ;  &  cellànt  de  parler , 
>Tays  folle  d'amour ,  commence  à  l'accoler  9 
le  prelTe  fur  fbn  fein ,  &  cent  fois  le  cebaife; 
It  lut ,  qui,  de  (a  part ,  reffent  un  certain  aife 
De  fe  voir  cared^,  la  rebaifoit  aufli  ; 
Mais  c'étoient  d^baifers ,  dont  Vénus  n'a  fouci, 
.    Propres  pour  une  mère ,  5c  non  pour  une  amante  , 
Qui  meurt  à  petit  feu  deffus  lui  languifTante. 
La  nymphe  à  tout  propos  fes  peine»  dédasott  { 
Mais  il  n'entendoit  pas  ce  qu'elle  défîrpit  : 
Son  âge  eo  étoit  caufe ,  &  fa  trame  ordonnée 
N'arrivoit  pas  encore  à  la  douzième  année.  ■ 
£lle  perdit  fîx  mois  à  toujours  foupirer  : 
^  Sa  compagne  fouvent  la  voulut  retirer 
De  cette  patTîon  fô ,  ma  foeur ,  difoit-elle  ( 
Il  faut  que  ton  déût  en  d'autres  lieux  t'appelle  r 
Change  d'aflèâion  *,  celui  que  tu  chéris  p^ 
lA  comme  un  petit  fan  y  qui  fur  les  bords  fleuris 
l>e  quelque  beau  ruidèau ,  fe  mire  dedans  l'onde , 
Où  -prend  en^bondilTant  fa  coutCe  vagabonde  ; 
Il  n'a  point  d'autres  foin» 9  &  le  fea  de  l'amour 
Si-tôt  dedans  fon  fang  ne  peut  faire  (éjour  : 
Ke  cherche  point  des  fruits ,  qui  trop  dure» encore^ 
N'ont  feoti  du  Soleil  l'ardeur  qui  les  colore , 
leur  donne  fa  faveux ,  &  fa  maturité. 
Ses  confeils  furent  yaiiu  jT^cIe  cocue  enchanté 


X 


THEATRE  FRANÇOIS,        317 

De  la  B/mphe  ambureufe  atcrut  plutôt  fa  rage  ^ 
Qv*elie  ne  fut  postée  âforàrxle  feivage.  / 

L'amour  jufqu'à  tel  point  auigmenu  fa  fureur  , 
Qu^eile  en  perdit  la  hoote  ^  Se  le  Qyïn  de  l'honneur« 
Même  on  dit  que ,  lafcive  outre  toute  mefure  , 
Elle  tâcke  une  fois  de  former  la  nature  , 
Qui  feule  rëpugnoit  à  fa  lubricité  , 

[El  &  voyant  véduite  à  telle  eitrémité  >  ^ 

De  ne  pouvoir  jouir  de  ce  qu'elle  défire ,  ' 

Pleine  de  défefpoir ,  de  rage  &  de  martyre  ^  ^ 

A  la  mort  réfolue  ,  eHe  embrafla  celui    - 
Qui  lui  faifoit  fentir  un  û  monel  ennui , 
Et  ûe  précipitant  au  plus  creux  de  la  Seine , 
Ule  finit  fes  jours ,  foA  amour  &  fa  peine. 

Cette  hiftoire  ne  la  fait  point  changer  de  fentimens, 
c  elle  continue  à  accabler  de  rigueurs  le  pauvre  Pa« 
imon.  Ce  malheureux  berger  n'écoutant  plus  que 
a  défefpoir  9  fe  précipite  dans  la  Seine.  Cependantf 
>ar  prouver  à  Diane  qu'elle  ne  pouvoit  faire  que  de 
iins~  efforts  contre  lui ,  l'Amour  enchante  une  fon» 
ine  f  dont  lé  criAal  brillant  invitoit  tous  les  bergers 
5*y  venir  baigner»  &  il  donne  à  cette  fource  tran& 
trente  le  pouvoir  d'embrafer  de  tous  fes  feux ,  les 
rinphes  qui  s'y  baigneroient.  Climene  fut  la  premie- 
:  qui  en  fit  l'épreuve  ;  elle  fe  vit  tout-à-coup  déchi- 
e  de  regrets  ;  elle  déplore  la  perte  de  (on  amant, 
:  elle  veut  mourir  fur  le  corps  de  ce  malheureux  bcri; 
:t,  qu'elle  embraffe  mille  fois  tout  inanimé  qu'il  étoit* 
;8  pleurs»  fes  careflfes  ranin^nc  ce  par &it amant* 
1  s'apperçpit  qu'il  reipire  encore  ;  de  nouvelles  iai; 


3/8       THEATRE  FRANÇOIS. 

mes  ^  &  là  chaleur  de  cent  baifers  multipUés  k  ren 

dent  enfin  à  là  vie<  Climene  y  aalH  tendre  qu'elle  avoi 

été  cruelle  >  fait  bien-tôt  le  bonheur  àt  Toh  cher  ti 

lèmon. 

' .  ■    •"..■■..■      '  .-.  '   "   '        ' 
Eti  général  cette  pièce  eft  bien  écrite  ;  &  l'on 

èrouve  quelques  vers  charmans.  Ceft  une  itnitatib 

du  Pafiôr  Fido ,  ifiais  aù-deflbus  de  ion  original. 

(  SUJET  DÉ  l^IÔBÉ.  )  Tout  le  monde  connb 
hiifioire  de  Niobé.  Cette  Reipé  >  fiere  de  fa  non 
breufè  poftérité ,  veut  fe  hite  rendre  les  honneu 
divins  >  &  interrompt  un  iàcrifice  qu'on  offrait  à  L; 
ionè  :  la  Déefle  y  pour  fe  venger  de  cette  impiéU 
lait  tuer  par  Diane  &  Apollon  les  fept  fils  &  les  (è 
Mes  de  Niobé.  Voilà  le  (hjét  de  cette  Tragédie  :  < 
ioici  le  dénouement.  Tantale  ^  un  des  fils  de  Niobi 
devoit  épôufer  Eriphile  ;  celle-ci  ignore  le  fort  de  (i 
amant  >  &  l'attend  dans  un  lieu  écarté.  Elle  découv 
iin  jour  un  teiàufolëe  >  ddnt  Tinfcription  lui  apprei 
les  malheurs  de  la  famille  de  Niobé.  En  mème^tei 
l'ombre  de  Tantale  lui  apparoit^  &  lui  fait  lè  ré 
de  (à  fin  tragique.  Eriphile  meurt  de  douleur  >  & 
pièce  finit.  Je  n'y  ai  point  trouvé  de  Vers  qui  mé 
taflent  d'être  rapportés. 

^  (SUJET  DELÀ  FmÈLLE  BERGERE 
Celinte^  jeune  Berger,  aimoit  fit  étoit  aimé  de 
jeune  Lerice  ;  itiais  foh  oncle  Aftibùlé  déftinoit 


TItSAT RE  FRANÇOIS,      319 

D  à  Merinde  >  berger  plus  riche  que  Celinte.  Le. 

e 

ne  pouvant  plu$  évitçr  un  mariage ,  qui  la  faitok 
irif  de  douleur  ^  conlènt  de  quitter  (on  pays  9  Sc 
\mvtt  Celinte  dads  une  autre  contrée.  Ils  s'acian«> 
U  pour  fe  tr^ver  à  iin  Heu  indiqué:  la  Bergère 
vée  au  rendez •» vous»  eft  enlevée  par  Tordre  de 
f rias  »  Prince  de  Théflalie  9  qui ,  l'ayant  un  jour  reoh 
:rée  à  la  chaffe  ^  en  étoit  devenu  amoureux*  On 
t  Juger  du  défefpoir  du  Berger  >  Iorfqu*après  avoir 
;  tems  attendu  fa  maltreiTe  >  il  n*en  eut  aucune 
velle.  Il  fit  tant  de  perquifitioos  9  qu'à  la  &i  il  df- 
^rit  qu'elle  étoit  dans  un  des  Châteaux  du  Prince, 
e  (^avoft  comment  iaire ,  lorfque  Periéis  ^  épooft 
[^alyrias  »  jaloufe  de  l'amour  que  fon  mari  tânoi- 
it  à  Lériicé ,  procure  à  Celinte  le  moyen  de  l'enlever 
e  Heu  dangereux .  Après  y  avdr  réuûS  ,  il  fe  réft^ 
z  dk  dans  une  forêt  ;  enfuke  il  va  trouver  Adibule  i 
A  il  promet  de  rendre  fa  nièce  »  pourvu  qu'il  veuille 
I  la  lui  acoocderen  mariage.  Afiibule  y  con^t;  K 
ïs  amans  (ont  bien-tôt  heureux* 


3ette  {HjBçe  eft  fagement  »  mais  froidement  écrites 
y  a  point  de  (ituatiqu  Se  peu  dlntérèt.  Voici  deux 
phes  d^un  chœqr  ou  d'une  ode  y  qui  termine  le 
ner  dSe  »  que  j'ai  cru  pouvoir  rapporter. 

.  L!  A  H^  U  JL  ftirmoïKe  cxMue  cboft  i 
.  j^UffçpJK  àfon  gré  difpoiê 

0es  Dieiut  donc  il  va  triomphant } 
'    Éc-lesiM^onarqttesdeUterrey' 


3XO      THEATRE  FRANÇOIS, 

Devant  lui  plus  frêles  que  verre  ^ 
Ne  foac  qu'cfclaves  d*un  enfant. 

llienvcrfc  par  fa  puiflaoce 
Tout  ce  qui  lui  fait  rcfiAance , 
Comme  un  torrent  pîein  de  fureur  , 
Qui  tombant  dés  hautes  montagnes^ 
Vient  ravager  fcn  nos  Campagnes 
L*e{pérance  du  Laboureur. 


16)2. 


tE  COMTE. 


LA  DORIMENE,  tr^gî  -  Comédie  en  cinq 
z&es  f  en  vers ,  dédiée  à  Madame  Boulatiger.  PakUi 

Cardia  Befogne}  1632^  in  8^« 

*  *  ^  ■  .-  ■ 

-   CSjtJJET  DE  LA,  DORIMENE.  )  Tirfis  denent 
amoureux  de  Dorimeoe  y  qui  bien-eôt-partage  fes  fenti- 
inens.  Lifis  »  fon  rivai ^l'appo^en  dddl>  &  en  efi  Ueffé; 
mais  Tirfis  eft  obligé  de  fe  (tenir  <$kcfaé  pour  éviter  le^ 
pourfuites  de  ce  combaÇf  Uj^e  vieillejyiafquife  devient 
amoureufe  de  Iqi ,  &  v^ui:  l'époufeciL  en  iQème>tem$ 
un  vieux  Comte  conçoit  la  plu^  grande  paflion  pour 
Dorimene ,  &  la  démaddé  en  mariage.  Lesfparens  de 
Tirfis  &  de  Dorirtiéne ,  trouvant  ce  vieux  Seigneur 
8c  cette  vieille  Da^e  >  des^partis  fort  ayaptageux  pour 
leurs  en&ns  ,  les  leur  accordent*  Le  tendre  TirGs 
&  la  jeune  Dorimene  >  au  déferpoir  de  voir  ainfi  leur 
'  amour  traverfé,  prennent  le  parti  dé  s^tifiiir  enfem- 
ble;  on  les  ratrap^;  oû  lç9  conduit  die van(  le  Roi  9 

qu^ 


THEATRE  FR ANÇOIS.       3x1 

qui,  touché  de  l'excès  de  l'amour  de  Tirfis,  lui  par- 
donne f  &  engage  le  père  &  la  mère  de  Dorimene  à 
acûorderleur  fiUe  aux  voeux  de  foh  tendre  amant. 

Cette  pièce  eft  dps  plus  médiocres ,  tant  pour  Ik 
conduite,  que  pour  la  verfifîcation;  8t  i)aalgré  les  ^élo- 
ges qu'on  trouve  adrefles  au  Sieur  le  Comte  ,  à  la  tête 
de  Ion  ouvrage  9  il  a  ^  je  crois  ,  fagement  fait  de  n<s 
plus  rentrer  dans  la  carrière  dramatique.  Voici  le  feut 
endroit  que  j'ai  cru  pouvoir  rapporter  pour  donner 
ridée  du  talent  de  l'Auteur  :  il  fe  trouve  à  la  fin  du 
quatrême  aàe.  Ceft  une  plainte  que  TirGs  adrefte  à 
Dorimene^ 

Ma  belle  »  qu'ai  \e  fait  ?  De  quoi  fuis-je  coupable  t 
Pourquoi  ne  vois-ie  plus  vos  charmes  précieux  ? 
De  douleur  feulémenc  me  rendez-vdu5  capable  > 
Pour  avoir  adoré  l'amour  dedans  vos  yeux  ? 

3'apperçois  bien  l'aurore  ea  fa  courfe  ordinaire  , 
Me  montrant  tous  les  fours  fes  habits  les  plu^beaui^s      \ 
Mais  las,  )e  ne  vois  plus  dcïïlis  noue  hémirphere> 
£clater  les  rayons  du  premier  des  flambeaux.^ 

Vous  avez  oublié  les  fermens  pleins  de  fiâmes  ^ 
Dont  notre  chafle  amour  entrecenoit  nos  feux  > 
£t  brifant  les  liens  qui  captivoient  nos  âmes  ^      , 
Vous  avez  oftcnfé  mes  déilrs  &  mes  vœux.  . 

Depuis  que  mon  coeur  eft  deflous  votre  puiflâticé  ^ 
Je  n'ai  pas  fait  paroître  un  manquement  d'amour  ; 
Mais  votre  changement ,  contraire  â  ma  condaiicfcj^' 
Se  voit  vifîblement  &  de  nuic  &  de  four..  : 

Sus  donc ,  ô  beau  Soleil ,  qui  ravîflèz  mon  ame  ^ 
Sortez  de  l'océan  pour  montrer  vos  clartés  i 
Et  vous  verrez  bien- tôt  un  rayon  de  ma  flâme , 
Monter  dedaitf  le  Ciel  pour  joindre  vos  hesiutssé 

Tome  IL  "X, 


3^ar  V  THEATRE  ÈRAlfÇÙÎSi 

161%. 

LE  MERCIER  INVENTIF,  Paftordete  cioq 
tâes>  en  vers.  Trot  es.  Nicolas  Oodot,  i6}i. 

(SUJET  DU  MERCIER  INVENTIF.)  Le 
Berger  Floridon  écoit  amoureux  de  Florice  ;  Melidor 
l'Àoit  de  Caliance  :  &  cous  deux  écdent  suffi  mX- 
lieureux  Tau  que  l'autre.  Ces  Bergères  ne  vouloient 
abfolutnent  point  entendre  parler  d'amour.  Ils  of« 
froient  un  jour  un  fàcriffce  au  Dieu  Pan  9  lorfqu'tls  fo- 
rent abordés  par  un  Mercier ,  qui  leur  offiit  ainfi  ia 
i&archandife. 

Mon  maScre  9  i^pi^octo-vouss  }*ai  tine^ce  «itik  > 
Pour  couvrir  le  deranc  de  ces  rares  lieaucis. 

PL  0  R  X  G  S. 

Sont  qtfelquec  devameaiix  ^jue  tu  is  a^porfês* 

LEMERCIER. 

Non  y  ce  font  des  bâtons  de  canelles  fùcrées , 
Où  pendent  d'un  cdté  deux  muguectes  coudréts. 


la  femme  en  nos  Pays  le  trouve  fort  utile , 
Et  en  prend  le  matin  pout  déteindre  le  féu  ^ 
Quand  çlle^l'a  au  cul ,  Ibufflex.,  tâcez  on  peu* 


Après  quelques  autres  propos  auffi  indécens^  les 
Bergères  fe  retirent.  Les  Bergers  1  refliés  feub  avec  le 
Mercier  1  lui  confient  leurs  peines  :  il  s'engage  à  les 
fecourir  ;  &  ayant  retrouvé  les  Bergères  »  il  veut  leur 
perfuader  de  &  .marier  ^  en  leur  di&ttt  ; 


TÉEAT^É  FRAkÇOiS,     i%^ 

Quel  bien  ^uc-ôÂ  trouret  tA  lin  atbic  butilc  \ 
Cac  la  femme  faut  h^mtet  »  eft  un  ttou  fan»  cbcriUé  » 
Maison  fanS  eôavercure ,  étui  (ans  dageollet  » 
Bouteille  fans  boUchon ,  miiid  perci  lànt  £uii!et« 

Tous  ces  beaux  difcourè  ne  font  riènTur  refpric  éeè 
£ergeres«I.e  Mercier  toujours  en  difcouratit^  lès  cou- 
dait dai^  on  b(^s»  lés  y  kiâe;  enroite  va  trûufet 
tems  amans  >  à  ^^i  il  confeillè  dé  ne  pas  laifler  échftp* 
per  cette  ^eureùfe  océafion.  Jl  leur  dit  : 

Etendex-les  for  Thèrbe  y  8c  amoureux  IBietgert 
Plantez.  Tacbce  de  rie  en  leurs  petits  vergers; 

JLes  Besgérs  (iiivent  &  exécutent  ce  pérutcieuit 
conleil  :  les  Bergères  fe  tuent  de  défelpoir  ;  lès  Ber 
gers  le  tuent  auffi.  Enfin  Mercure  furvient  9  qui  lel 
rèflfufcitent  ;  &  la  pièce  finit  par  le  mariage  de  <^ 
quatre  amans. 

Il  eR  fans  doute  bien  (ingulier  que ,  dans  un  tèmà 
où  f  on  commençoit  déjà  à  corriger  les  indécences  dé 
notre  Théâtre ,  on  ait  permis  une  pièce  aufli  forte  con- 
tre les  bonnes  mœurs  que  l'eft  celle-ci*  Tout  en  eft 
repréhenfible  >  lès  détails  &  les  aâions* 

t.DB,LACHAKtiAlS. 

X£  S  BOCAGES  ,  Paftorale  en  cincj  a<Sès  i  èd 

^ers»  où  l'on  YsAt  la  fuite  de  Cyrine  9  le  ouel  de  (té 

anoans  >  les  dédains  &  les  rufes  d'Amire ,  l'exmM- 


3^4.    ^^EÂTRE  FRANÇOIS. 

gance  de  Meliàrqùe }  la  jaloufie  d'Eliandre  9  l'an 
de  Filenîié ,  la  froideur  de  Neriftil ,  la  vanité  des  < 
mes  de  TholitriSy  fa  mauvaife  fin,  &  les  diTgr 
de  Ponirot.  Paris  ,  chez  Touflaint  Dubray ,  k 

(SUJET  DES  BOCAGES. )  Cette  Paftoral 

.  ^iiàî  bi^are  que  riflicule  :  elle  n'a  ni  régie  ni  coi 
te.  Les  perfonnages  font  Bellibrpn ,  Chevalier  en 

'  Cirine,"  Infante  des  ifles  ténébreufes  ;  Eliandre, 
ger  dévoré  de  jaloufie  ;  Meliarque ,  autre  Berge 
taqué  de  folie  ;  Amire ,  Bergère  infenfible  ;  Nei 
Berger  qui  n'aime  rien ,  &  qui  eft  aimé  de  File 
Tholitris  >  vieux  Magicien  ;  Larimart  >  autre  CI 

,  lier  errant  ;  Farenire  &  Orzileon ,  tous  deux  Berj 
Calirée,  Bergère  ;  Ponirot ,   Sauvage  »  &  les 

'  nions. 

si;.  Cirîftç  a  été  enlevée  des  ifles  ténébreufes  p 
^Sauvage  Ponirot;  Iç  Chevalier  Bellibron  éperdu 

.  amoureux  d'elle,  la  délivre  des  mains  de  ce 
fire  :  pour  lui  témoigner  là  reconnoifTance ,  C 
.  lui  dit  : 

Re^evez'ce  baifer  pour  gage  de  ma  foi. 

BELLIBRON. 

Quels  plaifîrs  font  égaux  à  ceux  que  je  reçois  ! 
Incore ,  ma  maîtrcffc  ?  hé  quoi?  Etes  vous  chiche 
D*une  forte  de  biens  ^  dont  vous  êtes  û  riche  ! 

Le  fou  Meliarque  &  le  jaloux  Bliabdre  s' 
;.cent  ^Tenvie  de  toucher  le  ccpur  d' Amire  :  clU 
-répond  toujours  avec  indifférence.^  &  fe  retire. 


THEATRE  F.R AN ÇQl^^^  ^  /ct-çF 
rifiil  vient  occaperla^rç^e  avec  Fileoieé/  J?ai'  dSja 
die  que  Neriftil  n'aimoit  rien  >  &  que  Fitenie  Fftdordit^  > 
cette  Bergère  lai  adrefle  ces  jolis  vers  : 

Si  TOUS  fçaviez,  cruel,  à  qu|cl point  je  vous  aime  » 
Vous  participeriez  à  ma  douleur  extrêmçj  'i  ^    '  ;  j  l'ï 

£t  fî  vous  n'étiez  point  capable  d'amitié  ,  :  t  :.0 

Au  moins  TOUS  le  feriez 'peut-être  de  pitié.  . 

Comme  il  n'eft  capable  ni  de  l'an  ni  ^^ë  hltitfe  de 
ces  fentimensj  elle  le  quitte  pour  alleif  implorer  les 
fecours  des  Démons*;  elfe  s\idreffe  au  Magicien  Tho- 
lîtris.  Celui-ci  fait  fès  conjurations,  &  lui' promet  une 
rofey  qui  certainement  ^rendra  Neriftil  fenfible;^  dès 
qu'elle  la  lui  aura  donnée.  J^\%  lui  répond  ; 

Je  le  feux  s  mais  je  crains  qui  'c^ttb'àme  mutine 

N'en  retienne  la  fleur  ,  «ç^'^nlaiiTc l'épine.  ^ 

La  propriété  de  cette  fleur  étoit  d'enflâmer  celle 
qui  Ja  recevpit ,  pour  celui  qui  la  lui  donnoit,  Thoii« 
cris  compcoit  la  préfenter  à  Fi)ei}ie ,  &  par  ce  moyen 
la  rendre  amoureufe  de  lui.  Popr  donner  l'air  dli  my. 
fiére  à  la  cérémonie»  od  bande  tes^ yeux  deTholitriSf 
il  cueille  lâ  rofe  ;  6c  au  moment  même  qu'il  alloit  la 
donner  à  Filenie  >  le  fot  Méliarque  furvient ,  la  lui  ar^i 
rache  des  mains ,  &  s'enfuit.  D'tin  autre' côté  ,'té  Sau- 
vage Ponirot  rencontré  Àijiire '&  Callirée  dans  ut> 
bois  y  &  veut  les  violer.  Au  grand  regret  du  Satyre  i 
Callirée  fe  fauve  ;  il  s'écrie  avec'  douleur  : 

3'âi  perdu  ta  x^oitié  de  m»  bqoxit;  Ç^suine»     :^-  ç.     ;.  .>{   ' 


JSnfifi  il  veut  nfer  de  vioténce  àv^  André  $  qui  die 

O  fi|oqiei|X  deftlas  I  iA  iii*are^*rotis  çonduice  S 

F  Q  K  I  R  O  t. 

Ii|  qn  tien  ftyortUé  â  mes  ardens  défît;  , 
Qà  nous  partagerçfûi  im  créfor  de  ptai/irs. 

A  M  I  R  E. 

PteOfl  k  tout  peur  TOUS,  6e  )«  ne  vow  d«maM# 

^f^q^  de  me  U^ilTer  i  la  cho(c  ft*eft  pas  gtaade. 

?  O  N  I  R  O  T. 

Qoelfac  Tôt  entendrpic  vos  6;tvole$  difcoucs» 

AMIK.B. 
If^illignon! 

F  O  H  X  R  O  T. 

llami^mic! 

A  M  I  R  E« 

Ail  !  ncn  cœiirl 
^  9  N  I  R  O  T. 

A  MI  RB. 

90HIR0T. 

Entres,  ù>fn  (fcçnAtlQf^ 

AMXI^Ç: 

^ae  |çr«|-TÇfiii  de  moi» 

P  O  NI  R  OT, 

Ce  que  Von  fait  dei  aoQseï* 

4  M  I  R  E. 

H(|9§  ^  1901^  dçttx  mi  t  veuillez  à  tout  le  molns^ 
||  te  iiiii  arcf  \fptti  I  ^  ce  (oit.  fiuii  té^^ 


TUE4TR JE  FRANC  O U,      p^y 

PONIR^OT. 

Petibime  ne  nous  To||» 

A  M  I  R  E. 

J*ai  peur  que  ma  eompagnt 
Trouve  quelque  Berger  dedans  cène  campagne  > 
Ec  que  pour  mon  IbcouB  elle  l'amené  ici. 

P  O  N  I  K  O  T. 

Je  vous  vais  délivrer  de  ce  ^c  (bud.- 
X>'id  |e  pooftai  voir  par  tout  cette  plalaa. 
le  ne  d^uvre  zkn  :  ' 

A  M  I  R  Ç. 

Vous  n*y  voyez  qu*â  peine  • 
Il  faudroit  miein  monter  fur  qçc  arbriÇeau-la. 

PONIROT. 

•  ■  ■       • 

Elle  y  vie;iç  i  la  fiu.  Ne  tienc-il  qu^à  cela  ! 
21  la  £iuc  contenter. 

A  M  I  R  E. 

Faites  bien  la  revqet 
Aâa  de  n'être  point  fiirpcis  à  Timpourvue. 

P  O  N  I  R  O  T. 

7e  lalEe  ces  cdteaux  2c  ce  boccage  vetty 
Bt')e  )ctte  ma  vue  aa\  pays  dêcomperc* 

A  M  I  R  E. 
C*eft  bien  fait ,  pourTuives  \  ne  voyes^ous  pedbnne  l 

P  O  N  I  R  O  T. 

Venni  :  mais  |e  htû  Tentindle  fi  bonne  » 
(Cfeoe  vous  CttOk  flonmie. 

A  M  I  R  E. 

Avlfis  à  cdté,  ^ 


#        -    •■ 


3^8       THEATRE  FRANÇOIS. 

P'O  N  I  R.  O  T. 

Je  regarde  par  tout  avecque  liberté.    '  "  -    ■    ■ 
Mais  que  me  faites-vous  > 

(  Elle  iui  lie  tout  doucement  Us  jumbes  à  l*ârhru) 

.    A  M  I  H  E. 

Un  petit  artifice  y 

De  peiu  9  en  vous  h^u0anc  >  que  le  pied  ne  vous  gUfle» 

P  O  N  I  R  O  T. 
Je  vois  le  loup  ^roii  des  troupeaux  de  moutons^ 

A  M  I  R  £. 

O  Dieux  !  Ce  font  les  miens  :  fus,  fus,  diligent^pns. 

"    :  (ElUfeftuve,^ 

On  peut  juger  de  la  foreur  du  Satyre,  en  voyan* 
^înfi  échapper  fa  proye.  Laiflbns  le  fur  fon  arbre,  & 
fuivons  la  fcène  qui  change  d'objet.  Elle  eft  oqçupée 
par  Bellibron  ,  conduifaqt  toujours  fa  chère  Cirinc. 
il  eft  joint  par  Larimart ,  autre  Chevalier  errant,  & 
amoureux  depuis  long-tem$f  delà  jeune  |n&iqte.  Il 
veut  que  Bellibron  lui  ren^e  fa  n^itreffe;  celui  ci  n'y 

^  -  *       ♦ 

voulant  pas  confentir ,  }\s  fe  combattent  :  des  Bergers 
furviennent  qui  les  f^arent ,  &  qui  leur  confeillent  de 
8'en  rapporter  au  choix  de  Cirine  :  ils  y  confeitent, 
&  Cirine  accorde  la  préférence  à  Larimart ,  q^i  tout 
de  fuite  part  avec  Tlnfante,^  laifle  le  malheureux 
Bellibron  dans  le  plus  affreux  défefpoîr.  Pour  calmer 
fon  chagrin ,  les  Bergers  lui  propofânc  d'embuafifer  la 
vie  çhampçcre  ,  donc  -ils  lui  vimtent  aipfi  leç  doa^ 


THÉ  A  TR  É  FR  A  NÇO IS,      3x9 

Que  nous  ro'mmes  heureux  au  milieu  de  nos  bois  ! 

Kous  ne  connoifloh^  point  ces  ri^oureufes  loix. 

Qui  forcent  â  Forcer  celles  de  la  natu  é. 

Rencontre  ni  duel ,  ou  quelqu*autre  aventure  , 

Qui  n*aie' pour  fondement  qu'un  petit  point  d*honneur>  . 

Ne  nous  ôte  jamSiis  la  vie  ou  le  bonheur  : 

Quand  les  filles  des  champs  deviemient  infidelles  , 

Leurs  amans  s'en  riront  «  ou  changeront  comme  elles. 

Voici  leur  compUment  :  me  veux-tu  ,  ie  te  veux, 

$1  tu  ne  me  veux  pas ,  trouve  mieux  Ci  tu  peux. 

Tant  de  naïveté  règne  dans  nos  villagv's , 

Que  nos  moindres  peafcrs  font  delTus  nos  vifages. 

Bellibron  fe  livre  aux  confeils  des  Bergers  >  & 
opte  leur  façon  de  vivre*  Cependant  Meliarque  , 
r  TefFet  de  la  rofe  enchantée ,  eft  devenu  éperdû- 
;nc  amoureux  de  Tholitris,  qu'il  prend  toujours 
•ur  une  femmç^  &  à  qui  il  fait  les  déclarations  les 
18  tendres:  entre -autres  extravagances  j  il  dit  en 
imtrant  le  vieux  Sorcier  ; 

Voici  le  beau  fujet  dont  j'ai  le  cœur  épris  ! 
Adorable  beauté ,  dont  la  vive  lumière  ' 

/    Touche  de  fes  rayons  mon  ame  prifonniere  j 
)\  eft  tenis  que  l'amour  loge  dedans  vos  yeux. 
Tous  ceux  qui  m'aimeront ,  ne  peuvent  faire  mieuit; 
'Vos  grâces ,  vos  atrraits ,  vos  appas  âp-vos  channes  • 
Exercent  leur  pouvoir  jufques  delTous  mes  amies } 
Yos  charmes ,  vos  atrraits; ,  vos  grâces ,  vos  appas 
Font  naître  à  tout  moment  des  fleurs  dcflous  mes  pasj 
Vos  charmes ,  vos  attraits ,  vos  appas  ôc  vos  grâces 
LaifTent  delTus  mon  coeur  leurs  favorables  traces  9 
Vos  grâces ,  vos  appas  ,'vos  charmes ,  voi  aitraicf 
^'    Jettent  dedans  mon  feiu  des  invifîbles  trjûç s. 


Ijo       THEATRE  FRANÇOtS^ 

Qui  me  fonc  ddirer  fous  l'imourenx  einp^e  ^ 
Ce  que  l'eCpece  ^n ,  xoais  que  je  n'oTe  dire^ 
On  fçait  biea  que  )e  Cuis  le  premiec  des  giiecriçts: 
Mais  votre  belle  main  va  ravir  mes  laorieR. 
Faices^moi  la  hvcjm ,  que  pour  ma  bien  venuçy 
7e  touche  d*ua  baifcr  votre  face  cheaue* 

Cependant  Poniroc  >  détaché  de  fon  arbre ,  & 
jours  plas  ardent  après  les  Bergères  ,  retrouve  Ami- 
re,  &  ne  veut  point  laifler  échapper  cette  occafioo; 
mais  il  en  eft  encore  la  dupe  ^  &  eft  pris  dans  une  ef- 
pece  de  piège  ;  tous  les  Bergers  &  toutes^es  Bergè- 
res viennent  autour  de  lui  9  &  le  tournent*  en  ridi- 
cule.  Enfin  on  le  laifle  toujours  bien  lié  &  garotté. 
Le  vieux  Tholitris  furvient  qui  le  délie  ;  pour  récom^ 
pînfe  9  Ponirot  le  tue  :  Meliarque  arrive  >  qui  voyant  fa 
xnaitrefle  morte^  (car  le  charme  avoit  toujours  (on  eftt) 
jette  les  plus  hauts  cris  9  &  fe  précipité  fur  le  cada» 
vre  du  vieux  Magicien.  Ponirot ,  ennuyé  de  &s  lar- 
mes )  le  bat;  M^U^fque  fe  défend  à  coupç  de  pieds; 
le  Satyre  les  lui  faifit  >  le  fait  tomb(er  y  &  veut  l'enune- 
ner  dans  fa  caverne.^  Le  tendre  Meliarque  hors  de 
défenfe  p  ne  veut  point  abandonner  le  corps  de  ion 
amante  1  &  avec  iès  mains  faifit  fes  vètemens  :  (àos 
s'en  embarrafler  >  Ponirot  les  entraine  tous  deux  ;  & 
ce  qu'il  y  a  de  fingulier ,  c*eft  que  ce  prétendu  lazd 
ùk  le  dénoûment  de  la  pièce» 

mCOLAS  DE  GROUCHTr  Skoi  de  h  Coorî 


THEATS^E  TKANÇOIS.       jjt 
né  à  QermoQt  en  B^WfOifis^  Avocat  ca  Parlemenr. 

LA  BEATITUDE ,  ou  LES  INIMITABLES 
AMOURS  t)E  THEOYS  (FILS  DE  DIEU)  ET 
DE  CARITË  (  LA  GRACE  >  eti  dix  Poëmes  dra* 
matique^  de  cîd^  aâe^  y  en  chacun  defquels  fe  tnûtci 
faadere  ablbloe,  &  paroifleot  nouveaux  effets  »  dé* 
di^e  an  Cardinal  de  Richelieu.  PAiiis  >  lôjx.  îa  8^# 
fans  nom  d'Imprimeur. 

(SUJET  DE  LA  BEATITUDE.)  Si  Ton  cher- 
clioit  à  donner  un  exemple  d'un  (lyle  bouribuflé  8c 
ridicule  9  on  te  trouvera  fans  peine  dans  cet  ouvrage» 
Ouvrez  te  Livre  au  ha£ird  ^  &  certainement  vous 
verrez  le  chef-d'œuvre  de  la  déraifon.  Il  femble  que 
l'Auteur  a  pris  à  tâché  de  raffembler  les  mots  les  pluf 
bifares  &  les  moins  &its  pour  fe  trouver  enfemble. 
Ce  Poi^me  d'une  longueur  infupportable  eft  uoeaU 
légorie  perpétuelle  ;  il  eut  certainement  été  trouvé: 
abfurde  dans  te  fiecle  même  de  François  Premier. 
Comment  peut -on  imaginer  qu'il  ait  été  compofé 
dans  le  tems  où  notre  Langue  commençoità  s'épu- 
rer, &  que  l'Auteur  ait  ofé  le  dédier  au  Cardinal  de 
Richelieu  %  le  proteâeur  des  Arts  &  des  talens*  Quel* 
qu'aflbmante  que  foit  la  leâure  de  plus  de  900  pages 
d\ine  po^fie  révoltante  »  j'en  fuivrai  cependant  l'ana* 
lyfe  avec  exaftitude.    Avant  que  de  la  commencer  9 
éc  avant  de  donner  l'idée  de  la  verfification  du  Sei« 
gneur  de  Grouchi  ;  je  crois  devoir  donner  celle  de  ûl 
profe.  Voici  l'avis  que  l'on  trouve  à  la  tète  4es  Béa* 
çitudes. 

AXJX    XECTBURS    FRANÇOIS. 

)»  Belles  âmes ,  fi  les  Génies  n'ont  rencontré  chez 
»  iros  cerveaux  l'imagination  capable ,  pour  etercer 


îî^       THÉÂTRE  TRAI^ÇÔIS. 

3>  leurs  inventions  divines  ;  je  fçaïqae  tnon  Hyle  votts 
»  tournera  incontinent  à  dégoût,  comme  n'étant  point 
•»  naturel  à  votre  inclination.  Pourtant ,  confiderezrle 
3»  on  peuV&Tuçezdu  moins  en  paflant  le  naïf  dfi 
:»  fa  confidence  aux  moelles  de  fesargumens.  Poffi- 
3^  bfe  en  recueillirez-vous  des  ébattemens  à  vos  yeux  9 
V  aux  variétés  des  hiftoires  :  (pour  ne  dire  des  fixions) 
^  mais  y  de  grâce  1  ne  le  blâmez  pour  n*être  point  de 
»  votre  humeur ,  n^  vous  frères  de  fa  nature  :  (i  non  > 
:»  les  univerfels  vous  jugeront;  &  moi  je  ne  fçaurois 
>>  qu'en  dire;  car  mon  humilité  me  facre  votre  fervi- 
s>  teur.  Je  parle  ici  deflus  tout  autrement  aux  Do&es|: 
3b  c'eft  à  eux  auffi  que  je  livre  le  dé  1  fiU  veulent 
yo  quereller  ma  chance.  Adieu,  ce 

(SUJET  DU  PREMIER  POEME.)  Gys, 
(la  terre)  &  Udore ,  ( la  mer  )  ont  une  fille  nomiiée 
Carite  (la  grâce)  à  qui  elles  dontfent  pour  Gouver' 
nahte  Erpetone  (  le  ferpent  )•  Cette  Gouvernante  con- 
duit ibn  élevé  dans  le  jardin  d'Ëden,  ou  (e  trouvoit 
un  pommier  ,  du  fruit  duquel  Vafilie  (le  Roi)  avbit 
défendu  de  manger  fous  peine  de  fa  difgrace.  Erpe- 
tone preffe  Carite  de  manger  de  ce  fruit  ;  la  pauvre 
fille  fuccombe  à  la  tentation.  Auffi  -  tôt  Vafilie  parok 
armé  du  glaive  de  la  vengeance  ;  il  condamne  Carite 
à  une  prifon  perpétuelle ,  &  Erpetone  à  la  mort.  Ca- 
rite, au  défefpoir  de  la  faute  qu'elle  a  commife  ,  pafle 
fes  jours  dans  les  larmes  &  les  regrets  ;  fes  pleurs 
montent  jufques  aux  Cieux.  Theoys  1  (fils  de  Dieu) 
en  eft  touché  :11  lui  envoyé  03îte  >  (  meffager  )  qui 
ki  annonce  que  Theoys  veut  mçtcre  Sq  à  fes  peinc^» 


THEATRE  FRANÇOIS.       Jjî 

!c  l'épouferé  A  cette  heoreufe  nouvelle  >  Carite  >  Gys  , 
k  Udore  font  éclater  leur  joye ,  &  le  premier  Pocf  me 
bit. 

Four  Elire  juger  leLeâreur  de  la  verfi6cation>void. 
m  morceau  pris  au  hafard.  Vafilie  >  rempli  d'orgueil  >  . 
exalte  (a  puifTance^  s'adrefle  à  un  de  Tes  ConfeillerSy 
ic  lui  ordonne  de  lui  dire  fans  flatterie  ce  qu'il  en 
3en(e  ;  celui-ci  lui  répond  : 

Fuifque  ta  majeflé ,  Monarque ,  m'en  dirpenfe  , 

£t  que  tu  veux  de  moi  croire  fans  c*irriter , 

Je  ne  te  daigne  ainfî  d*un  cajol  appafler 

Sur  cefte  vanité  qui  t*en^praint  la  cervelle ,    . 

(  Mais  prens  la  part  des  Dieux ,  ce  que  je  t'en  tévellc  ) 

C'efl  qu'une  déïté  plus  grande  infiniment  » 

Que  tu  n'es  ravallé  préfide  au  firmament; 

Que  tu  tiens  feulement  de  fa  main  volontaire 

le  Diadème  fainâ ,  dont  tu  es  uibucaire  \ 

Que  fans  lui  tu  n*as  rien ,  voire  fans  fon  pouvoir  , 

Tu  ne  peux  celle  part  >  ou  celle  te  mouvoir  i  ,  ^ 

Que  fi  tu  veux  régner  ^  il  faut  que  tu  lui  ferves  , 

£t  que  fes  juftes  Loix  humblement  tu  obfervcf  • 

V  A  S  I  L  I  E. 

Ceft  ici  nouveau  fait  y  &  plein  d'eftonnement  > 
Si  ta  bouche  â  ce  coup  deceptive  ne  ment , 
Qu'itme  faille  obferver  la  perfonne  incognue , 
Que  tu  dis  habiter  mefmement  en  la  nue  ! 
Je  me  garderai  bien  pourtant  de  m'abaifTec 
Au  culte  in|urieux  ^  crainte  de  m'offènfer. 

(SUJET  DU  DEUXIEME  POEME.)  Odite 
rend  compte  à  Theoys  de  fa  commifRoo  ;  &  celui-ci 


3Î4       THE  A  TRE  FR  âNÇO  U. 

prmid  aufli  c&c  h  téSsAossuM  d'alkr 
Cance ,  &  eofuice  de  Tëpo^lb^.  11  en  demaiide  la  ptt- 
miffioii  àfon  père  Pantocrator  (le  Tbut-poiflant.)Cé 
Prince  fait  tout  ce  qu'il  peut  poar  détourner  (on  fils 
de  ce  delTein  ;  &  voyant  que  toutes  Tes  repréfeota* 
fions  ibnt  inotiles ,  il  y  donne  enfin  Ion  confentement. 
Theoys  fe  traveftit  en  Pèlerin  ;  &  fons  ce  déguife- 
ment  s'introduit  dans  la  prifon  de  Carite,  Il  cromre 
fes  Gardes  qui  difputoienc  enfemble  ^  &  qui  raifori- 
noient  ainfi  fur  le  vin  : 

I  I.    G  A  s.  D  £. 

^-ce  péché  que  boire  ?  £s%u  ^ât  d'inOnafec  ? 
Aucun  ne  pourrpic  vivf e  un  |oQr  (ans  mïWcvSsk.  : 
Tout  le  monde  feroit  vilainenienc  damnafa^  » 
Voixe  le  brute  autam ,  comme  k  eaiioJa^iufbt*  t 

I.    G  A  R  D  £. 

Par  ce  terme  |'eaten(is  cetce  lox^gue  boiflba  » 

Q^i  s'introduit  par  tout  d*UQe  grecque  façon, 

C'cft  de  boire  aux  fansés  d*un  tel  ou  d*uae  telle  , 

Tant  qu'un  ardent  brazier  jiotrexervcau  marttUfc» 

Et  tant  que  l'eftomach ,  pçiir  fa  repleâioa  y 

Du  fuc  délicieux  fai&uneiexpulfson 

Avec  des  reniemens  &  Tideux  blal^h^mes , 

Ceft  la  mode  au)ourd'hui  des  honunes  &  dcsittuqo» 

il.     GARDE. 

Ta  £lîs  le  (erieux  ;  maïs  raillerie  à  part  y 
Tel  carroux  s*établic  maintenant  toute  part  ; 
Xtce  malheur  pourtant  Temble  plus  tolcrable^ 
A  nous  aiurss  goulus ,  qu'à  Tordre  Ténérable  , 
Qu'à  ces  hommes  eûeues  en  puiilânce  &  Tçavoir  ^ 
'QBPh  ^  raogesttliiea  mieux  Qiî'à faire  leur^rolt  : 


THEATRE  FRANÇOIS,      335 

E^    llême  on  die  que  la  grands  he  fe&c  l^lttc  qne  cifSef  , 
De  CCS  fidet  bàlfloAi  iadis  tant  mépddts. 

I.    G  A  R  D  £. 

M'en  font  finon  riife?  Ils  boivent  plus  encre  eux , 
It  font  plus  de  dégât,  que  nous  mal-<ncontt*eux. 
Car  quand  nous  beUroas  trop ,  c'en  parce  que  n'aguett,  ' 
£t  même  que  tantoft  de  vin  n*aurons-flous  guère  s 
Et  ainfi  (banîiraAt  toute  fobriété  ; 
Beuvons-notts  bim  fouvent  lufquU  Télfriet^  i 
£t|quoi  qu'en  ce  forfait  ne  foyons  excufabl^y 
Si  ne  fournies  «ous  point  chez  Dieu  tant  accnfablcs. 
Comme  ces  grands  Soleils ,  qui  deul!bnt  efclaiccr , 
Et  par  leurs  aftioas  nous  prévenir  d^etrer  » 
Où  on  les  voit  fVKt  »  bêlas  !  Toze-je  dire  f 
Et  les  Cieux ,  &  les  Dieux  atniftcr  U  maudire  9 
tJfer  d'une  infolence ,  Se  des  éaormicés  9 
Que  )e  ne  veux  par  noms  rendre  ip  lînUtés, 
Ctaince  que  leur  horreur  ne  fut  io0ipports^e 
Aux  yeux  des  gens  de  bien ,  ta^t  9  ^  4kpf^Mc  , 
Et  tant  eft  mélangé  d'abomln^ion  > 
Quft  ie  n'ofe  nommiBr  >  irur  moUe  p9tiiçm. 

^  Par  de  belles  parples  i  6c  en  leur  donnant  pour 
oire ,  Theoys  les  engage  à  lui  permettre  de  parles 
Carite.  Lorfqall  (è  trouve  a vet  elle  t  il  lui  dit  : 

t  H  E  O  T  s. 

Çarite  f  mon  bel  oeil  »  vous  trouverez  poflîble 
XCa  foçon  de  vous  voir  aflèx  inadmiflîfce't 
Mais  approchons  de  grâce ,  un  peu  cette  doifon , 
Par  oà  le  jour  s'ci|)talle  emmy  voue  prifon , 
Afin  que  votre  ori^le  heureufement  accueille 
Mon  dire ,  Se  qu'autre  icy  que  vous  ne  le  recueille. 


SS6      THEATRE  FRANÇOIS. 

C  A  R  I  T  E, 


Piiïant,  il  mcfleiroit  à  ma  virginité  ,  .. 
De  m'accoilet  de  vous ,  même  en  cette  unité  y 
'      Si  premier  je  ne  Içay  quel  cft  votre  meflage, 

T  H  E  O  I  S. 

Vrayment  je  recognois  que  vous  êtes  fort  iage  y 
Auifi  ne  convient-il  efqouter  librement 
Tout  homme  paiTager ,  qui  fe  gauCTe  &  nous  ment* 
Sçaciiez  donc  que  fe  fuis ,  malheureufe  Carite^ 
Ce  Dauphin  qui  languit  defTous  votre  mérite  y 
Et  qui  vous  ay  ces  jours  par  Odite  fait  voir     . 
Quel  amour  je  pouvois  de  vos  vertus  avoir  s 
(Comme  je  trefpallbis  dans  un  fi  douxfervage; 
Que  le  pleur  me  fervoic  de  viançle  ôc  breuvage  j 
Que  fi  je  ne  pouvois  d*icy. vous  retirer , 
3*y  vieudrois  dedaus  peu  mon  âge  mattirer^ 
Mais  fi  mon  veftement  vous  paroift  ridicule. 
Et  moy  fans  gravité ,  mon  difcours  fans  macule 
Vous  fera  bien  toucher  que  je  ne  fuis  de  ceux 
Qui  pour  vous  decevoif  feignent  les  angoiifeuxtf  ... 

C  A  R  I  T  £. 

Si  eftes  Thoys ,  <[ue  m'a  dépeint  Odire  y 

Qui  franchifiez  pour  moy  cette  prifon  maudite, 

{Comme  un  fain  jugement  me  le  vient  figurer  y 

Et  que  ^'os  doux  propos  me  le  font  augurer  ) 

)e  rends  mille  mercis  desja  pour  mon  préface  , 

A  vos  divinités ,  &  cheute  fur  ma  face , 

Vay  quedaat ,  que  j^adore  ,  Ôc  que  je  baife  encoc 

les  efieaux  afïeurez  du  vénérable  corps  y 

Qui  daigne  ainfi  pour  moy  déguifer  fa  nature  ^ 

Afin  qu'en  ces  horteUrs  on  lui  fade  ouverture. 

Cette  tendre  converfatîôn  continué  encore 
tems ,  &  toujours  fur  le  même  ton.  Quand  ils 


fÉEATkÈ  FRANÇqi^.      jjy 

-mok  rien  à  dire  >  THeoys  lui  fait  vècir  Tes  habits  de 
Peleriaf  Çc  lui  prend  les  Gens  :  fous  ce  trav&fliiTe- 
inent  »  les  Gardes  laifTent  fortir  Carice ,  &  Theoys  reftd 
en  prifon.  Odice  qui  attend  à  là  porte  9  conduit  Ca- 
irice  chez  Tes  parens; 

(SUJET  DU  TROISIEME  POEME,    le 
Mophitë  f  (  grand  Prêtre }  &  un  Confeillér ,  vont  à  la 
prifon  pour  &ire  des  queftions  à  Carite.  Ils  font  bien 
donnés  de  trouver  Theoys  à  (a  place ,  &  vont  (ur  le 
champ  en  avertir  VaGlie.  Ce  Roi  barbare  (ait  venir 
Irheoys  devant  lui,  &  l'interroge  avec  dureté.  Celui- 
ci  lui  conte  toute  fon  hifloire  ;  mais  loin  d'en  être 
touche^  Vafilie  le  condamne  à  mort^  on  le  fouette 
'  julqu'au  fàng;  &  comme  il  etoit  encore  vierge ,  il  fat 
condamhé  (coâimé  les  Veftales^)  à  être  enterré  vil*. 
Pendant  le  tems  que  l'on  jngeoit  Theoys ,  Odite  alla 
vite  avertir  Pa!ntocrator  dû  daîtiger  4^e  ton  fils  courotc 
fur  la  terre.  ^Pantoàrator  lui  donne  fur  le  champ  une 
lettre  pour  Vafilie  ;  mais  Odité  arrivé  trop  tard ,  6c 
Theoys  avoit  déjà  été  exécuté.  Odite  va  pleurer  fur 
le  tombeau  de  fon  jeune  maître.  Il  lé  trouve  qui  en 
étoit  déjà  (brti  :  ils  vont  pour  joindre  Carite  dans  une 
forée  prochaine.  Cette  belle ,  ayant  appris  la  mort  de 
ion  amant ,  ne  vouloit  point  lui  furvivre ,  &  de  défet 
poir   alloit  fe  (>éndré  à  un  arbre.  La  préfence  de 
Theoys  la  furprend  &  laconfole.  Ils  rengagent  à  s'em- 
t>arquer  avec  fes  parens  9  8c  d'aller  à  Olimpe  en  Ara- 
Tomèil.  X 


>3^        TUE^TRE  FRANÇOISi 

bie  :Theoy$  lui  promet:  de  Ty  joindre  inGeflàmmeât. 

(SUJET  DU  QUATRlË^E  POEME.)  Le 
Mophite  appirend  que  Theoys  eft  forci  du  tombeau^ 
&  croît  que  c'cft  Gys  qui  l'en  a  retira.  Eley  (  titoyi- 
ble)  lui  annonce  que  c'eft  Theoys  lui-même  qui  a 
ouvert  fa  tombe  9  qu'il  eft  le  Dauphin  de  l'Olimpe» 
&  qu'il  va  trouver  (on  père  Fantacrator  pour  l'enga- 
ger à  venger  Ton  injure.  Ce  récit  met  le  Mophite  fi 
fort  en  colère  >  qu'il  veut  perdrai  Carite  &  fit  famille; 
fïiais  Gy$9  qui  en  eft  averti  par  Eley,  prefle  le  départ 
&  s'embarque  avec  (à  fille  ;  une  tempête  furieufèles 
jette  fur  les  cotes  d'Afie.  Aulique^  (  Courtifan  )  vi^c 
rendre  compte  au  Prince  Ophis  de  la  graade  beauté 
de  cette  nouvelle  débarquée;  &  en  eft  fi  troqbléi 
qu'il  ne  fçait  pas  trop  ce  quil  dit*  Ôphis  lui  dit  : 

Approchez ,  Çoai^Uaa*  D*où  e/l  cttie^Teâue    - 

Qui  pâioic  à  grands  pas  detecs):fous;pârve|wie3  .      ; 

.   A  U  L  I  Q  U  E, 

Monarque  y  je  ne. ^uis. 

O  P  H  t  S. 

Son  vent  eft  fyncopé» 

A  U  L  I  Q  U  E.  i 

Mon  yenc  \  Pardonue2-moi  :  mais  ce  copiroccupc 
thtz  la  Divinité ,  qui  savit  hvpcn(îe , 
Vous  avoir  louirdefiienc  ma  reponlb  âdfrie^. 
S^achez  donc  y  généreux ,  que  de  cent  réglons  ^ 
Que  du  nord  au  midi ,  du  Gange  aux  Geiions, 
7e  dis  en  tout  ce  que  nature  vous  parcage  , 
Ne  fe  peut  rencoâùèr  lin  plut  faiàâ  hérîtage'i 


r      > 


XMËATRÈ  FRANÇOIS,     ^j^ 

tJn  don  plus  vénérable  ^jUa  préTenc  plus  exquis , 
Un  laurier  plus  chérable ,  un  tréfor  xnieux  acquis ^         ,, 
Que  celui  que  Neprtlne ,  Qu  fa  chère  Amphicrite 
ybuè  a  tàncbfl  fobfHé  4'ûne  haleine  contrite. 

b  it»  H  I  S. 

Qu'ëft-cëlUn  VaiUeau  chargé  dejfiVresou  d'argon^?  , 
Kepcun'  ne  fût  jamais  vers  moy  tant  indulgent  î         .       .  - 
Ains  me  paroift  ingrat  /  quoy  que  chacune  annçe 
la  dixmë  des  Taureaux  lui  foie  ici  donnée* 

A  y  LI  Qnj  E» 
Ceft  bien  tutrfe  pipcftïit  «jdlfvouis  f;ïît  rccèWif. 


i 


■.  *^ijé 


AuliqUe  ^  dis  quf  <6r^t  \t^lt  précèmis  (çavoir*  i 

A  U  t  I  Q  U  E.      . 


»i  *i 


fc'cft  un  ptéfent  du  Ciel  s  <p::  jft  leri!^  hibitàbû  .  ;  ^  .  t 

Jamais  n^en  prodiiific  ^i  p$itû(  j$  no^blcè  :.....  J 

O  P  H  1  S.  v-        ^  ^ 

Pis  donc  hâtivement,  fans  me  plus,  tia^inct.     -,      s    ;      - 

A  U  I.  I  Q^-E'.  ~^  -  - 

UneDaitic*  '   •     ' 

:b:P^H  I^.-  '  -  .i    i 

Une  Damé  rfeft-teéôuft'cftdmiefr     -^  •-•■' 

AUX.  iQ.y,X.        -.,^   .    . ,  . 

Une  Dame  qui  tient «alntrplttcoft  une  Divè ^  .        -    . wi :.vî 
la  beauté  de  Vénus  ^  jr  èfituff,  du  K^radive^  :  :  ?    . .  *  U 

Que  veux  dite  cfc  fol  par  (oii  embrouillement  î    *   '       '       .  . 
Je  lis  dans  fa  couleur  que  f^  pàrofc'ment.     "  W.  ^   .'^ ^ 

si  ie  ments ,  que  le  Ciel  colosé  me  f  untife;         ic  ^^  ^i.'r  :  X 
Que  ma  yie  k  yo&ittNi&j8iaUipteeiii(B^lU(f«; .  .    >  v^  }«:# ::  ?• 

X5^ 


346      THEATRE  FRANÇOIS; 

O  P  H  I  s; 

DKb  donc  »'ecIaSrci-toi  de  tes  incendonS} 
£c  ne  riens  fàrciflanc  le  vrai  de  fiâions. 

A  U  L  I  Q  U  E, 

Comme  il  vous  pleuft ,  grand  Roy,  me  dél^uei:  naguerte^' 

Pour  voir  à  qui  Neptune  menoit  û  rude  guerre  V 

7e  grimpe  â  toutes  mains  les  tertres  Capharez  y 

Où  mes  efj^tits  tantoft  parurent  efgarez , 

Pour  l'horreur  que  f'avois  de  roir  la  xher  mottée^ 

Ore  jufqu'au  lambris  î  fi^tancolltepoctée 

Auai/caveattx  cnTouffirez ,  aux  ancres  poiflbnneux  » 

Si  bas  qu*on  pouvoir  voir  les  planchers  avemeux. 

X>e  la  tremeur  que  j'eus  i  àt%  vents  6c  de  l'orage  p 

Je  pâU^ois  de  cndnte  &  baiilbts  de  courage  y 

Quand  le  deftin  me  fit  aiilader  autre  part , 

Pour  voir  la  Déïté  qu'icelui  vbus  départ  s 

Jç  dis  cette  beauté  que  |e  vous  ai  prédite. 

C'eftici  que  mon  «ontr,  &  ma  bouche  interdite 

]De  dire 9  ou  palpiter,  s'accoifa  lentement  '  -^ 

Pour  adorer  ridole  aii  vrai  concenteme^t. 

Près  fa  divinité  (îolt  tm  mifétable; 

C^S'elle  eft  morcelle ,  iteftfon  auchear  vénérable.) 

lequel  fe  lamentoic  de  leur  calamité  y 

£t  fe  plaignoit  du  fort  f  u6|tt'à  l'extrémité  : 

Quand  l'unique  beauté  de  ce  monde  habitable  > 

Settant  de  Ces  beaux  yeux  le  charme  inévitable 

Sut  ce  trille  vieillard ,  vint  à  le  confolêr  : 

ftélas!  ce  fut  alors  que  j^pprisd'afiEbler» 

Si  f  étois  Empereur ,  ou  s'il  eftoit  loifîblè 

Z>e  vous  la  demander  (ans  me  trouver  rifîble. 

Béias ,  ce  fut  ici ,  que  J'appris  i  fouiirir , 

34alheur ,  que  le  bonheur  pour  vous  me  vint  ofixic  % 

Car  je  n'ai  mérité  de  rang  ni  de  fer  vice  « 

Que  celle  Péïcè  pour  falaire  je  vitfè , 

7e  tiiTe  de  plus  près.pe^r  4e  comamineff 

Gc  ttiftfC  qtt«  le  Citlàtoaiiêiilpeuc4oniMrif 


TSE ATRMi  FRANÇOIS,      ji^t 

ne  viem^e  pat  dhine  langue  flatteufe 
Vous  décoi^r  1^  feux  d'une  amour  convditeufè  ; 
Car  {e  n*en  fuis  point  digne ,  £c  (çai  trop  que  }es  Cieux  ^ 
jpour  vous  fàroriTer  »  font  ainfi  gracieux* 
Conune  elle  euft  appailS  fon  autheur  fur  la  perte 
De  fon  vaifeau  bri(S  contre  une  roche  apefte , 
Voici  qu'un  nouveau  dueil  eftraint  fon  géniteur  9 
Qu'aucun  de  fa  beauté  fe  rendit  ferviteur  : 
C  Auflî  faudroit-il  bien  vivre  (ans  cognoi£Qmce , 
Que  n'aflêrvir  fon  ccBur  à  fî  forte  puiiCmce  9^ 
Pnifque  fon  oeil  décoche  un  garot  û  charmant  » 
Qu'il  foudroie  avoir  Tame  ou  de  bronze  ou  d'ayman ,  )  ^ 
Craint  que  de  force  ou  gré  cefte  fleur  on  moi^onne  y 
Qu'il  dépeignoit  pronûfiî  à  quelqu'autré  perfonne. 

Ophis  n'a  pas  plocôc  vu  Garite»  quil  en  devient 
Sperdûment  anioureux  9  &  lai  propofe  de  répoufer. 
Pidelle  à  fon  cher  Tbeoys  9  Carice  refufe  ieJPrince; 
3phis  (e  défefpere  ;  Antique  lai  confeiUe  dé  la  violer. 
^e  Prince  généreux  rejette  ce  confeil  barbare  ;  mais 
1  {e  laiflè  fi  fort  maitrifer  par  la  douleur  »^&iLpleure 
ellement  quHl  ^n  perd  les  yeux»  ^  Cependant!  ayant 
aie  encore  des  effi>rts  inutils  >  pour  toucher  le  cœur 
le  Carite;  &  fçachant  que  fon  projet  étoit  d'aller  en 
drabie  1  il  lui  donne  des  vaifleaux  pour  l'y  conduite* 

(SUJET  DU  CINQUIEME  POEME,)  Le 
raiflèau  fur  lequel  Carite  s'efl  embarquéej  fait  naufragp 
far  les  côtes  deSiqle*  Gyseft  abtmé  danslesflots» 
ivec  prefque  tout  l'équipage  :  Carite  fe  (au  ve  avec 
peine  fur  une  manyaifé  planche.  Les  dangers  qu'elle  a 


r 


342;     TBBATÂÊ  FAANÇOÎS. 

cearas  &  la  perte  de  ioa  per^^tluîfonl  f  e|iir  oMi^nrf^ 
qui  ne  refpire  pas  une  patfahfe  téfignstlom 

C  AR  I  t  B, 

*  * 

|[«'ait  peut-il  rCimarquer  par  les  (lectes  paflîi  9 

Tantdemaux,  taût  dVunuis,  tant  d*e0rois  amàfléi  ( 

Tant  de  malheurs  éctos  fur  une  infortunée  t 

Las  !  la  pareille  à  moi  n*éft  paseiicore  née  ! 

O  !  Deftins  impheux ,  c^ui  m'avez  enlevé 

De  mon  fe jour  n^tal ,  qui  m'avez  conrervé^ 

D'attouchement  impur  d'Ophis  le  miférable ,, 

Voules-voiis  déformais  que  je  fois  dévorable  • 

Far  la  première  dent  du  lion  généreux? 

(  II  eft  vrai  que  ta  mer  refle  aux  plUs  malheureux,  t 

Mer ,  hélas  !  noire  mer ,  que  tu  m'es  dédaigneufe  , 

^  tie  Yoi^sint  gorger  de  ma.  peau  diàrogneufe. 

Hé  >,  pou|:qH^  r{^^7tu  favorable  â  chacun  » 

(Si  la  qiprt ,  pour  le  moins  ^  favorifoit  ;^ucun.  j^ 

ft'k  moi  ttr  nieras  toti  aV'em^prdfonde  ! 
.  -  Th  nt  odn&Qtîias  qu!en  toi  je  itié  cbmfonde  ! 
,. ,  Hé  !  qwufd  t^^  Ijots  hautains ^  quand  tes  ialés  lUi^eavx^^ 

Sont  Venus  «çolerer ,  fracaffeir  nos  vaiflèaux  y 

JEtquien'mtflâs  éclats  ma  nef  fût  découpée, 

foiiratlu^i  <kÉi6  cetais  ^lodf ciiqti'éfcEiap|>^ 
.  ,ï^i^eX;|UYa$Eê  au(n  mon  aymé  géiii«ettr  !  ' 

Qu*ayoit  ce  doux  vieillart  méfiait  â  fon,  aqthcuç  l 
'  Vt^tiWoit-il  contraûél*  Usl  Je  fuis  prgucilleufe  > 
.  ^idltit  contrié  le  Ciel  cette  voht  pérflleu^  ! 

S'il  n'ayoit  ofFenGé^  ce  nit  pour  mon  forfait , 
^  Quçton  if^rgs,  g^nitotft ,  des  05odes,fi4c  défait  : 

Ce  tut  pour  n^on  péché ,  que  ce  Hec  Cantorbie  • 
-  Irécheller^  jamais  la  perleufe  Arabie* 

|Ji^!  ce  fut^kAr  moil  ciSmeV^  ma  légetc^^ 

Qujp  ïous.ce6lJfU3^qu;OpWs^«r«<i«^^^^^        Antfc» 

Qvie  ces  braves  Nochers  (on  tjpûyés  de^  l§.  yic  ,  . 

^'  £t  que  de  ânîi^ôrreurs  |e  mcTcns'pîîutfuiyic  S 


TffEA TttÊ  FRANÇOIS,     343 

Wi$b  pete  !  8c  Vous  nmeat$  9  qui  gorgez  les  poiCons  » 
^Diir/expiér.  l'txcès^cmsn  \cunt%  façons , 
Atténuiez  un  pe^ç  x^  prochaine  tendue  » 
Aufllrtoft  que  du  Ciel  dm  priece  encendite 
Ziwoira  quelque  efprîc  fuppUer  à  Caron ,  r 

X)«9oas^a(reir  (wlN^ttl^  au4eià  d'Acheron. 
Ccft  donc  àyoa»9  Tom^t ,  quA  ma  vo^  i^fe^^ 
pu  nyal  que  je  reÇtei^  s'eft  peureufe  adredee. 
^enpettez  «^  mou  pleiir  de  vous  ofKder 
pbur  cet  luHnraes  efteints ,  êc  de  propitier 
JfÇS  Dieifx  M^i^s  t*^^  ^ne  leurs  piteux  cadavres 
Çâ  9  là|  pirouette^  par  un  vent  dans  les  havres, 
Ke  viennent  mendians  la  fepulture  aux  yeux  i 
Ec  q|ue  les  Qmbres  yp^s^  de  ces  corps  odeux 
N'errent  plus  longuement  que  \c  les  ai  trouvées. 
Void^Ptre  étemel  hia  prière  achevée. 
;  :14«b  j'qublipb  MU  ipQti  foufflez  àtheoys 
Que  d'un  repos  forcable  avec  eux  (e  jouys. 

Après  avoir  réSechi  encore Ttir  fon  malheureux  forfi 
rllç  fç  livre  enciéremenc  à  Ion  d^fi^rpoir ,  &  yeot  (e 
iréâpitçr  dans  la  tner.  L'ombre  4^  fon  père  lui  appa<> 
oîC:^  &  "par  de  fages  cônfeilslui  remet  le  calme  dan9 
-efprit.  Pécerminée  à  vivre,  elle  joint  Niçlîs^  Ser- 
rer, &  fa  feâimé  Nation,  qui  lui  donnent  les  feccyors 
léceflaires  :  ils  lui  apprennent  qu'elle  étoit  dans  le 
[loyanme  de  Ja  Rçinç  Aco^  (l'Oiiie)qae  celte  Reine 
Lvoit  trois  filles  I  Partenopey  Ligie  &  Leucpfie^  quj 
Ftoient  Sy rennes  t  &  dçnt  la  voix  étoit  &  belle  >  que 
par  la  douce  mâodîe  de  leurs  chants,  elks  trou- 
>loientla  raifon  de  ceux  qui  les  écoutoient,  St  qu'en- 
iiit^  elles  les  métamorphoioient  en  diiFérens  animaux. 


3^4       THEATRE  FRANÇOIS: 

fout  Ce  précautionner  contre  cet  çnchantcment  >  Ça^ 
rite  fe  munît  de  l'herbe  MOiYi  &  w  rendre  vifiteà 
la  Reine ,  qui  la  reçoit  avec  toutes  les  apparences  de 
Tamitié ,  &  qui  fait  chanter  fes  filles.  On  ne  peut  pein- 
dre rétpnnement  de  la  Aeioe  9  lorfqu'eUe  V|ipperçoit 
que  Carite  let  ifntend  tranquillement t  elle  prendun  par« 
ti fort (ingulier 9  c'e(ï  de  lui  oSiirron  Trône»  u  elle  veut 
fe  fixer  dans  ce  féjqqr  ;  Carite  qui  n'eft  occupée  que 
d'arriver  àOlîmpe^  la  refufey  Sf,  s'enibarqoe  avec 
Niclis&Nanoh.    '  .   .   ^  .      ^ 

(SUJET  DU  SIXIEME  POEME.)  Àufli-jôt 

^  \    y.  ^    .  .         I .  •     ■  ^ 

que  la  Reine  eut  appris  que  Carite  quittait  les  côtes 
de  Sicile  >  elle  envoya  plufieurs  perfonnes  pour  la  14 
ramener  ,  entre  autres'  Porneîs  &  Lemos.  En  allant 
s'acquitter  de  leur  commiffion  >  ils  ont  une  conver(k- 
tion  enfemble  fur  les  dififérens  goûts ,  Porneis  aimoit 
autant  les  plaifirs  de  l'amour ,  que  Lemos  chériflbit 
ceux  de  Baccbus.  Voici  un  firà^mént  de  leurs  propofi; 

PORNEIS. 

...■>,»■-  • 

Tu  te  plalç  i  mon  Lemos ,  zwc  caroujt  &  aux  mets ,  . 

tt  moi  dans  ïes  combat^  de  Vénus  \c  m'exerce.    '  ' 
,      î     -.•'•-     ■^" -■'■    L  E  M  O^^.  *    •  • 

^1  iTaypis  4cs  moyçQS  autant  c(»^me  ien  eut  Xecœ  » 
Je  ne  voudtois  donner  une  obole  au  plaifîc«  , 

Duquel  încelTamment  t'enflâme  le  defir. 
J'aime  plus  un  |ambdn  tout  Vermdl  de  fallnc, 
Q^e  lei  yeux  enchanteurs  d^une  ffiffi:e€o]7ne:r 
filus  me  plaSl  la  bouteille  au  fuc .  délicieux  >   •  ' 
iiuc  ne  fbroit  Carite ,  ou  la  Rcineliçs  Cieux* 


THEATRE  FRANÇOIS.       J45 

'    fi  as  toc  chfuc  d*amoar ,  potinreu  que  |e  ùxàSk 
Mon  corps  4e  feryelas ,  4e  pailez  ^  fy^çiSci 
Car  mon  plus  grand  fouhait  »  fe  remarque  accompli^ 
Qti^nd  4e  chaii;  ôc  de  vin ,  |e  me  ^êns  tout  rempli. 

[P  OR  N  £1  S.  . 

Ton  defir  eft  brutal  «  Lemos ,  &  deshonnefte  : 
U  vaut  plus  courtiTer  une  accorte  bfuiiette    ' 
A  l'ombre  d*un  cjrprès ,  ou  d'un  faufac^atielieç»  9 

Que  dé  farcir  ainfi ,  Ton  ventre  Un  |our  entier, 
^ue  dôux'eil  le  plaifir  lui  donner  la  fambette  , 
Après  un  iâinç  devii ,  St  cpmber  à  courbette 
Dans  vUk  val  upffli  d'un  nefla^  d*pdeùrs^ 
£t  demi  fgcéy  m'y  force ,  allentir  Tes  ardeurs 
Entre  les  bras  laftez  d'une  {eune  Bergère  , 
3ans  s*f  palConnet  dTune  amour  eftrai%ete  i 
Car  rage  raviflèur  ternit  cefte  beauté, 
.    In  laquelle  aurions  mis  entière  loyauté: 
Ainfi  ferions-nous  fats  d'aimer  une  riidée  i 
lé  chaxige  tend- tou)ours  noftre  ame  aâriandée. 

Us  rencpncrçnt  Niclis  au  moment  même  où  Carite 
alloit  monter  dans  la  barcjue  pour  quitter  la  Sicile  :  la 

•     ■  ■  ■  *  '  . 

rae  de  cette  rare  beauté  les  rend  tous  deux  $moa- 

r  .  ,1  ...  ,   .  J         ■  .  .  -,  . 

reux;  ^  loin  de  la  reconduire  à  la  Reine»  ils  pren« 
nent  le  parti  de  s'enibarquer  ^vec  elle  :  &  les  voilà 
donc ,  Carite  i  Porneis  »  Lemos  >  Niclis  &  Nanon  » 
dans  UQ  bateau  en  pleine  mer ,  où  la  Scène  vogue 
ivec  eux ,  $:  où  il  faut  que  le  Speâateur  ait  la  bonté 
de  les  fuivrç.  I^orneis  &  Lemos  >  après  bien  des  dé- 
clarations  d'amour  t  voyant  quç  Gjtrite  méprire  leur 
tendrefle  >  pour  pouvoir  la  violer  plâl  à  leur  aife  i  tuent 
Niclis  &  Nanon  >  enfuite  tirent  au  (brt  k  qui  en  jouira 


r  •  * 


•  V 


54^     TM^ATKt  tRANÇOIS. 

le  premier  ;  |e  ibrt  faforife  Liemos  »  qm  Is  He  i  fc  qd 
lui  4it: 

^fais  je  vois  qu^l  Toq$  faut  coucher  auparâVâfit , 
Que  je  pui^Te  à  nion  ai(ç  i'^fentpr  ce  devant. 

Comme  il  eft  prèç  à  çonfbamct  cei(e^  ^mvre  d&i- 
quité  f  Carice  lai  4op»itide  la  permtfficHï  de  jpoairoir 
faire  di|  moins  auparavant  une  petite  priera  à  Pieu; 
Lemo$  y  confent  ;<^^t^  invoque  le  Seigneur  :  auffi* 
tôt  le  tonnerre  I  lar  gfefle  I  le  irenc  &  la  pltaye  feréa- 
nifTent  pour  fubmerger  le  vaifTeau.  Pôrnçis  8c  Lemosi 
qui  Tentent  bien  que  ce  font  les  prières  de  Carite>  qui 
ont  occaHonné  cette  teqpéte>  fe  jettent  à^  pieds, 
lui  font  ferment  de  lui  garder  le  plus  profond  refpeâi 
Si  la  conjurent  de  VQulQir  bien  app^ifer  rQrage«  Unç 
nouvelle  praifon  rend  le  calme  aux  flots, Jlsarrivept 
au  Pont-Euxin  où  Carite  débarque  toute  feule  ;  eDç 
ordonne  à  Porneis  Se  à  Lenaos  ;*de  retourner  eo  Si- 
cile dan$  le  bafe^u  :  ils  Qbéiflent, 

(  SUJET  DU  SEPTIEME  POEME.  )  Je  crois 
ne  pouvoir  mieux,  faire  pour  la  fatisfk&ion  de  mon 
ji^&eur  >  que  de  copier  Targtiment  qui  fe  trouve  à  la 
la  tête  de  ce  feptiéme  Po^ne^  Quelque  (bin  que  je 
prifle  pour  faire  un  extrait  qui  pût  le  fatisfaire  ,  je  ne 
pourrois  certainement  pas  approcher  du  %le  du  Sr 
^e  Grouchi ,  qui  >  j^cn^$  >  ti*eft  fùrpàflTé  dans  cet  ar- 
gument, ^.e  voici  tel  qu'il  t&.  : 

:p  carite  defcendue  fur  la  rive  odpreufe  de  Sarma- 


THEATRE  FRANÇOIS.      347 

^  rie  9  y  fyit  iè$  regrets  fat  la  dore  perte  de  Nidis  & 
3>  de  Nanoq  ,  meurtris  &  abîmés  pour  fa  défenfe  ; 
^>  d'où  elle  brofTe  par  les  bois  ppur  trouver  aliment. 
^  TKçreyte  (Te  chaffeur  )  MycKr,  (le  nez)  &  autres 
^>  Tapperçurept  ;  ^c  croyant  qu'elles  fut  Diane  >  ac- 
»  courent  lui  offrir  leursiépieixx  &  leqrs  cors;  mai^ 
^  elle  en  fit  refus  >  les  fupplis^nt  qu'ils  la  conduiiei>t  feu- 
)>  lement  où  elle  trouvât  à  oç^nger.  JIs  la  meiterenc  au 
)>  Palais  d'Ofphri(ie,(odor8M;)oQ  le  Prince Malacoflè:, 
53  (molefle)  s'en  rendît  amoureux,  &  la  follicita  tel* 
)>  lement  par  l'entremife.  d'Aromatie ,  (iëmeurs) 
»  &  d'Ânthologue ,  (  Bouquetière  )  fuivantes  de  la 
>>  Reine,  &  vint  à  une  extrémité  fifort  paffionnée, 
y>  que  fe  voulant  défaire ,  (  pour  fon  refus  )  de  foti  ef- 
>>  pece  >^Carite  fut  aa  point  d'ac^uîefcer ,  ramenant 
yy  en  fon  ame  leç  traverfès  paifôes ,  6c  préjugeant  le$ 
y>  futures,  la  diftance  d'Olympe 9  &  la  difficulté  d'y 
»  parvenir  à  travers  tant  dTécaeil»  &  de  Pyrates^  Ce 
»  fut  ici  que  le  généreux  ïbeoys ,  regardant  au  mi« 
3?  rpir  éternel  de  Pantpcf ator  fon  pef  e ,  y  confider:^ 
»  Carite  fpr^  procl^e  de  chopper  au  change  ^tene- 
3>>  mçnt  qu'il  lui  envoyé  ^  rheurç  fon  mercure  Uriel, 
9>  qui  li^i  ayant  apparq  ^  la  tapcç.  4e  foo  inconftance , 
^>  la  remet  en  baleine  fçir  la  pourfuite  de  Theoys  j^ 
3?^  ravcrtiflant  de  vuider  te  Palais  d'Qfpbrifie,  &  fe 
31  porter  au  rivage  pu  elle  2|vpit  Q-aguerre  pris  terre  ^ 
yy  &  que  là  elle  trotiverok  uii  vaiiTeau  fretté ,  àiéix 
:»»  Nochers  >  Sa  trois  iitivantes  >  tous  envoyés  de  la 


349      THEATRE  FRAITÇOIS. 

y>  parc  de  (pn  fidèle  pour  fa  condi^Ce  9  ce  qu'elle 
»  promet  de  laire.  ce 

Voici  le  début  de  cettç  prétendue  Tragédie  1 

Carite  qui  parle. 

■ .     .  ■  _  ■      '•     •  » 

CARI  TE. 

Des  plaifîrs  aux  prifons ,  d'icelles  en  marSe  p 
X>e»  flocs/f  e  me  cegnois  par  la  £iim  dévotée  » 
Si  ^fidqûc  fere  accort  ne  vient  taiTafier 
De  moi  Ton  eftomach  ^  avant  que  mon  golîec 
M'ordonne  ouvertement  une  plus  rude  guerre  : 
7e  (êns  (b  picoureun  ;  il  n'y  mettra  plus  guère  y 
Si  bîe^  <^e  de  Çarîbde  en  Sdle  me  voici  : 
J^Confoin  pernicieux  tottrtiç  en  mortel  fouci* 
O  !  Cieux  y  je  n'ai  plutôt  vos  faveuts  éprouvées  , 
Que  par  un  xiaalhèur  prompt  y  elles  ne  foient  levées» 
Ce  m'cil  pourtant  beaucoup  d'avoir  |a  tettadi 
le  monftre  in}urieux  de  luxure  înTeufl^  y 
Ztfon  frère  gourma|id ,  iî  ma  trille  penfSe 
l>^ii  piteux  fouvénir  n'eAoit  intereflée. 
Pour  voif  s ,  chaftçs  amant? ,  que  )e  veux  ifegtetter , 
Tant  que  mon  ail  ^leureux  vous  pourra  famencer  » 
Afin  de  ne  tacher  par  une  ingratitude  , 
Votre  amitié  Tans  pair ,  &  la  faime  habitude 
Qu'aviez.  |a  concraûée  fyeç  ma  chafleté  y 
Vous  le  feul  Parançon  de  toute  honnêteté  : 
Las  l  faut-il  qu'en  ces  Âots  ma  contrainte  vous  quitte  l 
Xt  que  ma  (ainte  amour  en  devoir  ne  slàcquine  i 
Sans  vous  dreffer  parfums  >  difç  chans  funéraux^ 
rbiir  déleâer  les  Dieux ,  non  point  les  infernaux  ^ 
Las'  !  puifque  mon  pouvoir  ref^e  manque  en  i'a&ir^ . 
Prenez  ma  volonté  pour  le  vain  (atisÊûre,         '    ' 
^   Voyez  mon  cœur  ouvert  plein  d'jcme  avidité 
.  De  ^'en  ^lus  acquitter  9  quand  b  coaimodic& 


THEATRE  FRAffÇOis.       349 

Par  fes  occafîons  m%n  ouvrira  la  porte  : 

Tandis  lifez  le  dueil  qu'en  mon  ame  j6  porte  s 

Vous  verrez  fa  couleur  propre  â  vous  contenter  : 

Car  s'il  eft  interdit  fur  nous-même  attenter  » 

Je  vais  par  ces  forêts  tantoil  trouver  la  fere 

Pour  me  rejoindre  âvous,  exempte  â  me  défaire  ^  &c. 

(SUJET  pu  HUItlEME  POÈME.)  Après 
s*ètre  fauvée  du  Palais  de  la  Reine  Ofphrifîe  »  Carite 
rencontre  Tapinois,  (  humble)  Ypomenon>  (patient) 
qui  la  oondaifedt  dans  un  vaifleau  >  où  elle  trouve  troii 
fœurs  nooiniées  Pifiiê  ^  (foy)  Elpis>  (efpérance) 
Agape»  f  charité)  qui  toutes  trois  ^  s'ofiGrent  pour  Ik 
fervir.  Elle  s'embatque  avec  elles  »  &  elles  lui  font 
compliment  for  fa  fidélité  pour  Theoy s  >  elles  PaiTu^ 
rent  au(0  qu*il  efi  toujours  amoureux  d'elle  >  &  qu'il 
compte  I  après  avoir  confommé  Tes  travaux  9  venir  la 
rejoindre  pour  ne  la  plus  quitter*  Ces  bonnes  ooa- 
velles  donnent  de  nouveaux  charmes  à  Carite.  Nep- 
tune qui  l'apperçoit  ^  en  devient  amoureux  >  &  veut 
en  jouir  •  Pour  y  parvenir  j  il  lui  envoyé  Triton  qui  fe 
fait  annoncer  de  la  part  deTheoys^  enfuite  il  faitlor« 
tir  une  ifle  de  la  mer ,  &  aiTure  Carite  que  c'efi  là 
Olimpe  :  apparemment  que  Neptune  avoir  aufC  eu  la 
précaution  de  prendre  la  figure  de  Theoys  ;  car  Ca^ 
rite  s'y  confie  1  &  defcend  dans  Tiile  avec  lui  :  tl  !a 
conduit  (bus  des  berceaux  de  (rerdure>  &  lui  fait  des 
propofitions  deshonnètes  ;.  la  différ.ence  de  fcs  propos 
avec  ceux  de  Theoys  doune  du  (bupçon  à  Carite* 


^5d      THE  A  TRE  FRÂ  nçms. 

