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Full text of "Bibliothèque britannique : ou Histoire des ouvrages des savans de la Grande-Bretagne"

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n 


BIBLIOTHEQUE 

BRITANNIQUE» 

b  u 
HISTOIRE 

DES  OUVRAGES 

DES  SÇAVANS  DE  LA 

GRANDE-BRETAGNE: 

Pour  les  Mois 
D'AVRIL,  MAI    ET  JUIN. 

ivi  DCC  XXXIX. 

TOME    TREIZIEME, 

PREMIERE   PARTIE, 


A    LA   HATE, 
Chez    PIERRE    DE    HONDT. 

M.  DCC.  XXXIX, 


*»Ç%.»C    •%    *■>    *>    ♦!*    -O.*    «-jj    ♦   *    */»    ♦A    ♦>»    *Vt    *.*    ♦>    V-V 

^  ^  V:?i  Y«?>  yCÎ-J  yiS  V^i -T^  T^  Y^ -T^  ^r^  T^  y^i -T^  yi^ 


TABLE 

DES 

ARTICLES. 


ArvT#I.  T^iÇR.  Thomas  SHAw;yêj 

i.V  .1  P^oyages  en  divers  lieux  de 

la    Barbarie  £5*  du  Levant  ,  £f  c. 

Troifième  Ei^crair.  pag.  i. 

1 1.  Mad.  Elisabeth  R  o  w  e  ;  fes 
Oeuvres  mêlées  en  Profe  ^  en  l^ers-^ 
avec  des  Foè'Jîes  de  Mr.  Thomas 
Rowe.  28. 

III.  Mr.  W  A  T  T  s  ;  Traité  qu'on  lui  at- 
tribue de  la  Force  ^  de  la  Fciblefi 
Je  de  la  Rai/on  humaine  i  ou  Impor- 
tanîê  quejtîonftir  la  Suffifance  de  lez 
Maifon  pour  condtiire  les  Hommes  à 
la  Coyincijjarice  de  la  Religion  ^  ait. 
Bonheur  d'une  autre  Vie  :  Seconde 
Edition.  6y, 

iW  Le  Dr.   Henri   IIammond; 
Dix-neuf  de  fes  Lettres  mi/es  en  Re- 
cueil par  Mr.  François  Peck.    92. 
V.  Differtation  fur  la  Feinme-SoEUR  ; 
vn  Saeur  -  F  ê  m  m  e  de  S.  Paul  ;  ti- 
rés 


TABLE  DES  ARTICLES. 

rée  à'une  Lettre  du  Dr.  Hammond  j, 
à  Mr.  Pierre  Staninough.       122. 
Art. VLJean    Milton;    Recueil  corn" 
pu  î  de  fes  Oeuvres  Hijioriques ,  Po- 
litiques c5*  mêlées ,  avec  un  nouveau 
Récit  biftorique  &  critique'  de  la  Vie 
^  des  Ecrits  de   V Auteur  y    conte- 
fiant  plujîeurs  Pièces  originales  qui 
.    n^avoient  jamais  paru ,  par  Mr.  Tho- 
mas Birch.   ,  135^ 
VIL  Relation  Hijlorique  de  Voyages  faits 
dans  tous  les  Comtez  de  la  Grande- 
Bretagne  ,  oit  Von  donne  une  def" 
cripîion  détaillée  ^  amufante  de  tout 
ce  qu'il  y  a  de  curieux  éf  de  remar" 
quable:  Seccnde  Edition.        167. 
VIII.   Mr.  Jean  Selden;  fon  Dif^ 
cours  Hijlorique  £5*  Politique  fur  les 
Loix  &  le  Gouvernement  d  A7igle' 
terre,  depuis  les  premiers  tems  juf- 
qu'au  Règne  ûJ'Elifabeth  ;  avec  une 
Apologie  de   Vancienne  Conjiitution 
des  Parlemens    d'Angleterre  ;   lo 
tout  rédigé  en  ordre  par  Mr.  Na- 
thanaël  Bacon.                        178. 
IX,  Lettre  de  Mr.  S**,  aux  Auteurs 
de  la   Bibliothèque  Britannique. 

206i 


BI- 


BIBLIOTHEQUE 

BRITANNIQUE, 

O   U 
HISTOIRE  DES  OUIHAGES 

DES   SAVANS  DE  LA 

GRANDE  BRETAGNE. 

Pour  les    Mois   d A v r i l  ,  Mai 
ET  Juin.  MDCCXXXIX. 

ARTICLE    PREMIER. 

Travels  ,  or  Obfervations  relating  to 
feveral  Parts  of  Barbary  and  thc  Lî:- 
vant. 

Cefl-à-dire: 

Voyages  en  divers  Lieux  de  la  Barbarie 

fc?  du  Levant ,   avec  des    Obfervations  : 

Par  Thomas  Sh?L\y ,  Doreur  en  Théolo- 

gi£ ,  &f  Membre  du  Collège  de  la  Reine  à 

Tome  XÎIL  Fart,  L         A         '    Ox- 


i    Bibliothèque  Britannique^ 

Oxford  &f  de  la  Société  Royale,  &c. 
[Troifième  Extrait] 


f,  T  Es  Arts  &  les  Sciences  ont  été  de- 
„  L/  P^is  plufiears  fiécles ,  &font  enco- 
„  re  très-negligez  en  Barbarie.  La  Philo- 
5,  fophie ,  la  Médecine  &  les  Mathéma- 
„  tiques ,  qui  y  fieuriflbient  dans  le  tems 
39  qu'ailleurs  on  en  connoifïbit  à  peine  le 
,ynom,  y  font  prefque  entièrement  ignô-^ 
39  rées  aujourd'hui.  Les  courfes  perpé- 
5,  tu^Ues  des  Arabes ,  &  les  vexations  que 
,,  les  Maures  éprouvent  de  la  part  des 
,y  Turcs  y  ne  leur  laiflent,  ni  la  liberté  ,ni 
,3  la  tranquillité  nécellaires  pour  cultiver 
,,  les  Sciences ,  ou  pour  y  faire  de  nouvel- 
,f  les  découvertes.  Et  *par  rapport  aux 
P9  Turcs ,  ils  font  naturellement  il  inquiets 
„  &  û  turbuîens,  ou  bien  ils  s'engagent 
,,  fi  fort  dans  le  commerce  par  l'avidité 
99  du  gain  ,  qu'ils  n'ont  pas  le  moindre  goût 
5,  pour  les  Lettres ,  paroifFant  extrême- 
5,  ment  furpris  que  les  Chrétiens  puiflent 
5,  prendre  tant  de  plaifir  à  l'étude,  &  y 
,,  employer  tant  de  tems  &  d'argent. 

Dès  que  IMr.  Sha'U)  fut  arrivé  à  Alger, 
il  tâcha  de  faire  connoifTance  avec  \gs 
perfonnes  qui  paiToient  pour  avoir  le  plus 
de  fçavoir  (Sç  de  ledlure  ;  &  quoique  l'é- 
loignement  que  les  peuples  de  Barbarie 
ont  en  général  pour  les  Etrangers,  &  fur- 
tout  pour  les  €hiécien«,  lui  rendit  la  cho- 

fe 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  ^ 
fe  très -difficile,  il  en  vinc  pourtant  à 
bout.  Il  découvrit  bientôt,  que  Je  pre- 
mier Aftronome  qui  a  le  foin  de  régler 
les  heures  de  la  Prière ,  n'entendoit  pas 
alTez  de  Irigonometrie  pour  defimer  un 
Q^uadran,  &  que  tout  l'art  de  la  Naviga- 
tion en  ufage  à  Alger  &  à  Tunis ,  ne  con- 
fiftoit  que  dans  une  légère  connoiiHinca 
de  Pufage  de  la  Bouflble.  La  Chymie  el- 
le-même ,  qui  étoit  autrefois  la  Science 
favorite  de  ces  peuples,  fe  réduit  à  pré- 
fent  tout  au  plus,  à  fçavoir  diftiller  quel- 
ques Simples.  Leurs  Médecins  ne  con- 
noiflent  ni  Rafis ,  ni  A'verroè's,  ni  aucun 
autre  de  ces  anciens  Auteurs  Arabes  qui 
fe  font  rendus  fi  célèbres  dans  leur  Art. 
Diofcoride ,  de  l'édition  Efpagnole,  eflpref- 
que  le  feul  Livre  qu'ils  étudient  &  qu'ils 
confultent.  UEmim,  ou  Chef  des  Méde- 
cins, demanda  un  jour  à  l'Auteur,  files 
Chrétiens  avoient  l'Ouvrage  acBoo-Kraît? 
car  c'eft  ainfi  qu'ils  appellent  Hippocraîê^ 
par  ignorance,  ou  par  vanité  '♦^  j.  ajoutanr 
que  c'a  été  le  premier  Médecin  Arah^  & 
qu'il  vivoit  un  peu  avant  Avicenne. 

Mr.  Shaix)  décrit  à  cette  occafîon  la 
manière  dont  .on  pratique  la  Médecine 
en  Barbarie  y  laquelle  confirme  de  relie 
ce  qu'il  a  avancé  de  l'ignorance  de  ceux 
qui  l'exercent.  Rien  n'efi:  plus  rare  par- 
mi 

*  Boo-Kratt  c'cfl  le  Père  de  Kra'.t ,  qu'on  futj^ 
pofe  avoir  été  Àrale. 

A  2 


^    Bibliothèque  Britanniqt?e, 

mi  eux  que  les  remèdes  compofez.  La 
feule  Ordonnance  dans  ce  genre  qu'il  aie 
vûë  pendant  tout  le  tems  qu'il  a  demeu- 
ré dans  ce  Pais,  eft  celle  d'un  de  leurs 
fameux  Marabous ^  ou  Saints,  que  voici 
mot  à  mot:  ,,  La  vie  de  nous  tous  efl 
,,  dans  la  main  de  Dieu ,  &  lorfque  cela 
„  eft  écrit  (  c.  à.  d.  ré/olu  dans  /on  Con- 
yifeil)  il  faut  que  nous  mourions.  Ce- 
5,  pendant  il  a  pIû  à  Dieu  de  préferver 
„  plufieurs  perfonnes  de  la  Pelle  par  ce 
5,  moyen:  Prenez  chaque  matin,  pendant 
,,  que'  la  contagion  règne,  une  pillule  ou 
„  deux  de  la  compofition  fuivante ,  fça- 
,5  voir  de  la  Myrrhe  2.  parts,  du  Saffran 
,,  K  part ,  de  l'Aloës  2.  parts, &  du  Sirop 
,,  de  bayes  de  Myrte.  Q.  S.  ".  Quoique 
l'inoculation  de  la  petite  Vcrole  foit  en 
ufage  dans  ces  Pais,  la  pratique  n'en  elt 
cependant  pas  aulli  générale  qu'on  fe  l'i- 
magine en  Europe;  la  plupart  des  gens 
croyent,  que  c'eft  tenter  la  Providence  & 
faire  violence  à  la  nature  ;  &  ils  ne  man- 
quent pas,  non  plus  que  nous ,  de  faits  à 
alléguer  pour  la  décréditer. 

Ces  Peuples  font  fi  ignorans,  Qu'ils  ne 
fçavent  pas  même  fe  fervir  des  Inftrumens 
de  Mathématiques  de  leurs  Ancêtres  , 
comme  Quadrans,  Aftrolabes,  6:c.  lef- 
quels  ont  échapé  aux  malheurs  des  tems. 
Ils  les  regardent  plutôt  comme  des  curio- 
fitez,  que  comme  des  inventions  utiles. 
Ils  ont  aufîi    d'anciens  Calendriers    fore 

exacts  y 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.       ^ 
cxadts,   OQ  font  marquez  en  différentes 
coloranes  le  lever  &  le  coucher  du  Soleil, 
Jes  jours  du  Mois   &   les   heures    de  la 
Prière  pour  chaque  jour ,  &c.  Mais ,  foit  pa- 
refle^  foit  incapacité,  ils  n'en  font  aucun 
ufage.    L'Arithmétique  ,  dont  il  eft  très- 
probable  que  leurs  Pères  ont  été  les  pre- 
miers Inventeurs,   &  l'Algèbre,  dont  ils 
nous  ont  au  moins  fourni  les  caractères , 
leur   font  11  inconnues,  qu'il  n'y  a  peut- 
être  pas  un  homme  en  vingt-mille  qui  [en 
ait  quelque  iéée.    Cependant  il  faut  leur 
rendre   cette  jufrice,  que  les  Marchands 
fur-tout  font  forr  experts  à  faire  de  tête 
des  calculs ,  &  à  fupputer  fur  le   cham.p 
toute  forte  de  fommes ,  en  mettant  leurs 
mains  dans  les  manches  les  uns  des  autres , 
(Se  fe  touchant  certains  doigts,  ou  certai- 
nes jointures   des  doigts  ,  dont  chacun 
marque  un  nombre  fixe, de  forte  que  fans 
fe  parler,  &  fans  que  les  affiflans  puifTenc 
fçavoir  dequoi  il  s'agit  ,   ils   contraêtenc 
cnfemble  pour  des  fommes  confiderables. 
La,Mufique  des  Arabes   efl:  d'une  {im- 
plicite égale  à  celle  des  premiers   tems; 
celle   des  Maures  eft  plus   compofée    & 
plus  harmonieure,&  celle  des  Turcs  l'em.- 
porte  de  beaucoup  fur  l'une  &  fur  l'autre. 
Mr.  Shaw  décrit  ici  au  long  leurs  Inftru- 
mens,& donne  un  échantillon  de  leurMu- 
fique,  pour  mettre  les  curieux  en  état  d'en 
juger.     Mais  de  tous  les  Arts ,  celui  que 
ces  peuples  ont  le   mieux  cultivé,  c'efl 
,.  •  A3  l'Ar- 


e   Bibliothèque  Britannique, 

rArchitedlure  ;    quoique  l'Auteur    remar- 
quée, qu'elle  cit  encore  telle  qu'elle  étoit 
dans  les  tems  les  plus  reculez ,  &  qu'elle 
n'a  point  été  peifedionnée.  Comme  leurs        | 
Maifons  font  fort  femblables  à  celles  dont        * 
il  çjfl  parlé  dans  l'Ecriture  Sainte ,  il  a  cru 
devoir  en  faire  une  defcription  particu- 
lière.   Elles  ont  toutes  de  grandes  por- 
tes ,  des  chambres  fpacieufes ,  des  pavez 
de  marbre,  des  Cours  en  forme  de  cloî- 
tres, c'eft-à-dire    que  les   portes  &  les 
fenêtres    des  chambres  donnent    fur  ces 
cours  ;  car  il  n'y  a  jamais    du  cô:é  de  la 
rue  qu'une  fenêtre  grillée,  ou  un  balcon 
griilé  ,  ou  les   femmes  peuvent  aller  fe 
Fnettve  pour  voir  les  paffins.     On  entre 
dans  ces  Maifons  par  un  long  porche  ou 
vedibule  ,  garni  des  deux  cotez  de  bancs, 
&-c'eû:-là  que  le   Maître  de  la  Maifon 
reçoit  fes  vifites,  &  parle  aux  perfonnes 
avec  qui  il  a  à  faire.    Ce  porche  conduit 
à  une  .grande  Cour  qui  eît  au  milieu  de 
la  Maifon  ,  &  ou  les  Etrangers,  non  pas 
même  les  plus  proches  Parens,  ne   font 
admis  que    dans  les  occafions    extraordi- 
naires ,  comme  Mariages ,  Circoncirons , 
-^vC-  Cette  Cour,  autour  de  laquelle  font 
les  apartemens  ,    eft  toute    découverte; 
mais  lorfqu'on  y  reçoit  compagnie,    ou 
dans    les   grandes   chaleurs  de  l'été  ,  on 
étend  pardefTus  une  efpece  de  voile,  ou 
fie  courtine,  qui  eft  attachée  à  l'un  des 
eôtCÂ  du  haut  de  la  muraille ,  &  qui ,  par 

le 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  7- 
le  moyen  de  quelques  cordes  ,  s'ouvre  ou 
fe  ferme  comme  l'on  veut.  C'efl-là  l'im- 
phivium,  ou  le  Cava  JEdium  des  Romains  *, 
&  le  To  afVcv  de  St.  Luc  f.  Le  haut 
de  ces  Maifons  eft  en  platte- forme  fer- 
mée d'une  baluftrade,  ou  d'une  muraille, 
par-deflus  laquelle  on  peut  voir  ce  qui 
fe  pafle  dans  la  rue  ou  dans  la  Cour. 
Ces  plattes  -  formes  fervent  à  fécher  le 
linge  &  les  fruits,  comme  figues  &  rai- 
fms  ;  à  prendre  le  frais  au  foir ,  &  à  fai- 
re les  dévotions  ordinaires.  L'Auteur,  a- 
près  avoir  décrit  la  manière  dont  les  Mai- 
fons de  Barbarie  font  bâties ,  fe  fert  de 
cette  defcription  pour  éclaircir  l'Hilloire 
du  Paraîi tique  de  l'Evangile.  Voici  ce 
qu'il  dit  fur  ce  fujet. 

„  Entre  les  difficultez  &  les  abfurditez 
,i  qu'on  a  prétendu  trouver  dans  cette 
„  Hifloire ,  on  a  particulièrement  infiflé 
,,  fur  celle-ci  §,  que  les  expreffîons  des  E- 
,,  vangélilies  ,  Icaxoir  qu'on  DË'COUVRIT 
^,  LE  TOIT  DE  LA  MALSON  où  étoit 
„  Jefus,  qu'on  LE  PERÇA  (Marc.  IL 4.) 
„  quon  DESCExNDIT  LE  PARALYTl- 
„  QUE  AU  TRAVERS  DU  TOIT  (Luc. 

y,  V. 

*  Vid.  Varro  de  Ling.  Jat.  1.  4.  §.  33.  y^- 
con.  Fedaii.  Not.  in  Cicer.  Orat.  i.  in  Vcjrreni. 
^lex.  ah  Alex.  6zc. 

t  V,  19. 

§  C'cft  le  fameux  Woolflon  dans  fon  iv.  Difc, 
contre  ksjMiracles  de  N.  S, 

A  4 


ff  Bibliothèque  Britannique, 
„  V.  19  )  fuppofanî  qu'Hun  rompit  les  tuiles  ^ 
,,  les  lates  ,  les  J  olive  aux  ^  &:c.  ce  fut  un 
,,  grand  bonheur ,  continue  l'Auteur  d'un 
,,  ton  profane,^  Je/us ^  fes  Difciples n'eu- 
„  rtnt  pas  la  tête  cajfée ,  ^  fi  les  ajfijlans 
,,  ne  furent  pas  étouffez  de  la  pouffiere.  Mais 
a  pour  faire  voir  qu'il  n'y  eut  rien  de 
„  iemblable,  il  faut  remarquer,  par  rap- 
„  port  à  l'expreiïion  de  St.  Marc  ,  Us  dé- 
,5  couvrirent  U  toit  de  la  Mai f on ,  ^  l'ayant 
,,  percé  yO^c  i  que  le  mot  de  l'Original  çiyv) 
}■>  (un  toit)  peut  défigner,  de  même  que 
5,  celui  de  la  Verfion  Syriaque  (tatlibo') 
„  qui  y  répond  * ,  toute  foite  de  cou- 
„  vertures,  le  voile  ou  la  courtine  donc 
93  on  a  parlé  ci -devant,  auffi-bien  que  le 
5,  toit  ou  le  lambris,  proprement  ainll 
i,  nommé.  Par  confequent  Ton  peut  fup- 
î,  pofer  que  le  verbe  àzzqâys.v^  découvrir, 
,3  ne  fignifie  autre  chofe  dans  cet  endroit 
,,  que  tirer, écarter  ce  voile,  ouvrir  cette 
„  courtine.  Pour  ce  qui  ei\  de  l'autre 
5,  mot  é'iopviu'jTeç  ^  que  nous  avons  rendu 
,,  par  ayant  percé,  il  ne  fe  trouve  poinc 
,3  dans  le  Manufcrit  de  Cambridge,  àc  les 
î.  Auteurs  de  la  Verfion  Syriaque  &  de 
j,  quelques  autres  Verfions  n'y -ont  eu  au- 
,,  cun  égard,  foit  qu'ils  ne  l'entendilTcnt 
,,  pas  bien  ,  ou  qu'ils  trouvaient  le  fens 
,3  àflèz  clair  fans  cela;  ce  qui   eft  beau- 

f9  coup 
*  Vid.  Car.  Schaf.  Lcjç,  Syriac.  p.  214-15.  <Sr 
Cajîell.  Lex.  p.  1503. 


Avril,  MAiETjurN.   1739.     9 
^  coup  plus    probable.     A   la  vérité   ce 
„  mot ,  dans  la  Verfion  Perfienne ,  ell  ren- 
f,  du  ou  fuppléépar  cette  phrafe,  quatuor 
„  angulis   îeàuli    totidem  funihus    annexis , 
„  comme  s'il  avoit  rapport  à  l'aclion  de 
„  dévaler  le  lit  avec  des  cordes,  ou  à  cel- 
le de  faire  des  trous  aux  quatre    coins 
du  lit  pour  y  pafTer  des   cordes.   Mais 
il  eft  bien  plus   apparent  que  ce  mot 
doit  être  lié  avec  celui  de  çéyy  ,  &  mar- 
quer ,  conformément  à  celui  de  patefa- 
,,  cientes ,  dont  St.  Jérôme  s'efl  iérvi  dans 
„  fa  Veriion ,  une  plus  grande  ouverture 
„  que  les  hommes  qui  portoient  le  petic 
„  lit  firent  en  tirant  tout -à -fait  la  cour- 
„  tine,  ou  en  enlevant ,  foit   les   pièces 
„  de  bois  qui  la  foutenoient  d'un  côté  , 
„  foit  la  baluftrade   qui  regnoit  tout  au- 
„tour,  afin  de  pouvoir   defcendre   plus 
„  commodément  le  Malade.  Suivant  cecre 
„  explication ,  voici  comment  il  faudroic 
„  traduire  ce  pailage  :  Et  comme  ils  ne  pou- 
,,  voi&nt  s'approcher  de  lui  à  caufe  de  la  fou- 
,,  le ,  ils  tirèrent  le  voile  qui  couvroit  le  iicu 
,,  cù  il  étoit\  ^  ayant  enlevé  tout  ce  qui  le 
,,  teiwit  étendu ,  ou  C[U\  les  empêchoic  d'cxé- 
„  cuter  leur  delTein  ,  ils  defcendircnt   le  lit 
,,  cù  le  Paralitique  étoit  couché. 

„  Et  ce  qui  prouve  qu'ils  ne  rompirent 
„  point,  ou  ne  percèrent  point  le  toit, 
„  &  par  confequent  que  les  termes  de 
,,  l'Original  doivent  être  traduits  d'une 
iy  autre  manière  que  ne  Ta  fait  la  Vcr- 

A  5  „  fiou 


10  Bibliothèque  Britannique, 
55  fion  Angloife,  c'eft  l'endroit  parallèle 
„  de  Se.  Luc  5  ou  cette  phrafe  ^ix  twv  vtfpa- 
5,  (J.CCV  'AuSiv{/.ci'j  âvrèv  ,  per  tegulas  demiferunt 
„  illum  )  que  nous  avons  rendu  par  iU  It 
f,  defcenàirent  au  travers  du  toit ,  ou  ils  le 
ti  dévalèrent  par  les  tuiles ,  comme  fi  le  toit 
5,  avoic  déjà  été  auparavant  rompu;  de- 
5,  vroit  être  exprimée  par  celle-ci,  ils 
„  le  dévalèrent  le  long  du  toit,  ou  par  Us 
„  cotez  du  toit.  Car  comme  le  mot  y.spxfxa, 
„  qui  originairement  a  pu  marquer  un  toit 
5,  fait  de  tuiles, comme  le  font  tous  ceux 
„  des  Pais  feptentrionaux,  a  été  appliqué 
9,  dans  la  fuite  à  la  couverture  des  Mai- 
„  fons  (te^twn  ou  Axix.a  *  en  général; 
„  auTi  le  fens  de  Texpreffion  de  St.  Luc 
,,  dépend  entièrement  de  l'ufage  de  la 
r)  prépofition  hx.  Or,  <3c  dans  le  palTage 
„  des  Actes  IX.  25.  Les  Difciples  le  pri- 

99  rent 

*  Ouemqtie  in  tegulis  videriîis  alierMm - 

'sidérais  bominem  in  nnftrîs  tegulis ,  (jc.  Plaut. 
Mil.  2.  2.  De  tegulis  medd  nej'cio  quis  injpeÙa'vit 
V'ftratum  familicirium  per  nojlrum  Impluvium  in- 
îîis  apud  nos  Fhilocomaf^um^  atque  bofpicem  ofcu- 
lantis.  Ibid.  VinÙum  ,  fi  cèdes  ejus  (  Flarainis 
JJialis  )  introisrit  ,  J4vi  neceffum  ejî  ;  ^  viiicuta 
per  Lnpluviwn  in  tegulas  fubduci  ,  atque  indè  fo- 
ras in  viam  dimitti.  Aul.  Gell.  Noft.  Attic.  lo. 
-15.  Q^.ium  tamen  tu  noùejociû^  h-'ftante  lihidiney 
,co!rente  mercede  y  per   tegulus  demittererc.   Cic.  2. 

•Phiî.   45..    A.\.Tr,  J;    t'-j  tÎ;  :-: ,   s'  //ovcv  c;  n,  »    nît^ucr    cvfl- 

^x^K7<y  !^?.:lyÔ:c.  Jisl.  Pol.  Ojiom,  1.  7.  c.  S$. 


Avril,  Mai  ET  Juin.  1739.  it 
„  rent  pendant  la  nuit ,  ^  le  defcendirent  par 
„  la  muraille  dans  un  panier',  &  dans  celui 
„  de  la  2 .  aux  Corinthiens  X I.  33.  On 
„  me  defitndit  par  la  tmiraille ,  d'une  fenêtre^ 


„  où  la  même    phrafe  ,  pvécifemenc ,   eft 
„  employée  que  dans  S.  Luc  ^  cette  pré- 
„  pofîtion  fignifie  néceflairement  par ,  ou 
„  U  long  de  la    muraille.    Ainfi  l'Evangé- 
„  lifte  aura  voulu  dire,  que  les  hommes 
),  qui  portoient  le  Païaiytique,  le  dévale^ 
„  rent  par-dejjus  le  toit,  ou  le   long  de  la 
99  muTailk  qui  foutmolt  un  des  cotez  du  toit  ; 
„  tout  comme  l'on  peut  conjedturer  que 
„  Marc"- Antoine  fut  dévalé ,  fuivant  un  fa- 
„  meux  pafîage  de  Cicercn  '^.     La  même 
f,  chofe  à -peu -près  eft  dite  de  Jupiter, 
„  dans  V Eunuque  de  Térencs  iii.  5.  37.  011 
„  on  lit  Sefe  in  bominem  coîi'uertijje ,    aîqiie 
„  PER  ALliiiN^AS  TEGULAS  'vemjje  clan- 
„  culùm -per  Impluvium  ;  ce  du  Serpent  dans 
„  \t  Phorm.  IV.  4.  47.  Fer  Impluvium  deci^ 
„  dijfe  de  îegulis.     Un  palïï^ge  que  le  Dr. 
iy  Ligbtfooi  a  cité  du.  Tabnuàmy  Marc  11.4- 
„  confirmera  encore  m.on  explication  ;  le 
,,  voici.     Quand   Raf  Honna  fut  mort ,  on 
„  ne  put  point  faire  pajjcr  fa  biere  par  la 
,,  porte  ,  qui  étoit  trop  étroite  :  c^cjt  pourquoi 
9,  on  jugea  à  propos  de  le  defcendre  par  le  to^î 
,j  (Î'JJ  ^P"^)  c'eft-à-dire  pnr  le  cbemiu 
9)  du  toit  9  comme  ce  fçavant  hom.me  i'ex-^ 

9j  pli" 

*  Vid.  Not.  ut  fcpri. 


î2  Bibliothèque  Brit  a  unique,' 
,  plique.    Mais   avec   fa  permiflion ,  ce 
,  devroit  être  plutôt ,  comme-  dans    le 
5  pafTage  de  St.  Luc ,  par-dejfus  le  toit ,  ou 
,  le  long  de  la  muraille  qui  foutient  le 
5  toit:   c'efl-à-dire  qu'on  le   porta  d'a- 
,  bord  fur  le  toit  de  la  Maifon,  &  que 
,  de-Ià  on  le  de\jala  le  long  de  la  murail- 
,  le  dans  la  rue.     Nous  avons  encore  un 
,  paflage  d'Aulu-Gelle  qui  porte,  que  Jî 
,  quelque  perjmne  enchaînée  Je  faumit  dans 
j  la  Maifon   du  Prêtre  de  Jupiter,  072  le 
,  mettroit  au[]î-tQt  en  liberté^  tà  fes  fers fê~ 
,  roient  élevez  par  le  moyen  d'une  corde,  au 
,  travers  de  TIMPLUVlUM/î^r  le  toit  ou 
,  la  terraffs^    d'où  on  les  devakroit  enfuite 
,  dans  le  grand  chemin  ou  dans  la  rue  *. 
,,  Quand  donc  on  confidere  comme  il 
faut ,  &  la  force  des  termes  de  l'Origi- 
nal, &  la  manière  de  bâtir  les  Maifons 
en  Barbarie  ^  toute  femblable  à  ce'le  des 
anciens  Juifs, laprétenduë  difficulté  qu'on 
trouve  dans   l'Hifloire  du  Paralitique  , 
s'évanouïc  auBl-tôt.   Il  ne  s'agilToit  que 
de  le  porter  flir  le  toit, ou  fur  la  ter- 
rcHe  de  la  Mai.bnoii  étoit  Jefus-Chrift, 
ce  qui  pouvoit  fe  faire  en  montant  par 
Tefcalier  qui  eit  à  l'entrée  du  porche, 
&  qui   ne   communique  point  avec  les 
apartemens  (car  il  y  en  a  un  autre  en 
dedans  de   k  cour ,  deftiné  à  cet  ufa- 

*  Vixi.  AuL  Cei.  mi  fuprà. 


AVRIL,  Mai  et  Jxtin.  1739.  i^ 
„  ge  )  mais  plus  facilement  encore  en 
„  paflant  par  delTus  les  terraiïes  des  Mai- 
„  ions  voifmes,  n'y  ayant  peur  les  fepa- 
5,  rer  qu'une  muraille  fi  bafle ,  que  dans  les 
„  villes  bâties  fur  un  terrein  uni ,  on  peut 
5,  aller  d'un  bout  à  l'autre  par-  delTus  les 
„  Maifons  ^  fans  être  obligé  de  defcendre 
5,  dans  les  rues.  Cela  fait, il  n'étoit  quef- 
„  tion  que  de  tirer  le  voile,  autant  que 
„  cela  etoit  neceflaire  pour  dévaler  le 
„  petit  lit  lie  long  de  la  muraille,  dans  la 
„  cour  où  lefus-Chrift  &  fes  Difciples  é- 
„  toient  afîemblez. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  ce  que 
l'Auteur  dit  de  quelques  autres  parties  des 
Maifons  de  Barbarie,  non  plus  qu'aux  re- 
marques qu'il  fait  à  cette  occafion  pour 
éclaircir  plufieurs  palTages ,  tant  du  Vieux 
que  du  Nouveau  Teitament  :  cela  nous 
meneroit  trop  loin.  Les  Mofquées  de  ce 
Païs  font  bâdes  comme  par -tout  ailleurs 
ou  le  Mahométifme  eil  établi,  ce  n'ont 
rien  de  particulier.  On  ne  voit  pas  de 
cimetières  auprès  de  ces  Mofquées  ^  com- 
me c'eft  la  coutume  des  Chrétiens  d'en 
avoir  auprès  de  leurs  Eglifes.  Ils  font  tou- 
jours hors  de  la  ville  ,  ou  du  village. 
Chaque  famille  a  fon  terrein  marqué,  & 
feparc  de  celui  des  autres,  pour  enterrer 
fes  morts  ;  &  comme  les  fépulcres  ,  & 
les  murailles  mêmes  qui  les  environnent , 
font  tenus  en  bon  ordre  &  b'cn  blanchis , 
on  peut  dire  qu'ils  font  un  Commentaire 

per- 


î4  Bibliothèque  Brit anniçue, 
permanent  des  expreiTioas  de  Jefus-Chrift^ 
quand  il  compare  les  Scribes  &  les  Phari-' 
fiens  à  des  fépulcres  blanchis ,  dont  le  dehors 
paroît  beau ,  mais  dont  le  dedans  eji  rempli 
d'ofjemsns  de  morts  ^  de  toute  farte  d'ordu- 
res ;  &  quand  il  leur  reproche  d'orner  les 
tombeaux  des  Jujies  *.  Pendant  deux  ou 
Crois  mois  après  qu'une  perfonne  eft  mor- 
te, Tes  Parentes  vont  régulièrement  une 
fois  la  femaine  pleurer  fur  Ton  tombeau , 
&  s'acquitter  de  leur  Parentalia  f. 

Ce  qu'on-  vient  de  dire  des  Bâtimens 
de  Barbarie,  ne  regarde  que  les  Maures  & 
les  Turcs  ,  car  les  Arabes  n'ont  rien  de 
femblable.  Ils  font  divifez  en  deux  ciaf- 
fes  ;  les  premiers  ,  fçavoir  les  Bédouins ,  ha- 
bitent les  plaines  ;  &  les  féconds,  nommez 
Kabyles^-  habitent  les  montagnes»  Les  Bé- 
douins demeurent  dans  des  tentes  fort 
légères ,  &qui  n'oirt  d'autre  couverture  que 
des  peaux  coufuës  enfemble ,  ou  des  toiles 
faites  de  crin.  C'eft  ce  que  les  Anciens 
appeiloient  Mapalia  §  >   &  l'on  peut  dire 

qu'el- 

*  Matth*  XXIII.  57.  29. 

t  C'étoient  dv-^s  feflins  qu'on  avoic  Goùcume 
^e  faire  anciennement  à  la  mort  de  fcs  proches 
Parens,  Vid.  yilex.  ab  j^lex.  ut  fuprà  ,  &  Lex. 
Fitijc. 

§  Qualia  Maurus  amat  'ciifperfa  Mapalia  Pajlor, 

SU.  Ital.  Lib.  17. 

Et  folltus  vaciiis  errars  Mapalibus  y}fer 

r^natùr,  Lucan.  L- 4. 


Avril,  Mai  et  Juîn.   173$.  rj 
qu'elles  n'onc  point  changé.    On  en  voit 
quelquefois  jufqu'à  deux -ou  trois- cens 
enfemble.    Ces  Peuples  ne  s'arrêtent  dans 
un  lieu  qu'autant  qu'il  leur  convient, fur- 
tout  pour  le  bétail,  dont  ils  ont  une  gran- 
de quantité.     Les  Kabyles,  ou  Arabes  des 
montagnes ,  ne  changent  point  ainfi  de  de- 
meure, &  leurs  habitations  font  plus  lem- 
blables  à  des   Maifons  qu'à   des  tentes  , 
étant  généralement  bâties  de  bois ,  ou  de 
terre  grafle  &  de   pierres,  &  couvertes 
àe    chaume.     Comme    ces   Huttes   (car 
c'eft  le  véritable  nom  qui  leur  convient  ) 
font  fixes ,  ou  faites  pour  demeurer  dans  la 
même  place,  on  ne  fçauroit  douter  qu'el- 
les ne  foient  les  Magalia  des  Anciens  *. 
Cartbage  même,  s'il  faut  en  croire  Firgi- 
le  f ,  n'étoit  autre  chofe  ,  avant  le  tems  de 
Diâûfiy  qu'un  amas  de  ces  fortes  de   Hut- 
tes , 

Famîlia    qliquot  (Numidafum)  cum  Mapaiibus  , 
pecoribufque  fuis  (ca  pâcnnià   illis    ejî)  perfscuti 
J'unt  Regem,  Tit.   Liv.  L.  29.    Numidas   pofitii 
Mapaiibus  confedijfe.  Tac.  Ann.  L.  4.  §.  25. 

*  Magalia  di^a  ,  quafi  Magaria  ,  qnod  Magar 
Punici  novam  vilhm  dicunt.  llid.  Orig.  L.  15, 
Cap.  12.  Xïà.  Boch.  Chan.  L.  i.  Cap.  24, 
Magalia  qiuB  à  vallo  Cafiroriim  Magar  "ud  Magul , 
inftar  viUarum  fixœ  erant ,  ^c.  Vid.  Cl.  VifTsJ 
Not.  in  Sali.  Bell.  Jug.  p.  285. 

t  Mirât ur  molsm  Mnsas  ,  Magalia  quor/hm, 
Mn.  I.  425. 


■T6  B  IB  L  I  0  T  H  E  Q  U  E  BRITANNIQUE, 

tes,  OU  qu'un  vi  liage  de  Â'a^^'/w,  tels  qu'on 
les  voie  aujourd'hui. 

A  en  juger  par  la  fituation  des  Kabyles, 
à.  par  leur  langage  ,  qui  leur  eflauffi  parti- 
culier que  leur  fituation,  ce  font  les  lèuls 
peuples  de  Barbarie  qui  puilTenc  defcendre 
des 'anciens  Africains.  Car  quoique  ce 
Pais  ait  été  fuccelUvement  conquis  par 
les  Romains,  les  Arabes,  les  Vandales, 
les  Maures  &  les  Turcs,  il  eil  plus  que 
probable  que  les  habitans  des  montagnes 
n'ont  point  fubi  le  joug  des  Vain- 
queurs ,  &  par  confequent  ne  fe  font 
point  mêlez  &  n'ont  eu  aucun  commerce 
iivec  ces  diverfes  Nations.  Aujourd'hui 
même  ils  ne  reconnoiflent  point  f autori- 
té du  Grand-Seigneur ,  &  ne  lui  payent 
aucun  tribut,  comme  le  font  les  autres A- 
rabes.  Et  ce  qui  prouve  qu'ils  forment 
un  peuple  particulier,  &  plus  ancien  que 
tous  les  autres  peuples  qui  habitent  la 
Barbarie  ,  c'eft  que  leur  Langue,  qu'ils  ap- 
pellent Sboimab ,  na  pas  la  moindre  affini- 
té ,  ni  avec  les  différentes  Langues  de  ces 
peuples ,  ni  même  avec  aucune  Langue 
Orientale  ancienne  ou  moderne:  L'Auteur 
en  a  mis  un  Vocabulaire  à  la  fin  de  fon 
Ouvrage  pour  la  fatisfadtion  des  Cu- 
rieux. 

La  principale  Manufadlure  des  Arabes, 
tant  Bédouins  que  Kabyles ,  eft  celle  des 
'Hykss,  ou  Couvertures  de  laine,  &.  des 

toiles 


Avril,  Mai  et  Juin.  1730.  17 
toiles  faites  de  poil  de  chèvres  pour  leurs 
tentes.  Les  femmes  feules  y  travaillenc, 
&  au  lieu  de  navettes,  elles  fe  fervent  de 
leurs  doigts  pour  conduire  tous  les  fils  de 
la  trame.  Les  Hykes  ont  ordinairement 
18.  pieds  de  long,  &  cinq  ou  fix  de  lar^ 
ge;  c'eft  l'habillement  de  ces  peuples  du- 
rant le  jour,  &  leur  lit  pour  la  nuit.  Ils 
en  jettent  un  bout  fur  l'une  de  leurs"  é- 
paules  ,  (Se  s'enveloppent  du  refte  ;  & 
lorfqu'ils  veulent  fe  mettre  en  chemin  ,  ou 
à  l'ouvrage,  ils  l'attachent  avec  une  cein- 
ture. Ils  portent  aufîî  louvent  par  def- 
fus  une  efpece  de  manteau  to^ut  d'une 
pièce  5  que  l'Auteur  croit  être  femblable 
à  la  tunique  de  Jefus-Chrift ,  qui  étoitjans 
couture ,  ou  d'un  feul  tilTu  depuis  le  haut  juf- 
qu'au  bas  (Jean.  XIX.  23.  )^Ce  marteau 
a  un  capuchon  dont  ils  fe  fervent  lorf- 
qu'il  pleut ,  ou  qu'il  fait  bien  froid  ;  car 
hors  de  -  là  ils  vont  tête  nuë ,  n'ayant 
qu'une  bandelette  qui  leur  defcendle  long 
des  temples ,  &  qu'ils  attachent  derrière  la 
tête  pour  alTajettir  leurs  cheveux»  Nous 
ne  dirons  rien  des  habits  particuliers  des 
Maures  &  des  Turcs,  qui  font  en  tout 
femblables ,  parce  que  cela  eft  alTez  con- 
nu; quoique  Mr.  Shaw  s'y  étende  beau- 
coup. 

Toutes  fortes  de  provifions  de  bouché 
font  à  grand  marché  en  Barbarie.  On 
peut  Y  avoir  des  poulets  pour  moins  de 
deux  fols  pièce ,  un  mouton  nour  trois  chel- 

Tomç  XIII.  Fart.  L  U         lings 


ï8  BibliothequeBritannique, 

lings  fix  fols  5  un  bœuf  pour  une  Gui- 
née ,  &  le  boifleau  du  meilleur  froment 
pour  15.  ou  18.  fols.  Le  pain,  le  lait  & 
le  fruic,  font  toute  la  nourriture  des  A- 
rabes  ;  mais  les  Turcs  &  les  Maures  man- 
gent outre  cela  de  la  chair  ,  des  légu^ 
mes  ,  du  poiiïbn,  &c.  Et  ceux  d'entre 
eux  qui  ibnt  à  leur  aife,  fe  traitent  aufli 
délicatement  qu'on  peut  le  faire  en  Eu-* 
rope. 

