n
BIBLIOTHEQUE
BRITANNIQUE»
b u
HISTOIRE
DES OUVRAGES
DES SÇAVANS DE LA
GRANDE-BRETAGNE:
Pour les Mois
D'AVRIL, MAI ET JUIN.
ivi DCC XXXIX.
TOME TREIZIEME,
PREMIERE PARTIE,
A LA HATE,
Chez PIERRE DE HONDT.
M. DCC. XXXIX,
*»Ç%.»C •% *■> *> ♦!* -O.* «-jj ♦ * */» ♦A ♦>» *Vt *.* ♦> V-V
^ ^ V:?i Y«?> yCÎ-J yiS V^i -T^ T^ Y^ -T^ ^r^ T^ y^i -T^ yi^
TABLE
DES
ARTICLES.
ArvT#I. T^iÇR. Thomas SHAw;yêj
i.V .1 P^oyages en divers lieux de
la Barbarie £5* du Levant , £f c.
Troifième Ei^crair. pag. i.
1 1. Mad. Elisabeth R o w e ; fes
Oeuvres mêlées en Profe ^ en l^ers-^
avec des Foè'Jîes de Mr. Thomas
Rowe. 28.
III. Mr. W A T T s ; Traité qu'on lui at-
tribue de la Force ^ de la Fciblefi
Je de la Rai/on humaine i ou Impor-
tanîê quejtîonftir la Suffifance de lez
Maifon pour condtiire les Hommes à
la Coyincijjarice de la Religion ^ ait.
Bonheur d'une autre Vie : Seconde
Edition. 6y,
iW Le Dr. Henri IIammond;
Dix-neuf de fes Lettres mi/es en Re-
cueil par Mr. François Peck. 92.
V. Differtation fur la Feinme-SoEUR ;
vn Saeur - F ê m m e de S. Paul ; ti-
rés
TABLE DES ARTICLES.
rée à'une Lettre du Dr. Hammond j,
à Mr. Pierre Staninough. 122.
Art. VLJean Milton; Recueil corn"
pu î de fes Oeuvres Hijioriques , Po-
litiques c5* mêlées , avec un nouveau
Récit biftorique & critique' de la Vie
^ des Ecrits de V Auteur y conte-
fiant plujîeurs Pièces originales qui
. n^avoient jamais paru , par Mr. Tho-
mas Birch. , 135^
VIL Relation Hijlorique de Voyages faits
dans tous les Comtez de la Grande-
Bretagne , oit Von donne une def"
cripîion détaillée ^ amufante de tout
ce qu'il y a de curieux éf de remar"
quable: Seccnde Edition. 167.
VIII. Mr. Jean Selden; fon Dif^
cours Hijlorique £5* Politique fur les
Loix & le Gouvernement d A7igle'
terre, depuis les premiers tems juf-
qu'au Règne ûJ'Elifabeth ; avec une
Apologie de Vancienne Conjiitution
des Parlemens d'Angleterre ; lo
tout rédigé en ordre par Mr. Na-
thanaël Bacon. 178.
IX, Lettre de Mr. S**, aux Auteurs
de la Bibliothèque Britannique.
206i
BI-
BIBLIOTHEQUE
BRITANNIQUE,
O U
HISTOIRE DES OUIHAGES
DES SAVANS DE LA
GRANDE BRETAGNE.
Pour les Mois d A v r i l , Mai
ET Juin. MDCCXXXIX.
ARTICLE PREMIER.
Travels , or Obfervations relating to
feveral Parts of Barbary and thc Lî:-
vant.
Cefl-à-dire:
Voyages en divers Lieux de la Barbarie
fc? du Levant , avec des Obfervations :
Par Thomas Sh?L\y , Doreur en Théolo-
gi£ , &f Membre du Collège de la Reine à
Tome XÎIL Fart, L A ' Ox-
i Bibliothèque Britannique^
Oxford &f de la Société Royale, &c.
[Troifième Extrait]
f, T Es Arts & les Sciences ont été de-
„ L/ P^is plufiears fiécles , &font enco-
„ re très-negligez en Barbarie. La Philo-
5, fophie , la Médecine & les Mathéma-
„ tiques , qui y fieuriflbient dans le tems
39 qu'ailleurs on en connoifïbit à peine le
,ynom, y font prefque entièrement ignô-^
39 rées aujourd'hui. Les courfes perpé-
5, tu^Ues des Arabes , & les vexations que
,, les Maures éprouvent de la part des
,y Turcs y ne leur laiflent, ni la liberté ,ni
,3 la tranquillité nécellaires pour cultiver
,, les Sciences , ou pour y faire de nouvel-
,f les découvertes. Et *par rapport aux
P9 Turcs , ils font naturellement il inquiets
„ & û turbuîens, ou bien ils s'engagent
,, fi fort dans le commerce par l'avidité
99 du gain , qu'ils n'ont pas le moindre goût
5, pour les Lettres , paroifFant extrême-
5, ment furpris que les Chrétiens puiflent
5, prendre tant de plaifir à l'étude, & y
,, employer tant de tems & d'argent.
Dès que IMr. Sha'U) fut arrivé à Alger,
il tâcha de faire connoifTance avec \gs
perfonnes qui paiToient pour avoir le plus
de fçavoir (Sç de ledlure ; & quoique l'é-
loignement que les peuples de Barbarie
ont en général pour les Etrangers, & fur-
tout pour les €hiécien«, lui rendit la cho-
fe
Avril, Mai et Juin. 1739. ^
fe très -difficile, il en vinc pourtant à
bout. Il découvrit bientôt, que Je pre-
mier Aftronome qui a le foin de régler
les heures de la Prière , n'entendoit pas
alTez de Irigonometrie pour defimer un
Q^uadran, & que tout l'art de la Naviga-
tion en ufage à Alger & à Tunis , ne con-
fiftoit que dans une légère connoiiHinca
de Pufage de la Bouflble. La Chymie el-
le-même , qui étoit autrefois la Science
favorite de ces peuples, fe réduit à pré-
fent tout au plus, à fçavoir diftiller quel-
ques Simples. Leurs Médecins ne con-
noiflent ni Rafis , ni A'verroè's, ni aucun
autre de ces anciens Auteurs Arabes qui
fe font rendus fi célèbres dans leur Art.
Diofcoride , de l'édition Efpagnole, eflpref-
que le feul Livre qu'ils étudient & qu'ils
confultent. UEmim, ou Chef des Méde-
cins, demanda un jour à l'Auteur, files
Chrétiens avoient l'Ouvrage acBoo-Kraît?
car c'eft ainfi qu'ils appellent Hippocraîê^
par ignorance, ou par vanité '♦^ j. ajoutanr
que c'a été le premier Médecin Arah^ &
qu'il vivoit un peu avant Avicenne.
Mr. Shaix) décrit à cette occafîon la
manière dont .on pratique la Médecine
en Barbarie y laquelle confirme de relie
ce qu'il a avancé de l'ignorance de ceux
qui l'exercent. Rien n'efi: plus rare par-
mi
* Boo-Kratt c'cfl le Père de Kra'.t , qu'on futj^
pofe avoir été Àrale.
A 2
^ Bibliothèque Britanniqt?e,
mi eux que les remèdes compofez. La
feule Ordonnance dans ce genre qu'il aie
vûë pendant tout le tems qu'il a demeu-
ré dans ce Pais, eft celle d'un de leurs
fameux Marabous ^ ou Saints, que voici
mot à mot: ,, La vie de nous tous efl
,, dans la main de Dieu , & lorfque cela
„ eft écrit ( c. à. d. ré/olu dans /on Con-
yifeil) il faut que nous mourions. Ce-
5, pendant il a pIû à Dieu de préferver
„ plufieurs perfonnes de la Pelle par ce
5, moyen: Prenez chaque matin, pendant
,, que' la contagion règne, une pillule ou
„ deux de la compofition fuivante , fça-
,5 voir de la Myrrhe 2. parts, du Saffran
,, K part , de l'Aloës 2. parts, & du Sirop
,, de bayes de Myrte. Q. S. ". Quoique
l'inoculation de la petite Vcrole foit en
ufage dans ces Pais, la pratique n'en elt
cependant pas aulli générale qu'on fe l'i-
magine en Europe; la plupart des gens
croyent, que c'eft tenter la Providence &
faire violence à la nature ; & ils ne man-
quent pas, non plus que nous , de faits à
alléguer pour la décréditer.
Ces Peuples font fi ignorans, Qu'ils ne
fçavent pas même fe fervir des Inftrumens
de Mathématiques de leurs Ancêtres ,
comme Quadrans, Aftrolabes, 6:c. lef-
quels ont échapé aux malheurs des tems.
Ils les regardent plutôt comme des curio-
fitez, que comme des inventions utiles.
Ils ont aufîi d'anciens Calendriers fore
exacts y
Avril, Mai et Juin. 1739. ^
cxadts, OQ font marquez en différentes
coloranes le lever & le coucher du Soleil,
Jes jours du Mois & les heures de la
Prière pour chaque jour , &c. Mais , foit pa-
refle^ foit incapacité, ils n'en font aucun
ufage. L'Arithmétique , dont il eft très-
probable que leurs Pères ont été les pre-
miers Inventeurs, & l'Algèbre, dont ils
nous ont au moins fourni les caractères ,
leur font 11 inconnues, qu'il n'y a peut-
être pas un homme en vingt-mille qui [en
ait quelque iéée. Cependant il faut leur
rendre cette jufrice, que les Marchands
fur-tout font forr experts à faire de tête
des calculs , & à fupputer fur le cham.p
toute forte de fommes , en mettant leurs
mains dans les manches les uns des autres ,
(Se fe touchant certains doigts, ou certai-
nes jointures des doigts , dont chacun
marque un nombre fixe, de forte que fans
fe parler, & fans que les affiflans puifTenc
fçavoir dequoi il s'agit , ils contraêtenc
cnfemble pour des fommes confiderables.
La,Mufique des Arabes efl: d'une {im-
plicite égale à celle des premiers tems;
celle des Maures eft plus compofée &
plus harmonieure,& celle des Turcs l'em.-
porte de beaucoup fur l'une & fur l'autre.
Mr. Shaw décrit ici au long leurs Inftru-
mens,& donne un échantillon de leurMu-
fique, pour mettre les curieux en état d'en
juger. Mais de tous les Arts , celui que
ces peuples ont le mieux cultivé, c'efl
,. • A3 l'Ar-
e Bibliothèque Britannique,
rArchitedlure ; quoique l'Auteur remar-
quée, qu'elle cit encore telle qu'elle étoit
dans les tems les plus reculez , & qu'elle
n'a point été peifedionnée. Comme leurs |
Maifons font fort femblables à celles dont *
il çjfl parlé dans l'Ecriture Sainte , il a cru
devoir en faire une defcription particu-
lière. Elles ont toutes de grandes por-
tes , des chambres fpacieufes , des pavez
de marbre, des Cours en forme de cloî-
tres, c'eft-à-dire que les portes & les
fenêtres des chambres donnent fur ces
cours ; car il n'y a jamais du cô:é de la
rue qu'une fenêtre grillée, ou un balcon
griilé , ou les femmes peuvent aller fe
Fnettve pour voir les paffins. On entre
dans ces Maifons par un long porche ou
vedibule , garni des deux cotez de bancs,
&-c'eû:-là que le Maître de la Maifon
reçoit fes vifites, & parle aux perfonnes
avec qui il a à faire. Ce porche conduit
à une .grande Cour qui eît au milieu de
la Maifon , & ou les Etrangers, non pas
même les plus proches Parens, ne font
admis que dans les occafions extraordi-
naires , comme Mariages , Circoncirons ,
-^vC- Cette Cour, autour de laquelle font
les apartemens , eft toute découverte;
mais lorfqu'on y reçoit compagnie, ou
dans les grandes chaleurs de l'été , on
étend pardefTus une efpece de voile, ou
fie courtine, qui eft attachée à l'un des
eôtCÂ du haut de la muraille , & qui , par
le
Avril, Mai et Juin. 1739. 7-
le moyen de quelques cordes , s'ouvre ou
fe ferme comme l'on veut. C'efl-là l'im-
phivium, ou le Cava JEdium des Romains *,
& le To afVcv de St. Luc f. Le haut
de ces Maifons eft en platte- forme fer-
mée d'une baluftrade, ou d'une muraille,
par-deflus laquelle on peut voir ce qui
fe pafle dans la rue ou dans la Cour.
Ces plattes - formes fervent à fécher le
linge & les fruits, comme figues & rai-
fms ; à prendre le frais au foir , & à fai-
re les dévotions ordinaires. L'Auteur, a-
près avoir décrit la manière dont les Mai-
fons de Barbarie font bâties , fe fert de
cette defcription pour éclaircir l'Hilloire
du Paraîi tique de l'Evangile. Voici ce
qu'il dit fur ce fujet.
„ Entre les difficultez & les abfurditez
,i qu'on a prétendu trouver dans cette
„ Hifloire , on a particulièrement infiflé
,, fur celle-ci §, que les expreffîons des E-
,, vangélilies , Icaxoir qu'on DË'COUVRIT
^, LE TOIT DE LA MALSON où étoit
„ Jefus, qu'on LE PERÇA (Marc. IL 4.)
„ quon DESCExNDIT LE PARALYTl-
„ QUE AU TRAVERS DU TOIT (Luc.
y, V.
* Vid. Varro de Ling. Jat. 1. 4. §. 33. y^-
con. Fedaii. Not. in Cicer. Orat. i. in Vcjrreni.
^lex. ah Alex. 6zc.
t V, 19.
§ C'cft le fameux Woolflon dans fon iv. Difc,
contre ksjMiracles de N. S,
A 4
ff Bibliothèque Britannique,
„ V. 19 ) fuppofanî qu'Hun rompit les tuiles ^
,, les lates , les J olive aux ^ &:c. ce fut un
,, grand bonheur , continue l'Auteur d'un
,, ton profane,^ Je/us ^ fes Difciples n'eu-
„ rtnt pas la tête cajfée , ^ fi les ajfijlans
,, ne furent pas étouffez de la pouffiere. Mais
a pour faire voir qu'il n'y eut rien de
„ iemblable, il faut remarquer, par rap-
„ port à l'expreiïion de St. Marc , Us dé-
,5 couvrirent U toit de la Mai f on , ^ l'ayant
,, percé yO^c i que le mot de l'Original çiyv)
}■> (un toit) peut défigner, de même que
5, celui de la Verfion Syriaque (tatlibo')
„ qui y répond * , toute foite de cou-
„ vertures, le voile ou la courtine donc
93 on a parlé ci -devant, auffi-bien que le
5, toit ou le lambris, proprement ainll
i, nommé. Par confequent Ton peut fup-
î, pofer que le verbe àzzqâys.v^ découvrir,
,3 ne fignifie autre chofe dans cet endroit
,, que tirer, écarter ce voile, ouvrir cette
„ courtine. Pour ce qui ei\ de l'autre
5, mot é'iopviu'jTeç ^ que nous avons rendu
,, par ayant percé, il ne fe trouve poinc
,3 dans le Manufcrit de Cambridge, àc les
î. Auteurs de la Verfion Syriaque & de
j, quelques autres Verfions n'y -ont eu au-
,, cun égard, foit qu'ils ne l'entendilTcnt
,, pas bien , ou qu'ils trouvaient le fens
,3 àflèz clair fans cela; ce qui eft beau-
f9 coup
* Vid. Car. Schaf. Lcjç, Syriac. p. 214-15. <Sr
Cajîell. Lex. p. 1503.
Avril, MAiETjurN. 1739. 9
^ coup plus probable. A la vérité ce
„ mot , dans la Verfion Perfienne , ell ren-
f, du ou fuppléépar cette phrafe, quatuor
„ angulis îeàuli totidem funihus annexis ,
„ comme s'il avoit rapport à l'aclion de
„ dévaler le lit avec des cordes, ou à cel-
le de faire des trous aux quatre coins
du lit pour y pafTer des cordes. Mais
il eft bien plus apparent que ce mot
doit être lié avec celui de çéyy , & mar-
quer , conformément à celui de patefa-
,, cientes , dont St. Jérôme s'efl iérvi dans
„ fa Veriion , une plus grande ouverture
„ que les hommes qui portoient le petic
„ lit firent en tirant tout -à -fait la cour-
„ tine, ou en enlevant , foit les pièces
„ de bois qui la foutenoient d'un côté ,
„ foit la baluftrade qui regnoit tout au-
„tour, afin de pouvoir defcendre plus
„ commodément le Malade. Suivant cecre
„ explication , voici comment il faudroic
„ traduire ce pailage : Et comme ils ne pou-
,, voi&nt s'approcher de lui à caufe de la fou-
,, le , ils tirèrent le voile qui couvroit le iicu
,, cù il étoit\ ^ ayant enlevé tout ce qui le
,, teiwit étendu , ou C[U\ les empêchoic d'cxé-
„ cuter leur delTein , ils defcendircnt le lit
,, cù le Paralitique étoit couché.
„ Et ce qui prouve qu'ils ne rompirent
„ point, ou ne percèrent point le toit,
„ & par confequent que les termes de
,, l'Original doivent être traduits d'une
iy autre manière que ne Ta fait la Vcr-
A 5 „ fiou
10 Bibliothèque Britannique,
55 fion Angloife, c'eft l'endroit parallèle
„ de Se. Luc 5 ou cette phrafe ^ix twv vtfpa-
5, (J.CCV 'AuSiv{/.ci'j âvrèv , per tegulas demiferunt
„ illum ) que nous avons rendu par iU It
f, defcenàirent au travers du toit , ou ils le
ti dévalèrent par les tuiles , comme fi le toit
5, avoic déjà été auparavant rompu; de-
5, vroit être exprimée par celle-ci, ils
„ le dévalèrent le long du toit, ou par Us
„ cotez du toit. Car comme le mot y.spxfxa,
„ qui originairement a pu marquer un toit
5, fait de tuiles, comme le font tous ceux
„ des Pais feptentrionaux, a été appliqué
9, dans la fuite à la couverture des Mai-
„ fons (te^twn ou Axix.a * en général;
„ auTi le fens de Texpreffion de St. Luc
,, dépend entièrement de l'ufage de la
r) prépofition hx. Or, <3c dans le palTage
„ des Actes IX. 25. Les Difciples le pri-
99 rent
* Ouemqtie in tegulis videriîis alierMm -
'sidérais bominem in nnftrîs tegulis , (jc. Plaut.
Mil. 2. 2. De tegulis medd nej'cio quis injpeÙa'vit
V'ftratum familicirium per nojlrum Impluvium in-
îîis apud nos Fhilocomaf^um^ atque bofpicem ofcu-
lantis. Ibid. VinÙum , fi cèdes ejus ( Flarainis
JJialis ) introisrit , J4vi neceffum ejî ; ^ viiicuta
per Lnpluviwn in tegulas fubduci , atque indè fo-
ras in viam dimitti. Aul. Gell. Noft. Attic. lo.
-15. Q^.ium tamen tu noùejociû^ h-'ftante lihidiney
,co!rente mercede y per tegulus demittererc. Cic. 2.
•Phiî. 45.. A.\.Tr, J; t'-j tÎ; :-: , s' //ovcv c; n, » nît^ucr cvfl-
^x^K7<y !^?.:lyÔ:c. Jisl. Pol. Ojiom, 1. 7. c. S$.
Avril, Mai ET Juin. 1739. it
„ rent pendant la nuit , ^ le defcendirent par
„ la muraille dans un panier', & dans celui
„ de la 2 . aux Corinthiens X I. 33. On
„ me defitndit par la tmiraille , d'une fenêtre^
„ où la même phrafe , pvécifemenc , eft
„ employée que dans S. Luc ^ cette pré-
„ pofîtion fignifie néceflairement par , ou
„ U long de la muraille. Ainfi l'Evangé-
„ lifte aura voulu dire, que les hommes
), qui portoient le Païaiytique, le dévale^
„ rent par-dejjus le toit, ou le long de la
99 muTailk qui foutmolt un des cotez du toit ;
„ tout comme l'on peut conjedturer que
„ Marc"- Antoine fut dévalé , fuivant un fa-
„ meux pafîage de Cicercn '^. La même
f, chofe à -peu -près eft dite de Jupiter,
„ dans V Eunuque de Térencs iii. 5. 37. 011
„ on lit Sefe in bominem coîi'uertijje , aîqiie
„ PER ALliiiN^AS TEGULAS 'vemjje clan-
„ culùm -per Impluvium ; ce du Serpent dans
„ \t Phorm. IV. 4. 47. Fer Impluvium deci^
„ dijfe de îegulis. Un palïï^ge que le Dr.
iy Ligbtfooi a cité du. Tabnuàmy Marc 11.4-
„ confirmera encore m.on explication ; le
,, voici. Quand Raf Honna fut mort , on
„ ne put point faire pajjcr fa biere par la
,, porte , qui étoit trop étroite : c^cjt pourquoi
9, on jugea à propos de le defcendre par le to^î
,j (Î'JJ ^P"^) c'eft-à-dire pnr le cbemiu
9) du toit 9 comme ce fçavant hom.me i'ex-^
9j pli"
* Vid. Not. ut fcpri.
î2 Bibliothèque Brit a unique,'
, plique. Mais avec fa permiflion , ce
, devroit être plutôt , comme- dans le
5 pafTage de St. Luc , par-dejfus le toit , ou
, le long de la muraille qui foutient le
5 toit: c'efl-à-dire qu'on le porta d'a-
, bord fur le toit de la Maifon, & que
, de-Ià on le de\jala le long de la murail-
, le dans la rue. Nous avons encore un
, paflage d'Aulu-Gelle qui porte, que Jî
, quelque perjmne enchaînée Je faumit dans
j la Maifon du Prêtre de Jupiter, 072 le
, mettroit au[]î-tQt en liberté^ tà fes fers fê~
, roient élevez par le moyen d'une corde, au
, travers de TIMPLUVlUM/î^r le toit ou
, la terraffs^ d'où on les devakroit enfuite
, dans le grand chemin ou dans la rue *.
,, Quand donc on confidere comme il
faut , & la force des termes de l'Origi-
nal, & la manière de bâtir les Maifons
en Barbarie ^ toute femblable à ce'le des
anciens Juifs, laprétenduë difficulté qu'on
trouve dans l'Hifloire du Paralitique ,
s'évanouïc auBl-tôt. Il ne s'agilToit que
de le porter flir le toit, ou fur la ter-
rcHe de la Mai.bnoii étoit Jefus-Chrift,
ce qui pouvoit fe faire en montant par
Tefcalier qui eit à l'entrée du porche,
& qui ne communique point avec les
apartemens (car il y en a un autre en
dedans de k cour , deftiné à cet ufa-
* Vixi. AuL Cei. mi fuprà.
AVRIL, Mai et Jxtin. 1739. i^
„ ge ) mais plus facilement encore en
„ paflant par delTus les terraiïes des Mai-
„ ions voifmes, n'y ayant peur les fepa-
5, rer qu'une muraille fi bafle , que dans les
„ villes bâties fur un terrein uni , on peut
5, aller d'un bout à l'autre par- delTus les
„ Maifons ^ fans être obligé de defcendre
5, dans les rues. Cela fait, il n'étoit quef-
„ tion que de tirer le voile, autant que
„ cela etoit neceflaire pour dévaler le
„ petit lit lie long de la muraille, dans la
„ cour où lefus-Chrift & fes Difciples é-
„ toient afîemblez.
Nous ne nous arrêterons pas à ce que
l'Auteur dit de quelques autres parties des
Maifons de Barbarie, non plus qu'aux re-
marques qu'il fait à cette occafion pour
éclaircir plufieurs palTages , tant du Vieux
que du Nouveau Teitament : cela nous
meneroit trop loin. Les Mofquées de ce
Païs font bâdes comme par -tout ailleurs
ou le Mahométifme eil établi, ce n'ont
rien de particulier. On ne voit pas de
cimetières auprès de ces Mofquées ^ com-
me c'eft la coutume des Chrétiens d'en
avoir auprès de leurs Eglifes. Ils font tou-
jours hors de la ville , ou du village.
Chaque famille a fon terrein marqué, &
feparc de celui des autres, pour enterrer
fes morts ; & comme les fépulcres , &
les murailles mêmes qui les environnent ,
font tenus en bon ordre & b'cn blanchis ,
on peut dire qu'ils font un Commentaire
per-
î4 Bibliothèque Brit anniçue,
permanent des expreiTioas de Jefus-Chrift^
quand il compare les Scribes & les Phari-'
fiens à des fépulcres blanchis , dont le dehors
paroît beau , mais dont le dedans eji rempli
d'ofjemsns de morts ^ de toute farte d'ordu-
res ; & quand il leur reproche d'orner les
tombeaux des Jujies *. Pendant deux ou
Crois mois après qu'une perfonne eft mor-
te, Tes Parentes vont régulièrement une
fois la femaine pleurer fur Ton tombeau ,
& s'acquitter de leur Parentalia f.
Ce qu'on- vient de dire des Bâtimens
de Barbarie, ne regarde que les Maures &
les Turcs , car les Arabes n'ont rien de
femblable. Ils font divifez en deux ciaf-
fes ; les premiers , fçavoir les Bédouins , ha-
bitent les plaines ; & les féconds, nommez
Kabyles^- habitent les montagnes» Les Bé-
douins demeurent dans des tentes fort
légères , &qui n'oirt d'autre couverture que
des peaux coufuës enfemble , ou des toiles
faites de crin. C'eft ce que les Anciens
appeiloient Mapalia § > & l'on peut dire
qu'el-
* Matth* XXIII. 57. 29.
t C'étoient dv-^s feflins qu'on avoic Goùcume
^e faire anciennement à la mort de fcs proches
Parens, Vid. yilex. ab j^lex. ut fuprà , & Lex.
Fitijc.
§ Qualia Maurus amat 'ciifperfa Mapalia Pajlor,
SU. Ital. Lib. 17.
Et folltus vaciiis errars Mapalibus y}fer
r^natùr, Lucan. L- 4.
Avril, Mai et Juîn. 173$. rj
qu'elles n'onc point changé. On en voit
quelquefois jufqu'à deux -ou trois- cens
enfemble. Ces Peuples ne s'arrêtent dans
un lieu qu'autant qu'il leur convient, fur-
tout pour le bétail, dont ils ont une gran-
de quantité. Les Kabyles, ou Arabes des
montagnes , ne changent point ainfi de de-
meure, & leurs habitations font plus lem-
blables à des Maifons qu'à des tentes ,
étant généralement bâties de bois , ou de
terre grafle & de pierres, & couvertes
àe chaume. Comme ces Huttes (car
c'eft le véritable nom qui leur convient )
font fixes , ou faites pour demeurer dans la
même place, on ne fçauroit douter qu'el-
les ne foient les Magalia des Anciens *.
Cartbage même, s'il faut en croire Firgi-
le f , n'étoit autre chofe , avant le tems de
Diâûfiy qu'un amas de ces fortes de Hut-
tes ,
Famîlia qliquot (Numidafum) cum Mapaiibus ,
pecoribufque fuis (ca pâcnnià illis ejî) perfscuti
J'unt Regem, Tit. Liv. L. 29. Numidas pofitii
Mapaiibus confedijfe. Tac. Ann. L. 4. §. 25.
* Magalia di^a , quafi Magaria , qnod Magar
Punici novam vilhm dicunt. llid. Orig. L. 15,
Cap. 12. Xïà. Boch. Chan. L. i. Cap. 24,
Magalia qiuB à vallo Cafiroriim Magar "ud Magul ,
inftar viUarum fixœ erant , ^c. Vid. Cl. VifTsJ
Not. in Sali. Bell. Jug. p. 285.
t Mirât ur molsm Mnsas , Magalia quor/hm,
Mn. I. 425.
■T6 B IB L I 0 T H E Q U E BRITANNIQUE,
tes, OU qu'un vi liage de Â'a^^'/w, tels qu'on
les voie aujourd'hui.
A en juger par la fituation des Kabyles,
à. par leur langage , qui leur eflauffi parti-
culier que leur fituation, ce font les lèuls
peuples de Barbarie qui puilTenc defcendre
des 'anciens Africains. Car quoique ce
Pais ait été fuccelUvement conquis par
les Romains, les Arabes, les Vandales,
les Maures & les Turcs, il eil plus que
probable que les habitans des montagnes
n'ont point fubi le joug des Vain-
queurs , & par confequent ne fe font
point mêlez & n'ont eu aucun commerce
iivec ces diverfes Nations. Aujourd'hui
même ils ne reconnoiflent point f autori-
té du Grand-Seigneur , & ne lui payent
aucun tribut, comme le font les autres A-
rabes. Et ce qui prouve qu'ils forment
un peuple particulier, & plus ancien que
tous les autres peuples qui habitent la
Barbarie , c'eft que leur Langue, qu'ils ap-
pellent Sboimab , na pas la moindre affini-
té , ni avec les différentes Langues de ces
peuples , ni même avec aucune Langue
Orientale ancienne ou moderne: L'Auteur
en a mis un Vocabulaire à la fin de fon
Ouvrage pour la fatisfadtion des Cu-
rieux.
La principale Manufadlure des Arabes,
tant Bédouins que Kabyles , eft celle des
'Hykss, ou Couvertures de laine, &. des
toiles
Avril, Mai et Juin. 1730. 17
toiles faites de poil de chèvres pour leurs
tentes. Les femmes feules y travaillenc,
& au lieu de navettes, elles fe fervent de
leurs doigts pour conduire tous les fils de
la trame. Les Hykes ont ordinairement
18. pieds de long, & cinq ou fix de lar^
ge; c'eft l'habillement de ces peuples du-
rant le jour, & leur lit pour la nuit. Ils
en jettent un bout fur l'une de leurs" é-
paules , (Se s'enveloppent du refte ; &
lorfqu'ils veulent fe mettre en chemin , ou
à l'ouvrage, ils l'attachent avec une cein-
ture. Ils portent aufîî louvent par def-
fus une efpece de manteau to^ut d'une
pièce 5 que l'Auteur croit être femblable
à la tunique de Jefus-Chrift , qui étoitjans
couture , ou d'un feul tilTu depuis le haut juf-
qu'au bas (Jean. XIX. 23. )^Ce marteau
a un capuchon dont ils fe fervent lorf-
qu'il pleut , ou qu'il fait bien froid ; car
hors de - là ils vont tête nuë , n'ayant
qu'une bandelette qui leur defcendle long
des temples , & qu'ils attachent derrière la
tête pour alTajettir leurs cheveux» Nous
ne dirons rien des habits particuliers des
Maures & des Turcs, qui font en tout
femblables , parce que cela eft alTez con-
nu; quoique Mr. Shaw s'y étende beau-
coup.
Toutes fortes de provifions de bouché
font à grand marché en Barbarie. On
peut Y avoir des poulets pour moins de
deux fols pièce , un mouton nour trois chel-
Tomç XIII. Fart. L U lings
ï8 BibliothequeBritannique,
lings fix fols 5 un bœuf pour une Gui-
née , & le boifleau du meilleur froment
pour 15. ou 18. fols. Le pain, le lait &
le fruic, font toute la nourriture des A-
rabes ; mais les Turcs & les Maures man-
gent outre cela de la chair , des légu^
mes , du poiiïbn, &c. Et ceux d'entre
eux qui ibnt à leur aife, fe traitent aufli
délicatement qu'on peut le faire en Eu-*
rope.
Les Arabes font naturellement fort pa-
relTeux; ils ne s'attachent à aucune pro-
fefllon , ni à rien de tout ce qui fent le
travail; ils paflent les journées entieresà
fumer, étendus fous quelque arbre; & ce
qu'il y a de plusfmgulierjC'efl que, quoi-
qu'ilsn'ayent rien à faire, ils nefçauroient
demeurer dans leurs maifons, ni prendre
aucun plaifîr dans leur domeftique. Ils
font plus de cas de leurs chevaux que de
toute autre chofe, & ne font jamais plus
contens que quand ils courent à toute bri-
de , & qu'ils vont en partis pour détrouf-
fer les pafTans , ou à la chafTe , qui eft leur
occupation favorite. Ils y font fi experts ,
qu'ils ne craignent point d'attaquer les
bêtes même les plus féroces. Quand ils
veulent chafler le Lion, ils s'alîemblenc
au nombre de trois-ou quatre-cens, &
forment un aulTi grand cercle qu'ils peu-
vent, en fe tenant à quelque diflance les
uns des autres; ils ont quelques gens de
pied , armez de javelines , & des chiens ,
qui
Avril, Mai et Juin. 1739. 19
qui marchent les premiers pour battre le
lieu. A mefure qu'ils avancent, ils fe fer-
rent , de peur que l'animal ne leur écha-
pe ; & dès qu'il paroît^ ils fondent fur lui ,
ou l'attendent de pied ferme, & lui lancent
leurs Sagayes ou dards fi à propos , qu'il
tombe, en un inftant percé de coups.
Seulement il arrive quelquefois , que fe
fentant prelTé , ou même au moment
qu'on l'a lancé , il fe jette fur le pre-
mier Piéton , & plutôt que de lâcher
prife il fe laiiïe mettre en' pièces.
Ce font les Femmes, parmi les Arabes,
qui exercent les profefiions méchaniques,
& qui avec cela ont tout le foin du ména-
ge , pendant que les Maris fe divertiffenc
ou font les fainéans , & que les Garçons ,
& les Filles gardent les troupeaux. Les
Maris font de vrais Tirans , quife moquent
des égards qu'on a pour le fexe chez les
Nations polies de l'Europe, comme étant
contraires à la Loi primdtive, qui, félon eux>
donne à l'Homme un empire abfolu fur la
Femme.
Quoique l'hofpitalité règne parmi les
Arabes , c'eft plutôt chez eux une coutu-
me qu'une vertu. Ils n'en font ni moins
traîtres , ni moins voleurs ; & il arrive fou-
vent qu'ils vont le matin dépouiller fur la
route, ceux qu'ils ont logez la nuit & re-
çus avec toutes les marques apparentes de
cordialité. Ce n'eft pas même feulement
les Etrangers qu'ils attaquent , niais en-
j B 2 core
so Bibliothèque Britannique,
core tous ceux qu'ils trouvent fans ar-
mes & fans défenfe; ils n'épargnent pas
ceux de leur propre Nation, fur-tout lorf-
qu'ils font d'une différente Tribu, car il
règne entre ces Tribus des divifions éter-
nelles & une haine implacable. Et c'eil
ainfi , dit Mr. Shaw, qu'ils accompliflent
jufqu'à ce jour la prédiélion de l'Ange
( Gen. XVI. 12. ) touchant Jf77iael , de qui
ils font defcendus : // fera Jemblable à un
Ane fauvage , // lèvera fa main contre tous , ^
tous lèveront la main contre lui. Cependant
il faut rendre cette juflice à ceux qui ha-
bitent la partie Occidentale de l'Afrique,
qu'ils font depuis long-tems un grand
commerce avec les Nègres qui font le long
du Niger , de la meilleure foi du monde,
& même fans voir les perfonnes avec qui
ils négocient. On fçait comment cela fe
pratique.
Il n'y a point de peuple plus fuperfU-
tieux que les Arabes. Ils pendent au col
de leurs enfans la figure d'une main ou-
verte, qu'ils peignent aufTi fur leurs tentes
ou maifons,& fur leur bétail , comme un
amulète contre toute forte de maléfices';
car chez eux le nombre de Cinq eft un
nombre myftérieux. Les perfonnes de
tout âge portent lufii dans la même vue
quelque paflage de l'Alcoran fur leur poi-
trine oa dans leurs bonnets. Ils ont tous
une grande foi aux Enchanteurs & aux
Sorciers. Ils attribuent leurs maladies à
un
Avril, Mai et Juin. 1739. 21
un ordre particulier de Génies, qu'ils fup-
pofent tenir le milieu entre les Anges &
les Démons, & qui ne reflemblentpasmal
aux Fées du tems jadis, fréquentant les
fontaines , les cavernes & les bocages , &
fe transformant en toute forte d'ani-
maux. Comme ces Génies fe rencontrent
à chaque pas que Ton fait, il eft toujours
à craindre qu'on ne les aitoffenfez ;ainfi>
pour les appaifer, on leur facrifie un coq,
une brebis, ou une chèvre, avec des cé-
rémonies toutes particulières , comme
celles de faire fumer de l'encens, d'enter-
rer la vidime , d'en boire le fang, den
brûler ou d'en difperfer les plumes 6ic.
tout cela fuivant le fexe ou la quali-
té du malade , & la nature de fa ma-
ladie.
Ces Peuples ont encore une extrême
vénération pour leurs Marabous , qui fonc
des efpeces de Prédicateurs & de faints
tout enfemble. Ils mènent généralement
une vie fort auflère , & ne s'occupent
qu'à dire leurs chapelets , à méditer & à
prier. Leur fainteté eft héréditaire, pour-
vu que leurs fils fçachent affeéler la mê-
me gravité & la même aufterité. Il y en
a qui prétendent à l'infpiration , & quel-
ques-uns même au pouvoir de faire des
miracles , dont Mahomet pourtant n'ofa
jamais fe vanter. Les Arabes font au fu-
jet de ces faux Prophètes les r.écits les
plus incroyables. Mr. Shaw en vit un
B 3 » jour
fi- Bibliothèque Britannique,
jour un qui jettoic du feu par la bouche,
à. dont la vûë le furprit d'abord , mais
il s'apperçut bientôt que ce n'étoit qu'un
habile joueur de tours de pafle-pafle, &
il le fit même remarquer à quelquCvS Turcs ,
qui en convinrent; mais pour les Arabes,
\{ n'y auroit pas eu moyen de les défa-
bufer. Les Marabous comptent fi fort
fur la fuperdition de ce Peuple, qu'ils fe
mêlent même de prédire l'avenir; 6l quoi-
qu'ils y réûfiinent très -mal, ils ne laidenc
pas d'être regardez comme des Oracles.
r^4ais de toutes les Prophéties qui ont
cours parmi les Mahometans, de quelque
endroit qu'elles viennent , il n'y en a
point de plus univerfelle & de plus re-
marquable que celle qui porte, qu'un jour
les Chrétiens recouvreront tous les païs
que les Turcs & les Sarrafins leur ont en-
levez. Et c'eft en confeqaence de cela ,
que dans tous les lieux où le Mahomié-
tifme efl établi, on ferme avec foin les
portes des villes tous les Vendredis de-
puis dix heures du matin jufqu'à midi;
parce que c'eft, à ce qu'ils difenr,le jour
& le tems marquez pour cette grande ré-
vol u*- ion.
Quoique les Arabes, pour la plupart, re-
connoiftent l'autorité du Grand-Seigneur,
& lui payent tribut, cela n'empêche pas
qu'ils ne foyent en quelque façon libres,
& qu'ils ne fe gouvernent par eux-mê-
mes comme ils le jugent à propos. Cha-
que
Avril, Mai et Juin. 1730. «^
que village eft une efpece de pecite Ré-
publique, qui afon Chef, pris de :a famil*
le la plus diftinguée par ion opulence, par
fes exploits , ou par fon ancienneté. Cet-
te charge e(l héréditaire, mais non pas
en ligne directe; car quand le fils eft, ou
trop jeune ou imbécil!e,on choific le frè-
re ou quelque autre des plus proches pa-
ïens du défunt , félon la coutume des Nu-
mides,leurs ancêtres. Outre ce Mag ftrat
particulier , chaque Tribu a fon Prince fou-
verain, qu'on appelle Emir, & dont la di-
gnité eitaufli héréditaire, de la même ma-
nière que la précédente. C'eft lui qui dé-
clare la paix ou la guerre , qui affemble,
quand il le juge à propos , toutes les for-
ces de la Tribu , & qui fe met à leur tê-
te pour quelque expédition que ce foit.
Al^er , comme Tunis , eft gouverné par
un De};, qui eft une efpece de Capitaine-
général , & par un Confeil de Régence, com-
pote de trente Bâchas y auquel le Mufti,
le Cadis & cous les Officiers de l'armée,
adiltenc quelquefois. Fvlais depuis quel-
que tems le jQe}/ s'eft fi bien emparé de
tout€ l'autorité , que le Confeil ne s'afTem-
ble prefque plus que pour la forme. Ce
pofte n'eft point héréditaire ; celui qui
le remplit , eft toujours pris de l'arrriée , qui
pour l'ordinaire décide de l'éledtion; &
cela va li loin, que depuis le premier Of-
ficier jufqu'au fimple foldat , il n'y en a
aucun qui ne puifTe parvenir à cette di-
B 4 gnité*
44 Bibliothèque Britannique,
gnicé. Un homme entreprenant & cou
.rageux , avec beaucoup d.e fouplefle & de
dextérité pour fe faire un parti, & peu
de probité & de confcience , a tout ce
qu'il faut pour caufer une révolution & fe
mettre à la fête du Gouvernement. Aulli
depuis que les Turcs fe font rendus maî-
tres d'Aller, n'y a-t-il pas eu un Dey en
dix, qui (oit mort tranquillement dans fon
lit. A la vérité cette humeur turbulente
& cruelle femble avoir beaucoup dimi-
nué parmi les foldats, par la vigilance &
la politique du préftnt Dey ^ qui^a fçu faire
échouer jufqu'ici toutes ies confpirations
formées contre fa perfonne, & en punir
févèrement les auteurs.
Les Algériens n'ont pas cinq-mille hom-
mes de troupes en état de fervir; dont
ils employent une partie dans leurs gar-
nifcnsj une autre partie à aller en cour-
fe , & le refle à former trois camps vo-
lans fous la conduite des trois Vicerois,
lorfqu'ils vont faire le tour "du Royaume
pour lever le tribut annuel. Ils ont bien
outre cela environ deux- mille Maures,
tant Cavalerie qu'Infanterie; mais comme
ils ne s'y fient point, ils ne s'en fervent
prefque que pour la parade. Tous les cinq
ou (ix ans ils envoyent dans le Levant
faire des recrues , qui ne font compofées
que de la plus vile canaiPe & de prof-
crits. Cependant, à peine ces malheureux
font-ils enrégimentez, & à peine ont -ils
des
Avril, Mai et Juin. 173p. 25
des fouliers aux pieds , un turban fur la
tête & un cimeterre à la ceinture, qu'ils
deviennent les plus infolens de tous les
hommes , voulant qu'on leur donne le ti-
tre d'EffendiSf ou de F'oîre Grandeur, &
regardant les Citoyens, même les plusdif-
tinguez, comme leurs efclaves , & les Con-
fuls des Nations étrangères 'comme leurs
valets. Ce qu'il y a de Imgulier , c'eft que ,
malgré toute leur arrogance, les foldats
Turcs ne fe font point de peine d'avouer
la baflelTe de leur extraftion lorfqu'ils
font parvenus aux Charges de l'Etat. Mr.
Sbaiv cite à cette occafion , ce que le Dey
qui regnoit à Alger quand il y arriva , dit
un }our au Député -Conful d'une Nation
voifine , dans une difpute qu'il eut avec
lui : Ma Mère vendoit des pieds de mouton ,
6f mon Père des langues de bœuf ; mais ils
aiiroient eu honte d'expofer en vente une aujji
mauvaife langue que la votre.
Les revenus de cette République ne
montent pas à plus de trois -cens mille
écus par an; mais Ton compte que la
huitième partie des prifes faites en mer ,
laquelle apartient à l'Etat , les contri-
butions des ^û^3f/ej indépendans , les biens
de ceux qui meurent fans enfans , & les
vexations qu'on met en œuvre pour ar-
racher de l'argent des fujets , peuvent
produire encore une pareille fomme ; ce
qui eft pourtant bien peu pour un Royau-
me ^ufli étendu que celui-ci. La marine
B j des
25 Bibliothèque Britannique,
des Algériens , qui autrefois étoit fi for-
midable aux Puiirances maricimes de l'Eu-
rope , n'eil prefque plus rien aujourd'hui,
comme on l'a déjà remarqué; & l'on peuc
dire que c'eft une efpece de miracle, qu'un
Gouvernement fi foible en tout fens , fe
foucienne dans un fi vaite païs , malgré
les divifions qui le déchirent & le peu
de bonne-foi 6l de vertu qui y régnent.
Il y a pourtant une chofe digne de louan-
ge: c'eft que la juftice y elt aflez bien
adrainiftree par un Cad:s , qui pour l'ordi-
naire a été élevé à Conjiantinopie ou au
Grand-Caire ^ oii dit l'x^uteur ) l'on ex-
plique le Code & les PandeBes , comme
dans les Univerficez de l'Europe. Mais
on peut appeller des décifions de ce Ju-
ge , ou même s'addrefier en droiture au
Dey, ou à quelques-uns des principaux
Officiers de la Régence, qui , à l'exemple
des anciens Ju2:es d'Ifraël , font tous les
jours affis à la porte du Palais pour ren-
dre la juftice. Là toutes fortes de caufes
civiles ou criminelles, fans en excepter
les plus importantes, font décidées fur
le champ en dernier reflbrt , & la fen-
tence efb exécutée en moins d'une heure.
Le débiteur eft envoyé en prifon jufqu'à
ce qu'on ait vendu Tes effets pour payer
fon créancier, & s'il y a du furplus , on
le lui rend. S'il n'y a pas allez , on ne
laiflTe pas de le relâcher , & il eft dès ce
moment à couvert de toute nouvelle pour-
fuite.
Avril, Mai et Juin. 1739. 27
fuite. La baftonnade eft le châtiment or-,
dinaire pour les criifres qui ne font pas
capi' aux , à fégard de ceux-ci, fi le cou-
pable efl un Juif, ou un Chrétien fujetde
la République, on le brûle vif hors de
la ville; fi c'eft un Arabe ou un Maure,
on l'empale , ou on le pend aux créneaux
des murailles de la ville, ou bien on le
jette fur des crochets fichez au bas de ces
murailles , oii il demeure quelquefois pen-
du des trente , ou quarante heures dans
les tourmens les plus terribles avant que
d'expirer. Mais fi c'efi: un Turc, il n'eft:
point exécuté en public, par refpeét pour
là Nation ; on l'envoyé à la maifon de
VAga, qui le fait étrangler. Les Femmes ,
par un principe de modefi:ie fort extraor-
dinaire parmi des gens de cette trempe,
ne font pas non plus expofées à la vûë
du Public en pareil cas ; on les met dans
un fac, qu'on a foin de bien lier, &; on
les jette- dans la mer. Les Maures qui
habitent la partie Occidentale de l'Afrique,
ont confervé jufqu'à ce jour la barbare
coûcume de fcier en deux les criminels
du premier ordre. Ils les mettent pour
cet effet entre deux ais de longueur &
de largeur égales à leur taille, & après
les avoir liez^ fortement enfemble , ils
fcient le tout à la fois, en commençant
par la tête. En général, on peut dire que
dans ce Pai's on n'a point d'égard à la
qualité des coupables. Une fomme d'ar-
gent
25 Bibliothèque Britannique,
genc peut bien quelquefois arrêter le cours
de la juftice, mais quand il s'agit de cri-
mes capitaux, il n'y a point d'impunité
ni de grâce à attendre,- il faut fubir la
peine portée par la Loi.
L'AJteur finit cette partie de Ton Li-
vre, en dîTant deux mots des alliances des
Algériens avec les Princes Chrétiens, aux-
quelles ils ne fe tiennent qu'autant qu'ils
y trouvent leur compte. Il afTure qu'ils
font naturellement plus amis des Anglois
que d'aucune autre Nation, & il dit ce
qu'il faudroit faire pour cultiver leur a-
mitié , mais en fe fouvenant toujours de
ce qu'un de leurs Deys avoua ingénument
à Mr. le Conful Coie , qui fe plaignoit à
lui des infultes que les vaifTeaux Anglois
avoient reçu de fes Corfaires ; Les Algé-
riens, lui dit-il, font une troupe de voleurs ^
(f fen fuis le Capitaine,
ARTICLE IL
The Mifcellaneous Works in Profe and
Verfe of Mrs. Elizabeth Ro we.
The greater part now firft publif-
hed, by her order, from her origi-
nal Manufcripts. By Mr. Theo-
PHiLus Rowe. To which are ad-
ded , Poems on feveral occafions , by
Mx. Thomas Rowe. And to the
whole
Avril, Mat et Juin. 1739. 2^
whole is prefixed , an Account of
the Lives and Writings of the A u-
T H o R s. C'eil- à-dire : Oeuvres Mêlées
de Madame Elizabeth Rowe,
en Profe ^ en Fers ; dont la plus gran-
de partie fe publie maintenant pour la
première fois , fuïvant fe s ordres ^ iS fur
fes propres Manufcrits^ par Mr. Théo-
phile Rowe *. On y a ajouté des
Poëmes compofez par Mr. Thomas
Ro WE f. Le Tout eft précédé de fHif
toire de la Vie âf des Ecrits des deux
Auteurs, Deux Voll. in 8. pp> 264.
pour le I. , fans l'Hiftoire de fa Vie
&c. qui en contient 128.; & 322,
pour le II. A Londres > chez R.
Hett, à la Bible Couronne'e, dans
k Poultryy 1739.
CE n*e(l pas ici la première fois que
le nom de Madame Rowe paroîc
dans notre Journal. Il y a deux ans que
nous donnâmes un Extrait de fon Poëme
intitulé Hijloire de Jofepb §. Nous avons
auHi
* Beau-frere de Mad. Rowe.
t Epoux de Mad. Rowe.
§. Voyez La IL Partie du TomeVlll. de cet--
te Biblioth. p, 250. ^ fuiv.
3qB I B L iothequeBritannique,
aufli rendu compte de fon Livre qui a pour
Titre VAmitié après la mort. Comme
cette Dame s'eft diîlinguée par fon méri-
te autant que par Tes Ouvrages , nous
croyons qu'on ne fera pas fâché de trou-
ver'ici quelques particularitez de fa Vie.
Elizabeth Singer , car c'ell: ainfi qu'elle
s'appelloit avant fon mariage, naquit à
Ilcbejter dans la Province de Somerfet le
II. Septembre 1674. Elle étoit l'aînée de
trois filles de Mr. Gaultier Singer, Gentil-
homme d'une bonne famille, S de Madlle.
Elizabeth Portnell. Mr. Singer , quoique
Non-Conformifle , étoit fi eftimé à caufe
de la pureté de fes mœurs , de fa pieté
& de fa charité univerfelle, que; les per-
fonnes de la première qualité, & même
de zèlez Anglicans , comme entre autres
le pieux Evêque Keuyïç. faifoient unplai-
lîr d'aller fouvent lui rendre vifite. Voi-
ci le Portrait que fa Fille fait de lui dans
une de fcs Lettres familières. ,, Je vis à
„ mon aife, dit -elle, & dans toute l'a-
,j bondance que je puis fouhaiter. Je ne^
„ fçaurois former de défirs, que mon Pe-
„ re, par un effet de fa bonté, ne foit-
„ prêt à fatisfaire. Je n'ai d'autre chofe-
„ à demander à Dieu, (î ce n'efl qu'il con-
ferve les jours de ce bon Vieillard. La
parfaite faintçté de fa vie , & la géné-
rofité de fon cœur, font qu'il efl le re-
fuge de tous ceux qui font en détrelTe,
is de la Veuve & de l'Orpheiiû. Le peu-
» pie
Avril, Mai et Juin. 1739. 3t
fy pie le comble de bénédiâ:ions & de
„ vœux toutes les fois qu'il fort; ce qu'il
„ ne fait jamais que pour remettre la
iy paix parmi fes voifins , ou pour faire
9f rendre jullice à ceux qu'on opprime.'
' „ Le refle de Ton tems eft entieremenc
y, confacré à des ades de dévotion, & à
„ fes Livres , qui font fon unique di-
„ vertiflement.
Mademoifelle Singer étant élevée par
un Père de ce caractère, on ne doit pas
être furpris qu'elle ait fait paroîcre de
bonne-heure un grand fonds de pieté, &
beaucoup d'amour pour l'étude. C'étoic
aulTi-làle caraftère d'une de fes fœurs*,
qui s'attacha particulièrement à la lectu-
re des Livres de Médecine , & on nous
aflure qu'elle fie de grands progrès dans
la connoiflance de cet Art : & fi on ne
pouvoit pas dire à la lettre de ces deux
fceurs, ce que le Sage dit de la Femme
forte t , que leur Lampe ne s'éteignoit point
la nuit , il eft fur au moins qu'elles en
paflbient une bonne partie à la ledure,
tant elles avoient d'ardeur pour l'étude,
& tant elles prenoient de plaifir à fuivre
cette noble inclination.
Il paroît que Madlle. Singer commença
d'avoir des fentimens de pieté dès fa plus
tendre jeunefTe ; car voici comment elle
s'ad'
* L'autre mourut en bas âge.
* PlOV. XXXI, iS,
32 Bibliothèque Britannique
s'addrefle à Dieu dans un de Tes ouvra-
ges *. Dès mon enfance fui élevé mes mains
vers toi , &* fai appris de bonne-beure à con*
noîîre ^ à adorer le Dieu de mes Pères. Ce-
pendant, 11 l'on en juge par un Conte que
l'Auteur de fa Vie rapporte , il femble
que dan.s fa jeunefle elle ait appréhendé
de mourir : voici ce que c'eft. „ Madlle.
99 Singer étant dangereufement malade ,
„ & troublée par la crainte de ce terri-
„ ble changement qu'elle voyoit appro-
„ cher , fa fœur , qui s'apperçût de fon
„ trouble , lui demanda (i elle étoic fâ-
,y chée de mourir ? & comme elle Ta-
„ voua franchement, fa fœur, qui étoit
„ aufli difpofée à quitter le monde, qu'el-
„ le paroiflbit l'être peu, lui dit: Je vais
„ donc prier Dieu qu'il me retire de
,f ce monde au lieu de vous. La prière
„ fut exaucée; Madlle Singer fe rétablit,
,, & fa fœur tomba malade & mourut ".
Quand même ce Conte feroit vrai , on
E*en pourroit pas conclure que Madlle. Sin-
ger n'a point eu de pieté dans fa jeunef-
fe. La Pieté n'eft pas incompatible avec
l'amour de la Vie, fur-tout dans une jeu-
ne & belle perfonne, qui a du bien , qui
eft aimée & eftimée de tous ceux qui la
connoiflent,& qui fe voit une réputation
naifiante.
Madlle. Singer s'attacha de bonne-heure
au
* Intitulé, Devoîit Exer&^Ces,
Avril, Mai ET JyiN. 1739. 33
au DelFein ; à peine avoit-elle la majQ
aflez ferme pour tenir le crayon, qu'elle
témoigna combien elle aimoic à deflmer.
Mais la Poufie écoic fa paffion favorite ;
fon génie étoic li fort tourné de ce côté-
]à 5 que même fa Profe à tous les charmes
de la Poëfîe : on y voit le môme feu , la
même imiagination que dans les Vers ; des
images vives , des figures hardies, un lli-
Ic nerveux & coulant: à peine pouvoic-
elle écrire une limple lettre familière , fans
y mêler quelques traits Poétiques. Elle
comimença à faire des vers dès Tâge de
douze ans ;& elle n'en avoit que 22. lorf-
qu'en 1096. elle publia un Recueil de fes
Poëfies , à la prière de deux illuftres amis :
mais fa modeftie ne lui permît pas d'y
mettre fon nom , de forte qu'elles furenc
publiées fous le nom poétique de Philc-
mêle y que fes amis lui avoient apparem-
ment donné dans les pièces en vers qu'ils
lui addreilerent, ou qu'ils firent à fon
occafion.
Quoique la plupart de fes Poëfies rou-
lent fur des fujcts de pieté, & que mêmiO.
parmi celles qui font les moins religieu-
fes , il n'y en ait aucune , qui ne foit;
conforme aux règles les plus étroites de
la Vertu, cependant ces dernières lui cau-
ferent quelque inquiétude dans fa vieil-
lefle. MaîtrelTe alors de toutes fes paf-
fions , & confacrée toute entière au (er^
Joins XJII. Farî.L C vice
.â^î
34 Bibliothèque Britannique,
vice de Ton Créateur, tour ce qu'elle ne
pouvoitpas approuver abfolument, lui pa-
ToifToit impardonnable; non contente de
n'avoir rien écrit qui pût porter le moin-
dre préjudice à la pieté, elle fe vouloit
du mal d'avoir écrit quelque chofe qui
ne tendit pas diredtement à favorifer la
Vertu.
Elle avoit appris le François & l'Ita-
lien; Un homme de qualité, je veux di-
re Mr. Thynne,fils du Vicomte deWey-
mouth , voulut bien prendre la peine de
lui enfeigner ces deux Langues. Il eut le
plaifir de voir fes foins réuflîr au-delà de
fes efpérances ; car au bout de quelques
mois Madlle. 5/ n^^r entendit l'Italien aflez
bien pour prendre du plaifir à la leâ:u-
re de la Jerufalem délivrée du TafTe.
Son mérite diftingué, les charmes de
fa perfonne, & les agrémens de fa con-
verfation , lui attirèrent un grand nombre
de foupirans , du nombre defquels fut
le célèbre Prior: il fouhaitoit palllonné-
ment de l'époufer ,• mais ce bonheur étoit
réfervé à Mr. Thomas Rowe , Gentil-
homme diftingué par fon efprit & parfon
fç avoir
""il naquit à Londres le 25. d'Avril 1687 '*'.
Son Père , qui étoit fçavanc , & bon Pré-
dica-
* Il étoit donc de 12. ans & quelques mois
plus jeune que Madlle. Singer.
Avril, Mai et Juin. 1739. 35
dicateur,lui fît faire fes clafTes, première-
ment à Epfom , & enfuite dans la Char-
treufe à Londres , fous le fameux Doélcur
Walker. Le jeune Rowe ayant appris le
Latin, le Grec & l'Hébreu, fut envoyé à
rUniverfité de Leyde, oli il étudia les An-
tiquitez Judaïques fous Mr. Witfius, le
Droit Civil fous Mr. Vitriarius, les Bel-
les Lettres fous Mr. Perifonius,& la Phi-
lofophie expérimentale fous Mr. Sengaard.
Il fe fit eltimer dans cette célèbre Univer-
Cté par fon application à Tétude, par les
connoifTances qu'il acquit, & par fes ma-
nières polies & obligeantes envers tout
le monde. Et quoiqu'il fût abandonné à
lui-même, fans autre furveillant que fa
propre vertu & fa prudence, il conferva
fes mœurs pures, dans cet âge où la cor-
ruption efl le plus à craindre.
L'amour de la Liberté, qu'il avoit pui-
fé dans les anciens Auteurs Grecs & La-
tins, fe fortifia confiderablement par le
féjour qu'il fit dans une République, où
de continuels exemples lui faîfoient con-
noître le prix ineflimable de la Liberté,
qui efl la mère de l'InduftrJe, la nourrice
des Arts & des Sciences , & la fource in-
tariffable du bonheur de la Socieré.
De retour à Londres, il remarqua vers
l'an 1708. qu'on commençoit à répandre
dans le public des principes pernicieux,
qui tendoient à détruire entièrement la
Liberté de la Nation. Il combattit ces
C 2 pria-
3(5BrBLIOTHEQUE B R I T ANNI QU F;,
principes avec un zèle qui auroit peut-
être eu plus de luccès , fi Mr. Rowe eue
pofledé quelque Charge dans l'Etat, mais
qui ne pouvoit être,ni plus vif , ni plus
jufte, ni plus lincere. Il haïfToit toute
forte de Tyrannie , mais principalement
la Tyrannie Eccléjiajli que , perfuadé que,
comme le plus vil & le plus honteux ef-
clavage efl celui de l'efprit, c'ell auill
celui dont les confequences font le plus
pernicieufes.
Cet amour de la Liberté éclate dans les
Vies des Hommes liluftres qu'il a compofées.
Il avoit deflein d'écrire toutes celles que.
Plutarque a omifes. Il en a achevé huit,
qu'on a publiées après fa mort. Monfieur
TAbhé Bellenger les a traduites en Fran-
çois, & y a ajouté la Vie d'Hannibal ,
pour fervir de fupplément aux huit Vo-
lumes des Vies de Plutarque traduites
par Mr. Dacier. „ Il y a lieu de croire,
„ nous dit-on ici, que Mr. l'Abbé Bellen-
,5 ger n'eil point éloigné des fentimens
,) de Mr. Rowe fur le droit inaliénable
„ que tous les hommes ont d'écre libres,
„ puifque rilluilre Tradu6leur fuit fon
j. Original fidèlement , fans omettre les
,, pafTages les plus libres , ni \ts traits
„ les plus hardis contre la Tyrannie, fans
„ les altérer, fans y ajouter le moindre
„ correctif , & fans témoigner qu'il les
,, défapprouve. J'avoue que le plaifirque
„ cela m'a caufé , a reçu un nouvel ac-
,, croif-
AvRTL, Mai et Juin. ly^O- 37
„ croilîement , lorfque j'ai vu la traduc-
„ don accompagnée d'une approbation en
„ bonne forme, fignée par celui à qui
,5 le Garde des Sceaux avoic ordonné d'exa-
„ rainer l'ouvrage. Il femble qu'on puif-
,, fe conclure de là , qu'il y a encore quel-
5, ques bons François, qui, comme s'ex-
„ prime Mr. Rowe , font les rcftes d'un
,, peuple généreux , qui ne s'ejl point la[l]'é
,, corrompre par de faujjes Jubtilltez y quino-
,^ béijjûit point en efctave, ^ qui ignor(Jit
,, toute autre puiffance, que celle qnii étoit di-
,, rigée ^ limitée par les Loix. Puifle Mr.
,» Rowe, qu'on a fait parler François,
,, devenir par-là un inOirument qui ferve
9, à augmenter le nombre , & à ranimer
„ le zèle de ceux qui s'intérefTenc encore
j, pour une caufe fi glorieufe !
En 1709. Mr. Rowe étant à Bath , fut
conduit par un Gentilhomme de fes amis
chez Madlle. Singer, Il avait déjà conçii
beaucoup d'eftime pour eUe par la lectu-
re de fes Ouvrages , & par la réputation
qu'aile avoitacquife. Mais lorfqu'il la vit,
il fut charmé de fa beauté , de fon efprit
& de fa vertu , & conçût pour elle la
paflTion la plus vive & la plus tendre , (Se
l'époufa l'année luivante.
On nous avertit ici dans une Note, que
cette partie de la Vie de Madlle. Singer &
de Mr. Rowe a été écrite par Mr. Grove,
qui eil more avant que d'avoir achevé
C 3 cet-
3S Bibliothèque Britannique,
cette pièce: le refle a été compofé par
Mr. Théophile Rowe, frère de Mr. Tho-
mas Rowe, & Editeur de ce Recueil.
Madlle. Singer , que nous appelleront
déformais, Mad. Rowe,n*eut pas le bon-
heur de vivre long-tems avec un époux
qu'elle chériflbit , & donc elle étoit tendre-
ment aimée. Mr. 'Rowe n'étoit pas d'un
tempérament robufte , & comme il s'at-
tachoit peut-être trop à l'étude, il ne
jouit que d'une fanté affez foible durant
tout le tems de fon m.ariage. En 17 14.
il parut être en confomption; on crue
que l'air de Hampftead , charmant village,
fitué fur une colline à une petite lieuë
de Londres, lui feroic du bien; mais il y
mourut le 13. de Mai 17 15. dans fa 29,
année.
I^Iad. Rowe fut inconfolable ; & comme
elle avoit toujours aimé la retraite, n'ayant
demeuré à Londres, ou dans le voifmage,
que par déférence pour fon époux, elle
quitta le monde, & fut fe confiner à Fro-
rue, dans la Province de Sommerfet, oli
elle avoit la plus grande partie de fon
bien ; & ce n'étoit que par complaifance
pour des Dames de qualité , & particuliè-
rement de la Comtefle de Hertford , qu'el-
le quittoit quelquefois, m.ais rarement,
fa folitude.
Ce fut dans fa retraite qu'elle compo-
fa les plus célèbres de fes Ouvrages , je
veux
Avril, Mai et Juin. 1739. 3^
veux dire , V Amitié après la Mort , qui pa-
rut pour la première fois en 1728, & Tes
Lettres Morales^ Aviufantes , mêlées de Profe
^ de Vers , dont la première Partie fut
imprimée en 1729, la féconde en 1731»,
& Ja troifième en 1733. Le but de ce
dernier Ouvrage eft, de mettre devant les
yeux des Lecteurs des exemples de la
bienveillance la plus généreufe, & de la
vertu la plus héroïque ; afin de les porter
par -là à la pratique de tout ce qui eft
digne de l'homme , & de tout ce qui tend
au bien du genre humain : dans ce même
Ouvrage elle repréfente vivement les cruels
remords & les grands malheurs à quoi on
s'expofe en s'abandonnant au vice, &
en le livrant à fes paffions; afin d'aver-
tir par-là les jeunes gens, peu accoutu-
mez à refléchir , qu'ils ne fe îaiflent point
féduire aux charmes trompeurs du vice,
qui les perdroient infailliblement.
En 1736. les Amis de Mad. Rov^e l'en-
gagèrent à publier fon Hiftcire de Jofeph ,
qu'elle avoit compofée dans fa jeunefle.
Dans la première édition de ce Poème ,
qui eft celle dont nous avons rendu comp-
te, elle ne l'avoit conduit que jufqu'au
Mariage de Jofeph. Mais à la perfuafion
de fes Amies , & particulièrement de l'il-
luftre Comterîe de Hertford , elle y ajou-
ta deux Livres , afin de conduire l'Ouvra-
ge jufqu'à l'époque ou Jofeph fe fait con-
lioîcre à fes Frères ; ce qui ne lui coûta ,
C 4 dit»
40 Bibliothèque Brîtankique,
dit -on, que trois ou quatre jours de tra-
vail. Ces deux Livres furent fon dernier
Ouvrage , & ont été publiez peu de mois
avant fa mort.
Elle avoit toujours fouhairé de mourir
dans fa retraite , & même d'une m.anière
fubite, de peur que fon elprit, étant af-
foibli par les maladies ou par les infir-
mitez de l'âge, ne fût faifi de défiances &
de craintes , trop naturelles, il eft vrai,
mais peu dignes d'une ame Chrétienne
qui a lieu d'efpérer en la mifericorde de
Dieu. Ses fouhaits furent accomplis; elle
mourut fubitement un Dimanche matin 20.
de Février 1736. *, V. S.
On trouva dans fon cabine,t quatre Let-
tres , l'une à la Comteflé de Hertford ,
l'autre au Comte d'Orrery, la troifième à
îvlr. Théobald, & la quatrième à fa bel-
le-mère, Mad. Sara Rowe. Ces Let-
tres font rem.plies de fenumens de Pieté,
& font voir que Mad. Rowe fe confioic
entièrement en la mjifericorde de Dieu,
ù. etoit pleinement perfuadée qu'ellejoui-
roit bientôt du Bonheur célefle. Elle a-
voit ordonné qu'on ne remit ces Lettres
à ceux à qui elles étoient addrelTées , qu'a-
près fa mort.
Comme Mad. Rowe a pafTé la plus
grande
* C'eil-i^^iire , à ne commencer l'Année qu'ain
25. Mars; autrement il faudroit dire 1757. li
l'on commence l'année au premier de Janvier,
Avril, Mai et Juin. 1739. 41
grande partie de fa vie dans la retraite ,
on ne doit pas être furpris que Ton Hif-
toire ne fourniiïe pas un grand nom-
bre de faits intérefians. Cependant en
nous donnant, dans la fuite de cette Vie,
la defcription des qualitez de fon efpric
^ de fon cœur, on nous apprend quel-
ques particularitez, que nos Lecteurs ne
feront peut-être pas fâchez de voir ici.
On a coû:jme de dire des Dévots
qui vivent d'une manière retirée , que
s'ils ne fe livrent pas aux plaifirs desfens,
contre lefquels ils déclament avec la der-
nière févérité, il n'arrive que trop fou-
vent qu'ils s'abandonnent à l'orgueil , à
une humeur chagrine, à un efprit de cri-
tique & de cenfure, La pieté de Mad.
Rovve n'a point été ternie par de pareils
défauts. Elle n'a pas été moins en exem-
ple par fa générofité, par toutes les ver-
tus qui one du rapport à la Société, que
par fa grande dé\'Ocion : & elle croyoit
que les péchez auxquels l'ame efl entraî-
née par le corps , font moins atroces que
ces vices de Tefprit qui avililTent la na-
ture humaine , & rendent l'homme fem-
blable cà l'efprit malin & malfaifant, qui,
félon l'Ecriture , efl dans une oppofition
parfaite avec l'Etre fupréme , dont la bon-
té fait le caractère eiTenticl. Ajoutons,
que quoique Mad. Rov^e fk beaucoup de
cas desaftes de Dévotion ,elle ne croyoic
pas que ce fût -là rellcntiel ; elle étoic
C j per»
42B1BLIOTHEQUE Britannique,
perfuadée que les devoirs de la Juftice,
de rtquicé, de la Charité & de la Bien-
veillance font d'une néceiTité abfoluë , &
que c'eft envain qu'on a, ou qu'on pré-
tend avoir de la Dévotion, û on ne s'ac-
quitre pas de ces devoirs.
Quoiqu'elle eût beaucoup d'efprit, el-
le ne s'en eft jamais fervie aux dépens des
autres: on a pu dire d'elle, ce qu'on a
dit du fameux Poëte Cowley; elle n'a
jam.ais donné lieu à perfonne de fouhai-
ter qu'elle eût moins d'efprit. Auiïi ne
trouve- 1- on aucun trait Satyrique dans
fes Ouvrages ; & afin de ne pas tomber
dans la tentation de médire, ou de tour-
ner quelqu'un en ridicule , elle avoit com-
pofé une Prière exprès, dans laquelle elle
demandoit à Dieu, qu'il ne permîc pas
que jamais elle oifenfàt perfonne par fes
paroles ou par fes jugemens téméraires.
On nous donne ici cette Prière, qui eft
certainement trcs-belle , mais qu'il n'eft
pas néceffaire de traduire.
La Réputation qu'elle avoit acquife ne
la rendoit point vaine; elle avoit trop de
pieté pour fe glorifier des louanges qu'on
lui donnoit, & difoit quelquefois à cette
occaficn : Dieu n'a qu'à faire un léger chan-
gement dans mon cerveau, &' me voilà folle.
Elle avoit un mépris marqué pour les
RicheîTes. Contente du Bien que la Pro-
vidence lui avoit accordé, elle n'a pas
feulement foxigé qu*il écoit polnble d'aug-
menter
Avril, Mai et Juin. 1739. 45
jnenter fon revenu. „ Jamais on n'a pu
„ l'engager à accepter les conditions a-
„ vantageufes qu'un Libraire lui offroic,
„ pour avoir la liberté de publier un Re-
„ cueil de fes Ouvrages. Jamais elle ne
„ fit de Dédicace, & on ne trouve le nom
„ d'aucun Miniflre d'Etat dans fes écrits.
„ Elle ne fut jamais à la Cour , & û el-
„ le a parlé avec éloge de quelques Prin-
„ ces fous la domination defquels elle
„ a vécu , ce n'a été que par un effet de
,, la haute vénération qu'elle avoit pour
5, ces défenfeurs de la Liberté ; mais fans
„ en attendre aucune rccompenfe , fi ce
„ n'efl le plaiflr de témoigner fa recon-
„ noiflance à ceux qu'elle regardoit com-
„ me les bienfaiteurs de la Patrie. L'ef-
„ time particulière qu'elle a témoignée
„ pour quelques Amis d'un rang diflingué,
,, étoit également dcfmtéreiTée : comme
f, elle n'attendoit rien de leur amitié, ou-
„ tre le plaifir de converfer avec eux , &
„ de connoître leurs bonnes qualif?:^ 6z
,, leurs vertus , on ne doit rejiarder les
„ louanges qu'elle leur a données, que
„ comme un hommage qu'elle rendoit à
„ leur mérite. L'amour de l'argent lui
„ paroifibit la paflion la plus baffe & la
„ plus honteufe,& fouvent elle plaignoir.
„ le fort des hommes, lorfqu'el'e confî-
„ deroit combien cette pafîion les domi-
„ ne. Elle n'avoit point diflineué fes Ter-
f) res de celles de fes voifms , jufques à
f} ce
44 Bibliothèque Britanniq TE,
,, ce Que quelques raifons de prudence
„ l'eullent obligée à s'informer ce qui Jui
t9 apartenoic ,* ce qu'elle ne fie même ,
,5 que lorfqu'elle compric qu'elle n'avoit>
„ plus long-tems à vivre. Bien loin d'cxi-
5, ger avec rigueur ce qui lui étoic dû ,
„ elle éroit à cet égard d'une negligen-
,, ce qui alloin jufques à un excès "biâ-
i, mable. Elle afFermoic Tes Terres à un
j, prix fort au -defib us de leur jufle va-
i, leur ; on ne fçauroit en douter , puif-
„ qu'après fa mort la rente de fes Ter-
,, res a été augmentée conliderablement.
„ Elle traitoit les Fermiers avec tant de
„ douceur, que non feulement elle n'eue
,, jamais de procès avec aucun, mais el-
,, le ne vouloit pas même permettre qu'on
,, les menaçât de faifir leurs effets, lorf-
,, qu'ils negligeoient de lui payer fes ren-
., tes. Un de fes Fermiers , qui lui de-
,, voit cent Livres Sterling, s'étoit éva-
,, dé pendant la nuit, & ayant emporté
,, avec lui tous fes effets, on ne put ja-
;, mais lui perfuader de fe faifir d'une oc-
;, cafion qui fe préfentoit pour recouvrer
,, h dette: & fi le Fermier n'avoit pas
5, abandonné fa Terre fur les menaces
,, qu'on lui fît à l'infçû de Mad. Ro-
„ we , il y a beaucoup d'apparence qu'un
,, excès de bonté Tauroit toujours cmpé-
,, chée d'employer des voyes rigoureufes
If pour le chafler de fa Terre, & l'obli-
„ ger à lui rendre juflice. Il fer oit aifé
.. ^*^
Avril, Mai et Juin. 1739. 4^
„ de rapporter plufîeurs autres exemples
„ de fa générofité ; elle a fouvenc cédé
5, les droits volontairement, îorfqu'elle
„ auroit pu y infifler félon toutes les re-
„ gles de l'équité & de la jultice.
Tel étant fon caradère, on ne doit pas
être furpris que fa charité envers les pau-
vres ait été très-grande. Il fuffifoit d'ê-
tre malheureux, ou dans la nécenité,pour
exciter fa compalTion :mais elle fe faifoic
un plaifir particulier de foulager les per-
fonncs de mérite. Jamais ces perfonnes
31e s'addrefToient à elle fans fuccès , lorf-
qu'il étoit en fon pouvoir de les fecourir.
La première fois qu'elle voulut bien re-
cevoir une gratification d'un Libraire pour
quelque Ouvrage de fa façon, elle em-
ploya toute la fomme au foulagement
d'une famille qui étoit dans la né'ceflité:
& il y a de fortes préfomptions , qu'elle a
fait le même ufage de toutes les fommcs
qu'elle a reçues pour fes Ouvrages; &
une Fois qu'elle ne fe crouvoit point d'ar-
gexic pour fubvenir aux prefllins befoims
d'une pauvre famille , elle ne lit aucune
difficulté de vendre quelque pièce d'ar-
genterie, afin de ne point laiiler languie
cette famille.
Sa chariïé ne. fe bornoit pas à ceux de
fa Religion, ou de fa Se(n:e : elle contri*
bua généreufement à Tétabliflèment & à
l'entretien d'une Lcole à Frome , quoi-
qu'on
45 Bibliothèque Britannique,
qu'on y élevât les enfans félon le rie An-
gijcan, auquel elle prenoit la liberté de
ne fe point conformer.
Sa générolîté alloit plus loin encore ;
ceux qu'on appelle proprement pauvres n'en
étoienc pas les feuls objets: Elle avoit
pour maxime , qu.'u7î des plus grands biens
qu'on puijje faire aux hommes^ c'eji de les
délivrer des foucis ^ des inquiétudes qui ac-
compagnent une fortune au deffous de la mé-
diocre. On fçait qu'elle a fait quelquefois
des préfens confiderables à d'honnêtes
gens , qui n'étoient pas réduits à une ex-
trême indigence.
L'efprit de perfécution ne fçauroit s'ac-
corder avec des fentimens de générofité,
quoiqu'il ne foit pas incompatible avec le
caradère des Dévots. Auffî, bien que
Mad. Rowc eût beaucoup de dévotion ,
comme elle avoit un cœur généreux, fa
dévotion ne lui infpiroit point de haine
pour ceux qui penfoient autrement qu'el-
le. Sa mioderation a même été fi grande
à cet égard, que vers la fin de fa vie el-
le a communié conftamment avec desper-
fcnnes qui avoient des fentimens très-
différens des liens , fur des fujets qui lui
paroilîbient être de la dernière impor-
tance.
A la fin de cette Vie , on trouve pîufieurs
Pièces en Vers , compofées à l'honneur de
Mad. Rowe,
Le
Avril, Mai et Juin. 1739. 47
Le premier Volume des Oeuvres Mêlées
de cette Dame , contient fes Poëfies , &
n'eft pas fufceptible d'Extrait. Nous nous
contenterons de remarquer , qu'on y trou-
ve quelques Tradudions de l'Italien & du
François , un petit nombre de Pièces fur
l'Amour & fur l'Amitié , <k fur-tout des
Poëmes facrez , comme des Hymnes , des
Imitations & des Paraphrafes de divers
endroits de l'Ecriture fainte , & particu-
lièrement du Cantique des Cantiques ,
dont il y a non feulement divers pafla-
ges paraphrafez en Vers rimez, mais en-
core une Paraphrafe complète en Vers non-
rimez. L'Auteur lui a donné pour titre,
Eclogue Sacrée,
Dans le fécond Volume, on trouve d'a-
bord trois Dialof^ues ; le premier ed def-
tiné à faire voir, qu'il ne faut point tour-
ner en ridicule des Défauts naturels. Le
fécond eft contre le |eu, & le troifième
contre une Vie pafTée dans les pîaifirs.
Ces Dialogues ne renferment rien de
fort remarquable : le troifième n'efl pas
mêm.e achevé.
Ils font fuivis d'un grand nombre de Let-
tres qui font plus intérefiantes, non par
les particularitez qu'elles renferment . car
on n'y en trouve que peu ou point, mais
par l'Efprit & les Sentimens qui y ré-
gnent. Nous en traduirons quelques-unes,
& extrairons des autres quelques-uns des
paUa-
43 Bibliothèque Britannique^
pafTages qui nous ont paru les plus ci>«
rieux.
Lettre V. à Madame ***. 1697.
,, Eh bien, Madame, puifque vous îe
i^ voulez abfolumenc , j'ai des vapeurs ;
,, il faut bien que cela foie: car autre-
,, ment qu'cft-ce qui m'auroic pu mettre
5, dans la tête ces bizarres fantaifies .que
5, je fuis mortelle , que le jour de ma
., mort efl: incertain, que peut-être je ne
,, verrai plus lever le foîeil; ou qu'avant
,, que le foir vienne , 7non ame quittera en
,, domicile terrejtre , ^ s'envolera dans queU
5, que lieu qui mejl inconnu *. C'eil, en
,, effet, un fouci bien ridicule que celui
,, de l'avenir, & une boëte de pillules ed
,, fans doute un remède excellent contre
., des imaginations auin mélancoliques
,v que les miennes.
,, Mais pour parler férieufement, Ma-
,, dame, fi ma fanté fe rétablit, &: que
,, je ibis délivrée de ces dangereux f^;mp-
,, tomes, vous ne fçauriez m^e taxer de
,, fuperftition, pour avoir fongé à moi dans
,, une affaire d'une fi grande importance.
« Il faudroit avoir perdu feiprit pour ê-
j> tre
* Ce qui cfl en Itilique eiî la TradupLion
ce deux Vers de Mi'. Norris , que Midlle. S n*
c^r cite ïoï.
Avril, Mai et Juin, 1739. 49
.»j tre indiiTérent lorfqu'il s'agit d'être heu-
„ reux ou malheureux pour coûte récer-
„ nité.
„ Ce n'eft pas que je croye qu'il faille
„ renoncer à tous les plaifirs innocensde
,, cette vie pour arriver au bonheur du
5, Ciel ; ce n'eit pas non plus , que j'aye
,, contracté une habitude li intime avec
4, les habitans de l'autre monde , qu'elle
5, m'ait infpiré de l'indificrence pour mes
„ amis de celui-ci. Non, je n'ai pas
3, enco;'e mortifié mes paiTions au poinc
5, que vous vous l'imaginez. Il y a dans
„ mon ame un penchant infarmoncable
„ pour la bienveillance & l'amitié : ce
5? principe généreux m'a été infpiré avec
„ la vie; il eft infeparable de mon exif-
99 tence;le tems ni l'éloignemiCnt ne fçau-
99 roient effacer de ma mémoire ces mo-
„ mens deplaiOr que j'ai goûtez dans vO'
99 tre compagnie.
,9 Mais je n'ai plus rien à dire à votre
„ Grandeur fur ce fujet, & je n'ai aucu-
99 ne envie d'entrer en difpute avec vous.
,5 C'ed pourquoi vous me permettrez de
„ dire le rcfte ci Mr. ***, maintenant que
99 j'ai recueilli m.es cfprits.
,, Monfieur , je ne veux pas perdre l'oç-
,9 cafion de vous dire, que mon amour
,, pour la folitude n'efl reifet , ni de la
,9 mélancolie , ni d'une mauvaife hu-
,, meur, ni d'un principe intérelTé , com-
9, me fi j'étois née uniquement. pour moi
TmeXlII.Part L D „ feu-
50 Bibliothèque Britannique,
„ feule: moins encore vient • il d'une déli-
., catefle afFeclée , ou de la vanité de paf-
„ fer pour plus vertueufe & plus fage que
,^ les autres, je n'afpire point à une plus
,, haute réputation qu'à celle de Créatu-
„ re raifonnable. Mais vous fçavez , IMon-
„ iieur j qu'il y, a des motifs *à la retraite
,y plus nobles que ceux dont je viens de
,^ parler. Et li je vous dis que j'ai choi-
i^ li la retraite , comme le moyen le plus
,) fur de perfectionner ma raifon & de
,9 puriiier mon cœur, & que c'efl lafeu-
5, le voye que j'aye trouvée pour être
j^heurcufe, j'cfpcre que vous convien-
j5 drez, que je vous aurai donné de bon-
99 nés raifons de ma réfolution, qui vous
99 paroiiToit 11 bizarre & fi déraifonnable.
99 )'avoue , IMonileur , qu'on peut pen-
99 ïer , quoiqu'on foit dans le grand mon-
5, de, qu'on peut y faire quelques re-
99 flexions fuperficielles :mais pour raifon-
^, ner fans partialité, & fe former des
9, idées jufles des chofes,il. faut étrefeuL
,, C'efl alors qu'on peut examiner les pré-
5, jugez vulgaires ; c'eft alors qu'on rejet-
99 te les principes bas & intéreflez des
99 bigots & des fuperflitieux ; c'eft alors
,, qu'on fe fortifie contre la tyrannie de
5, la Coutume, vjc contre l'autorité impo-
99 fantede quantité de perfonnes, qui font
9, elles-mêmes une inanité de choies dé-
9, raifonnables , & qui vous difent grave-
9f ment, que c'eft ne fçavoir pas vivre ,
Avril, Mat et Juin. T739. 51
„ & vouloir fc fingularifer 5 que de ne les
„ pas imiter.
„ Mais, rae dires -vous, on peut nufil
„ penfer trop. Cet avertifTement me far-
,, prend , venant de vous. Quoi qu'il
en foie, je crains auiïï peu de penfer
trop, que de devenir ou trop éclairée,
ou trop vertueufe. Je fuis perfuadée
que plus nous exerçons les facultezde
notre ame, & plus nos idées devien-
nent claires & fublimes. Et au pis al-
„ 1er, quand même nous épuiferions nos
efprits par cette profonde application,
ce ne feroit que nous hâter de remplir
là tâche qui nous eft impofée ; & lorf-
que notre Rôle fera joué, nous ferons
„ prêts à quitter la Scène. Après tout,
,, ce n'eft point une longue vie, mais une
,, vie heureufe que je fouhaite; & je fuis
,, perfuadée que la retraite eft le plus fur
„ moyen de la rendre telle. O vous ^ les
,, plus grands ^ les plus doux de tous les
,, biens , Mafes ^ Livres , LWerîé , Repos,
5, Prez , Fontaines ^ Riiiffeaux , jamais je ne
,) vous abandonrierai , laîît que je refpire-
99
rai *.
,, Ici mon tems eft abfolument à moi,
„ ce tems qu'on ne fçauroit aflez eftimer,
,, qui fuit, & ne revient jamais: je ne
„ fuis point obligée d'en facrifier une
„ par-
* F'srs de Cowley.
D 2
52 Bibliothèque Britannique,
„ partie à des bagatelles, & à des céré-
„ monies inutiles. Ici je ne fuis poinc
,i dans la nécefficé de flatter la vanité des
5, uns, ni de m'ennuyer à entendre lesim-
„ pertinens difcours des autres ;je ne fuis
„ point réduite à ne parler que fur cer-
^y tain nombre de fujets fades & infipi-
^, des , qui ont été épuifez mille fois. Ici
„ mes propres penfées m'offrent une va-
„ ricté infinie de fujets : & lorfque je
„ fuis lafle de refléchir fur le ridicule
„ empreffement avec lequel les mortels
„ courent au fépulcre , fur les deflTeins
,, bas & intérefiez des uns , fur les ma-
„ gnifiques folies des autres ; je dis adieu
5, au genre humain avec le dernier mé-
>, pris , & m'élançant dans un autre mon-
5, de, je m'occupe de réflexions beaucoup
,, plus intéreifantes , & qui font fur moi
-,, des impreffions bien plus fenfibles. Je
,, contemple les merveilles qui brillent dans le
,, Firmament: j'en oh/en-e avec admiration les
,, mouvemens , la grandeur y Vinfluence. En
,, promenant mon imagination dans la mfte
,. étendue des Cieux^ il me femble entendre
,, Vbarr.ionie des Sphères célejles ; je décou-
,, 'ure une infinité de nouveaux Mondes^ je
5, fixe ma vûë fur les Aflres qui brillent dans
,, la F'oye laàée. Enfuite j'erre à plaifir dans
,, le Ciel emp'.rée ; je fixe mes 'yeux fur le
,, TrJne de Dieu même ; je contemple ces
t) çlciiieures éternelles , oiï les Bienheureux goû-
ii tenî
.Avril, Mai et Juin, 1739. 53
„ tent un raviffement uie joye que rien ns
jyfçauroit exprimer *♦
„ Je finis ici , Monlieur , ce qui fera
,f fans doute une bonne nouvelle pour
„ vous. Je fuis y &c.
Nous avons choifi cette Lettre , non
pas tant à caufe des Réflexions qu'elle
contient, que parce qu'elle fait voir que
Madlle. Singer commença de bonne -heu-
re à aimer la retraite. Car li on a fait
attention à la date de cette Lettre, on
aura vu 'que l'Auteur n'avoit, tout au plus ,
que 23. ans lorfqu'elle l'écrivit.
Voici une Lettre dans un autre goût,
A Madame la Comîeje de *** f.
,9 Madame,
„ Je compte que vous me croyez mor-
„ te-, je devrois l'être en effet pour ma
„ propre juftification , puifque ce feroic
„ une excufe de mon filence , à laquelle
„ il n'y auroit rien à répliquer. Il efl
„ vrai que lorfque je ferai morte , j'au-
„ rai des chofes bien plus importantes à
f, vous
*• Ce que nous avons mis ici en Italiq^iis ell
en Vers dans l'Original.
t Te crois que c'ell la ComtefTe de Hart-
ford."
D3
54 Bibliothèque Britannique,
}9 vous apprendre du monde immucériel^
»y & je fuis perfuadée qae j'aurai confhm-
„ ment rinclination o'entretenir corref-
}) pondance avec vous. Si je conierve
^, quelque fentiment de mes plaifirs paf-
5, lez 5 ce fera fans doute le concente-
5, ment que vos Réflexions m'ont caufé.
j5 Pour le préfent je ne conçois pas d'oc-
5, cupation plus agréable pour moi dans
,, l'autre vie, que le plaifir de facisfaire
,> cette jufle & nobîe curiofité que vous
témoignez fifouvent touchant î'étâtdes
$}
9) ames après la mort.
,, Je lis les Sermons de Mr. Watts a-
5, vec un vrai plaifr; mais je ne vous en
5, ai pas fait l'éîoge , de peur que vous
,, ne m.e crûfnez plus prévenue en fa-
,, veur des Non-Conformilles , que je ne
3J, le fuis en eiiet.
j, De ces Sermions je viens aux Chan-
fons à^ Mr. Rolli , qui font extrêmem.ent
belles. La Tranfition eft naturelle ;
car une de ces Cbanfons efl une très-
bonne paraphrafc dé ce que S. Paul die
aux Corinthiens :
,, Beviam' , o Dori , godiam* , che il giorno
,, Prcjlo h al ritcrno , prejlo al partir,
f) Di gioviîiezza godiamo il ficre ,
:, Voi l'ulùim'ore lafciam 'cenir.
i) ^Jangecns ^ buvons , car demain nms
nicurrons. i Cor. XV, 32.
;^ J'ai
Avril, Mai et Juin. t739. 55
„ J'ai cotte le Chapitre & le VerlcCjpar-
,, ce que Mr. Rolli ne Içaura peut-êtrr
„ pas de qui emprunter une Concordan-
,i ce; & jefpère qu'il lira tout le Chapi-
« tre, ce qui ne lui fera pas le moindre
„ tore.
„ J'obéirai exadement à Mylord***
„ en vous renvoyant, en forme de Let-
„ très, le papier qu'il m'a envoyé : à
,, condition pourtant, qu'il me îqi^ per-
„ mis de fuivre le talent que j'ai pourdi-
j, re des folies , & que je ne fois pas obli-
„ gée de me renfermer toujours dans les
,, bornes étroites du fens-commun.
„ S'il y a des Fées (& je ne fuis pas
„ fi incrédule que de le nier ) ce font cer-
„ tainement des Etres bienheureux, &
„ qui jouifient d'un grand nombre de pri-
,, vileges, dont nous autres pauvres mor-
3, telsfommes privez. Si vous pouviez vous
j, tranfporter chez mioi dans une Lettre ,
V je la recevrois avec une joye inexpri-
9, mable ; car l'impatience où je fiiis de
„ vous voir, efl beaucoup plus grande &
„ plus julte , que celle où vous pouvez
„ être de me voir moi. Mais il n'y a
,, point en ce monde de bonheur fans
„ mélange ; je tâcherai d'attendre avec
sy toute la tranquillité dont je fuis capa-
,, ble , que la mort vienne tirer le ri-
„ deau , 6c me découvre le féjour d'un
jj plajfir immortels
D4 ^^.VovTS
56BlBLIOTHEqUE BRITANNIQUE,
,, Vous me donnerez congé ici , mô
?, permettanc de me dire, votre, to.
/î la même. Le 9. Octobre 1732.