Elle  appelle  fes  coropagneâ  à  ion  (ëcQqr^  :  dlfii 
ventaa  moment  mèipe  <)ù  Neptune  alleic  biv» 
&  la  délivrent  de  eé  danger  ;  dlës  (è  ivixlba^u 
abordent  à  rifle  de  Malchë^ 

On  fera  fané  doute  fûrpris  dé  cet  abus  ridia 
la  fable  >  &  de  voir  Neptune  &  Jefiis-<3hrift> 
lemarqûe»  il  e(l  vraij  de  l'atlégorie}  jouer  ciiaci 
pèrfonnage  dans  la  mèttië  pièce  ;  mai^  tout  èfl:  ii 
préhenfible  dans  cet  ouvrage.  Vend  un  inorcè 
la  kène  erti%  Meptune  Sx.  Caritè.  Caritè  ^i 

mence  à  douter  de  la  bonne  foi  de  Neptunev  q< 

bocd  s'eft  voxdu  faire  pafTer  pour  Tfaeôyà,  t 

poifr  Fantocratûr ,  &:  qui  toujours  à  tcmki  jouir  i 

fe  met  ien   prières  pour  implorer  le  lècourfi  \ 

Neptune. l'aborde  ^  &  lui  i]i£  : 

N  E  P  T  U  N  Ê. 

Hf  quoi  !  mes  cfeàftcs  yeux ,  Je  vous  ttouvé  eii  prière  , 
^  A  quoi  faire} 

CARITE. 

A  ch^fTer  yçtre  pouifuite  arrière. 

NEPTUNE.'. 

La  Prière  eu  ceci  prend- t>lle  un  tel  pouvoirs 

CAR  I  T  E. 

La  Prière  m'a  fait  divinement  fcavoif 

Que  vous  êce  nn  Démon",  non  point  celle  puiUanCe  j 

Cefte  fagébonté ,  qui  veut  la  jôuiiCincê» 

De;  mon  ame ,  non  .pas. l'impur  accoupkaaçnt  ^ 

Que  deiîrez  de  moi  pratiquer  amplement. 

Ceft  pourquoi  délaiflèz  vôftre  plainte  encombreofe» 

£c 4Xtourzi«c 9  maudit > en i*avMi)ie  ib^obrcuie  ^'^ ^  . .  .     ^ 


THÈATAX  FRANÇOIS.      351 

Mttôn  l'appellerai  mes  teoii  Sœtns  «u  iecours  » 
£c  dt  vos  fabtés  leur  ferai  le  difcovus. 

N  E.P  TUNE., 

Quelles  Saurs  précends-m  m*oppofer  de  puiiknce  » 
Premier  qu'avoir  de  tdi  parfaite  |oui(fauce } 

C  A  R  I  T  E, 

Trois  Soruts  qUe  Theoys  m'envoya  de  là  fus  , 
Crainte  que  mes  efprits  par  toi  fiiiïent  deceus^ 
Ou  par  quelque  arrogant  qui  poitaft  ta  livrée. 

NEPTUNE. 

Tu  crois  donc  par  leurs  mains,  échapper  délivrée  } 
Mais  tu  verras  tantoft  s*elles  ont  le  pouvoir  » 
Que  je  ne  te  fouTmette  à  Tamoureux  devoir. 
Non»  non ,  meschaftes  yeux  9  ne  vis  phis^ in&n^i 
Banni  ce  mol  erreur  de  ta  foible  penCée. 
^e  Tnis  le  Père  henteux  du  f^vatit  Theoys , 
Qui  t'aimai  dèileciout ,  que  de  roppocc  l'outs  9 
Quelle  forme  c'on^oit ,  quellje  candeur  neigeuCe. 
Pourquoi  donc  ,  mes  Soleils,  £iis-tude  la  raj^eufe 
Contre  moi ,  qui  péris ,  fi  tu  n*as  â  pidé 
Xe  9r;ïS«r  to^âmmant  d'une  Ikiate  amiâS. 


•    t 


€  A  R  I  T  E. 

O^iy  ces  4)ra£evs  Bouqular^  qui  formant  ta  luxure  > 
Veulent  bniiler  moïiame ,  (Se  la  nœtQje  en  preCut» , 
Daûs  l'abyfme  effroyable  -à  ze%  frères  Démons? 
Eft-ce  pas  là  y  foiiillart  >  qu'ore  tu  me  femonds  ! 

^on,  mais  à  carefiêc  d'tftte  inégale  fiâme 
Cet  amour  inA*eeni  »  ^ui  mes  veines  enââme. 

CAR  iti. 

L'Immortelle  vertu  v«ttt  agir  (împlnnen^» 
Reâiyanc  toute  ocdH^e  ,  &  ûle  accqupleiacut. 


3Si      THEATRE  FkAîfÇOis: 

NEPTUNE. 

Tdute  yérttt  franchit  cet  amoureux  palTage. 

C  A  R  I  T  E. 

le  ToiiUnc  y  fe  cognoi  comme  tu  n*es  pas  fage. 

NEPTUNE. 

Safr  ou  fol  y  (i  iâut-il  pourtant  vous  embraflcr. 

C  A  R  I  t  E. 

^c  te  ferois  plûcoft  de  ces  mains  treTpaiTei:. 

NEPTUNE. 

Par  les  rogues  Démons  tu  fais  bien  la  ruzée  ^ 
Et  Toudrois  (àfentir  cette  aimable  rozée. 
Qui  diiliUe  à  toute  heure  au  giron  deVénUS. 

(  SUJET  DU  NEUVIEME  POEME.  )  Ca 
arrivée  à  Malthe  >  inrpiré  par  (a  grande  be^iuté  la 
craelle  jalooGe  à  la  Nimphe  Makbée.  Un  Con 
dear  la  condaic  àr Megà^uirion  ,  (Te  grand  Ma 
qui  la  reçoit  avec  la  plus  grande  diftinâion>  &  qui 
ne  pouvoir  mieux  faire  que  de  l'énvOyer  à  Ludc 
^ue>  (Louis  Xin.)  La  fcèné  continue  à  voyage 
arrive  en  France.  Le  Roi  a  une  converlàtiôn 
tiere  avec  te  Commandeur  i  &  il  luiftïc  âinfi  le  tal 
de  l'état  de  fon  Royaume  : 

Ce  ilecle ,  Cavaliçr  j  eft  tellement  défait , 
Que  la  vertu  s'ençoUrt  habiter  les'montagner> 
Entre  les  écroulTeurs  de  glands  &  dechatagnes. 
Autrefois  en  ma  France  on  voyoit  d^  honneurs  ^ 
Et  des  gens  tous  civils ,  au  lieu  de  blafonneurs.  ' 
On  voyoit  des  Neftors,  qui  tenoient  pour  mailles  ^ 
Des  fidèles  confeils^^-au  lieu  de  cetiang-fues  ^  '    ' 


THEATRE  FRANÇOIS.        3S3 

Qui  fe  gorgcnt  du  fang  de  mon  pitewc  écat , 
La  paix  y  fleuri  (Toit  au  lieu  d*un  atcencac. 
C'eft  Tbemis,  ou  couchoic  une  DéelTe  Aflrée, 
Qui  au  paroy ,  fans  plus  maincenanc  accouftrée  , 
Nous  dit  que  fa  balance  efl  Tu jecie  à  tout  vent , 
Peinte  en  or  apporté  fur  les  flots  du  levant. 
Dans  le  Temple  habitoit  lors  un  PaAeur  fidèle  f 
(  Mais  il  eft  mefleant  pincer  cette  cordelle  ) 
Où  maintenant  on  voit  des  gardes  pour  des  chefs* 

Le  Commandeur  lui  préfence  enfuice  Carite»  que 
le  Roi  traite  avec  amitié  ;  il  lui  donne  pour  direfteur 
Ploufiotope,  (le  Cardinal  de  Richelieu.  )  Ce  qu'il  y  a 
d'aflez  fingulier ,  c'cft  que  l'Auteur  dépeint  ici  le  Car- 
dinal comme  un  homme  (impie,  modefte ,  fans  art» 
fans  ambition ,  &  plein  de  candeur  &  de  franchife. 
Ce  Prélat  ne  fe  croit  pas  digne  de  diriger  la  jeune 
Carite  ;  &  il  la  met  en  Couvent  chez  la  Dame  Eu(ë- 
bie,  (  Religion ,  où  elle  prend  le  voile.  Le  Roi  renvoyé 
enfuitè  le  Commandeur  avec  des  remercimens  pour 
Magaquirion* 

(SUJET  DU  DIXIEME  POEME.)  Par  le 
canfeil  de  Ploufiotope ,  Eufebie  donne  pour  compa-* 
gnes  à  Carite  >  Euphroline ,  (  chafteté  )  Penie ,  (  pau- 
vreté) &  Upacoye,  (obéiffance)  qui  Tinftruifent  avec 
quelle  humilité  elle  doit  aborder  Ton  amant  »  lorfqu'elle 
fera  arrivée  à  Olimpe  :  bien>tôt  après  Theoys  envoyé 
Uriel  la  chercher.  Ploufiotope  rend  compte  à  Eufe- 

Tome  IL  Z 


S54      THEATRE  F RA NIÇOIS. 

bie  de  toutes  les  différentes  provifions  >  dont  il  a  fait 
prêtent  à  Carite  pour  Ton  voyage;  il  lui  dit  ao^lS; 

Je  lui  donne  au  déparc  le  rjrmbole  de  paix» 
L'olive  donc  }e  fis  un  fuc  aflèz  épais  > 
Duquel  )e  lui  froccai  du  corps  Qne  parcie  i         , 
Afin  que  fur  rabyûne ,  elle  fuc  advertie 
_  D*avoir  un  cœur  robufte  encontre  les  aiTaucs» 
Qui  lui  feront  livrés  par  quelques  noirs  yailàux* 

Carite  s'embarque  avec  ITriel  pour  aller  retrouver 
Theoys.  Chemin  fai(ànt>  ils  rencontrent  différensm  oo- 
fires  >  qui  lui  font  grand  peur  ;  elle  fè  frotte  le  vifage 
avec  une  eau  bouillantes  qui  la  rend  plus  belle  que 
jamais.  Enfin  elle  arrive  au  Port  de  Gracè^  (Havre 
d'Olimpe.  )  Uriel  va  fur  le  champ  en  rendre  compte 
à  Theoys,  qui  au(fi-tpt  va  trouver  Pantocrator  ^  pour 
lui  demander  la  permiflipn  de  lui  faire  quelques  pré- 
fens  &  de  Tépoufer.  (On  ne  fera  peut  être  pas  fâché 
de  voir  comment  l'Auteur  fait  exprimer  le  Tou(:puir« 
fant,  )  Voici  ce  qu'il  hi  répond  : 

Prends  ce  qu'il  ce  plaira  9  mon  fils ,  à  pleines  mains. 

Paye,  cher  Theoys ,  fes  maux  avec  ufure^ 

Les  Dieux  ne  donnent  poinc  d'une  eflroiile  mefure. 

S'ellç  a  foufFerc  pour  coi  des  crayerfes  en  mer  \ 

Je  dis  s*elie  n'a  craint  par  ces  flots  abyfmer  » 

£n  te  venant  chercher ,  à  travers  la  tempeAe  : 

Je  veux  qu'il  foie  cogneu  par  la  voix  d'un  trompette. 

Ets'elle  a  pour  l'amour  lancé  quelque  foufpir^ 

Je  ne  veux  cet  eHan  d'oubliance  aflaupir. 


THEATRE  FRANÇOIS.       555 

les  faînâs  Dieux  &  les  Roys ,  font  de  grands  luminaires , 

Ils  ne  compenfcnc  pas  par  les  prix  ordinaires  : 

Car  pour  un  peu  d*encens  qu'on  facre  à  leurs  aurels. 

Ils  vetfenc  un  threfor  aux  adorans  mortels  i 

Les  Roys  pour  un  bouquec  >  {tour  un  fruiâ  déleâable  ^ 

t>onneront  un  état ,  un  office  notable  ; 

Âinfi  )e  vcux^  mon  fils,  pour  la  récorapenfer  »  ^ 

Que  tout  auprès  de  moi  tU  la  faâè  avancer  i 

Qu'elle  ce  folt  untofl  chaftement  efpoufée. 

Puis  qu'elle  n'a  ta  mo^r  par  les  feux  merpriii^* 

Par  les  eaux  Se  rochers  elle  te  va  cherchant  » 

Ced  uii  fainâ  procédé ,  qui  va  trop  alléchant 

Un  coeur  digne  d'amout ,  tel  que  tu  fais  paroîtré 

A  ceux  9  qui  te  voudront  diyinemeut  cognoiflré. 

Orne  toi  donc  ,  ma  force ,  à  la  mifux  recevoir  ^ 

Tandis  que  je  ferai  le  nopçage  fçavoir  v 

Par  tout  ce  grand  Palais  y  afin  que  chacun  penfè 

De  lui  contribuer  >  pour  juik  récompenfe  > 

Les  chants ,  &  les  honneurs  »  qui  lui  font  vraiment  deuBs  j         " 

£t  qui  font  plus  plaifanS ,  plus  ils  font  at  tendus! 

I^rends  en  mon  cabinet  une  fraizeà  dentelle  j 

La  branche  4e  Palmier  ^  &  la  robbe  immortelle  ; 

Prends  auifî  la  Couronne ,  &  le  Thiare  faint , 

De  laquelle  fa  tempe  &  fon  front  foit  enceint. 

Mais  ne  les  porte  point  »  il  te  feroit  maufTade  > 

Tranfmets-lui  feulement  (  à  façon  d'ambafTade , } 

£t  puis  quand  tu  fçauras  par  un  viile  relais  i 

Comme  elle  approchera  du  celefle  Palais  > 

De  mille  Cavaliers  &  de  plus  alHlUe , 

Tu  viendras  au-devànt  jufques  à  la  montée 

De  ce  Throfnc  royal ,  que  je  te  vaî  ceddant 

Pour  la  mieux  accueillir ,  unt  un  ferme  afcendant 

L*amour  a  fur  mon  cœur  ^  &  la  volonté  fainte 

De  laquelle  tu  dis  que  fon  ame  eft  enceinte  « 

TheoysV  enchanté  de  la  bonté  de  fon  père,  envoyé 

Zi) 


35^      THEATRE  FRANÇOIS. 

à  Carke  une  robe  Tuperbe^  &  un  grand  &  magnifique 
cortège  pour  la  faire  encrer  avec  plus  de  pompe  dans 
Olimpe.  Elle  y  arrive.  Dès  qu'elle  apperçoitTheoysi 
elle  fe  jette  à  fes  pieds  :  le  chajte  Theqys  l'embrajfeâvi' 
nement  9  &  la  préfente  à  fbn  père ,  qui  donne  un  nou- 
vel aveu  à  Ton  mariage.  Au  milieu  de  fa  gloire  ellefe 
fou  vient  de  Ludovidiquée»  de  Plouiiocope  &  d'Eo- 
febie  :  elle  envoyé  au  premier  un  laurier  ,  &  une  pal- 
me à  chacun  des  deux  autres  :  elle  promet  de  plus  à 
Ludovidiquée  une  ample  lignée , un Jiecle  d'heureufe  vie, 
&  enfin  un  couronnement  au  Ciel*  C'eft  ainfi  que  finit 
ce  fingulier  &  pitoyable  ouvrage. 

1632. 

LES  TROPHE'ES  DE  LA  FIDELITE',  Tra. 

gl-Comédiey  Paftorale  anonyme  r  dédiée  aux  bous 
efprits.  Lyon,  Claude  Cayne,  i6j2.  w-S**, 

(SUJET  DES  TROPHE'ES  DE  LA  FIDE- 
LITE'.)  Timandre,  berger ,  aimoit  paffionément Si* 
laire  :  cette  bergère  répondoit  à  fon  amour.  Voici  un 
fragment  d'iine  tendre  conver(àtion  de  ces  deux 
amans  : 

.   T  I  M  A  N  D  RE. 

Ta  PuilTance  tCtik  pas  moiadre  que  ta  beaucé  ^ 
Qui  divine  me  faic  fous  cet  habit  profane , 
Croire  de  voir  Juoon  «  ou  Vénus ,  ou  Diane. 

S  I  L  A  I  R  E. 
Ne  fois  point  complaifanc  par  ^ç%  impiétés  ; 


THEATRE  FRANÇOIS.       357 

Cra!ns-tu  point  le  courroux  de  ces  trois  Déïcés, 
Que  ta  comparaifon  ofFenCe  trop  honteufe  ? 

T  I  M  A  N  D  R  E. 

Pardonne  cet  erreur  à  ma  langue  amoureufe. 

Qui  ne  fçaurOit  aiTez  élever  ces  appas  : 

Kon ,  tu  n*es  point  Junon  >  '  je  ne  le  voudrois  pas  ; 

Tu  ferois  trop  jaloufe,  &  ferois  trop  d'injure 

A  ma  fidélité ,  m*eftimant  un  parjure  t 

Si  tu  eflois  aufîi  la  DéeiTe  Vénus , 

Je  verrois  près  de  toi  les  Cupidons  tous  nus  ; 

Je  ne  le  voudrois  pas  s  car  tu  ferois  comme  elle 

Facile  aux  appétits 'd*une  amitié  nouvelle  : 

vTu  es  encore  moins  la  DéefTe  des  bois  3 

Le;  Dieux  ne  veulent  pas  que  tu  fuives  Tes  loîx  i 

Elle  tient  â  vertu  d*avoir  un  coeur  fauvage , 

Chez  qui  jamais  l'amour  n'a  pu  trouver  padage  ; 

It  }*aprèns  de  tes  yeux ,  où  mon  pourcraiâ  je  voy , 

Qu*amour  te  rend  fenfible  aux  mêmes  traits  que  moy  i 

Et  s'il  eft  vrai ,  qu'enfin  Endymion  pour  elle 

Se  rencontra  plus  beau  qu'elle  ne  fût  cruelle , 

Elle  faifoit  toujours  dormir  ce  pauvre  amant:    % 

Au  lieu  que  tu  me  fais  veiller  inceffemmant , 

Et  ne  donnes  jamais  du  repos  à  mon  ame. 

S  I  L  A  I  R  E.       * 
Voudrois- tu  bien  m'aimer  avecque  moins  de  flâme  ? 

T  I  M  An  DR  E. 

Non ,  je  te  le  proteftc ,  &  j'en  jure  tes  yeux; 

Je  veus  bien ,  s'il  fe peut ,  t'aimer  encore  mieux  :  '  -*•  - , 

Mais  apaour  m'a  aprins  le  fons  de  fa  fcience^  »  :  i 

Le  mien  ne  reçoit  plus  augment  ni  défaillance. 

Que  fi  jamais  mon  cœur  recevoir  d'autres  traits  f 

Ct  quHl  ne  peut  pourtant ,  bleffé  de  ces  attraits , 

Afin  que  mon  efprit  recognoifle  fon  crime 

Qu'un  jufle  châtiment  le  tire  de  l^byme, 

X  ru.    ••• 

Z  11] 


355       THEATRE  FRANÇOIS. 

Je  conTens  qu6  le  loup  ravage  impunêmenc 
Les  parcs  où  mes  agneaux  bêlent  innocemment  ; 
Que  mon  troupeau  famais  ne  treuve  de  Pheihage  % 
Que  languiflanr  de  foif  il  pérUTe  de  rage  > 
£t  qu*Iris ,  la  brebis  que  tu  chéris  H  fprt , 
Tunibe  devant  nies  yeux  aux  ombres  de  la  môrt^ 

S  I  L  AIRE. 

Tiens  auffi  pour  certain  qu*avant  qiiè  ma  penfée  j^ 
Quelque  mauvais  démon  dont  elle  foit  poufl^e» 
Soufpire  quelquefois  d'autre  mal  que  du  tien > 
Xt  de  ton  amitié  treuve  ennayeux  le  bien  3 
JLes  plaines  &  les  mons  feront  la  mefme  chofe  , 
Le  Soleil  du  midi  confervera  la  rofe  , 
Toutes  les  fleurs  naîtront  au  milieu  de  Thyver  , 
Et  la  terre  au  Printemps  perdra  fpn  tapis  verd, 
pref  y  avant  que  Silaire  oublie  fon  Timandrè  ^ 
Aux  éternelles  nuits  on  la  verra  defcendre , 
Et  garder  même  encor  panpi  les  irépaflçz 
Le  plaifiint  fouvenir  de  fes  deiirs  paifez. 

Ils  alloient  être  unis  >  lorfque  Cléagi^ne ,  Roi  de  Sir 
racufç ,  devient  amoureux  <ie  Silaire.  Il  cherche  en- 
vain  à  la  féduire.  Cette  bergère  fîdelle  à  (oq  cherTi* 
mandre^  rejette  avec  méprî^  les  déclarations  de  CleO' 
gène  ;  ce  Monarque  enchanté  de  Tes  charnues  &  de  fat 
yertu ,  va  la  demander  en  mariage  à  fpn  père  &  à  fa 
mère,  qui,  comme  l'on  croit  bien  ,  n'ont  garde  de 
f  cfufer  pour  Içur  fille  un  fi  glorieux  hymen.  Pour  faire 
briller  auffi  la  conftancé  du  berger ,  une  grandç  Prin* 
ççfle^  nommée  Elife,  devient  amoureufç  de  lui,  & 
veut  répoufer.  Ce  tendrç  amant  uniquement  occupa 
t^ç  f^  l>crgçrç,  rçfufela  main  de  la  Princel^Tç  ^  Çlifç, 


THEATRE  FRANÇOIS.       3^3 

qui  troave  le  berger  charmant  f  voyant  qu'elle  ne  peut 
le  déterminer  au  mariage  »  lui  demande  de  venir  do 
moins  paflèr  quelques  momens  dans  fa  chambre.  T!« 
maadre  qui  craint  le  danger  d'un  tète  à  tète»  la  réfufe 
inhumainement.  Elife  au  défefpoir  fonge  à  fe  vepger 
fur  fa  rivale  :  elle  faiteropoifonner  une  pomme  qu'elle 
deftine  à  Silaire ;  &  le  poifbn  en  eft  (i  violent;  que 
dès  que  la  bergère  l'aura  fentie^  elle  périra  iniailli- 
blement.  Le  hafard  favorife  fon  funefle  projet  ^  elle 
trouve  la  bergère  endormie  ^  pofe  fur  Ton  feinla  pom* 
me  fatale  )  &  fe  retire.  Le  Rpî  Cleogene  arrive  en  ce 
moment,  &  ne  peut  fe  refufer  au  plaifir  féduâeur  de 
fe  rendre  le  maître  d'une  pomme  qui  a  touché  le  fein 
de  (a  maitrefle;  il  baife  &  rebaife  cent  fois  ce  fruit 
dangereux.  Èien-tôt  il  en  reflent  l'effet ,  &  meurt.  Dès 
qa'Elife  efl  inftruite  du  funefle  accident  qui  vient 
d'arriver  au  Roi ,  elle  fe  fent  déchirée  par  fes  re- 
mords ;  elle  avoue  ion  crime  :  bien^tôt  après  la  tête 
lui  tourne ,  elle  croit  que  le  Roi  Ta  frappée  d'un  coup 
ierrible  de  malTue ,  &  elle  expire  en  prononçant  ces 
mots: 

puis  que  ma  trahlfoii  ores  efl  décourerte , 
Sy racufains ,  vengez  deffus  moi  vôtre  perce  : 
exercez  fur  ce  corps ,  infâme  &  criminel  j 
Tout  ce  que  vos  Tyrans  ont  crouvé  de  cruel. 
Etoufez  couc  d'un  temps  mes  plaintes  &  mon  crime  |^ 
Dans  vos  taureaux  d'airain  choififTez  un  abyme 
Four  me  précipiter  :  le  fer ,  le  feu ,  les  eaux  > 
.  >Ie  feront  pas  afTez  pour  punir  tous  mes  maux  : 

ZiVf 


,360      THEATRE  FRANÇOIS. 

Mais  VOUS  ne  venez  pas  pour  veDger  Cleogene  > 
Vous  vous  ré jouiirez  fans  douce  de  fa  pêne. 
Toi ,  à  qui  ce  trépas  paroîc  û  douloureux , 
Fidelle  confidant  de  Ce  Prince  amoureux  , 
Ou  t'en  es-tu  allé?  Entreptens  fa  vengeance: 
Son  ombre  te  femond  à  punir  mon  ofïànce. 
Vois-tu  pas  que  fa  main  me  montre  à  ta  fureur  f 
£t  ce  donne  de  quoi  châtier  mon  erreur  l        . 
Prens  ce  flambeau  ardant  que  ce  fpeâre  prefante. 
Mais  il  s*en  vienf  à  moii  que  fa  main  eftpefante  ? 
Tu  m'obliges ,  achevé  >  arrête  néanmoins. 
Si  je  meurs  vitemaoc ,  j'en  endurerai  moins. 
Cette  torche  infernale  ard  dedaus  mes  entrailles  } 
Une  troupe  de  morts  vient  à  mes  funérailles  ^ 
Vn  noir  fantôme  avec  une  malTe  de  feu  9 
Faroît  pour  m'ailommer.  Attends  encor  un  pjéu  , 
Modère  ta  furie  y  &  épargne  ma  tête  : 
Me  voici  fans  ce  coup  à  mourir  toute  prête  ^ 
Au  lieu  des  yeux  il  a  deus  gros  charbons  ardans  , 
La  rage  &  la  fureur  éclattent  là  dedans  : 
Ce  monflre  va  ronflant  le  feu  par  les  narines^ 
£t  fa  bouche  vomit  des  fiâmes  fulfurines.    . 
Dieux ,  il  me  veut  frapper  !  Ha  ,  monflre  furieux  , 
Ce  grand  coup  aip  ravit  la  lumière  des  CSeux. 

Après  la  mort  de  Cleogene  &  d'Elife ,  rien  ne  s'op- 
pofant  plus  au  Jbonheur  des  deux  amans  ;  ils  rççQiyent 
enfin  Vaveu  de  leurs  parens ,  &  ils  s'époufent  à  la 
grande  fatisfaâion  Tun  de  l'autre. 

CHARLES'^VION,  Ecuyer,  Seigneur  de 
Valibrayy  fils  d'un  Auditeur  des  Comptes^  né  à  Parisi 
mort  vers  i6s6» 


11! 


THEATRE  FRANÇOIS.       361 

L'AMINTHE  DU  TASSE.  Paftorale  fideletnenC 
traduite  de  ricalien  ,  en  cinq  aftes ,  en  vers  ,  dédiée 
à  Mademoifelle  de  iBourbon ,  avec  un  long  avertiffe- 
tnenc.  Paris,  Pierre  Rocolet,  1^2.  i/iS®. 

'  M.  de  Beauchamps  a  raifon  de  dire  que  l'Auteur  dans 
Ion  avertiflement  annonce  qu'il  n'a  point  mis  Ton  nom 
à  cette  pièce  y  non  pour  fe  cacher  ,  mais  parce  qu'on  ne 
fe  fbucie  pas  de  fçavoir  le  nom  d'un  Tradufteur.  Mal- 
gré cela  cependant  i'Epître  dédicatoire  de  l'exemplai- 
re que  j'ai  eft  fignée  Dalibray. 

LA  POMPE  FUNEBRE,  ou  DAMON  ET 
CLORIS  ,  Paftorale  en  cinq  aftes  9  en  vers  9  tra- 
duite de  l'Italien  de  Cefar  Cremonin  ,  dédiée  à  Ma- 
dame la  Baronne  de  Chandolan,  avec  un  long  aver- 
tiflement. Paris 9  Pierre  Rocolet,  1634.  ^^  8°. 

LA  REFORME  DU  ROYAUME  D'AMOUR , 

contenant  quatre  Intermèdes ,  en  profe  ,  repréfentés 
avec  la  Paftorale  précédente.  Paris  >  Pierre  Roco- 
let, 1634.  i/z-8^. 


.  i 


^  LE  TORISMOND  DU  TASSE,  Tragédie; 
avec  un  avis  au  Lefteur ,  &  un  argument.  Paris  » 
Denys  Houflaye  ,  1636.1/1-40. 

m 

LE  SOLIMAN,  Tragi.Comédie ,  traduite  de 
ritalien  du  Comte  Bonàrelli.  Paris  ,  Touflàint  Qui- 
net,  1637^  i/1-4^. 

-  Je  ne  donnerai  point  d'extrait  des  ouvrages  de 

Dalibrày ,  m'étant  borné  à  parler  feulement  de  ceux 

des  Auteurs  qui  ont  compofés  en  notre  langue.  Cornai 


36x       THEATRE  FRANÇOIS. 

jne  Ton  peut  cependant  foupçonner  que  la  Réforme  do 
Royaume  d'Amour  eft  de  ion  invention  >  j'avertirai 
le  Leâeur  que  c'eil  peut-être  l'ouvrage  le  plus  ridi- 
cule &  le  plus  abfûrde  que  l'on  ait  jamais  vu.  Il  en 
|x>urra  juger  en  lui  nommant  feulement  les  Aâeurs  > 
qui  font  y  l'Amour  >  les  Pleurs  >  la  Jaloufie  y  les  Soa- 
,pirs  9  le  Cahos ,  Semiramis  >Cléopatre  i  Artemife  >  &c« 
Si  c'ed  là  le  feul  fruit  du  génie  de  Dalibray ,  on  ne 
peut  certainement  pas  regretter  qu'il  n'ait  pas  plus 
louvént  donné  carrière  à  Ton  imagination  »  &  qu'il  fe 
l^it  contenté  du  fimple  titre  de  Traduâ;çur. 

FARCE  PLAISANTE  ET  RECREATIXE  i 
qu*a  joué  un  Porteur  à! eau  le  jour  defes  noces  dans  Parist 
en  vers  de  quatre  pieds»  i6f 2.  zaz^^^. 

J'ai  vu  cette  pièce  entre  les  mains  de  feu  M.  Barré i 
.&  c'eft  lui  qui  eci  a  donné  le  titre,  l^epuis  fa  morti 
je  n'ai  pu  içavqir  entre  les  mains  de  qui  ^Ue  eft  tom- 
bée >  &  par  cbnféquent  je  ne  peux  pas  en  donner 
l'extrait. 
,  ,651. 

'DU    VIEUGET. 

,  LES  AVENTURES  DE  POLICANDRE  ET 
'DE  BASQLIE  ,  Tragédie ,  dédiée  par  un  Sonnet  à 
S.  A.  S.  Madame  la  Princeffe  de  Cangnan.  PahiSi 
Pierre  Billche,  i6j2.  in  8**, 

'  (  SUJET  DES  AVENTURES  DE  POLICAN- 
DRE.  )  Cet  ouvrage  eft  moins  un  poëme  dramatique 
qu'un  roman ,  écrit  en  vers  y  &  dont  llntrigue  eft  la 


THtlATRE  FRANÇOIS.      3(^3 

^Iu$  compliquée.  Je  tâcherai  cependant  d'en  débroail* 
Ipr  le  cabos  ;  &  en  m'arrêtatit  aux  principaux  perfbn- 
nagçs  I  je  ne  parlerai  point  de  la  foule  d^s  rôles  épi- 
(bdi^uesy  qui  ne  fervent  uniquement  qu'à  embrouilleiT 
lie  fbjet  &  à  fournir  de  uiauvaifes  fcènes* 

Ba^zolie  &  Ceralide  étoîent  deux  fœurs  qui  vivoient 
heareufes  dans  le  feîn  de  leur  famille  ;  Meleandre  Se 
Policandre  étoient  cous  deux  amoureux  de  Bazolie* 
Bazolie  aimoit  Policandre ,  &  ne  pouvoic  fpaf&ir  Me- 
leandre :  leurs  affaires  alloient  le  mieux  du  monde. 
Melcane,  mère  de  Bazolie,  défiroit  fort  avoir  Poli- 
candre pour  gendre ,  lorfqu'il  prend  touc-à-coup  fan- 
taiGe  à  Pelicare  >  pete  de  Bazolie ,  de  marier  elle 
^  fà  fœur  à  deux  étrangers  de  ks  amis.   Pour  évite 
un  mariage  G  contraire  à  Tes  vues  »  Melcane  imagine  de 
^éguifer  Tes  deuK  filles  en  Pèlerins  >  &  de  les  envoyer 
chez  des  parens  en  Italie ,  fous  la  conduite  de  Poli- 
candre. Malheureufement  Meleandre  eft  inftruit  de 
ce  projet, &  ayant  fait  le  fignal  convenu  ,  il  emmené 
les  deux  fcéurs.  Il  efl:  bien-tôt  après  aflaflîflé  par  des 
voleurs  :  les  deux  (œurs  fe  réfugient  dans  un  Hermi* 
tage,  &  inceffamment  édifient  tout  le  canton  par  la 
(kinteté  de  leur  vie.  Cependant  Policandre  après  avoir 
f  épété  cent:  fois  le  fignal  projette ,  qui  étoit  de  con- 
trefaire le  petit  chien ,  apprend  par  Melcane  qu'un  au- 
tre a  enlevée  fa  maitrefle.   Il  parcourt  la  moitié  da 
inonde  pour  retrouver  ce  qu'il  aime  ;^  mais  envain.  It 
lui  arrivé  mille  aventures  ;  il  efl  blefie  ^  il  fait  naufra- 


3^4      THEATRE  FRANÇOIS. 

ge ,  il  eft  fait  ;  efclave  ;  enfin  il  devient  foa*  Son  pete 
&  fa  niere  avec  Melcane ,  après  l'avoir  cherché  long* 
cems  y  le  rencontrent  dans  une  forêt ,  faifant  toutes  les 
folies  ppffibles  :  il  ne  reconnoit  point  (es  parens  ;  on 
eft  obligé  de  le  lier>  pour  pouvoir  l'emmener:  la 
grande  réputation  des  deux  nouveaux  Hermites  en« 
gage  cette  compagnie  à  les  aller  trouver  »  &  à  leur 
demander  leurs  prières  en  faveur  du  pauvre  infenfé. 
Melcane  >  qui  ne  reconnoit  pas  (es  filles  dont  une 
longue  barbe  cachoit  le  vifage ,  reconnoit  du  moins 
les  habits  qu'elle  leur  avoit  donnés ,  lorfqu'elle  les  fie 
déguifer  en  Pèlerins  :  elle  foupçonne  aufll-tôt  ces  Her- 
mites de  les  avoir  affaflinées*  Elle  fe  jette  fur  l'un  d'eux  ^ 
lui  arrache  la  barbe,  &  Ton  peut  juger  &  de  fa  joye 
&  de  fa  furprife,  lorfcju'elle  reconnoit  en  cet  Hermite 
une  de  fes  filles  :  l'autre  fe  jette  à  fes  pieds  ;  &  cette 
reconnoiflance  efl  fi  heureufe  ,  qu'à  l'inftant  même 
qu'il  revoit  fa  chère  Bazolîe ,  Polîcandre  recouvre  fon 
'■  bon  fens.  Le  père  de  ces  deux  jolis  Hermites ,  qu'une 
bleflfure  avoit  arrêté  jufqu'alors  dans  THermitage,  & 
qui  avoit  été  foigné  par  eux  avec  tout  le  foin  &  Tac* 
tention  poflîble ,  efl  enchanté  de  retrouver  ks  enfans, 
&  ne  veut  plus  s'occuper  qu'à  feire  leur  bonheur.  Il 
commence  par  celui  de  Bazolie ,  en  lui  accordant  fon 
cher  Policandre  pour  époux- 
Telle  efl  à  peu  près  la  fable  de  ce  Drame ,  l'un  des 


THEATRE  FRANÇOIS.      36 S 

ennuyeux  &des  plus  inal  écrits  quej'aye  lus:  je 
pu  trouver  uh  feul  endroit  qui  méritât  l'attention 
eâeur.  Je  citerai  cependant  quelques  couplets 
dans  un  accès  de  folie  ^  chante  Policandre  (bus  le 
de  Nivelle  y  nom  qu'il  a  adopté  dans  fa  démence  : 

Pour  eftre  arrivé  trop  tard , 
Uo  autre  a  pris  ma  maicrefTe. 
Amour ,  ce  petit  baflard , 
Me  jouant  cette  finefic. 
Me  dit  que.  fétois  plus  heureux  y 
D*eAre  infenf^  qu^amoureux. 

Je  mets  en  comparaifon 
Ces  deux  chofes  en  la  vie  : 
L*amour  trouble  la  raifon^ 
Ce  trouble  fait  la  folie;] 
£{  me  rend  bien  plus  heureux  » 
D^eftre  infenfé  qu^amoureux. 

J'ai  couru  tout  Tunivers 
^our  trouver  ce  que  fcfpere  : 
£c  ces  voyages  divers 
Sur  terre ,  comme  en  galère  , 
M*ont  fait  efUmer  heureux  y 
Dièdre  aufli  fou  qu*amoureux. 

Mais  ne  fçauipis-< je  revoie 
Les  beautés  de  Bazolie, 
Pont  Tabfence  eut  le  pouvoir 
De  me  donner  la  folie , 
£t  pour  fon  retour  heureux , 
îflre  moins  fou  qu'amoureux. 

OKMEIL. 

E  RAVISSEMENT  DE  FLOWSE,  ou 


^S6    THEATRE  J^RA^ÇQIS, 

L;HEURÉUX  EVENEMENT  DES  ORACLES, 
ou  CELIDOa  ET  CELINOE,  avec  un  arguinept* 
Tragi- Comédie  >  imprimée  avec  4ç^  mélanges  poëci* 
ques.  Paris  >  ToulTaint  Quinec ,  1632.  za-Bv. 

CELIDOR  ET  CLENIDE,  t6^i. 

(SUJET  DU  RAVISSEMENT  DE  FLORISE*) 
iPour  confbler  Celinde^  veuve  depuis  quel<]ue  teins» 
Celidor  s'offre  de  l'époufer  :  Çelinde  lui  répond  qu'elle 
ne  confentira  jamais  à  un  fécond  bymenée,  que  par 
Tordre  exprès  d'un  Oracle.  Celidor  va  (ur  le  champ 
confulter  la  fage  Mondaine  1  qui  lui  donne  un  portrait^ 
en  raflfurant  que  c'eft  celui  de  la  peribnne  qu'il  doit 
un  jour  ëpoufer.  Celidor  ^  quoique  touché  de  la  beau- 
té de  celle  que  repréfente  ce  {portrait ,  va  auprès  de 
la  Sibille  chercher  de  nouveaux  éclaircilTemens.  Dans 
cet  intervalle  le  Capitaine  Timandre  revient  de  la 
guerre;  malgré  les  confeils  du  Poëte  Amphion,  il 
devient  amoureux  de  Çelinde.  Cette  veuve  lui  ayant 
feit  la  même  réponfe  qn%  Celf^dor ,  i)  va.  avec  le  Poëte 
confulter  auffi  la  Sibille.  Il  rencontre  C^idor ,  &  ils 
fe  confient  mutuellement  leur  projet.  Arrivés  chez  la 
Sibille ,  elle  ne  veut  point  parler  devant  le  Poète  qui 
lui  dit  quelques  injures  >  &  fe  retire.  La  Sibille  leur 
déclare  alors  qu'ils  feront  tous  deux  côntens;  mais 
qu'il  eft  néceflaire  auparavant,  d'obtenir  l'aveu  d'une 
Divinité.'  Ils  s'en  retournoient  aflez  fàtisfaits  de  cette 
répojife  #  lorfqu'ils  entendent  des  cris ,  &  qu'ils  re- 


THEATRE  FRANÇOIS.      ^6j 

iDoifTenc  la  voix  de  Celinde.  Ils  volent  à  fon  Te- 
ars  ;  elle  leur  apprend  que  le  Diea  Pan  vient  d^ 

enlever  fa  nièce  Florife  :  ils  courent  pour  la  d^li« 
^r  9  &  ils  y  réuflSflent,  Celidor  reconnoit  dans  Flo- 
î  l'original  du  portrait  que  la  (âge  Mondaine  lui  a 
nné  ;  il  en  devient  paflionément  amoureux  ^  la  ra- 
me à  (à  tante  ,  la  lui  demande  en  mariage  & 
btient;  mais  le  <•  Dieu  Pan  iurvient)  qui  attaque 
ïlidor  pour  lui  enlever  Florife*  Celidor  a  le  coura- 

de  mefurer  Tes  forces  avec  celles  d'un  immortel  s 
atloit  vraifemblablement  fuccomber  »  lorfque  le 
ëte  Amphton  furvient  &  les  fépare  ;  il  trouve  auilt 
moyen  de  perfuader  à  Pan  de  renoncer  à  Florife  , 
de  ne  plus  s'oppofer  au  bonheur  de  CeIidor«  Ce 
eu  y  confent  ;  &  le  double  mariage  de  Timandrç 
se  Celinde  9  &  de  Celidor  avec  Florife  ^  fait  le  dé*, 
ùment  de  cette  pièce.  Le  grand  Prêtre  qui  les  xxvàt^ 
ir  dit  : 

vivez  toujours  unis  en  fcmblable  dedr  ; 
Que  le  âcheux  dégoût  n*aUere  lé  plaifir  ; 
Que  pas  un  d'encre  vous  n*aille  courir  au  chai^«  \ 
Ains  deifous  le  mari  que  la  femme  fe  cangc. 
Amphion  ,  fî  tu  yeux ,  tu  te  puis  matier  y 
Tous  deux  elles  préfens  pour  vous  aparier. 

L  E    P  O  E  TE. 

Je  ^e  fuis  pas  (i  fot  de  me  mettre  en  forvage  : 
Mon  coeur  tremble  au  récit  du  nom  de  cecuage. 
3*en  demeure  d'accord  s  baife-moi  feulement  1 
$ans  ccrc  toa  mari  >  |t  ferai  ton  amant. 


368      THE  A  TKÉ  FR  A  NÇO IS. 

LA    SAGE     MONDAINE. 

vous  eftes  bien  plaifanc  que  de  parler  ainfi  > 
Je  vous  eAime  fort  exempt  de  ce  fouci  • 
Jamais  le  repentie  d*une  ââme  nouvelle 
Ne  me  pourra  ravir  le  beau  nom  de  pucelle. 

(SUJET  DE  CELIDOR  ET  DE  CLENIDE.) 
Deux  femmes  de  Marfeille  font  attaquées  de  la  pefte 
en  rabfence  de  leurs  maris  i  elles  envoyent  nourrir 
leurs  enfans  à  la  campugne ,  &  meurent  bien-tôt  après. 
CesenfanSi  l'un  nommé  Celidor , d'entre  Clenide  y 
élevés  enfemble  9  menoient  une  vie  paftorale  lencroiT- 
£ànt  en  âge ,  ils  deviennent  amoureux  l'un  de  l'autre. 
Après  une  longue  abfence  >  leurs  pères  reviennenc 
dans  le  pays  :  &  dès  qu'ils  ont  appris  qu'ils  ont  perdu 
leurs  femmes  &  leurs  enfans ,  la  douleur  les  engage  à 
le  faire  Hermites.  La  même  nuit  >  tous  deux  ont  un 
fonge  qui  leur  aflure  que  leurs  enfans  font  encore  vi- 
vans ,  qu'ils  font  dans  le  voifinage ,  &  qu'ils  s'aiment. 
La  (ingularité  d'avoir  fait  tous  deux  le  même  rêve 
les  engage  à  faire  des  recherches  ,  qui  leur  procure 
de  retrouver  l'un  fon  61s  >  l'autre  fa  fille ,  &  ils  les  unif- 
fent  enfemble.        .  \ 

L'Auteur  a  cru  jettcr  de  la  variété  dans  ce  Drame 
le  plus  froid  6c  le  plus  ennuyeux  que  l'on  puifle  lire) 
en  faiiant  paroitre  un  Géant ,  qui  ravage  les  campa- 
gnes &c  que  Ton  enchaîne  ;  en  introduifant  des  bergers 
&c  des  bergères  »  qui  font  amoureux  les  uns  des 
autres;  mais  il  s'efl:  certainement  trompé.  La  verfifica* 

tion 


THEA  TR  E  FR  ANÇOIS.      36g 

feoix  n'^  D^s  plus  Intéreflaqte  que  la  pièce;  &  je  n'ai 
pa^  trpvive  un  (eut  endroit  qui  méritât  d'être  cité* 

G,  ipE  COSTEi 


j    y 


XiZIMENE,  Ccnnédieqpàftocale  eti  cinq  iStesi 
to  iperst  >  avrec  uti  Prologue ,  dédiée  ^.  Madegioirellè 
Quifc»  Paris  ,  Tbom^ç  dj?  la  RueU^ç  1 1 6 ii..i/z-8% 


»  • . 


'  (  SUJET  DE  hlÉlMENUà  Après  on. Pïologùe  ; 
datis  lequel  un  berger  vante  les  agrémens  de  la  viecham? 
pètre  y  les  bergères  Belaris  &  Clarisbé  comttienceht 
la  pièce ,  en  répétant  à  peu  prés  les  jnèppics  propos  : 
enfuite  un  GaTcon  &Un  Gemilhomnié  enkvefiC  la  ber« 
gère  Lizimene,  les  bergers  Bèrèriîs  &  Nisbétbrvien^ 
hent  &  la  délivrent  ;  mais  îllçuç  en  cô,vite  la liberté: 
ils  deviennent  tous  deu:t  amoureux  de  cette  jeune 
bergère.  ' 


'<•)-' 


Après  bien  des  prpteftî^tîpns  d'àmpur  ^  après  des 
événemens  très^ communs. âc  mal  amenés ,  JÛzimene 
fe  déclare  en  faveMild«BfiKPi$..PpMr/pptepir  pendant 
Cinq  aâes  cette  frcttde.  iutitigue  t  auifi^  pfatte  que  la 
vérification  »  (  &  c'eft  toqtdire  )  il  y  a  plufieurs  autres 
intrigues  abfôiamenttnutiies  à^  la  pièce.  Merindor  eft 

amoureux  de  fielarîs ,  Fîlifinont  Peft  de  Clarisbé  ;  mais 
par  une  bizarrerie  (^  l'aiinpiir  9  Qel^ris  aime  Fi1ifmQnt> 
8c  Clarisbé  aime  Mérindor^  ce  n'était  pas-lc  moyen 
d'être  heureux^  Enfîa  les  Bergers  prennent  le  parti  de 
•   TcmcIL  A^^ 


rr 


3yo     THEATRE  FRANÇOIS. 

k  conformer  aux  défirs  des  Bergères  :  ils  changenl 
d'objet  >  &  ils  font  tous  cohtens.  Outre  cette  ^ifbde» 
on  trouve  encore  celle  d'un  Gafcon,  qui  parle  ion  pa- 
tois >  &  qui  eft  amoureux  de  différentes  Bergères; 
celle  d'une  troupe  d'Egyptiennes  9  qui  enlèvent  la  bour. 
k  d'un  [Vieillard  duqiiel  on  Tè  mocque;  &  quelques 

autres  encore  SLufll  peu  intét^iTcttices  le$  unes  que  les 
autres.  Todr  donner  unte  idée  de  la  verûfication j  je 
vais  rapporter  le  morceau  Taillant  de  ce^te  pièce.  Ceft 
1^  berger  Belaris  qui  vante  aiQTrks  Charmer  dç^la  vie 
paftorale. 

Fontaines ,  clairs  riiideaux  ^  &  campagnes  fieuries, 

6e)ours  déiidéifx  de  notre  Betgetic, 

Que  liôus-Tooimes  htoreux  en  toutes  lés  Aifons  ^ 

JDc  quitter  qviel^e£bis  nos  |)ecites  mairpns  y 

It  revenir  ici  pour  recevoir  encore 

Wille  nouveaux  plaiiîrî  au  iiàtttc  de  l'aurore  !  ■  - 

KoUj.vâiDns  écouter  le  murmiqre  4e»  eajux^^ 

ïc  le  chant  gracieux  de  mille  &  mille  oifeaux  : 

Nous  voyons  tous  les  jours  Tétoile  matiniere  y 

£t  même  en  fa  faifon  ,  qu'on  nomme  pcint^niere  : 

Nous  voyons  puis  après  la  belle  aube  du  jour 

Avec  ï^n  teint  vermeil  lôrfqu'elie  iïft  dcTetour! 

Cer  aflre  qui  la  fuit  avec  fa  trefl«?4)l<*nd5B ,    '  ' 

Vfent  redÔQnënc  (out  Wl^lla^ictb  àviiùonde. 

«/iliors  nous  re^cdons  ces  beafix]prés  eiitaillésy 
Avfcrccs  clairs,  tui^eaux ,  ^  é^qiix.  ils  font  mouillés.  •       •  _ 
^ous  voyons  Jes  troupeaux  defcendre  d*unc  butte  > 
Avjcc. leur  conduûeur  qui  feue  d'une  fluttc'i 
V^t^ks  petits  bergers  derrière  les  buiffons ,  .       >  T 

<       Chantanc:i4eur  patois  d^sp^ifantessçhàùToas.  ^ 

Infin  pour  abréger ,  cela  nous  rcpréfentc 
les  niitiques  plaiûrs  d*uûe  amour  innocente^  &c« 


THEATRE  FRANÇOIS.       ^yi 

163»* 

PIERRE  DE  MARCASSVSrAvoc2Lt  au 
arlement  de  Paris >  né  en  Gafcogne  eh  IJ84.  fut 
rofefleur  de  Rhétorique  au  Collège  de  la  Marche  à 
arisi  où  il  mourut  eu  1664. 


•y 


L'EROMENE ,  Paftorale  en  cinq  aétes ,  en  ?ers^ 
édlée  à  M.  le  Marquis  du  Pont  de-Çourlay.  Pakis^ 
ierhe  Rôulét,  163  3.  i/i-8^. 

XES  PECHEURS  ILLUSTRES  ,  Tragi-Comé- 
le  I  dédiée  à  Madatpe  la  Baronne  d'Qriïidilie»  avec 
n  argument  &  d'autres,  poi^fies.  Paris  >  Guillaume 

>œi&ei:,  1648.  i/i'4^« 

-'  -■' 

(SUJET  DE  L'ERdMÈNE. J  Ergafle  &  Ar^ 
aille }  tous  deux  égris  des.char^pes  d'Eromene  >  pré- 
endent  chacun  avoir  la  préférence  ftir  (on  rival;  la 
iifpute  finit  par  un  combat ,  &  Eromène  qui  furvient 
•s  empêche  de  continiier.  Elle  leur  donné  i  tous  deux 

peu  près  la  même  efpéraiicë  ;  hiais  dans  le  fond  du 
ceur  elle  préferoît  Arniille.  JJra.hie  &  Cloris  paroiffent 
nfuite  fur  la  fcêne  :  elles  s'entretiennent  enfemble  de 
sar  adrefle  à  la  chaHe  ,  &  fur-tout  de  celle  d'Idale  ^ 
sur  compagne.  Cloris  dit: 

-      D'Un  feul  cpup  de  foii.arc ,  ^  a  mis  au  cercueil. 

i  U  R  A  N  I  E. 

Quoi  donc  !  ,     . 

•CLORIS. 

Vgt  hiïojiàtli^i  un  poUIàn ,  un  chevfïuii , 

Aa\\ 


57^      THEATRE  FRANÇOIS. 

I 

Du  Tuperbe  Ladon  les. rives  fans  fécondes  ,  ^: 

Les  ont  vu  cous  les  trois  rouler  avec  leurs  ondes  f 
Aio/î  d'un  cou]^.  Idale  ,  efn  de  bord  étranger  ^ 
Empêch  e  de  voler  y  de  courre  Sç  de  nager. 

« 

Après  cette  converfation  >  Clpris  fédaice  par  ks 
mauvais  confi^ils  d'une  perfide  anûe»  a  la  lâche  corn* 
plaifaiice  de  fe  livrer  entre  les  bracr  d'ArùailIe^  qu'on 
eft  même  obligé  d'attraper  pour  le  porter  à  profiter 
d'une  occafion  favorable  ^  où  l'on  lui  promet  de  le 
faire  jouir  d'Btomefl^.  En  effet ,  on  lui  montre  Cloris 
qui  feint  de  dormir ,  &  otî  lui  perfoade  que  c'efi  l'ob- 
jet  qu'il  adore.  Àrmille  héfite  qilelqués  tems ,  s'il  ofera 
profiter  du  fommeil  de  fa  Bergère.'  Enfin  il  fe  couche 
tout  doucemenr auprès  d'elle,  en  difàdt  : 

Que  doîs-tu  craindre ,  Miuille  ?  achevé  ton  deflêin  , 
Et  mecs-lai  ptofnpcenienc  te  laurier  dans  le  fein. 

....  r     .'  .      ■  \ 

V  •■•«•• 

Ce  qu'il  y  a  de. bien  fingulier,  c*eft  qye  tootes  les 
libertés  que  prend  Armille,  &  qui  font  pouffées  tpçt 
au  plus  loin  y  fe  paHent  fur  le  théâtre  aux  yeux  dés 
Ipeftàteurs.  Eromene  furvîent ,  qui  ne  peut  plus  dou- 
ter de  l'infidélité  de  fon  amant!  Armilïe  qui  rcconnoît , 
qu'il  s'eft  trompé  ;  détéfte  ibti 'erreur ,  &  cherche  en- 
vain  à  fe  juitifier.  Eromene  ne  véûtibfblument  plus 
entendre  parler  de  lui.  Ce  tpndre  amant  >  ^ni  n^avoit 
péché  que  par  trop  d'amour ,.  fe  livre  au  plus  affreux 
défefpoir,  &  veut  fe  tuer.  ^Eomene  s'attertdrît ,  lai 
pardonne,  .Çc  l'épôufe,.  Ce  qu'il  y  a  encore  de  bien 


THEATRE    FRANÇOIS.      373 

^étoaiumt»  c^ft  jqa'Sfgafle>  Ton  riv^il ,  iljment  aHflùtôc 

iRxi  ami  ;  &  voulant  lui  en  donner  Une  peeuve  non 

éqiivo(]i!te  >  pour  répacer  le  tort  qu'Armille  vient  de 

fiûcè  à  Qoris  «  «Ljdeinahde  fa  noam.^  &  jdevient  fon 

:épOOX« 

Le  LeAeorjuge  aiféoient  de  Tindécence  de  c^t  ou- 
vrage )  qui  ne  raci^ette  par  aucune  beauté  ce  défaut 
impardonnable  ;  il  peut  auffi  aifémpnt  juger  de  la  bou- 
te de  ta  veriîficatiôh  ,  puiFque  le  peu  de  vers  que  j'ai 
cités  ,*  font  les  meilteur s  de  k  pièce» 

(SIJJET  DES  JPECHEURS  ILLUSTRES.)  Il 
^(pvt^défenda  dè^kœ  &  de  modrir  d^os  i'ifle  deDe- 
los  :  il  iBUloit  qaeiesfetjpimes  allaflent  accoucher  ;  & 
les  malades  finir  leurs  jours»  dans  Tiâe  de  Rbenie. 
Malgré  cette  loi  bizare  y  deux  femmes  mettent  au 
monde  dans  DeloS^  fune  un  gardon ,  Tautre  une  fille  ; 
&  au(Stôt  les  envoyept  dans  Une  iile  voifine.  Les 
floeres  meurent  ;  ces  eu&ns  élevés  enfembleir^on  foiià 
le 'Dom  d' Alcafidre  ^  l'attcre  fous^dui  d'Sr-mitle  j,  con- 
çoivent de  Tamonr  l'un  pour  l'autre,  lis  étoient  fiey- 
reQX;9  lorfqu'un  bafard  fait  qu'ErmiHe  eft  reconnue 
pour  la  Princefle  de  Delos.  Ses  palrens  lui  <îéfendent 
d'écouter  davantage  jes  vœux  d'Alç^ndcé  ^  elle  obéit 
à  regret j  ou  du  mains  elle  feint  d'obéifé»  Sotn  amant 
trompé  par  les  apparet^ets  >  féliVré  a;u  d^fpoîr ,  & 
du  haut  d'un  rocher  fej)récipité  dans  la  pier.  Pendant 
qu'il  exécutoit  ce  fta^fle  projet^  on  découvre  auffi 


\ 


374       T'^^  AT  RE  F  k  ANC  O IS. 

fon  illuftre  naiOance*:  les  parens;  d'Emiille  lar  peraset^ 

tent  alors  de*  (oivre  fon  penchant  >  Ce  le^cîi  promettencr 

pour  époux  :  dans  le  moment  inème  on  vient  lui  an* 

noncer  que  la  douleur  l'avoit  déterminé  àfé  prédpi' 

ter  du  haut  du  rocher,  appelle  dans  ces  contrées  le 

Saut  des  Amans.  £rmille  baignée  de  pleurs  veut  ac- 

con>pagner  fon  amant  dans  la  nuit  éternelle  »  lorfqoe 

tout-à-coup  elle  le  voit  reparoître  devant  elle.  Par  an 

heureux  hafardji  il  étoit  tombé  dans  des  filets  depé« 

cheurs  ^  qui  l'a vpient  (êcouruç  à  propos;  ;  &  il  avoit 

appris  parmi  eux  que  Ton  étoit  inquiet  d'un  inconnu  i 

nommé  Alcandre ,  donc  on  venoit  de  découvrir  l'illa- 

fire  origine  >  ce  qui  l'a  voit  déterminé  à  reparoitre  àh 

Cour.   Son  mariage  avec  Ermille  ^it  le  dénoûmeot 

de  cette  pièce. 

Si  du  moins  cet  ouvra gç  n'eft  psfs  contre  les  bonnçs 

n^œurs,  il  n'eft  ni  plus intéreiTant^nf  mieux  écrit  qoe 

le  précédent  :  on  jugera  de  la  verfification  par  ce 

'  morceau  que  je  crois  ètr«  le  moins-mauvais  qu'on  puiife 

y  trouver.  Alc^ndre  au  défeTpcir  vient  confakerPrO' 

tée  )  qui  ne  veu&  pas  lui  répondre  :  ce  malbenreqx 
aimant  cherche  ut\e  occaHon.de  le  furprendfe^  ^le 
(rpqvaQt  endprgii ,  i|  dit  ; 

vénérable  Démon  des  Vagabondes  picncs. 

Doux  efpoir  de  mes  maux ,  doux  eTpoir  de  mes  pene&  , 

Père  de  tant  de  âots ,  dont  lesjeflus  divers 

D'une  éternelle  eflreinte  embr^ent  l'univers  : 

Toujours  vieux ,  toujours  jeune,  &  feul  qui  dans  le  moQdç 

pç  (Qut  genxc  immortel  rtn^la^ccre  fëcc^de  ; 


THÉÂTRE  tRANÇOIS,      375 

51  <l6  tant  de  beautés  ,doii}:  l'aimable  Dotis 
A  tant  de  puilTans  Dieux ,  &  bleflès  &  guéris  y 
Il  en  fut  jamais  une  à  qui  les  de(tinée$ 
•  Ayent  fournis  l'orgueil  de  tes  belles  années  \  • 
51  jamais  de  l'amour  Padorable  flambeau 
^mbrazji  ton  conrage  au  milieu  de  Ton  eau  : 
O  î  Perc  impérieux  des  mers  ^  des  rivières  ,  "  "/  *  ^ 

Montré-toi  favorable  â  mes  judes  ptieres  :        ' 
£(coute  ma  douleur  :  oy  mes  cuifans  regrets  ; 
De  mon  futur  deftin  révèle  les  fecrets. 
Etouâêxlans  mon  cdeur  l'efpérance,  0u  la  crcinte , .  • 
£t  donne  pour  januiis  une  fin  à  ma  pleiute. .      ,. 
Ainfî  de  Tunivers  Técernel  ornement 
Révère  le  pouvoir  de  fon  vailc  élément  t 
/^infi  du  Dieu  du  jour  la  courfe  vagabonde 
Commence  en  ton  Empire ,  &  s'acheva  en  ton  onde. 
Mais  ce  Dieii ,  plus  cruel  &  plus  four^  que  fes  flots  , 
Se  moque  des  foupiis ,  des  pleurs  djr^des  fanglocs.  » 

Plus  on  le  prie ,  &  dIus  il  eft  inexorable . 
La  force  8c  non  nos  maux  nous  le  rend  ftcourable. 
Refous-toi  donc ,  Alcandre  ,  à  cette  heure  qu'il  dort  ^ 
A  l'aAidmi  fi  bien  »  &  l*eftreindre  fi  ^tt,  /  1 

Que  furprîs  dans  tes  ncpuds  9  u  feule  violence 

^oblige  en  ta  faveur  à  rompxe  fon  filçnce. 

Dieux  !  fur  combien  d'eQpace  eft  eftendu  fon  corps  ! 

Que  fôn'ftçnt  eft  afBrcut  i  que  fes  membres  font  forts  ! 

Quelle  t^  !  quels  pies!  &  quel  énorme  ventre  !  , 

De  quel  bruit  fon  fommeil  fait  retentir  cet  antre  l . 

Alcandre  infortuné ,  raflcure  tes  efprirs  : 

Ijt  voilà  dans  tes  lacs  :  tu  le  tieûs  :  il  eft  ptis. 

Donne ,  donne  à  fes  bras  une  rude  fecouflè , 

Il  faut  qu'il  fe  refveille  :  il  faut  qu'il  te  repoufle» 

JE4N^94PTISTE  DECROSILLESyAbbé  de 

Aaiy 


37<î      THEATRE  FRANÇOîS. 

Sainc-Ouen ,  mort  m  i6st^  dans  une  eJctrèiae  ^a« 

vreté. 

CHASTETÉ  INVINCIBLE  ,  Ott  TIROS  ET 
URANIE,  Bergerie  en  prôfe,  en  cîticj  aftes,  avec 
les  chœurs ,  en  vers ,  &  un  ayis  du  Libraire  ao  Lec- 
teur. Paris,  Simon  Fevrijer,  1653.  w-8*'. 

Cette  pièce  fe  trou^ç  9uâi  fpus  Iç  titre  fin^IefflenC 
de  JÎTcis  &  Uranicf  imprimée  en  i6)i).  &  encore 
(bus  celui  dç  Bergerie  de  M:  de  CraJiÙes  y  impmaét 
çn  1634*  ■  '  ■    ^ 

(SUJET  DE  LA  CHASTETÉ  INVINCIBLE.) 
Par  les  Loix  du  pays,  le  Prince  Thyrîîs  eft  obligé 
de  mener  une  vie  pafior^k;  Il  dievient  anbureux  d'U- 
ranie,  la  plus  belle  &  là  plus  înferifible  des  Bergères 
du  canton;  ç'eft  enyaîn  qu'il  ne  perd  ,pas  une  occa- 
fîon  de  lui  parler  de  Ion  ^naaurv.  La  Bergère  ne  veat 
pas  l'écouter  ;  il  lt|i  rend  etnrain  les  ieryîces  les  plus 
eiTentiels,  Ur^nie  n'en  eft  que  plus  févere  ;  il  ell 
blelTé  dans  un  combat  tjall  entreprend  pour  la  déli- 
vrer des  bras  d'un  Satyre  ;  elle  ne  lai  en  tëmeSgne 
pas  la  plus  légère  reçonnoiflimce.  Lç  pauvre  Prince, 
réduit  au  dérefpoir  &.  ne  pouvant  phis  oonfisrver  la 
pîoindrç  efpérance,  n'étontè  plus  que  IS  doùtear ,  & 
fe  tue^  Uranie  fc  défefpére  en  apprenant  la  mort  de 
fon  amant ,  &  fe  reproche  «Ta  cruauté.  On  apporte 
^eyant  elle  le  corps  de  Thyrfis ,  qu'elle  inonde  de  fe^ 
larmes*  Enfin  ^rec  qttèlqucs  parp]e$  magr^es,  & 


' 


^ti^ÀTR  É  FRA  N.ÇO  15.       jyy 

Hvedla  cditi^aîRnce  qu'elle  a»  de  colerfes  lèvres  de 
Ycje  fur  la  bouche  livide  de  Thyrfii  >  cç  Prince  reflbfci- 
te ,  &  Vépoufe* 

£fi  lUanc  Tanalyfe  de  cette  pièce,  l'on  doit  croire 
que  c'eft  un  fujet  crès-fîmple  &  fort  peu  compliqué  ; 
mais  au  contraire  i!  eft  très- embrouillé  par  mille  per- 
ïbnnâges  épifodiques ,  qui  viennent  fucceflîvemeùt 
ennttytr  le  l.è<fteùr ,  &  retarder  le  progrès  des  fcènes. 
On  7  vnpît  alternativement  de^  bergers ,  des  Bjergere^,^ 
xles Prêtres I  des  Sacrificateurs,  des  Satyres ,  des  Ma- 
giciens y  &c.  On  Ut  dans  l'argument  qui  eft  à  la  tètç; 
Les  aSes  font  en  profe  9  &•  les  ehœurs  en  vers  y  à  çauje 
que  cette  Bergerie  efi  ime  chajleté  invincible  j  honneur 
fera  le  prologue.  Je  vais  rapporter  quelques  traits  de 
cet  ouvrage,' pour  f^îre  connoîcr^ le  ftyle  &  le  génie 
^c  Pj^ûteur. 

Tbyrlis  repond  à  Uranie  qui  le  compare  à  Diane. 

■  t 

THYRSIS. 

33  îyç  bon  cœur  j'acquiefcerai  à  ta  réfolution  ^  pour- 
^  vu  que  l'iévénetrient  r^ede  au  pcéfage.  Cette 
Dééfie  né  lîôflede  ntâle  qualité ,  dans  laquelle  ipus 
les  Teiîtlmeds  humains  ne  Payent  pofledée.  Lune 
ce  au  Èiel ,  elle  aime  Endimion ,  qui  jouit  de  Tes  fa- 
3>  veurs  fur  les  montagnes  de  Carie«  Diane  dans  les 
^3  bois»  elle  aime  Hyppolite  9. après  avoir  aimé  A1« 
j>y  phée,!  dont  Jes  eaux  font  (kcrées  depuis  ce  tems-Ià. 
3(»  PtoT^i^ne  daiis  les  «nfers^  e^'e  fe  ravit  de  joye  de 
^>  ce  que  Pluton  Py  ravit  d'amosmr  »  &  les  ténébces  de 


57^     THE4TRÊ  François: 

9>  l^ar  féJQur  ne  font  éternelles  ,  qa'afin  dç  couvrir 
??  leurs  cs^refTçs  qui  le  font  aufli.  Elle  préfide  k  la  fé* 
»  licite  des  accouchemens  (bus  le  nom  de  Lucine  :  & 
»  pourquoi  penfes-tu  qu'aux  nuits  qui  font  les  plus 
X»  fereines  f  elle  fe  plait  fi  fort  à  briller  deflus  les  eaux  ? 
3»  En  voici  la  raifon  que  j'ai  appris  de  Menalque^  elle 
3»  y  fait  des  ondes  d'argent  pour  marier  les  pymphes 
;x>  qui  ont  trouvé  parti.  Tellement  que  j'ai  fujet  de  te 
9>  fouhaiter  l'imitation  de  cette  Déefie ,  même  encore 
»  que  tu  en  retranches  tout  ce  qui  te  (ëmblera  paiTer 
yy  les  bornes  d^une  légitime  amitié, 

Thyrfis  interroge  un -Devin  (ur  le  (uccès  de  foo 

9mour ,  celui-ci  lui^  demande  l'origine  de  (on  amoor* 

Thyrfis- lui  répond  :  »  Il  vient  de  deux  autres  jo- 

»  meayx  ,  qu'on  prepdroit  ppur.Çaftor  &  PoUux, 

>>  n'é  toit  an  obdacle^  qu'il  y  a  >  c'eft  que  leur  mère 

yi  n*eft  pas  Lede.  ce  L'Imprimenr ,  qui  n'a  voit  pas  bien 
compris  toute  la  gentillefle  de  ce  jeu  de  mots  >  avoit 
fbttement  cru  que  l'Auteur  s'étoit  trompé  ,  &  avoit 
bonn);ment  imprimé  Laide.  L'Abbé  de  CrofiUes  ,  in« 
digne  de  cette  balourdife,  a. eu  foin  d^ns  l'exemplaire 
que  j'ai>  de  rayer  cette  bévue  >  &  à  la  mange  d'écrire 
de  fa  propre  main  Lede.  Voici  un  dialogue  entre  Li- 
candre ,  magicien ,  &  la  bergère  Driope ,  qui  ne  aolt 
pas  à  fcs  preftiges. 

Lie  ANDRE. 

33  Veux-tu  que  je  faffe  defcendre  d'Ofla  &  de  Pe-: 
93  lion ,  les  aunes  &  les  pins  ?  &  puis  je  les  ferai  dan: 
^  (er  en  rafe  campagne. 


THEATRE  FRANÇOIS.     37^ 
D  R  I O  P  E. 

/  I 

»  Les  coup?  de  hache  les  font  deibendre  tous  lesi 
»>  jours  ;  &  les  flots  les  font  danfer  quand  ils  fervent 
>3  de  m^($  de  navire. 

Lie  AND  RE. 

>y  Veuic-  tu  que  je  fafle  venir  les  ténèbres  en  plein 

midi  ? 

DRIOPE. 

>o  Une  tonne  >  un  berceau  7  un  bœsfort  épais  fe- 
»  ront  tout  le  même. 

LJCANDRE. 

Veux*tu  que  je  faflè  niarçher  les  ombres? 

DRIOPE, 

y>  Chacun  fait  inarcher  la  Tienne  p  pourvi!^  qu'il  fq 
jo  ppuirmeine  aa  Soleil* 

LICANDRÇ. 

D»  Veux- tu  que  je  faffç  revenir  les  efprits  ? 

DRIOPE. 

M  L'eau  jettée  fur  le  vifage  n'y  manque  point. 

\  L  I  C  A  N  D  R  E. 

y>  Veux -tu  que  je  faffe  parler  les  rochers  &  lc$ 
D?  arbres? 


35o      T^EATtiE  FRANÇOIS, 

B  Rî  OPE, 

'  Thyrfis  le  fait  en  y  gravant  Tes  vers,  &  ayectaol 
»  dç  perfedion,  que  c'eft  un  vrai  miracle^ 

FRANÇOIS  LE  MÈTEL,  Sk  pE  BOISROBERT, 
Abbé  d^  Châtilloù  •  fur  -  Seine  >  Aumônier  du  Roi  > 
Confeiller  d'Etat  &  de  l'Académie  Françoife  ^  né  à 
Caën  en  1592.  mort  en  i66%. 

PYR ANDRE  ET  LISIMENE,  ou  LA  BELLE 
LISIMENE,ou  L'HEUREUSE  TROMPERIE, 
Tragi-Comédie ,  dédiée  à  M.  de  Cahuiac.  Paeis, 
(TouiTaint  Quinet  9x693.  iV  4^* 

LES  RIVAUX  AMIS,  Tragî-Comédie ,  dédiée 
à  Monfeigneur  le  Comte  d'Aiinai ,  par  Jean  Çaudoio* 
Paris ,  Aug.  Courbé,  1639.  in-4<»» 

LES  ÎDEUX  ALC ANDKES ,  Tragi  -  Comédie , 
dédiée  par  le  Sr  de  Bonair  à  M.  Chapelain  de  Palle- 
zeau*  Paris,  Ant^  ^  SommaTiUé^  i6^x>.  in-^^é 

P  ALENE  S ACRIFIE'E  ,  Tragédie ,  déÔiéeà 
Monfeigneur  de  Saint-Mars  9  par  le  Sieur  de  Bonair. 
Paris  1  Touflaint  Quinet,  1640.  zfl-4®, 

*        ■  ■  .  *    ■         ' 

LE  COURONNEMENT  DE  DARIE,T«p- 
Comédie  >  dédiée  à  Monfe^neur  lé  Maréchal  de  Gui- 
çhe.  Paris ,  TouiTaint  Quinet,  1648.  in-^^, 

LA  VRAYE  DIDON,  ou  DIDONLA 


] 


h 


tttEAtâÈ  FRANÇOii.       ^Bi 

:H  A  STB ,  Tragédie ,  dédiée  à  Madame  la  Corn- 
efle  d'Harcdtitu  Paris  »  Touflaint  Quinet^  i<^43« 

LA  JALOUSE  D'ELLE.  MESMÉ,  Comédie 
n  cinq  aâes ,  en  vers»  dédiée  à  M.  le  Marquis  de 
lichelitaè  FAâii^Aug.  Courbé 9  1650.  i/i-4'». 

LA  FOLLE  GAGEURE  >  ou  LES  DIVËR^ 
3SSEMENS  PE  LA  COMTESSE  DE  PEM- 
JROC ,  Comédie  en  cinq  aftes ,  en  vers  >  dédiée  à 
itoniieur»  freredùlloi.  Paris }  Augufiia  Cburbéf 

LES  TBQK  ©BONTES,  Comédie  en  cinq 
i£bes»  en  vers /dédire  à  Mademoifelie  de  M^rtimxzsi^ 
?ARIS ,  Aug.  CQmbé ,  1561.  i/iw^o.  r 

CASSAîjtpRE,  COMTESSE  DE  BARCELON- 
SfE,  Tragi-tomëdie ,  dédiée  à  M,  le  Duc  di?  Nf:-) 
tnours.  Paris  9  Aug.  Courbé,  1654.  i/i*4*'. 

L'INCPiNlSfUE*  Comédie  en  cinq  aâe^,  éii 
iirers  >  dédiée  à  Monfeigneur  le  Cardinal  Mazarin  |, 
Paris  >  QpUv  d^  Loyne$,  in-ïzy 

LA  BELLE  PL AIDEUS&r  Comédie  en  cinq 
aAes  r  en  ver8>>  dédiée  à  Madame  de  Ris ,  Première' 
Pcéfidente  do  {Parlement  de  Ndi^andie.  PàriS, 
Guil.  de  Lnyneé,  ii^S  ^.  i/z.»2,.' 

. .  1"  ....»•' 

LES  GENEREUX  ENNEMIS  ^^  Comédie  en 
cinq  aâes^  en  verS)  dédiée^  à  Aîadbme  de  Brancàs* 


j«x      THEATRE  FRANCO ISx 

LA  BELLE  INVISIBLE,  ôuLA  CONS-' 
TANCp  EPROUVEE,  Tragi-Comédie,  dédiée  à 
M.  de  Bellievre,  Premier  Prâîdenc.  Paris»  Goili 
de  Luynes ,  1656.  iii'  1 2. 

LES  COUPS  DAMOUR  ET  DE  FORTUNE^ 
DU  L'HEUREUSE  INFORTUNEE,  Tra^-Co- 
médie  ,  dédiée  à  M.  de  Mancini.  Pakis,  Guil.  de 
Luynes,  1655.  za-i2. 

LES  APPARENCES  TtlÔMPÈUSËS,  Corné- 
die  eh  cinq  aâés ,  en  vers  j  dédiée  à  Madame  la  Pré- 
fidenteïhoré.  J^AUt^^  Guillaume  de  Luynes i  iés6« 

THEODORE,  REINE  D'HONGRIE,  Tragi. 
Comédie  y  dédiée  à  Madame  la  Procureufe  Géûéra- 
le,  Paris,  Pierre  l*Amy,  1658.  i/z-tii 

~  L'AMANT  RIDICULE ,  Comédie  en  un  aâc, 
en  versi  Paris,  i6jj.  in  n*       '     ' 

LES  DEUX  SEMBLABLES,  Comédie  en  cinq 
aâès  y  en  vers  >  dédiée  par  M.  de  fionair  à  M.  Clia- 
pelain ,  Sti^neùr  Aà  Pallezeaa ,  CbnfèHlér  &  Secré- 
taire du  Roi.  PARis^Tiniflaint  Qtnnée,  1 642.  in  4V 

Cette  dernière jpiecr«$  efft  ûiot  jiciiur'^iiM  la  mêobe 
thofe  que  les  «jj^iyc  Ak^ndres  s  ti'oifîémer  pièce  det 
Boifrobert.  Il  n'y.a  ^bfoJlament  qiîe  te  (rondfpice  & 
la  datte  de  changée;  car  même  au  haut  .de  chaque 
page  le  titre  eft  les  deux  Alcandres. 

(SUJET  i)E  PYR ANDRE  ET  DE  LISI- 
MENE'}  Quoi^eTonignorâtbt  nail&Qce  de  Fyran- 


THÉÂTRE  FRANÇOIS,      ^8j 

are  9  fa  valeur  l'avoit  élevé  aax  premières  places  cla 
Royaume  de  Thrace  »  donc  il  avoir  défendu  les  fron<^ 
t!ereSy'&  vaincu  les  ennemis.  Pendant  la  guerre,  le 
Roi  avdit  envoyé  fa  fille  Lifimene  auprès  d'Ofantè  jl 
fille  du  Roi  d'Albanie.  Le  calme  étant  revenu  dans 
feô  Etats ,  i!  envoyé  fon  fils  Pyroxene  pour  riécrher- 
chcr  lajeunePrincefle.Pyrandre,  quibrùlolt  pour  elle 
de  l'amour  le  plus  tendre,  &  qui  en  étoit  aimé,  ac- 
compagne le  Prince  dans  ce  voyagé.  Dès  que  Pyrao- 
dre  eft  arrivé  à  la  Cour  d'Albanie ,  fes  grâces ,  ùl 
bonne  mine ,  touchent  le  cceur  d'Orante  ;  elle  fait  con^ 
fidence  à  Lifimene  de  fa  nouvelle  pafllon^  &  tout  de 
faite  écrit  à  fon  amant  de  venir  la  trouver  dans  fa  ctiam- 
bre  cette  même  nuit.  Pyrandre  fort  furpris  de  (k  bon- 
ne fortune ,  mais  ne  voulant  pas  manquer  à  J^ifimene  , 
en  fait  confidence,  à  Pyxoxene  qui  aimoît  Orante»  & 
lui  perfuade  d'aller  tenir  fa  place  au  rendez -vous. 
Comme  Ton  croît  bien ,  Pyroxene  accepte  la  projiofi- 
^tion  avec  grand  plaifir ,  &  y  vole.  Lifimene  qui  le 
voit  paffer,  &  qui  le  prend  pour  Pyrandre ,  n'écoaîtant 
que  la  jaloufie ,  va  avertir  Atfxe  /  frère  d'Orante ,  de 
tout  ce  qui  fe  pafie.  Aràxe  enfonce  la  porte  de  fa 
(ceur.  Pyroxene  fe  fauve  fans  qu'on  puifie  le  comiol- 
tre;  &  Pyrandre  pafle  toujours  pour  être  le  feulcou- 
pable;  On,  Tarrête,  on  le  met  en  prifon,  &  bien  tôt 
après  il  eft  condamné  à  mort.  Pyroxene  p^  fpuffre  pas 
que  Ton  conduife  fon  ami  au  fupplice ,  &  avoue  tout 
au  Roi.  Il  lui  demande  fa  fille  en  mariage  >  &  l'ob-  ^ 


^84      THEATRE  FKANÇOtL 

tient.  Au  moment  que  Lizimene  eft  enchantée  ii 
ilonocence  de  Ton  amant  »  fdn  bonheur  &'aC9:oit  en- 
core par  un  événement  imprévu.  Pyrandrç  eft  recon- 
nu pour  le  fils  du  Roi  d'^^lbànle ,  &  ion  matlage  avec 
pzimene  termine  beureufement  cette  Tr^i  -  Ccooé- 
die  y  dont  je  rapporterai  une  fcèae  pour  foire  coddoI- 
tre  quel  fut  le  début  de  Boi(kobert» 

L  E    G.E  O  L.I  E  R; 
Qui  YΫnt  ftappcr  û  utdî 

L'  E  X  E  M  P  T. 

Ouvre-moi,  monat&i: 

-  -  ■     ■    .  * 

L  E     G  E  O  L  I  £  R. 

Non  ,  je  n'ouvrirai  point  >  car  il  eft  heure  indue  i 
7e  fçai  bien  mon  meftier ,  vous  me  prenez  pour  grde»' 

L*  E  X  E  M<P  T. 

i^i  tu  n'ouvres ,  C6(juih  !  ' 

LE    G  SOL  r  E  R. 