Les  Arabes  font  naturellement  fort  pa- 
relTeux;  ils  ne  s'attachent  à  aucune  pro- 
fefllon ,  ni  à  rien  de  tout  ce  qui  fent  le 
travail;  ils  paflent  les  journées  entieresà 
fumer, étendus  fous  quelque  arbre;  &  ce 
qu'il  y  a  de  plusfmgulierjC'efl  que, quoi- 
qu'ilsn'ayent rien  à  faire,  ils  nefçauroient 
demeurer  dans  leurs  maifons,  ni  prendre 
aucun  plaifîr  dans  leur  domeftique.  Ils 
font  plus  de  cas  de  leurs  chevaux  que  de 
toute  autre  chofe,  &  ne  font  jamais  plus 
contens  que  quand  ils  courent  à  toute  bri- 
de ,  &  qu'ils  vont  en  partis  pour  détrouf- 
fer  les  pafTans ,  ou  à  la  chafTe ,  qui  eft  leur 
occupation  favorite.  Ils  y  font  fi  experts , 
qu'ils  ne  craignent  point  d'attaquer  les 
bêtes  même  les  plus  féroces.  Quand  ils 
veulent  chafler  le  Lion,  ils  s'alîemblenc 
au  nombre  de  trois-ou  quatre-cens,  & 
forment  un  aulTi  grand  cercle  qu'ils  peu- 
vent, en  fe  tenant  à  quelque  diflance  les 
uns  des  autres;  ils  ont  quelques  gens  de 
pied ,  armez  de  javelines ,  &  des  chiens  , 

qui 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  19 
qui  marchent  les  premiers  pour  battre  le 
lieu.  A  mefure  qu'ils  avancent,  ils  fe  fer- 
rent ,  de  peur  que  l'animal  ne  leur  écha- 
pe  ;  &  dès  qu'il  paroît^  ils  fondent  fur  lui , 
ou  l'attendent  de  pied  ferme,  &  lui  lancent 
leurs  Sagayes  ou  dards  fi  à  propos ,  qu'il 
tombe,  en  un  inftant  percé  de  coups. 
Seulement  il  arrive  quelquefois  ,  que  fe 
fentant  prelTé  ,  ou  même  au  moment 
qu'on  l'a  lancé  ,  il  fe  jette  fur  le  pre- 
mier Piéton  ,  &  plutôt  que  de  lâcher 
prife  il  fe  laiiïe  mettre  en' pièces. 

Ce  font  les  Femmes, parmi  les  Arabes, 
qui  exercent  les  profefiions  méchaniques, 
&  qui  avec  cela  ont  tout  le  foin  du  ména- 
ge ,  pendant  que  les  Maris  fe  divertiffenc 
ou  font  les  fainéans ,  &  que  les  Garçons , 
&  les  Filles  gardent  les  troupeaux.  Les 
Maris  font  de  vrais  Tirans  ,  quife  moquent 
des  égards  qu'on  a  pour  le  fexe  chez  les 
Nations  polies  de  l'Europe,  comme  étant 
contraires  à  la  Loi  primdtive,  qui,  félon  eux> 
donne  à  l'Homme  un  empire  abfolu  fur  la 
Femme. 

Quoique  l'hofpitalité  règne  parmi  les 
Arabes ,  c'eft  plutôt  chez  eux  une  coutu- 
me qu'une  vertu.  Ils  n'en  font  ni  moins 
traîtres ,  ni  moins  voleurs  ;  &  il  arrive  fou- 
vent  qu'ils  vont  le  matin  dépouiller  fur  la 
route, ceux  qu'ils  ont  logez  la  nuit  &  re- 
çus avec  toutes  les  marques  apparentes  de 
cordialité.  Ce  n'eft  pas  même  feulement 
les  Etrangers  qu'ils  attaquent ,  niais  en- 
j  B  2  core 


so  Bibliothèque  Britannique, 
core  tous  ceux  qu'ils  trouvent  fans  ar- 
mes &  fans  défenfe;  ils  n'épargnent  pas 
ceux  de  leur  propre  Nation,  fur-tout lorf- 
qu'ils  font  d'une  différente  Tribu,  car  il 
règne  entre  ces  Tribus  des  divifions  éter- 
nelles &  une  haine  implacable.  Et  c'eil 
ainfi ,  dit  Mr.  Shaw,  qu'ils  accompliflent 
jufqu'à  ce  jour  la  prédiélion  de  l'Ange 
(  Gen.  XVI.  12.  )  touchant  Jf77iael ,  de  qui 
ils  font  defcendus  :  //  fera  Jemblable  à  un 
Ane  fauvage ,  //  lèvera  fa  main  contre  tous  ,  ^ 
tous  lèveront  la  main  contre  lui.  Cependant 
il  faut  rendre  cette  juflice  à  ceux  qui  ha- 
bitent la  partie  Occidentale  de  l'Afrique, 
qu'ils  font  depuis  long-tems  un  grand 
commerce  avec  les  Nègres  qui  font  le  long 
du  Niger  ,  de  la  meilleure  foi  du  monde, 
&  même  fans  voir  les  perfonnes  avec  qui 
ils  négocient.  On  fçait  comment  cela  fe 
pratique. 

Il  n'y  a  point  de  peuple  plus  fuperfU- 
tieux  que  les  Arabes.  Ils  pendent  au  col 
de  leurs  enfans  la  figure  d'une  main  ou- 
verte,  qu'ils  peignent  aufTi  fur  leurs  tentes 
ou  maifons,&  fur  leur  bétail ,  comme  un 
amulète  contre  toute  forte  de  maléfices'; 
car  chez  eux  le  nombre  de  Cinq  eft  un 
nombre  myftérieux.  Les  perfonnes  de 
tout  âge  portent  lufii  dans  la  même  vue 
quelque  paflage  de  l'Alcoran  fur  leur  poi- 
trine oa  dans  leurs  bonnets.  Ils  ont  tous 
une  grande  foi  aux  Enchanteurs  &  aux 
Sorciers.    Ils  attribuent  leurs  maladies  à 

un 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  21 
un  ordre  particulier  de  Génies,  qu'ils  fup- 
pofent  tenir  le  milieu  entre  les  Anges  & 
les  Démons,  &  qui  ne  reflemblentpasmal 
aux  Fées  du  tems  jadis,  fréquentant  les 
fontaines ,  les  cavernes  &  les  bocages ,  & 
fe  transformant  en  toute  forte  d'ani- 
maux. Comme  ces  Génies  fe  rencontrent 
à  chaque  pas  que  Ton  fait,  il eft toujours 
à  craindre  qu'on  ne  les  aitoffenfez  ;ainfi> 
pour  les  appaifer,  on  leur  facrifie  un  coq, 
une  brebis,  ou  une  chèvre,  avec  des  cé- 
rémonies toutes  particulières  ,  comme 
celles  de  faire  fumer  de  l'encens,  d'enter- 
rer la  vidime ,  d'en  boire  le  fang,  den 
brûler  ou  d'en  difperfer  les  plumes  6ic. 
tout  cela  fuivant  le  fexe  ou  la  quali- 
té du  malade  ,  &  la  nature  de  fa  ma- 
ladie. 

Ces  Peuples  ont  encore  une  extrême 
vénération  pour  leurs  Marabous ,  qui  fonc 
des  efpeces  de  Prédicateurs  &  de  faints 
tout  enfemble.  Ils  mènent  généralement 
une  vie  fort  auflère  ,  &  ne  s'occupent 
qu'à  dire  leurs  chapelets ,  à  méditer  &  à 
prier.  Leur  fainteté  eft  héréditaire, pour- 
vu que  leurs  fils  fçachent  affeéler  la  mê- 
me gravité  &  la  même  aufterité.  Il  y  en 
a  qui  prétendent  à  l'infpiration ,  &  quel- 
ques-uns même  au  pouvoir  de  faire  des 
miracles  ,  dont  Mahomet  pourtant  n'ofa 
jamais  fe  vanter.  Les  Arabes  font  au  fu- 
jet  de  ces  faux  Prophètes  les  r.écits  les 
plus  incroyables.    Mr.   Shaw  en  vit   un 

B  3  »  jour 


fi-  Bibliothèque  Britannique, 
jour  un  qui  jettoic  du  feu  par  la  bouche, 
à.  dont  la  vûë  le  furprit  d'abord ,  mais 
il  s'apperçut  bientôt  que  ce  n'étoit  qu'un 
habile  joueur  de  tours  de  pafle-pafle,  & 
il  le  fit  même  remarquer  à  quelquCvS  Turcs , 
qui  en  convinrent;  mais  pour  les  Arabes, 
\{  n'y  auroit  pas  eu  moyen  de  les  défa- 
bufer.  Les  Marabous  comptent  fi  fort 
fur  la  fuperdition  de  ce  Peuple,  qu'ils  fe 
mêlent  même  de  prédire  l'avenir;  6l  quoi- 
qu'ils y  réûfiinent  très -mal, ils  ne  laidenc 
pas  d'être  regardez  comme  des  Oracles. 
r^4ais  de  toutes  les  Prophéties  qui  ont 
cours  parmi  les  Mahometans,  de  quelque 
endroit  qu'elles  viennent  ,  il  n'y  en  a 
point  de  plus  univerfelle  &  de  plus  re- 
marquable que  celle  qui  porte,  qu'un  jour 
les  Chrétiens  recouvreront  tous  les  païs 
que  les  Turcs  &  les  Sarrafins  leur  ont  en- 
levez. Et  c'eft  en  confeqaence  de  cela , 
que  dans  tous  les  lieux  où  le  Mahomié- 
tifme  efl  établi,  on  ferme  avec  foin  les 
portes  des  villes  tous  les  Vendredis  de- 
puis dix  heures  du  matin  jufqu'à  midi; 
parce  que  c'eft,  à  ce  qu'ils  difenr,le  jour 
&  le  tems  marquez  pour  cette  grande  ré- 
vol  u*- ion. 

Quoique  les  Arabes,  pour  la  plupart,  re- 
connoiftent  l'autorité  du  Grand-Seigneur, 
&  lui  payent  tribut,  cela  n'empêche  pas 
qu'ils  ne  foyent  en  quelque  façon  libres, 
&  qu'ils  ne  fe  gouvernent  par  eux-mê- 
mes comme  ils  le  jugent  à  propos.  Cha- 
que 


Avril,  Mai  et  Juin.  1730.  «^ 
que  village  eft  une  efpece  de  pecite  Ré- 
publique, qui  afon  Chef,  pris  de  :a  famil* 
le  la  plus  diftinguée  par  ion  opulence, par 
fes  exploits ,  ou  par  fon  ancienneté.  Cet- 
te charge  e(l  héréditaire,  mais  non  pas 
en  ligne  directe;  car  quand  le  fils  eft, ou 
trop  jeune  ou  imbécil!e,on  choific  le  frè- 
re ou  quelque  autre  des  plus  proches  pa- 
ïens du  défunt ,  félon  la  coutume  des  Nu- 
mides,leurs  ancêtres.  Outre  ce  Mag  ftrat 
particulier ,  chaque  Tribu  a  fon  Prince  fou- 
verain,  qu'on  appelle  Emir,  &  dont  la  di- 
gnité eitaufli  héréditaire,  de  la  même  ma- 
nière que  la  précédente.  C'eft  lui  qui  dé- 
clare la  paix  ou  la  guerre  ,  qui  affemble, 
quand  il  le  juge  à  propos ,  toutes  les  for- 
ces de  la  Tribu ,  &  qui  fe  met  à  leur  tê- 
te pour  quelque  expédition  que  ce  foit. 
Al^er  ,  comme  Tunis ,  eft  gouverné  par 
un  De};,  qui  eft  une  efpece  de  Capitaine- 
général  ,  &  par  un  Confeil  de  Régence,  com- 
pote de  trente  Bâchas  y  auquel  le  Mufti, 
le  Cadis  &  cous  les  Officiers  de  l'armée, 
adiltenc  quelquefois.  Fvlais  depuis  quel- 
que tems  le  jQe}/  s'eft  fi  bien  emparé  de 
tout€  l'autorité  ,  que  le  Confeil  ne  s'afTem- 
ble  prefque  plus  que  pour  la  forme.  Ce 
pofte  n'eft  point  héréditaire  ;  celui  qui 
le  remplit ,  eft  toujours  pris  de  l'arrriée  ,  qui 
pour  l'ordinaire  décide  de  l'éledtion;  & 
cela  va  li  loin,  que  depuis  le  premier  Of- 
ficier jufqu'au  fimple  foldat ,  il  n'y  en  a 
aucun  qui  ne  puifTe  parvenir  à  cette  di- 

B  4  gnité* 


44  Bibliothèque  Britannique, 
gnicé.  Un  homme  entreprenant  &  cou 
.rageux ,  avec  beaucoup  d.e  fouplefle  &  de 
dextérité  pour  fe  faire  un  parti,  &  peu 
de  probité  &  de  confcience ,  a  tout  ce 
qu'il  faut  pour  caufer  une  révolution  &  fe 
mettre  à  la  fête  du  Gouvernement.  Aulli 
depuis  que  les  Turcs  fe  font  rendus  maî- 
tres d'Aller,  n'y  a-t-il  pas  eu  un  Dey  en 
dix,  qui  (oit mort  tranquillement  dans  fon 
lit.  A  la  vérité  cette  humeur  turbulente 
&  cruelle  femble  avoir  beaucoup  dimi- 
nué parmi  les  foldats,  par  la  vigilance  & 
la  politique  du  préftnt  Dey  ^  qui^a  fçu  faire 
échouer  jufqu'ici  toutes  ies  confpirations 
formées  contre  fa  perfonne,  &  en  punir 
févèrement  les  auteurs. 

Les  Algériens  n'ont  pas  cinq-mille  hom- 
mes de  troupes  en  état  de  fervir;  dont 
ils  employent  une  partie  dans  leurs  gar- 
nifcnsj  une  autre  partie  à  aller  en  cour- 
fe ,  &  le  refle  à  former  trois  camps  vo- 
lans  fous  la  conduite  des  trois  Vicerois, 
lorfqu'ils  vont  faire  le  tour  "du  Royaume 
pour  lever  le  tribut  annuel.  Ils  ont  bien 
outre  cela  environ  deux- mille  Maures, 
tant  Cavalerie  qu'Infanterie; mais  comme 
ils  ne  s'y  fient  point,  ils  ne  s'en  fervent 
prefque  que  pour  la  parade.  Tous  les  cinq 
ou  (ix  ans  ils  envoyent  dans  le  Levant 
faire  des  recrues ,  qui  ne  font  compofées 
que  de  la  plus  vile  canaiPe  &  de  prof- 
crits.  Cependant,  à  peine  ces  malheureux 
font-ils  enrégimentez,  &  à  peine  ont -ils 

des 


Avril,  Mai  et  Juin.  173p.  25 
des  fouliers  aux  pieds ,  un  turban  fur  la 
tête  &  un  cimeterre  à  la  ceinture,  qu'ils 
deviennent  les  plus  infolens  de  tous  les 
hommes ,  voulant  qu'on  leur  donne  le  ti- 
tre d'EffendiSf  ou  de  F'oîre  Grandeur,  & 
regardant  les  Citoyens,  même  les  plusdif- 
tinguez,  comme  leurs  efclaves ,  &  les  Con- 
fuls  des  Nations  étrangères  'comme  leurs 
valets.  Ce  qu'il  y  a  de  Imgulier ,  c'eft  que , 
malgré  toute  leur  arrogance,  les  foldats 
Turcs  ne  fe  font  point  de  peine  d'avouer 
la  baflelTe  de  leur  extraftion  lorfqu'ils 
font  parvenus  aux  Charges  de  l'Etat.  Mr. 
Sbaiv  cite  à  cette  occafion ,  ce  que  le  Dey 
qui  regnoit  à  Alger  quand  il  y  arriva ,  dit 
un  }our  au  Député -Conful  d'une  Nation 
voifine ,  dans  une  difpute  qu'il  eut  avec 
lui  :  Ma  Mère  vendoit  des  pieds  de  mouton  , 
6f  mon  Père  des  langues  de  bœuf  ;  mais  ils 
aiiroient  eu  honte  d'expofer  en  vente  une  aujji 
mauvaife  langue  que  la  votre. 

Les  revenus  de  cette  République  ne 
montent  pas  à  plus  de  trois -cens  mille 
écus  par  an;  mais  Ton  compte  que  la 
huitième  partie  des  prifes  faites  en  mer , 
laquelle  apartient  à  l'Etat ,  les  contri- 
butions des  ^û^3f/ej  indépendans ,  les  biens 
de  ceux  qui  meurent  fans  enfans ,  &  les 
vexations  qu'on  met  en  œuvre  pour  ar- 
racher de  l'argent  des  fujets  ,  peuvent 
produire  encore  une  pareille  fomme  ;  ce 
qui  eft  pourtant  bien  peu  pour  un  Royau- 
me ^ufli  étendu  que  celui-ci.     La  marine 

B  j  des 


25 Bibliothèque  Britannique, 

des  Algériens ,  qui  autrefois  étoit  fi  for- 
midable aux  Puiirances  maricimes  de  l'Eu- 
rope ,  n'eil  prefque  plus  rien  aujourd'hui, 
comme  on  l'a  déjà  remarqué;  &  l'on  peuc 
dire  que  c'eft  une  efpece  de  miracle,  qu'un 
Gouvernement  fi  foible  en  tout  fens ,  fe 
foucienne  dans  un  fi  vaite  païs ,  malgré 
les  divifions  qui  le  déchirent  &  le  peu 
de  bonne-foi  6l  de  vertu  qui  y  régnent. 
Il  y  a  pourtant  une  chofe  digne  de  louan- 
ge: c'eft  que  la  juftice  y  elt  aflez  bien 
adrainiftree  par  un  Cad:s  ,  qui  pour  l'ordi- 
naire a  été  élevé  à  Conjiantinopie  ou  au 
Grand-Caire  ^  oii  dit  l'x^uteur  )  l'on  ex- 
plique le  Code  &  les  PandeBes ,  comme 
dans  les  Univerficez  de  l'Europe.  Mais 
on  peut  appeller  des  décifions  de  ce  Ju- 
ge ,  ou  même  s'addrefier  en  droiture  au 
Dey,  ou  à  quelques-uns  des  principaux 
Officiers  de  la  Régence,  qui ,  à  l'exemple 
des  anciens  Ju2:es  d'Ifraël ,  font  tous  les 
jours  affis  à  la  porte  du  Palais  pour  ren- 
dre la  juftice.  Là  toutes  fortes  de  caufes 
civiles  ou  criminelles,  fans  en  excepter 
les  plus  importantes,  font  décidées  fur 
le  champ  en  dernier  reflbrt ,  &  la  fen- 
tence  efb  exécutée  en  moins  d'une  heure. 
Le  débiteur  eft  envoyé  en  prifon  jufqu'à 
ce  qu'on  ait  vendu  Tes  effets  pour  payer 
fon  créancier,  &  s'il  y  a  du  furplus ,  on 
le  lui  rend.  S'il  n'y  a  pas  allez  ,  on  ne 
laiflTe  pas  de  le  relâcher ,  &  il  eft  dès  ce 
moment  à  couvert  de  toute  nouvelle  pour- 
fuite. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.    27 

fuite.   La  baftonnade  eft  le  châtiment  or-, 
dinaire  pour   les   criifres  qui   ne  font  pas 
capi' aux  ,  à  fégard  de  ceux-ci,  fi  le  cou- 
pable efl  un  Juif,  ou  un  Chrétien  fujetde 
la  République,  on    le  brûle  vif  hors  de 
la  ville;  fi  c'eft  un  Arabe  ou  un  Maure, 
on  l'empale ,  ou  on  le  pend  aux  créneaux 
des  murailles  de   la  ville,  ou  bien  on  le 
jette  fur  des  crochets  fichez  au  bas  de  ces 
murailles ,  oii  il  demeure  quelquefois  pen- 
du des  trente ,  ou  quarante  heures  dans 
les  tourmens  les  plus    terribles  avant  que 
d'expirer.     Mais  fi  c'efi:  un  Turc,  il  n'eft: 
point  exécuté  en  public,  par  refpeét  pour 
là  Nation  ;    on    l'envoyé   à  la  maifon  de 
VAga,  qui  le  fait  étrangler.  Les  Femmes , 
par  un  principe  de  modefi:ie  fort  extraor- 
dinaire parmi  des  gens  de  cette  trempe, 
ne  font  pas  non  plus  expofées   à  la  vûë 
du  Public  en  pareil  cas  ;  on  les  met  dans 
un  fac,  qu'on   a  foin  de  bien  lier,  &;  on 
les  jette-  dans    la   mer.    Les  Maures  qui 
habitent  la  partie  Occidentale  de  l'Afrique, 
ont   confervé  jufqu'à  ce  jour  la  barbare 
coûcume  de  fcier  en  deux  les  criminels 
du  premier  ordre.     Ils    les  mettent  pour 
cet  effet   entre  deux  ais   de   longueur  & 
de   largeur  égales  à  leur  taille,  &  après 
les  avoir  liez^  fortement   enfemble  ,   ils 
fcient  le  tout  à  la  fois,  en  commençant 
par  la  tête.  En  général,  on  peut  dire  que 
dans  ce   Pai's  on    n'a  point  d'égard  à  la 
qualité  des  coupables.     Une  fomme  d'ar- 
gent 


25  Bibliothèque  Britannique, 
genc  peut  bien  quelquefois  arrêter  le  cours 
de  la  juftice,  mais  quand  il  s'agit  de  cri- 
mes capitaux,  il  n'y  a  point  d'impunité 
ni  de  grâce  à  attendre,-  il  faut  fubir  la 
peine  portée  par  la  Loi. 

L'AJteur  finit  cette  partie  de  Ton  Li- 
vre, en  dîTant  deux  mots  des  alliances  des 
Algériens  avec  les  Princes  Chrétiens,  aux- 
quelles ils  ne  fe  tiennent  qu'autant  qu'ils 
y  trouvent  leur  compte.  Il  afTure  qu'ils 
font  naturellement  plus  amis  des  Anglois 
que  d'aucune  autre  Nation,  &  il  dit  ce 
qu'il  faudroit  faire  pour  cultiver  leur  a- 
mitié ,  mais  en  fe  fouvenant  toujours  de 
ce  qu'un  de  leurs  Deys  avoua  ingénument 
à  Mr.  le  Conful  Coie ,  qui  fe  plaignoit  à 
lui  des  infultes  que  les  vaifTeaux  Anglois 
avoient  reçu  de  fes  Corfaires  ;  Les  Algé- 
riens,  lui  dit-il,  font  une  troupe  de  voleurs ^ 
(f  fen  fuis  le  Capitaine, 

ARTICLE    IL 

The  Mifcellaneous  Works  in  Profe  and 
Verfe  of  Mrs.  Elizabeth  Ro  we. 
The  greater  part  now  firft  publif- 
hed,  by  her  order,  from  her  origi- 
nal Manufcripts.  By  Mr.  Theo- 
PHiLus  Rowe.  To  which  are  ad- 
ded ,  Poems  on  feveral  occafions ,  by 
Mx.  Thomas  Rowe.    And  to  the 

whole 


Avril,  Mat  et  Juin.  1739.  2^ 
whole  is  prefixed  ,  an  Account  of 
the  Lives  and  Writings  of  the  A  u- 
T  H  o  R  s.  C'eil-  à-dire  :  Oeuvres  Mêlées 
de  Madame  Elizabeth  Rowe, 
en  Profe  ^  en  Fers  ;  dont  la  plus  gran- 
de partie  fe  publie  maintenant  pour  la 
première  fois ,  fuïvant  fe  s  ordres  ^  iS  fur 
fes  propres  Manufcrits^  par  Mr.  Théo- 
phile Rowe  *.  On  y  a  ajouté  des 
Poëmes  compofez  par  Mr.  Thomas 
Ro  WE  f.  Le  Tout  eft  précédé  de  fHif 
toire  de  la  Vie  âf  des  Ecrits  des  deux 
Auteurs,  Deux  Voll.  in  8.  pp>  264. 
pour  le  I. ,  fans  l'Hiftoire  de  fa  Vie 
&c.  qui  en  contient  128.;  &  322, 
pour  le  II.  A  Londres  >  chez  R. 
Hett,  à  la  Bible  Couronne'e,  dans 
k  Poultryy  1739. 

CE  n*e(l  pas  ici  la  première  fois  que 
le  nom  de  Madame  Rowe  paroîc 
dans  notre  Journal.  Il  y  a  deux  ans  que 
nous  donnâmes  un  Extrait  de  fon  Poëme 
intitulé  Hijloire  de  Jofepb  §.   Nous  avons 

auHi 

*  Beau-frere  de  Mad.  Rowe. 
t  Epoux  de  Mad.  Rowe. 
§.  Voyez  La  IL  Partie  du  TomeVlll.  de  cet-- 
te  Biblioth.  p,  250.  ^  fuiv. 


3qB  I B  L  iothequeBritannique, 
aufli  rendu  compte  de  fon  Livre  qui  a  pour 
Titre  VAmitié  après  la  mort.  Comme 
cette  Dame  s'eft  diîlinguée  par  fon  méri- 
te autant  que  par  Tes  Ouvrages  ,  nous 
croyons  qu'on  ne  fera  pas  fâché  de  trou- 
ver'ici  quelques  particularitez  de  fa  Vie. 
Elizabeth  Singer ,  car  c'ell:  ainfi  qu'elle 
s'appelloit  avant  fon  mariage,  naquit  à 
Ilcbejter  dans  la  Province  de  Somerfet  le 
II.  Septembre  1674.  Elle  étoit  l'aînée  de 
trois  filles  de  Mr.  Gaultier  Singer,  Gentil- 
homme d'une  bonne  famille,  S  de  Madlle. 
Elizabeth  Portnell.  Mr.  Singer  ,  quoique 
Non-Conformifle  ,  étoit  fi  eftimé  à  caufe 
de  la  pureté  de  fes  mœurs ,  de  fa  pieté 
&  de  fa  charité  univerfelle,  que; les  per- 
fonnes  de  la  première  qualité,  &  même 
de  zèlez  Anglicans ,  comme  entre  autres 
le  pieux  Evêque  Keuyïç.  faifoient  unplai- 
lîr  d'aller  fouvent  lui  rendre  vifite.  Voi- 
ci le  Portrait  que  fa  Fille  fait  de  lui  dans 
une  de  fcs  Lettres  familières.  ,,  Je  vis  à 
„  mon  aife,  dit -elle,  &  dans  toute  l'a- 
,j  bondance  que  je  puis  fouhaiter.  Je  ne^ 
„  fçaurois  former  de  défirs,  que  mon  Pe- 
„  re,  par  un  effet  de  fa  bonté,  ne  foit- 
„  prêt  à  fatisfaire.  Je  n'ai  d'autre  chofe- 
„  à  demander  à  Dieu,  (î  ce  n'efl  qu'il  con- 
ferve  les  jours  de  ce  bon  Vieillard.  La 
parfaite  faintçté  de  fa  vie ,  &  la  géné- 
rofité  de  fon  cœur,  font  qu'il  efl  le  re- 
fuge de  tous  ceux  qui  font  en  détrelTe, 
is  de  la  Veuve  &  de  l'Orpheiiû.    Le  peu- 

»  pie 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  3t 
fy  pie  le  comble  de  bénédiâ:ions  &  de 
„  vœux  toutes  les  fois  qu'il  fort;  ce  qu'il 
„  ne  fait  jamais  que  pour  remettre  la 
iy  paix  parmi  fes  voifins ,  ou  pour  faire 
9f  rendre  jullice  à  ceux  qu'on  opprime.' 
'  „  Le  refle  de  Ton  tems  eft  entieremenc 
y,  confacré  à  des  ades  de  dévotion,  &  à 
„  fes  Livres  ,  qui  font  fon  unique  di- 
„  vertiflement. 

Mademoifelle  Singer  étant  élevée  par 
un  Père  de  ce  caractère,  on  ne  doit  pas 
être  furpris  qu'elle  ait  fait  paroîcre  de 
bonne-heure  un  grand  fonds  de  pieté,  & 
beaucoup  d'amour  pour  l'étude.  C'étoic 
aulTi-làle  caraftère  d'une  de  fes  fœurs*, 
qui  s'attacha  particulièrement  à  la  lectu- 
re des  Livres  de  Médecine ,  &  on  nous 
aflure  qu'elle  fie  de  grands  progrès  dans 
la  connoiflance  de  cet  Art  :  &  fi  on  ne 
pouvoit  pas  dire  à  la  lettre  de  ces  deux 
fceurs,  ce  que  le  Sage  dit  de  la  Femme 
forte  t ,  que  leur  Lampe  ne  s'éteignoit  point 
la  nuit ,  il  eft  fur  au  moins  qu'elles  en 
paflbient  une  bonne  partie  à  la  ledure, 
tant  elles  avoient  d'ardeur  pour  l'étude, 
&  tant  elles  prenoient  de  plaifir  à  fuivre 
cette  noble  inclination. 

Il  paroît  que  Madlle.  Singer  commença 
d'avoir  des  fentimens  de  pieté  dès  fa  plus 
tendre  jeunefTe  ;  car  voici  comment  elle 

s'ad' 

*  L'autre  mourut  en  bas  âge. 

*  PlOV.  XXXI,    iS, 


32  Bibliothèque  Britannique 
s'addrefle  à  Dieu  dans  un  de  Tes  ouvra- 
ges  *.  Dès  mon  enfance  fui  élevé  mes  mains 
vers  toi ,  &*  fai  appris  de  bonne-beure  à  con* 
noîîre  ^  à  adorer  le  Dieu  de  mes  Pères.  Ce- 
pendant,  11  l'on  en  juge  par  un  Conte  que 
l'Auteur  de  fa  Vie  rapporte  ,  il  femble 
que  dan.s  fa  jeunefle  elle  ait  appréhendé 
de  mourir  :  voici  ce  que  c'eft.  „  Madlle. 
99  Singer  étant  dangereufement  malade  , 
„  &  troublée  par  la  crainte  de  ce  terri- 
„  ble  changement  qu'elle  voyoit  appro- 
„  cher ,  fa  fœur  ,  qui  s'apperçût  de  fon 
„  trouble ,  lui  demanda  (i  elle  étoic  fâ- 
,y  chée  de  mourir  ?  &  comme  elle  Ta- 
„  voua  franchement,  fa  fœur,  qui  étoit 
„  aufli  difpofée  à  quitter  le  monde, qu'el- 
„  le  paroiflbit  l'être  peu,  lui  dit:  Je  vais 
„  donc  prier  Dieu  qu'il  me  retire  de 
,f  ce  monde  au  lieu  de  vous.  La  prière 
„  fut  exaucée;  Madlle  Singer  fe  rétablit, 
,,  &  fa  fœur  tomba  malade  &  mourut  ". 
Quand  même  ce  Conte  feroit  vrai ,  on 
E*en  pourroit  pas  conclure  que  Madlle.  Sin- 
ger n'a  point  eu  de  pieté  dans  fa  jeunef- 
fe.  La  Pieté  n'eft  pas  incompatible  avec 
l'amour  de  la  Vie,  fur-tout  dans  une  jeu- 
ne &  belle  perfonne,  qui  a  du  bien ,  qui 
eft  aimée  &  eftimée  de  tous  ceux  qui  la 
connoiflent,&  qui  fe  voit  une  réputation 
naifiante. 

Madlle.  Singer  s'attacha  de  bonne-heure 

au 

*  Intitulé,  Devoîit  Exer&^Ces, 


Avril,  Mai  ET  JyiN.  1739.  33 
au  DelFein  ;  à  peine  avoit-elle  la  majQ 
aflez  ferme  pour  tenir  le  crayon,  qu'elle 
témoigna  combien  elle  aimoic  à  deflmer. 
Mais  la  Poufie  écoic  fa  paffion  favorite  ; 
fon  génie  étoic  li  fort  tourné  de  ce  côté- 
]à  5  que  même  fa  Profe  à  tous  les  charmes 
de  la  Poëfîe  :  on  y  voit  le  môme  feu  ,  la 
même  imiagination  que  dans  les  Vers  ;  des 
images  vives ,  des  figures  hardies,  un  lli- 
Ic  nerveux  &  coulant:  à  peine  pouvoic- 
elle  écrire  une  limple  lettre  familière ,  fans 
y  mêler  quelques  traits  Poétiques.  Elle 
comimença  à  faire  des  vers  dès  Tâge  de 
douze  ans  ;&  elle  n'en  avoit  que  22.  lorf- 
qu'en  1096.  elle  publia  un  Recueil  de  fes 
Poëfies ,  à  la  prière  de  deux  illuftres  amis  : 
mais  fa  modeftie  ne  lui  permît  pas  d'y 
mettre  fon  nom  ,  de  forte  qu'elles  furenc 
publiées  fous  le  nom  poétique  de  Philc- 
mêle  y  que  fes  amis  lui  avoient  apparem- 
ment donné  dans  les  pièces  en  vers  qu'ils 
lui  addreilerent,  ou  qu'ils  firent  à  fon 
occafion. 

Quoique  la  plupart  de  fes  Poëfies  rou- 
lent fur  des  fujcts  de  pieté,  &  que  mêmiO. 
parmi  celles  qui  font  les  moins  religieu- 
fes  ,  il  n'y  en  ait  aucune  ,  qui  ne  foit; 
conforme  aux  règles  les  plus  étroites  de 
la  Vertu,  cependant  ces  dernières  lui  cau- 
ferent  quelque  inquiétude  dans  fa  vieil- 
lefle.  MaîtrelTe  alors  de  toutes  fes  paf- 
fions ,  &  confacrée  toute  entière  au  (er^ 

Joins  XJII.  Farî.L  C  vice 


.â^î 


34  Bibliothèque  Britannique, 
vice  de  Ton  Créateur,  tour  ce  qu'elle  ne 
pouvoitpas  approuver  abfolument,  lui  pa- 
ToifToit  impardonnable;  non  contente  de 
n'avoir  rien  écrit  qui  pût  porter  le  moin- 
dre préjudice  à  la  pieté,  elle  fe  vouloit 
du  mal  d'avoir  écrit  quelque  chofe  qui 
ne  tendit  pas  diredtement  à  favorifer  la 
Vertu. 

Elle  avoit  appris  le  François  &  l'Ita- 
lien; Un  homme  de  qualité,  je  veux  di- 
re Mr.  Thynne,fils  du  Vicomte  deWey- 
mouth ,  voulut  bien  prendre  la  peine  de 
lui  enfeigner  ces  deux  Langues.  Il  eut  le 
plaifir  de  voir  fes  foins  réuflîr  au-delà  de 
fes  efpérances  ;  car  au  bout  de  quelques 
mois  Madlle.  5/ n^^r  entendit  l'Italien  aflez 
bien  pour  prendre  du  plaifir  à  la  leâ:u- 
re  de  la  Jerufalem  délivrée  du  TafTe. 

Son  mérite  diftingué,  les  charmes  de 
fa  perfonne,  &  les  agrémens  de  fa  con- 
verfation  ,  lui  attirèrent  un  grand  nombre 
de  foupirans  ,  du  nombre  defquels  fut 
le  célèbre  Prior:  il  fouhaitoit  palllonné- 
ment  de  l'époufer  ,•  mais  ce  bonheur  étoit 
réfervé  à  Mr.  Thomas  Rowe  ,  Gentil- 
homme diftingué  par  fon  efprit  &  parfon 
fç  avoir 

""il  naquit  à  Londres  le  25.  d'Avril  1687 '*'. 
Son  Père ,  qui  étoit  fçavanc ,  &  bon  Pré- 

dica- 

*  Il  étoit  donc  de  12.  ans  &  quelques  mois 
plus  jeune  que  Madlle.  Singer. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  35 
dicateur,lui  fît  faire  fes  clafTes,  première- 
ment à  Epfom ,  &  enfuite  dans  la  Char- 
treufe  à  Londres ,  fous  le  fameux  Doélcur 
Walker.  Le  jeune  Rowe  ayant  appris  le 
Latin,  le  Grec  &  l'Hébreu,  fut  envoyé  à 
rUniverfité  de  Leyde,  oli  il  étudia  les  An- 
tiquitez  Judaïques  fous  Mr.  Witfius,  le 
Droit  Civil  fous  Mr.  Vitriarius,  les  Bel- 
les Lettres  fous  Mr.  Perifonius,&  la  Phi- 
lofophie  expérimentale  fous  Mr.  Sengaard. 
Il  fe  fit  eltimer  dans  cette  célèbre  Univer- 
Cté  par  fon  application  à  Tétude,  par  les 
connoifTances  qu'il  acquit,  &  par  fes  ma- 
nières polies  &  obligeantes  envers  tout 
le  monde.  Et  quoiqu'il  fût  abandonné  à 
lui-même,  fans  autre  furveillant  que  fa 
propre  vertu  &  fa  prudence,  il  conferva 
fes  mœurs  pures,  dans  cet  âge  où  la  cor- 
ruption efl  le  plus  à  craindre. 

L'amour  de  la  Liberté,  qu'il  avoit  pui- 
fé  dans  les  anciens  Auteurs  Grecs  &  La- 
tins, fe  fortifia  confiderablement  par  le 
féjour  qu'il  fit  dans  une  République,  où 
de  continuels  exemples  lui  faîfoient  con- 
noître  le  prix  ineflimable  de  la  Liberté, 
qui  efl  la  mère  de  l'InduftrJe,  la  nourrice 
des  Arts  &  des  Sciences  ,  &  la  fource  in- 
tariffable  du  bonheur  de  la  Socieré. 

De  retour  à  Londres, il  remarqua  vers 
l'an  1708.  qu'on  commençoit  à  répandre 
dans  le  public  des  principes  pernicieux, 
qui  tendoient  à  détruire  entièrement  la 
Liberté  de  la  Nation.    Il   combattit  ces 

C  2  pria- 


3(5BrBLIOTHEQUE  B  R  I  T  ANNI  QU  F;, 
principes  avec  un  zèle  qui  auroit  peut- 
être  eu  plus  de  luccès ,  fi  Mr.  Rowe  eue 
pofledé  quelque  Charge  dans  l'Etat,  mais 
qui  ne  pouvoit  être,ni  plus  vif ,  ni  plus 
jufte,  ni  plus  lincere.  Il  haïfToit  toute 
forte  de  Tyrannie ,  mais  principalement 
la  Tyrannie  Eccléjiajli  que ,  perfuadé  que, 
comme  le  plus  vil  &  le  plus  honteux  ef- 
clavage  efl  celui  de  l'efprit,  c'ell  auill 
celui  dont  les  confequences  font  le  plus 
pernicieufes. 

Cet  amour  de  la  Liberté  éclate  dans  les 
Vies  des  Hommes  liluftres  qu'il  a  compofées. 
Il  avoit  deflein  d'écrire  toutes  celles  que. 
Plutarque  a  omifes.  Il  en  a  achevé  huit, 
qu'on  a  publiées  après  fa  mort.  Monfieur 
TAbhé  Bellenger  les  a  traduites  en  Fran- 
çois, &  y  a  ajouté  la  Vie  d'Hannibal , 
pour  fervir  de  fupplément  aux  huit  Vo- 
lumes des  Vies  de  Plutarque  traduites 
par  Mr.  Dacier.  „  Il  y  a  lieu  de  croire, 
„  nous  dit-on  ici,  que  Mr.  l'Abbé  Bellen- 
,5  ger  n'eil  point  éloigné  des  fentimens 
,)  de  Mr.  Rowe  fur  le  droit  inaliénable 
„  que  tous  les  hommes  ont  d'écre  libres, 
„  puifque  rilluilre  Tradu6leur  fuit  fon 
j.  Original  fidèlement ,  fans  omettre  les 
,,  pafTages  les  plus  libres  ,  ni  \ts  traits 
„  les  plus  hardis  contre  la  Tyrannie, fans 
„  les  altérer,  fans  y  ajouter  le  moindre 
„  correctif  ,  &  fans  témoigner  qu'il  les 
,,  défapprouve.  J'avoue  que  le  plaifirque 
„  cela  m'a  caufé ,  a  reçu  un  nouvel  ac- 

,,  croif- 


AvRTL,  Mai  et  Juin.  ly^O-  37 
„  croilîement  ,  lorfque  j'ai  vu  la  traduc- 
„  don  accompagnée  d'une  approbation  en 
„  bonne  forme,  fignée  par  celui  à  qui 
,5  le  Garde  des  Sceaux  avoic  ordonné  d'exa- 
„  rainer  l'ouvrage.  Il  femble  qu'on  puif- 
,,  fe  conclure  de  là ,  qu'il  y  a  encore  quel- 
5,  ques  bons  François,  qui,  comme  s'ex- 
„  prime  Mr.  Rowe  ,  font  les  rcftes  d'un 
,,  peuple  généreux ,  qui  ne  s'ejl  point  la[l]'é 
,,  corrompre  par  de  faujjes  Jubtilltez y  quino- 
,^  béijjûit  point  en  efctave,  ^  qui  ignor(Jit 
,,  toute  autre  puiffance,  que  celle  qnii  étoit  di- 
,,  rigée  ^  limitée  par  les  Loix.  Puifle  Mr. 
,»  Rowe,  qu'on  a  fait  parler  François, 
,,  devenir  par-là  un  inOirument  qui  ferve 
9,  à  augmenter  le  nombre ,  &  à  ranimer 
„  le  zèle  de  ceux  qui  s'intérefTenc  encore 
j,  pour  une  caufe  fi  glorieufe  ! 

En  1709.  Mr.  Rowe  étant  à  Bath  ,  fut 
conduit  par  un  Gentilhomme  de  fes  amis 
chez  Madlle.  Singer,  Il  avait  déjà  conçii 
beaucoup  d'eftime  pour  eUe  par  la  lectu- 
re de  fes  Ouvrages  ,  &  par  la  réputation 
qu'aile  avoitacquife.  Mais  lorfqu'il  la  vit, 
il  fut  charmé  de  fa  beauté ,  de  fon  efprit 
&  de  fa  vertu  ,  &  conçût  pour  elle  la 
paflTion  la  plus  vive  &  la  plus  tendre ,  (Se 
l'époufa  l'année  luivante. 

On  nous  avertit  ici  dans  une  Note,  que 
cette  partie  de  la  Vie  de  Madlle.  Singer  & 
de  Mr.  Rowe  a  été  écrite  par  Mr.  Grove, 
qui  eil   more  avant   que  d'avoir  achevé 

C  3  cet- 


3S  Bibliothèque  Britannique, 
cette  pièce:  le  refle  a  été  compofé  par 
Mr.  Théophile  Rowe,  frère  de  Mr.  Tho- 
mas Rowe,  &  Editeur  de  ce  Recueil. 

Madlle.  Singer  ,  que  nous  appelleront 
déformais,  Mad.  Rowe,n*eut  pas  le  bon- 
heur de  vivre  long-tems  avec  un  époux 
qu'elle  chériflbit ,  &  donc  elle  étoit  tendre- 
ment aimée.  Mr.  'Rowe  n'étoit  pas  d'un 
tempérament  robufte  ,  &  comme  il  s'at- 
tachoit  peut-être  trop  à  l'étude,  il  ne 
jouit  que  d'une  fanté  affez  foible  durant 
tout  le  tems  de  fon  m.ariage.  En  17 14. 
il  parut  être  en  confomption;  on  crue 
que  l'air  de  Hampftead ,  charmant  village, 
fitué  fur  une  colline  à  une  petite  lieuë 
de  Londres,  lui  feroic  du  bien; mais  il  y 
mourut  le  13.  de  Mai  17 15.  dans  fa  29, 
année. 