,) Madame ,
,, ]'ai mis vos Lettres & vos Papiers en
„ ordre ; quand je mourrai , je les lailTe-
5, rai entre les mains de *=^=^, comme un
„ dépôt confacré à Tamitié oc à la vertu»
5, Cei. Papiers ô: mes Defîeins font lesfeu-
,9 les choies que je fouhaiterois d'emporter
-, avec miOi. Vous ne fçauriez croire com-
5, bien mon imagination tiX fîatée par les
?5 foins que j'ai pris de régler ceci 6cquel-
^, ques autres aftaires. Perlbnne n'a jamais
5, pris tant de plaiilr à fe préparer pour
9) un voyage , que j'en prens à me pré-
,, parer pour le grand voyage de tout le
?, monde, afin de partir avec décence. Je
., fens pourtant encore, qu'aucune pré-
,, voyance ne fçauroit détourner bien des
,, frayeurs naturelles, (S: des évenemens
j, acc'idenrels,qui font capables d'accabler
l'amc dans cette importante affaire. Il
efl: impofiible de fçavoir, avant que d'en
avoir fait l'expérience, quelles douleurs
du Corps, ou quelles angoifles de l'a-
me , peuvent augmenter l'horreur de cet-
„ te fatale obfcurité qui environne notre
Si dernier moment. Mais puifqu'il faut
;5 ab-
Avril, Mai et Juin. 1739- 57
„ abfolumenc en pafTer pav-là, il eft de
„ la dernière importance pour nous, de
„ prévenir toute furprife , en nous ren-^
„ dant familière l'idée de la mort, &; de
„ toutes les terreurs qui l'accompagnent.
f9 On a quelquefois été à la renconire du
„ Roi desEpouvantemens, non feulemenc
,y avec un efpric tranquille & avec dé-
,) cence , mais même avec une efpece
„ d'infulte pieufe & avec triomphe. J'en
„ ai vu depuis peu un exemple qui eît
„ toujours préfènt à mon eiprit. Un hom-
,, me * dans la fleur de fon âge , & qui
„ jouilToic. d'un bien conliderable, quitta
„ le monde avec la même tranquillité &
,5 la m.ême aifance, avec laquelle un An-
„ ge,qui viendroit d'exécuter fa cornmif-
„ fion 5 étendroit fes aîles & s'cnvole-
„ roit vers fa demeure célefte. Je ne veux
„ point parler plus long-tems de la mort,
,, de peur que vous ne me falTiez des re-
,, proches de ce que je ne meurs pas ac^
,, tuellement. Je fuis, &c»
* Ou une femme, car l'Original efc équivc^
rue ici.
D 5 Voici
58 B I B L I 0 T H E Q rj E B R I T ANNI Q U E ,
Voici une Lettre moins grave (5: moins
fcricufe.
A la même. Le 2. Août 1732.
„ Madame,
„ Si quelque chofe pouvoit exciter mon
„ envie, ce feroit le bonheur dont Mad.
,, **^ jouit dans votre converfation &
), dans votre amitié. Cependant, loin que
„ cela me caufe la m.cindre penfée cha-
,, grine, j'ai le plus grand plaifirdu mon-
,, de, de voir que vousfçavez fibien ren-
„ dre jaftice au vrai mérite. Vous poiir-
j, riez avec raifon me faire des repro-
,, ches de ce que je ne jouis pas moi -mê-
,, me d'une Société * dans laquelle j'avoue.
„ qu'il y a tant de charmes. Il y a en ef-
fet quelque chofe de bizarre dans la fi-
tuation de mon cfprit: il y a quelque
chofe de méchanique dans ma faculté de
raifonner , auiîi - bien que dans ma dévo-
tion; l'une & l'autre femblent dépen-
dre précifement d'un certain lieu , &
9) d'une certaine fuite d'objets. Je m fçau-
f, rois
* La Comteffe d'Hertford avoit fouvent in-
vité M2.de. Rowe d'aller paflcr quelque tems
chez elle; mais Tamour de la folitude l'avoit
empêchée de ie rendre à ces invitations.
I
Avril, ÎvIa I ET Juin. 1739- 5^
j, rois me vanter d'avoir beaucoup de
„ bon-fens 5 ou -de pieté, loiique je fuis
„ liors de nia chambre. Il y a dans vo-
„ tre manière de vivre quelque chofe de
,, trop brillance de trop tumultueux pour
5, la trcnquiliité naturelle de mon tempé-
„ rament. Si Mad. "î'** , au lieu de faire le
„ portrait de Sce. Geneviève, vouloit fe
,5 transformer elle-même en cette Sainte,
5, & s'afleoir fous un arbre , ayant un bon
,, livre fur fes genoux, à. gardant fon
3, troupeau dans une prairie émaillée de
,:, fieurs,que je fçauroisbien lui trouver;
,, j'irois la voir au lever de l'aurore , &
„ dans le filence d'une belle foirée. Je
,, ne trouvcrois pas même mauvais que
„ ce fût à *** , pourvu que vous,Mada-
,, me , fuHiez aufli métamorpliofee en uue
îj bonne Campagnarde , fans autres domef-
5, tiques que votre fille de chambre & vo-
„ tre laquais , transformez auOi en Colet-
jj te & Colin. Je n'ofc pas pouffer la mé-
99 tamorphofe fi loin que de changer My-
5, lord '^** en un révérend Eccléfiaitique ,
„ quoiqu'un pareil changement ne lui fe-
„ roit peut-être pas inutile par rapporc
ty à l'autre monde , ûcc.
A la mme,
„ Madame,
ti J'ai lu avec un extrême plaifir les A-
6o Bibliothèque Britannique,
,, vis de Madame Lambert à fin fils ^ à fa
^ffAle, Des Raifonnemens fi juftés, & de
,, il nobles Réflexions, ne pouvoienc que
,, me plaire infiniment , quand même je
,, n'aurois pas été prévenue d'avance par
,, la bonne opinion que vous avez de l'Àu-
„ teur: mais votre jugement a rendu ma
„ fansfaclion plus complette. J'admire
„ fans réferve & fans défiance tout ce qui
„ a le fceau de votre approbation. Je
„ deviens décifive & infaillible ; & fans
*„ avoir de l'inclination pour les princi-
„ pes du Papifme en aucun autre point,
„ j'ai une foi implicite pour toutes vos
,y décifions. Voici une Sentence qui me
,, piaît, parce qu'elle eft entièrement con-
,, forme à votre manière de penfer; &
55 c'eft-là le plus grand éloge que je puil-
j, fe faire de l'Auteur. Le Bonheur ejidans
,, Li Paix de VAme; tjOUs ne pourrez jouir
5, des Plaifirs de VEfprit fans la fanîé de l'Ef-
., prit. Tout eftprefque Plai/ir pour un Efprit
5, fdin. Je fuis particulièrement charmée
,, de la penfée que voici. La plus grande
,, marque qu'on ejt né avec de grandes quali-
,, îez, eft de 'vivre fins envie. C'efl l'heu-
5, reuie & conilante (ituation d'un efpric
,, formé comme le vôtre. Veuille le Ciel
,, vous continuer cette Paix facrée, qui
5, eil l'effet d'une vertu fmcere ! je fuis,
Mous H'i donnerons plus que quelques
V-alTugcs détachez 5 qui nous ont paru pro-
pres
Avril, Mai et Juin. 1739. 61
près à faire mieux connoître le Caradlè-
re de Mad. Rowe. Lorfque fon Livre , in-
titulé V Amitié après la Mort , parue , la Com-
tefle de Hertford, qui ne fçavoit pas que
Mad. Rowe en fut l'Auteur, le lui envoya ,
& lui en demanda Ton fentiment. Voici ce
que Mad. Rowe lui répondit. „ J'ai lu
„ les Lettres que vous m'avez recomman-
„ dé de lire , & fur votre approbation , je
„ les agrée fans exception. Cela même
„ me feroit fouhaicer de les avoir écri-
„ tes , il j'avois la moindre ambition d'é-
„ tre Auteur. Mais je n'ai nul befoin de
„ me défendre fi férieufement fur ce fu-
„ jet '^ Il n'y a pas proprement de men-
fonge dans ces Darolcs, mais il y a une
efpece de déguilement ; & Mad. Rowe a-
voit la confcience trop délicate pour n'en
pas fentir de remord. Elle repara bien-
tôt fa faute par l'aveu fincere qu'elle en
fit. Voici ce qu'elle écrivit peu de tems
après à la même Dame. ,, Dans l'autre mon^
„ de je fuivrai toujours exatlement les
„ règles de la droite Rai fon. Mais auHî
,, long-tems que je ferai mortelle, je com-
„ mettrai toujours mille fautes. C'eft le
„ privilège, de la nature humaine , & je
,, veux ufer de mes droits ; mes préten-
,, tions font claires & inconteftabies ; (St
,, vous ne fçauriez en confcience exiger
,, que je fois infaillible, que je ne tombe
,, dans aucune erreur , & que je ne com-
„ mette aucune faute, j'avoue pourtant ,
j} H
eu;
5 5 que
62 Bibliothèque Britannique,
,f que de toutes mes fautes il n'y en a
„ point qui me caufc une plus grande in-
,, quiétude , que celle que je commis dans
,, ma dernière Lettre, en vous parlant
„ d'une manière artificieufe, & en ufant
d'une efpece de déguifement. Cela m'a
chagrinée plus que je croyois pouvoir
l'être par quelque accident que ce ibit;
& fi je me connois bien ,je ne voudrois
pas être coupable "d'une autre équivo-
_ que, dûfTai-je gagner Tempire du mon-
î, de. Je devois cette confeffion auxLoix
,5 de la vertu & de Tamicié. Et mainte-
„ nant que j'ai rétabli par-là la tranquilli-
„ té dans mon ame, je vous dirai, que je
jj trouve que rien n'échape à la pené-
„ tration de votre efpric. J'avoue que
,, j'aurois été bien aife de fçavoir v^otre
„ lentiment fur cet Ouvrage, au cas que
f, vous n'en euffiez pas connu l'Auteur : je
„ me flatte que le rcfte du monde l'igno-
„ rera toujours: excepté deux ou trois
,, perfonnes qui connoifTent ma folle ma-
„ nière de penfer. Quoi qu'il en foit,
5, c'eft une folie innocente ; & comme tous
„ les évenem.ens & tous les caraélères en
5, font purement imaginaires, j'efpère que
„ fi l'Ouvrage n'ell point utile, au m.oins
,, il ne fçauroit nuire. Je crois que défor-
i, mais je me contenterai de jetter far le
,, papier les vanitez de mon imagination
5, uniquement pour votre ufage: je dois
?> feulement vous avertir , de ne les point
55 lire
Avril, Mai et Juin. 1739. 6;^
^> lire lorfque vous aurez quelque difpo-
j,^ Ikion au fomrneil, de peur qu'elles ne
„ vous plongent dans une léthargie mor-
,y telle ....
Dans une de fes Lettres * Mad. Rowe
cixe un paflage des Sermons de feu Mr.
Saurin;& voici ce qu'elle dit à cette oc-
cafion. ,, je viens de citer un des Ser-
i) nîon.s de Mr. Saurin ; je ne ferai point
„ contente que vous ne les ayez lus. Tout
„ ce qu'on a dit de la force ù. de la beau-
,) té de l'Eloquence Romaine, vous le trou-
1, verez réuni dans ces Difcours ". On
jugera par- là que Mad. Rowe devoit bien
entendre le François , & qu'elle avoit le
goût bon.
Voici ce qu'elle penfoit de la Provi-
dence (d.ins une lettre qu'elle écrivit à
fa belle-Mere après la mort de fonMari)
,, Nos voyes font en la main de Dieu,
„ .qui fait réuffir ou échouer nos deffeins ,
,, félon fa valonté. Le fliccès de chaque
„ chofe efl déterminé, de forte qu'il efl
,) impolTible à l'homme de l'empêcher.
5, Cette Réflexion m'empêche d'être fore
9) inquiète far l'avenir. Encore un pe-
„ tit nombre d'années, & tout fera bien.
Mad. Rowe fçavoit railler quelquefois ,
témoin ce qu'elle écrivit à une jeune De-
moifelle, nommée Arabelle Marrov/ ;, qui
l'a-
* La CVLp. 1S3. à h ComteiredeHcrtford.
99
?5
9}
}}
55
}>
3
5?
64 Bibliothèque Britannique,
l'avoit fort louée. „ Soyez perfuadée,
„ dit -elle, que je foufcris de bon cœur
„ à toutes les belles chofes que vous dî-
„ tes de mon efprit & de mon mérite.
,, Je conviens de tout cela, & de tout
5, ce qu'on pourroit dire encore à mon
5, avantage, je fens vivement quelle per-
„ te c'eit pour le monde, que je m'en
fois retirée, (5c combien on doit être
Bché de l'abfence d'une perfonne de
ma confequence. J'ai peur que le Cer-
cle à Hyde-park ne foit bientôt cou-
vert d'herbe , ii je n'y parois plus : &
fi un tendre défefpoir ne m'avoit pas
, rendue fauvage, j'aurois certainement
, trop de compalTion pour le genre hu-
,-, main, pour cacher tant de mérite dans
„ le fond d'une fombre retraite.
En voilà aifez pour donner au Public
une idée des Lettres de Mad, Rowe. On
trouve enfuite les Poëfies de fon Mari,
qui confident en quelques Imitations d'Ho-
race & de Tibulle, & en quelques Epî-
trcs, dont il y en a deux qui font imi-
tées ÔQ la Climéne , & du Caprice de Mad.
des Kouliercs. On y trouve auffi 1 Ode
Pindarique à Profernine , traduite du Fran-
çois de Mr. de la Motte; une Ode fur la
],iherté , & quelques autres Pièces facrées
éc profanes.
ARTI-
Avril, Mai et Juipt. 1739. (ig
ARTICLE III.
The Strengrh and Weaknefs of humaa
Reafon: or the important Queflion
about the Sufficiency of Reafon to
conduél Mankind to Religion and
future Happincfs , Argued between
an Inquiring Deift and a Chriilian
Divine : And the Debate compromis'd
and dctermin d to the fatisfa6lion of
both , By an Impartial Modcrator,
C'efl- à-dire ; De la Force à? de la Foi-
hlejje de la Raifon humaine : ou Ympor-
tante Ouejîïonfur la Suffifance de la Rai'
fon pour conduire les hommes à la Con^
noijfance de la Religion &f au Bonheur
d'une autre Vie , Dijcutée entre un Déïf"
te qui aime la vérité , &f un Théologien
Chrétien ; Ê? la difpute qui s'ékve entre
eux à ce fujet , terminée à la fatisf action
de l'un ^ de Vautre , par un Modérateur
Impartial. Seconde Edition corrigée. Chez
Rivington, à ÏEnfeigne de la Bible
Couronnée, dans le Cimetière de St.
Paul. A Londres 1737. pp. 302.
fans la Préface & la Table des Ma-
tières.
TQmeXIIL Part. I, E Cet
66 Bibliothèque Britannique,
CEt Ouvrage, qu'on attribue à Mr.
Watts , Dodeur en Théologie & Mi-
niflre Presbytérien, eft divifé en quatre
Conférences ou Dialogues. Dans le pre-
mier de ces Dialogues, on pofe d'abord
l'état de la Queftion avec beaucoup de pré-
cifion & de netteté.
,, Par la Rai/on, dit le Déifie * . j'en-
„ tens cette Faculté de l'ame qui nous
„ met en état de difcerner le jufte & Tin-
„ jufte, le bien & le mal, l'erreur & la
„ vérité, & autres chofes femblables, &
„ d'en juger. Par la Religion je n'en tens
„ pas feulement les devoirs de la Pieté
,, envers Dieu, mais encore ceux de la
,, yiiflice envers le Prochain , <S: de la Tem-
,, pérance envers nous-mêmes , & en gé-
„ néral tout ce dont les hommes fontréf-
,9 ponfables au Créateur & au Condudeur
,, de rUnivers , & qui peut les rendre df-
,, gnes de recompenfe ou de châtiment
,, Et par /a Suffifance de
5, la Raifon pour conduire les hommes à la
9f Religion ^ à la Félicité ,]' émeus une Ca-
„ pacité ou un Pouvoir en l'homme, qui,
„ s'il l'exerce avec foin & félon toute Té-
ff tendue de fes forces y eft par lui-mé-
M me, &fans aucun fecours étranger , fuf-
„ fifant pour lui faire connoître & prati-
9, quer fes devoirs, pour lui procurer la
ff faveur
* Pag. 14.
AvRILj Maî ET JUIN. T739. (Sj
fi faveur de Dieu , & pour le rendre juf-
„ cernent inexcufable s'il ne l'obtienc
„ pas.
Mais comme îa définition que le Déi'f^
te vient de donner de la Religion, paroîc
défectueufe au Théologien Chrétien , Sq-
pbronius , qui fait le perlbnnage de Modé-
rateur, expofe en détail les Articles qui
apartiennent néceflairement à la Reli-
gion Naturelle , & qu'il faut par confe-
quent connoître & croire , pour arriver
au Bonheur, l'exiflence & Tunité d'un
Dieu infini en puiflance en bonté en fa-
gefle & en juflice , Créateur de l'Univers,
Arbitre des évenemens; le culte qui lui
doit être rendu, fa Providence, les Pei-
nes & les Recompenfes d'une autre Vie;
ce que l'homme fe doit à lui - même , & ce
qu'il doit aux autres hommes ; enfin la
repentance dont il doit être pénétré à la
vûëde fes foiblefles & de fes chutes, fon-
dée fur la perfuafion de la mifericorde
de Dieu, qui eft toujours prêt à recevoir
en grâce les pécheurs qui fentent leurs
fautes , & qui font leurs efforts pour s'en
corriger & pour devenir meilleurs. Non
content d'expofer ces divers Articles , So^
Îhroniuf prouve , à la fatisfadlion des deux
)ifputans , qu'ils font l'eflence de îa Re-
ligion Naturelle, ou de ce que tous les
hommes doivent néceUàirement connoî*
tre, croire ou pratiquer pour avoir part à
£ 2 la
eSO Bibliothèque Britannique,
la faveur de Dieu; quoiqu'il reconnoilTe
en même tems , que plufieurs gens de bien ,
depuis le commencement du moade , &
même parmi les Chrétiens , ont été fauvez
fans avoir une connoiflance diftinâ:e de
ees Articles.
A cette occaiîon on examine , fi les De-
voirs pofitifs , ou de pure inftitution, &
en particulier la Foi au Sacrifice dejefus-
Chrift, comme à lacaufe méritoire de no-
tre îalut, n'entrent pas aufii dans le plan
de cette Religion ; & l'on prouve que
non , par la confideration de la nature mê-
me des chofes, de la juftice & de la bon-
té de Dieu , par des déclarations formel-
les de l'Ecriture fainte , ôc par l'exemple
de plufieurs gens de bien dont elle par-
le, lefquels n'ont pas laifle d'être agréa-
bles à Dieu , quoiqu'ils ne fondafient l'ef-
pérance de leur falut que fur fa miferi-
corde, & qu'ils n'eulTent même aucune idée
du Sacrifice de Jefus -Chrift. Tel fut en
particulier Corneille le CenWiier, dont il efi:
dit, quQ/es prières ^ fis aumônes ^ c.-à-d.
fa pieté & fa charité, étoient montées de-
*vant le Trône de Dieu , & en avoient été
reçues favorablement *. On ne prétend
pas néanmoins , en foutenant cette thèfe ,
nier que la Mort de Jefus -Chrift ne foit
le vrai fondement du pardon des péchez
que Dieu a jamais accordé ou accordera
ja-
* Aa. X. 31, 35.
Avril, Mai et Juin. 1739. 6g
jamais aux hommes , <Sc que ce dogme ne
fafle partie de la Religion Chrétienne , &
ne doive être cru de tous ceux qui en
font profeflîon.
Pour mieux établir encore la Queftion ,
l'on remarque avec foin , & l'on convient
de part & d'autre , qu'il ne s'agit pas ici
de fçavoir , H la Raifon , dans fon état primitif
d'innocence & de j)erfection y pouvoit décou-
vrir toutes les véritez & tous les devoirs-
de la Religion Naturelle; msiis fi ^ dans Vé-
îat de corruption 6? defoihlejfe où Vbommeeji
à pré/ent , fa Raifon eft fuffifante pour lui
faire connoître cette Religion , & le réta-
blir par fon moyen dans la faveur de
Dieu. Il ne s'agit pas non plus de fça-
voir , il ceux qui ont été élevez dans un Pais
Chrétien , £^ accoutumez dès leur enfance à en-
tendre parler de mille cbofes dont les Payens
ignorans n'ont jamais ouï un feul mot , peu-
vent , par la feule force de leur Raifon , for-
mer un plan fuivi de Religion . capable de
conduire les hommes à la Félicité ; mais
fi ceux qui font nez dans le Paganifme , ^ qui
n'ont jamais eu occafion de connoître le Cbrif-
tianifme y peuvent néanmoins d'eux-mê-
mes parvenir à la connoiflance d'une tel-
le Religion. On cite ici, pour juflificr
cette dillindion , un paflage de Mr. Locke
dans ^on Cbrijtianiftne RaiJonnabU *, ou il
dit
* Tom. I.p.297.&2 98.delafecondeEdit.cîe
là Tradud. Françoife.
E3
70 Bibliothèque Britannique,
dit , que „ fi les Philofophes Chrétiens ont
„ de beaucoup furpafTé les Philofophes
,> Payens (dans les Syflêmes de Religion
,i qu'ils nous ont laifîez ) il eft aife de
j, 5'appercevoir, que c'eft à la Révélation
t, qu'ils font redevables de la première
3, découverte des véritezdont ils ont en-
„ richi la Morale Et en
,5 effet , chacun peut remarquer un grand
fi nombre de véritez , qu'il apprend pre-
„ mièrement de quelque autre , & qu'il
5> reçoit d'abord comme des chofes tout-
„ à-fait raifonnables, lefquelles il n'au-
5, roit pourtant trouvées qu'avec peine , &
,:, qu'il n'auroit peut- ên-e pas pu décou-
9i vrir lui -même. La Vérité primicive &
,> originale n'eft pas fi aifée à tirer de la
5, mine ou elle eft cachée, que nous pour-
,, rions bien nous l'imaginer , nous à qui
>, l'on a montré cette mine déjà toute
j^ creufée , & prête à nous fournir le pré-
„ cieux métal qu'elle renferme.
En troifième lieu, il ne s'agit pas de
fçavoir, quel degré de connoijjance un Philo-
Jopbe Payen qui auroit été élevé aux Belles-
Lettres ^pourroity à force de méditation âf d'é^
tude, acquérir en matière de Religion; mais
quelles lumières peut Je procurer à est égard
par lui-'même le gros du peuple parmi les
Payens , dont la plupart manquent d'édu-
cation & de génie, dont les vues font
bornées & grofîieres , & dont la Raifon eft
extrêmement foible? Ce n'eit pas qu'en
s'ex'
Avril, Mai ET Juin. 1739. 71
s'cxprimant ainfi , on veuille accorder , que
même les plus fages & les plus f(^avan$
Philofophes du Paganifme ayent jamais
découvert, ou puiflenc jamais découvrir,
par les feules lumières de la Raifon , un
Syftême de Religion capable de reformer
les hommes , & de les conduire à une é-
tcrncUe Félicicé» Le contraire e(t mani-
fefte par l'expérience; «Se l'on renvoyé
]à-deflus à l'excellent Traité de la Vérité
de la Religion Révélée de Mr. Clarke ^o\i ce-
la e(l clau'ement prouvé. Enfin, quand
il feroit vrai que le commun des hom-
mes ,aufri- bien que les Philofophes, par-
mi les Payens , auroit été ou feroit en état
de fe former par lui-même de jufles idées
de la Religion Naturelle dans les grandes
Villes, comme Athènes , Rome, Ephefe,
oii il fe trouvoit toujours un grand nom-
bre de gens fçavans , des lumières de qui
l'on pouvoit profiter; il s'agiroit encore
de fçavoir , fi la Raifon des Sauvages de l'A-
frique (Se de l'Amérique, qui font une par-
tie très-confiderable du genre humain,
peut aller jufques- là? Car il faut confide-
rer la Raifon hum^iincnon pas telle qu'el-
le eft chez un petit nombre d'hommes ,
mais telle qu'elle efl chez le plus grand
nom.bre, &chezceux-là même qui l'oriC
le moins cultivée. Et c'eil: de quoi le
DéVde lui-même convient, foutenant qu'il
n'ell point d'homme fi groffier & fi bar-
bare qu'on veuille le fuppofer , qui ne piiif-
E 4 fe.
72BITÎLIOTHEQUE BRItANNIQÛE,
^e ,par le feul moyen de Tes Facultez na-
turelles , acquérir une aflez grande connoif-
fance de la Religion , pour fe rendre a-
gréable à Dieu, & fe procurer fa faveur
éternelle. Voilà le véritable état de la
Queflion fur laquelle les Difputans s'exer-
cent, en reprenant chacun des Articles
particuliers de la Religion Naturelle que
nous avons indiquez. Nous ne fçaurion*
les fuivre dans tout ce détail , quelque
intérelTant qu'il foit, fans charger trop-
cet Extrait ; nous nous bornerons à un ou
deux Articles.
Le dogme de l'Unité de Dieu peut être
prouvé, il eft vrai , par les feules lumiè-
res de la Raifon. Le Déifie allègue là-
delTus deux argum^s , qu'il croit être très-
fimples & à la portée de tout le monde:
le^ premier employé par leDodlr. Clarke,
dans fon Sermon pofthumê fur ce fujet,
fçavoir que la grande liaifon qu'il y a
entre tous les Etres qui compofent' le
monde matériel, & la dépendance dans la-
quelle ils font les uns à l'égard des au^
très , montrent clairement qu'ils font fous
la direétion d'un feul Dieu fuprêmc à qui
tout rCJnivcrs eft fournis. Mais il i'en
faut beaucoup , fuivant le Théologien
Chrétien, que cet argument foit aufTi (im-
pie & aufli facile qu'on le prétend; & il
paroît furpris , qu'un homme delà réputa-
tion du DoO:.ClQrke, n'en ait pas aJlcgué
de plus forts, dans un Sermon fait exprès
pour
Avril, Mai et Juin. 1739. 73
pour établir ce dogme. D'ailleurs , un Sau-
vage d'Amérique eft-il bien en état de
former en lui - môme un pareil raifonne-
ment , qui demande un grand degré de ré-
flexion & d'application? „ Il dira fans dou-
„ ce, comme Ton fçait que d'autres l'ont
„ dit , que les. Européens qui vivent au-
m delà de la grande mer, c'eft-à-dire
5, de l'Océan , habitent un autre Monde
„ qu'eux , & peuvent avoir un Dieu parti-
,y culier & toute autre chofe différem-
„ ment de ce qu'ils ont; mais que les
„ Américains ont une toute autre origi-
„ ne, & viennent d'un autre homme (Se
„ d'une autre femme , qui étoient jadis
„ defcendus du Ciel. Car quoique ces
„ Peuples ayent quelque idée qu'il y 'a
„ des Etres au-deflus d'eux, cependant
19 ils n'ont pas même dans leur langue
„ un feul terme pour exprimer Dieu.
„ Ainfi il concluroit plutôt de fa fuppo-
M rition,que l'Europe & l'Amérique font
„ deux Mondes différens & fort éloignez
„ l'un de l'autre; qu'il y a des Etres fu-
„ périeurs ou des Dieux différens, tout
„ comme les anciens Grecs croyoient que
>, trois Dieux s'étoient partagez entr'eux
„ l'Empire de l'Univers ; Japi^^ravoitfous
„ lui les Cieux& la Terre, ^^/?/)^M?2^ la Mer,
,, & Pluton l'Enfer, ou le lejour des Ames
,, fcparces des corps.
L'autre argument que le Déîfte avance
en faveur de l'Unité d'un Dieu, c'efl que
E 5 s'il
74B1BL10THEQUE Britannique,
s'il y en avoic pluiieurs , ils feroient tous
parfaitement inutiles, à l'exception d'un
feul , puifqu'un feul auroit en lui toute la
puiflance, toute la fagelTe & toute la bon-
té néceiTaires pour créer & conduire cet
Univers, & qu'il n'en faut pas davanta-
ge. Mais outre que cet argument n'eft
gueres plus fimple que le précèdent, il y
a tout lieu de douter, que 11 on le propo-
foit à un Hottentot^ ou à un Iroquois,'û en
fût fort touché, beaucoup moins peut-on
fuppofer qu'il le trouvât de lui-même (Se
par' fa feule réflexion. Le Poîythéifmc
a été univerfellement établi parmi les
Payens ; 6i fi quelques Philofophes ont pa-
ru croire l'Unité de Dieu, ce n'a é:é que
dans la fpéculation, car dans la prati-
que ils fe font toujours conformez à la
Religion de leur païs. Il eil même à re-
marquer contre l'argument de Mr. Clar-
ke, que bien loin que l'harmonie qui rè-
gne entre les diverfes parties de cet Uni-
vers, ait fait conclure aux hommes qu'il
n'y avoit qu'un Dieu, la variété qu'ils y
ont obfervée les a conduits à croire qu'il
y en avoit plufieurs, dont chacun avoic
le gouvernement d'une partie des Cieux,
de la Terre, de l'Eau, de l'Air, &c. Ec
il n'eft pas moins certain , que c'ePc enco-
re aujourd'hui la manière de raifonner &
la croyance des peuples qui ne connoif-
fent po"int l'Evangi'e. L'opmicn des deux
Principes ne doit-elle pas fon origine aux
eiforts
Avril, Mai et Juin. 1730. 75
efforts que les Philofophes ont fait pour
rendre raifon du Mal phyfique & moral ;
& n'a-t-elle pas régné durant plu(ieurs fié-
cles dans tout l'Orient ? La plupart des
Sauvages dejrAfrique & de TAmérique , qui
facrifient au Diable plutôt qu'à Dieu, ou
qui redoutent davantage le pouvoir des
Etres malins, qu'ils regardent comme la
première caufe de tous leurs malheurs ,
& qui font plus attentifs à appaifer leur
colère qu'à fe procurer la faveur de l'E-
tre, ou des Etres bons, auxquels ils attri-
buent leurs heureux fuccès , ne font-ils
pas dans un fentiment fort approchant?
Et ne paroît-il pas vifiblement par -là,
que leur Raifon ne fçauroit s'élever d'el-
le-même à la connoiflance de l'Unité de
Dieu?
L'autre Article que nous avons deffein
de toucher , regarde le devoir de la Re-
pentance néceflaire pour appaifer Dieu,
& la perfuafion que Dieu veut bien par-
donner aux hommes, moyennant cette Re-
pentance. Comment les peuples donc
nous venons de parler, pourroient-iîs fe
convaincre qu'ils ont péché contre Dieu?
eux qui n'ont pas d'idée de l'Unité de
Dieu & de fa Providence, & qui font (i
mal inftruits de leurs devoirs, qu'ils ne
fçavent ce que c'eft que le péché. Mais
quand ils feroient capables de parvenir à
ce degré de connoiflance , ou à cette con-
vie-
76 Bibliothèque Britannique,
vidtion intérieure , qu'ils ontoffenfé Dieu ;
comment fçauront-ils que le feul moyen
de l'appaifer, efb de fe repentir, c'eft-à-
dire d'être pénétré de douleur à la \ù'é
de fes fautes , & de s'en corriger ? Si quel-
ques Philofophes Payens ont parlé de la
RepentancejCOmme d'un devoir impofé à
l'homme, -ce devoir n'en a pas été plus
connu ni ijiieux pratiqué , & on ne l'a ja-
mais enviîagé comme un moyen de fe ren-
dre la Divinité favorable, pîiifque les Na-
tions les plus polies & les Philofophes
€ux-mêmes,ont conftamment employé dans
cette vûë des Sacrifices de toute efpece.
Les Hiftoriens Efpagnols nous appren-
nent, que lorfqu'on fit la découverte du
Mexique , les habitans qui avoient con-
fervé quelque fentiment de Religion, a-
voient coutume d'offrir à leurs Idoles la
plus belle fille qu'ils pouvoient trouver ,
quand ils croyoîent que leurs Dieux é-
toient irritez contre eux ; ils penfoient
fort peu à les appaifer par la Repentan-
ce & par la reformation de leurs mœurs.
Si parmi les Chrétiens mêmes il fe trou-
ve des î^ns <Sc en grand nombre, comme
dans rËglife Romaine, qui croyent ex-
pier leurs péchez par des offrandes, des
pèlerinages , des macérations & autres
chofes de cette nature , peut - on s'ima-
giner, que des Sauvages qui n'ont aucun
des fecours pour cultiver leur Raifon
def.
Avril, Mai et Juin. 1739. 77
defquels les premiers jouïflent, foient en
état de fe convaincre que la Repentance
cil le feul moyen de fe rendre la Divinité
favorable ?
Mais quand leur Raifonpourroit attein-
dre jufques-là, les ailurera- 1- elle que
Dieu eft difpofé à les recevoir en grâce ,
& à leur procurer un bonheur parfait fous
cette condition? La Repentance efl nécef-
faire du côté du pécheur, mais donne-t-
elle quelque droit au pardon de la parc
de Dieu? Eft -ce une réparation fuffifan-
te de l'injure faite à la Loi <5c à celui qui
Fa donnée ? En qualité de fouverain Lé-
giflateur , & pour maintenir Tautorité de
Ion Gouver>iem.ent , Dieu ne doit-il pas
punir les coupables? Et fi l'on conçoit
qu'il peut quelquefois pardonner fans châ-
timent, ne conçoit -on pas aufTi^ que le
bon ordre exige qu'il fafle de tems en
tems des exemples de févérité, afin d'in-
timider les pécheurs & de les retenir dans
leur devoir? N'eft-ce pas ce qui fe pra-
tique tous les jours dans les Gouverne-
mens humains ; & ne font -ce pas-là les
premières idées qui fe préfentent à Tef-
prit , quand on refléchit fur ce fujet ? L*o-
béilfance qui fuit la faute , peut - elle la ré-
parer? N'eft-elle pas duc tout comme û
l'on n'avoit jamais péché ? & le Pécheur
n'a-t-il pas toujours également fujet de
craindre qu'il ne pon€ la peine de fon
crime ?
78 Bibliothèque Britanniquf,
A la vérité quand il refléchit fur la bon-
té de Dieu , il peut concevoir quelque
efpérance de pardon, ou en tout, ou en
partie, ou dans ce monde, ou dans l'au-
tre ; mais cela efl: encore fort incertain.
Car comme le dit très -bien le Dodteur
Clarke dans un de Tes Sermons pofthumes ,
qu'on cite à cette occafion *: Nous def-
cendons d'un Père coupable , ^ nous fnmmes
nous-mêmes aàuellement Pécheurs ; ainjî nous
ne fçaurions être tout au plus que des Péni^
tens-très imparfaits , âf qui méritent très-peu
de cboj'e , ô' les plus grands efforts de Repen-
tance dont nous /oyons capables , ne peuvent
tout nu plus que nous donner lieu d'efpérer
que Dieu nous remettra une partie de la pei-
ne que nous avions encourue^ mais non pas
qu'il nous accordera quelque recompenje. Sup-
pofé qu'un Payen pût venir à bout de fe
perfuader que Dieu lui pardonnera Tes
péchez précedens fous la condition d'une
lincere Repentance, fa Raifon lui appren-
dra-t-elle, qu'il lui pardonnera encore s'il
retombe dans les mêmes fautes ; qu'il lui
pardonnera tous les jours , quoiqu'il pè-
che contre fes lumières & malgré les vœux
les plus formels ; qu'il lui pardonnera juf-
qj*à la fin de fa vie, & qu*il ne le fera
point paffer, après fa mort, par des fouf-
frances delbnees à expier fes crimes & à
le purifier tout enfemble ? Sa Raifon l'af-
furc-
<f Tom. II. Serm. IX. p. ip8.
Avril, Mai et Juin. 1739. 79
furera-t-clle même, que vu l'imperfec-
tion de fa Repentance, Dieu ne le place-
ra point, au Ibrtir de ce monde, dans un
nouvel état d'épreuve , & que pour cet
effet il ne l'envoyera point animer un au-
tre Corps? L'opinion d'un Purgatoire
après cette vie, eft une opinion ancienne
parmi les Philofophes du Paganifme, ôc
un dogme favori de l'Eglife Romaine. P/a-
ton ditexpreflement, que les âmes de ceux
dont la conduite a été mêlée de bien 6* de
mal, vont dans VAcheron^ pour y être net-
toyées ^ purifiées , £^ qu'en fuite elles reçois
vent la recompenfe de leurs bonnes œuvres *.
La do^rine de la Métempfycofe , ou du
paflage des Ames d'un corps dans un au-
tre, eft aulîi très-ancienne, & a été gé-
néralement crue. On la trouve claire-
ment énoncée dans Virgile , dans Ovide
& dans Liicain, dont on cite ici au long
des paflages fur ce fujet. Et Céfar nous
apprend, que c'étoit auOi l'opinion des
Druides dans la Bretagne f . C'étoit celle
des anciens Bracbmanes , & c'eft encore
aujourd'hui celle des Bramines , leurs fuc-
celTeurs, dans le Malabar. Eft -il croya-
ble que les Sauvages de l'Afrique & de
l'Amérique puifTent avoir à cet égard de
plus faines idées, & parvenir fur ces di-
vers
♦ Dans Ton Phedo.
t Lib. VI, de Bell. Gall.
SoBiBLIOTHEQUE B R IT ANNIQ'UE,
vers articles à une plus grande certitude?
Ou plutôt le contraire n'eft-il pas mani-
fclle ? Et tout ce qu'on vient de dire , ne
prouve-t-il pas avec la dernière évidence,
quMl n'y a qu'une Révélation exprefle qui
puifie Tuffifamment éclairer & tranquilliler
les hommes îà-delTus?
Après que les deux Tenans de la Dif-
pute ont fini , le Modérateur refume en
peu de mots ce qu'ils ont dit de plus ef-
léntiel , & puis il donne Ton propre ju-
gement en fept Propoiitions , dont voici
la fubftance.
I. Dieu n'a jamais pardonné, ni ne par-
donnera jamais aux hommes fur la terre,
que pour l'amour & en confideration de
Jefus-Chrift fon fils; enforte que fi les
Payens font fauvez , ce ne peut être qu'en
vertu de la mort de ce divin Sauveur. Il
Tiy a point de falut en aucun autre; car
nul autre nom fous le Ciel n'a été donné aux
hommes par lequel nous puijfwns être fau-
vez. *.
II. Quiconque vit dans les lieux où
l'Evangile efl connu & prêché purement,
& néanmoins refufe jufques à fa mort d'y
ajouter foi, ne fçauroit être fauve, fui-
vant les déclarations de Jefus-Cbrift lui-
même , l'Auteur de cet Evangile : Ce/ui qui
ne croira point fera condawii t> Si vous ne
croyez
* Aa. IV. 12.
t ^larc. XVI. 15.
Avril, Mai et Juin. 1739. St
croyez que c'ejl moi, c.-k-d, que je fuis
véricablemenc le MelTie , vcus mourrez dam
vos péchez *.
1 1 1. Quoique l'EvangUe & la nature
même de la chofe, ne nous permettent:
pas de croire qu'aucun homme puifle être
iauvé qu'en vertu de la mort de Jefus-
Chrid, & que ceux qui rejettent volon-
tairement C\ finalement fa dodtrine, lorf-
qu'elle leur eft clairement annoncée, puif-
fent avoir part à la faveur de Dieu; ce-
pendant l'on ne fçauroit douter qu'il n'y
ait eu plufieurs perfonnes actuellement
fauvées fans avoir cru en Jefus- Chrift,
parce qu'elles n'en avoient jamais ouV
parler , de qu'elles ne pouvoient par con-
fequent avoir aucune idée de fa mort,
comme d'un facrifice expiatoire. Tels
étoient les premiers defcendans de Noé ,
un Abimeîecb Roi des PbiliJtiîUi un Mil-
chifedec Roi de Salem; un Job & fes qua-
tre Amis , &c. Il faut porter le même
jugement charitable de plufieurs Payens
qui ont vécu avant & après la maniféfla-
tion de l'Evangile. Car Ton ne fçauroit ,
fans faire injure à Dieu , fuppofer qu'ils
ayent été exclus du falut , uniquem.ent pour
n'avoir pas ajouté foi h une doctrine donc
ils n'ont point ouï parler, & dont il é^oic
rnême moralement impcffible qu'ils fùC-
fent inftruits.
IV. S*il
* Jean VIIL 24.
TomeXIIL Part.L F
82 Bibliothèque Britannique,
IV. S'il y a des Payens qui foienc fau-
v^ez fans la connoiOance adluelle de Je-
fus-Chrift-, oufans une Révélation divine,
on peut aûurer , que ce n'eft qu'autant
qu'ils croyexit les grands principes de la
Religion Naturelle, & qu'ils en obfervent
l.^s devoirs.
V. Mais coniîT.e tous les Articles de
cette Religion qu'on a décrics ci -devant,
fe déduilent de !a fimpîe confiderationde
la nature de Dieu, de celle de l'homme
dans l'état ou il 'eft aujourd'hui , & des
relations oii il e{t,foit avec Dieu, foit a-
vec Tes femblables ; & comme ces Arti-
cles ont entre eux une telle liaifon, qu'ils
peuvent être, & qu'ils ont efFeQivemenc
été réduits en fyPiême par la force de la
raifon de quelques Chrétiens , ce n'eft
pas une chofe abfolument impolTible de
fa nature, que des gens qui n'ont jamais
ouï parler de l'Evangile, les découvrent &
les réduifent aufii en fyftéme, en faifant
ufage de leur Raifon , quoiqu'il faille re-
con'noîcre qu'il eft beaucoup plus facile
pour unChrcLienque pour un Payen, d'en
venir à bout.
VI. Si même i! y a des peuples entiers,
comme les Sauva^^es de l'Afrique & de
l'Amérique, qui n'ont prefque aucune idée
de Religion, & s'il s'eil à peine trouvé un
feul Philofophe Payen qui ait eu une
connoiffance claire d'un fyftême de Reli-
gion Naturelle, tel que celui qu'on a d'a-
bord
Avril, Mai et jaiN. 1739. 83
bord expofé en peu de mots; il ne s'en-
fuit nullement, que la Raifon ne foit pas
fuffifante pour y conduire les hommes.
Une perfonne endormie ou yvre ne laifle
pas d'être une créature raifonnable, quoi-
qu'elle ne fafle pas aéluellement ufage de
fa Raifon. Elle a au dedans d'elle le prin-
cipe de la réflexion , ou la faculté de rai-
fonner, & dès qu'elle fera reveillée ou
délivrée de fonyvrelTe, elle fe fervira de
cette faculté , elle agira confequemmenr.
Les Sauvages de l'Afrique & de l'Améri-
que font comme des gens endormis ou
yvres;maisfi, par quelque heureufe ren-
contre, ils pouvoient être reveillez , rap-
peliez à la Raifon , guéris de leurs préju-
gez ,de leurs palTions & de leui's mauvai-
fes coutumes, il e(l très-poffîble qu'ils
vînlTent à bout de fe faire un fyftéme rai-
fonnable de Religion.
VII. Cepeadant , puifqu'une trille expé-
rience prouve qu'il n'y a eu qu'un très-
petit nombre de perfo'nnes , même par-
mi les Payens les plus civilifez & les plus
fages , dont la Raifon foit allée jufques-ià
par fes feules forces, & qu'il fe trouve
des peuples entiers qui ont à peine quel-
que idée de Religion ; il s'enfuit manî-
fertement, que là Suffifance de la Raifort
pour y conduire les hommes, eft une Suf-
fifance de pure fpécuîation y qui n'a point ou
très -peu d'influence dans la pratique: de
forte qu'il n'y a peut-être pas chez ce?î
F 2 mi-
g4 Bibliothèque Britannique,
miferables peuples un homme en dix-mil-
le , qui en fente l'efficace , au point d'ap-
percevoir les principes même les plus na-
turels. Ainfi , quoique la Raifon foit de
Ja nature fuffifante pour cela, elle ne rell
point réellement 6f de fait; enforte qu'il
faut nécelTairement quelque autre moyen ,
qui ne peut être qu'une Révélation célef-
te, pour fuppléer à ce défaut.
Dans le fécond de ces Dialogues Ton
difcute l'autre partie de la (^ueltion pro-
pofée, qui eft, de fçavoir lî la Raifon tou-
te feule peut fournir à l'homme des mo-
tifs fuffifans pour le porter à la pratique
de fes devoirs, & le conduire par ce
moyen à la félicité. L'excellence natu-
relle de la Vertu , les Peines & les Re-
compenfes d'une autre Vie, fourniffent fans
doute des motifs capables de nous déter-
miner au bien: mais la Raifon découvre-
t-elle ces motifs à tous les hommes ? Ou
du moins les leur découvre -c- elle avec
cefte évidence néceflaire pour les tou-
cher? On a fait voir auparavant que non,
fur-tout par rapport aux Sauvages de l'A-
frique & de TAmérique. En particulier
le dogme des Peines èc des Recompenfes
à venir , e(t-il fi bien établi par les feules
lumières de la Raifon, qu'on ne puiiTe pas
en douter? Tout ce à quoi l'efprit hu-
main, abandonné à lui-même , peut s'éle-
ver fur ce fujet, fe réduit à une grande
probabilité. Car après tout, Dieu ne pour-
roit*
Avril, Mai et Juin. 1759. S^
roit-il pas anéantir nos âmes? Et quelle
proportion y a-t-il entre une vertu aulîi
imparfaite que la nôtre, & une éternité
de bonheur après la mort? Cependant ce
font -là tous les motifs que la Raifon mê-
me la mieux cultivée peut fournir , au
lieu que la Révélation y en ajoute plu-
fleurs autres très - efficaces , & propofe
ceux-ci même avec une clarté & une
évidence qui perfuadent. Cefl l'Evangi-
le qui met dans tout fon jour la beauté
de la Vertu, la laideur du Vice, les heu-
reufes fuites de Tune , & les funeftes ef-
fets de l'autre ; qui nous donne une plei-
ne certitude de l'immortalité de l'ame ,
de la Réfurredlion du corps , du Jugement
à venir , des Peines 5c des Recompenfe»
éternelles; qui tire du myitère de notre
Rédemption les motifs les plus forts pour
nous porter à bien vivre ; qui nous expo-
fe , dans la même vûë, l'exemple des Saints ,
des Martyrs, & fur -tout celui de Jefus-
Chrift , l'Auteur de cet Evangile & le mo-
dèle de vertu le plus parfait qu'il foie
polTible de concevoir; & qui enfin, pour
nous y déterminer plus efficacement en-
core, nous promet un fecours furnaturel,
une grâce fanftifiante qui fuppléera à no-
tre fcibleffe naturelle. La Raifon ne fait
rien de femblable ; & fi , malgré des mo-
tifs fi puiflans & en fi grand nombre , on
voit tous les jours une infinité de Chré-
tiens s'abandonner au Vice , efi:-il croya-
F 3 ble
S6 Bibliothèque Britannique,
ble qu'elle ait aflez de force pour porter
ceux qui n'ont point d'autre guide, & fur-
tout les Sauvages de l'Afrique & 'de l'A-
mérique, à fuivre les règles de Vertu qu'el-
le préfcrit ?
Cette dernière réflexion donne lieu à
uiie objedtion ; c*eft qu'on peut tout aufli-
bien conclure de la mauvaife conduite
des Chrétiens, que la Révélation efl in-
Juffifanté , que de conclure des défordres
affreux des Payens , que la Raifon eft in-
Juffi farde. Mais on répond : i. Que cela
îl'empéche pas que la Révélation ne l'em-
porte de beaucoup fur la Raifon , puifque,
comme on vient de le voir , les motifs
qu'elle propofe font incomparablement
plus puiflans & en plus grand nombre ;
enforte que fi ceux que la Raifon bien
cultivée peut fournir, peuvent être regar-
dez commQ fuffifans pour furmonter tou-
tes les tentations au mal , ceux que la
Révélation nous offre, doivent être d'au-
îant plus fiiffi/ans qn'ih l'emportent davan-
tage , & en nombre & en force. D'un au-
tre côté, il ces derniers motifs, malgré
leur nombre & leur force, fe trouvent
inefficaces par rapport à la plupart de ceux
qui en font inftruits, n'efl-il pas mani-
fefle que les motifs de la Raifon , aban-
donnée à elle-même, lefquels font, &
beaucoup plus foibles, &en beaucoup plus
petit nombre , doivent être fort injufifans
en comparaifon ? En fécond lieu , il y a
eu
Avril, Mai ft Juin. 1739. 557
eu dars tous les ficcics de l'Eglife une
multitude de Chrétiens, que les motifs ti-
rez de TEvangile ont porté à renoncer
au Vice ù. d. s'attacher à la Vertu, fur-
tout lorfque la lumière de cet Evangile a
brillé dans toute fa pureté. Mais a-c-on
jamais vu parmi les Nations Payennes,
même les plus civihlees, un nombre tant
foit peu confiderable de véritables gens
de bien? S'il faut en croire Diogene Laer-
ce (Se d'autres anciens Auteurs, la plupart
desPhiloibphes les pi us renommez étoienc
efclaves des vices les plus honteux. Et
quand il fe feroit bien trouvé de tems en
tems quelque homm.e réellement vertueux ,
cela pourroit-il être mis en comparaifon
avec le nombre des vrais Chrétiens dans
tous les tems & dans tous les lieux? L'Au-
teur croit qu'aujourd'hui même, dans la
Grande-Bretagne , il y en a cinquante, con-
tre un honnête Payen dans le iiécle d'Au-
guO:e;en quoi il f^iit beaucoup d'honneur
«î fa Nation. Et que fera- ce , fi Ton fe
tranfporte parmi les Hottentots ou les Iro-
quois? S'y trouvera -t-il bien un homme
de probité, contre plufieurs milliers qu'il
s'en rencontrera dans cette Tfle?
Mais, dit le Déifte , il fuit de ce cal-
cul , que les motifs de la Raifon ne font
pas abfolument infuffijans , puifqu'on ac-
corde qu'ils ont eu allez de force pour
engager quelques Payons à bien vivre;
<3c s'ils ont été fuffifans par rapport à un
F 4 petit
^^8 Bibliothèque Britannique,
petit nombre d'hommes , quelque petit
qu'on le fuppofe, pourquoi ne le feroient-
ils pas par rapport à tous les hommes,
vu qu'ils ont tous les mêmes facultez na-
turelles ? Rien n'efl moins jufte que cette
confequence, répond le Théologien; c'elt
tout comme fi Ion difoit, la Ra^ifon a été
Juffifante dans un Euclide pour inventer un
beau fyftême de Propojitions Géométriques ,
dans un Locke pour écrire un excellent
Effai fur r Entendement Humain, & dans un
Virgile pour compofer un admirable Poè-
me Héroïque : donc elle eft fiiffifante chez
tous les hommes pour les mectre en état
de publier de pareils Ouvrages. Q^ui ne
voie le ridicule de cette conclufion? Tous
les hommes peuvent-ils être des EucUdes ,
des Lockes , ou des VirgiUsl II s'agit ici,
comme on l'a établi dès le comimcnce-
ment , d'une Siiffifance qui regarde , non un
petit nomibre d'hommes privilégiez ^ mais
tous les hommes indifféremment ; & de
ce qu'il s'efl trouvé , ou qu'il fe trouve
peut-être encore, parmi lesPayens quel-
ques perfonnes qui vivent conform^ément
à la Raifonjilne s'enfuit pas, que laRai-
fon ait afiez de force par elle-même , pour
les porter tous , fans diltinêlion , à la prati-
que de la vertu. D'ailleurs, il y a bien
de l'apparence, que ceux d'entre les Payens
qui en ont fuivi les règles , ont eu quel-
que commerce directement ou indireête-
ment avec les Juifs ou avecles Chrétiens ,
ou
Avril, Mai et Juin. 1739. 89
ou quelques idées de la Révélation par
le moyen de la Tradition. Car l'on peuc
juftement douter , fi , fans un fecours exté-
rieur de cette nature , il y a jamais eu
dhomme véritablement pieux , & fi l'on
examine les exemples des perfonnes de ce
caractère dans le Paganifme dont l'Hif-
toire fainte ou profane fait mention, l'on
verra qu'ils ont en effet plus ou moins
joui de ce fecours.
Il paroît par tout ce qu'on vient de di-
re, que la Q^aeftion propofée doit fe dé-
cider de la même manière que la précé-
dente ; c'eft-à dire que la Raifon eft bien
Juffifante de fa nature , âf abfohimenî parlant ,
pour porter , du moins jufques à un cer-
tain point , les hommes à la Vertu ; mais
ce n'efl qu'une Suffifance idéale ^ de pure
fpéculation , car dans la pratique elle eft
réellement infujfifanie : l'expérience prouve,
qu'il n'y a que les motifs tirez de la Ré-
vélation qui puifient nous déterminer ef-
ficacement à bien vivre. Je ne fçais fi cet-
te diftinQion plaira également a tous les
Théologiens ,• mais l'Auteur fe flatte de
pouvoir terminer par ce moyen toutes
les difputes qui fe font élevées fur cette
matière, s'imaginant que ceux qui, com-
me Mr. l'Evêque de Londres * ôc le feu
Dr,
* Dans fes Lettres Pajlorale^
90 Bibliothèque Britannique,
Dr. Clarke *^ ont foutenu que la Raifon
n'étoic pas fuffifante pour conduire les
hommes à la Religion , & par la Religion
au Bonheur d'une autre Wïq , ont voulu
parler d'une Sufîfance actuelle ^ de prati-
que-^ & que ceux au contraire qui ont
prétendu qu'elle étoit fuffifante pour cette
fin, ont voulu parler d'une Suffifance na-
turelle ^ éloignée èf abjlraite. Seulement il
auroit été à fouhaiter qu'ils fe fulTent ex-
pliquez comme on vient de le faire , &
cela auroit prévenu toutes les contefla-
tions.
Dans la fuite de ce Dialogue , Sophro-
niuSi le Modérateur de la Difpute, jufti-
fie par PHiftoire ancienne & moderne ce
que l'on a établi touchant l'Infuffifancede
la Raifon dans la pratique. Il décrit au
long les Idées & les Coutumes de plufieurs
Nations Payennes en matière de Religion,
& il fait vo'ir que rien n'eft plus oppofé
à la faine Raifon, rien plus extravagant
6i plus abominable. Il commence par
les Sauvages de l'Amérique feptentriona-
le, & ce qu'il en dit eft tiré d'Hennepifi
& d'autres Miiïionaires qui ont écé long-
tems fur les lieux. Il parle enfuite des
Hottentoîs, à. rapporte ce qu'on trouve
fur
* Dans fon Traité de la Vérité de la Religion
Chrétienne.
Avril, Mai et Juin. 1739. 91
fur ce fujec dans VHiJtoire du Cap de Bon-
ne-EJpérance de Mr. Kolben , donc nous a-
vons donné un Extrait dans cette Biblio-
thèque *. Les Relations que nous avons
de la Nova-Zembla , de la Nouvelle Hollan-
de & de rifle de Java , ne nous donnent
pas une meilleure idée des habitans de
ces Païs. En Europe même, les Laponois,
& les Rujftens au Nord de la Mofcovie , ne
font -ils pas plongez dans l'Idolâtrie &
dans les fuperltitions les plus honteufes ?
Ils ont quelque teinture de Chrifl:ianirme ,
mais leur Religion eil toute Payenne , &
bien éloignée de les porter à l'a vertu ;
car ce font peut-être de tous les peuples
du monde les plus vicieux & les plus bru-
taux. De -là l'Auteur fe tranfporte dans
le Pérou & le Mexique)^ n'y trouve rien
de plus édifiant. La Chine , toute civilifée
qu'elle efl:, n'offre à fon examen qu'Ido-
lâtrie & qu'erreurs groflieres & monilrueu-
fes. Il finit par VcinciQnnt Bretagne, l'an-
cienne Grèce & l'ancienne Rome , & iî
fait voir que les plus grands Philofophes
même du Paganirme,onc été dans l'igno-
rance en matière de Religion , adonnez
à la fupcrflition &: fujets à des défordres
honteux.
* Voyez les Tom. IV. V. & Vî.
ARTI-
p2 Bibliothèque Britannique,
A R T I C L E I V.
NÎNETEEN LETTERS of the truly
Révérend and Learned Henry HAM-
MOND , D. D. {Author ofîbe Anno-
talions on tke Ne-vo Tejlament , ^c. )
ÎVriîîen to Mr. Peter Staninough and
Dr. Nathanael Ingelo : many of them
on 'very curlous fubjcàs. Now firjî pu-
hlisbed from the Originals communicaîed
by the very Révérend Mr. Robert Marf-
den,B. D. Arcbdeacon nf Nottwgham\
and ibe late pious Mr. Jobn Worthing-
ton , M. A. and iUiiftrated 'ujiîb Azo-
tes , By Francis PECK, M. A.
^vvayaiyiri tx Trep/crguV livrât yj.xc-^oi»
rcc^l'vcc y.>) t/ cIttÔKy^-çoli, Joanil. VI. 12.
London. Printed for T. Cûoper , at the
Globe in Pater-nofter-Roiv. 1739. C'effc-
à-dire : DiX-NhUF LETTRES du
Doreur Henry HAMMOND ( Au^
îenr des Notes Jur le Nouveau Tejla-
ment) publiées po'îr la première fois ^
accompagnées de Remarques, par Fran-
çois P ÈCK, MaÙre-èS' Arts, A Lon-
dres. C/;c2; T. Cooper , ^ l' En feigne du
Globe dans Pater -nofîer-Reiv, 1739.
Oflavo. Pazcs. 8i.
SI
f^
Avril, Mai et Juin. 1739. 93
SI NOUS avions donné en François
le Ticre de cette Brochure dans Ion
entier, on auroic remarqué que le Col-
lecteur dCvS Lettres de Hammond y a mis,
en forme de Sentence ou de Devife, ces
paroles de l'Evangile : RamaJJtz les mor-
ceaux qui rejicnt , afin que rien ne fe perde '■'»
Les Anglois font fort dans le goût des
Sentences à la tête de leurs Livres; (SceU
les y font quelquefois appliquées fortheu-
reulèment. Nous ne doutons pas qu'on
ne mette celle-ci au nombre de celles
dont l'application a quelque chofe d'heu-
reux, par cela même qu'elle eit détournée
& tout- à- fait inattendue. Nous ne dou-
tons pas même que nosLefteurs ne trou-
vent l'applicarion Julie &; raifonnable. Les
Lettres d'un homme du mérite de HAM-
MOND , & d'une réputation aulîi bien
établie que la Tienne , doivent être regar-
dées commue de précieux reftes, dignes
d'être recueillis <5c donnez au Public. En
quoique dans ces fortes de Collections
tout ne puifTe pas être également inté-
reflant , ni intérelTer également tout le
inonde, il nous femble q'u'il faudroit tou-
jours encourager, & ceux qui les publient,
& ceux qui y contribuent par la commu-
nication des Pièces qu'ils ont entre les
mams.
Des
* Jean VI. 12.
94BrBLioTHEQUE Britannique,
Des dix -neuf Lettres annoncées dans
le titre , il y en a dix- huit à Mr. Pierre
Staninough, qui ont été communi-
quées à l'Editeur par Mr. Robert M A r s-
DEN, Archidiacre de Nottingham, dont
le Père avoit époufé la Veuve de celui à
qui elles font iddreirées. La dix -neuviè-
me a été communiquée par Mr. Jean
WoRTHiNGTON, Maîtrc-ès-Arts,
qui eft mort depuis ce tems-là, au mois
de Février ou de Mars 1738. Il avoit été
pendant quelque tems Membre du Collè-
ge de St. Pierre à Cambridge , après avoir
fait fes études dans la même Univerfité
au Collège du Roi, où il avoit été placé
comme un des Ecoliers du Collège d'E-
tofi, nommez à cet effet par le Fice-PreDùt
de ce derni-er Collège. Le Vice -Prévôt,
par qui il avoit été nommé, & avec qui il
paroi'c avoir été lié d'amitié, étoit le Doc-
teur Ncdhanaél I ngel o. Or c'eft à ce
même Dofteur Ingelo que s'addrelTe la dix-
neuvième Lettre de Hammond;& il y efl
par'é d'un Docteur JVorthington en termes
avantageux, à l'occafion d'un Livre qu'il a-
voit publié. Ce Worthington étoit appa-
remment le Père , ou quelque proche Pa-
rent de celui qui a communiqué la Let-
tre à l'Editeur.
Cette Lettre eft une des dernières cho-
fcs que Hammond ait écrites ; car elle efl:
datée du vingt -fept de Alars , mil fix-
cens foixante , ù. il mourut au mois d'A-
vril
Avril, Mai et Juin. 1735)^. 95
vril de la même année, foit le vingt-
cinq, comme le dit Wood dans VA-
thenœ Oxonienfes\ foit le vingt-fept, com-
me le marque Richard Smith dans fon
Obituaire. Le Doâeur Ingelo avoit pu-
blié des Sermons de fa façon ; il en avoit
envoyé un Exemplaire au Dodeur Ham-
mond , & il avoit accompagné fon pré-
fent d'une Lettre. Celle de Hammond
contient un Remercîment , précédé de
quelques politefles très -obligeantes, &
fuivi de deux Obfervations Critiques ,
dont la féconde , fondée fur un paflage
d'KNE'E de Gaza, dans fon Dialogue in-
titulé Tbéopbrafte,ét3b\ït , comme une cho-
fe fort probable , que le Hie'rocles,
Commentateur ÛQSf^ers dorez de Pytbagore ,
doit être diftingué duHiE'ROCLES
contre qui Eufebe a écrit, & qui s'eft ren-
du fameux par fa comparaifon d^ Apollo-
nius de Thyane avec Jefus- Chrift. On ne
fera pas fâché de trouver ici les princi-
pales paroles d'Enée , qui ont fait naître la
conjedlure de Hammond. 'IfpoMXvjç ^i > bk
y.ÛTlCi , âT/ÇOV 'ACtî T8TO TrpOfTc'^.VlVtfV*
La première des dix -huit Lettres ad-
drclTées à Mr. Pierre Staninough,
elt datée du dix-feptième jour de Juil-
let. Cela ne nous apprend, ni en quelle
année , ni de quel lieu elle fut écrite.
Mais on fçait d'un côté ,par le témoigna-
or»
p6BlBLI0THEQUE BRITANNIQUE,
ge de îVood , que le Docteur Hammond,
Sous -Doyen de rEglife de Chrift à Ox-
ford en mil lix- cens quarante -fepc,
paila au moins une partie de cette année
dans cette même Ville, ou il fut détenu
prifonnier pendant plufieurs femaines, a-
près avoir été dépoiledé de fon Sous-
Doyenné par les Vifiteurs du Parlement :
& l'on voit aflez clairement d'un autre
côté , par la confrontation de la premiè-
re Lettre avec les deux fuivantes , qu'il
faut qu'elle ait été écrite cette même
année 1647. Il fut transféré de fa priibn
d'Oxford , dans une autre prifon plus dou-
ce à Clapham, près de Bedford, chez Mr.
Philippe Warwick, qui dans la fuite fut
fait Chevalier par Charles II. Ham-
mond annonce ce changement dans fa
troifième Lettre, cornm^ une chofe arri-
vée depuis la féconde, qui eft datée du
vingt-quatre de Juillet, 6c qui paroît ma-
niféTtement n'avoir été écrite qu'après
celle qui eft placée la première. Celle-ci
ne peut donc pas être poftérieure à l'an
1617.: & elle ne peut pas non plus y
être antérieure. Hammond y parle en
termes qui fuppofenc que Thomas F a r-
^• AKi B , Maître d'une fameufe Ecole de
Sennok ou Se-'cenoak, dans le Comté de
Kent , homme connu dans les Pais étran-
gers fous fon nom latinifé depAKNA-
B I u s , étoic déjà mort lors de cette pre-
mière
Avril, Mai et Juin. 1739. 91
filière Lettre : Et nous apprenons de IVood,
que Farnabius ne mourut que le douze
de Juin mil fix-cens quarante -fept. Nos
Ledeurs nous pardonneront cette petite
difcufîîon , en faveur du plaifir qu'il y a à
fçavoir, dans quel tems & dans quel lieu
il faut fe tranfporter, foit pour être au
fait de ce qu'on lit, ou pour en tirer quel-
que lumière hiHorique. On entrevoit
dans cette première Lettre , que Mr. Sta-
ninougli avoit été employé par Farnabius
pour enfeigner les Humanitczdans Ton E-
cole , & qu'il s'y étoit acquis une ré-
putation de capacité qui lui faifoic hon-
neur.
Il paroît par la féconde Lettre, datée
du vingt-quatre de Juillet de la même an-
née, que la Veuve de Farnabius conti-
nuoit à tenir l'Ecole du Défunt, & qu'elle
fouhaitoit d'y avoir Mn Staninough*
La troifième prouve , qu'il y alla bientôt
après , ^ parle des progrès & de la fa-
gefle de deux de fes Elèves, dont l'un
étoit François Farnabius , fils de Thomas.
Cette Lettre nous apprend auiîi , que le
deux d'Odlobre, jour qu'elle fut écrite,
il y avoit déjà quelque tems que Hammond
étoit à Clapham chez Mr. Warijoick , &
qu'il v étoit aflez en liberté , quoique pri-
fonnièr: In a Kind of LIBERA CUSTO-
DIA.
Dans la quatrième Lettre (qui indique
en termes vagues une interruption de Cor-
TomeXIII. Part, L G leP
98 BlIîLIOTHEQUK BRITANNIQUE,
refpondance) le Doéleur Hammond féli*
cite Mr. Staninough , au fujet des agrémens
qu'il trouvoic dans une nouvelle fituation»
]l étoit entré chez le Chevalier Robert
Pye à Faringdon, & l'on voit par une des
Lettres fuivantes, que c'étoit pour avoic
foin de l'éducation de fon Fils , ou peut-
être de quelque autre jeune Gentilhom-
me ; car cela n'efl: pas bien déterminé.
La cinquième Lettre le complimente
'fur fon Ordination, & fuppofe qu'il con-
tinuoit à être agréablement dans la mai-
fon de fon Chevalier. Elle ell datée du
deux -de Juillet, & renferme un mot, qui
infmue qu'elle fut écrite de chez NÎr.
Wari-o'ch Si l'on peut inférer de -là, que
le Docteur Hammond y étoit encore, il
faudra qu'elle ait été écrite en mil fix ,
cens quarante -huit; car il n'y fut pas un
an: c'eft-là au moins ce que fignifient
naturellement les expreffions de Wood ^
qui dit que Hammond, après avoir de-
meuré dans cette maifon plufieurs mois
(feveraî Months ) fut à la fin relâché. Ain-
û la date de cette Lettre peut faire ju-
ger à -peu -près en quel tems & de quel
lieu fut écrite la précédente , qui n'a ab-
folument aucune date.
La lixième félicite encore une fois Mr.
Staninough fur fa fituation, & contient
de plus , quelques avis fur la méthode qu'il
doit fuivre avec fon Elève. Cette Lettre
e(t vraifemblablement de la même année
que
Avril, Mai et Juin. i73y. s>ù
que Ja précédente. Elle eft datée du
vingtième d'Août.
Et depuis ce tems-là on ne voit plus
ce qu'efl. devenu l'Ami du Dod^eur Ham-
mond, julqu'au trente-&-un de Mars mil
lix-cens cinquante -fept, qui eft la date
■de la feptième Lettre ,dont l'addrefie por-
te, ainli que celle des fuivantes :A Augh-
îon près d'Ormkirk dans le Comté de Lancaf-
tre. Cette Lettre confifte en quelques par-
ticularitez littéraires. La plus remarquable
regarde ïHiftoire du Pélagianifme par V o s-
sius. Hammonddit, que Richard Mon-
taigu y Evêque de Ncr'wich f^\ oit fouvenc
&cnnfidemment alîuré^que cette Hiftoire
avoit été compilée à l'aide des Recueils
de TEvêque Overall. „ Thac
„ VoJJlus' Pel. Hift. was compiled out of
5, Biftiop OveraWs Collerions , was fre-
■„ quently and confidently affirmed by the
„ late Bifhop [Richard'] Montagne of AV-
„ wicb , a great admirer of that Bifliop.
La Lettre VII L en date du douze de
Juin mil fix-cens cinquante -fept, of-
fre d'abord quelques par ticularitez aflez
détaillées qui tendent à prouver, que le
célèbre Ufher , ouL[/7èn'z/j,pîurieurs années
avant fa mort, avoit reconnu une Grâce
Univerfelle, quoiqu'il ne la reconnût pas
égale pour tous: non ex ^quo pro om-
nibus. A propos de quoi Hammond fe
rappelle ces paroles de St. Maxime ( -/.-C).
'xs^t clyccjvjç } Xpi:;o; viçsp tt.'^^twv ES ISOï,
G 2 „ Ces
100 Bibliothèque Britannique,
„ Ces derniers mots, dit- il enfuice,
„ m'ont long-tems embaralTé, & je n'ai
„ pu deviner pourquoi ils écoienc-là,
), que lorfque j'ai vu qu'il y avoit quel-
„ qu'un qui, en convenant de Vâzé^avev uT^p
i9 TTxvTui-j , ne vouloit pourtant pas con-
„ venir de IVJ fjs '^ UlTerius ayant prê-
ché fur rUnivcrfalité de la Grâce, un
Sermon qu'il nommoit un Sermon fau-
veur des âmes ( a Souk-faving Sermon ) (Se
qui avoit pour Texte ces paroles de l'E-
pître aux Romains VIII. 29. Ceux qu'il a
appeliez , il les a aujji jujlifiez ; un fçavant
Théologien vint lui faire cetce queftion:
„ Peuvent-ils tous vouloir? Dieu donne-
„ t-il à tous ceux qu'il appelle par faPa-
„ rôle , la Grâce intérieure qu'il leurfauc
„ pour fe repentir s'ils le veulent, &
,, pour être certainement en état de le
,, vouloir ''? A quoi UlTerius répondit;
Oui, ils peuvent tous vouloir: Et s'il y en a
tant qui ne veuUnt pas , c'ejl que , comme je
rai dit dans mon Sermon, ils réfijient à la
Grâce de Dieu^ & font dans le cas de ceux à
qui V Ecriture dit : ,, Gens de col roide (f in^
„ circoncis de cœur ^ d'oreille , vous ne cef-
,/fez de réfijler au Saint-Efprit ". Adl. VII.
51.... Enfin l'Evêque O v E r A L L avoit
r ai/un , 6* je fuis de fon avis. Nous lai fie-
rons à nos Lecteurs le plaifir tout entier
de faire là-defTus des réflexions. ■■
La plus grande partie de certe Lettre rou*
ie fur un autre fujet. Il s'agit de la Fsm^
Avril, Mai etJuin. 1739. loi
me-So EUR, ou Sœur -F h m m f. de Se.
Paul, I Cor. IX. 5. On croie aflez com-
munément que l'Apôtre parle de la liber-
té qu'il auroit de mener avec lui une E-
poule Chrétienne, laquelle, ou il avoit, ou
il pouvoit avoir. Himmond prétendoic
avec quelques Anciens , qu'il parle de quel-
qu'une de ces Femmes pieufes & charita-
bles qui pourvoyoient de leur bien à la
^fubfiftance des Apôtres : fur quoi Ton peut
Toir fa Paraphrafe du Nouveau Te(ta-
ment. Mr. Staninough lui avoit écrit en
. faveur du fentiment ordinaire , 6c lui a-
voit allégué , à ce qu'on voit , ou du
moins à ce qu'on entrevoit, le Livre de
C A L I X T E de Conjupo Clericorum. Ham-
mond lui répondit dans cette Lettre,- &
cela fait une petite Diflertation , que nous
traduirons d'autant plus volontiers, qu'elle
pourra fervir de réponfe en même tems ,
& aux Argumens deCALiXTE, qui y eii
critiqué, & à la Critique de Mr. le
Clerc, qui dans fes Motes Latines fur
le Nouveau Teflament,a tâché de réfu-
ter la Paraphrafe de notre Auteur. Nous
donnerons la tradudlion de ce morceau
dans un Article à part.
La Lettre IX. datée du huit de Sep-
tembre , mil fix-cens cinquante -fepc,
commence par ces paroles; ,, Je puisa
„ préfent vous aiiurer , que le Livre de
if Mr. Pcirce contre Reynolds a été publié
^' 3 « il
I02 Bibliothèque Britannique,
,i il y a environ un mois. Et j'ai appris
„ depuis ce tems-là,que Ton premier Ad-
f, verfaire faifoit imprimer de nouveau
M quelque choie contre lui *'. Voilà des
parcicularitez qu'on trouvera peut-être
Dien peu intéreOantes aujourd'hui . & qui
en effet ne ferviront peut-être jamais
à rien. Mais quoi qu'il en foit de celles-là
nommément, nous avons été bien aifes
de les rapporter , pour en prendre occa-
fion de faire une remarque dont les bons
Efprits nous feauront gré , û les beaux
Efprits ne la goûtent pas : c'eft que ces
fortes de particularitez , quelque indiffé-
rences qu'elles paro'ffent, ne fçauroienc
être confervées avec trop de foin par
quiconque donne au Public les Lettres
d'un Sçavant. Il n'eft pas toujours indif-
férent fans doute , de fçavoir en quelle
année une Lettre a été écrite, & il ar-
rive quelquefois qu'une Lettre n'a point
de date, ou que la date ne marque point
Tannée. Cette même Lettre annonce-t-
elle un Livre nouveau ?0n apprend d'ail-
leuris l'année du Livre , & Ton a ainfi cel-
le de la Lettre. Ce n'eft pas non plus
une chofe toujours indifférente que de
s'afTurer en quel tems de l'année un Li-
.vre a vu le jour; & le Livre cependant
vous indique firaplement Tannée : fouvenc
même il n'indique pas Tannée véritable.
Jl y a long-tems que les Imprimeurs ont
perdu
I Avril, M AIE T Juin. 1739. 103
! perdu l'ufage de marquer le mois &: le
jour où l'imprefTion a été achevée : ajou-
tez qu'il y a des Livres qui ne fe pu-
blient pas 'd'abord après rimpreffion. U-
il ne Lettre qui fera datée exaftement, ou
dont on pourra découvrir la date précife
moyennant une certaine confrontation ,
vous tirera de votre incertitude , ou de
votre embaras, au fujet du tems de la pu-
blication d'un Livre, toutes les fois qu'el-
le vous dira, comme ici Ta Lettre de
Kammond. Il y a u?i mois qu'un tel Livre
paroît. Nous avons rapporté le
commencement de cette Lettre, nous en
rapporterons la fin ; & remarquerons que
Hammond y parle d'un Ouvrage de fa
façon qui n'a jamais été imprimé que
-nous fçachions , & qui pourroit bien ce-
pendant n'être pas tout -à- fait perdu. Il
s'agit d'un Ouvrage fur le Purgatoire ^
fur la Prière pour les Morts. „ J'ai écrit,
99 ( dit -il) j'ai écrit aflez amplement fur
„ ces deux fujets; mais je n'ai pas mes
„ Papiers entre les mains. Je me con-
,, tente de vous envoyer quelques cour-
99 tes Obfervations que des Livres m'onc"
9, fournies. Vous les lirez, fi vous pou-
„ vez : & quand vous aurez vu ce que
„ c'ell: , vous me les rendrez.
La Lettre X. pourroit nous fervir
d'exemple, fi nous voulions développer
& prouver la Réflexion que nous avons
faite à l'occafion de la précédente. Car
G 4 l'E-
ïO-}.BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
l'Editeur; n'avoit trouvé d'autre date dans
l'Original de cette dixième Lettre^ que
k 2 1. de Décembre: (Se il n'a pourtant pas
craint, ni n'a dû craindre d'ajouter en-
tre deux crochets les chiffres qui mar-
quent Tannée mil fix-cens cinquante-
Sept : pourquoi? Parce que, d'un côté,
dans cette Lettre du vingt-&-un de Dé-
cembre , Jeaai Bramhall , Evêque de Ber-
ry , paroit avoir deux Ouvrages prêts à
être publiez ; & que l'Editeur fçait d'un
autre côté, par Pinfpeclion d'un de ces
Ouvrages , qu'il fut publié en mil Cx-
cens cinquante-HuiT. C'eft ainii enco-
re que ^Ir. Peck s'eft mis en état de
marquer Tannée de quelques-unes des
Lettres fui van tes, qui n'avoient, comme
celle-ci , que la date du mois &: du jour,
quoiqu'il ait négligé d'en avertir le Lec-
teur. Cette Lettre au refte eft écrite
d'une mianière un peu énigmatique. Peut-
être cela vient -il de ce qu'elle roule fur
les affaires du tems, au fujet defquelles
Li prudence pouvoit exiger qu'on s'ex-
primât quelquefois en termes couverts.
Elle commence par une Rembarque vague
fur quelques pafTages de St. Bafile & de
St. Jérôme que Mr. Staninough avoit al-
léguez: cela eft fuivi d'une Explication
fur le Re,2;ne fpirituel ou temporel deje-
fus-Chrift. Et puis il eft parlé tout-à-
coup de quelqu'un dont on ne dit poine
le nom5<5w qu'on défjgne néanmoins com-
mç
■ Avril, Mai et Juin. 1739. icj
tne s'il avoit été nommé auparavant , qui
^prétendoit que Grotius & tous les Parti-
fans de l'Epifcopat, avoientdcs vues pour
établir le Papifme , fi-rxon à rEfpagnole ,
au moins à la Françoife -, bien que ce mê-
me Anonyme avouât , que le Cardinal de
Richelieu avoit trempé dans tout ce qui
s'étoit fait en Angleterre pour y abolir
TEpifcopac, <S:c.
Le principal fujet de la Lettre XI. écri-
te le 6. d'Avril 1658. eft une Réponfc
à quelques objedlions de Mr. Staninough
contre le Sydême de la Grâce Uni-
vers ELLE. L'Ecriture s'addrelTe aux Chré-
tiens , ou à ceux qui doivent être appel-
iez au Chridianifme. Donc c'eft pour
eux qu'elle établit ce qu'elle dit que Dieu
exige. Quant à ceux du dehors, Dieu hs
juge: I Cor. V. 13. & û l'Ecriture ne
nous autorife pas à décider pofitivemenc
que Dieu veut leur falut, aulfi-bien que
celui des Chrétiens, elle femble au moins
nous l'infmuer. Prêchez V Evangile , die-
elle, à toute Créature; Celui qui croit . . .
fera fauve ; celui qui m croira pas , fera dam-
né'. Marc. XVI. 15. 16. Donc elle fup>-
pofe la Prédication quand elle damne ceux
qui n'auront pas cru : donc elle n'exclut
point du falut, ceux à qui la Prédication
n'aura pas été addre(rée;à moins quelon
ne v^euille, ou damner auHî les Enfans
&lcs Idiots d'entre nous , qui ne croyenc
point, faute d'avoir la faculté de croire;
G ^ 914
io6 Bibliothèque Britannique,
ou dire qu'il eft plus poflTible de voir-
fans lumière que de voir fans yeux. Je-
fus-Chrift eft mort pour tous ceux à qui
il feroit prêché ; donc il eft mort pour
des gens parmi lefquels il y en a qui le
renient : donc il eft mort 'à plus forte
raifon, ce femble, pour ceux dont tout
le crime confifte à né le pas cônnoître.
La nouvelle Alliance que Jefus-Chrift a
établie par fon fang , n'exige rien au-de-
là du poiïible. Or il eft impofTible de
croire en lui, fi préalablement on n'en-
tend parler de lui. Dieu nous eft repré-
fenté dans l'Evangile , fous l'image d'un
Maître également prêt , & à recompenfer
le ferviteur qui n'a reçu qu'un talent, & à
punir celui qui en aura enfoui" plufieurs. Les
Chrétiens font dans le cas de l'un, les
Payens font donc dans le cas de l'autre :
car ils ont reçu un talent pour le moins.
jefus-Chrift ne leur eft point prêché: il
ne s'enfuit nullement de- là, qu'il ne foit
pas mort pour eux. Ceux qui connoiflent
le mérite de fa Mort, ne font pas tous fau-
vez; donc ceux qui l'ignorent ne font
pas tous damnez : & s'il n'eft pas more
pro fingulis , il eft mort au moins , comme
tout le monde en convient, pro gêner ihus
fingulorum. Perfonne n'eft exclus du droit
d'écre appelle par la Prédication, à jouïr des
fruits de la Mort de jefus-Chrift; car il
eft dit; Prccbcz à toute Créature: donc
perfonne n'eft exclus du droit de partici-
per
Avril, Mai et Juin. 1739. 107
per aux fruits de cette Mort. Si Dieu
venoit à châtier la Nation Angloile, com-
me il eft probable qu'il a châtié d'autres
Nations, en leur ôtant un fiambeau dont
elles ont méprifé la lumière , s'enfuivroit-
il de-là que Jefus-Chrift ne feroit point
mort pour la Nation Angloife? Les fruits
de la Mort de Jefus-Chrjfl doivent na-
turellement être aulîi anciens que fa More
elle-même. Or la Mort de JelUs-Chrift,
dans le décret de Dieu, eit auiîi ancien-
ne que le monde; Jefus-Chrift, félon
l'Ecriture, eil l'Agneau de Dieu qui a
été immolé dès la fondation des ficelés :
donc les fruits de la Mort de jefus-Chrifl
font antérieurs à la vocation du Peuple
Hébreu: donc les fruits de cette More
ne font pas pour un certain Peuple à
l'exclulion des autres: donc ils font pour
tous les Individus qui ne fe rendront pas
indignes d'y avoir part. — Iclles
font(li-non.mot-à-m.ot , au moins pour le
fens 3 les Réflexions par lefquelles le Doc-
teur Hammond tâche de Huisfaire Mr.
Staninough ; & nous les avons expo-
fées avec confiance, perfuadez qu'elles
plairoient & aux Ignorans &; aux Sçavans.
Aux Ignorans y \i2i\QQ qu'elles pourront leur
apprendre quelque chofe, & qu'il y a du
plaifir à s'inflruire. Aux Sçavans, parce
que vraifemblablement ils enjugeront feion
leurs divers préjugez , & qu'ainii ils au-
ront
ïo8 Bibliothèque Britannique,
ront tous du plaifir. Les uns auront le
plaifir de les trouver excellentes ; les
autres auront celui de les trouver pi-
toyables.
La Lettre XIL fait mention d'un Mr.
Sherlock. Cela ne mérite pas extrême-
ment d'être obfervé : ,mais à cette occa-
fion l'Editeur cite unpaflage de Wood, oîi
nous trouvons un fait qui eft aflez re-
marquable, au moins par fa fmgularité. Mr.
Peck a fuppofé avec beaucoup de vraifem-
blance (quoique fans en expliquer larai-
fon ) que le Sherlock dont il eft parlé dans
cette L«tre,étoit le même que celui qui
écrivit en 1654. contre les Quakres : &
dans cette fuppofition il a cru pouvoir
placer ici ce que Wood nous apprend
au fujet de cet Auteur. Nous croyons
qu'à notre tour nous pouvons en tranf-
crire une partie. Ce fera fon Epitaphe,
telle qu'elle fe lit dans l'Eglife de Win-
lixck , dont il avoit été Refteur , & oli il
cil q?terré. Exwoiœ Ricardi Sherlock, S.
T. P. indigniPîmi bujus Ecclejiœ Recloris ;
v'nit 20. die Junii Çanno œtatii 76. } A. D.
1689. Sal infaîuum conculcate. Il eft bon
de dire , que c'eft fon Epitaphe faite par
jui-même. L'Editeur au refte cite ÎVood
d'une manière qui n*cft pas bien exafte.
îl eft vrai cependant , qu'à l'égard du mot
infaîuum ^h citation eft très-exa6le.
Un endroit de cette Lettre prouve , que
quand
Avril, M AI ET Juin. 173p. 105
quand elle fut écrite , il y avoit déjà quel-
que tems que Mr. Staninough s'étoit ma-
rié , & qu^Adam Littleton venoit d'en
faire autant : fur quoi Hammond dit , qu'il
ne les en eftime pas moins» Ce Littleton \
eft le même qui efl fi connu en Angle-
terre par fon Diétionaire Latin. La Let-
tre qui annonce fon mariage , eft datée du
fix de Juillet. Si avec cela nous fçavions
l'année de la Lettre, nous fçaurions cel^
le du mariage. Mais bien que Mr. Peck
ait placé c^tte Lettre, ainfi que la trei-
zième, parmi celles de 1658. nous n'ofe-
rions alîiirer que ce fût-là leur véritable
place.
La XIIL Lettre paroît relative & pof-
térieure à la douzième. Hammond ycon^
tinue à parler du Mariage de Mr. Stani-
nough , & elle eft datée du vingt-troifiè-
me d'Août. Mais il y dit à l'oGcafion de
ce Mariage, qu'il a lu depuis peu Calixte
de Conjugio ClmcoTum ^ & il le recomman-
de en même tems à fon Ami , comme un
Livre très-digne d'être lu , & qui lui four*-
nira de nouvelles raifons en faveur de la
compatibilité du Mariage avec la Prêtrife,
Il femble, en un mot, lui parler de Calix-
te & du Mariage des Prêtres pour la pre-
mière fois. Comment cela fe peut- il,
fi cette Lettre a été écrite en mil fix- /
cens cinquante-ijMÙ? Le Dofteur Ham- (
mond & Mr. Staninough ne s'étoient-ils ^
pas déjà entretenus de Calixte (Se du Ma-
riage
1 1 10 3 I B L I b T H E Q U E B R I T A N N I q U E ,
liage des Prêtres , dans des Lettres qui
font incontellablement de mil fix-cens
.cinquante-/6;)C ? Ou je n'y comprens rien,
ou les Lettres douze de treizième dé-
voient être rangées devant celle qui trai-
te de la Femme - Sœur de St. Paul ; &
qui plus eli: , devant toutes celles de
MDCLVn Car celle qui traite de la
Femme -Sœur étant du mois dit Juin , &
les deux en queftion étant du mois de
Juillet & du mois d'Août, il n'y a pas
moyen de placer celle du mois de Juin a-
près les deux autres, ou de leur confer-
ver à foutes trois leur véritable rang,
dans une feule & même année. Quoique
ces Obfervations tiennent un peu de la
minutie, il faut que nos Ledeurs nous
en paiTent de tems en tems quelques-unes
de cette efpece. Il eft de leur intérêt
que les Auteurs, & particulièrement les
Éditeurs ou Colledeurs de Pièces Anec-
dotes ou fugitives , s'accoutument à avoir
une exactitude fcrupuleufe & fur-tout à é-
viter les Anachronifmes.
La Lettre XI V. a pour date le dix de .
Septembre , d' annonce , comme nouvel- )
lement publié, un Livre que l'onfçait être
de l'an MDCLVIII. Un palTage de
Wood, cité par l'Editeur, nous apprend,
que Hammond finit fes jours à la campa-
gne, chez fon Ami le Chevalier JeanPac-
kingto?iy à WeftnjQood dans le Comté de
Worcefler. Cette Lettre nous apprencj
de
Avril, Mai et Juin. 1739. m
de plus, qu'il arriva dans cette retraite le
dix de Septembre de la fufdite année, &
qu'il écoit à Londres quelque tems au-
paravant. Ce qu'il y a de plus remarqua-
ble dans le relie de la Lettre , ed une
Obfervation fur l'EtabliiTement du Sabbat,
laquelle il fe fouvenoit d'avoir lue dans
un Auteur qu'il déOgne fimplement par
fon nom de M e a d. L'Obfervation re-
vient à ce qui fuit. Si d'une part le Sixiè-
me Jour d'Exode XV, 22. eft réellement,
comme il femble l'être , non le fixième
d'une Semaine , mais le fixième de h Man-
ne, Et û d'autre part, le jour dont il eft
parlé au verfct premier , jour employé à
faire un nouveau campement , jour de
travail & non de repos, eft réellement,
comme il femble l'être , le dernier jour
avant les fix de la Manne; il s'enfuivra
nécclTairement, ou que la Loi du Sabbac
fut violée ce jour -là par Moïfe & par
tout le Peuple , ce qui n'a aucune vrai-
femblance , ou que la Loi du Sabbat ne
leur fut donnée que depuis ce même
jour, ce qui ne peut être combattu que
très -foiblement par Genefelî. 3. oli rien
ne nous empêche dereconnoîtrequel'Hif-
t'oire parle du Sabbat par anticipation.
L'Editeur ne nous apprend point, qui efl
le Meao, Auteur de cette Obfervation.
Mais nous pouvons alîurer que c'eft le
même qui eft nommé Jo/eph M e d e à la
tête
'îîsBîbLiotheque Britannique^
tête du Recueil de Tes Oeuvres imprimé à
Londres en M D C L X I V. L'Obfervation
qu'on vient de lire , eft la même dans le
fond que celle qui fe trouve dans fes
Diatribœ, au Difcours XV. p. 75. [de fes
Oeuvres.
La Lettre XV. fans autre date que le
vingt d'Oftobre, a un rapport (i fenfible
avec la neuvième, qu'on eft fortement
tenté de croire, qu'elle auroit dû la fui-
vre immédiatement. Elle parle des Ob-
fervations manufcrites fur le Purgatoire,
envoyées avec la Lettre I X. & contient
quelques nouvelles Obfervations fur le
même fujet.
La Letcre XVL eft du trentième de Dé-
cembre , & pourroit fe rapporter alTez
naturellement , aufîi-bien que îa précé-
dente, à l'an MDCLVri. Elle répond à
<îeux Queftions , qui toutes deux regardent
le Mariage , & dont il y en a une qui
regarde le Mariage des Prêtres. C'eft
la dernière. La première roule fur le
Mariage entre deux Partis , dont l'un fe-
roit Proteftant & Pautre Catholique-Ro-
main. ,9 Le feul Texte [dit Hammond]
,, que j'aye ouï citer contre ce Mariage,
), eft certainement étrano^er à la queftion.
„ C'eft celui de 2 Cor. VL 14. Ne portez
,, point un joug inégal avec les Infidèles ,'ôcc.
,, Le mot Grec ( Jr^po^uy/^) fîgnifiequel-
,, que chofe qui n'a nul rapport au Ma-
^> riage :
Avril, Mai et Juin. 1759. 113
.,, riage : & quant au titre d'Infidèle
„ \a.%ic;c<; )\\ n'y auroit m raifon, ni cha-
„ rjté à l'appliquer à un CathoUc^ue Ro-
„ main Je ne crois pas , par conlequent,
i) qu'un iviiniltrcqui bénit un Mariage oii
„ l'un des Partis efl Catholique Romain &
,, l'autre Proteftant , fafle en cela r^en
„ d'iliégitime. L'objedlion tirée de la Ru.-
}} brique n'eft ici d aucune force. La Ru-
„ brique porte , que les Nouveaux Mantz
„ communieront: c'eil un Commandement
„ de l'Eglile lequel ne peut être obliga-
,^ toire que pour eux. enlbrte que s'ils ne
,, communient pas 5 c'efl leur faute à eux,
,:, & non la faute du Miniilre, dont l'o-
„ bligation fe borne à les avertir de leur
„ devoir, & à être prêt de leur adminif-
„ trer la Communion, s ils veulent la re-
„ ce voir. En voilà afiez pour prouver
„ que la chofe eft permife: mais je ne
„ puis m'empêchcr de dire en mémetems,
„ que tout ce qui ejl ptrmis n'eji pas expê-
9, (lient Les inconvéniens de ces
,5 fortes de Mariages . . ♦ font faciles à
„ prévoir ; & la prudence ne veut pas
„ qu'on en coure le rifque, à moins que
5, l'on n'ait de grandes efpérances d'y reme-
„ dier , ou qu'il n'y ait quelque chofe (que
„ je ne prévois pas )qui puifle erre pris en
„ échange des avantages que l'onhazardc.