(^lià  efl:  cemangetu;  i?aujc^' 
Qui  fait  fi  peu  d*hQnn«ujc  au^  Concierges  Royaux  \ 

SECOND    EXEMPT,..       , 

.Connois-tu  ce  bâton  ! 

L  E    GJE  jO  L  I  E  R. 

Mondeur ,  je  vous  demande 
Très-humblement  pardon  ,  d*une  faute  fi  grande. 
JeÂ'cuiTe  pas  connu  le  Roi  me(m&i  la  voix:      '^  ' 
Tellpis  tropen  colcre^-Endori^nHerougcoiry    . 
Que  Ton  caffbitmon  verre ,  &  répandoit  ma  fau^^  ,' 
Quand  vous  avez  frappé,  leprensmonhaut  dechâuflb/ 
£t  m*en  viens  vous  ouvpir.  '    .  ,  .    v  . 

V  EX  B  M  P  T.  '    . 

C6  Geôlier  eft  pkiùtfr*'! 

DE 


,*    1 


tÉEATRÉ  FR A NÇOI S.       3 85 

L  E     G  £  O  L  I  E  R. 

%t  bien ,  que  voulez- vous  de  moi ,  Monueuc  TExerapt  > 

S  E  C  O  N,  D    E  X  I  M  P  T. 

Que  tu  gardes  cet  homme  y  6c  m*en  reude  un  bon  conce. 

LEGEOLIÉR. 

Approchez-vous  ,  beau  fils  ■<,  6c  n^ayez  point  de  honte  : 
C*cfl  ia  maifon  du  Roi.  J'ai  bien  logé  chez  nous 
Des  muguets  pour  le  moins  auiii  friCés  que  vous, 

SECOND    EXEMPt. 

Allons  ^  il  efl  dedaps  :  rcfpond  de  fa  perfbnnc  , 
£c  prens  garde  aux  prifons.^ 

LE     GEOLIER. 

Monficur ,  je  lui  pardonne , 
S'il  endort  fans  cohgjê ,  puifquc  l'y  voilà  mis  i 
Kon  pas  quand  il  àuroit  cent  diables  pour  amis  :  •  •  • 
Moulîeur,  ça  de  Targent ,  payez  la  bien  venue» 
Vous  aurez  ce  cachot  qui  refpond  fur  la  rue. 

.    ,\  PY^ANDRÊ. 

Ami  9  je  le  ^erai ,  tu  t^en  contenterai. 

LE     GEOLIER. 
A  d'autres  !  j'aime  un,  tien  plus  que  deux  tu  l'auras, 

4  I  ' 

P  Y.  R  A  N  D  R  E. 
Mon  valet  a  ma  bourfe. 

,     L  E     G  E.Q  L  1ER, 

Et  le  diable  m'emporte 
Si  le  mien  n'a  la  clef  aufli  de  cette  porte. 
Vbus  pcnfez  m'éxcroquer ,  mais  'prenez  garde  à  vous  : 
Je  vous  mettrai  là-bas  avec  quatre  filous , 
Qui  daaferont  cantofl  deifous  une  potence. 
Vous  tranchez  Un  peu  trop  de  rhommç  d'importance. 

7om  II,  ^  \i 


386      THEATRE  FRANÇOIS. 

P  Y  R  A  N  D  R  E. 

O  rhomme  deffiant  !  garde^  en  accendant  mieux. 
Cette  bague. 

LE     GEOLIER. 

Monfîeur ,  voyez  de  ces  deux  lieux 
Lequel  vous  voulez  prendre.  A  ce  coup  je  vous  aime  : 
Soyez  feur  d*efb:e  ici  traitté  comme  moi-mefme. 
Ma  foi  c*eft  grand  dommage  :  il  a  bonne  façon  | 
Et  Ton  juge  à  le  voir ,  qu*il  eft  joli  garçon. 
S  il  doit  eflre  branché ,  je  Tirai  voir  defiàire  j 
Et  prirai  de  bon  cceur  le  Bciurreau ,  mon  cpmpere  , 
De  fecouer  pour  luy  dextrement  le  jaret  ,* 
M'en  d*euft-il  confier  pinte  après  au  cabaret. 

(SUJET  DES  RIVAUX  AMIS. )  Jarbe,  Duc 
de  Calabre  9  fait  cirer  i'horofcope^  de  fon  fils;  &  on 
lui  prédit  qu'il  doit  avoir  pour  fa  fœur  on  amour  io- 
cedueux^  &  faire  la  guerre  à  Ton  père.  Four  éviter 
ces  mallieurs  9  il  le  confie  à  un  de  fes  fujets ,  qui  loi 
cache  fa  naiflance  9  Téleve  comme  fon  fils ,  &  lui  doo' 
ne  le  nom  de  Phalante*  Parvenu  à  un  certain  âge/ 
Phalante  va  dans  la  Cour  Violas  ,  Prince  de  Tareo* 
te  ;  &  il  s'y  diftingue  par  tant  de  belles  adions  »  que 
ce  Prince  lui  promet  Une  de  fès  fœurs  en  mariage. 
Cependant  comme  il  étoitfurvénu  quelques  différends 
entre  la  Cour  de  Tarenlè  &  cette  de  Calabre,  lolas 
l'envoyé  en  Ambaffade  auprès  de  Jarbe  :  il  devient 
amoureux  de  Bérénice ,  fille  de  ce  Prince;  il  en  cil 
aimé  9  &  ils  fe  jurent  une  tendrefle  éternelle.  Mais 
desraifons  d'État  dérangent  leurs  projets,  i&  Bérénice 


THEATRE  FRANÇOIS.       387 

ttll  obligé  d'époafer  lolas  ;  ce  mariage  retarde  >  maî^ 
n'empêche  pa»  la  rupture  entre  les  deux  Princes.  Ils 
fe  diéclarent  la  guierrè^  Phalante  fuk  le  parti  dlolas  > 
qui  dans  une  forcie^A  fi  •dahgereufemént  bleiTé ,  qu'on 
le  croit  mort.  Phalante  &  Bérénice  dé^^drent  foii  fort, 
&  fe  rappellent  teufs  anciennes  amoiirs.  Iola$  les  en- 
tendoit  y  mais  loin  d^ètre  choqué  de  leurs  feux ,  il  leur 
cémpigne  combien  ii  eff  fâché  de  n'avoif  pas  été  in^ 
ftruic  plutôt  de  leur  tendreffe  mutuelle  >  &  leur  juré 
qu'il  auroic  fait  Timpoïlible  pour  les  unir  enfemble; 
Cette  <:onverfation  augmente  }e  danger  de  fon  état  ; 
&  fe  ctoyant  prêt  de  fa  fin ,  il  lègue  à  foh  rival ,  &  eti 
même  cems  (on  ami  >  &  fa  femme  &  (on  Trône.  Cette 
genérofité  n'a  pas  lieu.  lolàs  guérit ,  &  regrette  de 
a'avoir  pas  9  par  fa  n^ort ,  (ait  le  bonheur  de  fon  ami. 
On  donne  de  nouveaux  combats ,  &  Phalante  eft  re« 
connu  par  fon  père  putatif ,  qui  lui  découvre  fa  naiP 
lance»  &  qui  le  conduit  aux  pieds  de  Jarbe.  Ce 
Prince,  enchanté  de  retrouver  dans  fon  fils  un  héros, 
dont  les  exploits  étoient  fi  vantés ,  fait  la  paix  avec 
lolasi  &  on  fcelle  ce  traité  par  le  paariage  de  Pha- 
lante avec  la  PrinceflEede.Tarenter  C'eft  ainfi  que  (e. 
dénoue  cette  pièce  médiocrement  écrite ,  mais  aifez 
bien  conduite ,  &  dans  laquelle  je  n'ai  rien  trouvé 
qui  méritât  d'être  rapporcéw 

I   •         •  *  .   , 

(  SUJET,  DES  DEUX  ALCANDRES.  )  Toute 
l'intrigue  de  cet  ouvrage  roule  fur  Tuniformicé  des 
Doms  de   deux  jeunes  gens,  tous  deux  amoureux 


^S8       THEATRE  FRANÇOIS. 

^ans  Tolçde.  Atç<^ndre  4e  C^ftiUe  aîmoit  &  étoh 
ahné  de  Fenice.  La  même  union  cegnoic  encce  Alcao* 
dre  de  C#^talogne  &  Ifmene.  Ces  deux  jeunes  beau- 
tés, quilogêoienc  dans  la  même  maifon^  donnent  cha- 
cune un  rendez  vous  à  leurs  amans.  Le  hafard  faic 
qu'Alcandre  de  Catalogne  j  arrivé  le  premier  au  ren- 
dez-vous.,  entend  une  voiK>  qui  demande  »  eft-ce 
vous  Alcandre^  il  répond  :  oui,  ne  doutant  pas  qae 
ce  fût  la  confidente'  dlfmene  :  on  lui  ouvre  la  porte  » 
&  au  grand  étonnement  de  tous  deux  il  eft  introdoie 
chez  Fenice ,  dont  le  père  furvient  tout  à-coup  &  veut 
k  tuer.  Il  s'échappe,  &  rencontre  Alcandre  de  Ca^ 
talognepfès  la  fenêtre  d'Jfmene  :  un  fpupçon  récipro- 
que 9  quelques  mots  équivoques  les  engagent  à  fe  bat- 
tre 9  ils  font  féparés  &  conduits  tous  deux  en  prifon. 
Leur  aventure  s'éclaircit,  ils  deviennent  amis,  &  ils 
^poufent  l'objet  de  leurs  vœux. 

Je  ne  rapporterai  de  cette  pièce,  qui  eft  aflfez  bien 
écrite  que  ces  dix  vers;  c'efl:  Alcandre  de  Catalogne 
qui  les  dit  après  avoir  lu  un  billet  d'Ifmene  ,  qui  lui 
affigne  un  rendez  vous  pour  dix  heures  du  foir  :  tout 
plein  de  fon  bonheur ,  il  s'écrie  : 

Soleil ,  puiî  qn«  tu  vois  le  bonheur  de  mes  jours , 
Ne  le  recar.le  pas ,  précipite  ton  cours. .         ^ . 
£fleiiis  eu  ma  faveur  ta  lumière  adorable  ; 
LailTe  venir  ta  fccur ,  qui  m'eft]plus  favorable. 
Souviens-toi  qu'autrefois  tu  courus  pour  Dàphiié, 
£t  de  laurier  p4t  moi  eu  feras  couronné  f 


THE  A  TRE  FRA  I^^ÇOIS:      $8^ 


'*  Accourds  pour  uo  |oaç  côfl  chéfà'm  QtdÀt^t\ 
Je  c'ejOeve  un  Auccl,  graud  &  beau  lumiûa  re  ^  / 
Si  dans  rimpacicnçcjoù  tu  me  vois  réduU , 
Tu  fuis  pout  faire  place  aux  ailres  dé  la  huit',  Sec, 


'♦  > 


(  SUJET; DE  PAtENE.)  Sython»,Roi  desHo- 
4omantes>  avoit  unç  611e  d'une  li  grande  beauté ,  que 
tous  les  Princes  la  rçcherchoier^jt  en  mariage.  Ce  Ma*- 
narqii|$>  craignant ^ei 4*^  fdire  des  ennemis  des  autres 
s'il  acçordoit  la  préférence  à  l'un  d'eu^  ,.ftc,  publier 
^ue  ,^pouF  obtenir  Palene,  ;il  faHoit  çoqnbattçeî contre 
lui  i  Que  fa  âjle  feroitle  prix  de  celui  qui  Taurçût  vainf» 
çu  ;,  mais.qoe.^'il  ^tpit  vainqueur  ,,la  rapr^.tqffiinçroit. 
les^ joars/dç  fpu  ady.crlaire.  Plufieurs  P/ripççf  ayoient 
déia,  fu^cQfpbés  ipu^  Ûiy^leiir,  lorfqpe;„|  f|?^)îaqtvque. 
tant  de^difTérenç. combats avoient  ^pujirefes  forces,  il 
renonça  à  entrer  docénàvant  en  lice  ;  &,|)fédfément^ 
au  moment  qqe  le  Prince  Clite,  qu'une^  bkfTareayoiC- 
retenii^^i^  mois  dans  fe  cbambrç ,  venpit  ic  mçttre  fur 
les  ranss^  pour  le  combacjtre.Onétoit  afTezembariadé 
Iprfqijç  Priante,,  i^-rité'^çonjtre  dite i. qui;  Ivri  avoit  re*. 
fufé  Xa,  (çeur  jd^nt  il  étoit  amoureux  >  s'offre  à  tenir 
la  place  du  Roi  bus  les  mêmes  conditions.  KJ[^anou-. 
velle  de  ce  combat  fe  répand  bien-toc  ;  &  Palene  eiFra* 
yée  pour  les  jours  daClite  qu'elle  aimoit,  faic  féduire 
l'Ecuyer  de  Driante  >  pour  que  le  char  de  ce  Prince  (q 
brisât  en  entrant  dansla  iicç.  En  eflet^  il  n'y  efl;  pas 
plutôt  entré  que  (on  char  fe  met  en  pièces.  Clite  ^  qui 
ignoroit  ce  qui  s'étoit  pafTé  ^  iaifit  cet  avantage ,  &  lui 


plonge  Ton  épé^etdansJe  eorp»;:QR  le  croit  mort.  Le 
Roi  cft  bien-tôt  -inftruit  de  la  trahifon  commîfe  contre 
Driante  ^  &  veut  faire  mourir  Clltç  :  mais  Patène 
voyant  les  jours  de  Ton  amant  en  danger,  veut  en 
mênietems  hii  fauver  &  l'honneur  &  la  vîe.   Elle 
avoue  qu'elle  ëft  fa  feule  coupable.  Son  ^ere  l'envoyé 
fur  le  champ  au  fuppfice.  Elleétoitau  milieti  dèsSa- 
crifitateurs  prêts  à  Hmmolet ,  quand  CBte  ^  à  îa  tête 
d'une  trôcrpe  de  fôldats  choife ,  accourt  pour  la  déli- 
vrer ;  il  retarde  dit  moins  fa  mort  i  mais  malgré  toute 
h  valettr  ,11  afîoît  fuc'cotnber ,  lorfqù'on  voit  accourir 
lin  homme  'qui  s'écrie  qu'on  cisftfë  de  tombattre,  que 
Briante  n'ëft'  pa^  mort ,  &  qttir' pardonne  à  Clîte  , 
plourvô  qùll  lui  accorde  fa  'ftéuT  en  Mariage,   ÇÎite  y 
coulent  avec^oj'e";  &le  mariage  de  ces  deujt  Princes 
avec  les  Prûicrefles  qtfîli  adorent  termine  hedreufè' 
ment  cette  pièce,  qui  eftàffez  bien  conduite  ,&  très- 
bien  écrite.  îi  y  à  même  quelques  morceaux  de  poêfie 
d'une  grande  beauté  pour-cetemslà  ,  où  Fôn  cour- 
roit  après  lé  fâttx^efprit.  Je  n'en  rapporterai  cepen- 
dant que  les  (lances  >  que  prononce  Palene  étant  fur 
l'échafFaùd. 


Puis-  je  fans  réCftàncc  abandonner  mori  ftig^ 

A  c?  clui^  f^criiïce  ? 
Hè  ^uoj  \  Sans  relpcâer  mon  jTcxe,  m  mon  raii|^. 

On  m^expofe  au  fupplice  ? 
Je  croyoîs  triompher  en  ce  funefte  jour, 
£c  y  y  fuis  couronnée  en  viâime  d*àmour. 


THEATRE  PRANÇOIS,      391 

Volcî  le  Juftc  effet  de  mes  îniuftçs  craintes; 
Puis-|e  me  voir  tombée  en  de  fi  grjuids  malheurs  y 

Sans  répandre  da  pleurs ,  . 

Sans  pouffer  des  foupirs ,  &  fans  faire  des  plaintes  ? 

Hélas  !  Cl  je  frémis ,  on  me  doit  pardonner  s .       : 

Ce  fpcôacle  m'eûopne. 
Mon  amour  aujourd'hui  me  dcypijc  couronnçr  9 

£c  la  mort  me  couronne  s 
Ces  deux  flambeaux  d'hymea ,  qui  dévoient  m'efclairer  y 
Sont  convertis  en  feux  ,  qui  me  vont  dévorer  y 
Et  vont  couvrir  ces  yeux  d'^ernelles  ténèbres. 
Cette  pompe ,  fuivie  &  d'heu^  H  du  plaifirs , 

Qu*attendoient  mes  dip/irs  » 
Se  change  en  Tappareil  de  mes  £9.mpes  funèbres. 

Quel  crime  ai-je  commis ,  pour  fubir  une  loi 

Si  dure  ôcfifévcrc? 
Syton  ,  fouvenez-vous ,  fî  vous  cftes  mon  Roi , 

Que  vous  efles  mon  père. 
Mais  quoi  !  je  fens  TefiFet  d*un  arreff  ab  folu  \ 
Le  Juge  a  prononcé ,  car  vous  l*avez  voulu  3 
Ah  !  rigueur  incroyable  à  la  race  future  ; 
Four  paroiffre  équitable  aux  yeux  de  tous  les  Rois , 

Vous  obfervez  vos  lois  \ 
EtVOttseAesinjuffe  ay3çk>|x4cjiatiatiire.  / 


r 

Ceff  pour  toi  que  je  meurs  y  o  Clyte  généreux  , 

Tu  me  vois  condamnée  ^    ' 
Bc  tu  n!es  point  touché  de  mon  fijirt  rigoureux  \ 

Tu  m*as  abandonnée. 
Peut-effre  verfes-tu  quelques  pleurs  fuperflus  : 
Mjûs  Qlyce  9  il  me  falloit  quelque  chofe  de  plus  *, 


3pa-      THE  A  TRET  RA^-  ÇO  T  5, 

Ton  bras ,  pour  mon  falut ,  devoittout  entreprçndrç  ; 
Tu  devois  bazarder  tout  tpn  fang  aujourd'hui , 

Pour  arrefter  celui 
Que  ce  coufteau  funcftc  c(l  tout  prèft  de  répandre. 

C  3  :    '  •   '\  *•  ..    'v  -  '•      .  >     .      -. 

if 

Mais  que  pourroîs-tu  feul  contre  un  fi  puîflant  Roîî 

Non  ,  IWJrt  ,  pé«  CelteîieftVic  :  ;^' 

Vis,  cher  Clitc ,  &  prrns  foin  de  éonfetycr  en,  toi 

Morï  àmôur  ,-&  ma  Vie.  '  .      -., 

Va  »  ne  hazarde  point ,  cequr  je  lï'âî  pcii  voie 
Dans  lé  taoindtt  péril ,  fani  être  «iw  défcfpoir  , 
Sans  hasarder  ma  vie,  &  courir »u  fupplice :  > 
AufH  bien  ma  frayeur  dans  ton  douteux  effort  ;,  > 

Avariceroit  nia  mort , 
ît  prccipit'croit  ce  fatal  facriiSëe. 

Je  voudrois  bien  pourtant  que-çh  vîfles  en  moi 

Cette  ardeur  fi. confiante*  . 
Clitc  ,  fi  tu  voyois  comme  je^meur$  pour  toi , 

Je  mourrois  plus  contente.. 
Mais  je  la  fuis  a(iez  en  mon  fort  malheureut  , 
Te  prouvant  par  ma  n^ort  mon  amçur  gériéreux. 
Oui  j  fçachsnt  que  tu  vis ,  fans  regret  ie  fuccombe  ,  * 
Et  me  confo.c  encdr ,  ne  pouvant  plus  te  voir  , 

5ii  ^e  te.fais  fç^voir 


Que  je  trcuîvc  pour  toi  dels  douceurs  dans  la  tombe*     ^ 

(SUJET  DU  COURaNNEMEMT  CE 
pARIE. )  Artaxerces,  RoidePerfe»  pour  r^cora* 
penfer  fon  fils  Dariç  des  grandes  viâoîres  qu'il  a  rem- 
portées contre  les  ennemis  de  l'Etat  ^  l'aflbcîe  auTrô* 
fie.  Ce  jeune  Prineé  ëtôft  attiôufcux  d'Afplifiè,  &  en 
étoic  aimé  ;  il  vouloit  Tépoufèr  :  le  Roi  qui  aimoit  auffi 
çettç  jeunç  be^ut^^  Tquç  ^ijSFérens  prétQ^^tçs i  s'ofpo* 


THEATRE  F^4^NfOIS.      3^3 

foît  à  cet,  hymen.  Darie  fora\e  .le  dejTein  de  quitter  la 
Perfe ,  &  de  s!enfuir  avec  fa  Tnaîtr.effe  ;  mais  il  change 
de  projet,  lorfqur'ilv  apprend  qiiej^l.ejogr  de  fon  couron-, 

-^nement ,,  la  Loi  portoit  qu'il ,  pouvoit  donner  un  ordre^ 
fans  l'aveu^de  fon  père ,  Scqueftel  qu*il  fut  on  devoir 
Texécuter.  Il  attend  avec  impatience  le  jppr  où  il  doit^j 
être  aflbcié  à  la  puiffance  fuprême.   Ce  jour  arrivé  f 
&  dès  qu'il  "çft  'fiii  le  Trône  »  iP  ordonné  que  Iç  Grand 
Prêtre  vienne  l'unir  avec  f^jc^ere-  Afpafie.   Le^Roî^ 
fait  de  vains  efforts,  pour  que  fon  n|s  révoque  cet  or-j 
dre  qui  lui  perce  le  cœur.    Darie  y  perfifte  ;  Arta- 
xerces  furieux  ordonne  en.fecret  à  Arjalpe,  un  autre 
de  fes  fils,  d'aller  enlever  Afpa'fie^^'&  de  la; mettre 

'  dans  un  lieu  de  fureté  &  incônfiù  à  Dârié.  Ariafpe  y 
court.  Darie >  averti  àtems,  voie  au  fecours  de  là 
maîtreffe  :  il  veut  combattre  fon  frère ,  Afpafie  fe  jette 
au^milieu  de  leurs,  épées,  &  les  arrête.  Entia. tout 
étoît  en  combufttou  dans  là  Cour  de  Perfe ,/  lorfque 
Tiribafé ,  grànd'iSeigneur  Perfah  i  voulant  profiter  de 
ce  défordre,  foirmie  une  cpnfpiration  pour  aiTaiTioer  le 
Eoi,  &  fe  mettre  fur  fon  Trône.  Tiribafe,  à  la  tête 
des  Conjurés,  entre  dans  la  chambre  d'Artaxerces  ;  ce 
Monarque ,  averti  à  tems,  fç  iàuve^f  &  bien-tôt  après 
Tiribafe  eft  arrêté.  Dans  le  même  moment,  Darie 
qui  avoit  raflemblé  des  amis,  pour  pouvoir  enlever 
Afpafie ,  entre  dans  le  Palais  lépée  à  la  main.  Le  Roi» 
trompé  par  les  apparences ,  le  croit  complice  de  Ti- 
ribafe ,  &  lui  plonge  fon  poignard  dans  le  fein*  On 


1 

394      THEAT'RE  FRANCO ÏS.  » 

emporte  ce  Prince  mourant.  Le  Roi  cônnnît  bîcnîtôt 
Ilnnocence  de  Darie,  &  fe  défërpere  de  l'avoir  toé; 
faenreufement  le  poignard  âyoit  coulé  dans  les  chairs» 
éc  Darie  reparoît  au  grand  contenterttent  d'Artaxer- 
ces  9  q^h  pour  lui  témoigner  &  (bn  repentir  &  (bnami^ 
dé  ,&  lui  cède  &  le  Trône  &  AfpaGe. 

Cette  pièce  .eû,bien  conduite  &  bien  verfifiée.  J'en 
dterai  deux  endroits  qui  Wont  paru  mériter  d'être 
rapportés.  Ameftris ,  Reine  de  Perfe ,  en  converfa» 
tioiî  avec  AFpafie >  iûî  dit': 

Oubliez ,  belle  Grecque  ,  oubliez  vos  douleurs  ; 
Donnez  à  mon  cxcniplc  un  peu  de  trcfvé  aux  pleun; 
PuiA|ue  notre  fortune,  a  tant  de  reflemblance  , 
It  que  le  fort  lespefe  en  efgale  balances  . 

'^  A  S  P  A  S  I  E. 

Njotre  fortune  égale  >  Ah  !  que  me  dites-vous? 

Si  le  fort  mfeft  cruel ,  Madame ,  il  vous  efî  doux  : 

Cac  il  vous  £ivotiil  à  Theute  qu'il  me  brave. 
.     £n^  vous  êtes  Reines  &  moi  )e  fuis  efclare. 
,   Quand  je  fonge  aux  h  on  neurs  qu*Amour  vouf  a  rendus  ^ 

£c  que  je  les  compare  à  ceux  que  )*ai  perdus: 
-      Quand  je  voi  les  malheuri  dont  |e  fuis  traverse'»  ' 
.      Votre  grandeur  préfentfs  &  ina  gloire  padSe: 

Quand  le  vaillant  Cyrus ,  alors  qu'il  fe  fit  Roi  y^ 

D:  mille  objets  qu'il  vid ,  n'aima  jamais  que  moi , 

-  Et  qu'il  me  deAina,  centre  toute  eipérance, 
'A  partager  ce  Tràne  acquis  par  fa  naiffânçe: 

Q^and  je  fonge  aux  refus  confiants  &  généreux  » 
'"  Qui  charmèrent  le  cœur  de  ce  Prince  amoureux  j 
'     Qu'envain  ce  Conquérant ,  ce  maître  de  l'Afîe  , 

Voûiut  ppur  fa  maîtreïïe  une  pauvre  Afpafie  r 

Que  ce  bouillant  déCir  dont  il  fut  combattu  y 

Tandis  qu'il  vainquoit  tout ,  fléchit  fous  ma  yert»> 


THEATRE  FRANÇOIS'       395 

Qu'enHa  il  me  fit  Heine  â  rhonhetir  de  la  Grèce  i 
^     £p  que  vous  Ameflri^  qui  nâquiftes  Ptincelfe  » 

Par  la  (^ule  nai (Tance  aviez  droit  de  régner 
'  Sur  les  coeurs  qde  vos  yeux  fçavent  Tari  d-  ragnet. 
'-^  «  I>îeesrnons  oà  le  fort  vous  fut (I  favorable? 
.   A  préfem  voui  régnez  où  je  fuis  miCérable  : 

Chacun  a  du  refpeû  pour  vos  divins  appas; 

Ijes  miens  rôntmefprifes.  Aind  \2  tie  voi  pat 
,  Qu'ici  noHre  ^oune  ait  cane  de  re ambiance  9' 

Nique leX^cc  les pdfeen  û  ju/le  baïUnoe.. 

'  Dans  une  fcêne  de  Darîe  avec  Artaxerces ,  ce  Mo- 
narque veut  décacher  fon  fils  de  famoùr  qu'il  a  pour 
4^fpafie /&  lui  die  r 

'■'■''■  "  . 

LE    ROI» 

Maïs  quoi ,  la  trpuve-m,  û  parité  &  C  ^eUf  l. 

DARIE. 

Quand  le  Cie(  l'eue  crée ,  il  rompit  f^^n  model. 
-^    illee{Vininïitabre,&d*erprit&  de  corps: 

CeftuneoBUfttdbitiiîUÂitéâ  ÇakcoufrfeseflTores»  .     ^ 

Ses  yeux  font  des  foleils  où  l'amour  prend  ùs  fiâmes  } 
Ses  cheveux  des  lien«  ppm:  le»  roy^le^  âmes  ^  ' 
Zt  fa  bouche  de  rofe  admirable  en  beauté  > 
.  JJk  Toracle  qù  l*amour  vei;ç  e^rc  çoi^fulçé. 

(SUJET  DÉ  LA  VRAYE  DIDON. )  Hîarbas, 
Roi  d«  Gettdfe>  étoît  amourèdx  de  Dldon,  &  avoic 
plufieurs  fois  demandé  fa  maiq  ;  mais  cette  I^eine 
fidelle  aux  mânes  d^  Ton  époux  Sicbée ,  avoic  toujours 
rejette  cet  hymen.  Pour  fe  vcmger  de  fes  refus  >  le 
Roi  de  Getfulte  entre  dans  (es  Etats  »  à  la  tète  d'une 
poifTante  armée.  Didon  appelle  à  ipn  fecours  fou  frère 


3q6      THEATRE  FRANÇOIS. 

Pîgmalion  y  qui  joint  Tes  troupes  à  celles  de  fa  fo^rf 
&  qui  marche  contre  Hiarbas.  Avant  tjue  de  combat- 
tre, Hyarbas  demande  une  entrevue  à  JPigmalion  :  il 
lui  déclare  que  ce  n'cft  point  Tambition  qui  rarn»e 
contre  Didon  ,  mais  le  plus  tendre  amour  ;  que,  piqué 
de  fes  dédains  ,  illui  àvoit  déclaré  la  guerre  ;  mais 
qu'il  étoit  prêt  à  mettre  fcs  armes  à  fes  pieds,  li  elle 
confent  à  Tépoufer.  Pîgmalion ,  qui  croit  que  cet  hy- 
men eft  avantageux  &  à  fa  fœur  &  à  f e^  peqples, 
confeille  au  Roi  de  Getulie ,  de  fe  rendre  maître  de 
Didon  &  de  la  forcer  à  répoufer:;.&  il  lui  promet 
que  loin  d'y  mettre  obftacle ,  H  le  favoriferoit  plutôt. 
Hyarbas  fuit  ce  confeil  :  Didon  tombe  en  fa  puifîance, 
&  voyant  qu'on  la  veut  contramdre  à  un  hymen  qu'elle 
détefte ,  elle  fe  tue.  Je  ne  rapporterai  de  cette  pièce , 
qui  eft  intéreffante  &  bien  écrite,  que  le,  monologue 
de  Didon ,  avamt  que  de  fe  percer  le  fein^  .  - 

D  M>  ou   $  EULS^  ■ 

Elle  paroît  dans  fi  tente ,  où  f on  voit  fur  une  table 
un  poignard,  &  un  grand  yafe  d*Q.r  .àJtafitique ,  re- 
préfectant  une  urne  où  feront  le^  cçn^reis  dç  Sychée^' 

Me  voici  feule  enfin  ,  oC  libre  &  dégagée    . 
De  ceux  qui  me  tenoient  ici  comme  a(fîégée» 
£p  dépit  des  deflips  t^ui  ixi,'Qucrageûient  fi  fort , 
Me  voici,  grâce  aux  Dieux ,  maîtreife  de  mon  forC* 
Nous  pouvons  fans  contrainte ,  en  Teftat  où  nous  fommes^ 
'     >lous  plaindre  cgalcment  8c  des  Dieux  U  des  hômmçs^ 


THE ATRE  FHANÇOIS.      357 

Qui  m*ont  fait  lufquMci  la  guerre  injuftemem  , 
%t  qu'  m*onc.tous  érf  cruels  également. 
Mon  trcre ,  &  ce  tyran  donc  je  fuis  pourfuivie  » 
Con  pireiic  d'un  même  air  tous  deux  contre  ma  vie  : 
L'un  cft  traître  U  perfide  ,  &  Tautre  fubotneur  ^ 
I.*un  Vwur  ravir  mes  biens ,  &  Tautre  mon  honneur. 
Si  mon  Frère  avoir  eu  quelque  boime  penfiée , 
Tendante  à  mon  fccours ,  m*auroit-  il  délai flee  ) 
Si  ce  Rot ,  dont  Tamour  me  fut  toujours  fufpeây 
>f  *avoit  vraiment  aimée  ,  il  eût  eu  du  refpeâ  , 
Et  n*eut  pas  menacé  de  vengeance  &  d'outrage  , 
Vn  corps  à  qui  fou  cœur  eût  fait  le  moindre  hommage* 
Mais  grâce  aux  Immortels ,  voici,  voici  de  quoi 

Braver  avec  mépris  &:  mon  frère ,  &  le  Rui. 

*  Voici  qui  peut  fauver  9  avec  gloire  infinie  y 

Celle  qu*on  vouloir  perdre  avec  ignominie» 

Toi  qui  croyois  contr*elle  avec  toure  rigueur  , 

V&t  de  tous  les  droits  d'un  infolent  Vainqueur , 

Tu  n*auras  que  Iq  tronc ,  &  ta  vengeance  lâche 

A  rhonneur  de  Didon  ne  fera  point  de  tache  $ 

Elle  a  le  cœur  trop  bon ,  trop  grand ,  trop  généreux  y 

pour  céder  au  pouvoir  d*un  tyran  rigoureux. 

Compagne  de  ma  fuite  &  de  mes  infortunes , 

Anne ,  à  qui  mes  douleurs  furent  toujours  communes  i 

Chère  &  fidelle  fœur,  donr  la  rendre  amitié 

Excite  feule  ici  mon  ame  à  la  pitié  ^ 

Xes  Dieux  me  font  témoins  de  la  douleur  extrême  , 

Que  j*ai  de  te  quitter  Vaimantplus  que  moi-même  i 

It  de  te  voir  réduite  à  la  nccelHcé , 

De  dépendre  aujourd'hui  d'un  tyran  Irrité. 

Si i'avois pu fauver cestréfors  qu'on ai'onleve  , 

Les  reAes  malheureux  de  cette  pauvre  veufve  > 

J'aurois  eu  poui;  le  niohis ,  de  toi  me  fepàrant , 

Le  plaifîr  de  t'en  fîtii»  un  préfent  en  mourant. 


T^ 


£it ptnan$ U ^ff^éfd^CrU  ifuijant. 


35»      THEATRE  FRANÇOIS. 

Mais  je  ne  puis  plus  rien  en  ce  départ  itineftt. 

Reçois  ces  t rides  pleurs ,  c'efl  roue  ce  qui  me  réfle. 

Traître  Pygmation  9  frère  dénaturé  y 

Et  toi  cruel  Tyran  contre  moi  conjuré  ; 

Voyez  où  vos  fureurs  dans  teur  rage  inliumaiUe  , 

Ont  réduit  le  deflin  d'une  fî  grande  Reine. 

Ctiï  vous  qui  m*avez  mis  ce  poignard  â  la  main» 

ix  qui  levez  mon  bras ,  &  qui  percez  mon  feiii. 

it  vous ,  Urne  facrée  où  repofe  la  cendre      ' 

De  celui  qui  m'a~fait  tant  de  larmes  répandre^ 

ReHes  inanimez  de  mon  fidclle  époujc,  "' 

Je  vou^  prends  à  témoins  que  ce  juile  courrout  » 

Ce  noble  défcfpoir  &  cette  liardiede 

Ke  tendent  qu*â  l'efïèt  de  ma  fainte  pronleilê. 

Je  vous  conjure  au  moihs ,  voyant  ma  "pureté  , 

D'apprendre  mon  liiftoîre  à  la  poftéritc  , 

£t  rous  les  vrais  motifs  de  ma  mort  généreufé. 

Qu'on  pourroit  foupçonner  étant  (î  malfaeureafe  : 

Que  C\  pour  outrager  mon  honneur  8c  ma  foi  y 

L'impofture  jamais  s'élcvoit  contre  moi  > 

Tâchez  de  réprimer  toute  in  julie  licence  , 

Itde  jullificr  par  tout  mon  innocence. 

Chers  Mânes  de  Sychée  ,  ombre  de  mon  époux  » 

Agréez  cette  iiiort  qui  me  rejoiht  à  vous  'y 

Et  qui  me  va  donner,  dans  les  champs  ElilBes , 

Les  douceu*-s  du  repos  qtii  me  font  refufees. 

(SUJET  DE  LA  JALOUSE  1>'ELLE 

MESME.) 


t  î  A  Nb  RE. 


Enfin,  cher  Philipin  ,  npps  voici  dan$parii^     . 
Où  je  viens  augmenter  le  nombre  des  mads»:  .:J.  - 

P  H  I  L  î  PI  N.  - 

Et  des  Cocus  peuc-êcre  ocker  la  Con&airie>^6t4.'^-  ^ 


THEATRE  FRANÇOIS.      395, 

Ceft  ainfî  que  débute  cette  pièce  qui  e(l  écrite 
avec  gayeté  »  &  où  Ton  trouve  des  incidens  affez  co» 
miques*  Léandre  arrive  à  Paris  1  pour  époufer  Angé- 
lique f  qu'il  n'a  jamais  vue.    Il  rencontre  dans  une 
Ëglife  une  femme  ma(quée;;  il  en  devient  amoureux^ 
&  lui  dit  mille  galanteries.  Enfin  il  eft  conduit  chez 
(à  prétendue.»  qui  le  reconnoit  pour  celui  qu'elle  a 
vu  à  rEglifè»  &  qui  lui  a  donné  la  main.   Elle  de- 
vient auffi-tôt  jaloufe  d'elle  -  même  ;  &  pour  pou(S^ 
cette  affaire  aufll  loin  qu'elle  peut  aller  ,  elle  donne 
à  Léandre  difïérens  rendez-vous  >  mais  toujours  (bus 
le  nom  de  la  Dame  inconnue  »  6c  toujours  un  mafque 
fur  le  vifage.  Plus  Léandre  lui  parle  >  plus  il  en  eft 
épris  ;  il  prend  le  parti  de  rompre  avec  Angélique^ 
££  apprend  avec  la  plus  grande  indifférence  qu'elfe 
eft  prête  à  en  époufer  un  autre.  Enfin  Angélique  fê 
fait  connoitre  à  lui  ;  Léandre  fe  défefpere  ,  &  vet|t 
mourir  :  Angélique  lui  pardonne  fa  prétendue,  infidé* 
lité,  &  répoufe. 

SUJET  DE  LA  FOLLE  GAGEURE* 

FluHeurs  perfoniles  fe  trouvent  raflemblées  chez  la 
Comte(fe  de  Pembrock  ;  on  agite  diverfes  queftipns  ; 
enfin  Ton  demande  quelle  eft  la  chofe  que  l'on  répute 
la  plus  difficile.  Lidamant  a(fure  que  la  garde  d'unç 
femme  eft  la  chofe  impoffible  ;  Telame  (buttent  qu'ufi 
l^omme  expert  ne  fe  laîifera  pas  tromper^  Ce  Tdamp 
avoit  une  fœur  nommée  Diane j.  qu'i^gs^rdoiç  avçc  ^ifr 


400       THE  A  TRÊ  FR  ANÇO IS. 

tant  de  .précautions  qbe  (i  elle  eût  écé  fa  femme.  Li« 
damant  avance  que  ,  malgré  tous  le^  (oins  de  Telame, 
il  enlèvera  Diane  fans  lui  faire  violente,  &  fans  que 
Telame  puifTe  s'en  douter.  Telârae  parie  le  con- 
traire :  le  pari  établi',  Lidamant  cherche  &  réuffit  à 
plaire  à  Diane  9  &  par  le  fecours  de  vingt  ftracagê' 
mes  aflez  plaifans ,  qu'employé  fon  valet  Frontin»  il 
trouve  le  moyen  de  Tenlevcr.  Telame  perd  ainfi  la 
gageure ,  &  confent  au  mariage  de  Lidamant  avec 
fa  fœur. 

Cette  pièce  eft  tirée  de  rEfpâgnol.  Dans  l'original 
elle  a  pour  ticre,  la  chofe  impojjible.  En  gériéral  cette 
pièce  eft  écrite  avec  gayeté  ;  je  n'y  ai  rien  trouvé  ce- 
pendant qui  méritât  d'être  rapporté. 

(SUJET  DES  TROIS  ORONTES.)  Cléante 
eft  amoureux  &  aimé- de  Clarifte  ;  mais  Amidor, 
père  de  cette  jeune  beauté,  l'a  promife  à  Oronte  de 
Bordeaux  9  fils  d  un  de  fes  anciens  2lmià.  Cléante  qui 
n'étoit  point  connu  d'Amidor,  prend  le  parti  de  fe  faire 
préfenter  à  lui  fous  le  nom  d'Orontc;  & ,  comme  l'on 
peut  imaginer,  en  eft  crèsf-bien  accueilli.  Ses  affaires 
alloient  le  mieux  dix  raoride  ,  lorfqu^on  voit  paroîtrc 
un  fécond  Oronte.  Il  eft  néceffatre  de  développer 
quel  eft  le  motif  de  ce  tiôuveaudéguifément.  Le  vé- 
ritable Oronte  avoit  promis  foi  de  mariage  à' une  fille 
de  Bordeaux  ,  nommée  Caffandre  ;  mais  féd uit  pat 
les  grands  biens  qu'AiDidor  prbmetcoic  à  fa  fille  ,  il 

s'étoic 


THEATRE  FRANÇOIS.       4oi 

kitoit  (iétèrinîné  à  partir  de  Boréaux  v&  à  venk  à 
Bmiïs  époi^fer  Cali{lè.Cafland]^e.>  aujdérefpDir  de  Tui- 
fidéUcé'jde  foo  amant ,  prend  le  pard  de  le  prévenir  > 
àrrivie:  ii  Paris ,  &  fe  fait  préfêntef  à  Atnidor  fons.  le 
çom  d'Oronce.  Amidor  eft  fore  étonné  de  cette  aven« 
tare:  mais  il  ne  peut  douter  que  celui-ci  ne  (bit  le 
véritable,  lorlqu'il  lui  remet  la  lettre  def6n  ami  Fer- 
tiand  9  père  de  l^époùx  qu'il  deftinë  à  (a  fille.  Il  veut 
défendre  fa  m^ifbn  à  Cléante  ,  Jorfque  le  trôifiénje 
Oromé  paroit  ftar  h  icène  >  &  jçtte.un  nouvel  embar- 
ras dans  la  pièce.  Enfin  tout  fe  dénoue  heureofement. 
Oronte  reconnoit  Caflandre  ;  &'toikhéde  cett^e  preu- 
ve dfetendrefle,  il  hii  demande,pacdoii^&  répoufé. 
Amidor^  obligé  de  renoncer  a^iâlsde^amiy  accor- 
de Califte  aux  vœux  dé  Cléante.  -  -  : 

Cette  Comédie  n^eflpa^  njal  iprit^e  ;  l'intrigue  çri 
eft  gaye  §c  bien  conduite  ;  &  ç'ejl  un  fujet  dont  oài 
pourroit  peut-être  tirer  parti.  \' 

..',•,■■ 

-  (SUJET  DE  CA8SANDRE.)  Cîiffandre,  Com- 
tèflè  de  Barcelonne>  étoit  (busja^tuteile.d^  Duc  dé 
Cardonne.  Aftolfe,fils  de  ce  Duc >f âoit  iimoureux 
&  aimé  de  la  jeune  ComteflTe  ;Jes:Btats  {s'a^Bfenableiit 
pour  déterminer  la  Princeflfe  à  fe  marier ,  &  à  choifir 
parmi  tant  de  Princes  qui  la  defnatïdent  celui  qu'elle 
veut  pour  fon  époux  ;  ellen*héfite  jpoint/ &  nonimé 
Afïolfe,  Le  Duc  frémît  en  apprenant  que  c'eflfon  fils,' 
à  qài  la  PrincèiTei  dC)tod  là  pré&renieT  il  fait  venir 
Tome  li.  Ce 


'40X       THEATRE  FRANÇOIS. 

Aftolfe  )  &  lui  apprend  que  GaiTandre  eft  ùl  fœttr« 
Des  raifbns  d'Etat  avoient  autrefois  obligé  le  Duc  à 
fubftituer  fà  fille  à  la  PrinceiTe  qui  venoit  de  naitre  i 
&  qu'on  croyoit  qui  alloit  mourir.  On  peut  juger  do 
défefpoir  d' Aftolfe  &  de  celui  de  la  Princefle  >  en  ap- 
prenant cette  fûnefte  nouvelle.  Cet  événement  pro« 
duit  des  (ituations  très-touchantes.  Ca(randre>  dénier- 
minée  à  defcendre  d'un  Trône  qui  ne  lui  appartieot 
pas  y  fait  aflembler  les  Grands»  lorfqu'on  voit  arriver 
un  vieux  Seigneur  qui  avoit  été  chargé  de  fon  éduca- 
tion y  qui  avoit  fçu  toute  l'intrigue  pour  fubftituer  h 
fille  du  Duc  de  Cardonne  à  la  jeutie  Princefle  >  &  qd 
même  s'étoit  chargé  de  faire  cet  échange  néceflàifè 
pour  le  bien  de  l'Etat.  Ce  vieux  Seigneur  fortdt  d'ef* 
clavage  où  il  avoit  été  retenu  quin2e  ans  ;  il  déclare 
que  Caflandre  étoit  la  véritable  Princefl'e  ;  qu'en  la 
cranfportant  du  camp  où  elle  étoit  née  ,  s*étant  ap- 
perçu  que  fa  fanté  s'étoit  raffermie  y  il  n'a  voit  pas  fài( 
réchange  projette^  &  qu'il  ne  l'avoit  pas  dit  au  Dde 
de  Cardonne  9  dont  il  redoutoit  l'ambitioii.  Les  preu- 
ves les  plus  manifeftes  démontrent  la  vérité  de  cette 
tiiftoire  ;  &  CafTandre  fait  célébrer  alors  (on  mariage 
avec  (on  cher  Aftolfe. 

Quoiqu'il  y.  ait  des  endroits  fort  intéreflans  dans 
cette  pièce ,  ce  n'eft  certainement  ni  la  meilleure  ni  la 
inieux  écrite  de  l'Abbé  de  Boifrobert. 

(  SUJET  DE  t.'INCONNUE.}  Cet  ouvrage  «ft 


THEATRE  FRANÇOIS^.      4oi 

iit)  ^«(diainement  condiuiél  d|e  quiproquos  »  qui  pro- 
dliifept  dqs  fcènes  a,{rez  atnufantes.  Voici  ce  qai  y 
dobnë  lieu*  DZ  Riaîohd  a  reçu  chez  lui  Un  ami  >  noni- 
mé  D.  Félix.  CeP^mOnd  à  une  icëur  ;  rôais  pour 
éviter  }es  prop|ç$il  cache  à  fon  ami  que  cette  fœur, 
iiomfa^e  Glimene  %  demeure  dans  |a  même  riiaifon. 
Climene  cependant  fe  prend  de  belle  pa^ffiôa-^ur  Fe*. 
lix  ;  elle  va  un  matin  le  trouver  dans  une  prairie  voi** 
fine ,  &  lie  converfàtiôn  avec  lui.  Félix  devient  amou« 
reu^  d'elle  >  tuais  ne  peut  parvenir  à  fçavpir  qui  elle 
.4sll  9  ni  où  elle  loge.  Bien-tôt  après^  il  fait  confidence 
à  D.  Rembnd  de  l'amour  qu!il  a  conçu  pour  une  in* 
cooni^ct.  Climene  ,  qui  de  fon  appartement  entend 
leur  cQpverfation  y  tremt^e  d'être  reconnue.  EHe  écrié 
à  (m  amant  ^  &  lui  donne  rendez-vous  chez  Orante  > 
tnaicrefle.  de  D.  Remond.  FeUx  y  voit  fon  inconnue. 
Ce  reiîdez  vous  eA  troublé  par  quelqu'un  qu'on  en- 
^  tend  mpnter  »  on  cache  Dou  Félix  dans  un  cabinet  : 
c'étoiç  D.  Remond  qui  venoit  voir  Orantê.  Il  s'ap- 
perçoit  qu'un  homme  eft  çjiché  chez  fa  makreflef  eh 
pt^nd  ombrage,  &  s'en  va  en  colère. ; Orànte  le  fuit 
Xofques  ^bez  lui  peur  fe  jufiifier.  Climenç,  pendant 
leur  explication  ,  fort  voilée  d'un  cabinet  vpifîn  p  & 
traverfe  l'appartement.  Orante  qui  la  i&écohnoit  î  eu 
prend  aulfi  de  la  jaloufie.  Çepéûdàùt  ]>.  Félix»  vou- 
lant revoir  fon  inconnue^  prend  D.  Remond  pour 
compagnon  i  &  ^^  fnene  à  la  porté  d'Orante.  Enfin 
tout  s'éclaircit  î  la  jaloufie  cçfTe  ;  fie  en  époufant  Qtmi 


404      TÉÈÂTRE  FRANÇOIS. 

te ,  D.'Remcytid  acctordfe  fa  ïcetir  aux  vœux  de  Don 
{Fdiic.  <?eft  iinfi  ^tte  &  ^te#mii!e "-cette  pièce,  dont 
"l'iîDrrigiie  .eft'iin;  pea  embrQuiUiéc.i::S^p  que  ceUes  de 
toutes  les  Comédies  de  ce  teiQ^Jà.^ 

- ..  ..i  .  •-  .  « 

^     (  S0JET  BÉ  LA  BELLfftïC*-! D  E tJS E. ) 

AmfdbrVTtetix  avares  s'oppore  au  mariage  de  fonfik 

*Érgfatte  avec  'CorîDtiè ,  parée  ^ue  celle -^ci  n'a  poar 
toûcè  fdrtûnfe  t]u'cin  procès^  doM  le  fttccès  eft  incer* 

'  tath  t  ^maî^  tout  le  tncndé  'è'éÊ&nt  mis  «Raccord  pont 
le  erOtnper,  t)n  parvient  à%i  |Neiïûader  <:e  que  l'on 
VébJt  ;  '&  l'ônfek  paffer<:oritiftc  poor^iDe  Comteflc 
Brétënne  fort  riche ,  &  le  frère  de  Corinne  qui  eR 

'amoureux  -delà  fille  de  4^  v^^e  pour  un  Baron  qùa 

^  de  trêsi^bdteVTèrres/ iPdonnè^ff autîWrt  plas  M^ 
aahs  fe  t^éfge^  qu'on  lui  feit  erttendpe  qu'il  ne  M  en 
xdtitéti;  titn  ^tt  ce  ^ôàblé  ^hj^tnen.  •  Cêpcndttnt  îqêl 
fe  découvre  -à  là  %nôftùré  dti-éofttrat.  Cc^inhe»  ainfi 

•  que  foft  frère  V  font  obligés^  de -dkeleur^ vrais  nom«. 

'iLt  ^leilfeirdfe  inet'en^coIëre;toafe  il  «*appai(e  b^^^ 
tôt  10rfq[û'<*  \Hfefit  annohcet  à^la  belle  #la*deufeqn*él|e 

'  a  gagné  fotf  procès ,  &  qu^elle& -fon  frerê  font  récl- 
lenreht  ci^ès-^riichès.   !Lé  bott^homoie  alors  donne  6m 

'  conïWîtëmetrt  avec  gfând  pfetifli*.  Mais  avant  ^n  ve- 

^  ttir ^Iâ>  if  a-feltft  fcîerK ^éà'ifttrigués  pour.procurer de 
^^â+gènt^  S  Ergafte  :  -dèu^c  Valets  adroits  y  réuffiflènt. 
'¥âintfet,  pùur  engager  lé  vieillard  à  en  donner,  l'un  fe 
iilit  pïfffer  pour  un  riche  Marchand ,  &  devient  la  eau- 

^'tàùti del^uerequi  emprunte.  Une  autre  fois»  déguifif» 


ri  'j 


THEATRE  FRANÇOIS.      405 

Xms  deux  en  HaifTiers  »  ils  vont  chez  Amidor  >  qai 
eft  abfënc ,  faiâr  &  emporter  un  lit ,  que  cet  avare. ra- 
cheté enfuite  fans  fçavKyir  que  ce  meubla  lui  appar- 
tient ,  parce  qu'on  le  hxï  làlffe  poui"  peu  de  diofe. 
Enfin  cet  Amidor  eft  l'harp^goade  l'avare.  Il  Te  trou- 
ire  même  dans  cette  pièce  une  fçèn^  i  q^^  dBf,h  mê- 
me que  dans  ce  chef-4'ceuvre  de  Molière»  C'^ft  ^Ile 
iu  père  quifetrouve  nis^^à-^ii^is  (on  fih'^^.&lquîjËins 
le  connoitre  il  alloit  prêtera uihre.  Le$  r^cft  de^dtux 
iralet^  y  &  celui  d'une  certaine  Nteette  «  fmvante'  de 
Corinne  ,  font  aflcr  plaifans  ;  &  eii  tourte  pieeë eft 
gaye  &  affez  bien  écrite.  Voici  la  tmfiéme  fiêné  du 
jremier  aSe,  qui  donnera  l'idée  du  ftyle  de  cet  ou- 
irrage. 

SCETSU    llh 


î  R  G  A  S  T  E, 


1^ 


Ouiy  trop  injude  Mtrc  y  H  fxqe  vous  cootsnter  s  -  { 

Taime  trop ,  ce  mépris  ae  -peue  mi  reliutsr^  '  'A 

Hé  !  quoi ,  chère  Micette  9  M  iiqii  de  me  d&feaobe  ^  r  7 
Toi  de  qui  i'acteaddû  4lftè  Am4cié  fi  tMuire  ^  i  '  t  f  ^ 
Quand  ni  vois  qu*oB  m^ir^iiltty  (k  qifon  de  4c  ofa^éoi  ^  .  i 
Tu  fécondes  l'outn^e ,  U  fàAaê  eencce  m«i  !  ■  .  :  .  Wi 
,  Sans  raifoQ  on  me  saille  U  ^^quocKe  Ams  cflftc*  ' 

NI  C  l  TT  E. 

C«nnoi(rez-vous  pas  bien  l*humeur  de  ma  maîtrefle  ? 
Monfieur  n*en  acciifez  que  ces  maudits  procès. 
ta  fièvre  trouble  moins ,  &  ca^fe  moins  d'accès  : 
Tantôt  nos  chiens  de  Clercs ,  je  crois  qu'ils  étoîent  yvres  , 
Monroient  nos  contredits  â  quatre-vingt-dix  livres  : 
Je  crois  qu'ils  les  feront  ençor  monter  plus  haut. 
Et  fans  argent  conteiit  menacent  d'un  défaut. 


>„' 


cu^ 

7 


"^oS        THE  À  TR  E  FRANCO IS^ 

I  '  •  ... 

7ugez  iî  ce  n*e(l  pas  pour  nous  mettre  en  colère  j 
Pour  fupporter  ces  ftàis  nôtre  boùrft;  eft  légère  ^ 

-     Puiilrdépenfeeft  telle  à  Paris  aii)ontd'hui, 

.     Qu'enfin  le  plus  ai£é  n*7  vit  pas  fans  ennui. 

ÎR  G  A  S  T  E. 

Nicette  |  f'allois  dire  à  cette  îniufte  ifemme 
Que  Tes  feuls  intérêts  inquiètent  nion  ame  } 
Que  |*ai  chez  le  Notaire  cnToyé  Filipin  ^ 
Où  |e  croit  qiie  )!autïu  de  iikrgent  à  fa  fin  ;  '^\ 

Que  fa  néceifîté  bien'  plus  quelle  metouche  : 
Mais  elle  ili*a  fermé  trop brufq  uement  la  bouche  i 
Sllen*!  pas  daigné  fçulement  m'écouter. 

Çï  I  C  E  T  T  E. 

C'étoit  pat  là  9  Monfieur ,  qu*il  fàltoit  débuter  : 

Vous  auriez  eu  fans  doute  une  longue  audience. 

l^aif  dans  ros  complimens  on  perdroit  patience  t 

Vous  nous  voyez  cHagilns  ^  ainfi  que  des  hiboux  , 

%t  vous  vous  amufez  â  faire  les  yeux  4^ux* 

Ma  maître^  a  raifon  :  i!arvû  vôtre  iblblefTe  » 

Par  ma  foi ,  quand  on  voit  que  néceffité  pre(Iç., 

H  faut  avoir  l'efprit  bienchauCé  de  travers  ^ 

Pour  f'àraulbr  encore  à  débiter  des  vert , 

A  faire  des  chanfons ,  donner  djs?  (èrcnadesJ 

Si  nôtre  Procureiir  fe  pjiyi^c  en  gs^mbades  , 

£t  qu'il  eût  pris  fa  part  de  cet  beaux  paCe-tems  p 

Vous  auriez  eu  raifon  s  nous  ferions  tous  conten^  r^ 

Mais  ma  foi  ces  gens  là  ne  mâchent  point  à  vuide. 

Comme  ditnaa  maitrefle  ,  il  nous  faut  du  folide 

Et  fur  vos  bouts  rimes  dont  on   s*eft  bien  mocqué^ 

Kous  ne  trouverions  pas  crédit  d'un  fol  marqué.    ^ 

Cependant  il  faut  vivre ,  entretenir  ménage, 

i^e  qui  ne  fe  fait  point  avec  ce  badinage. 

i[^royez-vous^  nous  pouffant  des  foupirs  fi  fou venty 

Ùu'ainfî  que  des  Pluviers  nous  nous  paifilons  de  rcnû 


THEATRE  FRANÇOIS.      407 

^  que  gens  altérés  p  lu  s  qu*on  ne  fçauroit  croire , 
^'appaifenc  par  ces  pleurs  que  tous  nous  faites  boire! 
Laiflèz'là  ces  beaux  mots  >  û.  4o\ix  »  fi  mefurés  : 
C'eft  l'or  feul  qui  fait  vivre  »  &  non  les  mors  dorés.  ] 

Si  vous  n'en  trouvez  point  par  Taide  du  Notaire  » 
Monfieur  >  dans  ce  logis  vous  n'avez  rien  à  faire» 

£  R  G  A  S  T  £w 

Va ,  Yen  aurai  Nicette  :  6ç  i*y  cours  de  ce  pas  ^ 

A^tures-en  Àrgine  9  2c  ne  me  deilers  pas. 

Tiens ,  prends  ces  deux  Louy  t  :  ce  n*eil  rien  qu'une  tVaAçe  |  ^ 

Tu  recevras  de  moi  meilleure  récompenfe. 

NICETTE.     -  ^ 

Quoi  9  j'en  auipis  encor  ? 

£  H  G  A  S  T  B. 

.        Va,  va,  celac*e(th«c.    ■  '^ 

N  I  C  E  T  TEi        '  5  1 

(Ce  que  {e  vous  difois  n'eft  pas  de  mon  eAoc  ;^  r 

Monfieur ,  je  ne  ûiis  pas  û  Cotte  ni  fi  bête } 

Je  vous  crois  libéral',  )e  vo  us  crois  fort  bonncte* 

Mais  ma  m  aitrefle  croit  que  vous  ne  l'êtes  point  9  ^ 

Ceft  un  étrange  efprit.  Il  Faut  ^ue  fur  cepoinc^ 

Vous  la  defabufiez  fecourant  fa  famille.  t 

£lle  en  parloir  tantôt  aflez  bas  à  fa  fille  , 

Et  I  e  faifois  femblant  de  ne  pas  écouter. 

A  l'avenir 9  Monfieur,  je  vousvei^x  tout  conteij. 

On  vous  fait  injuftice  :  ayant  un  père  riche , .  ,     . 

On  croit  fes  biens  à  vous  ;  &  l'on  vous  nomme  chiche  $ 

Mais.  •'•'.•• 

]&  KG  A  S  T  E. 

Va^  dans  peu  de  retins ,  oi^  verra  qui  je  fuis. 
Et  tu  t'en  fentiras  encor  fi  je  le  puis. 

NICETTE. 

.  MamattrefTe  Cori  nne  etk  l>onne  Demoifelle  ; 
Ce  que  je  vous  ai  diç>MondeurrAC  vient  point  d'elle  1.  -'^ 

Ce  if 


4&8      THEATRE  FRAl^fOIS* 

Vous  devinez  aiTcidc  qui  |c  veux  piticrj  * 
Mais  il  faut  dans  ce  tems  un  peu-  diâimukir. 
Jufqu'au  revoir  y  Mdniîeur. 

E  R  O  A  i  t  È; 

Adiétf ,  chère  Nicette. 

(SUJET  DES  GENEREUX  ENNEMIS.) 
Dom  Fernandy  Sdgoeâr  Efpagnol  i  avait  étsdciiQ- 
jtraint  pour  une   affaire  dhdftfnéur  diè  fe  iféfà(gief  à 
Lisbonne.  Une  huit,  il  entend  un  grand  bruit  à  fa 
porte  :  il  fort^  Tépée  à  la  main  »  &^voit  un  inconnu  qui 
difpute  (a  vie  contre  Gx  hommes  ^  il  vole  à  (pn  fe- 
cour$;  les  afTaffins  s'jétant  enfuis  ^t  il  réfugie  chez  loi 
celui  qu'il  vienl  :de'jdéUvrer.  Ce  brave  inconnu  écoit 
l'amant  de  Confiance ,  (œur  de  Dém  Fernand  :  il  don* 
noit  une  ferenade^â  fa  toâîCfeffê*  lôrfi^tie  feCôètc 
d'Erneft ,  frère  de  Dôm  Fernand  &  de  Côfiftance ,  le 
voyant  fous  les  fenêtres  de  fa  fœar  >  l^oblige  à  fe  bat- 
tre. Le  Comte  èft  blefTé  à  fAOrt  dans  te  coti^bat>  & 
fes  domeftiques  voulant  venger  leur  maitre»  àvoient 
attaqué  fon  vainqueur ,  &  alloient  le  tuer  lorfqoe 
3bom  Fernand^tolt  arrivé  à  fon  feéôûrs.    Dès  que 
i)om  Fernand  fçâit  qqé  d'ëtï  celui  dont  il  a  jfauvé  les 
jours  qui  a  bleffé  fon  frère  ,  il  lai  déclare  qu'il  eftJn- 
difpenfablement  forcé  de  fè  Bàttr^e  contre  lui.  L'in- 
connu fait  Hmpodîble  pôlïr  h'êcré  pas  contraint,  de 
combattre  (on  libérateur  ;.  raa}s,  il  s'y  détermine  lorf- 
qu'il  apprend  qu^il  a  rhopnçn*r,de.Xa  fœur  Léouoreà 
yen^^r* I>Qm  {^ri^nd aitc^tiét^^  ia.Bpit}  dans 


THEATRE  FRANÇOIS.      40Q 

h  chambre  ^  &  ne  Tavoit  pas  ëpoufée.  Avant  qae 
d'en  venir  aux  mains  ,  ils  ont  Tun  pour  l'autre  les  meil- 
leurs procédés  ;  ils  fe  fauvent  mutuellement  la  vie. 
Enfin  ils  trouvent  un  moment  favorable,  &  ils  fe  bat- 
tent  :  on  les  fépare ,  &  l'on  apprend  à  Dom  Fernand 
<que  ce  brave  inconnu  étôk  le  Seigneur  Dom  Pedre, 
frère  de  Leonôrè.  Là  réconciliation  eft  d'autant  plus 
aifée  à  faire  $  que  lé  Comte  Erneft  n'étoit  point  mort. 
Ainfi  podr  terminer  cette  pièce,  Dora  Fernand  époufe 
Leonore>  Sa  Dom  Pedre  fa  chère  Confiance. 

(  SUJET  DE  LA  BELLE  INVISIBLE.  )  L'in- 
trîgue  de  ce  Drame ,  quoique  fort  compliquée ,  eft 
très^bien  conduite.  Cette  pièce  e A  dans  le  goût  du 
Théâtre  Efpagool  ;  &  je  crois  qu'on  pourroit  en  tirer 

on  grand  parti  »  en  y  retranchant  un  peu.  Dom  Car- 
Iqs  ,  Seigneur  Efpagnol  >  jeune  9  aimable ,  &  qui  vient 
de  remporter  tous  les  prix>du  tournois  >  e(l  générale- 
ment recherché  par  toutes  les  Dames  de  Naples.  Le 
Pue  d'0{roQne>  Viceroif  vouloit  le  marier  à  une  jeune 
beauté  ^  QQmmée  Lucille  :  mais  Dom  Carlos  étoit 
épris  d'une  Pâme»  dont  il  ne  connoillbit  ni  le  nom 
ni  la  Qgtire  ,  mais  de  qui  il  avoitreçu  plufieurs  rendez* 
vous  daos  des  lieux  inconnus,  &  la  Dame  toujours 
mafquée.  Il  écoit  fl  enchanté  de  fes  grâces  &  de  (on 
eCprit^  qu'il  cède  Lucille  fans  peine  à  fon.ami  Dom 
P^r>^.  Bm  mème-tenas  un  jeune  Jborame ,  nommé  Ale- 
xisy  quîjL;{)Qur  réunir  les  grands. bi^^s  de  famailbn, 
devait  épQ»£^ ia^cpvifme  Marcelle^  tâche  d'éloigner 


410       THE ATRE  FRA NÇO IS. 

ce  mariage  autant  qu'il  le  peut.  Marcelle  fe  plaint  de 
(on  indifférence  :  Alexis  cherche  à  la  raiTurer  ^  &  lui 
dit  modeftement  qu'il  craint  d'être  indigne  d'eUe;'ce 
qui  fait  répondre  cei^  deux  vers  à  Maircflle  ; 

Alexif ,  que  le  Ciel  pris  plailû:  de  former  ^     —  ' 
N*auroit  point  de  défaut  s*il  fçavoic  bien  aimer» 

Endn ,  ne  voyant  plus  moyen  d'échapper  aux  pre(£iD- 
Ces  inftances  de  Tes  parens  >  il  prend  te  parti  de  fe  dé* 
couvrir  j  &  avoue  à  Marcelle  que  des  raifbns  de  famille 
revoient  hit  toujours  pafler  pour  un  hoinme ,  mais  qull 
étmt  du  même  k^e  qu'elle ,  Se  qu'au  lieu  d'Alexis  elle 
fe  nommoit  Olimpe.    Marc  elle  l'embrafTe  ;  &  Dom 
Alvare,  quifur\rient&  quiétoit  amoureux  de  MarceL 
le  I  en  eft  fi  jaloux ,  que  le  pauvre  Alexis  a  bien  de  la 
peine  à  éviter  un  combat  qu'il  auroit  fans  doute  mal 
(bu tenu.  Je  croi^  qu-on  devine  aifémept  que  ce  joli 
Alexis  n'eft  autre  que  la  belle  inconnue.  Mais  comme 
die  vouloit  abfolument  éprouver  la  confiance  de  Dom 
Carlos  »  elle  lui  donne  un  rendez- vous  ;  &  au  moment 
qu'il  efl  le  plus  occupé  à  lui  parler  çie  fon  amour»  il 
efi  tout-àcoup  enlevé  par  fix  hommes  mafqués»  qui 
le  conduifent  dans  un  Palais  fuperbe  >  o  ù  toutes  lea 
magnificences  poffibles  font  prodiguées.   Une  femme 
mafquée  lui  dit  que  fa  màitrefTe^^la  plus  grande  beau* 
té  de  toute  l'£fpagne 9  efl  amoureufe  de  lui,  &.va 
paroître  à  fes  yeux.  En  effet ,  Olimpe  >  car  c'étote 
ellerinème  qui  vQuloit  juger  de  fes  feâtimetisj  paroJI 


THEATRE  FRANÇOIS.       419 

(dans  tout  l'éclat  de  la  [eanefle  &  de  la  beauté.  Maif 
Dom  Carlos  toujours  fidèle  à  Ton  inconnue ,  quoiqu'é? 
Uoui  des  charmes  d'Olimpe  >  fe  refufe  à  fa  tendrefle  ; 
elle  le  menace  de  la  plus  cruelle  vengeance  :  il  eft  ^ 
inébranlable.  Enfin  tout  fe  dénoue  chez  la  Vicereine; 
&  Dom  Carlos,  reconnoiflant  dans  Olimpe  fa  chère 
inconnue,  Tépoufe avec tranfport ;  Dom Pçdre époufe 
Lucille  ;  &  Dom  Alvare,  Marcelle. 

-      -,      -  •  ■  *     ■        ■ 

(SUJET  DES  COUPS  DAMOUR  ET  DE 
FORTUNE.)  Le  Comte  de  Barcelonne  en  mourant 
avoit  laiifé  deux  filles,  l'une  nommée  Aurore ,  l'autre 
Eftelle  :  elles  fe  difputoient  la  Couronne.  Eftelle  foo- 
Ceoott  qtf  Aurore  ^  fille  d'Elvire ,  ne  pouvoit  être  rc* 
gardée  coitime  légitime  >  puifque  après  fa  naiflance» 
le  Comte  ayoit  époufé  Ifabelle;  'qu'elle  étoit  le  feul 
fkqit  de  ce  mariage  >  contraâé  fuivant  les  Loix^  Se 
par  conféquent  la  (èule  héritière  des  Etats  defon  père; 
qo'envain  deux  ans  après  9  Ifabelle  étant  morte  ^  le 
C^mte  avoit  alors  épqufé  Elvire,  &  avoit  légitimé 
jAiurore  ;  qu!élle  ne  pouvoit  être  regardée  que  comme 
le  fruit  de  l'amour ,  &  non  d'un  lien  facré.  A  ces 
railbns  afles;  apparentes  >  Aurore  répondoit  qu'avant 
fà  iiaifencç>  le  Cotpte  avoit  pris  les  engagemens  les 
plus  lŒcmnels  avec  Elvire  ;  qu'il  avoit  protefté  contre 
Ift^riolencê  de  ion  père,  lorfque  malgré  lui  il  Tavoit  en« 
'gagé  avec  Ifabelle  ;  qu^ufTitôt  qu'il  Tavoit  pu  il  avoit . 
H^ûmé  ks  premiers  engagemens;  ainfi  qu'elle  feule 


4^^      THEATRE  FRANÇOIS. 

écoit  l'enfanc  légitime  du  feu  Comte  ;  &  qu'EfteUe  nt 
pouvoic  pa$  être  regardée  comme  telle»  putfque  k 
mariage  de  fa  mère  étoit  nul  de  plein  droit.  Cette 
difpuce  parcageoic  toute  la  Cour  de  Barcelonne.  Dom 
I^othaire ,  Comte  d'Urgel ,  &  amoureuxxd'Aurore } 
foutenoit  Ton  parti.  Le  Comte  de  RpuffiUon  épris  des 
charmes  d'Eflelte ,  armoit  pour  (butenir   (es  droits^ 
Pendant  ces  débats ,  Dom  Roger  de  Moncade  arrive 
d'Afrique  y  où  il  s'étoit  (ignalé  par  Tes  exploits  ;  il  voit 
Aurore 9  devient  amoureux  d'elle ,  &  (e  range  defoo 
parti.  Aurore»  de  (on  coté ,  voit  Moncade  avec  conw 
plaifancé ,  &  confie  à  Diane  (à  parente  »  &  (œur  do 
jeune  guerrier ,  (es  fentimens  pour  (on  firere*   Mon- 
cade paroit  devant  la  PrincefTe.  Après  quelques  mo^ 
mens  de  converfation ,  elle  lui  demande  s'il  a  jamais 
^té  amoureux  :  il  lui  avoue  qu'il  a  aimé  quelques  tems 
une  jeune  Etéonore;  elle  le  prie  d'en  &îre  )e  poi^- 
trait  :  il  veut  profiter  de  cette  occaiion  >  &  croyant 
qu* Aurore  (è  reconnoitroit  dans  ce  portrait  ,  il  y  met 
toute  la  chaleur  &  la  paffion  poiSible:  Aurore  le  con- 
gédie fort  mécontente  de  lui.  Une  autre  occafion  le  j 
delTerc  encore  auprès  d'elle.  Dom  Lothaire,  dans  un  1 
entretien  avec  Moncade  »  s'apperçoit  qu'il  eft  amoa« 
reux  d'Aurore,  &  eu  devient  jaloux.   Pou^iiieux 
connoitre  Tes  fentimens ,  il  feint  de  dire  du  tmn  de& 
beauté  :  Moncade  lui  donne  le  démenti  ie  plus  «p 
trageant;  ils  niettept  l'épée  à  la  main.    La  Princefib 
furvienti  §c  les  féparent,  &  veutfçsvpir  le  fujet  de 


THEATRE   FRANÇOIS.      41  i 

lear  combat.  Lotbaire  attribue  alors  à  Moncade  les 
mêmes  propos  qu'il  avoit  lui  -  même  tenus  contre  la 
beauté  d'Aurore  :  &  la  Princefle  au  défefpoir ,  bannit 
pour  jamais  Moncade  de  fa  préfence.  Ce  Prince,  ac« 
câblé  de  cet  ordre  rigoureux  »  n'en  eft  pas  moins  ar- 
dent à  (but  enir  les  intérêts  de  cette  injufte  PrinceiTe. 
Ses  ennemie  viennent  l'attaquer  :  il  fe  mêle  comme  un 
inconnu  parmi  les  foldats  qui  combattent  pour  elle. 
Il  avoit  chaTïgé  fes  armes,  &  en  portoit  de  très-fira- 
ples  >  fur  Jefquelles  quatre  S  étoient  gravées.  On  ad- 
mire bien-tôt  les  exploits  du  guerrier  aux  quatre  S  » 
&  c'eft'  à  fa  valeur  qu'eft  due  la  fuite  des  ennemis. 
Pendant  le  combat ,  il  avoit  vaincu  le  Comte  de  Rouf- 
fillon,  &  lui  avoit  enlevé  une  aigrette  de  diamans 
^qu'il  portoit  fur  fon  cafque.  C*étoit  une  faveur  de  la 
Frinceffe  Eftelle.  Moncade,  efpérant  qu'en  apprenant 
les  fervices  qu'il  vient  de  lui  rendre  ,  Aurore  ferotc 
moins  en  colère  contre  ^ui ,  va  chercher  Diane  dans 
les  jardins,  il  y  trouve  la  Princeffe  endormie,  il  met 
à  ies  pieds  l'aigrette  avec  ces  quatre  vers. 

Qui  vous  offre  ces  diamans , 
£(l  le  plus  difcrec  des  aman^  ^ 
Prenez  ce  fruit  de  la  viâoire  y 
Puifqu'il  vous  doit  toute  fa  gloire. 

Après  cette  galanterie  n'ayant  pu  trouver  fa  foeur , 

il  (brt  du  jardin.  Aurore  fe  réveille ,  eft  étonnée  à  la 

V  vue  4^  ces  diamans  &  de  ces  vers ,  &  demande  à 


4^4       THE  A  TRE  FR  A  NÇO IS^ 

Diane  qui  la  joint ,  ii  quelqu'un    eft  entré  dans  le 
jardin  :  elle  lui  répond  que  Lothaire  eft  le  ied  qai  y 
ibic  entré.  Aurore  ne  doute  pas  que  ce  ne  (bit  de  loi 
qu'elle  tient  &  les  vers  &  les  diamans  ^  &  auroit  bieô 
mieux  aimé  qu'ils  vinflent  de  Moncade.    Lothaire 
fnrvienty  quij  pour  porter  le  dernier  coup  àfbnrivaU 
montre  une  lettre  qu'Efielle  écrit  à  Moncade»par 
laquelle  on  le  peut  foupçonnér  d'être  d'intelligcDce 
avec  cette  Princefle.  Aurore  ^  furieufe  de  ce  nouvel 
outrage  9  rentre  avec  dépit  dans  ion  appartemeoc. 
Cependant  pendant  la  riuit>  le  prati  d'Eifelle  voulant 
faire  un  dernier  effort  >  donne  un  nouveau  combat; 
mais  le  guerrier  aux  quatre  S  >  détermine  la  viâroire  da 
côté  d'Aurore.  On  ignore  le  fort  du  Comte  de  RoaC 
fillon,  &  l'on  croit  qu'il  a  été  tué;   Dom  LothairCi 
qui  dans  ce  brave  guerrier  aux  quatre  S  >  avoit  re- 
connu Moncade  >  &  qui  craint  qu'un  éclaircifTement  1 
qui  ne  peut  être  éloigné  ^  ne  détruife  toutes  fes  efpé- 
rances ,  fait  promptement  faire  un  bouclier  où  les 
quatre  S  font''reprérentéeS9&  arrive  chez  Aurore  ar- 
ïné  de  ce  bouclier  >  qui  avoit  tant  imprimé  de  terreur 
à  fes  ennemis  :  elle  ne  peut  plus  douter  que  c'eft  à  lui 
i  qui  elle  doit  le  Trône  i  &  eft  prête  à  le  partager 
avec'  lui ,  lorfque  Moncade  paroit  portant  le  même 
bouclier.  Lothaire  veut  le  faire  paiTer  pour  un  impo- 
fteùr.  Aurore  qui  fent  toujours  du  foible  pour  lui  1 
quelque  peine  qu'elle  ait  à  le  croire  innocent  »  voù- 
droit  bien  qu'il  le  &iU  Enfin  pour  terminer  cette  quo» 


THEATRE  FRANÇOIS.        415 

relie  $  Moncadéfaic  paroitre  le  Comte  de  Rouffillon, 
qu'il  avoit  fait  prifonnier  ^  &  qui  développe  tout  le  my« 
ftére*  MoDcade  eft  reconnu  pour  le  héros  aux  quatre  S« 
Lotbairet  nepouvant  plus  déguifer  la  vérité*  avoue  tout 
ce  qui  S'en  palTé»  &  dit  que  l'excès  de  Ton  amoUr  l'a* 
¥oit  porté  à  chercher  tous  les  moyens  de  perdre  Moa- 
cade»  dont  il  reconnotflbit  la  fupériorité  du  mérite.  Il 
demande  pardon  à  Aurore ,  confefle  qu'elle  doit  la 
préférence  à  fon  rival  ;  la  Princefle  lui  pardonne.  Il 
demande  l'amitié  de  Moncade  »  qui  la  lui  accorde  ; 
Efielle  paroit  en  ce  niioment.  Aurore  y  fans  voulc»t 
entrer  dans  aucun  éclairciflement  y  partage  avec  elle 
les  Etats  de  leur  père  ^fic  lui  donne  le  Comte  de 
Rouifillon  pour  époux  :  elle  choiiit  Moncade  pour  le 
fien  ;  &  pour  conlbler  Lothaire  qui  Tavoit  bien  fervié» 
die  lui  fait  épouifer  Diane  (à  confine ,  &  fœuf  de  Mon- 
cade. 

Voilà  un  bien  long  extrait  pour  une  pièce  très- 
tnédiocre ,  &  qui  quoique  fagement  conduite ,  eft  écri- 
te  (i  froidement ,  que  l'intérêt  (è  trouve  confondu  dans 
des  détails  inutiles  &  faftidieux. 

(SUJET  DÈS  APPARENCES  TROMPEU- 
SES. )  Lintrigue  de  cette  pièce  roule  fur  des  événe- 
mens  peu  vraifemblables ,  &  fans  intérêt;  elle  eft 
médiocrement  écrite  y  &  je  n'ai  pu  y  trouver  un  feul 
endroit  qui  méritât  d'être  rapporté.  Dom  Cefar  des 

Urfins  eft  amoureux  à  Naples  de  Floride  >  fille  d'un 

gfzxkà  Seigneur  ;  il  eft  stimé  de  cette  belle.  Un  joue 


.     1 

*  4i(^      THEATRE  FRANÇOIS. 