I^Iad.  Rowe  fut  inconfolable  ;  &  comme 
elle  avoit  toujours  aimé  la  retraite,  n'ayant 
demeuré  à  Londres,  ou  dans  le  voifmage, 
que  par  déférence  pour  fon  époux,  elle 
quitta  le  monde, &  fut  fe  confiner  à  Fro- 
rue,  dans  la  Province  de  Sommerfet,  oli 
elle  avoit  la  plus  grande  partie  de  fon 
bien  ;  &  ce  n'étoit  que  par  complaifance 
pour  des  Dames  de  qualité ,  &  particuliè- 
rement de  la  Comtefle  de  Hertford ,  qu'el- 
le quittoit  quelquefois,  m.ais  rarement, 
fa  folitude. 

Ce  fut  dans  fa  retraite  qu'elle  compo- 
fa  les  plus  célèbres  de  fes  Ouvrages ,  je 

veux 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.    3^ 

veux  dire  ,  V Amitié  après  la  Mort ,  qui  pa- 
rut pour  la  première  fois  en  1728,  &  Tes 
Lettres  Morales^  Aviufantes ,  mêlées  de  Profe 
^  de  Vers ,  dont  la  première  Partie  fut 
imprimée  en  1729,  la  féconde  en  1731», 
&  Ja  troifième  en  1733.  Le  but  de  ce 
dernier  Ouvrage  eft,  de  mettre  devant  les 
yeux  des  Lecteurs  des  exemples  de  la 
bienveillance  la  plus  généreufe,  &  de  la 
vertu  la  plus  héroïque  ;  afin  de  les  porter 
par -là  à  la  pratique  de  tout  ce  qui  eft 
digne  de  l'homme  ,  &  de  tout  ce  qui  tend 
au  bien  du  genre  humain  :  dans  ce  même 
Ouvrage  elle  repréfente  vivement  les  cruels 
remords  &  les  grands  malheurs  à  quoi  on 
s'expofe  en  s'abandonnant  au  vice,  & 
en  le  livrant  à  fes  paffions;  afin  d'aver- 
tir par-là  les  jeunes  gens,  peu  accoutu- 
mez à  refléchir ,  qu'ils  ne  fe  îaiflent  point 
féduire  aux  charmes  trompeurs  du  vice, 
qui  les  perdroient  infailliblement. 

En  1736.  les  Amis  de  Mad.  Rov^e  l'en- 
gagèrent à  publier  fon  Hiftcire  de  Jofeph , 
qu'elle  avoit  compofée  dans  fa  jeunefle. 
Dans  la  première  édition  de  ce  Poème , 
qui  eft  celle  dont  nous  avons  rendu  comp- 
te, elle  ne  l'avoit  conduit  que  jufqu'au 
Mariage  de  Jofeph.  Mais  à  la  perfuafion 
de  fes  Amies ,  &  particulièrement  de  l'il- 
luftre  Comterîe  de  Hertford ,  elle  y  ajou- 
ta deux  Livres  ,  afin  de  conduire  l'Ouvra- 
ge jufqu'à  l'époque  ou  Jofeph  fe  fait  con- 
lioîcre  à  fes  Frères  ;  ce  qui  ne  lui  coûta , 

C  4  dit» 


40  Bibliothèque  Brîtankique, 
dit -on,  que  trois  ou  quatre  jours  de  tra- 
vail. Ces  deux  Livres  furent  fon  dernier 
Ouvrage ,  &  ont  été  publiez  peu  de  mois 
avant  fa  mort. 

Elle  avoit  toujours  fouhairé  de  mourir 
dans  fa  retraite  ,  &  même  d'une  m.anière 
fubite,  de  peur  que  fon  elprit,  étant  af- 
foibli  par  les  maladies  ou  par  les  infir- 
mitez  de  l'âge,  ne  fût  faifi  de  défiances  & 
de  craintes ,  trop  naturelles,  il  eft  vrai, 
mais  peu  dignes  d'une  ame  Chrétienne 
qui  a  lieu  d'efpérer  en  la  mifericorde  de 
Dieu.  Ses  fouhaits  furent  accomplis;  elle 
mourut  fubitement  un  Dimanche  matin  20. 
de  Février  1736.  *,  V.  S. 

On  trouva  dans  fon  cabine,t  quatre  Let- 
tres ,  l'une  à  la  Comteflé  de  Hertford , 
l'autre  au  Comte  d'Orrery,  la  troifième  à 
îvlr.  Théobald,  &  la  quatrième  à  fa  bel- 
le-mère,  Mad.  Sara  Rowe.  Ces  Let- 
tres font  rem.plies  de  fenumens  de  Pieté, 
&  font  voir  que  Mad.  Rowe  fe  confioic 
entièrement  en  la  mjifericorde  de  Dieu, 
ù.  etoit  pleinement  perfuadée  qu'ellejoui- 
roit  bientôt  du  Bonheur  célefle.  Elle  a- 
voit  ordonné  qu'on  ne  remit  ces  Lettres 
à  ceux  à  qui  elles  étoient  addrelTées ,  qu'a- 
près fa  mort. 

Comme   Mad.   Rowe   a    pafTé    la  plus 

grande 

*  C'eil-i^^iire  ,  à  ne  commencer  l'Année  qu'ain 
25.  Mars;  autrement  il  faudroit  dire  1757.  li 
l'on  commence  l'année  au  premier  de  Janvier, 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  41 
grande  partie  de  fa  vie  dans  la  retraite , 
on  ne  doit  pas  être  furpris  que  Ton  Hif- 
toire  ne  fourniiïe  pas  un  grand  nom- 
bre de  faits  intérefians.  Cependant  en 
nous  donnant,  dans  la  fuite  de  cette  Vie, 
la  defcription  des  qualitez  de  fon  efpric 
^  de  fon  cœur,  on  nous  apprend  quel- 
ques particularitez,  que  nos  Lecteurs  ne 
feront  peut-être  pas  fâchez  de  voir  ici. 
On  a  coû:jme  de  dire  des  Dévots 
qui  vivent  d'une  manière  retirée  ,  que 
s'ils  ne  fe  livrent  pas  aux  plaifirs  desfens, 
contre  lefquels  ils  déclament  avec  la  der- 
nière févérité,  il  n'arrive  que  trop  fou- 
vent  qu'ils  s'abandonnent  à  l'orgueil  ,  à 
une  humeur  chagrine,  à  un  efprit  de  cri- 
tique &  de  cenfure,  La  pieté  de  Mad. 
Rovve  n'a  point  été  ternie  par  de  pareils 
défauts.  Elle  n'a  pas  été  moins  en  exem- 
ple par  fa  générofité,  par  toutes  les  ver- 
tus qui  one  du  rapport  à  la  Société,  que 
par  fa  grande  dé\'Ocion  :  &  elle  croyoit 
que  les  péchez  auxquels  l'ame  efl  entraî- 
née par  le  corps  ,  font  moins  atroces  que 
ces  vices  de  Tefprit  qui  avililTent  la  na- 
ture humaine ,  &  rendent  l'homme  fem- 
blable  cà  l'efprit  malin  &  malfaifant,  qui, 
félon  l'Ecriture ,  efl  dans  une  oppofition 
parfaite  avec  l'Etre  fupréme  ,  dont  la  bon- 
té  fait  le  caractère  eiTenticl.  Ajoutons, 
que  quoique  Mad.  Rov^e  fk  beaucoup  de 
cas  desaftes  de  Dévotion  ,elle  ne  croyoic 
pas  que  ce  fût -là  rellcntiel  ;  elle  étoic 

C  j  per» 


42B1BLIOTHEQUE  Britannique, 

perfuadée  que  les  devoirs  de  la  Juftice, 
de  rtquicé,  de  la  Charité  &  de  la  Bien- 
veillance font  d'une  néceiTité  abfoluë  ,  & 
que  c'eft  envain  qu'on  a,  ou  qu'on  pré- 
tend avoir  de  la  Dévotion,  û  on  ne  s'ac- 
quitre  pas  de  ces  devoirs. 

Quoiqu'elle  eût  beaucoup  d'efprit,  el- 
le ne  s'en  eft  jamais  fervie  aux  dépens  des 
autres:  on  a  pu  dire  d'elle,  ce  qu'on  a 
dit  du  fameux  Poëte  Cowley;  elle  n'a 
jam.ais  donné  lieu  à  perfonne  de  fouhai- 
ter  qu'elle  eût  moins  d'efprit.  Auiïi  ne 
trouve- 1- on  aucun  trait  Satyrique  dans 
fes  Ouvrages  ;  &  afin  de  ne  pas  tomber 
dans  la  tentation  de  médire,  ou  de  tour- 
ner quelqu'un  en  ridicule ,  elle  avoit  com- 
pofé  une  Prière  exprès, dans  laquelle  elle 
demandoit  à  Dieu,  qu'il  ne  permîc  pas 
que  jamais  elle  oifenfàt  perfonne  par  fes 
paroles  ou  par  fes  jugemens  téméraires. 
On  nous  donne  ici  cette  Prière,  qui  eft 
certainement  trcs-belle ,  mais  qu'il  n'eft 
pas  néceffaire  de  traduire. 

La  Réputation  qu'elle  avoit  acquife  ne 
la  rendoit  point  vaine;  elle  avoit  trop  de 
pieté  pour  fe  glorifier  des  louanges  qu'on 
lui  donnoit,  &  difoit  quelquefois  à  cette 
occaficn  :  Dieu  n'a  qu'à  faire  un  léger  chan- 
gement dans  mon  cerveau,  &'  me  voilà  folle. 

Elle  avoit  un  mépris  marqué  pour  les 
RicheîTes.  Contente  du  Bien  que  la  Pro- 
vidence lui  avoit  accordé,  elle  n'a  pas 
feulement  foxigé  qu*il  écoit  polnble  d'aug- 
menter 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.     45 
jnenter  fon  revenu.    „  Jamais  on  n'a  pu 
„  l'engager  à  accepter   les  conditions  a- 
„  vantageufes  qu'un  Libraire  lui  offroic, 
„  pour  avoir  la  liberté  de  publier  un  Re- 
„  cueil  de  fes  Ouvrages.    Jamais  elle  ne 
„  fit  de  Dédicace, &  on  ne  trouve  le  nom 
„  d'aucun  Miniflre  d'Etat  dans  fes  écrits. 
„  Elle  ne  fut  jamais  à  la  Cour ,   &  û  el- 
„  le  a  parlé  avec  éloge  de  quelques  Prin- 
„  ces  fous  la   domination    defquels  elle 
„  a  vécu ,  ce  n'a  été  que  par  un  effet  de 
,,  la  haute  vénération  qu'elle   avoit  pour 
5,  ces  défenfeurs  de  la  Liberté  ;  mais  fans 
„  en  attendre  aucune  rccompenfe ,  fi  ce 
„  n'efl  le  plaiflr  de  témoigner  fa  recon- 
„  noiflance  à  ceux  qu'elle  regardoit  com- 
„  me  les  bienfaiteurs  de  la  Patrie.    L'ef- 
„  time  particulière   qu'elle  a  témoignée 
„  pour  quelques  Amis  d'un  rang  diflingué, 
,,  étoit    également  dcfmtéreiTée  :   comme 
f,  elle  n'attendoit  rien  de  leur  amitié,  ou- 
„  tre  le  plaifir  de  converfer  avec  eux ,  & 
„  de  connoître  leurs  bonnes  qualif?:^  6z 
,,  leurs  vertus ,  on  ne  doit  rejiarder  les 
„  louanges  qu'elle    leur  a   données,  que 
„  comme  un  hommage  qu'elle  rendoit  à 
„  leur  mérite.    L'amour    de    l'argent  lui 
„  paroifibit  la   paflion  la  plus  baffe  &  la 
„  plus  honteufe,&  fouvent  elle  plaignoir. 
„  le  fort  des  hommes,  lorfqu'el'e  confî- 
„  deroit  combien  cette  pafîion  les  domi- 
„  ne.  Elle  n'avoit  point  diflineué  fes  Ter- 
f)  res  de  celles  de  fes  voifms ,  jufques  à 

f}  ce 


44  Bibliothèque  Britanniq TE, 

,,  ce  Que  quelques  raifons  de  prudence 
„  l'eullent  obligée  à  s'informer  ce  qui  Jui 
t9  apartenoic  ,*  ce  qu'elle  ne  fie  même  , 
,5  que  lorfqu'elle  compric  qu'elle  n'avoit> 
„  plus  long-tems  à  vivre.  Bien  loin  d'cxi- 
5,  ger  avec  rigueur  ce  qui  lui  étoic  dû  , 
„  elle  éroit  à  cet  égard  d'une  negligen- 
,,  ce  qui  alloin  jufques  à  un  excès "biâ- 
i,  mable.  Elle  afFermoic  Tes  Terres  à  un 
j,  prix  fort  au -defib us  de  leur  jufle  va- 
i,  leur  ;  on  ne  fçauroit  en  douter ,  puif- 
„  qu'après  fa  mort  la  rente  de  fes  Ter- 
,,  res  a  été  augmentée  conliderablement. 
„  Elle  traitoit  les  Fermiers  avec  tant  de 
„  douceur,  que  non  feulement  elle  n'eue 
,,  jamais  de  procès  avec  aucun,  mais  el- 
,,  le  ne  vouloit  pas  même  permettre  qu'on 
,,  les  menaçât  de  faifir  leurs  effets,  lorf- 
,,  qu'ils  negligeoient  de  lui  payer  fes  ren- 
.,  tes.  Un  de  fes  Fermiers ,  qui  lui  de- 
,,  voit  cent  Livres  Sterling,  s'étoit  éva- 
,,  dé  pendant  la  nuit,  &  ayant  emporté 
,,  avec  lui  tous  fes  effets,  on  ne  put  ja- 
;,  mais  lui  perfuader  de  fe  faifir  d'une  oc- 
;,  cafion  qui  fe  préfentoit  pour  recouvrer 
,,  h  dette:  &  fi  le  Fermier  n'avoit  pas 
5,  abandonné  fa  Terre  fur  les  menaces 
,,  qu'on  lui  fît  à  l'infçû  de  Mad.  Ro- 
„  we  ,  il  y  a  beaucoup  d'apparence  qu'un 
,,  excès  de  bonté  Tauroit  toujours  cmpé- 
,,  chée  d'employer  des  voyes  rigoureufes 
If  pour  le  chafler  de  fa  Terre,  &  l'obli- 
„  ger  à  lui  rendre  juflice.    Il  fer  oit  aifé 

..  ^*^ 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  4^ 
„  de  rapporter  plufîeurs  autres  exemples 
„  de  fa  générofité  ;  elle  a  fouvenc  cédé 
5,  les  droits  volontairement,  îorfqu'elle 
„  auroit  pu  y  infifler  félon  toutes  les  re- 
„  gles  de  l'équité  &  de  la  jultice. 

Tel  étant  fon  caradère,  on  ne  doit  pas 
être  furpris  que  fa  charité  envers  les  pau- 
vres ait  été  très-grande.  Il  fuffifoit  d'ê- 
tre malheureux,  ou  dans  la  nécenité,pour 
exciter  fa  compalTion  :mais  elle  fe  faifoic 
un  plaifir  particulier  de  foulager  les  per- 
fonncs  de  mérite.  Jamais  ces  perfonnes 
31e  s'addrefToient  à  elle  fans  fuccès ,  lorf- 
qu'il  étoit  en  fon  pouvoir  de  les  fecourir. 
La  première  fois  qu'elle  voulut  bien  re- 
cevoir une  gratification  d'un  Libraire  pour 
quelque  Ouvrage  de  fa  façon,  elle  em- 
ploya toute  la  fomme  au  foulagement 
d'une  famille  qui  étoit  dans  la  né'ceflité: 
&  il  y  a  de  fortes  préfomptions  ,  qu'elle  a 
fait  le  même  ufage  de  toutes  les  fommcs 
qu'elle  a  reçues  pour  fes  Ouvrages;  & 
une  Fois  qu'elle  ne  fe  crouvoit  point  d'ar- 
gexic  pour  fubvenir  aux  prefllins  befoims 
d'une  pauvre  famille ,  elle  ne  lit  aucune 
difficulté  de  vendre  quelque  pièce  d'ar- 
genterie, afin  de  ne  point  laiiler  languie 
cette  famille. 

Sa  chariïé  ne.  fe  bornoit  pas  à  ceux  de 
fa  Religion,  ou  de  fa  Se(n:e  :   elle  contri* 
bua  généreufement  à  Tétabliflèment  &  à 
l'entretien  d'une  Lcole  à  Frome  ,   quoi- 
qu'on 


45  Bibliothèque  Britannique, 

qu'on  y  élevât  les  enfans  félon  le  rie  An- 
gijcan,  auquel  elle  prenoit  la  liberté  de 
ne  fe  point  conformer. 

Sa  générolîté  alloit  plus  loin  encore  ; 
ceux  qu'on  appelle  proprement  pauvres  n'en 
étoienc  pas  les  feuls  objets:  Elle  avoit 
pour  maxime  ,  qu.'u7î  des  plus  grands  biens 
qu'on  puijje  faire  aux  hommes^  c'eji  de  les 
délivrer  des  foucis  ^  des  inquiétudes  qui  ac- 
compagnent une  fortune  au  deffous  de  la  mé- 
diocre. On  fçait  qu'elle  a  fait  quelquefois 
des  préfens  confiderables  à  d'honnêtes 
gens ,  qui  n'étoient  pas  réduits  à  une  ex- 
trême indigence. 

L'efprit  de  perfécution  ne  fçauroit  s'ac- 
corder avec  des  fentimens  de  générofité, 
quoiqu'il  ne  foit  pas  incompatible  avec  le 
caradère  des  Dévots.  Auffî,  bien  que 
Mad.  Rowc  eût  beaucoup  de  dévotion  , 
comme  elle  avoit  un  cœur  généreux,  fa 
dévotion  ne  lui  infpiroit  point  de  haine 
pour  ceux  qui  penfoient  autrement  qu'el- 
le. Sa  mioderation  a  même  été  fi  grande 
à  cet  égard,  que  vers  la  fin  de  fa  vie  el- 
le a  communié  conftamment  avec  desper- 
fcnnes  qui  avoient  des  fentimens  très- 
différens  des  liens ,  fur  des  fujets  qui  lui 
paroilîbient  être  de  la  dernière  impor- 
tance. 

A  la  fin  de  cette  Vie ,  on  trouve  pîufieurs 
Pièces  en  Vers ,  compofées  à  l'honneur  de 
Mad.  Rowe, 

Le 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  47 
Le  premier  Volume  des  Oeuvres  Mêlées 
de  cette  Dame  ,  contient  fes  Poëfies ,  & 
n'eft  pas  fufceptible  d'Extrait.  Nous  nous 
contenterons  de  remarquer ,  qu'on  y  trou- 
ve quelques  Tradudions  de  l'Italien  &  du 
François ,  un  petit  nombre  de  Pièces  fur 
l'Amour  &  fur  l'Amitié ,  <k  fur-tout  des 
Poëmes  facrez ,  comme  des  Hymnes  ,  des 
Imitations  &  des  Paraphrafes  de  divers 
endroits  de  l'Ecriture  fainte ,  &  particu- 
lièrement du  Cantique  des  Cantiques  , 
dont  il  y  a  non  feulement  divers  pafla- 
ges  paraphrafez  en  Vers  rimez,  mais  en- 
core une  Paraphrafe  complète  en  Vers  non- 
rimez.  L'Auteur  lui  a  donné  pour  titre, 
Eclogue  Sacrée, 

Dans  le  fécond  Volume,  on  trouve  d'a- 
bord trois  Dialof^ues  ;  le  premier  ed  def- 
tiné  à  faire  voir,  qu'il  ne  faut  point  tour- 
ner en  ridicule  des  Défauts  naturels.  Le 
fécond  eft  contre  le  |eu,  &  le  troifième 
contre  une  Vie  pafTée  dans  les  pîaifirs. 
Ces  Dialogues  ne  renferment  rien  de 
fort  remarquable  :  le  troifième  n'efl  pas 
mêm.e  achevé. 

Ils  font  fuivis  d'un  grand  nombre  de  Let- 
tres qui  font  plus  intérefiantes,  non  par 
les  particularitez  qu'elles  renferment .  car 
on  n'y  en  trouve  que  peu  ou  point,  mais 
par  l'Efprit  &  les  Sentimens  qui  y  ré- 
gnent. Nous  en  traduirons  quelques-unes, 
&  extrairons  des  autres  quelques-uns  des 

paUa- 


43  Bibliothèque  Britannique^ 

pafTages  qui  nous  ont  paru   les  plus  ci>« 
rieux. 

Lettre  V.  à  Madame  ***.  1697. 

,,  Eh  bien,  Madame,  puifque  vous  îe 
i^  voulez  abfolumenc ,  j'ai  des  vapeurs  ; 
,,  il  faut  bien  que  cela  foie:  car  autre- 
,,  ment  qu'cft-ce  qui  m'auroic  pu  mettre 
5,  dans  la  tête  ces  bizarres  fantaifies  .que 
5,  je  fuis  mortelle  ,  que  le  jour  de  ma 
.,  mort  efl:  incertain,  que  peut-être  je  ne 
,,  verrai  plus  lever  le  foîeil;  ou  qu'avant 
,,  que  le  foir  vienne  ,  7non  ame  quittera  en 
,,  domicile  terrejtre ,  ^  s'envolera  dans  queU 
5,  que  lieu  qui  mejl  inconnu  *.  C'eil,  en 
,,  effet,  un  fouci  bien  ridicule  que  celui 
,,  de  l'avenir,  &  une  boëte  de  pillules  ed 
,,  fans  doute  un  remède  excellent  contre 
.,  des  imaginations  auin  mélancoliques 
,v  que  les  miennes. 

,,  Mais  pour  parler  férieufement,  Ma- 
,,  dame,  fi  ma  fanté  fe  rétablit,  &:  que 
,,  je  ibis  délivrée  de  ces  dangereux  f^;mp- 
,,  tomes,  vous  ne  fçauriez  m^e  taxer  de 
,,  fuperftition,  pour  avoir  fongé  à  moi  dans 
,,  une  affaire  d'une  fi  grande  importance. 
«  Il  faudroit  avoir  perdu  feiprit  pour  ê- 

j>  tre 

*  Ce  qui  cfl  en  Itilique  eiî  la  TradupLion 
ce  deux  Vers  de  Mi'.  Norris ,  que  Midlle.  S  n* 
c^r  cite  ïoï. 


Avril,  Mai  et  Juin,  1739.  49 
.»j  tre  indiiTérent  lorfqu'il  s'agit  d'être  heu- 
„  reux  ou  malheureux  pour  coûte  récer- 
„  nité. 

„  Ce  n'eft  pas  que  je  croye  qu'il  faille 
„  renoncer  à  tous  les  plaifirs  innocensde 
,,  cette  vie  pour  arriver  au  bonheur  du 
5,  Ciel  ;  ce  n'eit  pas  non  plus  ,  que  j'aye 
,,  contracté  une  habitude  li  intime  avec 

4,  les  habitans  de  l'autre  monde  ,  qu'elle 

5,  m'ait  infpiré  de  l'indificrence  pour  mes 
„  amis  de  celui-ci.  Non,  je  n'ai  pas 
3,  enco;'e  mortifié  mes  paiTions  au  poinc 
5,  que  vous  vous  l'imaginez.  Il  y  a  dans 
„  mon  ame  un  penchant  infarmoncable 
„  pour  la  bienveillance  &  l'amitié  :  ce 
5?  principe  généreux  m'a  été  infpiré  avec 
„  la  vie;  il  eft  infeparable  de  mon  exif- 
99  tence;le  tems  ni  l'éloignemiCnt  ne  fçau- 
99  roient  effacer  de  ma  mémoire  ces  mo- 
„  mens  deplaiOr  que  j'ai  goûtez  dans  vO' 
99  tre  compagnie. 

,9  Mais  je  n'ai  plus  rien  à  dire  à  votre 
„  Grandeur  fur  ce  fujet,  &  je  n'ai  aucu- 
99  ne  envie  d'entrer  en  difpute  avec  vous. 
,5  C'ed  pourquoi  vous  me  permettrez  de 
„  dire  le  rcfte  ci  Mr.  ***,  maintenant  que 
99  j'ai  recueilli  m.es  cfprits. 

,,  Monfieur  ,  je  ne  veux  pas  perdre  l'oç- 
,9  cafion  de  vous  dire,  que  mon  amour 
,,  pour  la  folitude  n'efl  reifet  ,  ni  de  la 
,9  mélancolie  ,  ni  d'une  mauvaife  hu- 
,,  meur,  ni  d'un  principe  intérelTé  ,  com- 
9,  me  fi  j'étois  née  uniquement. pour  moi 

TmeXlII.Part  L  D         „  feu- 


50  Bibliothèque  Britannique, 
„  feule: moins  encore  vient  •  il  d'une  déli- 
.,  catefle  afFeclée ,  ou  de  la  vanité  de  paf- 
„  fer  pour  plus  vertueufe  &  plus  fage  que 
,^  les  autres,   je  n'afpire  point  à  une  plus 
,,  haute  réputation  qu'à  celle  de  Créatu- 
„  re  raifonnable.  Mais  vous  fçavez  ,  IMon- 
„  iieur  j  qu'il  y, a  des  motifs *à  la  retraite 
,y  plus  nobles  que  ceux  dont  je  viens  de 
,^  parler.    Et  li  je  vous  dis  que  j'ai  choi- 
i^  li  la  retraite  ,  comme  le  moyen  le  plus 
,)  fur  de  perfectionner  ma    raifon  &   de 
,9  puriiier  mon  cœur,  &  que  c'efl  lafeu- 
5,  le  voye   que  j'aye  trouvée  pour    être 
j^heurcufe,  j'cfpcre  que   vous  convien- 
j5  drez,  que  je  vous  aurai  donné  de  bon- 
99  nés  raifons  de  ma  réfolution,  qui  vous 
99  paroiiToit  11  bizarre  &  fi  déraifonnable. 
99  )'avoue  ,  IMonileur  ,   qu'on  peut  pen- 
99  ïer ,  quoiqu'on  foit  dans  le  grand  mon- 
5,  de,    qu'on  peut  y   faire   quelques   re- 
99  flexions  fuperficielles  :mais  pour  raifon- 
^,  ner  fans  partialité,  &  fe  former    des 
9,  idées  jufles  des  chofes,il.  faut  étrefeuL 
,,  C'efl  alors  qu'on  peut  examiner  les  pré- 
5,  jugez  vulgaires  ;  c'eft  alors  qu'on  rejet- 
99  te  les  principes   bas  &  intéreflez    des 
99  bigots  &  des   fuperflitieux  ;  c'eft  alors 
,,  qu'on  fe  fortifie   contre  la  tyrannie  de 
5,  la  Coutume,  vjc  contre  l'autorité  impo- 
99  fantede  quantité  de  perfonnes,  qui  font 
9,  elles-mêmes  une  inanité  de   choies  dé- 
9,  raifonnables ,  &  qui  vous  difent  grave- 
9f  ment,  que  c'eft  ne  fçavoir  pas  vivre  , 


Avril,  Mat  et  Juin.  T739.  51 
„  &  vouloir  fc  fingularifer  5  que  de  ne  les 
„  pas  imiter. 

„  Mais,  rae  dires -vous,  on  peut  nufil 
„  penfer  trop.  Cet  avertifTement  me  far- 
,,  prend  ,  venant  de  vous.  Quoi  qu'il 
en  foie,  je  crains  auiïï  peu  de  penfer 
trop,  que  de  devenir  ou  trop  éclairée, 
ou  trop  vertueufe.  Je  fuis  perfuadée 
que  plus  nous  exerçons  les  facultezde 
notre  ame,  &  plus  nos  idées  devien- 
nent claires  &  fublimes.  Et  au  pis  al- 
„  1er,  quand  même  nous  épuiferions  nos 
efprits  par  cette  profonde  application, 
ce  ne  feroit  que  nous  hâter  de  remplir 
là  tâche  qui  nous  eft  impofée  ;  &  lorf- 
que  notre  Rôle  fera  joué,  nous  ferons 
„  prêts  à  quitter  la  Scène.  Après  tout, 
,,  ce  n'eft  point  une  longue  vie,  mais  une 
,,  vie  heureufe  que  je  fouhaite;  &  je  fuis 
,,  perfuadée  que  la  retraite  eft  le  plus  fur 
„  moyen  de  la  rendre  telle.  O  vous  ^  les 
,,  plus  grands  ^  les  plus  doux  de  tous  les 
,,  biens  ,  Mafes ^  Livres  ,  LWerîé ,  Repos, 
5,  Prez ,  Fontaines  ^  Riiiffeaux ,  jamais  je  ne 
,)  vous  abandonrierai  ,    laîît   que  je   refpire- 


99 


rai  *. 


,,  Ici  mon  tems  eft  abfolument  à  moi, 
„  ce  tems  qu'on  ne  fçauroit  aflez  eftimer, 
,,  qui  fuit,  &  ne  revient  jamais:  je  ne 
„  fuis  point  obligée    d'en    facrifier   une 

„  par- 
*  F'srs  de  Cowley. 

D  2 


52  Bibliothèque  Britannique, 
„  partie  à  des  bagatelles,  &  à  des  céré- 
„  monies  inutiles.  Ici  je  ne  fuis  poinc 
,i  dans  la  nécefficé  de  flatter  la  vanité  des 
5,  uns,  ni  de  m'ennuyer  à  entendre  lesim- 
„  pertinens  difcours  des  autres  ;je  ne  fuis 
„  point  réduite  à  ne  parler  que  fur  cer- 
^y  tain  nombre  de  fujets  fades  &  infipi- 
^,  des ,  qui  ont  été  épuifez  mille  fois.  Ici 
„  mes  propres  penfées  m'offrent  une  va- 
„  ricté  infinie  de  fujets  :  &  lorfque  je 
„  fuis  lafle  de  refléchir  fur  le  ridicule 
„  empreffement  avec  lequel  les  mortels 
„  courent  au  fépulcre  ,  fur  les  deflTeins 
,,  bas  &  intérefiez  des  uns ,  fur  les  ma- 
„  gnifiques  folies  des  autres  ;  je  dis  adieu 
5,  au  genre  humain  avec  le  dernier  mé- 
>,  pris ,  &  m'élançant  dans  un  autre  mon- 
5,  de,  je  m'occupe  de  réflexions  beaucoup 
,,  plus  intéreifantes ,  &  qui  font  fur  moi 
-,,  des  impreffions  bien  plus  fenfibles.  Je 
,,  contemple  les  merveilles  qui  brillent  dans  le 
,,  Firmament:  j'en  oh/en-e  avec  admiration  les 
,,  mouvemens ,  la  grandeur  y  Vinfluence.  En 
,,  promenant  mon  imagination  dans  la  mfte 
,.  étendue  des  Cieux^  il  me  femble  entendre 
,,  Vbarr.ionie  des  Sphères  célejles  ;  je  décou- 
,,  'ure  une  infinité  de  nouveaux  Mondes^  je 
5,  fixe  ma  vûë  fur  les  Aflres  qui  brillent  dans 
,,  la  F'oye  laàée.  Enfuite  j'erre  à  plaifir  dans 
,,  le  Ciel  emp'.rée  ;  je  fixe  mes  'yeux  fur  le 
,,  TrJne  de  Dieu  même  ;  je  contemple  ces 
t)  çlciiieures  éternelles ,  oiï  les  Bienheureux  goû- 

ii  tenî 


.Avril,  Mai  et  Juin,  1739.  53 
„  tent  un  raviffement  uie  joye  que  rien  ns 
jyfçauroit  exprimer  *♦ 

„  Je  finis  ici ,  Monlieur ,  ce  qui  fera 
,f  fans  doute  une  bonne  nouvelle  pour 
„  vous.  Je  fuis  y  &c. 

Nous  avons  choifi  cette  Lettre ,  non 
pas  tant  à  caufe  des  Réflexions  qu'elle 
contient,  que  parce  qu'elle  fait  voir  que 
Madlle.  Singer  commença  de  bonne -heu- 
re à  aimer  la  retraite.  Car  li  on  a  fait 
attention  à  la  date  de  cette  Lettre,  on 
aura  vu 'que  l'Auteur  n'avoit,  tout  au  plus , 
que  23.  ans  lorfqu'elle  l'écrivit. 

Voici  une  Lettre  dans  un  autre  goût, 

A  Madame  la  Comîeje  de  ***  f. 

,9  Madame, 

„  Je  compte  que  vous  me  croyez  mor- 
„  te-,  je  devrois  l'être  en  effet  pour  ma 
„  propre  juftification  ,  puifque  ce  feroic 
„  une  excufe  de  mon  filence ,  à  laquelle 
„  il  n'y  auroit  rien  à  répliquer.  Il  efl 
„  vrai  que  lorfque  je  ferai  morte ,  j'au- 
„  rai  des  chofes  bien  plus  importantes  à 

f,  vous 

*•  Ce  que  nous  avons  mis  ici  en  Italiq^iis  ell 
en  Vers  dans  l'Original. 

t  Te  crois  que  c'ell  la  ComtefTe  de  Hart- 
ford." 

D3 


54  Bibliothèque  Britannique, 
}9  vous  apprendre  du  monde  immucériel^ 
»y  &  je  fuis  perfuadée  qae  j'aurai  confhm- 
„  ment  rinclination  o'entretenir  corref- 
})  pondance  avec  vous.  Si  je  conierve 
^,  quelque  fentiment  de  mes  plaifirs  paf- 
5,  lez  5  ce  fera  fans  doute  le  concente- 
5,  ment  que  vos  Réflexions  m'ont  caufé. 
j5  Pour  le  préfent  je  ne  conçois  pas  d'oc- 
5,  cupation  plus  agréable  pour  moi  dans 
,,  l'autre  vie,  que  le  plaifir  de  facisfaire 
,>  cette  jufle  &  nobîe  curiofité  que  vous 
témoignez  fifouvent  touchant  î'étâtdes 


$} 


9)  ames  après  la  mort. 

,,  Je  lis  les  Sermons  de  Mr.  Watts  a- 
5,  vec  un  vrai  plaifr;  mais  je  ne  vous  en 
5,  ai  pas  fait  l'éîoge ,  de  peur  que  vous 
,,  ne  m.e  crûfnez  plus  prévenue  en  fa- 
,,  veur  des  Non-Conformilles ,  que  je  ne 
3J,  le  fuis  en  eiiet. 
j,  De  ces  Sermions  je  viens  aux  Chan- 
fons  à^  Mr.  Rolli ,  qui  font  extrêmem.ent 
belles.  La  Tranfition  eft  naturelle  ; 
car  une  de  ces  Cbanfons  efl  une  très- 
bonne  paraphrafc  dé  ce  que  S.  Paul  die 
aux  Corinthiens  : 


,,  Beviam' ,  o  Dori ,  godiam* ,  che  il  giorno 
,,  Prcjlo  h  al  ritcrno ,  prejlo  al  partir, 

f)  Di  gioviîiezza  godiamo  il  ficre , 
:,  Voi  l'ulùim'ore  lafciam  'cenir. 

i)    ^Jangecns  ^  buvons ,  car  demain  nms 
nicurrons.  i  Cor.  XV,  32. 

;^  J'ai 


Avril,  Mai  et  Juin.  t739.  55 
„  J'ai  cotte  le  Chapitre  &  le  VerlcCjpar- 
,,  ce  que  Mr.  Rolli  ne  Içaura  peut-êtrr 
„  pas  de  qui  emprunter  une  Concordan- 
,i  ce;  &  jefpère  qu'il  lira  tout  le  Chapi- 
«  tre,  ce  qui  ne  lui  fera  pas  le  moindre 
„  tore. 

„  J'obéirai  exadement  à  Mylord*** 
„  en  vous  renvoyant,  en  forme  de  Let- 
„  très,  le  papier  qu'il  m'a  envoyé  :  à 
,,  condition  pourtant,  qu'il  me  îqi^  per- 
„  mis  de  fuivre  le  talent  que  j'ai  pourdi- 
j,  re  des  folies ,  &  que  je  ne  fois  pas  obli- 
„  gée  de  me  renfermer  toujours  dans  les 
,,  bornes  étroites  du  fens-commun. 

„  S'il  y  a  des  Fées  (&  je  ne  fuis  pas 
„  fi  incrédule  que  de  le  nier  )  ce  font  cer- 
„  tainement  des  Etres  bienheureux,  & 
„  qui  jouifient  d'un  grand  nombre  de  pri- 
,,  vileges,  dont  nous  autres  pauvres  mor- 
3,  telsfommes  privez.  Si  vous  pouviez  vous 
j,  tranfporter  chez  mioi  dans  une  Lettre , 
V  je  la  recevrois  avec  une  joye  inexpri- 
9,  mable  ;  car  l'impatience  où  je  fiiis  de 
„  vous  voir,  efl  beaucoup  plus  grande  & 
„  plus  julte ,  que  celle  où  vous  pouvez 
„  être  de  me  voir  moi.  Mais  il  n'y  a 
,,  point  en  ce  monde  de  bonheur  fans 
„  mélange  ;  je  tâcherai  d'attendre  avec 
sy  toute  la  tranquillité  dont  je  fuis  capa- 
,,  ble  ,  que  la  mort  vienne  tirer  le  ri- 
„  deau ,  6c  me  découvre  le  féjour  d'un 
jj  plajfir  immortels 

D4  ^^.VovTS 


56BlBLIOTHEqUE  BRITANNIQUE, 

,,  Vous  me   donnerez  congé  ici ,    mô 
?,  permettanc  de  me  dire,  votre,   to. 

/î  la  même.    Le  9.  Octobre  1732. 

,)  Madame , 

,,  ]'ai  mis  vos  Lettres  &  vos  Papiers  en 
„  ordre  ;  quand  je  mourrai ,  je  les  lailTe- 
5,  rai  entre  les  mains  de  *=^=^,  comme  un 
„  dépôt  confacré  à  Tamitié  oc  à  la  vertu» 
5,  Cei.  Papiers  ô:  mes  Defîeins  font  lesfeu- 
,9  les  choies  que  je  fouhaiterois  d'emporter 
-,  avec  miOi.  Vous  ne  fçauriez  croire  com- 
5,  bien  mon  imagination  tiX  fîatée  par  les 
?5  foins  que  j'ai  pris  de  régler  ceci  6cquel- 
^,  ques  autres  aftaires.  Perlbnne  n'a  jamais 
5,  pris  tant  de  plaiilr  à  fe  préparer  pour 
9)  un  voyage  ,  que  j'en  prens  à  me  pré- 
,,  parer  pour  le  grand  voyage  de  tout  le 
?,  monde,  afin  de  partir  avec  décence.  Je 
.,  fens  pourtant  encore,  qu'aucune  pré- 
,,  voyance  ne  fçauroit  détourner  bien  des 
,,  frayeurs  naturelles,  (S:  des  évenemens 
j,  acc'idenrels,qui  font  capables  d'accabler 
l'amc  dans  cette  importante  affaire.  Il 
efl:  impofiible  de  fçavoir,  avant  que  d'en 
avoir  fait  l'expérience,  quelles  douleurs 
du  Corps,  ou  quelles  angoifles  de  l'a- 
me ,  peuvent  augmenter  l'horreur  de  cet- 
„  te  fatale  obfcurité  qui  environne  notre 
Si  dernier  moment.    Mais  puifqu'il  faut 

;5  ab- 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739-    57 

„  abfolumenc  en  pafTer  pav-là,  il  eft  de 
„  la  dernière  importance  pour  nous,  de 
„  prévenir  toute  furprife ,  en  nous  ren-^ 
„  dant  familière  l'idée  de  la  mort,  &;  de 
„  toutes  les  terreurs  qui  l'accompagnent. 
f9  On  a  quelquefois  été  à  la  renconire  du 
„  Roi  desEpouvantemens,  non  feulemenc 
,y  avec  un  efpric  tranquille  &  avec  dé- 
,)  cence ,  mais  même  avec  une  efpece 
„  d'infulte  pieufe  &  avec  triomphe.  J'en 
„  ai  vu  depuis  peu  un  exemple  qui  eît 
„  toujours  préfènt  à  mon  eiprit.  Un  hom- 
,,  me  *  dans  la  fleur  de  fon  âge ,  &  qui 
„  jouilToic.  d'un  bien  conliderable,  quitta 
„  le  monde  avec  la  même  tranquillité  & 
,5  la  m.ême  aifance,  avec  laquelle  un  An- 
„  ge,qui  viendroit  d'exécuter  fa  cornmif- 
„  fion  5  étendroit  fes  aîles  &  s'cnvole- 
„  roit  vers  fa  demeure  célefte.  Je  ne  veux 
„  point  parler  plus  long-tems  de  la  mort, 
,,  de  peur  que  vous  ne  me  falTiez  des  re- 
,,  proches  de  ce  que  je  ne  meurs  pas  ac^ 
,,  tuellement.  Je  fuis,  &c» 

*  Ou   une  femme,  car  l'Original  efc  équivc^ 
rue  ici. 


D  5  Voici 


58  B  I  B  L  I  0  T  H  E  Q  rj  E  B  R  I T  ANNI  Q  U  E  , 

Voici  une  Lettre  moins  grave  (5:  moins 
fcricufe. 

A  la  même.    Le  2.  Août  1732. 

„  Madame, 

„  Si  quelque  chofe  pouvoit  exciter  mon 
„  envie,  ce  feroit  le  bonheur  dont  Mad. 
,,  **^  jouit  dans  votre  converfation  & 
),  dans  votre  amitié.  Cependant,  loin  que 
„  cela  me  caufe  la  m.cindre  penfée  cha- 
,,  grine,  j'ai  le  plus  grand  plaifirdu  mon- 
,,  de,  de  voir  que  vousfçavez  fibien  ren- 
„  dre  jaftice  au  vrai  mérite.  Vous  poiir- 
j,  riez  avec  raifon  me  faire  des  repro- 
,,  ches  de  ce  que  je  ne  jouis  pas  moi  -mê- 
,,  me  d'une  Société  *  dans  laquelle  j'avoue. 
„  qu'il  y  a  tant  de  charmes.  Il  y  a  en  ef- 
fet quelque  chofe  de  bizarre  dans  la  fi- 
tuation  de  mon  cfprit:  il  y  a  quelque 
chofe  de  méchanique  dans  ma  faculté  de 
raifonner ,  auiîi  -  bien  que  dans  ma  dévo- 
tion; l'une  &  l'autre  femblent  dépen- 
dre précifement  d'un  certain  lieu  ,  & 
9)  d'une  certaine  fuite  d'objets.  Je  m  fçau- 

f,  rois 

*  La  Comteffe  d'Hertford  avoit  fouvent  in- 
vité M2.de.  Rowe  d'aller  paflcr  quelque  tems 
chez  elle;  mais  Tamour  de  la  folitude  l'avoit 
empêchée  de  ie  rendre  à  ces  invitations. 