La Lettre XV IL en date du premier
de May , parle d'un Livre nouveau, inti-
tulé 'lepà .^.' MptK, que l'Editeur croit être
Tome nu. Part. L H le
114B1BL10THEQUE Britannique^
le même que celui qui a pour titre, EccU-
fiŒ Anglicanœ Sujpiria , & qui parut en
MDCLIX., Ouvrage du Dodeur Gau-
DEN, & Ouvrage in /o/îo, comme celui que
Hammond défigne fous un titre Grec : à
propos de quoi il ne fera peut-être pas
inutile d'obierver , que dans un autre en-
droit *, oii il s'agit d'un Livre mtitulé
Self-Coiidemnaîion ,^Q, yYi'àmmond le défi-
gne en Grec auill , fous le titre d'A-^rc-
y.u^ûL-A^.iG.ç\ foit que ces deux Livres ayenc
effeCtivemenc un titre Grec, outre le'Lc-
tin ou l'Anglois , ce que l'Editeur n'éckir-
cit pas, faute d'avoir eu les Livres mê-
mes entre les mains ; foit que Hammond
fe plût à donner ainfi des titres Grecs aux
Livres, lorfqu'il trouvoit une manière
heureufe de le faire. Cette Let-
tre roule fur la dignité de l'Ordre Epif-
copal, & fur la validité des Ordinations
Presbytériennes. Hammond paroît ne le«
croire excufables que par la Nécefllté ; <Sc
prétend, que fi elle pouvoit être alléguée
en faveur des Eglifes Proteftantes dans
d'autres Pai's , elle ne pouvoit pas l'être
de même en Angleterre, ni pour juftifîer
la conduite des Ànti-Epifcopaux, ni pour
autorifer des Ordinations qu'ils avoient
faites fans autorité. Il eft certain que la
Difpute des Presbytériens & des Epifco-
paux, prife en général, ou in abjiraào , &
cette même Difpute prife i7i ccîicreîo , ou
réla;
* Lettre XIV. p. 49.
Avril, Mai et Juin. 173g. n^
relativement à l'Angleterre en particulier,
font deux Difputes très -différentes qui
n'ont jamais été confondues, ni dans i'E-
glife Anglicane , ni dans les Eglifes Près»
bytériennesde de là la Mer, au moins par
les perfonnes inflruites 6: en môme teir.s
raifonnables.
La Lettre XVIIL annonce divers Li--
vres qui font de MDCLX. L'Editeur
néanm.oins la date de cinquante- neuf t
mais c'elt que Hamm.ond lui-même l'r-
voit datée du feize de Mars , & que IT^
diteurfans doute a fuivi le vieux n:ile,qui
ne commence l'année qu'au vingc-cinquic-
me de ce même mois. Ainii cette Let-
tre fut écrite dans le tems ou l'Angleter-
re faifoit les plus grands préparatifs pour
le rétablilTement de la Famille Royale &
de l'Epifcopat. Hammond en parle avec
joye, mais en homme cependant qui crai-
gnoit que les Presbytériens , donc la réu-
nion au Parti Royalifle avoic en quelque
forte décidé ce Retabliiïemcnc , n'y euf-
fent trop d'influence, pour fouffrir qu'il
fe reglâj: fans certaines reflrit^ions donc
les Epifcopaux auroient fujet de feplain=
dre. ,, Il ne paroîc pas improbable (dit-
„ il) que le Tabernacle de Dcmd, après
„ avoir été fi long- tems dans la pouiTie-
,, re, fera bientôt rélevé: mais fçavoir fi
>, ce ne fera pas avec des retranchemens
capables d'arracher des larmes à ceux:
„ qui compareront la féconde Mai/on avec
Ha "^ « la
J5
it5Bibliotheque Britannique^
i, la première ; c'efl: ce que je ne fçaurois
,5 deviner. Et c'eft aulîi ce qui me per-
„ fuade que votre penfée touchant les
„ Eleélions eft tout- à -fait de faifon , &
f, méritera d'ctre bien pefée dans Tocca-
9) lion. Mais il me relie toujours quel-
„ que penchant à croire , que ce même
,> Parlement qui a voté pour fa propre
„ callation , n'aura pas ea la cruauté de
„ l'exécuter ''. Hammond fuppofoit ap-
paremment que la chofe étoit fur le ta-
pis , & qu'elle pourroit être décidée quand
la Lettre fcroit reçue. Elle eft du feize
de Mars , & le Parlement fe cafla lui-mê-
me le dix-Jept. Nous avons averti
que cette Lettre faifoit mention de di-
vers Livres nouveaux. Il y en a deux à
l'égard defquels nous avons un mot à di-
re. Le premier eft celui da célèbre Jean
Pearson fur le Credo, Le nom de l'Au-
teur s'écrit conftamment comme on vienc
de le lire ; & nous trouvons cependant
que Hammond écrivoit P e i r s o n. Cela
revient au m.ême pour la prononciation.
Il eft cependant à propos de remarquer,
dans un tems oli l'on fe pique avec rai-
fon d'une grande exadtitude en ces for-
tes de chofes , que foit négligence de la
parc de Hammond, foit diverfité réelle
dans la manière dont quelques Auteurs
©nt écrit leurs propres noms , la ledturc
de ces Lettres nous a fourni plufieurs
exemples d'une pareille négligence ou di-
verlicé.
Avril, Mai et Juin. 1739. 117
verficé. Le fécond Livre que nous
avons en vue, eit celui qui a pour titre
dans la Tradudlion Françoife , la Pratique
de la Pieté, & en Anglois THE WHOLE
DUTY OF MAN: Ouvrage extrêmement
eftimé , & dont on a toujours été d'autant
plus curieux de connoître PAuteur, qu'il
avoit pris des précautions peu communes
pour demeurer Anonyme. L'Epître qui
le trouve au devant de la première Edi-
tion de ce Livre, eft de la façon du Doc-
teur LIammond. Il ne paroît pourtant pas
avoir été du fecret. Il recommande le
Livre comme un Ouvrage excellent, mais
qui vient d'une main inconnue: ce qui
occafionne une Note de l'Editeur. „ J'ai
„ cru pendant un certain tems (dit -il)
„ que ce Livre avoit été écrit par le
„ Dofteur Guillawne Chapêl, Evêque
„ de Cork & de Rofs. J'ai cru enfuite
„ qu'il étoit du célèbre Ahdias W a l k e R.
„ Mais le fçavant Dodeur Robert Cla-
„ VF.RiNG, actuellement [1738.] Evêque
,, de Peterborough , a eu la bonté de
„ m'apprendre, il y a quelque tems, que
„ c'étoit rOuvrag'e d'un Eccléfiaflique
„ du Comté de Worcefler, nommé BAS-
„ KET,
Ce petit volume de Lettres au refte
n'eft pas le premier Livre dont Mr. PECK
ait enrichi le Public ;(Sc il y a quelque ap-
parence que ce ne fera pas non plus le
dernier.
H 3 11
îi8 Bibliothèque Britannique,
Il publia en MDCCXVI. un petic Ou-
vrage in o^îavo, qu'il intitula le Sublime de
V Ecriture Sainte: ou Exercice fur la Créa-
tion 5 avec un Hymne au Créateur du Mon^
de, &c. Cet Ouvrage efl de fa façon. Il
s y exprime dans les propres termes du
Texte facré, & le propofe comme un
Effai pour montrer le Beau & le Sublime
de l'Ecriture fainte. TCr4'OL*'AriON.
Or 5 an Exercife on tbe Création and an Hymn
to tbe Creator of tbe PVorld : Written in îhe
expre/s 'uoords of the facred Text , as an at-
îempt to p?ovj tbe Beaiiîy and Sublimity of
Holy Scripîure. ,, There are hid yet greater
:, thJngs than thefe , and we hâve {"ecn
9f but afew of his Works ''. Eccli, XLIII,
35. London 17 16. Odtavo.
En MDCCXX VII. il publia un autre
Ouvrage de fa façon fur les Antiquités
de la Ville de Stamfofd. Il y donne l'Hif-
toire de l'Univerlitc de cette Ville, & par
cette raifon il a cru pouvoir intituler tout
l-î Livre, Academia Tertia Anglicana , quoi-
qu'on y trouve, outre l'Hiitoire de TUni-
verfité', celle des Monaflères, des Corn-
munautcz , des Egiifes , des Chapelles,
des Hôpitaux & des Ecoles du lieu. L*Au-
tcur a eu pour la compolltion de cec
Ouvran;ele fccours de divers Manufcrits ,
& celui de tous les Regiftres qui pou-
vaient intéreffer fon deflein. L'Ouvrage
au rede ed in folio , ^:i orné de figures.
,, ACADEMIA TERTIA ANGLICANA:
,.0r.
?J
Avril, Mai ET Juin. 1739. iî9
-, Or , the Anciquarian Annals of the
\y Town of Stamford. Containing theHif-
„ tory of the Univerfity, Monaflenes ,
„ Gilds, Churches^ Chappels , Hoipicals
„ and Schools there,&c. Exfumo dure lu-
9, cem. Hor.
En M D C C X X X 1 1 il publia le pre-
mier Volume de la Collection in folio, qui
a pour tirre DESIDERATA CÛRiOSA.
Ce font diverfes Pièces, la plupart hiftc-
Tiques , qui étoient devenues fort rares.
Ce premier Volume contient I. Le Aii-
niflre accompli, ou la Vie du Chevalier
Guillaume Cécile ou Lord BurgbUy , fi ci-
lèbre par les fervices qu'il rendit à TAr-
gleterre fous le règne d'Elifabeth. II.
Vingt -deux Lettres du Lord Burgbîey h
fon Fils Robert. IIL Les dix Préceptes*du
Lord Burghley à fon Fils Robert. IV. U-
ne Lettre des Seigneurs du Confeil, fous
Elifabeth , en faveur de Robert Comte
de Leicefter , contre les imputations dû
Livre intitulé, la République de Leicef-
ter , Leicejter''s Common'voealtb. V. Les
Mémoires de Guillaum.e Chadcrîon , Evê-
que de Lincoln , & depuis Evêque de
Chefter. VL Une Relation étendue de la
Maladie & de la Mort du Chevalier Robert
Cecil y Comte de Salisbury. VII. Une Re-
lation étendue de la Maladie & de la
îvlort du Prince Henri. VIII. Une Lettre
de Thomas Hobbes fur la queftion. Pour-
quoi un homme fe fouvient moins de foa
H 4 pro-
120 Bibliothèque Britannique,
propre vifage, lequel il voie fouvent dans
un miroir , que du vifage d'un Ami qu'il
n'aura vu de \oug tems? I X. LJn Mémoi-
re au fujetdu Seigneur Saxon , connu fous
le nom de LGngr.eville , qui fut tué par les
Danois, 6c de fon Tombeau à Overton-
LwigueviUe. X. Un Mémoire au fujet d'un
ancien Cadavre trouvé fous terre à South-
^vcell, qu'on croit être de quelque hom-
me de diftindlion. XL L'Epitaphe du Che-
valier Thomas Fowis , par le célèbre Mat-
thieu Prior, XII Un Difcours fur les an-
ciennes Divifions de la Nuit & du Jour ,
& fur les anciennes Heures de la Priè-
re, &c. XIII. Une Defcription de la
îvlaifon de Burghky près de Staviford, &
des Peintures & autres Raretez qui s'y
voyent actuellement
En M D C C X X X V. parut un fécond
Volumes des DESIDERATA CURÎOSA ,
contenant,!. L'Hifloire & les Antiquitez
de r£glife de Lincoln, par PEvéque San-
derfon. IL L'Hifloire & les Antiquitez de
riile de Man , par Jaques Comte deD^r-
^3;, qui fut décapité à Bolton. II I. Les
Mémoires de Richard Pla72îagenet,¥ï\s na-
turel de Richard I IL IV. La Vie du
fçavant Jean Bois, plus connu fous fon
nom latinifé de Boîji'is. V. La Vie de
Guillaume Chapel , Evéque de Cork & de
Rofs. VI. La Vie a' Arthur JVilfon, l'Hif-
torien. V^I. La Réception faite à la Rqï-
gne Elifaheîh à Camlriâge en IJP4. , & à
AvRTL, Mat et Juin. 1739. 121-
Oxford en 1596. VIII. L'Apologie de
Thomas ComtQ(ïArnndel, fur ce qu'il avoic
accepté !e ticre de Comte de l'Empire lans
le congé de la Reine. IX. Le Plan dune
nouvelle Univerfîté, qui devoit êcre éta-
blie à Rippon , fous Japues l. X. Un
Mémoire étendu au fujct du plan de
Charles premier pour échaper aux Ecof-
fois à Newcaltle, & des mefures qui en
prévinrent l'exécution. XI. Un Narré
de rEvafion de Charles I. à Hampton-
court, par le Colonel M^alley XIL Di-*
vers Mémoires du Docteur Michel Hnd-^
fon. Chapelain favori de Charles I. XIIL
Un Journal du Traité de Newport , par
Mr. Oudart. X I V. Des Relations par-
ticulières du MairacreduDodteurDorf/Jaj,
& d'Antoine Afbam , & du deflein de maf-
facrer de même l'Agent Bradfloaw. X V.
Un long Extrait de VOhituaire du Protono-
taire Smith. XVI. Un Ecrit touchant la
Médaille qui fut frapée en 1702. en mé-
moire de l'Arche^^éque Latid
En MDCCXXXV. encore, Mr. Peck
donna au Public un Catalogue des Livres
écrits pour & contre le Pa'piime dans le
tems de Jaques 1 1. , plus complet que
trois autres Catalogues qui avoient déjà
paru. Il y eft parlé de quatre-cens cin-
quantc-fept Livres ou Brochures ; & cha-
que article ell accompagné de renvois aux
Ecrivains , dans lefquels on pourra trouver
de quoi s'inftruire plus exactement, foie
H j au
122 Bibliothèque Britannique,
au Tujet des Livres en queflion , Ibit au
lujet de leurs Auteurs. A complète Cata-
logue of ail îbe Di/coiirfes ijûrittenfor and
againt Pom-y , &c. zA.o. hjCpvuxIaç nui evCpyr
yi. c 1 Cor. VI. 8.
En MDCCXXXIX. Mr. Peck nous a
donné les Lettres de Hammond, & nous
a promis ae Nouveaux Mémoires fur lal^io
& Jur les Ouvrages Poétiques de M i l x o N ,
avec Jon Poème Jur la. Liberté , ^ des Notes de
VEdneur.
ARTICLE V.
DiJJevtation Jur la Femme- Soeur ou
bœur -Femme de Saint Paul : i Cor.
I X. 5. Tirée ^ traduite d'une des Let-
tres du Docteur Henri Hammond,^
Mr. Pierre Staninough; Et accompa'
gnée de quelques Remarques du Traduc-
teur^ renfermées entre des crochets.
'Ai lu ce que dit Calixte tou-
pj ch:im Id. Femme - Sœur de St. Paul;
&. il s'en faut beaucoup qu'il ne m'ait per-
fuadé. Ma principale raifon eft celle
„ qui a été touchée par Tertullien,
., que St. Paul ne fait mention de la
,, Femme -Sœur que relativement aux
., moyens de pourvoir à fa fabliftance.
}, Ainû cela regarde proprement ces Fem
?^ mes
Avril, Ma*i ET Juin. 1739. 122
mes qui affiftoienc les Apôtres de leurs
biens, sa râvuxap-c'vTa.'v. Calixte a beau
dire 5 p. 122- quafi mrh ojiendere junàir.i
non pojjeî. 11 eft évident que le défin-
téreilement de rApôcre> qui ne tiroit
aucun lucre de Ton Mmiftère , ou la li-
berté qu'il avoit d'en ufer moins no-
blement , fait le lujet unique de tout
le Chapitre , fans le moindre rapport à
cette autre liberté qu'avoient les Apô-
tres de mener avec eux leurs Femmes
& leurs Familles , & de les faire en-
tretenir aufli bien qu'eux-mêmes. Q^uand
je prens enfemble [avec le verîet de
la Femme - Sœur J le verfet qui précè-
de & celui qui luit , il me femble y
voir clairement, que Paul & Barnabe
étoient réduits à travailler de leurs
mains pour vivre, à moins qu'ils ne
voulurent faire, ainfi que les autres,
ce qui dans le Texte ell appelle Peria-
gein. Or cela conclut , félon moi , que
ce Periagein doit fignifier ce qui ne peut
faire un fens véritable que dans mon
explication , c'efl- à-dire le moyen
d'avoir de quoi vivre fans travailler: &>
non pas , comme il faut le fuppofer
dans l'explication de Calixte , un moyen
d'augmenter les fraix des Voyages' A-
poftoliqucs.
[L'endroit de Tertiillîen que Hammoiîd
'oit en vûë,fe trouve au huitième Châ-
tre du Livre de la Monogamie ; Petrim
/olum
12.^ Bibliothèque Britannique,
folum invsnio maritwn . . . Cœteros . cùm ma-
ritos non inienio , aut fpadones intelligam ne-
ce[[e eft , aut continentes, Nec . » . . Paulum
fie interpretabimur quafi demonftret uxores
Apojîolos babuijje. Si enïm de matrimmiis
difputaret , quocL in fequentibus facit , ubi ma-
gis Apojiolus al'.quod exemplum nominare po-
îuiffet , recîè vider ctur dicere: Non enim ba^
bernus potejlatem uxores circumnucendi , ficut
ccBteri ApojloU & Cepbas ? At ubi ea fubjun-
glt quœ de victuariâ exbibiiione abftinentiam
ejus ojtendunt , dicenîis : Non enim habemus
poteftatern manducandi & bibendi? non uxo-
res demonjîrat ab Apojlolîs circumdu£las ,
quas &' qui non babent , potejlatem tamen
manducandi ^ bibendi babent ; jed fimpliciter
mulieres , qucs illis , eodem inftituto qiw (j' Do-
minum coiiiitantes , minijlrabant. ]
„ Tous les argamens que vous m'op-
„ pofez , ne font d'aucune force. Vous
„ me citez d'abord un pafTage de VEpitre
„ de Saint -Ignace aux Philadelphiens,
Mais dans plufieurs exemplaires, & mê-
me de ceux qui font interpolez , vous
n'avez point le mot de Paul, Tlxvï.û,
le feul mot qui puiiTe faire quelque
chofe pour votre fentiment. Et
puis toute cette Epitre n'ed point une
desfept Epîtresgénuines , recueillies par
St. Polycarpe» Les meilleurs
exemplaires 'enfin, quoiqu'ils la rangent
parmi les Epîtres fuppofées , omettent
tout ce padage, ave« plufieurs lignes
?^ de-
99
5)
^9
99
99
99
99
99
99
»i
Avril, Mai et Juin. 1739. 125
„ devant & après. Ainfi voila un témoi-
„ gnage qui ne fçauroic être de la moin-
,, dre aucoriré.
[ Il y a ici quelque chofe d'embarafTé
& d'obfcur. L'Epîcre de St. Ignace aux
Phitadelpbiens elc inconteftablement une
des fepc Ëpîcres génuines , recueillies par
Se. Poîycarpe. Hammond lui-même pa-
roîc l'avoir reconnu dans deux Ouvra-
ges citez par îttîgms , au Paragraphe
LXXXVII. p. 285. de fa Diflertation fur
les Pères Apofloliques. Et fi par les Epî-
tr es fuppofées , on entend celles qui ont été
fiiuffement attribuées à St. Ignace, il efl
faux que l'Epître aux Philadelphiens fe
trouve dans les meilleurs Exemplaires au
nombre des Epîtres ruppofées. Lors donc
que notre Auteur dît à fon Ami , que tou-
te cette Epître fe trouve au nombre de
celles qui font fuppofées , cela doit s'en-
tendre comme s'il avoit dit; que cette
Epitre, à la prendre toute e?uiere , ou t^Wo
que Ton Amila lui avoit alléguée, fe trou-
ve dans les meilleures Editions fous le
titre d'Epîtres interpolées. Et lorfqu'il ajou-
te que les meilleurs Exemplaires des E-
pîtres fuppofées omettent le paflage en
queftion, cela doit s'entendre comme s'il
avoit dit , que parmi les Exemiplaires qui
ne font point autentiques , ceux qui ont
le plus d'autorité, omettent le paiTage : ce
qui fera vrai au raoms de l'Exemplaire
La-
I26BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
Latin , connu fous le titre de Fétus Verfioc
On peut voir au rede, touchant le mon
de Paul , omis dans les Exemplaires Grecs
interpolez , les Prolégomènes d'Uflerius ,
dont le Chapitre XV^K. roule tout entier
fur l'omiliion de ce mot. Le palTage mc-
me ayant été cité par plus d'un Commen-
tateur fur Philip, IV. 3, ou i Cor. IX. 5.
il feroit affez inutile de le tranfcrire ici.
îvir. le Chrc entr'autres l'a rapporté dans
fes Notes fur le Nouveau Teftament de
Hammond : & pour le dire en palTant, il
l'a cité par un lapfus calami , comme fai-
fant partie de l'Spître aux Pbilippiens,
L'elTentiel du paUage eit renfermé dans
ces paroles ù: Ilirpax^/ UaChs. . . ut Pétri
^ Pauli & aliorwn Apoftolorum qui in nup-
tîis /cnfati funt. De forte que l'on peut
ajouter aux raifons de Hammond, que ce
paflage,fût-il de S. Ignace, y compris
le nom de Paul , cela prouvero'it tout au
plus que St. Paul avoit été marié , & ne
prouveroit nullement, ni qu'il le fut en-
core lorfqu'il écrivoit aux Corinthiens ,
ni qu'il pariât de fa Femme en parlant
d'une Femme -Sœur. Au fujet du Veuva-
ge de St. Paul & de fa difpofition actuel-
le à demeurer veuf, voyez les Notes de
Grotius y ou celles de Mrs. de Beaufobre ^
Lenfant fur i Cor. VIL 7. 8. ]
,, Q u A N T à V A s Q u E z , qui recon-
.5 noît l'autorité de l'Epître de St. Igna-
,^ ce »,
Avril, Mai et Juin, 1739.127
^> ce , cela ne Tempêche pourtant pas
,^ d'excepter St. Paul bien pofîtivement»
,y Aliquos Apojîolos prœîer Pauluui.
[Je n'ai point P'a/qm-z pour le conful-
ter. Mais à vûë de pais je foupçonnc
un peu Hammond de s'être trompé fur
cet article. Au moins me femble-t-il que
les paroles de Vafquez , Aliquos Apojîolos
prϔer Paulum , fignifient naturellement,
Quelques Apôtres outre Saint Paul; quoi-
qu'il foit très vrai , que prceter fe peut ren-
dre par Excepté y 6c qu'il devroit fe rendre
de la force s'il y avoit : Omnes prêter Pau-
lum. Mais cela n'eft pas afTez important
pour nous arrêter davantage. ]
„ J E VIENS à T E R T U L L I E N. Cc
„ qu'il dit dans le Chapitre VIII. de Ton
„ Exhortation à la Cbajieîé ^ n'efl point du
j, tout un Commentaire du pafiage de St.
}f Paul; c'elt tout au plus une alTertioa
ff de la légitimité du Mariage des Apô-
99 très: légitimité que je fuis fort éloigné
,, de conteller. Ajoutez qu'il y a beau-
,> coup de vraifemblance dans la conjec-
5j ture de Pamelius ,qui conçoit que Ter-
„ tullien ne nous donne point ici fonpro-
9, pre fentiment, mais repréfente fimple-
„ ment celui des autres. Car dans fon
,, Livre de la Monogamie il favorife ma-
,, nifeftement mon Explication: & fi Ca-
,, lixte élude ce témoignage, en dilanr
7., qu'on le tire d'un Ouvrage compofépar
»? Ter-
128 Bibliothèque Britannique,
9, Tertuliien devenu Moncanifte, on peuc
99 éluder de même le témoignage tire de
5, l'Exhortation à la Chafteté, puifqu'il
„ eft reconnu que Tertuliien ctoit iSlon-
9, tanifte quand ]1 écrivit cette Exhoj^ta-
5, tien. Auili eft elle pk.cée dans l'Edi-
i, tion de Pamelius à la tête des Ouvra-
,, ges écrits in Harefi ^ five contra Eccle-
„ fiam. Le Livre de la Monogamie vient
,y après rExhortation à la Chafteté. Il
,y n'eft nullement pr<jbable que Tertul-
„ lien ait voulu affirmer dans le premier
,, de ces deux Ouvrages , ce qu'il réfute
„ fi-tôt après dans le fécond: & fon té-
„ moignage pris de l'Exhortation ( fup-
„ pofé même qu'il puifTe fervir d'ailleurs
5, à quelque chofe) fera tout au moins
5, invalidé par -là, de la même manière
„ que celui du Livre de la Monogamie
yy aura été invalidé par l'ei^ception de
,i Calixte.
[On a vu ci-defTus le pafTage du Livre
de la Monogamie : Voici celui de l'Ex-
hortation à la Challeré Licebat & Apof-
tolis Tnihere, & uxores circumiusere. Mr.
Staninough n'avoit pas fait attention ap-
paremment à ce qui fuit immédiatement.
Licebat ^ de Evangeliis vlvere. Sed qui bis
ufus non ejl in occajîonem ad exeinplum nos
fumn provQcat , <ScC. A quoi ion peut a-
jouter ce que Tertuliien avoit dit à
la fin du troilième Chapitre de fon pre-
mier
Avril, Mai et Juin. 173p. 129
mfer Livre de Unis Nupîiis, où il parle de
St. Paul en ces termes : Cœterûm , nufquam
ita nuptias permittit , ut no7i potiùs ad Juum
txemplum nos eniti malit. Fœlicem illum qui
Pauli Jimilis extiterit ! ]
,, Les paroles de Clément bW-
„ LE X AND RIE au feptième Livre des
„ Stromaîes, regardent St. Pierre, & ne
„ regardent pas St. Paul. Elles font donc
,, étrangères à notre fujet,
[ Il y a efFedivement un pafiTage du
feptième Livre des Stromates, oii il n'eft
queflion que de St. Pierre, quoique St.
Paul paroifTe y entrer pour quelque cKo-
fe. C'ell l'endroit où Clément d'Alexan-
drie parle de la fainte joye avec laquelle
on rapportoit que St. Pierre avoit vu
mourir fa Femme. Vovez Clem. AL Ed.
Sylburgii, Paris. MDCXLI. p. 736. B.
(DxTt y' «V Tov iMCinâpiov nirp^v, <&c. Mais
il y a un autre paOage du même Livre,
p. 741. où il s'agit des Apôtres en géné-
ral. C'eil l'endroit où Clément d'Alexan-
drie dit , que celui qui eft parfait, fe con-
duit dans le Mariage en homme qui a les
exemples des Apôtres devant les yeux.
Et outre ce paflage du Livre VIL on fçaic
qu'il y en a un du Livre IIL p. 44^3. B. C.
où le nom de Paul eft bien articulé , où.
les propres paroles de l'Apôtre font ci-
tées au fujet de fa Femme -Sœur , & ou
elles font accompagnées d'un petit Com-t
mentaire , d'où il eft bien difficile de ne
Toni^XÎIl Part.I. I pa$
130 Bibliothèque Britannique,
pas conclure, que, félon Clément d'Alexan-
drie , les paroles de l'Apôtre doivent s'en-
tendre de fa Femme, & d'une Femme mê-
me adluellement vivante. La plus courte
& la plus fùre réponfe que Hammond pût
faire à fon Ami fur le chapitre de Clé-
ment d'Alexandrie jétoit de dire que fon
autorité, quelque refpedable qu'elle fût,
n'étoit pourtant pas décilive. ]
,, On peut vous accorder l'obferva-
„ tien fur le motG une'e : Uxor nufquam
„ in Noi:o Ttjïamento alio quàm yjvcuy.cç vo-
„ cabulo denotatur: cela ne tire à aucune
5, confequence. Car quoique toute Uxor
„ foit Gwîse , touiQ G unes n'eft pourtant
,, pas Uxor.
[ Une remarque de Tertullien fera ici
à fa place. Ncc enïm fi penès Grœcos cam-
mutii vocabido cenfeîitur mulieres & uxores
pro conjuetudinis facilitate . . . ideu Paulum
Jic interpretabimiir , quafi demonflret uxores
Apcjiùlos habuijje. Lib. de Monog. ub.
fup. ]
„ A LA Question, pourquoi l'Apôtre
,, ojoute le nom de Femme à celui de
„ Sœur : Si Sororem faltem fœminam , non
„ uxore/ii , intelli^l cupit , cur addit y'.vuTy.a ?
„ A cette quelcion, dis -je, je répons :
,:, Qu'encore que le terme de Sœur foie
,, placé le premier, comme font ordinai-
„ rement placées les épithètes , ce ter-
55 me n'en eu pas moins, de niênie que
s, tous les termes cpithétiques , un ter-
99 me
Avril, Mai et Juin. 1739. i3r
,, me ajouté à un autre : de forte que c'eft
9, le terme de Sœur qui eft ici ajouté à
„ celui de Femme , <Sc ce n'eft point celui
„ de Femme qui eft ajouté à celui de
„ Sœur. Une Sœur dans le ftile du Nou-
9, veau Teftament fignifîe une Chrétien-
99 ne. AinO, lorfqu'on joint enfemble les
,, noms de Sœur & de Femme, cela for-
„ me une expreOlon parfaitement paraî-
99 lèle à celle d' Homme s- Frère s , fi fouvenc
„ employée pour dire des Hommes Chré-
?) tiens.
[ On trouvera peut-être, que fi cela
répond à la critique de Mr. Stanînougby
cela ne répond pas à celle de Mr. Le
Clerc , dont voici les paroles : Si Paiilus
voluiffet dicere quod illl volunt , non addidlf-
Jet yvvciTHCi , num â^iAC^i boc ipfum figni^
ficat ; iiec magis filent dicere grœcè loqiienîes
«'^fXOvjv yvvuT'Aci , quàm p'hK^ov â\j^u, poft-
pofitis vocibus yvjyi & tivh , ad fignifican-
dum finpliciîer firorem âf fratrem. Mais
Mr. Le Clerc ne confideroit pas que l'é-
pithète de Sœur, ajoutée au mot de Fém-
vie dans le fens de la paraphrafe de Ham-
mond, doit être prife pour une épithè-
te d'une autre efpece que celle de Frères
ajoutée à Hommes, comme on en pourra
juger par ce qui va fuivre. Ainfi tout ce
qu'il nous relie à dire ici contre Ham-
mond , c'eft qu'il s'eft énoncé en termes
un peu trop fores , iorfqull a dit , que Fem-
I 2 mi'
T35t Bibliothèque Britanniqui,
me-Sœur & Hommes -Frères étoient deux
expreffions parfaitement parallèles. Ce par-
faiîeinent eft-là de trop, & doit être cor-
rigé par ce qui fuit. ]
„ On voit facilement pourquoi le titre
,, de Sœur ell ajouté au nom de Femme,
,, fi ce dernier nom fignifie une Femme
„ en général : mais difficilement feroit-
„ on voir pourquoi le nom de Sœur pré-
„ cederoic celui de Femme, fi celui -ci
„ défignoit l'Epoufe de Sr. Paul. Je fup-
„ pofe qu'il s'agit d'une Femme qui afllf-
,3 te les Apôtres de Tes biens. Le titre
„ de Sœur , dans cette fuppoficion , fe
„ préfente de lui-même pour caradléri-
„ fer une Femme qui fait un adte deCha-
5i rite fraternelle en aiTiftant les Apôtres ,
„ comme une Sœur affifteroir fes Frères.
„ Mais dans la fuppolîtion de Calixte^oii
„ St. Paul eft cenfé parler de la liberté
„ qu'il avoit de demander des moyens
„ de fubfiftance , non feulement pour lui-
„ même , mais pour fa Femme avec lui ;
5, par quel endroit concevez - vous , je
,, vous prie, que le nom de Sœur ait pu
9, fe rapporter avec quelque exactitude
,, au deltein de fon Difcours ? Ou pour-
5, quoi croyez -vous que, non content
„ d'appcller cette perfonne fa Femme, il
„ l'appelle de plus fa Sœur?
[J'ai déjà cité le paflage de Clément
d'Alexandrie , pris du troiûème Livre des
^tro-
Avril, Mai et Juin. 1730. i^jf
Stromates. La fuite de ce même pafTage
méritoic d'être examinée, ou du moins
citée dans cet endroit de la Diflertation.
^Ovroi fAiV ûtHSiùoç rifi dixAOvfcf. . .,....♦
TpoçevsxovTSç y s% ùùç yciixerxç , àhX wç ù^sK-*
0àç Tspiviyov ràç yvvxTKag c-uv^iXHQVSç y &C.
Sed bi quidem ( Àpoiloli ) uî erat conjenta-*
neunif mmifterio . . atîendenîes y non utuxo^
res y fed ut forores circumducebant mulieres,
quœ unà minijiraîurœ ejfenî apiid mulieres
quœ domos cujtodiebanî : per quas ctiam in
Gynœceum y ahfque ulld reprebenjione maîdvc
fujpicione , ingredi pojjet do6trina Domini. ]
,, Vous remarquerez au relie, que Ca-
„ lixte, en s'expliquant fur la lignification
„ de GuNE'a dans le Nouveau Telfa-
„ ment, employé le terme limité de p/e-
,9 ri/que.
,, S o N argument , tiré de l'ancienne
„ Interprétation ( prîfcce interpretaîionis )
yy n'ell pas plus concluant que les autres.
„ Examinez les pages 120. & 121. de fon
,, Livre. Vous n'y trouverez nulle ap'
„ parence de Véricé dans ce qu'il dit de
„ Tertullieriy de St. Jérôme, de St. Au-
„GusTiN, excepté le feul paflage de
„ V Exhortation à la Cbajleîé , lequel-ne fçau-
„ roit contrebalancer avec aucun avan-
„ tage , celui du Livre de la Monogamie.
„ Et pour ce qui ell de l'ancienne In-
,, terprétation, entant que cela peut llgni-
„ fier les aisciennes Versions de TEcri-
I 3 „ ture ,
134B1BL10THEQUE Britannique,
ture , vous fçavez que le Dcdteur
[ Brian ] JValton les fait imprimer , & que
l'Edition qu'il en donne fera bienrôc
complétée. J'ai aciuellemenc [es Ver-
fians du Nouveau Tedament. Je les
ai conlultées; & je les trouve toutes
( à TEchiopique près ) autri peu fa-
vorables à Calixte que la Vulgate ,
qui porte exprefiement Mulierem So^
,, Mon explication enfin n'a rien de
contraire au bat de l'Apôtre , & il y a
une réponfe fort naturelle à cette quef-
cion : Ouid cpus ecclefiàrum imper, fis , fi
neceffaria fubminifirabant fœmince , 6c c, ?
vSr. Paul pouvoic ê:re er^rretenu , ou par
l'Eglife en commun, ou par quelque
perfonne riche en particulier; 6c au-
quel des deux qu'il eût eu recours, il
auroit été à charge aux Corinthien?.
Mais, comme il le leur dit au verfet
quinze , il nufoit de pas une de ces cbofes:
ce leur montrer qu'il n'avoit eu re-
cours ni à l'un ni à l'autre, étoit fans
contredit le bue qu'il avoic aQuelle-
ment en vûë.
ARTr-
Avril, Mai et Juin. 1739. 135
ARTICLE VI.
A complète Colledlion of the Hiilori-
caî, Folitical and Mifcellaneous Works
of J o H N M I L T o N , correétiy prin-
ted from the Original Editions. With
an Kiftorical and Critical Account
of the Life and Writings of the Au-
thor ; containing feveral original Pa-
pers of his, never before published.
C'efl: - à - dire : Recueil complet des Oeu-
vres Hifioriqnes , FoHtiqucs , £? Ajc-
lées de Jean Mihon. Imprimé correct c-
vient Jur les Editions publiées par lui'
viêrne; az^ec un Récit Hiftorique fc? 07-
îique de la Fie &? des Ecrits de r au-
teur \ contenant phifieurs Pièces cri/rina'
les qui navoient jamais paru. A Lon-
dres, chez A. Millar, à la Tcte de
Buchanan, vis-à-vis PEglife de St.
Clément 1738. 2 Voll. in folio pag.
628. pour le premier Vol. fans la
Fie , qui en contient 96; & pp. 617.
pour le fécond Vol. fans la Table des
Matières.
R. Thomas Eirch , Editeur de cet
Ouvrage , & Auteur du Récit Hif-
I 4 torique
I3<5 Bibliothèque Britannique,
torique & Critique fur la V^ie de Milcon ,
nous apprend, dans un coure Avertifle-
ment, qu'il a rangé les Pièces félon l'or-
dre Chronologique , qu'il y a ajouté un
Traité, que Toland avoic omis dans fou
Edition, & qui contient les Raifons (Ten-
ir éprendre la Guerre contre V El pagne l'an
1Ô55. & qu'il a rétabli dans VHiJîoire de
la Grande-Bretagne divers paflages qui
avoient été Tupprimez par les Cenfeurs
des Livres , & qui ne fe trouvent dans
aucune des Editions précédentes.
Il a aufii compofé une nouvelle Vie de
l'Auteur, contenant, outre les particula-
ritez rapportées par Toland 6l par d'au-
tres, plufieurs faits qui n'étoient point
connus, & quelques Pièces que l'on pu-
blie ici pour la première fois , fur les pro-
pres Manufcrits de l'Auteur.
Comme nous avons eu occafion dépar-
ier plufieurs fois de Milton , nous ne
donnerons point ici Tabregé de fa Vie.
Mais nous croyons être obligez de don-
ner un Extrait de l'Appendix que iVIr.
Birch y a ajouté,- & qui contient deux
DilTertations fur des fujcts qui ont faie
beaucoup de bruit. La première roule
fur le fameux Livre intitulé "E/xa'vB£i!7iA/x'<
Le Pûurtraid: du Roi de la Grande - Breta^
gne , àic. * ; attribué à Charles L La fe^
conde
* Ployez TArticle de M i l t o n dans le Dîc^
tipn. ce ^Ir. Bayle, Rçm, (N;.
Avril, Mai et Juin. 1739. 137
conde traite de la Commiflion qu'on pré-
tend que ce Prince donna en 1641. aux
Papiftes d'Irlande, pour prendre les Ar-
mes contre les Proteftans de ce Pais -là.
On peut voir en abrégé dans le Dic-
tionaire de Mr. Bayie * les raifons que
Toland a alléguées , pour prouver que
Charles I. n'a point compofé le Livre en
queflion. Mr. Birch les rapporte fort au
long; & nous donne enfuite, avec la mê-
me exaélitude (Se la même impartialité, les
réponlës 6l les preuves de ceux qui fou-
tiennent que le Roi eft véritablement
l'Auteur de ce Livre. Si Toland eût fui-
vi cette méthode dans fa vie de Milton ,
je doute que Mr. Bayle eût affirmé aufli
pofitivement qu'il le fait , que le Ums a
montré que Milton foutint avec fondement y
que Charles L nétoit point V Auteur de Vh
cm BafiUkè.
En faveur de ceux qui ne font point à
portée de confulter le Ditlionaire Criti-
que ,nous rapporterons ici les preuves de
ceux qui emlDrairent le fentiment de Mil-
ton.
En i68<5. le Sieur Millington , vendant
à l'encan la Bibliothèque de Mylord An-
glefey, trouva un exemplaire de r/con5:i-
fiiikè^ où il y avoit ces mots écrits de la
propre main de ce Seigneur. ,, Le Roi
^, Charles IL Ôc le Duc d'York, voyant
» un
* Là * même.
13^ Bibliothèque Britannique,
„ un Exemplaire maTiufcric de cet Ou-
„ v: âge , que je leur montrai dans la Cham-
„ bre des Seigneurs pendant les dernières
3, Séances * du Parlement de l'an 1(575.
,, dans lequel Exemplaire il y av^oit des
,, corrections 6: des changemens écrits de
la propre main du Roi Charles I. , me
dirent tous deux, qu'il étoit certain
que cet Ouvrage n'avoit pas été com-
pole par le Roi leur PerQ , mais par le
Dodteur Gaudcn , Evéque d'Exceter. Ce
que j'infère ici pour défabufer les au-
tres ; en foi de quoi j'attefle ce fait de
„ ma propre main.
,9 A N G L E s E Y.
Ceci fit beaucoup de bruit, & engagea
quelques perfor.nes à s'addrelTer au Doc-
teur Antoine Walker, Relieur de Fyiield
en EfTex, qui avoit été Curé du Dr. Gau-
den , & qui les adura que ce Docteur
étoit réeliemenr l'Auteur de VIcon Bafili-
kè. Il y eut enfuite quantité d'écrits pu-
bliez pour & contre. IMr. Birch nous en
donne les Titres, & marque après cela,
à quoi fe réduifent les preuves de ceux
qui foutiennent que le Roi n'étoit point
TAuteur de ce Livre. Ces preuves font
premièrement, la déclaration de Mylord
__ An-
* Il y a dans l'Anglois in tke lajî SeJJiorty
dans la dernière Séance.
Avril, Mai f. t Juin. 1739. 139
Anglefey ; en fccond lieu, le témoignage
du Dr. Walker^ qui déclare: i. Que peu
de tems avant que l'Ouvrage fûc achevé ,
le Dr. Gauden lui communiqua Ion dei-
fein , & lui montra quelques chapitres de
ce Livre entièrement finis , & les titres
de pîufieurs autres. L'Evêque lui deman-
da fon fentiment fur cet Ouvrage: il ré-
pondit, qu'il feroit fans doute beaucoup
d'honneur au Roi, mais il défapprouva le
defleîn d'en impofer au public, en faifanc
palTer fous le nom de Sa h/tajeflé . l'Ouvra-
ge d'un autre. Le Dofceur Gauden fe
lervit de cette défaite: Regardez le Titre y
dit -il , c^ejt le Portrait de Sa ALijefté,
&c. or perj'onne neft cenfé faire fon propre
Portrait. 2. Que le Do6leur Gauden lui
dit, que l'Evéque de Salisbury (le Dr.
Duppa ) fouhaitoit qu'on ajoutât deux:
chapitres à cet Ouvrage ; l'un , touchant
l'ordre donné contre la Liturgie Angli-
cane »& l'autre, fur ce qu'on ne permet-
toit pas aux Aumôniers du Roi , de faire
leurs fonctions près de lui. L'Evêque de
Salisbury fe chargea de compofer ces deux
chapitres , & le DoQeur Gauden n'a ja-
mais prétendu en être l'Auteur, comme
il a prétendu l'être du refte du Livre.
3. Après la mort de Charles L le Dr,
Walker demanda àl'Evêque d'Exceter,ii
le Roi avoit vu le Livre? Je rHen fuis-
pas fur, répliqua le Do(5leur .Gauden ,
mais
I40BinT.T0THEQUE BRITANNIQUE,
mais fai fait tout ce que j'ai pu pour le lui
faire tenir ^ car fen donnai un Exemplaire
au Marquis de Hertfordy pour le remettre au
Roif du tems des Négociations de Vlfte de
ÏVigbt, 4. Le Dodleur Walker ayant de-
mandé à Mr. Gauden, û Charles 'IL Iça-
voic qu'il écoic l'Auceur de ce Livre?
Gauden répondic : ^e ne puis pas dire cer-
îainement qu'il le fçacbe , car il ne m en a
jamais dit mi moi\ mais le Duc d'Tork le
fçait , 6* m^en afouvent parlé y comme d'un fer»
"vice très -utile que f ai rendu à fa Famille'
Cf puifquil le fçait , je ne doute pas que le
Roi ne le [cache aufjt.
On rapporte encore quelques autres
preuves, pour faire voir que le Dodeur
Gauden eft véritablement l'Auteur du Li-
vre attribué au Roi. On allègue des Pa-
piers produits par Mr. North , Marchand
de Londres, parmi lefquels il y avoit,
1. Une Lettre du Chevalier Edouard
Nicolas, Secrétaire d'Etat, au Dodleur Gau-
den , datée du -- Janvier 1660. dans la-
quelle il lui marque, que le Roi (Char-
les II.) a reçu (a Lettre, qu'il fe fou-
vient de lui , & que le Docteur n'aura
pas îong-tems fujet de fe plaindre qu'on
le néglige. 2. La ('opie d'une Lettre de
TEvéque au Chancelier Hyde, du 28. Dé-
cembre i66î. avec la copie d'une Re-
quête au Roi, écrite de la propre main
de TEvéque^ ou il lui reprélente les dan-
gers
Avril, Mai et Juin. 1739. 141
gers qu'il a courus par rapport à fei
biens, & même à fa vie, & les avanta-
ges que la Couronne a retirez de fes fer-
vices *, que dans ce quHl a'ioit fait, il s'étoit
propofé de conjoler &' d* encourager les amis
du Roi, (!^ que ce qu'il avoit fait, en Roi y
méritoiî une recompenfe Royale. 3. La Copie
d'une Lettre de l'Évéque au Duc d'York,
du 17. Janvier 1661 *. dans laquelle iî
infifte fortement fur les fervices qu'il a-
voit rendus , & fupplie fon AkefTe Roya-
le d'intercéder en fa faveur auprès du Roi.
4. Une Lettre du Chancelier Hyde à l'E-
véque, du 13. Mars 1661. où il lui dit,
qu'il a reçu plufieurs de fes Lettres , que
rimportunité de l'Evêque lui fait de la
peine, qu'il n'eft pas encore en fon pou-
voir de lui rendre fervice; <Sc vers la fin
de la Lettre on trouve ces expreH^ons :
„ Cette particularité dont vous avez fait
„ mention , m'a été communiquée comme
„ un fecret ;je fuis fâché de l'avoir fçûë;
„ quand elle ceiïera d'être un fecret, el-
„ le ne plaira qu'à Mr. Milton '*. 5. Une
Lettre de Madame Gauden, écrite après
la mort de fon Mari, à Jean Gauden fon
fils, OLi elle parle du Livre qu'on appel-
loit communément le Livre du Roi : elle
le
♦ Selon la manière de compter en Angle-
terre , où l'on commence l'Année le 25. ''de
Mars.
142 Bibliothèque Britannique,
le nomme le Joyau "^i elle à\t que fon
Epoux efpéroic de faire fortune par le
moyen de ce Livre , & elle s'éconne qu'on
puiue douter qu'il en foie l'Auteur; mais,
ajoute-t-elle, y ai h Lettre d'un très -grand
homme qui éclaircira tout ceci. 6. Un long
Narré écrit de la propre main de I\Iad.
Gauden, pour prouver que c'eil fon Ma-
ri qui a compofé le Livre en queftion.
Mr. Bayle dit, que ce Narré ejl une confir-
mation entière du Récit du Dr. Walker.
Mais il s'en eft rapporté uniquement aux
Extraits qu'on lui a envoyez du Livre de
Toland, qui. fans donner ce Narré dans
la Vie de î^îilton, fe contente de dire,
ou'il confirme le Récit du DotleurWal-
ker. Cependant il eft certain qu'il le
contredit vifiblement dansplufieurs points
cfTentiels. Nous traduirons ce Narré , afin
qu'on puiile le comparer avec ce que die
ce Dodleur , & comprendre la réponfe
qu'on y a faite. ,, Après que le Doc-
,, leur Gauden eût compofé ce Livre, il
,, le montra à Mylord Capel , qui l'ap-
,, prouva, & fut d'opinion qu'il faloit le
„ faire imprim.er; mais il fouliaita que le
,, Roi pût le vo'r auparavant. D'abord
,, après il fe préfenta une occafion de le
,, faire tenir au Roi, par le moyen du
„ Marquis de Hertford, qui partoit pour
9^ négo-
* The Jewel.
Avril, Mai et Juin. 1739. 143
,5 négocier le Traité de ride de Wighr.
„ Le Marquis , à Ton retour , dit qu'il avoic
,5 donné le Livre au Roi; que Sa Majefté
„ en étoit aflez contente, mais qu'elle
99 foiihaitoit qu'on le publiât fous le nom
)} d'un autre , & non pas fous le fien.
«9 Mais on lui repréfenta , que comme
99 Cromv/ell & d'autres Officiers de l'ar-
99 mée s'étoîent fait une grande répucc-
„ tion, tant par leur fçavoir que par leur
„ pieté, il feroit plus à propos de pu-
„ blier l'Ouvrage Tous le nom du Roi :
,, fur quoi Sa Majeflé prit du cems pour
„ fe déterminer. Le Marquis dit encore
99 au Dr. Gauden, qu'il ne fçavoit cequ c-
„ toit devenu le Manufcrit ,&Dieufça:t,
„ ajouta- 1- il, ce qae deviendra le Roi.
„ LEvêque n'apprenant point ce que le
,î Roi fouhaitoic qu'on fie, tSc voyant croi-
99 tre de jour en jour, le danger où é:oit
» Sa Majeilé, envoya l'Ouvrage à l'Impri-
9, meur Roy{lon;car il avoit eu foin d'en
„ garder une copie . . . L'ImprimiCur crue
,, que le Roi en étoit l'Auteur: on en
P, faifit une partie à l'Imprimerie , on prie
,, aulTi la Lettre que Gauden avoit écrite
,, à Royfton en lui envoyant le Manuf-
„ crit,& on mit en pvifonMr. Simmons,
„ Miniftre Royalifi:e,de qui TEvêque s'é-
„ toit fervi pour faire tenir fon Ouvrage
„ à rimiprimeur. On continua -cependant
,9 rimprefîion , & le Livre parut peu de
f, jours après la mort du Roi. Dès qu'il
f> fat
Î44 Bibliothèque Britannique,
„ fut publié , le Parlement en fut dans une
„ extrême colère, &pHtdes mefurespour
5, en découvrir l'Auteur. On trouva le
„ Manufcrit que Gauden avoit envoyé
99 à Charles I. & on vit qu'il n'étoit point
„ écrit de la main de ce Prince: on nom-
3, ma des CommifTaires pour examiner
„ cette aiFaire. Gauden fe croyant en
„ danger, s'enfuit chez le Chevalier Jean
„ Wentworth proche de Yarmouth, dans
„ le deflein de pafler la mer. Mais Mr»
„ Simmons étant tombé malade, & étanc
„ mort peu detems après, fans avoir été
„ examiné , on ne découvrit point que
„ Gauden étoit mêlé là -dedans, car fa
,, lettre , qui avoit été faifie , n'étoit
j, point fignée. Ne fe croyant donc plus
„ en danger, il retourna chez lui.
„ On s'étoit d'abord propofé de met-
„ tre une Epître à la tête de l'Ouvrage j
„ qui avoit premièrement pour titre Suf-
9, pirïa Regia, les Soupirs Royaux. On
„ changea enfuite ce titre en celui d'/con
„ Bajîlikè ; & au lieu d'une Epître , on
„ ajouta deux Chapitres dans le Corps de
„ rOuvrage. Le Marquis de Hertford,
„ le Lord Capei, l'Evêque Duppa * & le
„ Dofteur Morley , furent d'abord les feuls
„ qui euflent connoiflance du fecret. A-
„ près la Reflauration le DoQeur Mor-
„ ley dit' à Gauden, qu'il avoit fi bien
„ mérité du Roi , qu'il en obtiendroit tout
„ ce qu'il voudroit. Duppa Evêque de
,} Win-
Avril, Mai ET Juin. 1739* i45
„ Winahefler étant fort mal, Gauden fuc
„ trouver le Roi , & lui déclara qu'il é-
„ toit l'Auteur de cet Ouvrage , en ap-
„ pellant au témoignage même de l'Evê-
„ que Duppa , qui avoit été Précepteur
„ de Sa Majefté , 6: qui vivoit encore.
„ Il s'excufa de l'avoir publié fans l'or-
„ dre de Sa Majefté, fur lescirconftances
j, du tems, 6c fur le danger oii étoit le
„ Roi. Charles II. dit à Gauden, que
„jufques-là il n'avoit point fçû que ce
,y fût lui qui avoit compofé ce Livre,
,, qu'il avoit cru que le Roi fon Père en
„ étoit l'Auteur , mais qu'il s'étoit étonné
„ comment il avoit pu trouver du tems
5, pour compofer cet Ouvrage: il ajouta,
„ que l'Auteur l'avoit écrit en homme
„ fçavant, & en Roi; & que s'il eût été
„ publié plutôt, il auroit peut-être fauve
,5 la vie de fon Père. Il promit en mê-
,, me tems l'Evêché de Wincheiter à
„ Gauden.
,, Ce Dodeur apprit enfuite au Duc
„ d'York que c'étoit lui qui étoit l'Auteur
„ du Livre qui avoit paru fous le nom
„ de Charles I. ; le Duc répondit , qu'il
ii avoit cru que fon Père l'avoit coropo-
„ fé. Gauden dit à Son Altefle, que le
„ Roi lui avoit promis l'Evêché de Win-
„ chefler , & le Duc l'aflura aufli de fa
„ proteélion. Quand l'Evêque Duppa fuc
„ mort , Gauden demanda au Roi l'ac-
,, complilTement de fa promefTe ; mais
TomeXHL Part. L K „ INIor--
ï4(5 Bibliothèque Britannique,
,, Morley, qui avoic dit à Gauden qu*iî
,, obtien'droic tout ce qu'il voudroit, fut
,, pourvu de i'Evêché de Winchefler , &
f, Gauden n'eut que celui de Worceder ,
f, dont il ne jouit que fix mois. Après fa
5> mort, fa Veuve repr&fenta au Roi, dans
„ une Requête au Roi , qu'elle étoit reftée
s, Veuve avec quatre garçons & une fille,
., qu'il en avoit coûté 200. Livres flerling
„ à Ton Mari pour fe tranfporter d'Exce-
,, ter à Worcefler, & pria le Roi de lui
„ accorder les revenus de TEvêché pen-
„ danc fix mois 5 mais il le refufa, & les
ff donna à un autre.
Telles font les Raifons qu'on allègue,
pour prouver que Charles I. n'eft point
l'Auteur de VIcm Bafilikè ^ & qu'il a été
compofé par le Dr. Gauden. Toland,qui
â rapporté ces raifons dans la Vie de
Milcon , n'a pas jugé à propos de parler
des Réponfes qu'on y a faites *; & c'eft
pourquoi, fans doute, on ne trouve rien
de ces Réponfes dans l'Article de Milton
que Mr. Bayle a donné dans fon D.ction-
naire. Cependant la plupart de ces Ré-
ponfes font aflez fol ides , pour nous en-
gager à fufpendre au moins notre Juge-
ment.
Pre-
* Il cil vrai qu'il a répliqué à quelques-unes
dans fon Amynîor ^ où il rapporte auiïi le Nar-
ré de Mad. Gauden, & s'efforce de le conci-
lier avec 1* Récit du Dr. Walker.
Avril, Mai et Juin. 1759. 14;^
Premièrement, à l'égard de ce qu'on
prétend que Mylord Anglefey avoit écrie
dans un Exemplaire de VIco?î Bafîlikè , on
remarque: i. Que Charles II. & Jaques II.
ont tous deux déclaré le contraire de ce
qu'on leur fait dire-là, comme il paroîc
par les Lettres patentes qu'ils ont données
à rimprimeurdes Ouvrages de Charles I. ;
ils y attribuent poiitivement à leur Père
le Livre en queflion.
2. La Note de Mylord Anglefey ne mar-
que que d'une manière très-vague, le tems
auquel on prétend que le Roi & le Duc
lui découvrirent ce fecret. La dernière
féance du Parlemeiiî , 1675, peut fignifier,
ou la féance dans laquelle le Parlemenc
fut prorogé ; ou la féance qui précéda im^-
médiatement le tems où la Note fut écrite.
Si la date eût été marquée d'une manière
précife, peut-être auroit-elle fourni de
quoi réfuter entièrement la Note , on au-
roit pu prouver , que le Roi ou le Duc
ne furent point au Parlement ce jour-là^
ou que du moins ils n'y furent pas tous
deux ; ce qui en effet leur arrivoic rare-
ment.
3. Outre plufieurs autres objedlions qu'on
fait contre cette Note , com.me d'être in-
férée dans -un feuillet blanc d'un Livre,
où elle ne pouvoit être découverte que
par le plus grand hazard du mondç , àc.
on nous fait remarquer, qu'il y a beau-
coup d'apparence que le Manufcric donc
K 2. il
148 Bibliothèque Britannique,
il y eft fait mention , n'a jamais exiflé.
Car Millington, qui avoit fouvent pré-
tendu qu'il l'avoit entre fes mains, & qui
avoit promis de le montrer à Mr. Wâg-
flafFe, a toujours rcFufé de le produire
lorfque Mr. WagflafFe a été chez lui dans
le deiTein de voir ce Manufcrit.
4. Le Lord Altham ,fils du Comte d'An-
glefey, a écrit à Mr. WagflafFe, ,, Qu'il
9f a envoyé chez Mr. Millington, pourle
i, prier de lui montrer cette Note écrite
99 de la main de Ton Père ;que Millington
99 a refufé de l'envoyer , promettant de
99 l'apporter lui-même ce jour-là ou lelen-
„ demain ; mais qu'il n'en a rien fait , de
„ forte que Mylord Altham ne fçauroit
9} dire (1 la Noce efl écrite de la propre
99 main defonPere, ou non; mais à en
99 juger par la manière confufe dont elleefh
99 couchée, embarraflee de Parenthèfes,
99 il doute que fon Père l'ait écrite; car
99 on fçait qu'il avoit le talent de s'expri-
^, mer d'une manière nette & aifée. Il
,5 croit donc que cette Note eft une pié-
,, ce fuppofée ... ; car ni lui , ni aucun
,, de fa famille qu'il fçache , n'ont jamais
;, vu fon Père douter que le Roifûtl'Au-
,, teur du Livre en queflion,& ne lui ont
5, jamais ouï dire un mot touchant cette
,, Note. Et pour ce qui elt du Manufcrit
M dont il y eft fait mention, Mylord Alt-
5, ham dit, qu'il a fouvent eu la clef
j> de la Bibliothèque de fcn Père, à. la
„ liberté
Avril, Mat et Juin. 1739. 14^
5, liberté d'y confulter les Livres qu'il lui
„ plaifoit; mais qu'il n'a jamais vu ceMa-
„ nurcric, & qu'il n'a jamais fçû ni ouï
„ dire à Ion Père qu'il eût un pareil Ma-
„ nufcrit*'. Dans une autre Lettre il dit,
qu'i7 a examiné les Papiers de fon Père, par-
mi le/quels il a trouvé un Journal de ce qui
fe pallbit au Parlement , écrit de la propre
main du Comte d'Angkfey , âf contenant des
tbofes qui le regardoient perfonnellement ; ce
Journal étoit de l'année rnème dont il ejl par-
lé dans la Note , mais il ny étoit pas dit un
mot de ce qui ejl contenu dans cette Note , quoi-
que ce Journal contienne des cbofes bien moins
importantes , 6f quelques particularittz que le
Roi dit au Comte dans la Chambre.
5. Ceux qui prétendent que Charles I.
n'cfh point l'Auteur de ce Livre, regardert
comme un efFet particulier de la Provi-
dence, la manière dont la fraude a été dé-
couverte. Le Dodteur Walker dit, que
Millington ouvrant le Livre par hazard,
y trouva la Note, & Toland, que Mil-
lington eut le tems de feuilleter le Livre , par-
ce que les EncheriJJeurs étoient fort froids ; ^
fut extrêmement fur pris dy trouver cette Noie.
Mais c'efl-là un grand menfonge : car long-
tems avant la vente de la Bibliothèque
de Mylord Arglefey, Millington avoit por-
té ce Livre dans fa' poche ,& l'avoit mon-
tré à diverfes perfonnesiôc lorfque le Li-
vre fut vendu, il en arracha le feuillet fur
lequel la Note écoit écrite ; afin que per-
K 1 fonnc
îjo Bibliothèque Britannique,
ionne ne pût la voir fans (a permiiîion , 6c
qu'en iu préfence. Voilà un fait auquel
ioiand ne répond rien dans fon Amyn-
tor ; à. qui méritoit pourtant quelque'ré-
ponie, puifqu'il donne lieu de foupçon-
iier quelque fraude de la part de Mil-
iington.
6. Le Douleur Jaques Canaries , dans
une Lettre datée d'Abingdondans le Com-
té de Berk, le 17. Juillet 1693., dit, que
Mr. Jaques Wood, un des Ivliniltres de
St. André en Ecofle, Principal du vieux
Collège de cette Univerfifé, & un des
CoînmilTaires envoyez d'Ecofle au Roi
Charles 'IL à Breda l'an 1650., a afluré
fon Père, ,, Oue ce Prince lui dit en pré-
9, fence de pluùeurs perfonnes de quali-
99 té ; fapprens que certaines gens foutien-
f, nent que mon Père n'ejt point l'Auteur ds
j> ricôn îjafilikè ; .... c'efl une infigne ca-
,9 lomiîie , comme je vais vous en convaincre.
39 Sur quoi Sa Majefté fit entrer Mr. Wood
55 dans fon cabinet, & lui montra le Li-
,9 vre écrit d'un bout à l'autre de la main
f, de fon Père, avec une Lettre du même
9 9 Prince concernant cet Ouvrage. Ecpour^
99 convaincre Mr. Wood, que c'étoit vé-
î, ritablement l'écriture de Charles L , il
99 lui fit voir plufieurs autres Lettres, tou-
99 tes écrites de la main du même Prin-
5, ce: Mr. Wood ayant comparé les é-
j, cricures , convint qu'el'es éroient tou-
»^ tçs de la même main; fur quoi le Roi
9) lui
Avril, Mai et Juin. 1739. 15^
,, lui die : Jugez vous-fnême fi mon PereaU"
„ roit voulu prendre la peine de copier un Li^
„ vre dont il n'auroit point été V Auteur ,
9f & s'il auroiî écrit une pareille Lettre tou-
i, cbant ce Livre *'. Mr. Wood étant de
retour en Ecofle , raconta toutes ces par-
ticularitez au Père du Docteur Cana-
ries.
Après quelques réflexions contre le
témoignage du Dodeur Gauden , qui ,
ayant intérêt à foutenir qu'il étoit l'Au-
teur du Livre en queftion, ne doit être
cru qu'à bonnes enfeignes , Mr. Birch com-
pare le Récit du Doâ:eur\Valker avec le
Narré de la Veuve de TEvêque Gauden ,
& fait voir en quoi ces deux témoigna-
ges Te contredirent. Suivant le récit du
premier , ni lui ni Gauden ne fçavoienc
fi Charles I. avnt vu leL'vre , ou non. Mais
luivant le Narré de Madame Gauden , le
Marqus de Hertfurt d t , quil avoit donné le
Livre au Roi. Suivant le Dodleur Walker,
Gauden n'a jamais fçû ce que le Roi penfoiî
de cet Ouvrage. Mais fuivant l'autre Nar-
ré , G mden Içut que Sa Majejlé en étoit con-
tente , cf foubaitoit qu'on le publiât , mais
fous le nom d'un autre. Suivant le témoi-
gnage du Dr. Walker, Gnuden ne pd^voit
pas dire certainemsfït , que Charles II. fçùt
qu'il étoic l'Auteur du Livre. Au lieu que
fa Veuve dit , qu'// le déclara lui-même au
Roi , en en appellant au témoignage de l'Eve-
K 4 que-
T52B1BL10THEQUE Britannique,
que Duppa. Suivant le Dodteur Walkcr,
Gauden juge que le Roi fçait qu'il a corn-
pofé cet Ouvrage, parce qu'il eft fur que
le Duc d'Yorck le fçait, & qu'il l'aura fans
doute dit au Roi. Mais fuivant Mad. Gau-
den, ce fut lui-même qui ledit au Roi,
avant que d'en informer le Duc. Ces con-
trarietez , & quelques autres que nous
omettons , ne peuvent que rendre fufpeft
l*un ou l'autre de ces Récits, & peut-être
Ct)us les deux.
Mr. Birch allègue après cela plufiturs
Preuves pofitives pour revendiquer au Roi
Charles I. le Livre en queftion. Ce font
les témoignages de diverfes perfonnes,
qui ont vu le Livre en manufcrit dans le
cabinet du Roi, écrit de fa propre main;
qui lui en ont même vu écrire plulieurs
pages à diverfes renrifes ; ou qui le lui
attribuent daas leurs Ouvrages. Il feroic
trop long de rapporter tous ces témoi-
gnagesrnous remarquerons feulement, qu'on
y tiOTive quelques variations qui les in-
valident un peu, ce que Toland n'a pas
manqué de rélever dans fon Amyntor. Jl
y a audi quelques-uns de ces témoignages,
qui ne viennent pas de perfonnes fort
confidcrables & d'un grand poids.
Mr. Birch finit cette première Diiïerta-
tion , en rapportant ce qui a été dit pour
& contre , au fujet de la fameufe Prière at-
tribuée à Chailes I. , & tirée prefque mot
à
Avril, Mai et Juin. 1739. 15^
à moc de la Prière de Pamela , dans TAr-
cadJe du Chevalier Philippe Sidney * •
J'ai été furpris de ne point trouver dans
cette DiiTertation un Pallage de TEvêque
Burnet, dans l'Hiftoire de Ion Tems, où
il eft parlé de Vlcôn\Bafilikè. Comme je
n'ai ni l'une ni l'autre des deux Traduc-
tions Françoifes de cette Hiitoire fous !a
main, je traduirai ici ce pafliige fur l'O-
riginal. LEvêque, parlant de la Haine
que l'on conçût contre les Auteurs de la
mort de Charles I., continue de cet-
te manière. ,, Cette haine f fut enco-
„ re confiderablement augmentée par la
„ publication de fon Livre intitulé Icîn
i, Bafîlikè , qu'on lai attribuoic généraîe-
5, ment. Cet Ouvrage, qui parut immé-
„ diatement nprès la mort du Roi, fuc
„ réimprimé plufieurs fois , & eue un auf-
;, fi grand débit qu'aucun Ouvrage publié
„ de notre tems. On y découvre tantd'é-
„ levation & tant de juftefle dans lespen-
„ fées , & tant de nobleife dans le ftile ,
„ qu'on peut dire que c'eft le meilleur
„ Livre qui ait été écrit en Anglois. Et
,, la pieté qui règne dans les Prières qu'il
5, renferme, fut caufe que tout le monde
„ fe recria contre le meurtre d'un Prin-
„ ce , qui dans fes dévotions les plus fe-
,, crêtes
* Voyez le Dift-onaire Critique ^uhi fut'rà.
t Burnet, Hillcire de fon Tems, Tome i.
PS' 5^' ')i. de l'j^nglois.
K 5
Î54 Bibliothèque Britannique,
„ crêtes, jugeoit fi fainement de toutes les
fi affaires qui le regardaient. J'ai été élevé
5, dans une très -grande vénération pour
„ cet Ouvrage. Et je me fouviens, qu'ayant
i, enter.du quelqu'un nier que le Roi en fût
î, l'Auteur, je demandai ce qui en étoic
,j au Comte de Lotliian , qui nvoit très-bien
„ connu Charles I., (^'i: qui l'avoit aimé
,, très-peu. Il me parut être fur que ce
5, Prince l'avoit comporé ; car il me dît,
5, qu'il l'avoit fouvent entendu employer
„ plufieurs traits qui fe trouvent dans cet
,, Ouvrage. Etant ainfi confirmé dans mon
,, fentiment , je fus fort furpris lorfqu'en
., l'année 1673. quej'étois bien avant dans
,, la faveur du Duc d'York, qui fut enfui-
;, te Jaques II. , & par] inc familièrement
,, avec lui (car il me perm.ettoit de l'en-
,, tretenir librement fur des matières de
,, Religion) comme je lui cbjcftois quel-
„ ques paifages du Livre de Icii Père , il
,, me dit que fon Père n'en étoit point
„ l'Auteur, & que la Lettre au Prince de
,, Galles ne lui avoit jamais été renJuë : il
,, ajouta, que le Docteur Gauden l'avoit
,, compote. AprèslaKeflaurationjCe Doc-
,, teur mena le Duc de Sommerfet <Sc le
,, Comte de Southampton au Roi 6: à lui,
,, (Duc d'Yovk) qui afiurerent Sa Majef-
,, té & le Prince, qu'ils fçavoient que
,, c'étoit rOuvrage de Gauden; que le
„ Comte de Southr^mpton lui-m.éme l'a-
„ voit montré à Charles I, pendant le
,, Traité
Avril, Mai et Juin. 1739. 155
„ Traité de Newport ; que le Roi l'avoit Id
„ &ravoicapprouvé,conime contenant fes
„ propres fentimens.Lc Duc d'York ajouta,
,, que quoique Sheldon & les autres Evê-
j, ques s'oppofalTent à ravancement de
„ Gauden, parce qu'il avoit ngné la Con-
f, fédération des Presbytériens *; cepen-
„ dant le grand fervice qu'il avoit rendu
„ à la Couï-onne par cet Ouvrage plaidant
„ en fa faveur, il fut avancé malgré toute
„ roppoficion de fes ennemis. Cet Oa-
f, vrage a fait naître de grandes difputes,
& il y a des gens qui veulent à toute
force que le Roi l'aie coiTipole, & qui-
conque en doute , pafle dans leur efprit
pour un faux Frère ; cependant les rai-
Ibns qu'on a alléguées depuis pour
prouver le contraire , font fi fortes , que
ne me fentant pas capable de décider
la quellion , >e fuis obligé de la iaifler
dans la même incertitude oii je l'ai trou-
vée, je dirai feulement ceci; c'eft qu'il
eft certain que Gauden n'a jamais rien
)9
99
>>
99
99
J5
99
>>
i, écrit avec tant de force: &. qu'à en ju-
„ ger par le ftile de fes autres Cuvra-
?>
99
ges , on ne l'auroic jamais cru capable
de compofer un fi excellent Livre.
Si on prend la peine de comparer ce Ré-
cit du Dodeur Burnet, avec celui de la
Veuve du Dr. Gauden, on trouvera qu'ils
ne s'accordent gueres. Et en général cette
Difpute fait voir, qu'il nelï pas toujours
aud:-
* The Covrnant.
15*5 Bibliothèque Britannique,
aulfiaifé que certaines gens fe l'imaginenc,
de prouver que les Ouvrages foienceffec-
tivemencde ceux donc ils portent le nom.
Dans la féconde Diflertation de Mr.
BirchjOn trouve d'abord la Commiffïo?! qu'on
prétend que Charles I. donna aux Papilles
d'Irlande en 1641. pour prendre les Armes
contre les Procellans de ce Païs-là. Mil-
con a cru que cette Commiffionétoit véri-
tablement du Roi,- & Toland dit *, que
„ ceux qui feront bien aife de voir d'au-
,5 cres raifons , outre la confefîion même
,, des Rebelles , de croire que Charles I.
,5 a réellement donné cette CommilTion,
,, (car je ne décide rien fur cefujet)pour-
5, ront confulter la Remontrance des Irlan-
dois , 6c le Livre du Dr. Jones , l'une 6c
l'autre publiez par l'autorité du Parle-
,, ment, & une Pièce imprimée en i0'43,
„ fous ce Titre , Le Myftèred^ Iniquité, pag.
,, 35. & 36. ; comme auilî la Chronique de
,5 Vicar , lîl. Part. p. 70 ,011 cette Com-
,5 miffion efl inférée tout au long.
Mr. Richard Baxter, dans VHijîoire de
fa ^î>t,fait beaucoup de fond fur l'affai-
re du Marquis d'Ancrim , ,, qui fut un
„ dcî» Rebelles d'Irlande au commencement
* Dans VRdititn des Oeuvres de Milton , î/«-
primés en 1698. in fol. rag. 528.
t Part. III. p. 83. t'oyez aiijjl l'Abrcgé de
îa Vie rie Mr. B;:xter , par le Dr, Calainy,^.
43. Kdiî. 171 3.
^y
Avril, Mai et Juin. 1739. 15?
;, de la guerre, lorfqu'on commit cet af-
„ freux mairacre, dans lequel ceux-ccns-
î, mille Proteilans furent égorgez. Ses
„ biens ayant été fequedrez , il en deman»
,y da la reilicution au rétabliffement de
„ Charles II. Le Duc d'Ormond ( Viceroi
fy d'Irlande) & le Confcil , prononcèrent
„ fëntence contre lui. Il en appella au
,, Roi , & foutint qu'il n'avoic rien fait
„ que du coufentemenr & fous l'autorité
„ de Charles I. Le Roi renvoya cette af-
„ faire à quelques Membres di* fon Con-
5, feil privé, qui, après avoir examiné ce
„ que le Marquis avoit à dire pour fa juf-
„ tifîcation, rapportèrent qu'il avoit agi
„ du confentement du Roi , ayant pour cet
^, effet une Lettre contenant les Inllruc-
„ tions de Sa Majeflé ; ce qui furprit bien
5, des gens. Sur quoi Charles IL écrivic
5, au Duc d'Ormond & au Confeil d'Irlan-
j5 de, de le rétablir dans fes biens, parce
a, qu'il paroiObità ceux qui avoient exami-
,5 né fon affaire , qu'il n'avoit rien fait
), que par ordre ou avec le confentement
,, du Roi. Là-deffus les anciens Adhérans
„ du Parlement * fe perfuaderent de plus
„ en plus , que la guerre avoit été jufte ; &
„ ceux même qui avoient fait mourir le
,, Roi , prétendirent juftifîer cette adtion,
„ en foutenant que le Droit Naturel l'au-
„ tori-
t C'ç{l-à-dirc ic Parti contraire à Cït3S-
!>% I.
158 Bibliothèque Britannique,
„ torifoic. La chofe n'en demeura pas-là.
yy Le Lord Mazarine, à. pluiieurs autres
Irlandois, pourfuivirenc cette affaire a-
vec tant de chaleur , que le Marquis
d'Anrrim fut forcé , pour fa propre juf-
tification,de produire devant la Cham-
bre des Communes du Parlement d'An-
_ gleterre , une Lettre du Roi Charles L ,
„ par laquelle il lui ordonnoit de prendre
„ les armes ; cette Lettre ayant été lûë
„ dans la Chambre, impofa îilenceàtous
„ les Membres» Ils n'en témoignèrent
„ pas moins de vénération pour la mé-
,, moire du Roi. Mais cela fit une toute
5, autre imprelnon fur l'efprit du peuple.
„ l^ûus avez 'voulu nous ptrfuader ^ di\\QÏi-on
55 aux Partifans du Roi , qiiil s'émt déclaré
,, contre les Rebelles d'Irlande , £5* que ceux-ci
le calomnioienî , en prétendant avoir des
ordres , & une commijfion de fa part. Et
ne voyons-nous pas nous - 7nêmes à préfent ,
da?is quel efprit il aiiroit voulu aller en Ir-
lande Je mettre à la tête d'une Armée ? Onfe-
ma plufieurs autres réflexions féditieufes
parmi le peuple , dont on peut voir le
précis dans une Brochure qu'on im-
_ prima alors fous ce Titre \Le Meurtre fe
„ découvre un jour * , & dans laquelle on
,5 inféra la Lettre du Roi avec des Re-
,, marques. Ceux qui avoient encore quel-
„ que vénération pour la mémoire de
J5
En Angloï!: , Murther v/ill out.
Avril, Mat et Juin. 1739. T59
99 ce Prince, auroient fouhaité que Char-
„ les II. eue déclaré, que Ton Père n'a-
„ voie donné commiffion au Marquis d'An-
99 trim de lever une Armée en Irlande,
„ que dans le deflein de la faire ferv.r
,, contre les Ecofibis , & que ce fut mal-
„ gré lui qu'elle lé tourna contre lesPro-
,, teftans Anglois qui étoient en Irlande,
,, & en malTacra tant de milliers : mais
»9 quod fcripium erat, fcriptum erat ; ce qui
,9 étoit écrit, étoit écrit.
Mr. Birch nous donne enfuite la Lettre
de Charles I L au Duc ri'Ormond & au
Confeil d'Irlande ; elle renferme un détail
de l'affaire du Marquis d'Antrim. On y
voit qu'il avoit agi en effet fuivant les
ordres de Charles I. Mais comme Mr.
Birch le fait remarquer dans la fuite , il.
ne paroît pas par cette Lettre , que les
ordres que le Marquis avoit reçus du
Roi , foient antérieurs à l'an 1644. au
lieu que le Maflacre d'Irlande arriva l'an
1641. On ne fçauroit donc prouver par
cette Lettre, que la Commiflion donnée
aux Papilles d'Irlande ,ibit véritablem.ert
du Roi , ni même qu'il leur en ait donné
aucune.
A l'égard de la Commifïion même don:
il s'agit ici, Mr. Birch y remarque, après
Mr. de Rapin * , une preuve de fuppo-
f-
^Hift. d'Anglct. Tome, viii, Liv, xx, fou^
Van 1^41,
l60 BiRLÎOTHEqUE BRITANNIQUE;,
fition , c'eft qu'on y faic dire au Roi dts
choies qui ne font arrivées qu'après lada-
te de cette CommilTion , qui eft du i.
Octobre 1641. Mr. Tindal, dans fa Tra-
dudion, ajoute une autre raifon, qui dé-
montre que c'eft une impodure. La Com-
miOion eft donnée fous le fceau d'EcolIe ,
& cependant l'Angleterre y eft nommée
la première ; ce qui ne fe faifoit jamais
dans les Actes publics d'Ecoffe. Ajoutez à
cela qu'elle eft durée d'Edimbourg , au
lieu que tous les acles que Charles I. a
lignez durant fon féjour en Ecofle , font
datez de Holyrood-Houfe ^ qui étoit le lieu
de fa réfidence. D'ailleurs l'EvêqueBur-
iiet dit dans fes Mémoires des Ducs de
Hamilton *,que le Garde du grand fceau
d'Ecofte déclara, qu'il l'avoit toujours eu
entre les mains, plufieurs mois avant (Se
après le i. d'Ocîobre 1(541. & que ce
fceau n'avoit jamais été appofé à une pa-
reille Commiiiion.
Mais ce qu'il y a de plus fort , & qui
va directement au but, c'eft qu'on prou-
ve ici , par le témoignage de Mr. Jean
Ker, Doyen d'Ardach , écrit & ligné de
fa propre main, que ce fut Phelim O-Nei-
le, Chevalier Irlandois , qui forgea cette
Commiftlon. C'étoic un Chef des Rebel-
les 5 qui fut mis en procès & jugé à Du-
blin, en Février i(5jl. I\Ir. Ker fut pré-
fent
t P^g- 183. âf 250.
Avril, Mai et Juin. 1739. làt
fent à Ton Procès. On prouva qu'il a-
voit commis plufieurs meurcres ; & com«
me il n'avoic ri'en à dire pour fa juftifica-
tion, un des Juges 1 interrogea touchant
une commifllon qu'il devoit avoir reçue
de Charles Stuart pour faire la guerre.
On prouva que Phelim 0-Neale avoit eu
une commilTion , qu'il avoit montrée 4
plufieurs perfonnes , au commencement
âe la Rébellion d'Irlande. 11 avoua , que
lorfqu'il eût furpris le Château de Char-
lemont, & le Lord Caulfield, il ordonna
à Mr. Hamilton , & à un autre Gentil-
homme dont Mr. Ker ne fe rappelloic
pas le nom, de détacher le grand fceau
du Roi d'une Patente qui apartenoit au
Lord Caulfield , & laquelle - ils avoienc
trouvée dans le Château , & de l'attacher
à une Commiflion que lui ( Phelim 0-Nea^
le ) avoit fait drelïer. C'eft ce que Mr.
Hamilton lui-même déclara aufli en plei-
ne audience. On fit tout ce que l'on put
pour engager 0-Neale à confelfer qu'il a«=
voit eu une Commiflion du Roi : On lui
dit, qu'une pareille Commiflion juftifieroic
pleinement fa conduite & le feroit ab-
foudre ; & même lorfqu'on fut fur le
point de l'exécuter, le Lieutenant-Géné-
ral * lui fit encore offrir fa grâce, s'il
vouloit avouer qu'il eût agi par ordre du
Roi ; il déclara conftamment, ù. même à
* Ludlovf.
Toim XllL Paru L t
I(52BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
la potence , en préfence d'une foule de
peuple, le plus folemnellement. du mon-
de, prenant Dieu & fes faints Anges à
témoin, qu'il n'avoit jamais eu de Com-
milTion du Roi pour faire la guerre» C'efl
ce que Mr. Ker dit avoir entendu de fes
oreilles, étant prêt à confirmer par fer-
ment tout ce récit, qui eft figné de fa
main^ le 28. Février 168 1.
Ce Récit efl confirmé par le témoigna-
ge de plufieurs perfonnes,& particulière-
ment au Dr. Guillaume Sheridan , qui a
été Evéque de Kilmore en Irlande, &de
iSli'. Lock , un des Membres de la Cham-
bre-bafle de ce Royaume, qui afilfterent
l'un & l'autre au fupplice de Phelim O-
Neale. Et ce qu'il y a de remarquable,
c'efl: que la Patente même dont on avoit
détaché le grand Sceau , & qui contenoic
tm octroi de certaines terres fituées dans
le Comté de Tyrone en Irlande, fut pro-
duite , iî y a cinq ou fîx * ans , dans un pro-
cès que le Lord Charlemont eut touchant
ces Terres. Il paroifToit clairement que
le Sceau avoit été détaché de cette Pa-
tente , 6l on l'avoit même marqué ex-
prefTement au dos. De forte qu'elle fuc
admife par les Juges comme un acle au-
tenti-
' * La Vie du Duc d'Ormond ,par Mr. Carte»
d'où cette particularité eft tirée , fiit imprimée à
Londres en 1736. en 3. Vol. in folio, en i\n-
glois. Voyez y le L V^ol. Liv. III. p. iSi,
Avril, Mai et Juin. 1739. 153
tentique. Mr. Birch allègue encore quel-
ques autres raifons , pour prouver eue
Charles 1. n'a poinc donne de Commin.on
pareille à celle qu'on lui accribue. Mais
comme ces raifons nous paroifTent beau-
coup plus foibles que celles que nous a-
vons rapportées, nous ne nous y arrête-
rons pas. Nous remarquerons feulement ,
que dans prelque tous les procès qu'on a fait:
aux Papilles d'Irlande après la mort de
Charles I. on a taché, par toutes fortes de
moyens , de les obliger à confeiTer , qu'ils
avoient une Commiinon de ce Prince»
dans le defiein fans doute de rendre fa
mémoire plus odieufe.
Notre Auteur vient enfuite à l'affaire
du Marquis d'Antrim. Nous avons déjà
remarqué, qu'il paroît par les procédures
de cette affaire, que les Lettres du Roi,
que le Marquis allégua pour fa juftifica-
tion , fontpoftérieuresau Maffacre d'Irlan-
de. De forte que, quoique Mr. Birch
nous donne un long détail fur tout ceci ,
nous ne l'y fuivrons point : nous nous
contenterons de renvoyer le Ledeur à
Mr. Burnet *.
Il faut voir pourtant ce que l'on répond
au fujet de la Lettre du Roi Charles L,
que le Marquis d'Antrim produifit devanc
la Chambre des Communes du Parlemenc
d'An-
- *• /îii I. Tome de l'Hilloire de fon tems , pag^
Jio, ^ ^i. de l'Anglois.
L 2
i6\ Bibliothèque Britannique,
d'An,a;leterre, & qui impofa filence à tous
les Membres , comme on l'a vu ci-defTus ,
dans le paiïage tiré de la Vie de Mr. Bax-
ter. S'il ne s'agit, nous dit -on, que d'u-
ne de ces Lettres par lefquelles Je Roi
lui commando] t de lever des Troupes en
Irlande pour le fecours de l'Ecofle , on
n'en peut rien conclure par rapport à
la Commiiîion dont il s'agit, tous ces or-
dres étant poftérieurs au Maflacre d'Ir-
lanJe. vS'il ne s'agit d'aucune de ces Let-
tres , mais de quelqu'autre ou il lui foie
com'Tipndé d'armer les Papiftes contre les
Proteftans ; on ne voie pas pourquoi il
n'uu'-oit pas produit cette Lettre plutôt,
& lorfque des Commiflaires nommez par
Charles IL examinoient fcn affaire. De
plus , Nîr. Carte dit dans fa Préface fur
la Vie du Duc d'Ormond *, qu'il a exa-
m né tous les Journaux de la Chamibre
des Communes, depuis la Reftauration ,
jufqu'à l'année 1670 f» ^^^s v trouver
rien touchant cette Lettre de Charles L,
ni rien qui fafle voir que le Marquis d'An-
trim ait paru devant la Chambre, ou que
le Lord MafTareene ait préfenté Requête
au Parlement d'Angleterre. S'il y eut eu
quelque cbofe de femblable ^ ajoute Mr. Car-
te,
* Pag. II.
* Le Lord Maffareene , ou Mazarîne (car
nous trouvons fon nom écrit de ces dcu.^ ma-
nières) mourut en Septembre 1665..
Avril, MaietJuin. 1739 j6y
te ,il en feroiî certainement fait mention dans
les iMtres du Lord Aungier , au Duc d'Or*
mond; car ce Lord écoit Membre delà Cham-
bre-baffe en Angleterre, ajfijloit à toutes les
fiances , (f ne laijfoit guerts paffer de pojies
fans écrire au Duc d^Ormond , alors l^ieeroi
d'Irlande^ (f lui parloit pre/que t.ïljmrs de
la conduite du Lord Maffaretne, durant fon
fêjour en Angleterre. Le Douleur Calamy *
dit, qu'on Ta aiïuré que cette Lettre a
été pendant quelque tems dans ce qu'on
appelle ici îhe Paper-Office. Sur quoi Mr.
Carte remarque , que cet Office efl un Bu-
reau où l'on dépofe les papiers préfentez
aux Secrétaires d'Etat , & non pas ceux
qu'on préfente au Parlement. Cependant
il a vifité cet Office, mais il n'y a point
trouvé la Lettre en queftion , quoiqu'il
y aie vu pluûeurs Requêtes au Roi, &
divers Papiers touchant le Marquis d'An-
trim.
Pour ce qui efl: de la Brochure que
Mr. Baxter cite, & qui eft intitulée, Le
Meurtre fe découvre un jour\Mx. Birch nous
apprend , qu'il paroît par les Lettres du
Comte d'Arlington auDucd'Ormond ,que
cette Brochure fut imprimée peu de tems
après la Lettre de Charles 1 1. à ce Duc,
dont nous avons parlé ci deflus ; & qu'el-
le ne contient que cette Lettre même,
précédée d'un Avertiflement , oli il efl dit
que
* Abridgment of Mr. Baxter's Life, p. 43.
L 3
I6<5 BlULTOTHEQUE BRÏTANIflQUE,
que le Roi a accu/é fon Père .afin de juftifier
le Marquis d'Antrim . Mais il ne paroîc pas
par les Lettres du Comte d'Arlington ou
ileil parlé de cette Brochure , qu'il y foie
tlit un feul mot de la Lettre que le 'Mar-
quis d'Antrim produific devant la Cham-
bre des Communes. Si Mr. fjirch eût pu
découvrir la Brochure même, il auroit été
en état de nous apprendre quelque chofe
de plus pofitif. Mais c'eil le fort des Libel-
les, de fc perdre fans reffource, dès que
les difputes qui les onc font naître font;
aiTo unies.
ARTICLE VIL
A Tour thro' the -cchok ISLAXD of
GREAT BRITAIN D'roided into Cir-
cuits orjoumies , giving a ParticuJar and
enterîainïng Account of 'vjbatcjer is cu-
rmis and idorth obfervation. Viz. I. A
Defcriptîon of the Principal Cities and
Towns , their Situation , Government
and Commerce. 2. The Cuftums y Man-
fiers ^ Exercises ^ Diverfions ^ and Em-
ployment of the People. 3. Tfje Produce
and împrovement of the Lands , the Tra-
de and ManufaSiures, 4. The Sea-Ports
and Fortifications , the Cour;e of Rivcrs
and the Inlaud' Navigation. 5. The Pu-
blic
Avril, Mai et Juin. 1739. la-^
Me Edifices , Seat s and Palaces êftbe
Nobilîty and Gentry. In Three Volumes,
London ; Printed for J. Gsborn , S.
Birt, D. Browne, A Millar, F. Co-
gan , J. Whiflon and J. Robinfoni738.
in H°. Cejl'à-dire : Relation Hifto-
rique de Voyages faits dans tous les
Comtez de la Grande-Bretagne , où
l'on donne une defcription détaille'e
& amufante de tout ce qu'il y a de
curieux & de remarquable. I. Des prin-
cipales Villes & Bourgs, de leur Si-
tuation, Gouvernement & Commer-
ce. 2. Des Coutumes , Mœurs , Exerci-
ces, DivertifTemens & Emplois du
Peuple. 3. Des Produ6lions 6c de la
Culture des Terres, du Négoce &
des Manufa6lures. 4. Des Ports de
Mer, des Fortifications, du Cours
des Rivières , & de la Navigation
dans l'intérieur du Royaume. 5. Des
Edifices publics , des Maifons & des
Palais de la NoblefTe, &c. En trois
Volumes : A Londres , imprimé pour J.
Osborn , S. Birt, D. Browne, A.
Miilar, F. Cogan, J. Whiflon & J.
Robinfon. A^ 1738. en 8^ Le Pre-
mier Volume contient^ outre Ja Pré-
L 4 face
i6g Bibliothèque Britannique,
face àf la Table des Matières,^ 360.
pages.
LA première Edition de ce Livre parut
en 1722. & fat afîez bien reçue du
public ; mais comme depuis ce tems là il
eft arrivé des changemens confiderables ,
pn a été obligé de faire un fi grand nom-
bre d'additions & de corredions dans ce
jjvre, que cette Seconde Edition peut
pafTer pour un Ouvrage nouveau. L'Au-
teur nous y donne, en forme de Lettres ,
3a defcription des différentes Comtez de
TAngleterre. Sa première Lettre roule fur
ce qu'il y a de curieux dans les Comtez
à'EJfex, de Suffolk, de Norfolk & de Cam-
bridge. Il remarque, par rapport à la Com-
té d'EJJex , que dans le Village de Stratford,
le nombre des maifons eft le double de
ce qu'il étoit il y a quelques années ;
qu'on compte que dans les autres Villages
qui font prè« de Londres , comme Lo'w-
Layton , Layton-Sione , WaUhamlîow , îVood-
ford, ÎVanfted, &c. on a bâti depuis la
Révolution mille maifons, outre celles
qu'on a reparées, ou agrandies ; qu'on
paye de chacune de ces maifons depuis
âo. jufqu'à 60. livres fterling de rente;
qu'il y a dans ces Villages 200. caroiTes
de Gentilshommes , & qu'on y trouve tout
ce qui peut contribuer aux agrémens de
U Société, Ce qn'il attribue à l'opulence
des
Avril, Mai et Juin. 1739. 16g
des Marchands de Londres ,dont les uns ,
s'étant enrichis par le Commerce, fe font
retirez dans ces endroits, pour y pafTer le
relie de leurs jours ; & les aucres gagnent
aflez confiderablemenc pour tenir mailbn
en ville , & à la campagne.
[Cette Remarque femble détruire les
plaintes générales des Marchands d'An-
gleterre, qui prétendent que le Commer-
ce n'ellplus fi floriflant dans ce Royaume
qu*il étoit autrefois. On peut dire , qu'a-
vant la Révolution il y avoit des Mar-
chands puifTamment riches, mais le nom-
bre n'en étoit pas fort grand , (Se la dépen-
ie qu'ils faifoient étoit médiocre; au lieu
qu'il y a aujourd'hui un nombre confide-
Table de Marchands, & que le luxe qui
s'eft introduit parmi eux, les engage à de«
dépenfes excelTlves. ]
La découverte qu'on vient de faire d'un
Chemin Romain qui alloit de Londres dans
k Comté à*EffeXy fournit à notre Auteur
une féconde Remarque. Il nous apprend,
que ce Chemin étoit pavé de larges pier-
res , avec des chauffées & des ponts fur
les rivières qui le coupoient; qu'il com-
mençoit dans les marais de Hakney , pro-
che de Londres, à un endroit nommé JVyck,
qu'il paffoitpar Temple-Mills^p^r Ruckolls ,
par Layton-Stone , a côté de la maifon ma-
gnifique du Comte de Tilney,appellée/^^ûn-
fiedboufe & la forêt de Henault; qu'en
çreufant la terre, on trouva fur ce Chemin
L j un
170B1BLIOTHEQUE Britannique;
un grand nombre de Médailles & d'autres
Antiquicez Romaines, qui étoient entre les
mains defeuMr. Strype, Miniftrede Loiju-
Layton,
La troifième Remarque de notre Auteur,
roule fur l'air mal-fain qui règne dans les
endroits humides & marécageux do la Com-
té à'EJfex qui font le long de la Tamife ,
& fur les côtes de la mer. Il dit que ce
pais cft peu peuplé , que la plupart des
habitans font des étrangers , qui vien-
nent s'y établir, parce que les terres font
affermées à un prix très-modique, que les
maladies fréquentes caufées par cet air é-
pais & les brouillards continuels, empor-
tent fur-tout les femmes , de forte qu'il
n'eft pas rare de voir des Fermiers qui
ont eu fuccellivement jufqu'à quinze fem-
mes.