Qu'il  fe  rendoit  à  un  rendez- vous  qfu'eile  lui  avolt'aon- 
né  j  il  trouve  fous  (es  fenêtres  un  homme  qui  M  tire 
iin  coup  de  pîftolet  ;  il  fe  défend  &  le  tue  ;  il  effobli» 
gé  de  s'enfuir ,  &  il  fe  réfugie  à  Gayette.  Floride  in- 
firuité  du  départ  de  fon  amant  >  mais  fans  fçavoir'où 
il  s'eft  réfugié  >  quitte  la  maifon  de  fon  père  pour  le 
chercher.  Elle  arrive  à  Gayette,  &  deaiande  azylei 
Ifmene  >  fille  de  Dom  Alonfe ,  Gouverneur  dé  la  Pla- 
ce. Ifmené  étoit  promife  à  Dom  Juan  :  è'étoit  un  ma- 
riage de  convenance  ;  ils  ne  fe  connoîflbient  ni  Tun  ni 
Tautre.  Ifmene  rencontre  par  ha  fard  Dom  Cefar,  & 
fe  plaît  à  entendre  fes  galanteries  :  elle  a  deux  ou  trois 
occafions  de  l'entretenir,  &  commence  à  prendre  un 
peu  de  goût  pour  lui.  Dom  Juan  arrive,  qui  eft  en- 
chanté d'elle.  Il  le  trouvé  que  ce  Dom  Juan  étoit 
ami  intime  de  Dom  Cefar^'  qui  dans  le  même  iufiaot 
qu'il  a  quitté  fon  ami  >  eA  conduit  en  prifbn  par  ordre 
du  Gouverneur  ,  qui  fait  arrêter  ien  même  •  téios  & 
conduire  chez  lui  une  Dame  avec  qui  il  étoit  9  &  99'il 
prend  pour  Floride  ;  c'étoit  fon  peré  qui  avoit  prié  le 
Gouverneur  de  les  faire  arrêter  tous  deux  ;  mais  il 
îgnoroit  que  cetPe  prétendue  I^oride  qu'il  envoyoit 
chez  lui,  &  que  par  refpeft  pour  le  fexe,  il  nefeit 
point  dévoiler ,  étoit  fa  propre  fille  ,  qui  étoït  venue 
un  peu  exercer  fa  coquetterie  avec  Dom  Cefar.  La 
manière  ambiguë  dont  il  s'explique  avec  elle  9  fait 
croire  à  Ilmene  qu'elle  eft  reconnue  de  fon  père  ;  & 
elle  eft  prête  à  mourir  de  douleur.  Deùk:  ou  trois  ih- 

très 


THEATRE  FRANÇOIS.      4if 

très  încîdens  dans  le  même  genre  font  arriver  au  dér 
hoûment  ,  qui  fe  termine  par  le  mariage  de  Dom 
Cefar  avec  Floride  >  &  par  celui  de  Dom  Juan  aveti 
Ifmene, 

(SÛJÈt  IDE  THEObOtlÉ-  )  Ladiflas,  Roi  dé 
Tîongrîe  ,  ayant  déclajré  la  guerre  aux  Turcs  f  fe  met 
à  la  tête  de  fon  armée ,  &  laide  pour  gouverner  fon 
Royaume  pendant  fon  abfence  Théodore  fon  époufe^ 
&  Tindare  fon  frère.  Tindâre  avoit  été  amoureuse 
dTrenie  ,  parçnte  de  la  Reine  :  il  paffoit  même  pour 
Têtre  encore.    Cependant,  depuis  quelque  tems,  op 
'iie  lui  voyoit  pqjnt  les  mêmes  cmpreflemenS.  Irenô 
l'aimoit  paffiônnément;  &  la  Reine  qui  çraignoit  fa  foi- 
"fclefle^  lui  avoit  défendu  de  voir  ce  Prince,  jufqu'Ji 
icè  qu'il  eut  prouvé  la  fincerité  de  fes  feux,  en  la  de- 
'mandant  en  mariage.  La  jeune  Irène  cherche  &  trou- 
^Ve  le  moyen  d'avoir  une  explication  avec  Tindare  y  Sf 
~e(l  au  défefpoir  du  peu  d^amour  que  le  Prince  lui  témoi' 
gne.  La  Reine  qui  s'eft  apperçu  du  chagrin  de  Tin- 
"dare ,  &  qui  l'attribue  à  la  défenfe  qu'elle  a  fait  à  Irène 
de  le  voir,  l'envoyé  chercher.   Ce  Prince -a  une  lon- 
'  gue  converfation  avec  elle  ;  la  Reine  eft  furprife  de  la 
"froideur  avec  laquelle  il  lui  répond  quand  il  lui  parleî 
d'Irené  :  il  cherche  à   fe  faire  entendre  ;  mais  il  nofe 
fe  déclarer  tout-à-fait.  En  effets  il  n'aimoit  plus  Ire- 
fie,  &  étoit  paftlonnépour  la  Reine  9  qui  croyant  quel 
'  par  diflîmulation  il  n'avoit  pas  voulu  lui  avouer  touÉ 
Tome  Hé  D  à 


'4i8       THE ATRE  FRANÇOIS. 

l'amour  qu'il  reflentoît  pour  Irène,  fort  &  va  trouver 
cette  jeune  beauté.  Cependant  un  courîer  arrive  pour 
lui  annoncer  la  grande  viâoire  que  le  Roi  vient  de 
remporter  fur  les  Turcs  :  le  Prince  aulTi-tôt  vient  en 
rendre  compte  à  la  Reine;  8ç  l'ocçalion  lui  procurant 
la  fecilité  de  s'expliquer,  iljui  déclare  Texcès  de  Va- 
mouT  quil  reffent  pour  elle.  La  Reine  lui  fait  fentir 
avec  douceur  l'énormité  de  fon  crime;  fk  bonté  en- 
hardit le  Prince  >  qui  ofe  lui  baifér  la  main.  La  Reine 
lui  défend  de  jamais  fe  préfehter  devant  elle,  &  le 
quitte.  En  niême-tems,  un  nouveau  courîer  lui  apporte 
une  lettre  du  Roi ,  qui  lui  masque  qu'après  la  viâoire 
qu'il  vient  de  remporter  fur  Tes  ennemis,  étant  obligé 
de  donner  du  repos  à  fon  armée ,  il  profite  de  cette 
.0ccafion  de  venir  revoir  la  Reine:  il  le  prie  de  ne 
l'en  pas  avertir  j  pour  jouir  du  plaifir  de  fa  furprife. 
Xe  Prince?  ne  doutant  pas  que  là  Reine  ne  révèle  fon 
crime,  va  au-devant  du  Roi,,  &  paroît  devant  lui  pé- 
tiétré  delà  plus  vive  douleur.  Ladiflas qui  aimoitfon 
frère,    lui    en  demande  le  fujet.  Tindare  n*a  pais 
honte  d'ajouter  l'impofture  à  fon  crime ,  &  confie  aa 
Roi  que  la  Reine  eft  anioureufe  de  lui ,  &  a  voulu  lui 
faire  fouiller  le  lit  de  fon  frère.  Ce  trop  crédule  Mo- 
narque etitredans  la  plus  grande  fureur ,  &  fe  livrant 
tout  entier  à  la  colère,  il  ordonne  à  Raraeze,  fon 
confident ,  d'aller  plonger  un  poignard  dans  le  cœur 
de  cette  infidelle  époufe.  Rameze  obéit  avec  regret, 
&  vient  bien-tôt  après  apprendre  au  Roi  qu'il  a  exé- 


THEATRE   FRANÇOIS.      41g 

tùté  feS  ordres  crqels.  Irène  paroît  enfuite ,  qui 
prouve  à  ce  Monarque  l'innocence  &  la  vertu  de  fon 
époufe.  Ladiflas  fe  IWre  alors  aux  plus  trifies  regrets^ 
&  vçut  fuivre  Théodore  dans  la  nuit  du  tombeau^ 
Quand  on  n^  peqc  plus  douter  des  remords  légitimes 
du  Roi ,  Théodore  parok  tout-à-coup  à  fes  yeux  :  Iç 
Roi  enchanté  fe  jet^te  à  Tes  genoux  >  &  lui  demande 
grâce  ;  il  l'obtieçç  fans  peine  ;  mais  la  Reine  lui  de- 
mande celle  de  Tindare  >  fous  con  dition  qu'il  époufera 
Jrene  :  Ton  fent  bien  que  Ladiflas  n'avoit  rien  à  refu- 
Jffc  àfa  vertueufe  époufe  ;  ainlî  il  pardonne  à  Tindare, 
L'on  ignore  fi  ce  Prince  en  profite  ;  car  la  pièce  finit 
au  moment  aue  le  Roi.  accorde  la  grâce  au  crimitiel 
Tindare, 

Cette  Tragi-Comédie  n'eft  pas  fans  mérite  ;  Tintrî- 
gue  en  eft  très  bien  conduite  :  nulle  éprfode  n'en  re- 
tarde la  marche  ;  elle  eft  fagemenr  écrite ,  mais  fans 
aucune  beauté  de  détail  ;  cependant  elle  a  eu  un  grand 
fudcès  far  le  Théâtre. 

(SUJET  DE  L'AMANt  RIDICULE.  Cette 
pièce  fût  repréfentéè^dans  un  ballet  que  le  Roi  fit 
exécuter  en  fa  préfence «n  165c.  elle  n'a  nulle  inté- 
rêt, &  eft  très  médiocrement  écrite.   Toute  l'intrigue 

roule  fur  un  certain  Alonce ,  qui  eft  fort  riche  &  fort 

pokron  I  à  qui  le  père  d'KkbelIe  a  accordé  la  piéféren- 

ce  fur  Léandre  fort  aimable  &  fort  brave ,  mais  fort 

pauvre ,  &  qui  eft  amoureux  &  aimé  d'Ifabelle*  En- 

préfeQce  de  cette  jeune  beauté  ^  Âlonce  a  une  que 


'4M      THEATRE  FRANÇOIS. 

relie  avec  Damis  9  dont  il  fe  tire  fi  mai ,  qu*I(abelle  efl 
révoltée  de  fa  lâcheté.  Pour  fe  rétablir  dans  l'efprit 
de  (à  maitrefle  ,  il  propofe  à  Leandre  y  qui  étoit  fon 
coufin,  de  feindre  de  prendre  querelle  enfemble  9  de 
mettre  l'épée  à  la  main ,  &  qu*eniiu  Leandre  fe  laiflè 
défarmer  :  Leandre  y  confent  ;  le  combat  s'engage,  le 
bruit  fait  deicendre  Ifabelle.  Dès  que  Leandre  l'ap- 
perçoit,  il  avertit  Alonce  qu'il  ne  veut  pas  fe  laiffer 
deshonorer  en  préfcnce  de  l'objet  qu'il  adore  >  & 
qu'il  aie  à  fe  défendre  :  AIdnce  lui  rend  les  armes  9 
lui  cède  Ifabelle  >  l'inditue  fon  héritier  ^  &  la  pièce 
finit. 

LOUIS  LE  HAYER  DU  PERRON. 

LES  HEUREUSES  AVTENTURES.  Tragî- 
Comédie  en  cinq  adeS9  en  vers ,  dédiée  à  Meflîre 
François  d'Averton  ,  Comte  de  Belin  9  avec  un  argu- 
ment. Paris,  Ant.  de  Sommayille,  163  j.  i/i  8®. 

,  (  SUJET  DES  HEUREUSES  AVENTURES.) 
Orante ,  Roi  de  Sicile  >  avoit  deux  fils  :  le  plus  jeune 
nommé  Tyrene ,  lui  eft  enlevé  par  des  Corfaires  Turcs. 
Il  fait  la  guerre  à  ces  barbares,  révient  vidtorîeux, 
mais  n'a  pas  pu  recouvrer  Tyrene.  Ce  Prince,  voulant 
affurer  la  tranquillité  de  fon  Royaumfe,  prend  le  parti 
de  marier  Atys  fon  fils  aîné  à  la  Princeffe  Cloriraene; 
mais  pour  éviter  ce  mariage,  Atys  qui  ^toit  amou- 
reux de  PolinicC)  fe  retire  dans  un  defert  avec  CleoD 


THEATRE  FRANÇOIS.       4x1 

n favori,  &  6it  courir  le  bruit  qu'il  eft  allé  voya- 
;r*  Polinice  inflruite  de  la  retraite  de  fon  amant  « 
ent  foulager  (es  ennuis.  Cleon  qui  la  voit  arriver  ^ 
inonce  ainli  cette  bonne  nouvelle  à  Atys  2 

J*e(loi^  comme  afToapi  dans  un  profond  fommeil , 
Lorfque  ccAe  merveille  à  ^ui  rien  n'eâ  pareil , 
£c  qui  fcnt  la  moitié  de  votre  inquiétude^ 
S*eu  vient  pour  vous  guérir  en  cette  fqUcude  s 
Sitofl  que  j'apperçeu  tant  d'aimables  clartés , 
Jenc.visplus  d'ombrage  en  ces  bois  efcartés. 
Si  pour  lors  on  n'eufl  veu  le  point  du  jour  efclore  f 
Tout  1^  monde  eût  juré  que  c'euil  eflé  l'aurore. 

Il  lui  raconte  tout  de  fuite  qu'il  a  aùffi  trouvé  de 
loi  charmer  les  ennuis  de  fa  (blitude  y  &  qu'il  étoic 
svenu  amoureux  d'une  jeune  Bergère  j  qu'il  avoifi 
inçontrée  en  quittant  FoUnice, 

Apres  que  j'eus  quitté  cet  objet  gracieux  ^ 
7e  me  voulois  coucher  fur  un  li:  de  fougère  , 
Qui  fembloit  être  fait  des  mains  d'une  Bergères 
Alors  je  m'avifai  defTus  l'émail  des  fleurs  , 
Une- jeune  beauté  qui  contoit  fes  douleurs; 
La  curioficé  me  fit  approcher  d'elle , 
Afin  que  fon  difcours  m'apprît  quelque  nouvelle. 
J'admirai  fes  appas ,  &  dedans  ce  loifir , 
Mon  CGCur  tout  tranfporté  d'un  excès  de  plaifir  , 
Penfa  trouver  la  mort  près  de  cefte  merveille , 
Dont  la  voix  me  tira  les  efprits  par  l'oreille. 
Ha  !  ma  bouche  ne  peut  vous  la  bien  figurer  , 
Puifqu'il  faut  feulement  fe  taire  &:  l'adorer. 

Cette  Bergère  efl;  nommée  Amélie  ;  elle  étoit  fille 
i:^  Duc  de  Parme  ;  Se  poui:  fe  fouftraire  aux  violeiy 


4^%      THEATRE  FRANÇOIS. 

ces  d'Alphonfe  (on  ennemi,  elle  s'étoit  réfugiée  dans 
te  deferCy  &  avoit  pris  les  habits  champêtres.  Cleon 
parvient  à  lui  plaire,  &  ces  quatre  amans  vivoient 
les  plus  heureux  du  monde.  Uniquement  occupés 
de  leur  aniûur ,  ils  ne  fongeoient  çp!k  leur  bonheur. 
Atys  difoit  un  jour  à  Poliniqs, 

Vivons  en  liberté ,  mon  cœur  •,  il  cft  permis  . 
De  recueillir  les  fraiis ,  qu'iaraour  nous  a  promis: 
Qu*il  feplaiflen  tes  yeux.  Ta  beauté  loi  rellèmble  , 
Tes  charmes  &  Tes  feux  s*accordenc  bien  enfemble. 
£t  lorfqu*!!  en  cft  yvre  ,  2c  qa'il  veut  fommeiller  y 
Ta  gorge  en  s*élevant  lui  fert  d*un  oreiller. 

Le  Roi  ordonne  cependant  qu'on  arrête  Polinicc, 
qu'il  regarde  conanxe  Tobj^t  de  U  fuite  &  deladéfo 
béiffance  de  fon  fils.  At^^li^n^  veut  point  quitter  foq 
amie,  &  s'expofe  à  partager  avec  elle  tout  le  danger 
où  la  colère  du  Roi  val'expofer.  Dansle  même  tems, 
on  arrête  un  chef  des  Pirates  »  &  on  le  .conduit  au 
Roi  ;  on  peut  juger  de  la  furprife  &  de  la  joye  de  ce 
Monarque  j  lorfque  dans  ce  jeune  Corfaire  il  xecûo- 
noît  fon  fils.  Tyrene  ;  la  triftçflfe  dans  Jaquelle  la  Cour 
étoit  plongée  ,  fe  change  en  fêtes  &  en  feftins.  Un 
événement  encore  fort  heureux,  c'eft  qu'avant  d'être 
arrêté ,  Tyrene  àvoït  vu  Glorimene  ,  en  étoit  devenu 
amoureux ,  &  avoit  trouvé  les  moyens  de  lui  plaire, 
Oranteau  >  comble  de  la  joye ,  &  voyant  qu'il  pouvoit 
tout  arranger  à  la  fatisfaâion  générale,  envoyé  cher* 
cher  Atys,on  le  trouvé  occupé  àcécîtér  des  (lances, 


THE  A  TR  E  FRA  NÇOIS.      4%J 

mr  exprimer  le  défefpoir  où  le  plonge  rabfence  de 
)linice.  En  voici  trois  couplets  : 

VcSioi  y  la  terreur  &  la  peine 

Ont  crevé  les  yeux  au  Soleil  : 
C*eft  (ie  quoi  le  Dieu  du  (ommeil 
Ronfle  en  fa  caverne  d'ébene  , 
le  fera  tous  jours  endormi , 
Pour  la  more  de  fon  ennemi* 

les  fonges  &  les  fancaifîcs 

Rcporcnc  auprès  de  Ton  lia; 
£c  fon  ambition  n'  eflit 
Que  des  projets  de  frenaifles  » 
A  delTein  de  défefpeier , 
Ceux  qui  le  viennent  adorer. 

Qui  m*a  mis  fur  ce  précipice  , 

Ou  les  lutins  font  defchaînés  : 
Je  ne  crois  pas  que  les  damnés  ^ 
•        Soufdent  un  plus  cruel  fupplice  : 
£t  parmi  ces  confuHons  , 
3*ai  les  itaême^illufîons* 

On  le  ramené  à  la  Cour  avec  (bn  ami  Cfeon  ;  ce* 
endant  Tyrene  ne  perdoit  pas  une  occafion  de  voir 
L  cbere  Clorimene  ;  &  comme  il  cohfervoit  encore  ua 
eu  les  manières  curque^^  il  lui  adrefle  ces  vers  : 

Quiè  je  baife  ton  front  \  que  mon  ail  idoladre. 
Admire  les  attraits  de  t^  gorge  d*albaflre  : 
Jamais  tant  de  beauté  ne  '  contenta  mes  fens , 
Je  n*ai  point  encor  yeu  dé  charmes  (i  puidans  :       , 
FermcvS ,  ô  mon  Soleil ,  que  ma  main  facrilege  ^ 
Promené  fon  ardeur  delTus  ton  fein  de  neige  : 
Que  ce  globe  eft  poli^  que  )*aimcfa  rondeur  ! 
L*ambce  ne  peut  avoir  une  plus  douce  odeur  : 

DdU 


4^4     T^E  A  TRE  FR  ANÇOl S, 

Les  œillets  que  l'cfté  fait  briller  fur  la  plaine  , 
Cèdent  à  la  douceur  qui  part  de  ton  baleine. 

Enfin  Atys  arrive ,  &  auflîtôc  le  Roi  le  marie  àPo 
linice;  Tyrene  époufe  Clorimene,  &  Clçon  Amélie; 
i^infi  touc  le  mond^  eft  cQntenc,^  ^ 

1633. 

LE  CHEVALIER  PE  HAUSSAIS-  ) 

(LA  C  Y  D  rP  P  E.  )  Paflorale  en  cinq  adtes ,  en 
vers,  avec  des  chœurs  &  deqx  prologues  differensj 
&  une  lettre  de  T.  R.  F*  à  M.  deR.  fpn  cher  ami« 
Paris,  Jean  Martin,  1633.  z/i- 8^. 

(SU  JET  DE  LA  CYDIPPE.)  Voici  le  début 
d'une  Lettre  que  Ton  trouve  au  coron^encement  de 
cette  pièce ,  qui  peut  faire  croire  que  cet  ouvrage  eft 
un  chef-  d'oeuvre.  Mais  qu'on  le  life  ;  &  l'on  fentira 
bientôt  combien  cette  Lettre  efl:  un  tifTu  de  louanges 
peu  méritée^  %  ^  combien  le  Chevalier  de  Bauflais  a 
çu  de  folle  vanité  de  laiffer  imprirçer  cette  b^ffe  flat- 
terie. Voici  comme  s'explique  fon  Panegirifte. 

LETTRE   A  M.D.Ri 

Moï^SlEUR,   MONCHER  AMI, 

35  Eftant  fur  le  poind  de  vous  écrire >  &  de  vous 
»  entretenir  des;  nouvelles  que  nous  apprenons  ici  de 
D3  tous  les  çndroits  du  monde  ,  j'ai  penfé  q:ie  vous  ne 
5>  pouviez  rien  voir  de  plus  agréable  pour  vous  diver- 
a>  tiren  voftrefolitude»  qa'une  Paftorale  de  Monfieur 
:)3  le  Chevalier  de  BaufTais*  L'eflime  que  y oas  faites 


THEATRE  FRANÇOIS.       4%^ 

^  d'un  efprit  fi  excellent ,  vous  en  donnera  d'abord 
7»  une  bonne  opinion  ;  mais  vous  ferez  étonné  d'une 
?>  œuvre  fi  rare  »  fortie  des  mains  d'un  homme  9  dont 
>ï  l'humeur  &  la  profeffion  ne  iemblenc  pas  pouvoir 
3>  fouffrir  deux  heures  d'eftude.  Nous  avons  bien  des 
:>3  chofes  merveilleufes  dans  noftre  Langue  ;  mais  pour 
yo  des  vers  nous  n'avons  juftju'ici  rien  veu  de  fembla- 
5>  ble.  Et  vous  qui  fçavez  tout  ce  que  la  Grèce ,  l'I'- 
3»  talie  &  l'Efpagne  ont  produit  de  beau  pour  leThéâ-^ 
»  tre,  je  m'afleure  que  vous  direz  que  rien  de  tout 
D>  cela  ne  s'égale  à  cet  ouvrage,  Confiderez  les  meil- 
33  leurs  écrits  d'Euripide ,  de  Seneque ,  du  Taffe  >  de 
jfy  Guarini ,  de  Lope  de  Vega ,  vous  n'y  verrez  point 
Di  des  vers  fi  doux ,  fi  fonnans  ,  fi  délicats  &  fi  maje- 
3>  (lueux  >  une  invention  plus  agréable ,  un  deflein  con* 
3>  duit  avec  tant  de  jugement',  &  une  grâce  contî- 
3»  nuelle  &  divertiflante,  comme  dans  cet  ouvrage,, 
33  Je  m'afleure  même  que  vous  ne  trouverez  point  de 
33  plus  beaux  vers  dans  les  poëmes  héroïques  d'Ho- 
33  mère, de  Virgile  &du  TaiTe,  Malherbe  nouslaif- 
3;>  fant  des  Odes ,  qui  lui  donnent  grande  réputation  » 
33  &  non  pas  injuftement  ;   car  il  a  fiirpaiTé  tous  les 
33  Poëres  de  fon  temps ,  &  ceux  qui  l'ont  précédé 
3>  dans  noftre  langue  :  mais  il  n'efl:  pas  fi  difficile  do 
33  bien  faire;  en  petit  deflein ,  que  dans  une  pièce  de 
33  longue  étendue  :  quand  il  a  voulu  entreprendre 
33  quelque  chofe  de  plus  longue  haleine,  fes  régies 
33  ont  perdu  beaucoup  de  leur  févérité ,  comme  on 
33  peut  aifément  connoiftre  dans  une  tradudion.  Au 
33  refte  pour  venir  à  ce  genre  d'efcrits,  il  arrive  (ba- 
33  vent  que  les  vers  approuvés  en  la  ledure,  ne  font 
33  pas  bien  receus  du  Théâtre;  &  au  contraire,  que 
35  ceux  que  le  Théâtre  admire ,  ne  peuvent  eftre  leus 
^  ^yecque  attention  ;  l'Amynte,  &  le  Paftor  Fidp, 


4xff      THEATRE  FRANÇOIS. 

y>  les  deux  plus  belles  Paftorales  de  la  langue  Italien- 
-»  ne  ,ont  reçeu  ce  mauvais  traitenaent  fur  le  Théâtrci 
y»  &  fur-tout  du  vulgaire,  qui  préfère  à  rAmptCi 
»  (chef-  d'œuvre  de  poëfie ,;  de  malheureufes  farces, 
»  que  les  honneftes  gens  ne  veulent  pas  leulement  re- 
>y  garder  :  &  de  noUre  temps  n'avons -nous  pas  vea 
35  ces  belles  Bergeries,  eftre  mefprifées  d'une  multi- 
»  rude  ignorante  j  qui  fe  pafme  de  joye  au  récit  de 
»  quelques  vers  impertinens ,  que  Malherbe  nommoit 
o5  Vois  pile:^  de  IHoJlel  de  Bourgogne ,  &  qui   fe  plai- 
y>  gnoit  qu'une  fotce  populace  en  faifoit  plus  d'eiht 
35  que  de  (es  poëfîes  :  mais  il  n'avoit  pas  fujet  de  s'en 
35  plaindre ,  fi  ce  n'eft  peut  eftre  que  BoifTet  euft  rai- 
an  fon  de  fe  fafcher  de  quoy  fes  doux  airs  ne  feroieot 
»  pas  fi  bien  goufiez  fur  le  Pont-neuf,  que  quelques 
35  chaulons  d'yvrogne ,  ou  de  garçon  de  Boutique.  Or 
35  l'Autheur  de  cette  Paftorale  aflemble   Tagrément 
35  du  Théâtre  &  de  la  ledure ,  avecque  tant  de  per- 
35  feâion,  que  je  ne  fçaurois  croire  qu'on  y  puifle  rien 
3>  defîrer.   Ce  n'efl:  pas  qu'il  ait  eu  deffein  ,  non  plus 
35  que  ces  grands  hommes',  de  plaire  au  vulgaire; 
35  mais  il  a  pris  foin  de  n'ennuyer  perfonne.  ce 

Je  croîs  que  le  Leâeur  eft  étonné  de  voir  ainfi 
VAuteur  qu'on  élevé  fort  au  deflus  de  tous  les  fe- 
meuxPoëtes  de  l'antiquité;  je  vais  maintenant  paffer 
à  l'extrait  de  ce  fameux  Poëme. 

Melindor ,  Berger,  eft  amoureux  &  aimé  de  la 
Bergère  Cydippe  ;  mais  comme  leurs  parens  font  très- 
pauvres  ,  ils  refufent  de  les  unir  enfemble  :  ce  qui 
plonge  le  tendre  Melindor  dans  un  tel  défespoir,  qu'il 
quitte  fa  patrie  ;  mais  l'amour  l'y  ramené  bientôt.  Peu* 


THEATRE  FRANCO IS.      4%y 

^ant  fon  abfence,  un  Berger  fort  riche,  nommé  Pale- 
mon,  demande  &  obtient  la  main  deCydippe.  Cé- 
toi€  la  veille  de  Tes  noces  cfueMelindor  arrive  ;  il  ren- 
contre fa  maîtreffe ,  il  lui  fait  des  reproches  ;  elle.s'ex- 
cufe  ;  &  enfin,ils  prennent  le  parti  de  s'enfuir  le  len- 
demain enfemble.  Malheureufement  un  Satyre  qui  les 
avoit  entendus ,  en  avertit  Pale  mon  :  ilsTe  mettent  en- 
femble en  embufcade ,  attaquent  Melindor  >  &  le  laif- 
fent  mourant.'  ][l  a  cependant  la  force  encore  de  fe 
Crainer  à  la  caverne  d'un  Hermite.  Cydippe  vient  au 
rendez- vous,  trouve  la  place  pleine  de  fang;  &  ne 
doutant  pas  que  ce  ne  foit  celui  de  fon  amant,  elle 
fe  perce  lefein.  Dès  que  Palemon  apprend  cette  fu- 
nefle  nouvelle ,  il  fe  tue  auffi  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de 
fingulier,  c'efl:  qu'aucun  des  trois  ne  meure.  Un  Ma- 
gicien guérit  Cydippe  &  Palemon  ;  &  l'Hermite  rap- 
pelle Melindor  à  la  vie.  Malgré  tous  ces  tragiques 
événemens ,  Palemon  fonge  toujours  à  pofleder  Cy- 
dippe ;  Çc  le  mariage  fe  conclud.  La  Bergère  paffe 
dans  une  chambre  voifine  pour  fe  deshabiller;  Pale- 
mon fe  met  tout  fimplement  en  chemife  fur  le  Théâ- 
tre ;  il  attend  avec  impatience  le  moment  où  il  va 
jouir  de  l'objet  qu'il  adore ,  lorfqu'il  entend  la  voix 
de  Cydippe  profcrer  ces  paroles  :  0  mon  cher  Melin- 
dor, embrajfe  ta  Cydippe ,  &  bien- tôt  lui  jurer  qu'elle  ne 
fera  jamais  qu'à  lui.  Il  entre  en  fureur ,  &  fe  déter- 
mine  à  en  époufer  une  autre.  Jolas,  père  de  Cydip. 
pe  >  qui  furvient  dans  ce  moment ,  &  qui  n'eft  au  fait 


4^8      THEATRE    FRANÇOIS. 

de  rien  >  fe  met  fort  en  colère  contre  Palemon,  fort 
qu'il  lui  dit  qu'il  ne  veut  plus  de  fa  fille  y  &  qu'il  va 
donner  la  main  à  Lycoris ,  le  vieillard  lui  répond  ; 

j  o  L  A  s. 

Tu  laides  donc  ma  fîlle ,  ame  lâche  &  brutale  , 

Après  avoir  ravi  fa^pudeur  virginale  ? 

En  voili  le  fpjec,  ou  )e  ne  l*entends  pas.  ^ 

PALEMON. 

Hélas!  ce  doux  penfer  me  caufe  le  trépas. 

Vreflé  d'impatience  ,  au-delTous  fa  ceiuiure^ 

y%i  touche. 

J  O  L  A  S. 

Quoi?  parlez. 

P  À  L  E  M  O  N. 

Sa  cuide  blanche  6c  dure: 
Ccft  ma  feule  faveur. 


! 


/ 


Jolas  gronde  Cydippe  d'avoir  ainfi  perdu  un  fi  boa 
parti  ;  mais  il  en  efl:  bientôt  çonfolé ,  lorfqu'on  vient 
annoncer  à  Melindor  qu'un  de  fes  parens,  fort  riche, 
venoit  de  mourir,  &  l'avoit  nommé  fon  unique  héri- 
tier. Les  deux  mariages  de  Melindor  avec  Cydippe» 
&  de  Palemon  avec  Lycoris,  terminent  cette  Paftora- 

le ,  qui ,  quoiqu'en  dife  la  lettre  que  j'ai  citée ,  n'eft 
m  bien  écrite  ni  bien  conduite ,  &  qui  de  plus  eft  char- 
gée de  plufieurs  rôles  épifodiques ,  dont  je  n'ai  pas 
rendu  compte ,  étant  très-inutiles  au  fond  du.  lujet» 

1633. 
CHABROL. 

rORISELLE  ou  LES  EXTRESMES  MOUVE- 


THEATRE  FkANÇOiÉ.      4%^ 

*IËNS  D'AMOUR ,  Trâgi-Comédie  en  cinq  à&es; 
en  vers ,  dédiée  à  Monfeigneur  le  Maréchal  de  BaC- 
fompiérre#  Paris  ^  Mathieu  Colombel ,  163  ji  i/i-8*^» 

*  (SUJET  D'ORIZELLE.)  Cherulphe,  Roi  de 
tombardie,  avôît  promiis  fà  fille  Oriiielle  à  Eleonor» 
Prince  de  foo  faiîg;  tnais  cette  Princefle  aiûioit  & 
écôit  aimée  du  vaillant  Dorimori  »  célèbre  par  ks  ex- 
ploits. Un  jour  qu'ils  s'entretçnoient  familièrement 
enfemble  »  Algenôr ,  Seigneur  Lombard  ,  qui  avoit 
été  amoureux  d'Orizelle ,  envie  le  bonheur  de  Dorî- 
'mon,  l'appelle  en  duel,  &  èft  tué.  Pour  éviter  la 
colère  du  Roi ,  Dorimon  fe  retire  dans  un  defeft  fous 
des  habits  d'Hermîte.  Il  lui  fur  vient  encore  un  nouveau 
"rivaL  Dàttérîe ,  fils  du  Roi  d'Italie,  devient  amoiï- 
reux  d'Orizelle,  &  la  fait  demander  en  mariage: 
Cherulphe  la  lui  refufe.  Ce  Prince  furieux- de  n'avoir 
pas  obtenu  l'objet  de  fesdéfirs déclare  la  guerre  au 
père  de  fa  maîtreffe.  Il  arrive  en  Lombardiè  à  la  tête 
de  fes  trotïpes ,  &  accompagné  d'Eurice  fa  fœur.  H 
cft  néceflaire  de  fçavoir  que  cette  Eurice  étoit  tou- 
jours habillée  en  homme ,  qu'elle  n*aimoit  que  les  a^ 
mes,  &  que  fous  Ton  traveftiflementelle  avoit  euplu- 
fieurs  duels ,  dont  elle  étoit  toujours  fortie  viftorieufe, 
Cherulphe  regrette  alors  de  n'avoir  plus  à  fa  Cour  fi; 
brave  Dorimon  pour  le  mettre  à  la  tête  de  fcs  arméei. 
Orizelle  profite  de  cette  occafion  ,  pour  prouver  à  fon 
père  que  Dorimon  n'étoit  point  coupable  ,  &  qu*il 
avoit  été  provoqué  au  combat  pat  Algenor.  Le  Roi 


430      THEATRE  FRANÇOIS. 

connoiffanc  fon  innocence  ,  lui  pardonne  &  (bubaîtc 
Ion  cecpur  ;  Orizelle  lui  envoyé  aufiî  tôt  des  armes  & 
un  cheval ,  &  lui  demande  de  joindre  l'armée.  H  ar- 
rive  au  moment  qu'elle  alloit  être  mife  en  déroute» 
&  où  le  Roi  alloit  perdre  la  vie.  Il  délivre  Cherul- 
phe  du  milieu  des  ennemis  9  rétablit  les  affaires  1  ga- 
gne en6n  la  bataille ,  &  &it  prifonnier  Datterie  &  fa 
fœur ,  qui  p'étoit  connue  que  fous  le  nom  de  Damon. 
On  les  conduit  à  la  Capitale.  L'heureux  Dorimon, 
plus  amoureux  que  jamais,  fe  flatte  d'obtenir  Orizelle 
pour  récompenfe  de  fa  valeur  &  de  fes  fervices. 
Quand  Eleonor,  qui  voit  qu'il  eftle  principal  obftacle 
à  fon  bonheur ,  lui  fait  donner  fous  le  nom  d'Orizelle 
un  bouquet  empolfonné  ^  qui  le  rend  fou.  A  force  de 
foin,  on  parvient  cependant  à  le  guérir  ;  mais  ce  qu'il 
y  a  de  fingulier,  c'çlt  que  le  premier  u fa ge  qu'il 
fait  de  fa  raifon,  c'eft  d'époufer  Eurice.  On  peut 
juger  du  défefpoir  de  la  tendre  Orizelle,  qui  croit 
qu'on  a  encore  enibrcelé  Ton  amant.  Enfin  voyant 
qu'elle  ne  peut  être  heureufe  que  par  la  mort  d'Euri- 
ce  &  par  celle  d'Eleqnor ,  elle  promet  Ja  main  à  ce 
Prince  ,  s'il  combat  &  tue  Eurice.  Pour  obéir  à  ce 
qu'il  aime ,  Eleonor  fait  appeller  Eurice  en  duel  ;  cette 
Princeffe  fe  rend  à  l'affignation  ,  le  combat  commen- 
ce ,  Eleonor  bleffé  alloit  fuccomber  fous  la  valeur  de 
la  jeune  guerrière  ,  quand  elle  rencontra  un  poignard 
fous  fes  pieds  &  tombe;  Eleonor  fe  fert  lâchement 
de  cette  occafion ,  &  la  tue  ;  en  mème-tems  Orizelle 


THEATRE  FRANÇOIS.      431 

amafle  ce  poignard .  &  profitant  de  la  foibleiTe  d'E- 

eonor  j  elle  le  lui  plonge  dans  le  cœur.  Défaite  de  (à 

ivale ,  elle  va  trouver  le  Roi  fon  père ,  &  demande 

Dorimon  pour  fon  époux.  Cherulphe  n'en  avoît  point 

i'autre   à  hi  projpofer  ,  puifque  Datterie  venoit  de 

mourir  y  &  qu'Eleonor  n'étoit  plus  ;  ainfi  ce  brave 

Général  obtient  enfin  le  prix  de  fes  travaux ,  &  époufe 

Qrizelle.  Si  la  façon  dont  cette  Princefle  avoit  levé 
les  obftacles  qui  s'oppofoient  à  fon  bonheur ,  étoit  un 
peu  barbare  ,  du  moins  c'étoit  une  grande  preuve 
qu'elle  donnoit  à  fon  amant  de  l'excès  de  fon  amour. 
De  plus ,  dans  ce  (iecle  là .,  on  n'étoit  apparemment 
pas  (î  difficile  fur  les  moyens  qu'on  employoic  pour 
réuflîr. 

Je  n'ai  point  de  vers  à  citer  de  cet  étrange  ouvra- 
ge ,  qui ,  je  né  fçai  pourquoi,  porie  le  titre  de  Tragi- 
Comédie ,  puifque  la  quantité  de  gens  qui  meurent 
pouvoit  bien  lui  mériter  celui  de  Tragédie.  Je  dirai 
feulement  qu'elle  efl:  médiocrement  écrite ,  &  encore 
plus  médiocrement  conduite.  Je  ne  peux  cependant 
pas  m'erapècher  de  mettre  fous  les  yeux  du  Leâeur 
une  pièce  de  poefie  qui  eft  à  la  tête  ,  &  qui  eft  cer- 
tainement le  chef-  d'oeuvre  du  ma^uvais  goût  &  de  la 
difficulté  vaincue.  Chabrol  l'a  compofee  en  l'honneur 
du  Maréchal  de  Baflbmpierre;  fon  proteâeur. 


431       T  If  E  AT  RE  FHANÇOIS. 

A    N    A     G    R    A    M    Ei 

François  de  B  as  sou  pi  erré 

fuis  des  Amis  près  de  ce  bon  Roy, 

^jMonder    fur   fcs    exploits  un  rcfpcd  ^J^àvorablc; 
^cnd/Jc  à  tous  les  mortels  fa  faveu/J  adoj^ablc. 
fc^  f  faillir  les    deftiiis  &  les    vaincre  J^  la  fois, 
î>onobfta,^^t  tousies  traits  de  1  'i]^£oT  tu  î>  e  même; 
C^onfidércr  Combien   fon    Prin  (^c      en    fc  C^  rct  raimc 
Qbjedc  à  vO^  haineux  lcsi'0'ms    d'un    b^nfrançois. 
^"^c  me  croyojfs  vraiment  atceTnt    d '  i  n g  r  a  t  ^**^tude, 
C-^i  je   ne  vou^5^  offrois  ce  J^ fruits  de  mon  éC^tude, 

^ont    le    naïf  ^effcin  J[)emande   votre     a^vœu; 
tqt    fi   vous   agréez  c^s  termes  de  la  gu[>jrre^ 

b^urinant   fur     le     J^zonzc   \xixc    fois  .  tûafFompicrre, 
j^u   lieu     de    m_/^rs,,^près  onvoiis  en  croirj^  Dieu* 
C-^ns    doute    Je^  afTaut^T  fur    les     troupe Ck  angloiffc 
C^ont     dig  n  e^^  d' e  m  p  è  jucher  les  étrangèrcO^  noifes, 
^  ù   leurs    cQups       redoublés  fubirent  vQtrc  effort: 
^^is   fans  ,/^ettre  en  oubli  coy^mc  à  l'heure  ^arsblcmc 
**Qour  n'approcher    vos  ^    /*^as  avec   I^c**^  tune  même 
K^  fuyo/t  ,     d'où    l'Anglois   v/nt     rccevou^  r  la  mort 
^ncor^i  mais  le  temps  pour  ThJ^ure     mt>j  difpeucc 
^cft/^aignant     mes    efcrits     aux    /^  igueu  ^sdufilcncfi 
^  aJÇemcnt   peut-on   voir   fans  guer/2^e  défaJ^Qoy. 
n^^n     cela     vous    avez     ptéveu     Voftr^J^  anagramme^ 

Qui  difpofant  mes  vers  par  le  fil  de  fa  trame , 
Vous  dit,  Fais  dss  Amis  au  près  de  ce  bon  Rot. 


,  THEATRE  FRANÇOIS.       43 j 

boUGENOT,  de  Dijon. 

LA  FIDELJLE  TROMPERIE  ^TragiCômédiè. 

^ARis,  Aftt.  de  Sommavillè,  1633.  in  8"". 

LA  COMEDIE  DES  COMEDIENS,  Tragî- 

Comédie,  dédiée  à  Monfeigneur  le  Comte  de  Saule, 
avec  ian  argument.   Paris,  Pierre  David,  1631. 

(SUJET  DE  LA  FIDELLE  TROMPERIE.) 
Clorifée ,  Reine  de  Cypre ,  enchantée  des  grâces  & 
âe  la  valeur  de  Filamire,  Prince  d'Arnoepie,  fe  laifTe 
trop  aller  aa  pencKatit  qu'elle  a  pour  lut;  8t  elle  fe 
(ènc  bien*  tôt  dans  un  état  que  le  mariage  feùl  peut 
àutorifer.  Filamire,  qui  de  voit  époufer  Clarindé,  uni- 
que héritière  du  Trôné  des  Medes  >'  dès  qu'il  fçaic 
Clorifée  dans  ce  fâcheux  état ,  fe  fauve  de  fes  Etats, 
&  va  conclure  fon  mariage  avec  la  Princefle  de  Me-^ 
die.  Cependant  la  Reine  de  Cypre  met  au  mohde  une 
fille  qu'elle  nomme  Alderine,  qui  dès  l'âge  de  douze 
ans  étoit  déjà  fi  belle  ,  qu'elle  fait  faire  fon  portrait 
&  la  promet  en  mariage  à  celui  qui  lui  apportera  la 
tète  de  Filamire.  Armîdôre,  Prince  de  Phrigie,  & 
neveu  de  Filamire ,  ayant  vu  un  de  ces  pprtraits  >  de- 
vient amoureux  de  la  jeune  Alderine  :  il  fe  déguife 
en  Amazonfe ,  &  eft  introduit  chez  la  Princefle,  (bus 
le  nom  de  Lucide.  11  eft  fi  frappé  de  fes  charmes, 
qu'il  fait  ainfi  fon  portrait: 

Tàme  ÎI.  ^  ^ 


434    tntkfkÈ  fAAffçms, 

Sa  divine  beauté  qui  peut  â^chir  les  ^VSjà  ^^ 

Merveille  de  la  terre ,  &  chef-d'œuvre  des  Oair  » 

^u  iàgemenc  d'àihoùr  deméiii^e  fâAs  e'3tefll£te  \  • 

Oeik  le  plus  cher  objet  ^ue  le  Soleil  coacemplr« 

Sa  face  a  des  appas  en  fa  proportion  » 

Qui  font  autant  de  traits  de  fa  perfeâlon. 

Sesicliéveux  que  l*or  imr  divinement  coloré  y 

thxs  oeâyx  que  ceux  d*am6ûî:  ni  que  ceux  die  l*à\itOit  ^ 

Peuvent  être  à  bon  droit  inis  en  conïpàrîi (bii  » 

Aux  rais  dont  le  Soleil  enrichit  l'otifion. 

Son  beau  front  où  Thonneur  relevé  ùl  viâoire  , 

£ftun  Ciel  où  Top  voit  deux  fris  en  leur  gloire^ 

Augures  du  beauftemsaux  pluyes  de  mes  yeux  , 

formés  de  deux  Soleiîs  pleins  d'éclairs  radieux  > 

Dont  |e  fais  mes  i^iroirs ,  encore  que  nia  face 

Se  perde  bien  fouvent  dans  cette  bel]iB> glace  ^^ 

Sttr<|ui  deux  foûrciU  noirs  témoignent  un  clefîr^ 

De  faire  duèil  pour  ceux  que  (es  yeiix  font  mourir  ^ 

Quand  fon  doublé  corail  Tun  à  lli'ucrc  le  tbiicbc  , 

11  forme  l'arc  d'ambûr  figure  de  fa  fiôu^rhe  » 

Qui  venant  â  s'ouvrir  deflbus  fon  ceii  piant , 

Découvre  un  beau  tiréfbr  de  perles  d'Orient* 

^es  foues  où  l'amour  fon  triomphe  préplare  , 

Sont  de  pourpf  e  de  Tyr^  &  de  marbre  ^e  paré  | 

£c  combien  qu'elles  foient  de  méine  qualité  , 

illes  femblent  pourtant  difputer  la  beauté. 

Son  nez  eil  ù  parfait ,  qu'il  donne  à  (on  ViCige 

D*une  féconde  gloire  un  fécond  avantage. 

L'albâtie  de  fgn  col ,  des  grâces  le  tableau  y 

De  ce  nouvel  Olympe  e(l  un  atlas  nouveau* 

Sohfein  où  les  vert]is  élèvent  leur  empire  y 

^û  un  thrône  d'yvoîce  où  la  gloire  rel^  ire. 

Sa  belle  main ,  fon  bras  en  blancheur  nompar^  , 

Arrêieroient  bien  mieux  la  coùrfe  du  Soleil , 

Que  ne  fit  autrefois  la  fille  de  Penée , 

lorfquMle  ledoubloit  fa  fuite  iafortunét. 


THEATRE  FkÂNÇOÏS.        41s 

ISouï'W  tra\reftlffëm€lht  >  Lucide  gagne  tellement 
l'alfeâiOd  B'AIderinCj  que  cette  Princefle  ne  pouvoit 
•  pliîi  quitter  (à  chëVé  ÀM^6ne ,  qui  a  plufieuris  fois 
le  bonteur  de  donner  ibn  fa  pî-éfencê  dés  preuves  de 
^  t^ateun   DaiÀ  Rbis  Voifins  dîfclarent  la  guerre  à  ia 
lUfitus  ;  la  Jéàbé  Amazic^ë  léis  colÉibat>  remporte  fur 
-e\i:t  la  vtâbiré)  £c  tes<>t>)ige  d^  fortir  avec  honte  de 
Kfle  de  Ghypt«.  A^rè*  de  fi  glorieux  exploits  j  la 
ileirsé ^  toujours  dccupfe  de  la  vengeance,  lui  de- 
mandée d'aller  combattre  f^itàniîre ,  &  de  IW  apporter 
fa  tteb*  L'Amazont  y  càèftnt  ;  ihais  en  prenant  congé 
de  là  PritK^éfle  %  \\  lui  àV6ue  &  Ton  amour  &  fbn 
fcxe,  Atderîîie  iéi  défend  de  ne  jarèais  réparoître  de- 
vant elle  ;  au  comble  du  défefpoir  il  part;  Pendant 
fon  abfence,  les  deux  Rois  qull  avoit  vaincus,  reiv 
treut  dans  Me  de  Chypre^  &  y  mettent  tout  à  feu  & 
à  faog.   La  Reine  &oit  réduite  aux  derniers  abols^ 
lorfqu'ô»  entend  retentir- le  nom  de  Lucide;  les  Sol- 
dats  V  à  ^é  uott  fi  chéri ,  lènte^rit  renaître  leur  courage  ; 
îon  combat  ;  &  TAmazone  fecondée  dun  brave  guer^ 
rier>  remporte  la  viâoir^^la  pltis  complçttei  fait  ks 
dçQx  Hois  priTonnters  >  i6t  le^  conduit  à  la  Reine , 
t^U  après  l'af^oir  félîfclté  &  remerdé ,  luidemaudèS 
èHe  aVempli  fepromeffë;  die  Taffure  que  oui.  La 
Reine  eft  au  déftPpbir  :  Lùtrde  h  ronjtfrc  de  le  fuli 
pendpe  Jtffqtt'àu  moment  où  efle  ïuî  ait  en  effet  remis 
etttrîè  1^  ïntiins  ^1i  tête  defôà  ^dla^e  ^rbaiir.  Quand 
ii^^flUît  é&y^m^ ,  Lïiddè  i(kà\x\z  dfôt^^e  ^aès  une 

Y.  e  \\ 


4^6      THEATRE  FRANÇOIS^ 

tente ,  où  le  premier  objets  qui  frappe  fes  yeux  i  eft  le 

Roi  Filamire  endormi  :  l'Amazone  rempliiToit  par  là 

(à  promefle  ^  puifqu'il  livroic  fon  ennepii  eo  fa  puifiao- 

ce.  Filamire  entendant  du  bruit  fe  réveîUe,  reconnoit 

Clorifée   fi  chère  autrefois  à  fon  cœur ,  fe  j^cte  à  fes 

genoux  >  lui  demande  pardon  >  &  l'obtient.  Lucide  fe 

fait  connoitre  pour  le  Prince  Armidore  y  demande  Ak 

derine  en  mariage  :  la  Reine  la  lui  accorde;  &  poar 

que  rien  né  manque  à  la  fête  9  arrive  un  Courier  qm 

annonce  à  Filamire   que  ht  Reine  »  (on  époufe  %  eft 

morte.  Ce  Prince  fe  jette  de  nouveau  aux  genoux  de 

Clorifée  >  lui  demande  fa  main ,  que  la  ReineJui  do5- 

ne  avec  tranfport.  Ainfi  cette  pièce  fe  termine  par  od 

double  hy menée, 

(SU  JET  DE  LA  COMEDIE  DES  COME- 
DIENS.)  Cette  pièce  eft  d'un  genre  nouveau:  elle 
eft  en  cinq  aâes  ;  les  deux  premiers  (ont  en  profe , 
&  fe  paient  entre  les  Cocnédiens  d'alors»  qoi  fe  dif- 
putent  les  rôles.  Ce  n'eft  qu*un  bavardage  fort  long 
&  fort  ennuyeux  »  fans  aâion  ,  fans  intrigue  »  &  dont 
par  cohféquetjt  je  n'ai  rieri  de  plus  à  dire,  L^s  trois 
autresaâès  (bttt  en  versVc^ft  «ne  pièce  que  ces  mê- 
mes Comédiens  repré(èhtént  »  &  qu'on  pourroit  inti« 
tuler  la  Courtisanne  vertueuse.  En  voici  le  fujet. 

Une  fille  nommée  Califte»  dont  l'ame  eft  hopnête ,  eft 
obligée  >  malgré  elle^  d'embraifer  la  profeflîoa  de  Cour- 
ti&nne, Oimandre  en  devient  amoureux  »  mais  die  re- 
jette (;on(lamment  fes  voeux. .  Ce  Simandre  nvoit  une 
maitreflTe  nommé»  Gtarinde^  qu'il  avoit  quittée  pour 


THEATKE.  FRANÇOISr:    4^7 

jB^attacher  uniquement  à  la  jeune  Courcifanne^  qui  ^ 
comme  je  Vai  déjà  dit,  ne  veut  entendre  à  aucune  de 
fes  propofitiens.  Elle  n'étdit  point  fi  cruelle  pour  tui 
jeune  François  9  nommé  Filàme  :  elle  s'écoit  prife  de 
goût  pour  lui  I  mais  e&  fiiivant  toujours  (on-  catàâère , 
c^eft-à-dire>  aved  toute  la  décence  8ç  la  pudeur  pçf^ 
^ble.  Après  quelques  aventures  fort  peu  mcereflan- 
tes  f  Clarinde,  qui  s'étoit  déguifée  en  homme  pour 
épier  les  adioris  dé  foh  vcjlage  amat>t  j  ..vient  rendre 
vifite  à  Califte;  dlei lui.  vjQit  entre  les  mains  «irbijôu 
lur  lequel  il  y  avoit  des  armés;  ce liijou  produit  une 
reconnoiflance.  Califterôt'  Simandre  Te' ti^vfeni- frère 
&  fœur  :  dans  leur  enfance ,  Ils  avoient  tèùs  deux  été 
enlevés  par  des  Corfaires..  j.Çettç  recpnnpiflance  eft 
bien-tôt  fuivie  d'une  autre.  Ils  retrouvent  leur  père» 
qui  eft  un  homme  cbnlïdér^bié  dans  yenife  ,  &  qui 
enchanté  de  revoir  fesenfans,  dont  il  fecroybit^privé 
pour  jamais  I  les  marie  fc/^le  chanip)  Ifbivant  leurs 
inclinations.  Simandre  épbilfe  €lariii^>^'^4a  ver- 
tueufe  Califte  fon  cher  FifeWjèV 


Il  y  a  dans  cet  ouvrage  très  médiocre  >  le  rôle  d'un 
yalet  ,  nonïmé  Fauftin ,  qài  eft  -  affez  plaifant;  Ge 
Faoftin  eft  auffi  gourmand  qu'Arlequin:  Yoici  desK 
ftances  qui  annoncent  fon  caraâère. 


B  A  U  S  T  I  N. 


Que  mon  maître  eft  cruel  'contre  là  foi  promife  ^ 

Et  qu'il  efl  inhumain  ! 
Que  maudit  foit  le  jdur  ^ue  je  Vins  à  Vcnift  y 

Pour  y  mourir  de  faim  I 


4iB      TME A TR B.  FRANÇOIS»' 

Tu  yeftasy  difoit-il ,  de$  Cités^pfus  (upèrl>e$ 

Un  miracle  nouveaîi't      :  r 
X^is  iç  n'y  mang^  rien  (|ue  des  Mif  <&.  ^telieçbef  ^ 

It  a*y  bois  que  de  Teau. 

tc4!^ipltifçii^touilUmaf9U4i)t4i(«  t 

,    A  coi|rir  ce  hazard ,•  .... 

C*eft  que  je  ereus  la  mer  être  de  Matvoi(îey 

•      •  Etlepayédé  lardv        •  '  '^    *  - 

Mon  maître  j  qui  fçaVdit  difpo(er  mon  courage  , 

^     -     Me  diibic,  haFàuftin,' 

Tetpioiiidrcs  mcxsfesotic  ttuoidÀcbi  aufromage^ 
Le  foir  &  le  matin. 

Ji  n^e  t»^ifu^  y  mais  vpyee  ma  g)ii«^ 

Que  Içs  chapons  au  ri;, 

Etoient  au(n  communs  par  coûté  rlcalie  « 

:        .  Que  ict  choux  àPàrir. 

*  ■     »^  •♦  •   ■  j       '       '•».'".  ^ 

Mon  eoâer  qui  déjà  cfoyoît  âtre  aux  partage* 

'-  '  -De cc'que  j'âVofe cteU  ,     ' 

'  '■  Ma  p  tc0<{ic  dr  vi4nir  «aglôuc|r  ces  ^fo^p»  : 

^^  <i4^  Ë^r  i«ifc  rHoit@iir  4p  l^iilijv  ; 

Vendu  mes  bons  habits  :  - 
Maintexianc  il  me  faut  diser  d'une  fardine  $  • 
.    £tf  d'im  peu  de  pain  bis, 

Vjirt^pff^tâ^  dsigons ,  de  ji]ujikngquia^odi(Si 

Sçait  fi  bien  cajoler  mon  maJLCfetSç  ^fraj^hiCe  y 
Qu'il  nous  dé  vore  tout. 

Cependant  que  Simandreeftyci^  fa^pyij^^c;^ 
A  prodiguer  Ces  doi\s  ^  ■ 

La  faim  me  follicire  â^uvoir  ^  ^qmtt;^  ^J^  » 
Mç  fouUr  de  chatdQ<u« 


*-  •         r 


~  i  -^  ti*<y    - 


t  -^  I» 


9 

VkxoMm  qA  U  (oit  a  réncontrf  te  centra 

'  OÂbttjpoit  fonaéfir: 
Mon  maille  k  fçali:  bien ,  Se  mes  dcoo  8c  mon  veotrc 
Ign  0115  le  d^pll^. 

•  Il 

Quoi  qui.fe  puiile  offiric' : 

Je  me  yeux  décharger  de  fa  faim ,  que  les  bêcea 

N*oAC^û  jamais  foufiFrir. 

DE  VERONEAV,  de  Bloiy. 

m 

L'IMPUISSANCE,  Tragi  Comédie ,  Paftorale  en 
cinq  aâesy  en  vers ,  jy^c  ^yn  a>rsu|penc  &  quelques 
autres  poêfies.  Paris  \  Tôuffainc  Quînet,  1 6  3  i^.  in.  %!". 

(SUJET  DE  LIMPUISSANCE.)  En  rendant 

compte  de  plufieur^  P^^l^,*^^  ?"P^P^^^  9  }}^  ^^ve°( 
prévenu  mes  Lefteurs  (ur  la  fimplicité  de  nos  ayej^x  » 
qui  regardoient  çoj[nmç  des  naïvet|ç  ipppçent^^  ,'ce 
que  nos  mèeurf  i^qi^  §:^nt  prep^^  ppur 

des  ordures  grQ^^^i^v  J!^  Si^  reoipUrois  cç{>|SjçÛE^ne 
pas  mon  objet,  ^  U  déticatçSTe  d^  (H>tr^  fi^ck  xofêttoic 
des  entraves  à  ma.plamç ,  &  me  faifolt  fiippr|m£f  ces 
endroits  indécens  r  11  eft  vi^i  >  mais  qui  fervent  à  ca- 
raârérifer  &  les  Auteurs  >  &  la  façon  de  penfer  d'à* 
lors.  Je  ne  peux  même  démontrer  la  pureté  qui  re« 
gne  à  prérent  Tur  notre  théâtre ,  que  par  comparai- 
fon  avec  la  licence  qu'on  y  Ibùflroit  autrefois  ;  &  je 
n'écris  que  pour  ce  Public  éclairé  »  qm  9  voulant  bien 
fe  tranFporter  à  ces  tems  peo  policés  encore,  ne  re- 
garderont ces  expreffiohs  desfaonnètes,  que  comme 
des  mots  vagues,  qui  caraâi^rifenc  l'innocence  de  ce 

Eciv 


440       THE  A  TRE  FR  Al^fO  ÎS. 

iiecle.  Molière,  le  grand  Molière >  s'eft  fervi  (oqT^t 
ide  termes  &  d'images  9  dont  on  rougiroic  à  préfent. 
I^e  théâtre  étoit  cependant  déjà  bien  corrigé  ;  tùiM 
n'étoit  pas  encore  arrivé  à  ce' point  de  décence  >qd 
y  règne  aujourd'hui.  Cette  réflexion  me  fera  peut-être 
obtenir  un  peu  d'indulgence  pour  ranaïyfe  de  cette 
pièce  9  dont  le  titre  feu)  i^nqonce  déjà  l'indéçenc^. 

L'Empereur  d'Ethiopie  avoit  une  fille  unique  9  nom* 
mée  Philinte ,  qu'il  voulait  marier  malgré  elle  au  Prin- 
ce Anaxandre ,  fils  du  Roi  de  Tartarîe.  Ce  Prince 
«'entretenant  de  fon  amour  pour  la  Princeffe  ,  avec 

L|fiman  Ton  con(jdent ,  celui-ci  lai  dif:; 

I  .     .    .  ■         ._ , 

'  ...  .  >  ■; 

L  Y  S  I  M  À  ^. 

Les  filles  ont  rcfprit  trop  artificieux , 

Faignant  de  n*aimer  pas  ce  qui  leur  plai^  le  mieux  : 

Mais  fi  tous  les  defirs  de  ce  fexe  volage  , 

Se  pou  voient  en  effet  voir  defïlis  leur  vifage  , 

Sans  doute  avec  plaifir  nous  ferions  efibnnez' 

D'y  voir  je  ne  fçay  quoy  bien  plus  loQg  que  leurs  nez  ^ 

Pour  dire  librement  tout  ce  que  )*ay  dans  Tame  : 

t^efk  que  je  ne  fers  point  de  matière  à  leur  flame  : 

Dans  leurs  perféflions  tout  eft  plein  de  défaut*^ 

Parce  que  nous  portons  l£  meilleur  qif  illeur  £aut* 

7e  paye  avec  inefpris  leur  plus  grand  artifice  ^    - 

^t  quand  on  yeut-prétrnd^  à  Itux  faire  fervlce  p 

Si-toA  que  les  devins  en  fout  datis  nous  cquçuSi^ 

Il  s*cn  faut  rendre  maiflre,  &  prendrç  le  deifu^ 

'      •         'an  A  X  A  N  D  R  E.     "*  * 
. .    «  ", 

Ce  n'eft  paS  comme  on  vit  avec  une  Princeâèj^ 

tt  fi^ioft  qUtf  je  fuis  au|»rcs  de  ma  maîtrcflc  ^-^ 

Ûu  éternel  refpeû  me  retient  arreflé  ,         ^ 

It  me  fait  feulement  adorer  fa  beauté. 

I    »       «  <     .  >        V        •  -.      •  .  ...  ■  •  .     l     P  ' 


THEATRE  FRANÇOIS.      441 

L  Y  s  I  M  A  N. 

Mais  dans  un  grand  refpeâ ,  vous  Tarez  trop  foofiètte  : 
Ceil  yoifs  qui  la  tenez  trop  long-temps  defcouyene. 

ANAX  ANDRE. 
Tu  fçais  bien  que  je  fuis  abbattu  de  Tes  coups. 

'      L  y  S  I  M  A  N. 
Faites-en  toutdemefme  &.  la  mettez  deflous. 

Le  Prince  deTartarie  a  une  longue  cooverladon 
avec  la  Princeflè  qu'il  adore  9  qui  le  traite  avec  beau- 
coup d'indifférence.  Il  confie  fés  chagrins  à  fon  confi- 
dent ,  qui  lui  répond  : 

L  Y  s  ï  M  A  N. 

Ne  vous  eftpnnesf  as  de  cette  humeur 'reyeTdie: 
C4r  de  fon|>.u^elj|ge  dlç  fait  la  déper<;}ie  >  '> 

£t  en  congédiant  un  bien  G.  précieux, 
.     Illai  faut  quelque  temps,  à  iiireles^feux.   '   :  ^-'  '  J 

les  filles  bien  fbuvent  contrefont  les  fôchéés,  .  ;    •»  , 

£t  dans  un  corps  ouvert  ont  des  âmes  cachées. 
Leur  face  n*eft  jamais  d-acc6rd  avec  leutccrur  ; 
Vous  verrez  dans  trois  ]6urs  fi  je  fuis  un  menteur*. 
Les  rideaux  ay^t  mis  ce  beau  Soleil  à  l*Qm|>re , 
lors  elle  gpuflera,  des  délices  fans  nombre  > 
Cherchant  par  fes  baifers  le  plaifant  intered,  \    • 

D*un  morceau  dont  le  nom  feulement  lui  déplaift.  , 

L'on  voit  bien-tot  après  une  fcène  entre  le  Berger 
Ifmin  &Philene,  yvrogne  décidé.  Voici  une  partie 
de  leur  converfation. 

I  S  M  f  N. 

Le  ventre  eft  votre  Dieu  j  mais  celai  que  je  fers 
^c  borne  Cqo  pouvoir  qu'au  bout  de  l'univers. 


44^     THEATRE  rRANÇOlS^. 

P  tt  I  L  E  N  E. 

Votif  merpriibz  9àcchus ,  le  ptenant  pottr  oft  autre  y 
Car  c*eft-tm  Dieu  plus  grand  &  plus  gros  que  le  ^dcrew 

I  S  M  I  N. 

C'eft  qu'amour  eft  fubtil ,  &  que  Baccfaos  efl  gras-]; 
It  l'ua  stfe  de  Parc ,  &  l'autre  n'en  cire  pas. 

P  H  î  L  E  N  E. 

^    l!Q«r  ^Qft^r  yvTffxt&r^x  dan;i  rapoureulc  brèche  , 
Quand  il  cire  de  l'arc ,  nous  y  metcons  la  flèche. 

I  S  M  I  N. 

Tous  faites  de  l'amour  un  difcours  tout  nouvea»  % 
S^aver-vous  bien  pourquoi  l'on  lui  docme  mt  bandeau  f 

F  H  I  L  E  N  E. 

I>D  bandeau  deTamour  ^la  rat^n  eft  bittf  grsoder 

Quand  on  dk  amoureux  i  ç'eft-qu^ilfauc-  que  l'en:J>'^  ^  *-  **^ 


Dans  ta  même  (bène^ceSInteiie  ft^  aîofi  le  por- 
trak  de  ik  makreflfe» 

Elle  a  le  cuI*beaucoup  plus  large  que  hi  bouche; 

Elle  n'a  point^de  denci ,  &  fans  beaucoup  d^effbnsr. 

Me  monflre  quand  fe  y^ux  ce  qu'elle  a  dans  fe  cor{«  ^ 
Indore  qu'elle  vemllc  eftre  touspurs  bouchée , 

J^évice  fon  approche  alors  qu'elle  eft  couchée  ? 

Son^ol  eft  un  peu  long ,  &  Ton  ve^ncre  eft  biengr^nc!* 
"    Quelquefois  en  penfant  Ik  prendre  file  me  preirf"  j 
'.   ilSrarèi  defoo  amour  rend  ma  -face  vetoiefUc*' 

I  S  M  I  N. 

Mais  en£n  dices-moi  Ton, 95>iç. 

F  ^  I  L  E  N  E. 

C'el^labouiQîSew 


Tm4TM  mmÇOJS.      44) 

11  eft  néceflaire  que  je  ^Çe  cpi^PQ|cre  quel  étoitce 
Berger  Iftnîn  t^ç'étpic  Iç  Prjnce  ifl;^rifnie  ,  ^tîi  ^toit 
amoureux  &  zyséi^h  W^m^ik  fibflÎDiie.  Il  L'avoit 
demandé  en  mariage  ^rjËpi^jefir}  fon  pere>  qui  l'a* 

voit  refiifé!  Sf  ^  ^^çf^t  ^§]ém  zM  fiÇméiiSff  ^ns 
les  bois  où  il  s^écott  fiitc  Berger  i  inalgré  tout  (bu 
amour  pour  la  Prinij^eile  ^lîlinc  pestie  défendre  des 
charmes  d&Giurixeiie^#  Bec^cel  Si  ildéikesîen 'faire 
une  occupation  pour  te  diOràire  dé  fon  chagrin.  Cette 
Charixene  avoit  époufS  un  Beèger,  nommé  Sylvain  f 
qui  étoit  imatfflfênt,  elle  felàMètTtbît  Tans  i^érk  du 
mauvais  époux  qu'on  lui  avoit  donné.  Sylvain  Tayan^ 
fnrprife  un  jour  qui  verfoit  des  tàrmês»  il  lui  dit: 

Bon  |ôur  ^  chère  moitié  inpQaiyejixYa(jeiite  i 
Vient  mefler  fâ  criileiTe  avecque  vos  eimuis* 

:  -C -h-..A'R'.i-.x'e-n-  €;:■  *■"  -' 

>l*e(^érez  pas  qu*aiafi  ée  bonCjduC'inè  ddnéente  ; 
J'aimcrois  bcauçft|y?j^4jça,X9^i;^  b9$m€S.a^l^•       .      t 

DequoI  VOUS  plaîgnez-vous ?  car  je  voiisVoîs  changée: 

Vous  forgez  |pncre  moi  des  foudres  dans  votre  oril. 

••    ">,.-.  %.^ .       ,  .  .  ^. 

CHAR  I  X  E>ï  i. 


Au  contrjî^>^ppfgf^, ,i|:  V91W :%'s 9}îljigép.; 

s  Yl-îV  AVIIN. 

Maïs  toutefoip^  jitt]màin>£àm  que  çela.Yoïis  pici|ae  p 
Touche  toutes  totâuîâii^ftrâiidl  inânimcoc. 


444    THEATRE  FRANÇÔis, 

CHARtXENE.  ' 

Vous  pouvez  Taf^Uer  inftrament  de  mufîque  , 
Oii  vous  n^avez  joiié  que  des  doigts  reulemein;. 

*  .  SYLVAIN. 

SI  mes  efforts  font  vaîns ,  mespalHons  font  fortes  \ 
Vous  donnez  trop  de  bUfme  à  pics  fens  refroidis.  ' 

C  H  A  R  I  X  E  N  B.    . 

Voas  ayez  bien  la  foi ,  mais  vos  œuvres  font  txuMtei  ; 
Ce  n*efl  pas  le  chemin  4'aller  en  Paradis. 

S  XL  V  AIN.      . 

AM^ti^  ^  ▼os  beaux  ye\ix'où:ie  reçois  ma  flâme^ 
Mon  ame  travaillée  ftidure  mille  efforts. 

C  H  A  R  î  XEN  E. 

Vous  avez  bien  raifon  de  travailler  de  Tame  , 
N'ayant  pas  le  pouvoiide  Irâvaillet  du  corps. 

•  5-T^l-V  A  I  N^  ■    ' '•     •'" 

AyeZ'Vous  oublie  cette heureufe  journée. 

Où  le  flambeau  d'hyiïieRefçl^rQit  no^rCTâru } 

C  H,A  R.IîX  E  N  E.   .•.;- 

Dedans  levrai  flambeiau  qtir ifert  à  Phymôûfe ;    '^   *    '  ^ 
Je  n'ai  jamais  cogneu  (^e  y g^us  «ulfiez  du  feu. 

SYLVAIN.  .,^ 

Le  mariage  fainû  vous  retient  ^ilTeryie »:•  •-  n  - ^  ^ •  - 
Sci  liens  né  font  pas  r<3mpus  facilement. 

C  riAR  rx  E  NE*.' 

m 


la  mort  romçt  ces  lîeiis;  &  je  vous  croîiîans*vîc  V  ' 
Car  les  morts >  cômitié  Vous  /n'ont  point  de>'mi3iuyeineniù 

S  YXV  A  I  Ni.    2 

Ke  fçavez^ous  pas  bien  que  Tautheur  de  naiois    -  ^  '^-  ^  > 
Neveutpasqu'on^dcfikceiinlilce  qu'ilafaiC'       "o. 


^ 


THEATRE  FRANÇOIS.      44$ 

G  H  A  R  I  X  E  N  E. 

Vous  ne  faites  jamais  un  homme  qu'en  peiilture  i 
Il  yous  faut  feulement  une  femme  en  pourtraiâ. 

SYLVAIN. 

Au  moins  que  ma  prière  à  la  fin  vous  retienne  > 
Et  n'imitez  cas  Tair  ,ce  lé  ger  élément. 

CHARIXENE. 

Ceft  yous  qui  l'imitez  :  fa  région  moyenne , 
Aufli-bien  que  la  yoflre ,  eft  froide  extrêmemexte. 

SYLVAIN. 

Je  yeux  chercher  remède  au  itial  qui  yous  pôlTede  ; 
L*amour  pour  yoflre  -bien  ya  mon  cceur  efchauffant. 

C  H  A  R  I  X  E  NE. 

Vous  portez  dedans  yous  un  fouyerain  remède^ 

Au  moins  pour  m'empefcher  d*ayoir  le  liial  d'enfant» 

SYLVAIN. 

Mon  Soleil ,  youlez-yous  empefcher  que  je  montre 
Sur  yofire  chariot  y  dont  je  fuis  le  cocher } 

CHARIXENE. 

Duy  ',  car  de  Phaeton  vous  recevriez  la  honte  y 
Qui  montoit  comme  vous,  ne  fçachant  pas  toucher. 

irmin  fait  accroire  à  Sylvain  qu'il  connoit  ud  Magi- 
cien »  qui  le  pourra  rendre  habile  au  mariage;  &  liii 
confeille  d'aller  le  confulter  avec  fa  femme  ;  le  Berger 
court  la  chercher  :  &  pendant  ce  tems  Ifmin  s'habille 
en  Magicien.  Le  Berger  &  fa  femme  arrivent  enfem** 
ble  ;  &  Sylvain  adreflant  la  parolp  au  Magicien ,  lui 
dît: 

Otez-mot  de  Tétat  où  mon  malheur  m*a  mis , 
Afin  quVn  embrasant  Charixene ,  je  puilTe 
.Faife^utrtf  chofe  au  lia ,  quq  lui  gratter  la  cuiiïè.   ' 


44^     THEATRE  FRA^l^ÇVîS: 

Ifmin,  par  refpeâ^  dtt-iU  pour  fes  démons  >  les  fait 
toas  deax  mettre  en  cfaemifed  &  ledrâifc  laiifë^  leurs 
habits  à  la  porté  i  il  côtiâbic  Sylvàth  daâs»  un  cabineti 
&  Charixene  dans  an  à'ùti^e;  il  baife  celle-ci  fbaspré- 
texte  d'une  Cérémonie  magique,  6c  lui  ibàniè  là  gorge 
tout  à  Ton  aife ,  en  l'aflurant  que  c'eft  pour  lui  graver 
fur  le  cœur  des  caraâères  néceflaires  à  l'effet  du  char- 
me. Enfuiceil  leur  fait  aivàlèr  à  tous  deux  une  potion  > 
qui  doit  bien -tôt  lê6  pldttgbr  dans  le  plus  profond 
fommeil  ;  aptes  quttt  il  tes  congédié;    Dii  fé  doute 
bien  qu'il  comptoit  incëJftàmment  rejoindre  Cbârixe* 
ne  9  &  profiter  dé  fbh  (bmméil.  Pendant  toutes  Tes  ce* 
rémonies»  Pbilinte  pour  éviter  d'époufèr  Abaxandre, 
iê  fauve  de  la  Cour  de  fon  père  avec  Licafte ,  fon 
confident.  Paflant  enfemble  près  de  l'endroit  où  SyL 
vain  &  Charixenb  aVoieiit  iàiiTés  ieuti^  iiieibfesr  ;  it^  pro* 
fitent  de  cette  occaiibti  pobr  fé  déguifer ,  ils  prennent 
ces  vètemens  r uftiqués  s  '&  laifTént  à  là  pladé  lés  ma* 
gnifiques  qu'ils  pbrtoîéûè.   Le  ÎBergè'r  &  là  Bergère 
font  fort  étonnée  dé  ité  chàti^^^ï^^»  &  VHàiii  fe  fert 
de  cette  drtonn^rice  *,  ^otir  vabtér  îe  JpôuvbiV  dé  iï« 
ch^rniés.  Ils  s*en  vôht  tous  deux  >  &  è*éhdortiient  âivk 
!a  forêt.  L'Émpétéut  kVoit  chVoyé  dès  G&tdes  pour 
lui  ramelîet  fâ  fille  >  *èc  le  complice  tiefe  fbîte.  Ces 
Gardes  rencontrent  Sylvain  &  fa  temmé  endormis,  & 
ayant  reconnu  les  habits  qu'ils  portoient,  croyentqAe 
c'eft  la  Princefie  &   fon  cbnfident  ;  màîè  lés  Voyant 
plongés  dans  un  fi  profond  fommeil  >  11  lés  foupçon* 


THEATRE  FRANÇOIS.      447 

fient  d'èCft  morts.  Ils  apperçoivefat  biën-côt  aprëi  Phi- 
iÎDte  &  LicaftbVqoi  cherchote^c  à  fes  éiieer«  Qà  les 
prend  pour  les  affaffins  de  la  PrincefTe ,  &  on  les  ar- 
f  été  :  on  lëè  tibd'dtlit  tout  de  fuite  a^ec  c^  deux  cdrpt 
^Qe  Von  crdt  nfti):t6  ^  devant  PEmperenr  -y  qui  (ans  èrbp 
èxaniltier  te$  Hlàgs^  f  droit  ià  fille  ihortè  >  &  d^Iol-e 
fon  mul&ettr.  Il  tzk  niettre  en  prifon  Pfaititlte  &  Ëi^ 
cafte  qu'il  tite  ï^connok  pas  >  &  que  par  leurs  v€t^ 
mens  il  pretid  pôar  un  iBerg^r  8c  une  Berger<e«  llfmin, 
toujours  vêm  en  Magicien»  ie  pràehte  àlbts  à  l'Erti- 
|>èrèur  >  &  lui  {^t'ôitDet  dé  rendre  là  vie  â  ces  deux  ca- 
davres i  S'il  veut  M  réràiettre  le  ^Hlbtihier  &  là  pdfôh* 
i^ereu  L'Em^^iHr  y  bénftht>  lOhih  dôhnè  iiii  brëU 
irage  à  Sjrlvaîtt  &  àCharîkenei  qui  les  rfetfre  du  fofr- 
meil  où  ils  étoieét  pion]gés  »  &  emmené  fôhs  tâVdèr 
fe  Berger  i&  là  feérgfere ,  iqù'il  côndaît  bien  vïte  en 
Arménie.  Il  le  &ic  tônnbicré  aWs  à  Philiàte,  &  l'ë- 
jpoufe.  On  apprend  bientôt  après  là  mort  dé  l'fimpé- 
teur ;  8clé Frincé  part  pour  aller  (e  Hiiré  réconnoîtte 
Empereur  d'EthîojSie.  Ceft  aînfi  que  fc  termîhè  cette 
piiece,  dont  la  conduite  n'eft  pas  plus  figé  que  le 
ftyle.  On  né  feràpébt-écre  pas  fâché  de  fçavc^r ,  qu'À- 
naxandre ,  obligé  de  renoncer  à  Philinte  ^  fe  fait  Hér- 

sDÎte. 

1634.. 

LAtAKR'E. 
L  À  C  L  E  6  N  I D  E ,  Tragi .  Comédie ,  PaHorale 


448      THEATRE  FRANÇOIS. 

dédiée  à. M.  le  Duc  de  Luynes  y  Pair  de  France i 
Paris»  TouiTaint  Qainet»  i6}/^.An'S^. 

(  SUJET  DE  LA  CLEONIDE,  )  Eimlien  &  Mar- 
dan  y  braves  Capitaines  de  la  ville  de  Marfeille  y  par* 
cent  pour  aller  hite  la  guerre  aux  Turcs  y  dès  qu'ils 
ont  vu  accoucher  leurs  femmes  :  celle  d*EmiUen  nûc  aa 
monde  un  garçon  ^  celle  de  Marciqn  un0  fiUèè  Fea 
après  leur  départ»  une  pefte  cruelle  ravagea  Mar» 
feille  :  pour  faire  éviter  ce  danger  à  leurs  enfans>ces 
deux  tendres  mères  les  envoyèrent  dans  un  village 
prochain ,  &  ordonnèrent  qu'on  leur  cachât  leur  naif- 
fance  ;  après  avoir  pris  Ces  fages  précautions»  elles 
moururent  toutes  deux.  Ces  deux  enfans»  croilTanteo 
âge  &  en  beauté»  conçurent  bien-tôt  le.pliTs  tondre 
amour  l'un  pour  l'autre  ;  mais  celle  qui  les  élevpit 
s'oppofolc  toujours  à  leur  union ,  &  fidelle  à  la  pro- 
mefTe  qu'elle  avoit  faite  à  leur  mère»  elle  ne  leur  ré- 
Veloit  pas  leur  naiflance  :  il  étoit  afTez  diiScile  dans 
cette  poûtion  de  dénouer  cette  pièce.  Voici  ce  qufi- 
magine  l'Auteur  pour  y  parvenir.  Il  fait  s^triver  dans 
le  village  où  demeuroient  ces  deux  jeunes  amans  i 
deux  vieils  Hermites  à  barbe  blanche.  On  imagiee 
aifément  que  ces  deux  Hermites  étoient  Emilieo  & 
Marcion  »  qui ,  à  leur  retour  de  la  guerre  »  ayant  trou- 
vé leurs  femmes  mortes,  &  n'ayant  pu  découvrir  ce 
qu'étoient  devenus  leurs  enfans  »  avoient  pris  le  parti 
de  fe  faire  Hermites»  Illeur  étoit  arrivé  la  nuit  pré- 
cédente 


THEATRE  FRANÇOIS.      449 

(nidente  >  quelque  chofe  de  bien  finguliér  &  de  bien 
heureux  ;  c*e(l  que  leurs  différences  femmes  leur 
étoient  apparues  en  (bnge  ^  &  leur  àvoienc  appris  que 
ces  enfans^  dont  ils  avoient  pleuré  la  perte,  vivoienC 
dans  tel  village  v  fous  le  nom  de  Celidor  &  de  Cleo- 
nide^  qu'ils  s'aimoient  tous  deux  padionément»  &  qu'il 
falloit  qu'ils  allaiTent  dès  le  lendemain  les  chercher  » 
les  reconnoitre ,  &  les  marier.  Le  rapport  de  ces  deux 
foDges  leur  en  pérfuade  la  vérité  ;  ils  partent  donc 
pour  ce  village  y  où  en  effet  ils  retrouvent  leurs  en« 
fans  9  ils  les  enihraffent ,  &  dès  le  même  jour  lesuniC 
fent  Tun  à  Tautre.  On  trouve  dans  cette  piece^  une  des 
plus  mauvaifes  &  des  plus  mal  écrites  que  j'aye  lues  > 
plufieurs  épifbdes  fort  étrangères  s^u  fujet;  entr'autres 
celles  d'un  Géant  énorme  »  qui  caufe  beaucoup  dm 
frajreur  aux  Bergers  &  aux  .Bergères  >  &  dont  on 
trouve  le  moyen  de  fe  rendre  maitre»  en  profitant  d'an 
inftant  où  il  étoit  couché  tout  de  fon  long  pour  .boire 
dans  la  rivière ,  i!e  fongeant  en  ce  moment  qu'à  étan« 
cher  fa  (bif  :  tous  les  Bergers  fe  jettent  fur  lui ,  Tatta* 
chent  avec  de  grofles  cordes ,  &  l'enferment  dans  une 
cave.  Une  autre  qui  n'eft  pas  plus  intéreflante  9  eil 
celle  d'un  Berger  plus  fat  qu'un  petit  maitre,  qui 
fe  vante  des  faveurs  qall  n'a  pas  obtenues ,  qui  mé- 
prife  les  Bergères  qui  lui  témoignent  de  la  tendrefle» 
&  qui  finit  par  être  lui-même  l'objet  du  mépris  de  tout 
lecantoUê 

Tome  IL  Ff 


Ç^So      THEATRE  FRANÇOIS, 

T 

BENESIN. 

LUCIANE,  ou  LA  CRÉDULITÉ'  BLAMA- 
BLE,  Tragi-comédie,  Paftorale  ,  dédiée  à  M.  de 
Viilemontée  9  Incendant  en  Poicou ,  avec  un  arga- 
iDenc ,  un  éloge  à  l'Auceur ,  &  deux  Madrigaux* 
Poitiers,  Abraham  Monnin ,  1634.  î^^-S^. 