I 


Avril,  ÎvIa  I  ET  Juin.  1739-  5^ 
j,  rois  me  vanter  d'avoir  beaucoup  de 
„  bon-fens  5  ou -de  pieté,  loiique  je  fuis 
„  liors  de  nia  chambre.  Il  y  a  dans  vo- 
„  tre  manière  de  vivre  quelque  chofe  de 
,,  trop  brillance  de  trop  tumultueux  pour 
5,  la  trcnquiliité  naturelle  de  mon  tempé- 
„  rament.  Si  Mad.  "î'** ,  au  lieu  de  faire  le 
„  portrait  de  Sce.  Geneviève,  vouloit  fe 
,5  transformer  elle-même  en  cette  Sainte, 
5,  &  s'afleoir  fous  un  arbre ,  ayant  un  bon 
,,  livre  fur  fes  genoux,  à.  gardant  fon 
3,  troupeau  dans  une  prairie  émaillée  de 
,:,  fieurs,que  je  fçauroisbien  lui  trouver; 
,,  j'irois  la  voir  au  lever  de  l'aurore ,  & 
„  dans  le  filence  d'une  belle  foirée.  Je 
,,  ne  trouvcrois  pas  même  mauvais  que 
„  ce  fût  à  ***  ,  pourvu  que  vous,Mada- 
,,  me  ,  fuHiez  aufli  métamorpliofee  en  uue 
îj  bonne  Campagnarde  ,  fans  autres  domef- 
5,  tiques  que  votre  fille  de  chambre  &  vo- 
„  tre  laquais ,  transformez  auOi  en  Colet- 
jj  te  &  Colin.  Je  n'ofc  pas  pouffer  la  mé- 
99  tamorphofe  fi  loin  que  de  changer  My- 
5,  lord  '^**  en  un  révérend  Eccléfiaitique , 
„  quoiqu'un  pareil  changement  ne  lui  fe- 
„  roit  peut-être  pas  inutile  par  rapporc 
ty  à  l'autre  monde ,  ûcc. 

A  la  mme, 

„    Madame, 

ti  J'ai  lu  avec  un  extrême  plaifir  les  A- 


6o  Bibliothèque  Britannique, 
,,  vis  de  Madame  Lambert  à  fin  fils  ^  à  fa 
^ffAle,    Des  Raifonnemens  fi  juftés,  &  de 
,,  il  nobles  Réflexions,  ne  pouvoienc  que 
,,  me  plaire  infiniment ,  quand  même  je 
,,  n'aurois  pas  été  prévenue  d'avance  par 
,,  la  bonne  opinion  que  vous  avez  de  l'Àu- 
„  teur:  mais  votre  jugement  a  rendu  ma 
„  fansfaclion    plus  complette.     J'admire 
„  fans  réferve  &  fans  défiance  tout  ce  qui 
„  a  le   fceau  de  votre  approbation.    Je 
„  deviens   décifive  &  infaillible  ;   &  fans 
*„  avoir  de    l'inclination  pour  les  princi- 
„  pes  du  Papifme  en  aucun  autre  point, 
„  j'ai  une  foi    implicite  pour  toutes  vos 
,y  décifions.    Voici  une  Sentence  qui  me 
,,  piaît,  parce  qu'elle  eft  entièrement  con- 
,,  forme  à  votre  manière  de  penfer;  & 
55  c'eft-là  le  plus  grand  éloge  que  je  puil- 
j,  fe  faire  de  l'Auteur.  Le  Bonheur  ejidans 
,,  Li  Paix  de  VAme;  tjOUs  ne  pourrez  jouir 
5,  des  Plaifirs  de  VEfprit  fans  la  fanîé  de  l'Ef- 
.,  prit.  Tout  eftprefque  Plai/ir  pour  un  Efprit 
5,  fdin.    Je  fuis  particulièrement  charmée 
,,  de  la  penfée  que  voici.    La  plus  grande 
,,  marque  qu'on  ejt  né  avec  de  grandes  quali- 
,,  îez,  eft  de  'vivre  fins  envie.     C'efl  l'heu- 
5,  reuie  &  conilante  (ituation  d'un  efpric 
,,  formé  comme  le  vôtre.   Veuille  le  Ciel 
,,  vous   continuer  cette  Paix  facrée,  qui 
5,  eil  l'effet  d'une  vertu  fmcere  !     je  fuis, 

Mous  H'i  donnerons  plus  que  quelques 
V-alTugcs  détachez  5  qui  nous  ont  paru  pro- 
pres 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.     61 
près  à  faire  mieux  connoître  le  Caradlè- 
re  de  Mad.  Rowe.  Lorfque  fon  Livre ,  in- 
titulé V  Amitié  après  la  Mort ,  parue ,  la  Com- 
tefle  de  Hertford,  qui  ne  fçavoit  pas  que 
Mad.  Rowe  en  fut  l'Auteur,  le  lui  envoya , 
&  lui  en  demanda  Ton  fentiment.  Voici  ce 
que  Mad.   Rowe   lui  répondit.  „  J'ai    lu 
„  les  Lettres  que  vous  m'avez  recomman- 
„  dé  de  lire  ,  &  fur  votre  approbation ,  je 
„  les  agrée  fans   exception.     Cela  même 
„  me  feroit  fouhaicer  de  les  avoir  écri- 
„  tes ,  il  j'avois  la  moindre  ambition  d'é- 
„  tre  Auteur.    Mais  je  n'ai  nul  befoin  de 
„  me  défendre  fi   férieufement  fur  ce  fu- 
„  jet  '^  Il  n'y  a  pas  proprement  de  men- 
fonge  dans  ces  Darolcs,  mais  il  y  a  une 
efpece  de  déguilement  ;  &  Mad.  Rowe  a- 
voit  la  confcience  trop  délicate  pour  n'en 
pas  fentir  de  remord.    Elle  repara  bien- 
tôt fa  faute  par  l'aveu  fincere  qu'elle  en 
fit.    Voici  ce  qu'elle  écrivit  peu  de  tems 
après  à  la  même  Dame. ,,  Dans  l'autre  mon^ 
„  de  je  fuivrai  toujours  exatlement  les 
„  règles  de  la  droite  Rai  fon.    Mais  auHî 
,,  long-tems  que  je  ferai  mortelle,  je  com- 
„  mettrai  toujours  mille  fautes.    C'eft  le 
„  privilège,  de  la  nature  humaine ,  &  je 
,,  veux  ufer  de  mes  droits  ;  mes  préten- 
,,  tions  font  claires  &  inconteftabies  ;  (St 
,,  vous   ne  fçauriez  en  confcience  exiger 
,,  que  je  fois  infaillible,  que  je  ne  tombe 
,,  dans  aucune  erreur ,  &  que  je  ne  com- 
„  mette  aucune  faute,    j'avoue  pourtant , 


j}  H 


eu; 


5  5  que 


62  Bibliothèque  Britannique, 
,f  que  de  toutes  mes  fautes  il  n'y  en  a 
„  point  qui  me  caufc  une  plus  grande  in- 
,,  quiétude ,  que  celle  que  je  commis  dans 
,,  ma  dernière  Lettre,  en  vous  parlant 
„  d'une  manière  artificieufe,  &  en  ufant 
d'une  efpece  de  déguifement.  Cela  m'a 
chagrinée  plus  que  je  croyois  pouvoir 
l'être  par  quelque  accident  que  ce  ibit; 
&  fi  je  me  connois  bien  ,je  ne  voudrois 
pas  être  coupable  "d'une  autre  équivo- 
_  que,  dûfTai-je  gagner  Tempire  du  mon- 
î,  de.  Je  devois  cette  confeffion  auxLoix 
,5  de  la  vertu  &  de  Tamicié.  Et  mainte- 
„  nant  que  j'ai  rétabli  par-là  la  tranquilli- 
„  té  dans  mon  ame,  je  vous  dirai,  que  je 
jj  trouve  que  rien  n'échape  à  la  pené- 
„  tration  de  votre  efpric.  J'avoue  que 
,,  j'aurois  été  bien  aife  de  fçavoir  v^otre 
„  lentiment  fur  cet  Ouvrage,  au  cas  que 
f,  vous  n'en  euffiez  pas  connu  l'Auteur  :  je 
„  me  flatte  que  le  rcfte  du  monde  l'igno- 
„  rera  toujours:  excepté  deux  ou  trois 
,,  perfonnes  qui  connoifTent  ma  folle  ma- 
„  nière  de  penfer.  Quoi  qu'il  en  foit, 
5,  c'eft  une  folie  innocente  ;  &  comme  tous 
„  les  évenem.ens  &  tous  les  caraélères  en 
5,  font  purement  imaginaires, j'efpère  que 
„  fi  l'Ouvrage  n'ell  point  utile,  au  m.oins 
,,  il  ne  fçauroit  nuire.  Je  crois  que  défor- 
i,  mais  je  me  contenterai  de  jetter  far  le 
,,  papier  les  vanitez  de  mon  imagination 
5,  uniquement  pour  votre  ufage:  je  dois 
?>  feulement  vous  avertir ,  de  ne  les  point 

55  lire 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  6;^ 
^>  lire  lorfque  vous  aurez  quelque  difpo- 
j,^  Ikion  au  fomrneil,  de  peur  qu'elles  ne 
„  vous  plongent  dans  une  léthargie  mor- 
,y  telle  .... 

Dans  une  de  fes  Lettres  *  Mad.  Rowe 
cixe  un  paflage  des  Sermons  de  feu  Mr. 
Saurin;&  voici  ce  qu'elle  dit  à  cette  oc- 
cafion.  ,,  je  viens  de  citer  un  des  Ser- 
i)  nîon.s  de  Mr.  Saurin  ;  je  ne  ferai  point 
„  contente  que  vous  ne  les  ayez  lus.  Tout 
„  ce  qu'on  a  dit  de  la  force  ù.  de  la  beau- 
,)  té  de  l'Eloquence  Romaine,  vous  le  trou- 
1,  verez  réuni  dans  ces  Difcours  ".  On 
jugera  par- là  que  Mad.  Rowe  devoit  bien 
entendre  le  François ,  &  qu'elle  avoit  le 
goût  bon. 

Voici  ce  qu'elle  penfoit  de  la  Provi- 
dence (d.ins  une  lettre  qu'elle  écrivit  à 
fa  belle-Mere  après  la  mort  de  fonMari) 
,,  Nos  voyes  font  en  la  main  de  Dieu, 
„  .qui  fait  réuffir  ou  échouer  nos  deffeins , 
,,  félon  fa  valonté.  Le  fliccès  de  chaque 
„  chofe  efl  déterminé,  de  forte  qu'il  efl 
,)  impolTible  à  l'homme  de  l'empêcher. 
5,  Cette  Réflexion  m'empêche  d'être  fore 
9)  inquiète  far  l'avenir.  Encore  un  pe- 
„  tit  nombre  d'années,  &  tout  fera  bien. 

Mad.  Rowe  fçavoit  railler  quelquefois , 
témoin  ce  qu'elle  écrivit  à  une  jeune  De- 
moifelle,  nommée  Arabelle  Marrov/ ;,  qui 

l'a- 

*  La  CVLp.  1S3.  à  h  ComteiredeHcrtford. 


99 

?5 

9} 

}} 

55 

}> 

3 

5? 


64  Bibliothèque  Britannique, 
l'avoit   fort  louée.     „  Soyez  perfuadée, 
„  dit -elle,  que  je  foufcris  de  bon  cœur 
„  à  toutes  les  belles  chofes  que  vous  dî- 
„  tes  de  mon  efprit  &  de  mon  mérite. 
,,  Je   conviens  de   tout   cela,  &  de  tout 
5,  ce  qu'on  pourroit  dire  encore  à  mon 
5,  avantage,  je  fens  vivement  quelle  per- 
„  te  c'eit  pour  le  monde,   que  je   m'en 
fois  retirée,  (5c  combien  on  doit   être 
Bché  de  l'abfence  d'une  perfonne  de 
ma  confequence.    J'ai  peur  que  le  Cer- 
cle à  Hyde-park  ne  foit  bientôt  cou- 
vert d'herbe ,    ii  je  n'y  parois  plus  :  & 
fi  un  tendre  défefpoir  ne  m'avoit  pas 
,  rendue  fauvage,  j'aurois  certainement 
,  trop  de  compalTion  pour  le  genre  hu- 
,-,  main,  pour  cacher  tant  de  mérite  dans 
„  le  fond  d'une  fombre  retraite. 

En  voilà  aifez  pour  donner  au  Public 
une  idée  des  Lettres  de  Mad,  Rowe.  On 
trouve  enfuite  les  Poëfies  de  fon  Mari, 
qui  confident  en  quelques  Imitations  d'Ho- 
race &  de  Tibulle,  &  en  quelques  Epî- 
trcs,  dont  il  y  en  a  deux  qui  font  imi- 
tées ÔQ  la  Climéne ,  &  du  Caprice  de  Mad. 
des  Kouliercs.  On  y  trouve  auffi  1  Ode 
Pindarique  à  Profernine  ,  traduite  du  Fran- 
çois de  Mr.  de  la  Motte;  une  Ode  fur  la 
],iherté  ,  &  quelques  autres  Pièces  facrées 
éc  profanes. 


ARTI- 


Avril,  Mai  et  Juipt.  1739.    (ig 

ARTICLE    III. 

The  Strengrh  and  Weaknefs  of  humaa 
Reafon:  or  the  important  Queflion 
about  the  Sufficiency  of  Reafon  to 
conduél  Mankind  to  Religion  and 
future  Happincfs ,  Argued  between 
an  Inquiring  Deift  and  a  Chriilian 
Divine  :  And  the  Debate  compromis'd 
and  dctermin  d  to  the  fatisfa6lion  of 
both  ,  By  an  Impartial  Modcrator, 
C'efl- à-dire  ;  De  la  Force  à?  de  la  Foi- 
hlejje  de  la  Raifon  humaine  :  ou  Ympor- 
tante  Ouejîïonfur  la  Suffifance  de  la  Rai' 
fon  pour  conduire  les  hommes  à  la  Con^ 
noijfance  de  la  Religion  &f  au  Bonheur 
d'une  autre  Vie ,  Dijcutée  entre  un  Déïf" 
te  qui  aime  la  vérité ,  &f  un  Théologien 
Chrétien  ;  Ê?  la  difpute  qui  s'ékve  entre 
eux  à  ce  fujet ,  terminée  à  la  fatisf action 
de  l'un  ^  de  Vautre ,  par  un  Modérateur 
Impartial.  Seconde  Edition  corrigée.  Chez 
Rivington,  à  ÏEnfeigne  de  la  Bible 
Couronnée,  dans  le  Cimetière  de  St. 
Paul.  A  Londres  1737.  pp.  302. 
fans  la  Préface  &  la  Table  des  Ma- 
tières. 
TQmeXIIL  Part.  I,         E  Cet 


66  Bibliothèque  Britannique, 

CEt  Ouvrage,  qu'on  attribue  à  Mr. 
Watts ,  Dodeur  en  Théologie  &  Mi- 
niflre  Presbytérien,  eft  divifé  en  quatre 
Conférences  ou  Dialogues.  Dans  le  pre- 
mier de  ces  Dialogues,  on  pofe  d'abord 
l'état  de  la  Queftion  avec  beaucoup  de  pré- 
cifion  &  de  netteté. 

,,  Par  la  Rai/on,  dit  le  Déifie  *  .  j'en- 
„  tens  cette  Faculté  de  l'ame  qui  nous 
„  met  en  état  de  difcerner  le  jufte  &  Tin- 
„  jufte,  le  bien  &  le  mal,  l'erreur  &  la 
„  vérité,  &  autres  chofes  femblables,  & 
„  d'en  juger.  Par  la  Religion  je  n'en  tens 
„  pas  feulement  les  devoirs  de  la  Pieté 
,,  envers  Dieu,  mais  encore  ceux  de  la 
,,  yiiflice  envers  le  Prochain ,  <S:  de  la  Tem- 
,,  pérance  envers  nous-mêmes ,  &  en  gé- 
„  néral  tout  ce  dont  les  hommes  fontréf- 
,9  ponfables  au  Créateur  &  au  Condudeur 
,,  de  rUnivers ,  &  qui  peut  les  rendre  df- 
,,  gnes  de  recompenfe  ou  de  châtiment 

,, Et  par  /a  Suffifance  de 

5,  la  Raifon  pour  conduire  les  hommes  à  la 
9f  Religion  ^  à  la  Félicité ,]' émeus  une  Ca- 
„  pacité  ou  un  Pouvoir  en  l'homme, qui, 
„  s'il  l'exerce  avec  foin  &  félon  toute  Té- 
ff  tendue  de  fes  forces  y  eft  par  lui-mé- 
M  me,  &fans  aucun  fecours  étranger , fuf- 
„  fifant  pour  lui  faire  connoître  &  prati- 
9,  quer  fes  devoirs,  pour  lui  procurer  la 

ff  faveur 
*  Pag.  14. 


AvRILj  Maî  ET  JUIN.    T739.       (Sj 

fi  faveur  de  Dieu  ,  &  pour  le  rendre  juf- 
„  cernent  inexcufable  s'il  ne  l'obtienc 
„  pas. 

Mais  comme  îa  définition  que  le  Déi'f^ 
te  vient  de  donner  de  la  Religion,  paroîc 
défectueufe  au  Théologien  Chrétien ,  Sq- 
pbronius ,  qui  fait  le  perlbnnage  de  Modé- 
rateur, expofe  en  détail  les  Articles  qui 
apartiennent   néceflairement    à  la    Reli- 
gion Naturelle ,  &  qu'il  faut  par  confe- 
quent  connoître  &  croire ,  pour  arriver 
au  Bonheur,   l'exiflence   &  Tunité  d'un 
Dieu  infini  en  puiflance  en  bonté  en  fa- 
gefle  &  en  juflice  , Créateur  de  l'Univers, 
Arbitre  des  évenemens;  le  culte  qui  lui 
doit  être  rendu,  fa  Providence,  les  Pei- 
nes &  les  Recompenfes  d'une  autre  Vie; 
ce  que  l'homme  fe  doit  à  lui  -  même ,  &  ce 
qu'il  doit  aux    autres  hommes  ;    enfin  la 
repentance  dont  il  doit  être  pénétré  à  la 
vûëde  fes foiblefles  &  de  fes  chutes,  fon- 
dée fur  la  perfuafion    de  la  mifericorde 
de  Dieu,  qui  eft  toujours  prêt  à  recevoir 
en  grâce  les  pécheurs  qui  fentent  leurs 
fautes ,  &  qui  font  leurs  efforts  pour  s'en 
corriger  &  pour  devenir  meilleurs.    Non 
content  d'expofer  ces  divers  Articles  ,  So^ 

Îhroniuf  prouve ,  à  la  fatisfadlion  des  deux 
)ifputans ,  qu'ils  font  l'eflence  de  îa  Re- 
ligion Naturelle,  ou  de  ce  que  tous  les 
hommes  doivent  néceUàirement  connoî* 
tre,  croire  ou  pratiquer  pour  avoir  part  à 

£  2  la 


eSO  Bibliothèque  Britannique, 
la  faveur  de  Dieu;  quoiqu'il  reconnoilTe 
en  même  tems ,  que  plufieurs  gens  de  bien , 
depuis  le  commencement  du  moade ,  & 
même  parmi  les  Chrétiens ,  ont  été  fauvez 
fans  avoir  une  connoiflance  diftinâ:e  de 
ees  Articles. 

A  cette  occaiîon  on  examine ,  fi  les  De- 
voirs pofitifs ,  ou  de  pure  inftitution,  & 
en  particulier  la  Foi  au  Sacrifice  dejefus- 
Chrift,  comme  à  lacaufe  méritoire  de  no- 
tre îalut,  n'entrent  pas  aufii  dans  le  plan 
de  cette  Religion  ;  &  l'on  prouve  que 
non ,  par  la  confideration  de  la  nature  mê- 
me des  chofes,  de  la  juftice  &  de  la  bon- 
té de  Dieu ,  par  des  déclarations  formel- 
les de  l'Ecriture  fainte ,  ôc  par  l'exemple 
de  plufieurs  gens  de  bien  dont  elle  par- 
le, lefquels  n'ont  pas  laifle  d'être  agréa- 
bles à  Dieu ,  quoiqu'ils  ne  fondafient  l'ef- 
pérance  de  leur  falut  que  fur  fa  miferi- 
corde,  &  qu'ils  n'eulTent  même  aucune  idée 
du  Sacrifice  de  Jefus -Chrift.  Tel  fut  en 
particulier  Corneille  le  CenWiier,  dont  il  efi: 
dit,  quQ/es  prières  ^  fis  aumônes  ^  c.-à-d. 
fa  pieté  &  fa  charité,  étoient  montées  de- 
*vant  le  Trône  de  Dieu ,  &  en  avoient  été 
reçues  favorablement  *.  On  ne  prétend 
pas  néanmoins ,  en  foutenant  cette  thèfe , 
nier  que  la  Mort  de  Jefus -Chrift  ne  foit 
le  vrai  fondement  du  pardon  des  péchez 
que  Dieu  a  jamais  accordé  ou  accordera 

ja- 
*  Aa.  X.  31,  35. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  6g 
jamais  aux  hommes ,  <Sc  que  ce  dogme  ne 
fafle  partie  de  la  Religion  Chrétienne ,  & 
ne  doive  être  cru  de  tous  ceux  qui  en 
font  profeflîon. 

Pour  mieux  établir  encore  la  Queftion , 
l'on  remarque  avec  foin ,  &  l'on  convient 
de  part  &  d'autre ,  qu'il  ne  s'agit  pas  ici 
de  fçavoir ,  H  la  Raifon ,  dans  fon  état  primitif 
d'innocence  &  de  j)erfection  y  pouvoit  décou- 
vrir toutes  les  véritez  &  tous  les  devoirs- 
de  la  Religion  Naturelle;  msiis  fi  ^  dans  Vé- 
îat  de  corruption  6?  defoihlejfe  où  Vbommeeji 
à  pré/ent ,  fa  Raifon  eft  fuffifante  pour  lui 
faire  connoître  cette  Religion ,  &  le  réta- 
blir par  fon  moyen  dans  la  faveur  de 
Dieu.  Il  ne  s'agit  pas  non  plus  de  fça- 
voir ,  il  ceux  qui  ont  été  élevez  dans  un  Pais 
Chrétien ,  £^  accoutumez  dès  leur  enfance  à  en- 
tendre parler  de  mille  cbofes  dont  les  Payens 
ignorans  n'ont  jamais  ouï  un  feul  mot ,  peu- 
vent ,  par  la  feule  force  de  leur  Raifon  ,  for- 
mer un  plan  fuivi  de  Religion  .  capable  de 
conduire  les  hommes  à  la  Félicité  ;  mais 
fi  ceux  qui  font  nez  dans  le  Paganifme ,  ^  qui 
n'ont  jamais  eu  occafion  de  connoître  le  Cbrif- 
tianifme  y  peuvent  néanmoins  d'eux-mê- 
mes parvenir  à  la  connoiflance  d'une  tel- 
le Religion.  On  cite  ici,  pour  juflificr 
cette  dillindion  ,  un  paflage  de  Mr.  Locke 
dans  ^on  Cbrijtianiftne  RaiJonnabU  *,  ou  il 

dit 

*  Tom.  I.p.297.&2  98.delafecondeEdit.cîe 
là  Tradud.  Françoife. 

E3 


70  Bibliothèque  Britannique, 
dit ,  que  „  fi  les  Philofophes  Chrétiens  ont 
„  de  beaucoup  furpafTé  les  Philofophes 
,>  Payens  (dans  les  Syflêmes  de  Religion 
,i  qu'ils  nous  ont  laifîez  )  il  eft  aife  de 
j,  5'appercevoir,  que  c'eft  à  la  Révélation 
t,  qu'ils  font  redevables  de  la  première 
3,  découverte  des  véritezdont  ils  ont  en- 

„  richi  la  Morale Et  en 

,5  effet ,  chacun  peut  remarquer  un  grand 
fi  nombre  de  véritez  ,  qu'il  apprend  pre- 
„  mièrement  de  quelque  autre  ,  &  qu'il 
5>  reçoit  d'abord  comme  des  chofes  tout- 
„  à-fait  raifonnables,  lefquelles  il  n'au- 
5,  roit  pourtant  trouvées  qu'avec  peine ,  & 
,:,  qu'il  n'auroit  peut-  ên-e  pas  pu  décou- 
9i  vrir  lui  -même.  La  Vérité  primicive  & 
,>  originale  n'eft  pas  fi  aifée  à  tirer  de  la 
5,  mine  ou  elle  eft  cachée,  que  nous pour- 
,,  rions  bien  nous  l'imaginer ,  nous  à  qui 
>,  l'on  a  montré  cette  mine  déjà  toute 
j^  creufée ,  &  prête  à  nous  fournir  le  pré- 
„  cieux  métal  qu'elle  renferme. 

En  troifième  lieu,  il  ne  s'agit  pas  de 
fçavoir,  quel  degré  de  connoijjance  un  Philo- 
Jopbe  Payen  qui  auroit  été  élevé  aux  Belles- 
Lettres  ^pourroity  à  force  de  méditation  âf  d'é^ 
tude,  acquérir  en  matière  de  Religion;  mais 
quelles  lumières  peut  Je  procurer  à  est  égard 
par  lui-'même  le  gros  du  peuple  parmi  les 
Payens  ,  dont  la  plupart  manquent  d'édu- 
cation &  de  génie,  dont  les  vues  font 
bornées  &  grofîieres ,  &  dont  la  Raifon  eft 
extrêmement  foible?   Ce  n'eit  pas  qu'en 

s'ex' 


Avril,  Mai  ET  Juin.  1739.    71 

s'cxprimant  ainfi ,  on  veuille  accorder ,  que 
même  les  plus  fages  &  les  plus  f(^avan$ 
Philofophes  du  Paganifme  ayent  jamais 
découvert,  ou  puiflenc  jamais  découvrir, 
par  les  feules  lumières  de  la  Raifon  ,  un 
Syftême  de  Religion  capable  de  reformer 
les  hommes ,  &  de  les  conduire  à  une  é- 
tcrncUe  Félicicé»  Le  contraire  e(t  mani- 
fefte  par  l'expérience;  «Se  l'on  renvoyé 
]à-deflus  à  l'excellent  Traité  de  la  Vérité 
de  la  Religion  Révélée  de  Mr.  Clarke  ^o\i  ce- 
la e(l  clau'ement  prouvé.  Enfin,  quand 
il  feroit  vrai  que  le  commun  des  hom- 
mes ,aufri- bien  que  les  Philofophes,  par- 
mi les  Payens ,  auroit  été  ou  feroit  en  état 
de  fe  former  par  lui-même  de  jufles  idées 
de  la  Religion  Naturelle  dans  les  grandes 
Villes,  comme  Athènes ,  Rome,  Ephefe, 
oii  il  fe  trouvoit  toujours  un  grand  nom- 
bre de  gens  fçavans ,  des  lumières  de  qui 
l'on  pouvoit  profiter;  il  s'agiroit  encore 
de  fçavoir ,  fi  la  Raifon  des  Sauvages  de  l'A- 
frique (Se  de  l'Amérique,  qui  font  une  par- 
tie très-confiderable  du  genre  humain, 
peut  aller  jufques- là? Car  il  faut  confide- 
rer  la  Raifon  hum^iincnon  pas  telle  qu'el- 
le eft  chez  un  petit  nombre  d'hommes , 
mais  telle  qu'elle  efl  chez  le  plus  grand 
nom.bre,  &chezceux-là  même  qui  l'oriC 
le  moins  cultivée.  Et  c'eil:  de  quoi  le 
DéVde  lui-même  convient,  foutenant qu'il 
n'ell  point  d'homme  fi  groffier  &  fi  bar- 
bare qu'on  veuille  le  fuppofer ,  qui  ne  piiif- 

E  4  fe. 


72BITÎLIOTHEQUE  BRItANNIQÛE, 

^e  ,par  le  feul  moyen  de  Tes  Facultez  na- 
turelles ,  acquérir  une  aflez  grande  connoif- 
fance  de  la  Religion ,  pour  fe  rendre  a- 
gréable  à  Dieu,  &  fe  procurer  fa  faveur 
éternelle.  Voilà  le  véritable  état  de  la 
Queflion  fur  laquelle  les  Difputans  s'exer- 
cent, en  reprenant  chacun  des  Articles 
particuliers  de  la  Religion  Naturelle  que 
nous  avons  indiquez.  Nous  ne  fçaurion* 
les  fuivre  dans  tout  ce  détail  ,  quelque 
intérelTant  qu'il  foit,  fans  charger  trop- 
cet  Extrait  ;  nous  nous  bornerons  à  un  ou 
deux  Articles. 

Le  dogme  de  l'Unité  de  Dieu  peut  être 
prouvé,  il  eft  vrai ,  par  les  feules  lumiè- 
res de  la  Raifon.  Le  Déifie  allègue  là- 
delTus  deux  argum^s ,  qu'il  croit  être  très- 
fimples  &  à  la  portée  de  tout  le  monde: 
le^  premier  employé  par  leDodlr.  Clarke, 
dans  fon  Sermon  pofthumê  fur  ce  fujet, 
fçavoir  que  la  grande  liaifon  qu'il  y  a 
entre  tous  les  Etres  qui  compofent'  le 
monde  matériel,  &  la  dépendance  dans  la- 
quelle ils  font  les  uns  à  l'égard  des  au^ 
très ,  montrent  clairement  qu'ils  font  fous 
la  direétion  d'un  feul  Dieu  fuprêmc  à  qui 
tout  rCJnivcrs  eft  fournis.  Mais  il  i'en 
faut  beaucoup ,  fuivant  le  Théologien 
Chrétien, que  cet  argument  foit  aufTi  (im- 
pie &  aufli  facile  qu'on  le  prétend;  &  il 
paroît  furpris , qu'un  homme  delà  réputa- 
tion du  DoO:.ClQrke,  n'en  ait  pas  aJlcgué 
de  plus  forts, dans  un  Sermon  fait  exprès 

pour 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.     73 
pour  établir  ce  dogme.  D'ailleurs ,  un  Sau- 
vage d'Amérique  eft-il  bien    en   état  de 
former  en  lui  -  môme  un  pareil  raifonne- 
ment ,  qui  demande  un  grand  degré  de  ré- 
flexion &  d'application?  „  Il  dira  fans  dou- 
„  ce,  comme  Ton  fçait  que  d'autres  l'ont 
„  dit ,  que  les.  Européens   qui  vivent  au- 
m  delà   de  la  grande  mer,   c'eft-à-dire 
5,  de  l'Océan  ,  habitent  un  autre  Monde 
„  qu'eux ,  &  peuvent  avoir  un  Dieu  parti- 
,y  culier  &  toute  autre   chofe  différem- 
„  ment  de   ce   qu'ils   ont;  mais  que  les 
„  Américains  ont  une  toute  autre  origi- 
„  ne,  &  viennent  d'un  autre  homme  (Se 
„  d'une  autre  femme ,   qui  étoient  jadis 
„  defcendus  du   Ciel.    Car    quoique  ces 
„  Peuples  ayent  quelque  idée   qu'il   y  'a 
„  des  Etres  au-deflus  d'eux,  cependant 
19  ils  n'ont   pas  même  dans  leur  langue 
„  un  feul    terme    pour   exprimer    Dieu. 
„  Ainfi  il  concluroit  plutôt  de  fa  fuppo- 
M  rition,que  l'Europe  &  l'Amérique  font 
„  deux  Mondes  différens  &  fort  éloignez 
„  l'un  de  l'autre;  qu'il  y  a  des   Etres  fu- 
„  périeurs  ou  des    Dieux  différens,  tout 
„  comme  les  anciens  Grecs  croyoient  que 
>,  trois  Dieux  s'étoient  partagez  entr'eux 
„  l'Empire  de  l'Univers  ;  Japi^^ravoitfous 
„  lui  les  Cieux&  la  Terre,  ^^/?/)^M?2^  la  Mer, 
,,  &  Pluton  l'Enfer,  ou  le  lejour  des  Ames 
,,  fcparces  des  corps. 

L'autre  argument  que  le  Déîfte  avance 
en  faveur  de  l'Unité  d'un  Dieu,  c'efl  que 

E  5  s'il 


74B1BL10THEQUE  Britannique, 
s'il  y  en  avoic  pluiieurs ,  ils  feroient  tous 
parfaitement  inutiles,  à  l'exception  d'un 
feul ,  puifqu'un  feul  auroit  en  lui  toute  la 
puiflance,  toute  la  fagelTe  &  toute  la  bon- 
té néceiTaires  pour  créer  &  conduire  cet 
Univers,  &  qu'il  n'en  faut  pas  davanta- 
ge.    Mais  outre  que  cet  argument  n'eft 
gueres  plus  fimple  que  le  précèdent,  il  y 
a  tout  lieu  de  douter,  que  11  on  le  propo- 
foit  à  un Hottentot^  ou  à  un  Iroquois,'û  en 
fût  fort  touché, beaucoup  moins  peut-on 
fuppofer  qu'il  le  trouvât  de  lui-même  (Se 
par'  fa  feule  réflexion.    Le   Poîythéifmc 
a   été    univerfellement    établi  parmi  les 
Payens  ;  6i  fi  quelques  Philofophes  ont  pa- 
ru croire  l'Unité  de  Dieu,  ce  n'a  é:é  que 
dans   la   fpéculation,   car  dans   la  prati- 
que ils  fe  font  toujours   conformez  à  la 
Religion  de  leur  païs.   Il  eil  même  à  re- 
marquer contre  l'argument  de  Mr.  Clar- 
ke,  que  bien  loin  que  l'harmonie  qui  rè- 
gne entre  les  diverfes  parties  de  cet  Uni- 
vers, ait  fait  conclure  aux   hommes  qu'il 
n'y  avoit  qu'un  Dieu,  la  variété  qu'ils  y 
ont  obfervée  les  a  conduits  à  croire  qu'il 
y  en  avoit  plufieurs,  dont  chacun  avoic 
le  gouvernement  d'une  partie  des  Cieux, 
de  la  Terre,  de  l'Eau,  de  l'Air,  &c.    Ec 
il  n'eft  pas  moins  certain ,  que  c'ePc  enco- 
re aujourd'hui  la  manière  de  raifonner  & 
la  croyance  des  peuples  qui  ne  connoif- 
fent  po"int  l'Evangi'e.  L'opmicn  des  deux 
Principes  ne  doit-elle  pas  fon  origine  aux 

eiforts 


Avril,  Mai  et  Juin.  1730.  75 
efforts  que  les  Philofophes  ont  fait  pour 
rendre  raifon  du  Mal  phyfique  &  moral  ; 
&  n'a-t-elle  pas  régné  durant  plu(ieurs  fié- 
cles  dans  tout  l'Orient  ?  La  plupart  des 
Sauvages  dejrAfrique  &  de  TAmérique ,  qui 
facrifient  au  Diable  plutôt  qu'à  Dieu,  ou 
qui  redoutent  davantage  le  pouvoir  des 
Etres  malins,  qu'ils  regardent  comme  la 
première  caufe  de  tous  leurs  malheurs , 
&  qui  font  plus  attentifs  à  appaifer  leur 
colère  qu'à  fe  procurer  la  faveur  de  l'E- 
tre, ou  des  Etres  bons, auxquels  ils  attri- 
buent leurs  heureux  fuccès ,  ne  font-ils 
pas  dans  un  fentiment  fort  approchant? 
Et  ne  paroît-il  pas  vifiblement  par -là, 
que  leur  Raifon  ne  fçauroit  s'élever  d'el- 
le-même à  la  connoiflance  de  l'Unité  de 
Dieu? 

L'autre  Article  que  nous  avons  deffein 
de  toucher  ,  regarde  le  devoir  de  la  Re- 
pentance  néceflaire  pour  appaifer  Dieu, 
&  la  perfuafion  que  Dieu  veut  bien  par- 
donner aux  hommes,  moyennant  cette  Re- 
pentance.  Comment  les  peuples  donc 
nous  venons  de  parler,  pourroient-iîs  fe 
convaincre  qu'ils  ont  péché  contre  Dieu? 
eux  qui  n'ont  pas  d'idée  de  l'Unité  de 
Dieu  &  de  fa  Providence,  &  qui  font  (i 
mal  inftruits  de  leurs  devoirs,  qu'ils  ne 
fçavent  ce  que  c'eft  que  le  péché.  Mais 
quand  ils  feroient  capables  de  parvenir  à 
ce  degré  de  connoiflance ,  ou  à  cette  con- 
vie- 


76  Bibliothèque  Britannique, 
vidtion  intérieure ,  qu'ils  ontoffenfé  Dieu  ; 
comment  fçauront-ils  que  le  feul  moyen 
de  l'appaifer,  efb  de  fe  repentir,  c'eft-à- 
dire  d'être  pénétré  de  douleur  à  la  \ù'é 
de  fes  fautes ,  &  de  s'en  corriger  ?  Si  quel- 
ques Philofophes  Payens  ont  parlé  de  la 
RepentancejCOmme  d'un  devoir  impofé  à 
l'homme,  -ce  devoir  n'en  a  pas  été  plus 
connu  ni  ijiieux  pratiqué ,  &  on  ne  l'a  ja- 
mais enviîagé  comme  un  moyen  de  fe  ren- 
dre la  Divinité  favorable,  pîiifque  les  Na- 
tions les  plus  polies  &  les  Philofophes 
€ux-mêmes,ont  conftamment  employé  dans 
cette  vûë  des  Sacrifices  de  toute  efpece. 
Les  Hiftoriens  Efpagnols  nous  appren- 
nent, que  lorfqu'on  fit  la  découverte  du 
Mexique ,  les  habitans  qui  avoient  con- 
fervé  quelque  fentiment  de  Religion,  a- 
voient  coutume  d'offrir  à  leurs  Idoles  la 
plus  belle  fille  qu'ils  pouvoient  trouver  , 
quand  ils  croyoîent  que  leurs  Dieux  é- 
toient  irritez  contre  eux  ;  ils  penfoient 
fort  peu  à  les  appaifer  par  la  Repentan- 
ce  &  par  la  reformation  de  leurs  mœurs. 
Si  parmi  les  Chrétiens  mêmes  il  fe  trou- 
ve des  î^ns  <Sc  en  grand  nombre,  comme 
dans  rËglife  Romaine,  qui  croyent  ex- 
pier leurs  péchez  par  des  offrandes,  des 
pèlerinages  ,  des  macérations  &  autres 
chofes  de  cette  nature  ,  peut  -  on  s'ima- 
giner, que  des  Sauvages  qui  n'ont  aucun 
des    fecours  pour    cultiver  leur   Raifon 

def. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.     77 
defquels  les  premiers  jouïflent,  foient  en 
état  de  fe  convaincre  que  la  Repentance 
cil  le  feul  moyen  de  fe  rendre  la  Divinité 
favorable  ? 

Mais  quand  leur  Raifonpourroit  attein- 
dre jufques-là,  les    ailurera- 1- elle  que 
Dieu  eft  difpofé  à  les  recevoir  en  grâce , 
&  à  leur  procurer  un  bonheur  parfait  fous 
cette  condition?  La  Repentance efl  nécef- 
faire  du  côté  du  pécheur,  mais  donne-t- 
elle quelque  droit  au  pardon    de  la  parc 
de  Dieu?  Eft -ce  une  réparation  fuffifan- 
te  de  l'injure  faite  à  la  Loi  <5c  à  celui  qui 
Fa  donnée  ?  En   qualité  de  fouverain  Lé- 
giflateur  ,  &  pour  maintenir  Tautorité  de 
Ion  Gouver>iem.ent ,  Dieu  ne  doit-il  pas 
punir  les  coupables?  Et  fi  l'on  conçoit 
qu'il  peut  quelquefois  pardonner  fans  châ- 
timent, ne  conçoit -on  pas  aufTi^  que  le 
bon  ordre  exige  qu'il   fafle  de   tems   en 
tems  des  exemples  de  févérité,  afin  d'in- 
timider les  pécheurs  &  de  les  retenir  dans 
leur  devoir?  N'eft-ce  pas  ce  qui  fe  pra- 
tique tous  les  jours    dans  les  Gouverne- 
mens  humains  ;  &  ne  font -ce  pas-là  les 
premières  idées  qui  fe  préfentent  à  Tef- 
prit ,  quand  on  refléchit  fur  ce  fujet  ?  L*o- 
béilfance  qui  fuit  la  faute ,  peut  -  elle  la  ré- 
parer? N'eft-elle  pas  duc  tout  comme  û 
l'on  n'avoit  jamais  péché  ?  &  le   Pécheur 
n'a-t-il  pas  toujours  également  fujet   de 
craindre  qu'il  ne  pon€  la  peine  de  fon 
crime  ? 