Kous ne nous arrêterons pas à ce que
notre Auteur dit des Villes de Colchefter
& de Harwicb ; mais nous parlerons d'un
fait qui peut fervir à illuflrer l'Hiftoire
Naturelle. Les habitans dei^arTOfc/?fe van-
tent que les murailles de leur ville & Iç
pavé de leurs rues font d'argile , & que ce-
pendant leurs murailles font auHl fortes &
leurs pavez auffi nets , que s'ils étoient de
pierres. En effet il y a dans le roc qui
efl entre la Ville & le Promontoire ap-
l^eWé Beacons-Hill une efpece d'argile, qui ,
îorfqu'elle efl tombée dans la mer, & a
été battue des vagues & de la tempête ;
fc
Avril, Mai et Juin. 1739. 171
fê change par dégrez en pierre. Car l'eau
qui coule d'une fource qui eft dans ce roc,
tombant dans la mer fur ces morceaux
d'argile , les pétrifie , & la force dos va-
gues & de la tempête, en les remuant 6c
en les faifant changer de fituation, fait
qu^ilsfont pétrifiez égaleirent par-tout Si
on amalTe ces morceaux d'argiie avanc
qu'ils foient entièrement pétrifiez , la fur-
face eit dure comme la pierre, mais en
les caflant avec un marteau, on trouve
que le milieu eft mol comme l'argile.
La Charfe du Roi Edouard, lurnom-
mé le Cnnfejfëur , par laquelle il accorda à
Rodolphe Hept-rkin^ la Garde de la Forêt
d' Epping ,mér\{Q que nous l'infevions ici:-
elle eft courte, elle eft en Vers,<Sc elle
peut fervir à faire connoître la confor-
mité de 1 ancienne Langue Angloife avec
la Langue Allemande; La voici.
Icbs Edvjard Koning Moi Edouard Roi.
Havegc'oènof myFor- y^ii ùonv.é la iiarde
rejt tbe Keeping of de ma Foret dans
îheHundredofCbeU les Cantons dé-
vier and Dandng. Chelmsford ai de
Deering.
To Randolph Peperhng A Rodolphe Peper-
and to bis Ktndling, king d à fes Def-
cendans.
PJ/ltb Heorte and Hind Avec Cerfs & Biches, -
Poe and Bock^ Daims femelles (S:
mates.
Î72BIBLIOTHEQU
Haze and Foxe, Cat
and Broke,
Wilde Fuwell <voitb bis
Floche.
Partrich y Fefant-Hen
andFefant-Cock.
Witb greetieand wilde
Stob and Stock.
To kepen and to yemen
by ait her migbt,
Botb by day and eke
by Night,
And Rounds for to
bolde.
Good and Swift and
bolde.
Fonjoer Grebounds and
fix Racches.
For Haze and Fox and
*wild Cattes,
And tberefore Icb ma-
de him my Book.
Witnefje ibe Bifl:)op
IFolIlon.
And Booke yUzed ma-
ny on.
E Britannique^
Lièvres & Renards,
Loutres & Taif-
fons.
Gibier & tout ce qui
en dépend.
Perdrix & Faifans &
Faifannes.
Avec tout le bois
verd & rauvage,ra-
cine & branche.
Pour garder 6: pré-
fer ver de tout fon
pouvoir.
De jour aulîî-bien
que de nuit.
Et pour garder des
Chiens courans ,
Bons, légers & cou-
rageux.
Quatre Lévriers &
fix BafTets.
Pour des Lievr€S,des
Renards & des
Loutres.
Et pour cela je l'ai
fait enregiftrer
dans mes Archi-
ves.
Témoin TEvêque
Wolfton.
Dont chacun peut
lire le Seign.
And
Avril, Mai et Juin. 1739. 173
And SwEYNK ofEJfex Et S u e y n e d Eflex
our Broîbtr. notre Frère.
Andteken bim many 0- Ec outre lui plufieurs
tber» autres.
And our StinJoardUo- Et notre Intendant
WELIN. HOWELIN.
Tbat by-foughî me for Qui nous a préfcnté
bim. Requête pour lui.
Pour ce qui regarde la Comté de Suf-
folk, notre Auteur remarque, que lorfque
les Hirondelles, au Printems, paflent la mer
pour venir en Angleterre, elles paroiiïenc
premièrement fur les Côtes de cetre Com-
té, qui s'étendent depuis Oxf or d- Nef s jui-
qu'à Tarmouîb; & que dans l'automne el-
les partent de -là pour repaflerla mer, &
pour fe retirer dans aes Climats plus
chauds. Il rapporte, qu'au commencemenc
du mois d'Odtobre, érant logé dans une
maifon de la Ville de Southwould qui don-
noit fur le Cimetière, il vit un nombre
prodigieux d'Hiror.delles fur les toits de
l'Eglife & des maifons voifmes, & qu'il en
demanda la raifon à un homme grave,
qui lui répondit, que ces Hirondelles s'é-
tant rendues fur les côtes pour pafler la
mer , fe trouvoienc arrêtées , parce que
les vents étoient contraires; à quoi il a-
joute , que le lendemain le vent s'étanc
tourné au Nord-Oueft, elles avoient dis-
paru. Il croie que les Hirondelles char-
gent
l74BlBLIOTHEQrjEBRITANNIQUE,
gent de climat, non feulemenc à caufe
du froid 6l du chîud , mais encore pour
pourfuivre leur proye," qu'elles viennent
en Angleterre en Eté, parce que ce pais
étant rempli débrouillards, produit une
quantité prodigieufe d Infectes donc elles
fe nourrilTent, que fi la chaleur & la fé-
cherefTe qui régnent dans l'air tuent ces
infectes, les Hirondelles , faute de nourri-
ture , perdent leur force & tombent en
terre comme mo^-tes ; que la néceifué de
chercher leur proye ailleurs , les oblige
à quitter l'Angleterre en Hyver; qu'elles
fe rendent fur les côtes de SufFoîk , par-e
que de-là le paflage en Hollande eft plus
court que des autres côtes, & qu'elles fe
retirent en troupes, ou peu-à-peu, félon
que le vent leur elt favorable.
La Comté de Suffolk fournit la Ville
de Londres de Dindons & d Oyes. On
compte qu'il paiTetous les ans fur le pont
de Strraford, qui fepare la Comté de Suf-
folk de celle d'r.flL-x, f^oc. troupeaux de
Dindons, & que dans chacun de ces trou-
peaux il y en a depuis 30a jufqu'à loco.
Le nombre de ceux qui pafTent par Neiy-
market-Heatb , pa'* Siidbury ôc Clure, eft enco-
re plus confiderable.
C'efl dans la Comté de Suffolk, qu'on
a commencé à nourrir & à engraifTer les
beftiaux & les brebis de navets : ce qu'on
a trouvé très-avancngeux , & pour l'âme-
hora-
Avril, Mai et Juin. 1739. 17 v
lioration des terres , & pour la multipli-
cation des beftiaux, de forte que la plu-
part des autres Comtez ont imité l'exem-
ple de celle-ci.
Il nous refte à parler des deux princi-
pales Villes de la Comté de SufFolk, qui
font Ipswicb^ & S. Edmuîids-Bury. Notre
Auteur dit, qu7/)i"'ioicV; étoit autrefois une-
grande Ville, bien peuplée & très-fiorif-
îante ; qu'en l'année 1668. on coraptoit à
Ipswich plus de lûo. vaifleaux employez
à tranfporterdu charbon de New-Cajlel à
Londres; que les maîtres de ces vaiiTeaux,
après avoir fourni en Eté la Ville de
Londres , d'une quantité fuffifante de char-
bon, ferepofoient depuis la S. Michel juf-
qu'à la Notre-Dame de Mars , & paiToienc
Thyver avec leurs familles & leurs gens
à Ipswich, ce qui contribuoit beaucoup
à enrichir la Ville ; qu'il y avoit outre
cela à Ipswich une Manufadlure de draps,
ù. une autre de toiles pour les voiles , qu'on
appelloit Ipswich - double. Nonobstant la
perte de ces deux branches du Commer-
ce, Ipswich efl: encore une belle Viile. Ei-
le eft lituée fur VOrweil, autrement appel-
lée Ipswich IVater ^ rivière qui eit naviga-
ble, &L fur laquelle des vaiiTeaux de 500.
tonneaux peuvent , à la faveur de la marée,
remonter depuis Harwich jufqu'à Ipswich.
mais au-delllis de cette dernière ville,
elle ne porte pas même de petits ba-
teaux.
vjè Bibliothèque Britannique,
teaux. On compta dans la ville 12. Pa-
Toifles, outre 2. Chapelles <5c plufieurs
lieux d'aflemblée pour les T^on-Confur'-
Bury S. Edmond étoit la Villa Faujlini
des Romains. La fameufe Abbaye de cette
Vi.Ie fut fondée en (538. par S^gebert Roi
des Eft-Angles, & rebâtie par lé Roi Ca-
nut. A chacune ces 5. portes de cette
Abbaye il y avoit ui e Chapelle. Aujourd'hui
on ne trouve dans cetre Ville que deux
Eglifes, feparées par un Cimetière qui
leur apartient en commun, l'une dédiée à
la S. Vierge, dans laquelle on voit le tom-
beau de Marie , Reine de France , foeur de
Henri VIII. & femme de Charles Brandon
Duc de Suffolk ; l'autre e(t dédiée à S.
Jaques, où il y a une Bibliothèque publi-
qae. Ce fut dans cette Vil'e que Hum-
phrey, Duc de Gloucefter & Régent du
Royaume , fut afTaiTmé l'an 1447.
Notre Auteur remarque, que la Comté
de Norfolk eft remplie de villes & de vil-
lages; que les pâturages y font excellens,
& que dans les prez marécageux qui fonc
entre Normch, Beccles ^ Tarmouîb , on
engraifle ordinairement 40CCO. Bœufs d'E-
cofie par an ; qu'on compte que dans la Vil-
le de Norwich & aux environs , il y a
1200CO. perfonnes employées aux Manu-
factures de laine & de foye , & que Guil-
hume Herbert , livêque de Norwich, qui vi-
vc'ic
Avril, Mai et Juin. 1739. 177
voit du tems de Guillaume II. & de Hen-
îi I. C appelle par Guillaume de Malmsbury
yir pecuniofus) transféra le fiége Epifco^
pal de Thetford àNorwich , & bâtit à fes
propres dépens dans la Ville deNorwich,
la Cathédrale , le Palais dePEvéque, une
Prieurie pour 60. Moines , & l'Eglife Pa-
roiflîale de S. Léonard ; à Tarmouth , la
grande Eglife, à Lynn l'Eglife de la S.
Margaretè, à Elmbam TEglife de Notre-
Dame, & à Thetford \in Couvent pour les
Moines de l'Ordre de Cluny.
Tarmoutb & Lynn font deux Ports de
mer très - fameux pour leur commerce , &
Newmarket un Bourg renommé pour les
courfes de chevaux.
La Comté de Cambridge abonde en bled y
& fur-tout en orge , le païs eft maréca-
geux; fur le fommet des collines de Gog-
Magog on voit un ancien camp , fortifié
d'un triple rempart & d'un triple fofle:
la Ville & rUniverfîté de Cambridge & là
Foire de Sturbridge, font ce qu'il y a de
plus curieux dans cette Comté. Mais com-
me on en trouve desdéfcriptions ailleurs ^
nous ne nous y arrêterons pas. Nous a-
vons cru devoir dire quelque chofedece
Livre pour le faire connoître, à nous
croyons en avoir dit afleZi
Tome XJII. Part. L U A R T î-
Î78 Bibliothèque Britannique,
ARTICLE VIII.
An Hiftorical and Political Difcourfe
of the Laws and Government of
England , from the firft Times to
the end of the Reign of Queen Eli-
zabeth. With a Vmdication of the
ancicnt Way of Parliaments in En-
gland. Collt6led from fome Manuf-
cript Notes ofJoHNS£LDEN. Efq.
ByNATHANiEL Bacon of Grays-
Inn , Efq. The fourth Edition ; cor-
reéled and im.proved by a Gentle-
man of the Middle-Temple. C'eft-à-
dire : Difcours Hiftorique &f Politique
Jiir les Loix Êf le Gouvernement d'An-
gleterre , depuis les premiers îems juf-
quau Règne de la Reine Elijabeîh, A-
vec une Apologie de lancienne Conjîitu-
îion des Parlemens d'Angleterre. Re-
cueilli des Notes manujcrites de Mr.
Jean Selden ,par Mr. Natha-
KAEL Bacon. Quatrième Edition,
corrigée & accompagnée de quelques
Remarques, par un Jurifconfulre du
Ttrmple. A Londres , chez Daniel
Brg\vne,au Cigne noix , hors de la
porte
Avril, Mai ET Juin. 1739. 179
porte du Temple , & André Millar ,
à la Tête de Ikichanan, vis-à-vis
TEglifc de St. Clément. 1739. in Fo-
lio, pp. 203. pour la première Partie,
& 178. pour la féconde.
OUoique cet Ouvrage ne foit rien
moins que nouveau , nous Ibmmes
ad'ùrez qu'il n'eft que peu ou point con-
nu dans les Païs étrangers ; il mérite
pourtant de l'être, puifqu'il contient un
grand nombre de Remarques curieufes fur
l'ancienne Conftitution du Gouvernemenc
d'Angleterre.
Ce Livre fut imprimé pour la premiè-
re fois in quarto Tan 1649. peu de tems
après la mort de Charles I. On n'en
fit pas grand cas alors , à caiifi des
cir confiance s dans le [quelle s il parut , nous
dit - on dans un AvertilTement qui e(l à
la tête de l'édition de i6f^9. à. de celle-
ci. On ne comprend pas bien d'abord ce
que cela lignifie. Il femble qu'un Livre
qui ne refpire que la liberté , auroit di\
être très -bien reçu dans une Républi-
que nainanre, qui venoit de fecouer le
joug du DefpotifiTie. Mais il faut fçavoir,
que Mr. S.elden femble fe déclarer pour
la Monarchie , mais pour une Monarchie
limitée par les Loix. C'e(t-là fans doute
la raifon pourquoi cet Ouvrage fut plus
récherché, iorf^ue Charles IL voulut é-
M a tendn'î
i8ô Bibliothèque Britannique,
tendre la Prérogative Royale au-delà de
fes juftes bornes. On le réimprima donc
fecretement en 1672. Dès que le Gou-
vernement en eut connoillance^il fitpour-
fuivre rigoureufement l'Imprimeur, àfai-
fir plulieurs centaines d'exemplaires, qui
furent tous brûlez. L'Ouvrage fut pu*
blié pour la troifième fois en 1682. ce
qui donna lieu à de nouvelles pourfuites.
On intenta une adtion criminelle à l'Edi-
teur, qui s'étant prudemment enfui d'An-
gleterre , parut cependant par Procureur
devant la Cour du Banc du Roi ; ce que
les Loix lui permettoient : mais pour n'a-
voir pas com.paru perfonellement, il fut
jugé par contumace, & profcrit * par le
pouvoir tyranmque que le Grand-Juge
Jefferies exerçoit alors, & ne retourna
dans fa Patrie qu'à la Révolution.
On nous afiure dans ce mêrrie Avertif-
fement,quele Grand-Juge V'augham, un
des Exécuteurs Teflamentaires d"u fçavant
Selden, a reconnu que le fond de cet Ou-
vrage efr véritablement de lui, & que
Mr. Bacon n'a fait que mettre en œu-
vre les Matériaux de cet habile homme.
Voilà ce que contient l'AvertifTement de
l'Edition de 1689. On ajoute à cela, qu'on
a rétabli dans celle-ci quelques pafîages
qui
* Out-lavved , c'eft^à-dirs mi-i hors de la
proteftion des Loix.
Avril, Mai et Juin. 1739. 18 r
qui avoient été omis dans les Editions de
1682. Ôc 1689. & qui fe trouvent ici en-
tre deux Crochets. I.e nouvel Editeur y
a mis auffi quelques Notes , foie à la mar-
ge, foit au bas des pages; & il les a
dittinguées de celles de l'Auteur par ces
Renvois *, f, i|.
Je ne fçais pourquoi on a mis dans ie
Titre de cette Edition , qu'elle efl la qua-
trième; puifque rAvertilTcment dont nous
venons de parler, fait mention de quatre
autres Editions; celle de 1649. in 4. cel-
le de 1672. celle de 1682. & celle de
1689. les deux dernières in folio. Peut-
êcre ne corapte-t-on pas la féconde , parce-
qu'clle fut imprimée fecretement , &
prefqu'entierement fupprimée bientôt a-
près;oc peut-être auffi parce qu'on mit pro-
bablement en Titre l'an 164g. afin de dé-
païfcr les Inquifiteurs de la Prefle. Quoi
qu'il en foit, ce grand nombre d'Editions
d'un allez gros Ouvrage in folio, fait voir
combien on en fait cas en /Angleterre.
On a vu dans le Titre, qu'il eft divifé
en deux Parties. La première contient
des Difcours Hifloriques &: Politiques fur
la Conftitution du Gouvernement d'An-
gleterre , depuis le tems des anciens Bre-
tons jufqu'au Règne d'Edouard HT. exclu-
fivement; & la féconde s'étend depuis ce
Re^nc jufqu'à la fin de celui de la Reine
Elilabeth. Le tout eil divifé en Chapi-
tres : nous en indiquerons les fujets , &
M 3 nous
IS2 Bibliothèque Britannique,
nous en extrairons les Remarques qui
nous paroiilenc les plus importances, ou
les plus curieufes.
Le Premitr Chapitre traite des Anciens
Bretons & de leur Gouvernement. C'é-
toient des Barbares, dit notre Auteur;
cependant ils adoroient un Dieu invifl-
ble, infini, tout-puiilant, & lui otfroient
des Sacrifices. Mais prefque toute leur
Religion fe bornoit à refpecter leurs Prê-
tres; ils les re.sardoient comme les Am-
bailadeurs de Dieu , & redoutoienr leur
Interdit plus que la mort même.
Les Bretons étoient gouvernez par un
grand nombre de Chi;fs , auxquels les Ro-
mains ont donné le nom de Rois, quoi-
qu'ils ne fûdent proprement que des Sei-
gneurs , dont l'autorité ne s'étendoit pas
au-delà d'un certain diftricl. En tems de
guerre tous ces Seigneurs fe réunifToient,
Ct choiliflbient un Général pour les com-
mander. Mais, ni ces Seigneurs, ni ce
Général, n'avoient une autorité Royale ;
comme on le prouve ici, entre autres rai-
fons , par le témoignage de Dion , qui die
expreiiement dans la Vie de l'Empereur
Sévère, que dans la Bretagne c'étoit le Peu-
pk qui ternit les Rênes du Gouvernement,
il eit vrai que S. Jérôme appelle les Bre-
tons une Nation de Tyrans , Gens Tyran-
norum. Ce qui peut (ignitîer, luivant no-
ire Auteur , qu'ils étoient extrêmement
Iruels , ou qu'ils étoient opprimez par
leurs
Avril, Mai et Juin. 1739. t8^
leurs Supérieurs. Mais on ne trouve dans
i'Hifto-ire aucune trace de leur cruauté,
fi ce n'eft qu'ils oiFroient des Sacrifices
humains ; ce qu'on peut attribuer à une
erreur de Jugement, plutôt qu'à un Na-
turel fauvage & fanguinaire.
Moins encore trouve- 1- on qu'ils ayent
été opprimez par leurs Supérieurs. Il
paroît au contraire qu'ils ne l'ont point
été , dit Mr. Selden , puifqu'ils avoienc
un grand nombre de Chefs, tous inde-
pendans les uns des autres. Car , ajoute-
t-il , quoiqu'on puiiTe gouverner les grands
Etats par la Terreur, les petits Etats
ne peuvent le gouverner que par la Juf-
tice.
Dans le Second Chapitre on parle de la
Converfion des Bretons à l'Evangile , que
notre Auteur croit être arrivée dès le
premier fiécle du Chriflianifme, & vers
le tems des Apôtres L'Editeur nous ren-
voyé ici aux Origines Sacrce"^ de Mr Stil-
lingfleet, qui fait voir qu'il y a beaucoup
d'apparence que ce fut St. Paul lui-mê-
me qui fonda l'Eglife Chrétienne dans la
Bretagne f-
Bans le Troijîème Chapitre on nous en-
tretient de rinvafion des Romains, & de
l'étac
* Pag. 35-45.
t Voyez THifloire d'Angleterre de Mr. de
Rapin, 7'um. I. pfi!^. 86.
M 4
î84 Bibliothèque Britannique,
l'état de la Bretagne durant le féjour
qu'ils y firent. Notre Auteur trouve que
cette Invafion fut fort avantageufe aux
Bretons. Car premièrement, dit -il , el-
le leur apprit à porter le joug , à plier ,
à devenir dociles. 11 faut que des Efprits
obftinez apprennent à obéir, avant qu'ils
puilTent recevoir Inftrudlion. En fécond
lieu, les Romains ont introduit les Arts &
la Politefle dans la Bretagne ; ce qui n*a
pas peu contribué à y étendre la Religion
Chrétienne. En troifième lieu, ils onc
réuni les différentes Seigneuries en un
feul Etat, fur lequel ils ont établi un
Chef, pour gouverner le Peuple félon les
Loix du Pais , fauf l'Hommage qu'il devoit
à l'Empire Romain. Ce qui a tourné
doublement à l'avantage de la Religion :
car elle fe répand pkis facilement fous
un Gouvernement Monarchique bien ré-
glé, que fous tout autre Gouvernement;
& de plus l'Eglife de Rome , célèbre par
tout le monde , étoit comme une four-
ce , d'oLi la Connoiffance des Véritez
Chrétiennes pouvoit aifément fe répan-
dre dans tous les Pais fournis à l'Empire
Romain.
Cependant la Religion, perfécutée au
commencement, ne put faire des progrès
qu'en fecret; mais à la longue les Empe-
reurs Romains s'apperçurent que la Juf-
tice *Sc la douceur avoient plus de pouvoir
fur
Avril, Mai et Juin. 1739. 185
fur les Bretons que la violence & la foiv
ce : ils le relâcherenc donc de leur fé vé-
rité; de forte que fous un Gouvernemenc
plus doux, la Religion commença à paroi-
tre plus ouvertement, jufques à ce que,
fous le fage gouvernemenc de l'Empereur
Aurelién , elle monta fur le Trône en la
perfonne de Lucius , le premier Roi Chré-
tien qu'ayent eu les Bretons.
Ce Prince, Ami & Allié plutôt que Vaf-
fal des Romains , fongea à procurer l'a-
vantage defes fujets dans le Spirituel aulTi-
bien que dans le Temporel. Jufques-làla
Religion ne s'étoit gueres foutenué dans
la Bretagne que par une Providence par-
ticulière. Il n'y avoit ni écoles , ni îitté-^
rature, ni aucune fcience dans le Pais: ce
qui , joint aux perfécutions , réduilit l'Eglife
à un état fi déplorable, qu'on avoit celTé
d'y adminiftrer les Sacremens. Lucius
s'addreffa à l'Evêque de Rome, qui envoya,,
dit- on , quelques hommes fçavans en An-
gleterre , pour inftruire & bâtifer le Roi
& le Peuple ; ce qui efc à la vérité glo-
rieux à l'Eglife de Rome, mais il neYuic
pas de-là , dit Mr. Selden , que le Roi
ait eu delTein de reconnoicre dans cette E-
glife la moindre autorité fur celle de la
Bretagne.
Cette déférence de Lucius pour FEgli-
fe de Rome , a fait que certains Auteurs lui
ont donné les éloges les plus m.agnifiques.
Ç'ell lui, fi on les en croit , qui a lepre-
M j niier
l8(5BrBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
mier introduit Je Chriflianifme dans la
Bretagne ; c'elt lui qui y a établi le Gou-
vernement Epifcopal. Mr. Selden s'infcric
en faux contre ces deux faits. On a vu
ci-deffus , en quel tems il croit que TEvan-
gile fut prêché dans la Hrerr^gne; & il re-
marque, au fujec du fécond fait . Qu*on ne
trouve point qu'il y ait eu d'Archevêques
ni d'Evêques en Angleterre pendant plus
de deux-cens ans après le Règne de Lucius.
Ce fut, félon les apparences, Conftantin
le Grand qui introduifit l'Epifcopat dans
ce Fais ; car il voulut que le gouverne-
ment Eccléfiaftique fût formé par-tout fur
le modèle du gouvernement Civil qui
étoit établi dans les Provinces de l'Em-
pire.
Afin de bien reg'er le Gouvernemcnc
Civil , Lucius écrivit à i'Evêque de Rome,
le priant de lui envoyer un Corps de Loix
Romaines. L'Evêque lui répondit, que ces
Loix ne convenoient point à un Peuple
Chrétien >&: le renvoya à l'Ecriture Sainte,
Eour y puifer les véritables maximes d'un
on Gouvernement. Notre Auteur regar-
de ce refus de I'Evêque de Rome comme
un grand bonheur pour l'Angleterre. Car,
dit-il , fi ce Pais eût été une fois fournis
aux Loix Romaines, il y a beaucoup d'ap-
parence qu'il feroit tom'bé fous le joug de
îa Lête (c'eft-à-dire du Papifme) de ma-
nière à ne pouvoir jamais le fecouer, com-
me cela paraît par l'exemple des autres
Nar
Avril, Mai et Juin. 1739. 187
Nations qui jufqu'à préfent gémiffent en-
core fous ce joug. Au lieu que le peuple
d'Angleterre ayant , par le refus de l'E-
vêque de Rome , confervé le droit de fai-
re fes propres Loix, il s'eft toujours op-
pofé aux entreprifes des Papes, dont l'au-
torité n'a jamais été bien établie dans ce
Pais, comme notre Auteur le fait voir
dans la fuite.
L'Entrée des Saxons dans la Bre-
tagne, & la Nature de leur Gouverne-
ment , font le fujet du Quatrièrr^ Chapitre,
Les Bretons ayant appelle les Saxons à
leur fecours contre les Picles , éprouvè-
rent bientôt que leurs Libérateurs étoienc
devenus leurs Maîtres. On en peut voir
l'Hilloire au long dans Mr. deRapin : no-
tre Auteur n'en parle que d'une manière
très-abregée. Il s'attache plus particuliè-
rement à faire voir , que les Coutumes & le
Gouvernement des anciens Saxons étoit 11
femblable à celai des Bretons, qu'il y a
beaucoup d'apparence que les derniers
étoient originaires du même Pais que les
premiers.
Dans le Cinquième Chapitre , l'Auteur par-
le de l'arrivée du IMoine Auguflin en An-
gleterre, de la manière dont il y fut re-
çu, & de ce qu'il y fit. Sur quoi nous
renvoyons encore leLedeur à î\îr. de Ra-
pin *. Nous remarquerons feulement que
cet
* T^}n. I. ja^. 221-233.
ISS Bibliothèque Britannique,
cet Hiflorien paroît avoir une aflez bonne
opinion du JMoine Auguftin , & croire mê-
me qu'il a eu le don des Miracles: au lieu
que notre Auteur ne le regarde que com-
me un Moine ambitieux , dévoué à la Cour
de Rome, & qui ne cherchoit qu'à éten-
dre l'autorité duPape,<Scla Tienne propre ,
par toute forte de voyes, jufqu'à préten-
dre faufTement au don des Miracles. Les
Bretons découvrirent la fraude; & non
feulement refuferent de fe foûmettre à
PtLveDue de Rome, mais conferverent mê-
me leur liberté pendant cinq -cens ans
après la venue de ce prétendu Apôtre de
l'Angleterre; de forte qu'ils furent les der-
niers de tous les Peuples de l'Europe qui
fubirent le joug du Pape , & les premiers
qui le fecouerent en la peribnnc de Hen-
ri VIII. defcendu des Bretons par Teu-
ther '^. Ainfî le Moine Auguftin ne put
réufifir dans fonentreprife, que par rapport
aux Saxons du Pais de Kent.
Chapitre Sixième. De l'Incorporation du
Gouvernement Epifcopalavec le Gouver-
nement Civil.
Les Saxons étant convertis à la Foi Ro-
maine plutôt qu'à la Foi Chrétienne , il
faloit fonsfer à établir une forme de Gou-
vcrnement dans rEglife. Ce Peuple igno-
rant d' fans lettres n'étoit pas capable de
le
* Mr. de Rapin le nomme Owen-Tiidor >
Tom. III. p. 5c6.
Avril, Mai et Juin. 1739. T89
le faire de lui-même. Une lui reftoic donc
que.deux partis à prendre; ou de s'addref-
feraux Bretons, pour emprunter Jeur Dif-
cipline Ecciéfiaftique ; ou de fuivre lemc^
dèle qu'on leur envoyeroit de Rome. C'au-
roit été un déshonneur pour eux que de
s'addrefTer à un Peuple qu'ils avoient vain-
cu, & réduit à fe retirer aux extrcrnitez
du Païs. Ils prennent donc le fécond
parti , & s'abandonnent entièrement à la
difcrétion de Rome : Ils en reçoivent la
Dilcipline & les Canons. La chofe ne fe
fit pourtant pas fans difficulté. La liberté
du Peuple étoit le fondement du Gouver-
nement Saxon. Il s'agiiïbit de concilier
l'intérêt du Peuple avec celui du Clergé.
Il étoit contre le bien de l'Etat, que Les
Eccléfiaftiques fûflent entièrement dévouez
à Rome; & les Canons de PEglife Ro-
maine ne leur permettoient pas de fuivre
toujours les principes de liberté fur lefqueîs
TEtat étoit fondé. On trouva donc une ef-
pece de milieu; ce fut d'admettre les E-
vêques & les Principaux du Clergé au Gou-
vernement de l'Etat , en leur donnant
féance aux AlTemblées générales de la Na-
tion. Les Saxons y étoient aflez difpofez
d'eux-mêmes ; car c'étoit leur Coutume
d'admettre leurs Prêtres dans Iqs Con-
feils Nationaux. C'eft ainlî que le Gou-
vernement Epifcopal fut incorporé avec
le Gouvernement Civil; ce qui ne fut pas
fort avantageux au Peuple , lî nous en
croyons
ipo Bibliothèque Britannique,
croyons notre Auteur ,* car fi les Prélatj
travailloient au bien de l'Etat, ce n'étoic
que très -rarement: la plupart du tems
ils ne fongeoient qu'à rendre fervice à
Rome.
Le Chapitre Septième traite des Métropo-
litains du tems des Saxons. Le Pouvoir
du Métropolitain étoit prefque illimité.
Car l'Angleterre étant partagée en plufieurs
Royaumes, l'autorité de chaque Roi nes'é-
tendoit pas au-delà d'un certain dillridl \2i\i
lieu que , comme il n'y avoit qu'un feul Mé-
tropolitain , Ton Pouvoir s'étendoit fur tout
le Païs : de forte qu'il étoit, pour ainfi di-
re , alterius orbis Papa , le Pape d'un nou-
veau Monde.
Dans le Chapitre fuivant , oii l'Auteur
parle des Evêques fçavans, il remarque en-
tre autres chofes, qu'au commencement
le Clergé gouvernoit TEglife Saxonne en
commun, avec une autorité également par-
tagée entre tous ceux qui le compofoient;
mais environ foixante ans après le Moine
Augudin , leur ambition & leur orgueil leur
firent méprifer cette égalité: dépendant d'un
feul Métropolitain plus orgueilleux enco-
re , ils voulurent avoir chacun une autori-
té particulière & indépendance. C'eft pour-
quoi Théodore, Archevêque de Cantor-
bery,divifa fa Province en cinq Diocèfes ,
fur chacun defquels il établit un Evéque,
mais avec le confentement du Roi & du
Peuple.
Les
Avril, Mai et Juin. 1739. ipr
Les Chapitres IX. & X. traitent des Prê-
tres & des autres Miniftres Eccléfiaftiques
parmi les Saxons. Ayant reçu leur Dif-
cipline de Rome , ils avoient aufli les mê-
mes charges & les mêmes offices dans le
Miniflère Fccléfialtique.
Dans le Cbupnre Onzième on traire des
Fonds deftinezà Tentretien du Clergé par-
mi les vSaxons L.'Auceur y parle entre au-
tres chofes du Denier de Se Pierre, & fou-
tient que ce nétoit rien moins qu'un Tri-
but. Mr de Rapin * nou^ renvoyé fur
ce fujet à notre Auteur, qu'il nomme Na-
than Bacon; pour parler exadlement il fa-
loit dire Jean ^'elden , Hacon n'étanr pro-
prement que le Compilateur & l'Editeur
de l'Ouvrage. Le Lcdteur fera fans douce
bien aife de fçavoir fur quelles raifons Sq\-
den appuyé fon fentiment: c'eft pourquoi
nous les rapporterons ici. Il remarque , que
le Denier de St Pierre n était d'abord qu'u-
ne fim.ple aumône, qu'on appelîoit même
ainfi. Ina fut le premier qui accorda à
Rome un Denier Sterling.ou un fol par mai-
fon. Offa l'étendit fur toute demeure à
laquelle éioit annexé un morceau de Ter-
re, qui rapportoit trente fols par an.
Edouard le Confefleur voulut qu'il fùc
payé pour chaque PoUelTion qui payoic
trente fols de rente, vivœ pecwiics , c'eiVà-
dirc
* Tem. I. pag. 183. note i.
/
îpl Bibliothèque Britannique,
dire en Denrées, comme l'Auteur l'expli-
que. Si donc on convienc que les Saxons
ayenc été propriétaires des Terres & des
PoiTeiTions qu'ils occupoient, comme on
n'en fçauroit douter , il faut convenir auflj ,
que cette Taxe n'a pas pu être levée fans
Ifj contentement du Peuple, fuppofé qu'elle
ait été payée par tout le Peuple en géné-
rai. Mais' Mr. Selden remarque , i. Que
ce n'étoit qu'une aumône , que le zèle
dont le Roi * fut animé tout d'un coup
étant à Rome, l'engagea à promettre. 2.
Ce Denier fut accordé ex re^ali munificen-
tid , par la pure libéralité du Roi ; c'étoit
donc un Don gratuit, & non pas un Tri-
but. 3. L'Auteur fait voir, qu'il n'y avoit
du tems d'Etiieîwolph que quarante-huit-
mille & quatre-vingt mailbns ou fermes qui
payaflent cette Taxe f; au lieu que le nom-
bre des Paroifles feules doit avoir été
plus confiderable ; puifqu'on compte que
du tems de Guillaume le Conquérant ,
c'eft-à-dire environ deux fiécles après E-
theIwolph,il y avoit cinquante-mille Pa-
roiiTes en Angleterre ; & il ne paroît pas
qu'on en ait érigé de nouvelles depuis
Ethehvûlph, qui a régné après la difTolu-
tion de l'Heptarchie. Si donc tout le Peu-
ple
* Ina.
t La fomme livrée pat cette Taxe, fe montoiÉ
s 200. livres , 6. Chelings & huit fols.
Avril, Mai et Juin. 1739. 193
pie eût été obligé de payer la Taxe en
quedion, elle auroit produit une fomme
au moins cinquante fois plus grande que
celle qu'elle produifoit: d'où l'on conclut,
que ce n'étoit pas tout le peuple , mais
feulement les Tenanciers ou Fermiers du
Roi , qui payoient le Denier deSt.Pierre,qiii
n'étoit par confequent qu'un pur don du
Koi 5 & non pas un Tribut impofé fur tou-
te la Nation.
Dans le Douzième Chapitre on parle des
différens reflbrts de la Jurisdidlion des
Gouverneurs Ecclélîaftiques parmi les Sa-
xons. On y prouve que la Primatie fuc
conférée à l'Archevêque de Cantorbery par
le Confeil des Sages ; & que les Diocèfes
ont été étendus ou referrez par l'autori-
té du Roi , ou par les Archevêques à la
tête de leurs Synodes , fans qu'il fût né-
ceflaire d'avoir là-delTus le confentemenc
du Pape.
Dans le Chapitre Treizième on fait voir ,
de quelle manière les Prélats ont gouver*
né l'Eglife Saxonne. On y parle des Sy-
nodes , qui étoient compofez , ou du Clergé
d'un feul Diocèfe , ou de celui de toute une
Province, ou de celui de toute la Nation.
Les Synodes Provinciaux ou Nationaux
étoient convoquez , ou par le Roi , ou par
le Pape , ou par l'Archevêque : ceux du
Clergé d'un feul Diocèfe n'étoient alTem»
blezque parl'Evêque. C'étoit quelquefois
le Roi feul qui préfidoit dans les Synodes
Tom, MIL Fart. L N Pro^
Î94 Bibliothèque: Britannique;.
Provinciaux ou Nationaux : quelquefois
c'étoit l'Archevêque , & quelquefois aufli
tous deux enfemble. Ces Synodes étoienc
compofez d'Eccléfiaftiques & de Laïques :
les femmes même n'en écoient pas tou-
jours exclues. On y traitoit non feule-
ment d'affaires Eccléfiafliques , mais auiîi
d'affaires Civiles , des Loix & du Gou-
vernement. D'où il femble qu'on puiffe
conclure , que ces Synodes Nationaux ne
différoient point du VVittenagemole , ou
Parlement. Aufîi Mr. Selden dit-il ailleurs ,
en parlant du grand Confeil des Saxons ,
^u'il lui a été impolTible de découvrir, en
quoi confiftoit la différence qu'il y avoic
entre les Synodes Nationaux , & ce Con-
feil, ou le'Parlement, à moins que ce ne
fût dans la caufe qui lesfaifoit alfembler:
fi c'étoit pour régler des affaires Ecclé-
fiafliques, c'étoient des Synodes : fi c'é-
toit pour traiter d'affaires Civiles , c'étoienc
des \VittenagemoleS;,ou Parlemens. °
" Le Qjiaîorz'ème Chapitre roule fur les Cau-
fes Eccléfiafliques , c'efl-à-dire fur les af-
faires dont l'Eglife, les Synodes, ou les
Conciles prenoient connoifTance parmi les
Saxons. On remarque ici , que ce peuple
n'avoic pas beaucoup de goût pour la pom-
pe du Culte extérieur: les Saxons fe con-
tentoient de prier Dieu & d'aflifler à la
Prédication de fa Parole; mais ils ne fe
foucioient pas d'entendre la Meffe, & ce
ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'ils
pu-
AvRiL> Mai et Juin. 173g. ip^
purent fe réfoudre à adorer les Images
k ]es Saints. C'efl: pourquoi on fit un Ca-
non pour les obliger à s'acquitter plus
exademenc des devoirs du Culte exté-
rieur; mais ce Canon n'eut pas beaucoup
de force fur Tefprit fauvage & grofller des
Saxons.
Le Chapitre Quinzième contient la Criti-
que du Gouvernement des Prélats Saxons.
On remarque, que foutenus par l'Ignoran-
ce du peuple, ils devinrent fi puifîans^
qu'ils excitèrent la jaloufie des Grands ;
on fe plaignit même publiquement dans
les Synodes, que les Prélats Tiaimoient point
les Prince^ y ^ vouloîent paroitre avec plus
d'éclat queux ; quils envioient leur grandeur ^
6f répandeient des calomnies contre eux. L'I-
gnorance du Clergé étoit fi grande , que
le Roi Alfred ayant traduit quelques Au-
teurs Latins en langue Saxone, dit qu'il
l'avoit fait , afin qu'ils pûiTent être utiles à
quelques-uns de fes Evêques qui n'enr
tendoient pas le Latin: il dit dans une Let-
tre à Wolfegus , qu'il n'y a prefque pas un
feul Eccléfiafi:ique qui foie capable de tra-
duire les Prières de l'Eglife en Saxon. Ce
qui fut caufe qu'un Synode ordonna, que
ceux qui nefçauroient'pas dire, Dstwî/î?, mi"
Jerere, en Latin, diroient en Anglois ; 5eî-
gneur , aye pitié de nous. Sur quoi notre Au-
teur remarque, que le Clergé avoit grand
tort de vouloir fonder fon autorité fur le
N 2 Dr oie
ÎÇôBlT^LIOTHEQUE BRITANNIQUE,
Droit divin. Elle étoit bien plus fondée
fur la faveur des Princes & des Grands, &
fur la pompe des cérémonies: voilà ce qui
leur gagnoit l'admiration , ou plutôt l'a-
doration du peuple ignorant.
Après avoir parlé de la Religion & du
Gouvernement Èccléfiaftique , l'Auteur en
vient au Gouvernement Civil , & parle dans
le Chapitre Seizième des Rois Saxons. An-
■ciennement le Roi n'étoit proprement qu'un
Général, choifi pour commander entems
de guerre , & dont l'autorité finilToitavec
elle. Mais lorfque les Saxons eurent en-
vahi la Bretagne , les longues guerres qu'il»
«curent à y foutenir, les obligèrent à con-
tinuer le Cjénéral dans fa charge, qui par
cetteraifonfucà vie, au lieu qu'auparavant
elle n'étoit qu'à tera;?.
Cependant le Général, ou fî Ton veut
le Roi, dépendoit toujours du bon plaifir
du peuple , qui voulut fe montrer libre , en
confervant le droit, foit d'élire leurs Prin-
ces, foit de leur conferver leur autorité.
Ils n'excluoient de la Couronne , ni les Fem-
mes, ni même les Enfans,à moins qu'une
nécelTité preflance ne les obligeât à choi-
lir un Roi qui pût les défendre contre leurs
ennemis. Les Saxons Occidentaux dépo-
ferent leur Reine Seburg, ne voulant pas
combattre fous une femme. Les Merciens
ne furent pas fi fcrupuleux, ils combatti-
rent vaillamment & avec fuccès contre les
Danois fous leur Reine Eifled.
Le3
Avril, Mai et Juin. 1739. ipjr
Les Saxons admirent les Bâtards même
à la Couronne, jufques à ce que le Cler-
gé, qui, comme on l'a vu ci-dcflus , s'é-
toic intrus dans le Confeil de la Nation ,
fît faire une Loi qui excluoit les Bâ-
tards.
Leur coutume éroit, de choifir pour Roi
la perfonne la plus diflinguéedans la prin-
cipale famille de lals^ation: didinguée ,
non pas proprement par fon rang j'ornais
par fon mérite. Cependant le refped qu'on
avoit pour la mémoire d'un Prince qui
avoit bien gouverné, étoit caufe qu'on
lui choifilfoit un SuccefTeur dans fa famille :
c'étoit prefque toujours l'aîné de {"es enfans.
De cette manière la Couronne devint hé-
réditaire, (5c l'Eledtion ne fut plus qu'une
cérémonie: excepté lorfquc le peuple ju-
geoit à propos de s'oppofer à cette fuc-
ceflion.
Les Rois Saxons n'étoient rien moins
qu'arbitraires. Leur Eleétion fuppofoit
une convention réciproque entre eux &
le peuple. LeRoi promettoit folemnelle-
ment & avec ferment , de gouverner félon
les Loix, & le peuple promettoit de lui
être fidèle, & de le défendre contre fes
ennemis. Mais cette promelTe du peuple
n'étoit obligatoire qu'autant que le Roi
s'acquittoit de la fienne.
Son autorité étoit d'ailleurs fi limitée,
que non feulement il n'avoit pas le pou-
voir de faire des Loix, ayant uniquemenc
N 3 celui
ipH Bibliothèque Britannique,
celui de les faire exécuter, mais qu'il ne
pouvoit pas même donner les Terres de
la Couronne à qui il vouloit, fans le con-
fentement des Grands , qui , lorfqu'une pa-
reille donation ne leur piaifoit pas, la fai-
foient révoquer.
Les trois Chapitres fuivans , traitent delà
NoblefTe, des Hommes -Libres *, & des
Villains parmi les Saxons.
Dans le Fingtième Chapitre on parle du
Grand-Confeil de la Nation , appelle Mic-
klemote , ou îVittenagemoîe. Comme Mr.
de Rapin a traité au long cefujet,à la fin
du premier Tome de fon Hiftoire d'Angle-
terre, nous ne nous y arriérerons pas. Nous
nous contenterons de remarquer , que no-
tre Auteur foutient , que ce Confeil étoic
compofé non feulement des Grands , on
de la Noblefle , mais aufli des Hommes-
Libres , ou des Free-men. Et dans la Dif-
fertation qui eft à la tête de la féconde
Partie de cet Ouvrage, il répond aux Ob-
jedlions que l'on fait contre fon fentiment.
Mais , ni dans cette Diflertation, ni dans
ce Chapitre XX. nous n'avons rien trou-
vé qu'on ne puiiTe voir plus au long
dans la DifTertation de Mr. de Rapin.
Si quelque chofe peut décider la Quef-
tion , c'efl; ce que TÂuceur remarque dan<î
le Chapitre fuivant, où il parle du Confeil
4€S Seigneurs , qui regloit les affaires moins
iiïl'
* Free-mcn.
Avril, Mai et Juin. 1739. 199
importantes , minora Reipubliccs , au lieu
que les aifaires les plus importantes * ne
pouvoient fe déterminer que dans le Con-
feil général. Mais peut-être aulTi , que ce
Confeil des Seigneurs n'étoit compofé que
d'un petit nombre des Députez choifispar
le Corps entier de la Noblefle , pour
veiller au bien de l'Etat dans les inter-
valles des Parlemens , ou Wittenagemo-
les.
Quoi qu'il en foit , fous prétexte de ne
traiter que des affaires moins importantes,
ce Confeil empiéta peu-à-peu fur l'autori-
té du Parlement, principalement lorfque
les Prélats eurent été admis dans ce Con-
feil : car pour peu qu'une affaire eût de
rapport à la Religion, les Evêques en pre-
«oient connoilfance, & la déterminoient
dans ce Confeil, comme étant inter minora
Ecclejîœ, Ce fut par ce moyen que le Légat
du Pape & l'Archevêque de Canrorbery
forcèrent les Saxons à recevoir la MefTé
& le Culte des Images. Ce même Con-
feil ordonna, qu'aucun Laïque ne pofTe-
deroic des Biens Eccléfiafliques ; que les
Evêques feuls auroient droit de nommer
à tous les Bénéiices , à & toutes les dignirez
de l'Eglife ; que les biens apartenans au
Clergé feroient déchargez de toute taxe
& de tout fervice. En un mot , ce Confeil
s'ar-
*■ Ma^nalia Regni.
N4
SOoBiBLlOtHEQUE BRITANNIQUE,
s'arrogea le droit de régler tout ce qui ne
regardoit pas le Corps entier des Hom-
mes-Libres: de forte que le Wittenagemo-
le fut obligé enfin de mettre des bornes à
l'autorité de ce Confeil.
Le Chapitre Vingt- ^-deuxième traite du
Gouvernement des Saxons en tems de
guerre. Nous n'en extrairons que cette
Remarque. C'eft que la Difcipline mili-
taire ne dépendoit pas du bon plaifir du
Chef, ou du Roi, mais étoit réglée par le
Parlement.
Dans les Chapitres XXIII , XXIV , XXV.
& XXVI on cxp'ique la nature du Gouver-
nement des Saxons en tems de paix ; la di-
vifion du Pais en Shires ou Coratez ; en Cen-
taines , & en Dixaines\ & des Cours des Com-
tez ou Provinces. Sur quoi onpeutcon-
fulter Mr. de Rapin *. Rapportons feu-
lement une particularité dont il ne dit
rien. C'eft que le Shérif, ou Gouverneur
de chaque Comté ou Province , étoit choifi
par les Free-bolders , ou PofrelTeurs de Franc-
Alleu, dans PAUemblée delà Comté, ap-
pellée anciennement Folk-mole, & enfuite
County-Court j ou I? Cour de la Comté.
Chapitre XXVII. Des Immunitez Ecclé-
fjafliques. On entend par-là ce Privilège
des gens d'Eglife, par lequeileurs Perfonnes
Ù, leurs biens étoient à divers égards hors
du
* Tom. L pag. 486-489.
Avril, Mai et Juin. 1739. 201
du pouvoir du Magiflrat Civil. Ce Pri-
vilège s'étendit plus loin avec le tems,
L'Auteur rapporte un Canon , qui défend
à ceux qui tiennent quelques Terres de
PEglife , ou qui demeurent fur ces Terres ,
de plaider ailleurs que dans la Cour Ec-
cléfiaftique.
Chapitre XXVIII. Dqs Franchi/es , appel-
lées auflî des Marches. Ce font certains
diftrids dans lefquels on établit un Gou-
vernement particulier pour l'adminiflration
de la Juftice. Ce font principalement les
limites du Pai's qu'habicoient les anciens
Bretons , & qu'on nomme aujourd'hui les
Marches du Païs de Galles *. Lorfque les
Bretons firent la paix avec les Saxons ,
dont les Loix n'étoient pas les mêmes que
les leurs, ils établirent certaines Loix par-
ticulières pour le Gouvernement du Païs
qu'ils habitoient, <!k nommèrent des Juges
pour veiller à leur exécution. C'efi-lâ ,
fuivant notre Auteur , l'origine de ceux
qu'on nomme encore aujourd'hui Lords
Marckers : il y en avoit douze au com-
mencement , 'fix Saxons , &: fix Bre-
tons.
Cbapitre XXIX. Des Comtez ou Provinces
Palatines f- C étoient des parties du Royau-
'me
* The Marches of Wales.
t County-Palatiiies.
202 Bibliothèque Britannique,
me accordées à quelques perfonnes par-
ticulières, & à leurs fuccefleurs, avec un
pouvoir Royal d'y faire exécuter lesLoix
établies, comme étant d'une Province te-
nue de la Couronne Impériale. Ces Com-
tez Palatines font fort anciennes ; elles doi-
vent leur origine au courage des habitans,
qui défendirent leur liberté contre certains
Rois qui vouloient étendre leur autorité
fur toute l'Heptarchie. Ces habitans ne
pouvant pas être aifément vaincus, lesPrin-
ces furent obligez d'entrer en compofition
avec eux , & de les recevoir , non pas pro-
prement comme leurs fujets , mais comme
des Tributaires. Ajoutons * qu'il y a enco-
re actuellement quatre Comrez , ou Provin-
ces Palatines en Angleterre; fçavoirChef-
ter, Durham, Lancafler, & Ely. L'autori-
té des Cours de ces Comtezétoit autrefois
très -grande; mais elle eft à préfent fort
diminuée.
Chapitre XXX. Des Franchifes des Per-
fonnes. Ce font des Privilèges accordés à
quelques perfonnes dans un certain dif-
trid. Ces Privilèges confiltoient plutôt
en quelque profit qu'on en retiroit, que
dans aucune autorité. Cependant dans
quelques endroits , ceux qui jouïflbient de
ces
* Tiré du Diftion. Anglois de Bailey , Tom. L
au mot Cowities Palatine,
Avril, Mai et Juin. 1739. '?
ées Franchifes perfonnelles , avoient un
pouvoir juridique, en cas de félonie ou de
vol commis dans leur diflriâ:.
Nous paiTons les fepc Chapitres fui-
vans 5 qui traitent des Fiefs , & des
Cours qui y étoient annexées,- des Villes
& de leurs Marchez; des Juges, des Cours
de Juftice , & des différentes manières
d'y procéder , de l'épreuve par le feu ou
par l'eau, en Anglois Ordeal, des Com-
purgateurs, & du Combat *; parce qu'on
peut confulter Mr. de Rapin fur tous ces
fujets.
Le Chapitre XXXVIII. roule fur les
Procédures qui fe font par ce qui s'ap-
pelle Inquejî , Enquête Juridique. On y
parle de Torigine des différens Jurez :
comme nous nous fommes étendus fur ce
fujet dans l'Extrait du Procès de Zen-
ger, il eft inutile d'y revenir. Nous re-
marquerons feulement, que ce qu'on trou-
ve ici, confirme le récit qui nous avoic
été communiqué , &. qu'on peut voir
dans l'Extrait dont nous venons de par-
ler.
Chapitre XXXIX. Du Jugement pro-
noncé fur les Coupables & de l'exécution
de ce Jugement. Voyez Mr. de Ra-
pin t.
* Voyez Rapin. Tom.l.p. ^jy,
t La même y p. 518. 519.
204 Bibliothèque Britannique,
Chapitre X L. Des Loix Pénales parmi
les Saxons. L'Auteur y parcoure les neuf
premiers Commandemens du Décalogue,
& marque fur chacun, quelles punitions
on infligeoit aux Infraéleurs. Il dit, fur
le quatrième Commandement , que les
Saxons obfervoient religieufement le jour
du Sabbath ; ils le commençoient dès le
Simedi à trois heures après midi , & ne
le finiiToienc que le Lundi matin : ils
s'abftenoient pendant ce tems - là non
feulement de tout travail , mais aulTî
de tout divertilTement , môme de la
chafle, qui étoit leur divertilTement fa-
vori. Si un Homme-Libre violoit le Sab-
bath, il é' oit condamné à l'amende ;fi ce-
toit un Efclave, il étoit condamné au
fouet.
Sur le cinquième Commandement l'Au'
teur remarque, que les Saxons ne con-
noifToient point d'autre crime de lèze-
Majefté que celui qui étoit commis con-
tre l'Etat même; de forte qu'attenter à la
vie du Roi, n'étoit regardé que comme
une fimpîe félonie, raccufation formée
pour un tel crime portant uniquement /i?-
Î07iicè. Au lieu que dans un crime contre
l'Etat , l'accufation porLoit felonicè &" prodi-
îoriè y par félonie & par trahifon. Au
premier cas le coupable étoit puni de
mort, & fcs bjens -meubles étoient con-
fifquez ; au fécond cas il étoit puni de
mort;,
Avril, Mai et Juin. 173p. 205
mort, & on confirquolc tous Tes biens,
meubles & immeubles.
Le Chapitre XLI. traite des I.oix tou-
chant la Propriété des Biens ; 6c de la
manière de les transférer à d'autres.
Dans le Chapitre XLfI. L'Auteur parle
des tems auxquels les Cours de Jullice
tenoient leurs Séances, & des V^acances.
Il y obferve entre autres chofes , que par-
mi les Saxons on adminiilroic la Jullice
promptement & fans délai.
Le Chapitre XLIIL contient une courte
recapitulation de ce qui a été dit fur l'E-
tat & le Gouvernement des Saxons en
Angleterre.
L'Auteur vient après cela auxNormans.
Mais comme c'efl-là une nouvelle Epo-
que, & que cet Article eft déjà allez long,
nous renvoyons la fuite à un autre Jour-
nal.
ARTI'
^ao6BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
ARTICLE IX.
Lettre de Mr. S**, à MelT. les Auteurs
de la Bibliothèque Britannique.
LE refpeft que j'ai pour vous , & le
plaifir avec lequel je lis votre Jour-
nal , me font prendre la liberté de vous
addreiïer cette Lettre; j'efpère que vous
la recevrez favorablement, & que vous
lui donnerez une place dans votre Biblio-
thèque. Lorfque vous entreprîtes un Ou-
vrage fi fort déliré, vous déclarâtes dans
l'Avertiflement qui eft à la têre du pre-
mier Volume , qu'on banniroicde ce Jour-
nal toute forte d'Ecrits perfonnels, ou fa-
tiriques. Cette maxime me paroifToit fort
fage, & l'on peut dire , que jufques ici
vous l'avez fuivie exactement. Vous pou-
vez juger par -là quelle a dû être ma fur-
prife,de trouver à la fin de votre dernier
Volume , l'Extrait d'un prétendu Sermon,
rempli de traits fatiriques contre le Cler-
gé en général , &en particulier contre un
Prélat "diftingué par fon fçavoir & parfon
zèle , & pour lequel vous avez tous un
profond refpeft: mais mafurprifeîiceiré,
quand j'ai appris qu'on a inféré cet Ex-
trait dans votre Journal à votre infçû, &
que vous le défapprouvez tous haute-
ment.
Avril, Mai et Juiw. 1739» 207
ment. Ce qui m'engage à vous commu-
niquer quelques remarques que j'ai faites
en le lifant. On nous dépeint d'abord
l'Auteur du Sermon dont on donne l'Ex-
trait,,, comme un homme toujours atta-
,, ché à l'intérêt de fa Patrie, pour Ic-
„ quel il a pris fi fouvent la plume &
99 qui ne reHe de découvrir les pièges
„ qu'on tend à fa liberté „. Ne diroit-oa
pas que la Nation Britannique étoit dans
un danger émment , & que (1 el!e a con-
fervé fa liberté , c'eft à l'Auceur du Ser-
mon qu'elle en efi: redevable ? Je lailfe à
ceux qui ont lu V Indépendant Whig^ 6: les
Difcours Politiques fur Tacite , à juger , (î cec
Eloge n'efl pas outré. On nous alTûre
qu'on apprend ici , combien le Clergé d'An-
gleterre eft riche & accrédité; les voya-
geurs difent au contraire , que le Clergé
eft pauvre & méprifé. S'il y en a quel-
ques-uns qui jouiflent de gros Bénéfices ,
le nombre de ceux qui luttent contre la
pauvreté , eft beaucoup plus grand: &jene
comprens pas comment on ofe nous di-
re, qu'on peut voir dans ce Sermon des
chofes très-curieufes fur les ufurpations
du Clergé, qui eft parvenu à des richef-
fes immenfes , après les pertes que lui
caufa Henri VIII. qu'on auroit cru irrépa-
rables.
Tout le Sermon, & par confequent tout
l'Extrait, n'eftqu'u^je déclamation contre
508 Bibliothèque Britannique,
le Clergé. On leur reproche une avidité
infatiable pour les richefles & les hon-
neurs , un Efpric d'intolérance, un zèle
fougueux, & beaucoup de penchant pour
le Papifme. Je ne fuis pas furpris qu'un
homme qui regarde les Eccléfiaftiques
comme des gens à gage, à qui les Laïques
payent un falaire , & qui croit „ que l'o-
,, pulence entre les mains de ceux qui
„ prêchent l'Evangile, eftfioppofée àFEf-
„ prit & aux préceptes de ce même E-
„ vangile, qu'ils ne fçauroient fubfifter dans
„ le même fujet^S veuille réduire les Ec-
cléûalHques au pain à l'eau ; mais je
fuis furpris, que cet homme (î attaché à
l'intérêt de fa Patrie , nous laifle entre-
voir qu'il ne s'eft pas dépouillé entière-
ment de fon amour & de fon intérêt
propre, puifqu'il fouhaiteroit, que le fa-
laire qu'on donne aux Eccléfiaftiques fût
donné à des gens comme lui ; & qu'il dit
hautement aux Laïques , qu'ils font obli-
gez d'encourager par des recompenfes &
des honneurs , ceux qui foutiennent leurs
droits contre le Clergé.
Le Portrait que l'Auteur fait de l'Ar-
chevêque Laud) eft des plus odieux; mais
afin qu'on ne s'imagine pas que c'eft à
cet Archevêque feul qu'il en veut , il
ajoute : ,, Pour être convaincu que c'eft
,, l'Efprit de tout le Clergé , on n'a qu'à
prendre garde que ceux de cet Ordre ont
,> élevé
AvRit, Mai et Juin. 1755. 209
„ élevé jufqu'au Ciel ce Grand - Prêtre
„ dévoré par l'ambition, ce perfécuteur,
,y cet opprefTeur, cet inflrument ôciniliga-
„ teur de la Tyrannie *^ Ainfi , félon lui ,
tous les Ecciéfiafliques font des ambi-
tieux , des jnfolens , des Tyrans ; com-
ment accorder cela avec la manière dou-
ce & honnête dont plufieurs Evêques trai-
tent ceux-là même qui ne fe conforment
point aux rites de PEglife Anglicane?
Pour prouver que le Clergé d'Angle-
terre a du penchant pour le Papifme, on
allègue l'exemple ùtParhr ^ Evêque d'Ox-
ford, (S: de Ward^ Evêque de Salisbury ;
maisrfi ces deux Prélats ont cédé au tor-
rent, les autres Evêques n'ont-ils pas mar-
qué beaucoup de fermeté ? Et pourquoi ne
dit -on rien des Tillotfons , des Sprats,
des Steîiingfleets & de tant d'autres qui
ont défendu fi folidement la Religion Pro-
cédante.
Je ne dirai rien fur le Supplément :
comme l'Auteur y prend hautement la dé-
fenfe des Efprits forts , & qu'il nous repré-
fente les Orthodoxes comme des fcelérats»
il n'efl pas fort furprenant qu'il lance des
traits fatiriques contre un Prélat qui , fé-
lon lui , s'eit rendu recomimandable par fan
zèle contre les Efprits forts. Qu'il faic
beau voir reprocher aux Ecciéfiafliques
des termes injurieux, pareils au langage
brutal des Harans:eres à des Crocheteuj's ,
TomQ XIII Part, /. O &
2IO Bibliothèque Britannique, &c.
& leur recommander la douceur, à un
Auteur qui ne peut parler du Clergé <5c
des Prélats dans les termes que la bien-
féance & la civilité demandent, & qui ne
cherche qu'à diffamer ceux qu'il devroic
îcrpefter.
P. DE
C A T Aâ. O G U s.
r
P. DE HoNDT a Imprimé.
i
LE Supplément au Corps Univerfel
Diplomatique du Droit des Gens ,
avec le Cérémonial Diplomatique des
Cours de l'Europe , & l'Hiftoire des
Anciens Traitez , répandus dans les
Auteurs Grecs & Latins , & autres mo-
numens de l'Antiquité , par Mr. Bar-
beyrac. 5 vol. foL
■ ■ Le même en grand Papier.
■ L'Ouvrage de Mr. Barbeyrac fe
vend feparement. 2 vol. fol.
Hiftoire du fameux Syllêmie des Finan-
ces, pendant la Minorité de Louis XV.
précédée d'un abrégé de la Vie du
Duc Régent, & du Sr. Law. 6vol. 12.
Le Tome fixième & dernier des Difcours
Hiftoriques, Critiques, Théologiques
& Moraux, fur les Evenemens les plus
mémorables du Vieux & du Nouveau
Teftament, par Mrs. Saurin , Roques,
& Beaufobre ; avec les belles Figures
de Mrs. Hoet, Houbraken , & Plcart,
folio; fur du Papier Médian, Royal,
Superroyal, & Impérial.
NB. On avertie les Curieux, qu'il ne
refte au Libraire qu'un îrès-pe»
lit nombre d'Exemplaires com-
plets de ce magnifique Ou-
vrage.
G 2 Les
C A T A L O G U s.
Les Tomes VIL & VIIL des Taf-
dits Difcours in odtavo.
Le Tome Neuvième & dernier du Grand
Diélionaire Géographique <Sc Cricique
de Mr. Bruzen la Martiniere. fol.
Le même en grand Papier.
Les Tomes XIX. & XX. & dernier,
des Cent Nouvelles Nouvelles, par Ma-
dame de Gomez. 12.
Dô l'Atcaque & de la Défenfe des Pla-
ces, par Mr. le Maréchal de Vauban ,
avec 3(5. belles figures. 4.
Le viorne Libraire publiera da?ïs peu
de jours,
La Nouvelle Marianne, ou les Avantu-
res de Madame la Baronne de
10 Parties. 8.
La Guerre Séraphique, ou les Périls qu'a
couru la Barbe des Capucins, par les
violentes Attaques des Cordelicrs» 12.
CATA.
CATALOGUE
DE
LIVRES,
Qui fe trouvent
A la Haye chez P. de H o n d t.
DEfcription Géographique , Hi dori-
que, Chronologique, Politique &
Phyfique de la Chine & de la Tartarie
Chinoife , par le P. du Halde , Paris
1735. 4 vol. fol. avec des figures > 6c
des belles Cartes Géographiques.
Hifloire de la Vie du Vicomce de Turen-
ne, Paris 1736. 2 vol. avec des belles
figures. 4.
Diftionaire Botanique & Pharmaceutique,
contenant les principales Proprietez des
Minéraux , des Végétaux , & des Ani-
maux d'Ufage, &c. Paris 1738. 8.
L'Architedture Moderne, ou l'Art de bien
bâtir pour toutes fortes de Perfbnnes ,,
Paris 1728. 2 vol. 4. avec 150. Planches.
la Suite , ou , de la Décoration
extérieure & intérieure des Edifices
Modernes , & de la Diftribution des
Maifons de Plaifance, & ce qui a rap-
port aux Parcs & Jardins de propreté ;
O 3 aa
CATALOGUE
âu Jardinage, à la Sculpcure, à la Ser^
rurerie, à la Menuiferie, & à la Déco-
ration des Apartemens de Parade , par
Blondel , Paris 1738. 2 vol. avec 155.
Flanches. 4.
Nouveau Cours de Mathématique, appli-
qué à l'ufage de la Guerre , par Mr.
Belidor, Paris 1725. 4. lig»
La Science des Ingénieurs dans la Con-
duite des Travaux de Fortification «Se
d'x^rchiteclure Civile , par Mr. Belidor^
Paris 1729. fig. 4^
L'Architecture Hydraulique, ou TArt de
conduire, d'élever, & de ménager les
Eaux pour tous les Befoins de la Vie,
par Mr. Belidor, Paris 1737. & 1739. 2
vol. fig. 4.
Recueil des Pièces qui ont remporté les
Prix de l'Académie Royale des Scien-
ces, depuis leur fondation en 1720. juf-
qu'en 1732. , Paris 2 vol. 4. fig.
Le Parfait ingénieur François, ou la For-
tification régulière & irréguliere fui-
- vant les trois Syftêmes de M. de Vau-
ban, & ceux de Mr, Coehprn , de Vil-
le, Pagan , &c. Paris 173<5. fig. 4.
Recueil Hiflorique , Chronologique &
Topographique 5 ou Pouillé des Arché-
vêchez , Evéchez , Abbayes & Prieurez
de France, tant d'Hommes que de Fil-
les , Paris 2 vol. 4. avec des Cartes
Géographiques.
Hiftoire des deux Afpafies, Femmes lî-
luftre?
•DELIVRES.
luftres de la Grèce, avec des Remar«
ques Hilloriques & Critiques, Paris 12.
Nouvelle Méthode pour apprendre toutes
Jes Ecritures ufitées dans le Royaume,
démontrée par des principes clairs &
certains, pour parvenir à la Perfection
des Ecritures , Ronde , Bâtarde & Cou-
lée, fans Maître, contenant près de jo
Planches gravées» fol.
Les Elemens des Finances , contenant
des Inftrudlions néceflaires pour les Per-
fonnes qui font dans les' Emplois, avec
des Modèles de Comptes, Etats & Bor-
dereaux gravez , 6: un Ditlionaire des
Finances, fol., Paris.
Le Traité du Récitatif dans la Ledure »
dans TAdion Publique , dans la Décla-
mation & dans le Chant, avec un
Traité des Accens, de la quantité, &
de la Pondluation ; Paris 12.
La Follette, ou le Rhume, Paris 12.
L'Heureux Infortuné , Hifloire tirée de
PArabe, par Mr. l'Abbé de Court , Pa-
ris 12.
Les Avantures de Léonidas & de Sophro-
nie, Paris 12.
Mémoires de la Comteiïe Linska, Plif-
toire Polonoife , Paris 1735. 12.
Recueil de divers Ecrits , pour fervir d'é-
clairciflemens à THiftoire de France,
&de Supplément à la Notice des Gau-
les, par Mr. l'Abbé le Beuf, Paris 1738.
2 vol. 12,
O 4 Let-
CATALOGUE
Lettre amiable d'un Napolitain, fur la
Géographie de Mr. l'Abbé Lenglec ,
Paris 12.
Recueil de Pièces , mifes au Théâtre Fran-
çois pax M. le Sage, Paris 2 vol. 12.
Hiitoirc du Socinianifine, avec la Vie & le
Catalogue des Ouvrages des Auteurs
Sociniensj Paris 4.
Hiiloire de l'Ille Efpagnole , ou de S.
Domingue , par le P. Charlevoix, Pa»
ris 2 vol. fig, 4.
Hifloire du Miniîtère du Card. Ximenez,
par l'Abbé Marfolier, Paris 2 vol. 12.
Remarques de Mr. de Vaugelas fur la
Langue Françnife , avec les Notes de
Mr. Patru Ôl T. Corneille, Nouvelle
Edition, Paris 1739. 3 vol. 12.
Entretiens de Ciceron lur les Vrais Biens
& les Vrais Maux, traduits par Mr.
l'Abbé Régnier des Marais, Paris 12.
Les Tufculanes de Ciceron , Paris 1739.
3 vol. 12.
Di'dionaîre Italien & François, par Mr.
l'Abbé Antonini, Paris 4.
Grammaire Italienne, par le même, Pa-
ris 12.
Eflais de Montagne, Paris 1739.6 vol. 12.
Oeuvres de Monf. l'Abbé de Pons, Paris
1738. 12.
Lettres de Madame du Noyer , Paris 1738.
6 vol. 12.
Entretiens Littéraires & Galans, Paris 2
vol. 12.
ThécT-
DELIVRES.
Théâtre François, Paris 12 vol. 12.
— Efpagnol , Paris 1 2.
Oeuvres de Molière , Paris 8 vol. 124
• de Racine, Paris 2 voL 11.
— de Corneille, Paris 10 vol. 12.
• de Salufte , Paris 12.
de Lucrèce, Paris 2 vol. 12.
, • de Regnard, Paris 5 vol. 12.
• de Crebillon, Paris 2 vol. 12.
. de Q_uinaulE, Paris 5 vol. 12.
. — ■ de Montfleury , Paris 3 vol. 12.
de Nadal , Paris 3 vol. 12.
— ■ de Campirtron, Paris 2 vol. 12.
— ^ de Mr. Rivière du Frefny , Pa-
ris 6 vol. 12.
Hilloire de Thucydide , Paris 3 vol. 12.
liilloire des Plantes par Baution , Lyon 2-
vol. 12.
L'Anti-Baillet, Paris 2 vol. 4.
Science de la Jeune Nobleffe, Paris 3
vol. 12.
JHiftoire de Jean de Brienne , Roi de Jc-
rufalem , Paris 12,
I/Arc de nager, Paris fîg. 12.
Analyfe des Infiniment Petits , avec le
Commentaire de Mr. de Croufaz, &
les Eclairciflemens de Mr. Varignon , 3
vol. 4.
Tables Aftronomiques , par Mr. de la Hi-
re, Paris 4.
Principes de l'Kiflioire, par Mr. l'Abbé
O 5 Lcn?
CATALOGUE
Lenglec du Frefnoy , Paris 1735. 6
vol. 12.
Lettres d'Abélard & d'Héloïfe , Paris 2
vol. 12.
Conflrudlion d'un Nouveau Telefcope,
Paris 1738. fig. 4-
Trai:é de rAbflinence de la Viande par-
mi les Juifs, les Payens & les Chré-
tiens, Paris 1737. 4.
Hiftoire & Mémoires de l'Académie Roya-
le des Infcriptions & Belles Lettres ^
Paris 10 vol. fig. 4.
Commentaire fur la Géométrie de Def-
cartes , par Rabuel, Lyon fig. 4.
Hiftoire du Japon, par le' P. Charlevoix,
Paris 2 vol. fig. 4.
— le même 9 vol. 12.
Traité des Accouchemens par Mr. van
Deventer, Paris 2 vol. fig. 4.
Oeuvres de Mr. de Mauriceau, fur les
Maladies des Femmes Grofies, Paris^2
vol. fig. 12.
Voyage de la Mer du Sud par Frezier,
Paris 2 voJ. fig. 12.
Hiftoire de Portugal, par Lvir. la Clede,
Paris 8 vol. 12.
Cours des Sciences, par le P. Buffier,
Paris fol.
Généalogies Hifloriques des Rois , Em-
pereurs, &c. , Paris 1735. & 1738.
4 vol. 4.
La Vie du Duc d'Epernon , Paris 4. .
Ser-
DE LIVRES.
Sermons de TAbbé Anfelme , Paris (5
voL 12.
Avantures de D. Ramire de Roxas , Pa-
ris 12.
Mémoires de Pologne, Paris 1738. 12.
Avantures de Perfiles & Sigirmonde , Pa-
ris 1738. 12.
Traité des Maladies de Poitrine, Paris
1739. 12.
Hiftoire de Louis XIV. par Larrey , Pa-
ris 1739. 9 vol. fig. 12.
Hiftoire des Ducs de Bretagne, Paris 1739,
6 vol. 12.
Oeuvres diverfcs de Corneille , Paris
1738. 12.
La Géométrie de Mr. Rivart , Paris
1739. 4-
Hiftoire du Peuple de Dieu, Paris 1739.
8 vol. 4.
Proprietezde la Médecine, Paris 1738. 12.
Médecine raifonnée par Hofman, Paris
17^8. 2 vol. 12.
La Géographie Phyfique, ou Eiïai fur
l'Hiftoire Naturelle de la Terre , par
Woodvvard, Paris 1735. 4.
Le Nouveau Théâtre Italien, avec les
Parodies, Paris 12 vol. 12.
Entretiens de Cleon & d'Eudoxe fur la
Préféance des Médecins fur les Chi-
rurgiens, par Mr Andry, Paris 1739.
2 vol. 12.
Avantures des Thuilleries , Paris 12.
Oeu-
CATx^LOGUS DE LIVRES.
Oeuvres de Brantôme , Paris 1739. 10
vol. 12.
Le Bachelier de Salamanque , par Mr. le
Sage, Paris 3 voL 12.
No'va Bibliotbeca Bibliothecarum Manufcrip-
îorum, Auî. Bern, de Morafaucon ^ Pari^
fiis 1738. 2 vol.foL
Gallia Chrijiiana, in Provincias Ecclefiaftù
cas diftribuîa , opsrâ Dion. SammârîharÂ,
Parijîis 17 15. 6 vol fol.
^ ■ Tomus Sextus feparatim , Parif. 1739.
fol
Werenfelfii Opufcula Tbeologica , Philofo-
■^bîcci éf Pbiîologica. Genevcs 1739. 2 vol. 4,
BIBLIOTHEQUE
BRITANNIQUE,
O U
HISTOIRE
DES OUVRAGES
DES SÇAFANS DE LA
GRANDE-BRETAGNE:
Pour Jes Mois
DE JUILLET , AOUT et SEPTEMBRE.
M DCC XXXIX.
TOME TREIZIEME^
SECONDE PARTIE.
A LA HATE,
Chez PIERRE DE HONDT.
M. DCC. XXXIX.
TABLE
DES
ARTICLES.
Art, I. jn XpUcatîon raifomiahle de la
JOj^ manière dont le Soleil s'ar-
rêta du teins Je Jofué, par A. O.
Pag. 211.
IL Mr. Archieald Campbell;
fon Ouvrage fier la NéceJJité de
la Révélation ; ou Examen de
rétendue des facultez de V Hom-
me en matière de Religion , é?
particulièrement par rapport à
rExiftence de Dieu , 6^ l'Im-
mortalité de l'Ame. 222.
II L Le Philo fopbe Honnête -Homme ;
TTT 7.;rP°^^^^"^^ Extrait. 261.
IV. Mémoires ou Tranfa^ions Philo-
fopbiques de la Société Royale de
\T J^^-^'''.' ^^ 43^» &437. 354.
V, Hifloire du Droit Eceléjîajîique
Fraii^
TABLE DES ARTICLES.
François , où il eft traité de fd
Nature , de fon EtdbliJJement ,
de fes variations ^ des caufes
de fa Décadence ; avec des Dif-
fertations particulières fur les
Articles les plus importans £^
les plus contejiez. 357.
VL Mr. Thomas Shaw;/wKo-
yages en divers lieux de la Bar-
barie ^ du Levant ; avec des
Obfervations. Quatrième &
dernier Extrait. 38(5.
Y II. Nouvelles Littéraires^ 420.
BIBLIO-
BIBLIOTHEQUE
BRITANNIQUE,
O U
HISTOIRE DES OUFRAGES
DES SAVANS DE LA
GRANDE BRETAGNE.
Pour les Mois de Juillet, Août et
Septembre. MDCCXXXIX.
^^^^^•.^$$^^^^: :^^$^^^^:^^_§^?^(^
ARTICLE PREMIER.
The Sun flanding flill in the Days of
JOSHUA, Rationally accounted for
By A. O. LL. D.
Ceft-à-dire:
Explication raifonnable de la manière
dont le Soleil s'arrêta du tems de Jo-
fué , par A. O. Do6leur en Droit,
imprimé à Londres pour J, Noon à
Tome XIIL Part. IL P Ten-
212 Bibliothèque Britannique,
l'enfeigne du Cerf blanc en Cheapfr
de. A". 1739. in 8.
L'Auteur de cette Rrocb'jre déclare
d'abord, qu'il eft fermement perfuadé
de la vérité & de la Divinité de la Révé-
lation ; de forte que fi l'Hifloire facrée a-
voitafluré en termes exprès, que Dieu, par
un miracle, arrêta du temsdejofué le So-
leil & la Lune dans leur courfe, il le
croiroit fans héfiter: mais il fe croit en
état de prouver par le but des miracles,
par le filence des Hiftoriens anciens, par
les paroles même du Texte, par le livre
d'oti elles ont été tirées, & par les cir-
conftances de ce prétendu Prodige, que
les exprelTions du Livre de Jofué ne doi-
vent pas être prifes à la lettre, mais qu'el-
les font figurées & Poétiques.
Si du tems de Jofué le Soleil & la Lu-
ne ont été arrêtez, de forte que le jour
auquel ce Général remporta la vidoire
furies cinq Rois Cananéens, fut beaucoup
plus long que ne font les jours ordinai-
res, c'étoit non feulement un miracle,
mais le plus grand de tous les miracles, fî
Ton excepte la Création de l'univers ; puif-
qu'il faut fuppofer , ou que tous les autres
Corps célefles ayent été arrêtez en miême
tems , ou que l'harmonie des Cieux ait
été troublée : mais à quoi bon un tel mi-
racle? Dieu n'en fait que pour confirmer
la
Juillet, Août et Septemb. 1739. 213
la vérité de quelque Dogme, & pour prou'
ver la milTion divine de celui qui l'en*
feigne de la part; un Dogme qui ell: évi-
demment contraire à larairon,ne fçauroit
être confirmé par aucun miracle; un Dog-
me qui s'accorde avec la raifon , mais que
nos lumières naturelles peuvent découvrir
fans le fecours de la Révélation , n'a pas
befoin d'être prouvé par des miracles;
mais un Dogme qui eft au deflus de la
raifon, fans pourtant lui être contraire,
ne peut nous être enfeigné que par une
Révélation divine, & celui qui nous l'an-
nonce de la part de Dieu , doit prouver
par des miracles qu'il efl envoyé de Dieu t
tel étôit le but des miracles de Moïfe ,de
ceux des Prophètes , & de ceux de Jefus^
Chrifl; mais du tems de Jofué, il ne s'a-
gifToit, ni de confirmer quelque point de
Doctrine , ni de prouver la miflion divi»
ne de quelqu'un; quelle apparence donc qu®
Dieu ait fait un miracle fi éclatant fans
neceffité?
[Cet Argument de notre Auteur paroîc
fpécieux; mais luiaccordera-t-onque Dieu
n'a jamais fait des miracles que pour prou^
ver la million divine de quelqu'un ? Les Dé'
livrances de l'Eglife n'entrent -elles pas
dans le but de Dieu lorfqu'il fait des mer-
veilles éclatantes? Et le PalTage de la mer
Rouge, les Philiflins frappez de maladie,&
leur Idole Dagon renverfé devant PArche ,
n'en font -ce pas des exemples?]
? Z La
2Ï4BIBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
Le filence des Hifloriens anciens four-
nit à notre Auteur une féconde preuve.
Le miracle accordé aux prières de Jofué,
d'arrêter le cours du Soleil, étoit un mira-
cle, opéré , non dans un coin de la Palefli-
ne , mais à la face de tout l'univers ,* un
miracle non momentanée, mais de longue
durée: il devoit donc exciter la curiofité
de tous les Sçavans parmi les différentes
Nations, & les engager à examiner ce Phé-
nomène, à en marquer la caufe & les ef-
fets , & à le mettre par écrit, pour en
inflruire la pofterité : les Egyptiens fur-
tout, qui étoient voifins de la Judée, qui
cultivoient les Sciences, qui faifoient des
Obfervations Agronomiques , qui avoient
un refpect fuperftitieux pour les Corps cé-
leltes , & qui adoroient le Soleil fous la fi-
gure d'un Bœuf, ne pouvoient manquer
d'en parler. Cependant on ne trouve ni
trace ni veftige de ce prétendu miracle
dans aucune autre Hiftoire ancienne, foie
fainte , foit profane. On allègue à la vé-
rité Hérodote & Stace. Le premier rappor-
te , que les Egyptiens difoient , que dans
Tefpace d'onze - mille trois - cens ans , qui
s'étoient écoulez depuis leur premier Roi,
jufquôs au Prêtre VulcaiUyXt Soleil s'é-
toit levé deux fois dans TOccident, & cou-
ché dans rOrient; que ce prodige n'avoic
pourtant apporté aucun changement en
Egypte, foit à la terre pour la production
de fes fruits, foit au Nil pour le débor-
dement
Juillet, Août et Septemb. 1739. 215
dément de fes eaux; que les maladies n*a-
voienc pas été plus fréquentes , ni la vie
des hommes moins longue. Et l'autre allu-
re que les Cieux avoient rougi, & que le
Soleil avoit fufpendu fon cours , à caufe
de l'horreur que leur caufoit le crime d'v^-
trée, enlanglanté du meurtre des fils de
Thyejle y qu'il fit manger à ce malheur-eux
Père. Notre Critique remarque fort bien,
que Stace fe fert d'une fidlion Poétique ,
pour exprimer l'horreur que doit caufer
une adtion fi barbare; mais fa réponfe au
palTage d'Hérodote ne nous paroît pas auf-
îi folide. Il dit, que ces deux Phénomènes ,
le lever du Soleil dans l'Occident, & le
cours du Soleil arrêté, font fort différens,
que l'un fuppofe le mouvement , & l'au-
tre le repos ;& que fiîcette Tradition des
Egyptiens n'efl pas une pure fable, elle
fe rapporte à la rétrogradation du Soleil
du tems à'Ezéchias^ plutôt qu'à ce qui fe
paflfa du tems de ]ofué. Si les Traditions
des Payens , qui doivent leur origine aux
faits rapportez dans l'Hifiioire famte, les
confervoient toujours fans altération , la
remarque de notre Auteur paroîtroit bien
fondée ; mais on fçait que le plus fouvent
elles les déguifoient & les falfifioient :
ainfi de ce que le récit d'Hérodote dif-
fère de celui de Jofué, il ne s'enfuit pas
qu'ils ne parlent pas d'un même événe-
ment.
Le troifième Argument de notre Auteur
P 3 eft
il5BlBLI0THEqÛE BRITANNIQUE,
eft tiré des expreflTions même du Texte
facré. Il remarque i. Qu'il y a dans le
Texte Hébreu : Soleil, îai-îoi ; le Soleil fe tut j
& non pas, Soleil, arrête-toi, &c.''2. C^ue
l'Hiftorien facré dit, le Soleil ne fe bâta point
défi coucher environ un jour entier, 6c non
pas , le Soleil ne fe coucha pas environ
un jour entier. 3. Qu'il e(t dit que le So-
leil & la Lune s'arrêtèrent , jtt/qu'à ce que
le peuple fe fût lengé de fis enntmis , & non
pas, afin que le peuple pût fe venger de
fes ennemis. 4. Qu'il efl rapporté que jo-
fué parla à l'Eternel , au jour auquel il a-
Voit livré les Amorrhéens entre les mains
des Enfans d'Ifraël ; mais que ce qu'il dit
à l'Eternel dans cette occafion-Ià n'eft pas
marqué: d'où il conclut, que les Héros de
l'Antiquité ayant accoutumé , après avoir
remporté quelque grande victoire, de cé-
lébrer l'Eternel à la tête de leurs armées
par des Cantiques, comme il paroît par
l'exemple de Moïfe & des Ifraëlites après
la défaite de Pharaon & des Egyptiens, &
par celui de Debora après la viftoire rem-
portée fur Jabin Roi des Cananéens; jo-
fué de même, ayant défait les cinq Rois
d'une manière (î furprenante, chanta à
l'Eternel un Cantique de louantes & d'ac-
tions de grâces ; quedans ce Cantique il
parle par une figure hardie au Soleil & à
3a Lune, & les exhorte à s'arrêter, non
'pour lui donner le rems de fe venger de
fes ennemis, car ils étoient déjà défaits,
mais
Juillet, Août et Septemr. 1739. 217
mais pour erre les fpedtateurs d'une û
grande vidoire, & pour admirer la bon-
té ineffable de Dieu envers fon peuple;
ce qui a été imité par David, quand il dit
au Pr.CXLVII. Louez le Seigneur, Soleil ^ Lu-
ne. Louez-le., toutes les Etoiles : Louez-le^ Cieux
des deux : Que toutes les Eaux qui font au
àejjus des deux louent le Nom du Seigneur.
Que l'Hiflorien facré ajoute , que le Soleil
& la Lune s'arrêtèrent , pour nous lesre-
préfenter comme faifis d'admiration & d'é-
tonnement: que cette exprefîion eft figu-
rée & Poétique, à-peu-près femblable à
celle de Debora, qui dit : On a combattu con-
tre eux du haut du Ciel ; les Etoiles ont com-
battu contre Sifera\ ce qui, de l'aveu des
meilleurs Commentateurs, ne fignifie autre
chofe , fi-non Que la bataille qu'elle livra à
Sifera dur^jùiques dans la nuit,& que la
clarté des Etoiles favorifa fa victoire ,• ou
à celle de Callimaque, qui repréfente le
Soleil comme*arrétant fon chariot, pour
entendre la mélodie d'un chœur de Nym-
phes.
H\Si Ttdf HAc/(5f KotKov ;^c^ov. oihhà^iy,icLi
Al<PfiO¥ ÎTrii^y/C-MÇ rct èî <Çûi» [Àr,y.uvcvrcii,
Cefl-à-dire : Le Soleil ne voit jamais
cette belle troupe fans arrêter fon char,
ù, les jours deviennent plus longs.
P 4 Pour
^218 Bibliothèque Britannique',
Pour confirmer fon opinion , Notre Au-
teur remarque en quatrième lieu ,que ces
paroles, Soleil arrête- toi à Gabaon, £5* toi,
Lune , dans la vallée d'Ajalon^ font une ci-
tation du Livre de Jajchar ; ce qui veut
dire le Livre du Jufte. Ce Livre contenoit
un Recueil de Poëmes divins , compofez ,
non par un feul, mais par plufieurs Au-
teurs , en divers tems , & à différences oc-
cafîons , pour célébrer la mémoire des
merveilles que Dieu avoic faites en faveur
de fon peuple , & pour tranfmettre à la
pofterité les noms de ces Héros qui a-
voient fait de grandes aftions & rendu
des fervices fignalez à leur Patrie. Le pafla-
ge de Samuel 1. 2. ch. L oîi il eft dit, que
le Cantique funèbre, compofé par David
fur la mort de Saûl & fur celle de Jona-
than, étoit inféré dans le Livre du Julie,
prouve cette opinion. Il eft donc proba-
ble que le Cantique de Jofuéde même fe
trouvoit au long dans le Livre du Jufte, &
que l'Hiftorien fe contente d'en citer ces
paroles: Soleil, arrête-îoi , &.C.
Notre Auteur palTe à examiner les cir-
conftances de ce prétendu miracle. Il fait
voir que ce ne fut pas avant la bataille,
ou pendant que la vidtoire étoit incertai-
ne, mais après que Jofué eût défait les
ennemis, & que fon armée les pourfuivoic
dans leur fuite, que s'addreiTant au Soleil,
il lui dit: y^rfeVtofj, &c. Dieu dit à jofué,qui
probablement Pavoit confulté par l'Urim
<5c
Juillet, Août et Septemb. 1739. 219
& leThummim, s'il iroit au fecours des
Gabaonices, ou non : ]S!e les crain point,
car je les ai livré entre tes mains ,nul d'eux ne
fubjijiera devant toi. Jofué, confirmé par cet-
te promefle, marcha toute la nuit, & é-
tant arrivé à Gabaon avant le jour , il fur-
prit les ennemis, les attaqua & les mie
en déroute; Ton armée les pourfuivant
par le chemin de Bethoron, en fit un grand
carnage , & une grêle de pierres qui tomba
en même temSjCn tua plus que les Ifraë-
lites n'en avoient fait pafTer par le fil de
répée. Jofué donc n'avoit plus befoin que
Dieu fit un miracle pour lui donner le
tems de fe venger de fes ennemis & de
les pourfuivre. Ils étoient déjà défaits, (3c
la bataille s'étant donnée à la pointe du
jour, le tems de les pourfuivre ne pou-
voie pas lui manquer. Cependant ce fut
alors, après la déroute des ennemis, que
Jofué dit, en la préfence de tout Ifraël ,
Soleil f arrête-toi , <SiC. Il faut donc nécefiaire-
ment que ces expreiTions Ibient Poéti-
ques, & qu'on les prenne dans un autre
fens que dans celui qu'on leur donne or-
dinairement.
Notre Auteur pafie enfuite 4 répondre
à quelques objedlions; la première efl ti-
rée de ce qu'il eft dit , qu'il n'y eut jamais
auparavant un jour femblable à celui-là , &
qu'il ny en eut point après ^ VEternel exau-
çant la voix d'un homme. Dieu , dit - on , n'a-
voit-il donc jamais auparavant exaucé la
P 5 voix
3,20 Bibliothèque Britannique,
voix d'un homme , ou donné la viftoire
à Ton peuple? Sans doute, die notre Au-
teur; mais jamais d'une manière fi vifi-
ble. Il promit à jofué la vidtoire. Ce Gé-
néral la remporta ,& mit les Ennemis en
déroute , mais comme pludeurs fe fau-
voient par la fuite ,il demanda à Dieu de
livrer les fuyards entre fes mains , félon
fa promefTe; Dieu exauça fa voix, & fit
tomber fur eux une grêle de pierres , qui
les empêcha de fe fauver, & en fit mou-
rir un plus grand nombre que l'épée mê-
me des vainqueurs : ce qui a donné oc-
cafion au Pfalmifle de dire: r Eternel ton-
na aux ( 'ieux , £5' le Souverain jetta fa mix
avec grile^ charbons de feu \ il tira fes flè-
ches ^ les écarta , il lança des éclairs 6f l^s
mit en déroute. Pf XVI II. v, 14. 15.
La féconde objeQion eft fondée fur un
paflage de rEccléfiaflique ; le fils de Sirach,
parlant de Jofué, dit: N'a-t-il pas arrêté le
Soleil dans le tranfport de fa colère^ lorfqu'unfeul
jour devint auffi long que deuxl Eccl. XLVI.
V. 5. Notre Auteur fait voir que le fils de
Sirach fe contredit lui-même, quand ilaf-
fûre que le Soleil ^v^t:^/ f, retourna en
arrière, & qu'un fcul jour devint aufii
Ions; Que deux, quand jofué dit: Soleil ^ar-
réte-toi enGahaon ^t^ toi. Lune, dans la vallée
à: A jalon , il écoit occupé à combattre les
Amorrhéens dans la plaine de Gabaon, la
Lune , qui probablement étoit dans fon
plein, étoic fur le point de fe coucher du
côté
JUILLET, Août et Septemb. 173p. 221
côté d'AjaloD ; & on vit par le fommec
de la montagne de Gabaoii,que le Soleil
alloic fe lever: lî Jofué Tavoit fait retour-
ner en arrière , il n'y auroic point eu de
jour du tout, & il auroit fallu dire qu'u-
ne nuit fut aufli longue que deux.