-  M.  Beauchamps,en  parlant  de  cette  pièce,  dit  qu'elle 
^11  rare ,  &  qu'il  n'a  jamais  vu  que  ce  feul  exemplaire. 

(SUJET  DE  LUCIANE.)  Cette  pièce,  dont  la 
(Coupe  refTemble  à  celle  de  mille  autres ,  dont  j'ai  déjà 
donné  l'i^nalyfe ,  eft  fi  froide  &  fi  médiocrement  écri- 
te f  que  je  n'y  ai  pas  trouvé  un  leul  vers  que  je  puiffe 

cker.  Luciane  aimoit  le  Berger  Celidan ,  &  ce  Ber* 
iger  Tadoroit  ;  une  autre  Bergère  t  nommée  Felife  y 
iécoit  amoureufe  de  Celidan^  &  n'en  recevoic  que  des 
mépris.  Pour  fe  venger ,  elle  cherche  à  le  brouiller 
avec  fa  chère  Luciane  ;  elle  va  trouver  cette  tendre 
mais  trop  crédule  Bergère ,  &  lui  perfiiade  que  Ce- 
lidan eft  infidèle  f  &  qu'il  n'eft  occupé  que  de  la  jeune 
Clarice.  Luciane  fe  livrant  toute  entière  aux  toar- 
inens  de  la  jaloufie  ,  à  Tinftant  même  qu*elle  rencon- 
tre le  fidèle  Celidan.,  fans  vouloir  l'écouter  un  inftant, 
le  bannit  à  jamais  dé  fa  préfence.  Ce  Berger  pour  fe 
punir  d'avoir  eu  le  malheur  de  déplaire  à  Luciaoe, 
prend  le  parti  de  s'aller  précipiter  dans  un  fleuve  pro- 
chain :  au  moment  qu'il  alloit  exécuter  ce  funefte  pror 


THE ATRE  TRA ïfÇO IS.       4^t 

Jet  »  il  en  eft  détourné  par  la  compaffiori  que  lui  inft 
{>lre  un  cavalier  qu'il  voit  tomber  d'un  coup  d'épée> 
que  lui  porte  Ton  adverfaire.  Il  joint  le  vainqueur  % 
nommé  Ërafte  9  qui  lui  raconte  que  le  fujet  de  leut 
combat  >  étoit  pour  une  jeune  Bergère  la  plus  belle 
du  canton  9  dont  tout«à-coup  ils  étoient  tous  deux  deve*» 
nus  amoureux  y  &  dont  ils  fe  difputoient  la  poiTefConé 
Après  quelqu'autrè  propos  j   Celidail  reconnoît  quô 
c'cft  de  fa  chère  Luciane  dont  il  s'agit  ;  il  compte  alors 
fbn  hiftoire  à  Ef%(le ,  &  le  prie  même  de  dire  à  cette 
Bergère ,  que  ne  pouvafat  fopporter  fon  ccutroux  >  il 
jiHoit  fe  donner  la  mort.  Erafte  lui  promet  d'exécuter 
(à  commiffion  ;  mais  lui  protefte  que  quelque  cruelle 
que  paifle  être  Luciane  >  il  en  aura  la  jouiflance*  Ils 
fe  réparent  en  cet  inftant.  En  effet , auffitôt  qu Erafte 
peut  joindre  Luciàtie»  il  lui  raconte  la  fin  tragique  de 
Celî4ao«  FéUfe  .qui  étoit  préfente  à  ce  récita  déchi^ 
rée  par  fes  remords  9  avoue  toute  la  noirceur  de  (on 
totrigutS)  &  dévoile  linnocence  du  malheureux  Ber^^ 
ger  :  Xuciane  fent  renaître  toute  ià  xendreilb)  &  fo 
livre  au  plus  affreux  défdpoir.  Cependant  Céridan»  (e 
rappeliatit  les  dernières  paroles  d'Erafte,  &  Cràignane 
jqu'il  ne  Voulût  attenter  à  l'honneur  de  fa  trop  chère 
Luciane^  veut,  avant  de  mourir ,  la  délivrer  de  ce  dan^ 
ger>  &  aller  combattre  ce  téméraire.  Il  va  prendre 
l'épée.  de  celui  qu'il  croit  avoir  vu  périr  de  la  main 
d'Erafte j  il  le  trouve  encore  en  vie,  le  fait  fécouriri 
Hc  loji  emprunte  fes  armes.  II  ya  fur  le  champ  cher* 

Ffii 


43X      THEATRE  FRANÇOIS. 

cher  Erafte  y  il  le  trouve  avec  Luciane;  il  le  combat i 
&  en  triomphe.  Luciane  reconnoit  fon  amant  y  lui  de* 
mande  pardon  >  l'embrafTe  &  l'époufe.  Et  pour  que 
tout  le  monde  foit  content  &  heureux  ^  au  dénoûmeoc 
de  cette  pièce,  il  fe  trouve  à  point  aflez  de  Bergères 
pour  devenir  les  époufes  de  tous  les  Aâreurs  qui  ont 
paru  fur  la  fcène  :  il  n'y  a  pas  jufqu'au  bleflfé  qui  trou- 
ve aulfi  une  femme»  &  qui  fe  marie  malgré  l'état  où 

M  étoit« 

1634*  # 

LE  MATOIS  MARY ,  ou  LA  COURTISANE 
ATTRAPÉE,  Comédie  en  trois  afbes,  en  profe, 
imitée  d'un  Livre  Efpagnol ,  intitulé  :  El  Sagai  ^^^^ 
Marido  examinàdo ,  appropriée  aux  pratiques  de  Pa- 
ris. Paris,  Pierre Billaine,  1634.2/2-8^. 

(SUJET  DU  MATOIS  MARY.)  Lariflc, 
Courtifanne  habile ,  pour  fe  mettre  à  l'abri  de  la  iPo^ 
lice  9  forme  le  projet  de  fe  marier  ;  mais  elle  veat 
choifîr  un  homme ,  dont  elle  foit  (ûre  d'être  la  mai- 
trefle  9  &  qui  ne  trouve  jamais  rien  à  redire  à  fa  con- 
duite. On  lui  en  propofe  plufieùrs  qui  ne  lui  convien- 
nent point  par  différens  motifs*  Enfin  on  lui  vante 
tant  la  patience  &  la  docilité  d'un  certain  M.  du  Pi- 
peau )  qu'elle  s'informe  (i  tout  ce  qu'on  lui  en  a  dit  eft 
vrai.  Un  intriguant  ami  de  ce  du  Pipeau ^  qui,  loin 
d'être  un  imbécille  »  étoit  au  contraire  un  fin  matois > 
qui  ne  fongeoit  qu'à  s'emparer  du  bien  de  la  Courti^ 
tiiào&e»  fe  préfente  à  eUe^  &  pour  la  déterminer ,  lui 


THEATRE  FRANÇOIS.       '451 
iraconte  ainfî ,  ce  qui  écoic  arrivé  un  jour  à  fbn  ami 

avec  fa  défunte  femme* 

^>  Vous  (çaurez  donc  que  ce  bon  corps  d'homme 
9>  donc  eft  que  (lion  >  étant  marié  avec  la  défunte  Lu- 
33  crece^  n'étoit  point  ombrageux  ni  fcrupuleux  com- 
33  me  il  y  en  a ,  lefquels  dès  qu'ils  voyent  quelques 
y>  courtois  courtifans  »  baifer  leurs  femmes  ,  fouiller 
3>  dans  leur  fein  pour  détacher  peut-être  une  épingle 
:>y  qui  les  pique  >  OU  fous  leur  jupe  pour  renouer  leur 
3>  jartiere  y  ou  leur  rendre  quelque  autre  forte  de  fer- 
33  vice  >  fe  fcandalifent  auffi-tôt  >  &  s'imaginent  qu'il  y 
3>  a  du  mal ,  quoique  cela  ne  fe  fàffe  jamais  que  par 
33  amitié;  il  ne  s'ofFenfoic  point  auffi  des  privautés» 
-yy  qu'un  certain  cavalier  appelle  Monfieur  Guilotier  » 
;»  fils  d'un  Tréforier  de  J'Epargne ,  avoit  avec  fa  fem* 
35  me ,  ni  des  fréquentes  vifites  qu'il  faifoit  en  (à  maî- 
»  fon ,  en  laquelle ,  combien  qu'il  fut  de  fort  noble 
3>  extra&ion ,  il  ne  fe  dédaignoit  point  de  fervir  de 
^>  pourvoyeur  &  d'argentier  ;  car  il  la  rendoit  fi  bien 
»  fournie  de  tout  ce  qui  y  étoit  néceffair© ,  qu'on  n'y 
3?  connoiflbit  point  l'indigence  ni  l'incommodité.  Il 
3:>  eft  vrai  qu'il  couroit  un  bruit  que  c'étoit  lui  qui 
3>  avoit  cueilli  la  première  fleur  de  pudicité  de  Lu- 
>D  crece  ;  mais  le  Cavalier  s'en  excufoit  fort  >  &  ju- 
:»  roit  que>  quand  il  y  entra ,  il  trouva  des  traces  qui 
3>  lui  témoignèrent  que  plus  d'une  douzaine  d'autres 
^  y  avoient  été  devant  lui  >  [  &  certes  on  le  pouvolc 

F  f  iij 


4S4      THEATRE  FRANÇOIS. 

>y  bien  croire  ainfî:  car  c'étoit  un  Gentilhomme  fort 
y>  véritable  >  &  Lucrèce  étoit  auflî  trop  habile  femme 
j>  pour  l'avoir  laiiTée  fi  long-tems  fur  la  plante  en  dan- 
3>  ger  de  flétrir.  )  Et  comme  ce  Cavalier  étoit  gran- 
35  dément  afFedionné  au  bien  de  la  maifon  de  Mon- 
»  fieur  du  Pipeau  ,  &  qu'ils  étoient  en  bonne  intelii* 
D>  Hgence  enfemble,  quand  il  avenoit  qu'il  avoit  à  foire 
y^  de  Lucrèce,  (laquelle  fçavoit  un  fçcret  pour  mo- 
D3  derer  une  certaine  infirmité  à  quoi  il  étoit  fouvent 
D3  fujet)  elle  l'alloit  librement  trouver  aux  champs  ou 
yy  à  la  Ville  ;  &  laifToit  quelquefois  Monfieur  duPipeaa 
>>  veuf  &  Concierge  de  fa  maifon  pour  quinze  ou  à 
D5  vingt  jours  feulement,  fans  que  jamais  il  y  trouvât 
>)  rien  à  dire  ;  au  contraire  il  louoit  fa  charité  y  &  le 
a>  foin  qu'elle  avoit  de  conferver  un  fi  bon  ami.  Or  un 
yy  jour  que  du  Pipeau  vit  fa  femme  en  fon  déshabillé, 
D3  &  en  volonté  de  ne  j^oiiit  fortir  du  logis ,  il  prit 
yy  envie  de  s'aller  pourmener  ;  il  lui  demanda  humble* 
y>  ment  congé ,  &  elle  lui  ayant  donné  %  il  s'en  va. 
»  Il  ne  fut  pas  plutôt  hors  de  la  maifon ,  que  ce  cava- 
3>  lier  envoya  un  carofle  à  Lucrèce ,  avec  une  lettre 
3c>  par  laquelle  il  la  convioit  de  fe  trouver  en  un  cer- 
5>  tain  lieu  de  la  Ville  où  il  failbit  une  collation  avec  de 
p>  fes  amis  >  enfans  du  Pérou  comme  lui.  Elle ,  pour 
3>  éviter  l'ingratitude,  s'habille  promptement,  &  fe 
:^3  rend  au  lieu  où  elle  étoit  mandée.  Mais  voici  un 
55  étrange  rencontre  :  Monfieur  du  Pipeau  fut  long- 
ea (ems  ^  çbçrçber  compagnie  ^  Ç2^r  il  n'aypit  pas  tanc 


THEATRE  FRANÇOIS.  45 S 
»  d'amis  que  fa  femme  ;  &  l'ayant  trouvée  ^le  deflein 
33  &  le  chemin  de  leur  pourmenade^  le$  obligea  fans 
3>  y  penfer  à  paHer  droit  devant  la  maifon  où  étoit 
33  l'affemblée  du  Cavalier  ;  &  comme  il  y  avoit  force 
yi  monde ,  &  que  c*étoit  dans  une  grande  falle  qui  re« 
»  gardoit  fur  la  rue  d'où  l'on  entendoic  le  bruit  dç 
D3  leur  paffe  tems,  Monfieur  du  Pipeau  leva  les  yeux 
3>  aux  fenêtres  de  cette  falle  ,  où  il  apperçut  le  cava- 
yy  lier  appuyé  de  côté  auprès  d'une  Dame  f  à  laquelle 
y>  il  manioit  le  fein ,  qu'il  ne  peut  envifager  ni  reco* 
»  gnoiftre.  Il  ne  fit  pas  femblant  de  irien ,  il  pourfqi-* 
3>  vit  fon  chemin  avec  fa  compagnie.  Le  foir  venu  ^ 
yi  &  la  collation  faite  >  Lucrèce  s'en  retourne  chez 
3>  iPe  ;  &  s'étant  deshabillée  &  remife  en  l'état  qu'elle 
»  ^toit  quand  elle  fut  mandée  ^  &  qu'elle  ne  faifoic 
33  pour  autre  confidération  que  pour  être  plus  à  fon 
>»  aife  ;  car  elle  ne  craignoit  rien ,  elle  étoit  ab(blu<i 
yy  ment  maîtrefle.  Voici  le  bon  di^  Pipeau  qui  revient 
>3  de  fa  pourmenade  >  avec  un  vifage  fort  trifte  &  mé« 
30  lancolique  ;  de  quoi  Lucrèce  ne  s'appercevoit  pas 
x>  encore.  Mais  étant  à  table  ^  &  voyant  qu'il  ne  maa- 
»  geoic  point ,  elle  reconnut  qu'il  y  avoit  quelque  cholê 
»  d'extraordinaire  en  fa  perfonne  :  car  c'eft  un  hom- 
->:>  me  qui  eft  fort  fain  f  qui  digère  fort  bien ,  &  qu| 
>»  ne  manque  jamais  d'appétit  :  là-deflus  elle  lui  de- 
3)  mande  ce  qu'il  avoit ,  s'il  étoit  malade  1  s'il  lui  étoit 
D3  arrivé  quelque  malheur  depuis  qu'il  étoit  forti  »  s'il 
x>  avoit  perdu  fon  argent  au.  jeu  >  ou  fa  bourfe  par  les 

Ffiv 


4SS      THEATRE  FRANÇOIS. 

»  chemins  :  mais  voyant  que  plus  elle  fe  mettoit  es 
»  peine  de  l'enquérir ,  &  plus  il  devenoic  muet ,  elle 
»  le  mené  dans  Ton  cabinet»  &  le  menace  de  lui  faire 
3>  mettre  chauffes  bas,  s'il  ne  lui  difoic  vitement  ce 
»  qui  Tobligeoit  de  faire  ainfi  le  piteux  ;  car  elle  le 
33  châtioit  comme  (on  enfant  :  &  lors  en  lui  deman- 
9>  dant  pardon ,  il  lui  dit  :  Mademoifelle  Lucrèce  ; 
»  (car  il  ne  Tappelloit  pasfafemgie)  c'eft  un  poignant 
9»  regret  que  j'ai  dans  le  cœur  de  vous  voir  méprifée 
:»  de  la  perfonne  que  vous  affeâionnez  le  plus  qui  me 
»  rend  ainfi  mélancolique.  ,0!   eft-il  poffible  qu'il  y 
:»  ait  des  gommes  fi  méconnoiifans  de  leur  bonne  for- 
3>  tune  ?  Hé  I  n'ai-je  pas  raifon  d'être  affligé ,  ayant  vu 
^  cette  après -dinée  Monfieur  Guilotier  à  une  fÊlb- 
v>  tre  >  qui  careflbit  une  Dame  ?  Il  me  fâchoit  fort  de 
»  vous  apporter  cette  mauvaife  nouvelle  :  mais  voas 
>9  me  contraignez  à  la  dire.  A  l'inflant  Lucrèce  fit  un 
5*  'grand  éclat  de  rire  :  &  eft  ce  là  toute  ta  fâcherie, 
3)  lui  dit-elle  ?  £b!  gros  (bt  que  tu  es ,  nejoi'astu  pas 
yy  bien  reconnu ,  c'étoit  moi.   Puis  en  lui  pafTant  la 
y>  main  dans  les  cheveux  comme  un  goujart  qui  fe 
a>  peigne,  elle  lui  conta  que  le  Sieur  Guilotier  l'a  voit 
y>  envoyé  quérir,  &  tout  le  refte.  Et  lui,  comme  s'il 
a>  fut  revenu,  de  quelque  évanouiflement ,  fit  un  grand' 
ac»  foupir  :  vous  me  redonnez  la  vie,  dit  il ,  &  me  tirez 
3»  d'une  grande  inquiétude. 

Ce  trait  de  boobomie  détennina  Larifie  ,  &  elle 


THEATRE  FRANÇOIS.      40 

l'époufe.  Dès  que  la  cérémonie  eft  faite  >  le  Seigneur 
du  Pipeau ,  n'ayant  plu^  befoin  de  feindre  9  fe  rend 
maître  dans  la  maifon  1  devient  un  mari  févere  y  fe 
mocque  des  plaintes  de  fa  femme  ^  &  chafTe  tous  fes 
amans. 

» 

Cette  pîece  occupe  elle  feule  un  volume  entier  de 
278  pages  ;  les  Scènes  n'y  font  pas  diftinguées  >  &  le 
Dialogue  en  eft  fbuvent  très  plat ,  &  quelquefois  ob- 
(cène.  Il  y  a  une  double  intrigue  qui  y  jette  beaucoup 
d'obfcurité  :  je  n'ai  rendu  compte  que  de  la  princi- 
pale. 

1634. 

GUYON  GUERIN  DE  BOUSCAL,  de  Langue- 
doc  ,  Confeiller  du  Roi ,  Avocat  au  Confeil. 

LA  DORANISE  ,  Tragi  -  Comédie  Paftorale  en 
cinqades,  en  vers,  dédiée  à  Mademoifelle Margue- 
rite de  Rohan.  Paris  ,  Mabre  Cramoify ,  en  la  Bou- 
tique de  Langelier,  1634.  m-8^. 

LA  MORT  DE  BRUTE  ET  DE  PORClE  , 
OQ  LA  VENGEANCE  DE  LA  MORT  DE  CE- 

SAR  ,  Tragi  Comédie ,  avec  un  Prologue  ,  en  vers 
de  la  renommée,  dédiée  à  Monfeigneur  le  Cardinal 
de  Richelieu.    Paris»  Touflaint  Quinet ,  16^7. 

L'AMANT  LIBERAL ,  Tragi-Comédie.  Paris  , 
ToufTaint  Quinet,  1637.  i«-4^« 

CLEOMENE,  Tragi-Comédie,  Paris,  Antoine 
de  Sommaville  >  1640,  in  4^, 


458      THEATRE  FRANÇOIS. 

DOM  QUICHOTTE  DE  LA  MANCHE, 
Comédie  en  cinq  ades,  en  vers.  PakiS,  Touffaiitf 
Quinet,  1640.  i/i-4^« 

DOM  QUICHOTTE  DE  LA  MANCHE, 

féconde  partie  9  Comédie  en  cinq  ades ,  en  vers.  Pa- 
ris y  Anu  de  Sommaville,  1640.  in  4^. 

LE  GOUVERNEMENT  DE  SANCHO 
PANSA,  Comédie  en  cinq  ades,  en  vers.  Paris, 
Ant.  de  Sommaville,  1641.1/1-4°. 

LE  FILS  DES  AD  VOUÉ ,  ou  LE  JUGEMENT 
DE  THEODORIC,  Roi  dltalie ,  Tragi-Cgmédie. 
Paris,  Ant.  de  Sommaville,  i64z.  i/z-4°. 

LA  MORT  D'AGIS ,  Tragédie.  Paris,  Ant.  de 
Sommaville,  iG^z.  inx^"". 

OROONDATE.  ou  LES  AMANS  DISCRETS, 
Tragi-Comédie.  Paris,  Ant.de  Sommaville,  1645. 

LE  PRINCE  RÉTABLI,  Tragî-Comédîe,  dé- 
diée à  Monfeigneur  le  Maréchal  de  Schomberg.  Pa- 
ris ,  Touffaint  Quinet,  1647.  in-^^. 

(SUJET  DE  DORA^ISE.  )  Cette  pièce  eft  on 
roman  des  plus  compliqués.  Pour  y  comprendre  quel- 
que chofe ,  il  eft  néceffaire  d'y  donner  1^  plus  grande 
attention ,  par  la  quantité  d'Epifodes  abfurdes  qu'on 
y  trouve.  On  peut  dire  auffi  que ,  lorfqu*on  eft  par- 
venu à  débrouiller  ce  cahos  ,  on  regrette ,  avec  rai- 
fon  ,  la  peine  qu'on  s'eft  donnée  pour  y  réaffir ,  c*eft 


THEATRE  FRANÇOIS.      455 

certainement  une mauvaife  pièce,  mal  écrite^  &  dans 
laquelle  je  crois  impolTible  de  découvrir  un  feul  vers 
partable  ;  je  vais  tâcher  d'en  donner  Tanalyfe ,  &  je 
ferai  mon  pofllble  pour^  être  moins  obfcur  que  l'ouvra^ 
ge  y  que  je  défîre  foire  connoitre  à  mes  Le&eurs. 

Criftnte ,  Prince  d'Arabie  ,  &  Doranife  >  Princefle 
de  Chypre ,  s'aiment  mutuellement  ;  mais  leurs  p%- 
rens  s'opppfent  à  leur  union ,  ils  vont  confultçr  POra-; 
çle  9  qui  leur  répond  : 

Voguez  hardiment  fur  Neptune ,  8wC. 

Sur  la  foi  de  cet  Oracle ,  ils  s'embarquent  ;  &  à 
peine  font-ils  en  pleine  mer ,  qu'Us  font  aflaillis  par 
une  tempête  terrible  :  ils  veulent  fe  làuver  dans  Tet 
quif  ;  Doranife  y  entre  la  première  ,  mais  à  peine  y 
eft-elle  ,  qu'une  vague  fépare  l'efqmf  du  vaiffeau ,  & 
cet  efquif  va  fe  brifer  dans  l'ifle  de  Lidie.  Doranife  » 
au  défefpoir  d'être  ainfi  féparée  de  fon  amant  y  &  crai- 
gnant même  qu'il  n'ait  été  englouti  dans  les  flots  9 
veut  fe  tuer  ;  des  Bergers  &  des  Bergères  viennent  à 
fon  fecours  »  flattent  fon  défefpoir ,  lui  perfuadent  qu'el- 
le reverra  bien-tôt  fon  amant,  &  la  détournent  de  fe 
donner  la  mort.  Un  nouvel  Oracle  détermine  Dora^ 
nife'  à  conferver  fa  vie.  Pour  prolonger  l'abfence  de 
Crifante  »  &  cependant  occuper  la  fcèn^  ^  on  voit 
dans  cette  ifle»  des  Satyres»  des  Syl vains  ,  des  Dé^ 
mens,  des  Driades,  des  Magiciens.  Les  Satyres  & 
Jçç  Sylvains,  toujours  arden^^i  veulent  fans  ceffe  vio-. 


4So       THEATRE  FRANÇOIS.  I 

1er  les  Bergères.  Les  Bergers  amoureux  fauvent  leurs 

inaicreiTes  des  bras  de  ces  monftres  ;  les  Magiciens 

jSc  les  Driades  fervent  ou  nuifent  alternaicvement  aux 

Bergers  &  aux  Bergères.  (  J'ignore  quel  a  été  le  but 
de  l'Auteur  d'introduire  cette  foule  prodigieufe  de  par- 
fonnages  épifodiques  :  enfin  ils  y  (ont.  Mais  je  crois 
que  c'eft  en  avoir  afTez  parlé ,  &  qu'il  eft  teros  de 

revenir  à  Crilànte  i  )  qui  par  un  miracle  s'eft  fkuvé  de 
la  tempête  9  mais  qui  eft  tombé  entre  les  mains  des 
Corfaires  ,  qui  ravageoient  toutes  ces  côtes.  Ces  Fi- 
ffUtes  (ont  bien-tôt  attaqués  par  d'autres  :  Cri(knte  com- 
bat pour  ceux  qui  l'ont  reçu  fur  le  bord.  On  croit  ai- 
fément  qu'il  tua  une  douzaine  des  plus  braves  de  ks 
Adverfaires»  &  que  ce  fut  à  fa  valeur  qu'on  dut  la 
viâroire.  Le  Capitaine,  enchanté  de  fes  exploits,  lui 
donne  le  commandement  du  vaiiTeau  ennemi ,  dont 
on  s'étoit  emparé  ;  mais  les  autres  brigands  jaloux  de 
la  préférence  qu'il  venoit  d'obtenir ,  profitent  d'un  in- 
ftant  où  ils  le  trouvent  dans  fon  lit ,  &  le  jettent  tout 
endormi  dans  la  mer.  Heureufement  il  fe  trouve  fur 
un  rocher  où  il  achevé  de  paflTer  la  nuit.  A  la  pointe 
du  jour ,  il  apperçoit  un  vaifTeau  >  il  demande  du  fe- 
eours ,  on  le  reçoit  dans  ce  navire  ;  &  il  reconnoit 
dans  fon  libérateur  Amintas,  fon  Gouverneur,  que  le 
Roi  fon  père  avoit  envoyé,  pour  tâcher  de  le  trou- 
ver. Crifante  ne  jouit  pas  long-tems  de  cette  heureufc 
rencontre.  Une  nouvelle  tempête,  &  plus  furieu(è  en- 
core que  celle  qui  Ta  voit  féparé  de  fa  chère  Doranifc , 


THEATRE  FRANÇOIS.        461 

engloutie  le  vaiiTeau  ;  &  il  eft  le  ieul  qui  aye  le  bon* 
heur  de  fe  fauver  >  fur  une  planche  qui  le  porte  fur  le 
rivage  de  Lydie.  £n  arrivant  >  il  eft  attaqué  par  des 
voleurs  9  il  eft  fecouru  par  le  berger  Orminte  ;  les  vo- 
leurs font  mis  en  fuite  :  ce  Berger  conduit  Crifantc 
dans  fa  m^iibn;  en  y  allant  ils.  apperçoi vent  des  Ber- 
gères pourfuivies  par  des  Satyres  >  ils  volent  à 
leur  fecouru  \  &  les  délivrent.  Il  eft  difficile  d'exprî- 
mer  le  raviftement  de  Crifante»  lorfque  dans  ces  Ber- 
gères il  reconnoit  fa  chère  Doranife.  La  pièce  pou- 
voir finir  en  cet  endroit  :  mais  il  falloit  i^ire  paroitre 
fur  la  fcène  PhiUmante  j  Roi  d'Arabie.  Ce  Monarque  » 
inftruit  du  naufrage  d'Amintas  ^  &  de  plus  en  plus 
inquiet  du  fort  de  fon  cher  Crifànte  y  prend  le  parti 
d'aller  le  chercher  lui-même.  Il  s'embarque  y  &  com- 
me cela  devoit  ètre>  il  fait  naufrage  ^  &  eft  porté 
dans  rifle  de  Lydie.  Mais  ce  qu'otï  ne  pouvoit  pas 
deviner  ;c'eft  qu'un  Magicien  >  fon  ennemi ,  inftruit  de 
ifon  malheur  /  veut  profiter  de  (on  defaftre  >  &  vient 
l'attaquer  au  moment  qu'il  mettoit  pied  à  terre.  H 
alloit  fuccomber  fous  fes  efforts  y  lorfque  Crifante  & 
Orminte  arrivent  à  fon  fecours,  &  tuent  te  Magicien 
&  fa  fuite  ;  ce  Magicien  expirant  veut  prononcer  quel- 
ques mots  ;  mais  la  mort  l'en  empêche.  Une  voix  mî- 
raculeufe  fe  fait  alors  entendre  >  &  annonce  à  Phili- 
inante  qu'Ormlnte  eft  fon  fécond  fils ,  qui  lui  avoit;  été 
enlevé  au  moment  de  fa  naiflTance.  On  peut  aiféflient 
îagej:  de  la  joyç  de  ce  Monarque  y  qui  dans  fés  libé- 


4^1      THEATRE  FRANÇOIS. 

rateurs  retrouve  Tes  deux  enfans  :  il  confent  avec  p1aî<* 
fir  à  Tunion  de  Crifante  avec  Doranife  ;  mais  il  refufe 
fbn  aveu  à  la  pafTion  qu*Ormince  refTencpic  pour  la 
Bergère  Arcemife.  Ce  jeune  Prince,  plus  touché  des 
charmes  de  fa  Bergère  que  de  (a  nouvelle  grandeur  % 
fe  jette  aux  pieds  de  Ton  père ,  &  lui  peint  fi  vive- 
ment l'excès  de  fan  amour  ^  que  ce  bon  Rôi  attendri 
l'embrafle,  &  lui  promet  de  l'unir  avec  fa  chère  Arce- 
mife: mais  il  veut  que  les  noces  fe  faflfent  avec  éclat 
au  milieu  de  (à  Cour,  ainfi  il  les  fait  embarquer  avec 
lui  pour  retourner  en  Arabie.  Et  pour  que  tout  le 
monde  fût  heureux  ,  avant  de  mettre  à  la  voile  f  il 
fait  unir  enfemble  tous  les  Bergers  6t  les  Bergères  i 
qui  s'aimoient ,  &  leur  fait  à  tous  de  riches  préfens. 

(SUJET  DE  LA  VENGEANCE  DE  LA 
MORT  DE  CESAR.)  Tandis  que  Brute  &  Caffic 
rangent  leurs  troupes  en  bataille  ;  Antoine  &  Oâave 
exhortent  les  leurs  à  venger  la  mort  du  plus  grand 
des  hommes.  Avant  que  de  combattre  >  Brute  va  faire 
fes  adieux  à  Porcie  y  fon  époufe.  Voici  une  partie  (k 
leur  tendre  converfation. 

i  p  o  R  c  I  ï. 

Ttt  vas  donc  au  combat  > 

BRUTE. 

La  liberté  m*appeUe| 
Et  je  Tcroîs  content  de  m*immolcr  pour  elle. 
Si  |e  ))ouvois  fçavoir  ma  Forcié  en  te|bOS, 
Loin  des  troubles  que  Mars.  •  •  ^ 


XffEATRE  FRANÇOIS.      46 J 

P  O  iR.  C  1  E. 

Brife  là  ce  propos  : 

Û  choque  ihâ  verta  qui  feroic  ofièaf^c  ^ 

S'il  écoic  approuvé  d'une  feule  penfée 

Quoi  !  Bcute  douce  encor  que  mon  afieâion 

Ke  fbic  pas  au  degré  de  la  pcrfedion  : 

Du  repos  loin  de  lui ,  fans  qui  mêpie  la  vie 

Ne  fçauroic  me  durer  que  contre  mon  envie. 

Ha  î  c'eft  trop  ,  &  ce  coup  me  touche  plus  le  cocur^ 

Que  la  crainte  de  voit  Uollre  ennemi  vainqueur. 

La  fille  de  Cacon  naquit  parmi  les  armes } 

Les  horreurs  des  combats  ont  pour  elle  des  charmes  5 

It  Ton  repos  s*y  trouve  ainfi  qu'en  tous  les  lieox  , 

Où  Bruce  lui  parole  favorilé  des  Dieux. 

Que  le  Ciel  conjuré  fe  range  pour  0£Uye  »    - 

Que  le  Peuple  Romain  demande  d*eAre  cfclavc^  j 

Que  par  ces  changcmens  l'efpoir  te  foit  ollé 

De  rétablir  jamais  l'antique  liberté  y 

Qu'après  edre  banuis  de  noflre  chère  terre  y 

Tout  l'Empire  afleniblé  nous  déclare  la  guerte^ 

£t  que  tous  les  malheurs  accompagnent  nos  pas  j 

Si  je  fuis  avec  toi ,  je  ne  me  plaindrai  pas. 

BRUTE. 

'-  -        «'    •  .  ■  ■  '  '  '    "  ' 

Quepercé^ccent  coups  au  milieu  des  batailles  I 
Le  Vainqueur  in folent  m'arrache  les  entrailles 
Si  tu  vis  pour  chanter  l'honneur  de  mon  trefpas  f 
Fut-il  pins  violent ,  je  ne  me  plaindrai  pas. 

P  O  R  C  I  E. 

•  Que  nos  cruels  tyrans  par  de  nouvelles  gefnes , 
Portent  au  plus  haut  point  leur  rigueur  &c  mes  peines  : 
Si  je  puis  par  ma  mort  t'exempter  du  trépas , 
J'en  aueile  le  Ciel ,  je  ne  me  plaindrai  pas. 


4^4        THEATREfRA  NÇ  OJS. 

BRUTE.- 

Si  je  pouvois  trouver  dans  le  Ton  de  la  guçrre  , 
Avecque  ton  tepos  celui  de  noftre  terre  « 
DeufTe^je  pour  un  feul ,  fou^frir  mille  trépaf  ^ 
Je  ferai  facisfaic ,  6c  ne  me  plaindrai  pas. 

Aprè^  ravoir  quitté  >  il  va  fe  mettre  à  la  tète  d'une 
partie  de  l'armée ,  &  Caffie  à  la  tête  de  l'autre  ;  la 
vidoire  balance  long-tems  entre  les  deux  partis.  De 
Ton  côté/  Brute  eft  viâorieux  ;  mais  Caffie  ed  dé- 
fait :  il  envoyé  demander  du  fecours  à   (bn  Collè- 
gue f  dont  il  ignore  la  viâoire.  Ce  (écours  n'arrivant 
pas  au  gré  de  Ton  impatience  y  &  craignant  que  Brute 
n'ait  été  auffi  mis  en  fuite  >  il  fe  plonge  un  poignard 
dans  le  cœur.    Brute  arrive  dans  le  moment  même 
avec  des  troupes  pour  le  fecourir.   Il  eft  faifî  d'hor- 
reur en  le  trouvant  fans  vie.    Antoine  profite  de  fon 
abfence,  &  défait  le  corps  avec  lequel  Brute  avoit 
triorapTié.  Ce  Héros  ,  voyant  qu'il  n*y  avoit  plus  au- 
cun efpoir  de  rétablir  fes  affaires  >  fe  paiTe  fon  épéo 
au  travers  du  corps.  Dès  que  la  vertueafe  &  tendre 
Porcie  apprend  cette  funeûe  nouvelle,  elle  veut  foi* 
vre  (bn  époux  dans  la  nuit  du  tombeau  :  on  s'oppofe 
à  cedefTein,  mais  envain;  voyant  qu'on  lui  avoit  rari 
toutes  les  armes  qui  pouvoient  lui  ôter  la  vie ,  elle  fe 
jette  fur  des  charbons  ardens  >  les  avale  &  meurt* 
Antoine  &  Oftave  ne  peuvent  reftifer  des  larmes  à  h 
mort  courageufe  de  cette  Héroïne  ;  &  Ces  vers  qu'O- 
ftave  dit  à  AntoUie  >  terminent  la  Tragédie. 

£nfii 


THEATRE  FRANÇOIS.     4SS 

EnHn  grâces  aux  Dieux  ^  nous  fommes  dauf  le  port  s 
Nous  avons  dilfîpé  tes  flambeaux'  du  difcord ,  .  : . . 
Démoli  les  autels ,  &  bafti  nos  trophées 
Sur  le  fanglant  débris  des  guerres  eiloufTces. 
Thémis  règne  par- tout ,  Mars  languit  abbattu  , 
Le  vice  qui  s^enfùit  fait  place  à  la  vertu  > 
Rome  nous  tend  les  bras  9  nos  Couronnes  font  prêtes  $ 
Allons  donc  recevoir  ces  fruits  de  nos  conquêtes  > 
\        AHn  que  nodre  front ,  de  lauriers  ombragé , 
Mondre  â  tout  Tuiiivers  que  Céfar  efl  vengé. 

Cette  pièce  eft  froide,  mais  affez  bien  verfifî^e;  on 
y  trouve  -  deux  récits  de  bataille  »  qui  ont  quelques 
beautés  ;  elle  eft  précédée  d'un  Prolpgue  de  la  Re^ 
nommée ,  qui  efl:  à  la  louange  de  Louis  XIIL  &  du 
Cardinal  de  Richelieu. 

(SUJET  DE  L'AMANT  LIBERALO  Je  ne 
parlerai!  point  ici  de  cet  ouvrage»  que  Boufcalcom-^ 
pofa  de  concerc  avec  Beys  :  le  Leâeur  trouvera  à  l'ar- 
ticle de  ce  dernier,  la  raifon  pourquoi  j'aî  «placé  Tex- 
trait  de  cette  pièce  fous  l'aqnée  1631.  à  l'article  de 
Scuderi. 

f  ...  *  ^  '  ;         ' 

"  '  f 

(SUJET  DE  CLEOMENE.  )  Cléomene ,  Roi 
de  Sparte  ,  chaiTé  de  fes  Etats  par  fes  Sujets,  fe  ré- 
fugie avec  fa  mère  Crateficlée ,  &c  Agiatis  fa  femme 
chez  Ptôlomée ,  Roi  d'Egypte.  Il  follrcita  ce  Prince 
«le  lui  donner  du  fecours  pour  remonter  itir  le  Trône. 
Ftolomée,  qui  eft  devenu  amoureux  d'AgiatiS|  diffère 
tpu}ours  fous  diiférens  prétextes.  Deux  de  fes  Cqn« 
fidens  ,  vils  adulateurs  de  fes  paffions,  lui  confeillent, 
pour  fatis&ire  à  la  foiji  fa  gloire  &  fon  amour  $  ^e 

Jome  IL  G  g 


466      THE  A  TRE  FRANÇOIS. 

donner  des  troupes  à  Cléomene^  &  de  retenir  auprès 
de  lui  Agiatis  y  comme  un  gage  de  fa  fidélité.  Ptolomée 
y  confent;  mais  ces  mêmes  confident  ^  jaloux  de  la 
confiance  que  Ptolomée  témoignoit  à  Magas  (on  frerei 
veulent  perdre  ce  PrinûS  &  rendre  fiifpeâe  au  RoifoD 
amitié  pour  Cléomene.  Enfin  à  force  de  calomnies, 
ils  déterminent  à  faire  mettre  en  prifon  &  CléomeDC 
&  Magas.  A  cette  nouvelle  ^  Agiatis  vient  demander 
au  Roi  la  liberté  de  fon  mari.  Le  Roi  la  met  à  un 
prix  qui  ne  peut  convenir  à  la  vertu  d'AgiatiSj  illa 
prefle  encore ,  &  elle  lui  répond  : 


AGIATIS. 

J*ai,ine  mieux  fon  malheur  que  ca  bonne  fortune, 

Puifqu'il  doiccermoigner.  à  la  poiléricé 

Vcxcès  de  mon  courage  9  &  de  ca  cruauté  s 

Sdule  y  foulç  ces  yeux  de  l'obiec  lameiicable  y 

De  l*tiijt<Ac  trépas  d'un  Prince  mifjêrable  s 

Comprends  dans  fon  arrefl  ^  &  mes  enfàns ,  &  moi» 

Mais  fçache  que  le  Ciel  eft  au-dcffus  de  coi^ 

Qu'il  fçait  venger  le  fang  qu'on  verfe  fur  la  cerrtf  , 

Que  c*eft  de  Ces  vapeurs  que  fe  ,fai&  la  tonnerre  s 

It  qu'enfin  rinjuftice  ,  ôc  rinhùmanicé, 

Trouvent  Ic^châtimcnt  qu*elle8  ont  mérité. 

Adieu  y  va  ^ulqu'^it  bout  >  oppriwç  ^innocence  : 

Nous  ]^/ouvons  manquet  d'hçur ,  mais  non  pas  de  confiance. 

Agiatis  n'ayant  pu  rien  obtenir  de  Ptolomée ,  fc 

tue  ;  Crateficlée  fuit  foti  exemple.  Les  deux  fils  de 

'  Cléomene  fçachant  le  rnalheur  de  leur  père ,  &  ré- 

^  moins  de  la  fin  tragique  de  leur  mère,  fe  jettent  par 

"  ttnc^  fënétre,  &  meurent.  Cependant  Cléomene  qui 


THEATRE  FRANÇOIS.       4^ 

ignore  toutes  ces  cataftlrophes  y  fe  fauve  de  fa  prifon  ; 
&  ayant  raiTetnUé  les  Spartiates  qui  l'avoient  feivi» 
fe  met  à  leur  tête  &  rend  la  liberté  à  fen  aim  Ma'gas» 
Celui-ci  va  fur  le  champ  trouver  fon  fréré^  pour  tâ- 
cher de  le  fléchir  ca  faveur  de  Cléomene,  Pendant 
ce  tems-Ià>  les  deux  perfides  tonâdens  ayant  raffem- 
blé  les  trpupes  Egyptiennes ,  font  attaquer  Cléôme- 
ne;  le  Capitaine  des  Gardes  de  Ptolomée  lui  vient 
faire  ainfi  le  récit  dé  ce  combat» 

ORNANTE. 

'   Après  que  G^omene 
Zut  fait  toos  (a  eflbrts  poar  délivrer  Magas, 
£t  que  de  tdiis  les  fîiens  H  eut  fceu  te  trefpas  y  '      . 

Se  tournant  vtfs  (és^^Hi  qui  le  li]ivo1enx'{^iis  ^(^^ 
Il  leur  dit  qu'il  fellbît  s*arracfter  de  U  prclTc ,        - 
Ft  foudato  s'dflançanraattavcr^dèS'SblcIàti '' 
Qui  l'avoi  mt  entdùVé ,  par  l'effort  tié  foù  bi'a  J    ' 
»  fe  fît  faire  jout  V  ^  ^t  jfÂirfiedrs  en  faite,  << 

£t  fauva  du  péril'fa  perfo^ine /&:Tàr  fuhe. 
Noi  plus  vaillaris  gûcrtîcrs  cfptôfovent  fa  fottur; 
Ici  tombe  OHrifêrsht  -,  8c  là  le'Gorrvcrntur; 
Une  grefle  de  tratt»  fotti  eh  valu  fur -fcSTaitafer, 
Ils  femblent  repoa  ((h  ^at  ià  fbrce  dUs  '  chatnltfs  : 
Là  lesMns  afluroîttit  xju'iî  efttrit  nWriïorte! ,  ' 
Les  autres  dans  letir  cif  ùr  lui  drelfoKnt  un  âiitd  ^ 
Et  vos  cheft  arotënt  peur  qu't^iV  ce  ^cÂ"e!>ctrêriie  ,  ' 

Le  peuple  fe  toumailptxàrlul  coifcre  yous-noiêmè  ^ 
Chacun  en  mutmurbîrj  nwrls'tnifinfcor  pouvoir 
Rangea  tous  les  tmit^H'llut  xtrtàéi  dû'dcvoir. 
Cependant  Cléomrné  ejfho^oit  fds  Oendahnes 
A  fe  faire  mourh  avec  Ifeàrs  propr-s  armies  t 
Mouibns,  leur  difôitH^  ^luftôft  ^c  dé  fduffHr 
Qu'un  vainqueur  ait  pôûVoU  de  iiwi  Msc  mourir. 

Ggii 


4.6$      THEATRE  FR  ANC  OIS, 

Sauvons  Thonncur  de  Sparte ,  &  monftrons  â  îa  terre 
Qull  n*c(k  permis  qu'à  txoas  de  nous  v^ncre  àià  guerre  s 
Que  nous  f^VoUs  parer  tout  le  refte  des  coups  , 
£c  qu'ilVeft  deu  qu'à  nous  de  triompher  de  nous. 
Il  dit,  &  tous  les  Hens  approuvant  fa  harangue  » 
firent  faire  à  leurs  mains  Toffice  de  leur  langue  , 
S'eflanccnt  l'un  fur  l'autre  j  &:  lçur$  nobles  fureurs 
Confondent  les  vaincus  avccques  les  vainqueuis. 
Kipotas  ïe  premier ,  tranfportc  de  colère  , 
Enfonce  Ton  poignard  dans  le  fein  tle  Ton  frère'. 
Sur  le  point  que  Mégj^e ,  imitant  ^a/ureur^^  ; 
/    Xui  donne  un  coup  d*efpée ,  &  lui  perce  le  cœur. 
Chacun  court  à  la  mort,  perfonne  n*yTé{îAe  i 
Xuphôrbe  impatient  fc. jette  fucMégifte  y 
Tous  deux  tombent  à  terre  ,  &  le  plus  âjct,  des.  ^ja:i  . 
Saute  fur  le  plus  foibjie ,  &  le  prend  4UX-chcyc^^  ,  , 
Puis  hau^ànt  ron.eipce  à  frapper  toutjS^prefle  » . . 

e  coup  mortel  d'un  autre  qùi-Varrefle. 
£n  moins  d'un  tourne^roain ,  Cltfarqt&e.  tout  jpercc  . 
Tombe  fur  Polémas ,  que  Piile  a  i;e^aflef 
Mégiftoune  fur  Pi^e ,,  ^r^  fu^ ,  Még^qnne  ,. , 
£t  la  mort  à  l'envt  fe  te^pit ,  &.fe-çl^QQe.v 
Cléomene  ei^  riant  préOpjpjce  alors  fon  iein  9 
Mais  chacun  en  deAouuie  ^  le  fer^Ôc  ia,main.r>  . 
Quoi!  dit-il,  mes an^i$),fuis^ je aiïçzmi&rable  .. 
Pour  ne  pas  mériter  une  mort  honorable  i  . 
A  moi,  mesCoippi^noxu,m^s;Ço|npagpens  à  moi: 
frappez ,  frappez, fai?^,  p^r ,  Çc;  |aqy^  yç^ftf e  R^ou 
A  ces  mots  ,,,^Qiuslç8:fif3i?.rei?i|b^aAtl«^^i?owr^^ 
Scmbloicnt,%  préparcjr  .Xxf;X^içi^3Lfit;,h9mm^S'^  > 
Quand  le  plus.avanx:é  luidpnnaii^  daW,le  flanc  p 
Arrcfte  leur  et^yje^  &  rçQpandce^,bejUi4iU^g*;    ■>■■ 
Ce  coup  hade  la  Au  de  ce  combat  funcfte.»;  . 
C  léomcne  en  tombanç^  fait  tombçjc  ijout  le  rçfte , 

T.t  dans  moins  d'u^  iÇ^fl^.c  >P.i^  Y^^f  5i9H!>iÇ^;&^f^'^^# 
Accableifovij5lp,fe|i|46ifju>,pfpp^^4aHîiei;se   ,  ; 


"N 


îAînfî  leur  défefpoir  a  fait  fiins  rc/îftaiice ,          '    ^  - 

Ce  que  û'avoic  pas  pn  tôitte  néftre  piàÂksce ;  :  ^ i.: ^r: '  i 

AinfilcRoyudfij^part&cnccnoblccwirjçDux,    .    .  |             ... 
Triomphant  de  lui-même ,  a  triomphe  de  nous. 

L*on  a  veu  fur  le  champ  un  ferpent'efFt'oyâble'  ^  ^  i  f^» 

S'eftendre  fur  le  corps  de  ce  Roy  miferable  i  .    tj 

.%t  quand  quelques  Soldats  vouloient  s'en  apt>iJoclier  ^  - 

Taire  tous  fcs  éWom  pour  les  en  cmpefche^.        ^  ,    /        f-  'i 

Tout  le  peuple  s'alTemblc ,  ôç  ce  nouveau  fpcûaclc  >  r  =  t 

.  JPar  les  plus  avife^  ^ft pfis  pour  t|n  miracle  j  .  .. ,  .   ,  .    .      .  .  ' 

Wcfme  on  croit;  q^c  les  Dieux  veulent  venger  la  morÇ  .       .   * 
De  ce  Roy  malheureux  qu*on  accufoît  à  tort  5 
Un  murmure  confus  par-tout  Ce  fait  cntcndte, 

.-111*  -  .  #  ^ 

On  parle  de  Magas ,  &  de  ne  plus  attendre  , 

It  je  pars  à  rihftàrit  ^our  vous  en  advcrtir.  ' 


En  efFet  i  Maga»  paroic  >  accable  Ton  frère  d<^  re<* 
proches  :  Pcolomée  çr^nt  qull  nç  vienne  lui  rav^rh 
Couronné  ;  tùsAs  Magas  le  raffare ,  &  lui  dit<  qu'il  ne 
i^eut  point  l'imiter  ilahs  fès  crimes,  &  qu'il  fçait  tro^ 
le  refpeâ:  qu'il  doii  à  (on  frère  &  à  fon  Roi  ;  enfuice 
il  lui  montre  un  poignard  :  Ptolomée  lui  demande 
)jud  ufage  il  en  veut  faire  ;  il  lui  répond  : 

> 

'  f  înîr  d'uo  mcm0  coup  ttiâ  vîc  &  ma  mîfere, 
ït  par  cette  aûion  te  laifler  des  remords ,  • 

—  Qui  te  faifeiit  fans  cedè  endurer  mille  morts  $  '  *. 

Adieu  barbare  ,  adi^u  $  ry  9  tyran  fanguinairc  f  i  '  -^ 

%t  règne  déformais  fans  avoir  peur  d*un  frère» 
Cependant  ne  crains  pas  qu'un  peuple  révolté ' 
Puniffe  les  effets,  de  ta  jncchanceté  i    .  ^ 

Je  m'en  vay  Tàppaifer ,  &  te  tirer  de  peine  y*  ' 

It  puis  )*iray  mourir  aupcés  de  Cléoftiencr 

G_  ••• 
g  >'j 


\ 


470:       TUE  dT  R  E\  F&y^NÇ  O IS: 

Ptolomée^  livré  à  M-içèmej)  i^lènc  déchirer  pa(^  kf 
remords  9  &  déplore  le  ^alheoff-qu'iLa.  eu  dis  (e  livrer 
aux  perfides  coniêib  de  fes  deux  inâmes  confidens» 
qu'il  chafTe  pour  jamais  de  ùl  préfeoçe. 

Cette  [ûece  m'eft  pas  facis  mérite;  il  y  ^  cepeodant 
un  grand  défaut  >  c'eft  que  (e  rôlei  de  Pedomée  n'eft 
pas  décidé  :  il  con^met  bien  des  crimes ,  &  il  a'ce« 
pendant  des  vertus  ;  c*eft  lin  Pifince  fôibte  qui  fe  Ifvre 
aveuglément  aux  cpnfeils  de  ceux  qui  fçavènt  adroi- 
tement  flatter  fespaffions:  fouvent  on  l'abhorre»  quel- 
quefois on  le  pl^intt  Enfin  Ton  voit  clairement  que 
ee  font  Tes  deux  confidjen;;  qui,  ont  corcotp^pu  (bu  a^i 
&  ces  confidens  ne  font  pas  alTez  punis. 

(SUJET  DE  DÔM  QUICHOTTE,  première 
Partie.  )  Le  roman  du  fauHeûx  Cervantes  eft  trop  con^ 
nu ,  pour  éxigen  que*  }e  hfk  qb.  1^1%  d^il.  de  cet.  on' 
vrage; ,  &  de^.  deux  pièces  C^i^^y^^^  Bm(çilA  mis  ea 
aAion  quelques  exploits  d.H  Héi;oj^  çle  la  Manche  &  de 
fbh  Ecuyer,  &  les  autres  feulement  en  récit.  Malgré 
h  gaieté  du  fujet,  la  plupart  dès  fcènes  font  froide  £r 
languifTantes:,  quçiqu'àueac  bien  écritea.;  la  vecfifica-M 
tion  en  eft  aifée  >  &  l'Auteur  n'a  point  abufé  de  la  li- 
cence que  l'on  fe  donpoit  ençpjTjÇ  >  4^  fe  fervir  des.ex- 
preffions  les  plus  libres  :  en  toutiL, quoique  je  neçroye 
pas  qu'on  puiiTe  faire  aucun  ii^ge  pi,  tirer  aucun  parti 
de  ces  trois  pjeceSi ,  ellqfi  Uje,6^.  çu  I^^n9  mérite» 

Càrdenio  &  Fernand  s'^tànt^  raccommodés  avec 
leurs  maîtreffes ,  veulent  poqr,  s'amufec  profiter  de  la 
folie  de  Dom  Quichotte  &  deSaucfaoi  Dorothée  fe  f4it 


THE  A  TRÊ  FRANÇOIS.       4yi 

lafllër  pour  la  Àeioc  de  Micomicoo^  &  vient  implo- 
rer le  fecours  da  brate  Chevalier  y  qui  lai  promet  de 
a  remettre  bien-tôt  for  fbtr  Trône,  Lat  fourberie  eft 
>rète  à  fe  découvrir  :  Sancho  ayant  apperçtr  Dom 
7ernand  embrafler  la  prétendue  Reine  f  il  en  vient 
endre  compte  à  Ton  maitre  %  en  préfence  de  TEcuyer 
le  cette  fauffe  Princeffe. 

SANC'HÔ. 

Monfîeur ,  vous  pouvez  bien  me  donner  votre  lance  ^ 
£c  temeccce  à  l'arçon  I^armec  ou  le  baffîh.   ' 

D  O  M    q  U  I  C  H  O  T  T  î.         . 

Tourquoy?  

SANCHO. 

Parce. 

DOM    Q,U  I.Ç.  H  O  T  T  £• 

R.efponcU«  * 

SÀKCHO. 

l'advencure  eft  â  fin* 

t-t  Heîne  efl  facisfàite ',  &  dans  <tet'té  caVerhé  « 

Dieu  fçait ,  6i  nous  auYfî  ^  comme  elle  fe  ^uvetne* 
Un  jeune  Chevalier  lia  ûenc  entre  Ces  bras. 
Qui  lui  parle  d*an;iour  ,  la  baiie  à  chaque  pas  ^ 
Ille  le  baife  auifî  :  bref,  ce  font  des  merveilles» 

V  ES  CV  V  %X. 

Vous  pouvez  vous  tromper,  " 

•Ô  O  M    Q  U  I  C  H  OT  t  Éw  -' 

Croicay-je  i  mes  oreilles  7 

S^  A  N  C  H  Ô. 

Monfeigneur  l'Efcuyer ,  croyez  que  pour  ce  poînâ 
J*ay  des  ysux  clairvoyaas ,  6&  qui  ne  trompent  points 

G  g  iv 


4JX      THÊATRB  FRANÇOIS. 

•     Voftrc  maîtrelle  a  tort <i'abufer*éc  mon  maître. 
Et  s*U croit  monçconfeil  9  it  vous  fcira.çoglioîcre.. 

D  O  NU  Q  U  I  C  H  O  T  T  E. 

Ttifez  Vous.    .       , 

S  A  N  C  H  6. 

J^e  ne  puis ,  c*eil  un  trop  làfche  tour^ 

'   L'  fe  S  C  à  Y  E  a. 

Vous  vous  eCchiuScz  trop.  '        -  ' 

S  A  N  C  H  O. 

Perdre  uneJfle  en  un  tour  l 

<-■•■•  ,  ..  -  . 

Euflîez-vous  plus  de  barbe ,  &  fuft  voaje  vifage- 
Moins  femblable  à  celuy  d'un  Barbier  de  village  , 
Que  |e  cognois^  fort  bien ,  rou^  apprendrez  enfin 
QuevS*attaquer  à  nous ,  ce  n*eft  pas  eftre  fin  > 
Itqucvoilrcmaîtrefre.*       '  ^  *'   '''  ' 

L'  E  S  C  u  y  i:  R.  * 

»     r    .  '     •  ^ 

Ah  î  vous  dCvftez  vous  taire» 

D'une  Reyne* ...  •.;... 

SANpîip., 

Elle  reilaudîpcu  que  ma  mère. 

I>  O  M    QUI  Ç  H.  O  T  T  £• 

.  •  Quel  démon  t*a  féduit  i 

A  me  faire  un  drfî^Ôiks  qui  te  perd  &  me  nuit  S 
Rcfponds ,  traiftre'.' 

«  A  N  C  H  Q.    .1 
J'ai  veu.  ' 

'  D  Q  M    Q  U  I  Ç  H  p  T  t  iS. 

*     •  Tu  çerfifles  !  / 

S  A  N  C  HO. 

N'importe, 
7'ay  veu  ce  que  j'ay  dit^  ou  le  Diable  m^emporcc. 


THE  AT  RE  FRANC  O IS.      475 . 

ït  VOUS  me  faites  tort  de  me  traiter  ainfî  : 
Mondeur  qui  la  baifois  vous  te  peut  dire  auHi , 
*  Et  ces  aut^e^Meifîeurs ,  qui  Tauront  veu  fans  doute  ; 
Car  ils  eftoient  préfens.  • 

La  Reine  qui  farvîent  9  ne  paroît  point  troublée 
de  cette  accufàtion  ,  &  rejette  la  prétendue  viGon 
de  Sancho  fur  le  Magicien  ennemi  de  la  gloire  du 
Chevalier  :  if  en  cft  bien-tôt  perfuadé,  &  brûle  d'im- 
patience de  ;partir  pour  mettre  fia  à  cette  aventure. 
C'eft  ainfi  ^a'il  s'exprime  à  Sancho. 

D  o  M    Q  U  l\:  H  o  T  T  E« 

DeslÀ  dr routes  pafts  la  terre  dk  éclairée  , 

Apollon  a  quitté  la  couche  de  Nerée  >  , 

^     Les  EAoilçs  de  peut  fe  cachent  à  nos  yeux , 

Sous  un  épais  manteau  de  la  couleur  des  cieux  $ 
.  ,  ïl  fcmble  qu'au  Commet  les  montagQes  s'allument» 

Que  les  bois  font  dorez ,  &  que  les  plaines  fument. 

Desjà  les  laboureurs  meinent  leurs  boeufs  aux  champs  , 

Tous  le? cocqsdti logis  ont  achevé  leurs  chants*,  ■  ^ 

Mille  oifeaux  éveillez  ,  d*une  voix  raviflante  > 

Saluent  à  Tenvi  la  lumière  naiiïante  , 

'L*ombre  s*efvanouit ,  la  clarté  fuit  fes  pas , 

£c  bref  9  il  efV grand  jour  &  nous  ne  partons  pas  \  '  > 

S  A  N  G  H  O. 

Desjà  dedans  Seville  à  la  place  publique , 

On  entend  jargonner  maint  courtcaut  dd  boutique  ^ 

Desjà  Ton  voit  trotter  nombre  de  crocheteurs , 

De  pages ,  de  laq^uais ,  &  de  folliciteurs , 

It  desjà  maint  bcuveur ,  pour  foulager  fa  telle  , 

Dedans  le  cabaret  prend  du  poil  de  la  befte  : 

Ici  dans  le  logis  tout  le  monde  èft  debout  y 

la  maicreiT^  a  foufflé  les  chandelles  par-  tout  ^ 


'4y4      THEATRE  FRANCO IS^ 

L*bofle ,  les  bras  crouflez ,  &  le  bonnet  en  tefte  , 
Gonfle  du  bouc  du  doigt  les  faulces  qu'il  appccAfti 
Desjà  le  marmiton  commence  de  couper 
*     La  cuiile  d'un  poulet  qui  reila  du  fouper  ; 
Des) à  de  cous  coflez  les  poules  débuchées 

Voue  becqiier  près  du  cocq  pour  eftre  recherchées^  , 

La  plufparr  des  pigeons  ont  desj^â  pris  VcSar  , 
Le  vacher  a  donné  le  dernier  coup  de  cor , 
La  tniye  &  Tes  cochons  vont  fouiller  dans  la  plaûui 
Rodînance  &  grifon  ronflent  après  l'aveine  y 
Piuftod  qu'après  le  |nur  de  nos  fanglans  conf(>ats; 
It  bref  9  il  eft  grand  jour  ,.^  nous  ne  partons  p9S  t 

En  même  tctns  la  Comteffe  Trifelde  vient  fe  jcttcr 
aux  pieds  da  Chevalier  >  &  implore  fou  fecoiks  con- 
tre le  Géant.  Malerobrun  >  avec  ht  permiffion  delà 
Reine  de  Micomicon  >  avec  qui  il  étoit  engagé  ;  il 
monte  fur  le  cheval  de  bois ,  ayant  ion  fidèle  Sancho 
en  croupe ,  dans  l'intention  d'aller  combattre  le  Géant. 
Et  ils  ont  enfemble  cette  converfatioo. 

V  LAC.    TRIFALDE. 

Des)  à  vous  fendez  Tair 
Plus  vifle  qu4  les  traies  qui  partent  du  tonnerre  ; 
Sanche  ,  tenez*vous  bien ,  vous  panchez  vers  la  terrée 

DOM    QUICHOTTE. 
Ne  me  ferre  pas  tant. 

S  A.  K  C  H  O. 
A  ee  que  je  pois  voir  ^ 
Nous  irons  doticcment. 

FERNANDE. 

Gatdc-toi  bien  de  cheéitp 


THEATRE  FRANÇOIS'      47i 

■m 
m 

Valeureux  Efcutf  et  >^af:  Cms  idoute  U  çheive 

Du  baftard  d'Apollon  qui  fit  la  culebuce  9 

Du  zodiaque  en  ba$  9  fut  moindte  mille  fùî$ 

Que  la  tienne  arrivant  des  lieux  oit  je  te^vois  ;  ^ 

Infin  TefloigneiTient  vous  cache  â  noflre  veue^' 

Vous  votez  à  préfent  ai^-deiTus  de  la  nue  \ 

Allez ,  allez  en  paix  ^le  Ciel  guide  vos  pas. 

S  A  N  C  H  O. 

Si  nous  Itions  (î  l^auts  qu'ils  ne  nous  viilent  pas, 
Le$  pourrions-nous  entendre  ^ 

t>  OÙ    Q  U  I  Ç  H  b  f  t'  Ei- 

En  pareille  adventure 
La  magie  travaille  ,&  non  pas  la  nature  i  * 

C'eil  pourquoi  je  veux  oroirç  »  ^  ciefi^  pour  ^euté  ^ 

Que  noue  fommes  bien:  près  di^  plancher  azuré. 

F  E  R  N  A  N  D  E ,  *tf ^. 

Donnez-moi  ce  flambeau. 

D  O  M    Q  U  I  C  H  O  T  T  E. 

Bon  Dieu  !  quelle  lumière! 
Serions-nous  près  du  feu-  qui  brufle  fans  matière  ? 
As-tu  rien  defcouvert  > 

$  A  N  C  H  Q.  1 

Ji^a.barbe.çfl  toute  en  feu^ 
Je  veux  i^érohiment  me  defcouvrir  un  peu. 

E  E.  RN  AN  P£  fi  rtikant  & bds^  ,  % 

Il  fe  faut  reculer.  . 

DOM    QUICHOTTE* 

Garde-toi  de  le  faire. 

^S  A  N  C  H  O. 

Ma  foi ,  je  le  felf>is  s'il  étoit  néceffaire: 

£n  deulTai-je  niourir  :  mais  je  ne  fçai  comment 

Au  itavçrs  mQH  bandeau  je  rois  parfaitemcat. 


^47^^      THEJTRE  FR'Al^ÇOISi 

« 

D  O'  M    Q  U  I  C  H  O^T  T  £. 
Tu  7ols  patÊûtemoiic ,  2c  que  yoûj-tu  s 

S  A  N  C  H  O. 

Merveille^ 
Maïs  dont  la  nouve^i^uté  n*eut  jamais  de  pareille  'j, 
La  ceire  comme  un  pois.  ^ 

C  A  R  D  E  N  I  E  Bas. 

Ecoutez  comme  il  ment  f 

DO. M    Q  U  I  C  H  O  T  TE. 

Ke  defcoutres-tu  point  fut  ce  bas  élément 
Des  Villes  ^  des  Châteaux  > 

'  S  A  N  C  H  O* 

Non ,  mais  bien  pjudeurs  hommes^ 

D  O  M    QUICHOTTE* 
^e  paroiflent-ils  gros  i 

S  A  N  C  H  O. 

r  • 

Pas  plus  gros  que  des  pommes» 
DOM     QUICHOTTE. 
Sanche  9  TOUS  vous  trompez.    .. 

«'  S  A  N  C  H  O. 

le  ne  me  trompe  point  j. 
Ce  que  je  vîenide  dire  eft  vrai  de  poinft  en  poinâ« 

FERNANDE  bas.  .^ 

Quel  mcnteuf  ^bfiinc  !  I         :  '  . 

DOM    QUICHOTTE. 


j . 


Pourtant  fî  Sançhe  n'erre  j( 
Il  eft  bien  affeuté  qu'il  ne  voit  point  là  terre  ; 
Car  cftant  coihme  un  pois ,  il  eft  tout  évident 
Qu'un  feul  lion^zoc  la  cguvie  étant  beaucoup  plus  gtaud^ 


THEATRE  FRANÇOIS.      i^jjl 

F  E  R  N  AN  D  ^  bas. 

Xe  menteur  efl  furpris. 

S  A  N  C  H  O.       . 

£c  pourtant  il  me  femble 
Qu'une  pomme  8c  des  pois  Te  peuvent  voir  enfemble  } 
Croyez  ce  qui  vous  plaift ,  mais  fed  la  vérité  : 
Je  voy  le  monde  entier  par  un  petit  cdté.  ^ 

Les  fulëes  ayant  fait  éclater  îe  cheval  >  Dom  Qui* 
chotte  &  Sanchq  tombent  à  terre  >  &  l'on  perfuade 
au  Chevalier  qu'il  a  mis  à  fin  la  plus  terrible  aventu- 
re. Il  fe  retourne  alors  à  la  Reine,  en  PaiTurant, qu'il 
brûle  d'impatience  d'employer  (es  armes  viâorieufes 
à  ion  fervice;  c'eft  àinfi  que  fe  termine  la  première 
pièce  de  Dom  Quichotte. 

(SUJET  Ï3E  DOM  QUICHOTTE , deuxième 

Partie.)  Cette  pièce  commence  ainû  :  Dom  Quichotte, 
étant  de*  retour  dans  Ton  village  ^  &  fe  prépacant  à 
partir  pour  de  nouvelles  expéditions  9  il  veut  déter- 
miner Sancho  à  lé  ftiivre  ;  celui  -  ci  s'y  rend  t  n^is  il 
lui  fait  part  de  quelques  objeâions  que  lui  a  fait  fa 
femme.  Voici  la  fcène  qu'ils  ont  enfemble. 

s  A  N  c  HE. 

Enfin  après  avoir  querellé  bien  des  fols , 
3'ai  difpofé  ma  femme  à  ce  que  je  Toulois  ; 
Illc  ne  fe  plaint  plus  de  voir  que  je  la  quitte. 

DOM     QUICHOTTI. 

^oi^ipouvoj^  dc^cpAttlr. 

,        ,.         «AN  ÇH.E.' 

•  '                  *     .  ■■-■■>■        '  ■     ] 
NonpaseBcor  11  yifles 


"478       THE  A  TRE  FR  ANÇOÎS. 

lUe  m*a  confeilfê  quVu  moins  â  tout  hazard 
J'efcrivide  avec  vous  avant  notre  deipairt  » 
Et  qùoy  qu*on  puifîe  dite ,  on  eft  dignre  de  blâme 
De  mefprirec  touftoms  les  conferis  d*^une  femme  i 
la  mtcbnetn  icec  endroit  parle  avec  jugébiâic. 

DO  M    QUICHOTTE. 

Mais  quel  cft  ce  confeil?  dites4e  cU>rement« 

S  A  N  Ç  H  E. 

Vous  fçavra  vpieM  laorc  ne  ifefpeâie  i^sTotine  , 
Et  qu'il  Êiuc  malgré  nous  vouloir  ce  qu'elle  ordonne} 
Eufliez-vous  mieux  armé  que  n*ef^  un  ïaquéfhàrd  , 
Vous  ttc  Ççvùnct  patet  la  pointe  dèToh  âztâ. 
.  .    Lors  "que  moins  on  y  pcAfe  eUe  nous  vient  furprendre  f 
Et  le  même  Âmadis  ne  s'en  put  pas  défendre  » 
Tant  d'autres  Chevaliers  que  je  n'ai  pas  connus  , 
Donc  vous  m'avez  padé ,  que  foat-ils  ,d«vefuis» 
Ils  ont  fubi  la  loy  qu'il  nous  f'kudra  tous  fuivre  > 
On  Ifcs  a  veu  mourir ,  fi  l'on  les  a  vcu  vivre  : 
>  CCar  pourice  dernier  poinâ ,  il  m*t{k  un  peu  fufpeift. } 

î>OM    QUiCtiOTTE. 

Taifez-vous,  eu  pàtléz  avec  plus  de  refpeâ. 

S  A  N  C  H  E. 

le  dis  donc  que  la  mort ,  cette  vieille  damnée  » 

Vous  peut  exterminer  dans  une  matiiiée  ; 

Et  ce  coup ,  quoiquç  grand ,  ne  me  iutpjrendrolt  pas|^ 

Car  fa  faux  tranc)^.  mieux  que  voilre  coutelas. 

En  vain  contre  fa  force  ou  oppoCe  les  charmes  ^   . 

Que  les  Magiciens  marmotent  fur  les  armes  % 

Le  Cimeterre  ardent ,  Flamberge  ,  Dufandal, 

Qui  coupoient  comme  beurre ,  ader ,  marbre -Se  métal  ^ 

Lt  tant  d'autres  encot  dôot  Vous  pariez  fans  ccâe  ^ 

^'o&c  eil  de  ^uô/  tcoJs  coAOfe  Coue  diableiT^ 


THEATRE  FRANÇOIS.       479 

JDOM    QUICHOTTE. 
Xnfin  â  quel  deilèîn  tendent  tous  ces  difcours  ? 

S  A  N  e  H  ï. 

jToQS  cei^  qui  le${>ottolent  ont  veu  finir  leurs  fours, 
£t  malgré  leurs  armets ,  leurs  lances  ^  leurs  bfettes  ,       ' 
Ces  fendeurs  de  ^azeaux  font  morts  comme  des  belles. 
Mais  ce  qui  plus  m*e(lonne ,  eA  de  voir  qu*à  Ton  choix 
La  mon  fauche  en  tout  temps  les  fubjeâs  &  les  Roys  p 
Le  fâge  avec  le  fou ,  le  pauvre  avec  le  riche  ^ 
Le  MaiAre  &  TEfcuyer ,  le  prodigue  fie  le  chiche^ 
Le  Jeune  de  le  Vieillard ,  le  malade  fie  le  fain , 
Le  Lâche  &  le  Vaillant ,  le  Noble  fie  le  VHain  , 
Le  plus  petit  afnon  comme  le  plus  grand  aûbç  , 
£t  dedans  un  Chaileau  comme  en  une-cabane. 

D.     Q  V  I  C  H  O  T  T  E. 

#anche ,  venons  au  point  >  .c*efl  par  trop  difcourir; 

,  S  A  N  C  H  E. 

Ayant  donc  reconnu  qu*il  nous  faut  tous  mourir  j 
Ma  femme  trouve  bon*         -       -  ^  . 

D.     QUICHOTTE. 

Parle  donc  y  que  veut-elîcf 

S  A  N  C  H  E. 
£llevtut« 

D.     QUICHOTTE. 

Tes'difi;u)Uis  me  rompent  la  cervelle  ^     . 
Abrège,  fi  tu  peux. 

S  AN  CH  E. 

Monfieur ,  ma  femme  veut* 

D.     QUICHOTTE, 

G^eft  être  bien  prudent  de  vouloir  ce  qu'on  peut  3 
Maispatley'fi  tu  vçux. 

S  A  N  C  H  1, 

Monfieiir. 


48o       THEATRE  FRANÇOIS. 

D.    QUICHOTTE. 

Parle. 

S  A  N  C  H  E. 

3'enrage^ 
LailTez-mol  donc  parler. 

D.    Q  U  I  C  H  O  T  T  E. 

'  Tanc  de  caquet  m^oucragej 

Acheté  donc ,  maudit. 

S  A  N  C  H  E. 

LaiiTez-moi  commencer  ji 
Ma  femme  a  donc  penfê, 

D.     Q  U  I  C  H  O  T  T  E. 

Qu'a-t-elle  pu  penfccS 
Qu'cft-cc  î  Parle  ,  &  fois  bref. 

S  A  N  C  H  E. 

Ah  l  Pieu  que  j'ai  de  peme  ] 
C'eft.       ,  .  . 

D.     QU  I  C  HO  T  T  E. 

Quoy? 

S  A  N  C  H  E. 

C*e(l  ce  que  c*efl  y  laifTez-moi  prendre  haleine* 
Malheureux  que  je  fuis  !  j'ai  l'efprit  tout  confus. 

D.     QUICHOTTE. 
Mais  qu'eû-cc  )  Parle  enfin. 

S  A  N  C  H  E. 

Une  m'tn  fouvient  plus  I 
Voilà  le  bel  e/Fet  de  voftre  impatience. 


-  I 


D.     QUICHOTTE. 


Dîtes  plutoft  celui  de  voftte  impertinence. 
Si  tout  du  premier  cortp  Voirs  m'euflîez  raconté 
Ce  qu'on  vous  avoit  dit ,  \s  vous  e^lfe  efcouté 

Mai 


THEATRE  FRANÇOIS,      ^3t 

Maïs  puifque  le  defir  d*exercervo(lre  langue  y 
Vous  a  faic  dégorger  cette  belle  harangue  > 
Que  vous  n*avez  rien  dit  de  ce  que  vous  deviez^ 
Lorfque  je  le  voulois  &  que  vous  le  pouviez  ^  ^ 
Voftre  punicibn  tne  femble  légitime ,     '  " 
£c  mefms  Ae  beaucoup  moindre  que  voflre  crime  t 
Or ,  parlez  à  cette  heure  en  touie  libecté. 

S  A  N  C  H  E. 

C*e(l,  cen'eftpas  cela,  je  me  fuis  mécompte  i 
£t  de  grâce  y  Monfîeur ,  aidez  à  ma  mémoire» 

P  O  M     QUICHOTTE*  .    v 

Tu  parlois  de  ta  femme ,  &  quMl  la  falloit  croire^ 

S  A  N  C  H  E. 

Ah  !  bon  *,  je  m'en  fouviens  :  ma  femme  m*a  donc  dit  ^ 
Que  je  ne  de  vois  pais  m'eugager  à  crédit  >  * 

£t  qu'en  attendant  TlHe  ou  bien  quelque  Royaum^e  , 
Qui  doibt  changer  en  dais ,  mon  pauvre  toid  de  chaume |[ 
Il  fcroit  à  propos  pour  nourrir  mes  enfans. 
Que  vous  m*aii(igna(àez  des  gages  tous  les  ans. 

DOM     QUtCliOTTE» 

Des  gages  y  ignorant!  il 'eil.  facile  à  ctofre 

Que  ta  femme  ny  toy ,  n'avez  point  leu  rhiftoire 

Voyez  les  Amadis,  les  Placirs  4  les  Renauds  y  r 

t'Archevefque  Turpîn  ,  Tirante ,  Roncevaux , 

Tous  les  trois  Paimerins ,  Bernard  de  Strapatole>' 

Ecavalié  de  Phebe ,  Clivante ,  Gilpole  , 

Roland  le  furieux ,  Splendian ,  Philtfmard  ^ 

Les  quatre  Fils- Ay mon ,  Jean  de  Paris ,  Richard  , 

Morgand ,  Robert-le-Diablc ,  &  Pierre  de  Provence  j 

It  vous  condamnerez  votre  crade  ignorance  ; 

Car  vous  if  y  verre!  point  que  jamais  Cavalier 

Ait  traite  de  la  forte  avec  fon  Efcuyct , 

Et  \c  ne  voudrois  pas ,  pour  plaire  à  voftre  femme  / 

Contrevenir  à  Pocdi'C>  8c  me  chargei:  de  blâmes 

Jem  II,  Hh 


4»*     W^ATRE  FRAirçoiSi 

Non  ,  je  n*en  ferai  lien. 

S  A  N  C  H  E. 

Monficur , 

DO  M    QUICHOTTE. 

N'en  parlons  plus» 

S  A  N  C  H  E. 

7e  me  contenterai  de  deux  cent  miUe  éc  us. 

Cefl  peu  pour  un  gr^nd  Kqy,  tel  ^  you$  devez  êcrat 

DOM     QUICHOTTE. 

Si  vous  me  fervez  bien  je  vous  dois  recoûnoître  y 
Ne  vous  mêlez  de  rien ,  repofcz  vous  fur  moy  ^ 
Je  vous  donnerai  Tifle  ,  où  j^vous  ferai  Roy. 

S  A  N  C  H  E. 

Dieu  le  veuille  !  à  propos,  dites -moi ,  je  vous  prie 
Si  par  quelque  accident  de  la  'chevalerie 
Je  pBis  devenir  Roy  ,  comme  je  le  prétens. 
Ma  femme  fera  Reyne  ,  fie  mes  fils  des  Infants» 

DÔM    QUICHOTTE. 

Qui  doute  de  celai}       ' 

S  A  N  C  K  E. 

Moi ,  j'en  doute  &  je  penfe 
Que  c'eft  un  peii  beaucoup  pour  Monfieur  Sanche  Pance« 

DOM    QUICHOTTE. 

D^une  relie  façon  le  dcz- pourroit  tourner 

Que  j*aurois  dans  trois  jours  cent  Ifles  à  donner^ 

^iijelesavçis* 

SANCHE. 
Vous  m'en  donneriez  une. 

r  domquiçhottr; 

AfTuré  que  je  fiiis  de  nsa  bonne  foiitune  ^ 
Je  te  donneiois  tout» 


fiaEATJLf:  FRANÇOIS.      48% 

s  A  N  C  H  £. 

Que  de  biens  à  la  fbys  ! 
Fanons ,  Monfîeur ,  partons ,  allons  nous  faire  Roys. 

Aprèsqaelques  aventures  priTesdu  romao  »k Che- 
valier arriva  chez  la  Ducheffe  y  où  on  lui  joue  tous 
les  tours  podlbles  ;  on  fait  paroitre  fuccedivemenc 
devant^  lui  les  fiU^s  du  gr?iud  SophlS  l^e  Géant  Li- 
lyandée,  Âlquif,  ArchelaUs^  Merlin  y  &  Dulcinée; 
&  pour  le  détromper  de  (es  idées  chimériques  f  on 
lui  fait  voir  que  ce  ibnt  des  dooieAiques  de  la  mai* 
fon  qui  ont  joué  ces  perfonnages  ;  mais  loin  que  cela 
le  guérifle  dé  fa  folie,  il  n'en  eft  que  plus  déterminé 
à  chercher  les  avenfur^  ;  &  la  pieioe  ^c  par  ces  qua- 
tre vers  que  dît  Sancho. 

Allons  où  TOUS  voudrez ,  Sanclie  n'eft  pas  capable 
De  vous  abandonner ,  allaiCez  vous  au  Diabk  : 
Poutfuivez  feuleçient  le  deflein  d*êcre  Roi, 
Je  vous  cefpoRds  touiours  de  mon  ame  &  de  moi; 

(SUJET  DU  GOUVERNEMENT  DE 
SANCHO-PANSA.)  Dom  Quichotte,  avec  le 
Duc  &  l|i  Dacfaefle  ycondqifent  Sanche  dans  fon  Iile  ; 
ce  Chevalier  faifit  cette  occaiîon  pour  débiter  les  plus 
t>eiles  maximes  à  fon  Ecuyer  j  fur  la  façon  dont  il  doic 
fe  conduire  dans  (à  nouvelle  dignité  ;  il  lui  confeiHe 
cnfîiite  de  fe  dé^Ëaiire  de  cette  H^i^vaif^  habitude  d'en» 
laUer  toqjours  proverbes  fur  proverbe»  »  il  lui  dit  ; 

.     Hhij 


484      THEATRE  FRAJSTÇOlSi 

DOM     QUICHOTTE, 

Bannis  de  ces  di£cour5  ces  proverbes  antiques  ,      * 
Oonc  tu  ce  fers  fi  mal  dans  toutes  ces  répliques* 

S  A  N  C  H  E. 

Quant  i  ce  dernier  point ,  pour  ne  vous  point  mentir  » 

Monfeigneur  Dom  Quichot ,  )e  n*y  puis  confentir  :  • 

De  toute  ma  roaifon  je  n*ai  d'autre  héritage  ^ 

Les  proverbes  enfin  ont  eftc  mon  partage. 

9*en  fçai  plus  qu'un  grand  Livre ,  &  quand  je  veux  parler  > 

Ils  veulent  tous  lortir  jufqu'à  fe  quereller. 

C'efl  pourquoi  quelquefois  j'en  mets  en  évidence  y 

Qui  n*ont  aucun  rapport  avec  ce  que  je  penfe. 