78  Bibliothèque  Britanniquf, 

A  la  vérité  quand  il  refléchit  fur  la  bon- 
té de  Dieu ,  il  peut   concevoir  quelque 
efpérance  de  pardon,  ou  en  tout,  ou  en 
partie,  ou  dans  ce  monde,  ou  dans  l'au- 
tre ;  mais  cela  efl:  encore  fort  incertain. 
Car  comme  le  dit  très -bien  le  Dodteur 
Clarke  dans  un  de  Tes  Sermons  pofthumes , 
qu'on  cite  à   cette   occafion  *:  Nous  def- 
cendons  d'un  Père  coupable  ,  ^  nous  fnmmes 
nous-mêmes  aàuellement  Pécheurs  ;  ainjî  nous 
ne  fçaurions  être  tout  au  plus  que  des  Péni^ 
tens-très  imparfaits ,  âf  qui  méritent  très-peu 
de  cboj'e ,  ô'  les  plus  grands  efforts  de  Repen- 
tance  dont  nous  /oyons  capables ,  ne  peuvent 
tout  nu  plus  que  nous  donner  lieu   d'efpérer 
que  Dieu  nous  remettra  une  partie  de  la  pei- 
ne que  nous  avions  encourue^  mais  non  pas 
qu'il  nous  accordera  quelque  recompenje.  Sup- 
pofé  qu'un  Payen  pût  venir  à  bout  de  fe 
perfuader   que  Dieu  lui   pardonnera   Tes 
péchez  précedens  fous  la  condition  d'une 
lincere  Repentance,  fa  Raifon  lui  appren- 
dra-t-elle,  qu'il  lui  pardonnera  encore  s'il 
retombe  dans  les  mêmes  fautes  ;  qu'il  lui 
pardonnera  tous  les  jours ,  quoiqu'il  pè- 
che contre  fes  lumières  &  malgré  les  vœux 
les  plus  formels  ;  qu'il  lui  pardonnera  juf- 
qj*à  la  fin  de   fa  vie,  &    qu*il  ne  le  fera 
point  paffer, après  fa  mort,  par  des  fouf- 
frances  delbnees  à  expier  fes  crimes  &  à 
le  purifier  tout  enfemble  ?  Sa  Raifon  l'af- 

furc- 
<f  Tom.  II.  Serm.  IX.  p.  ip8. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  79 
furera-t-clle  même,  que  vu  l'imperfec- 
tion de  fa  Repentance,  Dieu  ne  le  place- 
ra point,  au  Ibrtir  de  ce  monde,  dans  un 
nouvel  état  d'épreuve ,  &  que  pour  cet 
effet  il  ne  l'envoyera  point  animer  un  au- 
tre Corps?  L'opinion  d'un  Purgatoire 
après  cette  vie,  eft  une  opinion  ancienne 
parmi  les  Philofophes  du  Paganifme,  ôc 
un  dogme  favori  de  l'Eglife  Romaine.  P/a- 
ton  ditexpreflement,  que  les  âmes  de  ceux 
dont  la  conduite  a  été  mêlée  de  bien  6*  de 
mal,  vont  dans  VAcheron^  pour  y  être  net- 
toyées ^  purifiées ,  £^  qu'en  fuite  elles  reçois 
vent  la  recompenfe  de  leurs  bonnes  œuvres  *. 
La  do^rine  de  la  Métempfycofe  ,  ou  du 
paflage  des  Ames  d'un  corps  dans  un  au- 
tre, eft  aulîi  très-ancienne,  &  a  été  gé- 
néralement crue.  On  la  trouve  claire- 
ment énoncée  dans  Virgile  ,  dans  Ovide 
&  dans  Liicain,  dont  on  cite  ici  au  long 
des  paflages  fur  ce  fujet.  Et  Céfar  nous 
apprend,  que  c'étoit  auOi  l'opinion  des 
Druides  dans  la  Bretagne  f .  C'étoit  celle 
des  anciens  Bracbmanes ,  &  c'eft  encore 
aujourd'hui  celle  des  Bramines ,  leurs  fuc- 
celTeurs,  dans  le  Malabar.  Eft -il  croya- 
ble que  les  Sauvages  de  l'Afrique  &  de 
l'Amérique  puifTent  avoir  à  cet  égard  de 
plus  faines  idées,  &  parvenir  fur  ces  di- 
vers 

♦  Dans  Ton  Phedo. 

t  Lib.  VI,  de  Bell.  Gall. 


SoBiBLIOTHEQUE  B  R  IT  ANNIQ'UE, 

vers  articles  à  une  plus  grande  certitude? 
Ou  plutôt  le  contraire  n'eft-il  pas  mani- 
fclle  ?  Et  tout  ce  qu'on  vient  de  dire ,  ne 
prouve-t-il  pas  avec  la  dernière  évidence, 
quMl  n'y  a  qu'une  Révélation  exprefle  qui 
puifie  Tuffifamment  éclairer  &  tranquilliler 
les  hommes  îà-delTus? 

Après  que  les  deux  Tenans  de  la  Dif- 
pute  ont  fini ,  le  Modérateur  refume  en 
peu  de  mots  ce  qu'ils  ont  dit  de  plus  ef- 
léntiel ,  &  puis  il  donne  Ton  propre  ju- 
gement en  fept  Propoiitions ,  dont  voici 
la  fubftance. 

I.  Dieu  n'a  jamais  pardonné,  ni  ne  par- 
donnera jamais  aux  hommes  fur  la  terre, 
que  pour  l'amour  &  en  confideration  de 
Jefus-Chrift  fon  fils;  enforte  que  fi  les 
Payens  font  fauvez ,  ce  ne  peut  être  qu'en 
vertu  de  la  mort  de  ce  divin  Sauveur.  Il 
Tiy  a  point  de  falut  en  aucun  autre;  car 
nul  autre  nom  fous  le  Ciel  n'a  été  donné  aux 
hommes  par  lequel  nous  puijfwns  être  fau- 
vez. *. 

II.  Quiconque  vit  dans  les  lieux  où 
l'Evangile  efl  connu  &  prêché  purement, 
&  néanmoins  refufe  jufques  à  fa  mort  d'y 
ajouter  foi,  ne  fçauroit  être  fauve,  fui- 
vant  les  déclarations  de  Jefus-Cbrift  lui- 
même  ,  l'Auteur  de  cet  Evangile  :  Ce/ui  qui 
ne  croira  point  fera  condawii  t>  Si  vous  ne 

croyez 

*  Aa.  IV.  12. 

t  ^larc.  XVI.  15. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  St 
croyez  que  c'ejl  moi,  c.-k-d,  que  je  fuis 
véricablemenc  le  MelTie  ,  vcus  mourrez  dam 
vos  péchez  *. 

1 1  1.  Quoique  l'EvangUe  &  la  nature 
même  de  la  chofe,  ne  nous  permettent: 
pas  de  croire  qu'aucun  homme  puifle  être 
iauvé  qu'en  vertu  de  la  mort  de  Jefus- 
Chrid,  &  que  ceux  qui  rejettent  volon- 
tairement C\  finalement  fa  dodtrine,  lorf- 
qu'elle  leur  eft  clairement  annoncée, puif- 
fent  avoir  part  à  la  faveur  de  Dieu;  ce- 
pendant l'on  ne  fçauroit  douter  qu'il  n'y 
ait  eu  plufieurs  perfonnes  actuellement 
fauvées  fans  avoir  cru  en  Jefus- Chrift, 
parce  qu'elles  n'en  avoient  jamais  ouV 
parler ,  de  qu'elles  ne  pouvoient  par  con- 
fequent  avoir  aucune  idée  de  fa  mort, 
comme  d'un  facrifice  expiatoire.  Tels 
étoient  les  premiers  defcendans  de  Noé , 
un  Abimeîecb  Roi  des  PbiliJtiîUi  un  Mil- 
chifedec  Roi  de  Salem;  un  Job  &  fes  qua- 
tre Amis ,  &c.  Il  faut  porter  le  même 
jugement  charitable  de  plufieurs  Payens 
qui  ont  vécu  avant  &  après  la  maniféfla- 
tion  de  l'Evangile.  Car  Ton  ne  fçauroit , 
fans  faire  injure  à  Dieu  ,  fuppofer  qu'ils 
ayent  été  exclus  du  falut ,  uniquem.ent  pour 
n'avoir  pas  ajouté  foi  h  une  doctrine  donc 
ils  n'ont  point  ouï  parler,  &  dont  il  é^oic 
rnême  moralement  impcffible  qu'ils  fùC- 
fent  inftruits. 

IV.  S*il 

*  Jean  VIIL  24. 

TomeXIIL  Part.L  F 


82  Bibliothèque  Britannique, 

IV.  S'il  y  a  des  Payens  qui  foienc  fau- 
v^ez  fans  la  connoiOance  adluelle  de  Je- 
fus-Chrift-,  oufans  une  Révélation  divine, 
on  peut  aûurer ,  que  ce  n'eft  qu'autant 
qu'ils  croyexit  les  grands  principes  de  la 
Religion  Naturelle,  &  qu'ils  en  obfervent 
l.^s  devoirs. 

V.  Mais  coniîT.e  tous  les  Articles  de 
cette  Religion  qu'on  a  décrics  ci -devant, 
fe  déduilent  de  !a  fimpîe  confiderationde 
la  nature  de  Dieu,  de  celle  de  l'homme 
dans  l'état  ou  il  'eft  aujourd'hui ,  &  des 
relations  oii  il  e{t,foit  avec  Dieu,  foit  a- 
vec  Tes  femblables  ;  &  comme  ces  Arti- 
cles ont  entre  eux  une  telle  liaifon,  qu'ils 
peuvent  être,  &  qu'ils  ont  efFeQivemenc 
été  réduits  en  fyPiême  par  la  force  de  la 
raifon  de  quelques  Chrétiens ,  ce  n'eft 
pas  une  chofe  abfolument  impolTible  de 
fa  nature,  que  des  gens  qui  n'ont  jamais 
ouï  parler  de  l'Evangile,  les  découvrent  & 
les  réduifent  aufii  en  fyftéme,  en  faifant 
ufage  de  leur  Raifon ,  quoiqu'il  faille  re- 
con'noîcre  qu'il  eft  beaucoup  plus  facile 
pour  unChrcLienque  pour  un  Payen,  d'en 
venir  à  bout. 

VI.  Si  même  i!  y  a  des  peuples  entiers, 
comme  les  Sauva^^es  de  l'Afrique  &  de 
l'Amérique, qui  n'ont  prefque  aucune  idée 
de  Religion,  &  s'il  s'eil  à  peine  trouvé  un 
feul  Philofophe  Payen  qui  ait  eu  une 
connoiffance  claire  d'un  fyftême  de  Reli- 
gion Naturelle,  tel  que  celui  qu'on  a  d'a- 
bord 


Avril,  Mai  et  jaiN.  1739.  83 
bord  expofé  en  peu  de  mots;  il  ne  s'en- 
fuit  nullement,  que  la  Raifon  ne  foit  pas 
fuffifante  pour  y  conduire  les  hommes. 
Une  perfonne  endormie  ou  yvre  ne  laifle 
pas  d'être  une  créature  raifonnable,  quoi- 
qu'elle ne  fafle  pas  aéluellement  ufage  de 
fa  Raifon.  Elle  a  au  dedans  d'elle  le  prin- 
cipe de  la  réflexion ,  ou  la  faculté  de  rai- 
fonner,  &  dès  qu'elle  fera  reveillée  ou 
délivrée  de  fonyvrelTe,  elle  fe  fervira  de 
cette  faculté ,  elle  agira  confequemmenr. 
Les  Sauvages  de  l'Afrique  &  de  l'Améri- 
que font  comme  des  gens  endormis  ou 
yvres;maisfi,  par  quelque  heureufe  ren- 
contre, ils  pouvoient  être  reveillez  , rap- 
peliez à  la  Raifon  ,  guéris  de  leurs  préju- 
gez ,de  leurs  palTions  &  de  leui's  mauvai- 
fes  coutumes,  il  e(l  très-poffîble  qu'ils 
vînlTent  à  bout  de  fe  faire  un  fyftéme  rai- 
fonnable  de  Religion. 

VII.  Cepeadant ,  puifqu'une  trille  expé- 
rience  prouve  qu'il  n'y  a  eu  qu'un  très- 
petit  nombre  de  perfo'nnes ,  même  par- 
mi les  Payens  les  plus  civilifez  &  les  plus 
fages ,  dont  la  Raifon  foit  allée  jufques-ià 
par  fes  feules  forces,  &  qu'il  fe  trouve 
des  peuples  entiers  qui  ont  à  peine  quel- 
que idée  de  Religion  ;  il  s'enfuit  manî- 
fertement,  que  là  Suffifance  de  la  Raifort 
pour  y  conduire  les  hommes,  eft  une  Suf- 
fifance  de  pure  fpécuîation  y  qui  n'a  point  ou 
très -peu  d'influence  dans  la  pratique:  de 
forte  qu'il  n'y  a  peut-être  pas  chez   ce?î 

F  2  mi- 


g4  Bibliothèque  Britannique, 
miferables  peuples  un  homme  en  dix-mil- 
le ,  qui  en  fente  l'efficace  ,  au  point  d'ap- 
percevoir  les  principes  même  les  plus  na- 
turels. Ainfi ,  quoique  la  Raifon  foit  de 
Ja  nature  fuffifante  pour  cela,  elle  ne  rell 
point  réellement  6f  de  fait;  enforte  qu'il 
faut  nécelTairement  quelque  autre  moyen , 
qui  ne  peut  être  qu'une  Révélation  célef- 
te,  pour  fuppléer  à  ce  défaut. 

Dans  le  fécond  de  ces  Dialogues  Ton 
difcute  l'autre  partie  de  la  (^ueltion  pro- 
pofée,  qui  eft,  de  fçavoir  lî  la  Raifon  tou- 
te feule  peut  fournir  à  l'homme  des  mo- 
tifs fuffifans  pour  le  porter  à  la  pratique 
de  fes  devoirs,  &  le  conduire  par  ce 
moyen  à  la  félicité.  L'excellence  natu- 
relle de  la  Vertu ,  les  Peines  &  les  Re- 
compenfes d'une  autre  Vie,  fourniffent  fans 
doute  des  motifs  capables  de  nous  déter- 
miner au  bien:  mais  la  Raifon  découvre- 
t-elle  ces  motifs  à  tous  les  hommes  ?  Ou 
du  moins  les  leur  découvre -c- elle  avec 
cefte  évidence  néceflaire  pour  les  tou- 
cher? On  a  fait  voir  auparavant  que  non, 
fur-tout  par  rapport  aux  Sauvages  de  l'A- 
frique &  de  TAmérique.  En  particulier 
le  dogme  des  Peines  èc  des  Recompenfes 
à  venir ,  e(t-il  fi  bien  établi  par  les  feules 
lumières  de  la  Raifon,  qu'on  ne  puiiTe  pas 
en  douter?  Tout  ce  à  quoi  l'efprit  hu- 
main, abandonné  à  lui-même  ,  peut  s'éle- 
ver fur  ce  fujet,  fe  réduit  à  une  grande 
probabilité.    Car  après  tout,  Dieu  ne  pour- 

roit* 


Avril,  Mai  et  Juin.  1759.  S^ 
roit-il  pas  anéantir  nos  âmes?  Et  quelle 
proportion  y  a-t-il  entre  une  vertu  aulîi 
imparfaite  que  la  nôtre,  &  une  éternité 
de  bonheur  après  la  mort?  Cependant  ce 
font -là  tous  les  motifs  que  la  Raifon  mê- 
me la  mieux  cultivée  peut  fournir  ,  au 
lieu  que  la  Révélation  y  en  ajoute  plu- 
fleurs  autres  très  -  efficaces ,  &  propofe 
ceux-ci  même  avec  une  clarté  &  une 
évidence  qui  perfuadent.  Cefl  l'Evangi- 
le qui  met  dans  tout  fon  jour  la  beauté 
de  la  Vertu,  la  laideur  du  Vice,  les  heu- 
reufes  fuites  de  Tune ,  &  les  funeftes  ef- 
fets de  l'autre  ;  qui  nous  donne  une  plei- 
ne certitude  de  l'immortalité  de  l'ame , 
de  la  Réfurredlion  du  corps  ,  du  Jugement 
à  venir  ,  des  Peines  5c  des  Recompenfe» 
éternelles;  qui  tire  du  myitère  de  notre 
Rédemption  les  motifs  les  plus  forts  pour 
nous  porter  à  bien  vivre  ;  qui  nous  expo- 
fe ,  dans  la  même  vûë,  l'exemple  des  Saints , 
des  Martyrs,  &  fur -tout  celui  de  Jefus- 
Chrift  ,  l'Auteur  de  cet  Evangile  &  le  mo- 
dèle de  vertu  le  plus  parfait  qu'il  foie 
polTible  de  concevoir;  &  qui  enfin,  pour 
nous  y  déterminer  plus  efficacement  en- 
core, nous  promet  un  fecours  furnaturel, 
une  grâce  fanftifiante  qui  fuppléera  à  no- 
tre fcibleffe  naturelle.  La  Raifon  ne  fait 
rien  de  femblable  ;  &  fi ,  malgré  des  mo- 
tifs fi  puiflans  &  en  fi  grand  nombre ,  on 
voit  tous  les  jours  une  infinité  de  Chré- 
tiens s'abandonner  au  Vice  ,  efi:-il  croya- 

F  3  ble 


S6  Bibliothèque  Britannique, 

ble  qu'elle  ait  aflez  de  force  pour  porter 
ceux  qui  n'ont  point  d'autre  guide,  &  fur- 
tout  les  Sauvages  de  l'Afrique  &  'de  l'A- 
mérique, à  fuivre  les  règles  de  Vertu  qu'el- 
le préfcrit  ? 

Cette  dernière  réflexion  donne  lieu  à 
uiie  objedtion  ;  c*eft  qu'on  peut  tout  aufli- 
bien  conclure  de  la  mauvaife  conduite 
des  Chrétiens,  que  la  Révélation  efl  in- 
Juffifanté ,  que  de  conclure  des  défordres 
affreux  des  Payens ,  que  la  Raifon  eft  in- 
Juffi farde.  Mais  on  répond  :  i.  Que  cela 
îl'empéche  pas  que  la  Révélation  ne  l'em- 
porte de  beaucoup  fur  la  Raifon ,  puifque, 
comme  on  vient  de  le  voir ,  les  motifs 
qu'elle  propofe  font  incomparablement 
plus  puiflans  &  en  plus  grand  nombre  ; 
enforte  que  fi  ceux  que  la  Raifon  bien 
cultivée  peut  fournir,  peuvent  être  regar- 
dez commQ  fuffifans  pour  furmonter  tou- 
tes les  tentations  au  mal ,  ceux  que  la 
Révélation  nous  offre,  doivent  être  d'au- 
îant  plus  fiiffi/ans  qn'ih  l'emportent  davan- 
tage ,  &  en  nombre  &  en  force.  D'un  au- 
tre côté,  il  ces  derniers  motifs,  malgré 
leur  nombre  &  leur  force,  fe  trouvent 
inefficaces  par  rapport  à  la  plupart  de  ceux 
qui  en  font  inftruits,  n'efl-il  pas  mani- 
fefle  que  les  motifs  de  la  Raifon  ,  aban- 
donnée à  elle-même,  lefquels  font,  & 
beaucoup  plus  foibles,  &en  beaucoup  plus 
petit  nombre  ,  doivent  être  fort  injufifans 
en  comparaifon  ?  En  fécond  lieu ,  il  y  a 

eu 


Avril,  Mai  ft  Juin.  1739.     557 
eu  dars   tous  les  ficcics  de  l'Eglife  une 
multitude  de  Chrétiens,  que  les  motifs  ti- 
rez de  TEvangile   ont  porté  à  renoncer 
au    Vice  ù.  d.  s'attacher  à  la  Vertu,  fur- 
tout  lorfque  la  lumière  de  cet  Evangile  a 
brillé  dans  toute  fa  pureté.  Mais  a-c-on 
jamais  vu   parmi  les  Nations  Payennes, 
même  les  plus  civihlees,  un  nombre  tant 
foit  peu  confiderable  de  véritables  gens 
de  bien?  S'il  faut  en  croire  Diogene  Laer- 
ce  (Se  d'autres  anciens  Auteurs,  la  plupart 
desPhiloibphes  les  pi  us  renommez  étoienc 
efclaves  des  vices  les  plus  honteux.     Et 
quand  il  fe  feroit  bien  trouvé  de  tems  en 
tems  quelque  homm.e  réellement  vertueux , 
cela  pourroit-il  être  mis  en  comparaifon 
avec  le  nombre  des    vrais  Chrétiens  dans 
tous  les  tems  &  dans  tous  les  lieux? L'Au- 
teur croit  qu'aujourd'hui  même,  dans  la 
Grande-Bretagne ,  il  y  en  a  cinquante,  con- 
tre un  honnête  Payen  dans  le  iiécle  d'Au- 
guO:e;en  quoi  il  f^iit  beaucoup  d'honneur 
«î  fa  Nation.     Et  que  fera- ce  ,  fi  Ton  fe 
tranfporte  parmi  les  Hottentots  ou  les  Iro- 
quois?  S'y  trouvera -t-il  bien  un  homme 
de  probité,  contre  plufieurs  milliers  qu'il 
s'en  rencontrera  dans  cette  Tfle? 

Mais,  dit  le  Déifte ,  il  fuit  de  ce  cal- 
cul ,  que  les  motifs  de  la  Raifon  ne  font 
pas  abfolument  infuffijans  ,  puifqu'on  ac- 
corde qu'ils  ont  eu  allez  de  force  pour 
engager  quelques  Payons  à  bien  vivre; 
<3c  s'ils  ont  été  fuffifans  par  rapport  à  un 

F  4  petit 


^^8  Bibliothèque  Britannique, 
petit  nombre  d'hommes  ,  quelque  petit 
qu'on  le  fuppofe,  pourquoi  ne  le  feroient- 
ils  pas  par  rapport  à  tous  les  hommes, 
vu  qu'ils  ont  tous  les  mêmes  facultez  na- 
turelles ?  Rien  n'efl  moins  jufte  que  cette 
confequence,  répond  le  Théologien;  c'elt 
tout  comme  fi  Ion  difoit,  la  Ra^ifon  a  été 
Juffifante  dans  un  Euclide  pour  inventer  un 
beau  fyftême  de  Propojitions  Géométriques , 
dans  un  Locke  pour  écrire  un  excellent 
Effai  fur r Entendement  Humain,  &  dans  un 
Virgile  pour  compofer  un  admirable  Poè- 
me Héroïque  :  donc  elle  eft  fiiffifante  chez 
tous  les  hommes  pour  les  mectre  en  état 
de  publier  de  pareils  Ouvrages.  Q^ui  ne 
voie  le  ridicule  de  cette  conclufion?  Tous 
les  hommes  peuvent-ils  être  des  EucUdes  , 
des  Lockes ,  ou  des  VirgiUsl  II  s'agit  ici, 
comme  on  l'a  établi  dès  le  comimcnce- 
ment ,  d'une  Siiffifance  qui  regarde ,  non  un 
petit  nomibre  d'hommes  privilégiez  ^  mais 
tous  les  hommes  indifféremment  ;  &  de 
ce  qu'il  s'efl  trouvé ,  ou  qu'il  fe  trouve 
peut-être  encore, parmi  lesPayens  quel- 
ques perfonnes  qui  vivent  conform^ément 
à  la  Raifonjilne  s'enfuit  pas, que  laRai- 
fon  ait  afiez  de  force  par  elle-même ,  pour 
les  porter  tous ,  fans  diltinêlion ,  à  la  prati- 
que de  la  vertu.  D'ailleurs,  il  y  a  bien 
de  l'apparence,  que  ceux  d'entre  les  Payens 
qui  en  ont  fuivi  les  règles  ,  ont  eu  quel- 
que commerce  directement  ou  indireête- 
ment  avec  les  Juifs  ou  avecles  Chrétiens , 

ou 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  89 
ou  quelques  idées  de  la  Révélation  par 
le  moyen  de  la  Tradition.  Car  l'on  peuc 
juftement  douter ,  fi ,  fans  un  fecours  exté- 
rieur de  cette  nature  ,  il  y  a  jamais  eu 
dhomme  véritablement  pieux  ,  &  fi  l'on 
examine  les  exemples  des  perfonnes  de  ce 
caractère  dans  le  Paganifme  dont  l'Hif- 
toire  fainte  ou  profane  fait  mention, l'on 
verra  qu'ils  ont  en  effet  plus  ou  moins 
joui  de  ce  fecours. 

Il  paroît  par  tout  ce  qu'on  vient  de  di- 
re, que  la  Q^aeftion  propofée  doit  fe  dé- 
cider de  la  même  manière  que  la  précé- 
dente ;  c'eft-à  dire  que  la  Raifon  eft  bien 
Juffifante  de  fa  nature  ,  âf  abfohimenî  parlant , 
pour  porter ,  du  moins  jufques  à  un  cer- 
tain point ,  les  hommes  à  la  Vertu  ;  mais 
ce  n'efl  qu'une  Suffifance  idéale  ^  de  pure 
fpéculation ,  car  dans  la  pratique  elle  eft 
réellement  infujfifanie  :  l'expérience  prouve, 
qu'il  n'y  a  que  les  motifs  tirez  de  la  Ré- 
vélation qui  puifient  nous  déterminer  ef- 
ficacement à  bien  vivre.  Je  ne  fçais  fi  cet- 
te diftinQion  plaira  également  a  tous  les 
Théologiens  ,•  mais  l'Auteur  fe  flatte  de 
pouvoir  terminer  par  ce  moyen  toutes 
les  difputes  qui  fe  font  élevées  fur  cette 
matière,  s'imaginant  que  ceux  qui,  com- 
me Mr.  l'Evêque  de  Londres  *  ôc   le  feu 

Dr, 

*  Dans  fes  Lettres  Pajlorale^ 


90  Bibliothèque  Britannique, 

Dr.  Clarke  *^  ont  foutenu  que  la  Raifon 
n'étoic  pas  fuffifante  pour  conduire  les 
hommes  à  la  Religion  ,  &  par  la  Religion 
au  Bonheur  d'une  autre  Wïq  ,  ont  voulu 
parler  d'une  Sufîfance  actuelle  ^  de  prati- 
que-^ &  que  ceux  au  contraire  qui  ont 
prétendu  qu'elle  étoit  fuffifante  pour  cette 
fin,  ont  voulu  parler  d'une  Suffifance  na- 
turelle ^  éloignée  èf  abjlraite.  Seulement  il 
auroit  été  à  fouhaiter  qu'ils  fe  fulTent  ex- 
pliquez comme  on  vient  de  le  faire ,  & 
cela  auroit  prévenu  toutes  les  contefla- 
tions. 

Dans  la  fuite  de  ce  Dialogue ,  Sophro- 
niuSi  le  Modérateur  de  la  Difpute,  jufti- 
fie  par  PHiftoire  ancienne  &  moderne  ce 
que  l'on  a  établi  touchant  l'Infuffifancede 
la  Raifon  dans  la  pratique.  Il  décrit  au 
long  les  Idées  &  les  Coutumes  de  plufieurs 
Nations  Payennes  en  matière  de  Religion, 
&  il  fait  vo'ir  que  rien  n'eft  plus  oppofé 
à  la  faine  Raifon,  rien  plus  extravagant 
6i  plus  abominable.  Il  commence  par 
les  Sauvages  de  l'Amérique  feptentriona- 
le,  &  ce  qu'il  en  dit  eft  tiré  d'Hennepifi 
&  d'autres  Miiïionaires  qui  ont  écé  long- 
tems  fur  les  lieux.  Il  parle  enfuite  des 
Hottentoîs,   à.  rapporte  ce  qu'on  trouve 

fur 

*  Dans  fon  Traité  de  la  Vérité  de  la  Religion 
Chrétienne. 


Avril,  Mai  et  Juin.   1739.     91 
fur  ce  fujec  dans  VHiJtoire  du  Cap  de  Bon- 
ne-EJpérance  de  Mr.  Kolben ,  donc  nous  a- 
vons  donné  un  Extrait  dans  cette  Biblio- 
thèque *.  Les  Relations  que  nous  avons 
de  la  Nova-Zembla  ,  de  la  Nouvelle  Hollan- 
de &  de  rifle  de  Java  ,  ne  nous  donnent 
pas  une  meilleure   idée  des   habitans  de 
ces  Païs.    En  Europe  même,  les  Laponois, 
&  les  Rujftens  au  Nord  de  la  Mofcovie ,  ne 
font -ils  pas  plongez  dans    l'Idolâtrie  & 
dans  les  fuperltitions  les  plus  honteufes  ? 
Ils  ont  quelque  teinture  de  Chrifl:ianirme , 
mais  leur  Religion  eil  toute  Payenne ,  & 
bien  éloignée  de  les  porter  à  l'a  vertu  ; 
car  ce  font  peut-être  de  tous  les  peuples 
du  monde  les  plus  vicieux  &  les  plus  bru- 
taux.   De -là  l'Auteur  fe  tranfporte  dans 
le  Pérou  &  le  Mexique)^  n'y  trouve  rien 
de  plus  édifiant.    La  Chine ,  toute  civilifée 
qu'elle  efl:,  n'offre  à  fon  examen  qu'Ido- 
lâtrie &  qu'erreurs  groflieres  &  monilrueu- 
fes.     Il  finit  par  VcinciQnnt  Bretagne,  l'an- 
cienne Grèce  &  l'ancienne    Rome  ,   &   iî 
fait  voir  que  les  plus  grands  Philofophes 
même  du  Paganirme,onc  été  dans  l'igno- 
rance en  matière  de  Religion  ,   adonnez 
à  la  fupcrflition  &:  fujets  à  des  défordres 
honteux. 

*  Voyez  les  Tom.  IV.   V.    &  Vî. 


ARTI- 


p2  Bibliothèque  Britannique, 
A  R  T  I  C  L  E    I  V. 

NÎNETEEN  LETTERS  of  the  truly 
Révérend  and  Learned  Henry  HAM- 
MOND  ,  D.  D.  {Author  ofîbe  Anno- 
talions  on  tke  Ne-vo  Tejlament ,  ^c.  ) 
ÎVriîîen  to  Mr.  Peter  Staninough  and 
Dr.  Nathanael  Ingelo  :  many  of  them 
on 'very  curlous  fubjcàs.  Now  firjî  pu- 
hlisbed  from  the  Originals  communicaîed 
by  the  very  Révérend  Mr.  Robert  Marf- 
den,B.  D.  Arcbdeacon  nf  Nottwgham\ 
and  ibe  late  pious  Mr.  Jobn  Worthing- 
ton ,  M.  A.  and  iUiiftrated  'ujiîb  Azo- 
tes ,    By    Francis  PECK,   M.   A. 

^vvayaiyiri  tx  Trep/crguV livrât  yj.xc-^oi» 
rcc^l'vcc  y.>)  t/  cIttÔKy^-çoli,  Joanil.  VI.  12. 
London.  Printed  for  T.  Cûoper ,  at  the 
Globe  in  Pater-nofter-Roiv.  1739.  C'effc- 
à-dire  :  DiX-NhUF  LETTRES  du 
Doreur  Henry  HAMMOND  (  Au^ 
îenr  des  Notes  Jur  le  Nouveau  Tejla- 
ment)  publiées  po'îr  la  première  fois  ^ 
accompagnées  de  Remarques,  par  Fran- 
çois P ÈCK,  MaÙre-èS' Arts,  A  Lon- 
dres. C/;c2;  T.  Cooper ,  ^  l' En  feigne  du 
Globe  dans  Pater -nofîer-Reiv,  1739. 
Oflavo.  Pazcs.  8i. 

SI 


f^ 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.    93 

SI  NOUS  avions  donné  en  François 
le  Ticre  de  cette  Brochure  dans  Ion 
entier,  on  auroic  remarqué  que  le  Col- 
lecteur dCvS  Lettres  de  Hammond  y  a  mis, 
en  forme  de  Sentence  ou  de  Devife,  ces 
paroles  de  l'Evangile  :   RamaJJtz  les  mor- 
ceaux qui  rejicnt ,  afin  que  rien  ne  fe  perde  '■'» 
Les  Anglois  font  fort   dans  le  goût  des 
Sentences  à  la  tête  de  leurs  Livres;  (SceU 
les  y  font  quelquefois  appliquées  fortheu- 
reulèment.    Nous  ne  doutons  pas  qu'on 
ne  mette  celle-ci  au   nombre  de  celles 
dont  l'application  a  quelque  chofe  d'heu- 
reux, par  cela  même  qu'elle  eit  détournée 
&  tout- à- fait  inattendue.   Nous  ne  dou- 
tons pas  même  que  nosLefteurs  ne  trou- 
vent l'applicarion  Julie  &;  raifonnable.  Les 
Lettres  d'un  homme  du  mérite  de  HAM- 
MOND ,  &   d'une  réputation    aulîi  bien 
établie  que  la  Tienne ,  doivent  être  regar- 
dées commue  de  précieux    reftes,  dignes 
d'être  recueillis  <5c  donnez  au  Public.    En 
quoique  dans    ces  fortes   de  Collections 
tout  ne  puifTe  pas  être   également  inté- 
reflant ,    ni   intérelTer  également  tout  le 
inonde,  il  nous  femble  q'u'il  faudroit  tou- 
jours encourager,  &  ceux  qui  les  publient, 
&  ceux  qui  y  contribuent  par  la  commu- 
nication des  Pièces  qu'ils  ont  entre  les 
mams. 

Des 
*  Jean  VI.  12. 


94BrBLioTHEQUE  Britannique, 

Des  dix -neuf  Lettres  annoncées  dans 
le  titre ,  il  y  en  a  dix-  huit  à  Mr.  Pierre 
Staninough,  qui  ont  été  communi- 
quées à  l'Editeur  par  Mr.  Robert  M  A  r  s- 
DEN,  Archidiacre  de  Nottingham,  dont 
le  Père  avoit  époufé  la  Veuve  de  celui  à 
qui  elles  font  iddreirées.  La  dix -neuviè- 
me a  été  communiquée  par  Mr.  Jean 
WoRTHiNGTON,  Maîtrc-ès-Arts, 
qui  eft  mort  depuis  ce  tems-là,  au  mois 
de  Février  ou  de  Mars  1738.  Il  avoit  été 
pendant  quelque  tems  Membre  du  Collè- 
ge de  St.  Pierre  à  Cambridge  ,  après  avoir 
fait  fes  études  dans  la  même  Univerfité 
au  Collège  du  Roi,  où  il  avoit  été  placé 
comme  un  des  Ecoliers  du  Collège  d'E- 
tofi,  nommez  à  cet  effet  par  le  Fice-PreDùt 
de  ce  derni-er  Collège.  Le  Vice -Prévôt, 
par  qui  il  avoit  été  nommé,  &  avec  qui  il 
paroi'c  avoir  été  lié  d'amitié, étoit  le  Doc- 
teur Ncdhanaél  I  ngel  o.  Or  c'eft  à  ce 
même  Dofteur  Ingelo  que  s'addrelTe  la  dix- 
neuvième  Lettre  de  Hammond;&  il  y  efl 
par'é  d'un  Docteur  JVorthington  en  termes 
avantageux,  à  l'occafion  d'un  Livre  qu'il  a- 
voit  publié.  Ce  Worthington  étoit  appa- 
remment le  Père  ,  ou  quelque  proche  Pa- 
rent de  celui  qui  a  communiqué  la  Let- 
tre à  l'Editeur. 

Cette  Lettre  eft  une  des  dernières  cho- 
fcs  que  Hammond  ait  écrites  ;  car  elle  efl: 
datée  du  vingt -fept  de  Alars  ,  mil  fix- 
cens  foixante  ,  ù.  il  mourut  au  mois  d'A- 
vril 


Avril,  Mai  et  Juin.  1735)^.    95 
vril  de  la  même  année,   foit  le  vingt- 
cinq,   comme    le  dit  Wood   dans  VA- 
thenœ  Oxonienfes\  foit  le  vingt-fept,  com- 
me le  marque  Richard  Smith  dans  fon 
Obituaire.    Le  Doâeur  Ingelo  avoit  pu- 
blié des  Sermons  de  fa  façon  ;  il  en  avoit 
envoyé  un  Exemplaire  au  Dodeur  Ham- 
mond  ,  &  il  avoit  accompagné  fon  pré- 
fent   d'une  Lettre.    Celle  de  Hammond 
contient  un   Remercîment  ,  précédé  de 
quelques   politefles  très -obligeantes,  & 
fuivi  de   deux    Obfervations    Critiques , 
dont  la   féconde ,  fondée   fur  un  paflage 
d'KNE'E  de  Gaza,  dans  fon  Dialogue  in- 
titulé Tbéopbrafte,ét3b\ït ,  comme  une  cho- 
fe  fort  probable ,  que  le  Hie'rocles, 
Commentateur  ÛQSf^ers  dorez  de  Pytbagore , 
doit  être  diftingué  duHiE'ROCLES 
contre  qui  Eufebe  a  écrit,  &  qui  s'eft  ren- 
du fameux  par  fa    comparaifon  d^ Apollo- 
nius de  Thyane  avec  Jefus-  Chrift.    On  ne 
fera  pas  fâché  de  trouver  ici  les  princi- 
pales paroles  d'Enée ,  qui  ont  fait  naître  la 
conjedlure  de  Hammond.    'IfpoMXvjç  ^i >  bk 

y.ÛTlCi  ,   âT/ÇOV    'ACtî  T8TO   TrpOfTc'^.VlVtfV* 

La  première  des  dix -huit  Lettres  ad- 
drclTées  à  Mr.  Pierre  Staninough, 
elt  datée  du  dix-feptième  jour  de  Juil- 
let. Cela  ne  nous  apprend,  ni  en  quelle 
année ,  ni  de  quel  lieu  elle  fut  écrite. 
Mais  on  fçait  d'un  côté  ,par  le  témoigna- 


or» 


p6BlBLI0THEQUE  BRITANNIQUE, 

ge  de   îVood ,  que  le  Docteur  Hammond, 
Sous -Doyen  de  rEglife  de  Chrift  à  Ox- 
ford   en    mil    lix- cens    quarante -fepc, 
paila  au  moins  une  partie  de  cette  année 
dans  cette  même  Ville,  ou  il  fut  détenu 
prifonnier  pendant  plufieurs  femaines,  a- 
près    avoir  été   dépoiledé   de   fon    Sous- 
Doyenné  par  les  Vifiteurs  du  Parlement  : 
&  l'on    voit  aflez  clairement  d'un  autre 
côté  ,  par  la  confrontation  de  la  premiè- 
re Lettre  avec  les  deux    fuivantes ,  qu'il 
faut  qu'elle    ait    été   écrite  cette   même 
année  1647.    Il  fut  transféré  de  fa  priibn 
d'Oxford ,  dans  une  autre  prifon  plus  dou- 
ce à  Clapham,  près  de  Bedford,  chez  Mr. 
Philippe  Warwick,  qui  dans  la  fuite  fut 
fait    Chevalier    par  Charles    II.     Ham- 
mond   annonce  ce    changement  dans  fa 
troifième  Lettre,  cornm^  une  chofe  arri- 
vée depuis  la  féconde,  qui    eft  datée  du 
vingt-quatre  de  Juillet,  6c  qui  paroît  ma- 
niféTtement   n'avoir   été  écrite    qu'après 
celle  qui  eft  placée  la  première.    Celle-ci 
ne  peut  donc  pas  être  poftérieure  à  l'an 
1617.:   &  elle  ne  peut   pas  non  plus  y 
être  antérieure.     Hammond  y    parle  en 
termes   qui  fuppofenc  que    Thomas  F  a  r- 
^•  AKi  B ,  Maître  d'une  fameufe  Ecole  de 
Sennok  ou  Se-'cenoak,  dans    le  Comté    de 
Kent ,  homme  connu  dans  les  Pais  étran- 
gers fous   fon    nom   latinifé  depAKNA- 
B I  u  s ,  étoic  déjà  mort  lors  de  cette  pre- 
mière 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  91 
filière  Lettre  :  Et  nous  apprenons  de  IVood, 
que  Farnabius  ne  mourut  que  le  douze 
de  Juin  mil  fix-cens  quarante -fept.  Nos 
Ledeurs  nous  pardonneront  cette  petite 
difcufîîon ,  en  faveur  du  plaifir  qu'il  y  a  à 
fçavoir,  dans  quel  tems  &  dans  quel  lieu 
il  faut  fe  tranfporter,  foit  pour  être  au 
fait  de  ce  qu'on  lit,  ou  pour  en  tirer  quel- 
que lumière  hiHorique.  On  entrevoit 
dans  cette  première  Lettre ,  que  Mr.  Sta- 
ninougli  avoit  été  employé  par  Farnabius 
pour  enfeigner  les  Humanitczdans  Ton  E- 
cole ,  &  qu'il  s'y  étoit  acquis  une  ré- 
putation de  capacité  qui  lui  faifoic  hon- 
neur. 

Il  paroît  par  la  féconde  Lettre,  datée 
du  vingt-quatre  de  Juillet  de  la  même  an- 
née, que  la  Veuve  de  Farnabius  conti- 
nuoit  à  tenir  l'Ecole  du  Défunt,  &  qu'elle 
fouhaitoit  d'y  avoir  Mn  Staninough* 

La  troifième  prouve  ,  qu'il  y  alla  bientôt 
après ,  ^  parle  des  progrès  &  de  la  fa- 
gefle  de  deux  de  fes  Elèves,  dont  l'un 
étoit  François  Farnabius ,  fils  de  Thomas. 
Cette  Lettre  nous  apprend  auiîi ,  que  le 
deux  d'Odlobre,  jour  qu'elle  fut  écrite, 
il  y  avoit  déjà  quelque  tems  que  Hammond 
étoit  à  Clapham  chez  Mr.  Warijoick  ,  & 
qu'il  v  étoit  aflez  en  liberté  ,  quoique  pri- 
fonnièr:  In  a  Kind  of  LIBERA  CUSTO- 
DIA. 

Dans  la  quatrième  Lettre  (qui  indique 
en  termes  vagues  une  interruption  de  Cor- 

TomeXIII.  Part,  L  G  leP 


98   BlIîLIOTHEQUK  BRITANNIQUE, 

refpondance)  le  Doéleur  Hammond  féli* 
cite  Mr.  Staninough  ,  au  fujet  des  agrémens 
qu'il  trouvoic  dans  une  nouvelle  fituation» 
]l  étoit  entré  chez  le  Chevalier  Robert 
Pye  à  Faringdon,  &  l'on  voit  par  une  des 
Lettres  fuivantes,  que  c'étoit  pour  avoic 
foin  de  l'éducation  de  fon  Fils ,  ou  peut- 
être  de  quelque  autre  jeune  Gentilhom- 
me ;  car  cela  n'efl:  pas  bien  déterminé. 

La  cinquième  Lettre  le  complimente 
'fur fon  Ordination,  &  fuppofe  qu'il  con- 
tinuoit  à  être  agréablement  dans  la  mai- 
fon  de  fon  Chevalier.  Elle  ell  datée  du 
deux -de  Juillet,  &  renferme  un  mot,  qui 
infmue  qu'elle  fut  écrite  de  chez  NÎr. 
Wari-o'ch  Si  l'on  peut  inférer  de -là,  que 
le  Docteur  Hammond  y  étoit  encore,  il 
faudra  qu'elle  ait  été  écrite  en  mil  fix , 
cens  quarante -huit;  car  il  n'y  fut  pas  un 
an:  c'eft-là  au  moins  ce  que  fignifient 
naturellement  les  expreffions  de  Wood  ^ 
qui  dit  que  Hammond,  après  avoir  de- 
meuré dans  cette  maifon  plufieurs  mois 
(feveraî  Months  )  fut  à  la  fin  relâché.  Ain- 
û  la  date  de  cette  Lettre  peut  faire  ju- 
ger à -peu -près  en  quel  tems  &  de  quel 
lieu  fut  écrite  la  précédente ,  qui  n'a  ab- 
folument  aucune  date. 