On allègue en troifième lieu, la rétro-
gradation du Soleil du tenis d'Ezéchias;
6l on dit que ce nairacle étoit auffi grand
que celui du cours du Soleil fufpendu du
tems de Jofué. Notre Auteur remarque,
I. Que ce ne fut pas le Soleil, mais feule-
ment l'ombre du Cadran d'Achaz qui ré-
trograda. 2. Qu'elle rétrograda, non tout
d'un coup , mais peu-à-peu. Efaïe avoit
donné le choix au Roi Ezéchias, de de-
mander que l'ombre du Cadran d'Achaz
avançât ou rétrogradât de dix degrez ; Ezé-
chias demanda qu'elle rétrogradât, parce,
dit-il, que c'eft peu de chofe que l'ombre s^a-
vance de dix dégrez; (i elle eût avancé de
dix dégrez tout d'un coup, le miracle
n'auroit pas été moindre que tout d'un
coup elle eût rétrogradé d'autant, mais en
rétrogradant peu à-peu & par dégrez, le
miracle étoit plus vifible é. plus frappant
que fi elle avoit avancé peu -à -peu &
par dégrez. 3. Que ce miracle ne fut vu
que dans la Judée & à jerufalem , puif-
que le bruit s'en étant répandu dans les
pais voifins, le Roi de Babylone envoya
des Ambaffadeurs à Ezéchias pour le fé-
liciter de fon réc-abliflement,& pour s*in-
. for-
222 Bibliothèque Britannique^
former du miracle qui étoit arrivé dans
la Judée. Si le changement étoit arrivé
au Soleil même , Tombre de tous les Ca-
drans du monde auroit rétrogradé, auflî-
bicn que celle du Cadran d'Achaz, & il
n'auroit pas été néceiïaire que le Roi de
Babylone, pour contenter la curiofité &
celle des Chaldéens,qui écoient alors les
plus fameux Agronomes , envoyât dans,
la Judée s'informer d'un tel miracle.
ARTICLE IL
The NecefTity of Révélation : Or an
Enquiry into the Extent of human
Powers with refpecl to matters of
Religion, efpecially thofe two fun-
damental Articles , The Being of
God, and the Immortality of the
Soûl. By Archibald Camp-
bell, D. D. Regius Profeïïbr of
Divinity and Ecclefiaftical Hiflory
in the Univerfjty of St. Andrews.
C'efl- à-dire : Lj NéceJJité de la Ré-
vélation , ou Examen de retendue des
facuîtez de F Homme par rapport . aux
matières de Religion , £f particulière-
ment par rapport à ces deux yîrticles
fondamentaux , l'Exiftence de Dieu , &f
r Immortalité de l'Ame. Par Mr. Ar-
CHI-
JuiLtET, Août et Septemb» 1739. 223
CHiBALD Campbell, Doàeiir en Théo-
logie, Êf Profeffeur Royal de Théologie
fc? d'HiJtoire Eccléfiaftique dans ÏUni-
verfité de St. André, A Londres 1739.
aux dépens de la Société pour l'en-
couragement des Lettres ; & fe vend
chez Millar, Nourfe, & Gray, Li-
braires de la Société ; in 8. pi^gg.
417. Le prix eft de quatre Chelins
& demi en feuilles.
MR. Campbell commence Ton Ouvra-
ge par une afiez longue Préface,
dans laquelle il expofe fon fujet , & juf-
tifie la manière donc il l'a traité. Son def-
fein n'eft pas de prouver la vérité de la
Révélation Chrétienne, mais feulement
la néceffité d'une Révélation en général li
fe borne à ces deux Articles , ïExiflence
£^ les Attributs de Dieu, 6c l Immortalité de
VAme; parce que c'eft là-delfus qu'eft
fondée toute la Religion. Ayant exami»
né avec foin quelle eft Tétenduë des fa-
cultez de l'homme, par lefquelles il pour-
roit parvenir à la connoiflance de ces
deux Articles, il a conclu de cet Examen ,
que le genre humain n'efl pas capable de
les découvrir fans une Initrudliori farna-
turelle : de forte qu'il a falu une Révéla-
tion divine pour établir mcme la Reli-
gion Naturelle parmi Jes honjmes. Et
puif-
224 Bibliothèque Britannique, ^
puifque les deux Articles en queftion onc
été depuis long-tems connus dans le mon-
de , c'eft , fuivanc notre Auteur , une preu-
ve évidente, en remontant de l'effet à la
caufe, que le genre humain a été réelle-
ment favorifé dune Révélation furnatu-
relie.
En parlant de la NécefTité de cette Ré-
vélation, il la nomme quelquefois abfolué'.
Il ne veut pourtant pas qu'on prenne ce
terme à la rigueur. 11 reconnoît que les
Oeuvres de la Création fournifTent des
preuves démonftratives de l'Exiflence 6c
des Attributs de Dieu; mais il foutient,
qu1l n'y aucune raifon de penfer, que fans
une Révélation divine les hommes euflenc
jamais connu la vraye Religion.
On croira peut-être fur cet Expofé,
que Mr. Campbell nous donne ici un Trai-
té fur la foibleiTe de l'ETprit humain, qu'il
étale les difficultez de l'Examen , ou cel-
les qui environnent tous les objets de nos
Récherches. On fe tromperoit: ce n'efl
point par des raiTonnemcns fpécuiatifs &c
iTiéraphydques qu'il établit fa Thèfe. Il
fc borne uniquement à des Faits .'il mon-
ne que les hommes n'ont eu que des i-
dces faulTes & abfurdes fur la Nature de
Dieu , & fur celle de TAme, ou que s'ils
en ont eu des idées plus juftes , ils ne les
ont point établies fur des preuves folides
& concluantes.
Notre Auteur fe propofe particulie-
rcm^enc
Juillet, Août et Septemb. 1739. 225
rçment de renverfer le Syflême que Mr.
Tindal a tâché d'établir dans fon fameux
Livre, intitulé le Chriflianifme aujjî ancien
que le Monde. Jl en cite un long pafTage
que nous traduirons ici, parce qu'il contient
le précis du Syfléme dts Raîionaux, je
veux dire de ceux qui foutiennent que/a
Raifon de Vhomme fufjit feule pour le conduis
re au Bonheur ,, Si ce n'a jamais été 1 in-
„ tention de Dieu, dit Mr. Tindal, que
a, le genre humain fût en aucun tems
deflirué de tou'C Reh'gion , ou qu'il
n'en admît que de fauffes, & s'il n'y en
a qu'une qui foit- véritable , laquelle
tous les hommes ayent été toujours obli-
99
„ gez de croire & de profelTer, je ne
,, vois pas qu'il y ait la moindre Hétero-
doxie à foutenir, que les moyens def-
tinez à remplir ce but de la SagefTe in-
finie , doivent avoir été auflî univerfeîs
,, que ce but même; ou pour parler
,, plus clairement, que tous les hommes J'
,, dans tous les tems, doivent avoir eu des
„ m.oyens fufïïfans , pour découvrir ce que
,f Dieu vouloit qu'ils connûfient & prati-
,, quaflenc. Je ne prérens pas foutenir
„ par- là, qu'ils doivent avoir tous un
1, égal déjzré de lumières & de connoif-
,, fances; mais on'ils doivent avoir tous
,, des moyens fuffifans , eu égard aux cir-
M confiances particulières oli ils fe trou-
f, vent . ... Et comme je crois qu'il c(ï
99 de mon devoir de ne jamais diiîimuler
M mes
226 Bibliothèque Britannique,
5, mes fentimens en matière de Religion,
„ je déclare franchement, que VUJage des
,9 Facuîîez , par lefquelles les hommes fonc
» diftinguez des Brutes, ejile feul moyen
,9 qu'ils ayent pour découvrir s'il y a un
,) Dieu , s'il fe mêle des chofes de ce Mon-
„ de, s'il a donné des Loixaux hommes,
„ & quelles fonc ces Loix. Ec puifque
„ les hommes n'ont point d'autres facul-
„ tez pour juger , il fuit de-là , que lorf-
„ qu'ils s'en fervent du mieux qu'ils peu-
„ vent, ils rempliflent par cela même le
„ but pour lequel Dieu les leur a données ,
„ & juftifient pleinement leur conduite:
„ car fi Dieu veut les juger comme des
„ Etres comptables de leurs allions , c'ell-
,, à-dire comme des Etres raifonnables,
„ il faut que la fentence qu'il prononce
„ pour ou contre eux, foit exadement
„ conforme à l'ufage qu'ils font de leur
„ Raifon Et fi le delFein de Dieu
„ a été que tous les hommes connûflenc
„ ce qu'ils doivent croire, profefler &
„ pratiquer, & s'il ne leur a point donné
,, d'autres moyens pour parvenir à cette
„ connoilTance , que l'ufage de la Raifon,
,, il faut que la Raifon, je dis la Raifon
„ humaine, foit ce moyen. Car puifque
>> Dieu nous a fait des Créatures raifon-
„ nables , & puifque la Raifon nous ap-
,, prend qu'il veut que nous vivions con-
formément à la dignité de notre natu-
re, il faut aufll que la Raifon puifle
fj nous
?j
-j
Jdillet, Août et Septemb. 1730. aay
« nous faire connoîcre, (î nous vivon»
99 aftuellement de cette manière, ou non.
„ Ce que Dieu veut que nous connoil^
99 fions, croyions , profeflions & prâti-
„ quions ,doit être par cela même un fer*
„ vice raifonnable ; mais c'efl à la Raifon
„ à juger, fi ce qu'on nous propofe pour
M tel , Teft effedtivement. Comme l'œil
„ eft le feul juge de ce qui efl vifible, fie
,, Toreille de ce qui fe peut ouïr, ainfî la
j, Raifon l'eft de ce qui eft raifonnable.
>, Si donc la Raifon a été donnée à Thom-
9, me pour lui faire connoître la Volonté
„ de Dieu, il faut qu'elle foit fuffifante
„ pour produire l'effet auquel elle eftdef-
„ tinée; & elle ne fçauroit tromper les
„ hommes jufqu'à leur faire prendre pour
9, la volonté de Dieu , ce qu^il vouloic
99 qu'ils évitaflent comme contraire à fa
„ volonté.
„ S'il eft donc abfurde de fuppofer ,que
„ quand même les hommes vivroient de
„ la manière du monde la plus déréglée
„ iSc la plus impie, ils ne commettroienc
„ pourtant rien que Dieu leur ait défen-
„ du , ou que , quand même ils vivroient
„ de la manière la plus vertueufe & la
„ plus religieufe, ils ne feroient pourtant
„ rien qu'il leur eût commandé ;ne doit-
,, il pas y avoir eu toujours une Loi
„ univerfelle , notifiée au Genre humain
9, d'une manière fi claire , que perfonne
TomeXIIL Fart. IL Q „ &e
228 Bibliothèque Britannique,
f, ne put prétexter fon ignorance pour é-
f, viter d'être jugé par cette Loi?D*oti il
„ fuit , qu'il eft impoffible qu'elle ait été
,5 notifiée d'une manière fi univerfelle, à
„ moins qu'elle ne fût fondée fur la na-
„ ture même dos chofes , fur le rapport
99 qu'il y a entre Dieu & les hommes, &
„ fur les diverfes relations que les hom-
,5 mes ont les uns avec les autres ; rap-
99 port (Se relations qui font viiibles en
99 tout tems atout le Genre humain. Mais,
,> pour éclaircir encore plus ce fujet, peut-
,i on concevoir que- Dieu, qui a témoigné
,9 tant de bonté pour tous les animaux,
„ qu'il leur a fourni à tous, non feule-
„ ment dans un feul pais , mais par toute
99 la terre, les moyens nécefTaires pour
,9 travailler à leur propre confervation ,
99 ait eu moins de bonté pour les âmes de
„ ceux qu'il a formez à fon image; qu'il
99 ne leur ait pas donné à tous, en tous
„ tems & en tous lieux, les moyens nécef-
,, faires pour fe procurer le bonheur éter-
,9 nel? Ou peut-on fuppofer, qu'un Etre
99 infiniment bon, qui a donné aux hom-
99 mes des fens qui les avertifi!ent de ce
„ qui eft utile ou nuifible au corps, ait
99 eu moins d'égard pour cette partie de
„ l'homme qui efl immortelle, & ne lui
„ ait pas donné , par la lumière de l'en-
,, tendement, des moyens fuffifans pour
I, connoîcre ce qui contribue au bien de
,9 l'ame ?
Juillet, Août et Septemb. 1739. 229
„ l'ame? Peut -on fappofer qu'il ait mis
>, tous les hommes, ou feulement quel-
„ ques-uns d'entre eux, dans la nécelTité
,, de demeurer d'âge en âge dans une igno-
„ rance ou dans une erreur qui leur fût
t, pernicieufe?
,, Voilà , dit là-deflus Mr. Campbell ,
,, des fpeculations qui ont quelque chofe
,, d'éblouillant. Et lorfqu'un homme d'ef-
,, prit qui les propofe , décrit en mêm.e
,j tems la bigotterie &■ la Tuperfrition »
,, qui, dans tous les fiécles, n'ont que trop
„ régné parmi les Chrétiens ; lorfqu'il re-
}) préi'ente les controverfes qui ont trou-
99 blé l'Eglife, tantôt au fujet des Myfle-
„ res jtantôtfur de limples minuties ;'lorr-
,9 qu'il dépeint la violence & l'aigreur a-
,9 vec lefquelles on a traité ces controver-
99 fes ; lorfqu'il nvarque les funeftes effets
», de Fefprit de perfecution , qui a pion-
,, gé le Genre humain dans le trouble , dans
„ la mifere, & prefque dans une deftruc-
,, tion totale, contre toutes les Loix de
„ la Juftice. & de cette Charité univerfel-
5,1e, qui font infiniment plus utiles au
„ Genre humain que tous les Myjières * y
,, quels qu'ils foient ; on ne doit pas s'é-
„ tonner, que des gens qui fe laiileni
,, aifénient entraîner par de belles appa-
,, rences , conçoivent un préjugé contre la
V Religion Chrétienne, é. fe déclarent en
„ favear
* I Cor. xm. 2.
230B1BL10THEQUE Britannique,
„ faveur des Lumières naturelles ; fou-
„ tenanc que le Monde n'a pas beibin de
i, Révélation.
Mr. Campbell exhorte ici fes Ledteurs
à renoncer à tout préjugé, à n'avoir au-
cun égard pour l'autorité de qui que cefoif,
mais de le fuivre fans partialité dans l'exa-
men de ce iujec. 11 remarque , qu'il eflim-
poflTibie que l'Auteur qu'il a cité ait pré-
tendu qu'on fe rangeât aveuglement à
fon opinion : on "avoue , que c'efl une
belle fpéculacion ; c'efl une hypothè-
fe capable de flatter la vanité de l'Hom-
me: mais eft-elle conforme à l'expérien-
ce? Voit-on qu'en effet la Raifon feule
aye conduit les hommes à la connoiflan-
\ ce du vrai Dieu , de fes Perfedlions , &
de la véritable Religion FC'eft ce que Mr.
Campbell fe propofe d'examiner,- ou plutôt
il veut faire voir , que les hommes n'ont
point connu Dieu par la Raifon ; d'où il
ell aifé de conclure, que la Raifon feule
n'eft pas fuffifante, & qu'il faut par confe-
quent une Révélation.
L'Ouvrage de notre Auteur eft divifé
en huit Sections. Dans la première il exa-
mine en quoi confifle la Religion Naturel-
le. ,, C'efl, félon lui, un fyftême, ou un
„ Corps de Devoirs quinaiffent de la na-
P, ture même des chofes , que nous de-
99 vons rendre à Dieu, (Se que nous fom-
99 mes obligez de pratiquer envers nos
» femblables, à caufe de Dieu, & dans le
;> def-
Juillet, Août et Septemb. 1739. 231
„ deflein de nous procurer fa bienveillan-
„ ce. Il efl: clair que nous ne fçaurions
„ jamais parvenir à la connoiflance des
„ devoirs particuliers , que la nature des
9t chofes, & le rapport qu'elles ont encre
„ elles, nous préfcrivent , à moins que nous
M ne connoiirions fuffifamment les diffé-
„ rentes proprietez & les perfections de
}, ces chofes, i'jnfiuence qu'elles ontréel-
„ Icment les unes fur les autres, & les
9, effets qu'elles produiront certainement,
„ lorfqu'elles feront, pour ainfl dire, ap-
,9 pliquées les unes aux autres. Puis donc
i, que Dieu & l'Homme font deux Etres ,
t, dont les différentes natures, proprie-
i9 lez & perfections , comparées les unes
,,aux autres, fervent de fondement aux
j> devoirs de la Religion Naturelle ; avant
19 qu'on puifTe connoîcre ces Devoirs , il
3i faut néceffairement que l'on connoifTe
„ la nature de Dieu & celle de l'Homme,
i, & les relations morales qui refultent
„ du rapport naturel qu'elles ont entre
9, elles.
De fçavoir fi l'Homme efl de lui-même
en état d'acquérir cette connoiflance, c'efl
ce qu'on examinera dans la fuite ; mais il efl
certain qu'il connoît à préfent la nature
de Dieu,& la fienne propre jfufHfammenc
pour comprendre tous les points de la
Religion Naturelle. Notre Auteur par^
court ici les principaux Articles de cettô
ReUgion ; à. en conclut , que fi un Ange du
Q 3 Ciel
^5^ Bibliothèque Britannique,
Ciel vouloit nous propofer une Doctri-
ne qui dérogeât: le moins du monde à la
Religion JNacurelie, il ne faudroic point
récouter ; il faudroic môme le regarder
comme un Ennemi qui viendroit nous
ravir notre bien, le feul moyen que nous
ayons de nous procurer un bonheur du-
rable. Sur quoi Mr. Campbell fait cette
retiéxion : ,, Ceci ne prouve-t-il pas bien
iy clan'cment la vanicé de toutes les Doc-
,, trines myjiérieujes , & de toutes les In-
,, {l:ituticns pofiUves , qui dépendent de
♦, r Autorité humaine , & qui , à la vérité ,
S) ne ruinent peut-être pas toujours l'ef-
tf fct de la Religion Naturelle, mais qui
,, ne tendent point à en faire obferver
,, les Loix lactées On ne doit fe faire au-
,, cun fcrupule de lbutenir,que ceux qui,
,, pour de pareils Myftères, & pour de
y, femblables Inflitutions , ou feulement
,, à l'occaiion de quelque point que ce
i) foit d'une Révélation furnatureîle, vio-
,, lent les Devoirs de la Religion Naturel-
5, le , calomnient , oppriment & perle-
,5 cutent les autres, ôc rendent par-tout
,, les Hommes malheureux: on ne doit ,
,, dis-je, fe faire aucun fcrupule de fou-
)f tenir, que ces gens -là, malgré toutes
5, les apparences de pieté & de bonté fous
„ lefquelles ils fe cachent , font impies
j, envers Dieu, traîtres envers eux-mê-
5, mes, & ennemis du Genre humain. En
,j un mot, il ell impoiTîble qu'une Inditu-
>3 tiou
Juillet, Août et Septemb. 1739. 233
„ tion religieufe , quoique propofée de
,, la manière du monde la plus plaufible,
9, mérite la moindre attention, 11 elle ne
if nous enfeigne pas avant toute chofe ,
ff de renoncer à l'Impiété £5* aux Convoitifes
99 mondaines , 6f de vivre fobrement , iiifte-
99 ment (f religieufement.
Voilà jufqu'OLi notre Auteur croit pou-
voir fuivre- tous les Déiftes qui ont du
bon-fens & du fçavoir. Mais il les aban-
donnera bientôt, comme on le verra tput
à l'heure.
Jl examine dans la féconde Sedlion, ce
qu'il faut entendre par la Raifon , ou les
Lumières naturelles. Il remarque d'abord,
que comme nous avons la faculté de re-
cevoir des idées des chofes qui font hors
de nous , de les comparer entre elles , &
d'en appercevoir l'ordre, les rapports,
ou les difconvenances,on donne fouvent
le nom de Raifon , ou de Lumière naturel-
le à cet Ordre yhces Rapports , ou à ces Pro~
portions des chofes; lequel Ordre ou lefquels
rapports font fixes & permanens, entière-
ment indépendans de nos idées & de nos
perceptions, & toujours les mêmes, foit
que nous y faffions attention ou non. De
forte que lorfqu'on dit , que la Raifon ou
la Lumière naturelle nous enfeigne quel-
que point de Dodtrine, le fens eft, que
Tordre naturel & la Conftitution des cho-
fes, leurs rapports & leurs proportions,
Q 4 nous
t34BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
nous inflruifent de cette Dodbrine. Ce
Paflage du Pfeaume XIX. par exemple ;
Les deux racontent la Gloire du Dieu Fort ,
is* l'Etendue donne à connoître Vowurage de
fes mains. Un jour dégorge propos à Vauire
jour , £5* une nuit montre fcience à Vautre
nuit ; il n'y a point en- eux de langage , il
n'y a point de paroles ; toutefois leur voix ejl
ouïe. ,, Ce paflage, dis -je, fignifie , que
5, Tordre & la conlticution des Corps cé^
„ leftes, les rapports & les proportions
ff qu'il y a entre eux, & qu'ils ont avec
„ la Terre , enfeignent ù. publient par
„ eux-mêmes l'Exifience &: les Perfeclions
5, de Dieu, indépendemment de nos pen-
5, fées & de Fattention que nous y fai-
j, fons. " Surquoi notre Auteur fait cette
Remarque: ,, On ne fçauroit penfer rai-
ii fonnablement , que ces exprefllons mé-
„ taphoriques du Pfalmifte fignifient, que
,, dans tous les fiécles , &f par toute la Ter-
9) re , toutes les Nations , £5* chaque individu
,y du Genre humain , ayenî connu , ou connoî^
a iront dans la fuite y VExifience 6f les Per-
ff fixions d'un Entendement infini , par la
i, fîmple confideration des deux. Ceci eft é^
5, videmment contraire àl'expérience , qui,
s^ comme Mr. Campbell le montre dans
3, la fuite,prouve'inconteflablement , que
9, les Homm.es ne font point parvenus à
,, la connoiflance du Créateur par la
f3 confideration de fes Ouvrages. De for-
jj te
II
Juillet, Août et Septemh. 173g. 235
„ te que le paOage en queflion ne fçau-
9> roic avoir d'autre fens que celui qu'on
f, lui a donné.
Quelque inflrudtion que la nature des
choies & les rapports qu'elles ont entre
elles puiflent nous donner par elles-mê-
mes ; cependant nous ne fçaurions rece-
voir cette inftrudlion , que lorfque nous
comprenons la nature de ces choTes .que
nous les avons comparées enfemble, 6ç
que nous en appercevons les rapports.
Un Livre contient d'excellentes Leçons ,
il enfeigne les véritez les plus importan-
tes; mais il m'ell inutile, fi je ne fçais pas
lire , ou fi je n'encens pas la langue dans
laquelle il eft écrit.
La Raifon ou la Lumière naturelle fî-
gnifie aufli quelquefois la perception de VoT"
dre , des rapports ^ des proportions des chO'
fes. En ce fens on peut très-bien dire que
la Raifon nous injiruit. C'efl ainfî qu'elle
nous apprend que \qs trois Angles d'un
Triangle font égaux à deux droits; c'efl-
à-dire qu'une fuite de perceptions dans
laquelle nous appercevons les rapports &
la connexion qu'il y a entre diverfes cho-
fes, nous montre évidemment que les trois
Jongles, &c. On peut foutenir de même,
que la Raifon nous enfeigne qu7/ y a un
Dieu: c'eft-à-dire qu'une fuite de percep-
tions, dans laquelle nous appercevons
l'ordre , les rapports , les convenances des
dioll's , nous fâic voir clairement l'Exif-
Q^ 5 teace
23<5 Bibliothèque Britannique,
tence & lesPerfe(ftions d'un Entendement
infini.
Mais iî faut bien remarquer qu'on n'ar-
rivera jamais à cette conclufion , à moins
qu'on n'ait adtuellement dans l'efprit cet-
ce fuite de perceptions.
En troifième lieu, la Raifon fignifie fou-
vent ce pouvoir ou cette faculté de l'en-
tendement , par laquelle nous fommes ca-
pables de confiderer diverfes chofes, de
les comparer entre elles , d'en apperce-
voir l'ordre , les rapports , les propor-
tions, &c.
Il efl clair que ce pouvoir doit être
pius ou moins étendu, à proportion du
nombre d'idées dont fentendemenc eft
fourni. Un homme qui n'a aucune idée
de ce qu'on appelle Angle, Angle droit,
aigu, ou obtus, ne fçauroit comparer ces
idées entre elles, ni par confequent par-
venir à cette conclufion. Les trots Angles
d'un Triangle font égaux à deux droits. D^
même un homme qui n'a point d'idées de
la nature & des proprietez du Soleil, ni
des autres Corps céleftes, ni de ceux qui
font fur la terre, animez ou inanimez, ne
fçauroit jamais comparer ces idées , ni
par confequent en conclure l'exiftence
d'un Entendement infini , qui foit le
Créateur & le premier Moteur de toutes
chofes.
La Queflion efl donc, non de fçavoir
fi la Raifon, prife au premier fens que
noHS
Juillet, Août et Septemb. 1739. 237
nous avons marqué, c'efl-à-dire la natu-
re , l'ordre , les rapports des chofes qu'on
n'apperçoit point; ou la Raifon prile au
fécond lens , c'eft-à-dire la perception de
cet ordre & de ces rapports , telle que
les Hommes l'ont à préfent , découvre à:
enfeigne rKxitlence de Dieu, & les autres
points fondamentaux delà Religion Natu-
relle; la chofe ell inconteftable : mais la
queftion eit de fçavoir , ,, fi le Genre hu-
main , abandonné à lui-même, & fans
aucune inllrudion étrangère , eil ca-
pable, par le feul exercice de la raifon,
c'eft-à-dire du pouvoir ou de la facul-
té qu'il a de comparer enfembîe diver-
fes chofes, (Se d'en appercevoir les rap-
ports, ( pouvoir qui ne s'écend pas plus
loin que nos idées;) s'il ed capable,
dis-je, de découvrir par le feul exerci-
ce de ce pouvoir , l'Exiftence & les
Perfedlions de Dieu , l'Immortalité de
l'Ame , & les autres articles- de la Re-
ligion Naturelle?
Voilà l'état de la queftion pofé bien
nettement. Mr. Campbell foutient, que
pour la décider, il faut confidererde quoi
elt capable le gros du Genre humain, &
non pas ce que peuvent avoir penfé quel-
ques particuliers. De forte que, quand il
feroit vrai qu'un petit nombre de perfon-
nes, en faifant ufage de leurs facultez,
ontfçû découvrir pardégrezlExillence de
pieu, l'Immortalité de l'Ame; il ne fuît
pas
r
233 Bibliothèque Britannique,
pas de-là , que tous les individus du Gen-
re humain , tel qu'il efl: , foient capables
de parvenir par eux-mêmes à cette con-
noiflance.
,, Si donc il paroîc par plufieurs conjec-
„ tures très-plaufibles touchant la nature
„ humaine , conjectures qui font fondées
,^ fur la conltitution préfenre des chofes,
,, & confirmées par l'expérience; s'il pa-^
„ roît, dis -je, par-là, que les Hommes
„ deftituez de Révélation , font naturel-
„ lement bien éloignez de pouvoir dé-
„ couvrir par eux-mêmes TExiftence &
„ les Perfections de Dieu , & les autres
„ articles importans de la Religion Na-
fy turelle: s'il paroît de plus, par des faits
„ inconteftables, que le Genre humain, a-
„ bandonné à lui -même, n'a jamais eu la
connoifiance de Dieu ; que tous les
Philofophes qui fe font attachez parti-
culièrement h chercher la Caufe pre-
mière, l'Auteur de l'Univers, & qui ont
étudié la Nature, n'ont jamais fait cet-
„ te découverte ; & que le petit nombre
,, d'anciens Philofophes , qui par leurs
3, récherches ont été conduits à admettre
„ TExiflence d'un Entendement infini ,
„ n'ont jama's été capables de donner au-
,, cune preuve raifonnable de leur croyan-
„ ce à cet égard; s'il paroît, dis -je, par
5, des faitSj^que tous ces différens arti-
,, des font vrais à la lettre , je demande :
>, Ne peut '011 pas conclura de-là, qu'il eji
93 im-
Juillet, Août et Septemb. 1739. 23g
„ impojjible que le Genre-humain, abandonné à
,5 lui-même ^ dejïitué de Révélation^ par-
5, vienne à connoftre VExiftence ^ les Pàr/tc-
„ lions d'un Entendement infini ?
On voit dans ce paiïage touc ce que
Mr. Campbell entreprend de prouver; le
refte de {"on Ouvrage contient les preuves
de fait par lefquelles il établit fa Thèfe.
Il étale ici beaucoup defçavoir & de lec-
ture. Les Anciens & les Modernes, les
Philofophes & les Poètes, les Auteurs An-
gîois &les Etrangers, font citez à chaque
page, mais citez à propos & avec choix.
Et il faut avouer que la plupart de ces
citations, principalement celles qui con-
cernent les fentimens des anciens Philo-
fophes , font bien capables d'humilier la
Raifon , lorfqu'on voit que ces Sag:es fi van-
tez ont eu les idées les /plus faulTes & les
plus abfurdes fur les Articles les plus im-
portans de la Religion.
Jufques ici notre Auteur n'a fait qu'ex-
pofer fon fujet, & expliquer le véritable
état de la queftion. Il commence à en-
trer en matière dans la troifième Seftion.
On convient, dit -il, que le Genre hu-
main a eu un commencement ; & foit qu'Oxi
fuppofe que Dieu ne créa d'abord qu'un
Homme à: une Femme, fui vant le récit de
Moïfe , ou qu'il en créa plufieurs 3 on ne
fçauroit s'imagjiner qu'il les ait créez dans
l'état de l'enfance, & qu'il les ait laiflez
fans fecours» Il faut nécefTairement fup-
pofer
240 Bibliothèque Britannique,
pofer que les premiers Hommes, dès le
premier momencde leur exiftence ,furenc
en état de pourvoir eux-mêmes à tous
leurs befoins.
Confiderons-les deltituez de toute Pe-
vélation. Leur entendement vuide d'i-
dées * avoit feulement la faculté d'en re-
cevoir par l'imprelTion des objets exté-
rieurs , de les comparer enfemble , &
d'en appercevoir les rapports. Ces pre-
mières idées ne pouvoient être reçues que
par les fens.
Les Hommes ont dû fans doute en
recevoir un grand nombre par l'ouïe,
Tattouchement, l'odorat (St la vue. Mais
les idées qu'ils reçoivent par ces fens ,
feront-elles capables de leur faire conce-
voir qu'il y a quelque autre Etre dans
l'Univers, ou qu'il y exiile des chofes d'u-
ne autre efpece que celles qu'ils apper-
çoivcnt par les fens? Pour nous, qui a-
vons été inftruits avec foin , nous pouvons
être alTiirez qu'il y a des Efprits, ou des
Etres qui ne tombent point fous les fens.
?vlais je ne conçois pas comment les hom-
mes , abandonnez à eux-mêmes, & fans
aucune inftruQion , auroient pu fe perfua-
der qu*il y a dans le monde des Etres
irama-
* Notre Auteur decîarr dans une Note mar-
ginale, qu'il ne fçaujoit admettre le Syfténie
des Idé^ innées.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 241
immatériels , qui de leur nature font dif-
férens de tout ce qui frappe les fens , &
que les corps humains ne font que de
fimples machines, animées par de pareils
Etres, qui ne font point fujets à la mort,
mais qui furvivcnt à la diflblution du
Corps, & continuent d'exifter éternelle-
ment dans un état de féparation. Un
Philofophe qui détourne fon attention de
toute idée^ fenfible, pour ne confiderer
que les opérations intérieures de fon a-
me, qui par fes récherches fur la Natu-
re du Corps ou de la Matière a compris,
que la penfée & le fentiment de fa pro-
pre exiftence ne fçauroit naître de la ma-
tière, peut parvenir à conclure de -là,
qu'il y a des Etres fpirituels , qui n'é-
tant point compofez de parties divifi-
blés , doivent par confequent exifter é-^
ternellement.
Mais peut-on concevoir que le gros du
Genre humain arrive à cette connoiflance
par la même manière de raifonner ? Le
commun des hommes fçait-il détourner en-
tièrement fon attention de tout objet
fenfible, pour la fixer toute entière fur
les opérations de l'entendement. L'expé-
rience fait voir au contraire , que la plu-
part des hommes ibntfi remplis de« idées
fenfibles, qu'ils ne fçauroient en détour-
ner leur eiprit pour confiderer des idées
abftraites & métaphyfiques : d'autant plus
qu^, comme ils font obligez de fonger jour-
nelle-
242 Bibliothèque Britannique^
nellement à pourvoir à leurs befoinsjils
n'ont ni le loifir ni l'inclinadon de pen-
fer à d'autres chofes. D'où il faut con-
clure, que des hommes abandonnez à eux-
mêmes , 6" fans aucun Jecours eDctérieur , i-
gnorent parfait tment VexijUnce^ la nature ^
V immortalité des Efprits fepjrez de la ma-^
tière.
On dira peut-être, que le Dogme de
l'Immortalité de l'Ame , & d'une Vie à ve-
nir , a été univerfellement reçu dans tous
les fiécles: mais comm.ent cette opinion
s'eft-elle établie dans le monde ? Elle n'a
pas pu naître du témoignage des fens :
elle ne doit pas Ton origine à l'expérien-
ce ; elle n'efi pas gravée immédiatement
dans l'entendement de l'homme par le
doigt de Dieu, puifque la doctrine des
Jdéos innées n'a aucun fondement dans la
nature , dit Mr. Campbell. Pour moi ,
2joute-t-il , je crois qu'elle vient d'une
Révélation furnaturelle. Mais puifque les
Déifres ne veulent pas reconnoître qu'il
y ait jamais eu une pareille Révélation,
Jl faut que les récherches & les rai-
fonnemens des hommes les ayent con-
duits à conclure, que VAme efi immor-
telle.
S'il efl ainfi , il femble que les moyens,
par lefquels le Genre humain elt arrivé
à cette concîufion dans les fiécles pafTez,
devroientêtre encore aujourd'hui à la por-
tée de tout homme qui fçaic penfcr, &
le
Juillet, AotJT et Septemb. 1739. 243
le conduire à la même confequence. De
quel côté nous- tournerons-nous pour con-
noitre ces moyens par lefquels le Genre
humain eît parvenu à connoître que l'A-
me eu immorcelle P Si nous examinons
les hommes de notre riécle,nous trouve-
rons qu'à la vérité ils font profeffion de
croire ce Dogme : mais 11 nous efpérons
qu'ils nous faflent connoître par quelle
ènchaînure de raifonnemens ils font par-
venus à l'admettre , nous ferons bien trom-
pez dans notre attenté. Il y a même des
Philofophesmodernes,qui bien qu'ils foient
afiurez de l'Immortalité de l'Am.e, ne fe
fondent que fur une Révélation furnatu-
relie, & foutiennent qu'on ne fçauroit la
prouver par la Rai Ton» Les plus anciens
Philofophes font certainement ceux de
qui on devroit attendre quelques lumiè-
res fur ce fujet : mais , fi nous nous en
rapportons à Ciceron , on ne fçauroit ai-
rs que ces Sages, qui ont fait profejjion de
cmre V Immortalité de VArne , aynt allégué
aucune preuve en faveur de leur opinion. *
Ceci conduit notre Auteur à examiner
comment Platon, ou Socrate , a établi le
Dor^me en queftion. Le Raifonnemenn
de Platon dans fon Phèdre f revient à ce-
ci. Ce qui fe meut par foi -même doit
toû-
* Cic. Tufcul. Lîh. .1. Cap. xvii,
t Pfl/r. 245. Vs. 3.
TmneXin.Part^JL R
244B1BL10THEQUE Britannique,
toujours continuer à fe mouvoir, & eften
effec la Caufe première, ou le reflbrt qui
met en mouvement toutes les autres cho-
fes qui fe meuvent. Or la première Cau-
fe ne fçauroit avoir de commencement ,
ni par confequent de fin. D'oii il fuit que
ce qui fe meut par foi -même eft immor-
tel. Et puifqu'il n'y a abfolument que
l*Ame qui fe meuve par elle-même , il
faut néceflairement qu'elle n'ait ni com-
mencement, ni fin.
Mr. Campbell remarque là-deflus, que
ce raifonnement de Platon prouve , non
l'Immortalité de lAme, mais VÈxifttnce né-
cejjaire ^ éternelle de cet Etre que nous ap-
pelions Dieu. Auflî Platon employe-t-il ail-
leurs * le même argument, pour prouver
l'Exiftence du Père, ou de la première Cau-
fe de l'Univers.
Il fe fert d'un autre Argument dans fes
Livres de la République f pour établir
l'Immortalité de l'Ame. Selon lui ,rien ne
fçauroit périr que par une maladie inté-
Tieure & inhérente : or la feule maladie
à laquelle l'Ame puifle être fujette c'efl
le Vice. Mais on ne fçauroit concevoir
qu'une maladie de cette efpece foit capa-
ble de détruire l'Ame; & puifqu'elle n'ef:
fujette à aucun mal extérieur, il faut né-
ce f-
* l7i Timzo, p. 27. D. VoL lïT.
t Lib. X, p. 608. D. Fol, II.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 24^
ceflairement qu'elle exifte toujours , &
par confequenc qu'elle foie immortelle.
Is^otre Auteur a trop bonne opinion de
fes Ledeurs , pour croire qu'il foit nécef-
faire de montrer que cet Argument ne
prouve rien. Il fe contente donc de nous
faire remarquer que, fuivant la manière
dont Platon fait raifonner Socrate , cet an-
cien Sage doit avoir cru , que toutes les A-
mes font des Etres exiftans par eux-mê-
mes & indépendans , dont le nombre ne
fçauroitêtre ni augmenté, ni diminué *.
Les autres preuves de Platon ne font
pas plus concluantes: celle qui auroit été
la plus forte, fi elle eût été bien poul^
fée, eft tirée de ce que TAme n'eft point
compofée de parties ; d'où il fuit qu'elle ne
fçauroit périr, comme le corps, par la
dilïolution. Mais fuit-il de- là qu'il efl
impoflible qu'elle périfle de quelque au-
tre manière ? Et d'ailleurs, comment Pla-
ton prouve-t-il que l'Ame n'eft point com-
pofée de parties? C'eft , dit -il, qu'elle
efl inviûblc : Argument que Lucrèce a
très-bien tourné en ridicule *. Il paroîe
par tout cela, dit Mr. Campbell, que fi
Socrate ou Platon ont véritablement cru
l'Immortalité de l'Ame , 'ils n'y ont point
éid cojiduits. par une fuite de raifonne-
mens
* Ibid. p. 611. A.
t Lib l. Verf. 268.
R 2
>24^BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
mens fondez fur la nature des chofes: &
de plus, Topinion de la Métempfycofe , ou
Tranfmigration des Ames, que Platon a-
voic empruntée de Pythagore, étoit in-
compatible avec le Dogme des Peines &
•des Recompenfesà venir, proprement ainfi
nommées. On peut voir ce que nous a-
"vons remarqué là-delTus après Mr. War-
burton, dans le dernier Extrait que nous
avons donné de fon Ouvrage *.
Dans la quatrième Seftion on fait voir
que les opinions des anciens Philofophes ,
qui, avant & après Socrate , ont foutenu
l'Immortalité de l'Ame , font telles , qu'il
■e(t impofiible qu'ils foient parvenus d'eux-
mêmes à la connoiflance de cet Article
■fondamental de la Religion Naturelle ; à:
-qu'à, plus forte rai fon le gros du Genre
humain eft incapable de découvrir par lui-
même cette Vérité.
Il y a des gens qui foutiennent que Tha-
ïes a cru l'Immortalité de l'Ame. Mais,
•fuivant notre Auteur , il y a beaucoup plus
d'apparence que ni lui, ni aucun de ceux
à qui on a donné le titre ds Sages, n'onr
eu la moindre idic de ce Dogme. On ne
fçauroit marquer précifement ce que Tha-
ïes penfoit de la nature de l'Ame; mais
ilfemble qu'il ne l'ait regardée que com-
me
* Foyez le Tom. Wl.de cette BiMioth. Bri>
tann. Secondée Part, p. 220-227.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 247
me une qualité inhérente dans la matiè-
re, ou dans tout corps capable d'agir ou
de fe mouvoir. Car, fuivant Ariftote *,
Thaïes donnoit une Ame à l'Aiman, parce
qu'il attire le fer: auiïî foutenoit-il po-
utivement , que tout eji plein de Dieux , ou
d'Âmes t- Varron a cru de même , que ;
V^tber , rAir , l'Eau & la Terre, font rem- ^
plis d'Ames, & que û celles qui font dans.
les Régions fupérieures font immortelles,
celles qui réfident ici bas font fujettes à
la mort.
Pherecydès le Syrien, contemporain de
Thaïes, eft le premier qui ait foutenu
l'Immortalité de l'Ame. On ne fçait pas
bien quelle idée il avoit de l'Ame, ni par
quelle fuite de raifonnemens il étoit par-,
venu à la croire immortelle. Mais fi l'on.
peut conjecturer ce qu'il penfoit fur ce.
fujet, par le fyftême de Pythagore fon"
difciple; il faut avouer que fon opinion
étoit bien faulTe & bien abfurde. Car Py-
thagore a cru que l'Ame de l'Homme efl.
un compofé d'^Aber froid & dVEther.
chaud, c'eft- à-dire , félon qu'il l'expli-
que lui-même, d'Air & d'Eau; en quoi
elle diffère de TAme des Plantes & des
Bru-
* Ariil. de Anima. Lîb. I. Cap. IL p. 620,.
D. Vol. I. Diog. Laër. in Thaïe, pag. 6. C.
t Arift, iJpid. Çap. VIII. p, 628. Diog. Laërt:"
R3
248BiBLiotHî:QUE Britannique,
Brutes * , qui n'étant formée que d'uEtber
chaud, eft par cela même mortelle; au
lieu que l'Ame humaine, compofée en par-
tie d'^tber , froid participe , à cauîe de
cela , à l'Immortalité naturelle de cet M-
îber. Pythagore foutenoit outre cela , que
cet Mîber froid eft animé par une parti-
cule de cette Lumière , qui , félon lui , pé-
nètre toutes chofes , & leur donne la vie.
A l'égard de la Mécempfycofe que Py-
thagore a enfeignée, notre Auteur remar-
que très bien, qu'elle eft incompatible avec
le Dogme des Peines & des Recompen-
fes avenir, proprement ainfî nommées f.
Que l'on juge donc, fi c'ell la confide-
ration de la nature des chofes, & une fui-
te de raifonnemicns bien liez 5qui ont con-
duit ce Chef de la Sefte Italique au Dog-
me de l'Immortalité de l'Ame, en-tant que
ce
* Il eH étrange, dit là-deiïiis notre Auteur
dans une Note marginale , que Pythagore ait
donné une Ame mortelle aux Plantes & aux A-
nimaux, lui qui foutenoit que l'Ame de THom-
me pafle dans le corps des Animaux &des Plan-
tes; Mais, ajoute Mr. Campbell, Pythagore a
cru peut-être qu'il y a des Ames propres aux
Pliantes & aux Animaux , lefquelles ne fçau-
loient animer le corps de l'Hom.me, . quoique
TAme de l'Homme puifle trcs-biéh animer le
corps des Plantes ou des Animaux.
t V. BiMloth.Britan. Tom, XII. 2. Pàrt.p.iÈo.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 249^
ce Dogme efl un Article fondamental de
la Religion Naturelle.
On a vu que Thaïes n'a point cru l'A-
me immatérielle. Anaximandre & Anaxi-
mènes , fes fuccefleurs , n'ont pas été plus
raifonnables lur ce fujet. II femble qu'on
devioit attendre quelque chofe de mieux
fondé d'Anaxagore , le premier Philofo-
phe qui ait foutenu l'Exiflence d'un En-
tendement infini. Cependant il a cru que
l'Ame ell un corps d'une efpece aérien-
ne, & il ne paroît pas qu'il Tait cru im-
mortelle ;car il foutenoit qu'elle n'eftpas
plus ancienne que le Corps: au lieu que
tous les Anciens qui ont enfeigné l'Im-
mortalité de l'Ame , ont aufli préten-
du qu'elle exifte avant le Corps qu'elle
anime.
Archeîaiis , difciple & fuccefTeur d'Anaxa-
gore, a rejette l'opinion de Ton maître fur
rExiftenee d'un Entendement infini ; de
forte qu'il n'y a pas la moindre apparen-
ce qu'il ait cru l'Ame immortelle.
Voilà donc tous les Philofophes anté-
rieurs à Socrate * qui ont eu de très-fauf-
fes idées fur la nature & l'Immortalité de
l'Ame: & Socrate lui-même & ^es Difci-
ples , qui ont cru l'Ame immortelle, ne
font point parvenus à la connoiflance de
ce
* 11 fat le Difciple d'Archekûs.
R4
250B1BL10THEQUE Britannique,
ce Dogme, par une fuite de raifonnemens
fondez fur la na:ture des chofes.
De quel côté nous tournerons -nous donc
pour trouver des Philofophes , qui faifant
ufage de leur raifon^ayent établi le Dogme
de l'Immortalité de l'Ame fur des preuves
folides ? Notre Auteur avoue qu'il n'en con-
noît aucun. Ciceron, qui avoit une pro^
fonde connoilTance des fyflêmes de tous
les anciens Phi]o(ophes/& qui étoitbien
aife de pouvoir croire que rAm.eefl: immor-
telle, ne paroît pas avoir eu la moindre
idée de ce que nous appelions l'Immatéria-
lité ou la Spiritualité de l'Am.e. C'eft ce
que Mr. Lock a fait voir dans fes Lettres
à l'Evêque de Worcelter. Mr. Campbell
en rapporte un long pairage,par lequel il
paroît que Ciceron a cru l'Ame matériel-
le, mais d'une fubflance extrêmement dé-
liée &fubtile.
Puis donc que 1rs plus grands Philofo-
phes n'ont point été capables de décou-
vrir ce Dogme par les lumieresdela Rai-
fon, ni de l'établir fur des preuves foli-
des , peut-on s'imaginer que le gros du
Genre liumain , fans étude 6c prefque fans
éducation, puifîe arriver à la connoifTance
d'une vérité qui a échapé à tous les
anciens Sages? Ce n'eft qu'à la Révélation
feule que nous fommes redevables de ce
Dogme , dit notre Auteur , & il con-
^riîie fon fentiment à cet égard par l'au-
tori-
Juillet, Août et Septemb. 1739. 251
torité de Mr. Lock *, & par celle du célè-
bre Mr. d'Ablancourc f-
Si les Hommes n'ont pas pu connoître
Je Dogme d'une Vie à venir par leurs ré-
flexions fur la nature de l'Ame , peut-être
feront -ils parvenus à cette connoiflancc
en confiderant les Perfections morales de
la Divinité, & en refléchilfanc fur fa Pro-
vidence. Il faut donc qu'ils ayentfçû qu'il y
a un Dieu, qu'ils ayent eu de juites idées
de fes Attributs , (Sc'qu'ils ayent été perfua-
dez qu'il s'intérefie aux chofes de ce mon-
de. Mais les Hommes ont -ils eu réelle-
ment ces connoiflances ? G'efl-ce qu'il fauc
examiner.
Notre Auteur fait donc voir dans la
cinquième Seftion, que les Hommes ont
été fi peu capables de découvrir par eux-
mêmes l'Exillence & les Perfections de
Dieu, que les idées qu'ils avoient des
chofes de cet Univers, les conduifoient na-
turellement à prendre les Corps Céleftes
pour ttijtont deDivinitez,& à les regarder
comme des objets dignes d'un Culte reli-
gieux. Ce qu'il confirme par les Syftômes
de tous les anciens Philofophes Tbéïjies , à
l'exception d'Anaxagore.
Ua
* ECTai fur l'Entend, humain. Z.ru. IV. Cbap.
III.
f V. Le Diftionaire de Mr. Bayie. Ar^.
Perrqte (Nicolas) Rem. (L).
252 BibLIOTHEQUEBrIT AN NIQUE,
Un PalTage de Mr. Bayle , que Mr.
Campbell cice ici, expofe très-bien l'état
de la Queflion. „ Il n*y a rien de plus faci-
„ le , dit Mr. Bayle *, que de connoître
„ qu'il y a un Dieu , fi vous n'entendez
„ par ce mot qu'une Caufe première &
„ univerfelle. Le plus grolTier & le plus
„ ftupide Païfan eft convaincu que tout
„ effet a une caufe , & qu'un très-grand
5, effet Tuppcfe une caufe dont la vertu eft
„ très-grande. Pour peu qu'il refîéchifle ,
„ ou de foi-même , ou par ravertilTement
fy de quelqu'un , il voit clairement cette vé-
„ rite. Le confentement général ne fouf-
„ fre aucune exception à cet égard; on ne
5, trouve ni aucun peuple , ni aucun particu-
„ lier , qui ne reconnoide une Caufe de tou-
„ tes chofes. Les Athées, fans en excepter
,, un feul , figneront linceremenc avec tous
j5 les Orthodoxes cette Thèfe: Il y a une
,> Caufe première ., univerfelle, éternelle , qui
„ exifte nécejjairement , & qui doit être ap~
,, pellée Dieu Tout eft de plam-picd juf-
,, ques-là ; perfonne ne fera un incident
5, fur les mots: & il n'y a point de Phiîo-
„ fophcs qui faflent entrer plus fouvenc
,y le Nom de Dieu dans leurs fyftêmes , que
„ les Spinofiftes. Mais de-là vous devez
„ conclure , que ce n'eft point dans cet-
>y te
* Continuât, des Penfées diverfes. Cbap, xx.
XXI. LXIV. LXXXV. ^ CIV.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 253
^y te Thèfe û évidente que confîfte le vrai
„ état de la Qaeftion. Un formulaire que
„ les Sénateurs de la faufleté peuvent 11-
5, gner conjointement avec ceux de la
„ Vérité, elt une chofe captieufe , & nécef-
„ fairement défedueule. Il ne fuffit donc
9, point de connoître qu'il y a un Dieu ,
„ il faut de plus déterminer le fens de ce
99 mot, & y attacher une idée; il faut ,
99 dis-je, réchercher quelle eft la nature
5, de Dieu , & c'eft-ià où commence la
„ difficulté, Ceft un fujet que les plus
„ grands Philofophes ont trouvé obfcur ,
& fur lequel ils ont été partagez en plu-
lîeurs fortes de fentimens fort contrai-
res Il y a de grands Philofophes
dont les meilleures idées font ridicules
„ fur cela. Ceux qui , en certains endroits ,
„ parlent le plus nolDlement de D'eu , en
5, parlent ailleurs d'une manière qui fait
99 voir qu'ils le confondent avec la Na-
„ ture. On a donné des Recueils des A-
„ théïfmes d'Ariflote ; & vous n'oferiez
,9 nier que le peuple parmi les Chrétiens
,9 ne fe forme des notions fi bafies & lî
,9 groffieres de Dieu, que rien plus. Ne
9, dites donc point que le fujet en queflion
99 efl fi aifé, qu'il ne faut qu'ouvrir les
99 yeux pour le connoître C*e(l
„ une quefiiion qui apartient à lapluspro-
99 fonde & à la plus abftrufe Philofo-
9i phie 9 & par confequent elle deman-
,i de
254 Bibliothèque Britannique,
i, de beaucoup de méditation & de dif-
„ cuflion,
Eft-il donc concevable que les Hommes>
abandonnez à eux-mêmes, deflituez de
toute idée , & pourvus feulement de la
capacité d'en recevoir, ayent pu, fans le
fecours d'aucune Révélation, parvenir à
connoître qu'il y a un Etre intelligent ,
infmi , immatériel, tout-puiflant, tout fage,
tout jufte, tout bon, qui a produit cet
Univers, qui continuée le gouverner par
fa Providence , qui connoît toutes les ac^
tions «Si toutes Ici» penfées des Créatures in-
telligentes , & qui les recompenfera ou les
punira après cette vie , félon qu'elles au-
ront bien ou mal vécu en ce monde.
Voilà l'état de la Queftion. Mr. Camp-
bell foutient que l'Homme, tel qu'on vient
de le repréfenter , connoiflant par fa pro-
pre expérience , qu'il y a en lui un princi-
pe de vie , & qu'il eft lui-même l'auteur
de fes mouvemens, jugera de même que
toutes les chôfes dans lefquelles il apper-
çoit du mouvement , qui n'eft point pro-
duit par une caufe ou impulfion extérieu-
re , font vivantes auiTi-bien que lui ,* il
s'imaginera fur-tout quelles Corps céleftes
font animez, & fe meuvent par un pou-
voir inhérent qui leur eft propre ; & il
les regardera comme autant de Divini-
tez.
Ce n'eft point ici une vaine imagination
de
Juillet, Août et Septemb. 1739. 2^5
de notre Auteur , il fait voir par un grand
nombre de paflages des Anciens , que la
plupart des Philofophes ont cru que les
Corps céleftes font des Dieux ; & Platon
fcu tient expreffément , qu'il ne fçaiiroit y
avoir dé Religion, à moins que le Feupk ne
croye que les Corps célejles font ^véritablement
animez *.
On continue le mêmefujet dans lafixiè-
me Sedlion: on y parcourt les fyftêmes des
anciens Philofophes fur l'Origine des cho-
fes. On y fait voir que, malgré tous leurs
raifonnemens phyfiques ou n\étaphyfiques ,
non feulement ils ne font point parvenus
à la connoiflance d'une première Caufe in-
telligente &fage, mais qu'ils ont pofédes
hypothèfes , toutes plus abfurdes les unes
que les autres. Et ce qu'il y a de remar-
quable, c'eft qu'aucun de ces anciens Sa-
ges ne s'eft avifé d'examiner cette Quef-
tion ; Qui efi V Auteur du mouvement ? Quef-
tion qui vient, ce femble, naturellement
dans l'efprit, & qui auroit pii les condui-
re à la connoiflance d'un premier Moteur
intelligent.
Il y a eu pourtant quelques Philofoplies
qui ont admis l'Exiftence d'un Entende-
ment infini. Mais eft-ce par une enchaî-
nure de raifonnemens bien fuivis qu'ils
font
* Plat, m Apol. Socrat. p. 26. C. Fol. II.
^de Legib. Lib. X. ^ 886. B. Uh, XII. p. o6->.
!C, V9l. H.
25<5 Bibliothèque Britanniqus,
font parvenus à cette ct-nnoiflance ? C'eft
ce que Mr. Campbell examine dans la Sep-
tième Seftjon.
Ciceron lemble dire que Thaïes efl le
premier qui aie admis une Intelligence qui
a formé I Univers. Tbales Miltjius , qui pri"
inus de talibus rébus quœfimt , aquam dixit
efj- initiumrerwn : Dewnautem, eam mentem^
quîB ex aqud cun6ta fingertt *. C'ell-à-dire :
,"3 Thaïes de Milet, qui eft le premier qui
f, fe ibit attaché à cette étude, a fou tenu
,, que l'Eau efl le principe de toutes cho-
,, fes ; 6i Dieu , cette Intelligence qui a
,, tout formé par le moyen de l'eau *'.
Si ces expreffions font véritablement de
Thaïes, & il elles ont le même fens qu'el-
le,^ ont parmi nous , il faut avouer que
Thaïes a foutenu bien clairement l'Exillen-
ce de D-eu. Mais fi cela elt, que Cgnifie-
Tont les paroles que Ciceron ajoute im-
médiatement après , & qui renferment une
objeclion contre l'opinion de Thaïes? Si
DU pojjunî ejje finefenlii &' mente ^ cur aquct
adjinixiî , fi îp/a mens conjlare poîeft vacant
corporel C'eft-à-dire : ,, Si les Dieux peu-
„ vent exifuer fans fentiment & fans en-
„ tendement , pourquoi les ajoute-t-il à
,, l'Eau, fi TEntendemert peut fubfifter é-
,^ tant deititué de Corps f '' ? Il y a mil-
le
* Cic. de Nat. Deor. Lih. I.
f Comme le p.iflagc paroîc très - défcAflueux
dans
Juillet, Août et Septemb. 1739. 257
le exemples , dit notre Auteur par lefquels
il paroît que les anciens Philoiophes n'at-
tachoient pas aux termes de Dieu , d*En-
rendement, &c. les mêmes idées quen(3us:
ils entendoient par-là TAir, l'Eau , ou quel-
qu'autre Etre corporel, qu'ils regardoienc
comme la première Caufe ou le Principe
de toutes chofes : & l'on peut juger par
l'objedion de Ciceron , toute obfcure
qu'elle efl, que par les noms de Dieu &
d'Entendement , Thaïes entendoit quelque
choie qui étoit uni avec rEau,& formoit
avec e'ie un feul tout; de forte que Tha-
ïes n'avoit aucune idée d'un Entendement
infini, diftingué de l'Univers, & Auteur de
toutes chofes. Aufli Ciceron dit-il expref-
fément un peu plus bas, qu'Anaxagore efi
î& premier qui ait foutenu qu'un Entende'
ment infini a préjîdé à la formation de VU-
nivers.
Si l'on fuppofe donc qu'il a découvert
cette vérité de lui-même & fans aucune
indrudion, il faut qu'il y ait été conduit
par des raifonnemens métaphyfiques fur
in nature des chofes, ou que,connoinanc
les effets , il foit remonté à la caufe. Voyons
donc quel a été fon Syftême.
Il ne paroît pas qu'il ait fait intervenir
la Divinité dans la formation de l'Homme
&
dans l'Original , nous avons cru devoir ît
traduire prcfqxie mot-à-mot. .
^j-gBlBLIÔtHEQUE BrÏTANNIQUÉ,
& des Animaux: il a foutenu qu'ils fonc
nez naturellement d'une fubdance humi-
de , chaude Ce terreftre , & que dans l'a
fuite ils ont perpétué leur efpece par la
propagation : d& forte qu'à cet égard il
n'y a aucune différence entre le Syftême
d'Anaxagore & celui des Athées *, ou
des Philofophes purement Matérialises:
il n\i point reconnu de but, de delTein,
de fagefTe dans l'organifation du corps de
rHomme, ou des Animaux. Et pour ce
qui efl des Corps célefles , il n'a point at-
tribué leur formation, leur arrangement,
l'ordre admirable de leurs révolutions,
à l'Entendement infini dont il admettoit
rExiftence: il ibutenoit que r7Ether,qui
e(l d'une nature ignée & qui environne
la Terre, tournant avec rapidité autour
d'elle, en détacha des pierres d'une grof-
feur prodigieufe, qui étant enlevées dans
les Régions fupérieurcs , y furent allu-
mées ,& devinrent ainfi autant d'Etoiles;
le même mouvement rapide de l'^Ether ,
qui les détacha de la Terre & les en-
leva dans les Cieux, les empêcha encore
de tomber. Voilà le Syftême d'Anaxagore:
àc puifqu'il ne fait point intervenir la Di-
vinité dans la formation de l'Univers, on
doit en conclure, que ce n'eft point par
la contemplation de la Nature , ni en re-
mon-
^ V. Ovid. Metam. Lih. I. Ferf. 416.
Juillet, Août et SepteMb. 1739. 259
montant des eiFets à la calife qu'il eft par-
venu à admettre Texiftence d'un Entende-
ment infini : de forte qu'il y a beaucoup
d'apparence qu'il n'a connu cette vérité que
par la Tradition.
Platon païTe pour un des Philofophes
les plus i-aifonnables & les plus éclairez;
il y a môme des gens qui croyent qu'il
avoit lu les Livres de Moife , ou qu'il
avoit au moins converfé avec les Juifs, &
que c'efl d'eux qu'il a emprunté quclcjues-
uns de fes Dogmes Mais outre qu'il ne
paroît pas lui - même bien perfuadé de
ce qu'il enfeigne , fon fyllême eft à plu-
fieurs égards très-erroné', & la plupart de
fes preuves font ablurdes. Il eft vrai qu'il
a cru l'exiftence d'un Entendement infini,
qui eft l'Auteur & le premier Moteur de
toutes chofes. Mais lorfqu'il a entrepris
de prouver cette Théfe , il a raifonné pi-
toyablement : d'oLi on peut conclure que
ce n'eft que par la Tradition qu'il feft ar-
rivée à la connoiiTance de Dieu. Mr. Camp-
bel rapporte à cette occafion ces paroles
de Mr. Bayle * : „ On vous citera d'ex-
„ cellens paiTages , ou Platon a parlé de
„ Dieu très-fenfement : mais cherchez lés
„ Livres oli il en a parlé en Phyficien, &
„ non pas en Moralifte ou en Politique ;
„ vous trouverez un galimatias & des im-
„ pie-
* Continuât, des Penfées diverfes Ch. LXVIIL
TDm XIII Part. IL S
26o Bibliothèque Britannique,
„ pietez épouvantables dans fa Théologie
.,j plvxlorophique , û vous la pouvez anaco-
j, mifer ; & vous n'y trouverez l'unité
„ réelle d'aucune chofe. Souvenez-vous,
„ je vous prie, que Juftin Martyr, s'étanc
„ engagé à prouver que les opinions des
,> Philofophes fur la nature de Dieu, étoiènt
„ encore plus ridicules que celles des Poë-
^, tes , ne cite pas moins en exemple les
,j Tentimens de Platon, que ceux de Tha-
9, lès, d'Anaximandre, &c.
Puis donc que les plus grands Efprits
de l'Antiquité , qui ont fait une étude par-
ticulière des points les plus importans de
la Religion , n'ont pas fçû les établir fur
des preuves foiides , puifqu'ils font même
tombez dans des erreurs très - groffieres ;
peut -on concevoir que les Artifans , les
Soldats , les Païfans , les Laboureurs ,
les Femmes , ayent été capables de dé-
couvrir par eux-mêmes, & fans aucun fe-
cours extérieur, qu'il y a un Dieu Créateur
& Confervateur des hommes , jufte Juge de
leurs Adions , Vengeur du Crime , & Rému-
nérateur de la Vertu ?
Il fuit de- là , dit notre Auteur , que
pour établir même la Religion naturelle
dans le monde, il faut une Révélation fur-
naturelle. Et puifque les hommes con-
noiflent à préfent Pcxiitence & les attributs
de
*V. Mr. Arnauld, Secon. Denonciat. du Pé-
cht Piiiiof. ^rt. XII, p. po , 91 . 95.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 26t
de Dieu , Tlmmortalité de VAme , & le
dogme des Peines & des Recompenfes d'une
autre Vie, c'efl: une preuve inconteftable,
que le Genre humain a été efFeftivemenc
honoré d'une pareille Révélation, laquelle
ne peut fe trouver que dans la Religion
Chrétienne. C'eft ce que Mr. Campbell
établit dans la huitième & dernière Sedtion
de Ton ouvrage. Nous n'entrerons dans
aucun détail fur ce fujet^ nous remarque-
rons feulement que par la Religion Chré-
tienne , il ne faut pas entendre ici la Re«
ligion , uniquement en-tant qu'elle efl en-
feignée dans le Nouveau Teftament , mais
en-tant qu'elle eft contenue dans toute TE-
cnture Sainte ; l'Ancien Teftament ren^
fermant les Principes de l'Evangile. C'eft
la Révélation donnée à Adam , à Abraham ,
à Moïfe , &c. qui a confervé dans le Mon«
de le peu de connoifTance qu'on a eu de
l'Exiftence de Dieu, & d'une Vie à venir;
quoique la Tradition de ces dogmes ait été
fort altérée & corrompue dans la fuite des
tems.
ARTICLE I I L
The Moral Philosopher , &c,
C'eft-à-dire : Le Philo/ophe honnête
homme &c. \_Troifiême Extrait.']
D
A N S le premier Article dediné à
faire connoître ce Livre y .oa en a
S 2 parlé
2<52 Bibliothèque Britannique,
parlé comme d'un Cahos à débrouiller
On a commencé à débrouiller ce Cahos
dans un fécond Article : Et l'on en a pro-
mis un troifiéme , où l'on achèverait ce
qui n'efl que commencé dans le fécond.
Il s'agit de s'acquiter de la promefTe qu'on
a faite. Mais on efpère que les Ledteurs
fe contenteront d'un Equivalent : & l'on
compte qu^ils le trouveront dans la Dif-
fertation fuivante , dont l'Auteur ( qui ne
ie nomme point ) a fouhaité qu'elle fût
publiée dans ce Journal. Le Cahos y eft
débrouillé. Les idées du Philofophe hon-
nête homme y font rédigées en ordre,
-elles y font comparées , expliquées , difcu-
tées: Et foit qu'on approuve en tout, ou
feulement en partie, les réflexions de l'Au-
teur de la Diflertation , on conviendra au
moins qu'elles peuvent fervir à l'éclaircif-
fement de la Vérité. Nous fommes fâchez
feulement qu'elle foit trop longue pour
être inférée toute entière dans ce Volume.
DISSERTATION
Sur le Livre intitulé:
Le Philofophe honnête homme ;
ou
Dialogue d'un Chrétien Déïfte avec un
Juif Chrétien.
LE DESORDRE dans le Difcours efb
quelquefois on effet de PAt t. Quel-
que-
Juillet, Août et Septemb. 1739, z(S^
quefois aufli c*efl un artifice pour jetter
ceux dont on attaque les fentimens dans
un embarras dont on puifle tirer avantage
contre eux : Car il y a des gens qui ne fa-
vent pécher qu'en eau trouble, & les Dé-
fenfeurs du Menfonge ont toujours intérêt
à embrouiller les matières. Quelquefois
enfin ce Défordre n'eft qu'une Tuite natu-
relle de la confufion des idées mêmes de
celui qui parle ou qui écrit : Soie qu'il n'ait
jamais eu une connoifTance claire <5c nette-
des différentes parties de fon fujet & de
leurs différens rapports : foit qu'il ait
manqué de tems , de diligence, d'habile-
té , pour arranger tout ce qu'il avoit dans
fa tête Je ne décide point par le quel de
ces principes il faut expliquer le Défor-
dre qui règne dans le Livre du Philofophe
honnête homme. ]e me contente de dé-
clarer que je me propofe de mettre de l'or-
dre ou je n'en trouve pas: de diftinguer,
autant qu'il dépend de moi , ce qui faute
de diftindlion pourroit faire prendre le
change : de féparer ou de raprocher les
objets , félon l'exigence du cas , afin que
chaque chofe ait fon rang & paroifle dans
fon vrai jour.
QUICONQUE a lu le Livre en quef-^
tion, peut avoir obfervé que l'Auteur a deux
caradlères diftindls à foutenir.
Fbilofopbe Honnete-homme, par
S 3 op^
^^Bibliothèque Britannique,
oppofition aux Philofophes libertins : ou
en autres termes , Déïjte Chuê'til w ,
par oppofition aux Deïfles irreligieux ,
dont le Déïfme, par rapport à la Religion,
ne diffère point de rAchéïfme : Voila fon
premier Caratlère.
Honnête homme Philosophe , par
oppofition à quantité d'honnêtes gens donc
la Religion félon lui n'eft point philofo-
phique : ou en autres termes , Chrétien
Déiste, par oppofition à tout Chrétien
donc le Chriflianifme ne revient pas au
fimple Déifme: Voila le fécond Caractère
qu'il doit foutenir.
Le premier Caradère ell indiqué dans
le titre : Mais le iecond domine dans le
Livre. On feroic rente de dire que c'ed
une Mafquarade. Le Mafque paroît d'a-
bord : Le Vifage ne fe montre que lorf-
qu'on s'eft un peu fainiliariféavec le Maf-
que. Ne jugeons pourtant pas fi févère-
menc: Et repréfentons eous plutôt notre
Auteur fous Timage d'une efpèce de Ja-
nus qui a deux Vifages & de qui les deux
Vifages font véritables , mais différens en
beauté; & qui montre tant qu il peut , ce-
lui des deux dont il fait que la phyfiono-
înie ell la plus prévenante. Le Vifage d'un
Philofophe qui fait profefllon de refpec-
ter la Morale & d'être honnête Hommie,
ou dun Déïfte qui cherche à fe rappro-
çheç du ChrifliaBifme & à mériter U t^tre
de
Juillet, Aoar et Septemb. 1739. 265
de Chrétien, fera naturellement regardé
de meilleur œil , aumoins parmi les hon-
nêtes gens & parmi les Chrétiens, que le
vifage d'un honnête homme ou d'un Chré-
tien" qui cherchant à fe diftinguer de la
foule de fes femblables s'annonce à eu^
ibus le titre fuperbe de PhilofoDhe , ou
fous le titre choquant de Déïfte. Quoi-
qu'il en Toit, c'efl: une chofe de fait , que
notre Auteur fe charge des deux Caraélc-
res diflindls dont j'ai parlé ; 6: qu'il a par
cela même deux tâches diftinctes à rem-
plir.
En qualité de Philofophe bonnîte homme
ou de Déifie Chrétien , il eft obligé d'éta-
bhr , fur les feuls fondemens de la Philo-
fophie & du Déifme, quelque chofe d'é-
quivalent à la Religion Chrétienne: il effc
obligé de maintenir la Vérité d'une Reli-
gion purement naturelle.
En qualité d'honnête homme Philofophe
ou de Chrétien Déifie^ il s'engage à prou-
ver que cette même Religion elt la feule
véritable, ou que le Chriftianifme n'efl
véritable lui même (aumoins avec certi-
tude) qu'autant qu'il fe confond avec le
Déïfme & ne renferme rien de plus.
Le Philofophe honnête homme & PHon-
nêre homme philofophe (ou le Déïfte Chr^
tien & le Chrétien Déïfîe) ne font pas dans
le fonds deux Caradtères différens ni fé-
parez; Ils fe réuniflent dans la défenfe de
cette Thèfe , commune à l'un & à l'autre :
S 4 Que
&66 Bibliothèque Britannique,
Que le jufle milieu entre le Libertinage
& la Superftition , c'eft la Religion Natu-
relle: Mais fi ce ne font pas deux Caraclè-
Tes réparez ou différens, ils ne laiflent pas
d'être , comme on l'a dit , deux Caractères
diflinds. Le Philofophe honnête homme
de même que l'Honnête homme philofo-
phe, le Déifte Chrétien de même que le
Chrétien Déifie , efb un Défenfeur de la
Religion naturelle : Mais l'un ne la défend
proprement que contre les Athées , ou
contre ceux qui fans être du nombre des
Athées penfent avec eux qu une Religion
purement naturelle efl une Religion chi-
mérique: L'autre la défend contre le gros
des Chrétiens, ou contre quiconque penfe
avec eux que s'il y a une Religion pure-
ment naturelle qui foit folide , aumoins
n'ert- elle pas la feule qui le foit. L'un
édifie , l'autre détruit. L'un établit la Re-
ligion où elle n'efl pas : l'autre la reforme
où elle eft. Tous deux travaillent à la
converfion du Genre -humain: Mais cha-
cun a fon département : Le premier con-
vertit les Athées, le fécond convertit les
Chrétiens & tous ceux dont la Religion fe
fonde fur l'autorité de quelque Révélation
proprement ainfi nommée. C'efl un feul
& même homme qui entreprend de réu-
nir tout le Monde dans le Déïfme: Mais
il s'agit pour cet effet d'y ramener les
uns, d'y réduire les ?LÙtr es. Ce font là deux
tâches affez diftindes pour n'être point
con -
Juillet, x^out et Septemb. 1739. 257
confondues. Faut il embrajjer la Religion
naturelle? C'eft une Queflion; Faut il ïy
l)orner'^ C'en eft une aûçre. Kt quoique
l'Auteur ne dife pas que ces deux Quef-
tions ainfi diftinguées font la divifion gé-
nérale de fon Livre ; quoiqu'il nous y don-
ne pêle-mêle les diverfes matières diltiiac-
;ement relatives à ces deux Queftions : on
ne fauroit pourtant douter que ce ne foient
là les deux Chefs principaux auxquels tou-
tes les matières traitées dans fon Livre fe
raportent naturellement. Je ne (luirois
donc mieux faire que de divifer cette
DilTertatlon en deux Parties , dont la pre-
mière foit uniquement deftinée à l'examen
de ce que le Phiîofophe honnête homme
penfe , ou paroît penfer, fur la première
des deux Q^ueltions propofées.
PREMIERE PARTIE,
Delà
Religion Naturelle.
ON SUPPOSE ici un Athée qu on
entreprend de rendre religieux, mais qui
ne veut point entendre parler de Rciio^iori
révélée, & à qui Ton ne prétend point
non plus en parler. FAUT IL E M-
BRASSER LA RELIGION NA-
TURELLE? C'eft là l'unique queftioa
que l'on ait à difcuter avec lui : Ou ce
qui revient au même , il s'agit de lavoir ,
S % Si
2<Î8 Bibliothèque Britannique,
Si une Religion purement naturelle a des Ca-
ractères de ^é filé aux quels la Raifon doive je
rendre ? Telle eli; la preiTiière (^ueltion
propolee : & il n'eO: rien moins que Tuper-
fla de !a bien examiner. Notre Adceur a
grand foin de le montrer zélé l'oui- l'a (il r-
mative. Ce n'ell pas fans dcdcin qu'il
preni cette précaution ; à. il l'infinue lui
même allez viliblemenc.
Il y a une infinité de perfonnes que fbn
zèle marqué pour une Religion naturelle
doit prévenir en l*a faveur. Tels font tous
_ ^. — - -_ .. _
font tous ceux qui ont appris à dire, que
la Religion Chrétienne aboutit àrécablir,
à confirmer, à illuitrer la Religion natu-
relle: Tels font tous ces Prédicateurs phi-
lofophes qui dans leurs exercices Acadé-
miques ont été drefTez à répéter: Cela Je
prouve P K E M I E R E M E N T par la Raifon ,
6* en fécond lieu par la Révélation ; Tels Ibnc
tous ces Défenfeurs du Chriftianifme qui
inflruits à confefler, avec le Théophane
de notre Auteur, que la Religion révélée pré-
fuppofe 7iécejfairemenî la naturelle^ [p. ij.]
agillent en conféquence de cet aveu, &
s'attachent principalement à faire voir que
l'EfTentiel du Chridianifme peut s'établir
par la Raifon toute feule. Il eft parlé de
ces Meilleurs dans la Préface du Livre.
Aumoins y cfl il parlé en général de ceux
qui
Juillet, Août et Sfetemb. 1739. 2^)9
qui fe font Cgnalez dans la Défenfe du
Chriftianiime, parles e/brrj quils oncfaics
pour en établir tous les Dogmes (^ toutes
les Loix ^ llir la l^ériîé morale, Raifon 6*
Convenance des cbofes; \t feul fundtme'nt "véritable
£^ foUde qu'ils pùjjmt donner , Ibit à ces Loi\' ,
Ibic à ces Dogmes : Et ils font en même tems
complimentez fur leurs exploits d'une fa-
çon qui pourra fort bien paroîire flateufe à
plufieurs d'encr'eux, quoiqu'elle foie allez
ironique & même un peu inful tante.
Il y en a d'autres au contraire pour qui de
pareils Défenfeurs , dignes de pareilles féli-
citations, fontautant de Traîtres ou autant
deDuppes; & à qui il femble qu'entrepren-
dre la défenfe de la Religion par la Raifon
toute feule , c'eft fuppofer la fuffifance de la
Raifon ^ nier par cela même la nécelfité d'u-
ne Révélation , la quelle cependant ils regar-
dent toujours comme néceffaire. Un Deïfle
qui vient leur étaler (;les idées & des fen-
timens de Religion, efl à leurs yeux un
homme fufpedt à qui l'on pourroit appli-
quer le mot du Poète : Timeo Danaos âf
donaferentes. Ils conçoivent, en un mot,
que de droit ou de fait le Deifme Te con-
fond avec rAtheifme. Or ces gens - là , non
plus que les précédens, ne font ni incon-
nus , ni indiiFérens à notre Auteur. On ne
fauroit avoir le moindre doute îà-deflus,
fi feulement on a lu fa Dillertation fur la
Prière. [ï^oy. ci-dejjus ^ pp. 367, 3'18. du
-T. XII. ^ conter, pp. 335-337-]
Voila
270B1BL10THEQUE Britannique,
Voila donc , parmi tous ces Chrétiens
qu'il voudroit réduire à la Religion natu-
relle , deux forces d'Efprits qu'il lui im-
porte infinimenc de ménager: les uns, par-
cequ'ils ont déjà pour cette Religion un
préjugé favorable dont il eil à craindre
qu'ils ne reviennent : les autres , parce-
qu'ils ont contre elle un violent foupçon.
Fortifier le préjugé des uns , difTiper le
foupçon des autres , c'eft ce que notre
Philofophe efl nécelfairement obligé de
faire , s'il veut parvenir à Ton but : Et c'eft
là aufli ce qu'il fait lorfque déployant fon
zèle & fa philofophie contre les Athées ,
il va jufqu'à prendre fait & caufe en main
pour les Chrétiens & en leur nom. Par
là il travaille à nous remplir de cette idée :
Q^ue la Religion purement naturelle à la
quelle il prétend nous réduire a û bien
des caradtères refpectables de vérité , ou
que le Déïfme ( fondement de cette Re-
ligion) doit fi peu être cenfé avoir rien
de commun avec l'Irréligion des Athées,
que fa Religion naturelle étant la même
chofe au fonds que la Chrétienne , le
vrai Déïfme par conféquent ne difl^ère
point efifentiellement du vrai Chrifl:ianifme.
Voyons ce qui en efi: : ne fût-ce qu'afin de
favoir d'avance à quel degré de perfec-
fion nous nous trouverons fixez , lorfque
notre Auteur (s'il réuffitdans fon deflein)
nous aura réduits à fa Religion purement
naturelle; Et pour procéder méthodique-
JtJitLET, Août Et Septei^. 1739. if
ment dans cet Examen, recherchons.
I*. Comment fa Religion naturelle doit
être prouvée , en cas qu'elle puiiïe Tê-
tre.
II*. Comment il l'a prouvée , ou s'il
a fait à cet égard ce qu'il auroit du
faire.
C'eft à ces deux Chefs que je raporte
tout ce que j'ai à dire dans la première Par-
tie de ce Difcours*
CHAPITRE!.
Où l'on examine comment le Fbilofophe hon-^
nête homme doit prouver fa Religion na-
turelle , en cas quelle pidjje être prou-
Section I.
TOUT le monde fait, ou doit favoir,
que quand on dit Religion Naturelle parop-
pofition à Religion révélée , on parle d'une
manière fort impropre , ou aumoins fore
équivoque.
Le terme de Religion lignifie : ou un cer-
tain Commerce avec Dieu : ou certains
Sentimens requis pour entrer dans ce Com-
merce & pour l'entretenir : ou certains
Adles qui réfultent de ces Sentimens , &
qui les expriment. Il feroit abfurde de
parler de ce Commerce , de ces Sentimens ^
â72BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE^
de ces Ââes , comme de chofes naturel-
les par oppofidon à des chofes révé-
lées.
Il feroit même abfurde de parler ainû
de la Religiun entant que ce terme dé-
figne notre Foi ou notre Cioyance: Car la
Croyance efl une dirpofition ou fondlion
de notre Efprit : & il feroit fort ridicule
de demander fi une fonction de notre Efprit
eft révélée ou naturelle.
Il faut donc entendre ici par la Religion
l'objet de la Croyance : c'eft-à-dire la Théo-
logie , ce Corps de Doctrine , cet Aflem-
blage de Propofitions , qui eft l'Objet de
la Croyance , & le fondement de tout le
refte en fait de Religion. On conçoit dans
ce fens particulier, & Tonne conçoit dans
nul autre fens, comment la Religion peut
être ou naturelle ou révélée. Ainfî nous
nous en tiendrons à ce fens-là: & l'Auteur
voudra bien que pour mieux éviter toute
équivoque, on mette déformais le terme
de Théologie , ou la définition de ce ter-
me , à la place de celui de Religion, dans
tous les endroits ou Religion fignifieroic
Théologie.
La Queftion fur la quelle il prend avec
tant de chaleur le parti de Taffirmative ,
fera donc de lavoir: ,, Si après avoir ex-
„ dus toute Révélation proprement ainfî
„ nommée, la Raifon humaine peut re-
9, trouver dans la Contemplation de la
„ feule Nature^ dequoi fojmer une Théo-
ff logie.
Juillet, Août et Septemb. 1730. 273
„ logie , un Corps de Doflrine , un Af-
„ femblage de Propolitions , un Syrtême
9, ou tout foit alTez bien prouvé pour de-
» voir être admis comme l'Objet d'une
,, Croyance raifonnable , & où nous
„ rencontrions en même tems tout ce
„ qu'il faut propofer à la Croyance des
,y hommes pour bien établir la Reli-
„ gion ? " Ln Religion , dis - je : (Se je
m'explique.
Section II.
Il efl évident quiVd le terme de Religion
ne déiigne ni laThéoIogie, ni la Croyance de
ce que la Théologie enféigne, mais quelque»
chofe à quoi la Théologie ou la Croyance de
ce qu'elle enféigne , puifle fervir de fonde*
mène : Et ce terme en effet fignifie û bien
quelque chofe de diftindl: de l'un & de
Faûtre , qu'avec toute la Théologie & tou-
te la Croyance du Monde , on pourroic
être généralement reconnu pour très in-
digne du titre d homme religieux , ou qui
a véritablement & proprement de la Re-
ligion. Ce terme doit donc fe prendre ici
dans quelcun des autres fens que j'ai in-
diquez. 11 fignifie, comme je l'ai dit, foit
un certain Commerce avec Dieu , foit cer;
tains Scntimens requis pour entrer dans ce
Commerce & pour Tentrecenir, foit cer-
tains Aàes qui réfultent de ces Sentimens
ou qui les expriment: Et notre Auteur pa-
roîc
^74 Bibliothèque Britannique^
roît admettre la Religion dans chacun de
ces trois fens.
Il l'admet comme un Commerce avec
Dieu, dans tous les endroits de fon Livre
OLi il la repréfente ( conformément â fa
Diflertation fur la Prière ) fous l'idée
d'une Relation morale entre Dieu & THom-
me.
Il l'admet aufîî comme conCftant de
la part de l'Homme en certains Senti-
M E N s : foie dans la même Diflertation ,
lorfqu'il y parle des fentimens de Confian-
ce , d'Efpéraîïce & de Crainte , qu'exige de
nous notre Relation avec Dieu : foit en
divers autres endroits , & particulière-
ment dans ceux oii il nomme la Religion
une chofe interne ou une Difpofition intérieure'^
une Sagejje , un Sentiment Jpiriîuel , com -
me on le peut voir aux pages 416, 41 8 ^
& 4'^9-
Il l'admet enfin comme confîflant en cer-
tains A CT K s : foif lorfqu'il la défigne fous
le nom d'Adoration ou de Culte , comme
à la page 230: foit lorfqu'il reconnoîc le
devoir même d'un Culte public ou au-
moins d'un Culte domejîique , comme aux
pages 106, 114 , & 436: foit lorfqu'il in-
ïifte en général fur la Pratique de tous les
devoirs naturels delà Piété, de la Jufticc,
(&de la Tempérance, comme il le fait à la
page 25 , & en plufieurs autres endroits.
Mais ces trois fens du terme de Re-
ligion peuvent fe réduire à un , qui eft ici
l'eflen-
Juillet, Août et Septemb. 17:^9. 275
l'eflenciel. C'efl le fécond. Car les S e n-
TiMhNS une fois établis , Je Covimercs
& les Actes fuivent. Mais les Sentimens
exclus, il n'y a ni Acles ni Commerce,
il n'y a de Religion dans aucun fens : Ec
là-deflus encore nous pouvons nous pro-
mettre que nous aurons l'aveu de notre
Philofophe honnête homme : Car non-
content d'appuyer à diverfes reprifes fur
la néceffité des Difpofitions intérieures _, fur
la pureté des Motifs , en fait de Religion ;
il die en termes exprès, à la page 41^5,
que la Religion eft uniquement une affaire
du dedans ; Religion is purely a?î inîer-
nal Tblng.
11 y a des Déi'lles , ou foi difans tels,
qui fous le nom de Religion, n'admettent
autre chofe que la Pratique des devoirs
de la Société civile ou de ce qu'ils apel-
Icnt autrement la Loi de Nature gravée dans
le cœur de tous les hommes. Notre Au-
teur penfe mieux : Et s'il" accorde le nom
de Religion à la pratique de la Loi na-
turelle, c'eft feulement lorfque cette Loi cjî
pratiquée £jf respectl'e comme étant la ^volonté
6" la, Loi de Dieu *. Ces paroles prou-
venc
* IVhen this univerfal immutahle Wijdom [ the
Law of Nature oiiginally written upon the HeartJ
is fûlloiv'd and c o m p l i e d w i t h , as the Will
and Law 0/ God . . . «t then confiitiius
^bat 1VS call the Religion of Nature. Page 2^,
Tome XIIL Part, IL T
27(5BlIîLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
vent à fois : & que fans relation à Dieu
il n'y a de l'aveu de notre Auteur aucune
Religion : & que de fon aveu encore, cet-
te Relation à Dieu ne lauroitconfifterdans
la Pratique de fa V^olonté , qu'autant que
cette même Volonté eit pratiquée comme
telle ^ qu'autant qu'elle eft refpeàée commQ
fa Volonté à lui : De forte que ce Refpeft ,
& par cela même les Sentimens qui le con-
ftituent (quels qu'ils puiilent être) font
reconnus ici pour l'elTentiel de {^Religion.
Il ne s'agit donc plus , pour expliquer
ce terme , que de déterminer ce qu'on
entendra ici par les S E N TI M E N S. Ce
font, ai- je dit, les fentimens requis pouf
avoir un certain Commerce avec Dieu: Et
il ell préfupporé , fans doute , que ce
Com'mérce doit tendre à la fatisfadlion ré-
ciproque des deux Parties. Il efl préfup-
pôfé, par conféquent, que ce qui fera re-
quis de notre part dans ce Commerce ,
(fauf l'inégalité de Condition & de Mé-
rite entre les deux Parties) doit corref-
pbndre à ce que nous y attendrons de la
part de Dieu : Et il efl: clair de plus , que
tout ce qùe^ nous pcùvCins attendre de fa
part dans ce même Commerce , condfle
elTeritiellement en un feul point : c'ed
qu'il nous foit toujours favorable : c'ed
que nous confervant toujours une bonne
Voionté détcrm.ince en notre faveur, il
periiile daps le defleih de nous rendre heu-
reux: c*eu: en un moÈqUjliîous aime. Or-
^ '• ramôar
Juillet , Août et Septemr. 1739. 27^
l'amour veut de TAmour. Donc il fauc
que de notre part nous l'aimions : Et per-
fonne n'ignore ce que ce mot emporte. Le
Défir de plaire à Dieu > ,^ la Crainte de
lui déplaire; Voila certainement TAmour
de Dieu : Voila les fentimens requis pour
lier & pour entretenir avec lui un com-
merce religieux : Et voila ce que notre
Auteur exige lui même lorfqu'il demande
une Religion intérieure comme la feule
véritable , comme la feule elTentielle à
l'Homme : Car dans un endroit oui! avoue
que cette Religion n'étoit point abfolu-
ment inconnue aux Juifs , il fonde fon
aveu fur les paiTages qui réduifent toute
la Loi Mofaïque â aimer Dieu : touchant
quoi l'on peut confulter les pages 33-39.
Ivlais que lera-ce qu'aimer Dieu , quand il
s'agit de Religion intérieure^ fi ce n'eil: être
animé du defir de plaire à Dieu & de la
crainte de lui déplaire ? On a vu , d'ail-
leurs, que notre Auteur fait conlifter cette
même Religion dans le Refpc£i de la Vo-
hnté de Dieu. Mais que peut on enten-
dre par cette Volonté', finon ce que
Dieu veut ou ne veut pas , c'eil-à-dire ^
ce qu'il aprouve ou qu'il condamne , c^
qui lui plaît ou qui lui déplaît? Et par le
Refpedt intérieur de ce qui plaît ou dé-
plaît à Dieu, qu'entendrons nous encore,
fi ce n'efi: le Defir de lui plaire accom-
pagné de la crainte de lui déplaire?
.1 2 Tou-
278 Bibliothèque Britannique,
Toutes ces explications m'ont paru im-
portances, foie pour débrouiller en pafTanc
une matière importante en elle même, &
moins entendue que bien des gens ne pen-
fent: foit pour defabufer ceux qui s'ima-
ginent qu'un Déïde ne fauroit jamais avoir
de fi faines idées de la Religion: ioit pour
éclaircir la Queftion principale de ce Cha-
pitre. Ces explications nous font voir
au moins de m.anière à n'en pouvoir
plus douter, que Jorfqu'on demande s'il y
a une Théologie purement nacurelle donc
la Croyance puifle bien établir la Religion ,
cette Queflion revient à celle-ci : T a-t-
il une Théologie purement naturelle dont h
Croyance puiffe bien étaolir dans le cœur des
hommes les Sentimens de l'amour de Dieu ,
QU le defir de plaire à Dieu ^ la crainte de
lui déplaire ?
Section III.
]E DIS aurefle bien établir ^ parce qu'au-
tant vaudroit il ne point fonger du tout
à établir ces fentimens , que de fonger à
les établir mal. Car de deux chofes l'u-
ne. Ou l'on a de bonnes raifons pour exi-
ger de pareils fentimens , ou l'on n'en a
point» Or dans ce fécond cas , qui ne
lauroit être fuppoféici, il ne faudroit pas
même propofer aux hommes de concevoir
des fentimens de Religion : Ec dans Je
pre-
Juillet, Août et SEPTEMn. 173p. s^^^
premier cas , qui eft celui que l'on fup-
pofe , toutes les raiforls en vertu defquel-
les on aura entrepris de faire naître ces
fentimens, prouveront qu'on doit les faire
naître de façon à les faire durer: ce qu'on
n'obtiendra jamais (i on ne les établit , ou fi
on les établit mal.
Continuons à nous expliquer. Il n*y a
aucune Théologie , foit naturelle, foit ré-
vélée, dont la Croyance puifle bien éta-
blir les fentimens de la Religion , fi elle
n'enfeign-e, comme autant de Véritez ca-
pitales , certaines Propofitions naturelle-
ment propres à faire naître ou durer ces
Sentimens, &; nécelTairement requifes pour
cet effet. Il y a un Dieu : Et ce DUu eft un
Etre aimabls: Voila deux Propofitions dont
la Croyance efi: incontefiablement requifa
pour faire naître les Sentimens de l'Amour
de Dieu : & voilà en même tems deux Pro-
pofitions dont la Croynnce efi: naturelle-
ment fuffifante pour faire naître ces Sen-
timens dans le cœur de quiconque en eft
fufceptible. 11 faut quelque chofe de plus
pour les faire durer. Ils font tous les jours
combattus avec tant de force par d'autr^
fentimens, qu'ils feroient dans un danger
éminent d'être bientôt aifoiblis & à la un.
étouffez, s'ils n'étoient entretenus & fou^»
tenus par la Croyance de cette troifiè-
me Propofition ; Ùite ce même Dieu qui ejh
aimable v e v T être aimé : ou en autres ter-
mes : Qiie les mêmes jeniinnns d'muour pour
T 3 Diaih
280 Bibliothèque Britannique,
Dieu , qui fo7it pojjibles , raifonabks & juf-
tes , font encore nécessaires ou effenîieb
à notre bonheur : Que Dieu nous en fait un
D L V o I R , par une loi, munie de promef-
fes ^ de menaces fouverainement refpcàables ,
âf que fur cette Loi il prétend nous Juge r.