Pourtant  à  l'avenir  j'en  peferai  les  mots, 

£t  n'en  citerai  point  qui  ne  foie  à  propos. 

Qui  ne  fçait  fon  meAier  qu'il  ferme  fa  boutique  ^ 

La  fcience  par- tout  vaut  moins  que  la  pratique. 

Jamais  lâns  l'appétit  on  ne  fit  bou  repas , 

Onverroit  fans  la  peur  de  courageux  Soldats  $ 

£t  jai  toujours  tenu  pour  maxime  afiurée  y 

Que  bon  rçnom  vaut  mieux  que  ceinture  doréc«! 

DOM     QUICHOTTE. 

£h  bien  !  ne  voilà  pas  un  difcours  bien  fuivyî 
Tu  fais  bien  ton  profit  de  ce  que  je  te  dy. 

S  A  N  C  H  E, 

£ii  quoy  manqué-je  donc  ? 

D.     Q  U  I  C  H  O  T  T  E. 

Dy-moy ,  je.t'cn  conjure  J 
Pourquoy  vâs-tu  parler  de  renom ,  de  ceinture  , 
De  Soldats,  d'appétit ,  de  meftier ,  de  repas  î 

S  A  N  C  H  E. 

Je  vous  jure  ma  foy  que  j  e  n'y  penfois  pas  , 
Et  que  dorefnavant  j'auray  foin  de  me  taire  , 
.  Pour  ne  âcn  alléguer  qui  vous  puiflc  déplaire  ^ 


THEATS>E  FRANÇOIS.      4SS 

Aux  Seigneurs  îes  honneurs,  (buvent  trop  parler  nuîc  ^ 

Xa  parole  fait  Thomme ,  on  cognoift  Tarbre  au  fruit.  ' 

Pourtant  avec  le  temps  toutes  chofes  fe  changent  : 

Il  fait  mauvais  .aux  bois  quand  les  loups  s*entremangent| 

Qui  fe  contente  efl  riche ,  aux  Princes  tout  fied  bien. 

Tel  maiilre  y  tel  valet  ^^  qui  bien  fait  ne  craint  rien* 

DOM   QUICHOTTE. 
Courage. 

S  A  N  C  H  E. 

Il  efl  certain  9  quoi  que  Ton  puiiTe  dire  ^ 
Ceft  mal  fait  de  cboifir  &  de  prendre  le  pire  : 
Rien  ne  peut  obliger  au-delà  du  pouvoir  v 
La  plus  grande  fineffe  eft  de  n'en  point  avoir* 
Il  ne  faut  qu'un  feul  fou  pour'en  amufer  mille  ; 
Qu'on  n'ait  pafl^  les  ponts  on  n'eA  pas  dans  la  Vilt&^ 
La  nuit  donne  confeil ,  la  nuit  tous  chats  font  gris  ^ 
Jamais  çjaat  emmouâé  ne  prit  belle  fburis. 

DOM     QUICHOTTE- 

Achevez  i  votre  aife>  &  puis  fermer  la  porte. 

S  A  N  C  H  E. 

La  fortune  n*eA  pas<  toujours  de  même  forte  » 

Mais  quoique  l'on  ait  dit  que  l'on  ne  nuit  aux  Cousp 

Qui  fe  fera  brebis  fera  mangé  des  loups  : 

Il  eA  vray  que  le  bien  ne  s'aquiert  pas  fans  peine  , 

Qui  frappe  du  couteau  doit  niourir  delà  gaîné  ^ 

La  £n  couronne  l'œuvre  «  à  beau  |eu  beau  retour  à     : .    . 

Le  temps  découvie  tout ,  &  chacun  à  fon  tour..      ,     : 

Il  n'ed  pas  toujours  fête ,  au  port  on  fait  naufrage  „ 

Qui  veut  noyer  fon  chien  Taccufe  de  la  rage  :  r  -    >  - 

Mais  je  trouve  après  tout,  après  bien  conceA^  A 
Que  Tafiie  du  commun  eA  toujours  mal  baAé. 

pites-moy ,  Monfeigneur  * quelque  diable  l'emporte^ 

Je  ne  fçaurois  le  fuivre ,  il  a  pouAè  la  porte. 


PomQuichoucrort* 

Hnin 


^S0      TUE  ET  RE  FRANÇOIS. 

Sancho  prononce  plufieurs  jugemens  :  une  Egyp* 
tienne  qu'il  iSkk  condamner  pour  yol^  jâftiSe  ainfifoQ 
crime  : 

Le  larcîii  eft  un  crime, 
A  qui  foùvcnt  l'on  donne  un  pardon  légiiimc. 
Par  exemple  i  ii  nuit  ndiis  dérobe  le  jour , 
Le  filcnce  le  bruft,-5c  l'âbfenCc  l'ànlôui?  J 
Les  exrrefmes  malheurs  nous  defrobenc  des  larmes  , 
Le  temps  à  la  beauté  defrdbe  èoiis  f^s  charmes. 
Les  ans  &  la  hddc^t  defrobenc  lés  amans  » 
Les  cacerrcs  au£  nous  defrobent  les  dents, 
la  £evre  l'appétit ,  la  liune  la  moiiélle  i 
Le  hâle  la  blancheur  »  le  pavé  laf  femelle  ; 
Le  travail  le  repoi ,  les  veilles  le  fommeil  « 
La  déba,pche  le  temps ,  &  Tofubre  le  Soleil , 
Le  loup  deÇrobe  au(fî.  les  moutoois  &  lies  chéfvret , 
Les  renards  les  chapons  y  \ts  chiias  coiitàriis  les  lievies  ^ 
Lé  milan  les  poulet» ,  le  blereau  le  raifin , 
Les  abeilles  les  fleurs  ,  \z&  moucherons  le  vin , 
Les  fourmis  le  froment  y  8c  la  gireflè  les  pdmmes^ 
Les  chenilles  la  feuille ,  hc  là  péfte  ferhômmes,    * 
La  lourre  les  poiHpin  y  la  gUerre  les  Soldats. 
Tout  efl  plçin.  de  larrons  que  vôiis  ne  pendez  pâl; 
£t  le  gibet  n'efl  fait  que  pour  les  nâferables. 

<•         .'■•■■.         .  ■  ^  ■ 

Enfuite  y  comme  on  rimagine  bien  ^  SâtKrho  (b  met 
à  table ,  &  le  Doaiettt  le  itfêt  mi  é(M^6\t  ;  cri  même 
tems  on  vient  ràvértir  que  jçs  énheniis  font  dans  fon 
Gouvernement  y  Sancho  meurt  de  peur.  Enfin  la  pièce 
finit  par  ces  ver»i  que  Sàdicho  dégoÔté  d'e$  é'^iidèùrf 
adreiTe  au  Médecin  : 

Je  ne  répondrai  point  à  Vos  împertînencei. 
Je  fçài  depuis  long-temps  endurer  les  offcnccf| 


THEATRE  FR  AïfÇOIS,      4Î7 

^onfîcttr  le  Médecin ,  ]6  dirai  fculemen'r 
Que  voftre  piaiuce  ici  n'a  poiik  de  fondenient. 

r  J'abandonne  un  meftier  donc  je  fuis  incapable^ 

It  de  qui  la  grandeur  me  rçndroic  mifer^ble ,  j 

Où  je  mourrois  de  faim ,  où  je  mourrois  de  peur  , 

Où  f  attendrois  encor  quelque  plus  grand  matkeur  , 

Four  monifa-er  à  plufieurs  qui  fuivenc  la  fortune  9  ^ 

Qu'après  ravoir  trouvée,  elle  nous  imporwnc,  ; 

£c  qu'il  efl  alTeuré  que  le  foiiverain  bien 

Confîfte  feulement  à  ne  de/Iter  rien. 

.- ,      ■  ■■♦ 

Vous  ^  peuple- ambitieux  yude  qui  t'extra^aghnce 
Se  porte  à  fouluitter  la  fuprefme  puifTance ,:   .  i 

Qui  dittes  tous  les  jours ,  je  voudrois  eftre  Roy  : 
Regardez  mon  eftat,  pçeneziexpiQplç  à^pioy. 

J'ellois  fimple  Berger ,  heureux  dans  mon  mefnage  s 
Mais  quoique  j^ebfTe  affez,  je  voulus  davantage  > 
Le  Diable  qui  nous  pôufTe  au  defir  d'edre  grands  ^ 
Me  mit  dans  le  chemin  desefcuyers  errants. 

Là ,  je  veux  m'enrichir ,  &;  faire  bonne  cherc  ; 
Mais  au  lieu  d'y  trouver  de  qiioy  me  fatisfaire  | 
Je  ne  fus  pas  plutoft  à  ce  degré  d'hofineur  , 
Que  je  le  mefprifay  pour  eftre  Gouverneur*  ,. 

Icy  j'imaginoisT^^sJeftiiis  magnifiques ,- 
Qui  de  cent  Rôô^fiuv  viiidèruient  dcsbbfitiquest 
Mais  ce  faux  Médecin  ^  cie  péç|f|i|: >  ce  mocqueuc  >  ^ 
Avec  des  rolibe^s  m'y  fait  dîner  par  CGçuc.  ,     ,  ,  .  .      r 

Enfin  Sanche  efl  réduit  à  voir  avec  envie 
»'Xctrttft^HfesdottÇfl»rçrtfc^ptBBlfc«î«t,^      :.<£.: 
£t  quittant  des.  fijbjcâisqui^  lui  font  des  affronts^   ,r    \ 
Ce  Berger  Gouverneur  retourne  à  fes  moutons. 


t  ». 


$T?JET  DU  JFILS^  DESAVOUE,)  Jâlie  éto* 
r^pouÇp  ^e  L^pid«^>  SénAenc  Ramàiii.'  Ce'  L^dè 
0)9(m^j:!é  p»t  te^^loèfie^^,  turoit  pbiigé  &  femme  à 

H  h  i» 


ifS^      THEATRE  FRAN'ÇQIS: 

quitter  Rome  ^  &  à  vivre  à  la  campagne  :  elle  y  4tdlt 
devenue  enceloteyil  s'étoit  injuAemenc  perfiiadé  qu*el* 
le  ne  pouvc^c  Têtre  que  par  une  infidélité.  Elle  accoi» 
che  d'un  garçon,  qu'il  ne  veut  point  reconnoîtrç,  & 
cette  malhçureufe  petite  créature  eft  abadonnnée 
dès  le  moment  même  de  fa  oaiiTanciei.  Quelques  tems 
après  l'Epidemeurt^  &  il  pafTe  pour  confiant  qu'il 
ne  laifle  point  de  poftérité.  Il  étoit  néceffaire  quq  j'é- 
tabliife  ces  fait$  pour  l'iatellig^ence  de  cçtce  p^ece#  qi4 
commence  ainfi  ;.  - 

.'      J  U  L  II.  ftutté 

Souvctiîf  importun  qitî  trouble  mes  plailîr$5^ 
Tyran  de  mq»  repos,  caufe  Hc  mes  foupirs , 
Image  de  ition  fils  qui  me  pourfuis  fans  ceflc  ^ 
Donne  enfin  quelque  trêve  à  ma  tongue  triftcllew 

Cher  Ôc  ftincfté  objet  de  ma  ptui  tendre  âfriçur^ 
Cage  qui  ne  fut  mien  que  refpace  d*un  îbûr^ 

Préfent  de  la  natufe  ,  ôc  Truid  de'l*fiymenéc  it 

Félicité  ravie  auflr-rolt  que  dPonnéc, 

Innocent  malheureux  djsîqui \t  phiinVle  (bit ^     ^ 

Sans  rçavcôrfi^je-pléuxe  ou  cavié'ou<tti  morv«  .    .     > 

Çeflc ,  celle,  mon  fils  i  de  troubler  ma  petilce^ 
Du  mortel  derplarfir  de  ma  perte  paltéê .,  Ôcc. 

Cependant  (on , fils tt*étoît; point  mort,  it  vîvoh  cfeeS 
les  Goths ,  fous  le  nom  d^  SïndeHc  ;  &  dans  diffé- 
rentes occafions^ït  s'étoit  fi  fortement  diftingué,  que 
fe^RoiTbeoudoricravoltprisLieii  amitié,  &  ea  avoic 
f^it  un  dc'Xe&|iciiicipauxJQKpitàin«s.  Ce  jeane  g^er- 
iie(.  reifi^ctf^tiie  oa  jouT'  ua  :§f(Md^i<fi\  fol  découvre  Ql 

V    '  >    i.  ♦ 


THEATRE  FRANÇOIS.      48 cf 

laiflance  ;  il  brûle  de  fe  faire  reconnoitre  par  fa  mère; 
nais  il  cherche  une  façon  adroite  de  Iç  faire.  Voici 
:omine  il. s'y  prend  ; 

s  ï  N  D  E  R  I  c. 

Cependant  que  le  Roy  contemple  dans  la  Ville 
Xes  funeftes  eftecs  de  la  guerre  civile , 
Puir  ces  beaux  monumens  qui  marquoient  autres  fotc^ 
ït  la  grandeur  de  Rome  ,  8c  Torgucil  de  Tes  Roys  ^ 
Laiflànc  ces  raretés  par  le  tems  confumées , 
7e  viens  pour  admirer  des  beautés  animées. 
Pourquoi  rougiflèz-vous  quand  je  veux  vous  loues  f 
Avez  vous  Êûc  deffein  de  me  defadvouer } 

5^uis-je  ne  pas  rougir  »  de  voir  que  l'on  me  loue| 
TlnlfTez  ce  difcours ,  ou  |e  vous  dcTadvoue. 

S  I  N  D  E  R  I  C. 

'  Quand  vous  me  nlenacez  de  me  defadvcuer  f 
Vous  me  repréfentez  ce  que  }*ai  veu  jouer , 
C*e{l  un  fubjeâ  nouveau  ^ort  extraordinaire^ 
Et  dont  les  iftcidens  font  capables  de  plaire. 
|.es  Aâcurs  chez  lé  Roy  Pont  aiTez  bien  joué^ 

JULIE. 

On  le  Aomme ,  Monfieur  ?  ' 

S  I  N  D  E  R  I  C. 

Le  fîls  detadvoué« 

JULIE.  ^ 

Ce  nom  promet  beaucoup. 

S  I  N  D  E  R  I  C. 

Vous  plait-il  que  ]*en  ùJSa 

Va  récit  abtcgé? 

r  JULIE. 

Faites -moi  cette  grace« 


4SO      THEATRi:  FKAI^ÇOtSi 

s  I  N  D  E  R  I  C, 

Ainfi  ceux  qui  n*onc  point  l'efpric  afl^z  préfenr  p 
Pour  fournir  le  fuiec  d*un  entretien  pUifant  y        - 
Contraints  par  bienfeance  à  dire  quelque  choie  , 
Récitent  quelques  vers ,  débitent  quelque  profe  ,) 
Veolcnc  Ce  fairs  croire  y  en  enfant  leurs  auteurs  y\ 
tt  pour  tuer  le  temps ,  tuent  leurs  auditeuts  : 
Quelques  autres  plus  fins ,  mais  pourtant  plus  modefies^ 
Accommodent  au  temps  Thifloire  de  leurs  geftcs  » 
JEt  foahi  quelque  beau  nom  d'un  héros  de  roman  ^ 
Découvrent  leur  amour  fans  découvris  ramant. 
TSmtte  le^  premiers ,  mais<lans  cette  adrcntike 
L'aâiour  ne  paroifl  point  )  ce  n'eH  qiie-la  nature 
Qui  cafche  par  addrefTe  à  fe  faire  efcouter, 
It  qui  cache  Ton  nom  pour  fe  manifeder* 

JULIE. 

SaSk  qa*en  cet  endrott ,  ]e  fçai  ce  qu*â  faut  ctpire^ 
liais  je  bcufle  dé)a  d'apprendre  cette  hiiloice. 

S  I  N  D  E  R  I  C. 

Un  Sénateur  Romain  par  je  ne  fçai  quel  fort  jp 
Veut  de  fon  fils  naiflam  précipiter  la  mort, 
Mais  les  trilles  regrets  d'une  dolente  mère  , 
font  nuxierer  enfin  un  arreil  fi  fédère  i 
Omiferable  fils ell  pourtant  bien  puni»         •     -     * 
Il  n'eft  pas  plutôt  né  que  le  voilà  banni. 

J  U  1  !  É. 
O  Dieux  !  qu'al-je  entendu  ?  Mais  fçaurai-ie  le  nklef 

S  I  N  D  E  R  I  C. 

àh  l  ce  n*e{l  point  encôr  l'endroit  lé  plus  fuoefte  S 

TV  LÎ  E. 

Je  nf  intereilê  prefque  en  fot|  mauvais  deftla  f 
Vws  le  banoilTemem  lenconcia-c-il  fa  fin  ^ 


;  THEATRE  FRANÇOIS.      4^1 

s  I  N  D  E  R  I  C. 

9on  trépas  lui  ^àiroîc ,  poucvéii  qù^en  fa  mifere 
Il  coguûc  fa  maifon  aux  larmes  de  fa  luerè  : 
Il  ne  mourut  donc  point  y  mais  pour  chercher  lamoit 
Il  s'expofa  cent  fois  à  la  merci  dû  Tare. 
A  peine  a-t-il  quinze  ans  qu'il  demsinde  lies  armes  ^ 
Four  chercher  le  trépas  au  milieu  des  allarmes , 
Qa*on  le  voit  le  premier  au  plus  fort  des  hazards^ 
Braver  infolemment  les  outrages  de  Mars  : 
Mais  comme  en  ces  endroits  le  mefpris  de  la  vîe  f  j 

Impefche  bien  fouveiic  qu'elle  nous  foit  f avic  9 
Au  lieu  de  fon  trémas  il  y  trouve  l'honneur , 
ît  s'il  fe  connoiilbic  il  a  trop  de  bonheur , 
le  plus.grand  des  mortels  eAime  fa  vaillance* 

JOLIE. 


Où  £t'il  ces  progrès? 

S  I  N  D  E  R  I  C. 

Au  Royaume  dsprance^ 
Soubs  Clovis  les  premiers ,  après  toubs  Alatic, 
£t  depuis  fotis  Zcnotl ,  8c  foubs  Thét)dbric. 

JULIE. 

Cette  hilloire  eA  àa  temps. 

•     S  I  N  D  E  tl  ï  C. 

kvi)déti.*hm  dAnticsfMe$ 
On  méfie  bien  fôày^t  des  fuccês  véritables; 
Aind  les  payions  s'cfntouvent  beaucoi^  mièttJt* 

J  U  L  t  E. 

Vous  en  voyez  rcflfct ,  voyant  pleurer  mes  yeux  ; 
£n£nquede^rnt-iU 

é  I  N  D  E  R  i  C. 

Il  fut  conduit  à  Ronu  9 
Où  quelque  bçau  dcAin  le  mena  chez  un  homme  ^ 


.y 


'49*^        THEATRE  FRAN'ÇOiSi 

Qui  l'avoit  fecouru  dans  fon  banniflement , 
Qui  lui  dit  que  fon  pcrc  «oit  au  monument  ^ 
Que  a  mère  vivoit. 

J  U  t  1  £• 

Ah  Dieu  î 
S  I  N  D  E  R  r  G. 

Le  teint  vous  change.' 
JULIE. 
6e  dernier  accident  me  paroijft  bien  ellrange  ! 

S  I  N  D  E  R  I  C. 

Là  s'ouvre  le  théâtre  où  le  Roy  fc  fait  voir } 
Ce  Chevalier  lui  dit  ce  qu'il  vient  de  fçavoir  i 
le  Roi  le  fait  réfoudre  à  parler  à  fa  mère. 
Voici  ce  qui  le  choque ,  &  qui  le  defefp.ere» 
On  lui  dit  que  Lépide. .... 

JULIE. 

Ab  !  Dieu  !  qu'ai- jeentcnda? 
S  I  N  D  E  R  r  C. 

K^avoit  point  eu  d'enfant ,  loin  d*en  avoir  perdu^ 

Jugez  de  fon  regret  après  cette  nouvelle  ^ 

Il  appelle  une  fois  la  fortune  cruelle  ; 

Il  voulut  par  fa  mort  s'exempter  de  la  Lof-, 

Mais  il  fe  conferva  pour  l'amour  de  fon  Ro/v 

JULIE. 

t. 

Monsieur ,  en  cet  endroit  pardonnez  ina  ^biéffr  j^   ' 
Vous  faiâes  ce.diA:ours  avecques  tant  d'adrefle  , 
Qu'il  faut  que  par  des  pleurs  l'exprime  ma  douleuc#« 

S  I  N  P  E  R  I  C. 
{ 
Vous  allez  voir  ici  fa  gloire  y  ou  fon  malheur.. 

Il  fe  refout  enfin  d'aller  trouver  fa  mère  : 

■     -.   ■  > 

Mais  que  lui  dira-.t-il ,  &  qu'efl-ce  qu'il  peut  faircj^ 
Il  eft  dans  fa  maifôn ,  il  lui  parle ,  il  la  voit  j 
Sonf^ng  y  eiis'èmouvant>  lui  dit  qu'il  la  cogaotflj;  . 


THEATRE  FRANÇOIS.      493 

l)e(roubs  le  nom  d'un  autre ,  il  dit  Ton  advemure  > 
11  efmeut  la  pitié  pour  toucher  la  nature , 
Son  delTcln  réulîic ,  fa  mère  fond  en  pleurs  y 
Il  va  fe  découvrir ,  ainfî  que  fes  malheurs , 
Mais  la  crainte  Tarrefte  ;  enfin  il  s*y  difpofe  , 
L'occafion  efl  belle ,  Ôc  Ton  fang  veut  qu'il  ofe* 
Ah  !  ma  mère ,  dit-il ,  fi  ce  nom  ni*cft  permis , 
Découvreï-vo^s  les  yeux  y  te  voyez  vôtre  fih« 

JULIE. 
Ah  1  mon  fils. 

S  I  N  D  E  R  I  C. 
Ah  !  ma  mcre. 

Toat  fembloic  concourir  à  ce  qu'il  dedroiti  lorfqu'uti 
accident  imprévu  vient  troubler  Ton  bonheur.  Depuis 
ion  veuvage  9  Julie  avoit  écouté  favorablement  lés 
yoeux  de  Maxime  ^  &  comptoit  même  l'époufer  incef* 
(amment.  Cependant  elle  ne  lui  avoit  pas  voulu  confier 
qu'elle  eût  retrouvé  Ton  fils  ;  elle  avoit  même  engagé 
Sinderic  à  cacher  encore  fa  naiiTance.  Ce  jeune  hom« 
me  la  voyoit  fort  fouvent  j  en  recevoit  les  plus  ten» 
dires  careiTes.  Maxime  les  furprend  au  moment  que 
Julie  Tembraffoit  :  il  devient  jaloux  9  cherche  que- 
relle à  Sinderic  >  fe  bat  contre  lui,  &  eft  bleflfé.  Julie 
au  défefpoir  du  danger  que  court  fon  amant ,  ne  veut 
plus  revoir  Sinderic  1  &  le  défavoue  pour  fon  fils.  Il 
va  porter  fes  plaintes  au  Roi  9  ce  Monarque  fait  ve- 
nir Julie  devant  lui  >  &  ne  peut  jamais  obtenir  d'elle 
qu'elle  veuille  reconnoitre  Sinderic.  Enfin  ce  Monar« 
que  imagine  un  moyen  de  fçavoir  la  vérité;  il  pro« 


494      THEATRE  FRANÇOIS. 

nonce  qae  fi  Julis  n'eft  point  la  mère  de  Sinderic  à 
l'inftant  elle  devienne  fa  femme.  Julie  frémit  d'hor- 
reur à  cette  propofîtion  ,  &  fe  voit  enfin  forcée  d'a- 
vouer qu'il  eft  fon  fils  :  celui-ci  s'étoit  réconcilié  avec 
Maxime.  Pour  le  guérir  de  (k  jaloufie  y  il  lui  décou« 
vre  fa  naifTance»  &  il  prefle  lui-même  l'union  de  (a 
mère  avec  lui  ;  c'eft  par  l'aveu  du  Roi  pour  ce  ma- 
riage que  finit  cette  pièce. 

(SUJET  DE  LA  MORT  D'AGIS.)  Agis  & 
Léonidas  regnoient  tous  les  deux  à  Sparte.  Agis  pro 
pofe  une  loi  pour  le  partage  des  terres  y  &  Léonidas 
8*y  oppofe»  Le  peuple ,  à  qui  cette  loi  étpit  très-favo- 
rable y  fçachant  que  Léonidas  s'y  étoit  oppofé  y  fe 
mutine  &  demande  fa  mort.  Cléonide>  fille  de  ce 
malheureux  Roi  y  &  femme  d'Agis>  engage  fon  époux 
à  prendre  le  parti  de  Léonidas.  Agis  harangue  le 
peuple  y  le  perfuade  &  fait  commuer  la  peine  de 
mort  en  un  exil  perpétuel.  Il  â  foin  d'envoyer  une 
efcorte  à  (on  beau-pere  y  pour  empêcher  qu'il  ne  foit 
infulté  en  fortant  de  Sparte.  Les  amis  de  Léonidas 
profitent  de  cette  attention  d'Agis  pour  le  perdre.  Ils 
perfiiadent  au  peuple  qu'il  n'a  chaffé  fon  beau- père 
du  Trône  que  pour  régner  feul ,  &.  opprimer  la  liber- 
té. Le  peuple  fe  révolte  y  redemande  Léonidas  9  à  qui 
il  rend  la  Couronne.  On  arrête  Agis  ;  on  le  remet  en« 
tre  les  mains  des  Ephores  »  qui  le  condamnent  à  mort* 
On  vient  annoncer  à  Lépnidas^  en  préfiënee  >de  Cléoç 


THEATRE  FRANÇOIS.      43^ 

nîde ,  que  l'arrêt  vient  d'être  exécuté.  Cette  Prin- 
cefTe  fe  tue  ^  &  ion  père  fe  liyre  aux  plus  af&eux  re* 
mords.  C'eft  aiqS  que  finit  cette  pièce  y  qui  eft  froi- 
de >  languifTante ,  &  très-médiocremenc  écrite* 

(SUJET  D'OROONDATE.)  Oroondate, 

Prince  de  Majroc,  eft  amoureux  d'Alciane,  Princeflê 
des  Ifles  Fortunées  :  ou  par  excès  d'amour  ,  ou  par 
excès  de  timidité  »  il  n'a  pas  encore  ofé  lui  faire  Ta- 
veu  de  fa  paffion  ;■  fon  confident  cherche  en  vain  à  lui 
perfuader  qu'Alci'ane  le  regarde  avec  de$  yeux  favo- 
rables. Ce  Prince  eft  prêt  à  fe  mettre  en  colère  con- 
tre lui  9  &  lui  di^  : 

OROONDATE. 

Hélas    que  me  dis*  tu ]$ 
Pour  flatter  mon  amour  tu  blefTcs  fa  vertu , 
Je  ne  puis  efcouter  un  difcours  qui  l'outrage^ 

T  H  I  A  M  I  S. 
Mais  quoi?, 

OROONDATE. 

Je  19  dc6fènds  d*en  parler  davantage  | 
Thiamis ,  fois  difcret ,  mais  par  quelle  a^ion 
TTa-t-elle  fait  juger  de  fon  affedion  ? 
r      Ne  m*as-cu  point  parlé  fans  aucune  apparence  ? 

Keff  onçU-mpi ,  mus  au  moins  ne  dy  rien  qui  roâènce^ 

THIAMIS. 

.     24e  parler  que  de  vous  dedans  rous  ces  difcourS  f 
Vous  voir  avec  pl^ifir  &  vouç  louer  toujours, 
I4*eft-ce  pas  témoigner  qu'une  fecrctte  flâme  > 
Commeacexl*échàaâFet  les  froideurs  de  fon  am«!» 


49S      THEATRE  F.RAJVÇÔIS, 

OROONDATÈ. 

Ah  !  que  m  juges  mal  de  fa  civilité  ! 

C'en  efl  un  témoignage  ou  bien  de  fa  bonté  ^ 

Que  je  dois  recevoir  avccqucs  révérence, 

£t  non  pas  en  tirer  une  iujude  efpérance: 

Je  fçai  bien  que  pluHeurs ,  dans  un  pareil  bonheur^ 

Croiroient  avec  l'oreille  avoir  gaigné  le  cœur , 

Qu*au)ourd'iiui  cette  erreur  a  pafTé  pour  maxime  ^ 

Qu'on  confond  aifémcnt  l'amour  avec  Teftimc  , 

St  qu'une  honneftc  femme  avec  des  complimeii 

engage  innocemment  de  crédules  amans , 

Qui  tirent  quelquefois  par  excès  d?injuftice 

De  fon  honnêteté  les  foupçons  de  fon  vice  s  ^ 

Mais  je  n'approuve  point  cette  légèreté. 

Qui  joint  l'ingratitude  à  la  témérité  ^ 

Qui  rompt  la  libetté  du  commerce  des  âmes  f 

£t  tache  le  renom  des  plus  honnefles  femmes  s 

Ainiî  je  ne  crains  pas  que ,  pour  eftre  eflimé  j 

XJn  honncfte  homme  ait  droit  de  s'eftimcr  aimé  , 

L'eftime  cft  un -tribut  qu'on  rend  fans  que  l'on  aime^ 

£t  l'amour  ne  fe  doit ,  iî  non  à  l'amour  mefme. 

II  fait  bien-tôt  connoîtrc  qu'il  n*a  de  tîmîdît^  qdô 
vis  à  vis  l'objet  qu'il  adore  ;  les  Etats  d'Aîciane  font 
attaqués  par  le  Prince  Mexandre  t  Oroondate  vole  au 
fecours  de  la  Princeffe,  &  remporte  ftr  fon  ennemi 
la  viftoire  la  plus  fignalée,  Alciane  n'avoit  pas  befoin 
de  ce  motif  pour  aimer  le  Roi,  Depuis  loog-tems  elle 
en  étoit  charmée  ;  mais  la  décence  Tempèchoic  de  dé* 
couvrir  fes  fentimens.  Le  fouverain  de  Maroc  avoie 
un  frère  »  nommé  Bajazet  ;  la  Princeffe  une  fceûr  i 
nommée  Clitie  ;^  qui  moins  difcrets  que  leurs  aînés , 
•'aimoient  &  ayouolent  leur  tendr elfe.  Cependant  par 

det 


THEATRE  FR  ANÇOIS.      4g^ 

ides  aâions  équivoques  ,  par  des  mots  à  double  en* 
tente,  Oroondate.fe  perfuade  tout  à-coup  qu'Alcranô 
aime  Bajazet,  &  Alciane  croie  qu'Oroondare  aimd 
Clitie.  Ceft  le  pivot  fur  lequel  roule  touc  le  nœud  de 
la  pièce.  Cette  intrigue  eft  condui:e  aflez  mal  adroit 
tement  i  &  on  eft  fans  cefle  impatient  de  voir  led 
A&eurs  prendre  toujours  les  paroles  afofolument  à 
contre- fens.  Cepen:iant  cela  eft  pouiTé  fi  loin  ,  que 
fajazet  fe  perfuade  qu'il  eft  en  effet  aimé  d'Alciane» 
L'ambition  triomphe ,  il  oublie  fon  amour  pour  Clitie  f 
&  va  prier  Ton  frère  de  demander  pour  lui  la  Prin- 
cefTe  des  Ifles  Fortunées  :  Oroondate  de  plus  en  plus 
perfuade  que  cette  PrincefTe  aime  en  effet  Bajazet^ 
quelque  chagrin  que  lui  caufe  cette  démarche ,  fe 
détermine  cependant  à  la  faire;  Alciane  au  défefpoir 
que  le  Roi  fonge  à  lui  faire  donner  la  main  à  un  autre 
qu'à  lui-même,  refufe  abfolument  de  s'unir  à  Bajazet* 
Oroondate  ne  fçait  que  penfer  de  ce  refus ,  auquel  il 
o'avoit  pas  lieu  de  s'attendre  ;  la  converfàcion  cbiiti^» 
iiiie«  laPrinceiTe  lui  demande  s'il  n'a  jamais  été  amou« 
reux.  Le  Roi,  en  tremblant,  lui  avoue  qu'il  eft  épris 
plus  qu'on  ne  l'a  jamais  été  de  la  plus  par&ite  beau* 
té,  Alciane  le  prefle  de  lui  découvrir  I objet  de  fa 
itendrefle  ;  le  Roi  plus  embarrafle  qu'on  ne  peut  l'ex- 
p;imer,  tire  une  boëte  de'' fa  poche ,  ia  remet  à  la 
Princefle ,  &  lui  dit  que  cette  boëce  renferme  le  por- 
trait de  l'ôbiec  qull  adore;  elle  l'ouvre  avec  empret 
Tome  U.  I  î 


49^     THEATRE  FRANÇOIS; 

fement  »  &  eft  an  comble  de  fa  joye ,  lorfqu'elle  fe 
voit  peiûte  dans  cette  mignature  :  eUe  lui  die  que,  poar 
reconnoitre  fa  confiance  ,  elle  lui  avouoit  que  cette 
même  boête  renfermoit  auflî  le  portrait  de  celui  qu'el* 
le  préféroit  à  toute  la  terre  9  &  fe  retire.  Le  Roi  eft 
fort  empreifé  à  découvrir  le  fecret  qui  lui  cachoit  ce 
portrait,  il  n'y  peut  parvenir.  Son  confident  ^  après  lui 
ftvoir  fait  un  très  long  &  très- plat  difcours  fur  les  pro- 
priétés de  l'optique ,  veut  tirer  fon  maître  de  peine  y 
mais  n'eft  pas  plus  adroit  que  lui.  La  Princefle, 
après  avoir  joui  alTez  iongtems  de  l'embarras  du  Roi| 
lui  apprend  dans  un  billet  le  moyen  de  découvrir  ce 
fecret  :  on  peut  juger  des  tranfports  du  difcret  Mo« 
narque ,  lorfqu'il  voit  que  c'eft  fon  portrait ,  &  qu'il 
Ut  des  preuves  de  la  tendrefTe  d'Âlciane  pour  lui;  il 
va  fe  jetter  aux  pieds  de  la  Princeffé^  &  l'union  de 
ces  deux  amans  fait  vraifemblablement  ccScv  l'excès 
de  leur  difcrétion.  Le  Roi  obtient  de  Clitie  de  par- 
donner  à  fbn  frère  le  moment  d'erreur  où  le  defic 
du  Trône  l'a  voit  plongé,  Se  époufe  auffi   la  jeune 

PrincefTe.  C'eft  ainfi  que  fe  termine  cette  pièce  la 
plus  froide  &  la  plus  ennuyçufe  dont  j'aye  encore 
rendu  compte.  Il  eft  aflez  diflîcile  de  comprendre 
comment  cette  boëte,  qui  contribue  au  dénoûment, 
renferme  ces  deux  portraits  :  on  laifle  à  entendre  que 
c'eft  un  ouvrage  qu'avoit  &it  faire  le  Prince  Bajazet. 

(SUJET  DU  PRINCE  RÉTABLI.)  Pow 


THEATRE  FRANÇOIS.      49,9 

-  • 

^donner  Tidée  de  la  verfification  noble  &  aifée  de  cette 
Tragi  -  Comédie ,  je  vais  en  rapporter  la  première 
fcène  qui  fèrvira  en  tnème-tems  à  mettre  fous  les  yeux 
«lu  Leâeur  Texpolition  du  fujet« 

ALEXISAKGE. 

Cooy  derpouiller  un  frère  &  lui  creyci  les  yeux  ^ 
N*e(l-ce  doac  pas  allez  pour  me  rendre  odieux  > 
Sans  me  fouiller  cncor  du  fangd*un  |eune  Prince  9 
Qui  me  voie  fans  murmure  occuper  fa  Province  î 
Qu*on  ne  m'en  parle  plus ,  il  vivra  >  je  le  véuxi 
Si  je  fuis  moins  cruel ,  je  ièrai  plus  heureux. 
Enfin  il  eft  mon  iaag  ,  il  cil  fils  de  mon  frère. 

C  1  Y  T  E. 

Mais  d*un  frère  ennemi ,  que  vous  voulez  défalcc^ 

A  L  E  X  I  S    A  N  G  E. 

Ce  frère  fut  Tobjet  de  mon  averfion  , 
Quand  fon  Thrône  l*écQic  de  ;non  ambition  ; 
Je  haylTois  ^n  règne ,  &  non  ^s  fa  pçrfonne  : 
Mais  depuis  que  mon  bras  lui  ravit  la  Couronne  ,  , 
Que  )e  règne  à  fa  place  ^  èc  ^qu*il  ell  dans  les  fers  i 
Tii  même  du  regret  des  maux  quMl  a  fouffètts. 
Alors  qUe  je  formii  le  deflèin  de  lui  nuire  9 
Je  voulois  m*e(lablir  Se  non  pas  le  détruire  ; 
Je  rechcrchois  fon  Thrône  &  non  pas  fon  tombeau  i 
Voulant  efhe  (on  maiilre,  ic  non  pasfon  bourceau« 
Je  fçai  qu*en  pourfuiyat^ç  la  PuiCance  fuprème. 
J'ai  fuivi  les  cooieils  d'une  rigueur  extrême  } 
Que  rien  n'a  diverti  le  cours  de  mes  de  (feins  : 
J'ai  profané  les  lieux  &  les  flroits  les  plus  faints^ 
Mais  qui  ne  fçait  auffi  qu'à  celui  qui  médite  ^ 
De  gagner  un  Etat,  toute  chofe  efl  licite  ; 
£t  qu'un  grand  cceur  rempli  de  cette  padion^ 
Me  cognoit  d'autie  loy  qu«  fon  ambition  l 


Sôo      THÈÀTR  Ê  fR  A  N^OlSi 

Maintenant  que  je  fuis  au  bout  de  la  carrière  , 
3*ai  droit  de  rclafchcr  de  ma  rigueur  première  , 
-Dé  flatter  des  Sujets ,  &  des  Princes  vaincus  , 
Qui  veulent  m'obcir,' qui  ne  réfift eut  plus. 

C  L  y  T  E. 

Ouï ,  Seigneur ,  c'eft  aînfi  que  doit  agir  un  Prince^ 
Qui  des  mftins  d*uii  rebelle  arrache  fa  Province  , 
Qui  rentre  dans  les  droits ,  &  parmi  des  fubjets  * 
Dont  lejvœux  devànçoient  TcfFet  de  fcs  projets; 
Mais  qui  règne  fans  titre  ,  a  bien  d'autres  maximes  ; 
£t  comme  Tes  grandeurs  ne  foili  pas  légitimes , 
Sur  la  moindre  apparence  il  craint  lin  attentat , 
£t  perd  tout  ce  qui  peut  lui  contefler  l'£tat  : 
L'hilloire  efl  pleine  enfin  d'exemples  remarquable^ 
Des Roys  que  la  douceur  a  rendu  miferables  -y 
Mille  Se  inille  vainqueurs ,  par  excès  de  bonté. 
Ont  perdu  les  lauriers  qu'ils  avoieut  emporté. 
La  douceur  n'ell  plus  bonne  après  la  violence 
Le  vaincu  ne  la  voit  qu*avccque  deffiance  : 
U  foupçonne  toujours,  dans  fon  inimitié  , 
Qu'on  le  âa'tce  par  fraude  &  non  pas  par  pitié; 
Ainfi,  perdez!  .... 

A  LE  X  I  SA  N  G  E. 

Suflfit,  je  ne  fçauroîs  vous  croire,' 
Ce  beau  fang  tefpandu  fouilleroit  ma  vidoire. 

C  L  Y  T  E. 

^       y«us  bazardez  J!£tat ,  en  voulant  les  (àurei:. 

A  L  £  X  I  S    A  N  G  E* 
Ce  bras  qui  l*a  conquis  le  fçaura  confçrvcr. 
Celui  qui  n'a  pas  craint  les  maiftrcs  de  l'Empire^ 
Suivis  derSataillons  armés  pour  le  deHruire  , 
Ke  fçauroit  fe  Tcfoudre  à  les  craindre  aujourd'hui  » 
Qu'ils  fout  en  Ton  pouvoir  ,  fans  forcé  &  fans  appui  9 
Quand  ils  m'ont  réfî/lc  par  une  guerre  ouverte , 
le  u'ai  poinc  balancé  pour  réfoudte  leur  perte  , 


^  L 


THEATRE  rRANÇOIS.       <50i 

iTai  ^né  leur  çrépas,  quand  ils  fignolent  ma  mort  ; 
J'^i  vaincu  leurs  efforts  par  un  plus  gran4  effort. 
Ayant  Icré  contr*c»ix  une  pui(ïante  armée  , 
Je  l'ai  dans  les  combats  au  carnage,  animée,  ^ 

3'ai  pris  Conftantinople ,  Scdedruic  fans  botreut 
Tout  ce  qui  s'oppQfoic  à  ma  ^ufte  fureur  : 
Ma  haine  avoir  alors  des  objets  véritables  ; 
«     Mais  voyant  dans  mes  fers  ces  Princes  miferables  j^  ' 

Malgré  les  fentimens  de  mon  inimitié  » 
Ils  me  font  devenus  des  objets  de  pitié  ; 
It  loin  d'autorifer  vôtre  in jufte  penfée  , 
3'abhorre  les  effets  de  ma  rigueur  pa(î2C|^        .  ■ 

^c  m'çn  Pïiiclcz  jamais.  -  ; 

C  L  y  T  E.     :  ; 

Je  vous  dois  obéir  ; 

,  ,  -  .      ..  ...  .-    . . 

Mais  vous  obéiffant  ^  je  crains  de  vous  trahir  y 

£c  qu'un^jour ,  mais  trop  tard ,  j*en  fouffre  du  reptocHçé 

A  L  E  X  I  S.   A  Ivl  G  E., 

C'eftaffoz ,  ^rifons-14.5  car  PUcidc  s'approche. 

On  a  vu  par  cette  fcène  combien  Alexis  Ange  e(f 
touché  d'avoir  ité  obligé  9  pour  fatisfaire  à  Ton  ambî* 
Ciouy  de  faire  crever  les  yeux  à  ion  frère  Ifaac,  & 
de  le  &ire  mettre  en  prifon  avec  le  jeune  Alexis  ^foa 
fils.  La  cçmpafnon  pour  leur  fore  miférable  triom* 
phe  des  ayis  de  tous  fes  Confèillers  ,  &  il  leur  rend 
la  liberté  à  tous  deux  ^malgré  le  danger  où  Ton  afTure 
qu'il  s'exppfe.  U  fait  plu^  ;  fçacbant  que  fon  neveu 
ttft  amoureux  d'une  (œur  de  l'Impératrice^  il  charge 
cette  jeune  Princeffe  de  calmer  la  jufte  colère  d'Ale- 
xis 9  &  de  lui  dire  qu'il  confent  à  la  lui  donner  pour 
ipoufç  I  Se  à  lui  ^Sixm  h  Couronne  après  lui*   S% 


$bi..      TVEATAÊ  rïlAl</ÇÔIS, 

clémence  n'eft  pas  récompenfée.  Ifaac  &  Ton  fils  ne 
font  pas  plutôt  en  liberté  >  qu'ils  ne  s'occupent  que 
du  foin  de  fe  venger.  Alexis  fe  (auve  de  Confiantino- 
pie  y  &  va  joindre  Baudoin  >  Général  des  François  9 
qui  marchoit  pour  délivrer  Jerùfalem.  Baudoin  ^  tou- 
ché  des  malheurs  du  jeune  Alexis  »  s'engage  à  le  vei^ 
ger  ,  il  déclare  la  guerre  à  l'Empereur  Grec ,  &  met 
le  fiége  devant  Conftantîhople.  tjhe  chofe  aflez  fin- 
guliere  >  c'eft  que  pendant  ce  (lége  où  l'on  combattoit 
tous  les  jours ,  le  jeune  Alexis  trouve  le  moyen  de 
S'entretenir  fur  les  remparts  pendant  une  heure  avec 
fa  maitrefle.  Cependatnt  Baudoin  s'empare  de  la  Ville» 
Alexis  Ange  (e  faiive  avec  fa  femme  9  &  âddre  la 
bonté  Divine  »  qui  le  punit  fi  légèrement  do  crine 
qu'il  avoit  commis.  Baudoin  paroit  avec  Ifàac  &  le 
jeune  Alexis.  Il  rëhd  le  Scéptî-e  iu  père  i  6c  Ir^tle  aa 
fils  f  puis  il  finit  la  pièce  par  ces  vers  : 

2^e  confidercz  plus  ce  ^ue  nom  avons  faîf  » 

Mais  adorez  la  caufe  en  recevant  TefFet  : 

Ce  n'eft  pas  noftre  bras  qui  foice  des  miiraîlÎM  ,' 

C'efl  la  puifTante  miin  du  grand  Dîéa  cfe^  batallfes^ 

Lui  feiil ,  comme  il  lui  plaift  »  fait  U  défait  ÏXià  Rois  ^ 

£t  nous  n'avons  rien  fait  qu'exécuter  Tes  lolx. 

Chers  compa^nonc  choius  pour  ce  beau  miniftere  , 

RecoguoifTons  Thonneur  <|u*il  a  daigné  nous  faire  3 

rourfUivons  noftre  cour(è ,  &  fortanc  de  ce  Uba  ^^ 

Allons  venger  ailleurs  la  querelle  de  Dieu. 

Toute  la  Paleftine  attend  nojlre  a(fii^ance  » 

IDu  tyraii  qui  Topprime,-  allons  ptetldre  vengeince^ 

Héndre  le  Jordain  Hbre  une  fecqnd*  fois» 


THEATRE  FRANÇOIS.       ^ù^ 

Cette  pièce  n'eft  pas  bien  intéreflantet  tnais  elle 
çft  très -bien  écrite;  on  en  pèat  juger  par  la  fcène 
que  j'ai  rapportée  :  toutes  les  autres  font  veriifiées 
avec  la  même  facilité ,  &  la  même  nobleffe.  Un  grand 
défaut  qu'on  peut  reprocher  à  l'Auteur  ,  c'eft  qu'Ale- 
xis Ange  y  qui  n'eft  qu'un  ufbrpateur,  qui  a  fait  crè^ 
ver  les  yeux  à  fon  frère  ^  &  qu'on  dev.oit  nous  repré- 
fenter  comme  un  tyran  cruel ,  eft  au  contraire  le  meil- 
leur homme  du  monde  j  plein  de  retigién  >  rempli 
^'humanité»  &  déteftant  fans  cefle  k$  mmes  qu^ 
l'ambition  lui  avoit  fait  commettre  >  &  lorfqu'on  le 
voit  prêt  à  périr ,  &  obligé  de  s'enfuir  de  Conftanti- 
fiople  >'on  ne  peut  pas  s'empêcher  de  s'intérefler  à  lulj^ 
&  de  plaindre  fon  fort. 

1654. 

*  LE  COMBAT  YICTORIEUX  DE  BACCHU^ 
CONTRE  NEPTUNE  >  enfemble  fa  naiffance  &  fa 
vie  9  Comédie  en  troiâ  aâes»  en  vers.   Earïs  ^  Jean 
Martin  9  16  34.  in-Z^. 

(  SUJET  DU  COMBAT  VICTORIEUX  DE 
BACCHUS.  )  Semelé  ayant  perdu  foa  fils  Bacchus> 
eft  inconfolable  »  elle  defcend  fur  Ijt  terre  pour  le 
chercher.  Des  Amazones  l'a  voient  trouvé  &  leret\« 
dent'  à  fa  mère.  Semelé>  enchantée»  prle  ces  Amazo* 
nés  de  vouloir  bien  l'élever,,  elles  s'en  chargent  avec 
plaifirj  &  lui  offrent  du  lait  &  (de  Peau,  fiaçchus  re(u(ç 
avec  opiniâtreté  de  boire  de  ces  liqueurs.  Un  Aftro- 
logue  qui  fe  trouve  là  1  leur  confeilte  de  lui  donner 
du  vin;  BacchusJlavale^âyectlébcé^A  Devenu  grand 
cout-à-jcoup>  il  fe  £uicfoivre  par  des  Soldats ,  qui  tou^i 


go4      THEATRE  FRANÇOIS. 

ont  la  boutçille  à  la  main.  Il  rencontre  Neptune  i  aved 
qui  il  a  querelle  ;  il  lui  livre  bataille ,  Sl  le  met  en 
fuite.  Bien  tôt  après  ,  Neptune  revient  à  la  charge, 
il  eft  encore  vaincu  >  3acchus  rqrpreD4  U  ville  d'Atbè- 
ws  >  ôç  y  publie  cet  Edit, 

x>  Bacçhuç,  Roi  de  Grave,  de  la  Sciota  Scd'Aye, 
a>  Grand  Duc  d'Auxerre  ,  de  Bourgogne  ,  Comte 
»  d'Orléans  &  d'Argenteuil ,  a  ordonné  &  ordonne 
:>>  qu'un  chacun  de  fes  fubje&s»  de  quelque  aage  & 
yy  condition  qu'ils  foient ,  gardent  inyiolablement  Ta- 
»  fage  du  vin  ,  dit  liqueur  Bachique,  à  peine  d'être 
»  brûlé  tout  vif,  &  les  cendres  jettées  au  vent ,  leuri 
»  biens  confiiqués,  moitié  applicables  aux  cabaretfi 
)>  &  l'autre  aux  dénonciateurs,  ce 

L  LICURGUE  à   BACCHUS. 

•    '■.■*  . 

»  Redoutable  Monarque  de  l'univers  ,  nous  ac^ 

ift  ceptons  tous  volontiers  les  Loi x  que  votre  Majefté 

>^a  ordonnées  ;  Ôc  je  promets  devant  tous  les  Diemc 

y>  immortels  que  j'attefte ,  que  je  ferai  tout  le  premier 

$»  qui  pbfervera  jufqu'â  l'heure  de  la  mort  TEdiâ? 

:>>  maintenapt  publié,  &  je  publierai  moi  même  àtooC 

>»  ce  peuple, auquel  autrefois  j'aicommanâé;^  rJSdiA 

"^  que  votre  Majefté  a  ordonné, 

C  H  4  HS  q  N^ 

Bacchas ,  mes  chets- amis  j( 

A^  boirçyuftu?  ço^yiçi;  *: 


i 


THEATRE  FRANÇOIS.      $oS 

Obfervons  fes  Edits 
hu  jours  de  noftrc  vie; 

BA  CCHUS. 

J'aurai  égard  à  l'honneur  &  à  l'obâflance  que  ta 
»>  rends  à  ma  Majefté.  V.ens  quant  &  moi}  Je  ce 
»  vçux  faire  mon  Efcuyer.  ce     * 

Ceft  ainfi  que  fe  termine  cette  pièce  la  plus  p>te, 
la  plus  roauvaife  ,  &  la  plus  ridiculement  écrite  qu'on 
puifle  trouver.  Je  n'en  aurois  pas  même  rendu  compte, 
tant  elle  eft  ablurde ,  fi  le  titre  ne  l'annonçoit  comme 
une  Comédie  ,  quoique  certainement  elle  oVic  rieD 
<|ui  reflçmble  à  un  Drame* 

CHARLES  HERSENT,  Prédicateur  &  Chatw 
celier  de  l'Eglife  Cathédrale  de  Metz. 

LA  PASTORALE  ,  ou  PARAPHRASE  DU 
CANTIQUE  DES  CANTIQUES,  fuivant  le  fen« 
de  la  lettre  y  en  cinq  aâes  ,  en  profe. 

LA  PASTORALE  SAINTE,  ou  PARA- 
PHRASE ALLEGORIQUE  DU  CANTIQUE 
DES  CANTIQUES  DE  SALOMON  ,  Roi  dlf- 
raëi  I  en  cinq  ades ,  en  profe, 

LA  PASTORALE  SAINTE,  ou  PARA- 
PHRASE MYSTIQUE  DU  CANTIQUE  DES 
CANTIQUES  DE  SALOMON,  Roi  dVra^l,  et 
cinq  a^es^  çn  profe^ 


§oS      THEATRE  FRANCO It, 

Ces  trois  pièces  fe  trouvent  dans  un  volatne  çpi 
a  pour  titre  y  la  Paftorale  Sainte  ,  o\x  paraphrafe  da 
Cantique  des  Cantiques  de  Salomon  ,  Roi  dlfraël  y 
félon  là  lettre ,  &  (elon  les  fens  allégorique  ou  my- 
flique  I  avec  une  ample  introdudion ,  dédiée  à  M.  le 
Cardinal  de  Richelieu^  Paris  »  Pierre  Blaife}  1655* 

(SUJET  DE  LA  PASTORALE  SAINTE.) 

Cet  ouvrage  y  comme  je  viens  de  l'annoncer»  eftdi- 
vifé  en  trois  PadoraleSy  ou  plutôt  en  trois  Drames 
myfliques  y  &  fort  longs.  Il  ne  peut  intérefTer  que  les 
perfonnes  verfées  dans  l'interprétation  des  livres  faints, 
&  curieufes  de  voir  les  difFérens  fens  qu'on  a  pu 
donner  à  ce  Cantique  mydérieux.  L'Auteur  n'entre 
en  matière  qu'après  une  très  -  ennuyeufë  difTertatioa 
fur  ce  Livre  de  Salomon  :  après  quoi  commence  la 
première  partie ,  dans  laquelle  il  s'attache  au  fens* 
purement  littéral  du  Cantique  des  Cantiques.  Il  in- 
troduit fur  la  fcène  un  Berger  &  une  Bergère  9  épris 
l'un  pour  l'autre  de  la  paflion  la  plus  vive  ,  à  laquelle 
Ils  s'abandonnent  tout  entiers ,  &  qu'ils  peignent  avec 
une  chaleur  d'exprefllons  finguliere.  D'après  le  texte 
refpeâable  qu'il  cite  en  marge ,  il  a  imaginé  des  in« 
cîdens  qu'il  met  en  œuvre ,  &  dont  il  compofè  l'intri- 
gue. Je  craindrois  de  profaner  ce  fujet  fublime^  fi 
jl'ofbis  détailler  avec  exaâitude  la  marche  de  cette 
Pafiorale ,  &  je  craindrois  en  mème-tems  d'aprèter  à 
rire  à  mes  Le&eursy  qui,  dans  ce  fiécle-ci,  n'ont 
plus  cette  heureufe  (implicite,  qui  faifoît  autrefois  re? 
garder  les  naïvetés  les  plus  ridicules  comme  des  beau- 
tés fublimes.  Enfin ,  malgré  les  pieux  efforts  de  l'Au- 
teur y  les  expreffions  plus  que  paffionnées  ,  dont  fe 
fervent  les  Adteurs ,  pourraient  fcandàiifer  ceux  q(ô 


THEATRE  FRANÇOIS.       $oy 

né  font  pas  accoutumés  au  ftyle  tnyftique  porté  à  l'ex- 
trême. Comment  pourrois- je ,  en  effet ,  voiler  ces  ter- 
mes, fi  fou  vent  répétés  par  l'amant  i  lorfqu'il  s'enivre 
des  louanges  qu'il  donne  aux  tettons  ,  au  ventre  $  au 
nombril)  aux  euifles,  &c.  de  fa  bien-aimée. 

Les  deux  Paftorales  qui  fuivent ,  font  une  double 
paraphrafe  du  Cantique ,  dont  l'une ,  eft  l'union  de 
f  Eglife  avec  Jefus-Chrift ,  &  les  perfonnages  fubfti- 
flitués  à  l'amoureux  Berger  &  à  la  tendre  Bergère  » 
font  le  Verbe  éternel ,  l'Eglife  ,  l'Ange  &  les  Filleà 
de  Sion,  &c.  Dans  Tautre  §  c*eft  Tunion  de  l'a  me  avec 
le  Verbe ,  &  on  introduit  fur  la  Scène  ,  l'Ame ,  le 
Verbe  ,  les  t^'idelés ,  les  Direfteqrs  de  confcience , 
&c.  Dans  toutes  deuxi  on  introduit  le  texte,  &  oti 
l'allotîge  du  fens  myftique  qu'on  veut  lui  donner  ;  & 
l'Auteur  plein  encore  du  caraâère  pafTionné  que  ,  dans 
(à  première  pièce  ,  il  a  donné  à  fon  Berger ,  conferve 
au  Verbe  éternel  uri  Ay\b  tendre  &  galant ,  qui  peut 
dans  ce  tem$  là  avoir  fait  un  grand  clFet  ;  mais  qui 
certainement  dans  celui*  ci  ne  feroit  ni  goûté  ni  9p^ 
prouvé. 

16352 
JE^N  MILLET  de  Grenoble. 

LA  CONSTANCE  DE  PHILIN  ET  MAR- 
GOTON  ,  Paftorale  en  cinq  aftes,  en  vers  Proven?- 
çaux ,  &  quelques  vers  François ,  dédiée  à  Monfei^ 
gneur  de  Sault ,  François  de  Bonne-Crequy ,  avec  un 
Prologue  récité  par  lâ  Nymphe  de  Grenoble  à  Mon- 
feignenr  le  Comte  de  Sault ,  &  à  Madame  la  Com- 
Ceile^  Grenoble  ,  Edouard  Raban  >  1 6  3  5 .  in  8?. 

JANIN  OU  LA  HAUDA ,  Pftftorale  &  Tragi- 


^od       THEATRE  FRANÇOIS. 

Comédie  »  repréfentée  à  Grenoble ,  en  cinq  a^es;; 
en  vers  Provençaux  9  dédiée  à  Monfëigneur  Pourroy» 
Chevalier  ,  Préfident  en  la  Cour  de  Parlement  de 
Dauphiné ,  avec  un  Argument  &  un  Prologue  de  la 
Vaye  de  Saflbnnage,  Qreno^lEji  Edouard  Raban  ^ 

LA  BOURGEOISE  DE  GRENOBLE,  Comé- 
die en  cinq  a6te$ ^envers  Provençaux ,  dédiée  à  Mon- 
feigneur  le  Comte  de  Sault.  Qrenoçle,  Philip- 
pçsCharuys,  166$.  î«-8°. 

Je  ne  peux  pas  rendre  compte  de  %A  constan- 
ce DE  Philin  et  Margoton  t  n'ayant  jamais  pu 
trouver  cette  pièce ,  de  l'exiftence  de  laquelle  je  ne 
peux  cependant  pa$  douter.    ^ 

(SU  JET  DE  JANIN.  >  Le  Berger  Janîn  cft 
amoureux  de  l'Hiiuda  ^  fille  de  Piero  &  de  Thierena. 
Cette  Bergère,  révoltée  de  (on  ind^fcrétioii ,  reçoit  fc» 
vœux  très-froidement  ;  ce  jeune  homme ,  outre  le  dé« 
feux  d'être  indifcret ,  étoit  encore  fort  avantageux* 
y  oici  comme  il  parle  de  lui-même* 

per  ml  je  fçu  ^  4ni  ^^^  ^^(>  qu'una  fiUi. 
M'approche ,  un  limafon  en  fort  de  fia  coquillî  ^^ 
Comm*  un  Joeyno  poillen  à  poin  de  travailliez^ 
Ferme  fare  gingame  faut  pa  gatillic. 
Ne  feu  pa  cycrivan  &  (î  potto  la  pluma  y 
Ne  feu  pa  mareicha  &  fi  ficro  l'encluma  , 
Ne  feu  pa  pellatic  &  fi  fcavo  fourra , 
£  ne  feu  pa  baitié  &  fcavo  rembourra , 
Comme  noflron  fournie ,  fegon  SardanapahW 
7c  fçayo  biei)  mena,  lo  maoçho  de  la  paU  », 


THEATRE  FRANÇOIS.      £o^ 

Je  n'entrcprcno  ren  que  n'en  vcneyfo  aboUt , 
I«co  que  je  n'ay  ren  apprei  je  fcavo  tout. 
La  Thooi ,  la  Margot ,  la  Bercha  ,  la  Lorenci^ 
Ont  deyia  eyfaya  la  meica  dema  fcienci , 
It  je  lour  ai  (l  bien  apprei  Bedin  bedot  , 
Qu'elle  volon  toujour  fichié  dedin  le  pot. 
£llc  yolon  toujour  lo  fu  à  lour  colayni  ^ 
Ren  ne  lour  fâche  tant  que  lo  tour  &  reychayuî; 

y>  Pour  moi  je  fuis  û.  dru  qu*au(fî-tôt  qu'une  fille 

9>  M'apptoche  ,  un  limaçon  me  fort  de  la  coquille. 

9>  Comme  un  jeune  Poulain  avant  de  travailler, 

3>  Pour  me  faire  fauter  il  ne  faut  pas  me  chatouiUer. 

31  Je  ne  fuis  pas  Ecrivain  ,  &  pourtant  je  porte  une  plume ^ 

3>  Je  ne  fuis  pas  Matéchal ,  &  fçait  battre  l'enclume  > 

»  Je  ne  fuis  Pelletier,  &  je  fçais  bien  fourrer  , 

31  Je  ne  fuis  pas  Bourlier ,  &  je  fçais  rembourer, 

»  Comme  notre  Fourniet  *  ,  fécond  Sardana^alc  » 

3>  Je  fçais  fort  bien  mener  le  manche  de  la  pèle. 

»  Et  je  n'cntreprens  rien  dont  je  ne  vienne  à  bout  y 

3)  Et  n'ayant  rien  appris ,  je  fais  fort  bien  <ie  tout  i 

»  La  Toinon ,  la  Margot ,  la  Berthe ,  laLorence^ 

3>  Ont  edayé  déjà  moitié  de  ma  fcience. 

n  Et  je  leur  ai  appris  Ci  bien  Bedin  *  *  Bedot, 

9>  Qu'elles  veulent  ioujours  ficher  dedans  le  pot ,  &c. 

Il  rencentre  THauda  &  lai  fait  des  propofidons» 
qa'ane  fille  ne  peut  accepter  que  de  la  part  d'an 
époux  ;  THauda  fe  fâche ,  &  lui  défend  de  jamais 
paroitre  devant  elle.  Âmidor  y  Gentilhomme  Fran- 
çois >  rencontre  à  la  chafTe  cette  jeune  beauté  »  &  en 
devient  amoureux.  II  parvient  à  lui  plaire  >  &  ils  (e 


(*)  Boulanger.    (*♦)  Le  Jtu  d'amour. 


^io      THEATRE  FRANÇOIS, 

promettent  mutuellement  la  foi  de  mariage.  Pierone 
fc  foucie  pas  d'avoir  un  Gentilhomme  pour  gendre  9 
&  préfère  J^nin  ;  Thicrena  au  contraire  donne  la 
préférence  à  Amidor.  L'Hauda^  pour  mettre  fon  père 
&  fa  mère  d'accord  y  confeille  à  (on  amant  de  prendre 
rtiabit  de  Berger  9  lui  promettant  que  cette  déféren* 
ce  plairoit  certainement  à  Piero»  Janin,  qui  eft  inftruit 
du  bonheur  prochain  d*Amidor,  s'adreffc  à  une  Sor- 
cière pour  tâcher  d  y  mettre  obflacle  ;  il  eft  trompé 
dans  Ton  efpérance  >  &  Amidoif  époufe  (a  chère  l'Hau* 
da.  Janin  toujours  occupé  dudefir  de  fe  venger,  pré- 
tend avec  le  flageolet  de  la  Sorcière  nouer  l'éguillette 
an  nouvel  époux  ;  inais  cette  dernière  entreprife  ne 
lui  réulTit  pas  mieux  que  la  précédente  ;  &  la  pieco 
finit  après  le  bonheur  certain  des  jeunes  mariés* 

Dans  toute  cette  Paftorale,  qui  eft  très-gaye,îl 
n'y  a  qu'Anùdor  &  fon  frère  Floridon ,  qui  parlent 
François,  les  autres  s'expriment  en  Provençal.  Il  y  a 
deux  jolies  chanfons  >  qui ,  je  crois ,  feront  piaiûr  au 
Leâear;la  première  eft  dans  le  Prologue. 

ycîcy  lo  mcy  que  tout  combade  y        Voici  le  mois  où  tout  gambade  j 

Comrae  lou  Chourot  ^  Lapin,  Comme  la  chèvre  &  le  lapin. 

Et  que  dcfîu  louz  aubcpin  ,  ît  que  dclTus  les  aubepins 

Lo  RoâîgDon  donne  Taubade  :  Le  roâîgnol  donne  ra.ubade  ; 

Car  fen  fommcllié  not  ni  jour.  Car  fans  fommcillcr,  nuit  ni  jour, 

U  charf  melle  de  Tamour.  H  iaic  le  ramage  d*amour« 

If  Lo  tem  et  il  dou  que  teut  chante        Le  tems  tti  û  doux  qus  tout  chante 

La  graci  de  c*  eft  on  Printem  ,  Les  agrémeus  de  ce  Printcms  , 

£t  (arore  lo  paiTatem ,  ït  rend  plus  favourctix  les  amufemeas 

Vboey  ou  la  l'Hauda  m'enchante,  Du^bois  ou  la  Lhauda  m'enchame. 

Tout  lo  mondo  fur  io  verdou  ^  Tout  le  monde  fut  la  verdure. 

Se  fçai  beiilé  ormi  nou  dou.  Sçaic  fc  baifqc  honnis  nous  deux. 


THEATRE  FRANÇOIS. 


5« 


*^  Voulouz  izejru  en  lour  ramageo> 
1r>e  dou  en  dou  6c  bec  à  bec  > 
S*accordou  mieu  que  Ion  rebec  , 
£n  fe  fempeillaa  lo  plumageo. 
Mais  la  Lhauda  que  )*amo  tant  > 
Ne  vott  pa  que  j*en  faiïb  aucan. 

f  Lilli  vou  pro  que  je  ta  danfo 
XJ  fon  de  quoquc  âagcolet , 
Mais  quana  )e  focy  lo  marjolec 
I  ne  vou  pa  que  je  piciamo 
Son  beifîé  dou  per  rerpii:a  y 
Inco  qui  m'encen  foufpira. 

f  Quoque  fey  à  la  deyrobada  > 
Je  lui  en  attr.ippo  quoqu'un ,     . 
Lou  garçon  (  comme  die  chacun  > 
.  Ke  font  jamey  Tamour  de  Bada  » 
Inco  qu*un  beific  gafconna  , 
l^*ec  pas  a  dou  que  lo  donna. 

f  Vaut  mieu  feybaudi  à  la  courfa, 
tQue  de  demoura  rebuti , 
Ceu  &  tout-à  tat  abruti , 
Qui  mori  de  fey  près  de  la  fourfa , 
Jamey  jamcy  lou  vergognou. 
£n  amour  ne  font  grand  Se^gnou. 

f  Et  raut  ben  mieu  prendre  pcr  forci 
I.OU  beiué  que  ne  beifié  pa  , 
Louz  honrou  y  perdou  leur  pa  > 
It  comifie  l'abro  fcn  eycorcy  » 
Devenon  fec ,  quand  la  cofa 
Refufe  de  louz  atrofa. 

f  £  fakr  doDqua  que  je  folageo 
Mon  amour  de  mille  bei{îé , 
Et  quand  i  deburtct  m*eygrcciné , 
J*eybrandarey  fon  pucelage , 
Au  ni  bien  le  Chaflcl  moin  fort , 
Ne  la  rend  jamey  qu'à  Teyfort. 


(i)  Langage  naturel. 
(2)  La  faflc  danfer. 
(  3)  ^^  parois  trop  emprelTi* 
i4)  Sans  en  cirer  pacti. 


Tous  les  oifeauz  en  leur  ramage  , 
De  deux  à  deux  ^  &  bec  à  bec , 
S^accordcnt  mieux  que  le  rebec  ^  (i) 
Et  fe  careHent  le  plumage  y 
Mais  la  ^hauda  que  j'aime  tant  » 
Ne  veut  pas  que  j'en  faflè  autant. 

Elle  veut  bien  que  je  la  daafe  (%) 
Au  fon  de  quelque  flageolet  ; 
Mais  quand  je  fais  le  marjolety  (3) 
Elle  ne  veut  pas  que  je  puife 
Son  doux  baifer  pour  refpirer  » 
Quoiqu'elle  m'entende  foupii;er» 

Quelquefois  à  la  dérobée 
Je  lui  en  attrape  quelqu'un. 
Les  Gafcons  >  comme  dit  chacun  » 
Ne  font  jamais  l'amour  de  Bade,  (4) 
Quoiqu'un  baifer  gafconné  ,  i$) 
Ne  foie  pas  û  doux  qu'un  donné. 

Il  vaut  mieux  fe  jouer  à  la  courfe  , 
Que  de  demeurer  rabougri ,  (6) 
Celui-là  eil  tout-à-fait  abruti. 
Qui  meure  de  foif  près  de  la  fource. 
Jamais  jamais  les  vergogneux  (7) 
En  amour  ne  font  grands  Seigneurs.  (8j 

Il  vaut  bien  mieux  prendre  par  force 
Le  baifer  que  ne  baifer  pas. 
Les  honteux  y  perdent  leurs  pas  ^ 
Et  comme  l'arbre  fans  écorce 
Devient  fec ,  quand  la  tofée 
Refufe  de  l'arrofer. 

Il  faut  donc  que  je  foulage 
Mon  amour  par  mille  baifers. 
Et  quand  elle  devroit  m'cgratigner. 
Je  forcerai  ion  pucelage. 
Auflî-bien  le  Château  le  moins  fort 
Ne  fe  rend  jamais  qu'à  l'e^Torr. 


■?-* 


(5)  Dérobé. 

(6)  Sans  rien  faire. 

(7)  Les  honteux. 

(S)  Ne  font  pas  fortune. 


^î%  THEATRE   FRANÇOIS. 

Ceft  Janin  au  défefpoir  de  la  perte  de  fa  maitrefTei  qn 
chante  la  féconde» 


Que  feray-jc  Poiiret , 
Puifqae  l'amour  m*c(l  aygro  ! 
Comme  un  aren  fourec , 
Je  vocy  deveni  maygro  : 
^on  arma  deyfola , 
Ne  fe  poc  consola. 

^  U  ver  de  mon  foufpy^ 
Fcrdaii  ma  tourccrcUa, 
Xfon  groin  vac  mieu  fiappy  9 
Que  flou  brîHa  de  greUa  ; 
It  mon  cour  marfondu  , 
Vat  être  tout  fondu. 

^  Je  feu  dezeretta 
De  touta  à  Tefperancî, 
Gnat  poinc  de  pourecti  y 
)4i  même  de  foufFrancl^ 
Si  granda  fur  lo  cour. 
Que  la  perta  en  amour. 

f  L'air  deburir  s'embrunchié 
De  ma  mina  malada, 
ît  tou  c'eft  ou  tochic 
Qui  ont  prey  la  pelada  , 
t>eburion ,  plein  de  chalou  j 
Fendre  de  ma  dolou. 

^  Mais  l'air  s'en  eyclaircît> 
It  fat  rire  fa  faci , 
£t  lou  rochié  maffîr , 
Ke  me  pnoniiron  que  glacî  » 
Tout ,  jufqu'uz  animau , 
Se  mocquou  de  mon  mau» 

^  U  lieu  de  fare  un  rue 
De  me  plou  ,  qui  fen  ceflâ 
ColifTc  aViec  un  brut , 
V  pied  de  ma  maitreàa  y 
I.a  terra  apra  de  four  , 
Lebet  comm'un  rafour. 


Que  fcraî-ie  Pauvret, 
Puifque  l'amour  m'eft  aigre?  Cil 
Comme  un  harang  foret , 
Je  vais  dormir  maigre  : 
Mon  ame  délolée 
Ne  peut  être  confolée. 

Au  veut  de  mon  foUpî^  f 
Perdant  ma  tounerdle,      / 
Mon  vifage  va  plus  fe  âétrl^. 
Qu'une  fleur  briCee  par  la  g^êlei^ 
£t  mon  cœur  n  or  fondu 
Va'êire  tout  fondu. 

Je  fuis  deshérité 
De  toute  e'pérance; 
Il  n'y  a  poiàit  de  pauvreté ^ 
Ni  même  de  fbufFrancc 
si  grande  fur  le  cœur  , 
Que  la  perte  en  amour. 

L*air  devroit  fc  brouillée 
De  ma  mine  malade^ 
£t  tous  Ses  rochers 
Qui  ont  pris  la  pelée  ^  d") 
Devroient,  p!cin5  de  chaleur  jj 
Fondre  de  ma  douleur. 

Mais  l'air  s'en  éclaircic^ 
ït  fait  rire  fa  (àce  , 
£t  les  rochers  maflifs 
Ne  me  montrent  que  glace  | 
Tout ,  jufqu'aux  animaux  ^ 
Se  mocque  de  mc\  xxiaux« 


(z)  Contraire,  funefle. 
(3.)  Qui  ont  perdu  toute  leur  verdui 

f  Puifq 


THEATRE  rRANÇOiS,      gt^, 

f  Paif(|ue  de  tottt  recouc9 
L*c(pera^nce  fcnverfe» 
Faut  que  faye  recoar 
A  la  moïc  que  tout  vccfe  t 
Audi  ben  je  feu  là 
Davey  tant  bariula» 

f  O  mort  que  î*ay  chu6 
Vxt  ma  ^atikla  madalli  « 
^  £t  qui  fa  tout  muH  , 

Vin  feyc  de  ta  dalli 
la  fi  pria  de  mfon  four^ 
Yinginie  de  Tamour» 

N 

Le  contrat  de  mariage  entre  Àmidor  Se  Lhaudâ 
eft  en  vers  François  ;  i*ai  cru  que  le  Leâcuc  en  ver« 
roit  quelques  articles  avec  plailir)^ 

Itéra  y  en  contemplation 

De  leur  proche  conjonâion^' 

Thievena ,  bonne  ménagère  ^  - 

Mexe  de  ladite  Beigece  ^ 

Lui  donne  un  liô  couvert  de  fleuctj; 

Pour  y  eileindre  Tes  chaleurs  : 
''  A  la  charge  que  bien  apprifb  , 

Elle  n*y  lafche  point  fa  prife;. 

Item  y  fa  tante ,  qui  fouvent 

Souflè  mieux  du  cul  que  le  vent  y 

Lui  donne  un  four  pour  fon  lifàge  | 

A  la  charge  qu*en  fon  ménage 

£Ue  mette  bien  le  levain, 

£t  ne  pétiiite  point  en  vain. 
-  Item  i  l'époun^e  future  , 

suivant  les  loax  dçiia  natur»^ 

Se  cOwIUtue  /'es  moutons  > 

Sa  bpuche  >  fef /eu^  ,  fes  tçctoxls> 

%meIL  Kk 


p4      THEATRE  FRANÇOIS» 

Et  ce  qu'elle  a  deffbus  ft  cotte  , 
Que  pour  rupplémenc  de  (à  dote^ 
^  Ilic  exhibera  dans  la  nuiâ , 

Que  l'un  à  l'aulrc  doit  fans  bruit 

Tirer  quelaue  coup  d'edocade. 

Four  enfoncer  la  barfcade. 

Item ,  ledit  futur  époux  , 

Pour  mourir  entre  deux  genoux» 

Et  rendre  fon  ame  a(rouvie  ^ 

Au  lieu  où  chacun  prend  la  vie  , 

Se  conftitue  roi^  (es  biens  , 

Autant  pour  lui ,  que  pour  les  ûcaSp 

A  la  forme  de  l'inventaire 

Fait  ci-devant  par  moi  Notaire. 

Item ,  outre  un  de  fes  boyaux , 

Donne  â  réj^ufc  pour  joyaux  , 

Deux  perles «n  rondeur  égales,  &c. 

(SUJET  DE  LA  BOURGEOISE  DE  GRE- 
NOBLE.) Marciane,  veuve  &  bourgeoife  de  Gre- 
noble ,  avoic  une  61le  ,  Dommée  Diane  ;  Rochimon  i 
veuf  auffi  &  de  la  jnême  Ville  >  avoit  un  fils  nomm^ 
Caflbre  i  le  jeune  homme  &  la  jeune  fille  s'aimoient» 
&  Marciane  &  Rochimon  feignent  de  confentir  à 
leur  union  ;  mais  ils  avoient  tous  deux  un  autre  pro^ 
jet.  Rochimon  9  amoureux  de  Diane  >  voujoit  par  fo- 
percherie  devenir  (on  époux  ;  &  Marciane ,  à  qui 
CafTore  plaifoit  fort,  comptoit  avec  la  mèmeadreiTe 
s'unir  à  lui  ;  les  deux  jeunes  gens  font  heiureufemeoc 
avertis  de  cette  fourberie  y  &  Caflbre  qui  prévoit  que 
fon  père  s'oppofera  k  fon  niariage  ^  tombe  daos  le  dé- 


THEATRE  FRANÇOIS.       ^i^ 

fefpoir  >  &  fe  fait  Pèlerin.  Après  mille  aventures  afless 
(ingulieresy  trois  Fées  arrivent  à  Grenoble  >  prennent 
les  jéones  amans  fous  leur  proteâion^  &  terminent  la 
pièce  p^r  le  mariage  de  Rochimon  avec  Marciane  » 
&  par  celui  de  Cailbre  avec  Diane.  Plufieurs  autres 
mariages  fe  célèbrent  en  même  tems;  entre  autres  ce- 
lui de  Becgame  >  Doâeur^ ,  avec  la  jeune  Florinde , 
&  tout  le  monde  eft  content.  Dans  cette  pièce  >  qui 
cft  fort  gaye  &ain  peu  libre  »  il  n'y  a  que  Gautier  ^ 
père  du  Doâeur  ^  &  le  Doâeur  j  qui  parlent  en  Fran» 
çois.  Je  vais  citer  une  partie  d'une  fcène  qui  fe  paflo 
cn^re  eux  deux* 

G  A  u  t  ï  È  R. 

^e  veiiz  marier  mon  Garçon 

A  fîlle  de  bonne  maifon  : 

Viens-çà ,  mon  fils ,  ma  genituréi 

Mon  image ,  ma  portraiture  » 

£n  ton  yifage  on  void  le  mien  ^ 

£t  toi  au  mien  tu  vois  le  tien,  - 

Regarde  4na  phifîonomie, 

La  tienne  n*e{l  que  la  copie  } 

Car  la  miedne  eft  l'original  ; 

7e  fuis  celui  qui  dans  un  val  y 

Où  tendent  d*amour  les  amorces  ^ 

Ai  fait  trembler  toutes  mes  force! 

Pour  t*engendrer  femblable  â  moi  t 

Tsk  mère  fçait  bien  comme  quoi 

7*ai  travaillé  à  fa  baubille. 

Afin  que  tu  ne  fufl  point  fille* 

^e  voulus ,  U  première  nuift 

Qu*il  fallut  sQofymmcx  fans  haâi         r 


SiS      THEATRE  FRANÇOIS; 

Aux  nopces  notre  mariage , 
Qu'elle  attachaft  i  mon  vifage 
Sa  force  imagination ,  ' 
Afin  qu'à  la  conception 
£lle  te  formafl  un  beau  mâle  , 
De  Perfonne  à  la  mienne  égale  t 
in  confêquence ,  mon  iîls  ^  je  veux 
Avoir  des  enfans  &  nepveux  , 
Qui  perpétuent  mon  Vtfage  , 
Au  moyen  de  ton  mariage. 
Je  Veux  que  ton  corps  foit  con)oincÀ 
Four  voir  mon  defic  à  ce  point. 

L  È    D  O  C  T  E  U  R, 

îl  faut ,  mon  père ,  que  je  faflè 
Plufleurs  portraits  de  vodre  face  y 
Que  j'aille  dedans  le  Couveuc 
Des  repenties ,  où  fouvent 
L'on  entend  plaindre  ces  nonettos 
A  deâàuc  des  chofcs  fecretces, 

GAUTIER. 

U  n*e{l  pas  permis  aux  Garçons» 

LE    docteur; 

Pourveu  que  j'aye  des  calçons  , 
Veftu  en  fille  découpée , 
Faifant  la  jument  efcbapée. 
Ces  AbbefTes  qui  vont  cherchant 
L'aurorp  jufques au  couchant. 
Me  feront  mener  en  carrolTe 
Pour  me  jetter  dedans  leur  foflc  i, 
Sans  pitié  de  mes  jeunes  ans. 

.GAUTIER. 
Et  quand  ta  feras  U-dedam  $  ' 


THEATRE  FRANÇOIS:       ^17 

LE    DOCTEUR. 

7e  les  prendrai  toutes  pour  femmes* 

*  GAUTIER. 

7e  ne  yeux  point  de  ces  infâmes 
Qui  fe  font  mis  à  l'abandon  , 
Pour  un  morceau  de  cupidon  : 
Point  de  geufe,  point  d'éventée  , 
7e  veux  une  fille  arreftée. 

Lt     DOCTEUR. 