La  lixième  félicite  encore  une  fois  Mr. 
Staninough  fur  fa  fituation,  &  contient 
de  plus ,  quelques  avis  fur  la  méthode  qu'il 
doit  fuivre  avec  fon  Elève.  Cette  Lettre 
e(t  vraifemblablement   de  la  même  année 

que 


Avril,  Mai  et  Juin.  i73y.    s>ù 

que    Ja    précédente.    Elle  eft    datée  du 
vingtième  d'Août. 

Et  depuis  ce  tems-là  on  ne  voit  plus 
ce  qu'efl.  devenu  l'Ami  du  Dod^eur  Ham- 
mond,  julqu'au  trente-&-un  de  Mars  mil 
lix-cens  cinquante -fept,  qui  eft  la  date 
■de  la  feptième  Lettre  ,dont  l'addrefie  por- 
te, ainli  que  celle  des  fuivantes  :A  Augh- 
îon  près  d'Ormkirk  dans  le  Comté  de  Lancaf- 
tre.  Cette  Lettre  confifte  en  quelques  par- 
ticularitez  littéraires.  La  plus  remarquable 
regarde  ïHiftoire  du  Pélagianifme  par  V  o  s- 
sius.  Hammonddit,  que  Richard  Mon- 
taigu  y  Evêque  de  Ncr'wich  f^\ oit  fouvenc 
&cnnfidemment  alîuré^que  cette Hiftoire 
avoit  été  compilée  à  l'aide  des  Recueils 

de  TEvêque  Overall. „  Thac 

„  VoJJlus'  Pel.  Hift.  was  compiled  out  of 
5,  Biftiop  OveraWs  Collerions ,  was  fre- 
■„  quently  and  confidently  affirmed  by  the 
„  late  Bifhop  [Richard']  Montagne  of  AV- 
„  wicb ,  a  great  admirer  of  that  Bifliop. 

La  Lettre  VII L  en  date  du  douze  de 
Juin  mil  fix-cens  cinquante -fept,  of- 
fre d'abord  quelques  par  ticularitez  aflez 
détaillées  qui  tendent  à  prouver,  que  le 
célèbre  Ufher ,  ouL[/7èn'z/j,pîurieurs  années 
avant  fa  mort,  avoit  reconnu  une  Grâce 
Univerfelle,  quoiqu'il  ne  la  reconnût  pas 
égale  pour  tous:  non  ex  ^quo  pro  om- 
nibus. A  propos  de  quoi  Hammond  fe 
rappelle  ces  paroles  de  St.  Maxime  ( -/.-C). 
'xs^t  clyccjvjç  }  Xpi:;o;  viçsp  tt.'^^twv  ES    ISOï, 

G  2  „  Ces 


100  Bibliothèque  Britannique, 

„  Ces  derniers  mots,  dit- il  enfuice, 
„  m'ont  long-tems  embaralTé,  &  je  n'ai 
„  pu  deviner  pourquoi  ils  écoienc-là, 
),  que  lorfque  j'ai  vu  qu'il  y  avoit  quel- 
„  qu'un  qui,  en  convenant  de  Vâzé^avev  uT^p 
i9  TTxvTui-j ,  ne  vouloit  pourtant  pas  con- 
„  venir  de  IVJ  fjs  '^  UlTerius  ayant  prê- 
ché fur  rUnivcrfalité  de  la  Grâce,  un 
Sermon  qu'il  nommoit  un  Sermon  fau- 
veur  des  âmes  (  a  Souk-faving  Sermon  )  (Se 
qui  avoit  pour  Texte  ces  paroles  de  l'E- 
pître  aux  Romains  VIII.  29.  Ceux  qu'il  a 
appeliez  ,  il  les  a  aujji  jujlifiez  ;  un  fçavant 
Théologien  vint  lui  faire  cetce  queftion: 
„  Peuvent-ils  tous  vouloir?  Dieu  donne- 
„  t-il  à  tous  ceux  qu'il  appelle  par  faPa- 
„  rôle  ,  la  Grâce  intérieure  qu'il  leurfauc 
„  pour  fe  repentir  s'ils  le  veulent,  & 
,,  pour  être  certainement  en  état  de  le 
,,  vouloir  ''?  A  quoi  UlTerius  répondit; 
Oui,  ils  peuvent  tous  vouloir:  Et  s'il  y  en  a 
tant  qui  ne  veuUnt  pas  ,  c'ejl  que ,  comme  je 
rai  dit  dans  mon  Sermon,  ils  réfijient  à  la 
Grâce  de  Dieu^  &  font  dans  le  cas  de  ceux  à 
qui  V Ecriture  dit  :  ,,  Gens  de  col  roide  (f  in^ 
„  circoncis  de  cœur  ^  d'oreille ,  vous  ne  cef- 
,/fez  de  réfijler  au  Saint-Efprit  ".  Adl.  VII. 
51....  Enfin  l'Evêque  O  v  E  r  A  L  L  avoit 
r ai/un ,  6*  je  fuis  de  fon  avis.  Nous  lai  fie- 
rons à  nos  Lecteurs  le  plaifir  tout  entier 
de  faire  là-defTus  des  réflexions.  ■■ 

La  plus  grande  partie  de  certe  Lettre  rou* 
ie  fur  un  autre  fujet.   Il  s'agit  de  la  Fsm^ 


Avril,  Mai  etJuin.  1739.  loi 
me-So  EUR,  ou  Sœur -F  h  m  m  f.  de  Se. 
Paul,  I  Cor.  IX.  5.  On  croie  aflez  com- 
munément que  l'Apôtre  parle  de  la  liber- 
té qu'il  auroit  de  mener  avec  lui  une  E- 
poule  Chrétienne,  laquelle,  ou  il  avoit,  ou 
il  pouvoit  avoir.  Himmond  prétendoic 
avec  quelques  Anciens ,  qu'il  parle  de  quel- 
qu'une de  ces  Femmes  pieufes  &  charita- 
bles qui  pourvoyoient  de  leur  bien  à  la 

^fubfiftance  des  Apôtres  :  fur  quoi  Ton  peut 
Toir  fa  Paraphrafe  du  Nouveau  Te(ta- 
ment.    Mr.  Staninough  lui  avoit  écrit  en 

.  faveur  du  fentiment  ordinaire ,  6c  lui  a- 
voit  allégué  ,  à  ce  qu'on  voit ,  ou  du 
moins  à  ce  qu'on  entrevoit,  le  Livre  de 
C  A  L  I X  T  E  de  Conjupo  Clericorum.  Ham- 
mond  lui  répondit  dans  cette  Lettre,-  & 
cela  fait  une  petite  Diflertation ,  que  nous 
traduirons  d'autant  plus  volontiers,  qu'elle 
pourra  fervir  de  réponfe  en  même  tems , 
&  aux  Argumens  deCALiXTE,  qui  y  eii 
critiqué,  &  à  la  Critique  de  Mr.  le 
Clerc,  qui  dans  fes  Motes  Latines  fur 
le  Nouveau  Teflament,a  tâché  de  réfu- 
ter la  Paraphrafe  de  notre  Auteur.  Nous 
donnerons  la  tradudlion  de  ce  morceau 
dans  un  Article  à  part. 

La  Lettre  IX.  datée  du  huit  de  Sep- 
tembre ,  mil  fix-cens  cinquante -fepc, 
commence  par  ces  paroles;  ,,  Je  puisa 
„  préfent  vous  aiiurer  ,  que  le  Livre  de 
if  Mr.  Pcirce  contre  Reynolds  a  été  publié 

^'  3  «  il 


I02  Bibliothèque  Britannique, 

,i  il  y  a  environ  un  mois.     Et  j'ai  appris 
„  depuis  ce  tems-là,que  Ton  premier  Ad- 
f,  verfaire  faifoit    imprimer   de   nouveau 
M  quelque  choie  contre  lui  *'.   Voilà  des 
parcicularitez    qu'on    trouvera  peut-être 
Dien  peu  intéreOantes  aujourd'hui .  &  qui 
en  effet  ne  ferviront  peut-être   jamais 
à  rien.  Mais  quoi  qu'il  en  foit  de  celles-là 
nommément,  nous  avons  été  bien  aifes 
de  les  rapporter  ,  pour  en  prendre  occa- 
fion  de  faire  une  remarque  dont  les  bons 
Efprits  nous  feauront    gré ,  û  les  beaux 
Efprits  ne  la  goûtent  pas  :  c'eft  que    ces 
fortes  de    particularitez  ,  quelque  indiffé- 
rences qu'elles    paro'ffent,  ne  fçauroienc 
être  confervées  avec    trop    de    foin  par 
quiconque  donne  au   Public   les  Lettres 
d'un  Sçavant.    Il  n'eft  pas  toujours  indif- 
férent fans  doute  ,    de   fçavoir  en  quelle 
année  une  Lettre  a  été  écrite,  &  il  ar- 
rive quelquefois  qu'une   Lettre  n'a  point 
de  date,  ou  que  la  date  ne  marque  point 
Tannée.     Cette  même  Lettre  annonce-t- 
elle un  Livre  nouveau  ?0n  apprend  d'ail- 
leuris  l'année  du  Livre  ,  &  Ton  a  ainfi  cel- 
le de  la  Lettre.     Ce  n'eft    pas  non  plus 
une  chofe   toujours    indifférente   que  de 
s'afTurer  en  quel  tems  de  l'année  un  Li- 
.vre  a  vu  le  jour;  &  le  Livre  cependant 
vous  indique  firaplement  Tannée  :  fouvenc 
même  il  n'indique  pas   Tannée  véritable. 
Jl  y  a  long-tems  que  les  Imprimeurs  ont 

perdu 


I  Avril,  M  AIE  T  Juin.  1739.    103 

!  perdu  l'ufage  de  marquer  le  mois  &:  le 
jour  où  l'imprefTion  a  été  achevée  :  ajou- 
tez qu'il  y  a  des  Livres  qui  ne  fe  pu- 
blient pas 'd'abord  après  rimpreffion.  U- 
il  ne  Lettre  qui  fera  datée  exaftement,  ou 
dont  on  pourra  découvrir  la  date  précife 
moyennant  une  certaine  confrontation  , 
vous  tirera  de  votre  incertitude  ,  ou  de 
votre  embaras,  au  fujet  du  tems  de  la  pu- 
blication d'un  Livre,  toutes  les  fois  qu'el- 
le vous  dira,  comme  ici  Ta  Lettre  de 
Kammond.  Il  y  a  u?i  mois  qu'un  tel  Livre 

paroît.   Nous    avons    rapporté  le 

commencement  de  cette  Lettre,  nous  en 
rapporterons  la  fin  ;  &  remarquerons  que 
Hammond  y  parle  d'un  Ouvrage  de  fa 
façon  qui  n'a  jamais  été  imprimé  que 
-nous  fçachions ,  &  qui  pourroit  bien  ce- 
pendant n'être  pas  tout -à- fait  perdu.  Il 
s'agit  d'un  Ouvrage  fur  le  Purgatoire  ^ 
fur  la  Prière  pour  les  Morts.  „  J'ai  écrit, 
99  (  dit -il)  j'ai  écrit  aflez  amplement  fur 
„  ces  deux  fujets;  mais  je  n'ai  pas  mes 
„  Papiers  entre  les  mains.  Je  me  con- 
,,  tente  de  vous  envoyer  quelques  cour- 
99  tes  Obfervations  que  des  Livres  m'onc" 
9,  fournies.  Vous  les  lirez,  fi  vous  pou- 
„  vez  :  &  quand  vous  aurez  vu  ce  que 
„  c'ell: ,  vous  me  les  rendrez. 

La  Lettre  X.  pourroit  nous  fervir 
d'exemple,  fi  nous  voulions  développer 
&  prouver  la  Réflexion  que  nous  avons 
faite  à  l'occafion  de  la  précédente.    Car 

G  4  l'E- 


ïO-}.BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

l'Editeur;  n'avoit  trouvé  d'autre  date  dans 
l'Original  de  cette  dixième  Lettre^  que 
k  2  1.  de  Décembre:  (Se  il  n'a  pourtant  pas 
craint,  ni  n'a  dû  craindre  d'ajouter  en- 
tre deux  crochets  les  chiffres  qui  mar- 
quent Tannée  mil  fix-cens  cinquante- 
Sept  :  pourquoi?  Parce  que,  d'un  côté, 
dans  cette  Lettre  du  vingt-&-un  de  Dé- 
cembre ,  Jeaai  Bramhall ,  Evêque  de  Ber- 
ry  ,  paroit  avoir  deux  Ouvrages  prêts  à 
être  publiez  ;  &  que  l'Editeur  fçait  d'un 
autre  côté,  par  Pinfpeclion  d'un  de  ces 
Ouvrages  ,  qu'il  fut  publié  en  mil  Cx- 
cens  cinquante-HuiT.  C'eft  ainii  enco- 
re que  ^Ir.  Peck  s'eft  mis  en  état  de 
marquer  Tannée  de  quelques-unes  des 
Lettres  fui  van  tes,  qui  n'avoient,  comme 
celle-ci  ,  que  la  date  du  mois  &:  du  jour, 
quoiqu'il  ait  négligé  d'en  avertir  le  Lec- 
teur. Cette  Lettre  au  refte  eft  écrite 
d'une  mianière  un  peu  énigmatique.  Peut- 
être  cela  vient -il  de  ce  qu'elle  roule  fur 
les  affaires  du  tems,  au  fujet  defquelles 
Li  prudence  pouvoit  exiger  qu'on  s'ex- 
primât quelquefois  en  termes  couverts. 
Elle  commence  par  une  Rembarque  vague 
fur  quelques  pafTages  de  St.  Bafile  &  de 
St.  Jérôme  que  Mr.  Staninough  avoit  al- 
léguez: cela  eft  fuivi  d'une  Explication 
fur  le  Re,2;ne  fpirituel  ou  temporel  deje- 
fus-Chrift.  Et  puis  il  eft  parlé  tout-à- 
coup  de  quelqu'un  dont  on  ne  dit  poine 
le  nom5<5w  qu'on  défjgne  néanmoins  com- 

mç 


■  Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  icj 
tne  s'il  avoit  été  nommé  auparavant ,  qui 
^prétendoit  que  Grotius  &  tous  les  Parti- 
fans  de  l'Epifcopat,  avoientdcs  vues  pour 
établir  le  Papifme  ,  fi-rxon  à  rEfpagnole  , 
au  moins  à  la  Françoife  -,  bien  que  ce  mê- 
me Anonyme  avouât ,  que  le  Cardinal  de 
Richelieu  avoit  trempé  dans  tout  ce  qui 
s'étoit  fait  en  Angleterre  pour  y  abolir 
TEpifcopac,  <S:c. 

Le  principal  fujet  de  la  Lettre  XI.  écri- 
te le  6.  d'Avril  1658.  eft  une  Réponfc 
à  quelques  objedlions  de  Mr.  Staninough 
contre  le  Sydême  de  la  Grâce  Uni- 
vers ELLE.  L'Ecriture  s'addrelTe  aux  Chré- 
tiens ,  ou  à  ceux  qui  doivent  être  appel- 
iez au  Chridianifme.  Donc  c'eft  pour 
eux  qu'elle  établit  ce  qu'elle  dit  que  Dieu 
exige.  Quant  à  ceux  du  dehors,  Dieu  hs 
juge:  I  Cor.  V.  13.  &  û  l'Ecriture  ne 
nous  autorife  pas  à  décider  pofitivemenc 
que  Dieu  veut  leur  falut,  aulfi-bien  que 
celui  des  Chrétiens,  elle  femble  au  moins 
nous  l'infmuer.  Prêchez  V Evangile  ,  die- 
elle,  à  toute  Créature;  Celui  qui  croit  .  .  . 
fera  fauve  ;  celui  qui  m  croira  pas  ,  fera  dam- 
né'. Marc.  XVI.  15.  16.  Donc  elle  fup>- 
pofe  la  Prédication  quand  elle  damne  ceux 
qui  n'auront  pas  cru  :  donc  elle  n'exclut 
point  du  falut,  ceux  à  qui  la  Prédication 
n'aura  pas  été  addre(rée;à  moins  quelon 
ne  v^euille,  ou  damner  auHî  les  Enfans 
&lcs  Idiots  d'entre  nous  ,  qui  ne  croyenc 
point,  faute  d'avoir  la  faculté  de  croire; 

G  ^  914 


io6  Bibliothèque  Britannique, 

ou  dire  qu'il  eft  plus  poflTible  de  voir- 
fans  lumière  que  de  voir  fans  yeux.  Je- 
fus-Chrift  eft  mort  pour  tous  ceux  à  qui 
il  feroit  prêché  ;  donc  il  eft  mort  pour 
des  gens  parmi  lefquels  il  y  en  a  qui  le 
renient  :  donc  il  eft  mort  'à  plus  forte 
raifon,  ce  femble,  pour  ceux  dont  tout 
le  crime  confifte  à  né  le  pas  cônnoître. 
La  nouvelle  Alliance  que  Jefus-Chrift  a 
établie  par  fon  fang  ,  n'exige  rien  au-de- 
là du  poiïible.  Or  il  eft  impofTible  de 
croire  en  lui,  fi  préalablement  on  n'en- 
tend parler  de  lui.  Dieu  nous  eft  repré- 
fenté  dans  l'Evangile ,  fous  l'image  d'un 
Maître  également  prêt ,  &  à  recompenfer 
le  ferviteur  qui  n'a  reçu  qu'un  talent, &  à 
punir  celui  qui  en  aura  enfoui"  plufieurs.  Les 
Chrétiens  font  dans  le  cas  de  l'un,  les 
Payens  font  donc  dans  le  cas  de  l'autre  : 
car  ils  ont  reçu  un  talent  pour  le  moins. 
jefus-Chrift  ne  leur  eft  point  prêché:  il 
ne  s'enfuit  nullement  de- là,  qu'il  ne  foit 
pas  mort  pour  eux.  Ceux  qui  connoiflent 
le  mérite  de  fa  Mort,  ne  font  pas  tous  fau- 
vez;  donc  ceux  qui  l'ignorent  ne  font 
pas  tous  damnez  :  &  s'il  n'eft  pas  more 
pro  fingulis ,  il  eft  mort  au  moins  ,  comme 
tout  le  monde  en  convient,  pro gêner ihus 
fingulorum.  Perfonne  n'eft  exclus  du  droit 
d'écre  appelle  par  la  Prédication,  à  jouïr  des 
fruits  de  la  Mort  de  jefus-Chrift;  car  il 
eft  dit;  Prccbcz  à  toute  Créature:  donc 
perfonne  n'eft  exclus  du  droit  de  partici- 
per 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  107 
per  aux  fruits  de  cette  Mort.  Si  Dieu 
venoit  à  châtier  la  Nation  Angloile,  com- 
me il  eft  probable  qu'il  a  châtié  d'autres 
Nations,  en  leur  ôtant  un  fiambeau  dont 
elles  ont  méprifé  la  lumière ,  s'enfuivroit- 
il  de-là  que  Jefus-Chrift  ne  feroit  point 
mort  pour  la  Nation  Angloife?  Les  fruits 
de  la  Mort  de  Jefus-Chrjfl  doivent  na- 
turellement être  aulîi  anciens  que  fa  More 
elle-même.  Or  la  Mort  de  JelUs-Chrift, 
dans  le  décret  de  Dieu,  eit  auiîi  ancien- 
ne que  le  monde;  Jefus-Chrift,  félon 
l'Ecriture,  eil  l'Agneau  de  Dieu  qui  a 
été  immolé  dès  la  fondation  des  ficelés  : 
donc  les  fruits  de  la  Mort  de  jefus-Chrifl 
font  antérieurs  à  la  vocation  du  Peuple 
Hébreu:  donc  les  fruits  de  cette  More 
ne  font  pas  pour  un  certain  Peuple  à 
l'exclulion  des  autres:  donc  ils  font  pour 
tous  les  Individus  qui  ne  fe  rendront  pas 

indignes    d'y  avoir  part.    — Iclles 

font(li-non.mot-à-m.ot ,  au  moins  pour  le 
fens  3  les  Réflexions  par  lefquelles  le  Doc- 
teur Hammond  tâche  de  Huisfaire  Mr. 
Staninough  ;  &  nous  les  avons  expo- 
fées  avec  confiance,  perfuadez  qu'elles 
plairoient  &  aux  Ignorans  &;  aux  Sçavans. 
Aux  Ignorans  y  \i2i\QQ  qu'elles  pourront  leur 
apprendre  quelque  chofe,  &  qu'il  y  a  du 
plaifir  à  s'inflruire.  Aux  Sçavans,  parce 
que  vraifemblablement  ils  enjugeront  feion 
leurs  divers  préjugez  ,  &  qu'ainii  ils  au- 
ront 


ïo8  Bibliothèque  Britannique, 
ront  tous  du  plaifir.  Les  uns  auront  le 
plaifir  de  les  trouver  excellentes  ;  les 
autres  auront  celui  de  les  trouver  pi- 
toyables. 

La  Lettre  XIL  fait  mention  d'un  Mr. 
Sherlock.  Cela  ne  mérite  pas  extrême- 
ment d'être  obfervé  :  ,mais  à  cette  occa- 
fion  l'Editeur  cite  unpaflage  de  Wood,  oîi 
nous  trouvons  un  fait  qui  eft  aflez  re- 
marquable, au  moins  par  fa  fmgularité.  Mr. 
Peck  a  fuppofé  avec  beaucoup  de  vraifem- 
blance  (quoique  fans  en  expliquer  larai- 
fon  )  que  le  Sherlock  dont  il  eft  parlé  dans 
cette  L«tre,étoit  le  même  que  celui  qui 
écrivit  en  1654.  contre  les  Quakres  :  & 
dans  cette  fuppofition  il  a  cru  pouvoir 
placer  ici  ce  que  Wood  nous  apprend 
au  fujet  de  cet  Auteur.  Nous  croyons 
qu'à  notre  tour  nous  pouvons  en  tranf- 
crire  une  partie.  Ce  fera  fon  Epitaphe, 
telle  qu'elle  fe  lit  dans  l'Eglife  de  Win- 
lixck  ,  dont  il  avoit  été  Refteur ,  &  oli  il 
cil  q?terré.  Exwoiœ  Ricardi  Sherlock,  S. 
T.  P.  indigniPîmi  bujus  Ecclejiœ  Recloris  ; 
v'nit  20.  die  Junii  Çanno  œtatii  76.  }  A.  D. 
1689.  Sal  infaîuum  conculcate.  Il  eft  bon 
de  dire ,  que  c'eft  fon  Epitaphe  faite  par 
jui-même.  L'Editeur  au  refte  cite  ÎVood 
d'une  manière  qui  n*cft  pas  bien  exafte. 
îl  eft  vrai  cependant ,  qu'à  l'égard  du  mot 

infaîuum ^h  citation  eft  très-exa6le.  

Un  endroit  de  cette  Lettre  prouve ,  que 

quand 


Avril,  M  AI  ET  Juin.  173p.  105 
quand  elle  fut  écrite ,  il  y  avoit  déjà  quel- 
que tems  que  Mr.  Staninough  s'étoit  ma- 
rié , & qu^Adam  Littleton venoit  d'en 
faire  autant  :  fur  quoi  Hammond  dit ,  qu'il 
ne  les  en  eftime  pas  moins»    Ce  Littleton  \ 

eft  le  même  qui  efl  fi  connu  en  Angle- 
terre par  fon  Diétionaire  Latin.  La  Let- 
tre qui  annonce  fon  mariage ,  eft  datée  du 
fix  de  Juillet.  Si  avec  cela  nous  fçavions 
l'année  de  la  Lettre,  nous  fçaurions  cel^ 
le  du  mariage.  Mais  bien  que  Mr.  Peck 
ait  placé  c^tte  Lettre,  ainfi  que  la  trei- 
zième, parmi  celles  de  1658.  nous  n'ofe- 
rions  alîiirer  que  ce  fût-là  leur  véritable 
place. 

La  XIIL  Lettre  paroît  relative  &  pof- 
térieure  à  la  douzième.  Hammond  ycon^ 
tinue  à  parler  du  Mariage  de  Mr.  Stani- 
nough ,  &  elle  eft  datée  du  vingt-troifiè- 
me  d'Août.  Mais  il  y  dit  à  l'oGcafion  de 
ce  Mariage,  qu'il  a  lu  depuis  peu  Calixte 
de  Conjugio  ClmcoTum  ^  &  il  le  recomman- 
de en  même  tems  à  fon  Ami ,  comme  un 
Livre  très-digne  d'être  lu ,  &  qui  lui  four*- 
nira  de  nouvelles  raifons  en  faveur  de  la 
compatibilité  du  Mariage  avec  la  Prêtrife, 
Il  femble,  en  un  mot,  lui  parler  de  Calix- 
te &  du  Mariage  des  Prêtres  pour  la  pre- 
mière fois.  Comment  cela  fe  peut- il, 
fi  cette  Lettre  a  été  écrite    en   mil  fix-  / 

cens  cinquante-ijMÙ?  Le  Dofteur  Ham-  ( 

mond  &  Mr.  Staninough  ne  s'étoient-ils  ^ 

pas  déjà  entretenus  de  Calixte  (Se  du  Ma- 
riage 


1 1 10  3  I  B  L  I  b  T  H  E  Q  U  E  B  R  I  T  A  N  N I  q  U  E  , 

liage  des  Prêtres ,  dans  des  Lettres  qui 
font    incontellablement  de  mil  fix-cens 
.cinquante-/6;)C  ?  Ou  je  n'y  comprens  rien, 
ou  les    Lettres    douze  de    treizième  dé- 
voient être  rangées  devant  celle  qui  trai- 
te de   la   Femme  -  Sœur  de   St.    Paul  ;   & 
qui   plus   eli:  ,    devant    toutes    celles  de 
MDCLVn      Car    celle  qui   traite   de  la 
Femme -Sœur  étant  du  mois  dit  Juin  ,  & 
les  deux  en   queftion  étant  du  mois  de 
Juillet  &    du  mois  d'Août,   il   n'y  a  pas 
moyen  de  placer  celle  du  mois  de  Juin  a- 
près  les  deux  autres,  ou  de  leur  confer- 
ver  à    foutes  trois  leur  véritable    rang, 
dans  une  feule  &  même  année.    Quoique 
ces  Obfervations   tiennent  un  peu  de  la 
minutie,   il  faut  que  nos  Ledeurs  nous 
en  paiTent  de  tems  en  tems  quelques-unes 
de  cette  efpece.    Il  eft  de   leur  intérêt 
que  les  Auteurs,  &  particulièrement  les 
Éditeurs  ou  Colledeurs  de  Pièces  Anec- 
dotes ou  fugitives ,  s'accoutument  à  avoir 
une  exactitude  fcrupuleufe  &  fur-tout  à  é- 
viter  les  Anachronifmes. 

La  Lettre  XI  V.  a  pour  date  le  dix  de  . 
Septembre  ,  d'  annonce ,  comme  nouvel-  ) 
lement  publié,  un  Livre  que  l'onfçait  être 
de  l'an  MDCLVIII.  Un  palTage  de 
Wood,  cité  par  l'Editeur,  nous  apprend, 
que  Hammond  finit  fes  jours  à  la  campa- 
gne, chez  fon  Ami  le  Chevalier  JeanPac- 
kingto?iy  à  WeftnjQood  dans  le  Comté  de 
Worcefler.    Cette  Lettre  nous  apprencj 

de 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  m 
de  plus,  qu'il  arriva  dans  cette  retraite  le 
dix  de  Septembre  de  la  fufdite  année,  & 
qu'il  écoit  à  Londres  quelque  tems  au- 
paravant. Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarqua- 
ble dans  le  relie  de  la  Lettre ,  ed  une 
Obfervation  fur l'EtabliiTement  du  Sabbat, 
laquelle  il  fe  fouvenoit  d'avoir  lue  dans 
un  Auteur  qu'il  déOgne  fimplement  par 
fon  nom  de  M  e  a  d.  L'Obfervation  re- 
vient à  ce  qui  fuit.  Si  d'une  part  le  Sixiè- 
me Jour  d'Exode  XV,  22.  eft  réellement, 
comme  il  femble  l'être  ,  non  le  fixième 
d'une  Semaine ,  mais  le  fixième  de  h  Man- 
ne, Et  û  d'autre  part,  le  jour  dont  il  eft 
parlé  au  verfct  premier ,  jour  employé  à 
faire  un  nouveau  campement  ,  jour  de 
travail  &  non  de  repos,  eft  réellement, 
comme  il  femble  l'être ,  le  dernier  jour 
avant  les  fix  de  la  Manne;  il  s'enfuivra 
nécclTairement,  ou  que  la  Loi  du  Sabbac 
fut  violée  ce  jour -là  par  Moïfe  &  par 
tout  le  Peuple ,  ce  qui  n'a  aucune  vrai- 
femblance ,  ou  que  la  Loi  du  Sabbat  ne 
leur  fut  donnée  que  depuis  ce  même 
jour,  ce  qui  ne  peut  être  combattu  que 
très -foiblement  par  Genefelî.  3.  oli  rien 
ne  nous  empêche  dereconnoîtrequel'Hif- 
t'oire  parle  du  Sabbat  par  anticipation. 
L'Editeur  ne  nous  apprend  point,  qui  efl 
le  Meao,  Auteur  de  cette  Obfervation. 
Mais  nous  pouvons  alîurer  que  c'eft  le 
même  qui  eft  nommé  Jo/eph  M  e  d  e  à  la 

tête 


'îîsBîbLiotheque  Britannique^ 

tête  du  Recueil  de  Tes  Oeuvres  imprimé  à 
Londres  en  M  D  C  L  X  I V.  L'Obfervation 
qu'on  vient  de  lire  ,  eft  la  même  dans  le 
fond  que  celle  qui  fe  trouve  dans  fes 
Diatribœ,  au  Difcours  XV.  p.  75.  [de  fes 
Oeuvres. 

La  Lettre  XV.  fans  autre  date  que  le 
vingt  d'Oftobre,  a  un  rapport  (i  fenfible 
avec  la  neuvième,  qu'on  eft  fortement 
tenté  de  croire,  qu'elle  auroit  dû  la  fui- 
vre  immédiatement.  Elle  parle  des  Ob- 
fervations  manufcrites  fur  le  Purgatoire, 
envoyées  avec  la  Lettre  I  X.  &  contient 
quelques  nouvelles  Obfervations  fur  le 
même  fujet. 

La  Letcre  XVL  eft  du  trentième  de  Dé- 
cembre ,  &  pourroit  fe  rapporter  alTez 
naturellement ,  aufîi-bien  que  îa  précé- 
dente, à  l'an  MDCLVri.  Elle  répond  à 
<îeux  Queftions  ,  qui  toutes  deux  regardent 
le  Mariage  ,  &  dont  il  y  en  a  une  qui 
regarde  le  Mariage  des  Prêtres.  C'eft 
la  dernière.  La  première  roule  fur  le 
Mariage  entre  deux  Partis ,  dont  l'un  fe- 
roit  Proteftant  &  Pautre  Catholique-Ro- 
main. ,9  Le  feul  Texte  [dit  Hammond] 
,,  que  j'aye  ouï  citer  contre  ce  Mariage, 
),  eft  certainement  étrano^er  à  la  queftion. 
„  C'eft  celui  de  2  Cor.  VL  14.  Ne  portez 
,,  point  un  joug  inégal  avec  les  Infidèles  ,'ôcc. 
,,  Le  mot  Grec  (  Jr^po^uy/^)  fîgnifiequel- 
,,  que  chofe  qui  n'a  nul   rapport  au  Ma- 

^>  riage  : 


Avril,  Mai  et  Juin.  1759.  113 
.,,  riage  :  &  quant  au  titre  d'Infidèle 
„  \a.%ic;c<;  )\\  n'y  auroit  m  raifon,  ni  cha- 
„  rjté  à  l'appliquer  à  un  CathoUc^ue  Ro- 

„  main Je  ne  crois  pas ,  par  conlequent, 

i)  qu'un  iviiniltrcqui  bénit  un  Mariage  oii 
„  l'un  des  Partis  efl  Catholique  Romain  & 
,,  l'autre  Proteftant ,  fafle  en  cela  r^en 
„  d'iliégitime.  L'objedlion  tirée  de  la  Ru.- 
}}  brique  n'eft  ici  d  aucune  force.  La  Ru- 
„  brique  porte ,  que  les  Nouveaux  Mantz 
„  communieront:  c'eil  un  Commandement 
„  de  l'Eglile  lequel  ne  peut  être  obliga- 
,^  toire  que  pour  eux.  enlbrte  que  s'ils  ne 
,,  communient  pas  5  c'efl  leur  faute  à  eux, 
,:,  &  non  la  faute  du  Miniilre,  dont  l'o- 
„  bligation  fe  borne  à  les  avertir  de  leur 
„  devoir,  &  à  être  prêt  de  leur  adminif- 
„  trer  la  Communion,  s  ils  veulent  la  re- 
„  ce  voir.  En  voilà  afiez  pour  prouver 
„  que  la  chofe  eft  permife:  mais  je  ne 
„  puis  m'empêchcr  de  dire  en  mémetems, 
„  que  tout  ce  qui   ejl  ptrmis  n'eji  pas  expê- 

9,  (lient Les  inconvéniens  de  ces 

,5  fortes  de  Mariages  .  .  ♦  font  faciles  à 
„  prévoir  ;  &  la  prudence  ne  veut  pas 
„  qu'on  en  coure  le  rifque,  à  moins  que 
5,  l'on  n'ait  de  grandes  efpérances  d'y  reme- 
„  dier  ,  ou  qu'il  n'y  ait  quelque  chofe  (que 
„  je  ne  prévois  pas  )qui  puifle  erre  pris  en 
„  échange  des  avantages  que  l'onhazardc. 

La  Lettre  XV IL  en  date  du  premier 
de  May ,  parle  d'un  Livre  nouveau,  inti- 
tulé 'lepà  .^.'  MptK,  que  l'Editeur  croit  être 

Tome  nu.  Part.  L         H  le 


114B1BL10THEQUE  Britannique^ 

le  même  que  celui  qui  a  pour  titre,  EccU- 
fiŒ  Anglicanœ  Sujpiria  ,  &  qui  parut  en 
MDCLIX.,  Ouvrage  du  Dodeur  Gau- 
DEN,  &  Ouvrage  in  /o/îo,  comme  celui  que 
Hammond  défigne  fous  un  titre  Grec  :  à 
propos  de  quoi  il  ne  fera  peut-être  pas 
inutile  d'obierver ,  que  dans  un  autre  en- 
droit *,  oii  il  s'agit  d'un  Livre  mtitulé 
Self-Coiidemnaîion ,^Q, yYi'àmmond  le  défi- 
gne  en  Grec  auill ,  fous  le  titre  d'A-^rc- 
y.u^ûL-A^.iG.ç\  foit  que  ces  deux  Livres  ayenc 
effeCtivemenc  un  titre  Grec,  outre  le'Lc- 
tin  ou  l'Anglois ,  ce  que  l'Editeur  n'éckir- 
cit  pas,  faute  d'avoir  eu  les  Livres  mê- 
mes entre  les  mains  ;  foit  que  Hammond 
fe  plût  à  donner  ainfi  des  titres  Grecs  aux 
Livres,  lorfqu'il  trouvoit  une  manière 
heureufe  de  le  faire.  Cette  Let- 
tre roule  fur  la  dignité  de  l'Ordre  Epif- 
copal,  &  fur  la  validité  des  Ordinations 
Presbytériennes.  Hammond  paroît  ne  le« 
croire  excufables  que  par  la  Nécefllté  ;  <Sc 
prétend,  que  fi  elle  pouvoit  être  alléguée 
en  faveur  des  Eglifes  Proteftantes  dans 
d'autres  Pai's ,  elle  ne  pouvoit  pas  l'être 
de  même  en  Angleterre,  ni  pour  juftifîer 
la  conduite  des  Ànti-Epifcopaux,  ni  pour 
autorifer  des  Ordinations  qu'ils  avoient 
faites  fans  autorité.  Il  eft  certain  que  la 
Difpute  des  Presbytériens  &  des  Epifco- 
paux,  prife  en  général,  ou  in  abjiraào ,  & 
cette  même  Difpute  prife  i7i  ccîicreîo ,  ou 

réla; 
*  Lettre  XIV.  p.  49. 


Avril,  Mai  et  Juin.  173g.  n^ 
relativement  à  l'Angleterre  en  particulier, 
font  deux  Difputes  très -différentes  qui 
n'ont  jamais  été  confondues,  ni  dans  i'E- 
glife  Anglicane ,  ni  dans  les  Eglifes  Près» 
bytériennesde  de  là  la  Mer,  au  moins  par 
les  perfonnes  inflruites  6:  en  môme  teir.s 
raifonnables. 

La  Lettre  XVIIL  annonce  divers  Li-- 
vres  qui  font  de  MDCLX.    L'Editeur 
néanm.oins    la  date    de   cinquante- neuf t 
mais  c'elt  que    Hamm.ond  lui-même  l'r- 
voit  datée  du  feize  de  Mars ,  &  que  IT^ 
diteurfans  doute  a  fuivi  le  vieux  n:ile,qui 
ne  commence  l'année  qu'au  vingc-cinquic- 
me  de  ce  même  mois.    Ainii   cette  Let- 
tre fut  écrite  dans  le  tems  ou  l'Angleter- 
re faifoit  les  plus  grands  préparatifs  pour 
le  rétablilTement  de  la  Famille  Royale  & 
de  l'Epifcopat.    Hammond  en  parle  avec 
joye,  mais  en  homme  cependant  qui  crai- 
gnoit  que  les  Presbytériens ,  donc  la  réu- 
nion au  Parti  Royalifle  avoic  en  quelque 
forte  décidé  ce  Retabliiïemcnc ,  n'y  euf- 
fent  trop  d'influence,  pour  fouffrir  qu'il 
fe  reglâj:  fans  certaines  reflrit^ions  donc 
les  Epifcopaux  auroient  fujet  de  feplain= 
dre.  ,,  Il  ne  paroîc  pas  improbable  (dit- 
„  il)    que  le    Tabernacle   de  Dcmd,  après 
„  avoir  été  fi  long-  tems  dans  la  pouiTie- 
,,  re,  fera  bientôt  rélevé:  mais  fçavoir  fi 
>,  ce  ne  fera  pas  avec  des  retranchemens 

capables  d'arracher  des  larmes  à   ceux: 
„  qui  compareront  la  féconde  Mai/on  avec 

Ha       "^       «  la 


J5 


it5Bibliotheque  Britannique^ 
i,  la  première  ;  c'efl:  ce  que  je  ne  fçaurois 
,5  deviner.  Et  c'eft  aulîi  ce  qui  me  per- 
„  fuade  que  votre  penfée  touchant  les 
„  Eleélions  eft  tout- à  -fait  de  faifon  ,  & 
f,  méritera  d'ctre  bien  pefée  dans  Tocca- 
9)  lion.  Mais  il  me  relie  toujours  quel- 
„  que  penchant  à  croire ,  que  ce  même 
,>  Parlement  qui  a  voté  pour  fa  propre 
„  callation  ,  n'aura  pas  ea  la  cruauté  de 
„  l'exécuter  ''.  Hammond  fuppofoit  ap- 
paremment que  la  chofe  étoit  fur  le  ta- 
pis ,  &  qu'elle  pourroit  être  décidée  quand 
la  Lettre  fcroit  reçue.  Elle  eft  du  feize 
de  Mars ,  &  le  Parlement  fe  cafla  lui-mê- 
me le  dix-Jept.  Nous  avons  averti 

que  cette  Lettre  faifoit  mention  de  di- 
vers Livres  nouveaux.  Il  y  en  a  deux  à 
l'égard  defquels  nous  avons  un  mot  à  di- 
re. Le  premier  eft  celui  da  célèbre  Jean 
Pearson  fur  le  Credo,  Le  nom  de  l'Au- 
teur s'écrit  conftamment  comme  on  vienc 
de  le  lire  ;  &  nous  trouvons  cependant 
que  Hammond  écrivoit  P  e  i  r  s  o  n.  Cela 
revient  au  m.ême  pour  la  prononciation. 
Il  eft  cependant  à  propos  de  remarquer, 
dans  un  tems  oli  l'on  fe  pique  avec  rai- 
fon  d'une  grande  exadtitude  en  ces  for- 
tes de  chofes  ,  que  foit  négligence  de  la 
parc  de  Hammond,  foit  diverfité  réelle 
dans  la  manière  dont  quelques  Auteurs 
©nt  écrit  leurs  propres  noms ,  la  ledturc 
de  ces  Lettres  nous  a  fourni  plufieurs 
exemples  d'une  pareille  négligence  ou  di- 

verlicé. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  117 

verficé.  Le  fécond  Livre  que  nous 

avons  en  vue,  eit   celui  qui   a  pour  titre 
dans  la  Tradudlion  Françoife ,  la  Pratique 
de  la  Pieté,  &  en  Anglois  THE  WHOLE 
DUTY  OF  MAN:  Ouvrage  extrêmement 
eftimé  ,  &  dont  on  a  toujours  été  d'autant 
plus  curieux  de  connoître  PAuteur,  qu'il 
avoit  pris  des  précautions  peu  communes 
pour  demeurer  Anonyme.     L'Epître   qui 
le  trouve  au  devant  de  la  première  Edi- 
tion de  ce  Livre,  eft  de  la  façon  du  Doc- 
teur LIammond.  Il  ne  paroît  pourtant  pas 
avoir  été  du  fecret.    Il  recommande  le 
Livre  comme  un  Ouvrage  excellent, mais 
qui  vient  d'une  main   inconnue:  ce  qui 
occafionne  une  Note  de  l'Editeur.  „  J'ai 
„  cru  pendant  un  certain  tems  (dit -il) 
„  que   ce  Livre   avoit    été   écrit   par  le 
„  Dofteur  Guillawne  Chapêl,   Evêque 
„  de  Cork  &   de  Rofs.     J'ai  cru  enfuite 
„  qu'il  étoit  du  célèbre  Ahdias  W  a  l  k  e  R. 
„  Mais  le  fçavant  Dodeur  Robert  Cla- 
„  VF.RiNG,  actuellement   [1738.]  Evêque 
,,  de   Peterborough ,   a   eu    la  bonté  de 
„  m'apprendre,  il  y  a  quelque  tems,  que 
„  c'étoit    rOuvrag'e    d'un    Eccléfiaflique 
„  du  Comté  de  Worcefler,  nommé  BAS- 
„  KET, 

Ce  petit  volume  de  Lettres  au  refte 
n'eft  pas  le  premier  Livre  dont  Mr.  PECK 
ait  enrichi  le  Public  ;(Sc  il  y  a  quelque  ap- 
parence que  ce  ne  fera  pas  non  plus  le 
dernier. 