Mais fi pour foutcnir les fentimens de l'a-
mour de Dieu , cette croyance efl: indif-
pcnfabiement requîfe , elle n'efl pourtant
pas ruffifantc. Il n'y a point d'homme en
Ibn bon lens qui aie le front de dire que
fcs fentimens d'amour pour Dieu , dans
le combat perpétuel ou ils font cxpofez,
ne foyenc lujets à avoir quelquefois du
deflbus. Il n'y a point d'homme , par
confequent, qui ne dût fe defefpérer s'il
croyoit que fur ces fentimens Dieu vou-
lût le juger avec la deiTiière rigueur. Or
le defefpoir eil certainement ce qu'il y a
de moins propre à fou:enir l'amour ou à
le renouveler : Et fi notre perfévérance
dans l'amour de Dieu dépend de notre
icfpecb pour fa Volonté , elle ne dépend
certainem.ent pas moijjs de notre Confian-
ce en fa Mifcricord-è'r' Elle dépend donc
auln de la croyance de cette quatrième
PropoiiLion : Que ce même Dieu qui zcuî nous
juger y le 'veut faire a^vec e'quitiî.' ^ avtc
In. DU LGENCK.
-.^tvï'el doit être naturellement & nécefrai-
"'^ï'Êment le Plan général de toute Théolo-
gie dcftinée à bien établir des Sentimens vé-
iitables de Religioa. Anfu norre Phiiolb-
T-îhc
Juillet, Août et Septemh. 1739. 2j?r
phc n'a - 1 - il garcje d'en difconvenir. Car ■
quoiqu'il n'articule pas nos quatre Propo-
mions dans les propres termes qui vien-
nent d'être employez, il paroît manifeflc-
ment les reconnoître pour les Véritez fon-
damentales de toute Religion : Témoin cet
endroit de fon Livre [pag. 344, 345. ] où
parlant des Véritez qui fervent de fonde-
ment au Salut du Genre humain, il en fait
occafionellement une petite énumération
qu'on. pcurroit prefque prendre pour le
Précis ou#pour Je Canevas de celle que
j'ai donnée. îl y fpécifie d'abord VExiften-
ce de Dieu. Il indique enfuitc fes Perfec-
tions îiioraUs , fans lerouelles aPiUrémcnt
nous n'aurions jamais fidée d'un Dieu ai-
mable. Il paffe de là à nos Relations avec
Dieu, ccnfi'déré comme un Maître qui ex-
erce fur les hommes une Jurifdiction mo-
rale : ce qui revient à ce que j'ai dit de
Dieu confidéré comme notre Juge. Et lî
dans cette même Enumération il ne fait
pas mention exprefTede la Miféricorde avec
laquelle Dieu doit être cenfé exercer fa
Juiifdiction pour conferver la qualité d'E-
tre aimable , ceft indubitablement parce-
que cette Miféricorde cft comprife car.s
ce qu'il a dit en termes généraux àt$ Pcr-
ftclions morales de Dieu , au nombre des
quelles il la met fi bien en d'autres en-
droits , qu'on ne fauroit foupçoner qu'il
ne la fuppofe ici comjme une des Véritez
T _L fonda-
2^2 BiBLÏOTHF.QUE BRITANNIQUE^
fondamentales qui fonc néceiraireraenc la
matière de toute Théologie deftinéeabien
établir les fentimcns de la Religion. Ne pas
leconnoître la Miférkorde pour imcPer/aàion
effentielle en Dicti , ceji éier tout fonde. nmt rai-
fonnable à VEj'pérance ^ àla Confiance que nous
devons avoir en lui. Ce font les propres cer-
nics de i'Auceur à la; page 212.
Section IV.
ON EST donc d'accord avec lifi touchant
ce qui doit être la matière de fli Théologie
naturelle: Réglons en peu de mots quelle
en doit être la forme. Enfeigner (imple-
ment les quatre Véritez qui ont été énon-
cées, et neferoit que les offrir à la Croyan-
ce de ceux qui ne les croyent pas. Ce ne
fcroit pa:; alTcz.
Il ne s'agit point ici d'une Croyance qui
fuit reflet d'une Opération phyfique par la
quelle le St. Efprit difpoferoit un homme à
croire les Véritez falutaires en le difpofant à
jes aimer allez vivement pour les recevoir
fans exsmen &. fans conviciion : Car Ibit que
notre Théologien Philofophe admette ou
n'admette pas !a polîibilité d'une pareille
opération , il ne doit jamais en qualité de
Douleur fe repofer fur la feule poiTibilité
d'un fecours qui ne dépend pas de la fonc-
tion de Dofteur. Le St. Efprit pourra in-
^irer l'amour des Véritez falutaires à un
Caté-
Juillet, Août et Septei\tp. 1739. 283
CatcchuiTène: 11 pourra auiTi ne le pas in-
l'pireràun autre, à qui cependant il faudra
tâclier de les taire embraffer.
il ne s'agir pas non plus ici d'une Croyance
d Endioufiafte, qui foie tout au plus l'Ou-
vrage dun heureux FanatTme. Un hom-
me qui fur la fimple parole de quelque
Avanturier croiroit les Véritez fondamen-
tales de la Religion, & qui f.ir une innp'e
propoficion de ce n^.ême Avanturier ft:nti-
roit naître en lui le defir de plaire à Dieu ,
la crainre de lui dép'aire : un tel homir.e
auroit fans douce un'e Croyance &. une He-
ligion très-réelles : Enthoufiafme tant qu'on
voudroit : l'effet de l'Enrhoufiafme feroit
toujours très -réel, & rEnth.cufiafme au-
roit même fon mérite : J'en conviens :
Mais outre qu'il feroit abfurde à un Théo-
logien, quel qu'il fût , de compter fur un
Enthouflafme inconnu d'une infinité de
gens , fujct à fe dilTrper de lui-même , &
perpétuellement attaqué par des Athées
Philofophes qui demandent de la Logique;
cela feroit abfurde furtout dans notre Au-
teur , qui déclare hautement la Guerre à
ces Philofophes & qui fe vante de les com-
battre par leurs propres armes ; qui fe pi-
que plus que perfonne dcphiîofophie: qui
du titre de Plnlofophe a fait en quelque
forte fon nom propre ; qui veut que les
autres foient Philofophes comme lui ; 6c
qui parle fou\cnc de l'Enthoufiafine avec
mep ns.
T T II
284 Bibliothèque Britannique,
Il faut de toute uéceflité après cela , ou
qu'il n'exige aucune Croyance de Véritez
fondamentales de la Religion: (ce qui n'efl
pas y puifqu'il prétend être honnête hom-
me & mêine Chrétien : ) ou que fous peine
de faire retomber fur lui même toute la
honte & tout le ridicule dont il tâche de
couvrir les Enthoufiafles , il n'exige de fes
Difciplcs qu'une Croyance raifonable &
philofophique, il ne donne pour objet à
leur Croyance qu'une Théologie bien prou-
vée , dont jcs preuves folides & concluan-
tes ayent droit de convaincre des Logi-
ciens'rigides , bien réfolus à ne fc payer
que de Démcnftraîions : bien entendu au
reile qu'ils ne pouderonr pas la rigidité
jafqu à ne reconnoître des Démonilrations
que d'une efpèce.
Section V.
I'AFELLE Dénionflr allons y en géné-
ral, toutes les Preuves qui conduifenc
rÈfprit aune Certitude fuffi faute ^ pourvu-
qu'elles le trouvent attentif, & que leur
imprelTion ne foit point amortie par une
Stupidité naiurelle qui eft aflez rare , ou par
une Stupidité affeélée qui cil un peu plus
commune. Or comme entre gens qui ne
chicanent pas on reconnoît plus d'une ef-
pèce de Certitude fuffifante à laquelle on
peut conduire PEfprit par le Raifonnement ,
il faut reconnoître auiTî de bonne ioi qu'il
V
Juillet, Août et Septemb. 1739- 285
y a plus d'une efpèce de Raifonnement dé-
monftratif ou de Démondration.
Etre tellement affuré d'une chofe ,
que Ton ne puifle pas même concevoir le
contraire : Voila une Certitude qui elt faf-
fifante au fouverain degré , puifqu'en fait
de Certitude l'on ne lauroit rien ibuhaiter
au delà.
Cette efpèce de Certitude , dans plu-
fieurs cas, ne dépend point des Preuves:
Et dans ceux ou elle en dépend, les Preu-
ves ne font abfolument de mife qu'autant
qu'elles font de l'Ordre de celles qu'on
nomme DEMONSTRATIONS par excel-
lence, Démonjiraîions PARFAITES » com-
me celles qu'on demande dans la Géomé-
trie pure & fimpie & dans les autres Scien-
ces abftraites ou métaphyfiques. De là
vient que cette forte de Certitude eil a-
pelée géométrique , mathématique , ou ME-
TAPHYSlQ^uE, entant que Métaphyfiqus
veut dire abjirait ou idéal : Et de ià vient
encore que ces mêmes dénominations s'em-
ployenc auiîi lorfqu'on veut défigner ûei
Preuves ou des Démonftrations relatives
à une pareille Certitude. Tout le Monde
convient que pour établir une Certitude
métaphyCque , il n'y a de fonds à faire
que .fur des Démonftrations métaphyfi-
ques, ou équivalentes à celles de la Géo-
métrie.
Et comme les Théologiens Déïlles , fu-
ets
i585BlELlOTHE QUE BrITANNI QUE,
jets à tous les défauts qu'ils reprennent
quelquefois avec tant de hauteur dans les
autres Théologiens, paroiflentfouvent ne
leur concéder leurs preuves que parce-
qu'ils n'y voyent pas des Démonftrations
mécaphyfiqucs ♦ ilfemble, je l'avoue, que
l'on pourroit allez innocemment ufer de re-
prélailles avec ces Meflieurs , 6i leur nier
toute leur Théologie naturelle, les main-
tenir Athées de droit , jufqu'à ce qu'ils
• euflent prouvé toutes leurs propofidons
fhéologiqueiS par des Démonflrations mé-
taphyTiques , auxquelles on ne put pas ré-
pliquer, conforaiémenr à leur propre Lo-
gique , que quoiqu'ils établiiient on con-
çoit toujours la polTibilité du contraire.
J'avouerai même que de fcmblables re-
préfailies , dans le cours de la difpute ,
peuvent ^voir leur utilité. îvîais après-
tout il feroit ridicule de s'y borner. Que
les Deïîles s'obfdnent tant qu'ils voudront
à exiger de nous des Démonftrations mé-
taphyliques , leur exemple à cet égard ne
méritera jamais d'être imité. Q^uiconque
exige en tout des Démomlrations méta-
phyiiques comme le fondement unique
d'une Certitude fufRfanre , doit fuppofer
que la feule Cirtitude fullifante c'efh la Cer-
titude métapbyfique : Et rien n'eft plus
faux que cette Suppofition.
SL€'
Juillet, Ajjut et SErTEMc. 173p. 287
Section VI.
Etre tellement allure d'une chofe, qu'à-,
moins d'être aduellerr.cnt fou, ou ûiTez
fantaique pour faire féricufemenc le fou
aux dépens de la Vérité , l'on ne puifie
révoquer cette chofe en doute, quoiqu'à
toute rigueur , ù. métaphyfiqueinent par-
lant , on puiffe imaginer \c contraire ians
abfurdité: Voila manifeflement une Certi-
tude qui n'eft point métaphyfique, & qui
par cela même n'eft point futiifante au fou-
verain degré , qui n'eft point la plus fuf-
iifante donr on ait l'idée: mais qui malgré
cela efl fuffifante & très-fuiîîfante fans con-
tredit y puifque tout ce qu'elle requiert
pour fubfifter ( condition également re-
quife par la Certitude métapliyfique elle
même ) c'efl: qu'on ne foie aftuellement ni
fou , ni afùz fantafque pour faire férieufè-
ment le fou aux dépens de la Vérité. Mes
Lettcurs voudront bien, fans doute, que
je nomme fufiifant , tout ce qui eit tel
parmi les gens fages , tant qu'ils n'onc
pas le malheur de s'oubb'er : Et notre
Auteur le voudra bien à fon tour, lui
qui s'efl érigé en Sage & en Philofophe à
titre d'office. Aumoin'^ y confentira-t-il
volontiers en cas qu'il fe trouve obligé
d^avouer qu'il n'a pas , au fujet de fa Théo-
logie naturelle , une Certitude métaphyfi-
que. Il y en a une autre, pourra-t-il cîire
alors ^
283 BiELioTHE QUE Britannique j
alors, qui fans être métaphyfique eft fuf-
filante.
Or cette féconde efpèce de Certitude ,
ainfi que la première, n'a pas toujours be-
foin d'être^ appuyée fur des Démonflra-
tions: JMais dans les cas ou elle en a be-
foin, il eil: évident qu'elle ne demande
que d€s Démonftrations qui lui convien-
nent , ou qui foient d'une nature corref-
pondante à la fienne. Un bon Efprit ,
fans fortir de fon caractère , pourra bien
dire, Je veux des Démonflrations inêtapbyji-
ques ^ lorfqu'on^'lui aura propofé pour but
de fon attention la Certitude la plus fuf-
fifante qu'il lui foie poffible d'imaginer :
Mais il ne le dira jamais îorfqu'on lui aura
limplement propofé pour but une Certi-
tude fufîîfante du fécond ordre. Les
moyetis doivent être proportionez à la
fin: Et s'il y a réellement une Certitude
qui ne foit que phyfique , ou qui fans être
métaphyfique foit îuffifante , il faudra né-
ceilairement que les Démonftrations qui
lui font propres , foient fuffifantes comme
elle.
La Certitude rnétapbyjîque confiile à con-
noitre certainement les chofes entant que
pofîîbles ou impoflibles , (Se entant qu el-
les font ou doivent être néceflai rement;,
d'une nécefî^té intrinfèque <Sc abfo^ue: au
lieu que le Non-plus -ultra de la Certitude
PHYSIQUE confifte à connoicre les
chofc^
Juillet", Août et Séptemg. 1739. 2S9
chofes entant qu'elles font, & telles qu'el-
les doivent être en confequence de ce
qu'elles font , c'efl à dire par une nécef-
iité relative à ce qui e(t , fans examiner fi
ce qui eft ne pourroit pas ne pas être , ou
s'il eft ce qu'il efl par une néceflité plus
que conditionelle : Mais de cette différen-
ce , qui n'eft que du plus au moins , un
homme fage ne conclura jamais qu'une
Certitude Amplement phyfique , ni par
conféquent les Dém.onftrations qui lui font
propres , ne foient très fuffiiantes , c'cfl à
dire très-capables de fixer un Efprit qui
raifonne, très-capables de le tirer raifo-
nablement de l'mqulétudeoii il efl tant
qu'il fiotte entre le Pour & le Contre
d'une Queftion.
Notre Auteur mourra: Ses Admirateurs
fnourront : Ses Critiques mouront : Nous
avons là delTus une Certitude qui certai-
nement eft très-fuffifante. Nous le fen-
tons. Elle n'efl pourtant pas métaphyfi-
que. Car nous concevons tous que l'idée
de notre Immortalité n'eil pas une idée
contradidioire. La plus -part vont même
jufqu'à être perfuadez qu'il y a eu fur la
terre , & qu'il y aura encore , des hom-
mes immortels. C'efl: aumoins ce que
croyent tous ceux qui admettant d'une
part l'hiftoire d'Enoc & d'Elie dans le
iens ordinaire, refpeâ:ent d'autre part la
déclaration de St. Paul touchant les Per-
fennes que l'avènement de Jefus-Chrifc
trou-
iSPD Bibliothèque Britannique,
trouvera vivantes * : Et fi plufieurs ne
refpcftent ni la Déclaration de 1 Apôtre,
ni rincerprétacion commune de l'hiftoire
d'^noc Ci: d'Elie, ce n'eil point du tout
que- l'idée d'Homme immortel leur paroif-
fe abfolumcnc impliquer contradidiion.
Exiger après cela que fur cette propoli-
tion , Nous mnurrons tcus ^ on nous don-
nât des Démonflracions propres à établir
une Certitude mécaphyfique , ce feroic
manifeiicraent exiger l'impolTible. Auiîi
liivons nous nous contenter à moins: Ec
quani même nous ferions obligez de re-
conoître que ( comme on Ta débité ) un
Abbé Cartéfien en France & une illudre
PrincefTe en Allemagne fe flattoent
férieufcment de l'Immortalité, nous n'en
croirions pas mom^ que la Vérité op-
polee à leur illufion fe démontre d"une
manière très-ruffifante pour tout Efprit
raifonable, par une Concluiion légitime-
ment tirée de la loi uniforme iSi confiante
de la Nature , :ans le fecours d une Dé-
mo'iliratio?i à limpojfible.
Nous prédifons hardiment qu'avant ^a
fin de Tannée courante, MDCCXXXIX,
le trentième de Décembre, entre huit &
dix heures du matin, il y aura uneEclip-
fe de So!eil. Nous n'en avons cependant
ni Certitude méraphvfique , ni Démonllra-
tion purement mathématique. Car l'Aflro-
nomie
* I Thejf, IV. 15-17-
Juillet, Août et Septemô. 1739. 291
nomie qui le démontre, n'apartient point
à la Mathématique fîmple : Elle ne le dé-
montre qu'en fuppofant la Continuation du
Cours réglé de la Nature : Et la Phyfique
qui par fes Expériences démontre quel eft
le Cours de la Nature, n'en garantit point
la Continuation: Elle ne démontre point
que ridée de l'Interruption de ce Cours
foit une idée contradidloire. Ceux qui
s'en reportent à l'Hifloire Sainte , vont
communément jufqu'à admettre des exem-
ples réels d'une pareille interruption : &
il n'y a point de Philofophe qui n^en
reconnoifle aumoins la poffibilité méta-
phyfique. Pourquoi donc parlons nous de
cette Eclipfe avec tant d'aflurance ? C'efl
que nous en fommes phyfiquement afTu-
rez, & qu'il y a très réellement une Cer-
titude qui, fans être métaphylîque, nous
fuffic en bonne Philofophie , quoiqu'en
puifTe dire, avec fon ton dogmatiquement
douteux , l'Opiniâtreté pédantefque d'un
Pyrrhonifme de commande.
Ces exemples , deftinez à rendre fenfî-
bie la réalité d'une Certitude phyfique à la
quelle on conduit l'Efprit par des Démon-
ftrations propres à cet effet, nous font voir
en même tems ce que c'efl que cette fécon-
de efpèce de Démonftrations. Ce font , en
un mot , des Démonftrations qui fe tirent de
la conformité exadte de la chofe propofée
avec le Cours réglé de la Nature entant
Tom. XIII Part. Il, V qu'il
2p2 Bibliothèque Britannique,
qu'il eft connu par rExpérience. Mais
comme il ne s'agit dans ces exemples que
du cours réglé de la Nature dans le Mon-
de matériel, il ne fera pas inutile d'ob fer-
ver que la même efpèce de Démonftra-
tioîis fe tire également du Cours réglé de
la Nature dans le Monde intelleduel, qui,
tout compofé qu'il eO: d'Etres libres , a
néanmoins quelques Loix auflî fixes , que
celles qui déterminent dans le Monde ma-
tériel de retour des Eclipfes , la diflblu-
tion du Corps humain , & tels autres
Phénomènes. Car fans rechercher fi la
Senfibilité, par exemple, fil'Am-Our de foi
même & la Préférence du Bien-être au
Mal-êcre , ne font pas des loix plus né-
cefiaires & plus invariables dans le Monde
des Efprits que la Loi de la Gravité dans
le Monde des Corps ; on conviendra au-
moins que ce font des loix aufiî unifor-
mes , auliï univerfelles , aufii confi:antes ,
dont on pourra tirer des conclufions qui
feront auin fures & démonflratives de la
même manière que les conclufions qui fe
tirent de la Loi ce la Gravité»
La Véracité des Témoignages dans un
certain concours de Circonilances , n'efl
pas une chofe métaphyfiquement nécefiai-
re. Il n'eft pas métaphyiiquement impof-
fible, par exemple, que. des Témoignages
circonftanciez comme ceux que j'ai de i'ex-
iftence d'une Vilie de Pékin , foient des
Té'
Juillet, Août et Septemh. 1739. 293
Tcmoignaf^es faux : Je ne faurois me dé-
montrer métaphyfiquemenf cette impor-
fibilité : J'en ai cependant une telle dé-
monilration dans refprit qu'il ne dépend
point de moi de former le moindre doute
fur ce fujet : Et cette Démonfcration com^
ment faut il la qualifier? D'autres la riom-
meront , s'ils le veulent, Démonflratioa
morals i ou hifioriqiis , eu juridique : Mais
pour conrcrver à mes termes un fens jufle
& précis , je dois la nommer ici une Dé-
monjiration PHYSIQUE, puifque je la
tire , ainfi que toutes les autres Démon-
(Irations de cette féconde efpèce , de l'ob-
fervacion du cours réglé de la Nature , ou
je trouve par expérience le Monde intel-
leduel tellement conftitué que les Témoi-
gnages circonftancicz de la manière indi-
quée ibnt & doivent être conilammenc lie?:
avec la réalité de la chofe qu'ils attcftenc.
Soit donc qu'il s'agilîe du Monde des
Corps ou du Monde" des Efprits , il y a
une efpèce deDémonftrationqui fans être
métaphyfique nous fuffit , parcequ'il y a
des Démonftrations qui ne font que phy-
fiques (Se qui toutefois font fuffifantes. On
s'imagine peut-être que cela va m.e four-
nir des reflexions contre notre Théolo-
gien Deïde. Point du tout. 11 n'en eft pas
encore tems. La feule reflexion que j'aye
à faire ici , fera en fa faveur : C'eil: que (1
au défaut d'une Certitude métaphyfiaue tou-.
chant les Véricez fonda^T^entales de iaReîi-
V 2 gioa.
294 Bibliothèque Britannique,
gion, il les démontre feulement par des
Moyens propres à faire naître une Certi-
tude p^^jTJ^we , fa Théologie naturelle fera,
comme elle doit l'être , une Théologie bien
prouvée.
Section VIL
JE DIS PLUS. Nous aurons lieu d'ê-
tre contensde lui, fi au défaut d'une Cer-
titude , foit métaphyfique, foitphyfique,
il employé feulement des Moyens pro-
pres à faire naître une Certitude M O-
RALE.
J'appelle ainfi la Certitude qui confifte
à être tellement affuré d'une -chofe , qu'en-
core qu'elle ne paroilTe ni métaphyfique-
ment ni phyfiquemcnt néceflaire, & que
par cela môme on foit maître de la révo-
quer en doute ou de fufpendre fon juge-
ment fi on le veut, on ne le puifi^e pour-
tant pas fans abufer de fa liberté, ou fans
pécher plus ou moins volontairement con-
tre des maximes de Morale , toujours ref-
pedtées comme très-certaines parmi les
gens fages & prudens , mais refpeclées fur-
tout fi avec cela ils font honnêtes gens ,
& pour les quelles il feroit abfurde de
fuppofer le moindre mépris dans un Phi-
lofophe véritablement honnête homme ,
tel qu'-i^n doit l'être félon la Raifon aufiî
bien que félon notre Auteur qui fe don-
ne lui même pour tel. Troiûême & der-
nière
II
Juillet, Août et Septemb. 1739. 295
nière efpèce de Certitude, la quelle a lieu
toutes les fois que nous tro\ivons feule-
ment une grande Waifemblance, foitphy-
fique foit morale , dans quelque Propofi-
tion qui nous intérelle plus en qualité
d'Etres moraux qu'en qualité d'Etres in-
telljgens, ou qui intéreffe moins en nous
la fimple Curioiité que les Sentimens &
la Conduite.
Je nomme Vraifemblance pbyjîque , la
conformité fenfible de la choie propofée
avec ce qui arrive, non pas conftamment,
mais communément dans la Nature j comme
par exemple, de mourir avant l'âge de cenc
dix ans: d'arrêter la fièvre par le Quin-
quina : de voir qu'un homme qui eft for-
ti de chez lui fe portant bien , y rentre
en vie quelques heures après : de gagner
lorfqu'on joue avec beaucoup d'avantage;
de vaincre lorfqu'on efi: plus fort , plus
habile , plus courageux , plus prudent ,
& mieux fervi que fon Ennemi : &c.
Je nomme Vraifemblance morale cette
forte particulière de Vraifem.blance phy-
f que qui réfulte de la conformité de la
chofe propofée avec ce que font commu-
nément dans la Nature les Mœurs ou qua-
litez & difpofitions morales des Etres mo-
raux^ foit de tout ordre en général, foie
de quelque ordre fpécialement. Les jeu-
nes-gens & les Viellards , par exemple ,
font communément tels qu'Horace les dé-
peint dans fon Art poétique: Les deux
V 3 Se-
29^BlBLT0THEQUE BRITANNIQUE,
Sexes ont communément un fort panchant
l'un pour l'autre : Les Mères onc cmn-
munémsnî beaucoup de tendrefle pour leurs
Enfans: Les Femmes aiment cov,imunément
à parler & à être flatées : Les Grands ,
de même que les femmes , font commtiné-
ment prenables par la flaterie : Les Au-
teurs qui écrivent par goût & par choix,
font commiinémmt très fenfiblcs aux lou-
anges : Les Hifloriens font ccmmunément
véridiques lorfqu'ils attellent en termes
bien formels des faits de notoriété publi-
que àovx le Public & eux font Juges com-
pétens, & fur les quels ils rifquent vifî-
blement d'être démentis s'ils ne difent la
pure vérité : Parmi les gens intérelTez à
démentir un Hiftorien menteur, qui font
à portée de le démentir avec fuccès , &
qui font libres de le faire , il fe trouve
communément quelcun qui profite de cette
liberté : Etc. Toute Propofition particu-
lière ou l'on ne verra rien que de confor-
me ou d'analogue à ces obfervations gé-
nérales fur les Mœurs , fera par cela mê-
me revêtue d'une Vraifemblance morale ,
dans le fens précis que j'attache ici à ce
terme.
Mais que la Vraifemblance foit mora-
le , ou qu'elle foit phyfique , elle forme
toujours cette Evidence imparfaite que
Pon a coutume de défigner fous le nom
d'Evidence morale: par cette raifon peut-
être 3 que ç'eft particulièrement dans la
con-
Juillet, Août et Septkmb. 1739. 297
conlîdération des Mœurs que Vûn fe trou-
ve réduit à une Evidence imparfaite, les
mœurs dépendant des Caradères perfo-
ne]s & des Circonûanees , deux chofes
dont le fonds eft toujours ou prefque tou-
jours impénétrable à nos regards : Peut-
être auffi à caufe de l'analogie du terme
de Morale à celui de Pratique , & parce
que dans les délibérations fur des afraires
de pratique l'Efprit ne parvient jamais ou
ne parvient que rarement à des conclu-
ions parfaitement évidentes. Ilefldefaii^
cependant que nous adhérons tous les
jours à de pareilles conclurions avec une
Certitude qui eft affez ferme pour fervir
de baze aux Sentimens que nous devons
avoir , & à la Conduite que nous devons
tenir.
Nous ne trouvons point , par exemple,
une Evidence parfaite dans cette Propo-
fîtion : La "vie de tel ou tel Enfant n'a au-
cun attentat à craindre de la part de fa Mè-
re. Nous favons qu'on a vu des Femmes
qui, m.ême fans être des Médées & fans
être pouflces d'une rage famélique dans
un tems de SïhgQ , ont égorgé leurs En-
fans. Tout ce qu'on peut dire de plus
fort en faveur de la Proportion énoncée,
c'eft qu'on n'y découvre rien que de très-
conforme à cette obfervation générale :
que les Mères ont c o m m u n e m e n t beau-
coup de îendrejfs pour leurs Enfans. Cela
ne forme qu'une Evidence imparfaite.
V 4 Nous
2p8 Bibliothèque BritanhtquR,
Nous y adhérons néanmoins avec une
Certitude fi fuffifante, que cette Certitu-
de une fois établie , les fentimens & la
Conduite qui doivent ]aruivre,la fuivent
infailliblement. Nous concevons pour cet-
te Mère les fentimens de confiance qu'el-
le demande , & nous agiffons en confé-
quence, nous lui confions la Vie de fen
Enfant.
C'eft là un Exemple de la Certitude que
j'apelle inorale ^ & que j'apelle ainfi , non
pas parcequ'elle fe raporte à ce qu'on
apelle Evidence morale , car il y a mille
cas indifférens où elle n'y a aucun ra-
port : non pas encore parcequ'elle oft
deftinée à produire des effets moraux ,
car il y a mille cas ou les deux autres ef-
pèces de Certitude ont cela de commun
avec elle: mais parcequ'elle cft elle même
VcWet d'un ade moral de notre Ame, la
quelle n'adhère parfaitement à une Évi-
dence imparfaite, qu'en vertu de fa dif-
pofition morale à re.^pedler certaines ma-
ximes de Morale.
La Certitude phyfique ou métaphyfïque
efl un état purement paiTif : ou fi l'aQion
de l'ame y entre pour quelque chofe, ce
n'eft qu'entant que l'AmiC fe rend attenti-
ve & fe prête par là , fe difpofe, s'afili-
jettit à recevoir l'impreflion néceffairemenî:
"déterminante de l'Évidence parfaite. î,a
Certitude 7;2ora/5 efl un état mixte: moi-
tié paflif, moitié aQif. Il eft pafiîf d'a-
bord ;
Juillet, Août et sSeptemb. 1739. 259
bordiil commence par la forte imprcffion
que l'Ame reçoit lorfqu'elle efl frapée
d'une grande V^raifembîance , à la quelle
elle ne peut réfiiler qu'avec peine , mais
à la quelle pourtant elle peut réfiller , &
qui par conféquenc n'a pas toute feule ,
comme l'Evidence parfaite, une force né-
ceflluremenc déterminante , capable de
produire dans un Efprit attentif , fans
nul aiitre fecours, ce repos afluré , cet
acquiefcement ferme & inébranlable , qui
forme Fétat de Certitude. Cet état n'a
pu que commencer par la faculté palîive
de l'Intellect. Il faut que fon achève-
ment ou fa perfection vienne de la faculté
adive de la Volonté. C'ed elle qui le
fixe , parcequ'elle fent qu'il eft de fon de-
voir de le tixer. Il ne fauroit y avoir
aucune prudence ou imprudence , aucun
mérite ou démérite , aucune bonté ou
méchanceté , aucune difpofition morale-
mejît bonne ou mauvaife, à avoir ou n'a-
voir pas la Certitude (foit phyfique, foie
plus que phyfique) qui eft réifec nécef-
faire d'une 'Evidence parfaite. AufTi ne
s'avife-t-on pas de dire, ni qu'un Phyfî-
cien ait une Certitude morale touchant
cette Propofition : Chaque plante a fa fe-
mence propre: ni qu'un Métaphyficien &un
Géomètre ayent une Certitude morale
touchant ces autres Propoficions : Le
tout efl plus grand que fa partie: Les qiiojnti-
V 5 îe%
300 Bibliothèque Britannique,
ïéz égales à une troifiême font égales enîr^el-
les: Les trois angles d'un triangle font égaux
à deux droits: 6cc. Cefl; que partout où
il y a Evidence parfaite, la Certitude eft
néceflaire , la Volonté n'y peut rien, la
Morale par conféquent n*y peut rien non
plus. Mais pour peu qu'un défaut d'Evi-
dence lai (Te quelque chofe à faire à la
Volonté pour perfedlioner la Certitude,
pour bannir toute crainte ou toute efpé-
rance de s'être trompé , la Certitude ainû
perfedlionée ou foutenue par Taftion de
la Volonté , fera par cela raêrne très-con-
venablement appelée Certitude morale ,
puifquc il l'intervention de la Volonté y
eit req^nfe, la Morale dès-lors, en qua-
lité de Diredrice née de la Volonté , y
peut intervenir avec elle pour la guider ;
h que non-feulement elle le peut , mais
le doit.
Il efl vrai que la Volonté a le pouvoir
d'agir fans la Morale. Elle le fait toutes
les fois qu'elle fe détermine au hazard ,
par la feule force d'une Liberté d'indif-
férence, c'eft- à-dire en bon François par
un pur Caprice: fi tant eft qu'un pur Ca-
price , ou une Volition entièrement arbi-
traire & indépendante , foit une réalité :
Queftion qui n'efl peut-être pas fufcepti-
ble d'une décifion générale : Et queftion ,
félon moi, qui n'eft pas à beaucoup près
auiïî iraportame qu'on fe l'imagine: Quef-
tion
Juillet, Août et Septemb. 1739. 301
tion aumoins dont la déciTion n'eit point
importance dans cet endroit: Car quelque
parti que l'on prenne, il faudra toujours
avouer que la Volonté peut agir fans la
Morale entant qu'elle peut agir contreles
Règles que la Morale lui preicrit, ou par
un goût vicieux pour des Règles faulles
que la Morale condamne, & qui ne fau-
roient être apelées Règles ou Maximes
de conduite que dans un fens très-impro-
pre. Mais il s'agit ici de donner à une
Certitude naturellement imparfaite le de-
gré de force qui lui manque , ou de don-
ner à la fermeté qu'elle a naturellement un
appui qui la rende inébranlable: Et que
fera-ce qu'une fermeté apuyce, foit fur
un pur Caprice qui eftla mutabilité même ,
foit fur un panchant vicieux à fuivre de
faufles Maximes ? des Maximes qui ne
s'adoptent jamais que comme tout ce qui
a des caractères de faufTeté, je veux dire
avec une fecrète méfiance ? des Maxim.es
continuellement fujettes à êcre ébranlées
par la Raifon , & qui ne tiennent bon con-
tre elle qu'à la faveur d'une Illufion peu
différente d'un Songe, ou à l'aide d'une
Opiniâtreté également embaraffée 6c par
les ténèbres dont elle s'envelope & par
les lumières éblouiffantes qui viennent la
furprendre malgré elle au milieu de ces
ténèbres? La Certitude morale, non plus
que la phyfique ou la métaphyfique , ne
pgut être Certitude qu'entant qu'elle a
cette
502 BiTîLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
cette fermeté vigoureufe qui eft le ca-
ractère edenciel de toute Certitude digne
du nom de Certitude. Or il n'y a que la
Vérité qui paiiTe lui afTurer ce Caractère;
Et autant qu'il leroit ablurde de prétendre
l'alFurer à la Certitude phyflque ou méta-
phy tique par des principes de Phyfique
ou' de Mécapl-jyiique qui feroient faux , au-
tant feroit il aDfurde de prétendre l'aflu-
rer à la Certirude morale par des maxi-
mes de Morale qui feroient fauOes, c'efr-
à-dire qui ne feroient pas véritablement
des maximes de Morale , ou qui ne fe-
roient que les Maximes d'une morale fau^-
fement ainfi nommée. Rendons la choie
fenfible.
Soient A & B deux Tuteurs qui par leur
vocation fe trouvent également intérelTez
à fixer volontairement la Certitude de
leur Efprit fur cette Propofition morale-
ment évidente ou fimplement revêtue
d'une grande vraifem.hlance: Qu* la Vie
de leur Pupile na aucun attentat à craindre
de la part de fa Mère qui deinande quon le
lui confie. Ils veulent tous deux donner
à leur Certitude encore imparfaite le de-
gré de force qui lui manque. Ils l'entre-
prennent tous deux , & eiïayent de le
faire. Mais le Tuteur A ne l'entreprend,
ne l'efTaye, qu'en vertu de quelques Ma-
ximes telles que celles-ci : ^ La plus
,, courre voye d'expédier les affaires efl:
„ toujours la meilleure. On n'eilpasobli-
j> gé
Juillet, Août et Septemb. 1739. 303
99 gé d'y regarder de li près lorfqa'il s'a-
„ gic des intérêts d'autrui : Il ne faut
„ point tant de façons pour un Enfant :
9, Il ne faut jamais rifquer de fâcher une
„ Femme par fes refus ''. Toutes Maxi-
mes faulTes , que la véritable Morale
n'enfeigne point , & qu'elle condamne.
Le Tuteur B , au contraire, ne fe fonde
que fur des Maximes vrayes » telles que
celles-ci : „ H y a des cas où il faut ,' à
9y quelque prix que ce foit , prendre une
„ réfolution : Quand on a fait tout ce
99 qu'on pouvoic pour parvenir à la plus
99 grande évidence poiTible touchant ce qui
99 convient le mieux dans ces fortes de
99 cas , il ne faut plus balancer , il faut fe
99 mettre l'efprit en repos, bannir le dou-
99 te y fe livrer aux fentimens que le cas
99 exige, arrêter ce qu'on fera, & agir en
„ conféquence: Il ne faut pas qu'un Enfant
,, confié à nos foins foit abandoné fous pré-
„ texte que pour lui ailurer fa vie nous
99 courons après une Evidence parfaite à
„ la quelle il efl impofllble que nous arri-
99 vions : Il faut faire pour un Enfant con-«
99 fié à nos foins ce que nous pourrions Ibu-
„ haiter qu'il ei)t fait pour nous j fi nous
„ eufilons été à fa place (Se lui à la nôrre:
„ Il faut avoir des égards pour une Mère
„ qui n'en paroîc pas indigne: Il faut fa-
„ voir fe fier k autrui , avoir de la foi ,
,, croire 6l efpéier, n'être point foupço-
99 neux , &c *^ (Quelle différence entre
304 Bibliothèque Britannique,
les maximes de ces deux hommes ! mais
quelle différence auiïi en:re la Certitude de
l'un & celle de l'autre. Leur Certitude
dépendant ici de leur Volonté, elle ne
peut être ferme c: inébranlable qu'autant
que leur Volonté à cet égard le fera elle
même: Cela eft évident. Leur Volonté
à cet é^ard ne peut être inébranlable en
vertu de certaines maximes ou raifons
de vouloir, qu'autant que ces Maximes
feront elles mêmes inébranlables: Cela
eft évident encore. Ces KLnxiraes enfin
ne peuvent être inébranlables qu'autant
qu'elles feront vrayc; : Cela n'eft pas
moins évident que ce qui ^précède. Or
dans rexem.ple des deux Tuteurs qu'a-
vons nous? D'un côté , des maxim^es fi
fauffcS que par la m.oindre reflexion ou
par la moindre contradiftion elles feront
ébranlées , pour ne pas dire renverfécs :
Et de l'autre , des Maximes fi vrayes que
plus elles feront mifes à l'épreuve de la
Réflexion ou de la Contradiélion , & plus
elles fe trouveront inébranlables.
Mais en voila alTez, ce .me fem.ble,
pour faire voir , & qu'il y a une Certitu-
de iuriifante qui n'eil ni phyfiquc ni mé-
taphvfique; & que ce qui diftincfue cette
troiiieme cfpèce de Certitude, c'eîl qu'au
lieu de réfulter néceflairement , & fans-
plus , de la Férité évidente de la chofe
propofée , elle refaite conditioneTlement
de la combinaifon libre que nous femmes
m or a-
Juillet, Août et Sêptemb. 173c. 305
moralement obligez de faire , de la Frai-
femblance évidente de la chofe même avec
la Vérité évidente de quelques Maximes
de Morale relatives à l'importance morale
de la chofe, ou à la néceffité morale d'y
adhérer. C'eft par cette raifon que toute
Certitude qui n'efl point purement fpé-
culative ou qui ne vient pas de pure fpé-
culation , s'apelle Certitude 7ncral2 : Et
c'eft par la même raifon, pour le dire en
paiTant, qu'on l'apelle auffi quelquefois
Certitude d'adhéjion.
On peut juger à préfent par la nature
de la Certitude morale , de quelle nature
doivent être les preuves deitinées à la
faire naître, & quels font les Lieux ou
Topiques propres de ce qu'on apcl^e
une DémonJb'Qtion MORALE. La Certitude
réfultant ici d'une combinaifon moralement
néceflaire de la Vraifemblance évidente de
la chofe avec la Vérité évidente de fon
importance morale, la Démon llration fera
parfaite dans fon genre, fî elle prouve.
En premier lieu; Qjie la chofe propo-
fée eft évidemment vraifcmblable:
En fécond lieu: Qu'elle ell évidemment
importance:
En troiûème lieu : Que la Combinai-
fon de ces deux Evidences eft moralement
néceiTaire.
Et une pareille Démonftration , encore
une fois, fera toujours fufîiiante entre
honnêtes gens, fait qu'il s'agilTe d'une
Th'io-
305 BlBLIOTHEQfJEBRITANNIQUE,
Théologie révélée , foie qu'il s'agifTe d'u-
ne Théologie purement naturelle, comme
le doit être celle de notre Auteur. On
aura beau dire qu'il difpute quelquefois
en homme qui ne fait pas grand cas des
Démonftrations de cette efpèce: J'avoue-
rai bien, fi l'on veut, que cela femble
pouvoir s'inférer de divers endroits de
Ion Livre, & particulièrement de tout ce
qu'il dit depuis la page quatre-vingt juf-
qu'à la page cent: Mais je nierai qu'en
cela il doive nous fervir de Modelle. Les
Démonftiations morales ne font pas, à
la véricé , les Démonftrations du Philofo-
phe pur Phyficien ou Métaphyficien : mais
ce font celles du Philofophe moral ou
du Philofophe honnête homme. Si no-
tre Auteur , après s'être chargé du ca-
raQère d'honnête homme , méprife réel-
Jemient ces Démonftrations, f chofe que
j'ai peine à croire,) c'elt qu'il a mépri-
fe & démenti fon caraQère. Ce caractè-
re n'en méritoit pas moins d'être refpec-
tc & foutenu jufqu'au bout: Et fuppofé
qu'il ne nous en ait pas donné l'exemple,
c'efl à nous à le lui donner, 6c à recon-
noître franchement, fans de malhonnê-
tes chicanes, que de bonnes Démonftra-
tions morales font de bonnes Démonftra-
tions : dût cet aveu en entraîner un au-
tre en faveur de fa Théologie purement
naturelle. Qu'il choififie entre les trois
efpèces de Démonftrations fuffifantes:
Quil
I
Juillet, Août et Septemb. 173p. 30;^
Qu'il fe borne à une : Qu'il les réunifTc tou-
tes : Qu'il ]es mêle à fon gré. Hanc veniam
petimiijqiie damufque viciffim, Démonftra'
tions métaphyfiques , Démonftrations phy-
fîques , Démonllrations morales , tout fera
bon,pourvuque ce foie véritablement des
Démonltrations , & les Démonftrations d'u-
ne Théologie purement naturelle. C'efl
ce qui demande encore deux mots d'ex-
plication.
Section VIII.
ON PEUT entendre par Ti&eo^e NA-
TURELLE, ou une Théologie fimple^
ment diftindle de celle qu'on nomme
REVELE'E, ou une Théologie qui en
foit différente, féparée, & tout-à-fait in-
dépendante.
II y a une Théologie naturelle que peu-
vent admettre fans peine, & que doivent
même admettre avec plaifir, les Partifans
les plus zèlez de la Néceflité d'une Ré-
vélation. C'efl: celle qui fe borne à prou-
ver par le moyen d'une Science naturel-
le ou non-révélee , la Poflibilité & la Pro-
babilité des Faits ou des Propofi-
tions dont la Croyance e(t le fondement
commun de toute Religion: Leur Pojffîbi-
litéy en faifant voir par la nature des cho-
fes propofées qu'elles n'ont rien d'abfur-
de, de contradiftoire, d'impolTible : Leur
Frobabilité ^ en leur donnant cette premiè-
Toms XUl Fart. IL X re
goSBiBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
re lueur de Vraifemblance, qui naît de
tout ce qu'on apelle Images , Comparai-
fons , Conjedlures , Hypothèfes. Mais
comme une pareille Théologie ne déci-
de contre les Athées que fous l'autorité
de la Révélation , ou ne décide point
contre eux entant que PUREMENT
naturelle, il eft manifefte que ce n'efl:
point d'elle qu'il s'agit ici, puifqu'il s'a-
git ( ainli qu'on l'a vu ) de bien prouver ou
de prouver d'une manière déinonjlrative &
propre à produire une Certitude fuffifante ,
non pas la limple poffibilité ni la fimple
probabilité des chofes , mais leur Vérité
ou tout au moins leur grande Vraifem-
blance. Cette même Théologie étant
toujours attachée à la Révélation , foit
pour lui prêter du fecours , foit pour lui
en demander, le titre de Théologie PU-
REMENT naturelle ne fauroit jamais
bien lui convenir.
Celle qui mérite ce titre ( s'il y en a
une ) c'eft celle que les Partifans de la Né-
ceffité d'une Révélation ne fauroient ad-
mettre fans renoncer à leurs principes.
C'eft celle qui indépendamment de toute
Révélation ou Infiruclion divine , prouve-
ra les quatre Propofitions fondamentale-
ment néceilaires à la Religion, par des
Démonflratîons où il n'entre rien qui ne
foit tiré d'une fcience purem.ent humaine:
Tien qui ne foit évident ou démontré
pour d^s Philofophes qui n'auroient au-
cune
Juillet, Août et Septemb. i?39. 30^
cune idée d'une Révélation : rien qui pour
être admis , exige la moindre déférence
pour l'autorité de qui que ce foit: rien
par conféquent qui ne puifTe être nié en
bonne Logique & fans fcandale par un
Chrétien même > û on ne le confîdère
que comme Juge de la Difpute, & s'il
trouve que la Connoiflance ou la Certi-
tude de ce que le Déïile voudra faire ad-
mettre à TAthée , dépende diredemenc
ou indiredlement d'une Révélation, c'eft-
à-dire d'une Parole de Dieu, ou de quel-
que Déclaration verbale de fa part , tranf-
mife jufqu'à nous par la Tradition , foie
orale, foit écrite.
Une Théologie qui fe fonde fur la Ré-
vélation, peut fort bien, fans fe contre-
dire , exiger à certains égards une Croyan-
ce implicite, un acquiefcement ou obéif-
fance de foi, & cela de la part des Savans
non moins que de la part du Peuple. Une
Théologie qui veut être indépendante de
toute Révélation proprement ainfi nom-
mée, ne peut exiger une Croyance im-
plicite en rien ni de la part de qui que
ce foit. La première a droit de montrer
les chofes dans leur Repréfentation telle
que nous l'offre un Témoignage plus qu'hu-
main , & dans la Copie de cette re-
préfentation, telle que nous roflTc lai
Tradition orale ou écrite. La féconde
efl obligée de nous montrer les chofes ,
non dans une repréienratlon quelconque ,
% 2 mais
310 Bibliothèque Britannique,
mais en elles mêmes. C'efl là propre-
ment ce qui la caradiérife , ce qui déter-
mine quelle doit être la forme d'une
Théologie purement naturelle. Enco-
re pourroit on dire que ce n'eft pas
tout.
SectionIX.
LES Théologiens penfent généralement
que pour être bien prouvées les Véritez
théologiques n'ont pas befoin de l'être par
des Démonftrations fi faciles ou tellement
à la portée de tout le Monde,. que la
Perfonne la moins lettrée, la moins faite
à l'étude, foit capable de les aprofondir
fans peine, ou de faifir d'abord, moyen-
nant quelque attention, tout ce qu'elles
ont de folide & de concluant. Ils pen-
fent qu'un fentiment confus de la force
des démonftrations peut fuffire en cas de
néceiïité : (Se que la Croyance aumoins
du Peuple ou de la Multitude, qui eft
communément dans ce cas, peut paffer
pour très-raifonable quoiqu'elle admette
bien des chofes implicitement fur la foi
des Savans qui ont approfondi les matiè-
res. Si les Théologiens Chrétiens ne s'en
tiennent pas tous aux mêmes termes fur
la nécefllté de fe contenter d'une Croyan-
ce implicite, ils ne laiflent pas de s'ac-
corder dans le fonds, ou la différence
entr'eux à cet égard n'eft que du plus
au
Juillet, Août et Septemb. 1739. 311
au moins. Mais toute Croyance implici-
te, fi j'ai bien compris mon Auteur, efl
précifément ce qu'il nomme une Croyan-
ce méchanique o\x artificielle : Sur quoi l'on
peut confulter fon Livre aux pages 432 ,
433, & conférer les pages 416, 417,
41B.
Or cette exprefllon que dit elle? Si
nous ne la confidérions qu'en elle même ,
elle feroit fufceptible, fans doute, d'un
fens très-favorable. Une Croyance natu-
relle , qui embrafTe naturellement tout le
détail des Preuves de la Théologie , en
vertu d'une connoiflance claire*& diftinc-
te de tout ce détail , ou en vertu de la
néceffité naturelle qu'il y a à admettre
comme vrai tout ce que l'on connoît clai-
rement &diflin6tement; une telle Croyan-
ce eil préférable , fans contredit, à une
Croyance artificielle, qui ne pouvant pas
embralTer tout ce détail naturellement,
en embraflTe une partie par une efpèce
diArtow de Méchanifme, le quel ne vienE
au fecours de la Nature que lorfque la
Nature n'efl: pas alTez parfaite. Mais de
ce que la Croyance naturelle efl préféra-
ble à l'artificieile, il ne s'enfuit nullement
que la première doive exclure toujours
la féconde, ni que celle ci foit toujours
vicieufe ou déraifonable. Car en fait
de Religion, comme de toute autre chô-
fe , la Nature elle même nous fournit
des raifons en faveur de l'Art: la Nature
X 3 elle
3Î2 Bibliothèque Britannique,
elle même nous Tenfeigne & nous invite
à le mettre en ufage : la Nature elle mê-
me nous en préfente les matériaux: Et
qu'eft ce que l'Art, ap^-ès-tout, fi-non la
Nature elle même habilement employée?
Ne nous imaginons donc pas que Croyan-
ce artificielle (bit abfolument une injure:
Mais remarquons bien que c'en efl une
dans le ûile de notre Auteur. Il ne par-
le d'une Croyance artificielle que comme
d'une Difpofition ridicule, mcprifable &
pernicieufè. Il ne l'attribue aux Difciples
des Théologiens ordinaires que pour leur
en faire îionte , & comme pour nous
infpirer des fentimens de révolte contre
îios Dccleurs , contre nos Prêtres, Arti-
fans artificieux de cette Croyance arti-
ficielle ou implicite qui nous fera toujours
cécellaire tant que nous recevrons d'eux
des Syftêmes de Théologie pleins de
Preuves qu'il faut favoir prendre pour
bonnes fans en connoître le fonds. Si
aprts cela il s'avifoit de ne nous donner
à fon tour qu'une Théologie dont les
preuves, trop compliquées ou trop diffi-
ciles pour le commun des Efprits, les
réduififlent de nouveau, ou à n'avoir au-
cune Croyance, ou à croire quelque cho-
fe implicitement, la contradiction feroic
fi grofTière qu'il n'y auroit perfone qui
ne dût être tenté de lui dire : Ou vous
vous oubliez bien étrangement mus même, ou
'VOUS z'ous mcquez du Monde bien hardiment,
II
Juillet , Août et Septemb. 1739. 313
Il a trop d'efprit pour n'avoir pas
preflenti cela. Aufîî a-t-il tâché de le
prévenir. Aumoins nous donne-t-il afîez
a entendre que les preuves de fa Théolo-
gie feront exemptes de toute difficulté:
que ce fera la clarté & la fimplicité mê-
me. Les Principes de cette divine SageJJe ou
Science y dit-il, ne font point de nature à de-
voir être cherchez loin de nous, ils ne font
point abjîrus, ils ne font point du tout
DIFFICILES, ils font diL niveau de ce de-
gré d'intelligence qui ejt le partage du Genre
humain en général : âf réîude de cette Scien-
ce n^exige aifolument autre chofe des hommes
qu'une attention defint^rejjée à ce qui leur fe-
ra diàé par leur propre Raifon. C*eft ainli
que l'Auteur lui même s'en explique, à
la page 418. A quoi l'on peut raporter
ce qu'il avance aux pages 94, & 442:
d'OLi il fera impoffible de ne pas conclur-
re, que de fon aveu, fa Théologie doit
être toute fondée fur des preuves iî faci-
les & fi proportionées à la capacité de
tout le Monde , que perfonne ne puiffe entre-
prendre de la corrompre ou de V altérer , fans
que Vimpojiure fe découTjre d'abord par le
Sens-commun, par cette Raifon qui eft commu-
ne à tous les hommes, 11 faut en un mot
que fa Théologie foit naturelle , entant que
Naturel fignifîe ce qui eft aifé, (impie,
dégagé de tout embarras. Le Théolo-
gien chargé des armes ordinaires de la
Théologie, eft un Soldat armé péfam-
X 4 mène»
314 Bibliothèque Britannique,
ment. Le Théologien écjuippé par notre
Philofophe fera un Soldat armé à la lé-
gère. Lèvis armaturœ Miles. J'avoue qu'il
infinue quelquefois le contran-e, puifqu'à
la page 417, & à la page 433, il repré-
fence la Croyance implicite ou la Théo-
logie ordinaire comme la plus commode,
& fa Croyance ou fa Théologie naturel-
le comme celle qui donne le plus d'exer-
cice à TEfprit: Mais foit qu'alors il par-
le tout de bon ou prétende feulement
faire le Railleur, & foit qu'il ait voulu
dire ce que fes paroles femblent lignifier
ou qu'il ait eu quelque autre chofe en
vue; fes infinuations dans ces deux en-
droits ne fauroient renverfer ce que dans
les autres paflages citez il écablit en ter-
mes fi forts, au fujet de l'extrême fim-
plicité ou facilité qui doit erre un des ca-
ladères difi;inftifs de fa Théologie; Et
en vérité il auroit mauvaife grâce de s'en
dédire.
Quand les Partifans de la Révélation
nous difent : Un Dieu a parlé ^ Von a en-
tendu les Jons articulez de fci 'voix : // a opé-
ré des miracles (j" on les a 'vus ce feul
énoncé a quelque chofe de fi engageant
& de fi refpeftable, que quelques efforts
d'attention qu'il puifiTe m'en coûter peur
approfondir un fait de cette Nature,
pour en connoître le détail, & pour m'en
afiTurer , je ne m'imaginerai jamais pou-
voir acheter ce plaifir par de trop grands
ef-
Juillet, Août et Sf.pte^td, 1739. 315
efforts d'attention , ne fufTé-je qu'un pau-
vre Laboureur. Mais quand un homme
qui fe moque de toute Révélation pro-
prement ainfi nommée , ou qui du moins
fait profeflion de ne s'en point embaraf^
fer, viendra dire à un Peuple que je fup-
pofe fans Religion: Ecoutez: J^ai deviné
qu'il y a un Dieu : J^ai déxiné ce qu'il penfe
de nous: jf^ai deviné que ce Dieu^ qui na
jamais rien dit aux bovimes , qui n'a jamais
daigné fe montrer à eux , quoique ce fût pour
lui la chofe du Monde la plus facile , a cepen-
dant de grands dcffeins Jur eux : J'ai deviné
que malgré l'infinie di/proportion que je dois
I Joupçonner entre fa Nature ^ la nôtre , il
sHntéreffe à nos penfées , à nos aSlions , à nos
fentimens , comme fi nous étions prefque fes
Egaux : J'ai deviné exaàejnent ce qu'il exi-
ge de nous 6f ce qu'il nous deJUne: J'ai de-
viné tout cela , àf 7^ veux vous prouver que
j'ai bien deviné , infailliblement deviné
Quelque attention que ce difcours méri-
te, j] n'y aura perîonne qui ne foit en
droit de dire au Difcoureur: ,, Que vos
,, raifonnemens foient donc bien courts,
,, que tout y foit bien clair & bien net,
„ bien limple & bien familier. Nous
„ avons nos affaires. Nous ne femmes
i9 point obligez de nous fatiguer à vous
„ fuivre, fur votre parole, dans un Dif-
„ cours dont le fujet femble annoncer des
„ Méditations trop valies & trop fubli-
o mes pour l'Efprit humain. S'il y a
X 5 ,, réel-
3I(5BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
„ réellement un Dieu , &: que comme
„ vous le fuppofez , il n'ait jamais rien
,5 dit aux hommes de tout ce que vous
„ prétendez avoir deviné , c'efl aflurément,
„ ou parcequ'il nous difpenfe bien vo-
5^ lontiers de le favoir, ou parceque nous
,, fommes capables de nous en inftruire
„ nous mêmes très-facilement. Ou dif-
„ penfez nous à votre tour de Taprendre :
,, ou montrez nous en peu de paroles par
„ la Simplicité de vos preuves , par leur
,, FACILITE', que c'eft uniquement
„ notre faute fi nous n'avons pas deviné
s, comme vous. ^<
J'avoue au refte que cette condition
n'eil véritablement néceflaire que d'une
néceffîté relative à la Multitude , ou rela-
tive pour le plus à ceux d'entre les Savans
comme d'entre le Peuple , qui veulent
fe prévaloir de la liberté qu'ils ont très
légitimement de ne fe point embarafler
de^s méditations abftrufes des Philofophes :
& que cette même condition n'étant point
néceflaire pour les Efprits qui fe plaifent
à de femblables Méditations & qui en
font capables, il y aura aumoins par ra-
port à eux une jThéologie purement na-
turelle, fi de quelque manière que cefoit,
il y en a une parmi les hommes qui ait
été démontrée. Mais une pareille Théo-
logie oli eft elle ? Efl elle dans le Livre
de notre Auteur ? C'eft là la grande Quef-
eion. Tout ce que j'ai dit jufqu'à pré-
fent
Juillet, Août et Septemb, 1739. 317
fent n'a été que pour l'éclaircir. Ce qui
fuit fervira peut-être à la décider-, 6c
pourra fervir du moins à en préparer en-
• core mieux la décilîon.
Section X,
NOTRE Auteur a eu Téquité C car je
ne veux- pas dire l'inadvertence ) de met-
tre dans la bouche de Tlnterlocuteur Théo-
pbane , Partifan de la Théologie révélée ,
une Réflexion à la quelle il efl vrai que
•ni Théophane lui même, ni fon Antago-
nifte Philalètbe , ne paroiflent pas fa'ire
grande attention; mais qui mérftoit bien
cependant de n'être point négligée, & qui
efl efTentielle , ce me femble , dans l'exa-
men de la (^ueflion qui nous occupe.
Cette Réflexion eft, qu'il y a deux fortes
de Véritez: des Véritez naturelles & des
Véritez pofitives: ou en autres termes
des Véritez de Droit & des Véritez de
Fait : * ou en autres termes encore , qui
feront peut-être mieux comprendre la
penfée de Théophane, des Véritez fpé-
culaîives & des Véritez bijloriques: Deux
fortes de Véritez qui ne doivent point
être confondues, & dont la Croyance
ou la Perfuafion s'acquiert de deux ma-
nières différentes : la Croyance ou la per-
fua-
* Natural and pofitii'e Trutb ^ or Tmîh in
Renjon , and Trutb in Fa^. p. 344.
3r8BinLioTHEQUE Britannique,
fuafion des premières ne dépendant né-
cefTairement que de l'atrenrion de notre
Efprit à l'évidence ou à la démonflracion
des chofes mêmes: (Se celle des fécondes
dépendant nécefîairement du Témoigna-
ge, foit dired ou indiredt, de quelcun
qui nous les annonce , qui nous les dé-
clare , qui nous les révèle, qui nous les
communique di »eâ:ement ou indirectement
par le moyen de la Parole. Les premiè-
res peuvent bien nous être communiquées
par le même moyen, mais elles n'en dé-
pendent pas, ce elies ont toujours ceci de
propre qu'elle^^ font de nature à pouvoir
être connues fans ce fecours , à pouvoir
être devinées, à pouvoir être découver-
tes par le moyen de la Spéculation : &
c'eft pourquoi je les apelle des Véri-
tez Spéculatives: Au lieu que les fécondes
nous demeureroient éternellement incon-
nues , ou ne nous feroient jamais con-
nues avec certitude, fi perfonne ne nous
en difoit jamais rien, tellement qu'elles
font de la même nature que toutes les
Véritez de fait que l'on ç:?i réduit à apren-
dre par l'hidoire: & c'eft pourquoi je les
apelle des Véritez biflcriques. Telles font ,
par exemple, toures les Véritez qui ré-
pondent à certaines queftions perfonel-
les, comme lorfque je demande à quel-
cun ce qu'il penfe? quels font fes pro-
jets? quel intérêt il prend en ce qui me
regarde? quel cft fon fecret? Tout ce
qu'il
Juillet, Août et Séptemb. 1739. 319
qu'il répondra de vrai à ces queflions fera
une Vérité de fait, une Vérité hiftorique.
Ses réponfes feront Phiftoire de ce qui fe
palTe dans fon âme , ^ une hiiloire que
perfonne n'auroit jamais fçue, que per-
fonne aumoins n'auroit jamais été fur de
favoir , s'il ne l'eût jamais faite à per-
fonne. Telles font encore toutes les
Véritez qui répondent à certaines quef-
tions , foit fur i'exiftence des chofes que
je conçois qui peuvent être & que je con-
çois auffi qui peuvent n'être pas , comme
lorfque je demande à un Voyageur fi dans
une Nation qu'il vient de découvrir, il y
a un Roi : Soit fur Torigine des chofes
dont il me paroft que Forigine peut être
également bien expliquée par des hypo-
thèfes différentes , comme lorfque je de-
mande à ce même Voyageur û certaines
curiofitez qu'il a aporteés de fon Voyage
& qui font toutes nouvelles pour moi ,
font une production de la Nature ou un
effet de l'Art de quelque Ouvrier. La
Diftindion de Théopbane , comme on voit,
eft très philofophiaue : & aulTi ell elle
aprouvée par PhUalètbe. Aplicons la donc
avec confiance au Sujet que nous avons
en main. Si les quatre Proportions fans
les quelles il n'y a point de Religion, font
autant de Véritez , comme on a vu que
notre Philofophe doit le prouver, ces
quatre Véritez de quel ordre font elles ?
Sont
320 Bibliothèque Britannique,
Sont ce des Véritez naturelles ou des Vé-
ritez p'>/îtives ? Sont -ce des Véritez de
Droit ou des Véritez de Fait ? Sont -ce
des Véritez fpéculatives ou des Véritez bift(h
riques ?
I. Il y a un Dieu, C'eft la première des
quatre Propoûtions fondamentales.
II. Dieu efl un Etre aimable : C'efl la fé-
conde Propofition.
IPI. Dieu veut nous juger fur une Loi qui
fait dépendre de notre amour pour lui tout le
Syjiême de notre bonheur. C'elt la troifième
Propofition.
IV. Il 'veut fîéanmoins nous juger en Juge'
équitable^ indulgent & miféricor dieux, C'efl
la quatrième.
Si ces quatre Propofitions étoient re-
connues pour des Véritez bijloriques dont
la croyance dépendît d'un Témoignage , qui
dans le cas préfent ne pourroit certaine-
inent venir que de Dieu; comme par cela
m^me on ne reconoîtroit la néceffité de
la Révélation , il faudroit aflurément re-
connoître aulîî que la Théologie de notre
Auteur , que cette Théologie purement
naturelle où il voudroit nous réduire , eft
un SyPiême en l 'air , un vain Météore ,
toujours prêt à fe diiïbudre- & à faire re-
tomber avec lui fur la Terre les Dupes qui
pour aller au Ciel fe feront fiez à un tel
Véhicule. Mais comme on pouroit con-
clure delà que le Philofophe honnête hom-
me
Juillet, Août et Septeivib. 1739. 321
me donne lui même dans un Enthoufiafme
& dans un Charlatanifme qu'il méprife en
autrui, n'en venons làj qu'après mûre dé-
libération , & n'y venons point du tout s'il
eft pofTible.
Outre les Véritez hifloriques & les fpé-
culatives , il y en a d'une troifième éfpè-
ce , qui ne font ni fpéculatwes , ni hiflori-
ques : Ce font les Véritez de fentiment :
ces véritez que l'Efprit connoît fans aucun
effort , & qu'aucun effort ne fauroit lui
rendre douteufes. Je penfe. Je vois ^ J'en-
tends , J'aperçois , Je fens , Je doute , vkc. :
Voilà des Véritez qui par raport à moi
ne dépendent ni d'aucune Spéculation , ni
d'aucun témoignage hiftorique : Et tout
homme connoît des Véritez qui par ra-
port à lui font précifément de la même
nature que celles-là par rapport à moi.
Notre Philofophe, par hazard, voudroit
il foutenir que de cet ordre font aufîi les
Véritez fondamentales qu'il doit prouver?
Mais les véritez de cet ordre ne fe prou-
vent point du tout» D'ailleurs elles n'ont
jamais befoin d'êtres prouvées. Perfonne
ne les a jamais férieufement ou véritable-
ment révoquées en doute , ni ne fauroit
le faire. Il en eft tout autrement des Vé-
ritez fondamentales de la Religion. L'Au-
teur aura beau dire , que de pareilles Véri-
tez doivent être faciles à prouver. Car fans
examiner à préfent s'il ne s'eft point dé-
m.enti
522 Bibliothèque Britannique,
menti lui même là deflus, dans fa Diflercation
fur la Prière , par Fétalage des diffiçnltez des
Athées, & par Tembaras de fes Réponfes;
il y aura toujours une différence fpécifi-
que encre des Véritez qui fe prouvent fa-
cilement 5 6c des Véritez qui ne fe prou-
vent point. Il fera donc obligé d'en re-
venir à l'alternative propofée indirefte-
ment par fon Théophane. Ou il avoûra
que les Véritez fondamentales de la Re-
ligion font des Véritez hiftoriques dont la
preuve doit fe tirer de Vautorité d'une Ré-
vélation divine: Ou il les prouvera com-
me Véritez fpéculatives par voye de Dé-
monftrations. Le premier Parti ne lui
convient pas. Il prendra donc le fécond:
Et il a eu foin de nous en avertir lui mê-
me aflez clairement; Ce qu'il y a de certain
félon moi , dit il , c^eft qiie VExiftence de Dieu ,
c'eft que fes 'Perfections morales , c^efi que
les Relations naturelles de V Homme à Dieu en
qualité de Créature raifonnable fur la quelle
Dieu exerce une Jurifdiàion morale , ne fau-
ro'ent dépendre , ni de la Férité ou de la fauf
fêté d'aucun Fait bijlorique , «i de la vérité
ou de II faujfeté de nos jugemens fur aucun fait
de cette nature : Car ces jugemens eux mêmes
continue-t-il , dépendroient de tant de circon^
Jiances incertaines ^ de tant de confîdérations
propres à nous induire en erreur , qu'il fau-
droit dans ce cas - là fuppofer Dieu capable d'a-
voir voulu établir le falut du Genre humain
fur
Juillet, Août et Sêptemb. 1739. 323
fur un fondement très ruineux. Quoique
cela ne foit pas parfaitement bien expri-
mé, cela s'entend aflez dans la liaifon du
difcours, & fignifie indubitablement que
Ja Vérité de l'^xiftence de Dieu , & les
autres Véritez fondamentales qui font ad-
m]fes parle Philofopbe honnête homme,
font des Véritez fpcculacives qui doivent
être prouvées par des moyens toiit-àfaic
indépendans de la Révélation proprement:
ainfi dite ; foit parceque nous n'avons qu'u-
ne Hiiloire très incertaine de cette Révé-
lation ; foie parceque pofé même le cas
d'une Révélation immédiate & permette ^
c'eft à dire actuellement accordée à un
certain Homme 5 elle ne pourroic que pro-
pofer les Véritez à l'examen de la Raifon ,
conformément à une des Règles que no-
tre Auteur a prefcrites dans fa Préface -'^
Tenons aous en à fes idées. Soumettons
nous à fa règle. Oublions pour quelque^s
momens tout ce que nous devons à ïau-
îorité de la Révélation. Faifons abdrac-
tion , Il l'on veut , des Véritez qu'elle
nous a apprifes , ou ne les regardons que
comme des Problêmes ci réfoudre. Eflayons
n.ous fur ceux qui ont été indiquez fous
l.e nom de Véritez fondamentales de la Re-
ligion:
\
* Voyez ci-deffiis, pages i5 & i*^. du Tome
X. A quoi Ton peut ajouter ce que l'Auteur 'l\"
■j. la page 93.
Tome XIII Part. IL Y
324 Bibliothèque Britannique^
ligion : Et fi ce n'eft pas ici le lieu d'exa-
miner toutes les folutions qu'on en a don-
nées ou qu'on pourroit encore en don-
ner , examinons aumoins les folutions
que nous en fournit notre honnête hom-
me de Philofophe. A quoi cela va-t-il
nous mener? C'efl ce qu'on verra dans le
Chapitre fuivant.
[ On eft obligé , faute de place , de renvo^^er
le fécond Chapitre à un autre Juurmd, ]
ARTICLE IV.
Philofophical Tranfa étions, &c. C'eft-
à - dire : Mémoires Philojophiqiies de la
Société Royale de Londres,
Tom. XXXIX , pour les Années
i73f, 1736 m 4^". A Londres 1738,
chez T. Wood ivard , à l'Enfeignedu
CroifTant , entre les deux portes du
Temple dans Fleetftreet ; & Ch. Da-
vis, au coin de Pater -Nofter Row,
proche de Warwick-Lane , Impri-
meurs de la Société Royale.
MR. Mortimer, Membre du Collège
des Médecins à Londres 6l un
des Secrétaires de la Société Roy aie, a dé-
dié ce Volume au célèbre Profefleur
Boerhaave, fous lequel il a étudiée II rc-
mar-
Juillet, Août et Septemb. 1739. gçj»
marque dans fa Dédicace" , que lî ces Mé^
moires fe publioienc au nom de la Société
Royale, la réputation de cet illuftre Corps
fuffiioit pour leur concilier Teftime du pu-
blic. Mais comme ils ne contiennent que
quelques-uns des Ecrits qui ont été lus
dans les AfTembiées de la Société ;, &
que le choix en e(t laifTé à la difcrétion
des deux Secrétaires , l'Editeur devient par-
la rérponfable de ce qu'il publie. Cette
particularité nous a paru digne d'être com-
muniquée à nos Ledeurs; afin que fi cer-
tains Ecrits qu'on fçauroit avoir été com-
muniquez à la Société ne paroiiTent pas»
dans ces rvlémoires , ou fi quelques-uns
de ceux qu'on y trouve ne font pas jugez
tout-à-faic dignes dt lacuriofité du PùbliCg
on n'en rende pas rérponfable le Corps en-
tier de ta Société Royale. 7?'^-hri*
Le premier Cahier de ce Volume, qui
e(tle436. de.tout l'Ouvrage, pour les Mois
do Janvier, Février & Mars 1735, con-
tient les Articles fuivans.
Art. I. Catalogue des cinquante Plantes
du Jardin deCheHéa, préfenté à la Société
Royale par le Corps des Apothicaires pour
l'Année 1735, fiiivant l'établiiTement de
Mr. le Chevalier Sloane, Dodleur en Mé-
decine , Préfident du Collège des Médecins
<Sc de la Société Royale * ; par Ifaac Rand ,
Apo-
* Il a refigné depuis quelque tems la place
de Préfident du Collège des Médecias : c'eit 1^
Doclrur Peilcc qui l'ell à préfent-
1
326B1BL10THEQUE Britannique,
Apothicaire , Membre de la Société Roya-
le , Diredteur du Jardin de Chelfea , & Lec-
teur de Botanique.
ArL IL Catalogue des Eclipfes des Sa-
tellites de Jupiter , pour l'Année 1736 , cal-
culées pour le Méridien de rObfervatoire
Royal de Greenwich , par Jaques H o d g-
s 0 N , Membre de la S. R. & Régent du Col-
leg.e Royal de Mathématiques dans THôpi-
tal de Chrift à Londres.
/irt. IIL Le tems apparent des Immer-
fions & Emerfions des Satellites de Jupi-
ter , telles qu'elles dévoient être vifibles à
Londres en 1736 , avec une Planche qui
repréfente la fîtuation dans laquelle elles
dévoient paroître par rapport à Jupiter.
Par le même.
Art, IV. Obfervations de quelques Eclip-
fes des premiers Satellites de Jupiter, coni«
parées avec les Tables. Par le même.
En comparant, dit Mr. Hodg/on^ 244
Eclipfes du premier Satellite de Jupiter,
obfervées depuis l'an 1677, jufqu'en 1731 ,
,> avec les Tables de Flamftead, corrigées
„ par moi-même, fur lefquelles Tables les
,5 Catalogues'donnez dans les deux Articles
•5, précedens ont été formez, je trouve qu'il
„ y en a 74, qui font près du tiers de tout
•„ le nombre , qui ne diffèrent pas d'une mi-
,f nute du tems marqué dans les Tables ;
„ 127, qui font plus delà moitié, qui n'en
„ diffèrent pas de deux minutes ; 181 , qui
,f font ks deux tiers de tout le nombre, qui
p> ne
39
Juillet, Août et Septemb. 1739. 327
5, ne diffèrent pas de trois minutes du tems
„ marqué dans les Tables ; 214 , qui font
,, les fept huitièmes de tout le nombre,
9, n'en diffèrent pas de quatre minutes ; le
99 refte n'en diffère pas plus de cinq mi-
,, nutes , ou de cinq & demi : ce qui eil:
99 un degré d'exaftitude , qui, félon mon
99 opinion , fuffit pour engager nos Mari-
,9 niers à fe fervir de ces EclipTes pour
99 déterminer les différences de longitude,
99 principalement puifqu'on peut les obfer-
„ ver avec un Telefcope de trois pieds,
„ comme on l'afllire à la page 169 de la
99 Connoijjance des Tems pour cette Année
99 (1735). Si cela eft vrai , j'ofe aflurer
„ qu^une Immerfion ou Emeriion , obfer-
„ vée avec un pareil Telefcope, ne différera
„ pas d'une demi minute du tems qu'on trou-
„ veroit .en l'obfervant avec un des plus
,, grands Telefcopes. En tout cas, ilfuffira
,9 de comparer enfemble les Obfervations de
^9 la même Ecliple faites avec ces deux difté-
„ rens Telefcopes ; ce qui découvrira la dif-
„ férencedu tems, & cette différence une
„ fois découverte, fervira enfuite dérègle
„ confiante pour ajufler les Obfervations.
Art, V. Expériences & Obfcrvntions
fur la Lumière qui efl: produite lorfqu'on
communique une Attraction Eleàrique à
quelques Corps animez ou inanimez, avec
le récit de quelques-uns de fes effets les
plus furprenans. Communiqué à la S. R.
par une Lettre deMonfieur Etienne Gr?ay,
Y '^ M,
528 Bihliotheq\je Britannique,
3M. de la S. R. à Mr. Morîimer ^ Mem-
bre de la S. R. & Doâeur en Médecine.
Cette Lettre efl datée de la Chartreufe à
Londres le 28 de Janvier 1734.
Mr. Gray ayant vu la Lettre de Mr.
!Dufay au Duc de Richmond , inférée dans
3e 43. Cahier de ces Mémoires , a été
charmé, dit -il, non feulement d*appren-
dre que fes découvertes fur l'Eledlricité é-
toient confirmées par le fuffrage d'un Phi-
lofophe fi judi(^ieux ; mais aufli des nou-
velles découvertes de Mr. Dufay, & par-
ticulièrement de celles qu'il a faites fur la
Lumière produite par les Corps Electriques.
C'e(t-ce qui a engagé Mr. Gray à repé cr
les expériences de Mr. DuFay , & à en
faire de nouvelles , dont on nous donné
ici le détail : nous en rapporterons quel-
ques-unes.
En Septembre 1734. Mr. Gray fit faire
trois Verges de Fer , l'une longue de quatre
pieds , les deux autres de trois pieds chacu-
ne : Tune de ces dernières étoit en forme de
Cône vers fes extrêmitez , & finifiToit en
pointe , comme celle de quatre pieds : Tcu-
tre étoit pointue à un bout, & non pas à
l'autre. Toutes ces Verges avoient envi-
ron un demi pouce de diamètre : elles
avoient été premièrement forgées, ai en-
fuite polies avec la lim^e & brunies. Ayant
fufpendu quelqu'une de ces Verges fur des
cordons de foye , à. appliqué un bout du
Tube Eleûrique à l'extrémicé d'une de ce's
' ' ■ • Ver-
Juillet, Août et Septemb» 1739. 329
Verges , non feulement on appercevoit de la
lumière à cette extrémité ; maisonvoyoit
aufli en même tems à Tautre extrémité une
lumière qui s*étendoit en forme de Cône,
dont la pointe étoit tournée vers cette ex-
trémité : il paroilToit diftindtement que cette
lumière étoit compofée de rayons , qui al-
loient en divergeant; au moment qu'on la
voit, on entend un petit fifïlement.
Si , au lieu de fufpendre ces Verges fur
des cordons de foye , on les met fur le
bord d'un Cylindre de verre creux & bien
échauffé , ou fur des gâteaux de Poix-
refme, & de Cire jaune, ou de Soufre, on
apperçoit les mêmes phénomènes que lorf-
que ces Verges fontfufpenduës fur des cor-
dons de foye.
Mais Mr. Gray apperçut un autre phé-
nomène qui lui parut bien furprenant. Ôelt
qu'après que la lumière eût difparu , &
qu'il fe fût placé à l'extrémité de la Verge
oppofée à celle à laquelle le Tube Eleélri-
que avoit été appliqué, en tenant la main
a quelque diilance de la pointe de la Ver-
ge, & la remuant vers cette pointe aflez
rapidement, il en fortit un Cône de lumiè-
re , de même que lorfqu'on appliquoit
le Tube à l'extrémité oppofée. En repé-
tant ce mouvement de fa main , le même
phénomène parut cinq ou fix fois de fuite,
mais les Rayons de lumière devenoient à
chaque fois plus courts: cette lumière eft
aufli accompagnée d'un petit fifflement.
Y I Lorf-
33Û BrELIOTHEQUEBRITANNîQUF,
Lorfqu^on met deux ou trois de ces
Verges à la fuite les unes des autres , foit
en Jigne droite , foit qu'elles forment un
angle quelconque, qu'elles fc touchent ou
qu'elles foient à une petite diftance les
unes des autres ; 11 on applique le Tube Elec-
trique à l'extrémité de l'une de ces Ver-
ges , on appcrçoit à l'autre bout de la plus
éloignée , les mêmes phénomènes qu'on
appercevroit fi l'expérience fe faifoit avec
une feule Verge.
En approchai t la main ou la joue de
rextrêmité qui produit la lumière , on fenc
une douleur, comme celle que cauferoient
des étincelles de feu.
Mr. Gray fit forger une Boule de fer
de deux pouces de diamètre , qu'il fie
enfaire façonner au tour & polir : il la
pofd fur un foutien de bois , & ce foutien
fur un verre cylindrique. Le Tube Elec-
trique étant appliqué proche de la Boule,
on en vit forcir des rayons de lumière ac-
compagnez d'un fifflemenc : en mettant la
joué ou le doigt proche delà Boule, on ne
léntit aucune douleur, quoique la lumière
fût fort vive.
Ayant poié la Verge qui avoit quatre
pieds de long fur un foutien de bois fait
en form.e de T, dont la barre fupérieure
avoit une rainure pour tenir la Verge en
état, & ayant mis le tout fur le verre cy-
lindrique , de manière qu'une des pointes de
ia barre touchoic la boule vis-à-vis de fon
cen»
Juillet, Août et Septemb. 1739. 331
centre , & appliqué enfuite le Tube Elec-
trique à l'autre extrémité de la barre, on
entendit proche de la Boule un plus
grand bruit que de coutume, & lorfqu^on
en approchoit la main ou la joue , la
douleur qu'on fentoit , étoit plus forte qu'à
l'ordinaire , la lumière étoit auffî plus vive
& plus concentrée. Lorfque la pointe
de la Verge étoit éloignée d'un pouce de
la Boule , non feulement on appercevoit
de la lumière fur la Eoule , mais on voyoic
auffî fortir des Rayons de la pointe de la
barre, comme lorfque l'expérience avoit
été faite avec la barre feule.
Mr. Gray fit une autre expérience avec
une Plaque de cuivre de quatre pieds en
quarré , qu'il mit perpendiculairement fur
tm foutien , lequel il pofa fur le verre cy-
lindrique: enfuite ayant placé la Barre de
fer de manière qu'une de fes pointes étoic
éloignée du centre de la Plaque de cui-
vre environ d'un pouce, il appliqua lel'ube
Eledtrique à l'autre extrémité de la Barre;
puis donnant un petit coup avec le doigc
au dos de la Plaque , on vit de la lu-
mière de l'autre côté; il fortit en même
tems des rayons de la pointe de la Barre ;
iSc en approchant la main ou la joue d'un
des angles de la Plaque de cuivre , il en
•fortit de la lumière , accompagnée d'un pe-
tit fifflement , & onfentit lelnôrae picot-
tement que dans les expériences faites avec
les Verges pointues.
Y 5 Avant
332 Bibliothèque Britannique,
Ayant mis une Afliéte d'étain fur un fou-
tien, pofé fur le verre cylindrique, &
appliqué premièrement le Tube Electrique,
& enfuice le doigt , à cette Affiéte , on y ap-
perçût de la lumière , & on fentit fon
doigt repouiïë. En approchant la joue du
bord deTAfliéte, on entendit un petit bruit
ou éclat *, mais non pas û grand que lorf-
qu'on faifoit l'expérience avec les Verges
de fer. Ayant rempli d'eau l'AfTiéte d'é-
tain , on apperçut précifément les mêmes
phénomènes. Lorsqu'on fait cette expé-
rience en plein jour, & qu'on approche
le doigt de la furface de l'eau , elle forme
en cet endroit-là une petite élévation , &
s'applanit de nouveau, au moment qu'on
entend le petit bruit ou éclat.
Si on fait la même expérience avec une
Affiéte de bois qui foit vuide, on apper-
çoit bien de la lumière, mais on ne fent
point que le doigt foit repoufle , & on n'en-
tend point de bruit. Mais lorfque l'Affiéte
efl remplie d'eau, & qu'on tient le Tube
Electrique audelTus de la furface de l'eau,
on apperçoit une lumière plus vive, miais
on n'entend point encore de bruit , juf-
Ques' à ce qu'après avoir bien frotté le
Tube, on le mette à deux ou trois pou-
ces du doigt qu'on tient proche de la fur-
face de l'eau ; alors on fent que le doigt efl
repouITé, & on entend le même bruit
que
*■ A Snapping.
ir
Juillet, Août et Septemc. 1739. 333
que lorfqu'on fait rexpérience avec une
Affiéce d'étain. .
Il paroîc par ces Expériences, dit Mr.
Gray^ que par le moyen de i'hleftricité
communicative on peut produire une flam-
me réelle , accompagnée û'explojîon , & d'u-
ne ébuliition dans de l'eau froide; & quoi-
qu'on n'aye encore que très-peu d'expérien-
ces fur ce fujec, il efl: probable qu'avec
le tems on en fera un plus grand nombre,
& qu'on trouvera moyen d'augmenter la
force de ce Feu éledrrque, qui (s'il efl
permis de comparer les petites chofes aux
grandes) femble, par plufieurs expérien-
ces , être de la même nature que celui des
Eclairs & de la Foudre.
On trouve encore dans le Cahier 439,
yirt. VI une autre Lettre de Mr. G;<ay
fur VElectricité, Il employa des Vierges
de bois , de la même forme que celles de
fer dont nous venons de parler , ô: fit fes
expériences de la même manière. La lu-
mière ne fut pas fi vive, & ne s*étendit pas
fi loin, que lorfqu'il fit ïqs expériences
avec des Verges de fer; la forme de la
lumière étoit cylindrique, au lieu d'être
conique, & en approchant la main ou la
joue de ces Verges de bois , on ne fcntoic
aucun picottement. Ces Verges étoienc
faites de bois de Sapin, de Frêne & de
Houx. Mr. Gray en fie faire quelques-
-unes beaucoup plus grofies à un bout qu'à
l'autre ; alors on fencoit un petit picotte-
menç
334 Bibliothèque Britannique,
ment en approchant la joue de Textrêmi-
té de la Verge, mais la douleur qu'il
caufoit n'étoit pas à beaucoup près fi for-
te, que lorfqu'on ftifoit l'expérience
avec les Verges de fer.
Ayant fait faire des Cordeaux de laine
filée, les uns bleus, oc les autres de cou-
leur écar latte : Mr. Gray fufpendit un
jeune garçon d'abord fur les premières ,
ù. trouva que les effets étoient précife-
ment les mêmes que lorfque le garçon
étoit rafpendu fur des Cordeaux de foye
de la même couleur. Mais l'ayant fufpen-
da fur les Cordeaux de laine de couleur
écarlatte, on n'apperçat aucun effet de
l'FJeftricité.
Il y a dans ce même Mémoire quelques
autres particularitez fur l'Eledricicé , mais
elles ne nous paroiffent pas affez remar-
quables pour les rapporter ici.
Enfin dans le Cahier 444. Art. VIII. Mr.
Mortimer nous fait le récit de quelques
nouvelles expériences que Mr. GRAYavoic
deffein de communiquer à la Société Roya-
le; ce que fa mort prématurée l'a empê-
ché de faire. 1'
Première Expérience. Prenez un petit Glo-
be de fer d'un pouce ou d'un pouce &
demi de diamètre, pofez-le fur un gâ-
teau de Refine d'environ fept ou huit pou-
ces de diamètre ; ayant premièrement ren-
du ce gâteau Eledtrique , en le frottant dou-
cement, ou en le chauffant légèrement de-
vant
Juillet, Août et Septemb. 1739. 335
vant le feu: puis attachez un corps très-lé-
ger , comme par exemple un morceau de liè-
ge , à un fil fort délié, & tenez le fil
fufpendu avec le doigt & le pouce, de ma-
nière que le corps léger foie fufpendu
immédiatement au défais du Globe, &
réponde à fon centre ; vous verrez que ce
corps léger commencera de lui-même à fe
mouvoir autour du Globe de fer, de
rOuefl à l'Eft, fuivant que les Planètes fe
meuvent autour du Soleil. Si le gâteau
de Refine eft circulaire, & que le Globe
de fer foit placé exaftement au centre, le
corps léger décrira un cercle autour da
Globe: mais fi le Globe eft placé à quelque
diflance du centre, le corps léger décrira
une courbe elliptique, dont l'excentricité
fera égale à la didance où le Globe eitdu
centre du gâteau.
Si le gâteau efl elliptique, & le Globe
placé au centre de Tellipfe, l'orbite du corps
léger fera une ellipfe , dont l'excentricité
fera égale à celle de la forme du gâteau.
Si le Globe eft placé dans un des foyers,
ou proche d'un des foyers de rellipfe du
gâteau, le corps léger fe mouvra plus vi-
te dans ce qu'on peut appeller V Apogée de
fon orbite, quedaes le Périgée; ce qui efl
le contraire de ce qu'on obferve dans les
Planètes.
Seconde Expérience. Prenez le même Glo-
be de fer, & l'ayant fixé fur un piédeftal
du même métal d'environ un pouce de
h au-
33<5BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE »
hauteur, pofez ce piédeftal fur une table,
au milieu d'un cercle de verre, ou d'une
portion de verre cylindrique creux, d'en-
viron iepc pouces de diamètre, & de deux
on trois pouces de hauteur. Il faut que
ce cercle ait premièrement été échauffé en
îe frottant légèrement; puis tenez un corps
léger fufpendu , comme dans la première
expérience, & il commencera de lui-mê-
me à fe mouvoir autour du Globe de fer,
de rOuelt à TEfl, décrivant un cercle, (1
le cercle de verre efb d'une figure exac-
tement circulaire, & que le Globe foie
placé au centre; ou une courbe ellipti-
que, au cas que le Globe ne foit pas au
centre ; & l'excentricité de cette courbe
fera égale à la dillance oii le Globe cil du
centre du cercle.
Tnifihne Expérience Le même Globe de
fer étant placé Amplement fur une table,
fans le gâteau de Refine , ni le cercle de
verre, le corps léger fufpendu au delTus
fera les m.êmes révolutions que dans les
expériences précédentes ; mais il fe mouvra
plus lentement, & plus proche duGîobe.
]\îr. A/or^'7;2é?r nous dit, que Mr. Gray
prétendoic pouvoir rendre raifon de ces
expériences par le phénomène fuivant , qui
eft allez fingulier, & dont il éroit afluré,
l'ayant fouvent obfervé. Lorfqu'un hom-
me pofe fes coudes fur fes genoux , &
tient Tes mains à une petite diitance l'une
de l'autre, elles s'approchent peu-à-peu
Tune
Juillet, Août et Septemb. 1739. 337
Tune de l'autre, & s'éloignent enfuite,
fans aucun concours de fa volonté. On
ne voit pas quel rapport ce phénomène ,
s'ileft réel , peut avoir avec les expérien-
ces que nous venons de rapporter , ni
comment il peut fervir à les expliquer.
y^rt. VI. Lettre de Mr. Bruikenkidge au
Doùeiir Hoadly, contenant une Métho-
de générale de décrire les Lignes courbes
par finterfedtion de plufieurs lignes droi-
tes qui fe meuvent autour de quelques
points fixes dans un pian donné. Nous
avons expliqué cette Méthode dans un de
nos Journaux précedens, ainfi upus nous
contenterons de remarquer, que Mr. Bmi-
kenridge la rend ci un peu plus générale.
Nous dirons aufri,qu'il s'efl élevé à cette oc-
cafion une difpute entre lui & Mr. Alac-
Laurin^ Profefleur de Mathématiques à E-
dimbourg & Membre de la S. R. ces
Meflieurs prétendant tous deux à la gloire
de l'invention. Nous pourrons parler une
autre fois de cette Difpute.
Jn, VIL Extrait d'une Lettre de Mr.
Geoffroy , Chymifte, Membre de l'Acadé-
mie Royale des Sciences à Paris & de la
Société Royale de Londres , à Mr. le
Chevalier Hans Sloane, Préfident de la S.
R. touchant le Sal Polychrejltis Rupellenjh
de Mr. Seignette, & touchant quelques
autres Sels Chymiques ; datée de Paris
le 4. Mai 1732.
No, 437. Art. L Defcription d'un In-
flru-
338 Bibliothèque Britannique,
ftrument, ou d'une Machine deflinée à
changer en peu de tems l'air dans la cham-
bre des malades , foie en en cirant l'air in-
fedlé , foit en y introduifant de nouvel air,
ou en faifant l'un & l'autre fuccelTivement,
fans ouvrir les portes ni les fenêtres.
Mr. Defaguliers , Inventeur de cette Ma-
chine , en fit voir à la Société Royale le
13. Juin 1734. un modèle, fait fur une E-
chelle d'un pouce par pied , & il nous en
donne ici la figure, <5c décric la manière
de s'en fervir.
Art. II. Supputation de la Vélocité de
FAir, mû par les Souflets centrifuges * in-
ventez depuis peu, qui ont fept pieds de
diamètre & un pied d'épailTeur en de-
dans , & qu'un feul homme peut faire mou-
voir avec très-peu de peine, de manière
qu'ils achèveront deux révolutions dans
chaque féconde. Par Mr. Desagoliers ,
Membre de la S. R.
Art. III. Lettre du même à Mr. Crom-
<ivell Mortimer^ où il décrit les ufages des
Souflets centrifuges; datée du 23. Février
Il y a une de ces Machines fixée dans
la Chambre qui eft au deflus de celle ou
s'aflemblent les Députez des Communes.
Cette Machine fert à emporter la fumée
que
* C'efl la Machine dont il eft fait menticn
d^i^s TArtick précèdent.
1
Juillet, Août et Septemb. 1739. 33^
que produifenc les chandelles , & la va-
peur caufée par l'haleine lorfque Taf-
1-embIée eil nombreufe, <Sc qu'il fait chaud;
comme aufïï à introduire de nouvel air
par toute la chambre.
Cette machine peut auffî être d'ufage
dans les vaifleaux de guerre, pour re-
nouveller & rafraîchir Pair entre deux
ponts en très -peu de tems; elle peut de
même fervir très -utilement dans les mi-
nes , pour en tirer les vapeurs nuifibles ,
& pour y introduire de nouvel air, mê-
me à la 'diftance de deux, de trois, ou
de quatre milles.
Art. ly. Hifloire d'une Cataîepjîe , com-
muniquée à la Société Royale par Mr. Ri-
chard Reynell, Apothicaire à Londres.