Elles  font  toutes  en  arrefl , 

Attendant  le  chafTeur  tout  pre(l« 

GAUTIER. 

7(  ne  veux  point  que  ta  tirafTe 
S'aille  eftendre  fur  t-Ile  chafïc, 
7*aime  mieux  que  tu  fois  veneur 
Pans  une  garenne  d'iionneur. 

LE     DOCTE  URj 

On  ne  trouve  dans  la  garenne 

Que  des  conins ,  qui  font  de  peine   - 

A  ceux  q^i  les  prennent  a^ux  trouf. 

G  A  U  T  I  E  A* 

Ceux  qui  les  fiiyent  font  des  fous« 

LE    DOCTEUR. 

Mon  pere-4  il  vaut  bien  mieux  fe  \0mdfC4  •  j^ 
GAUTIER. 

A  quelque  vierge ,  car  la  ntoindrs 
Vaut  mieux  qu'un  canon  évente» 
Et  qui  par  force  efl  démonté. 
7e  veux  que  tu  prenne  une  HUe 
Sortie  àt  bonne  famille  9 
Vertucufe  en  perfeé^on^ 
ifgale  à  ca  condiciotw 


"^i*       THE  AT  RE   FRANÇOIS. 

t  E    DOCTEUR. 

S!  au  thàriâge  agréable 

Chacun  doit  prendre  Ton  femblablc  % 

Je  dois  mettre  la  bague  au  doigr  , 

D'une  repentie  q^^i  foit  » 

Comme  nioi  vierge  fort  honnefle« 

G  A  U  T  I  E  R. 
Je  as  yeux  point  telle  Moinetre. 

tE    DOCTExTr, 

Je  ferai  pris  pour  fuborneur , 

$i  à  unt-fille  d'honneur 

Je  fuppofc  que  je  fuis  vierge  i 

]Et  me  yoilâ  fous  un  Concierge  ^ 

parce  que  |e  ne  fuis  pas  tel ,  * 

Pour  paroiftre  devant  TAutet 

Pu  Dieu  hymen ,  qui  ne  deinan^^ 

Que  virginité  pour  offrande. 

GAUTIER, 
A  ce  compte  la  tienne  efl  loln^ 

L  E  D  o  ç  TE  a; 

Une  fille  dedans  uti  coin 
Me  Ta  iravi  >  me  fatfant  faire 
Ce  que  vous  faites  à  ma  mere« 

• .  '  q  A  U  T  I  E  R, 

Mais  pourquoi  as-tu  confend  ^ 
Que  je  h'ajrc  été  adverci  \ 

LE    D  O  C  T  iÉ  U  R* 

Jç  ne  voulois  pas  çondefceiHt-re  s 
Mais  )e  n'ai  pas  pu  me  deiFei>drei^ 
Car  contenant  Se  combartai^t 
J'ai  çft4  ravi  à  l'wdiRC, 


TÏÏEA'T]^E\  F:B\ANÇ<>IS.      ^19 


0  A  U  T  I  f  a. 

Ta  jeu^^eHc  eft  donc  déflorée  y 
£t  ma  maîfoo  déshonorée  \ 
Xf  ais  i'employ^rai  mes  amis , 
Afin  que  ce  crime  commis 
Cn  ra  perfonne  ne  demeure 
Impuni  :  il  faut  qu'elle  meure  « 
Nomms-fa-moi  donc  prompcement  > 
Que  l'en  pourfuive  châtiment  t 
Car  je  me  déclare  partie. 

LE    DOCTEU  R... 

Ceft  Jaaneron  la  repentie , 
Qui  m'a  tiré  par  mon  manteau] 
Four  me  faire  puifer  de  l'eau 
Dans  une  citerne  profonde , 
Xfe  remontrant  que  tout  le  monde 
£ft  forti  de  feniblable  creux , 
£t  qu'il  falloit  pour'  être  heureux  f 
Chercber  au  lieu  de  fa  nailfance 
Le  bien  de  la  rélouifTance  i 
A  ce  propos  je  me  rendis. 

GAUTIER.     = 
te  après  ta  condefcendis. 

•      -  • 

^  L  E    DOCTEU  lU 
Toute  montée  i  fa  defcente. .  •  • 

GAUTIER. 

Ah  !  carcogne  moins  innocente  y 
Que  la  garce  qui  a  forcé 
Son  compère  dans  un  fbfl^  , 
Tu  as  fait  entrer  l'ianocencc 
Au  lieu  de  fa  convalefcence  » 
Four  ton  plaidr  defordonné  : 
Mais  )e  u  yeux  coujper yle  nez  s 


K  k  If 


Va- t'en  qùerîr  mon  arBàldte, 
Ma  cuiraffe  ,  Aon  pô<^  en  tefte- » 
Mon  cimeterre  ,  mon  eftoc  , 
ic  ma  grande  arquebufe  à  crùC» 

LE     P  O  C  T  E  U  R. 

Mon  père  ,  4  quoi  faire  caQt  4*arme$  !^ 
Vc^^z-ypM$  cjaufer  des.  aUUrmes  { 

G  A  U  T  I  E  R.- 

7c  veux  forcer  ccûe  maifon  , 
Qui  ejtlercéc-à  rdraifoni     .   ^ 

L  K     D  a  e  T  EUR. 

Xes  chaflcs  qiii  en  font  Geôlières  ^ 
Qui  font  ces  filles  prifonnieres  y 
Afin  d'exterminer  Tamour , 
Vous  feront  repentir  un  jour  %' 

$i  vous  (ouçhez  ce  reliquairç; 

t  "  '  ■     . 

:     G  A  U  T  1ER. 

Qu*ctles  s'en  aillent  â  BeaucâtCQ 
Faire  amas  de  confeéiibn ,      *     " 
Jour  prcférvèr  H'îûftôifta^ 
La  jeuncfTc  dç  cette  Ville. ^  . .  / 
Et  non  pas  pour  fervir  d'aziî» 
Aux  ferpens ,  qui  comâie  fad!s  ^, 
Ont  figuré  un  Paradis 
A  mon  fils  de  Içur  vilainie  : 
Si  cette  maifon  n'ed  pu/iie  . 
^*en  ftrai  des  cendres  au  venc» 

PE  LA  PINELIERE\  ANGEVIN, 
HYPPQUTE  i  Tragédie  *  ttokée  ^e  Séncqw 


.THEATRE  FRANÇOIS.       ^xt 

avec  unPrologac  en  vers  libres  »  ùnè  Préface  du  Sieor 
'  de  Haut  G^tlion  t  &  un  avis  au  Leâeur.  Paris» 
Ant,  de  Somma  ville,  1635.1/1-8^. 

(SUJET  D'HYPPOLITE.)  Par  les  éloges  que 
Ton  trouve  à  la  tête  de  cette  Tragédie ,  on  peut  aifé- 
ment  conjedurer  que  dans  fon  tems  elle  eut  le  plus 
grand  fuccès.  Après  l'avoir  lue  avec  attention,  jeûe 
fuis  point  étonné  qu'elle  ai'' fait  Un  prodigieux  effet 

;  fur  les  Speâateurs;  elle  eft  écrite  avec  chaleir ,  & 
l'on  y  trouve  des  fcènes  copiées  d'après  Sophocle  8c 

"  Burîpide  ;  quoique  j'en  donne  uD  extrait ,  je  ren- 
voyé le  Ledeur  à  la  Tragédie  de  Phèdre  de  Raci- 
ne. Ceft  abfolument  la  même  coupe,  &  la  même  in- 
trigue. Phèdre  eft  amoureufe  d'Hyppolite  ,  (^  nour- 
rice flate  fa  paffion.  Cette  Reine  déclare  fonvamouc 
au  jeune  Prince ,  qui  ne  l'écoute  qu'avec  horreur ,  & 
qui  la  quitte  avec  mépris;  mais  malheureufeipent  il 
laifle  Ton  épée  etitre  fes  mains.  A  l'arrivée  de  Tiiefée  ; 
Phèdre  accufe  Hyppolite  de  Pavoir  voulu  violer  ;  foa 
épée  h\t  preuve  contre  lui;  Thefée  dévoue  (on  fils  à 
Ja  colère  de  Neptune  ^  &c.  &c.  La  feule  différence 
qu'il  y  ait  eri^re'ces  deux  pièces  >  c'eft  qu'on  ne  trouve 
point  dans^  celle  -  ci  l'Epifbde  d'Aricie  ,  que  Hacine 
a  (i  heureafement  employée  ;  &  que ,  pour  infpirer 
plus  de  terreur  dans  le  dénomment ,  la  Pineliere  éta- 
blit  que  Phèdre  au  défefpoir  de  Isi  mort  d'Hyf^polite, 
fait  raffembler  devant  elle  les  membres  épari;  de  ce 
malheureux  Prince;  &  fans  avoir  égard  à  la  pitéfènce 
de  Tbefée  ,k  ^ui  même  elle  reproche  fa  folle  credo* 


ç%%      THEATjRE  FRANÇOIS. 

lité  ,  elle  avooe  fa  honteufe  paffion  pour  ce  îeane 
'  ros ,  &  fe  précipice  fur  fon  cadavre  >  en  s'eofot 
un  poignard  dans  le  coeùr. 

Pour  donner  une  idée  de  la  verfifîcatton  de 
Tragédie ,  j'ai  choifi  le  récit  de  la  mort  d  Hypp( 
Si  Ton  compare  celui  ci  avec  celui  de  Racine  5  & 
Ton  examine  çn  même  tems  le  même  endroit  da 
pièce  de  Séneque  >  on  fera  fans  doute  furpris  dç 
.combien  Racine  a  fçu  embellir  &  enrichir  Toii] 
~  latin  ;  &  combien  au  contraire  la  Pineliére ,  pai 
imitation  trop  fervile  ^  l'a  rendu  foible  &  ennuyé 


Ecoutez  donCi^^rand  Roi,  le  funcfte  accident, 
Qu'  donne  à  ce  jçune  adre  un  fî  prompt  occident; 
A  ^eine  ay.mt  fortt  de  la  Cité  d'Athènes  , 
Neptune  nous  yic-il  fur  te  bord  de  fes  plaines  , 
Oà  mon  Prince  en  Ton  char  Aiivi  de  tous  Tes  gens  p 
Souâroic  que  Tes  chevaux  fulTent  moin^'diltgeiis  î 
Qu')alnflantrbumtde<lo$de  favàfte  campâgoc»  '   , 
Il  &ic  dç  mille  mont»  une  feule  montagne. 
Et  dedans  un  moment ,s*échappant  à  nos  yeux; 
D'un  humide  baîfervâ  fiiluer.les  Cieuz, 
It  ce  qui  nous  cavic  dedans  cette  aventuc»  « 
Ufr^grand  câline  CexplJ!>loiz  endormit  la  nature^  . 
On  voyoit  volrîeer  fur  Teau  mille  alcyons , 
*rbus  les'tyrans  de  Vair  étoicut  fahs  palTîons  ^  • . 
Ces  tbuiibillohs'àifés  ,<6mme  ils  ont  dé  côtttume» 
; K4  Êiifoîeut  point  blanchir  le  rivage  d'écume  , 
>îi  bruire  horriblement  Teau.  contre  les  rochers  j. 
Pour  eâF^rayer  de  loin  les  tîmidcs  nochers  s 
te  tonnerre  cft  Târis'bftMÉ ,  ou  bien  Vâlr&tM 
tes  rayons  dvi  M^»^  dorent  rouie  la  terre  ,  ^ 
,  Tout  le  Ciel  fans  vapeur,  ne  fut  jamais  (î  puy^ 
£cû  ouelques  blancheurs  pâîllTenc  fon  nut  ^ 


i-        -i 


THÉÂTRE  FRANÇOIS,      5x3 

1 

le  voile  délicat  de  cette  belle  nue  y 
Le  rend  plus  agréable  encore  à  notre  vue. 
Ainfi  plaifent  les  lys  defTus  l'herbe  étalés  , 
Aind  Ton  aime  à  voir  defTus  les  flots  falét , 
Les  voiles  blanchiiTans  avec  l'azur  de  l'onde  ; 
Aucun  vent  n'enfle  donc  cette  plaine  profonde  y 
Et  fa  propre  colère  élevé  ain^  Tes  eâux 
Jufqii'où  brillent  les  feux  des  noi^urnes  flambeaux* 
La  mer|>our4es  vàiiTeaux  n*a  pas  fait  cet  oragç) 
Groffe  &  pleine  d*un  monflre  >.  elle  fort  du  rivage 
£t  ce  mont  d'eau  chargé  de  )e  ne  fçai  quel  poids  » 
Tombe  ^eSm  la  terre ,  &  roule  vers  le  bois  i 
Chacun  ,de,nous  alors  eut  ôrayeur,  &  la  crainte 
De  Tes  pâles  couleurs  fut  nos  fronts  s'écoic  peinte« 

THÉSÉE. 

Hyppoli^  eut-il  peur ,  ou  vit-il  fans  trembltc 
Ces  flots  horriblement  Air  U  terre  rouler  i 

A.  T  H  V  S. 

Mon  Prince  fe  mocquant  de  nos  âmes  fl  molles  , 
Raflliroit  tous  fes  gens  avecque  Tes  paroles. 
Amis ,  que  craignez -vous ,  étant  avecque  moi? 
Quoi  !  Neptune  pour  vous  çftil  fi  plein  d*eflroî , 
Que  fur  la  terre  auifi  vous  craignie;^  fa  colère  ? 
Au  refle  penfez-vous  qu'il  fonge  k  nous  déplaire) 
Ce  Monarque  efl  trop  jufle  ,  il  n*a  pas  ce  deflein  >. 
Peut-être  qu'il  vomit  quelque  roc  de  fon  fein , 
Ou  qu'il  cache  des  champs  dans  ce  ventre  fenile  9 
Ec  proche  de  ces  bords  veut  enfanter  une  iAe. 
Il  achey-oit  encor  qo^  ce  vafte  élément 
Ébranlantes  rochers  mugît  borriblemenc : 
Alors  ce^1ob6  d'eau  s'entr*ouvre ,  &  fur  le  fable 
Vomit  avc<*quc  effort  un  montre  épouvcntable  % 
Il  edfuivi  d'un  flot  de  l'élément  amer, 
Qui  lui  faic^Vir  la  tette  uixi  petitie  mer. 


/;i4      THEATRE  FRANÇOIS, 

Et  ledoablanc  la  peur  dont  la  troupe  eft  atteints  y 
Noits  amcine  ce  mal  plus  grand  que  notre  crainte. 

THÉSÉE, 

t 

Ce  prodîgç  en6mté  de  la  fureur  de  Peau  , 
P2cut4l  i  vos  yeux  fpus  quelque  corps  nouveau  S 

A  T  H  y  S. 

C*ctoît  un  grand  taureau  de  ces  humid&S'ptaines^ 

Qui  feroic  tui  g^ant  même  enrre  les  baleines. 

St  fa  thc  &  fon  col  étoient  du  même  teint 

Dont  des  flots  de  la  tncr  le  moite  dos  eft  peint , 

les  fentes  des  naféaux  fant  largement  ouvertes  , 

D'an  rouge  pâHiïànt  fes  codes  font  couyercet  ^ 

Et  le  refte  du  corps  tout  d'écailles  femë , 

Tient  de  cet  élément  qui  l'avoit  animé  : 

les  yeux  éKsticeloient  à  cet  effroi  des  affles  , 

Kt  la  gocule  en  Couvrant  vômidoit  mille  flixncs* 

Tout  tremble  à  fon  afpeâ ,  &  cet  objet  d'horreur 

A  tous  ceux  d'alentour  donne  de  la  terreur  , 

les  troupeaux  eflrayés  courent  par  les  campagnes  ^ 

les  chafleurs  étonnés  grimpent  fur  les  montagnes» 

Ct  parmi  les  forêts  cherclient^  pour  fe  cacher ,. 

Quelques  buifibns  toufiùs  ou  le  creux  d'un  rocher. 

Mon  Prince  fans  trembler  y  &  plein  d'uin  gran4  cotti:a£&> 

Sans  fuir  honteufement  de  ce  trifte  rivage  ^ 

!Ranin%e  fes  chevaux  de  frayeur  égarés  ^ 

Icar  lient  la  bride  roide  «  &  les  rçnd  allures* 

Ce  montre  incontinent  prend  fa  force ,  s'élance  p. 

St  fond  devers  mon  Prince  avecque  violence. 

U  crie  y  il  frappe  en  vain ,  fes  foins  font/uperflus^ 

Ses  chevaux  foiK  troublés»  &  n'obéidênr  plutf  » 

Le  monftre  les  powrfui^  v&î  quittant  le  derrière  ^ 

I^  devance  >  s'arrête  ,  &  leur  fert  de  barrière.    . 

Mon  Prince  fans^  pâUr  lui  jette  des  rcga|rdt. 

Capables  de  porter  U  peur  4U  fdft  dc^Mari» . 


THEATRE  FRANÇOIS,      sx^. 

Se  d'une  voix  tonnante  il  lui  dit  ces  paroles  : 
Tu  fais  pour  m'effiraycr  des  menaces  frivoles , 
3*ai  de  mon  père  appris  â  vaincre  les  taureaux , 
Et  ne  les  crains  pas  plus ,  quoiqu'ils  viennent  des  eaux* 

L  Y  C  R.  A  T  E. 

Cette  gran  de  Valeur  fans  botne  &  fans  limite  , 
Fait  certes ,  fait  bien  voir  le  père  d*PIyppolite« 

THESEE. 

Faut-il  que  le  vice  entre  en  ces  coeurs  gènéteuxl 
Mais  achevé. 

A  T  H  V  S. 

A  Tafpeû  de  cet  objet  affreux  , 
Les  chevaux  étonnés  de  cette  erreur  fî  proche  , 
Se  cabrent  aufli-tot  &  renverfent  le  coche  : 
£t  mon  Prince ,  furpris  dans  un  malheur  fî  prompt  ^^ 
Tombe  cruellement ,  &  fe  meurtrit  le  front , 
£n  tombant  il  i^atuche  à  fon  coche ,  &  des  tbenci 
Il  fait  à  fes  deux  pieds  de  malheureufes  chaînes  » 
£t  plus  à  les  défaire  il  employé  d*eiFor< , 
U  redouble  les  nœuds  &  les  ferre  plus  fort. 
Les  chevaux  cependant  ians  guide  &  fans  contrainte  jf  '• 
Courent  de  tous  côtés  ou  les  porte  la  crainte  , 
£c  marquent  leur  chenyn  par  des  traces  de  fang»- 
Rompent  fur  des  rochers  où  fa  tête  ou  fon  flanc  » 
Des  rochers  dans  le  bois ,  &  du  bois  au  rivage  > 
Ils  laiiTent  des  morceaux  de  fon  rare  vifage. 
De  fangUntes  noirceurs  tout  fon  beau  front  cfk  peint  ^ 
Les  ronces  vont  brifànt  les  rofes  de  fon  teint; 
L*on  voit  de  cette  horreur  les  épines  tremblantes. 
Montrer  de  fes  cheveux  fur  des  peintes  fanglantcs  i 
Un  buiiTon  en  padant  retient  un  de  fes  yeux , 
Ce  qui  refte  en  ce  lieu  s'arrache  en  d*auttes  lieux  ^ 
Sa  tête  fans  vifage  après  le  coche  roule , 
Se  le  long*  des  rochers  la, cervelle  découle» 


5a tf      THEATRE  FR:éNÇOIS. 

les  cheyaax  ignorans  de  ces  trilles  malheurs  « 
Traînent  le  corps  gêné  des  dernières  dtf>iileurs. 
Enfin  ce  tronc  fauglant  en  morceaux  fe  répare  , 
It  mis  tu  mille  lieux  de  roi-même  s'égatCé 
JAes  compagnons  témoins  d*une  telle  rigueur  , 
Tous  les  larmes  aux  yeux  6c  la  trifteife  au  cœur  « 
De  ce  corps  ^ue  les  Dieux  firent  incomparable  y 
Cherchoient  de  tous  côtés  le  rcfie  déplorable. 
^        Nous  trouvions  feul  à  feul  en  des  lieux  différens 

Du  fang  glacé  fur  Therbe ,  &  des  membres  mourant , 
Les  chiens  ciîAes  auflî  du  malheur  de  leur  miître , 
Scntoicnc  ceux  ^ue  les  bois  cmpêchoient  de  paioître. 

t6}6. 

LE  DUELLISTE  MALHEUREUX  ,  Tragf- 
Comédie.  Pièce  nouvelle  pleine  d'intrigues  à  la  nio« 
de  4  fuivanc  le  cemsi  non  jamais  vue  ou  imprimée  ^ 
avec  un  avis  au  Leâeur.  Rouen  ,  Guillaume  de  la 
Haye,  1636. 1/2-4**. 

^ SUJET  DU  DUELLISTE  MALHEUREUX.) 

Le  Duelhde  rencontre  Onomafte ,  il  s'imagine  que 
celui-ci  l'a  regardé  avec  mépris ,  il  lui  envoyé  un  car- 
tel ,  fe  bat  contre  lui  &  eft  dcfarmé.  Ce  DuelIiKe 
étoit  amoureux  de  Glicere ,  qui  (è  plaint  à  lui  d'un 
Poète  qui  avoic  fait  des  vers  contre  elle  :  le  Duellifle 
promet  de  la  venger ,  il  va  chercher  le  Poôte ,  il  vent 
lui  donner  cent  coups  de  bâton ,  mais  le  Poëcç  loi 
arrache  Ton  bâton  ,  &  lui  en  donne  à  lui*  même  une 
grande  quatitité  de  coups.  Cependant  Majordome 
devient  amour eu:?(.  de  Glicere  «  elle  en  fait  confidence 


THEATRE  FRANÇOIS.       ^xy^ 

DuelHIle  »  qui  fur  le  champ  appelle  (on  rival  en 
el  I  il  e(l  encore  bleiïé  &  defarmé.  Majordome 
porte  répée  du  Duellifte  aux  pieds  de  Glicer^ ,  & 
lui  montre  tant  d'amour ,  qu-elle  fe  laifle  réduire  & 
accorde  les  dernières  faveurs.  Le  Duellifte  a  en- 
te diverfes  aventures  f  il  met  Tépée  à  la  main  con« 
)  un  Soldat  y  qui  le  defarme;  il  fe  bat  contre  Ari- 
ind ,  un  de  Tes  amis  f  qu'il  avoit  pris  pour  fon  fe- 
nd ,  &  dont  il  veut  éprouver  le  courage  ;  il  eft  blefféé 
ifin  il  va  -trouver  Glicere  qui  lui  confeille  j  puifqu'il 
t  n  malheureux  dans  tous  fes  combats,  de  fe  faire 
ermite.  La  Duellide  goûte  cet  avis ,  &  le  fuit.  Cet 
rimand ,  le  dernier  contre  lequel  le  Duellifte  s'eft 
Lttu  y  écoit  amoureux  de  Lydie  »  &  la  recherchoit 
)  mariage;  mais  il  avoic  déjà  prévenu  les  privilèges! 
:  rbymen  ,^  ils  ont  cette  fcène  enfemble  : 

Lydie  entrera  trijiement, 
Arimand  allant  la  trouver, 

IbCaîs  voici  ma  maîcrede  :  eh  !  bien ,  mon  petit  corai  ^ 
Mes  amours ,  «es  dcfîrs  y  mon  maîcre  «  mon  vainqi^eiiç  ^ 
7e  t'ai  laidee  au  lit  :  écois  tu  trop  lafTée? 
N'avois-tu  point  afièz  dormi  la  nuit  paflee  ! 
7e  n'ai  pts  fait  de  bruit  fortaiit  d'auprès  de  roi , 
M'as-tu  fitntîs  lever ,  fans  mentir  ,  dis  le  moi  ? 
Tes  yeux  êtofent  fermés ,  me  levant  de  ta  couche  ^ 
^at  cuetit4  le  baifer  doucement  fur  ta  bouche» 
Puis  je  t'ai  recouverte  ^  &  tirant  le  rideau 
7«  fttis  defcendu  bas,  fans  mulles,  fans  chapeau , 
Craignant  de  t'éveiller  ;  car  j'aime  tant  ton  alfe.  • 
Mon  ccetxv'ppi^cbe-ioi ,  permets  que  je  re  baife. 


Sx8      THEATRE  FRANÇaiSi  ' 

Regardant  U  Peuple*  ; 

Ke  YODS  mocquez  de  âioi  d'aller  idolâtrant 
Ces  beaux  ycxxx  donc  les  traies  vont  mon  çceur  pênécranf 
I>es  pointes  de  l'amour  :  mon  ame  en  efl  meuccri:  , 
Car  de  les  adorer  >  ce  n*efl  qu'idolâtrie } 
'Baifc-moi  donc  ^  mon  orur ,  tu  me  £ais  trop  languir* 
Allons  encor  un  coup  fur  tes  lèvres  cueillir 
Ce  neâar  de  Ternis  \  ne  fais  point  la  fâcheufe  , 
Crains- tu  qu'on  ne  te  voye?  £s-tu  encoire  hoaceufe  t 
On  ne  s'en  cache  ptus>  chacune  en  fait  autant, 
C'écoic  au  tenis  palTé  >  mais  non  pas  maintenant  s 
Vn  Dieu  nous  le  commande ,  inftruic  de  la  aatux» 
A  faire  fon  femblablc ,  6c  brufquec  l'aYeniure  ; 
Allons  (ans  plus  uider. 

L  y  D  I  £.  / 

£h  !  Monfîeur ,  mon  hotmeot  f 

A  R  r  M  A  N  D. 

t>e  garder  de  crélbr,  ce  m'efl  un  grand  bonheur* 

LYDIE. 

Mais  vous  m'avez  promis  la  foi  de  mariage  1^ 

ARIMAND. 
T£  l'ai  ptomife  !  U  vous  \ 

L  Y  D  I  £  fleurante. 

Vous  en  avez  un^gagÉ 
Trop  fort  pour  en  douter ,  \q  fuis  du  tout  â  vous  % 
£t,  Monfieur,  exaucez  ma  prière  à  genoux: 
Vous  avez  mon  honneur ,  i'ai  votre  foi  promife  , 
AMotts  nous  marier ,  allons  droiç  à  l'Eglife  i   • 
Nour  trouverons  un  Prêtre ,  allons  fans  plus  cacher  ^' 
Faifons  taire  le  monde  i  on  vient  me  regarder 
Jufques  deCous  le  aez>  ^  deviens  il  honxcuCo  s 

Quafid 


THEATRE  FRANÇOIS.       ^a^ 

Quand  la  fîUe  a  failli ,  ô  !  qu'elle  cfï  malheureufe  : 
Tu  ^e  ce  hâtes  point  !  allons  donc  pronipteiiient> 
Aurois-je  été  crompée  en  prenant  ion  ferment } 
Répons  ?  quels  fouvenir^  roulcni:  dans  fa  penfée  ? 
Voudrois-tu  me  laiiler  en  ce  point  ofF.nlee  i 
Ayant  ioui  de  moi  me  vouloir  inéptifer? 

Enfin  Majordome  avec  (Sliceré ,  Arîmand  avec  Ly» 
die,  vont  trouver  enfemble  le  nouvel  Hermite,  qui 
leur  donne  la  bénédiâion  nuptiale  y  &  qui  les  unité 

Il  e(l  difficile  de  voir  une  pièce  plus  mauvaife  »  plus 
plate  ^  plus  mal  écrite ,  &c  plus  indécente  que  ccUc-cik 

Î636* 

CHARLES  BEYS,  mort  en  1659-  H  fut  mis 
à  la  Baftille  ,  ayant  été  foupçonné  d'avoir  écrit  con- 
tre le  Gouvernementé  Son  innocence  reconnue  l'en  âc 
(brtir  promptement. 

L'HOSPITAL  DES  FOUX,  Tragî-Comédie^ 
avec  un  avis  au  Leâieur.  Paris,  Toufiaint  Quinet^ 
.1636-  in  ^°. 

Lamêmcy  1639.  in^ia« 

LE  JALOUX  SANS  StJJÊT ,  Tragî-Com^cîîe , 
dédiée  à  M.  de  Gondy  ,  Abbé  de  Buzay.  P  a  R  i  s  ^ 
TouflTaint  Quinet,  1656.  i/1.4®. 

CELINE,  ou  LES  FRERES  RIVAUX. 
Tragi-Comédie,  PARIS»  ÏOùflaint  Quinet ,  1637. 
a/i-4  . 

Tome  Ik  jLl 


f^o^      THEATRE  FRANÇOIS. 

L'AMANT  LIBERAL,  Tragi  Comédie.  Paris, 
Touflainc  Quinet ,  1638.  1/1-4°.  Ceft  la  même  que 
celle  qui  ell  à  Tarticle  de  Bôufcal.  Cette  pièce  eft 
douteufe  entre  les  deux  Auteurs. 

LES  ILLUSTRES  FOUX  .  Comédie  en  cinq 
aftes ,  en  vers ,  dédiée  à  M.  le  Duc  d'Arpajon.  Paris, 
Olivier  de  Varennes ,  i6s}'  ifi-^'^» 

(SUJET  DE  L'HOSPITAL   DES  FOUX.) 

Je  ne  donnerai  point  en  ce  moment  -  ci  l'extrait  de 
cette  .pièce ,  qui  eft  abfolument  le  même  fond  que 
l'ouvrage  que  Beys  fit  repréfenter  quelque  tems  après 
fous  le  titre  des  Illuftres  Foux  ;  ainfi  je  renvoyé  mes 
Leâeurs  à  l'extrait  que  je  donnerai  de  cette  Corné- 
die.  Je  les  avertis  feulement  que  dans  la  dernière  > 
l'Auteur  a  eu  foin  de  changer  tous  les  noms  des  Ac- 
teurs ,  qu'il  a  diftribué  différemment  fes  fcènes ,  qu'il 
y  en  a  ajouté  quelques -unes  >  &  fupprimé  d'autres; 
qu'il  a  auffi  tranfpofé  &  retranché  des  vers ,  qu'il  y 
en  a  mis  de  nouveaux ,  &  que  malgré  la  peine  qu'il 
s'eft  donnée  à  toutes  ces  différentes  correâions  y  la 
pièce  n'en  eft  pas  meilleure ,  &  n'eut  qu'an  médioae 
fuccès. 

(SUJET  DU  JALOUX  SANS  SUJET.) 

Alindor  ,  amoureux  de  Clarice  9  devient  (ans  motif 
jaloux  de  Belanire  j  qui  loin  d'en  vouloir  à  (a  mai' 
tfe{re,adoroit  au  contraire  Arthemife ,  qui  déddignoit 
fes  foins ,  &  qui  aimoit  &  étoit  aimé  d'Erace.  La 
juloufie  d'Alindor,  &  les  mépris  d*Arthemi(e  détermU 
nent  Belanire  à  offck  fes  vœux  à  Clarice  ^  dont  il  eft 


THEATRE  ERJNÇOIS.      531 

Ire^u  très>  (roidement  :  malgré  rextrême  jaloufie  d' A«* 
lindor,  elle  lui  donnolc  la  préférence  fur  tous  (es  ri- 
vaux. Cet  amant  inquiet  des  aiTiduités  de  Belanire  • 
imagine  pour  l'écarter  de  chez  fa  maitrefle  d'engager 
£race  Ton  ami  9  de  feindre  de  Tamour  pour  Clarlce» 
&  de  laifler  entrevoir  à  Belanire ,  qu'il  le  verra  fans 
chagrin  pofleffeur  d*Arthemife  ;  par  ce  moyen  il  efpe^^ 
re  avoir  Toccalion  de  voir  plus  fouvent  fa  maîtreffç , 
étant  bien  fur  que  fon  ami  >  qui  eft  riche ,  fera  reçu 
tout  favorablement  par  le  perc  de  Clarîce ,  qui  eft 
un  vieil  avare ,  qui  l'avoit  rcfufé  à  caufc  4^  fon  pçu 
dé  fortune.  Cette  intrigue  eft  concertée  entre  Aliij- 
dor  y  Erace  ,  Clarice  &  Arthemife-  Tout  alloit  le 
mieux  du  monde  ,  Erace  avoit  introduit  AHndor  > 
comme  fon  ami  j  chez  le  père  de  Clarice  i  Belanire 
féduit  par  de  faufles  apparences ,  s'étoit  livré  tout  en- 
tier à  Arthemife,  &  ne  voyoit  plus  Clarice  ,'  quand 
tout-à-coup  Alindor  fe  livre  kks  jaloux  foupçons,  & 
fe  perfuade  qu'il  eft  trahi  par  Erace.  11  en  porte  les 
plaintes  les  plus  ameres  à  Arthemife  9  &  lui  perfuade 
enfin  que  fon  amant  eft  infidèle* ,  Arthemife  furieufe» 
jure  de  ne  plus  revoir  ce  perfide  :  ce  n-étoit  point  là 
le  projet  d'Aliodor,  il  vouloit  au  contraire  qu'elle  le 
rappellât  auprès  d'elle,  &  qu'elle  Im  défendît  de  re- 
voir Clarice  ;  mais  cette  belle  (e  livre  toute  entière  à 
fon  reflentiment ,  ce  qui  met  encore  Alindor  dans  un 
plus  grand  embarras.  Cependant  Arthemife  a  vmç  ex« 

plication  avec  Erace  ^  qui  fe  juftifie  aifément,  &  qui 

Llij 


^$^%      THEATRE  FRANÇOIS: 

piqué  du  procédé  d'Alîndor  Tappelle  en  duel  ;  celui-d 
ne  veut  point  fe  battre  contre  ton  ami  ^  à  qui  il  avoue 
les  torts  &  le  malheureux  penchant  qui  le  porte  à  la 
jaloufie.  Enfin  on  convient  qu'Erace  ira  trouver  le 
père  de  Clarice,  qu'elle  lui  avouera  qu'elle  aime  & 
qu'elle  eft  aimée  d'Alindor ,  &  qu'il  fera  (on  poffible 
pour  le  déterminer  à  lui  donner  la  main  de  fa  fille. 
Après  bien  des  difficultés  ,  le  vieillard  reçoit  Alindor 
pour  fon  gendre;  Eràce  époufe  en  mème-tems  Arthe- 
mife ,  &  Belanire ,  dont  on  ne  fçavoic  que  faire ,  & 
qui  fe  voyoit  fans  femme,  rencontre  heureufemetiC 
une  fœur  d'Arthemife ,  qui  veut  bien  s'unir  avec  lui. 

L'intrigue  de  cette  pièce,  qui  eft  fort  compliquée, 
eft  conduite  avec  fagefle  &  clarté.  Cette  Tragi  -  Co- 
médie eut  dans  fon  tems  quelque  fuccès.  Voici  un 
endroit  qui  fera  juger  du  ftyle ,  &  qui  convient  au  fu- 
jet;  c'eft  le  portrait  de  la  jaloiifie. 

Pour  ne  vous  point  flatter  >  ce  lâche  mouvement  ■ 
Souvent  n'a  point  de  caufe  ,  &  naît  en  un  moment  ^ 
Un  cctur  bien  généreux  n'en  eft  gueres  capable , 
Et  fouvent  l'efprit  feul  de  ce  mal  eft  coupable  s 
Dans  cette  pa(fion  chacun  le  veut  flatter , 
Il  cherche  des  moyens ,  afin  de  l'irriter , 
It  pourvu  que  fon  ame  en  foit  bien  pofTédée  , 
S*il  n'en  trouve  en  effet ,  il  en  trouve  en  idée  : 
^ous  le  voyons  lui-même ,  à  lui-même  trompeur  j^  ::  V 

Il  fe  fait  des  fujets  6c  de  peine  Se  de  peur , 
Il  ccmpofe  en  veillant  des  fonges  déceftables , 
Se  les  veut  par  après  prendre  pour  des  yéritablei^ 


THEATRE  FRANCO IS,      ^3 jf 

Il  s'ofFenfe  de  tout ,  il  tient  tout  pour  fufpeâ  • 
Il  prend  en  même  part  l'injure  &  le  refpeâ  , 
Il  craint  la  modcftle  9  a  peur  de  rinfoleuce ,      ' 
£t  le  difcours  le  blefTe  autant  c^ue  le  filence. 

(SUJET  DE  CELINE.)  Lifanor  &  Cefîne 
avolent  été  élevés  enfemble  dans  une  campagne  éloi'» 
gnée  de  Coppenhague ,  ils  ignoroient  à  qui  ils  dé- 
voient le  jour,   &ils  gardoient  les  moutons.  A  force 
de  valeur,  Lifanor  rend  des  fervices  fi  confidérables  à 
l'Etat ,  qu'il  en  appelle  à  la  Cour  dç  Dannemarck  ,  où 
il  fait  la  plus  brillante  fortune.  Céline  trouve  aufTi  le 
lii>oyen  de  s'introduire  dans  la  même  Cour»  &  d'y 
avoir  une  grande  confidération  ;  enchantée  de  retrou- 
ver celui  avec  qui  ellç  avoit  paffé  fon  enfance ,  elle  ne 
peut  s'empêcher  de  l'aimer ,  elle  lui  découvre  fa  ten- 
dre(&  ;  mais  Lifanor  uniquement  occupé  delà  gloire^ 
ne  veut  point  contrafter  d'engagement.   Therfandre 
&  Lifidas ,.  fils  du  Duc  de  Mofcoviç  >  voyant  Céline  i 
en  deviennent  amoureux^  &  fe  cachent  mutuellemen(i 
les  fentimens  que  cette  beauté  leur  infpire  ;  d'un  au« 
tre  côté  Agante  &  Califte ,  filles  du  Roi  de  Danne- 
marck ,  font  éprifes  des  charmes  de  Lifanor ,  qui  les 
reçoit  toutes  deux  avec  h  mêmç  indiflférence.  Cette 
double  rivalité  des  deux  frères  &  des  deux  fœurs , 
produit  quelques  incidens,  &  brouille  tout  le  monde* 
Enfin  arrive  le  dénoùment ,  qui ,  je  l'avoue ,  eft  ua 
peu  tiré  par  les  cheveux  :  on  découvre  tout-à-coup  k 
certaines  marques  que  porte  Céline  ^  qu'elle  eft  alto 

UvCy 


534       THE4TRE  FRANÇOIS. 

du  Duc  de  Mofcovie  ;  elle  avoic  été  changée  au^er* 
ceau  ,  &  prife  enfuite  par  des  Corfaires  ;  en  même 
teins ,  par  le  moyen  d'une  chaîne  que  Lifanor  aifoit 
toujours  à  fon  col  >  il  eft  reconnu  pour  fils  du  Rot  de 
Dannetnarck  :  après  cette  double  reconnoiflance ,  Li- 
fanor époufe  Céline ,  &  les  deux  Princes  de  Mofco- 
vie époufent  les  deux  Princeffes  de  Dannetnarck. 

Cette  pièce  eft  froide  &  languiflante ,  &  la  verfifi- 
cation  en  eft  fi  médiocre ,  que  je  n'ai  pas  trouvé  oo 
feul  endroit  qui  méritât  d'être  cicé. 

(SUJET  DE  L'AMANT  LIBERAL. )  J'ai  déjà 

dit  à  l'article  de  Boufcal ,  qu'il  avoit  compofé  cette 

{>iece  de  concert  avec  Beys,  ainfi  elle  appartient  éga- 
ement  à  l'article  de  ces  deux  Auteurs ,  quoique  l'on 
trouve  deux  éditions  de  cet  ouvrage,  Tune  de  16)7. 
l'autre  de  1638.  Je  peux  affurer  qu'il  n'y  en  a  eu 
qu'une  feuk ,  &  qu'on  a  tout  au  plu«  changé  le  froo- 
tifpice ,  ou  que  c'eft  une  faute  d'impreffion.  Ceux  qui 
îiùront  envie  de  connoîtrç  ce  Drame ,  en  trouveront 
l'extrait  fousl'atinée  1631.  à  Tarticle  de  Saideri,  qui 
a  aii^îi  traité  ce  même  fujet,  &  fous  ie  même  titre, 
en  cbanî^eant  feulement  le  nom  des  Adeurs,  &en 
compofant  d'autres  vers.  Il  eft  apparent  que  Beys  & 
Boufcal  montrèrent  leur  ouvrage ,  &  que  Scuderi  en 
ayant  trouvé  la  fable  intéretfaure ,  voulut  fe  ["^ppro- 
f  lyer  s  &  il  eft  sur  que  la  pièce  &  les  vers  de  ce  der- 
nier valent  beaucoup  mieux  que  ceux  des  deux  au- 
tres. 

r  SU  JET  DES  ILLUSTRES  FOUX.)  Dom 
Alredes  ai2K>ureux  depuis  long.tems  de  Lucîaoe, 


THEATsRE  FRANÇOIS.        535 

/>*ayant  pu  l'obtenir  de  fes  parens ,  la  preffç  de  quitter 
*a  patrie ,  &  de  le  fuivre  dégaif(^ç  en  homme.  Cette 
tendre  amante  y  confent ,  &  ils  partent.   Ils  rencon- 
trent en  chemin  des  voleurs ,  Luciane  veut  en  vain  fe 
défendre ,  elle  eft  bien-tôt  defarmée  ;  fon  amant  après 
la  plus  vigoureufe  défenfe,  éprouve  a^affi  le  même 
fort.  Le  chef  des  brigands  ayant  reconnu  le  fexe  de 
Luciane 9  en  devient  amoureux;  &  pour  fe  débarr 
rafler  de  Dom  Alfrede ,  il  ordonne  qu'on  le  précipitç 
dans  la  mer.  La  douleur  que  celui-ci  r  efTent  de  1^ 
perte  de  fa  chère  Luciane  ,  lui  fait  envifager  la  mort 
avec  plaifir  :  il  tient  même  des  difcoqrs  fi  tendres  >  R 
touchans  f  qu'il  attendrit  l'ame  de  ces  fp^rbares,  q^i 
non-feulement  n'écoutent  point  Tordre  4e  leur  Capi- 
taine y  mais  même  qui  le  mettent  en  Ubert^.  Il  fe  r4« 
fugie  à  Valence  où  il  rencontre  un  de  (es  amis  9  qi|i 
le  conduit  à  l'Hôpital  des  foux  ;  pn  peut  Juger  de  Ql 
.  ficuation  lorfqu'il  y  reconnoît  Luciane  ;  l'efprit  avoit 
tourné  à  cette  belle?  lorfque  les  voleurs  étpient  venus 
rendre  compte  à  leur  chef ,  qu'ils  venoient  de  faire 
périr  Dom  Alfrede:  &  ce  Capitaine  ne  voulant  pas 
fe  charger  d'une  folle,  l'avoit  envoyée  à  l'Hôpital.  Dès 
qu'elle  reconnoit  fon  amant,  elle  recouvre  fon  boh 
fens  ;  ils  méditent  enfemble  les  moyens  de  la  tirer  de 
.  cette  honteufe  prifon.  Dans  ce  moment  il  entend  da 
bruit  9  il  voit  un  homme  pourfoivi  piar  des  Soldats,  il 
met  l'épée  à  la  main  &  le  délivre.   Il  ignoroit  com« 

bien  U  étoit  heureux  d'avoir  rendu  un  fervice  &  im^ 

L  liv 


SJ6      THEATRE  FRANÇOIS. 

portant  à  cet  inconnu  ;  c*étoic  Dom  Alfonfe  ,  frère  de 
J-uciane.    Il  eft  bon  de  fçavoir  que  ce  Dom  Alfonfe i 
dans  l'intention  de  venger  Phonneur  de  fa  fœur ,  avoit 
été  chez  Dom  Alfrede  pour  Tappeller  en  duel ,  qu*i» 
y  avoit  vu  Julie  ,  fœur  de  Dom  Alfrede ,  qu'il  en  étoit 
devenu  amoureux,  &  qu'après  quelques  événeraens 
il  Pavoic  enlevée.  Peu  de  tems  après  il  avoit  été  forcé 
de  s'en  féparer,  parce  que  s'étant  battu   contre  un 
homme  qu'il  avoit  tué ,  il  avoit  été  contraint  de  fè  fan- 
ver  prompteraent  ;  il  raconte  fôn  hiftoire  à  fon  libéra- 
teur I  qui  ne  fe  fait  pas  reconnoîtr e  :  il  te  recommande 
en  fuite  à  Dom  Pedre  fon  ami ,  qui  avoit  le  plus  grand 
crédit  dans  Valence.  Alfrede  perfuade  à  Dom  Pedre 
qu'il  a  les  raifons  les  plus  eflentielles  de   fe   cacher 
quelque  tems,  &  lui  demande  d'être  enfermé  dans 
l'hôpital  des  foux  ,  on  le  met  près  de  Lucianei  & 
on  ne  doute  pas  de  fa  folie ,  aux  carefles  qu'on  loi 
voit  faire  à  cette  belle ,  qui  n'ayant  pas  quitté  fes  vè- 
temens  ,  paffe  pour  un  homme.  Cependant  Julie  in* 
quiette  de  (oh  amant ,  arrive  à  Valence  pour  le  cher- 
cher, elle  é^oit  fuivie  d'un  Seigneur  François ,  nommé 
Tirinte,  qui  eft  amoureux  d'elle,  mais  dont  elle  mé- 
prifoit  l'hommage.  Tirinte  par  curiofité  va  voir  l'Hô- 
pital des  foux ,  il  eft  touché  de  la  grâce  &  de  la  beau- 
té de  Luciane,  qu'il  prend  pour  un  jeune  homme ,  & 
le  délivre  avec  de  l'argent.    On  comprend  le  défet 
poir  d' Alfrede,  lorfqall  fe  voit  féparer  de  tout  ce 
Q^'il  aiine  ;  il  raconte  alprsi  ion  hiftoire  ;  mais  pb»  il 


THEATRE  FRANÇOIS.        $3y 

aflare  que  Luciane  eft  une  femme,  &  qu'elle  eft  fa  maL 
trcffe,  plus  on  le  croir  fou  ;  il  devient  furieux,  &  on  le 
reflerre  plus  e'troitement.  Cette  fcène  eft  très-comique» 
Luciane  fe  rencontre  avec  Julie,  elles  fe  prennent  bien- 
(ôt  d'amitié  ,  &  fe  conSent  mutuellement  leurs  aven- 
tures  :  elles  vont  enfemble  àTHôpital,  Julie  embraffe 
fon  frère;  Luciane  ,  qui  n'avoir  point  encore  quitté  fes 
habits  d'Jiomme,  embraffe  fon  amie  ,  &  Dom  Alfonfe 
furvient  dans  ce  même  inftant ,  il  traite  Julie  dlnâ- 
délie  ,  l'accable  de  reproches ,  &  veut  tuer  Luciane  ; 
elle  fe  jette  à  fon  col ,  &  fe  fait  reconnoître  pour  fa 
fœur;  Dom  Alfrçde  fe  découvre  alors,  comme  ils 
étoient  tous  les  deux  également  coupables  9  ils  fe  par- 
donnent mutuellement.  Dom  Alfrede  fort  de  cet 
indigne  féjour;  &  (on  mariage  avec  Lucianç,  &  ce* 

lui  de  Dom  Alfonfe  avec  Julie ,  terminent  cette  pièce» 
qui  eft  médiocre,  dont  l'intrigue  eft  très  compliquée» 
&  où  l'on  trouve  plufieurs  fcènes  épifôdiques  entre 
les  principaux  foux  de  l'Hôpital  :  on  fait  fucoeflî ve- 
inent paroitre  desMuficiens;,  des  Poëres ,  des  Alchy- 
miftes,  des  Aftrologue$,  des  Comédien?,  &c.  qui 
tje  jettent  aucune  gaieté  dans  cet  ouvrage  y  où  je  n'ai 
pu  trouver  un  endroit  qui  valût  la  peine  d'être  rap« 
porté, 

ISAAC  DE  SENSERy^DE, de  l'Académie 
Françoife,  né  à  Lions,  près  Rouen ,  en  1612.  morc 
en  1691, 

LA  CLEOPATRE  ,  Tragédie  ,  dédiée  à  Moti- 
feigneur  le  Cardinal  de  Richelieu*  ?AJ^IS  ;  Ant«  dQ 
Soaimavillçi  1636.  in-^^^^ 


53»        THEATRE  FRANÇOIS. 

LA  MORT  DACHILLE,  ET  LA  DISPUTE 
DE  SES  ARMES,  Tragédie,  dédiée  au  Roi.  Pa- 
ris, Ant.  de  Sommaville,  1637.  '^  4°» 

I P  H I S  ET  JANTE  ,  Comédie  en  cinq  aftes , 
dédiée  à  M.  de  Beautru,  Introduâeur  des  Ambafla- 
deurs.  Paris,  Ant.  de  Sommaville»  J637. 1/1-4^ 

GUSTAPHE,OU  L'HEUREUSE  AMBITION, 
Tragi  Comédie,  dédiée  à  M.  le  Marquis  de  Hunau- 
daye ,  Comte  de  Plefarec.  Paris  ,  Ane.  de  Somma- 
ville,  1637.  i/i-4^. 

MELEAGRE ,  Tragédie,  dédiée  à  M.  le  Marquis 
de  Brezé.  Paris  ,  Antoine  de  Sommaville  ,  1641* 
i/z-4^. 

LA  PUCEÎ.LE  D'ORLEANS,  Tragédie. 
Paris,  Ant.  de  Sommaville,  1641.  i/i-4S 

Cette  dernière  pièce  eft  douteufe  entre  lui  &  la 
Menardiere. 

(SUJET  DE  CLEOPATRE.)  J'ai  déjà  donné 
l'extrait  de  cette  Tragédie  ,  fous  l'année  i  ^6Z.  à  l'ar- 
ticle de  Robert  Garnier.  La  coupe  &  l'intrigue  de 
celle-ci ,  étant  abfolument  les  mêmes ,  je  renvoyé  mes 
Leâeurs  à  celle  du  feiziemé  fiecle ,  en  les  aflurant 
qu'elle  eft  certainement  beaucoup  mieux  écrite  & 
beaucoup  plus  intéreflante ,  que  celle  de  Benferade  ; 
.pour  les  faire  juger  du  fiyle  des  deux  Auteurs,  je 
mettrai  fous  leurs  yeux  le  morceau  le  plus  poétique 
que  j'ai  pu  trouver  dans  la  Tragédie  de  ce  dernier  ; 
|e  rapporterai  après  cela  ce  que  dans  la  même  pofitioo 


THEATRE  FRANÇOIS.      SJ^ 

Garnîer  fait  dire  à  Ton  I.eâeur  ^  &  que  l'on  a  déjà 
trouvé  lorfque  i*ai  donné  rextraic  de  fa  Ciéopatre.    ' 

D  I  R  C  E  T  »  Garde  d'Antoine.  (  'Dans  Benferade,  ) 

• Du  haut  «tu  tombeau  , 

Ses  filles  d'une  corde  attiroient  ce  fardeau  : 

La  Reine  même  aidoic  en  ce  vil  exercice  i  ' 

Sts  délicates  mains  y  faifoicnt  leur  otfice , 

Ses  efibrts  étoieni  grands}  on  n'eût  pas  tiré  mteur, 

%t  Ton  front  paroiiToit  mouillé  comme  fes  yeux* 

Antoine  fufpendant  la  douleur  qui  le  blefle  , 

Four  y  contribuer  avecque  fa  foibleiTe , 

Tendoit  fes  bras  mourans ,  les  roidiffoit  exprès. 

Se  fouflevoit  un  peu  ,  mais  retomboit  après. 

D  I  R  C  E  T,  (Dans  Rùhert  GamierJ) 

Jamais  rien  û  piteux  au  monde  ne  fut  yeu  : 
L'on  montoit  d'une  corde  Antoine  peu  à  peu  , 
Que  rameallolt  laiflknt  ;  fa  barbe  mal  peignée  , 
Sa  face  &  fa  poictioe  écoit  de  fang  baignée , 
Toutes  fois  tout  hideux  &  mourant  qu'il  efloît  f 
Ses  yeux  demy-couverts  fur  la  Reine  jcttoit, 
Luy  tendoit  tes  deux  mains^,  fe  foulevoit  luy-njcme  ," 
Mais  fon  corps  retomboit  d'une  fbiblefTe  extrême, 

La  miferable  Dame ,  ayant  les  yeux  mouillés  » 
Les  cheveux  fur  le  front  fans  art  cfparpillés, 
La  poitrine  de  coups  fanglantement  plombée  , 
Se  panchoit  contre  bas ,  à  telle  recourbée  , 
S'cflançoit  à  la  corde ,  Ôc  de  tout  fon  effort 
Courageufe  attiroit  cet  homme  demy-mort  i 
Le  fang  luy  devaloit  au  vifage  de  peine  , 
Les  Beris  luy  roidifroient ,  elle  étoit  hors  d'haleloe; 

Le  peuple  qui  d'à  bas  amaffé  regardoit, 
Pe  gcftcs  6c  de  voix  à  l'cnvy  luy  aidoit  : 
Tous  crioient ,  l'exhottoient  6c  fouffroient  en  leur  ame  j 
Fein^nt^  fuant>  ainû  que  cette  pauvre  Dame  9 


^40       THE  AT  RE  FR  A  NÇO IS, 

Toutcsfois  invaincue ,  au  travail  dura  ranc , 
De  Tes  femmes  aidée ,  &  d*un  cceur  (1  conflanc  y 
Qu'Antoine  fut  tiré  dans  le  fépulchre  fombre  , 
i        Oà  je  crois  que  des  morts  il  augmente  le  nombre* 

(SUJET  DE  LA  MORT  D*ACHILLE  ET  DE 
LA  DISPUTE  DE  SES  ARMES.  )  Suivant  le  titre 
que  ppcte  cette  pièce,  elle  renferme  un  double  fujet, 
la  mort  du  fils  deThetis  ?  &  la  difpute  entre  Ajax  & 
Ulyffe  au  fujet  de  ks  armes.  Ce  n'eft  pas  le  feul  dé- 
faut  de  cet  ouvrage  que  je  préfererois  cependant 
au  précédent ,  quoiqu'il  ne  foit  ni  mieux  écrit  ni  plus 
intéreiTant  >  mais  Benferade  a  puifé  (on  fujet  dans 
Homère ,  &  il  copie  des  traits  de  ce  grand  homme , 
qui ,  tout  défigurés  qu'ils  font ,  confervent  encore  ce 
ton  de  grandeur  6c  de  fublimité ,  qui  cara<%.érife  les 
écrits  de  ce  Prince  des  Portes. 

Prîam  vient  redemander  à  Achille  le  corps  de  foo 
fils  Heâror  ;  le  Héros  grec  ne  lui  accorde  cette  grâ- 
ce y  que  fous  la  condition  que  le  Roi  des  Troyens  lui 
donnera  (a  fillé  Polixene  en  mariage  :  Priam  y  con- 
fent  avec  joye,  &  obtient  d'Achille  qu'il. ne  combat* 
Ira  plus  pour  le  parti  des  Grecs.  Ajax  &  Ulyffe  vien- 
nent en  vain  le  preffer  de  fe  joindre  à  eux  pour  re« 
pouffer  les  Troyens  ;  Achille  tient  la  parole  qu'il  vient 
de  donner  ,  &  refte  dans  fa  tante  :  mais  malheureu- 
fement  Troïle ,  fils  de  Priam ,  qui  ignoroît  l'alliance 
promife  entre  fon  père  &  Açhillç  ,  vient  le  braver 
îufques  fous  fes  pavillons.  Ce  Héros  ne  peut  (bucenir 
un  pareil  af&ont  ^  fort|  combat  Troïle^  &  le  tue.  La 


THEATRE   FRANÇOIS.      541 

mort  de  ce  jeune  Prince  jette  la  confternation  dans 
ïroye  ;  fon  frère  Paris  veut  ablolument  le  venger ,  il 
va  trouver  le  fils  de  Thetis ,  &  l'engage  à  venir  dans 
Troye  ,  pour  contrader  aux  pieds  des  Autels  fon  hy- 
men avec  Polixene.  L'amoureux  Achille  y  vole  >  entrç 
dans  le  Temple ,  &  Paris  le  tue  en  trahifon  au  moment 
qu'il  alloit  prononcer  le  ferment  qui  le  rendoit  gendre 
de  Priam,  Ceft  ainfi  que  finit  ce  qu'on  peut  appeller 
la  première  partie  de  cette  Tragédie.  Après  ce  funefte 
événement  qui  fe  pafle  dans  le  quatrième  afte.  Ajax 
&  Ulyfle  difputent  les  armes  de  ce  Héros ,  après  avoir 
fait  chacun  une  très-longue  harangue ,  où  ils  rappor- 
tent leurs  difFérens  exploits  ,   &  où  ils  vantent  les 
fervices  importans  qu'ils  ont  rendus  à  l'armée  :  les 
Grecs  décident  en  faveur  d'Ulyfle ,  &  Ajax  fe  tue 
de  défefpoir. 

(SUJET  D'IPHIS  ET  JANTE.)  Cette  Comé- 
die eft  tirée  du  neuvième  Livre  des  Métamprpho- 
fes  d'Ovide  ;  &  pour  rendre  fon  Poëme  plus  théâ- 
tral »  l'Auteur  y  a  ajouté  quelques  épifbdes,  Iphis  » 
quoique  fille  ,  avoit  toujours  été  élevée  comme  un 
garçon  ;  fa  mère  ayant  été  obligée  de  cacher  fon  fexe, 
parce  que  fon  mari  lui  avoit  ordonné  en  cas  qu'elle 
n'accouchât  que  d'une  fille ,  de  la  faire  expofer.  Iphis  , 
trompé  lui-rtième  fur  fon  fexe  ,  étoit  devenu  amoureux 
de  la  jeune  Jante  ;  leurs  parens  d'accord  ,  le  mariage 
fut  bientôt  arrêté.   La  mère  d'Iphis ,  qui  feule  étoit 
clans  le  fecret  1  fait  de  vains  efforts  pour  s'y  oppoGùr. 


54^     THEATRE  FRANÇOIS. 

Ce  mariage  ridicule  fe  célèbre ,  &  Ton  fe  doute  bîen 
de  ce  qui  arriva  la  première  nuit  des  côces.  Le  pau- 
vre Iphis  ,  privé  des  douceurs  dont  il  fe  flattoit  de 
jouir,  va  trouver  fa  mere>  &  lui  rend  compte  ainfi  de 

ce  qui  s'cA  paiTé. 

I  p  H  I  s. 

Ce  que  le  jour  cachoic,  la  nuiâ^  Ta  decoayerc  î 
Nous  cudions  bien  voulu  concencer  noftcc  envie  ,f 
Et  je  ne  fus  jamais  fî  trille  &  H  ravie. 
Son  mefconcentemem  me  donnoit  du  foncer  , 
Mais  la  pofTcnîon  me  ravilToic  auiTy  , 
Et  quoique  mon  aideur  me  fûcforc  inutile» 
J*oubliois  quelque  temps  que  j^eflois  une  fiile« 
7e  ne  reccus  jamais  cane  de  conccncemens , 
Je  me  lai  (fois  aller  à  mes  ravitïèmens  , 
D'un  baifer  j'apaifois  mes  amoureufes  Hévres  » 
Et  mon  ame  venoit  jufqu'au  bord  de  mes  lèvres»' 
Dans  le  doux  fendmenc  de  ces  biens  fuperflus  » 
J'oubliois  celuy  même  où  j^afpirois  le  plus. 
7*embraflois  ce  beau  corps ,  dont  la  blancheur  extrêoïc 
XTexcicoic  â  luy  faire  une  place  en  moy-même  : 
7e  touchois^  jebaiCois,  j*avois  le  ccrur  contcnc. 

TELETUZE. 

Vous  n'avez  qu'à  vous  voir,  vous  en  verrez  autant* 
L'on  n'a  jamais  parlé  d'un  amour  de  la  forte  : 
Qu'elle  fait  fur  vos  fcns  une  imprcifion  force  î 
Encor  qu'a- t'e lie  dit ,  lorfqu'cUe  a  recognu 
Qu'un  gardon  comme  vous  ck  fille  eftanc  tout  nu  t 

I  F  H  I  S. 

Hélas!  qu'euft-clle  dit?  elle  eftoit  occupée 
A  fe  plaindre  tous  bas  d'avoir  eflé  trompée  , 
Et  fon  cœur  me  difoit  par  de  fecrets  fiiupirs. 
Qu'il  ne  rencoiitroic  pas  L*  but  de  fcs  defîrs. 
3e  lui  baife  le  fcin ,   je  pafme  fur  fa  boudie  g 
Mais  elle  s' ta  émxvit  ^uCTi  ^eu  qu'une  foucha. 


THEATRE  FRANÇOIS.      543 

le  reçoit  de  ma  part ,  comme  d'un  impotcim  9 
Mille  de  mes  baifers ,  fans  m'en  rendre  pas  un. 
Le  jour  vicnc ,    )c  la  voy  qui  le  levé  &  s*habille  ^ 
Honceufe  de  fe  voie  la  femme  d*une  fille. 

Enfin  ne  fçachanr  quel  parti  prendre ,  Iphîs  fe  rend 
au  Temple  d'ifis,  il  implore  Ton  fecours  :  la  Ddefle 
exauce  fes  vœux  ,  &.  la  change  en  garçon  ;  plein  de 
reconnoiflance  pour  la  Déefl'e  &  d'amour  pour  (i 
chère  Jante ,  il  vole  pour  lui  faire  part  des  bontés 
dlfis. 

Cette  pièce  n'eft  pas  mal  écrite ,  mais  elle  eft  froi- 
de &  languiffante. 

(SUJET  DE  GUSTAPHE.)  Ce  Prince,  fils 
aîné  du  Roi  de  Perfe ,  fe  révolte  contre  fon  père  » 
perd  une  bataille ,  eft  o  bligé  de  s'enfuir ,  &  il  fe  ré- 
fugie dans  le  Turqueftan  ,  où  il  vit  inconnu.  Il  eft 
néceflaire  de  fçavoir  que  le  plus  grand  chagrin  que 
reflentoit  Guftaphe  »  étoit  d'avoir  été  obligé  de  quitter 
la  PrinceHe  Celinte ,  dont  il  étoit  amoureux  >  &  donc 
il  étoit  aimé.  Un  jour  que  ce  Prince  étoit  dans  la  Ca- 
pitale du  Turqueftan ,  il  apprend  que  ce  jour- là  même 
le  Roi  vouloit  marier  fa  fille  Amafîe>  &  que  fuivanc 
■ufage  du  P^ys ,  tous  ceux  qui  prétendoient  à  cet  hy- 
men glorieux ,  alloient  fe  raflembler  dans  la  cour  du 
Palais  9  que  la  PrincefTe  paroîtroit  alors  une  pomme  à 
la  main ,  &  qu'elle  la  remettroit  à  celui  à  qui  elle 
donneroic  la  préférence.  Guftaphe  par  (impie  cuiioft* 


£44      THÉÂTRE  FRANÇOIS. 

té,  veut  être  témoin  de  cette  cérémonie  ;  &  Ton  peut 
juger  de  fa  furprife  lorfqu'il  reçoit  la  pomme  des  raains 
de  la  Princeffe*  Cette  préférence  flateufe  triomphe  de 
Ton  amour  pour  Celinie ,  &  il  paroit  devant  Amafie 
pénétré  de  joye  &  de  reconnoi (Tance.  Le  Roi  n'étoit 
pas  fi  content  d'avoir  pour  gendre  un  (impie  inconnu, 
&  cherchant  à  s'en  défaire ,  il  l'envoyé  combattre  un 
Prince  voifm  qui  s'étoit  révolté ,  fe  flattant  qu'il  pé- 
rira dans  cette  expédition.  Son  attente  eft  trompée > 
Guftaphe, toujours  vidorieux,  triomphe  de  fon  enne» 
mi ,  &  ramené  le  caîrae  dans  le  Turqueftan.  Un  jour 
les  Soldats  lui  amenèrent  un  inconnu  ,  qui  demandoit 
à  lut  parler  en  particulier  :  ce  Général  l'admet  dans 
fon  cabinet,  &  Ion  peut  juger  de  (a  furprife  lorfque 
dans  cet  inconnu,  il  reconnoit  la  Princeffe  CelintCi 
que  Tamour  avoit  forcée  à  quitter  Ja  Perfe  pour  le 
chercher.  Voici  comment  elle  s'explique  avec  lui  ; 

C  E  L  I  N  T  E. 

Que  tu  m'as  fait  pleurer  !  que  j'ay  mauây  les  armes  l 
Jamais  pour  un  amant  on  ne  Vit  tant* de  larmes  , 
It  i  en  ai  plus  verfô  pour  la  Fuite  du  mien  , 
Que  Didcm  pour  U  fuite ,  &  le  crime  du  flen. 
Je  m'cftimois  Tobjct  qui  te  faifoit  tout  faire  , 
It  quand  «m  t'accufoit  d'avoir  trahi  ton  père  , 
Mon  cfprit  >  fans  le  croire ,  oyant  parler  de  toy  ^ 
Tenfoit  qu'on  t'accufaft  de  me  fauffer  la  foy  j 
It  fi  quelqu'un  difoit ,  c'eft  un  Prince  rebelle  : 
Vous  mentez  ,  répondo's-je ,  il  m'eft  toujours  fîdeJff*' 
La  Cour  avoic  pitié  des  pleurs  que  je  verfois. 
Combien  a-t'on  voulu  les  eiTuyer  de  fois  2 


THEATRE  FRANÇOIS.       54-^ 

Mais  de  cette  dôutcur  que  mon  àme  a  fentic  , 

Les  confolations  onc  fait  une  patcie. 

Ouelquefois  je  trouvQÎs  des:ditertifreràens 

Aux  Livres  qui  traicqîent  des  malheureux  amans  i 

Y  voyant  d'un  Paris  Enônc  abandonnée  , 

£t  balançant  mon  fort  avec  fa  deilin^e, 

O  rivale  d'Helene  !  ô  mon  doux  entretien  ! 

Mon  malheut ,  m*écriois-fe ,  cft  moindre  qùe*îft  tien  r 

Quoyjqu'àit'faic  contre  moy  3a  fortiinc  inhumaine  , 

Je  n'ay  que  partagé  la  moitié  de  ta' peint, 

Vcu  que  Taimal^le  objet  de  toii  eiimiy  prcifànc  ,     » 

Fut  abfcnt  §c  rdiage  ,  ÔC  le  mien  tr^eft  qu'abfcritf 

C*eft  coran^  j'ay.  vécu  depuis  qUe  la  'fottûnc 

Rend  à  mes  pa(Tioui  ta  difgracc  coimndneV'    '" 
Mais  as-tu  confervé  ton  amour  .^^  t^  foy? 
As-tu  fait ,  cher  amant ,  ce  que  j'ay  fait  pour  toy  1 
T'es-tu  bien  fouvenu  de  la  pauvre  Celints^ - 

Quoiqu*aa.aic  tnçefijiu  mes  foupiuV  &  nia  plainte  ^ 

Icy  mon  ame  avoue  â  fa  confu^n  >  , 

Qu'elle  a  trop  peu  foùScrt  en  cette  occadon  : 

Voftre  abfencc  n'eft  pas  un  tourmetlc  <)rdtna{re;'  •  -•• 

£2ifin  je  n'ay  pas  fait  ce  que  je  dçvois  Jaircé 

•  -   -  -   -        '    ■   ~ 

e  E  L  I  ^  T  Ei 

rfc     ■  .'•■  ■■'■'■'  - 

Far-là  tous  les  amans  perchent  a  difcourir  ; 
Tu  veux  dire  comme  eux  que  tu  devois  mourir  ^ 
Mais  ton  heureufe  vie  cft  indigne  de  blâme.**  *  '  ' 

aU-S^iT  A  P-H  E-; 


Kon  i  \t  Cuh  xxîfûlasl  ^  fe  liA'accufe ,  Madame  , 
Je  n'ay  point  témoigné  ce  Jufte  défcfpoir , 
Que  loing  de  vos  bea^  ypux  )t  def  oî)  concevoir  $ 
«fe  n'ay  point  redcnti  cette  ardeur  bien-aimce , 
Dont  mon  anie  à  jamais  dévoie  eftre  enflâmée  ; 

Tome  lié  '  M  tti 


• 


54<S      THEATRE  FRANÇOIS, 

Txf  révecé  trop  peu  de  fi  channans  appas  s 
Cioycz-ie  ,  ma  Princeflè. 

C  E  L  I  N  T  E. 

Ha  !  je  ne  le  croy  pas* 

G  U  S  T  A  P  H  E. 

^u'en  cet  avtugleinent  Ton  fort  eft  pitoyable  V 
Et  que  mon  cdme  ^A  gcand  y  puirqu*il  eft  iacroyable  | 
Madame ,  il  n*eft  plus  temps  de  le  diâSmuler  , 
Qui  pécha  (ans  rougir ,  (ans  honte  doit  parler. 
Voftre  caur  qu'il  faudra  que  ma  mort  (atisfàllê, 
A  befoin  de  CQ^jiAançe ,  ^  j*ay  beioin  de  grace^ 
Tous  les  reurdemens  font  icy  fuperflus. 

C  E  L  I  N  T  i. 

Quelle  grâce  yeux*  tu  2 

Q  y.  S  T  A  P  H  S; 
V.  Que  TOUS  ne  cftlàimSeB  pfai^    ' 
C  E  L  I  N  T  *• 
Ma  kaine  eft*çe  unegmce! 

•      Glu  S  T  A  P  H  E. 

^         Une  Êûreut  iniîgaol 
CE  t  I  N  TE. 
Quoy  !  mon  am«iu:  vous  nuit? 

a  U  S  T AP  HX 

Non  I  inais  f eniiiis  iadi^nd 
ILc  dois-je  réyclcr  ? 

^      ^       )  G  £  L  I  N  T  E^ 
your  en  elles  prié^ 


T  H  lE  AT  RE  FRANÇOIS.      547 

6  U  s  T  A  P  H  E. 
Je  Aihé  •  • 

C  E  L  I  N  T  E. 

Achevw  toft. . .  vous  elles  > 
G  U  S  T  A  P  H  E. 

C  E  L  I  N  T  E. 
Vous  eftcs  marié! 

G  a  S  T  A  P  H  E, 

TcUc  cft  ma  dcftinée. 
Et  vous  arez  raifôn  d'en  paroiftre  étonné^ 

C  E  L  I  N  T  E, 
Poffible  raillw-voBs  ? 

GUSTAPHE. 

Ha  !  Madame ,  en  ce  po!n( 
C*eft  à  mon  gtand  tegret  que  Je  ne  raille  points 
Hélas!  \t  IFOUS  raconte  une  chofe  trop  vraye* 

C  E  L  I  N  T  E. 

O  comble  de  mes  maux  !  â  ma  dernière  playe  } 
Kais  moa  ame  â  ce  coup  fe  deroit  préparer. 

GUSTAPHE. 

Madame ,  c*e(l  an  trait  que  je  n^y  fcea  parer  ^ 
Malgré  ma  paflion  qui  l'en  vouloit  defièndre  : 
Du  K07  de  ce  pays  le  ibrt  m'a  &it  le  gendcs  | 
Comme  tel  d'Artaban  j'ay  l'orgueil  abattu  , 
Vous  cirant  des  prifofis. 

C  S  L  IN  T  E. 

Q^e  ne  m*x  laiiIbi^t1l>  ftc., 

La  tendre  Celtûte  i)c  pouvant  plus  époufer  (bn  cher  - 
Guftaphe ,  loi  demande  pour  toute  grâce  de  lui  lainèr 

Mm  ij 


S49      THEATRE  FRANÇOIS, 

garder  fes  habits  d'homme  •  &  (bus  ce  traveftiflemeoC 
de  la  donner  pour  Ecuyer  à  la  Princefle  AmaGê  :  Gu- 
fiaphe  y  confenc ,  &  lorfqu'il  préfente  ce  jeune  Gen- 
tilhomme à  fa  femme  »  cela  produit  une  fcène  affez 
finguliere;  Celinte  tout  d'abord  découvre  fon  (èxe  àla 
Princefle  >  &  lui  conte  (à  véritable  hiftoîre.  GuJ^phe 
tremble  qu'à  la  fin  elle  ne  le  fafle  reconnoitre  pour  le 
volage  amant  dont  elle  fe  plaint.  Mais  Celinte  con- 
tente de  lui  avoir*  donné  ce  monient  d'inquiétude , 
iaifle  tout  le  monde  dans  la  même  ignorance  du  fort 
de  l'époux  d'Amafie.  Enfin  Zarir^  frère  de  Gullapbe, 
arrive  dans  le  Turquedan ,  le  reconnoit  &  lui  apprend 
que  le  Roi  leur  père  lui  a  tout  pardonné ,  &  lui  re- 
met même  Ion  Sceptre  &  fa  Couronne  :  le  nouveai 
Roi  de  Perfe  fe  découvre  alors  au  Rqi  ion  beau- père» 
&fe  prépare  à  emniener  Aniafie  dans  (on  Royaume; 
mais  avant  de  partir  il  veut  reconnoitre  la  tendceffe 
de  Celinte ,  &  engage  fon  friere  Zafir  à  répoufer. 

C'eft  ainfi  .que  fe  termine  cette  pièce ,  plu^  froide 
encore  que  la  précédente  ^  mais  dans  laquelle  on  (rour 
ve  quelques  fers  ai&z  heureuse. 

(  SUJET  DE  MELEAGRE.)  Un  fanglîer  âi&eux 
ravageoit  la  Province:  pour  la  délivrer  de  cette  bête 
cruelle  ,-Méléagre  veut  la  combattre ,  &  il  part  ac- 
compagné de  Toxée  &  Plexipe^  frères  de  (à  mère; 
de  Thefée  igc  de  Jafon  ^  Tes  amis  ^  &  d'Atalante  ft 


'J 


THE  A  TR  E  FR  A  NÇ  OIS.      $49 

maîtrene  :  Pour  déranger  cette  jeune  beauté  du  dan- 
ger  qu'elle  veut  courir ,  Dejanire  >  fœur  de  (on  amant  > 
lui  fait  ainfi  le  portrait  de  ce  monflre* 

C'cft  un  fanglier  affreux  qui  vous  livre  la  guerre, 

Par  qui  le  Ciel  fâché  ,  fc  venge  de  la  terre  , 

Bonc  les  criûes  regards  fonc  des  traies  venimeux  »  ^     - 

£t  qui  portent  la  flâme ,  &  le  fang  avec  eux  9 

Son  courroux  fait  briller  deux  ardentes  prunelles» 

Il  montre  un  double  rang  'de  défenCes  mortelles  « 

Sa.  bure  fe  bériffe  9  &  fait  de  toutes  parts , 

De  Ton  poil  rude  &  dtoit  >  une  fiotêt-  de  dar^s^ 

Mais  fans  que  moa  récit  vous  en  doive  diflraire  , 

Par  les  maux  qu*il  a  faits ,  voyez  ce  qu'il  peut  faire. 

Depuis  le  jour  fatal  que  fa  rage  a  paru  , 

Que  n'a- 1- elle  détruit  ?  où  nVt'elle  couru  ? 

Les  plus  fertiles  champs  font  demeurés  en  friche  ^ 

Il  a  fait  un  defert  d'une  campagne  riche  > 

Il  a  fcul  renverfé  de  fes  crochets  aigus , 

la  gloire  de  Gérés  &  riipnneur  de.  Gachus ,  -    ; 

£c  faifant  un  débris  d'une  belle  apparence  , 

Il  a  du  Laboureur  ravagé  l'efpérance  : 

Il  s'efl  fait  un  jouet  des  fupcrbes  troupeaux , 

Xt  des  foibles  brebis,  &  des  plus  fiers  taurçaux  : 

Que  votre  bel!  efprit  enfin  fe  le  figure , 

Comme  un.  monflre  échapé  des  mains  de  la  nature  y 

Qui ,  fait  pour  la  détruire ,  &:  la  mettre  au  tombeau^ 

Ke  refpeâeroit.pas  ce  qu'ellça  de  plusbeau» 

Ces  fages  avis  &e  la  détournent  point  de  voler  où 
la  gloire  l'appelle  >  &  elle  a  même  l'avantage:  d'être 
la  première  qui  blefle  le  fanglier  :  Méléagre  le  tue  % 
&  fur  le  champ  il  en  préfente  la  dépouille  à  Atajante« 

M  m  iij 


/ 


^5«       THEATRE  FRANÇOIS. 

Toxée  te  Plextpe  f  jaloux  de  ia  voit  en  po(reffioo  du 
prix  de  la  viâoire  „  la  lui  arrachent  des  mains^  Mé- 
léagre  furvient^  qui  veut  enfin  tes  engager  à  rendre  à 
fa  maicrefTe  ces  dépouilles  fanglantes  ;  ils  ne  veulenc 
jamais  y  confentir  i  &  Méléagre  contraint  de  les  cotn- 
battre  *  les  tue  tous  les  deux.  Altée  qui  croit  que  fes 
deux  frères  ont  été  rois  à  mort  par  le  fenglier ,  féli- 
cite (on  fils  fur  fa  viftoire ,  ^  lui  fait  épouièr  Ata« 
lante.  Bientôt  après  elle  apprend  que  Toxée  &  Ple- 
xipe  font  tombés  fous  les  coups  de  Méléagre^  elle 
entre  en  fureur»  elle  ne  regarde  plus  ce  Prince  com- 
me fon  fils ,  $c  jure  (a  mort*  Qn  fçait  que  fa  ¥ie  étdt 
attachée  à  un  tifon  que  les  parques  avoient  donné  à 
Altée  f  &  qu'elle  çonfervoit  avec  foin.  Cette  merc 
barbare  fe  livrant  toute  entière  à  fon  défe(poir ,  prend 
ce  funefte  tifon  ,  le  confume  ^  apprend  la  mort  de 
fon  fils  >  &  fe  tue. 

Cette  pièce  eft  encore  plus  mauvaifie  que  les  pré- 
cédentes, elle  eft  fans  tnrérèt  &mal  ve^fiSéê..  Ben- 
ferade  a  voulu  faire  une  fcène  terrible  ji  eo  fkifàntpa- 
roitre  Altée  brûlant  le  fiinefte  tîfen,  (cachant  bien 
qu'elle  faifôit  périr  fon  fils  ;  mais  les  ver^  de  ce 
Monologue  font  fi  mauvais,  que  >  malgré  toute  l'hor« 
reur  de  cette  fituation ,  on  n'en  eft  ni  touché  ni  mê- 
me fùrpris. 

(SUJET  DE  LAPÛCEtXE  D'QRtEANS.) 


THEATRE  FRANÇOIS,       ^ii 

L'  A  N  G  E. 

I 

Sainte  fille  du  Ciel  *y  Pucelle  incomparable^ 
De  cou  Prince  affligé  Le  fecours  adorable  , 
Quicre  pour  un  moment  la  charge  de  tes  feri  « 
Et  fors  par  ma  faveur  de  tes.  cachots  ouyettsi 
Viens  apprendre  de  moy  ma  dernière  a/fiftance  , 
£t  de  ton  fort  heureux  la  plus  belle  ordonnance. 
Dan«  les  triftes  horreurs  de  cette  epaidc  nuit , 
V07  ce  long  trait  de  &u  ,  qui  Tcrs  moy  te  conduit  ^ 
Marche ,  marche ,  8c  bénis  l'éclair  que  je  t'envoye  ,. 
Pour  tracer  à  Tes  pieds  une  agréable  voye. 

L  A    P  U  C  E  L  L  I. 

Quels  nouveau^  fentimens  d'un  céleAe  bonheur  9 
M'ouvrent  l'ame  t>C  les  Tons  à  la  voix  du  Seigneur  "i 
Ha  !  i'entens  9  &  je  Voy  Ton  divin  interprète , 
Qui  me  va  déclarer  la  volonté  fecrctte* , 

U  A  N  G  E. 

Xfcoute  feulement  9  &  ne  t*étonne  pas^ 

Par  les  ordres  du  Ciel ,  au  milieu  des  combats  ^ 

7ay  foutenu  la  force  8c  conduit  ton  tfpée  9 

Contre  les  opprelTeurs  de  la  Fraiice  ufurpée* 

In  ptifon  9  fur  ta  vie  8c  contre  ton  repos  ^ 

JLe  confeil  des  mefchans  a  fait  de  vains  complots* 

J'ai  mis  ton  innocence  au  deiTus  de  leur  rage  9 

Xt  je  me  trouve  au  bouc  de  mon  illuftte  ouvrage  i 

Mais  il  me  refte  encore  au  point  où  \t  te  voy  9 

A  te  fortifier  toy-mefme  contre  toy  ; 

Dieu  voulant  de  ton  fort  te  rendre  la  mâitrefTe  i 

Ordonne  à  ma  vertu  d'appuyer  ta  foibleilê  , 

Er  de  porter  ton  cceur  à  de  hauts  mouvemens., 

Au-déli  de  ta^fbrce  8c  de  tes  feAcimeas. 