H  3  11 


îi8  Bibliothèque  Britannique, 
Il  publia  en  MDCCXVI.  un  petic  Ou- 
vrage in  o^îavo,  qu'il  intitula  le  Sublime  de 

V Ecriture  Sainte:  ou  Exercice  fur  la  Créa- 
tion 5  avec  un  Hymne  au  Créateur  du  Mon^ 
de,  &c.  Cet  Ouvrage  efl  de  fa  façon.  Il 
s  y  exprime  dans  les  propres  termes  du 
Texte  facré,  &  le  propofe  comme  un 
Effai  pour  montrer  le  Beau  &  le  Sublime 
de  l'Ecriture  fainte.  TCr4'OL*'AriON. 
Or  5  an  Exercife  on  tbe  Création  and  an  Hymn 
to  tbe  Creator  of  tbe  PVorld  :  Written  in  îhe 
expre/s  'uoords  of  the  facred  Text ,  as  an  at- 
îempt  to  p?ovj  tbe  Beaiiîy  and  Sublimity  of 
Holy  Scripîure.  ,,  There  are  hid  yet  greater 
:,  thJngs  than  thefe  ,  and  we  hâve  {"ecn 
9f  but  afew  of  his  Works  ''.  Eccli,  XLIII, 
35.  London  17 16.  Odtavo. 

En  MDCCXX  VII.  il  publia  un  autre 
Ouvrage  de  fa  façon  fur  les  Antiquités 
de  la  Ville  de  Stamfofd.  Il  y  donne  l'Hif- 
toire  de  l'Univerlitc  de  cette  Ville,  &  par 
cette  raifon  il  a  cru  pouvoir  intituler  tout 
l-î  Livre,  Academia  Tertia  Anglicana ,  quoi- 
qu'on y  trouve, outre  l'Hiitoire  de  TUni- 
verfité',  celle  des  Monaflères,  des  Corn- 
munautcz  ,  des  Egiifes  ,  des  Chapelles, 
des  Hôpitaux  &  des  Ecoles  du  lieu.  L*Au- 
tcur  a  eu  pour  la  compolltion  de  cec 
Ouvran;ele  fccours  de  divers  Manufcrits , 
&  celui  de  tous  les  Regiftres  qui  pou- 
vaient intéreffer  fon  deflein.  L'Ouvrage 
au  rede  ed  in  folio  ,  ^:i  orné  de  figures. 
,,  ACADEMIA  TERTIA  ANGLICANA: 

,.0r. 


?J 


Avril,  Mai  ET  Juin.  1739.  iî9 
-,  Or  ,  the  Anciquarian  Annals  of  the 
\y  Town  of  Stamford.  Containing  theHif- 
„  tory  of  the  Univerfity,  Monaflenes  , 
„  Gilds,  Churches^  Chappels  ,  Hoipicals 
„  and  Schools  there,&c.  Exfumo  dure  lu- 
9,  cem.  Hor. 

En  M  D  C  C  X  X  X 1 1   il  publia  le  pre- 
mier Volume  de  la  Collection  in  folio,  qui 
a  pour  tirre  DESIDERATA   CÛRiOSA. 
Ce  font  diverfes  Pièces,  la  plupart  hiftc- 
Tiques ,  qui  étoient  devenues  fort  rares. 
Ce  premier  Volume  contient  I.  Le  Aii- 
niflre  accompli,  ou  la  Vie  du  Chevalier 
Guillaume  Cécile  ou  Lord   BurgbUy ,  fi  ci- 
lèbre  par  les  fervices  qu'il  rendit  à  TAr- 
gleterre  fous    le    règne  d'Elifabeth.   II. 
Vingt -deux  Lettres  du  Lord  Burgbîey  h 
fon  Fils  Robert.  IIL  Les  dix  Préceptes*du 
Lord  Burghley  à  fon  Fils  Robert.  IV.  U- 
ne  Lettre  des  Seigneurs  du  Confeil,  fous 
Elifabeth  ,  en  faveur    de   Robert  Comte 
de  Leicefter  ,   contre   les   imputations  dû 
Livre  intitulé,  la  République  de  Leicef- 
ter ,   Leicejter''s    Common'voealtb.     V.    Les 
Mémoires  de  Guillaum.e  Chadcrîon ,  Evê- 
que   de  Lincoln ,  &    depuis    Evêque  de 
Chefter.  VL  Une  Relation  étendue  de  la 
Maladie  &  de  la  Mort  du  Chevalier  Robert 
Cecil  y  Comte  de  Salisbury.  VII.  Une  Re- 
lation  étendue  de  la  Maladie   &  de  la 
îvlort  du  Prince  Henri.  VIII.  Une  Lettre 
de  Thomas  Hobbes  fur  la  queftion.  Pour- 
quoi un  homme  fe  fouvient  moins  de  foa 

H  4  pro- 


120  Bibliothèque  Britannique, 
propre  vifage, lequel  il  voie  fouvent  dans 
un  miroir ,  que  du  vifage  d'un  Ami  qu'il 
n'aura  vu  de  \oug  tems?  I  X.  LJn  Mémoi- 
re au  fujetdu  Seigneur  Saxon ,  connu  fous 
le  nom  de  LGngr.eville ,  qui  fut  tué  par  les 
Danois,  6c  de  fon  Tombeau  à  Overton- 
LwigueviUe.  X.  Un  Mémoire  au  fujet  d'un 
ancien  Cadavre  trouvé  fous  terre  à  South- 
^vcell,  qu'on  croit  être  de  quelque  hom- 
me de  diftindlion.  XL  L'Epitaphe  du  Che- 
valier Thomas  Fowis ,  par  le  célèbre  Mat- 
thieu  Prior,  XII  Un  Difcours  fur  les  an- 
ciennes Divifions  de  la  Nuit  &  du  Jour , 
&  fur  les  anciennes  Heures  de  la  Priè- 
re, &c.  XIII.  Une  Defcription  de  la 
îvlaifon  de  Burghky  près  de  Staviford,  & 
des  Peintures  &  autres  Raretez  qui  s'y 

voyent  actuellement 

En  M  D  C  C  X  X  X  V.  parut  un  fécond 
Volumes  des  DESIDERATA  CURÎOSA  , 
contenant,!.  L'Hifloire  &  les  Antiquitez 
de  r£glife  de  Lincoln,  par  PEvéque  San- 
derfon.  IL  L'Hifloire  &  les  Antiquitez  de 
riile  de  Man ,  par  Jaques  Comte  deD^r- 
^3;,  qui  fut  décapité  à  Bolton.  II I.  Les 
Mémoires  de  Richard  Pla72îagenet,¥ï\s  na- 
turel de  Richard  I  IL  IV.  La  Vie  du 
fçavant  Jean  Bois,  plus  connu  fous  fon 
nom  latinifé  de  Boîji'is.  V.  La  Vie  de 
Guillaume  Chapel ,  Evéque  de  Cork  &  de 
Rofs.  VI.  La  Vie  a' Arthur  JVilfon,  l'Hif- 
torien.  V^I.  La  Réception  faite  à  la  Rqï- 
gne  Elifaheîh  à  Camlriâge   en  IJP4. ,  &  à 


AvRTL,  Mat  et  Juin.  1739.  121- 
Oxford  en  1596.  VIII.  L'Apologie  de 
Thomas  ComtQ(ïArnndel,  fur  ce  qu'il  avoic 
accepté  !e  ticre  de  Comte  de  l'Empire  lans 
le  congé  de  la  Reine.  IX.  Le  Plan  dune 
nouvelle  Univerfîté,  qui  devoit  êcre  éta- 
blie à  Rippon  ,  fous  Japues  l.  X.  Un 
Mémoire  étendu  au  fujct  du  plan  de 
Charles  premier  pour  échaper  aux  Ecof- 
fois  à  Newcaltle,  &  des  mefures  qui  en 
prévinrent  l'exécution.  XI.  Un  Narré 
de  rEvafion  de  Charles  I.  à  Hampton- 
court,  par  le  Colonel  M^alley  XIL  Di-* 
vers  Mémoires  du  Docteur  Michel  Hnd-^ 
fon.  Chapelain  favori  de  Charles  I.  XIIL 
Un  Journal  du  Traité  de  Newport  ,  par 
Mr.  Oudart.  X I  V.  Des  Relations  par- 
ticulières du  MairacreduDodteurDorf/Jaj, 
&  d'Antoine  Afbam ,  &  du  deflein  de  maf- 
facrer  de  même  l'Agent  Bradfloaw.  X  V. 
Un  long  Extrait  de  VOhituaire  du  Protono- 
taire Smith.  XVI.  Un  Ecrit  touchant  la 
Médaille  qui  fut  frapée  en  1702.  en  mé- 
moire de  l'Arche^^éque  Latid 

En  MDCCXXXV.  encore,  Mr.  Peck 
donna  au  Public  un  Catalogue  des  Livres 
écrits  pour  &  contre  le  Pa'piime  dans  le 
tems  de  Jaques  1 1. ,  plus  complet  que 
trois  autres  Catalogues  qui  avoient  déjà 
paru.  Il  y  eft  parlé  de  quatre-cens  cin- 
quantc-fept  Livres  ou  Brochures  ;  &  cha- 
que article  ell  accompagné  de  renvois  aux 
Ecrivains  ,  dans  lefquels  on  pourra  trouver 
de  quoi  s'inftruire  plus  exactement,  foie 

H  j  au 


122  Bibliothèque  Britannique, 
au Tujet  des  Livres  en  queflion ,  Ibit  au 
lujet  de  leurs  Auteurs.  A  complète  Cata- 
logue of  ail  îbe  Di/coiirfes  ijûrittenfor  and 
againt  Pom-y  ,  &c.  zA.o.  hjCpvuxIaç  nui  evCpyr 
yi.  c  1  Cor.  VI.  8. 

En  MDCCXXXIX.  Mr.  Peck  nous  a 
donné  les  Lettres  de  Hammond,  &  nous 
a  promis  ae  Nouveaux  Mémoires  fur  lal^io 
&  Jur  les  Ouvrages  Poétiques  de  M  i  l  x  o  N , 
avec  Jon  Poème  Jur  la.  Liberté ,  ^  des  Notes  de 
VEdneur. 

ARTICLE   V. 

DiJJevtation  Jur  la  Femme- Soeur  ou 
bœur  -Femme  de  Saint  Paul  :  i  Cor. 
I X.  5.  Tirée  ^  traduite  d'une  des  Let- 
tres du  Docteur  Henri  Hammond,^ 
Mr.  Pierre  Staninough;  Et  accompa' 
gnée  de  quelques  Remarques  du  Traduc- 
teur^ renfermées  entre  des  crochets. 


'Ai  lu  ce  que  dit  Calixte  tou- 
pj  ch:im  Id.  Femme  -  Sœur  de  St.  Paul; 
&.  il  s'en  faut  beaucoup  qu'il  ne  m'ait  per- 
fuadé.  Ma  principale  raifon  eft  celle 
„  qui  a  été  touchée  par  Tertullien, 
.,  que  St.  Paul  ne  fait  mention  de  la 
,,  Femme -Sœur  que  relativement  aux 
.,  moyens  de  pourvoir  à  fa  fabliftance. 
},  Ainû  cela  regarde  proprement  ces  Fem 

?^  mes 


Avril,  Ma*i  ET  Juin.  1739.    122 

mes  qui  affiftoienc  les  Apôtres  de  leurs 
biens,  sa  râvuxap-c'vTa.'v.  Calixte  a  beau 
dire  5  p.  122- quafi  mrh  ojiendere  junàir.i 
non  pojjeî.  11  eft  évident  que  le  défin- 
téreilement  de  rApôcre>  qui  ne  tiroit 
aucun  lucre  de  Ton  Mmiftère ,  ou  la  li- 
berté qu'il  avoit  d'en  ufer  moins  no- 
blement ,  fait  le  lujet  unique  de  tout 
le  Chapitre ,  fans  le  moindre  rapport  à 
cette  autre  liberté  qu'avoient  les  Apô- 
tres de  mener  avec  eux  leurs  Femmes 
&  leurs  Familles ,  &  de  les  faire  en- 
tretenir aufli  bien  qu'eux-mêmes.  Q^uand 
je  prens  enfemble  [avec  le  verîet  de 
la  Femme  -  Sœur  J  le  verfet  qui  précè- 
de &  celui  qui  luit ,  il  me  femble  y 
voir  clairement,  que  Paul  &  Barnabe 
étoient  réduits  à  travailler  de  leurs 
mains  pour  vivre,  à  moins  qu'ils  ne 
voulurent  faire,  ainfi  que  les  autres, 
ce  qui  dans  le  Texte  ell  appelle  Peria- 
gein.  Or  cela  conclut ,  félon  moi ,  que 
ce  Periagein  doit  fignifier  ce  qui  ne  peut 
faire  un  fens  véritable  que  dans  mon 
explication  ,  c'efl- à-dire  le  moyen 
d'avoir  de  quoi  vivre  fans  travailler:  &> 
non  pas  ,  comme  il  faut  le  fuppofer 
dans  l'explication  de  Calixte  ,  un  moyen 
d'augmenter  les  fraix  des  Voyages' A- 
poftoliqucs. 

[L'endroit  de  Tertiillîen  que  Hammoiîd 
'oit  en  vûë,fe  trouve  au  huitième  Châ- 
tre du  Livre  de  la  Monogamie  ;  Petrim 

/olum 


12.^  Bibliothèque  Britannique, 
folum  invsnio  maritwn  .  .  .  Cœteros .  cùm  ma- 
ritos  non  inienio ,  aut  fpadones  intelligam  ne- 
ce[[e  eft  ,  aut  continentes,  Nec .  »  .  .  Paulum 
fie  interpretabimur  quafi  demonftret  uxores 
Apojîolos  babuijje.  Si  enïm  de  matrimmiis 
difputaret ,  quocL  in  fequentibus  facit ,  ubi  ma- 
gis  Apojiolus  al'.quod  exemplum  nominare  po- 
îuiffet ,  recîè  vider ctur  dicere:  Non  enim  ba^ 
bernus  potejlatem  uxores  circumnucendi ,  ficut 
ccBteri  ApojloU  &  Cepbas  ?  At  ubi  ea  fubjun- 
glt  quœ  de  victuariâ  exbibiiione  abftinentiam 
ejus  ojtendunt ,  dicenîis  :  Non  enim  habemus 
poteftatern  manducandi  &  bibendi?  non  uxo- 
res demonjîrat  ab  Apojlolîs  circumdu£las , 
quas  &'  qui  non  babent ,  potejlatem  tamen 
manducandi  ^  bibendi  babent  ;  jed  fimpliciter 
mulieres ,  qucs  illis ,  eodem  inftituto  qiw  (j'  Do- 
minum  coiiiitantes ,  minijlrabant.  ] 

„  Tous  les  argamens  que  vous  m'op- 
„  pofez ,  ne  font  d'aucune  force.  Vous 
„  me  citez  d'abord  un  pafTage  de  VEpitre 
„  de  Saint  -Ignace  aux  Philadelphiens, 
Mais  dans  plufieurs  exemplaires,  &  mê- 
me de  ceux  qui  font  interpolez ,  vous 
n'avez  point  le  mot  de  Paul,  Tlxvï.û, 
le  feul   mot  qui  puiiTe    faire   quelque 

chofe  pour  votre  fentiment. Et 

puis  toute  cette  Epitre  n'ed  point  une 
desfept  Epîtresgénuines  ,  recueillies  par 

St.    Polycarpe»    Les  meilleurs 

exemplaires 'enfin,  quoiqu'ils  la  rangent 
parmi  les  Epîtres  fuppofées ,  omettent 
tout  ce  padage,  ave«  plufieurs  lignes 

?^  de- 


99 
5) 
^9 
99 
99 
99 
99 
99 
99 
»i 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  125 
„  devant  &  après.  Ainfi  voila  un  témoi- 
„  gnage  qui  ne  fçauroic  être  de  la  moin- 
,,  dre  aucoriré. 

[  Il  y  a  ici  quelque  chofe  d'embarafTé 
&  d'obfcur.  L'Epîcre  de  St.  Ignace  aux 
Phitadelpbiens  elc  inconteftablement  une 
des  fepc  Ëpîcres  génuines ,  recueillies  par 
Se.  Poîycarpe.  Hammond  lui-même  pa- 
roîc  l'avoir  reconnu  dans  deux  Ouvra- 
ges citez  par  îttîgms  ,  au  Paragraphe 
LXXXVII.  p.  285.  de  fa  Diflertation  fur 
les  Pères  Apofloliques.  Et  fi  par  les  Epî- 
tr es  fuppofées ,  on  entend  celles  qui  ont  été 
fiiuffement  attribuées  à  St.  Ignace,  il  efl 
faux  que  l'Epître  aux  Philadelphiens  fe 
trouve  dans  les  meilleurs  Exemplaires  au 
nombre  des  Epîtres  ruppofées.  Lors  donc 
que  notre  Auteur  dît  à  fon  Ami ,  que  tou- 
te cette  Epître  fe  trouve  au  nombre  de 
celles  qui  font  fuppofées ,  cela  doit  s'en- 
tendre comme  s'il  avoit  dit;  que  cette 
Epitre,  à  la  prendre  toute  e?uiere ,  ou  t^Wo 
que  Ton  Amila  lui  avoit  alléguée,  fe  trou- 
ve dans  les  meilleures  Editions  fous  le 
titre  d'Epîtres  interpolées.  Et  lorfqu'il  ajou- 
te que  les  meilleurs  Exemplaires  des  E- 
pîtres  fuppofées  omettent  le  paflage  en 
queftion,  cela  doit  s'entendre  comme  s'il 
avoit  dit ,  que  parmi  les  Exemiplaires  qui 
ne  font  point  autentiques  ,  ceux  qui  ont 
le  plus  d'autorité,  omettent  le  paiTage  :  ce 
qui  fera  vrai  au   raoms  de  l'Exemplaire 

La- 


I26BIBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

Latin  ,  connu  fous  le  titre  de  Fétus  Verfioc 
On  peut  voir  au  rede,  touchant  le  mon 
de  Paul ,  omis  dans  les  Exemplaires  Grecs 
interpolez  ,  les  Prolégomènes  d'Uflerius , 
dont  le  Chapitre  XV^K.  roule  tout  entier 
fur  l'omiliion  de  ce  mot.  Le  palTage  mc- 
me  ayant  été  cité  par  plus  d'un  Commen- 
tateur fur  Philip,  IV.  3,  ou  i  Cor.  IX.  5. 
il  feroit  affez  inutile  de  le  tranfcrire  ici. 
îvir.  le  Chrc  entr'autres  l'a  rapporté  dans 
fes  Notes  fur  le  Nouveau  Teftament  de 
Hammond  :  &  pour  le  dire  en  palTant,  il 
l'a  cité  par  un  lapfus  calami ,  comme  fai- 
fant  partie  de  l'Spître  aux  Pbilippiens, 
L'elTentiel  du  paUage  eit  renfermé  dans 
ces  paroles  ù:  Ilirpax^/  UaChs.  . .  ut  Pétri 
^  Pauli  &  aliorwn  Apoftolorum  qui  in  nup- 
tîis /cnfati  funt.  De  forte  que  l'on  peut 
ajouter  aux  raifons  de  Hammond,  que  ce 
paflage,fût-il  de  S.  Ignace,  y  compris 
le  nom  de  Paul ,  cela  prouvero'it  tout  au 
plus  que  St.  Paul  avoit  été  marié  ,  &  ne 
prouveroit  nullement,  ni  qu'il  le  fut  en- 
core lorfqu'il  écrivoit  aux  Corinthiens , 
ni  qu'il  pariât  de  fa  Femme  en  parlant 
d'une  Femme -Sœur.  Au  fujet  du  Veuva- 
ge de  St.  Paul  &  de  fa  difpofition  actuel- 
le à  demeurer  veuf,  voyez  les  Notes  de 
Grotius  y  ou  celles  de  Mrs.  de  Beaufobre  ^ 
Lenfant  fur  i  Cor.  VIL  7.  8.  ] 

,,  Q u  A  N  T  à   V  A  s  Q  u  E  z  ,  qui  recon- 
.5  noît  l'autorité   de  l'Epître  de  St.  Igna- 

,^  ce  », 


Avril,  Mai  et  Juin,  1739.127 
^>  ce ,  cela  ne  Tempêche  pourtant  pas 
,^  d'excepter  St.  Paul  bien  pofîtivement» 
,y  Aliquos  Apojîolos  prœîer  Pauluui. 

[Je  n'ai  point  P'a/qm-z  pour  le  conful- 
ter.  Mais  à  vûë  de  pais  je  foupçonnc 
un  peu  Hammond  de  s'être  trompé  fur 
cet  article.  Au  moins  me  femble-t-il  que 
les  paroles  de  Vafquez ,  Aliquos  Apojîolos 
prϔer  Paulum ,  fignifient  naturellement, 
Quelques  Apôtres  outre  Saint  Paul;  quoi- 
qu'il foit  très  vrai ,  que  prceter  fe  peut  ren- 
dre par  Excepté  y  6c  qu'il  devroit  fe  rendre 
de  la  force  s'il  y  avoit  :  Omnes  prêter  Pau- 
lum. Mais  cela  n'eft  pas  afTez  important 
pour  nous  arrêter  davantage.  ] 

„  J  E    VIENS    à    T  E  R  T  U  L  L  I  E  N.      Cc 

„  qu'il  dit  dans  le  Chapitre  VIII.  de  Ton 
„  Exhortation  à  la  Cbajieîé  ^  n'efl  point  du 
j,  tout  un  Commentaire  du  pafiage  de  St. 
}f  Paul;  c'elt  tout  au  plus  une  alTertioa 
ff  de  la  légitimité  du  Mariage  des  Apô- 
99  très:  légitimité  que  je  fuis  fort  éloigné 
,,  de  conteller.  Ajoutez  qu'il  y  a  beau- 
,>  coup  de  vraifemblance  dans  la  conjec- 
5j  ture  de  Pamelius  ,qui  conçoit  que  Ter- 
„  tullien  ne  nous  donne  point  ici  fonpro- 
9,  pre  fentiment,  mais  repréfente  fimple- 
„  ment  celui  des  autres.  Car  dans  fon 
,,  Livre  de  la  Monogamie  il  favorife  ma- 
,,  nifeftement  mon  Explication:  &  fi  Ca- 
,,  lixte  élude  ce  témoignage,  en  dilanr 
7.,  qu'on  le  tire  d'un  Ouvrage  compofépar 

»?  Ter- 


128  Bibliothèque  Britannique, 
9,  Tertuliien  devenu  Moncanifte,  on  peuc 
99  éluder  de  même  le  témoignage  tire  de 
5,  l'Exhortation  à  la  Chafteté,  puifqu'il 
„  eft  reconnu  que  Tertuliien  ctoit  iSlon- 
9,  tanifte  quand  ]1  écrivit  cette  Exhoj^ta- 
5,  tien.  Auili  eft  elle  pk.cée  dans  l'Edi- 
i,  tion  de  Pamelius  à  la  tête  des  Ouvra- 
,,  ges  écrits  in  Harefi  ^  five  contra  Eccle- 
„  fiam.  Le  Livre  de  la  Monogamie  vient 
,y  après  rExhortation  à  la  Chafteté.  Il 
,y  n'eft  nullement  pr<jbable  que  Tertul- 
„  lien  ait  voulu  affirmer  dans  le  premier 
,,  de  ces  deux  Ouvrages ,  ce  qu'il  réfute 
„  fi-tôt  après  dans  le  fécond:  &  fon  té- 
„  moignage  pris  de  l'Exhortation  (  fup- 
„  pofé  même  qu'il  puifTe  fervir  d'ailleurs 
5,  à  quelque  chofe)  fera  tout  au  moins 
5,  invalidé  par -là,  de  la  même  manière 
„  que  celui  du  Livre  de  la  Monogamie 
yy  aura  été  invalidé  par  l'ei^ception  de 
,i  Calixte. 

[On  a  vu  ci-defTus  le  pafTage  du  Livre 
de  la  Monogamie  :  Voici  celui  de  l'Ex- 
hortation à  la  Challeré  Licebat  &  Apof- 
tolis  Tnihere,  &  uxores  circumiusere.  Mr. 
Staninough  n'avoit  pas  fait  attention  ap- 
paremment à  ce  qui  fuit  immédiatement. 
Licebat  ^  de  Evangeliis  vlvere.  Sed  qui  bis 
ufus  non  ejl  in  occajîonem  ad  exeinplum  nos 
fumn  provQcat ,  <ScC.  A  quoi  ion  peut  a- 
jouter  ce  que  Tertuliien  avoit  dit  à 
la  fin  du  troilième  Chapitre  de  fon  pre- 
mier 


Avril,  Mai  et  Juin.  173p.  129 
mfer  Livre  de  Unis  Nupîiis,  où  il  parle  de 
St.  Paul  en  ces  termes  :  Cœterûm ,  nufquam 
ita  nuptias  permittit ,  ut  no7i  potiùs  ad  Juum 
txemplum  nos  eniti  malit.  Fœlicem  illum  qui 
Pauli  Jimilis  extiterit  !  ] 

,,  Les  paroles  de  Clément  bW- 
„  LE  X  AND  RIE  au  feptième  Livre  des 
„  Stromaîes,  regardent  St.  Pierre,  &  ne 
„  regardent  pas  St.  Paul.  Elles  font  donc 
,,  étrangères  à  notre  fujet, 

[  Il  y  a  efFedivement  un  pafiTage  du 
feptième  Livre  des  Stromates,  oii  il  n'eft 
queflion  que  de  St.  Pierre,  quoique  St. 
Paul  paroifTe  y  entrer  pour  quelque  cKo- 
fe.  C'ell  l'endroit  où  Clément  d'Alexan- 
drie parle  de  la  fainte  joye  avec  laquelle 
on  rapportoit  que  St.  Pierre  avoit  vu 
mourir  fa  Femme.  Vovez  Clem.  AL  Ed. 
Sylburgii,  Paris.  MDCXLI.  p.  736.  B. 
(DxTt  y'  «V  Tov  iMCinâpiov  nirp^v,  <&c.  Mais 
il  y  a  un  autre  paOage  du  même  Livre, 
p.  741.  où  il  s'agit  des  Apôtres  en  géné- 
ral. C'eil  l'endroit  où  Clément  d'Alexan- 
drie dit  ,  que  celui  qui  eft  parfait,  fe  con- 
duit dans  le  Mariage  en  homme  qui  a  les 
exemples  des  Apôtres  devant  les  yeux. 
Et  outre  ce  paflage  du  Livre  VIL  on  fçaic 
qu'il  y  en  a  un  du  Livre  IIL  p.  44^3.  B.  C. 
où  le  nom  de  Paul  eft  bien  articulé  ,  où. 
les  propres  paroles  de  l'Apôtre  font  ci- 
tées au  fujet  de  fa  Femme -Sœur  ,  &  ou 
elles  font  accompagnées  d'un  petit  Com-t 
mentaire  ,  d'où  il  eft  bien  difficile  de  ne 

Toni^XÎIl  Part.I.  I  pa$ 


130  Bibliothèque  Britannique, 

pas  conclure,  que,  félon  Clément  d'Alexan- 
drie ,  les  paroles  de  l'Apôtre  doivent  s'en- 
tendre de  fa  Femme,  &  d'une  Femme  mê- 
me adluellement  vivante.  La  plus  courte 
&  la  plus  fùre  réponfe  que  Hammond  pût 
faire  à  fon  Ami  fur  le  chapitre  de  Clé- 
ment d'Alexandrie  jétoit  de  dire  que  fon 
autorité,  quelque  refpedable  qu'elle  fût, 
n'étoit  pourtant  pas  décilive.  ] 

,,  On  peut  vous  accorder  l'obferva- 
„  tien  fur  le  motG  une'e  :  Uxor  nufquam 
„  in  Noi:o  Ttjïamento  alio  quàm  yjvcuy.cç  vo- 
„  cabulo  denotatur:  cela  ne  tire  à  aucune 
5,  confequence.  Car  quoique  toute  Uxor 
„  foit  Gwîse ,  touiQ  G  unes  n'eft  pourtant 
,,  pas  Uxor. 

[  Une  remarque  de  Tertullien  fera  ici 
à  fa  place.  Ncc  enïm  fi  penès  Grœcos  cam- 
mutii  vocabido  cenfeîitur  mulieres  &  uxores 
pro  conjuetudinis  facilitate  .  .  .  ideu  Paulum 
Jic  interpretabimiir ,  quafi  demonflret  uxores 
Apcjiùlos  habuijje.  Lib.  de  Monog.  ub. 
fup.  ] 

„  A  LA  Question,  pourquoi  l'Apôtre 
,,  ojoute  le  nom  de  Femme  à  celui  de 
„  Sœur  :  Si  Sororem  faltem  fœminam  ,  non 
„  uxore/ii ,  intelli^l  cupit ,  cur  addit  y'.vuTy.a  ? 
„  A  cette  quelcion,  dis -je,  je  répons  : 
,:,  Qu'encore  que  le  terme  de  Sœur  foie 
,,  placé  le  premier,  comme  font  ordinai- 
„  rement  placées  les  épithètes  ,  ce  ter- 
55  me  n'en  eu  pas  moins,  de  niênie  que 
s,  tous  les  termes    cpithétiques ,  un  ter- 

99  me 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  i3r 
,,  me  ajouté  à  un  autre  :  de  forte  que  c'eft 
9,  le  terme  de  Sœur  qui  eft  ici  ajouté  à 
„  celui  de  Femme ,  <Sc  ce  n'eft  point  celui 
„  de  Femme  qui  eft  ajouté  à  celui  de 
„  Sœur.  Une  Sœur  dans  le  ftile  du  Nou- 
9,  veau  Teftament  fignifîe  une  Chrétien- 
99  ne.  AinO,  lorfqu'on  joint  enfemble  les 
,,  noms  de  Sœur  &  de  Femme,  cela  for- 
„  me  une  expreOlon  parfaitement  paraî- 
99  lèle  à  celle  d' Homme  s- Frère  s  ,  fi  fouvenc 
„  employée  pour  dire  des  Hommes  Chré- 
?)  tiens. 

[  On  trouvera  peut-être,  que  fi  cela 
répond  à  la  critique  de  Mr.  Stanînougby 
cela  ne  répond  pas  à  celle  de  Mr.  Le 
Clerc ,  dont  voici  les  paroles  :  Si  Paiilus 
voluiffet  dicere  quod  illl  volunt ,  non  addidlf- 
Jet  yvvciTHCi  ,  num  â^iAC^i  boc  ipfum  figni^ 
ficat  ;  iiec  magis  filent  dicere  grœcè  loqiienîes 
«'^fXOvjv  yvvuT'Aci ,  quàm  p'hK^ov  â\j^u,  poft- 
pofitis  vocibus  yvjyi  &  tivh  ,  ad  fignifican- 
dum  finpliciîer  firorem  âf  fratrem.  Mais 
Mr.  Le  Clerc  ne  confideroit  pas  que  l'é- 
pithète  de  Sœur,  ajoutée  au  mot  de  Fém- 
vie  dans  le  fens  de  la  paraphrafe  de  Ham- 
mond,  doit  être  prife  pour  une  épithè- 
te  d'une  autre  efpece  que  celle  de  Frères 
ajoutée  à  Hommes,  comme  on  en  pourra 
juger  par  ce  qui  va  fuivre.  Ainfi  tout  ce 
qu'il  nous  relie  à  dire  ici  contre  Ham- 
mond ,  c'eft  qu'il  s'eft  énoncé  en  termes 
un  peu  trop  fores ,  iorfqull  a  dit ,  que  Fem- 

I  2  mi' 


T35t  Bibliothèque  Britanniqui, 

me-Sœur  &  Hommes -Frères  étoient  deux 
expreffions  parfaitement  parallèles.  Ce  par- 
faiîeinent  eft-là  de  trop,  &  doit  être  cor- 
rigé par  ce  qui  fuit.  ] 

„  On  voit  facilement  pourquoi  le  titre 
,,  de  Sœur  ell  ajouté  au  nom  de  Femme, 
,,  fi  ce  dernier  nom  fignifie  une  Femme 
„  en  général  :  mais  difficilement  feroit- 
„  on  voir  pourquoi  le  nom  de  Sœur  pré- 
„  cederoic  celui  de  Femme,  fi  celui  -ci 
„  défignoit  l'Epoufe  de  Sr.  Paul.  Je  fup- 
„  pofe  qu'il  s'agit  d'une  Femme  qui  afllf- 
,3  te  les  Apôtres  de  Tes  biens.  Le  titre 
„  de  Sœur ,  dans  cette  fuppoficion ,  fe 
„  préfente  de  lui-même  pour  caradléri- 
„  fer  une  Femme  qui  fait  un  adte  deCha- 
5i  rite  fraternelle  en  aiTiftant  les  Apôtres  , 
„  comme  une  Sœur  affifteroir  fes  Frères. 
„  Mais  dans  la  fuppolîtion  de  Calixte^oii 
„  St.  Paul  eft  cenfé  parler  de  la  liberté 
„  qu'il  avoit  de  demander  des  moyens 
„  de  fubfiftance ,  non  feulement  pour  lui- 
„  même ,  mais  pour  fa  Femme  avec  lui  ; 
5,  par  quel  endroit  concevez  -  vous  ,  je 
,,  vous  prie,  que  le  nom  de  Sœur  ait  pu 
9,  fe  rapporter  avec  quelque  exactitude 
,,  au  deltein  de  fon  Difcours  ?  Ou  pour- 
5,  quoi  croyez -vous  que,  non  content 
„  d'appcller  cette  perfonne  fa  Femme,  il 
„  l'appelle  de  plus  fa  Sœur? 

[J'ai  déjà  cité  le    paflage  de  Clément 
d'Alexandrie ,  pris  du  troiûème  Livre  des 

^tro- 


Avril,  Mai  et  Juin.  1730.  i^jf 
Stromates.  La  fuite  de  ce  même  pafTage 
méritoic  d'être  examinée,  ou  du  moins 
citée  dans  cet  endroit  de  la  Diflertation. 
^Ovroi  fAiV  ûtHSiùoç  rifi  dixAOvfcf.  .  .,....♦ 
TpoçevsxovTSç  y  s%  ùùç  yciixerxç ,  àhX  wç  ù^sK-* 
0àç  Tspiviyov  ràç  yvvxTKag  c-uv^iXHQVSç  y  &C. 
Sed  bi  quidem  (  Àpoiloli  )  uî  erat  conjenta-* 
neunif  mmifterio  .  .  atîendenîes  y  non  utuxo^ 
res  y  fed  ut  forores  circumducebant  mulieres, 
quœ  unà  minijiraîurœ  ejfenî  apiid  mulieres 
quœ  domos  cujtodiebanî  :  per  quas  ctiam  in 
Gynœceum  y  ahfque  ulld  reprebenjione  maîdvc 
fujpicione ,  ingredi  pojjet  do6trina  Domini.  ] 

,,  Vous  remarquerez  au  relie,  que  Ca- 
„  lixte,  en  s'expliquant  fur  la  lignification 
„  de  GuNE'a  dans  le  Nouveau  Telfa- 
„  ment,  employé  le  terme  limité  de  p/e- 
,9  ri/que. 

,,  S  o  N  argument ,  tiré  de  l'ancienne 
„  Interprétation  (  prîfcce  interpretaîionis  ) 
yy  n'ell  pas  plus  concluant  que  les  autres. 
„  Examinez  les  pages  120.  &  121.  de  fon 
,,  Livre.  Vous  n'y  trouverez  nulle  ap' 
„  parence  de  Véricé  dans  ce  qu'il  dit  de 
„  Tertullieriy  de  St.  Jérôme,  de  St.  Au- 
„GusTiN,  excepté  le  feul  paflage  de 
„  V Exhortation  à  la  Cbajleîé ,  lequel-ne  fçau- 
„  roit  contrebalancer  avec  aucun  avan- 
„  tage ,  celui  du  Livre  de  la  Monogamie. 

„  Et  pour  ce  qui  ell  de  l'ancienne  In- 
,,  terprétation,  entant  que  cela  peut  llgni- 
„  fier  les  aisciennes  Versions  de  TEcri- 

I  3  „  ture , 


134B1BL10THEQUE  Britannique, 
ture  ,  vous  fçavez  que  le  Dcdteur 
[  Brian  ]  JValton  les  fait  imprimer  ,  &  que 
l'Edition  qu'il  en  donne  fera  bienrôc 
complétée.  J'ai  aciuellemenc  [es  Ver- 
fians  du  Nouveau  Tedament.  Je  les 
ai  conlultées;  &  je  les  trouve  toutes 
(  à  TEchiopique  près  )  autri  peu  fa- 
vorables à  Calixte  que  la  Vulgate  , 
qui   porte    exprefiement  Mulierem  So^ 

,,  Mon  explication  enfin  n'a  rien  de 
contraire  au  bat  de  l'Apôtre  ,  &  il  y  a 
une  réponfe  fort  naturelle  à  cette  quef- 
cion  :  Ouid  cpus  ecclefiàrum  imper, fis ,  fi 
neceffaria  fubminifirabant  fœmince  ,  6c c,  ? 
vSr.  Paul  pouvoic  ê:re  er^rretenu ,  ou  par 
l'Eglife  en  commun,  ou  par  quelque 
perfonne  riche  en  particulier;  6c  au- 
quel des  deux  qu'il  eût  eu  recours,  il 
auroit  été  à  charge  aux  Corinthien?. 
Mais,  comme  il  le  leur  dit  au  verfet 
quinze  ,  il  nufoit  de  pas  une  de  ces  cbofes: 
ce  leur  montrer  qu'il  n'avoit  eu  re- 
cours ni  à  l'un  ni  à  l'autre,  étoit  fans 
contredit  le  bue  qu'il  avoic  aQuelle- 
ment  en  vûë. 


ARTr- 


Avril,  Mai  et  Juin.   1739.  135 

ARTICLE    VI. 

A  complète  Colledlion  of  the  Hiilori- 
caî,  Folitical  and  Mifcellaneous  Works 
of  J  o  H  N  M I  L  T  o  N ,  correétiy  prin- 
ted  from  the  Original  Editions.  With 
an  Kiftorical  and  Critical  Account 
of  the  Life  and  Writings  of  the  Au- 
thor  ;  containing  feveral  original  Pa- 
pers  of  his,  never  before  published. 
C'efl:  -  à  -  dire  :  Recueil  complet  des  Oeu- 
vres Hifioriqnes  ,  FoHtiqucs ,  £?  Ajc- 
lées  de  Jean  Mihon.  Imprimé  correct c- 
vient  Jur  les  Editions  publiées  par  lui' 
viêrne;  az^ec  un  Récit  Hiftorique  fc?  07- 
îique  de  la  Fie  &?  des  Ecrits  de  r au- 
teur \  contenant  phifieurs  Pièces  cri/rina' 
les  qui  navoient  jamais  paru.  A  Lon- 
dres, chez  A.  Millar,  à  la  Tcte  de 
Buchanan,  vis-à-vis  PEglife  de  St. 
Clément  1738.  2  Voll.  in  folio  pag. 
628.  pour  le  premier  Vol.  fans  la 
Fie ,  qui  en  contient  96;  &  pp.  617. 
pour  le  fécond  Vol.  fans  la  Table  des 
Matières. 


R.  Thomas  Eirch  ,   Editeur   de    cet 

Ouvrage ,  &  Auteur  du  Récit  Hif- 

I  4  torique 


I3<5  Bibliothèque  Britannique, 

torique  &  Critique  fur  la  V^ie  de  Milcon , 
nous  apprend,  dans  un  coure  Avertifle- 
ment,  qu'il  a  rangé  les  Pièces  félon  l'or- 
dre Chronologique  ,  qu'il  y  a  ajouté  un 
Traité,  que  Toland  avoic  omis  dans  fou 
Edition,  &  qui  contient  les  Raifons  (Ten- 
ir éprendre  la  Guerre  contre  V  El  pagne  l'an 
1Ô55.  &  qu'il  a  rétabli  dans  VHiJîoire  de 
la  Grande-Bretagne  divers  paflages  qui 
avoient  été  Tupprimez  par  les  Cenfeurs 
des  Livres ,  &  qui  ne  fe  trouvent  dans 
aucune  des  Editions  précédentes. 

Il  a  aufii  compofé  une  nouvelle  Vie  de 
l'Auteur,  contenant,  outre  les  particula- 
ritez  rapportées  par  Toland  6l  par  d'au- 
tres, plufieurs  faits  qui  n'étoient  point 
connus,  &  quelques  Pièces  que  l'on  pu- 
blie ici  pour  la  première  fois ,  fur  les  pro- 
pres Manufcrits  de  l'Auteur. 

Comme  nous  avons  eu  occafion  dépar- 
ier plufieurs  fois  de  Milton  ,  nous  ne 
donnerons  point  ici  Tabregé  de  fa  Vie. 
Mais  nous  croyons  être  obligez  de  don- 
ner un  Extrait  de  l'Appendix  que  iVIr. 
Birch  y  a  ajouté,- &  qui  contient  deux 
DilTertations  fur  des  fujcts  qui  ont  faie 
beaucoup  de  bruit.  La  première  roule 
fur  le  fameux  Livre  intitulé  "E/xa'vB£i!7iA/x'< 
Le  Pûurtraid:  du  Roi  de  la  Grande  -  Breta^ 
gne ,  àic.  *  ;  attribué  à  Charles  L  La  fe^ 

conde 

*  Ployez  TArticle  de  M  i  l  t  o  n  dans  le  Dîc^ 
tipn.  ce  ^Ir.  Bayle,  Rçm,  (N;. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  137 
conde  traite  de  la  Commiflion  qu'on  pré- 
tend que  ce  Prince  donna  en  1641.  aux 
Papiftes  d'Irlande,  pour  prendre  les  Ar- 
mes contre  les  Proteftans  de  ce  Pais -là. 
On  peut  voir  en  abrégé  dans  le  Dic- 
tionaire  de  Mr.  Bayie  *  les  raifons  que 
Toland  a  alléguées ,  pour  prouver  que 
Charles  I.  n'a  point  compofé  le  Livre  en 
queflion.  Mr.  Birch  les  rapporte  fort  au 
long;  &  nous  donne  enfuite,  avec  la  mê- 
me exaélitude  (Se  la  même  impartialité,  les 
réponlës  6l  les  preuves  de  ceux  qui  fou- 
tiennent  que  le  Roi  eft  véritablement 
l'Auteur  de  ce  Livre.  Si  Toland  eût  fui- 
vi  cette  méthode  dans  fa  vie  de  Milton , 
je  doute  que  Mr.  Bayle  eût  affirmé  aufli 
pofitivement  qu'il  le  fait ,  que  le  Ums  a 
montré  que  Milton  foutint  avec  fondement  y 
que  Charles  L  nétoit  point  V Auteur  de  Vh 
cm  BafiUkè. 