Cet Article étant aflez court, nous le
traduirons tout entier. „ Anne BuUard»
„ fille d'environ vingt- &- un ans, n'avoit
„ pas eu fes Mois fort régulièrement pen-
„ dant quelque tems , & avoit été fort af-
„ fligée de la mort d'une de fes Amies»
,:, Le 10. de Juillet 1730. elle fe plaignit
„ d'une douleur dans la tête , & d'un mal
„ d'eftomac^ accompagné d'une indifpo-
„ fition générale : elle prit de la poudre
„ du Bezoar pour fuer. Le lendemain
„ II. de Juillet, vers les neuf heures du
„ matin , on la trouva toute roide dans
„ fon lit, fans connoiflance & fans fenti-
„ ment , & les yeux fermez , de forte que
,5 d'abord on la crut morte. Lorfque j'ar»
Tûm, XIII Fart. IL Z „ ri-
340 Bibliothèque Britannique,
„ rivai, je la trouvai dans une véritable
„ Caîalepfie, fans lentiment, & fans mou-
,) vement ; Tes membres étoient roides ,
„ mais chauds; on ne pouvoit les remuer
,, que difficilement ,& dans quelque fitua-
j> tion qu'on les mît, ils y demeuroient: Elle
,, avoit la refpiracion libre, mais le pouls.
,, foible & irreguiier. Elle n'avoit aucun
„ mouvement convulfif , mais on ne pou-
s, voit pas la. faire revenir à elle. On la
,, faigna au bras, & on lui tira douze on-
„ ces de fang, qui coula aifement; cela
5, la fit un peu revenir, mais elle nepou-
,f voit pas encore parler. Je lui ordon-
„ nai la potion fuivante. p\ Aq. Menlb,
3^ Rutœ. Eryon. Co.a 5vi. Sal volât. Corn,
5, C. ?(i Saccbar. Albiff. ?ij. /. Haujf,
^, j'ordonnai aufli qu'elle prît de tems à
5, autre cinq cuillerées de ce Julep. Aq^.
3, Pideg. Rutœ. Merab. à ^ij. Aq. Bryon,
,y Co. Nepbrit. a Ji 3. Tin6t. Cajîor. £,ij.
,•> Saccbar. AlbijJ. q. f. f. Jalapiuvi. En.
„ peu d'heures de tems elle revint à elle;
„ je lui demandai alors , fi elle fçavoic
„ comment elle avoit été prife de ce mal.
,, Elle répondit qu'elle avoit été fort in-
,r quiéte & fort agitée jufques à environ
,, quatre heures du matin , & qu'elle
55 croyoit que ce fut alors qu'elle tomba
,, dans l'état où on l'avoit trouvée; mais
„ que c'étoit-là tout ce dont elle fe fou-
5, venoît. Elle fe plaignoit d'une efpece
i, de vertige , (jc d'une violente douleur fur
9> le
Juillet, Aovt et Septemb. 1739. n^j
fi le devant de la tête; elle avoic aiifli
99 mal à i'cPtomac d: un peu de lièvre.
99 J'ordonnai qu'elle prît à quatre heures
9) après midi le vomitif fuivant. r-, j^q.
,9 Cardui bened. gi. Pulv. Ipecacuanb. 5J6. lA-
99 triol. alb. depurat.gr. vi. Oxjni. Scilliî. pi,5.
99 f. Haujt. Ce vomitif opéra très-bien,
j> <Sc elle en parut fouiagée. Vers les fix
99 heures du loir elle eue une nouvelle
„ attaque, à-peu-près fembîable à la pre-
99 mière; mais elle en revint bientôt, &
99 prit enfuite lamiéme potion , avec le Sel
99 volatil de la Corne de Cerf, qu'elle
99 avoit déjà prife. Je lui appliquai un
99 grand veficatoire fur le dos, (jC deux fur
99 les bras. Le même jour, vers les neuf
99 heures du foir, elle eut une violente
99 convulfion, accompagnée de fecoufles,
j^ de grincement de dents, & d'un grand
,, tremblement ; ce qu'elle n'avoit pas
i9 eu auparavant. Elle avoit eu une Telle
99 le foir précèdent , mais point du tout
99 ce jour -là. Je lui ordonnai cette po-
99 tion, qu'elle prit le foir. '^'. Tinà. Hur.
55 cum Fïno fact. ^ij. Âq, Mmîb. 3vi. 5^.'
99 Lavand. Co, 5,3. /. Hauft. Elle conti-
99 nua auffi de prendre toutes ]qs quatre
,, heures la potion avec le Sel volatil, <S.c.
,5 Le 12.de Juillet elle avoit eu un tranf-
„ port au cerveau pendant toute la nuit,
99 n'ayant que peu ou point repofé. On
„ coupa les Veficatoires , qui coulèrent
f9 abondamment : & la Teinture lui av.oit
Z 2 99 donne
342 BiBLioTHEQ^uE Britannique,
9) donné trois felles pendant la nuit ,• ce
,y qui lui caufa quelques foiblefles; fon
„ pouls étoit foible , & fon urine pâle.
„ Je la vis le foir , après qu'elle eut aflez
„ bien dormi, de forte qu'elle étoit un
ff peu remife. Elle n'avoit que peu de
„ mal à la tête , fon eftomac étoit en
„ aflez bon état, & je la trouvai mieux
,> à tous égards. Elle continua de pren-
9, dre la potion toutes les (ix heures , &
„ quelques cuillerées du Julep, lorfqu'el-
„ le fe fentoit foible. Le matin du 13.
a, de Juillet je trouvai que fon mal de tê-
,) te étoit entièrement pafle, & que fon
y, urine étoit plus colorée. Je lui permis
„ de prendre du bouillon, & quelque
y, nourriture légère , dont elle fe trou-
„ va bien. Elle fe leva l'après-midi,
„ mais elle fe trouva foible, & avoitdes
y, tournoyemens de tête ; au lit elle fe
yy fentoit beaucoup mieux. Je lui ordon-
„ nai de prendre la potion avec le Sel vo-
5, latil, &c. & cette purgation le lende-
„ main matin, f^'. Tin6t. Hier, cum Vino
9yfa£t. Ji3. 5}T. è Spinâ Cerv. Aq. Puleg.
,, à^v'].Spir. Lavand. Co. 51. /. Hauji. cum
„ regimine cap. Le quatorzième de Juillet
„ la purgation lui donna cinq felles; elle
„ mangea un peu à dîner, 6c fe trouva
„ tranquille : mais lorfqu'elle marchoit
„ par la chambre, la tête lui tournoit, &
», elle trembloit beaucoup. Je lui ordon-
51, nai de prendre le foir cette potion.
Juillet, Août et Septemh. 1739. 343
„ ï^. Aq. Ruîœ^ Puleg. Bryon. Co. a 55 vi.
99 Spir. Corn. C. opt. gutt. 40. Tin6t . Cajior.
f, 5i. Saccbar. AlbiJJ. paululum, f. Haufl.
„ Le quinzième de Juillet, étant levée, elle
„ fe plaignit d'un engourdiflement dans
„ les jambes, & d'un picottement, fem-
„ blable à celui que Ton fent lorfque les
„ jambes font ce qu'on appelle endormies.
„ Elle avoit meilleur appétit , (k étok
„ beaucoup mieux à tous égards. Je lui
„ ordonnai les Médecines fuivantes. çi.
„ Pulv. Rad. VaUrian. fylv, Bij. P. Cajior^
„ Rujf. 9i. Aj[[(B fœtid. 3!. Tin6î. Caftor.
„ q. s. /. viàffa Pillular. cujus. formentiir
5) Pilull. No. 40. Elle prit quatre de ces
„ Pillules, deux fois par jour, avec une
„ petite potion de ce Julep. ç:. Aq. Ceraf»
j^ Ni^r. jvi. Aq. Rutcs. Pœon. Co. â fij.
„ Spir. Lavand. Co. 5vj. Syrup. Caryoph. q,
„ s. fiât Julap. Elle prenoit auiîî cinq^
„ cuillerées de ce Julep , lorfqu'eJle le
,5 trouvoit à propos. Nous lailTames cou-
„ 1er les vefîcatoires auffi long-tems que
„ nous pûmes i&lorfqu'ils furent féchez,
„ je lui ordonnai le 19. de Juillet la mê-
„ me purgation qu'auparavant. Elle fut
„ alTez bien , & n'eut aucune attaque juf-
„ ques au 22. de Juillet , lorfqu'en fe fai-
„ Tant appliquer un cautère au bras ,elle
„ tomba dans une troifième convulfion,
„ qui dura près de deux heures : cepen-
„ dant elle fut aflez bien le foir. Le 29.
,9 de Juillet on la purgea encore. Le
Z 3 f9 fixiè-
344 Bibliothèque Britannique,
,, fixième d'Août elle fc plaignit d'une
„ douleur dans la tête , & d'an mal d'ef-
99 tomac : (Quelques jours auparavant {^es
„ règles avoient commencé de paroître;
„ elle avoit vomi prefqu'une pinte de
,, rang, & étoit rerferrée: Je lui confeil-
,) lai alors de prendre deux cuillerées de
j. Teinture facrée tous les foirs, ou tous
,y les deux foirs , en allant fe coucher; je
99 lui ordonnai aulîi le remède fui vante ,
5> ç-^ Spir. C. C. opî. 5iij. Tin£t. Helleb. Nigr.
99 -v. dont elle prit quarante goures, deux
99 fois par jour, dans une décoction de
99 Camomille. Elle continua de prendre
99 Ces remèdes pendant trois femaines ;
9, ils répondirent à mon attente , ô: je la
99 laiflai en bonne fanté. Je la vis envi-
99 ron un an après, & elle me dit, qu'el-
99 le s'étoit toujours bien portée depuis.
5, Caîalepjis tam rarus nffeàus eji , ut cre-
99 dant inier centum , imb Jexcentos , vix
99 unum Medicum reperiri , qui Catalepticum
99 aliquem viderit : ideoque Hijioriœ Catalep-
99 ticorum, fi occurrant, diligenter annotan-
99 d(2. S E N N E R T u s. Ivïed. Prud;» Lib. i»
99 C. 30.
Art. F'. Penfées fur l'Opération de la
Fijiiik Lacrymale. Par Mr. François- Jofepb
RuNAULD , Docteur en Médecine, Mem-
bre de la S. R. ProfefTeur Royal d'Ana-
tomie & de Chirurgie,- (S: Membre de
l'Académie Royale des Sciences ta Paris.
Communiquées à la Société Royale par
une
Juillet, Août et Septemb. 1739. 345»
une Lettre à Mr. Tho, Stack , Dodleur
en Médecine.
jirt. f^f. De la Caufe des Vents Âlifez ;
par Mr. George H ad le y. Membre de Ja
Société Royale.
,, Il me iemble, die Mr. Hadley , que
„ ies Caufes des Vents Alifez n'ont po;nc
„ été plainement expliquées par ceux qui
„ ont traité ce fujet, parce qu'ils n'ont pas
„ confideré avec afrez d'exadlituie com-
„ bien le mouvement diurne de la Ter-
„ re contribue à la production de ces
„ Vents
„ Tout le monde convient, je penfe,
,9 que l'Aclion du Soleil eft la caufe ori-
„ ginale des Vents Alifez; & qu'il les
,, produit en caufant une plus grande
„ raréfaction de l'Air dans les lieux où
55 fes rayons tombant perpendicuîaire-
,, ment , ou prefque perpendiculairement,
„ excitent un plus grand degré de cha-
,9 leur, qu'ils ne font dans d'autres cn-
„ droits. De forte que dans ces lieux
,, où les rayons tombent perpendiculai^
j, rement , l'Air devenu fpecifiauemenc
,, plus léger que celui qui l'environne,
,f doit être chaiTé de fa place par cet Air
,, plus frais qui eft plus denfe & plus pé-
„ faut. . . Mais il femble que le feul effet
,, de cette rarefadion doive être , de
9, faire venir avec force l'Air de routes
,, parts dans l'endroit où il efc le pius ra-
„ réfié , particulièrement du Nord (5: du
Z 4 ■ ., Sud^
34<5BlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
,) Sud, oii l'Air eft le plus frais; & non
„ pas principalement de l'Eft <5c de rOueit,
,, comme on le fuppofe communément.
99 De forte que mettant à quartier le
„ mouvement diurne de la Terre, l'Air
99 viendra de tout côté vers Tendroit ou
99 l'aftion du Soleil eltadtuellement la plus
,9 forte: d'où il fuit qu'il y aura fucceffi-
„ vement un vent de Nord-Oueit le ma-
99 tin , & un Vent de Nord-Ed l'après-
„ midi, de ce côté ici du Parallèle de la
„ declinaifon du Soleil ; & un Vent de
„ Sud-Oueft , & de Sud-Ell de l'autre
99 côté.
„ Ce mouvement perpétuel de TAir
„ vers rOueft ne fçauroit être caufé par
„ la feule action du Soleil fur TAtmofphè-
„ re; comme il paroîtra plus évidemment
„ encore par le raifonnement fuivant. Si
99 l'on fuppofe que la Terre foit en re-
,^ pos, ce mouvement de l'Air fera com-
99 muniqué d'abord aux parties fuperficiel-
99 les , & produira peu-à-peu une Révo-
,9 lution de tout l'Air vers le même cô-
„ té, à moins que la même quantité de
99 mouvement ne foit communiquée en
-, même tems à l'Air, dans d'autres en-
99 droits , mais dans une diredion contrai-
99 Te; ce qu'on ne fçauroit fuppofer. Mais
99 fi le Globe de la Terre avoit aupara-
99 vant un mouvement à l'Eft, ce mou-
„ vement de l'Air doit être par cela mê-
99 me continuellement retardé: Et fi l'on
:>9 fup-
Juillet , Août et Septemtî. 1739. 347
„ Tuppcfe que ce mouvement de l'Air naît
„ d'une aftion quelconque de Tes parties
„ l'une fur l'autre, la confequence fera Ja
„ même. Ceit pourquoi il femble qu'il
„ foitnéceflairede montrer , comment ce
,, phénom.ène des Vents Alifez peut être
„ caufé, fans qu'il y ait réellement un
„ mouvement général produit dans TAir
„ vers rOuelt. C'eft ce qu'on montrera
„ facilement , fi l'on confidere en même
9, tems le mouvement diurne de la Terre.
,, Car fuppofons que l'Air ait par-tout
99 un mouvement égal au mouvement
o diurne de la Terre ; en ce cas il n'y
„ aura point de mouvement relatif de là
„ furface de la Terre & de l'Air , & par
„ confequent point de Vent. Mainte-
„ nant que par l'aftion du Soleil fur les
99 parties qui environnent l'Equateur, &
„ par la raréfaction de l'Air produite par
„ cette adlion , l'Air foit attiré-là des
„ parties Septentrionales & Méridiona-
„ les ; les Parallèles deviennent toujours
„ plus grands , à proportion qu'ils font
„ plus proches de l'Equateur ; & l'E-
„ quateur efl: plus grand que les Tro-
f, piques , à -peu -près dans la raifou
,, de lOGO. à 9171. & par confequenc
,, la différence de leur circonférence efl
,, à-peu-près de 2083. milles, (5c la fur-
„ face de la Terre fe meut d'autant plus
99 vîce fous l'Equateur , que la furface de
Z j M la
348 Bibliothèque Britannique,
„ la Terre avec l'Air fous les Tropiques,
y. D'où il fuit , que 1 Air qui fe meut des
,, Tropiques vers l'Equateur, ayant moins
,, de vélocité que les parties de la Ter-
;, re auxquelles il arrive, aura un mouve-
„ ment relatif, contraire au m.ouvement
i, diurne de la Terre dans ces endroits
„ là; lequel mouvement relatif étant com-
j, biné avec le mouvement de l'Air vers
,, l'Rquateur, produira un Vent deNord-
,, E(l de ce côté ici de l'Equateur, & un
„ Vent de Sud-Ed: de l'autre côté.
,, A mefure que l'Air approche de TE-
,, quateur, ces Vents deviennent toujours
„ plus fort»; , & de plus en plus à TEft ,
,, iufques à ce Gu'ils deviennent tout-à-
j, fait EU fous l'Equateur ( comm.e on le
,, trouve aufTi par expérience ) à caufe du
,, concours des deux Courans de l'Air du
,^ Nord & du Sud ; & la vîtelTe du Vent
,, fera à raifon de 2083. niilîes dans l'ef-
,, pace d'une révolution de la Terre, ou
,, d'un jour naturel, oc de plus d'un mille
., & un tiers dans une minute; ce qui efl
,, une plus grande vîtefTe que celle du
,, Vent dans les plu^ grandes Tem.pêtes ;
,, Car , fuivant les Obfervations du Doc-
teur Derham , l'Air ne parcourt pas
alors plu«i d un mille dans une minute.
Mais il faut rem.nrquer, qu'avant que
l'Air puifTe être arrivé <]cs Tropiques à
,, l'Equateur, il faut que la furface de la
„ Ter-
Juillet 5 Août et Septf.mb. 1739. 349
5, Terre ou de la Mer lui aie communi-
„ que un peu de mouvement vers l'Eft,
„ par où Ion mouvemenc relatif eft di-
,, minuc; & dans plufieurs Circulations
,, fucccljives il fera réduit à la force que
i, l'on trouve qu'il a efredivement.
L'Auteur fe fert des mêmes principes
pour rendre raifon des Vents Alifez hors
des Tropiques; & il finit par ces deux
confequences : Premièrement, fans le fe-
cours du mouvemicnt diurne de la Ter-
re, la Navigation feroit prodigieufement
longue, principalement vers l'Efl àjOueft,
& il feroit peut-être impoiTible de faire
tout le tour de la Terre. En fécond
lieu , il faut que les Vents de N. E. &
de S. E. qui foufflent entre les Tropiques,
foient compenfez par des Vents de Nord-
Oued &; de Sud-Ouefl: qui fouitîent ail-
leurs ; & en général il faut que tous les
Vents qui foufflent de qiielque point que
ce foit, foient compenfez par des Vents
contraires qui foufflent en quelque autre
endroit : fans quoi il faudroit qu'il y
eût quelque changement produit dans le
mouvem.ent de la Terre fur fon Axe.
Art. VL. Relation de pluficurs Trem-
blemens (^e Terre arrivez dans la Nou-
velle Angleterre, depuis que les Angiois
s'y font établis; particulièrement du der-
nier qui s'y fit fentir le l'ç. d'Odlobre
1.727. Communiquée à la Société Roya-
le
E
350 Bibliothèque Britannique,
le par Mr. Paul D u o l e y , Membre de la
Société Royale *.
Après avoir marqué en peu de mots
les Tremblemens de Terre, qui font ar-
rivez dans la Nouvelle Angleterre depuis
l'an 1638, Mr. Dudley vient à celui da
29 d'OiLtobre 1727. Il commence par
marquer quel tcms il fit avant que ce
Tremblement arrivât. L'Hyver avoit été
aiïez modéré durant les mois de Janvier
& Février, fans aucune forte gelée: en
Mars il y eut beaucoup de Neige , & un
peu de tems froid , mais cela ne dura
Das: le onze il y eut une Eclipfe de So-
_eil d'environ cinq doigts, quinze minutes,
après quatre heures du foir, autant que
Mr. Dudley en put juger fans le fecours
d'aucun inflrument. Le tems fut affez
beau le refte du mois ; il y eut de la pluye
quelquefois , & une feule fois du Tonnerre
ôc des Eclairs. ' En Avril il fit un beau
tems de printems ,• il y eut beaucoup de
pluye au commencement & à la fin du
mois. Le commencement de Mai fut
affez beau; le 9> le 10, & le 13. il plut
beaucoup: le 18. il y eut une gelée blan-
che ; le 24. & le 25. il fit fort froid; en-
fuite il fit un tems fort fec jufqu'à la fin
du
* On peut voir ure autre Rél.-.tion du mê-
me Tremblement de Terre dans le Cahier 40^.
ées Mem, de la S. R. p, 124.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 351
du mois ; de même qu'au commencemenc
de juin: durant tout ce mois il y eut
beaucoup de Tonnerre & d'Ecîairs , aufll-
bien qu'au mois de Juillet : & quoiqu'il
y eût quelques ondées dans certains en-
droits , cependant le tems fut générale-
ment parlant fort fec: dans les trois der-
niers jours de Juillet il fit fi chaud, qu'il
n'y eut pas moyen de travailler, ni de
voyager de jour» ni de dormir la nuit.
Le commencement d'Août fut aufii excef-
fivement chaud ; & le premier jour il fit
des Eclairs continuels , le tout autour de
l'horifon , depuis le foir jufqu'à minuit,
quoiqu'il n'y eût pas beaucoup de Ton-
nerre. La fécherefle continua jufqu'au
10, enfuite il y eut beaucoup de pluye
par toute la Province ; mais la chaleur
fe fit fentir fortement jufqu'à la çii-Sep-
tembre; de forte qu'à tout prendre, je ne
me fouviens pas, dit Mr« Dudley , d'a-
voir vu tant de chaleur dans un feul
été. Le 16. de Septembre il y eut une
Tempête des plus violentes; le vent étoic
au Nord-Efi: ; il y eut aufii beaucoup de
pluye. En Odtobre le teras fut fort froid
avant le Tremblement de Terre,* le 23.
il plut bien fort, le vent étant au Sud:
la nuit du 25. il y eut une forte gelée;
le 26. un peu de Neige,* le 28. il fit
froid , le vent étoit au "Is^ord-Oueft , ^
continua de même le 29. jour de Diman-
che; le teras étoic froid, quoique le vent.
ne
352 Bibliothèque Britannique,
ne fCic pas fore : le foir il y eut un cal-
me, & le Ciel étoic fort ciair& ferein.
Par ce Journal abrégé, die Mr. Dudley ^
les Sv^avans pourront juger 11 la Terre n'a-
voic pas étcdirpofée ou préparée au Trem-
blement dont il s'agit ici, par cette lon-
gue féchereile & par la chaleur extrême
dont elle fut accompagnée, qui rendirent
la terre plus poreufe , 6c la remplirent d'ex-
halaifons ou de vapeurs enflammées , qui
étant après cela renfermées dans la Terre
par les grandes pluyes 6c par la gelée qui
iuivirent, & ne trouvant par coniequent
aucun pafTage pour forcir & s'évaporer,
agirent les unes fur les autres au dedans
de la Terre avec une violence terrible.
Mr. Diidlsy examine enfuite de quelle^
efpeceécoitlè Tremblement de Terre dont j
il s'agit ici. Gilbërùiis Jacchœus^ dans fes In- i
Jlitutiones Pbjfïcœ, cap. Terrœ Motus , diflin- i
gue quatre efpeces de Tremblemens de i
Terre, en quoi il s'accorde avec Ariftote I
& Pline, qui comptent pour la première |
efpece la iimple iccoufle, qu'ils compa- |
rent au Tremblement caufé par un accès 1
de fièvre. Notre Auteur n'a point ouï y
dire que la Terre fe foit ouverte en au- -^
cun des endroits où le Tremblement s'eft -}
fait fentir. Il e(l vrai que quelques per-
ibnnes ont dit, qu'on avoit vu la Terre
s*èiever fenfiblement , & s'abaifler enfuite.
Mais notre Auteur doute de la vérité de
ce fait ; parce que de pareilles fecoufles
auroient
Juillet, Août et Septemb. 1739, 353
auroient certainement renverfé quelques
édifices, ou bien les exhalaifonsTeferoienc
fait jour par quelque ouverture. Remar-
quons pourtant:, que dans une Apoftille à
cette Lettre Mr. Dudhy reconnoît, que
des per onnes dignes de foi Tonc afruré ,
que ce Trem.blemenc de Terre av^oîc ren-
du puante l'eau de quelques fources ; que
quelques puits s'ér.oienc enfoncez confi-
derablement dans la Terre, & que d'au-
tres avoient môme entièrement difparu.
Il ajoute, qu'un Gentilhomme deNbury ,
ville fituée à trente ou quarante milles
de Boilon, au Nord -Nord- Eit, lui a c-
crit , qu'à la diilance d'environ quarante
Verges * de fa maifon , la Terre s'étoit fen-
due, & qu'il étoit forti par cette fente
près de trente charetées de fable fin: ce
qui eft d'autant plus remarquable, que,
comme Mr. Dudley l'a appris depuis, il
n'y a dans ce quartier-là, à. dans les en-
virons , qu'une forte glaife jufqu'à vingc
ou trente pieds de profondeur, & qu'on
n'y trouve jamais aucun fable; de forte
qu'il faut que les exhalaifons ayent chaffé
cette grande quantité de fable 'au travers
d'un lie de Glaife d'une épailleur prodi-
gieufe.
Nous ne nous arrêterons pas à cç que
notre Auteur dit du bruit qui précéda ou
qui accompagna le Tremblement de Ter-
re,
* La Vierge ell de trois pieds.
354 Bibliothèque Britannique,
re , ni à la defcription qu'il nous donne
des efforts qu'il produific, parce qu'il n'y
a rien dans tout cela de fort remarqua-
ble.
Mais il ne fera pas inutile de rappor-
ter ce que Mr. Dudky dit de l'étendue de
ce Tremblement de Terre. Bofton, Ca-
pitale de la Nouvelle Angleterre, elt (î-
tuée au 42. degré, & 25. min. de lati-
tude Septentrionale, 4. heures & 43. min.
à rOueft de Londres, fuivant que fafitua- •
tion a été déterminée il y a long-tems par
Mr.ThomasBrattle,de ce pais -là, & par
Mr. Hodgfon , de Londres. Prenant donc
Bofton pour centre, nous avons, dit Mr.
Dudley , des Relations certaines, qui nous
aflurent que le Tremblement de Terre
dont il s'agit ici, a été fenti fur la Riviè-
re de Quennebeck du côté de l'Efl, & à
Philadelphie du côté de l'Oueft, deux en-
droits éloignez de ijo. lieues l'un de
l'autre, de rOuelt-Sud-Oueft, à rEft Nord-
Efl, & il a été apperçu plus ou moins
dans tous les endroits fituez entre ces
deux termes. Et prenant une ligne trans-
verfale, on a fenti ce Tremblement d'un
côté jufqu'à i'Jlle appellée Nantucket , &
de l'autre jufqu'à l'Ille nommée la Vigne
de Marthe * , l'une & l'autre éloignée de
Bofton de près de quatre-vingt dix mille.^:
& la première à plus de dix lieutis de ■
Ter- "
* Marth-a's Vi^eyard.
^
Juillet, Août et Septemb. 1739. 35-5'
Terre -ferme. Il paroît par -là que ce
Tremblement s'efl fait fentir dans une plus
grande étendue de Païs , qu'aucun dont il
Ibit fait mention dans l'Hiitoire.
On ne fçauroit déterminer oh il a com-
mencé. Dans les endroits fituez vers
l'Oued on l'a fenti entre dix à. onze heu-
res du foir : on l'a apperçu dans le mê-
me tems aux endroits fituez vers l'Eft:
d'où Mr. Dudley conclut, qu'il doit être
arrivé à - peu - près au même tems dans tou-
te l'étendue du Païs où on l'a fenti. Quel-
ques-uns de nos voifms , ajoute l'Auteur ,
foutienncnt qu'il eit venu du Sud: d'autres
afTurent qu'il venoit du Nord. Mais cet-
te différence ne doit pas nous furprendre ;
puifqu'il y a lieu de fuppcfer que les ca-
vernes foûterreines par ou les exhalai-
fons paflentj ne font pas fituées en ligne
droite, mais qu'elles fe divifent enplufie'urs
branches, félon tous les points de la Bouf-
foie, principalement dans un^ fi grande éten-
due de Pais.
Art. VIII. & IX. Ces deux Articles con-
tiennent une Relation d'un eifet extraor-
dinaire de la Foudre, qui a communique
une vertu Magnétique à des Couteaux,
&c. A Walrefîeld, dans la Comté d'York.
Par le DofteurCooKSON, & communiquée
à la Société Royale par Mr. Pierre Dod,
Docteur en Médecine & Membre de la
S. R.
Vers la fin de Juillet 1731. il y eut un
Tome XII L Part, IL A a grand
35<5 Bibliothèque Britannique,
frand orage de Tonnerre & d'Eclairs. La
oudre entrant dans une chambre, fendit
une grande cailTe de Sapin oii il y avoic
plufieurs douzaines de couteaux &de four-
chettes, qui furent difperfez par toute
la chambre. Lorfqu'on vint pour les ra-
raafler , on trouva qu'il y en avoit plu-
lieurs de fondus , d'autres caiTez en deux,
quelques-uns avoient le manche brûlé, &c.
Mais ce qu'il y eut de plus remarquable,
c'ed qu'après les avoir mis fur une table ,
fur laquelle il y avoit des doux , des an-
neaux &c. de fer , on apperçut qu'en
prenant quelques-uns de ces couteaux, ils
enle voient avec eux des anneaux5des doux,
&c. On les efTaya prefque tous, & Ton trou-
va qu'ils avoient tous acquis la vertu de
l'Aimant ; vertu qu'ils ont confervée , même
après avoir été rougis dans le feu.
Mr. Cookfon nous donne ici dans une
figure? la fituation de la chambre dans la-
quelle la Foudre entra , celle où étoienc
les couteaux , & la ligne que fuivit la
Foudre. Puis il propofe ces Queftions :
Ne peut -on pas attribuer cette Vertu
Magnétique que ces couteaux & ces four-
chettes ont reçue, à ce qu'ils étoient pla-
cez dans une direâion qui coincidoit, ou
qui ne faifoit qu'un très -petit angle avec
la Ligne Magnétique ; puifqu'une barre de
fer, placée dans une pareille fituation , re-
çoit en peu de tems une vertu attractive,
qui û'ert que paflagere , il çlt vrai ; mais
qui
Juillet, Août et Septemb. i^Sp» 357
qui devient permanente, lorfque la barre
demeure long-tems dans cette fituation?
Ne peut-il pas être arrivé, que ces cou-
teaux étant dans cette fituation , & ayant
été prodigieufement échauffez par la Fou-
dre , ont été fortement imprégnez de cet-
te Vertu Magnétique; puifqu'une barre de
fer échauffée, & placée enfuite dans une
certaine diredion pour fe refroidir, ac-
quiert cette Vertu plutôt , que lorfqu'on
la met toute froide dans la même direc-
tion ?
Les Pôles de la Bouffole ont été quel-
quefois changez par la Foudre ; comment
donc la Foudre a- 1- elle pu communiquer
une pareille Vertu dans le cas dont il s'a-
git ici , puifqu'elle l'a fait évanouir dans
une autre occafion?
Nous donnerons la fuite dans un autre
Journal.
ARTICLE V.
Hîjlo'ire du Droit Public EccUfiaftique Fran"
fois ; oîi l'on traite de fa Nature , de fon
EtabliJJement ^ de [es Variations £? des
Caufes de fa Décadence: On y a joint
quelques DiJJertaîionsJur les articles les
plus importans ^ les plus contejîez. Par
Monfieur D. B. J Londres Chez Sa-
muel Harding^ 1737. 2. vol. in 8^. p-p.
472. pour le premier Tome, ôc 340.
Aa 2 pour
358 Bibliothèque BRiTANNiQtrE,
pour le fccond , fans compter les
Vies des Papes Alexandre VI. & Léon
X. qu'on y a ajoutées, 6c qui en con-
tiennent. 138.
Uoique le titre de ce Livre porte
J qu'il a été imprimé à Londres , il efl:
vilible, à en juger par le papier & par les
caractères , que c'eftune imprefîion d'Hol-
Jande. Nous nous Ibmmes cependant crus
autorifez fur le fimple titre à en rendre
compte, comme d'un Ouvrage qui nous a
paru mériter par plus d'un endroit la ca-
riofité du Public. V^oici le plan , tel que
l'Auteur nous le donne lui-même.
,, J'expofe d'abord, dit-il*, les Droits
,, des trois Puiflances, c'eft-à-dire du
,, vSouverain , du Pape & des Evêques;
,, car c'efl du concours de ces trois Jurif-
„ dictions que fe forme le Droit Public
„ Eccléfiailique François; & je regarde
,, les idées dillinctes que j'en donne ,com~
„ me une Introduction néceflaire à l'Hif-
9, toire que j'écris. Je me fuis- attaché
„ dans cette Introduction à établir les
„ Droits du Souverain , parce que c'eft
5, à les détruire & à les affoiblir que les
,9 deux autres Puiffances fe font attachées.
„ Je fais enfuîtc l'Hiftoire de Texercice
i) de ces Droits, de l'abus qu'on en a fait,
fi de
* Préf. p. 4.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 359
„ de la foiblefle qu'on a eu à les défen-
„ dre, deTadrefleàles attaquer, des pré-
„ tentions, des entreprifes qu'ils ont don-
9, né occafion de former, & des divifîons
„ dont ces entreprifes ont été fuivies.
„ Comme parmi ces prétentions il y en
„ a de fort embarafTées , à caufe du * rap-
„ port eflentiel qu'elles paroiflent avoir au
„ fond de la Religion, & que par- là elles
„ demandent d'altez grandes difcuifions;
„ j'en ai fait le fujet de quelques Difler-
„ tations, fans leur donner d'autre ordre
„ que celui des évenemens qui ont don-
„ né naiffance aux difficultez qu'elles dé-
„ veloppent, & aux conteftations qu'elles
„ décident. Pour THiftoire même, je la
,y divife en quatre Parties; la première,
„ depuis l'établifTement de la Monarchie
„ jufqu'au tems de Grégoire VU; la fe-
5, conde, depuis Louis VI. jufqu*aux démê-
„ lez de Philippe le Bel avec Eoniface
„ VIII; la troiiièrae, depuis la mort de ce
„ Pape jufqu'au Schifme; enfin la dernie-
„ re , depuis ce Schifme jufqu'à la Confli-
„ tution Unigenittis *«. Du relie, l'Auteur
fait profeiïion d'une aufli grande impartia-
lité que s'il écrivoit fur les Droits du
Muphti & du Grand-Seigneur; il n'attend
ni penfion ni Bénéfice, & il dit librement
ce qu'il penfe.
Il pofc d'abord pour principe incontef-
table, que la Religion Chrétienne n'a rien
changé aux Droits des Souverains , & que ,
Aa 3 4^^^"
35oBlBLIOTHEQUE BRITANNIQUE,
quelque éminent , quelque facré que foit
le caradère de fes Miniftres, ceux qui le
reçoivent ne ceflenc point d'être fujets.
D'où il fuit évidemment , qu'on ne doit te-
nir aucune AlTemblée Eccléfiaftique, ni pu-
blier aucun Règlement en matière de Re-
ligion, dans les Etats d'un Prince , qu'avec
fa permiffion & fous fon autorité; que
tous les Membres de l'Etat, tant Écclé-
"Galtiques que Laïques , doivent également
contribuer de leurs biens & de leurs fer-
vices perfonnels à fa confervation & à fa
défenfe , & que , pour les y contraindre , le
Souverain n'a beîbin de l'autorité de qui
que ce foit; que c'eft à lui feul qu'il a-
partient de difpofer des Poftes émincns
dans l'Eglife, aufTi-bien que dans l'Etat, &
qu'aucune Puiflance étrangère n'a droit
de s'en mêler. Pour juftifier ce principe ,
l'Auteur allègue THiftoire de l'Eglife. A-
près que par fa patience & par fes tra-
vaux infinis elle fe fat peu- à -peu écablie
fur les ruines de l'Idolâtrie, fon Gouver-
nem.ent parut aux Souverains digne de
leur attention» Ils y intervinrent; & au-
tant que la nouvelle' Religion pouvoit le
permettre, ils firent, par rapport à elle, ce
qu'ils avoîent fait par rapport à l'ancien-
ne. Ils ne s'en, déclarèrent pas les Chefs,
mais les Protecteurs, Ô: ils regardèrent
ce titre comme une partie elfentielle de
leur Souveraineté. Ils ne décidèrent point
les difputes qui s'élevoienc dans l'Eglife , .
mais
Juillet, Août et Septemb. 1739. ^6i
mais ce fut par leurs ordres que les Evo-
ques alTemblez les décidèrent ; & ce fut
par leurs Edits que ces Loix Eccléfiafli-
ques devinrent des Loix d'Etat. Le Grand
Conftantin , après fa converfion au Chriftia-
niflne, entra fort avant dans les affaires de
l'Eglife. Les Evêques eux-mêmes s'addreffe-
rent à lui , &. implorèrent ion autorité fou-
veraine pour Pextindion des fchifmes <Sc
des héréfies. Dans cette vûë il convoqua
un Concile National à Arles , & quelque
tems après un Kcuménique à Nicée , oh
il aififla en qualité de Souverain, & de
Protecteur de la Religion & du Concile.
Il y parla même fur les Articles conteftez,
& il en foutint les décifions par fes Edits.
Ses fucceiïeurs l'imitèrent en cela; pendant
plufieurs fiécles il ne fe tint point de Conci-
les fans leur permifllon , ou plutôt il ne s'en
tint point que par leurs ordres, & ils y eu-
rent toujours une très-grande part. La pré-
fenccdu Prince ou de fes CommiUaires em-
péchoit les intrigues , '& ne permettoic
pas que le plan des délibérations & des dé-
cifions vînt de Rome, comme on l'a vu
depuis. Les Evêques de cette Capitale,
fujets du Souverain comme les autres ,
n'avoient que leur voix dans ces Alfem-
blées , ni d'autres prérogatives que celles
qui écoient attachées à leur Siège. Les
Légats de Sylveitre au Concile de Nicée,
eurent ordre de confentir à tout ce qui
y feroic léfolu à la pluralité des fuifrages.
Aa 4 Mais
3^2 Bibliothèque Britannique,
Mais le Souverain n'a pas feulement droic
de connoîcre des Affaires Eccléfîaftiquesjôc
d'en ordonner ou d'en procurer la déci-
lîon; fes droics s'étendent encore far les
biens & fur le? perfonnes particulièrement
confacrées & affedées à l'Eglife. A cette
occafion l'Auteur traite des Immunicez du
Clergé tant féculier que régulier , 6c fait
voir qu'elles n'ont d'autre fondement que
la pieté quelquefois mal entendue des Prin-
ces, qui peuvent par confequent les révo-
quer quand il leur plaira. ,, J'avouerai, (i
?î l'on veut, dit-il (*) , que la bienféan-
»j ce exigeoit en quelque forte ces Immuni-
99 tez , qu'il ne convient pas, pour l'hon-
99 neur de la Religion , que fes Miniftres ,
99 quoique criminels , foient traitez avec
99 auffi peu d'égards & de ménagement que
j, les autres coupables: Mais je nie forte-
9) ment que ces immunitez foient effentiel-
99 les au Chriftianirme, que les Souverains
99 qui l'ont embrafle n'ayent pas pu ne les
j^ point accorder , ce que les ayant accor-
99 dées , ils ne puilTent y déroger pour des
99 railbns urgentes. J'ofe même défier qu'on
99 trouve quelque raifon folide pour prou-
99 ver qu'un Prmce ne peut pas en premiè-
39 re inllanceconnoître du crime d'un Clerc
;, régulier ou féculier, & que pour le pu-
5, nir il faille que la condammation d'un
i, Tribunal Eccléfiaflique précède lalîenne.
Ce
Juillet, Août et Sei'temb. 1739. 363
Ce que l'on vient d'avancer n'a rien en
effet que de conforme & à rHiftoire Sainte
& à la nature même des chofes. (^uand
Dieu déclara à fon peuple , que le Roi qu'il
demandoit auroit fur lui droit de vie & de
mort , il De lit aucune exception en fa-
veur de la Tribu de Levi. Ce ne fut pas
rOnélion facerdotale qui empêcha Salomon
de faire exécuter contre Abiathar, Grand-
Prêtre, la lentence de mort qu'il avoit juf-
tement prononcée ; le feul Ibuvenir des
ferviccs qu'il avoit rendus à David , fon
Père ^ ]e détermina à la clémence. Ce
Prince ne llc-il pas tuer dans le Temple,
& au pied même de l'autel , Joab qui s'y
étoît réfugié ? Dira-t- on qu'il viola par
eette aélion la fainteté du lieu ou les Im-
munitez du Cierge ? Nous ne voyons point
non plus dans l'Évangile , que Jêfus-Chrifl
ait prétendu exempter fes Apôtres des Loix
impofées à toute la Nation ; au contraire
il fait un miracle pour payer la Capitation
qu'on lui demandoit. Les Apôtres eux-
mêmes n'ont rien dit d'oii l'on puifle con-
clure que les Jmmunitez Eccléfiaftiques
faflent partie de la Religion qu'ils onjc
prêchée. Le Prince , pour la confervation
de l'Etat, pour le foucien de fa digniré ,
a befoin de l'affiftance de fesfujets; ils font
tenus de l'aider de leurs biens (Se de leurs
perfonncs. Mais de quel droit les Ecclé-
fiailiques en feroient-ils exempts ? Ne font-
Us pas membres de la Société^ & ne partici-
A a 5 penc--
3^4 Bibliothèque Britannique,
pent-ilspasà tous les avantages de la Socié-
té ? N'ont-ils pas le même intérêt que les au-
tres à la profperité de l'Etat , & n'eft-il pas
jufte qu'ils y contribuent félon leurs forces ,
aufll- bien 'qu'eux ? Qu'on cherche tant
qu'on voudra , on ne trouvera rien , ni dans
leur profefTion, ni dans l'Ecriture Sainte,
qui les empêche de prendre les armes pour
la défenfe de la Patrie, ou pour leur pro-
pre défenfe. Les deux fils d'Heli, Grand-
Prêtre de la Loi, Sacrificateurs eux-mê-
mes , ne tomberent-il? pas morts dans un
combat , à côté de l'Arche qu'ils défen-
doient contre les efforts des Philiflins ?
St. Pierre n'avoit-il pas une épée lorfque
fon Maître fut trahi ? Et fi Jefus-Chrilt
le tança, ce ne fut pas de ce quMl la por-
toit, mais du mauvais ufage qu'il en fit.
N*a-t-on pas vu pendant long- ternes les
Evêques mener leurs Vaflaux au combat,
ôc payer admirablement bien de leurs per-
lonnes ? Et s'il faut quelque chofe de plus ,
n'a- 1- on pas vu Jules II lui-même,
le cafque en tête, la cuiralTe fur le dos,
commander fes armées , & prefler vive-
ment le fiége d'une Place? Qu'on deman-
de au Pape, s'il ne peut pas autorifer les
Prêtres 6: les Moines à prendre les armes;
il répondra à coup fur qu'il le peut? Mais
comment le pourroit-il ; s'il étoit efientiel
?.u caraclère des Eccléfiafdques de ne point
aller à la guerre?
Les biens d'Eglife ne font pas non pUis
par
Juillet, Août et Septemb. 1739. 36^
par eux-mêmes exempts des charges publi-
ques. Le Souverain a fur eux le même
droic que fur tous les autres qui relèvent
de lui. En effet, ne lui devoient-iis rien
avant leur confécracion , & ont-ils depuis
changé de nacure? La volonté de*^ Dona-
teurs a -t- elle pu leur en faire changer?
Les Princes eux-mêmes , en déchargeant
ces Donations des taxes publiques, ont-
ils pu lier leurs Succefleurs , de manière
qu'ils ne puiflent fe rétablir, eux & le refte
de leurs fujets, dans leurs droits naturels ,
à quoi une pieté mal entenduB les avoit
fait injuftement renoncer ? A l'égard des
Bénéfices & des Dignitez Eccléfiaftiques ,
pourquoi n'en feroit-il pas de même que
de tous les autres Portes que le Roi don-
ne , ou qui ne font donnez qu'en fon nom ?
ISIe convient-il pas, n'eft-il pas même né-
ceflaire dans un Gouvernement defpcti-
que ( car il faut fe fouvenir qu'il s'agit ici
du Droit Rccléfi-iitique François) que les
grâces publiques coulent du Trône comme
de leur fource ? Le Prince ne peut don-
ner, je Tavoue, le caradlère dont il faut
être revêtu pour pofleder ces bénéfices,
ces Dignitez dans l'Eglife; mais qu'eil-ce
qui empêche qu'il ne puifle les accorder à
ceux qui ont reçu ce caradlère des perfon-
nes qui ont le droit de le conférer ? Ce
n'eft pas lui non plus qui donne le Doclo-
rat, par exemple, en Droit Civil, en Droit
Canon j en Médecine, -^^c. Seroit-ce bien
rai-
1555 Bibliothèque Britannique,
laifonner que d'en conclure qu'il ne peuc
Êas donner les Places pour lefquelles le
)o6lorat eft requis ?
Ici l'Auteur s'étend à faire voir l'injufti-
ce des prétentions de la Cour de Rome, par
rapport à la difpofition des Biens d'Eglife
& aux revenus qu'elle en tire. Le Pape
n'a , fuivant lui , aucun droit de nommer
aux Evêchez ni aux autres Dignitez ou Bé-
néfices Eccléiiaftiques qui font hors de les
propres Etats , de donner des Difpenfes
ou des PermilTîons , pour en jouir , pour
les réfigner ou les permuter, d'en reti-
rer les Annates , d'accorder des Expecta-
tives , &c. „ Sa qualité même de Chef de
,5 rEgUfe ne fçauroit , dit -il, juflifier le
,, pouvoir qu'il s'attribue à tous ces égards.
9, L'éledion des Evêques a éié encre les
,, mains du Peuple ou du Clergé pendant
„ un fort long-tems, c'eft-à-dire jufques
5, à la converiion des Empereurs. Depuis
j, ce tems-là elle s'eft faite par le Clergé
., feul. Le droit de confirmer ces Elec-
,> tiens apartenoit au Prince feul, le Pape
., ne s'en mêloit en aucune manière ,• on
,, lui écrivoit feulement fa profelîîon de
,, foi,6L on lui demandoit fa communion^
55 Certainement alors il ne tiroit aucun
„ Tribut des autres Eglifes ; au contraire,
„ comme la fienne étoit la plus riche , il
,> les aifilloit dans leurs befoins. Dans ces
„ premiers tems n'étoit-il point le Chef de
r, l'Eglife? N'a-t-il commencé de l'être que
,^ lorf.
Juillet, Août et Septemb. 1739» 3(^7
„ lorfqu'il s'ell: attribué des Droits qu'il
„ n'avoit point ? Lorfqu'il a établi des
„ contributions fur fes frères & fur fes en-
„ fans , & que contre la fentence de Jefus-
ji Chri(l,dont il fe dit le Vicaire, il a fait
„ de fon Sacerdoce un Royaume tempo-
,y rel , une Domination toute profane &
9, toute féculiere, jufqu'à entreprendre de
„ commander aux Rois même , jufqu'à
„ prétendre que les Princes de leur fang
„ le cedalTent à ceux qu'il honoroit des
,> dignitez de fa Cour; égalant par -là
,> l'orgueil infupportable de Rome Idolâtre,
„ qui préféroit ridiculement fes Bourgeois
,9 à tous les Rois du monde ?
Pour prévenir ces abus , l'Auteur décla-
re librement ce qu'il juge qu'il faudroit
faire. ,, Peu- à -peu, dit-il (*), on a
n aboli l'ufage des Expedlatives fi onéreux
„ aux vrais Collateurs & fi fructueux à la
„ Cour Romaine : Ne pourroit-on pas em«
„ pêcher les François d'aller à Rome m.an-
,9 dier, ou ii l'on veut, difputerun Béne-
„ fice , leur défendre d'y aller fans une
,9 permiflionexprelTe, qu'on n'accorderoic
„ qu'à ceux qui ne pourroient prétendre à
„ aucun Bénéfice ? Ne pourroit-on pas,
„ par des délais réi'terez ,iaîTerla patience
„ de ceux que le Pape auroit nommez,
„ par des prétextes fpécieux infirmer leur
„ nomination , faire de leur ^ie un exa-
93 meu
•^ * ) Pag. 77-
3(T8 Bibliothèque Britannique,
„ men exadt & rigoureux , les engager à
„ fe défifter de leur droit, déclarer que le
^, confentement du Patron naturel eft né-
5> ceiTaire , & dans la concurrence préfé-
» rer la nomination de l'Ordinaire à celle
„ de Rome? tn un mot, le Souverain ne
,, pourroit - il pas par un Edit folemnel
„ annuller toute Nomination faite par
„ tout autre que par lui, ou par quelqu'un
„ de fes fujets , du moin«5 par quiconque
j, ne poiTederoic pas les Terres, les Béné-
,5 fices à quoi plufieurs de ces Nominations
,) font attachées P Outre que par-là il ren-
„ treroit dans les droits , il conferveroic
„ les groflesTommes d'or â d'argent qu'on
î, tranfporte à Rome ". Ce langage paroîtra
peuc-ê:re furprenant dans la bouche d'un
Catholique, mais il n'en eft pas moins
jufte ; la feuie difficulté confifte dans
l'exécution , qui ne pourroit avoir lieu fans
rompre tout -à -fait avec le Pape , & qui
par cetce raifon a bien l'air de ne réiiffir
de long-tems.
Après avoir ainfi établi fa thèfe, l'Au-
teur a recours à l'Hiftoire depuis TEta-
bliiTemenc de la Monarchie Françoife, pour
faire fentir la folidité de i'^s, réflexions,
& pour découvrir la fource & les progrès
des abus dont il fouhaite la reformation.
C'eft là-deffus que roule la plus gran-
de partie de fon Ouvrage. Nous ne
fçaurions le fuivre dans ce détail qui ,
quoique très-curieux, n'efl gueres i^\x^cQ\)'
cible
Juillet, Août et Septemb. 173p. 35^
tible d'Extrait. Mais nous dirons quelque
chofe des Diflertations particulières qu'il y
a entremêlées.
La première traite de la Supériorité des
Evêques de Rome, que l'Auteur explique
de cette manière. Le Pape eft au delTus
de chaque Evêque en particulier: mais il
eft inférieur à tous les Evêques en géné-
ral, qui peuvent faire des Loix auxquelles
il foit obligé d'obéir. Et voici fes preu-
ves (*) Les Apôtres ont tous également
reçu de Jefus-Chrift le pouvoir de prêcher
l'Evangile , de lier & de délier les pé-
cheurs, de remettre & de retenir les pé-
chez. A cet égard Se. Pierre n'eut aucune
fupériorité fur fes Collègues. Cependant
on ne peut nier qu'il n'eut fur eux
quelque Primauté , qui confîfloit en ce
qu'il étoit le premier entre eux, & comme
leur Préfident & leur Chef. C'eft ce que
l'Auteur cro t pouvoir conclure de ce que
J. C. Pavoit appelle le premier à le fuivre,
de ce qu'il eft ordinairement nommé le
premier dans l'IIiftoire de l'Evangile, de
ce qu'il a prêché le premier cet Evangile,
de ce qu'il paroît avoir préfidé au Concile
de Jerufalem , & fur-tout de ces paroles
que*^notre Sauveur lui addrefTe après fa Ré-
furredion. Pais mes Brebis, quoiqu'afluré-
ment il n'y foit queftion de rien de fem-
blable. Il eft vifible par toute la fuite du
dif-
(*) Pj2. 1.23. & fuiv.
370 Bibliothèque Britannique,
difcours, que c*eft une efpece de formule
dont J. C. fe ferc pour rétablir cec Apô-
tre dans fon Miniflère, duquel il étoit dé-
chu par fa triple abnégation. Mais quand
le contraire feroic vrai , quand St. Pjerre
auroit été primiis inter pares , ce que l'on
peut accorder fans aucun danger pour la
foi, que s'enfuivroit-il ? Q^ae le Pape efl
aulTi le premier , le Cher des Evêques ,
comme l'Auteur le prétend ? Mais pour
que la confequence fût juile , il faudroit
avoir prouvé auparavant qu'il ed le fuc-
ceiTeur de St Pierre, & qu'il a hérité de
fa Prééminence ; ce que l'Auteur ne s'eft
point mis en peine de prouver, fans doute
parce qu'il en abienfentila difficulté, ou
plutôt fimipoiTibilité.
Cependant nous lui ferons d'autant moins
querelle là-delTus , qu'il n'eft aucun Pro-
teftant qui, pour le gain de la paix, ne lui
pafTàt volontiers cette fuppofltion, toute
précaire qu'elle eft , pourvu que fon fyf-
tême fur la Supériorité du Pape pût avoir
lieu. ,, Le Pape , dit-il (*) , n'eft pas
„ plus fupérieur des Evêques , que St, Pier-
„ re l'étoit des Apôtres. Il eft le premier
„ des Evêques , leur Chef; il a fur eux droit
„ d'infpcdion , d'admonition , de repréhen-
„ fion même. S'ils s'alTemblent pour quel-
„ que caufe concernant toute TEglife ,
^, c'eil à lui à les convoquer, fauf le droit
„ de5
(*) Pag. 138.
*
Juillet, Août et Septemb. ly^ç). 37^
M des Princes , & à les préfider ; mais il
9, n'eft point Jeur Souverain i Ton fentiment
„ n'crt point leur règle; il n'a pas lui feul
99 plus d'autorité qu'eux tous; il efljComr
„ n>e chacun d'eux en particulier , infé-
,9 rieur à rAflemblée qu'il a convoquée ,
,9 & ne peut fans crime refufer de s'y
„ foûraettre. Si les Evêques-ont perdu
99 leurs droits, (1 le Pouvoir que jefus-
„ Chrift a attaché à leur facré caraclère
„ eft borné, fi on les domine, fi on rcgne
„ fur eux fi on ks tienc
„ dans la fervitude, ce ne peut écre que
,9 par la coupable ignorance de leursDroits,
„ & par leur indigne foiblefTe à les défcn-
99 dre.
L'Auteur montre cnfuite par l'Hifloire
de la primitive Eglife , que c'ell-là l'idée
qu'on doit fc faire de la Supériorité du
Pape. 11 eft feulement fâcheux qu'elle ne
lui ait fourni aucun trait de la Préémi-
nence des Evêques de Rome fur tous les
autres Evoques , en qualité de Succcf-
feur de St. Pierre ; ce qui étoit pour-
tant le point efTentiel à juftifîer. Tour,
ce qu'il en a tiré, tend même plutôt à ren-
verfer cette Prééminence qu'à l'établir. Que
les Ledeurs en jugent par le précis que
nous en allons donner.
Tous les Evéques étoient originaire-
ment égaux; ils avoient chacun leur Dif-
tri6l, ou leur Diocèfe particulier, qu'ils gou-
vernoient avec un plein pouvoir & une
Tome XIII. Pan. IL Bb en--
372 Bibliothèque Britannique,
entière indépendance. Aucun d'entre eux
ne s'ingéroit dans les affaires des autres,
& n'exerçoic aucune efpece d'autorité ou
de jurifdidlion fur les autres. Lorfqu'il
y avoit quelque point important à régler,
ou quelques abus à reformer, ce n'étoit
jamais aucun d'eux en particulier qui en
décidoit ; mais ils formoient, ou des Sy-
nodes Provinciaux, ou des vSynodes Natio-
naux ,dans lefquels.on regloit l'affaire à la
pluralité des fuffrages. Cependant leurs
décifions ne lioient les Evêques des autres
Provinces, ou des autres Nations, qu'autant
qu'ils le vouloient bien , & qu'ils trou-
voient la chofe raifonnable. Les Evêques
des Métropoles, des Capitales, & quel-
quefois même du lieu où l'on s'aflembloit,
préfidoient à ces Synodes , & n'y avoienc
que leur voix comme les autres. Aucun
d'eux ne s'attribuoit le droit de convo-
quer ces fortes d'Aflemblées , & d'y préfl-
(^er, en quelque lieu qu'elles Te tînlTent.
Dans ces heureux tems , donc , les Evê-
ques de -Rome avoient leur Diftrict com-
me les autres Evêques-; leur Jurifdiclion
ne s'étendoit point au-delà du Territoire
•qui leur avoit été attribué : Mais leur
Sié^e étant le plus ancien de l'Occident ,
c'eii d'eux que le refte de l'Italie, les
Gaules, les Efpagnes, reçurent la lumière
de l'Ev^angile ; ils furent en quelque forte
les Fondateurs des Eglifes qui s'y formè-
rent, ils leur donnèrent leurs premiers
Eve-
Juillet, Août Ef Septerib. 1739. 273
Evêqiies ; d'oîi naquit le rcfpefl: & Ja re-
connoiirancc que ces Eglifes conferverene
toujours depuis pour l'Eglife de Rome,
comme pour leur Mcre & la fource de
leur faluc.
99 C'efl de cette efpece de Filiation ,
j^ die l'Auteur *, qu'eft venu le grand
>i rapport des Eglifes particulières d'Oc-
99 cident avec Rome , 6c la refpedlueufe
ff déférence qu'elles avoient pour elle.
99 Les Eglifcs d'Orient, qui n'étoient point
99 Tes filles, fi je puis ufer de cette expref-
»j fion, ne la confultoient gueres, & n'a-
99 voient avec elle aucun rapport particu-
?» lier ^*. [Ces Eglifes ne reconnoifToicnc
donc pas la Primauté des Papes en qualité
de SuccefTeurs de St. Pierre , autrement
elles auroient confervé avec eux , comme
avec leurs Chefs, une étroite relation. >
99 je dois l'obferver ici; ce ne peut être
»? que fur cette filiation des Eglifes d'Oc-
99 cident que l'Eglife Romaine s'appuye
,, pour prendre, comme elle fait, le titre
„ pompeux de Mère ^ de MaîtreJJe des au
,5 très E^ifes\ & ce n'cft atTurémenc qu'eu
j, ce fens que les Pères du Concile de Tren»
,9 te ont adopté cette exprefîion: Quei^
9, que exceffive que foit la déférence qu'ils
,, ont eue pour Rome, ils ne pouvoient
,, ignorer qu'ils avoient droit de fufFrage,
i, 6: par une fuite néceflaire , que ces pa-
9j rôles
> Pa7. T44.
Bb 2
374B1BL10THE QUE Britannique,
„ rôles ne pouvoient être prifes dans ua
„ lens rigoureux.
Les chofes demeurèrent dans cet état,
jarqu'à ce que les Empereurs d'Occident
crurent beaucoup honorer le Siège de leur
Empire, en élevant celui qui en étoit Evo-
que au délias des autres Métropolitains,
par la liberté qu'ils donnèrent indifférem-
raeut à tous les Particuliers d'appelîer à
fon Tribunal. Ces Appellations furent
par-tout regardées comme une Innova-
tion; & u l'on s'y fournit, ce ne fut qu'à
la longue & avec beaucoup de peine; com-
me il paroît par une Lettre des Evêques
d'Afrique au Pape Céleftin, que l'Auteur
cite, mais qui eft trop longue pour l'in-
férer ici. Voilà, fuivant lui, de quelle
manière les Evêques de Rome ont acquis
fur les autres Evoques, une Supériorité
qu'ils n'avoient point originairement. Mais,
li cela efl vrai , comme on ne peut leçon-
tefter , que deviendra la Primauté qu'il
leur attribue en qualité de Succefleurs de
St. Pierre ? iN'efl-ce pas un titre en l'air,
dont il a voulu leur faire honneur, ap-
paremment pour ne pas effaroucher les
bons Catholiques qui font accoutumez à
ce langage?
,, Cejiainfi ^ dit-il en finifTant cette Dif-
„ fertation , que l'élévation d'un feulEvê-
„ que a dégradé tout l'Epifcopat ; elle
„ a changé la forme primitive du Gou-
,, vernsment de VEgUfe\ d'Ariftocratique
i, qu'il
Juillet, Août et S^ptemb. 17^,9. 375
5, qu'ilécoic, il eO: devenu Monarchique.
i, C'efl fur-tout à ceux qui font lézez ,
„ dont la Dignité a été avilie , à voir fi
iy l'honneur & la confcience ne les obli-
„ gent pas à prendre toutes les mcfares
i) poflibles pour lui rendre fon premier
a éclat & fa première indépendance. Quoi
,i qu'il en foit, il cfl: certain qu'il n'eitni
,9 ceflion ni poiTefliion , quelque longue
a qu'elle foit, qui puifTe rendre légitime
„ une pareille ufurpation. On ne préfcrit
99 point contre la volonté de Dieu , ou
99 contre les Etabliflemens deJefus-Chrift,
9, fon fils , qu'il a fait Maître abfolu de fon
„ Eglife.
La féconde Diflertation a pour objet
l'Autorité des Papes fur le Temporel des
Rois & des Eglifes. Elle fe réduit donc
à deux queftions ; la première , en quoi les
Princes dépendent des Papes par rapport
au gouvernement & à la polTeiTion de
leurs Etats? La féconde, fi le Pape eft le
Maître de tous les Biens Eccléfiafi:iques ?
„ La première , dit l'Auteur *, n'a pas
„ befoin d'être traitée, & c'efl: en quel-
„ que forte faire injure aux Souverains
5, que de l'examiner; car il eft évident
„ que les Rois ne dépendent, ni médiate-
„ ment, ni immédiatement, d'aucune Puif-
5, fan ce créée, & que leur Autorité n'a
„ point d'autres bornes que celles que
j, leur
* Pag. 19^.
Bb3
37^ Bibliothèque Britannique,
,, leur préfcrivent les I»oix fondamentales
„ de leur Etat, & les fermens par lefquels
.. ils fe font obligez à les obferver. Sur
„ quoi donc peuvent être appuyées les
,, prétentions des Papes? Sur quoi fondé
n eft-il dit dans l'Office de St, Pierre ,
,., que Dieu lui adonné tous les Royaumes
,, du monde ? Eil-ce parce que Jefus-
„ Chnffc a été établi le Maître du monde,
,y que les Papes s'imaginent l'être auffi ?
,5 Seroit-il rien de plus bizarre que cette
M confequence? Quel rapport de puiflan-
5, cepcut-iî y avoir entre le Très-Haut &
., de foib'cs' Créatures? Le pouvoir qu'il
,, areçUjiirexerceinvifibiement, ôcTexer-
5> cera à la iin desfiécles de la manière la
,, plus éclatante. Il a établi les Apô-
,, très & leurs rucceflcurs pour gouverner
,, î'Eglile ; tous les pouvoirs qu'il leur a
., donnez le bornent à ce gouvernement;
,, les Clefs qu'il leur a données, font les
-, Clefs du Royctame du Ciel, & non des
j, Royaumes de la terre. Leur puilTance
., délier, de délier, d'ouvrir , de fermer,
ne regarde que le Royaume dont les
Clefs leur ont été confiées ; tout autre
ufciîre qu'ils en font, doit être regardé
co'.nme une injufte ufurpation. La Paix ,
,vla Guerre, ne font point de ieurreflbrt;
„ fis peuvent bien , pour engager à la Paix,
,, pour faire ceiTer la Guerre, employer
,, les prières , les exhortations , les re-
!^ montrances , mais on efl: libre de s'y
3, ren-
Juillet, Août et Septemb. 1739. 377
9i rendre ou de leur refifter ; & ils ne
„ méritent plus d'être écoutez, dès qu'ils
„ s'oublient jufqu'à commander [auxPrin-
99 ces s*entend,]jurqu'à joindre les mena-
99 ces à leurs commandemens.
Pour ce qui eft de l'Autorité des Papes
furie Temporel de l'Eglife, ce qu'on a
dit auparavant au fujet des Bénéfices &
des revenus Eccléfiaitiques, fait aflez voir
qu'ils n'en ont aucune, ou que ce ne peut
être tout au plus qu'une Autorité d'infpec-
tion 5 comme l'Auteur le foutient. Sui-
vant lui , la qualité de Chef de l'Eglife,
donne à l'Evéque de Rome le droit , ou
plutôt lui impofe l'obligation de veiller à
la confervation des Biens Eccîéiiafliques ,
d'animer le zèle de fes Confrères dans
l'Epifcopat, pour en empêcher l'aliénation ,
la dilTipation, pour en régler la divilîon
ou la réunion: Droit, obligation qui lui
font communs avec tous les Evéques, &
qui ne lui deviennent particuliers que
lorfque les Evêques les négligent parfoi-
blefle,par timidité ou par complaifance.
Ce n'eft qu'à leur défaut qu'il peut& qu'il
doit intervenir dans ces fortes d'affaires.
Chaque Eglife , par rapport à la pofleliion
des Biens qu'elle a acquis , ou qui lui onc
été donnez, eft indépendante des autres.
Elle feule en a le domaine & l'ufage , fauf
pourtant les droits des Princes & des
Seigneurs particuliers de qui les Terres
-données ou acquifes peuvent rélever, Ain-
Bb 4 fi
378 BlBLTOTHEQtTR BniTANNiqUE,
ii les Biens deTEglife de Paris, par exem-
ple, font audl indépendans de TEglife de
Kome,que ceuxde 1 ÎLg'ife de Rome peu-
-vcnt l'être de i'E^hfe de Paris. Cette
indépendance eit fondée de parc (Se d'au-
tre Ibr les mêmes raifons ; fi^avoir la vo-
lonté des Donateurs , & la capacité à re-
cevfùr, à acquérir & à poUeder , de forte
qu'il ne fçauroit y avoir de différence.
D'ailleurs, fi le Pape étoiG- maître des
Biens d'Eglife, qu'il en eût le domaine ,
qu'il pût s'en approprier l'ufage, quel tort
cela ne feroic-ii pouuaux Souverains 6c à
leurs fujets, & quelles fâcheufes fuites ne
pourroicuC point avoir ces richefies im-
menfes? L'x'^uteur dit avoir lu dans des
Mémoires manufcrits de Mr. du Gué-
Bajrnols, qui a été fort long-tems Inten-
dant de Lille en Flandre, que l'Eglife ,
depuis la fource de la Scarpe jufqu'à ce
que cette rivière fe jette dans PEfcaut ,
pouede en terres pour un million fcpt-cens
mille livres de rente ; cependant à peine
y s-t-il dix-&-huit lieues. L'excès efl en-
core plus fenfible dans Je Camibrens ; car
en fuppofant , comme le fait cet Intendant ,
que'cette Province contient environ dix-
&-rept milie Acres de terre , la NobleHe
& îe Peuple n'en ont que troif^-mille , tout
le rede étant entre les mains du Clergé.
En France même, les Eccléfiaftiques fé-
cuiiers & réguliers ont, fuivant l'Anteur ,
<ia moins la moitié des Biens de ce Royau-
me.
Juillet, Août et Septeme. 1739. 379
me. Conviendroit-il pour le bien de la
Reljr^îon & de la Société , qu'un feul
homme , que l'Evêque de Rome, pût dilpo-
fer à Ton gré dans chaque Fais de tant de
richefles?
La troificme Diflertation rouîe fur le
Droit des Souverains par rapport à l'In-
vciliture des Evêchez & des Abbayes ; mais
comm.e elle ne renferme rien de particu-
lier , ni de fort inrérelFant pour ia plûparc
de nos Lecteurs , nous ne nous y arrête-
rons pas.
La quatrième traite des Excommunica-.
tions & des Interdits. L'Auteur pofe d'a-
bord comm.e un principe inconteftable ,
que foute Société a droit de punir les
tranfgreiïeurs des Loix qu'elle fait pro-
fclTion de fuivre , ou qu'elle a jugé à pro-
pos d'écablir, pour régler la conduite des
Particuliers qui la coraporcnt. L'Eglife
cfl certainement une Société qui a fes Loix ,
fcs maximes , & par confequent le droit
de punir ceux qui les violent. Cette So-
ciété cil divifée en deux parties , dont Tune
gouverne l'autre; c'efl fans doure à celle
qui gouverne, c'ell-à-dire aux Evêques ,
de juger des transgrefilons , & de punir
les transgrefleurs. Mais comme leur Gou-
vernement eft purement fpirituel , aulîî
leurs punitions doivent-elles être toutes
fpirituelles; ou plutôt elles doivent corifif-
ter à ôter aux coupables , des privilèges
qui dépendent de l'Eglife^ <Sc non à faire
Bb T fouf-
380B1EL10THEQ.UE Britannique,
fouffrir des peines pofitives & fen-
fibles.
L'Excommunication eft une punition de
ce genre. Elle confifle à être feparé de
la Société vifible des Fidèles , & privé de
la participation extérieure aux chofes
faintes. Tout Chrétien , foit qu'il gou-
verne ou qu'il foit gouverné, peut méri-
ter ce retranchement & cette privation.
Ni Rois, ni Souverains , ni Evêques^ ni
Papes , n'en font point à couvert ; la feu-
lé différence qu'il y ait entre eux & \qs
autres, c'eO: qu'il faut fans comparaifon
plus de formalitez & de précautions pour
eux que pour leurs inférieurs » à caufe
des confequenccs , & pour le bien même
de la Religion & de la Société. Mais
quelle efl: Ta matière de l'Excommunica-
tion ? Pnifque c'eft une très-grande puni-
tion jilfautaufTi que la faute qui en eft l'ob-
jet, foit très-griève & de très-dangereufe
Gunfequence ; & puifque c'eil une puni-
tion éclatante & publique , il faut auiïî
que la faute foit publique , fcandaleufe ,
avérée, inconteftable; entin, puifque c'efl
uie punition fpirituelle, il faut aullî que
îa faute foit d'une nature purement fpi-
rituelle, contre la Loi de Dieu, ou con-
tre la Difcipline de PEglife: d'où il fuit»
quq les affaires purement temporelles ne
peuvent être un fujec légitime d'Excom-
munication.
Enfin il faut rembarquer que TEglife ne
peut
j
Juillet, Août et Sêptemb. 1739. 381
peut ôter aux perfonnes qu'elle excom-
munie, que les bieQs qui font en fa dif-
pofîtion ; ceux à quoi on a droit en qua-
lité d'homme & de Membre de la So-
ciété Civile , ne font point de fon réf.
fort. Elle feroit injufte (î elle entrepre-
noit d'en dépouiller, ou d'en interdire la
jouïfTance. Un Chrétien excommunié ne
ceffe pas pour cela d'apartenir à la So-
ciété Civile ; il ne perd ni fon bien, ni
fon rang , ni fa dignité. Les liens de
foûmiirîon,de dépendance, du fang& de
l'amitié, qui lui attachent fes fujets, fes
domeftiques , fes amis , fes proches, fes vo:-
fîns, fes compatriotes , ne font point rom*-
pus; ce ne pourroit être fans crime que
ces diverfes perfonnes lui refuferoient,
fous ce prétexte, le fervice , l'obéiiTance ,
le refped, Tamitié qu'ils lui doivent. Aic-
fi les Evéques excédent injuftement leur
Pouvoir , quand ils prétendent & qu'ils
ordonnent qu'on regarde comme exclus
de la Société Civile, ceux qu'ils ont ex-
clus de la Société Chrétienne, enferre
qu'ils perdent leurs biens, leurs honneurs
& leurs dignitez , & qu'il ne leur foit
plus permis de tefter , de témoigner de-
vant les Cours de Juftice, de voyager, de
manger & de boire avec les autres Chré-
tiens. L'Excommunication ne s'étend
qu'au Spirituel, & même à ce qu'il y n
d'extérieur 6l de vifible dans le Spirituel ;
elle n'a rien à démêler avec le Tempo-
rel;
382 Bibliothèque Britannique,
rel; elle ne peut avoir d'effet qui détrui-
fe la Société Civile, oii qui lui nuifecon-
fiderablement ; car dès-là elle eft injufte,
6c doit être reprimée par les Souve-
rains.
On met encore l'Interdit au rang des
punitions fpirituelles que les Evêques
peuvent infliger. Il confiflie à ôterà tou-
te une Ville, à tout un peuple, à tout un
Royaume , Tufage des chofes faintes , en
lufpendant de leurs fondlions les Mi-
nifires de l'Eglife pour un certain tems.
îvfais ce remède eft 11 cruel , il choque
tellement toutes les idées de la juflice &
de la charité, qu'on ne conçoit pas com-
ment les Evêques de Rome ont ofé s*en
iérvir aufli fouvent qu'ils l'ont fait , &
comment les Peuples ont pu s'y foûmet-
rre en aucun tems» L'Excommunication
a été en ufage dès les premiers tems du
Chriftianirme ; mais l'Interdit n'a point été
connu durant les cinq premiers fiécles :
Il doit fa naiffance aux démêlez que les
Papes ont eu avec les Souverains; & il
femble qu'on ne l'ait mis en pratique que
pour foulever leurs fujets, & les forcer
par-là de fe foûmettre aux Loix de l'E-
glife , ou plutôt aux prétentions injulles
de ceux qui la gouvernoient. Or dès-là
l'Interdit eft formellement contraire au
bien de la Société Civile, contre laquel-
le tout ce qui tend à la détruire, ne peut
Juillet, Août et Septemb. 1739» 383
jamais être légitimement employé par
quelque Puiflance que ce foit.
' De plus, à confiderer lachofe en elle-
même, les Peuples font - ils réfponfables
des crimes de leurs Souverains , & pour-
quoi faut-il qu'ils portent la peine d'une
faute à laquelle ils n'ont point participé?
Ou méritent-ils qu'on les prive des moyens,
des lources de la Grâce & du falut, uni-
quement parce qu'ils ne ceflent pas de re-
connoître pour leurs Maîtres , leurs Prin-
ces légitimes qui ont eu le malheur de
s'attirer l'indignation des Papes ? Tout
Interdit général, en confequence du crime
perfonnel & particulier d'un Souverain , efl:
donc injufle , & ne doit être ni fouffert,
ni obfervé: La Société Civile a même
droit de punir ceux qui voudroient s'y
alTujettir. Et certes , comme le dit l'Au-
teur, quand la République de Venife chaf-
fa des terres de fon obéiffance les Jéfui-
tes,qui , malgré fa défenfe,avoient gardé
l'Interdit fulminé contre elle par Paul
V. , quand elle tint ferme à ne les
point recevoir lors de fon accommode-
ment ; elle ne fit rien que ce qu'elle pou-
voit, que ce qu'elle devoit faire ; &c elle
auroit encore mieux fait , ii elle avoit re-
fifté aux foUicitations de Henri IV. qui
la détermina enfin à fuivre fon exemple ,
en rappellent ces Religieux; car elle peut
compter, qu'en pareil cas ils feroienc en-
core les premiers à transgreiler fe.s ordres ,
384B1BL10THEQUE Britannique^
& à donner à Tes peuples l'exemple d'une
coupable obéïflance,
La manière dont il finit cette Diflferta-
tion, nous a paru trop remarquable dans
la bouche d'un Catholique pour ne pas
la tranfcrire. ,> Il y a déjà du tems,dic-
„ il * , qu'on a commencé en France à
99 ouvrir les yeux ,& àrevenir des piéju-
„ gez trop favorables à la Puifiance Ec-
j, cléfiafcique ; il s'en faut pourtant enco-
„ re beaucoup qu'on ne penfe jufte à
„ cet égard , & qu'on ait regagné le ter-
„ rein qu'on a perdu. On délibère , on
,, craint même, on héfite & on tremble,
j> comme fi l'on n'avoit pas des principes
j9 fûrs pour borner les prétentions de l'E-
„ pifcopat en général , & de quelque Evé-
,, que en particulier. On croit avoir trou-
„ vé un expédient admirable,quand,afind'é-
„ viterunTribunal qui embarafle, on a ima-
„ ginéd'en appellera un autre qui n'exifle
,, point, & qu'on ne doit pas plus recon-
,> noître que celui qu'on décline, à moins
qu'il ne s'agilTe de la Foi. Ignore-t-on
que les Conciles ont fouvent entrepris
fur la Puiffance Temporelle , & qu'ils
ont fait desdécifions qu'elle feule avoit
droit de faire ? Pourquoi ne pas décla-
rer hautement ce qu'on a droit de pen-
f9 Je le fçais , on cramt les noms odieux
,,d'Hé-.
. * Psg. s 46. & fuiVi
>{
d
Juillet, Août et Sf.ptemb* 1739. 385
99 d'Hérétiques & de Schifmatiques, que
9) les Eccléfiaftiques prodiguent à ceux qui
99 s'oppofent à leurs prétentions. Maia
99 ces cris injuftes doivent-ils empêcher
99 qu'on fecouë le joug dont on n'auroit
5, jamais dû fe laifier charger? Scroit-on
,> Schirmatique,fi on n'avoit avec Rome
,9 que les rapports néceffairespour lacon-
99 fervation de la Foi & des mœurs ? Le
99 feroit-on,!! l'on ne payoit plus d'Anne-
99 tes pour les grands Bénéfices? Les E-
j^ vêques feroient-ils hérétiques , rchifma-
M tiques , s'ils fe rétablilToient dans les
99 droits & dans l'exercice de la Puiflan-
„ ce que Jefus-Chi^ift leur a donnée ?
99 Ceux qui les aideroient, le feroient-ils ?
99 Mais fur-tout , le feroit-on pour ne pas
» reconnoître, pour ne pas recevoir ces
$9 Excommunications, ces Interdits , qui
,*, ont pour but de foulever les Peuples
,5 contre les Chefs de la Société Civile ;
„ ces Excommunications, ces Interdits que
„ la Politique a mis en œuvre , pour le
î, moins aulTi fouvent que le zèle de la
), Religion; ces Excommunications, ces
99 Interdits qui fuppofent une Souveraine-
., té injuftement prétendue , judement con-
„ teftée ? Craignons donc le Schifme ,
„ mais ne craignons pas fon ombre; du
99 moins que cette crainte ne nous trou-
„ ble & ne nous aveugle pas jufqu'à nous
„ le faire voir ou il n'efl point. Dès
>• qu'il y a de Tabus & de l'injuSice dans
}9 le$
5^
86 Bibliothèque Britannique,
_ les Prétentions, le SchiflTis , ou plutôt
,, le crime, Fodieux du Sclufme, ne peut
i, être du côté des Oppofans.
N'->us renvoyons le refis de cet Extrait à un
Journal fuivant,
ARTICLE VI.
Travels, or Obfèrvations Reiating to
Several Parts of Barbary and the Le-
vant, &c. Ce/l-à-dire: Vo'ya^es en ai-
"oers Lieux de la Barbarie fcf du Le-
ijTnt'^ avec des Ol/fervatious. Par Tho-
mas Shaw , Dûiîeureu Théologie , Mem-
bre du Collège de la Reine à Ox-
ford, &f de la Société Roya-
le. [ Quatrième & dernier Extrait].
Obfèrvations Géographiques fur la Sy-
rie, la Phénicie ôc la T^erre- Sainte.
COmme entre les Anglois IMr. Maun-
drell, cd celui qui a donné la Def-
cription la plus exadle de ces Pai's, l'Au-
teur déclare d'abord, que fes Remarques
ne rouleront que fur ce qu'il a omis , ou
mal rapporté.
Laîicée ^ ou Laodicê8,Qil la première vil-
le maritime de la Syrie du côté du Nord.
Elle eiT: fituée fur une colline , en am-
phithéâtre; ce qui en rend la vûë très-
bel-
Juillet, Août et Septemb. 1739. 387
belle. On y voit encore les reftes de
quelques Monumens antiques , entre au-
tres plufieurs rangs de Colomnes de Por-
phyre & de Granité, avec les ruines d'un
grand Aqueduc, probablement le même
q\ïHérode fit bâtir, au rapport de Jofe-
phe *. Mais le morceau le plus curieux
en ce genre & le mieux confervé , efl un
magnifique Arc de triomphe d'une gran-
de étendue, qu'on a converti en Mof-
quée. Les Colomnes font de l'ordre Co-
rinthien,l'Architrave cfl ornée de trophées,
boucliers , haches d'armes & autres infiiru-
mens de guerre ; & le refie de l'enta-
bîature efi: fiiperbe 6c d'une grande har-
diefle. On trouve parmi ces ruines quan-
tité d'Infcriptions Grecques & Latines;
mais elles font fi effacées , qu'on ne ftj^au-
roit en tirer aucun ufage.
A une petite diftance de la ville, tirant
à rOuefl:, il y a un Port afiez grand,
dit l'Auteur , pour contenir autant de
VaiiTeaux de guerre, ou marchands, que
l'Angleterre en a; quoiqu'il foit aujour-
d'hui tellement comblé , qu'à peine en
peut-il recevoir une demi- douzaine. A
un quart de mille de Laodicée ^ du côté
du Nord , on trouve plufieurs Cercueils
de pierre ( Sarcopbagi) dont quelques-
uns ont encore leur couvercles; ils ref-
femblent aflez à ceux qu'on voit en Ita-
lie,
* de Bell. Jud. I. i. Cap. 16.
TomeXIII. Fart, IL Ce
V'k
38BB1BL10THEQUE Britannique,
lie , feulement ils font plus grands. Dans
le rocher où ces Cercueils font placez,
on a pratiqué des chambres fépulchrales ,
de dix, de vingt , & même de trente
pieds en quarré;, tout autour defquellcs
il y a des niches ou des cellules , où
l'on peut mettre jufqu'à trois Cercueils
Tun contre l'autre. L'Efcalier qui con-
duit à ces chambres , eft très-artiftemenc
conftruit, 6c orné de toutes fortes de fi-
gures en bas -relief, comme le font les
Cercueils mêmes. Il y en a une qui por-
te le nom de Ste. Thécle, &que les Grecs
ont en grande vénération , non feuiement
à caufc des actes de pénitence & de mor-
tification qu'on dit que cejte Sainte a fa't
dans cet endroit, mais fur-tout à caufe
d'une fontaine qui eft dans le milieu de
cette chambre, & à laquelle ils attribuent
la vertu de procurer des vifions ck des
guérifons miraculeufes. On y apporte de
toutes parts les malades & les infirmes,
qu'on lave ou qu'un plonge dans cette
eau falutaire ,avec des cérémonies toutes
fuperflitieufes. Les Vieillards y viennent
apprendre l'heure de leur mort; & les
Jeunes -gens tout ce qui doit leur arri-
ver.
Le Mont Liban feparoit anciennement
la Syrie de la Fbéîiicie , comme il paroîc
par un pafTage de Pîoiomée. Le Nahar-
Eî-Berd^ ou la Rivière Froide qui tire fa
fource de ce Mont, eft, à ce que l'Au-
teur
Juillet, Août et Septemb. 1739. ^p,^
teur conjedure, VEleuîberu^ des Anciens,
qui eft fi mal placé dans Tancienne
Géographie. Il fe fonde fur l'auto^
rite de Ptolomée, qui donne à cette Riviè-
re à -peu -près la même fituation^ & fur
une Médaille d'Antomn le P/fwx , frappée à
Or^/;/)7?a, aujourd'hui Or-tofa, fur les bords
de ce fleuve. Car au revers de cette Mé-
daille on voit la Déefle -^J^arf^, marchant
fur une Rivière, qui ne peut être que cel-
le-ci. A deux lieuL\s de -là on trouvé les
ruines de l'ancienne Tripoli s y fondée par
les Araàims y les Sydoiiiens & les Tyriens
conjointement, & ficuée fur un C!ap , que
Scylax appelle Prelqu'ine. Elle avoit
autrefois un excellent Port, qui n'eftpref-
que rien aujourd'hui, par la négligence des
Peuples de ce Païs, qui l'ont laifTé com-
bler. Au rede, Mr. Shaw a eu occafîon
de fe convaincre par fes propres yeux de
Terreur de quelques anciens Géographes,
qui ont prétendu que cette Ville étoit cri-
ginairemenc compcfée de trois villes dif-
férentes, bâties à une petite diftance les
unes des autres, &que c'étoic de-là qu*ellë
tii'oit fon nom * ; car il n'a pu décou-
vrir aucune trace de murailles particuliè-
res pour chacune de ces villes, celles
dont on voit encore les ruines, formant
une feule & même enceinte.
Le nouveau Tripoli eft Ctué à une demi-
lieuë
* Dioi, Sic. Pomp. Mêla.
Ce 2
390 Bibliothèque Britannique,
lieuë de Pancien , fur le penchanc d'une
colline qui fait face à la mer. Le Com-
merce de cette Ville eft très-confiderable,
foit par les Manufactures de Soye & de
Cotton qui y font établies, foit par les
marchandifes qu'on y apporte fans ceiTe
à'Alep & de Damas. A en juger par les
murailles & la citadelle , qui font bâties à
la Gothique, elle n'eil pas fort ancienne.
On n'y voit rien de remarquable qu'un
Aqueduc avec des Néfervoirs d'efpace en
efpace , qui ont jufqu'à trente pieds de hau-
teur, & qui fournirent de l'eau à toute la
Ville. Sur la principale Arche de cet A-
queduCj qu'on appelle le Pont du Prince^
il y a un EcufTon chargé d'une Croix recroi-
feîée^ qui font les armes de la maifon de
Lorraine \ ce qui pourroit juflifier la tra-
dition qui porte, que cette Ville fut bâtie
piY Godefroi de Bouillon^ dutemsdes Croi-
fades.
Les Obferv'ationsGéographiques de l'Au-
teur fur la Pbéîiicie, fe bornent à la Ville
de Tyr. Tous les Levantins rappellent
Sour^ qui eft fon ancien nom, auquel on don-
ne une double étymologie; car on le fait
venir à. de -nv qui en Phénicien, de mê-
me qu'en Hébreu, fignifie un Rocher ^ ce
qui convient parfaitement à fa fituation;
& de 5ar 5 qui eft le nom du Poilfon donc
Ton tiroit autrefois la Pourpre pour la-
quelle cette Ville étoit fi fameufe. Il y a
déjà plufîeurs Siècles qu'on a perdu la ma-
nière
Juillet, Août et Septemb. 173g. 591
nière d'extraire cette couleur, quoique le
PoilToii qui la donnoit fubfifle encore ,
co.Tme on en peut juger par la quantité
de coquilles colorées en dedans de Pour-
pre, qu'on trouve fur les bords de la mer
aux environs de cette Ville. Mr. Sbc^w die,
qu'il vifira avec foin tous ces environs, &
qu'il ne put jamais y découvrir la moin-
dre trare d'un Port capable de contenir
les VaifFeaux qui y abordoient de toutes
parts, & oii i]s p-'ident être en ffircré;
de forte qu'il faut qu il foit arrivé de grands
chaniiemens à cette côte de la mer.
Cette Ville autrefois fi renommée pour
fon commerce, cil aujourd'hui entière-
ment ruinée, & l'on n'y voit plus que quel-
ques cabrines de Pêcheurs.
L/Aureur décrit enfuite la fituation des
Tribus d'Ifraél & des Lieux les plus re-
marquables de la Terre Sainte. Les mon-
tagnes ou coteaux qui environnent la Vil-
le de Jenifalem, ou fur lefquel? elle e(l fl-
tuée, la font paroître comme fi elle é^oic
bâtie en amphithéâtre, & empêchent qv"oa
ne la puiffe voir de loin. Le Mont ''es
Oliviers, qui eli peut-être l'endroit le plus
éloigné d'où il foit poflible de la découvrir,
en cil pourtant fi proche, que les Evsngé-
lifles ont pu dire dans un fens presque
littéral , que Jefiis-Chrift pleura fur elle , lorf-
que de deflus ce Monr il lui dénonça fa
ruine prochaine. Il y refle, très -peu de
traces de cç; qu'elle étoit du tems de Notre-
Cc 3 Sd-
392 BibLIOTHEQUEBrITAN NIQUE,
Seigneur , & même après que l'Empereur
Adrien l'eut rebâtie. Il n'y a pas julqua
fa fituation qui n'ait changé ; car le mont
Sion , qui écoit la partie la plus élevée de
Tancienne Jerufalem , en ell à préfent ex-
clus , & fes folTez font comblez ; tandis
que le Calvaire, qui étoit hors de la Ville,
fuivant cette exprelTion d'un Apôtre, que
yefus-CbriJl a fouffert hors de la porte -•' , en
fait aujourd'hui prefque le centre.
Cependant, quelques grands que foient
les changemens qui font arrivez à cette
Ville 3 cela ne doit pas faire révoquer en
doute la tradition qui s'y efu coniervée ,
touchant la fituation des Lieux faints,ou
confacrez par quelque événement remar-
quable arrivé kJefus-CbriJî ou à fes Apôcrcs.
Le Calvaire, par exemple, & le tombeau
oti ce divin Sauveur fut mis, ne pouvoient
être ignorez de fes Dilciples & de fes Ad-
hérans; & il efl plus que probable qu'ils
y attachèrent une vénération pp.nicuîiere,
qui en fit conreivcr avec foin la mémoire.
Ces lieux étoient fi bien connus du tems
à'Jdriefi, que par haine & par mépris pour
le nom Chrétien, cet Empereur fit ériger
une Statue à Jupiter far le Saint Sépulchre,
une autre à Venus fur le Calvaire, & une
troifième à Adonis à Retlehém , leiquelles
fubfiuerent jufqu'au tems de Cojtjlantiii^ qui
les fit ôter , & fit bâtir à leur place ces
magni-
* Hebr. XIII. 12.
Juillet, Août et Septemb. 1739. 393
magnifiques Temples qu'on voit encore au-
jourd'hui, & qu'on peut par confequent
regarder comme des Monumens autenti-
ques de îa vérité de la Tradition. L'Au-
teur cite là-delTus des paflages formels
d'Eufebe & de St. Jérôme *; & fans s'arrê-
ter à décrire ces divers lieux que d'autres
Voyageurs ont déjà fait allez connoître,
il fe contente d'en donner fort exadlement
la fituation dans une Carte faite exprès
pour cela.
Le Chapitre fuivant renferme des Obfer-
vations Géographiques fur V Egypte, V Arabie
Petrée & les Campemens des Ifraëlites, de-
puis leur fortie d'Egypte iu^qu'k leur entrée
dans la Palejtine.
Ce que l'Auteur dit au fujet du premier
de ces Païs, n'a rien de fort particulier, &
qu*on ne puilTe voir plus en détail dans la
belle Defcription de lEgypte de Mr. de Mail-
let ^ avec lequel du relie il ef]: ordinaire-
ment d'accord pour le fond des choies.
Seulement il prouve au long, par divers
paflages du Texte Hébreu, des Septante
& de Jo/epbe , que la Terre de Gofçen, que
les Ifraëlites habitèrent, comprenoit tout
ce pais qui eO: aux environs de îa Matarée
( l'ancienne He//OjDo'zj ) & qui s'étend le
longduNil, du côté de l'Arabie, jufqu'au
Grand
*■ Hieron. Ep. XIII. ad Paulin. Ep. XVII.
ad Mircell. Eufeb. de Vità Coiiftantini. L. III.
Cap. 25'
Ce 4
3Q4BibliothequeBritanniquEj
Grand Caire , qui eft au Midi de cette Ville »
& à Biflobeflo ( l'ancienne Bubafiis , ) qui eft
au Nord. Il marque enfuite avec la der-
nière exadtitude les divers Campemens de
ce Peuple en quittant l'Egypte, & jufqu'à
ce qu'il entrât dans la Terre promife. Mais
ce détail , quelque curieux, quelque fçavanc
même qu'il Ibitj n'eft pas fufceptible d'Ex-
trait.
Dans le Chapitre troifième qui traite de
l'Hiftoire naturelle de la Syle, de la Phé-
nicii & de la Terre fa';nîe ^ Mr. Shaw com-
mence par une efpece de DifTertation far
le^ Vents qui régnent dans ces Païs-là,
&. en particulier lur VEuroclydon dont il eft
parlé dans le Livre des Aftes ( XXVII. 14. )
Il foutient la leçon ordinaire contre Gro-
tius , Cdmer & d'autres, qui, fondez fur l'au-
torité du Manufcric d'Alexandrie & de la
Vulgate, ont prétendu qu'il falloit lire
Euroaquilon\ & il croit que St. Luc n'a
fait que rapporter le terme même dont les
Matelots, qui étoient Grecs félon toutes
les apparences, s'étoient fervis pour dé-
figner'le V^ent tempétueux d'Eu-Nord- Efl-
qui fe fait fouvent fentir dans le Levant
avec tant de violence, que s'il continue
quelque tems , l'eau fe retire des côtes de
Syrie & de Pbénicie, & laifle voir à dé-
couvert plufieurs rangs de rochers qui font
naturellement fort enfoncez dans la mer.