*  Le  Ciel  s'ouvre  par  un  gca^d  éclair  j  8c  l'Ange  paroît> 

M  m  lu 


01k,       TH^ ATRE  FRA NÇ& IS,. 

Ce  fut  pour  obéir  à  la  Toute-pui{ïâQce  , 

« 

Que  ma  main  t*éleva  d*une  bafîe  nai (Tance  , 
Appliquant  con-.courage  à  ces  nobles  emplois  ,' 
Où  ton. bras  généreux  ,  par  tanr  de  grands  exploits  > 
De  Charles  ruiné  '  rétablit  les  affaires, 
ît  le  fît  remonter  au  Thrône  de  Tes  pères  : 
Fille  Se  (împlc  Sergece  ,  on  te  vit  dHm  grand  coeur 
Paire  rraindre  par-tout  ce  Monarque  vainqueur  y 
It  traîner  avec  toy  Thonneut  6c  la  viéloirc  , 
Dépouillant  de  lauriers  tout  le  ckamp  de  la  gldire  , 
Far  des  faits  inouis ,  merveilleux  en  leurs  cours  , 
Qu'on  ne  croira  jamais ,  &  qu'on  lira  toujours. 
Tu  n*as  plus  maintenant  de  Monarque  à  défif:ndre  , 
De  bataille  à  gagner  ,  ni  de  Ville  à  reprendre  , 
£t  tout  ce  qui  te  refle  en  ce  dernier  efiFort  ^ 
Ç*cft  de  paroître  ferme ,  &  voir  venic  la  morc^ 
£lle  vient ,  t\\t  accourt  >  6c  par  cette  journé^ 
Ta  prifon  Ce  termine  ,  6c  ta  vie  e(l  bornée. 

LA    PUCELLE. 

Que  Dieu,  fade  de  moy  tout  ce  qu*il  en  réfout  ^ 
3*adore  Tes  dedrets,  6c  je  fuis  prefte  à  tout. 

Fille  heureufe  6c  fans  prix  ,  qi^l ,  malgré  tant  d*obflacIes  , 
A  fait  du  DieUj vivant  les  célèbres  miracles , 
^'apporte  de  tes  maux  Temiere  guérifon  , 
Çt  pour  t  ouvrir  le  Ciel ,  je  t'ouvre  la  pdfon* 
En  cet  endroit  f^tal  tu  feras  condamnée  , 
^t  dans  ce  mefme  endroit ,  tU  feras  couronnéej^ 
Contre  toy  rinjuftice  élèvera  fo»  bxas  , 
Elle  t'outragera ,  mais  tu  la  confondras  , 
!^i  ta  fainte  innocence  ,  avant  que.  l'on  l'opprime  ^ 
Mefme  en  fon  Tribunal  •  fera  trembler  le  crime. 
Tu  n'appréhenderas fupplicc  ni  tourment, 
^i  tu  çognpis  la  main  qui  rompt  dans  un  momepi^ 


THEATRE  FRANÇOIS,       553 

lEo  dépit  àcs  mcchaiis ,  tes  prifons  criminelles ,    ; 
ruifqu'elle  peut  fur  eux  ce  qu'elle  a  fait  fur  elles  : 
Oui ,  tu  leur  jetteras  |a  hante  fur  le  fconc  , 
£t  tu  les  jugeras  quand  ils  te  jiigeront^ 

Songeant  à  leur  fureur  ^  ne  craiqs  puiat  ta  roibleS*c  \ 
Car  Cl  dans  le  beibin  Téloquençe  te  laiile , 
là,  mon  heureux  fecours,  cfprouvé  tant  de  fois, 
»  Soutiendra  ta  penfee  &  conduira  ta  voix. 

Ou  Çi  dans  ipes  faveurs  tu  manques  de  refuges  y 
£t  que  t^abando|inant  au  pouvoir  de  tes  Juges , 
Mon  recours  au  dehors  te  quitte  déformais , 
Souffre  Tordre  d'en  haut ,  ne  murmure  jamais  \ 
Puifqu'elle  vient  du  Ciel ,  laifTe  chcoir  la  tempefte^ 
£t  foumets  à  Tes  coups  ton  innocente  teflç. 
To|i  ame  ira  ,  d'un  vol  &  plus  noble  Bc  plus  pron^pt, 
£Ile  ei^  fera  pIm^  grande ,  &  fes  forces  croiilronc. 

En  ce  coup  généreu:)^  d'efprit  fie  de  courage  9 
On  verra  triompher  &  ton  fexe  &  ton  âge  \ 
la  mort  t'apareftra  fous  le  mafque  trompeur 
Dont  elle  fe  déguife  afin  de  faite  peur  » 
Tu  l'envilagéras  faps  que  ton  coeur  frémiflè  s 
C'ed  la  mefmc  à  la  gqerre ,  &  la  mefme  au  fupplice^ 
Çt  celle  que  tu  vis  au  milieu  des  combats , 
Dans  ce  martyre  fainft  ne  dégénère  pas. 

Nos  lafcl^ef  eiinçn3>s. que  tu  combles  d'envie. 
Attendent  que  ta  more  FafTc  honte  à  ta  vie  S 
Mais  ta  noble  vertu  foufFrira  fon  dedin  , 
Et  toute  génércufc  ira  jufqu'à  la  fin. 

Donc  (four  ce  difpofer ,  puifque  Dieu  le  commande, 
A  ce  dernier  combat  dont  la  palme  eA  Ci  grande  y 
Et  n  fort  importance  â  quiconque  efl  vainqueur. 
Par  tes  yeux  à  ta  peine  accoumme  ton  cœur: 
t  En  Yo^là  daiis  les  ai;:s  une  image  tracée , 

*  Icy  paroifl-ra  en  perfpcdive  une  femme  dans  un  feu  allumé  ,  ^ 
une  foule  de  peuple  à  Tcncour  d'elle. 


SS4      THEATRE  FRANÇOIS, 

Occupe  li'dcffus  tes  feax  6c  u  penfSe  » 

le  lifaat  (Uns  ce  vagu:,  où  ton  fore  efl  écrit  ^ 

Renforce  ta  vigueur  «  ranime  ton  efprit  : 

V07  le  brillant  tableau  du  funefte  fupptice  , 

Qu*i  ta  fainte  rerni  prépare  llnjuftice  : 

Il  te  faudra  franchir  ces  braikrs  que  voilâ  , 

It  pour  aller  au  Ciel  tu  paflèras  par-là  : 

Voy  la  foule  d*un  peuple  autour  d'une  innocente  5^ 

Qui  dans  l'ardeur  da  feux  demeure  6  confiante  > 

Tafchc  de  l'imiter  jufqu'à  fon  moindre  traH  » 

£t  que  l'original  fbit  digne  du  portrait 

LA    FUCBLLE. 

Fiâmes ,  \e  veux  foufirir  yoRtc  ardeur  violente  r 
Ha!  qu'en  me confommant ,  vous  me  rendrez  brillante} 
Mon  ame  fera  voir ,  contre  vos  traits  puiilans  , 
Ma  réfolucion  plu&  forte  que  mes  fens* 

L*  ANGE. 

Va ,  pourfuy ,  je  te  laide ,  ô  fille  trop  heureufe  ^ 
Par-defTus  tout  le  fexe,  &  forte,  &  courageufe  S* 
Je  remets  ta  conduite  à  u  feule  vertu  ^ . 
£t  reprens  le  fentier  que  i'ay  tantoft  batttk 
Regarde  en  m'en  allant  où  la  gloire  féjourae» 
Tu  t'en  iras  bien-toft  par  où  je  m'en  retourne  ^ 
Afin  d'y  recevoir  une  félicité 
Rayonnante  d'honneur  &  d'immortalité. 

C'eft^ainfi  que  commence  cette  pièce.  Pea  après  le 
Comte  de  Warvick ,  qui  eft  amoureux  de  la  Pucelle» 
Tient  lui  propofer  de  la  tirer  des  mains  des.  Anglois; 
la  Pucelle  préfère  de  refter  dans  ùl  prilba^  Se  reçoie 
avec  mépris  fes  tendres  hommages.  Cependant  le 
Confeil  s'afTemble  pour  la  condanmer  j  elle  paroit  de^ 


THEATRE  FRANÇOIS.      ££$ 

vant  fes  Jages>  &  les  confond  par  fon  éloquence  & 
ik  fermeté  ;  ob  rompt  l'aflemblée  fans  l'avoir  jugée , 
&  on  la  renvoya  en  prifon.  Comme  plufieurs  cbefii 
des  Anglois  defîrotent  (à  perte  y  on  forme  un  nou* 
veau  Tribunal  >  où  elle  eft  condamnée  à  être  brûlée 
vive  »  elle  va  au  fupplice  avec  une  fermeté  digne  de 
cette  héroïne.  Plulieurs  de  (es  Juges  gémifTent  d'a- 
voir prononcé  cet  arrêt  injufte  &  barbare  ,  mais  trop 
tard  :  cet  arrêt  eft  exécuté ,  &  la  Pucelle  meurt  avec 
un  courage ,  qui  infpire  la  plus  parfaite  admiration  k 
tous  les  rpe<3:ateurs. 

Voilà  le  fond  de  cette  Tragédie  5  dont  le  fujet  eft 
fi  connu ,  qu'il  eft  très-inutile  d'encrer  dans  un  plus 
long  détail.  Je  crois  qu'après  avoir  lu  cet  ouvrage  « 
&  l'avoir  mis  en  comparaifon  avec  ceux  de  Benfè- 
rade  qui  Tont  précédé ,  cette  pièce  ne  peut  plus  être 
dout^ufe  entre  lui  &  la  Menardiere.  On  ne  pourra 
jamais  fe  perfuader  que  le  même  Auteur  ait  donné  les 
pièces  dont  je  viens  de  faire  l'analyfe  &  travaillé  à 
celle-ci ,  qui  eft  conduite  avec  art  >  fagefle  &  intérêt  ^ 
&  dont  la  verfification  noble  &  aifée  fe  foutient  de- 
puis le  commencement  jufqu'à  la  fin.  J'ai  penfé  que  la 
première  fcène  fuffiroit  pour  en  donner  l'idée  ,  & 
j'aurois  aifôment  pu  choifir  encore  vingt  endroits  >  qui 
iurement  auroient  fait  pjaifir  à  mes  Leâieurs. 

JEAN  DESMARETS  ,  Seigneur  de  Saint-Sorlîn, 
derAcadémîe  Françoife»  né  à  Paris  en  1^96.  morç 
en  16^6. 


S^S       THE  A  TRE  FR  ANÇ0:IS. 

ASP  ASIE,  Comédie  en  cinq  aftes,  en  vers. 
Paris  >  Jean  Camufat^  1636.  in^^^ 

SCIPION,  Tragédie,  dédiée  à  Monfeîgneur  le 
Cardinal  de  Richelieu.  Paris»  Henry  le  Gras» 
1639.  in-40. 

L'ouverture  du  Théâtre  de  la  Grand'Salle  du  Pa- 
lais Cardinal,  MiRAME,  Tragi-Comédie ,  dédiée aa 
Roy.  Paris,  Henry  le  Gras,  1641.  in- folio ^  fig% 

La  même ,  i«-4*'.    .  * 

La  même  y  î/i-8^. 

ROXANE,  Tragî  -  Comédie ,  dédiée  à  Monfcî- 
gneur  le  Cardinal  de  Richelieu.  P  a  k  i  s  ,  Henry  le 
Gras,  1647.  zfl'4°. 

LES  VISIONNAIRES, Comédie  en  cinq  ades, 
en  vers,  avec  un  argument.  Paris,  Jean  Camnfat, 
1647.  irt-4^. 

ERIGONE ,  Tragédie  en  Profe.  Paris  ,  le  Gras  > 

1641.  i/z-i2. 

EUROPE ,  Comédie  héroïque  &  allégorique,  en 
cinq  ades,  en  vers  ,  avec  un  avis  au  Leâreur,  une 
clef  des  perfonnages ,  &  un  prologue  de  la  paixdcf- 
cendant  du  Ciel.  Paris,  Henry  le  Gras»  1643. 2/1-4''. 

{SUJET  D'ASP  ASIE.)  Lyfis  aimoit  d'Afpafie; 
&  en  étoit  aimé.  Argiléon,  père  de  LyGs,  qui  igno- 
(Qit  Tampur  de  foq  fils  pour  cçtte  jeune  beauté  >  la  de- 


THEATRE  FRANÇOIS.       5^^ 

mande  en  mariage  pour  lui-même  9  &  l'obtienté  A£- 
pafie  refufe  en  vain  de  confentir  à  ce  tunefte  engage- 
ment ,  elle  eft  forcée  d'obéir  à  fes  parent ,  &  Thymea 
fc  conclut  fans  que  Lyfis  en  foit  inftruit.  Argiléon,-  en- 
chanté de  fon  bonheur  ,  conduit  fa  nouvelle  époufe 
^  chez  lui ,  où  il  trouve  fon  fils,  à  qui  il  recommande 
d'avoir  pour  elle  toutes  les  attentions  polfibles.  Il  (brt 
&  va  chercher  un  Prêtre  pour  bénir  le  lit  nuptial. 
Cette  cérémonie  étoit  en  ufage  parmi  les  vieillards , 
qui  fe  flattoîent  par-là  de  devenir  bien  plus  propres 
aux  devoirs  du  mariage.   Pendant  rabfencc  d'Argi- 
léon,  Afpafie  apprend  à  Lyfis  l'excès  de  fon  maU 
heur. 

L  Y  s  I  s. 

Plaidrs  donc  la  grandeur  furpafTe  mon  attenté  , 

Rendites-vous  jamais  une  ame  plus  contente  ? 

O  favorable  jour  !  ô  defirs  fortunés  ! 

Délices  de  mon  cœnr.  Qjaoy  !  vous  vous  deflournez  ! 

Faites-moi  voir  vos  yeux ,  &  par  quelque  carefic 

Soulagez  mon  ftrdeur.  Mais  Dieux  !  quelle  triIle^e  i 

Au  moins  regardez-moi  d'un  vifage  plus  doux. 

A  S  P  A  S  I  £* 
Je  ne  puis  vous  fou^cir  >  Lyiîs ,  retirez-vous* 

L  Y  S  I  S. 

Kéla^  !  hors  de  faifon  vous  me  femblez  cruello.  i .. 

A  S  P  A  s  I  £. 
il^rant  fliis  de  douceUr ,  je  ferois  crimiiieUtf, 


SSS        THEATRE  FRANÇOIS. 

L  Y  s  I  s. 
En  Tefiac  oà  \c  fuis  y  parler  fi  criftcmenc  ! 

A  S  P  A  S  I  £. 
la  Pcftat  où  je  fuis  »  je  ne  puis  autrement. 

L  Y  S  I  S. 

Xf es  uniques  deiirs ,  mon  efpoir ,  ma  penfêe  ! 

Quel  ennu/  vous  furprend  >  Q,\ioy  !  vous  ai-je  ôfteaftfe* 

A  S  P  A  S  I  £. 

iZftonIfez  vos  de/îrs  >  bannifTez  Votre  efpDîr  , 
Amant  trop  malheureux ,  qu*â  peine  j'ofe  Voir. 
Scachez  (  hélas  !  je  meurs  }  qu*un  fîinefte  hy mente 
Me  rend  avecque  vous  aux  pleurs  abandonnée. 

L  Y  S  I  S. 

'Appeliez- vous  funefte  un  nceud  qui  mVft  û.  douxt 

A  S  P  A  S  I  B. 
Vn  naaid  dont  vous  ferez  cruellement  jaloux» 

L  Y  S  I  S. 

Qui  vot9  a  fait  de  moy  craindre  la  )aloulîe( 
Me  croyez  pas  que  j'entre  en  cette  frénefîe» 

A  S  P  Â  S  I  £. 

Préparez-vous  pourtant  à  feHtir  fa  fureur. 

Hélas  !  c'eft  trop  long^ temps  vous  laifler  en  erreur  i 

Erreur  qui  m'a  tantoft  comme  vei^  abulée  ! 

Je  fuis  i  voftre  père  â  préfent  efpou((^e. 

L  Y  S  I  S. 
A  mon  père  !  ha  !  bosu  Dieux  \  quel  eftrange  difcouri  f 

A^  P  A  S  I  £. 
Ony  f  c*c&ok  pour  luy-méiae ,  ignorant  vos  amoutt  ^ 


THEATRE  FRANÇOIS,      5^5 

QuHl  a  fak  fa  demande  )  -&  poux  Ton  advancage 
A^enoc  a  foudain  conclu  le  mariage. 

t  y  S  I  s. 

Ih  !  quqy  !  fans  rcâftefr ,  &  fans  m*en  adrertir  9 
Voilte  ame  à  ce  malhear  a  bien  pu  coafcnârl 

A  S  P  A  S  I  £. 

ray  tâché ,  maïs  en  vain  >  d'y  faire  réfiftance  : 
Le  pouvoir  paternel  a.  vaincu  ma  confiance  : 
Se  desja  par  rhjonen  nous  Tommes  aâemblés* 

L  V  S  I  S. 

7e  perds  le  jugement  »  tous  mes  fens  font  troublée  ! 

O  digne  de  pitié ,  comme  digne  d'envie , 

Je  perds ,  c^  vous  perdant ,  l'cfpérauce  &  la  vie. 

A  S  P  A  S  I  E. 

Ah  !  bons  Dieux!  il  k  meurt  :  trifle  comm^ncemeajc 
Qui  me  va  préparer  un  éternel  tourment. 
Hélas!  ie  fuis  ky  de  fécours  defpourveue. 
Parlez  à  moy  >  Ly<ts.  Il  recouvre  la  veue. 
Lyfis  y  confolec-vôus ,  te  faites ,  pour  le  moins  , 
Que  de  &  grands  tranfports  Ce  parlent  fans  teimoins*' 

t  Y  S  I  S. 

Adorable  beauté ,  mais  de  qui  la  foihieflè 
Comble  mes  jours.  d*horreur|»  ^  lesiiensde  triileâè! 
Helas!  en  quel  malheur  nous  avez-vous  plongea! 
Tyrans  les  plus  cruels  des  efprics  afiligés , 
Mouvemens  infenfés ,  que  la  fureur  ordonne  ^ 
Kagesdcdefefpoirs,  ày^us  je  m'abandonna. 

.     A  S  P  A  S  I  E. 

Quittez  ces  fentlmens ,  &  les  laiHèz  dompttr 
4  la  mel^BC  ratfon  qui  iv'a  pu  rucmontet. 


f6o     TSÊATÈE  FRAJt^ÇÔIi, 

L  Y  s  I  S^. 

At)pelle2-vous  raifon  de  s'cfire  ainfî  rendue  ? 

Hélas  !  pcnfant  Tavoir  ,  vous  l'avez  bien  perdue  j 

Dans  un  mc(h?è  malheur ,  meflanc  confufémenc 

Un  perc  miferablc ,  &  voa$ ,  &  voftrc  amant  : 

De  qui  me  dois-je  plaindre  en  ma  douleur  excreûne  t\ 

De  ccluy  que  )*honoré  ,  ou  de  cette  que  j'aime  ? 

Mon  père  efl  i^nocenc ,  &  n*a  que  le  fettl  corc 

D'avoir  précipité  ce  maliieureux  accotdv 

Il  fut  prompt ,  il  c(l  vrai ,  mais  j'en  accuTe  encore 

L*exce(five  beauté  de  celle  que  fadore. 

Il  ignoroit  ma  Hâme ,  5c  ne  fe  doucoit  pas 

Que  je  flifïè  engagé  dans  les  mefmes  ^ppas. 

Je  cannois  fa  tendreiTe,  &  mon  coeur  s'imagine 

Que  (î  de  mes  ennuis  il  euft  fceu  roriglne  i 

D*un  amour  paternel ,  il  m'eud  donné  fecours 

Avant  que  d'eAre  pris  dans  les.  mefhies  amoucs.; 

Xiif^rablc  rerpeâ ,  impuilTant  &  timide  ,:    ; 

Dont  la  rigueur  m*a  fait  à  moy-n^me  perfide  y 

Ir  qui  me  confommant  d'ennuis  jSi  de  douleurs  g 

A  consommé  le  temps  jufques  à  Tes  maUieurs* 

Hélas  !  de  quelle  crainte  abufois-cu  mon  amc  > 

Mon  père  cuit  approuvé  mes  defleins  &  ma .flâme  ^ 

Puifque  pour  mon  dommage  il  m'a  bien  fait  fçavoic 

Que  fon  coeur  pour  mes  feux  fe  pouvoir  émouvoir^ 

Plus  un  (I  beau  fujét  lu/-  femble  de£fable  i  ■■ 

£t  plus  il  èu(!  jugé  mon  anàour  raifonnable. 

Donc  je  n)'en  voudrois  plaindre  ,  Se  je  raccufcroîr 

Pour  avoir  defiré  ce  que  fe  dcfîrois  ? 

Mais  vous ,  dont  la  beauté  trop  fatale  à  ma  vie', 

M'eft  inhumainement  par  vous-mefme  ravie  ,   - 

Bel  Se  cruel  objet  ',  quel  rigoureux  ef^ott 

Vous  a  donc  fait  réfoudre  à  me  dounpr  la  mort? 

Au  moins  fi  dcsparensl'oTguei^lcùfe'puiflfancc^^ 

©c  volkc  foible  cœur  combattoic  hi  confiance/  •  ' 


Ke 


THEATRE  FRANÇOIS,      s€i 

• 

Ne  pouviez-vous  tarder  d'une  heure ,  ou  d'un  moment! 

Quel  de^eia  fî  pre{I^  de  perdr^  voftre  amant 2 

De  mon  père  aveuglé  Tamour  précipitée  , 

Peut-eftre  par  mes  pleuri  euft  été  furmontée  ; 

Il  auroit  eu  y  fans  doute ,  en  connoifTant  mou  mal  $  ■ .    ■ 

Quelqu'horreur  de  fe  voir  mon  père  &  mon  xival. 

De  vos  cruels  parens  l'avare  convoitife 

A  donc  favorifé  la  funefte  cntrepri.c 

D'un  perc  infortuné ,  qui ,  contre  Ton  de/Teîn  » 

Met  à  Ton  fils  unique  un  poignard  dans  le  fein* 

JMais  â  VOU5',  pour  complaire  i  leiir  fatale  envie  ^    "   - 

G'eftoic  peu ,  c'eftoit  peu  ,  que  de  m'oller  la  vie  > 

tx  pour  colifidérer  <:e  que  valoit  ma  foy  , 

Une  heure  de  combat  -euft  trop  éeé  pour  moy. 

N'imporcoiE  de  quel  traie  j'âvois  l'ame  bleifée  t 

Il  me  falloir  plnftofl  bannir  de  la  penfée  ; 

£t  pour'ne  pas  choquer  un  devoir  rigoureux  y 

Du  nombre  des  vivans ,  rayer  Ce  malheureux. 

Il  fe  falloir  pluftoft  noircir  d'ingratitude  , 

Que  de  languir  un  temps  en  quelque  inquiétade  ! 

9>  Que  les  devoirs  rendus  par  un  fidèle  amant , 

9)  En  un  timide  cœur  >  fe  gravent  foiblement. 

A  S  P  A  S  I  E. 

• 

Il  çft  bien  vrai ,  Lyfîs ,  vous  m'avez  obligée  , 
Alof s  que  voftre  amour  à  raoy  s'eft  engagée  : 
Vos  foins  &  vos  refpeûs  gagnèrent  mon  efprie  § 
Mais  ce  fuc  feulementia  raifpn  qui  me  prit  : 
£t  lorfque  cetce  flamme,  à  mourir  deftinée. 
De  la  mefme  raifon ,  s'eft  veue  abandonnée  , 
nie  a  quitté  fa  place  au  devoir  Ton  vainqueur  , 
luy  cédant  pour  jamais  le  règne  de  mon  cœur. 
Croirois-je ,  pour  aimer ,  eftre  moins  aftèrvie 
Au  pouvoir  des  parcns ,  qui  m'ont  donne  la  vie  î 
Et  pour  quelque  defir ,  puls-je  n'obéir  pas 
A  ces  Pieux  animés  qii'on  réyece  icy  bas  ? 


i^i     i'ifÉAtAE  fAANÇoîS, 

• 

Quicèez,  jpdur  HiHrfaicdr  ccitè  dhulébr  èjcéêifié  : 
C'eft  bien  cAre  confiant  qui*  fé\Vàiâctic  f^jr-ittefiâé. 

L  y  S  I  S. 

Ouy  ypout  ybtli  ithiter  ^  il  filtft  quictet  rân)bttk^  ) 
Mais  faifant  p!às  quê  iroùà ,  fè  quitttfajr  \t  ]àut. 
Si  vivant  dans  Te^oir  $  péiloii^lem  de  ttiftéffè  > 
f  uis-je  fouâiii  la  vie  en^èrdàiit  ma  itiàicreife  > 

'  A  S  P  A  S  t  E. 

Lyfis,  quît^ottt.ccs.tionis  de  maicteiTe  &  diamant* 
La  rage  efl  exctifable  au  premier  mouvement  : 
J'ay  fenty ,  comme  voUs ,  ces  premières  allarmet  s 
J*en  ai  fait  des  regrets,  |*en  ai  verO^  des  larmes  » 
Mais  enfin  {*ay  dompté^  pat  des  efforts  puidans» 
La  douleur  qui  penfoit  s'emj^arer  de  mes  fensi 
Quoy  donc  ?  PenCbx-vous  vivre. avec  unt  de  mifere  ^ 
Vous  iii*aimerez ,  Lyiîs^  d^uoe  amitié  de  frerc  » 
£t  chafTant  de  nos  c^urs  Tardeut  U  le  toutment  ^ 
Je  pourray  1>ibn  àu(fî  vous  aimer  £ûnâement. 
Mais  voicy  T^léfîn ,  tafchez ,  je  vous  Cupplie  , 
De  caclier  devant  luy  voftre  mélancolie. 

Cependant  Ârgiléon  qm  à  appris  l'amoar  que  fou 
fils  reffentoit  poUr  Afpafiê,  né  doutâift  pas  que,  pen- 
dant Ton  abfepce ,»  il  n'ait  facisfait  fa  paf&oa^  ren- 
tre en  fureur ,  &  letir  fait  à  toe^  deax  les  reproches 
les  plus  vifs  &  les  plus  àrdêns.  Enfin  i!  enfermé  Af- 
pafîe  dans  le  jardin  y  &  fort  de  nouveau  pour  aller 
fe  plaindre  à  Tes  parens.  Ly(is  trouve  le  moyen  de 
s'introduire  cjahs  ce  jardin  ;  èh  fàifânt  ïes  derhîerS 
adieux  à  Afpafie  ;  l'idée  cruelle  de  ne  plus  voir  ce 
qu'il  adore  j  le  fait  tomter  fans  conmnfifance  :  cette 


THEATRE  fRÀNÇOÎi.       5^^ 

befle^  touchée  de  l'excès  cle  Ta  tendrefifc  ^  combe  éva-" 
nouie  entre  Tes  bras  :  Ârgiléem  &  t€6  f arens  d'Af^ 
pafie  arrivetit  en  cet  inftatit ,  &  te!t  vo]f^i¥  en  cette 
(Ituation ,  Qe  doutent  pas  qo^ils  ne  ibient  aiminels  ; 
bien -tôt   la  douleur   la  plus  vive   fiiec^de  à  eettè> 
faufTe  idée  y  ils  croient  (qv^ïfs  font  morts  lous  les  deùXf 
&  fe  dérerpereht  d'avoir  auffi  injufteitiefit  trouUé  leur 
amour.  Ils  fe  promettent  de  réparer  leur  faute  s'ili 
parviennent  aies  rappeller  à  la  vie  1  ilâ  y  réuffiâfeott 
&  réunilfent  aulfitôt  ces  deux  ten4t*es  amans« 

Cette  pièce  eft  ^rptde  &  aiTez  médiocreoiest  éçriteé 

(  SUJET  DE  SCIPION.  )  Tout  le  fnônde  cou* 
tioft  le  trait  de  l'htftoire  qui  couvrit  Sel  pion  de  taûfr^ 
de  gloire ,  lorfque  ce  jeuâe  hét^is  retidit  au  Prince 
Ifidibilis  (on  amanjte ,  fans  la  vouloir  de  regarder^ 
crainte  d'être  féduit  par  fa  beauté.  Defmarers  a  pré- 
tendu traiter  ici  le  même  fujet  ;  mais  il  l'a  tellement 
défiguré^  que  le  Lefteur  aura  certainement  grandd 
^eine  à  la  reconnokre. 

Sciplon  affiége  Cartbagene  :  Ûiinde  »  Prlnceffé 
d'Hilpale ,  eft  dans  cette  Ville  ,  &  Lucidàn ,  Prince 
des  Celtiberiens ,  ion  amant  >  fait  de  tels  prodiges 
de  valeur ,  que  c'eft  à  lui  feul  que  Ton  doit  de  n'être 
pas  encore  fournis  aux  RoQiains.  Pour  prix  de  fed 
exploits ,  il  demande  au  Gouverneur  la  Princeffo 
d'Hirpale.  Ce  Gouverneur  la  lui  promet.  En  même 
tems  Garamaotei  Prince  des  Numides  9  quieftauffi 

N  n  ij 


56*4       TJIE A  TRE  FR ANÇO IS. 

amoureux  d'OUnde  9  vient  lui  demander  cette  jeune 
beauté,  &  il  eft  r<efufé.  .Outré,  de  ces  refus ,  &  ne 
fongeant  qu'à.si'ei^  venger  »  il  va  dans  le  camp  des 
Romains 9  les  introduit  dans  la  Ville;  &  pour  pri^c 
de  fa  trabifon  »  il  demande  à  Scipion  de  lui  donner 
Olinde,  le.  Général  la  lui  promet  :  mais  Olinde  n'é- 
toit  pas  encore  en  Ton  pouvoir ,  elle  s'écoic  réfugiée 
dafis  le  Châteaut  Par  une  nouvelle  trahifon  ,  Gara- 
xnance  trouve  le  moyen  de  l'en  faire  fortir  ^  mais  Lucidan 
furvient  lorfqq'il  veut  Venlever  y  le  combat  j  &  le 
bleiTe  dangereufemedt  ;  tandis  qu'il  perd  tout  fon  fang» 
arrive  Hyanifte,  Priricefle  des  Ifles  Fortunées  >  qui! 
avoit  .auciefois  aimée  ^  &  qu'il,  avoit  abandonnées 
CeCte  PrincefTe  s'étoit  traveflie  en  foldac ,  pour  cher* 
chef  &  punir  fon  volage  amant ,  elle  le  trouve  prêt 
à  rendre  les  derniers  foupirs/  Loin  d'en  être  atten* 
drie»  elle  jouit  avec  volupté  du  fpeâracle  barbare 
de. la  mort  du  Prince  qu'elle  aime>  elle  joint  à  cette 
cruauté  celle  de  lui  faire  des  plaifanteries  piquantes, 
$c  défend  qu'on  lui  donne  du  fecours.  C'eft  une  fcène 
|iorrible  &  dégoûtante  :  enfin  elle  lé  quitte.  Pendant 
ce  tems  ^  Scipion  fe  rend  maître  du  Château ,  &  on 
lui  amené  Olinde  ;  loin  d'avoir  cette  continence  C 
vantée  dans  Phiftoire,  il  devient  tout  à  coup  amou- 
reux d'elle  ,  &  s'efforce  de  la  fédùîre.  Cette  mafceu- 
reufe  PrinceÇe  cherche  en  vain  à  le  ramener  à  là  ver- 
tu j  lui  avoue  inutilement  que  fa  foi  efl:  engagée  an 
Prince  Lucidan  qu'elle  aime.  Rien  ne  peut  fléchir 


THE  A  TRE  FRANÇOIS.      '^Sç 

fambureux  Général-,  <juî  même  veut  faire  mourir  Luf 
cidan,  dont  il  eft -jaloux.  Cependant  Olinde  montre 
tant  d'amour  pour  ce  Prince  &  pour  la  vertu  3  que 
Scipion  commençoit  à  s'attendrir,  lorfque  Garamante» 
quf  fe  trouve  tout  à  coup  guéri  de  Tes  bleflures,  vient 
lui  rappeller  qu'illut  a  promis  de  lui  donner  Olinde 
pour  prix  du  fervice  qu'il  lui  a  rendu  ;  Scipion ,  ef- 
dave  de  fa  parole  >  fans  s'embarrafler  des  pleurs  d'O- 
linde  &  du  défefpoir  de  Lucidan  >  eft  prêt  à  la  lui 
remettre  entre  les  mains  ,  quand  Hyanifbe  furvient  à 
'propos^,  &  le  fait  fouvenir  qu'il  a  juré  de  lui  livrer 
un  traître  qu'elle  cherchoic  depuis  fi  long  tems  ^  fi  ja- 
mais ce  perfide  tomboit  (bus  (k  puiflance  7.  qu'elle  ré- 
'clamoit  cette  promeiTe  ,  &  que  ce  traître  étoit  Gara« 
mante.  Le  Général  lui  livre  auffi>tôt  le  coupable,  & 
unit  Olinde  avec  fon  cher  Lucidan.  On  ignore  le  focc 
du  Prince  Numide,  qui  meurt  vraifemblablement  par. 
l'ordre  de  Hyanifbe  ;  car  cette  PrincelTe  finit  la  pièce 
en  faifant  1&  vceu  d'être  toujours  vierge» 

Cette  pièce  n'eft  pas  meilleure  que  la  précédente^ 
,&  je  n'y  ai  rien  trouvé  qui  mérite  d'être  cité. 

(SUJET  DE  MIRAME.)  Azamor,  Roi  de 
Phrygie  9  eft  amoureux  de  Mirame ,  fille  du  Roi  de 
Bithinie.  Cette  Princeflfe  méprife  (on  hommage  •  & 
aime  le  Prince  A  rimant  ^  favori  du  Roi  de  Colchos. 
Ce  Monarque  depuis  longcems  étoic  ennemi  du  père 

N  niij 


0f      THEATH S  FR  ANÇOI^. 

lie  Mttufne ,  6l  Af imant  dan^  T^rpoic  de  revoir  & 
maîCTcflc  5  <m  de  rcolevep  àiforcç  ouverte  ,  détcroiinc 
le  Roi  (on  makre  à  ttédar^  la  guerre  aq  Roi  de  Bi« 
^birïie  ;  il  éâ'fatc  Généml  >  d(  ^arre  4  main  armée 
^  Bichifiie  ,  il  a  uiie  eotrevqe  avec  la  Princeffe  i  8c 
il  Itii  déeoovre  tôiu  (es  deflein^a  Mirame  voyape  le 
itmr  i^rditce,  fe  forcé  i  la  quilt^r }  &  refte  dans  Kn« 
^Q^r^de  la  plus  grande  ayaot  tout  à  craindre ,  oq 
pbur  fon  peré  ou  {idur  fou  amant.  On  vient  lui  aiv* 
tidncer  ^ue  ce  dernier  a  remporté  lu  vi^oire ,  mail 
eHe  en  eft  tnen-tèt  détrompée  par  )e  Roi  Ton  père» 
^ui  revient  vainqueur  «  it  qui  tis^^m  Ariœant  pri- 
^nier  }  il  hii  amioQoe  quHI  va  t>ten^t^  parokre  à  fes 
y&ux.  En  efibt  ^  cm  lui  amené  ce  malbeoreux  Prince , 
4c  on  les  IcriflS»  fêtais  enfemblé  ;  maïs  le  Roravoit  &it 
ft^bhèr  4n  de  J^s  courtifaiis  »  qui  >n&em}  toute  leqr 
€dnVer&tioâ>  6t  «fui  vient  lîii  rendre  ^compte  que  ià 
Sttèidtti^  ÀrimaDt.  Ce  Mmnarque  tnt^re  dans  la  plus 
grande  colère^  Ceft  en  ce  moment  que  U  pièce  eft 
fort  chargée  d'événemens.  On  vient  dire  ^  Mirame 
qu'Ariinam:  ayant  appris  qt^te  aîlbit  fouler  Aza- 
mor,s'étoic  tué  de  derefpoir.  Cette  tendre  Ptincene 
ne  voulant  point  furvivre  à  (on  amant  «  deniande  du 
poiibn  à  fa  confidente ,  qui  lui  en  apporte  ;  elfe  le 
|)rend  avec  le  plus  grand  plaiHr  ;  il  fait  Tur  le  champ 
Ion  effet  >  &  l-on  court  annoncer  au  Roi  la  mort  de 
^  fille-  Il  étoit  alors  avec  un  Ambaflîadeqr  du  Roi 
dç  Çol^pSi  t^ui  venoit  lui  propoîer  la  paix  aux  çoa- 


ditions  de  donniçr  AIir?tniç  à  Arf iTU^pt  >  <}^'pn  faie 
connolcre  pdur  frera  d'A^mor  ,  &  à  qui  te  Roi  de 
Colchos  afÇir^.  fa  Couronae  :  c'eût  été  le  mieux  du 
inonde  ,  mais  il  y.avpiç  un  gran^  emp^^çhçpijBnt  k  ce 
traité  ;  c'étoit  la  mort  d'Arimant  &  celle  de  la  Prin« 
ceffe.  Heureiifement  il  n'en  étoit  rien ,  Mirame  n'a- 
voit  pris  qu/iin  ibmnifei:^ ,  §ç  ^^mant  qi^'on  ?voît 
cru  mort  n'écoit  qu'évanoui.  Ik  paraiflem:  lou^  les 
deux  à  la  fatisfaftion  générale  ^  &  Azamor  ne  voulant 
pas  troubler  cette  latiçf^âion  jujaiverfelle  i  çéde  Mi* 
rame  à  (on  &ere ,  ce  qui  finit  le  dénouemeot» 

Cette  pièce  n*e(l  pas  fans  défa,i;its  >  mais  elle  eft 
bien  fupérîepre  aux  deux  précédentes.  Elle  excite  une 
forte  de  curiofité  >  quji  tlçnt  beaucoup  de  l'intérêt  ;  de 
plus  elle  eft  pleine  d'efprit  fif  b^en  yérCSée ,  j'en  pour- 
rois  citer  pJiiQçiari^  çn4fPÂ(?  ^h  V?  cf pis,  ferp^ent  plaifîr 
à  mes  Leâu^rs  ;  j'ai  d^o^î  o^vi}-i<:i  poijir  donner  feu- 
lement une  idée  de  la  ve^fiâeatioa  ;  c'.eft  MÂrat^e  qui 
avoue  à  la  conêdente  &  t^idrefle  pour  Aciaiant*  Cette 
confidente  lui  dît  : 

A  L  M  I  R  E. 

Mais  qui  ne  raimerok  > 

*  M  I  k  A  M  E. 

Il  jL'dft  que  trop  m^ble. 
Mais  mon  ccKur  pour  Tain^er^  n*€n  cA.pas.moins^blaûnable  ^ 
Je  me  fcns  anin»!  d'une  imprudente  ^euf  » 
Contre  mon  fang  année ,  Sccomic  au  gr;uideu^ 
Au  bien  dekRUMi  Pays  y  je  .pféteçe.  ma  ââme  : 
Mais  quai  eft  con  cjpoit.»  mifjFrahlc  }Aksxofi7 

N  n  îf 


\ 


iSS        THEATRE  rR ANC 01  S. 

It  quetcft  ton  amour ,  qui  fait  que  tu  trahis 
Ton  honneur ,  ton  repos ,  ton  perç ,  &  ton  Pays? 
.    Quel  honl^eur,  malhsureufe ,  oferas-tu  prétendre  , 
Quand  tu  verras  ton  père  ,  &  ton  Pays  en  cendre  ? 
Sors  de  mon amc,  fors ,  amour  mfonuné. 
Qui  fait  perdre  le  vour  à  qui  me  l'a  donné  ^ 
£t  voy  dedans  mon  coeur  tes  fiâmes  eAouffëes  , 
Toy  qui  veux  fur  fa  tombe  cflever  tes  trophées  ; 
Ou  même  (T  mon  cœur  ne  fçauroit ,  fans  mourir^ 
Perdre  ton  ka  fatal  ^dontilne  peiic  guérir  » 
S'il  ne  peut  t'elloufFer  fans  s'efh>ufïêr  luy-mcfraey. 
Je  confens  à  ma  mort ,  je  l'ordonne ,  je  l'aime  y 
J'ayme  mieux  immoler  &  ma  flâme  &  mon  coeur  , 
Que  conferver  ma  vie  en  perdant  mon,  honneur* 
Ma  mort  confcrvera  mon  père  &  fa  Couronne. 
Mais  perdray-je  Arimant?  la  rai  Ton  me  l'ordonne* 
G'eil  fous  le  nom  d*amant  un  ennemi  couvert  y 
Le  perdant ,  je  ne  perds  que  celuy  qui  me  perd  i 
Hélas  !  quand  par  tes  yeux  je  fus  enforcelée  , 
C'eA  lors  que  ma  raifon  devoir  efhe  appellée  : 
Quand  l'aimable  Arimant  me  parloir  en  ces  lieux  » 
De  la  voix  pour  fon  Prince  ,•&  pour  luy  par  les  yeux^ 
'  J*e(coutois  de-  fa  voix  la  trompeufe  jcntremife. 
-Cependant  que  {es  yeux  capciy.QieQt  ma  franchifç^ 
Mon  amour  s'attachant  à  ce  vifîble  objet ,      , 
Je  crus  aimer  le  maiilre  ,  &  j'aimay  le  fujet* 
Serois-je  maintenant* de  tourmens  agitée. 
Si  defiors  ma  raifon  eût  été  confultée  2 
Mais  le  Prince  étant  Aiort  qui  couyroit  mon  erreur ^ 
Mon  amour  defcouvert  eft  devenu  iiireut  ^ 
£t  malgré  ma  raifon  me  fait  ëflre  perfide  > 
Funeile  à  ma  patrie ,  ingrate  &  parricide  , 
Arimant  fe  gli(&  dans  mon  cœur  innocent. 
Mon  feu  caché  s'accrut  6c  fe  rendit  puisant. 
Je  ne  pus  le  cognoi/lre  au  point  de  fa  naiiTance» 
ît  ne  pus  le  domter  quand  j'w  eus  coçnoiilancck 


THEATRE  FRANÇOIS.      ^69 

II  en  coûta  cent  mille  écus  au  Cardiral  de  Riche- 
lieu, pour  faire  paroitre  fur  le  théâtre  Cet  ouvrage» 
auquel  on  croit  qu'il  avoic  travaillé  :  il  alTifla  à  la  pre- 
mière repréfentation ,  &  fut  au  défefpoir  de  fon  peu 
de  fuccès.  Plein  de  dépit ,  il  fe  retira  à  Ruelle ,  &  fit 
dire  à  DeTmarets  de  venir  lui  parler.  Cet  Auteur  qui 
craignok  avec  raifon  l'humeur  du  MiniHre ,  îê  fît  ac- 
compagner par  un  de  Tes  amis  ,  nommé  Petit.  Dès 
que  le  Cardinal  les  vit ,  il  s'écria  :  Hé  bien  \  les 
François  n'auront  jamais  de  goût ,  ils  n'ont  point  été 
charmés  de  Mira  me  ;  Defmarets  ne  fçavoit  que  ré- 
pondre  ;  Petit  prit  la  parole,  &  lui  dit  :  Monfeigneur, 
ce  n'eft  point  du  tout  la  fiiute  de  l'ouvrage ,  qui  fans 
doute  eft  admirable ,  mais  bien  celle  des  Comédiens. 
Votre  Eminence  ne  s'eft-elle  pas  apperçue,  que  non- 
feulement  ils  ne  fçavoient  pas  leurs  rolles  9  mais  mê- 
me qu'ils  étoient  tous  ivres.  EfFeârivement  9  reprit  le 
Cardinal  9  je  me  rappelle  qu'ils  ont  tous  joué  d'une 
manière  pitoyable.  Cette  idée  le  calma  ,  il  reprit  bien- 
tôt fa  belle  humeur ,  &  les  retint  à  fouper  pour  par- 
ler encore  avec  eux  d^  Mirame.  Dès  que  Defmarets 
&  Petit  furent  de  retour  à  Paris  >  ils  allèrent  avertir 
les  Comédiens  de  ce  qui  venoit  de  fe  pafler  à  Ruelle  9 
ils  eurent  foin  de  s'ailurer  des  fuffrages  de  plufieurs 
Speâateurs;  &  ils  j  parvinrent  (i  bien  >  qu'à  la  fécon- 
de repréfentation  on  n'entendit  9  pendant  toute  la 
pièce  9  que  des  applaudiffemens  réitérés  ;  ce  qui  fit  le 
plus  grand  plaifir  au  Cardinal. 

m 

(SUJET  DE  ROXANE.)  Cohortane ,  Satrape 
de  Perfe ,  &  père  de  Roxane ,  apprend  à  fa  fille  qu'A- 
lexandre va  arriver  dans  la  Capitale  de  fon  Gouver- 
nennent ,  £c  1(4  ordonne  de  fe  parer  pour  tâcher  de 


570      THEATRE  FRANÇOIS. 

plaire  à  ce  Héros.  Phradate ,  autre  Satrape  j  amoQ« 
reux  &  aimé  de  Roxane,  vient  propofer  à  Cohortane 
de  fe  révolter  contre  leur  vainqueur^  Cohortaae  reçoit 
cette  propofition  avec  indignation  »  im  vçat  garder  h 
^€délité  qu'il  a  promife  à  Alexandre.  II  fe  retire ,  Phra- 
date demeure  feul  avec  Roxane  >  &  lui  dit  : 

R  •  X  A  N 1  y  ▼«>iK  voyez  à  4\\}f>y  fe  fuis  réduic  y 
Au  lieu  de  m*affif]ler ,  Coliorcane  me  fuît  : 
Pour  vous  i*ay  tout  perdu  ,  mon  honneur ,  âjies  Pçoyinç^;| 
£c  pour  vous  je  me  voy  le  plus  honteux  des  Princes  : 
Abandonné  de  tout ,  dans  mon  fort  xjgoureux 
Ke  fçachaat  en  quel  lieu  cacher  un  malheureux. 
Jff  ne  puis  cfpérer  une  feconHe  grâce  ; 
la  honte  me  fainr ,  &  Ja  mort  me  menace. 
7e  ne  puis  vous  avoir ,  je  ne  puis  vous  quitter  » 
It  le  feul  défe fpoir  s'offre  pour  m'aflîftcr. 
Vous  voyez  le  party  que  l'amour  m'a  fait  prendre^ 
Qui  devois-fe  oublier ,  de  vous ,  ou  d'Alexandre  ? 
A  tous  deux  mec  Vainqueurs  f'avois  donné  ma  foy. 
I^^oee^t  raa  Prince^e ,  âc  l'autre  efloic  jnoii  IU>yV 
IMois  fon  prifonnier  ,  4*c(lois.au|fiJe  voftre. 
Je  devois  tout  à  l'un ,  &  |'«Aqis  tout  -à  l'avxtire. 
Mai*  )C  n*ay  redout-é ,  pQ^r  vous  garder  rpon  eçpu.  i 
Vj  le  camp  orgueilleux  de  ce  ^pui(Iant  vainqueur  , 
^y  le  honteux  tegrec  de  manquer  à  mon  maigre  » 
Ky  les  noms  de  parjure ,  &  d'ingrat  &  de  trailbre* 
D'un  codé  ,  je  voyois  mon  repos ,  mon  devoir; 
De  l'autre  mou  amour ,'  mon  defîr ,  mon  efpoir^: 
D'un  co/lé  ce  difois-je,  un  grand  Roy  me  demande  3 
Dé  l'autre  ta  beauté  du  monde  la  plus  grande. 
Avec  l'un  Xe  6iit  voir  un  favoraWe  f<y:t;> 
,.  Pc»  d'cfpoijr  avec  l'autre  ,,8c  la  honte  gc  l^ixjQtc,  . 
Mais  fî  faut- il  choiiîr  :  tu  ne  peux  plus  attendre» 
'  Il  faut  perdie  Roxanie ,  ou^juitccr  Afexandte,  - 


THEATRE  FRANÇOIS.      ^jt 

•.      .  .      .  ' 

Il  hm ,  ou  >  àa&ixàÊSt  aa  le  voir  triompher 

De  ces  changes  puUUm  ^i  fccureiit  t*e£chauStr»  ^ 

Au  plus  noble  deffeia  ton  amour  ce  convie. 

Abandonne  potir  lui  t«s  bien$ ,  ta  foy ,  ta  vie: 

R.évdce  tes  ^eu  «  tâfcâe  à  Taiocte  ce  B,Qf  i 

Incite  Cohoitaoc  à  ie  joindia  avec  tOy.  > 

Meurs  pluftoil  mille  fois ,  que  de  voir  Alexandre 

MaiAre  de  la  beaqré  qui  mec  con  coeur  en  cendre* 

Tzy  tenté  ce  deilcin  •  il  ne  m*a  rien  produira 

J*ay  prié  Cohnrtane  ,  &  j'en  fuis  cfconduir, 

C'eA  de  tous  les  mortels  le  plus  inébranlable  y 

Moj  des  plus  m^heureux  |e  plus  iAconTcHable  , 

Qui  ne  puis ,  unt  le  Ciel  ipc  regarde  en  courroux^ 

Ny  demeurer  icy  >  ny  m'eiloi^Qer  de  vous. 

Boxatve  It  blâixje  d'sivoir  aÎBG  diirulgué  Ion  com- 
plot fans  être  aflfur^  d'un  parti  pmffiipt^  &  kii  con- 
fcille  de  fonger  à  fa  ftueté.  Cependant  AIe>çandre  ar- 
rive ,  Voit  Roxane  »  &  en  devient  amoureuic  :  il  jure 
de  lui  accorder  la  première  grâce  xja'eUé  lui  deman- 
dera. Cette  Printeflfe  fçachant  que  le  Roi  étoit  inftrult 
des  projets  féditieux  dePliradate«  fe  jçtte  àfcs  pieds» 
&  lui  demaiule  la^grace  de  ce  crinmel*  Alexandre  la 
lui  accorde.  Phradate,  înftrult  del'amonr  du  Rot  pour 
Roxane ,  devient  plus  furieux  que  jamais  »  &  loin  d'é« 
coûter  la  reconnoiâàiice  »  il  fé  Ime  tout  entier  à  la 
jaloufie.  Il  forme  une  noaveHe  confpîration ,  dans  la- 
quelle il  fait  entrer  Clite ,  un  des  favoris  d'Alexan- 
dre f  qu'il  trouve  le  moyen  de  fédutre  en  bii  appre- 
nant que  fdn  maître  veut  époufer  Roxane.  Il  pouffç 
plus  loin  ^a  JFurçarj  Se  préférant  de  voir  périr  fa  matr 


^7%      THEATRE  FRANÇOIS. 

trèfle  àl'horrear  de  fa  voir  entre  les  bras  d'Aleièandro 
il  confent  à  fa  mort.  Cette  Princefle  ,  cjui  par  hafard 
étoit  proche  de  l*endroit  où  les  Conjurés  s'étoient 
raflemblés  9  avoit  écouté  toute  leur  converfation  ;  locf- 
qu'ils  s'étoient  féparés  ,  elle  avoit  entendu  Pfaradate 
leur  dire  : 

Immolons  ce  rîl  fang ,  cette  fîlle  orgueilleufe  , 
O  Grecs  ,  pour  ne  pas  voir  cette  nopcc  honteufe» 

On  peut  juger  &  de  fa  colère  &  de  fa  douleur» 
elle  joint  fon  cruel  amant  »  &  lui  dit  : 

o  cœut  lafche ,  cft-cc  aînfî  que  tu  parles  de  moy  , 
TraiAre ,  après  avoir  faiâ  ce  que  )*ay  fai£^  pour  toyi 
Non  y  )e  ne  parle  point ,  6  Prince  abominable  1 
De  la  vie  8c  des  biens  dont  tu  m'es  redevable  : 
Pour  le  moindre  des  miens  j*en  euiTe  faiâ  autant  i 
Mais  de  t'avoir  gardé  ce  courage  confiant  » 
Qui  m*a  fait  préférer ,  dans  ta  mifere  extrême. 
Ta  recherche  aux  grandeurs ,  au  fceptre  »  au  diadème. 
7e  t'ay  rendu  plus  grand  qu3  ce  puiflant  vainqueur. 
7e  te  l*ay  fait  combattre  de  vaincre  dans  mon  cœur: 
Je  t^ay  fait  triompher  :  ah  !  l'ofoi^tu  prétendre  l 
Je  t*ay  mis  dans  mon  ame  au-delTus  d*Alexandre. 
Juge  G.  ce  n*eA  pas ,  perfide  ,  te  porter 
Au  degré  le  plus  haut  où  l'on  puiile  monter» 
Peut  on  te  donner  plus  qu*ane  noble  vlâoire  » 
Sur  celuy  qui  du  monde  a  la  plus  haute  gloire  ? 
ïc  tu  m'abbaiffes ,  lafche  ,  autant  que  tu  le  peux^ 
M'appellant  un  vil  fang ,  un  efprit  orgueilleux  ! 
7é  ûiis  du  fang  de  ceux  qui  les  thrônes  foufbiennect  ^ 
De  ceux  qui  font  les  Roys,  de  ceux  qui  les  deviennent. 
'  .       Je  fuis  du  noble  fang ,  (  niais  quoy  !  l'ignores-cu  ?  ) 
De  ces  Friaces  égatu  eu  pui^stnce,  ea  yerttt^ 


THEATRE  FRANÇOIS:      J73 

Qui  fifcnt  de  l'un  d'eux ,  au  lever  de  l'aurore, 
le  Roy  dans  l'univers  le  feul  que  Ton  adore. 
Tu  changes  dans  ton  cceur  fous  le  crime  abbactu  » 
La  noblefTe  en  bafTjire ,  en  vice  la  vcrcu. 
Qu'un  aurre appelle  orgu  il  ma  confiance  ,  6c  l'outrage: 
Mais  par  coy  cec  orgueil  fe  doit  nommer  cours ga« 
J'^y  mcfprifé  le  Roy  :  dois-tu  m'en  accufcr  > 
Un  mefpris  ù'iGt  pour  toy  ,  fcrr  i  me  mcfprifct  : 
Mon  grand  cœur  contre  moy  fert  à  ton  ame  noirs  9 
£t  tu  me  bacs  i'u  fer  donc  j'ay  fai^  ta  vidoire. 
Je  t'eflevc  en  honneur ,  &  toy,  bien  diffèrent  y 
Tu  précens  m'acquérir  en  me  deshonorant* 
Mais  Uw*  le  prétends  plus ,  je  dctefle  ta  rage  , 
In<iigne  de  ma  foy  comme  de  mon  courage. 
Tu  viens  d'oiFiir  ton  bras  pour  m'ofler  la  clarté^ 
Le  mien  me  défendra  contre  ta  lafchecé. 
Quoy  !  eu  l'ofFics  ce  fang  aux  foldais  d'Alexandre, 
^      Ce  mcfmt-  fang  J)our  toy  tout  preft  à  fe  refpandre  ! 
J'emploiray  concre  toy  dans  ce  lafchc  delîein  , 
Ce  poignard  que  pour  toy  j'eufTe  mis  da^  mon  fein. 

Elle  va  enfuite  trouver  Alexandre ,  &  lui  révèle  là 
conrpiration ,  elle  lui  nomme  Clite  parmi  les  Conju- 
rés. Ce  Monarque  au  défefpnir  de  la  trahifon  de  (on 
ami,  l'invite  à  un  feflin,veut  lui  pardonner;  mais  fur 
des  reproches  injurieux  que  lui  fait  Clite  >  il  s'aban- 
donne tout  entier  à  la  colère ,  &  le  tue.  Enfuite  plein 
d'horreur  pour  cette  adtion  barbare  i  il  fe  livre  au  plus 
affreux  défefpoir  :  fes  Capitaines  cherchent  en  vain 
à  adoucir  Ces  chagrins  ,  fa  douleur  n'en  eft  que  plus 
forte  ;  la  feule  Roxane  parvient  à  le  calmer ,  en  con- 
fentant  à  l'époufer.  Pour  confervei:  tout  fon  éclat  aa 


fy4      THSATRÉ  FRANÇOIS.  * 

caraâère  de  Roxane  ^  il  eft  oéet^fiatr^  4e  fçaYoir 
qu'elle  avoit  téfolQ  de  fè  plonger  an  poignard  dans 
le  cœur  plutôt  que  d^époufer  Alexandre  ,  tant  que 
vivrok  Phradace*  Phradate,  pour  la  dégager  de  cette 
fidélité  refpeâabie  t  fiir<«touc  pour  un  faotnme  qui  avoit 
cqnfenti  à  ia  mort  après  avoir  échoué  dans  la  fécon- 
de conjuration ,  prend  heureufe^neBt  le  parti  de  fe^ 
luer  9  &  lailTe  ain(i  Roxane  maltrelTe  de  difpofer  de 
fa  main»  &  ellô  la  donne  à  Alexandreé 

On  trouve  dans  cette  pièce  les  plus  grands  défauts 
&  auffi  de  très-grandes  beautés ,  fur-tout  d^s  les  dé- 
tails. J'aurdis  pu  citer  encore  plufieurs  endroits  .ver« 
(ifîés  avec  une  uobleAe  &  une  chaJeiM*  linguliere  ; 
elle  n'eut  cependant  qu'un  très-médiôcre  fuccès.  Ho- 
race ,  Cinna  ,  PoHeuâ:^  »  avoient  déjà  paru  fur  la 
fcène  ,  &  Corneille,  en  éclairant  fon  fieclc ,  avoit 
cruellement  obfcurci  la  réputation  des  Auteurs  fes 
Vbniemporaina» 

(SUJET  DES  VISIONNAIRES.)  On  trouve  à 

la  tète  de  cet  ouvrage  un  argument  qui  jufiifie  le  ca« 
rafbère  que  Defmarets  a  introduit  dans  fa  Comédie. 
Il  fe  plaint  à  la  fin  des  (:ritiques  que  l'on  a  fiaites  de  cette 
pièce»  &  il  dit  :  j>  C'eft  être  bien  déraifonnable  d'ac- 
7»  cufer  d'obfcurité  celui  qui ,  dans  la  bouche  du 
»  PoCte,  s'eft  voulu  mocquer  de  l'obrcurité  desan- 
^  ciennes  Poëfies.  «c 

Ce  n'cft  pas  pour  tojr  que  j'éais^ 
Jndoâe  &  ilupide  vulgaire  : 


THEATRE  FRANÇOIS.       ^yf 

J'ercris  pour  les  nf>bles  efpiits  f 
Je  Terois  rhapri  dt  ce  plaire. 

Lés  Vifionnaires  eurent  un  très- grand  fuCcès  à  lat 
irepréftntâcion>  quoique  le  fujet  en  foie  crès-extraordi* 
nairê  f  &  qu'on  aie  pu  ^croire  que  c'étoic  un  déeEche^* 
mené  des  Peeiees-Maifons ,  offert  aux  yeux  des  Spec- 
tateurS.  Je  penfe  que  vraifemblablement  la  protèc-^ 
cioil  déclarée  que  le  Cardinal  de  Richelieu  accorda  à 
cet  ouf  rage  >  où  l'on  dit  même  qu'il  avoit  travaillé  « 
contribua  beaucoup  aux  aplaudifTemens  que  le  Public 
lui  donna.  On  voit  paroitre  fuccelfivement  Artabaze  ^ 

faux  bravée  qui  croit  avoir  conquis  le  monde;  Amidor, 
Poëce  extravagant^  qui  s'imagine  être  fort  au-de(Iu8 
d'Homère;  Filidan  qui  s'enflâme  avec  fureur  pour  la 
première  dont  il  trouve  la  beauté  décrite  dans  quel- 
que ouvrage  ;  Fhalante  qui  n'a  pas  le  fol ,  mais  qui  (è 
croit  plus  riche  que  Créfus  ;  MéliiTe ,  qui  en  lifs^nt  l'hi- 
floire  d'Alexandre ,  eil  devenue  follement  éprife  de  ce 
Héros ,  &  qui  ne  veut  point  avoir  d'autre  époux;  He(^ 
périe  qui  s'iniagine  que  fes  charmes  dangereux  foqt 
le  malheur  du  monde»  qui  fe  pique  de  la  plus  par- 
faite infenfibilité  >  &  qui  croit  qu'on  ne  peut  la  voir 
un  inftant  fans  en  avoir  la  tète  tournée;  Sefliane  qui 
ne  connoit  d'autre  bonheur  que  la  Comédie  ,  qui^  de 
tout  ce  qu'efle  voit  ou  entend»  forme  fur  le  champ  un 
plan  pour  ce  fpeftacle,  8c  qui  renonce  à  tout  enga- 
gement ,  pour  s'occuper  uniquement  de  fes  talens  prêt 
Ccndus;  enfin  Alcidoui  père  de  ces  trois  folles  >  &; 


'Sy6      THEATRE  FRANÇOIS. 

aaffi  imbecille  que  fes  filles  font  extravagantes.   Je 
ne  parle  point  d'un  certain  Lifandre  ^  parent  d'Âlci- 
donj  qui  ne  fert  qu'à  mettre  un  peu  de  liaifon  dans  les 
fcènes  >  ((i  tant  eft  qu'il  y  en  ait).  Âlcidon  veut  abfO' 
lument  marier  fes  trois  filles  y  qui>  comme  l'on  fçait, 
n'ont  point  du  tout  ce  projet;  il  les  offre  au  premier 
venu.  II  accepte  pour  gendre  le  premier  qui  fe  pré« 
fente  ^  &  fe  perfuade  toujours  être  arrivé  au  moment 
de  les  voir  établies.  Comme  les  quatre  perlbnnaget 
ridicules  dont  j'ai  parlé  >  venoient  (buvent  che2lui^& 
qu'il  fe  perfuade  que  c'eft  dans  l'intehtion  de  devenir 
fes  gendres  >  il  eft  très-embarraffé  de  s'en  trouver  un 
de  trop,  n'ayant  que  trois  filles  pour  les  quatre  pré- 
tendans.  Le  dénouement  le  tire  de  cet  embarras.  Mé- 
lifle,  fidelle  à  fon  chère  Alexandre,  déclare  à  fon 
père  qu'elle  préfère  la  mort  à  l'hymen.  Hefperie  re- 
Tufé  de  fe  marier  par  pitié  pour  le  genre  humain;  elle 
fent  bien  que  pour  faire  un  feul  homme  heureux ,  elle 
en  rendroit  cent  mille  miférables.   Seftiane  n'aimant 
que  la  Comédie ,  ne  peut  confentir  au  mariage ,  & 
dit  à  fon  père: 


7e  neveux  point ,  mon  père ,  ePpoufer  un  cenfeut. 

Puifque  vous  me  foufFrez  recevoir  la  douceur 

Des  plaifirs  ionocens  que  le  théâtre  appprtc , 

Preiidrois-je  le  ba^rd  de  vivre  d*autre  forte' 

Puis  on  a  des  enfans ,  qui  vous  font  fur  les  bras  ;  - 

les  mener  au  théâtre  ;  ô  Dieux  !  quel  embarras  (         -  \ 

Tantod 


)rEE A TRE  FRANÇOIS-,       577 

< 

ïantoft  couche  ou  grofTefre,  ou  quelque  maladie^ 
Pour  jamais  vous  font  dire ,  adieu  la  Comédie. 
Je  ne  fuis  pas  Ci  follt  j  àuflî  je  vous  promets , 
Tour  coûtes  ces  raifons ,  d'eftre  fille  à  jamaîif. 

Enfin  les  prétendus  gendres  paroifl*ent;  Filidan  dé. 
dare  que ,  dans  ces  trois  filles ,  il  ne  reconnoic  poinE 
Tobjec  qu'il  adore;  Amidor  avoué  qu*il  ne  tui  a  de- 
mandé une  de  Tes  âiles  que  par  galanterie  >  &  qu'il 
ne  peut  être  amoureux  que  de  la  PoëGe.  Après  avoic 
queflionné  Pbalante  fur  fes  grandes  richefles  ,  on  dé- 
couvre qu'il  n'a  pa^Ie  (bl,  6c  nulle  efpérance  d'avoir 
famais  du  bien.  Artabaze  déclare  que  c'eft  par  un 
excès  de  bonté  qu'il  a  laifle  concevoir  à  Alcidon  l'et 
pérance  d'un  honneur  qu'à  peine  Jupiter  oferoit  pré* 
tendre  :  ailifi  les  quatre  prétendans  fe  retirent.  Le 
bon-homme  fe  trouve  fans  avoir  de  gendres  y  &  fçs 
trois  îEUes  font  enchantées  de  refter  dans  le  célibat. 

Quoique  je  nexroye  pas  que  cçtte  pièce  ait  Jamaîà 
mérité  les  applaudiflemens  qu'on  lui  a  donnés  »  elle 
n'eft  cependant  pas  fans  mérite;  on  y  trouve  des  dé-- 
•tails  heureux  en  tout  »  les  verS  font  bien  Faits,  &  l'on 
y  trouve  une  fcène  finguliere ,  &  qui  doit  avoir  faic 
effet.  La  fille  Poëte ,  toujours  occupée  de  fes  talons  , 
propofe  de  jouer  une  Tragédie.  Il  donne  à  Artabaze 
le  rôle  d'Alexandre;  cduici  entrant  fur  la  fcène,  en- 
tend prononcer  le  nom  de  ce  Héros  ;  c'étoit  Méliffe  » 
il  croit  qu'elle  répète  fon  rôle  ;  mais  voici  cette  fcènc 
que  le  Leâeur  verra  peut-être  avec  plaîfir. 

Tome  IL  O  o 


iy9      THÉÂTRE  fRA^ÇOifi 

Quand  pourray-fe  goûter  cane  de  félicité^ 
Alexandre  ,  mon  coeur  f 

A  a  T  A  B  A  Z  E. 

Quelle  efl  cette  beàutft 
Qui  parle  d'Alexandre  >  Elle  paroift  hardie. 
Ma  foy  ,  vous  le  vArcz  j  c'eft  cette  Tragédie 
Donc  patloic  ce  fantafque ,  elle  en  dit  (|uclques  ycrv 

M  E  L  I  S  S  E, 

Ouy ,  je  le  yeux  chercher  par-tout  cet  univers» 
Mais  quel  |;>raye  guerrier  me  vient  icy  furpréndref 

A  R  T  A  B  A  Z  S* 
H  faut  luy  répanir  :  je  fois  cet  Alexandre. 

M  K  L  I  S  S.  È. 

Vous  eftcs  Alexandre  >  o  me«  yeux  bienheurcirr  ^ 
Vous  voyez  donc  Tob^t  de  mes  vœux  amoureur* 
Que  j'embralfe  vos  pieds  ,  griMid  Prince  que  ^*adofe$ 
Quitte ,  quitte  ,  mon  cceur ,  Tennuy  qui  te  dévores 
Je  le  voy ,  ce  grand  Roy ,  ce  héros  nom  pare  il  p 
Le  plus  grand  que  famais  efclaira  le  Soleil  > 
Ce  fils  dd  Jupiter,  ce  prodige  en  courage. 

ARTABAZE. 
Cette  fille  à  mon  gré  faid  bien  Ton  perA>unag9» 

M  E  L  ISS  E. 

Vous  elles  Alexandre  ?  au  moins  encore  on  moc* 
Pourfuiyez  de  parler» 

l 
ARTABAZE» 

Je  ne  fuis  pas  il  foc» 

MELISSE. 
Parlez  doo€,  dker  obiet  donc  taon  orne  efl  épn(c« 


THEAT^-^  FRANÇOIS.      $79 

r    .  .        .    A.R  T  A  B  A^  E.  .    - 

fc  fuis  cet  Alexandre  9  &  cela  vous  ru£(c. 

M  »  t  I  S  SE.. 

îî  me  fuffit ,  de  Vray ,  d'avoir  Thcur  de  voW  voît. 
Vous  forcer  de  parler ,  c'eft  paficr  mon  devoir  « 
£&oy  derunirers,  c'e^  par  trop  encrepreudce, 

t  A  a  T  A  B  A  Z  E. 

Mik-ct  pour  ffloy  tQ  titre ,  ou  bien  pour  Alexandce  t 

MELISSE. 

Comment  Tentcndcz  -vous  ? 

ARTABA2E. 

Si  ce  titre  efl  pour  moy^ 
Comme  m*appartcnant  auflî ,  je  le  reçoy  ; 
j^ais  je  le  maintiens  faux ,  Ci  c*eil  pour  Alexandre. 

MELISSE. 

Vous  tenez  un  difcours  que  je  ne  puis  comprendre^ 
Vous  eâes  Alexandre ,  Stc  vous  ne  Teftes  pasi 

A  R,T  A  B  A  2  E. 

Ceil  ptr  moy  qu* Alexandre  a  fouièrt  le  tterpas» 

*M  fi  L  I  S  S  E. 

Vous  l'eues  donc  fans  l'eftreî  A  préfent  Alexandre 
£ft  comme  le  Phœnix  qui  renaiA  de  fa  cendre  : 
Car  c'eft  Uiy  qui  revit ,  ôc  fi  ,  ce  ne  l'cft  plus. 
A  peine  j'entendois  ces  propos  ambigus. 
Mais ,  ô  cher  Alexandte ,  ô  Fripce  q^  m^embrâfc  \ 

r 

A  R  T  A  B  A  2  E. 

laiffons  là  Tragédie  ,  on  m'appelle  Ahabaze  ,  * 

S'ius  craint  que  le  tomïerre ,  ic  l'orage  &  les  vents. 

MELISSE, 

Atrabaze  eft  le  nom  de  PuA  de  y^s^  fiûvams  y 

O  O  Ij 


58 é»      THEATRE  FRANÇOIS. 

Qui  le  fut  de  Darie.  Ah  !  le  vouJriez-vous  prendre? 
O  Dieux  1  ne  quiccez  point  ce  beau  nom  d*Alexandn» 

ARTABAZE. 

Arrabaze  cil  le  nom  du  plus  grand  des  guerriers  % 
Dont  le  fronjt  eil  chargé  de  cent  miUe  Uur.iers. 

MELISSE. 

raice>-moy  donc  entendre  ^  eft-ce  métamorphore» 
Qui  vousiait  Aitabaze  y  ou  bien  mctempfycorcL^ 

ARTABAZE. 

Quoy  !  vous  dites  auili  des  mots  de  ce  foccieç 
Qui  fit  la  Tragédie  î 

M  E  L  I  S  $  E, 

Invincible  guerrier , 
Alors  on  vous  crut  mon  par  charme  ou  maladiei 
Ce  fut  dotic  un  forcier  qui  fit  la  Tragédie^ 

ARTABAZE. 

Il  e(l  vrai  que  de  peur  fen  ay  penfé  mourir. 
Vous  a-t-on  dit  Te^froy  qui  m*a  lane  fart  courir  3 

MELISSE. 
Quoy  donci  il  vous  fit  peur,  ô  valeur  fans  fccondel 

A-RTABAZE. 
Il  m'a  faiâ  difparoiflre  aux  yeux  de  tout  le  monde^ 

MELISSE. 
Vous  difparutes  donc  par  un  charme  puiflànc  > 

ARTABAZE. 

Par  des  mots  qui  pourroient  en  effrayer  un  cent« 
Par  un  certain  démon  qgi,*il  porteic  dans  fa  pod\e« 

M  £  L  I  S  S  L, 

O  Dieux  ! 

ARTABAZE. 

Nul  4e  ùk  moït  {ic  fat  jaqivs  ii  proche* 


THEATRE  rk AN ÇÙUy     '$^i 

MELISSE. 

Depuis  cet  accident  qu'il  s'eft  fait  de  combats  ! 

^       ARTABA2E. 

Quels  combats  fcfont  faits? 

M  E  L  I  S  E. 

Ne  les  fçavcz-vouspasi 

ARTABAZE. 

On  s'cft  battu  fans  moy  ?  Je  détefte ,  penragci 

MELISSE. 

Ce  fut  lorfque  vos  chefs  eurent  fait  le  pattage 
De  tous  ces  grands  Pays  conquis  par  vos  travaux! 

ARTABAZE. 

Je  les  feray  tous  pendre ,  où  font-ils  ces  marauds! 
Ils  partagent  mon  bien  \ 

MELISSE- 

Depuis  leurs  deftînées 
On  pourroitbien  compter  près  de  deux  raille  annéeSii 

ARTABAZE. 

les  Dieux ,  pour  les  fauver  de  mon  ju^e  courraux  ^ 
Ont  mis  aflèurement  cet  efpace  entre  nous. 

M  E  L  I  S  I  £• 
Hélas  !  où  courez-vous  \ 

ARTABAZE. 

Ce  forcier  me  v'Ut  prendre^ 

MELISSE. 
Je  vous  fuivray  par*tout ,  ô  mon  cher  Alexandre. 

(SUJET  P'ERIGONE.)  Euridice  ,  Reine  de  Ta.* 

probane  »  a  promis  en  mariage  fa  fille  Erigone  au  Roi 
ide  Carmanie.  Cette  Prinçene  aimoic  Pcoloméej  Prince. 


SH      THEATRE  FRANÇOIS, 

d'Arabie  i  ^uf  voyageapt  incognito  ^   écoit  devenu 
amoureux  d'elle  ^  &  ^jés'écoic  faic  connoitre  que  d'elle 
feule;  elle  apprend  à  Ton  amant  le  fatal  projet  dj>  la 
Reine  9  &  lui  annonce  en  même  tems  que  Cléom^ney 
frère  du  Roi ,  qu'on  lui  dedine  pour  époux ,  va  bien» 
tôt  arriver  pour  Tëpoufer  au  nom  de  fon  frère.   Pto- 
lomée>  au  défefpoir  de  cette  nouvelle»  montre  toute  fa 
doilfeur  à  la  Princefle  »  &  avec  fon  aveu ,  s'enlbaïque 
fur  le  champ  I  va  au-devant  du  Prince  de  Carmanie^ 
l'attaque,  le  défait,  le  prend  prîfonnîef ,  ' s'ènij)are 
defes  papiers,  prend  (on  nom  ,  arrive  à  la  Cour^>  où 
l'on  célèbre  auflî-tôt  la  cérémonie  du  mariage.   Le 
vrai  Cléomene,  qu'il  tenoit  prifonniçr,  trouve  le  riioyen 
de  s'échapper  >  fe  pré&nte  à  la  Reine;  niais  par  fba 
éloquence,  Ptolomée  perfuade  à  la  Reine  que  c'eft 
un  impoftêur ,  &  cette  Princefle  le  f^it  nïettre  en  pri- 
fon.  Il  eft  néceflaire  de  f^avbir  qu'un  Oracle  avoic 
annoncé  à  la  Reine  >  qu^elle  épouferôit  celui  qui  vien- 
droit  demander  Erigone  en  mariage;  elle  fe  perfoade 
avec  plaifir  que  c'étoit  Ptolomée  que  l'oracle  avoit 
défigné  ;  elle  lui  fait  une  tendre  déclaration  :  le  Prince 
pour  la  tromper  y  répond  avec  galanterie.   Euridice 
ne  veut  plus  qu'il  parte  avec  fa  fille.  Elle  envoyé  un 
Ambafladeur  au  Roi  de  Carmanie ,  lui  demander  fon 
aveu  pour  ce  nouveau  mariage.  Dans  cet  intervalle  ^ 
une  'fèmme   qui  étoit  dans  la  confidence  d'Erigone  » 
VÎetit  tout  révéler  à  la  Reine,  qui  entre  dans  laplu$ 
Igrande  colère;  ellefeit  mettre  Cléomène  en  libertéi 


f' 

THEATRE  FRANÇOIS.     ,^83 

&  fonge  aux  moyens  de  fe  venger  Ue  f  côlomée  ;  mais 
celui-ci  lui  montre  tant  d'amour  pour  Erigone^  qu'elle 
fe  laifle  enfin  toucher  ;  elle  lui  pardonne  >  &  lui  donne 
là  fille  en  mariage  :  convaincue  alors  que  c*étoicCléo* 
mené  que  l'oracle,  lui  annonçoic  pour  époux ^  elle  lui 
ofïre  fa  main  ;  ce  Prince  l'accepte  avec  tranfport ,  & 
fe  fait  reconnoître  pour  le  Roi  deCarmanie,  qui^^^fous 
Ae  nom  de  fon  frère ,  étoit  venu  voir  la  Princeffe  qu'il 
.avoic  demandée  en  mariage. 

Cette  pièce  eft  affez  froide  ^  &  étant  écrite  e» 
profe,  je  n'ai  rien  à  en  citer. 

(EUROPE.  )  J'aurois  defiré  que  cette  pièce,  la 
.dernière  dont  je  devrois  faire  l'extrait ,  m*en  eût  pft 
fournir  un  digne  de  l'attention  des  Leâeurs  ;  mais 
quel  degré  de  chaleur  ou  d'intérêt  pourroisje  donner 
à  l'analyfe  d'un  ouvrage  9  dont  le  fujet  &  les  vers  mè* 
.mes  foQt  abfblument  allégoriques?  Je  me  contente 
donc  de  donner  la  clef  des  perfonnages^  &  celte  des 
allégories  répandues  dans  les  vers  de  cette  Gomédie- 
héroïquei  telles  qu'elles  (ê  trouvent  à  la  fin  de  la  pièce. 

CLEF    DES     PERSONNAGES. 

lA  RHNE-EUROPE ,  reprcfcntc  TEuropc. 
FRANCION  ,  le  François. 
IBERE,  l'Efpagnol.    . 
GERMANIQUE ,  TAIkmand. 
AUSONIE,  l'Iiaiic. 
PARTHENOPE,  Naplej. 
XfÊLANIE,  Milan. 
AUSTRASIB,  la  Lorraine. 
LILIAN  ,  Suivanc  de  I^inuidcM^ 
HISPÂLE  ,  Sttiyaiu  dlbece. 


\ 


S$4i    "ÏHEATRE  FJIANÇOI^^ 

*'  CLEF    DES    ALLEGORIES* 

^HlLBTONE  ,  fignifie  PAngletcrrc. 

ALPINE ,  Madame  de  Savoye. 

LA  ROCHE  REBELLE ,  la  Rochelle. 

UN  PRINCE  MORT  CHEZ  AUSONIE  ,' le  vieux  Duc  de  Mantou^; 

UN  SEUL  PRISONNIER,  François  premier. 

UN    PRINCE   AUGUSTE ,  VOISIN    D'AUST^ASIe',    PEleacur  d<    À 
Trêves. 

UN  PRINCE  GERMAIN  DU  SAJÎg  D'ALBIONE  ,  le  Roi  de  Bohême. 

UN  PRINCE  CiUl;S*ÉTABLIT  EN  ON  DROIT  LÉGITIME,  le  Duc 
dcNevers;  Duc  de  Mantouc. 

TROIS  N<B*îDS  DES  CHEVEUX  D'AUSTRASIE,  Clermont ,  Stenay 
&  Jamecs.  - 

LA  BOfTE  DE  DTAMAKS  D*AUSTRASÎE  ,  Naftcy. 

LES  DESTRUCTEURS  D* AUTELS  ,  Luthériens  &  Gaîvîniftes. 

CEUX  QU/IL  A  FAIT  VE^JIR  DU  BOUT  DE  L'UNIVERS  OU  DB 
LA  MER  GLA  CIALE  ,  les  Suédois.   ' 

CE  GRAND  ROY  ,   CE  PUISSANT  CONQUÉRANT ,     le  Koy  de 
Suèdti  *  ;      j 

CES    GRANDS   CHEFS   DE    SA    CENDRE    ENFANTÉS,  les  Chcft       i 
Suédois.  I 

CE  SAXON  ,  le  Duc  de  'Wcymar. 

UN  PRINCE  QUI  D'UN. PEUPLE  AFFRANQHÎ COMMANDE  LES       i 
AÇ.MÉfcS,  le  Prince  d*Orange.'  •  — 

LE  BIEN  DES PRESTRES  MITRES,  I(Js  Eyêchés  que  leRoydeHon-   1 
grie  a  donnes  aux  Luthériens.  ^ 

DES  PEUPLES  Affranchis  qui  cherchent  mon  secoure,     i 

les  Çfttalaas.« 

TASSrSTE  UN  ROY,  le  Roy  de  Portugal. 

TROIS  puissances  ROYALES  >  les  Rois  d'Efpagne  ,  de  Hongrie  & 
d'Angleterre. 

TROIS  couronnes  DUCALES,  Savoye,  Mantouc,  Lorraine. 

LE  PORT  DE  LA  MER  LIGUSTIQUE  ,  Monaco. 

LA  CLEF  DE  L'ÉTAT  D1BERE  ,  Perpignan. 

DE  MELANIB  ONT  ESCORNÉ  L'ETAT.  Prifc  de  TortottC. 

LA  PLACE  EST  EN  MSS  MAINS  ,  Sedan. 

Fin  du  Tome  Ih 


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