L'Aureur dit qu'il a obfervé, que dans le
porc de Laodicée il y avoic deux pieds d"cau
moins
Juillet , Août et Septemr. 1739. 395
moins lorfque ce Vent fouffloit, quelorf-
que le tems écoit calme; Ct c'eil à une pa-
reille caufe qu'il croit qu'on peut attribuer
ie phénomène que Jofephe allègue pour in-
valider le miracle du paflage des Ifraëlites
au travers de la mer Rouge , fçavoir que la
mer dePar»p/jz7/f s'étoit retirée pour lailTer
un libre paflage à l'armée d'Alexandre le
Gra72^ *; phénomène, aurefle, qui, com-
me il a prouvé auparavant, ne mérite en
aucune manière d'être rais en comparai-
fon avec ce Miracle. Dans les tempêtes
caufées par ce Vent impétueux, les Aiaho-
niétans ont coutume d'attacher à quelqu'un
des mats de leurs Vaiileaux:, un palTiigede
l'Alcoran , qui a rapport à l'état oh ils lo
trouvent; après quoi ils égorgent une bre-
bis & la jettent fur ie champ dans la mer,
pour appaifcr rimpétuofité de fes vagues.
Arîjlopbane &i V^ir^ile nous apprennent, que
les Grecs offroicnt auliien pareille occa-
iion une brebis à Neptune en couroux f .
Plufieurs Auteurs ont repréfenté la Ter-
re Sainte comme un Païs naturellement
ftérile. Mais Mr. Shaw foutient, que lî
elle étoit aufTî peuplée & auffi-bien cul-
tivée qu'autrefois , elje feroit encore plus
fertile que les meilleurs endroits de la cô-
te de Syr^e & de Phénicien car elle l'em-
porte généralement par la bonté du terroir
&
* Jof. Ant. 1. 2. c. 7.
1 Arifl in Ran. Au. 3. Se. 2. Virg. ."En. 3. ii8<
Ce j
39<^ Bibliothèque Britannique,
& de fes produdlions. Le Cotton , par exem-
ple , qu'on cueille dans les plaines de Ra-
inah , à'Efdraelon & de Zahulon, elt beau-
coup plus ellimé que celui des environs
de Sidon & de Tripoli; & il eft impoffible
d'avoir de meilleur blé ni de meilleures
légumes qu'on en trouve conftamment
à Jerufalem. La Palejïine^ il efh vrai, ne
produit pas autant aujourd'hui que les Pais
voiOns ; mais c'eft au petit nombre & à la
parefTe de les habitans , & non à la natu-
re du terroir, qu'il faut l'attribuer. D'ail-
leurs les ravages continuels auxquels elle
elt expofée, par les divifîons qui régnent
entre les petits Princes qui la polledenc,
font qu'on fe met généralement peu en
peine de la cultiver. A la vue des envi-
rons de yerufalem^ç\m font pleins de ro-
chers ai de montagnes fans culture, îa
plupart des Voyageurs fe font imaginez
que c'étoit un pais naturellement ilériic;
mais , outre qu'on ne doit pas conclure d'u-
ne partie au tout, ces rochers & ces moii-
tagnes ont été autrefois très-fertiles , cou-
verts de Vignes , d'Oliviers , ou d'excellens
pâturages, fuivant la bénédiction donnée
par Jacob à Juda » que fes yeux feroUnt ver-
meils de vin ^ fes dents blanches de lait *.
On y voit encore des traces de la maniè-
re dont on y plantoit la Vigne; il y a
même quelques Vignes, & il y en auroic
bien
* Gcn. XLIX. 12.
Juillet, Août et Septehb. 1739. 39^
bien davantage, files Mahomécans qui pof-
fedent ce Pais ne s'abftenoienc pas du vin.
On y trouve auflî des Oliviers 6c du Miel
fauvage en fi grande quantité , que d'Hebron
feul on en envoyé tous les ans en Egypte
la charge de trois -cens Chameaux, c'eft-
à -dire près de deux-mille Quintaux. En un
mot , fi ce Pais étoit cuhivé avec foin, il
feroit aufiî fertile qu'il le fut jamais ; ôc
tout ce qu'on dit de fa prétendue ftériii-
té naturelle 5 n'eft que pure chimère.
Le Jourdain eil après le Nil la plus con-
fiderable rivière de tout le Levant. Mr.
Sba^uo lui donne environ quatre-vingt dix
pieds de largeur, <5c dix de profondeur
lur les bords. Suivant ce calcul , &. faifant
attention à la rapidité de ce fleuve, il fup-
pofe qu'il décharge chaque jour dans la
mer Noire près de 6ogoooo. tonnes d'eau.
Cependant on ne voit pas que les bornes
de cette mer s'étendent; ce qui a donné
lieu à quelques Auteurs de conjecturer, que
cette grande quantité d'eau eil: abforbée
par les fables brûlans , ou par des cavitez
foûterreines , ou qu'il y a une communi-
cation entre cette mer & le Lac Sirbon^
Mais ceux qui ont donné dans ces con-
jeQurcs, n'ont pas fait attention que la
mer Noire perd chaque jour en vapeurs
près d'un tiers plus qu'elle ne reçoit d'eau
du Jourdain. Car en fuppofant, d'un cô-
té, comme on le fait généralement, que
cette mer a fcptante-&-deux milles de
Ion-
398BIELIOTHEQUE BRITANNIQUE,
longueur& dix-&-huit de largeur.&en allou-
ant de l'autre, 6914. tonnes de vapeurs pour
chaque mille quarré d'eau, feion l'obferva-
tion du Dodtr. Halley^ il s'enfuivra qu'il
s'élève chaque jour en vapeurs de la mer
Noire plus de 8960000. tonnes d'eau ; fur-
tout fi l'on fait attencion que la chaleur
du Soleil eft beaucoup plus grande dans
cet endroit , que dans la mer Méditerra-
née, pour laquelle cette obfervation a é:é
faite. Au refte , Mr. Sha'Ui remarque , que
■ e bitume dont le Lac Afphaîtice, ou la
mer Noire, efr rempli s'élève dans de cer-
tains tems du fond de la mer en grofies
malTcs en forme d'hémifphère, lefquelles
ne font pas plurôt parvenues à la lurface
de leau, que Tair extérieur agiflant fur el-
les, elles fe brifent en mille miOrceaux
avec un grand éclat & beaucoup de fu-
mée, comme la poudre fulminante des
Chymiftes. Mais cela n'arrive que près
des bords; car par -tout ai leurs les érup-
tions ne font pas fenfibles, 6: ne fe décou-
vrent que par des colomnes de fumée qui
s'é'event de tems en tems du Lac. Il y A
a toute apparence que c'eft le bitume , *
qui en fe détachant du fond, entraîne avec
lui le foufre qu'on trouve aufli en grande
quantité fur le bord de ce Lac, & qui ne
diffère en rien du foufre commun. Pour
le bitume, il efl friable , plus péfant que
l'eau ; & lorfqu on le frotte ou qu'on le
brûle 3 il rend une odeur nuance. L'eau
ce
Juillet, Août et Septemb. 1739. 399
de ce Lac n'eft point, comme l'a décrite
Diofcoride^ de couleur de Pourpre, mais
d'un noir de jais & luifance comme le
jais.
Le Chapitre quatrième contient un com-t
ElTai fur l'Hiftoire naturelle de V Arabie
Petrée. Nous ne nous y arrêterons pas ,
parce que nous n'y avons rien trouvé de
Fort remarquable 5 l'Auteur lui-même s'ex-
cufant fur le peu de tems ou de liberté
qu'il a eu pour faire les obfervations né-
ceflaires , & fur la flérilité du fujet, qui
n'offre prefque à l'exam.en que de varies
deferts incultes & inhabitez.
Il n'en eft pas de même du Chapitre
fuivant , qui elt le dernier de tout cet Ou-
vrage , à. qui renferme bien des obferva-
tions curieufes fur l'Egypte. Mr. Sbnw
commence par les Arts û: les Sciences des
anciens Egyptiens , qui ont infenfiblement
palTé chez les Grecs, à la réferve de leur
Science Symbolique , qui n'y fut jam.ais in-
troduite , & qu'il eit très-difficile , pour ne
pas dire impoiriblejdebien entendre. Ce-
pendant il nous en donne un long Expo-
fé , tiré des anciens Auteurs Grecs & La-
tins qui en ont fait mention , & par lequel
il paroît que cette Science fe bornoit tou-
te entière à la Religion. Pour cet effet
il parcourt tous les Hiéroglyphes connus
qu'on y employoit, & leurs différentes
fignifications ; comme Reptiles , Quadrupè-
des, Oifcaux , Poiiîbns, ou quelque par-
tie
4*00 BibliothequeBritanniqùEi
tie de ces animaux, la tête, les cornes,
les yeux, les mains » les ailes, 6:c. les
corps de différentes bêtes, ou d*un hom-
me 6c d'une bôce joints enfemble , diver-
fes fortes de plantes, de fleurs, ou d'inf-
truraens , certaines lettres ou Ajoures par-
ticulières, &€. On connoît la Tabled'JJîs y
& un petit nombre d'autres Monumens
antiques de l'Egypte fur lefquels on trou-
ve de ces Hiéroglyphes ; mais on en trou-
ve principalement fur les Obélifques , qui
même paroiiTent avoir été dellinez à cet
ufage. îl n'y en a que deu:: qui foient
encore debout & dans leur entier;. l'un
à la Matarée , & l'autre à Alexandrie. Ce
font des Aiguilles à quatre faces , toutes
garnies de Caraftères Symboliques , d'un
marbre graiiite rougeàtre, & parfaitement
polies ; quoique les Caradères qui ont
jufqu'à deux doigts de profondeur , foient
inégaux & rudes au toucher, parce qu'on
s'eft fcrvi pour les graver du Poinçon, &
non pas du Cifeau. Ces Aiguilles font
corapofées de quatre pièces; le piedellal
qui eft à préfent enlev^eîi fous les fables,
& qui, félon le calcul de Mr. le Conful le
Maire ^ peut avoir huit pieds de hauteur ;
la bafe qui eft ronde & encbalTée dans le
piededal par une pointe qui en fait le
centre; le flùt qui eft tout d'une pièce,
qui va en s'apetiiTant, & dont la hauteur
eft décuple de fa plus grande largeur, c*q^-
à-dire d'environ ^o. ou 70. pieds , & le
cha-
Juillet, Août et Seîtemb. 1730, 401
chapiteau, qui eft en forme de Pyramide,
& qu'on a appelle à caufe de cela même
Pyramidion, Comme ces Obélifques re-
préfencent par leur figure les rayons du
Soleil, auiïï écoient-ils dédiez au' Soleil 3
fuivant les plus anciens Auteurs qui en
ont fait mention. Les Pyramides qui ne
font autre chofe que des Obélifques à
angles plus obtus, paroiflent auiïi avoir
été des emblèmes du Feu ou du Soleil, &
avoir été coniacrées à la même Divinité :
, Porphyre le ditexpreflement *. Au refte,
TAuteur a fait graver une Planche qui
repréfente la figure & les dimenfions de
rObélifque de la Matarée , avec les Carac-
tères qui font fur l'un de fes cotez, &donE
il donne la fignification, renvoyant ceux
qui fouhaiteront d'en fçavoir davantage à
Kircber, de qui il a tiré le peu qu'il en
dit.
Il n'y a rien fur quoi les Auteurs foienc
plus partagez que fur les dimenlions des
Pyramides d'Egypte, & fur leur ufage.
Hérodote donnt huit -cens pieds de lon-
gueur à la bafe de la plus grande qui eft
aux environs du Grand Caire; Diodorei'ept-
cens, & S'ira/^on feulement fix- cens. Par-
mi les Modernes, Sandys affure, qu'elle a
trois-cens pas de longueur; Bellonhu trois-
cens vingt- &- quatre ; Greaves fix -cens
nonante-trois pieds, écîe Brun fept-cens
* Vid. Euf. Prsp. Ev. pag, 60.
qua-
402 Bibliothèque Britannique,
quatre pieds de France, qui en fontfepE-
cens feptante d'Angleterre. Cette diver-
ûté ne doit cependant pat. être imputée ,
félon Mr. Shaw^ à ignorance ou à mau-
vaife foi, mais à des caufes fort naturel-
les. Car 5 outre que cette Pyramide eft
bâtie far un terrein fort inégal, qui en
rend le mefurage difficile , les vents de
Nord y ont amafTé une grande quantité
de fable, qui auj^mente chaque jour, iiz
qui fait que les dimenfions de la bafe ont
dû nécefîairement varier ,fuivant les diffé-
rens tems ou on les a prifes.
L'Auteur ne croit pas que cette Pyrami-
de, non plus que les deux autres grandes
Pyramides qui font tout auprès, ait ja-
mais été finie; & voici fur quoi il fe fon-
de. Les pierres qui font à l'entrée, for-
ment un Arc beaucoup plus haut qu'il ne
paroît néceiïaire pour un fi petit pafTage ,
& de chaque côté ii y a un grand efpace
vuide ; c'eft-à-direque les dégrez qui tour-
nent tout autour de la Pyramide , font
dans cet endroit-là difcontinucz à une cer-
taine hauteur. Or l'une & l'autre de ces
chofes indiquent manifeftement undefTein
plus étendu que ce qu'on en voit , & il
y a bien de l'apparence que l'Architeéle
fe propofoit de bâtir-là un grand & ma-
gnifique Portique. A en juger par la fé-
conde des Pyramides , qui eilplus achevée
que les autres, les dégrez, depuis le haut
jufqu'au bas, ne dévoient pas demeurer
dans
Juillet, Août et Septeimb. 1739. 403
dans l'état où ils font ; mais le vuide qu'ils
laillenc entre eux devoit être rempli de
manière que chaque côté de la Pyramide
fût parfaitement uni, ou formât une fur-
face plane, comme on le voit dans celle
de Cirftius à Rome. Enfin le fommec de
cette Pyramide quijde même que les autres,
devoit le terminer & fe fermer en pointe ,
n'eft pas à beaucoup près fini : il y a une
grande ouverture ; (k ce qui prouve que
l'ouvrage a été interrompu dans cet en-
droit-là , c'ell que les pierres y font iné-
gales , les unes furpalîant confiderable-
ment les autres. Les Lefteurs curieux
pourront comparer ces Obfcrvations,qui
paroilTent allez concluantes, avec celles
de Mr. dfe Maillet , qu\ employé plufleurs
pages à prouver direécement le contrai-
re ; c'eft-à-dire que la grande Pyramide a
été achevée , fermée &: revêtue comme
les autres * ; & nous leur lailTons h déci-
der lequel de Mr. Shaw ou de lui a le
mieux rencontré.
Ces deux Auteurs ne s'accordent pas
non plus fur la defb'nation des Pyrami-
des. Mr. de Maillet prétend, avec bien
d'autres , qu'elles ne furent bâties que pour
fervir de tombeaux à quelques anciens
Rois d'Egypte, & Mr. Sbaw s'efforce de
ren-
* Voyez fa Dcfcription de l' Egypte <, pag. 226,
Se fuiv.
Tome XIII Part. IL Dd
404 BiBLIOTHEQUEBrITAN NIQUE,
renverfer ce fentiment. Il lui paroîcque
c'étoit une chofe ridicule d'élever dans ce
deflein une mafTe auffi énorme que l'eft
en particulier la grande Pyramide, & d'y
faire ce palTage étroit & fmueux par le-
quel on y entre. Il demande de quel ufa-
ge pouvbient être pour un tel but, le
puits qui eft au bout de ce paflage , la
chambre inférieure, la grande ouverture
qu'on y a pratiquée dans la muraille du
côté de rOrient, les ouvertures beaucoup
plus petites qui font dans la chambre fu-
périeure , les deux antichambres & la
grande & belle galerie, avec des bancs
de chaque côté, qui y conduit? Et com-
me il n'enapperçoit a'ucun, il conclut que
cette Pyramide re fut jamais bâtie dans
cette vûë. La Théologie des Egyptiens
étant route myrrérieufe & emblématique,
il croie qu'il eîl beaucoup plus raifonnable
de fuppofer , que les Pyramides étoienc
particulièrement confacrées au culte de la
Divinité qu'elles repréfentoient par leur
figure extérieure ; au moins ne peut-on
nier, fuivant lui, qu'elles ne fuflent très-
propres à fervir aux Prêtres de Lieux fe-
crets , ou d' Jdyta, qui avoient tant départ
dans les myflères de leur Religion. Ce
qui le confirme dans la penfée, que ce
ne font pas des tombeaux, c'efi: que les
Catacombes qu'on trouve toHt autour, ne
font que de fimples chambres voûtées &
creufées dans le roc, & que les deux plus
pc-
Juillet, Août et Septemd. 1739 4oj'
petites des trois grandes Pyramides n'ont
point d'entrée, de forte qu'il auroit falla
les démolir en partie pour y introduire
les corps des Princes qui dévoient y être
dépofez, & les rebâtir enfuite : ce qui eft
abiurde. Enfin la caifTe de marbre grani-
té qui fe voie dans la chambre fupérieu-
re de la grande Pyramide, (Se que l'on croie
communément avoir fervi à renfermer le
corps du Monarque qui fit ériger ce fuper-
be monument , lui fournit des preuves
du contraire. A la vérité, fa longueur,
qui n'ell que de fix pieds & quelqt^es pou-
ces, pourrolt convenir à un Cercueil ; mais
fa hauteur & fa largeur» qui font d'envi-
ron quatre pieds chacune , excédent de
beaucoup les dimenfions ordinaire?» d*un
Cercueil. L'Auteur en a vft plulieurs de
pierre en Egypte , qui étoient très-an-
ciens , & par iefquels on peut fans doute
juger des autres ; mais ils étoient tous
faits autrement que la Caille dont il s'a-
git, &précifément comme les coffres des
Momies, c'eft-à-dire pas plus grands qu'il
ne les fidloit pour renfermer un feul
corps, & outre cela ornez de Hiérogly-
phes , fe terminant en pointe fur une ef-
. pece de piedellal^pour être placez debout ,
& conilamment dans cette fituation,à moins
qu'ils n'eulTent été renverfez par quelque
accident; toutes chofes qui ne fe rencon-
trent point dans cette Caille , dont la figu-
re forme un quarré oblong parfait, qui
Dd2 efl
40(5 Bibliothèque Britannique,
eft couchée fur fon fond, &même fi for-
tement a' tachée au plancher,qu'on ne fçau-
roit douter que ce n'aie été-là fa premiè-
re poûtion. Ainû Mr. Shaw croit plu-
tôt, que c'étoit un coffre deftjné à renfer-
mer l'image de la Divinité que l'on ado-
roit dans ce lieu , ou les vêtemens facrez
de Tes Prêtres, ou bien une Citerne qui
contenoit Teau facrée dont ils fefervoient
dans leurs cérémonies religieufes. Quel-
que iDgénieux que foit tout cela, il nous
feiT.bie que ce que Mr. de Maillet dit pour
établir la thèfe, & en particulier pour
montrer Tufage desdiverfes parties de l'in-
térieur de la grande Pyramide , efl plus
ingénieux encore. Il n'y a que l'article de
la Caille fur lequel il ne dit rien quipuiffe
fervir à lever les difficultez de Mr. Sbaw,
Notre Auteur parle enfuite des Momies ,
& des Urnes , des Boëtes, des Images ,
(Slc. qu'on trouve aux pieds ou aucour de
ces Momies, & il nous donne une liile
des petites Figures ou Statues de cette ef-
pece qu'il a apportées d'Egypte , avec
leur explication , & avec des Planches cîi
elles font repréfentées ; après quoi il dé-
crit en peu de mots les Plantes & les Ani-
maux les plus remarquables de ce Païs.
Nous ne nous arrêterons point à ces di-
vers Articles, & nous nous bornerons à
celui du Nil , qui nous a paru beaucoup
plus curieux, & par lequel Mr. 5/jaau finit
les Ohfervaîions,
II
Juillet, Aovt et Septemb. 173g. 407
Jl y a déjà long-tems que l'on fçait que
les fources du Nil font dans TEthiopie ,
6c que c'eft aux pluyes abondances qui y
tombent durant l'été, qu'il faut attribuer
fon accroiflement prodigieux , qui le met
en état d'arrofer & de fercilifer toute l'E-
gypce. La gloire de cette découverte eft
dûë aux Portugais, quoiqu'il fe trouve
des anciens Auteurs Grecs & Arabes qui
ont dit à-peu-près la même chofe *. La
quantité de limon que le Nil charie , &
dont il enrichit chaque année l'Egypte,
n'eft pas moins furprenance que le dé-
bordement de Tes eaux. Il faut alTuré-
j ment que les terres que ce fleuve parcourt,
ayent une grande profondeur , ou qu'elles
foient remplacées d'une manière que nous
ne fçavons point, pour fournir régulière-
ment , comme elles font depuis tant de
milliers d'années, à ce Royaume une û
grande quantité de limon, que celui-là
leul que le Nil décharge par fes embou-
chures .s'avance aujourd'hui plus de vingt
lieues dans la mer. Ce limon , à force
d'être menuifé par le mouvement rapide
des eaux qui le charient à la diilance de
plus de (ix-cens lieues , acquiert une ex-
trême légèreté , & il cède au toucher
comme de la fine pouiïiere. La couleur
n'en eft point noire , comme le«s Anciens
l'ont cru, elle eft même moins brune que
celle
* Diod. Sic. Plut. Ahulfeda, ^s.
Dd3
4o8 Bibliothèque Britannique,
celle de notre terre ordinaire; & s'il rend
les eaux du Nil troubles, il ne les rend
pas pour cela plus noires que celles de
toute autre rivière qui coule avec la même
rapidité au travers d'une aulTi grande éien-
duë de païs.
Pour mefurer raccroiflemcnt du Nil ,
on a élevé fur la pointe d'une ine,quien:
entre le vieux &: le nouveau Caire , un Bâ-
timent fouteriu par des arcades , au travers
defquelles ce fleuve coule librement. Au
devant de cette cliambre eit le Mikias ,
ou la colomne qui , plantée au milieu du
courant , fert à mefurer la hauteur de l'eau ,
& eft divifée en coudées, qu'on appelle
Pics. Les Auteurs modernes ne font gue-
res mieux d'accord que les anciens fur la
longueur de cette coudée. Il paroît par
ce que Mr. Sbaw en dit . qu'elle a beau-
coup varié ; & comme il n'a pu entrer
dans le Mikias pour y faire fes Obferva-
tions , il ne fçauroit dire précifément en
quoi elle confiile aujourd'hui- Les infor-
mations même que lui ont donné là- def-
fus des perfonnes qui ont eu la liberté
d'y entrer, ne s'aCcordent pas. Un Gen-
tilhomme de Venife lui dit, que le Pic
étoit de 28. pouces ,• & un Anglois fore
curieux , qui avoit été plufîeurs années dans
la Factorie du Grand- Caire , laiTura que
la Colomne en queflion avoit de hauteur
58. pieds d'Angleterre, divifez en trois
Pics Géométriques, qui font en tout 24.
Pics,
Juillet, Août et Septemiî. 1739. 405
Pics , de 32. pouces chacun. Tbevenot don-
ne à la coudée ou au Pic Géométrique 24,
pouces, 6l en cela il a le fuffrage de Mr.
àe Maillet , qui dit , que la mefure dont on
fe fert au Caire pour connoître l'éléva-
tion de l'eau , contient 24. pouces , ou
deux pieds de Roi. Cependant notre Au-
teur fuppofeque la coudée dont on fe fert
aujourd'hui , eft celle de Conftantincple , qui
a environ 25. pouces de longueur ; &
c'eft cette mefure qu'il fuit dans fes Ob-
fervations , & en particulier dans une Table
qu'il nous donne du plus grand accrdifle-
ment du Nil pendant 30 ans, laquelle lui
a été communiquée par le même Gen-
tilhomme Vénitien dont nous avons parlé.
Dans le mois de Décembre <Sc les trois
fuivans , le Nil n'a pas trois coudées de
profondeur , ni plus d'un demi millede lar-
geur. Mais il commence à croître dès le
mois d'Avril, & quelquefois plutôt; d'a-
bord de deux pouces par jour, puis de
trois , de quatre , de dix , de vingt, & ra-
rement de trente , jufqu'à ce qu'il monte,
pour l'ordinaire fur le milieu d'Août, à
feize coudées , qui efl la mefure requife
pour pouvoir efpérer une récolte, & con-
îequemment pour être obligé de payer le
tribut au Grand- Seigneur; quoiqu'il n'en
faille pas moins de dix-&-neuf ou vingt
pour arrofer & fertilifer tout lepai's. AuP
lin'eft-ce pas -là le tems du plus grand
accroilTement du Nil ; il croît jufqu'à la
Dd4 fin
410BlBLI0THEQUE BRITANNIQUE,
fin de Septembre, & quelquefois par de-
là ; mais il fuffic qu'il ibic monté à la hau-
teur de {"elze coudées, pour commencer
les réjoaifldnces qui fe font par toute l'E-
gypte à cette occaiion . & pour ouvrir le
grand Canal artificiel qui rraverfe le Caire.
Ce Canal , qu'on appelle Khalis , ed VJmnis
Trajanus des Anciens, & f e décharge dans
le Lac des Pehrins , d'où , félon Mr. de
Maillet^ il porte fes eaux dans une vaite
Plaine de plus de vingt lieues d'étendue
du Midi au Nord-Efl:. Il n'y a pas de dou-
te que le- Lac Myris , le Mareoîis & d'au-
tres de même efpece, n'ayenc été creufez
par les anciens Egyptiens , pour recevoir ^
les eaux du Nil lorfqu'elles étoient en trop |
grande abondance , & empêcher par ce
moyen que le Païs n'en fût inondé ; ce
qui devoit fouvent arriver (ians ces tems
oti les terres n'éroientni fi étendues, ni fi
hautes qu'elles le font aujourd'hui.
Comme depuis le Déluge le cours natu-
rel des chofes a toujours été à-peu-près
Je même, l'on peut fuppofer que le Nil a
conftamment déchargé depuis ce tems- là
dans la mer, la même quantité d'eau. Mais
le limon qu'il charie fe répandant par fes
inondations dans tout le pai's, le terrein
a dû néceflairement s'élever à la longue ,
fur-tout dans les parties les plus bâfres ;
enforte que l'eau qui les couvroit, s'efl
infenfiblement retirée pour laitfer voir de
nouvelles terres. C'cft ai nû que s'efl for-
mé
Juillet, Août et Septemb. 1739. 411
mé le Delta, c\m n'étoit originairement
qu'un grand golfe , coinme on peuc le
voir plus en détail dans la Defcription de
l'Egypte de Mr. de Maillet. Notre Auteur
prouve ce qu*il avance là-delTus , par di-
verfesObfervationSjquiront en effet très-
concluantes. 1. Au lieu que dans tous les
autres Païs unis, le terrein a ordinaire-
ment la même profondeur, il varie dans
celui-ci à proportion qu'il ed plus ou moins
éloigné du Nil. Près des bords de ce fleu-
ve il a quelquefois plus de 30. pieds , &
à l'extrémité des lieux qui en font arrofez
il n'a pas 7. pouces d'élévation. 2. Il pa-
roît par des pafTages d'Hérodote, de Stra-
bon & de D'ociorede SicilSy que les anciens
Egyptiens bâtiffoient leurs villes fur des
éminences formées par art , pour les met-
tre à couvert de la violence des inonda-
tions du Nil; & que, lorfque le terrein
des environs avoit augmenté au point d'ê-
tre de niveau avec celui de ces villes» ils
avoient accoutumé de les rebâtir , ou d'é-
lever tout autour des chaulTées. C'eft le
dernier parti qu'on prit fouvent à l'égard
de Mempbis , & c'eft fans doute au défaut
de ce foin qu'il faut attribuer l'ignorance
où l'on cft aujourd'hui du lieu précis de
cette ville. De même, Heliopolis étoit
bâtie fur une éminence, au rapport de
Strahon; & cependant le terrein fur lequel
elle étoit (]tuée,eftà préfent parfaitement
D d 5 uni ,
I
4I2BlBLIOTHEqUE BRITANNIQUE,
uni , & forme une plaine que le Nil inonde
toutes les années à la hauteur de fix à
huit pieds. 3. La defcente qu'il y avoic
autrefois , félon le même Auteur , de Ba-
hylone à ce fleuve , ne fubiifte plus , &
l'efpace qui efc entre deux, eft au niveau
de l'un & de Tautre. 4. Le terrein des en-
virons du Sphinx , qui eft à l'extrémité des
terres que le Nil arrofe , s'eft tellement
accru , que joint avec les fables qui s'y
jbnt araalîez, ce monument en eft prel-
que tout couvert, j. Enfin Damiette^ qui
du tems de St. Louis (en 1243 ) étoit un
port de mer, en cft aujourd'hui éloignée
de plus de dix milles. Foua , qui étoit, il y
a 300. ans , à l'embouchure d'une des bran-
ches du Nil, s'en trouve à préfent à plus
de fept milles de diftance ; & Rofette, qui
en 1692. n'étoit qu'à une demi-lieuë de
la mer , en é'oit à une grande lieuë en
171g. Mr. Shaw a. tiré cette dernière Ob-
fervation de Mr. de Maillet, à qui , du refte ,
il rend juftice , en le citant par-tout ou ce-
la eft néceftaire.
Il n'eft cependant pas fort facile , félon
lui, de déterminer exadement la quantité
de limon que le Nil dépofe chaque année
dans l'Egypte. Mr. de Maillet compte qu'il
fait la dixième partie de l'eau , quand il
dit , que les eaux du NU font fi troubles & fi
bourbeufes dans le tems de l augmentât! on de
ce fleuve , que les houes ^ les fables font au
moins
Juillet, Août et Septemb. 1739. 413
moins la dixième partie de fon volume "^^ Mais
notre Aureur croit que ce feroit un poids
trop grand pour pouvoir être entraîné par
le courant de l'eau. JI a fouvent éprou-
vé que le limon qui tombe au fond, ou qui
s'attache aux parois d'un vaifleau déterre
rempli de cetre eau, ne fait pas la tren-
tième partie de fon volume. Jl s'eft fervi
d'un Tube long de trente-deux pouces,
qu'il a rempli de la même eau , à après
l'avoir laiflé repofer^ avoir donné le tems
au lim.on de fe fécher, il a trouvé qu'il
faifoit environ ,,',. partie. Et comme
dans la p'ûpartdes lieux qui font inondez,
l'eau croupit , étant ordinairement rete-
nue par des chaufl'ées , il juge que le Nil,
à une^ hauteur égale à celle de ce Tube ,
dépole à-peu-près une égale quantité de
limon. Cependant il avoue que la même
expérience devroit être fouvent repétée
& avec beaucoup de foin , avant que de
bâtir là délias aucune hypDthèfe. Ainfiil
propofe (implement comme une conjectu-
re , le calcul qu'il a fait ; c'efl: que l'accroif-
fement du tcrrein en Egypte , depuis le
Déluge, doit avoir été à raifon d'un peu
plus d'un pied chaque fiécie.
Cette conjedure paroîtra très-probable ,
fi l'on compare l'état préfent de ce Pais
avec ce qu'il étoit il y a deux - ou trois-
înille ans. Hérodote nous apprend, que
fous
* Vefcrip. de l'Egypte. Pag. 103.
414 Bibliothèque Britannique,
fous le règne de Myris , lorfqne le Nil
croifToit à la hauteur de huit coudées ,
toutes les terres étoienc fuffiramment ar-
rofées;mais que de fon tems, c'e(t-à-dire
environ neuf-cens ans après , il ne falloit
pas moins de quinze ou feize coudées
d'eau pour couvrir tout le païs. Ainfi le
terrein, dans refpace de neuf-cens ans,
devoit avoir aug.nenté au moins de fept
coudées Grecques , ou de 126. pouces.
Mais aujourd'hui il faut que le Nil foit à
la hauteur de vingt coudées pour arro-
fer toute l'Egypte, & à celle de vingt-qua-
tre pour l'inonder. Par confequent , de-
puis le tems d'Hérodote ^ ce païs a gagné
230. pouces de nouveau terrein. Et fi du
règne de Alyris on remonte au tems du
Déluge, en fui vant la même proportion ,
il fe trouvera que depuis le Déluge jufqu*à
l'année 1721. que l'Auteur étoit'en Egyp-
te, le terrein de ce Royaume s'efl accru
de 500. pouces ou de 48. pieds huit pou-
ces de hauteur perpendiculaire ; de forte
qu'avec le tems il pourra s'élever à un
point que le Nil ne fera plus capable de
j'arrofer , & que, du plus fertile qu'il y
ait au monde, il deviendra le plus flérile
de tous.
L'Auteur finit i^es Obfervations par une
remarque importante: c'efl: que fi Héro-
dote eût bien fait attention à l'accroifTe-
ment annuel du terrein de TEgypte, en
remontant feulement mille ans au-delà
du
Juillet, Août et Septei^tb. 1739. 415
du règne de Myris, il auroit regardé corn-
nie des fables cette longue fucceffion de
Dynajlies qui compcfenc l'Hiitoire des
Egyptiens. Car puifque . fuivant fa propre
réflexion, l'Egypte eft toute entière,
quoique graduellement, un don du Nil,
il faut qu'il y ait eu un tems , & ce tems
ne pouvoit pas avoir précédé de beau-
coup le dernier période dont on vient
de parler , auquel ce Pais é^oit auffi ftéri-
le que les déferts qui l'environnent , ou
bien entièrement fous l'eau; & dans l'un
& l'autre cas il ne pouvoit pas être habi-
té, ni par confequent avoir des Princes
qui y regnafTent. Cet Hulorien lui-mê-
me fuppofe, que ce n'étoit originairement
qu'un bras de mer; & il dit avoir appris
des Egyptiens, que Mems fut le premier
Roi qui régna dans le monde, que de
fon tems toute l'Egypte , excepté la con-
trée de Tbèbes , étoit un grand Marais , &
qu'on ne voyoit aucune partie des Terres
qui paroiflent aujourd' hui au deffous du
Lac de Myris» Or comme ce Alênes^ ou
OJîris eft le mêmQ qiiQ Mit zraim , fils de
Cham *, qui le premier habita l'Egypte ;
& comme toutes les circonilances qu'on
vient de marquer s'accordent parfaite-
ment
♦ L'Auteurcite lù-delTus le premier Vol. delà
Connexion de VHifloire Sacrée cf ?rofane , par
Mr. i%«f«/W , qu'on a nouvellemeRt traduite en
François.
1
4T<SBlBLI0THEQUE BRITANNIQUE,
ment avec l'Hifloire que Moïfe nous a
laifTé du Déluge &de la Difpernon du s;en-
re humain, il s'enfuit que ce qu'Hérodo-
îe dit là-deflus, confirme la véri é Cx la
certitude de la Chronologie de l'Ecriture
fainte, & renverfe en même tems les
Annales extravagantes & l'Antiquité fa-
buleufe dont les Egyptiens fe font fi fort
vantez dans tous les tems.
A la fuite de ces Foyages de Mr. Shaw ,
on trouve un Recueil de Pièces, tendant
à illuftrer les Obfervations dont il les a
accompagnez La premièie en ordre con-
tient des pafTages extraits des anciens
Hiitoriens, Géographes, &c. en Grec &
en Latin, lefquels ont rapport aux fujets
qu'il traite; comme d''Hérodoîe, de Scylax^
de Stra'wn , de Ptolomée , de Poinponius
Mêla, de Pline Is Natiiralifle , de V Itinérai-
re (fAntomn^ &c. La féconde efl un Ca-
talogue fort exa(ft, en Latin, de quel-
ques-unes des Plantes les plus rares de
la Barbarie , de V Arabie & de V Egypte y
avec des Figures qui les repréfentent.
La troinème efl un Appeudix fur les Co-
raux & autres Plantes femi^lables. La
quarricme , un Catalogue des FoOiles, des
Poiflbns & des Coquillages les plus re-
marquables. La cinquième, un V^ocabu-
lai'-e du Sbowiah , qui eft la langue que
parlent les Arabes Kabyles. La iixièmc,
une Infcription antique , gravée fur les ro-
chers qui' font auprès du D^fert de Sin^
ce
Juillet, Août et Septeivib. 1739. 417
& dont les caraflères qui ne font pas en-
core effaceZj lignifient laPluye de la
Manne, quelques Auteurs prétendant
que cette Infcription a eu pour but de
conferver la mémoire de cette Manne mi-
raculeufe que Dieu accorda aux Ifraëlites
dans ce Défert. La feptième marque les
diverfes Stations de ceux qui vont en pè-
lerinage à la Mecque. La huitième , la Me-
fure de la grande Pyramide de Memphis ,
par le Père Siccard , communiquée à l'Au-
teur par Mr. le Dodteur Mead. Suivant ce
Père, la hauteur perpendiculaire de cet-
te Pyramide eil de joo pieds , & la lar-
geur des cotez de 670. Le refte de ce
petit Mémoire eft une notice des diver-
fes parties de la Pyramide avec leurs di-
menfions, & s'accorde parfaitement avec
la Defcription de Mr. de Maillet. La Piè-
ce fuivante contient des Remarques du
même Père fur le Natron , que nous
croyons faire plaifir à nos Lefteurs de
tranfcrire.
„ Le Naîron , ou Nitre d'Egypte , a été
„ connu des Anciens. Il eft produit dans
,, deux Lacs dont Pline parle avec éloge ;
„ il les place entre les villes de Naucro/e
„ & de Memphis. Strahon pofe ces deux
„ Lacs nitreux dans la Préfefture Nitrioti^
,, que, proche les Villes d'Hermopolls &
„ Momempbis , vers les Canaux qui cou-
„ lent dans la Mareoîe. Toutes ces auto-
j, ritez fe confirment par la fituation pré-
» fen-
4i8 Bibliothèque Britannique,
„ fente des deux Lacs de Natron. L*un
„ des deux, nommé le grand Lac , occupe
„ un terrein de quatre ou cinq lieues de
,, long fur une lieuë de large , dans le
„ défert de Scété ou Nitrie. Ji n'elt pas
,y éloigné des Monallères de St. Macaire,
t9 de Notre-Dame de Suriens à. des Grecs ^
,y & il n'eft qu'à une grande journée à
^, rOueft du Nil, & à deux de Mempbis
„ vers le Caire, & autant de Naucraîe
,, vers Alexandrie & la mer. L'autre Lac,
a nommé en Arabe Nehilé, a trois lieues
,, de long fur une 6c demi de large; il
,, s'étend au pied de ia montagne à TÔued: ,
„ ôc à douze ou quinze milles de l'ancien-
„ ne Her7n9polis parva , aujourd'hui Dci-
„ mancbour ^ Capitale de la Province Be-
„ heiré , autrefois Nitriotique , allez près
„ de la Mareote, & à une journée &A-
„ lexandrie.
„ Dans ces deux Lacs le Nitron efl
„ couvert d'un pied ou d£ux d'eau; il
„ s'enfonce en terre jufqu'à quatre ou
„ cinq pieds de profondeur; on le coupe
,, avec de longues barres de fer pointues
,, par le bas; ce qu'on a coupé eft rem-
,, placé Tannée fuivante ou quelques an-
t, nées après par un nouveau fel Nitre,
,, qui fort du fein de la terre. Pour en-
„ tretenir la fécondité , les Arabes ont
,, foin de remplacer les places vuides de
„ matières étrangères , telles qu'elles
„ fuient, fable, boue, ofTemens, cada-
„ vres
Juillet, Août et Septemb. 1739. 419
99 vres d'animaux , &c. Toutes ces ma-
99 tières font propres à fc réduire , & le
99 réduifent en efFe^ en vrai Nitre ; de
99 force que les Travailleurs revenant un
» ou deux ans après dans les mêmes
99 quartiers qu'ils avoient épuifez, y trou-
99 vent nouvelle récolte h recueillir.
,, Pline fe trompe , quand il allure dans
#> le Livre cité ci-defTus , que le Nil agit
99 dans les Salines du Nitron, comme la
99 Mer dans celles du Sel , c'eit-à-dire
99 que la produdion du Nitron dépend de
„ l'eau douce qui inonde ces Lacs : poinc
5, du tout , les deux Lacs font inacceUi-
99 blés, par leur fituation haute ù. fupé-
„ rieure , aux inondations du Fleuve. Il
5, eft fur pourtant, que la pluye, la rofée,
j, la bruine & les brouillards font les vé-
„ ritables Pères du Nitron, qu'ils en hù-
99 tent la formation dans le fein de la
99 terre, qu'ils le multiplient & le ren-
„ dent rouge. Cette couleur eft la meiî-
99 leure de toutes ; on en voit auffi du
,9 blanc , du jaune & du noir
Enfuite vient la manière dont on fait
le fel Armoniac en Egypte ; puis uu
Journal du tems qu'il fit à Alexandrie dans
les mois de Janvier & Février 1639, tiré
du Livre de poche de Mr. le Profefieur
Greavesy qui eft dans la Bibliothèque Sa-
*Dilienne à Oxford ; un long pallage de
Kalkafendas ^ AutQUY Arabe, touchant le Nil
& le Nilometre, de la traduction de Mn
ToiM XIIL Part, IL Ec Gagnïer;
420 Bibliothèque Britannique,
Gagnier ; <Sc enfin une Notice de quelques
Médailles que l'Auteur a recueillies dans
fes Voyages, avec des citations qui fer-
vent à les expliquer.
ARTICLE VIL
NOUVELLES LITTERAIRES,
DE LONDRES,
LE S Infiys & Manby , & autres , ont impri-
mé & débitent , Dlonyfius Longiniis on tbe
Sublime , ^c. ?j Le Traité du Sublime de Lon-
;i; gin , traduit (en Anglois) du Grecî Avec
yy des Notes & des Obfervations , & un Abre-
;y gé de la Vie , des Ecrits & du Caraftèrc par-
y, ticulier de l'Auteur. Par Guillaume Smith , Maî-
yy tre es Arts , &Miniflre de l'Eglife de la Trinité
yy kCbeJîer '^. On dit beaucoup de bien de cette
nouvelle Traduction j & s'il en faut croire un
Journalille Anglois , le Difcours préliminaire
que le Tradudeur a mis à la tête, l'emporte fur
celui de Boileau.
Les Vaillant viennent de publier M. Manilii
^ftronomicon , ex Recenfione ^ ciim Notis Ri'
chardi Bentleii. in 4. C'ell ici un Ouvrage du
célèbre Dofteur Bentley , que fon Neveu Mr.
Bentley t Eccléfiallique de beaucoup de mérite,
a mis au jour par fon ordre. Il y a joint
une Préface , dans laquelle il rend compte du
travail de fon Oncle , & de l'idée qu'il fe fait
de Manilius & de ion Poëme. L'Edition eil
très-belle.
Mr. Lobh,
Juillet, Août et Septemb. 1739. 42?
Mr. Lobby Dofteur en Médecine àc Mem-
bre de la Société Royale , a donné depuis peu
au Public. ^ PraStical 2\eatije of paiuful DiJ-
îempers , ^c. c'ell -à - dire ; .•> Traité pratique
y> des Maladies aiguës, avec la manière de les
^> guérir, juftifiée par un grand nombre de cas
:» particuliers ^<'. Chez jaques Biickland, dans
Pater-Jiojîer Ro%v , grand in 8. Ceft un Livre
très-propre pour les Familles & pour les per-
fonnes qui n'ont pas le moyen de payer un
Médecin j TAuteur ne voudroit pourtant pas
qu'on fe fervît des remèdes qu'il indique , fans
la direftion d'un Médecin , & cela pour des rai-*
fons qu'il elt aifé de deviner.
Mr. Oldmixon , qui publia il y a quelques an-
nées VHiJîoire des Stuarts , & depuis , celle de
la Reine Aîine, & du Roi George I, vient de
nous donner en un Vol. in fol. l'Hiitoire d'An-
gleterre fous les règnes de Henri VIJI , à'E"
douard VI-, de Marie y & à'EUJahsib. Les prin-
cipes de l'Auteur & fa manière d'écrire font
fuffifamment cofinus par fes précedens Ouvra*
ges , & fur -tout par les longs Extraits qu'on
en a donnez dans la Bibliothèque Raifonnée.
Mr. Cbuhb continue d'être vivement attaqué
fur fon prétendu Véritable Cbrijîianifme y &c,
dont nous avons rendu compte dans cette BibliO'
tbèque. Voici quelques Pièces qui ont paru de»
puis peu contre lui.
An Apology for tbe Minifiers of Jefus-Cbrifi ^
^c. c'eil-à-dire : .» Apologie des Minillres de
}, Jefas-Chrift & des Prédicateurs de fon Evan-
}) gile î Avec une Défenfe de cet Evangile con-
}f tre les faux expofez de Mr. Tbomas Chubb ,
y) dans un Livre publié fous fon nom,& inti-
y? tulé ; Défenfe du Véritable Evcmgih de Jt^fusr
Ee J ^ Cbfifi.
422 Bibliothèque Britannique,
. }> Cbrift. Par Jofcph Horler , Bachelier es Arts ,
:>, Maître de l'Ecole de IVilton, & Prêtre de
,? l'Eglife Anglicane ''. Chez les Knapton, &c.
A Letter to Mr. Thomas Cbiibb , ^c. „ Let-
}i tre à Mr. Thomas Chubb , au fujet de fon
^p Livre intitulé : Défenje du Véritable Evangile
,y de JeJus-Cbri/î y ^c '^ Par R. P. chez Ro-
bert:.
'Remarks on Mr. Chubb* s Vindication of bis triis
Gofpsly ^c. y, Remarques fur l'Apologie que
}y Mr. Cbubb a publiée en faveur de fon Véri-
;,, tnbU E-va?igile , ç^c '<^. Par C. Fleming. Chez
Fariner & Cox.
The Injpiration of tbe Nevo Tejlameiit ajjertedy
^c. yy Défenfe de ITnfpiration des Ecrivains
:>, facrez du Nouveau Tellament} pour fervir
:,y de Réponfe au Livre de Mr. Chubb , intitulé :
yy Le Véritable Evangile de Jejus-Chrift , ^c.
yy Par ' Phileleutherus Cbrijîianus ^, Chez T,
Jftle^.
Mais la Réfutation la plus complète qui ait
paru de ce Livre , efl la fuivante : An Examina-
tionof a Book intitled, ^c. yy Examen d'un Ou-
yy vrage qui a pour titre , Le Véritable Evangi-
yy le de Jr'jus-Cbrift y Par Mr. Thomas Cbubb-,
yy comme auffi de la DilTertation fur la Provi-
f, dence qu'il y a ajoutée. A quoi Ton a joint
,y une DilTertation fur l'Epifcopat , dans la-
yy quelle on fait voir en peu de mots, qu'il ell
yy fondé fur les déclarations de l'Ecriture fain-
^^ te , & fur la pratique de l'Antiquité. Par
yy Laurent Jnckfon , Bachelier en Théologie &
yy ci-devant Membre aggregé du Collège de
yy Sidney à Cambridge. 8. chez y. Clarke.
La Difpute fur les Démoniaques continue
auffi toujours avec chaleur^ Mr. Hutcbinfon s
déjà
Juillet, Août et Septemb. 1739. 423
déjà connu par d'autres Ouvrages , a publié ,
Remarks on tbe Bevieiv of tbe Demoniacks Con-
troverfy , ^c. y> Remarques fur le Nouvel Exa-
39 men de la Difpute qui s'eft élevée au fujet des
yy Démoniaques dont il ejl parlé dans l'Evangile.
^c ^f. Petite Brochure , chez les Inn-js & Man-'
by.
Un Anonyme a publié une autre Brochure
contre ces Remarques -, & un Ami de Mr. Ifut-
chinfon , a refuté cette Brochure dans un petit
Ecrit qui a pour titre : An Anfiver to an Exa-
mination,Szc. ,) Réponfe à un Examen des Re-
f} marques de Mr. Hutchinjon^ publié depuis
y} peu. ]?3.r David Gzîf/nj", Bachelier es Loix '^.
Chez Roherts.
Mr. Savmel Pi?^^-^ , Maître es Arts, & Minif-
tre de Godmersham dans la Province de Kent y
s'eft aufiî mis fur les rangs pour défendre le
Sens Littéral de l'Hiftoire de l'Evangile , au
fujet des Démoniaques ; mais il a pris un tour
différent de ceux qui l'ont devancé dans cette
carrière, & fon Ouvrage a pour titre: An Exa^
minaîion of tbe Enquiry into tbe Meaning of De-
moniacks, ^c. c. à. d. J.J Examen d'une Dif-
3> fertation intitulée , Récbercbes fur les Démo-^
3j Iliaques dont il eft parlé dans le Nouveau
3, Teilament : en forme de Lettre , addreiTée à
3? l'Auteur de ces Récbercbes ^ dans laquelle on
3, prouve que le mot de Démon ne fignifie , ni
3f dans les Auteurs clafîîques , ni dans l'Ecritu-
y} re fainte , une Ame feparée du Corps ; & par
3f confequent que tout le Syllême de cet Au=
3, teur eft fans aucun fondement ^^. Petit in 8.
chez Fletcber Gyles , dans Holhourn.
Quoique la chaleur avec laquelle on a atta-
qué Mr. Wcn-bunon , au fujet du Ijvre dont
Ee 3 -'^ous
4-24 Bibliothèque Britannique,
nous avons parlé au long dans le Journal précè-
dent , foit beaucoup ralentie > il ne laifie pas de
parokre de tems en tems de petites Pièces con-
tre lui. En voici une toute nouvelle qui méri-
te bien l'attention de cet Auteur: The Divins
Légation of Mo/es àemonjîrated , ^c. C'efk-à-dire :
y, La Million divine de Moïfe prouvée par la
yf mention exprelTe qu'il a faite du dogme d'u-
yf ne Vie à venir, & par la manière dont il a in-
yy fillé fur ce dogme , comme far un article fon=
^ damental : Difcours où l'on fait voir que
yf l'hypothefe contraire de Mr. Warlurton elt
yj abfurde & deflruftive de toute Révélation.
aj Sermon prêché devant i'Univerfité d'Oxford,
}) dans l'Eglife de Su. Marie, le 4. Mars 1739.
yy Par Guillaume Romaine, Maître es Arts, &
y) Membre du Collège de Chriji <(. Chez Cooper,
Mr. Grey, Dofteur en Droit , vient de publier
une Réfutation du quatrième Volume de VHif-
toire des Puritains de Mr. Neal , fur le même
plan qu'il a refuté les trois premiers.
On a réimprimé ici un Ouvrage fort ellimé ,
& publié depuis peu à Dublin , fous ce titre : -4
Courfe of Levures in Natural PbiUfopby , ^c,
3) Cours de Leçons fur la Phyfique Expérimen-
3} taie. Par feu Mr. Richard Helshavi , Profefleur
3) en Médecine & en Phyfique dans l'Univer-
a> fité de Dublin, in 8. Chez J. Nourfe.
Le même Libraire a imprimé & débite in 8.
Jtemarks on Mr. Euler's Treaîife of Motion , ^c.
3? Remarques fur le Traité du Mouvement de
3? Mr. Eulèr,f[iT le Syflême complet d'Optique
3) du Doéleur Smith , & fur l'Elfai de Mr. Ju-
3> rin fur la Vifion diUinfte 6c confufe. Par
s? Benjamin RobinSj Membre de la Société
a; Royale,
II
Juillet, Août et Septemb. 1739. 425
Il a auflî nouvellement imprimé , avec quel-
ques autres Libraires , Jus Parliamenta*
R I u M : Or tbe Anc'.ent Power , Rîgbîs , and
LiUnies of tbe moft Higb CoiLrt of Farliament
Rmvtd and Ajjerted ^ ^c. C'eft à-dire : }, Trai-
y> té où Ton tâche de faire revivre & Ton dé-
j> fend avec force l'ancien Pouvoir , les anciens
fj Droits & Privilèges du Parlement : On y
^f a joint une Hifloire abrégée des infradions
yy faites à ces Privilèges, fur-tout par rapport
y) à la liberté de parler pour le redreflement
y> des Griefs. Par Guillaume Petyt ^ Ecuyer, ci-
yy devant Avocat au Temple , & Garde des Ar-
yj chives qui font dans la Tour de Londres ^^»
C'eft un Volume in fol. qu'on a publié par
foufcription , conformément au Projet que nous
en donnâmes dans nos Nouvelles Littéraires de
Juillet, Août & Septembre, 1737.
Mr. Haies , Dofteur en Théologie, & Membre
de la Société Royale , duquel nous avons eu
fouvent occailon de parler dans cette Biblio-
thèque , vient de nous donner un nouvel Ou-
vrage fort intérelTant, fous ce titre : Philofopbical
Experimeîits y ^c. C'ell-à dire: y, Expériences
yj Pijyfiques qui ont été lues en difFérens tems
y> à la Société Royale -, Contenant des Inltruc-
y^ tions utiles & nécelTaires pour les perfonnes
^> qui entreprennent des Voyages de long cours,
}) comme la manière de rendre l'eau de mer
y) douce & faine , de conferver l'eau douce, le
yf bifcuit , le bled , & même la viande , dans les
y> climats les plus chauds , &c. A quoi l'on à
y> jûiiit diverfes Expériences & Obfervatiolis fur
yf les Eaux Minérales , & les moyens de confer-
y> ver leur vertu beaucoup mieux qu'on ne Ta
7; fçu faire jufqu'à préfent, quelque loin qu'on
E e 4 ;^ les
425BIBLIOTHEQXJE BRITANNIQUE,
„ les tranfporte : Comme aulîî un Projet pour
}, nettoyer les Rivières , les Réfervoirs , les Ports
^, de mer . &c ^^ Chez les Inn-^s & AîarJb'^.
Un petit Volume in 8.
On propofe de faire imprimer par foufcription
les Vies des Profclfeurs du Collège de Gresfjam
à Londres , à la tête riefqueiles on mettra celle
du Chevalier Thomas Gresham , Fondateur de ce
Collège : On y joindra leurs Harangues , Leçons ,
Lettres & autres Pièces curieufes , dont la plu-
part n'ont point' encore été publiées , & quel-
ques Tailles-douces. L'Editeur eit Mr. IVard,
profefieur en Rhétorique du même Collège, &
Membre de la Société Royale.
Un Gentilhomme, nonîmé Mr. Lookup , a
publié Tbe Erroiieous Trar.Jl, nions in tbe Fulgar
Vtrfions cf tbe Scriptures deteBed, ^c. C'ell-à-
dire : ^j Traité où l'on fait voir que les Ver-
j;, lions de la Bible en langue vulgaire font fau-
j»> tivcs en plufieurs endroits. On a mis au-de-
jf van t un Effai fur le dogme de la Trinité, où
j} l'on prouve que ce dogme s'accorde avec la
jj> Raifon , & eit fondé fur des principes évidens :
jfp A l'occafion d'une Brochure publiée depuis
y, peu fous ce tirre : Expojition claire cf ftwpie
3i du dogme de la Trinité y fondte fur i'Ecritwe
yf j'aime ^ fur la Raijon^ dont l'Auteur, quoi-
3, qu'accufé d'avoir emprunté tous les argumens
y, dont il le fert contre l'égalité du Fils , & d'en
jf avoir par-là impofé à fes Ledeurs , ne s'efl
y, pourtant point mis en peine de fe jullifier ^^,
Chez Rcberts , j\ïil!an , & autres, in S°.
hes l7inys Se Manly viennent de publier, Tbe
SacramentalFartofihe Eucbarift, ^c. CVil-à-dire:
^3 Ej;p]ication de la Partie Sacramentelle de
^ l'Euthariftie, 6?iïLZ un Difcciirs addrelTé au Clcr-
Juillet, Août et Sèptemb. 1739. 427
gé de la Comté de Midlefex à k vifite de Pâ-
ques 1739. Par Daniel IVaterland ^Dodtui en
Théologie, Archidiacre de cette Comté, de
Chapelain du Roi '•'. Grande Brochure in 8°.
A peine V Examen de l'êssai de Mr. Pope sur
l'Ho'jme, par Mr. Decroujaz , a-t-ilparu dans
cette Ville , que deux Libraires en ont imprimé ,
l'un une Traduftion complète , & l'autre une
Traduftion imparfaite Quelque médiocre que Ibit
la meilleure de ces Traductions, elle n'a pas
laiiïe d'avoir un prompt & furprenart débit. Le
nom de Mr. Pope, & celui de Ion habile Critique,
ont excité la curiofité du Public, qui s'eil aulll-
tôc partagé îà-delTus. LesPartiùns zeîez du pre-
mier ontje:té feu &. flamme contre le fécond; &
les autres ont donné gain de caufe au fécond con-
tre le premier, quoiqu'ils ne l'ayent pas abfoL-
ment approuvé en tout. Un Anonyme, qui, par
la chaleur peu mefurée avec laquelle il écrit, p:.-
rok être un des intimes Amis de Mr. Pope , a
publié à diverfes reprifcs une dcfcnle de cet il-
iuilre Poëte dans le Journal Anglois qui a pour
titre : Tbe Biftory of the IVorks of tbe Learned ,
3, L'Hiiloire des Ouvrages des Sçàvans '^^lltrou-
ve fort mauvais que Mr. Decroujaz fe foie avifé
de critiquer un Ouvrage écrit dans une Langue
qu'il n'entend point, & fur une fimple Traduction
qui, quelque bonne cu'elie foit, n'eil pas, tou-
jours parfaitement fidèle. D'ailleurs, s'agilfant d'un
Poëme , il auroit fallu, pour en bien juger, être
Poëte foi -même, ou tout au moins fe fouvenir
que dans ces fortes d'Ouvrages on ne doit pas
chercher la même précifion & la même juItelTe de
raifonnementque dans des Traitez rie Philofophie;
ce que l'Anonyme prétend que le Cenfeur die
Mr. Pope n'a pas fut. Il l'accufe encore d'avoir
Ee 5 le
428 Bibliothèque Britannique,
le plus fouvent mal pris la pejilee de ce fameux
Poète , & ilir-tout, ce lui avoir iiijuilement impu-
té d'être Fataliile , & de fuivre dans fon EU'ai le
byi'téme pernicieux de Mr. Leibniiz fur l'Harmoî-
nie préétablie ; c'efl - à- dire qae l'on fait à Mr.
JDècroiijaz ions les reproches qu'il a pris foin de
prévenir dans fon Examen, comme le fçavent
tous ceux qui l'ont lu.
Il s'eil élevé dans ce Païs une efpece de Pié-
tifteSj fous le nom de Méthodiftes ^ à la tête def-
quels elt Mr. IVbitefield avec quelques autres
Miniltres de l'Eglife Anglicane, qui prêchent
leur nouvelle doftrine dans les champs & dans les
places publiques, ne pouvant la prêcher dans les
Eglifes : c'elt ce qui a engagé Mr. i'Evêque de
Londres à publier l'Ecrit fuivant : )) Tki Jiisbop
}) of London's Paftoral Letter To tbe People of bis'
3) Dioceje , (j'c. C'ell - à - dire : j, Lettre Paicora-
3, le de Mr. l'Evêque de Londres aux Fidèles de
3, fon Diocéfe , & particulièrement à ceux des
3, deux grandes Villes de Londres & de Weftmin-^
,} fier : Pour les prémunir , d'un côté , contre la
yy Tiédeur, & de Tautre, contre rEnthoufiafme ^^,
in 8^. pp. 55. Cfiez Buckley. Cette Lettre a été
û bien reçue du Public , qu'en moins d'un mois
il s'en eil fait trois Eaitions. Ce n'efl cependant
pas le feul Ouvrage qui ait paru fur ce fujet. Nous
avons é:é depuis quelque tv'*ms comme inondez de
Brochures pour ou contre ces nouveaux Piétiftes.
Voici celles qui nous font tombées entre les
mains.
I. Tbe Nature , Folly , Sin , and Danger of heing
Rîgbteous over-mucb, ^c. C'efl- à- dire : ^^ La
33 nature d'une P'î^té outrée , & la folie , le péché
>j & le danger qu'il y a à vouloir être trop jufte.
}p Traité où Ton a particulieremeiit en vûë la
;, do^tri-
Juillet, Août et Septemb. 1739. 429
3, dodrine & la conduite de certains Enthoulial-
3, tes modernes, & qui contient la fubltance de
3i quatre Sermons prononcez dans quelques Egli-
}) les Paroiffiales de Londres , fur ces paroles de
}) VEccleJiaJîe,Yll. i6. Ncjois point tropjujlcy ^
y) ne te fais point plus fage qu'il ne faut -, pourquoi
3, mourrois-tu avant ton tems , ou te rendrois-iu
3) toi - même fîupide ? Par Jojepb Trappe Dofteur en
y> Théologie *<". in %^. pp. 6(). Chez .S. Auften ,
& autres. A en juger par le prompt débit de cet
Ouvrage, dont la quatrième Edition paroit déjà, ii
doit être excellent. Mais cela n'a pas empêché
qu'il n'ait été très - vivement attaqué par ceux
contre lefquels il eil écrit.
2. Mr. Seagr ave ^Minikxe Anglican, qui n'eil
pourtant pas aans toutes les idées de ces gens-là,
eil le premier qui ait pris leur défenfe dans une
Brochure, 'mx.it\ûéQ: An Answer to Dr.Trapp'sfciir
Sermons , ^c. j, Réponfe aux quatre Sermons du
,, Dofteur Trapp contre Mr. Whitefield *<'. Chez
Ofwald & Hett.
3.11a auiTi paru quelques Brochures Anonimes
fur le même fujet. A Proper Reply to tbe Anti-over-
Righteous Dr. Trapp' s Sermons againji Mr. Wbite-
Jield , ^c. C'ell-à- dire : y, Juile Réponfe aux:
y> Sermons de VAnti-trop'Jufte Dotlr. Trapp
j3 contre Mr. Wbitefield; ou la Dodrine & U
}f Conduite de Mr. IVùitefield juflifiée contre les
yf fauffes Imputations & les malicieufes Invedi-
yy ves de fcs Ennemis ; le tout humblement foù-
3i mis a l'examen du Public *''. Seconde Edition.
Chez Dodd.
4. A Prefervative againfî unfettled Notions, ^c.
C'ell - à - dire : ^y Préfervatif contre les idées peu
yy fixes & le défaut de principes où Ton tombe
^^ par rapport à la Sainteté 6c à la Perfection
/> Chré-
430 Bibliothèque Britannique,
3, Chrétienne : Sermon où l'on explique ce Texte
^> mal entendu : Ne fois point trdpj'iifie , ^ 7ie te
}) fais point plusjage qu'il 72e faut , ^c. Pour fer-
jp virdeRéponfe aux quatre Sermons du Dofteur
j) Trapp furie même Texte, dont il a abufé pour
j, comb3.ttre les Métbodijîes. On a mis à la tête
}) une férieufe Exhortation à tous les vrais Mem-
3i bres de FEgliie de Jefus - Chriil ^', in 8°. Chez
Cooper.
5. Dodior TrappVindicated from the Imputation .
ûf bciiig a Cbrijîian^ ^c. C'efl-à- dire : 3> Le
y, Docteur Trapp juilifié de l'imputation d'être
3) Chrétien , à l'occafion d'une Brochure que ce
^) Révérend Auteur a publiée contre les Metbo-
3, dijîes , fous ce titre : Lz Nature d'une Pieté ou-
}i tne , ^ la folie , le pecbé ^ le danger qu'il y a à
}y vouloir ê:re plus jufle qu'il ne faut y ^c. Par un
,M Amateur de la Vérité '^. in 8°. Chez Caoper.
C'cll une violente Satyre, où l'on s'efforce de faire
voir que Mr. Trapp a combattu dans fes Sermons
les vrais principes du Chriltianifme , & donné
par confequent des preuves qu'il n'eft rien moins
que Chrétien.
6. Mt irhitefield lui-même di répondu à ce Doc-
teur , dans un Sermon où il a pris , mais expliqué
dans un tout autre fens que lui, le même Texte.
7. Mr, le Doftr. Sùebling a auflî publié un Ser-
mon de fa façon contre lesMétbodJjîes^Çous ce titre:
^ Caution againft Religious Delufwn , &€. j, Pré-
9i fervatif contre Tlllufion que l'on fefait enma-
^) tière de Religion : Sermon fur la Regénération,
yy occafionné par les prétentions des Méthodif-
3) tes '■'. Quatrième Edition, iw S<^. chez F. Gyïes.
8. The Nature, aud proper Evidence of Régéné-
ration . ^c. C'ell- à - dire : j, La Nature de la Re-
^^ génération & les marques auxquelles on peut
f
Juillet j Août et Septemb. 1739. 431
» la reconnoître y où le dogme de la nowuelle ^
y, féconde NaiJJance^ examiné dans un Sermon lur
f> Jean 111. 5. En 'vérité , en vérité , je vous dis , ft
yy quelqu'un Ji'ejî né d'eau ^ d'efprit, Ù ne peut entrer
y, dans le Royaume de Dieu. Par Raoul Skernet
Do fleur en Théologie , & Chapelain du Comte de
Granîbam. Chez Davis.
9. Tbe True CharaUer ofthe Révérend Mr. Whi-
tefield; ^c. C'eil-à-dire: J.J Le véritable Por-
» trait de Mr. Wbitefield. Dans une Lettre écri-
y) te par un Déïfle de Londres à fon Ami à la
y, campagne , avec quelques Remarques fur la
y> Difpute qui s'ell élevée entre leDoûeur Trapp
y) & Mr. Wbito.field., & fur la conduite du Cler-
y) gé. Comme aufiî un Expofé des Sentiment &
yy des Mœurs des Déïlles , fondé fur des faits ce r-
y, tains <<^. in 80. Chez Dodd & autres. C'ell un
Panégyrique de Mr. Wbitefield des plus outrez ,
& des plus infultans pour le refte du Clergé.
10. The Ind^velling ofthe Spirity tbe Common Tri-
viledge of ail Believers , (ifc. y, L'Habitation du
yy St. Efprit dans les cœurs , privilège de tous
yy les Croyans : Sermon prononcé le jour de \j.
yy Pentecôte 1739, dans l'Eglife Paroifllale de
,., Bexley , dans la Province de Ke?it. Par George
y, IVbitefield , Bachelier es Arts , du Collège de
yy Pemhroke à Oxford <^. Chez J, Hutton
11. The Life and particiUar l^roceediiigs of tbe
Révérend Mr. George Wbitefkeld , £ffc. C'eil - à - di-
re : ,, La Vie & les Aftions particulières de Mr.
yj Wbitefield., depuis le tems qu'il fut admis X
yy l'Ecole Latine de G/oï/ce/?gr,jufqu'à fon déparc
y) pour la Penfûvanie : A Tufage des perfonnes q\ii
yy fouhaitent de fe faire de julles idées de ce Mi-
y, niftre. Par un Auteur impartial (<^. in 8°. pp.
9<5. Chez Reherts, Cette Fie n'efl autre chofe
qu'a-
43^ Bibliothèque Britannique,
qu'une Compilation mal digérée (Scfort défcdueu-»
fe , quoiqu'elle foit en effet allez impartiale.
12. A Falthfidl Narrative of tbe Life and Cba^
radier oftbe Révérend Mr. IVbitefieidy çj'c. Cefl-à-
dir ? : ^ Hiftoire fidèle de la Vie de Mr. IVbite-
y,fieldj depuis fa naifTance jufques à préfent:
yp Contenant un Expofé de fa Doctrine, de fa
y? Conduite, de fon Caraftère particulier, des
^j Motifs qui l'ont porté à aller à la Géorgie, Se
y> de les Voyages en divers lieux de l'Angleter-
yj re ^''. Chez JVatJon. Ce titre promet beaucoup
plus que rOuvrage ne contient , l'Auteur y fai-
fant la fonction de zélé Panegyrifle, plutôt que
d'Hiflorien.
13. Remarks upon tbe Bisbopof London''s Pajïoral
Letter , ^c. C'efl-à-dire : y> Remarques fur la Let-
yf trc Pallorale de l'Evêque de Londres : En fa-
y} veur de Mr. Wbitefield & de fa Do£trine par-
.V ticuliere. Par i^oèertS^fl^rû'ye, Maître es Arts '^
Chez OfivM. 80.
14. Obfervations and Remarks on Mr. Seagrave's
ConduB and Writings , ^c. ^ Réflexions fur la
yy Conduite & les Ecrits de Mr. Seagrave : Où .
yy l'on examine particulièrement fa Réponfe aux
j>j quatre Sermons du Dodeur Trapp '^. in 8°.
Chez Auften,
15. Tbe Révérend Mr. Wbitefield' s AnJ'voer to
tbe Bisbop &f London's lafl Pafîoral Letter. C'eil-
à-dire: ;» Réponfe de Mr. Wbitefield à la der-
^f niere Lettre Pailora.le de l'Evêque de Lon-
j, dres <'. Chez J. Ofivald.
16. An Earnefi Appeal to tbe Puhlick,o?i Occa*
Jion of Mr. Wbitefield' s Extraor dinar j Anfiver to
tbe Paftoral Letter , ^c. C'eft-à-dire: ^^ Appel
^j férieux au Public, au fujet delà Réponfe fin-
^ guUere de Mr. Wbitefisld à la Lettre Pa/torale
Juillet, Août et Septemb. 1739, 43
yy de Mr. l'Evêque de Londres : Où l'on fe prc-
,p pofe de défenare ce Prélat contre les extrava-
,, gmtes accufations & les indignes évafians de
,, rAuteur de cette prétendue Répoiife-, comme
^ auilî de faire voir par les contradictions grof-
^ fieres dans lefque'lescet Auteur eil tombé, par
^, le peu d'égard qu'il témoigne pour l'Eglile
^> qui lui a conné l'autorité de prêcher, & par
y, la manière dont il traite ceux que cette Eglife
y, a établis fes Supérieurs? quel eil ion véritable
y, efprit, & quels fort Ces dcllèins : Le tout addref-
y, fé à Mr. Jean Wtfl:^. en l'ùbfcnce de Mr. JVbU
j, Xtfidd <<, Chez Ro'.:èrts.
Nous rendrons compte dans un Journal fuivant,
non pas de toutes ces Brochures, car cela feroic
infini , mais de la Lettre Paftorale de Mr. l'Evê-
que de Londres, & de ce qui y a donné lieu.
Voici quelques autres Livres nouveaux.
Tbe Généalogies of our Lord and Saviour Jefiu-
Cbrift y ^c, Cell-àdire: ;,, Traité où l'on exa-
y, mine en Critique , Ton explique , Ton défend
y, &ron concilie les deux Généalogies de Notre
y. Seigneur oc Sauveur Jefus - Chriil , rapportées ,
y, l'une par 5t. M'itîhieu , c% l'autre par St. Luc.
Si Par Edouard Tardlsy, Bachelier en Théologie f*".
Chez Mechell. Gros in 8^.
The Travels and Aàventures of Edward Brown
•S/i»*. . àf*^- C'eft-à-dire: ^, Voyages & Avan-
^ turea d'Edouard Broian, Ecuyer, ci -devant
yy Marchai»d à Londres : Contenant fes Obferva-
y, tions fur la France , l'Italie , l'Ifle de Malthe ,
y} le Levant, la haute & balTe Egypte ; avec une
yy Defcription de l'Abyninie. Le tout mêlé de
yy Traits hiiloriques, de Réflexions morales, & de
y, Récherches critiques <^, Chez Hitcb & autres.
4 34BlBLIOTHEQUEBRITANNÎQUE,(S:(:r.
A Difcourfe on ancient and modem Lsarning.
^y DifTertation fur la Littériture ancienne ik
„ moderne, par feu Mr. yiddijfon ^< . Ceux qui
douteront que cette Pièce foit effective ment ne
Mr. Addijjon , peuvent voir le Manufcrit Origi-
r^l écrit de fa propre main chez le Libraire
T. Oshorne.
Le quatrième Volume de YHiftoire Unî-verjelle^
^c. paroît depuis peu de jours avec privilège
^u Roi.
O
TABLE
TABLE
DES
MATIERES
D U
TOME TREIZIEME.
A
ADdisson ( Mr. ) j fa Diflertation fur k
Littérature ancienne & iTioderne. 434,
Air mortel pour \qs Femmes dans la Comté
à'EJfex. 170.
Alger; fon gouvernement. 25. Ses forces de
terre. 24. Ses revenus. 25. Bonne juflice
qu'on y fait. 26.
Aninîs Trojanus des Anciens. 410.
Anaxagore 3 fon fyilême fur le Monde & fa
création. 257.
Angleterre; par qui probablement l'Epifcopaty
a été introduit. i85.
Arabes; leur principale manufa£lure. 16. Leur
parelfe. iS. Leurs Femmes feules chargées
du travail. 19. Ils font voleurs, quoiqu'ils
exercent l'Hofpitalité. ibid. Extrêmement fu=
perftitieux. 20. Vénération qu'ils ont pour
leurs prétendus Saints. 21. Leur gouverne^
ment. 22.
Arcbite&îire ; de tous les Arts le mieux cultivé
en Barbarie. $.6*
Anguftin ( Le Moine ) -, fon ambition & hs four-
l?enes, .188;
Ff B. Ba^
T A B L •• E
B.
BAcoN (Mr. Nathanael) fa nouvelle Edi^
tion du Difcours de Selden fur les Loix
& le Gouvernement d'Angleterre. 178-205.
Barbarie} les Vivres y font à grandmarché. 17.
Bajket-, Auteur d'un Ouvrage de Pieté extrême-
ment eilimé. 117.
Bédouins, forte d'Arabes 3 leur manière de vi-
vre. 14.
Bentley (Mr. le Dr.); fa nouvelle Edition de
VAftrommicon de Manilius. 420.
Bircb (Mr. Thomas); Auteur d'une nouvelle Vie
de Milton. 136.
Bretons ( Anciens ) j leur Religion & Gouverne-
ment. 182. Leur converfion à l'Evangile.
183. En quoi l'invafion des Romains Iqvlt ïnt
âvantageufe. 184. Leur premier Roi Chrétien.
185. Appellent les Saxons & les PiSles à
leur fecours. 187. Les derniers à fubir le
joug du Pape, & les premiers à le fecouer.
188.
Brown (Mr. Edouard)-, fes Voyages & Avan-
tures. 434'
Bruikenridge { Mr. ) ; fa nouvelle méthode de dé-
crire les Lignes courbes. 337. La gloire de
l'invention lui ell conteftée. ibid,
Burnet ; ce qu'il dit de r"E»x*v Bat^/x/x». 153.
Bury S. Edmond; remarques fur cette Ville. 176.
C.
C^Alvaire (Le) fait prefque le centre de
y la jferujalem moderne. 392.
Cambridge; remarques fur la Comté de ce nom,
177.
Campbell (Mr. Archibald) ; fon Traité fur la Né-
ceflité d'une Révélation. 222 -261.
Ca.
DES MATIERES.
CatdUpfie ; hifloire détaillée d'une maladie, de
cette efpece. 339,
Certitude géométrique , mathématique ^ métapbyji-^
que ; ce que c'efl. 285. 288.
Certitude morale. 294. Exemple d'une Certitude
de cette efpece. 297,
Charles I. Roi d'Angleterre-, preuves qu'il n'eft
point l'Auteur de r"'f./x4,v &a.<jiux.>], 138. 152,
Preuves du contraire. 147. Avoit ordonné le
maflacre des Proteitans en Irlande. 156. Sans
en avoir donné une Commilîîon dans les for-
mes. 159.
Chemin Romain- découvert en Angleterre. i6g,
Chiihb (Mr.)} Lifte de plulîeurs Ouvrages pu^
bliez contre lui. 421,
Clément d'Alexandrie-, ce qu'il dit des Femmes-
Sœurs ûes Apôtres. 133,
Clerc ( Mr. Le ) ; fon fentiment fur la Femme-
Sœur de S. Faut. J31,
Comtez Palatines ; lent origine en A?2gleterre. 202^
Conjlantin le Grand (L'Empereur) a probables
ment introduit l'Epifcopat en Angleterre. 186,
Cookfon (Mr. le Dr. ) ; fa relation d'un effet ex^
traordinaire de la Foudre. 355.
D.
DE NIER de S. Pierre ; ce que c'étoit origi?
nairement, 191,
Vemonjî ration -, ce qui doit être appelle de ce
nom. 284. Ce que c'efl qu'une Demonjîratioii
phyftque. 293. Topiques propres d'une De-!-
monjlration morale. 305,
Dejaguliers ( Mr ) j Inventeur d'une machine pour
changer l'air dans une chambre. 338, SaLet?
tre fur l'ufage de cette machine. ibid,
J)ieu; fon Unité prouvée par les feules lumiè-
res de la Raifon. 72. Quelles idées les anciens
ffa Phi-
TABLE
Pliilofophes attachoient à ce terme. 257.
J)udlcy {Mi.Paul); fa relacion de plufieur s Trem.-
blemens de Terre dans la Nowo. Angleterre.
349-
E.
f;* D o u A R D le ConfeJJeur -, Chartre en vers
que Ton conlerve de ce Roi. 171.
Eglife ; les Souverains prenoient autrefois part
à fon gouverneinent. 360.
Egypte-, combien le terrein de ce païs s'eft accru
par les inondations du N'il, depuis le Déluge.
414.
Egyptiens (Anciens) 3 leur Science fymbolique.
399-
EtKfv Bit7*?.i;i;', ; dilTertation fur le véritable Au-
teur de ce Livre. 137.
EleUricîté; expériences & obfervations fur cette
matière. 327. l^? fiiîv.
Eleutberus ; quel étoit ce fleuve des Anciens. 389.
Effex ; combien l'air y efl mal fain. 170.
Euroclydon-, difcuflion fur ce vent, 394.
Excommunication; fes bornes légitimes. 380.
F.
FArxabius ( Thomas ) ; époque de fa mort.
97.
Femme-Sœur de S. Paul; difTertationlà-deflus. 122.
Fleming ( Mr. C. ) ; fon Ouvrage contre Mr. Chubb.
422.
Foudre; relation d'un de fes effets extraordinai-
• res. 355.
G.
CA u D E N ( Le Dr. }; Auteur de 1' ^^i>-c7 t.avûjx^»
_■ 1 38. Preuves qui le confirment. 140.
Geoffroy {Mr:) i fa Lettre fur quelques Sels chy-
miques. 337-
DES MATIERES,
Gittîns ( Mr. David ) ; fa réfutation d*une Bro*
chure anonyme publiée contre Mr. Huîcbinfon»
423.
Cofçen ; à quel canton de VEgypte on -donnoic
anciennement ce nom. 393,
Grâce univerfelle -, Lettre de Mr. Hammond fur ce
fujet. 105.
Grande-Bretagne-yfa. defcription détaillée. 166-177.
Gray ( Mr. Etienne ) ; fes expériences & obferva-
tions fur la lumière produite par l'Eledricité
communicative. 327. Sa Lettre fur le même
fujet. ibid. Nouvelles expériences que la mort
Ta empêché de communiquer. 334.
Grey (Mr.); fa réfutation deïHiJîoire des Fiiri-
tains. 424.
H.
HA D L E Y ( Mr. George ) ; fa dilFertation fur
la caufe des P^'ents alijez. 345.
Haies (Mr. le Dr.); fon recueil d'expériences
phyfiques. 425.
Hammond (Mr. le Tit. Henri) ; fes Lettres. 92-1 3 4.
A qui addrelTées. 94. Sa mort. iio.
Harwich ; argile propre à fe pétrifier qu'on y
trouve. 170.
Heîfbam (Mr. Richard) ; foîi cours de Phyfique
expérimentale. 424»
Herbert ( Guillaume ) transféra le liège épifcopal
de Thetford à N'orwicb , oc fit des fondations
confiderables dans fon dlocefe. 176.
Hermopolis parva des Anciens. 41 8.
Hirondelles ; dans quel canton de l'Angleterre el-
les arrivent au Printems. 173.
Hodgfon ( Mr. Jaques ) -, fon Catalogue 8c fes
oblervatiotis fur les éclipfes des Satellites de
JiLpitex, 326.
Ff3 Hov'
TABLE
Horler (Mr. j^ofepb)-, fon apologie des Prédica-
teurs de l'Evangile. 421.
Hunauld (Mr. François- Jofsph) ; fes penfées fur
l'opération de la Fijlule lacrymale. 344-
Huîchinfon ( Mr. ) > fes remarques fur les Dtmo-
Iliaques de TEvangile. 422. Brochure contre
ces Remarques. 423.
î.
JAcKSON (Mr. Laurent) ; h réfutation du Vé-
ritable Cbrijîianifme de Mr. Cbubb. 422.
Jerufalem -, observations fur fon état préfent. 391.
Immunitez Ec cléfîajîi que s y combien frivoles . 362.
lîifcription pour conierver la mémoire delap/tt>'ff
de la Manne. 417.
Interdit; ce que c'eft , & fon illégitimité. 382.
'Jourdain; ce que Mr. 5/;aar dit de ce fleuve. 397.
Ipfvuicb ; caufes de fa décadence. 175.
K.
KAbyles, forte d'Arabes > leur manière de
vivre. 15. Mr. Sba^ju a compilé un Voca-
bulaire de leur Langue. 416.
L.
L An GUE (Ancienne) Anglnije; fa confor-
mité avec la Langue Allemande. 171.
Laodicée-, obfervations fur cette ville. 38<5.
Lèze-Majefté; à quelle forte de crime on donnoit
anciennement ce nom en Angleterre. 204.
Lion-, comment les -^ra&fj en font la chafle. 18.
Lobb ( Mr. ) ; fon Traité pratique des maladies
aiguës. 421.
Lookup (Mr. )j fon Ouvrage fur les fautes des
Verfions de la Bible. 426.
Lucius ,, premier Roi Chrétien des Bretons. 185.
Demande les Loix Romaines à l'Evéque de
Rome ^ qui les lui refufe. 186.
DES MATIERES.
Lumières naturelles ^ ce qu'il fiut cnLendr? d:^ !:,
M,
MAc-Laurin (Mr.) prétend contre Mr.
Bruikenridge , d'avoir inventé lepremirr
la nouvelle méthode de décrire des Lignes
courbes. 337.
Mariages entre Perfonnes de différentes Religions,
112,
Majfacre d'Irlande -, preuves qu'il s'étoit fait
par ordre de Charles I. 156.
Mathématiques fort négligées en Barbarie. 4.
Médecine combien déchue en Barbarie. 3.
Mer Noire i prodigieufe quantité de vapeurs qui
s'en exhale chaque jour. 398,
Méthodijles ; nouvelle fefte Qn Angleterre. 428.
Mikiasti colomne qui fert à mefurer l'accroilTe-
ment des eaux du Nil. 40S.
Milton ( Jean ) ; Recueil complet de fes Oeuvres.
i35--i<56.
Mifericorde ', un des attributs eflentiels de Dieu.
N. 282,
NA T R 0 N- , ou Nitre d'Egypte. 417..
Nil-, difcufîlon fur ce fleuve. 407.
Nomination aux £t'^c/jf2contefléeauPape. 366.
Norfolk i richelTe de cette Comté. 176.
O.
OBELISQUES (Les) étoient particuliè-
rement deftinez aux Hiéroglyphes. 400.
Oldmixon ( Mr. ) ; fon Hifloire d'Angleterre fous
Henri VIII, Edouard Vl,Marie & Elifabetb. 42 1.,
Ordinations Prefbyteriennes ; ce que Mr. Ham'
mond en dit. 1 14.
P.
PApes; leur autorité fur le Temporel des
Rois & des Eglifes conteftéc, 375
F f 4 pa-
TABLE
Paraîytîius de l' Evangile ', explication de cette
hiftoire. 7. ^ fuiv.
Peck ( Mr. François ) ; Lifte des Ouvragés qu'il a
publiez. 118.
Pegge ( Mr. Samuel ) ; fes Récherches fur les
Démoniaques de l'Evangile. 423.
JPellet (. Mr. le Dr. ) -, Préûdent du Collège des
Médecins de Londres, à la place du Chev.
Sloane. 325. w.
Tet'jt (Mr. Guillaume); fon Traité fur l'ancien
Pouvoir, les Droits & Privilèges du Parle-
ment. 425.
JPbilofopbe Honnête-Homme (Le)î Extrait de cet
Ouvrage. 261-324. Deux caractères diilincts
que l'Auteur a à foutenir. 263.
Piétijîes en Angleterre. 428.
Platon-, comnnent il a établi le dogme âe l'Im-
mortalité de l'ame. 243. A fort mal prouvé
l'cxiftence d'un Entendement infini. 259.
Pratique de la Pieté ; qui ell TAuteur de cet
■ Ouvrr.ge extrêmement eflimé. 117.
Pyramides d'Egypte ; détail fur leurs dimenfions,
401, Sur leur dellination. 403.
R.
RA I s o N humaine ; Traité de fa force & de
fâ fcibleffe. 65-91. Définie par un Déïile.
66. Si la Eaifon toute feule peut nous con-
duire à la félicité. 84. Ce qu'il faut entendre
par le mot de RoJjon. 233. Comment on peut
dire qu'elle nous inllruit. 235.
Rand ( Mr. JJaac ) ; fon Catalogue de Plantes du
jardin de Cbelfea. 325.
Religion; comment: définie par un Déifie. 66,
Quelle étoit celle des anciens Bretons. 182.
En quoi confille îa Religion naturelle. 230.
Si elle a dçs caraftères de vérité auxquels la
Rai-
DES MATIERES.
Raifon doit fe rendre. 268. Signification clu
mot de Rtiigîon. 271. En quel fens employé
par le k*biloJophe Honnête- Homme. 272. ^
fiiiv. Propofidons indifpenfablement nécefTai-
res pour bien établir les fentimens de Religion.
279. La Religion Chrétienne n'a rien changé
aux droits des Souverains. 359.
JRépentance (La) efb nécelTaire pour appaifer
Dieu. 75.
Révélation ; Traité fur fa néceflité. 222 - 261.
Reynel ( Mr. Richard ) ; fon hiiloire d'une Cata-
lepfie. 339,
Rohins ( Mr. Benjamin ) ; fes remarques fur diver-
fes matières mathématiques, 424.
Romaine (Mr. Guillaume) y fon Ouvrage contre
Mr. IVarhiirton. 424.
Rome-, Supériorité de fes Evêques comment ex-
pliquée. 369. Origine de la déférence des
autres Eglifes pour celle de Rome. 372.
Rowe (Made. Elijabetb) ; fes Oeuvres mêlées.
28-64. Sa naiffance. 30. Portrait qu'elle fait
de fon Père. ibid. Sa pieté & fon amour
pour l'étude. 31. Son goût pour le deflein.
33. Sa paiïion pour la Poëfie. ibid» Son ma-
riage. 37. Devenue Veuve , elle fe retire à la
campagne. 38. Hiiloire de fes Ouvrages. 39.
Sa mort. 40. Son éloge. 41. Echantillons de
fon llile épiltolaire. 48. ^ fuiv.
Roive (Mr. Thomas)-, fa naiffance. 34. Ses étu-
des. 35' Son amour pour la Liberté, ibid. Au-
teur de plufieurs Vies d'Hommes Illujîres. 36. E-
poufeMadlle. Elijabetb Singer. 37. Samort. 38.
o.
SAbbat; obfcrvation fur fon établilTement.
III. Religieufement obfervé par les anciens
Saxons» 202.
Ff 5 Sa-
TABLE
Saxons-, leur entrée dans la Bretagne. 187. lis
ont recours à la Cour de Rome pour la difci-
pline eccléliaitique. 189. Grand pouvoir du
Métropolitain chez eux. 190. Différens rei-
lorts de leur jurifdiftion eccléfiaflique. 193.
Gouvernement de leur Eglife. ibid. Leur peu
de goût pour le Culte extérieur. 194. Am-
bition & ignorance de leur Clergé. 195. Ori-
gine de leurs Rois. 196. Qui étoient' fort
bornez dans leur pouvoir, ibid. Leur gouver-
nement civil. 200. Leurs Franchi/es ou Alar-
cbes. 201. Leurs loix pénales. 202. Ils ren-
doient prompte juiticc. 205,
Seagra'ue (Aîr. ); fon Ecrit en faveur des nou-
veaux Pià//?ej- rf'^.'io-/frfrr^. 429. 432.
Selden (Jean)-, nouv^elle Edition de fon £)//cûz^>y
Jur les Loix ^ le Gouvernement d'Angleterre,
178-205, Pourquoi on ne fit pas grand cas
de cet Ouvrage lorfqu'il parut pour la pre-
• niière fois. 179, Perfécution contre les Edi-
tions fuivantes, iSo.
Sentimens; en quel fens ce terme ell emplové
par le Philojophe Honnête-Homme. 276.
Shaw (Mr. Thomas); fes Voyages en Barbarie
& dans le Levant. 1-28. 396-420.
Sherlock (Richard); fon épitaphe. ic8.
Skernet (Mr. Raoul); fon Sermon fur la Régéné-
ration. 431.
Sloane ( Mr. le Chev. Haiis ) a refigné la plac;;^
de Préfident du Collège des Médecins de
Londres. 325. n.
Smith (Mr. Guillaume); fa nouvelle traduftion
du Traité du Sublime de Longin. 4.20.
SûisU ; comment il s'ar:éta du tems de JoJJi^'
211-222.
Sqîut
DES MATIERES.
Sour ; etymologies de cet ancien nom de la ville
de Tyr. 390*
Souverains', leur droit pour l'Invelliture des
Evéchez & Abbayes. 379.
Stebbing (Mr. leDr. ); Ton Sermon contre les
Mttbodiftes. 431.
Stratford-, accroilTetnent dé ce village en peu
d'années. 168.
Suffifance (Prétendue) de la Raljon pour arriver
à la Religion & au Bonheur. 66.
Suffolk ; dans cette Comté arrivent , & de-là
partent les Hirondelles en Angleterre. 173.
Nombre prodigieux de volaille que ce païs
fournit à la ville de Londres. 174.
T.
TERRE-Saint-e ; ce que Mr. Sbaio en dit.
395.
Tertullien ; fon fentiment fur la Femme-Sœiir ce
S. Paul. 128.
Thaïes -, s'il a cru l'Immortalité de l'Ame.
246.
Tbéologis naturelle ', ce qu'on doit entendre par-
là. 307.
Trapp (Mr. Jofepb); fon Ouvrage fur la Pieté
outrée. 429.
Tremblement (Grand) de terre dans la Kouv.
Angleterre en 1727; fon hifloire. 350.
Tripoli ( Le nouveau ) -, obfervations fur cette
ville. 390,
Tripolis (L'ancienne) 5 remarques fur fes ruines.
389.
T-jr ; obfervations fur cette ville. 390.
V.
VApeurs qui s'élèvent chaque jour de
la Aler Noire, 398.
Fenti
TABLE DES MATIERES.
yents alifez-, leur caufe. 345.
Véritez fpéculatives. 318. Autres , appcl-
lées hîjîoriques. ibid. Troifieme efpece, dites
defentiment. 321.
Vertu magnétique communiquée par la foudre.
356.
Villa Fauftina ; à quelle ville à'Angleter-
rs les Romains avoient donné ce nom.
176.
Villages -, accroiiïement de ceux qui font
près de Londres , depuis la résolution.
168.
Volonté (La) peut agir fans la morale. 300.
VoJJlus; particularité touchant fon Hijloire dit
Pélagianîjme. ç(),
Vraifemb lance morale ; fa définition. 2^5, Quelle
eft la VraiJtmUance phyfique. ibid.
UlTerius; fes fentimens fur la Grâce. 99.
•^ W.
WAteiiland ( Mr. Daniel ) ; fon Traité
fur la partie facramentelle de TEucha-
riilie. 427-
Watts ( Mr. ) > fon Ouvrage de la force &
de la foiblelTe de la Raifon humaine. 65-
91.
Whitefield (Mr.), Chef des Méthodifies. 42g.
Son Ouvrage en leur faveur. 431.
Y.
YA R D L E Y ( Mr. Edouard ) ; fon Traité
fur les Généalogies de Jejus -Cbrift,
Fin de la Table des Matieresé