En  faveur  de  ceux  qui  ne  font  point  à 
portée  de  confulter  le  Ditlionaire  Criti- 
que ,nous  rapporterons  ici  les  preuves  de 
ceux  qui  emlDrairent  le  fentiment  de  Mil- 
ton. 

En  i68<5.  le  Sieur  Millington ,  vendant 
à  l'encan  la  Bibliothèque  de  Mylord  An- 
glefey,  trouva  un  exemplaire  de  r/con5:i- 
fiiikè^  où  il  y  avoit  ces  mots  écrits  de  la 
propre  main  de  ce  Seigneur.  ,,  Le  Roi 
^,  Charles  IL  Ôc  le  Duc  d'York,  voyant 

»  un 
*  Là  *  même. 


13^ Bibliothèque  Britannique, 
„  un  Exemplaire  maTiufcric  de  cet  Ou- 
„  v:  âge ,  que  je  leur  montrai  dans  la  Cham- 
„  bre  des  Seigneurs  pendant  les  dernières 
3,  Séances  *  du  Parlement  de  l'an  1(575. 
,,  dans  lequel  Exemplaire  il  y  av^oit  des 
,,  corrections  6:  des  changemens  écrits  de 
la  propre  main  du  Roi  Charles  I. ,  me 
dirent  tous  deux,  qu'il  étoit  certain 
que  cet  Ouvrage  n'avoit  pas  été  com- 
pole  par  le  Roi  leur  PerQ ,  mais  par  le 
Dodteur  Gaudcn ,  Evéque  d'Exceter.  Ce 
que  j'infère  ici  pour  défabufer  les  au- 
tres ;  en  foi  de  quoi  j'attefle  ce  fait  de 
„  ma  propre  main. 

,9  A  N  G  L  E  s  E  Y. 

Ceci  fit  beaucoup  de  bruit,  &  engagea 
quelques  perfor.nes  à  s'addrelTer  au  Doc- 
teur Antoine  Walker,  Relieur  de  Fyiield 
en  EfTex,  qui  avoit  été  Curé  du  Dr.  Gau- 
den  ,  &  qui  les  adura  que  ce  Docteur 
étoit  réeliemenr  l'Auteur  de  VIcon  Bafili- 
kè.  Il  y  eut  enfuite  quantité  d'écrits  pu- 
bliez pour  &  contre.  IMr.  Birch  nous  en 
donne  les  Titres,  &  marque  après  cela, 
à  quoi  fe  réduifent  les  preuves  de  ceux 
qui  foutiennent  que  le  Roi  n'étoit  point 
TAuteur  de  ce  Livre.  Ces  preuves  font 
premièrement,  la  déclaration  de  Mylord 
__  An- 

*  Il  y    a   dans  l'Anglois  in   tke  lajî  SeJJiorty 
dans  la  dernière  Séance. 


Avril,  Mai  f. t  Juin.  1739.  139 
Anglefey  ;  en  fccond  lieu,  le  témoignage 
du  Dr.  Walker^  qui  déclare:  i.  Que  peu 
de  tems  avant  que  l'Ouvrage  fûc  achevé , 
le  Dr.  Gauden  lui  communiqua  Ion  dei- 
fein  ,  &  lui  montra  quelques  chapitres  de 
ce  Livre  entièrement  finis  ,  &  les  titres 
de  pîufieurs  autres.  L'Evêque  lui  deman- 
da fon  fentiment  fur  cet  Ouvrage:  il  ré- 
pondit, qu'il  feroit  fans  doute  beaucoup 
d'honneur  au  Roi,  mais  il  défapprouva  le 
defleîn  d'en  impofer  au  public,  en  faifanc 
palTer  fous  le  nom  de  Sa  h/tajeflé  .  l'Ouvra- 
ge d'un  autre.  Le  Dofceur  Gauden  fe 
lervit  de  cette  défaite:  Regardez  le  Titre  y 
dit -il  ,  c^ejt  le  Portrait  de  Sa  ALijefté, 
&c.  or  perj'onne  neft  cenfé  faire  fon  propre 
Portrait.  2.  Que  le  Do6leur  Gauden  lui 
dit,  que  l'Evéque  de  Salisbury  (le  Dr. 
Duppa  )  fouhaitoit  qu'on  ajoutât  deux: 
chapitres  à  cet  Ouvrage  ;  l'un  ,  touchant 
l'ordre  donné  contre  la  Liturgie  Angli- 
cane »&  l'autre,  fur  ce  qu'on  ne  permet- 
toit  pas  aux  Aumôniers  du  Roi ,  de  faire 
leurs  fonctions  près  de  lui.  L'Evêque  de 
Salisbury  fe  chargea  de  compofer  ces  deux 
chapitres ,  &  le  DoQeur  Gauden  n'a  ja- 
mais prétendu  en  être  l'Auteur,  comme 
il  a  prétendu  l'être  du  refte  du  Livre. 
3.  Après  la  mort  de  Charles  L  le  Dr, 
Walker  demanda  àl'Evêque  d'Exceter,ii 
le  Roi  avoit  vu  le  Livre?  Je  rHen  fuis- 
pas  fur,  répliqua   le  Do(5leur  .Gauden , 

mais 


I40BinT.T0THEQUE  BRITANNIQUE, 

mais  fai  fait  tout  ce  que  j'ai  pu  pour  le  lui 
faire  tenir  ^  car  fen  donnai  un   Exemplaire 
au  Marquis  de  Hertfordy  pour  le  remettre  au 
Roif  du  tems  des  Négociations  de  Vlfte  de 
ÏVigbt,  4.  Le   Dodleur  Walker  ayant  de- 
mandé à  Mr.  Gauden,  û  Charles 'IL  Iça- 
voic   qu'il    écoic    l'Auceur  de   ce   Livre? 
Gauden  répondic  :  ^e  ne  puis  pas  dire  cer- 
îainement  qu'il  le  fçacbe ,  car  il  ne  m  en  a 
jamais  dit  mi  moi\  mais  le  Duc  d'Tork  le 
fçait ,  6*  m^en  afouvent  parlé  y  comme  d'un  fer» 
"vice  très -utile  que  f ai   rendu  à  fa  Famille' 
Cf  puifquil  le  fçait ,  je  ne  doute  pas  que  le 
Roi  ne  le  [cache  aufjt. 

On  rapporte  encore  quelques  autres 
preuves,  pour  faire  voir  que  le  Dodeur 
Gauden  eft  véritablement  l'Auteur  du  Li- 
vre attribué  au  Roi.  On  allègue  des  Pa- 
piers produits  par  Mr.  North  ,  Marchand 
de  Londres,  parmi  lefquels  il  y  avoit, 
1.  Une  Lettre  du  Chevalier  Edouard 
Nicolas, Secrétaire  d'Etat,  au  Dodleur  Gau- 
den ,  datée  du  --  Janvier  1660.  dans  la- 
quelle il  lui  marque,  que  le  Roi  (Char- 
les II.)  a  reçu  (a  Lettre,  qu'il  fe  fou- 
vient  de  lui ,  &  que  le  Docteur  n'aura 
pas  îong-tems  fujet  de  fe  plaindre  qu'on 
le  néglige.  2.  La  ('opie  d'une  Lettre  de 
TEvéque  au  Chancelier  Hyde,  du  28.  Dé- 
cembre i66î.  avec  la  copie  d'une  Re- 
quête au  Roi,  écrite  de  la  propre  main 
de  TEvéque^  ou  il  lui  reprélente  les  dan- 
gers 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.   141 
gers   qu'il    a   courus    par  rapport   à   fei 
biens,  &  même   à   fa  vie,  &  les  avanta- 
ges que  la  Couronne  a  retirez  de  fes  fer- 
vices  *,  que  dans  ce  quHl  a'ioit  fait,  il  s'étoit 
propofé  de  conjoler  &'   d* encourager  les   amis 
du  Roi,  (!^  que  ce  qu'il  avoit  fait,  en  Roi  y 
méritoiî  une  recompenfe  Royale.  3.  La   Copie 
d'une  Lettre  de  l'Évéque  au  Duc  d'York, 
du   17.   Janvier   1661  *.   dans  laquelle  iî 
infifte  fortement  fur  les  fervices  qu'il  a- 
voit  rendus ,  &  fupplie  fon  AkefTe  Roya- 
le d'intercéder  en  fa  faveur  auprès  du  Roi. 
4.  Une  Lettre  du  Chancelier  Hyde  à  l'E- 
véque, du  13.  Mars  1661.  où  il  lui  dit, 
qu'il  a  reçu  plufieurs  de  fes  Lettres  ,  que 
rimportunité  de  l'Evêque  lui  fait    de  la 
peine,  qu'il  n'eft  pas  encore  en  fon  pou- 
voir de  lui  rendre  fervice;   <Sc  vers  la  fin 
de  la  Lettre  on   trouve  ces   expreH^ons  : 
„  Cette  particularité  dont  vous  avez  fait 
„  mention ,  m'a  été  communiquée  comme 
„  un  fecret  ;je  fuis  fâché  de  l'avoir  fçûë; 
„  quand  elle  ceiïera  d'être  un  fecret,  el- 
„  le  ne  plaira  qu'à  Mr.  Milton  '*.  5.  Une 
Lettre  de  Madame  Gauden,  écrite  après 
la  mort  de  fon  Mari,  à  Jean  Gauden  fon 
fils,  OLi  elle  parle  du  Livre  qu'on  appel- 
loit  communément  le  Livre  du  Roi  :  elle 

le 

♦  Selon  la  manière  de  compter  en  Angle- 
terre ,  où  l'on  commence  l'Année  le  25. ''de 
Mars. 


142  Bibliothèque  Britannique, 
le    nomme  le  Joyau  "^i  elle   à\t  que  fon 
Epoux  efpéroic  de  faire   fortune  par  le 
moyen  de  ce  Livre ,  &  elle  s'éconne  qu'on 
puiue  douter  qu'il  en  foie  l'Auteur;  mais, 
ajoute-t-elle,  y  ai  h  Lettre  d'un  très -grand 
homme  qui  éclaircira  tout   ceci.    6.   Un  long 
Narré  écrit  de   la  propre  main  de  I\Iad. 
Gauden,  pour  prouver  que  c'eil  fon  Ma- 
ri  qui   a  compofé  le    Livre  en  queftion. 
Mr.  Bayle  dit, que  ce  Narré  ejl  une  confir- 
mation   entière    du   Récit  du    Dr.   Walker. 
Mais  il  s'en  eft  rapporté  uniquement  aux 
Extraits  qu'on  lui  a  envoyez  du  Livre  de 
Toland,  qui.  fans  donner  ce  Narré  dans 
la  Vie  de  î^îilton,  fe   contente  de  dire, 
ou'il  confirme  le    Récit  du  DotleurWal- 
ker.     Cependant    il    eft  certain    qu'il  le 
contredit  vifiblement  dansplufieurs  points 
cfTentiels.  Nous  traduirons  ce  Narré ,  afin 
qu'on  puiile  le  comparer  avec  ce  que  die 
ce   Dodleur  ,  &  comprendre  la   réponfe 
qu'on  y    a  faite.     ,,  Après  que   le  Doc- 
,,  leur  Gauden  eût  compofé  ce  Livre,  il 
,,  le  montra   à  Mylord   Capel ,  qui  l'ap- 
,,  prouva,  &  fut  d'opinion  qu'il  faloit  le 
„  faire  imprim.er;  mais  il  fouliaita  que  le 
,,  Roi  pût    le  vo'r  auparavant.     D'abord 
,,  après  il  fe  préfenta    une  occafion  de  le 
,,  faire  tenir   au  Roi,  par    le  moyen   du 
„  Marquis  de  Hertford,  qui  partoit  pour 

9^  négo- 
*  The  Jewel. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  143 
,5  négocier  le  Traité  de  ride  de  Wighr. 
„  Le  Marquis ,  à  Ton  retour  ,  dit  qu'il  avoic 
,5  donné  le  Livre  au  Roi;  que  Sa  Majefté 
„  en  étoit  aflez  contente,  mais  qu'elle 
99  foiihaitoit  qu'on  le  publiât  fous  le  nom 
)}  d'un  autre  ,  &  non  pas  fous  le  fien. 
«9  Mais  on  lui  repréfenta  ,  que  comme 
99  Cromv/ell  &  d'autres  Officiers  de  l'ar- 
99  mée  s'étoîent  fait  une  grande  répucc- 
„  tion,  tant  par  leur  fçavoir  que  par  leur 
„  pieté,  il  feroit  plus  à  propos  de  pu- 
„  blier  l'Ouvrage  Tous  le  nom  du  Roi  : 
,,  fur  quoi  Sa  Majeflé  prit  du  cems  pour 
„  fe  déterminer.  Le  Marquis  dit  encore 
99  au  Dr.  Gauden,  qu'il  ne  fçavoit  cequ  c- 
„  toit  devenu  le  Manufcrit  ,&Dieufça:t, 
„  ajouta- 1- il,  ce  qae  deviendra  le  Roi. 
„  LEvêque  n'apprenant  point  ce  que  le 
,î  Roi  fouhaitoic  qu'on  fie,  tSc  voyant  croi- 
99  tre  de  jour  en  jour,  le  danger  où  é:oit 
»  Sa  Majeilé,  envoya  l'Ouvrage  à  l'Impri- 
9,  meur  Roy{lon;car  il  avoit  eu  foin  d'en 
„  garder  une  copie  . . .  L'ImprimiCur  crue 
,,  que  le  Roi  en  étoit  l'Auteur:  on  en 
P,  faifit  une  partie  à  l'Imprimerie  ,  on  prie 
,,  aulTi  la  Lettre  que  Gauden  avoit  écrite 
,,  à  Royfton  en  lui  envoyant  le  Manuf- 
„  crit,&  on  mit  en  pvifonMr.  Simmons, 
„  Miniftre  Royalifi:e,de  qui  TEvêque  s'é- 
„  toit  fervi  pour  faire  tenir  fon  Ouvrage 
„  à  rimiprimeur.  On  continua -cependant 
,9  rimprefîion ,  &  le  Livre  parut  peu  de 
f,  jours  après  la  mort  du  Roi.    Dès  qu'il 

f>  fat 


Î44  Bibliothèque  Britannique, 
„  fut  publié ,  le  Parlement  en  fut  dans  une 
„  extrême  colère,  &pHtdes  mefurespour 
5,  en  découvrir  l'Auteur.  On  trouva  le 
„  Manufcrit  que  Gauden  avoit  envoyé 
99  à  Charles  I.  &  on  vit  qu'il  n'étoit  point 
„  écrit  de  la  main  de  ce  Prince:  on  nom- 
3,  ma  des  CommifTaires  pour  examiner 
„  cette  aiFaire.  Gauden  fe  croyant  en 
„  danger,  s'enfuit  chez  le  Chevalier  Jean 
„  Wentworth  proche  de  Yarmouth,  dans 
„  le  deflein  de  pafler  la  mer.  Mais  Mr» 
„  Simmons  étant  tombé  malade,  &  étanc 
„  mort  peu  detems  après,  fans  avoir  été 
„  examiné  ,  on  ne  découvrit  point  que 
„  Gauden  étoit  mêlé  là -dedans,  car  fa 
,,  lettre  ,  qui  avoit  été  faifie  ,  n'étoit 
j,  point  fignée.  Ne  fe  croyant  donc  plus 
„  en  danger,  il  retourna  chez  lui. 

„  On  s'étoit  d'abord  propofé  de  met- 
„  tre  une  Epître  à  la  tête  de  l'Ouvrage  j 
„  qui  avoit  premièrement  pour  titre  Suf- 
9,  pirïa  Regia,  les  Soupirs  Royaux.  On 
„  changea  enfuite  ce  titre  en  celui  d'/con 
„  Bajîlikè  ;  &  au  lieu  d'une  Epître ,  on 
„  ajouta  deux  Chapitres  dans  le  Corps  de 
„  rOuvrage.  Le  Marquis  de  Hertford, 
„  le  Lord  Capei,  l'Evêque  Duppa  *  &  le 
„  Dofteur  Morley ,  furent  d'abord  les  feuls 
„  qui  euflent  connoiflance  du  fecret.  A- 
„  près  la  Reflauration  le  DoQeur  Mor- 
„  ley  dit' à  Gauden,  qu'il  avoit  fi  bien 
„  mérité  du  Roi ,  qu'il  en  obtiendroit  tout 
„  ce  qu'il  voudroit.   Duppa  Evêque  de 

,}  Win- 


Avril,  Mai  ET  Juin.  1739*   i45 

„  Winahefler  étant  fort  mal,  Gauden  fuc 
„  trouver  le  Roi ,  &  lui  déclara  qu'il  é- 
„  toit  l'Auteur  de  cet  Ouvrage ,  en  ap- 
„  pellant  au  témoignage  même  de  l'Evê- 
„  que  Duppa ,  qui  avoit  été  Précepteur 
„  de  Sa  Majefté ,  6:  qui  vivoit  encore. 
„  Il  s'excufa  de  l'avoir  publié  fans  l'or- 
„  dre  de  Sa  Majefté,  fur  lescirconftances 
j,  du  tems,  6c  fur  le  danger  oii  étoit  le 
„  Roi.  Charles  II.  dit  à  Gauden,  que 
„jufques-là  il  n'avoit  point  fçû  que  ce 
,y  fût  lui  qui  avoit  compofé  ce  Livre, 
,,  qu'il  avoit  cru  que  le  Roi  fon  Père  en 
„  étoit  l'Auteur  ,  mais  qu'il  s'étoit  étonné 
„  comment  il  avoit  pu  trouver  du  tems 
5,  pour  compofer  cet  Ouvrage: il  ajouta, 
„  que  l'Auteur  l'avoit  écrit  en  homme 
„  fçavant,  &  en  Roi;  &  que  s'il  eût  été 
„  publié  plutôt, il  auroit  peut-être  fauve 
,5  la  vie  de  fon  Père.  Il  promit  en  mê- 
,,  me  tems  l'Evêché  de  Wincheiter  à 
„  Gauden. 

,,  Ce  Dodeur  apprit  enfuite  au  Duc 
„  d'York  que  c'étoit  lui  qui  étoit  l'Auteur 
„  du  Livre  qui  avoit  paru  fous  le  nom 
„  de  Charles  I.  ;  le  Duc  répondit ,  qu'il 
ii  avoit  cru  que  fon  Père  l'avoit  coropo- 
„  fé.  Gauden  dit  à  Son  Altefle,  que  le 
„  Roi  lui  avoit  promis  l'Evêché  de  Win- 
„  chefler ,  &  le  Duc  l'aflura  aufli  de  fa 
„  proteélion.  Quand  l'Evêque  Duppa  fuc 
„  mort ,  Gauden  demanda  au  Roi  l'ac- 
,,  complilTement  de  fa  promefTe  ;  mais 
TomeXHL  Part.  L  K         „  INIor-- 


ï4(5  Bibliothèque  Britannique, 

,,  Morley,  qui  avoic  dit  à  Gauden  qu*iî 
,,  obtien'droic  tout  ce  qu'il  voudroit,  fut 
,,  pourvu  de  i'Evêché  de  Winchefler ,  & 
f,  Gauden  n'eut  que  celui  de  Worceder  , 
f,  dont  il  ne  jouit  que  fix  mois.  Après  fa 
5>  mort,  fa  Veuve  repr&fenta  au  Roi,  dans 
„  une  Requête  au  Roi ,  qu'elle  étoit  reftée 
s,  Veuve  avec  quatre  garçons  &  une  fille, 
.,  qu'il  en  avoit  coûté  200.  Livres  flerling 
„  à  Ton  Mari  pour  fe  tranfporter  d'Exce- 
,,  ter  à  Worcefler,  &  pria  le  Roi  de  lui 
„  accorder  les  revenus  de  TEvêché  pen- 
„  danc  fix  mois  5  mais  il  le  refufa,  &  les 
ff  donna  à  un  autre. 

Telles  font  les  Raifons  qu'on  allègue, 
pour  prouver  que  Charles  I.  n'eft  point 
l'Auteur  de  VIcm  Bafilikè  ^  &  qu'il  a  été 
compofé  par  le  Dr.  Gauden.  Toland,qui 
â  rapporté  ces  raifons  dans  la  Vie  de 
Milcon  ,  n'a  pas  jugé  à  propos  de  parler 
des  Réponfes  qu'on  y  a  faites  *;  &  c'eft 
pourquoi,  fans  doute,  on  ne  trouve  rien 
de  ces  Réponfes  dans  l'Article  de  Milton 
que  Mr.  Bayle  a  donné  dans  fon  D.ction- 
naire.  Cependant  la  plupart  de  ces  Ré- 
ponfes font  aflez  fol  ides ,  pour  nous  en- 
gager à  fufpendre  au  moins  notre  Juge- 
ment. 

Pre- 

*  Il  cil  vrai  qu'il  a  répliqué  à  quelques-unes 
dans  fon  Amynîor  ^  où  il  rapporte  auiïi  le  Nar- 
ré de  Mad.  Gauden,  &  s'efforce  de  le  conci- 
lier avec  1*  Récit  du  Dr.  Walker. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1759.  14;^ 
Premièrement,  à  l'égard  de  ce  qu'on 
prétend  que  Mylord  Anglefey  avoit  écrie 
dans  un  Exemplaire  de  VIco?î  Bafîlikè ,  on 
remarque:  i.  Que  Charles  II.  &  Jaques  II. 
ont  tous  deux  déclaré  le  contraire  de  ce 
qu'on  leur  fait  dire-là,  comme  il  paroîc 
par  les  Lettres  patentes  qu'ils  ont  données 
à  rimprimeurdes  Ouvrages  de  Charles  I.  ; 
ils  y  attribuent  poiitivement  à  leur  Père 
le  Livre  en  queflion. 

2.  La  Note  de  Mylord  Anglefey  ne  mar- 
que que  d'une  manière  très-vague, le  tems 
auquel  on  prétend  que  le  Roi  &  le  Duc 
lui  découvrirent  ce  fecret.  La  dernière 
féance  du  Parlemeiiî ,  1675,  peut  fignifier, 
ou  la  féance  dans  laquelle  le  Parlemenc 
fut  prorogé  ;  ou  la  féance  qui  précéda  im^- 
médiatement  le  tems  où  la  Note  fut  écrite. 
Si  la  date  eût  été  marquée  d'une  manière 
précife,  peut-être  auroit-elle  fourni  de 
quoi  réfuter  entièrement  la  Note ,  on  au- 
roit  pu  prouver  ,  que  le  Roi  ou  le  Duc 
ne  furent  point  au  Parlement  ce  jour-là^ 
ou  que  du  moins  ils  n'y  furent  pas  tous 
deux  ;  ce  qui  en  effet  leur  arrivoic  rare- 
ment. 

3.  Outre  plufieurs  autres  objedlions  qu'on 
fait  contre  cette  Note ,  com.me  d'être  in- 
férée dans  -un  feuillet  blanc  d'un  Livre, 
où  elle  ne  pouvoit  être  découverte  que 
par  le  plus  grand  hazard  du  mondç  ,  àc. 
on  nous  fait  remarquer,  qu'il  y  a  beau- 
coup d'apparence  que  le  Manufcric  donc 

K  2.  il 


148  Bibliothèque  Britannique, 

il  y  eft  fait  mention ,  n'a  jamais  exiflé. 
Car  Millington,  qui  avoit  fouvent  pré- 
tendu qu'il  l'avoit  entre  fes  mains,  &  qui 
avoit  promis  de  le  montrer  à  Mr.  Wâg- 
flafFe,  a  toujours  rcFufé  de  le  produire 
lorfque  Mr.  WagflafFe  a  été  chez  lui  dans 
le  deiTein  de  voir  ce  Manufcrit. 

4.  Le  Lord  Altham  ,fils  du  Comte  d'An- 
glefey,  a  écrit  à  Mr.  WagflafFe,  ,,  Qu'il 
9f  a  envoyé  chez  Mr.  Millington,  pourle 
i,  prier  de  lui  montrer  cette  Note  écrite 
99  de  la  main  de  Ton  Père  ;que  Millington 
99  a  refufé  de  l'envoyer ,  promettant  de 
99  l'apporter  lui-même  ce  jour-là  ou  lelen- 
„  demain  ;  mais  qu'il  n'en  a  rien  fait ,  de 
„  forte  que  Mylord  Altham  ne  fçauroit 
9}  dire  (1  la  Noce  efl  écrite  de  la  propre 
99  main  defonPere,  ou  non;  mais  à  en 
99  juger  par  la  manière  confufe  dont  elleefh 
99  couchée,  embarraflee  de  Parenthèfes, 
99  il  doute  que  fon  Père  l'ait  écrite;  car 
99  on  fçait  qu'il  avoit  le  talent  de  s'expri- 
^,  mer  d'une  manière  nette  &  aifée.  Il 
,5  croit  donc  que  cette  Note  eft  une  pié- 
,,  ce  fuppofée  ...  ;  car  ni  lui ,  ni  aucun 
,,  de  fa  famille  qu'il  fçache  ,  n'ont  jamais 
;,  vu  fon  Père  douter  que  le  Roifûtl'Au- 
,,  teur  du  Livre  en  queflion,&  ne  lui  ont 
5,  jamais  ouï  dire  un  mot  touchant  cette 
,,  Note.  Et  pour  ce  qui  elt  du  Manufcrit 
M  dont  il  y  eft  fait  mention,  Mylord  Alt- 
5,  ham  dit,  qu'il  a  fouvent  eu  la  clef 
j>  de  la  Bibliothèque  de  fcn  Père,  à.  la 

„  liberté 


Avril,  Mat  et  Juin.  1739.  14^ 
5,  liberté  d'y  confulter  les  Livres  qu'il  lui 
„  plaifoit;  mais  qu'il  n'a  jamais  vu  ceMa- 
„  nurcric,  &  qu'il   n'a  jamais   fçû  ni  ouï 
„  dire  à  Ion  Père  qu'il    eût  un  pareil  Ma- 
„  nufcrit*'.  Dans  une  autre  Lettre  il  dit, 
qu'i7  a  examiné  les  Papiers  de  fon  Père,  par- 
mi le/quels  il  a  trouvé  un  Journal  de  ce  qui 
fe  pallbit  au  Parlement ,  écrit  de  la  propre 
main  du  Comte  d'Angkfey ,  âf  contenant  des 
tbofes  qui  le  regardoient  perfonnellement  ;   ce 
Journal  étoit  de  l'année  rnème  dont  il  ejl  par- 
lé dans  la  Note ,  mais  il  ny  étoit  pas  dit  un 
mot  de  ce  qui  ejl  contenu  dans  cette  Note ,  quoi- 
que  ce  Journal  contienne  des  cbofes  bien  moins 
importantes ,  6f  quelques  particularittz  que  le 
Roi  dit  au  Comte  dans  la  Chambre. 

5.  Ceux  qui  prétendent  que  Charles  I. 
n'cfh  point  l'Auteur  de  ce  Livre,  regardert 
comme  un  efFet  particulier  de  la  Provi- 
dence, la  manière  dont  la  fraude  a  été  dé- 
couverte. Le  Dodteur  Walker  dit,  que 
Millington  ouvrant  le  Livre  par  hazard, 
y  trouva  la  Note,  &  Toland,  que  Mil- 
lington eut  le  tems  de  feuilleter  le  Livre  ,  par- 
ce que  les  EncheriJJeurs  étoient  fort  froids  ;  ^ 
fut  extrêmement  fur  pris  dy  trouver  cette  Noie. 
Mais  c'efl-là  un  grand  menfonge  :  car  long- 
tems  avant  la  vente  de  la  Bibliothèque 
de  Mylord  Arglefey,  Millington  avoit  por- 
té ce  Livre  dans  fa'  poche  ,&  l'avoit  mon- 
tré à  diverfes  perfonnesiôc  lorfque  le  Li- 
vre fut  vendu,  il  en  arracha  le  feuillet  fur 
lequel  la  Note  écoit  écrite  ;  afin  que  per- 

K  1  fonnc 


îjo  Bibliothèque  Britannique, 

ionne  ne  pût  la  voir  fans  (a  permiiîion ,  6c 
qu'en  iu  préfence.  Voilà  un  fait  auquel 
ioiand  ne  répond  rien  dans  fon  Amyn- 
tor  ;  à.  qui  méritoit  pourtant  quelque'ré- 
ponie,  puifqu'il  donne  lieu  de  foupçon- 
iier  quelque  fraude  de  la  part  de  Mil- 
iington. 

6.  Le  Douleur  Jaques  Canaries  ,  dans 
une  Lettre  datée  d'Abingdondans  le  Com- 
té de  Berk,  le  17.  Juillet  1693.,  dit, que 
Mr.  Jaques  Wood,  un  des  Ivliniltres  de 
St.  André  en  Ecofle,  Principal  du  vieux 
Collège  de  cette  Univerfifé,  &  un  des 
CoînmilTaires  envoyez  d'Ecofle  au  Roi 
Charles 'IL  à  Breda  l'an  1650.,  a  afluré 
fon  Père,  ,,  Oue  ce  Prince  lui  dit  en  pré- 
9,  fence  de  pluùeurs  perfonnes  de  quali- 
99  té  ;  fapprens  que  certaines  gens  foutien- 
f,  nent  que  mon  Père  n'ejt  point  l'Auteur  ds 
j>  ricôn  îjafilikè  ;  ....  c'efl  une  infigne  ca- 
,9  lomiîie ,  comme  je  vais  vous  en  convaincre. 
39  Sur  quoi  Sa  Majefté  fit  entrer  Mr.  Wood 
55  dans  fon  cabinet,  &  lui  montra  le  Li- 
,9  vre  écrit  d'un  bout  à  l'autre  de  la  main 
f,  de  fon  Père,  avec  une  Lettre  du  même 
9  9  Prince  concernant  cet  Ouvrage.  Ecpour^ 
99  convaincre  Mr.  Wood,  que  c'étoit  vé- 
î,  ritablement  l'écriture  de  Charles  L ,  il 
99  lui  fit  voir  plufieurs  autres  Lettres,  tou- 
99  tes  écrites  de  la  main  du  même  Prin- 
5,  ce:  Mr.  Wood  ayant  comparé  les  é- 
j,  cricures ,  convint  qu'el'es  éroient  tou- 
»^  tçs  de  la  même  main;  fur  quoi  le  Roi 

9)  lui 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  15^ 
,,  lui  die  :  Jugez  vous-fnême  fi  mon  PereaU" 
„  roit  voulu  prendre  la  peine  de  copier  un  Li^ 
„  vre  dont  il  n'auroit  point  été  V Auteur , 
9f  &  s'il  auroiî  écrit  une  pareille  Lettre  tou- 
i,  cbant  ce  Livre  *'.  Mr.  Wood  étant  de 
retour  en  Ecofle  ,  raconta  toutes  ces  par- 
ticularitez  au  Père  du  Docteur  Cana- 
ries. 

Après    quelques   réflexions    contre   le 
témoignage  du    Dodeur  Gauden  ,    qui , 
ayant  intérêt  à  foutenir  qu'il  étoit  l'Au- 
teur du  Livre  en  queftion,  ne  doit  être 
cru  qu'à  bonnes  enfeignes ,  Mr.  Birch  com- 
pare le  Récit  du  Doâ:eur\Valker  avec  le 
Narré  de  la  Veuve  de  TEvêque  Gauden  , 
&  fait  voir  en  quoi  ces    deux   témoigna- 
ges Te  contredirent.     Suivant  le  récit  du 
premier  ,   ni  lui  ni  Gauden  ne  fçavoienc 
fi  Charles  I.  avnt  vu  leL'vre ,  ou  non.  Mais 
luivant  le  Narré   de  Madame  Gauden  ,  le 
Marqus  de  Hertfurt  d  t ,  quil  avoit  donné  le 
Livre  au  Roi.  Suivant  le  Dodleur  Walker, 
Gauden  n'a  jamais  fçû  ce  que  le  Roi  penfoiî 
de  cet  Ouvrage.     Mais  fuivant  l'autre  Nar- 
ré ,  G  mden  Içut  que  Sa  Majejlé  en  étoit  con- 
tente ,  cf  foubaitoit    qu'on  le  publiât ,    mais 
fous  le  nom  d'un  autre.     Suivant  le    témoi- 
gnage du  Dr.  Walker,  Gnuden  ne pd^voit 
pas  dire  certainemsfït , que  Charles  II.  fçùt 
qu'il  étoic  l'Auteur  du  Livre.  Au  lieu  que 
fa    Veuve  dit ,  qu'//  le    déclara  lui-même  au 
Roi ,  en  en  appellant  au  témoignage  de  l'Eve- 

K  4  que- 


T52B1BL10THEQUE  Britannique, 
que  Duppa.  Suivant  le  Dodteur  Walkcr, 
Gauden  juge  que  le  Roi  fçait  qu'il  a  corn- 
pofé  cet  Ouvrage,  parce  qu'il  eft  fur  que 
le  Duc  d'Yorck  le  fçait,  &  qu'il  l'aura  fans 
doute  dit  au  Roi.  Mais  fuivant  Mad.  Gau- 
den, ce  fut  lui-même  qui  ledit  au  Roi, 
avant  que  d'en  informer  le  Duc.  Ces  con- 
trarietez ,  &  quelques  autres  que  nous 
omettons ,  ne  peuvent  que  rendre  fufpeft 
l*un  ou  l'autre  de  ces  Récits,  &  peut-être 
Ct)us  les   deux. 

Mr.  Birch  allègue  après  cela  plufiturs 
Preuves  pofitives  pour  revendiquer  au  Roi 
Charles  I.  le  Livre  en  queftion.  Ce  font 
les  témoignages  de  diverfes  perfonnes, 
qui  ont  vu  le  Livre  en  manufcrit  dans  le 
cabinet  du  Roi,  écrit  de  fa  propre  main; 
qui  lui  en  ont  même  vu  écrire  plulieurs 
pages  à  diverfes  renrifes  ;  ou  qui  le  lui 
attribuent  daas  leurs  Ouvrages.  Il  feroic 
trop  long  de  rapporter  tous  ces  témoi- 
gnagesrnous  remarquerons  feulement, qu'on 
y  tiOTive  quelques  variations  qui  les  in- 
valident un  peu,  ce  que  Toland  n'a  pas 
manqué  de  rélever  dans  fon  Amyntor.  Jl 
y  a  audi  quelques-uns  de  ces  témoignages, 
qui  ne  viennent  pas  de  perfonnes  fort 
confidcrables  &  d'un  grand  poids. 

Mr.  Birch  finit  cette  première Diiïerta- 
tion  ,  en  rapportant  ce  qui  a  été  dit  pour 
&  contre ,  au  fujet  de  la  fameufe  Prière  at- 
tribuée à  Chailes  I. ,  &  tirée  prefque  mot 

à 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  15^ 
à  moc  de  la  Prière  de  Pamela  ,  dans  TAr- 
cadJe  du  Chevalier  Philippe  Sidney  *  • 

J'ai  été  furpris  de  ne  point  trouver  dans 
cette  DiiTertation  un  Pallage  de  TEvêque 
Burnet,  dans  l'Hiftoire  de  Ion  Tems,  où 
il  eft  parlé  de  Vlcôn\Bafilikè.  Comme  je 
n'ai  ni  l'une  ni  l'autre  des  deux  Traduc- 
tions Françoifes  de  cette  Hiitoire  fous  !a 
main,  je  traduirai  ici  ce  pafliige  fur  l'O- 
riginal. LEvêque,  parlant  de  la  Haine 
que  l'on  conçût  contre  les  Auteurs  de  la 
mort  de  Charles  I.,  continue  de  cet- 
te  manière.  ,,  Cette  haine  f  fut  enco- 
„  re  confiderablement  augmentée  par  la 
„  publication  de  fon  Livre  intitulé  Icîn 
i,  Bafîlikè ,  qu'on  lai  attribuoic  généraîe- 
5,  ment.  Cet  Ouvrage,  qui  parut  immé- 
„  diatement  nprès  la  mort  du  Roi,  fuc 
„  réimprimé  plufieurs  fois  ,  &  eue  un  auf- 
;,  fi  grand  débit  qu'aucun  Ouvrage  publié 
„  de  notre  tems.  On  y  découvre  tantd'é- 
„  levation  &  tant  de  juftefle  dans  lespen- 
„  fées ,  &  tant  de  nobleife  dans  le  ftile , 
„  qu'on  peut  dire  que  c'eft  le  meilleur 
„  Livre  qui  ait  été  écrit  en  Anglois.  Et 
,,  la  pieté  qui  règne  dans  les  Prières  qu'il 
5,  renferme,  fut  caufe  que  tout  le  monde 
„  fe  recria  contre  le  meurtre  d'un  Prin- 
„  ce ,  qui  dans  fes  dévotions  les  plus  fe- 

,,  crêtes 

*  Voyez  le  Dift-onaire  Critique  ^uhi  fut'rà. 
t  Burnet,   Hillcire   de  fon  Tems,    Tome  i. 
PS'  5^'  ')i.  de  l'j^nglois. 

K  5 


Î54  Bibliothèque  Britannique, 

„  crêtes,  jugeoit  fi  fainement  de  toutes  les 
fi  affaires  qui  le  regardaient.  J'ai  été  élevé 
5,  dans  une  très -grande  vénération  pour 
„  cet  Ouvrage.  Et  je  me  fouviens,  qu'ayant 
i,  enter.du  quelqu'un  nier  que  le  Roi  en  fût 
î,  l'Auteur,  je  demandai  ce  qui  en  étoic 
,j  au  Comte  de  Lotliian ,  qui  nvoit  très-bien 
„  connu  Charles  I.,  (^'i:  qui  l'avoit  aimé 
,,  très-peu.  Il  me  parut  être  fur  que  ce 
5,  Prince  l'avoit  comporé  ;  car  il  me  dît, 
5,  qu'il  l'avoit  fouvent  entendu  employer 
„  plufieurs  traits  qui  fe  trouvent  dans  cet 
,,  Ouvrage.  Etant  ainfi  confirmé  dans  mon 
,,  fentiment ,  je  fus  fort  furpris  lorfqu'en 
.,  l'année  1673.  quej'étois  bien  avant  dans 
,,  la  faveur  du  Duc  d'York,  qui  fut  enfui- 
;,  te  Jaques  II. ,  &  par]  inc  familièrement 
,,  avec  lui  (car  il  me  perm.ettoit  de  l'en- 
,,  tretenir  librement  fur  des  matières  de 
,,  Religion)  comme  je  lui  cbjcftois  quel- 
„  ques  paifages  du  Livre  de  Icii  Père  ,  il 
,,  me  dit  que  fon  Père  n'en  étoit  point 
„  l'Auteur,  &  que  la  Lettre  au  Prince  de 
,,  Galles  ne  lui  avoit  jamais  été  renJuë  :  il 
,,  ajouta,  que  le  Docteur  Gauden  l'avoit 
,,  compote.  AprèslaKeflaurationjCe  Doc- 
,,  teur  mena  le  Duc  de  Sommerfet  <Sc  le 
,,  Comte  de  Southampton  au  Roi  6:  à  lui, 
,,  (Duc  d'Yovk)  qui  afiurerent  Sa  Majef- 
,,  té  &  le  Prince,  qu'ils  fçavoient  que 
,,  c'étoit  rOuvrage  de  Gauden;  que  le 
„  Comte  de  Southr^mpton  lui-m.éme  l'a- 
„  voit  montré   à    Charles  I,  pendant  le 

,,  Traité 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  155 
„  Traité  de  Newport  ;  que  le  Roi  l'avoit  Id 
„  &ravoicapprouvé,conime  contenant  fes 
„  propres  fentimens.Lc  Duc  d'York  ajouta, 
,,  que  quoique  Sheldon  &  les  autres  Evê- 
j,  ques  s'oppofalTent  à  ravancement  de 
„  Gauden, parce  qu'il  avoit  ngné  la  Con- 
f,  fédération  des  Presbytériens  *;  cepen- 
„  dant  le  grand  fervice  qu'il  avoit  rendu 
„  à  la  Couï-onne  par  cet  Ouvrage  plaidant 
„  en  fa  faveur, il  fut  avancé  malgré  toute 
„  roppoficion  de  fes  ennemis.  Cet  Oa- 
f,  vrage  a  fait  naître  de  grandes  difputes, 
&  il  y  a  des  gens  qui  veulent  à  toute 
force  que  le  Roi  l'aie  coiTipole,  &  qui- 
conque en  doute  ,  pafle  dans  leur  efprit 
pour  un  faux  Frère  ;  cependant  les  rai- 
Ibns  qu'on  a  alléguées  depuis  pour 
prouver  le  contraire ,  font  fi  fortes ,  que 
ne  me  fentant  pas  capable  de  décider 
la  quellion  ,  >e  fuis  obligé  de  la  iaifler 
dans  la  même  incertitude  oii  je  l'ai  trou- 
vée, je  dirai  feulement  ceci;  c'eft  qu'il 
eft  certain  que  Gauden  n'a  jamais  rien 


)9 
99 
>> 

99 

99 
J5 
99 
>> 

i,  écrit  avec  tant  de  force:  &.  qu'à  en  ju- 
„  ger  par  le  ftile  de  fes  autres  Cuvra- 
?> 

99 


ges ,  on  ne  l'auroic  jamais  cru  capable 
de  compofer  un  fi  excellent  Livre. 
Si  on  prend  la  peine  de  comparer  ce  Ré- 
cit du  Dodeur  Burnet,  avec  celui  de  la 
Veuve  du  Dr.  Gauden,  on  trouvera  qu'ils 
ne  s'accordent  gueres.  Et  en  général  cette 
Difpute  fait  voir,  qu'il  nelï  pas  toujours 

aud:- 
*  The  Covrnant. 


15*5  Bibliothèque  Britannique, 

aulfiaifé  que  certaines  gens  fe  l'imaginenc, 
de  prouver  que  les  Ouvrages  foienceffec- 
tivemencde  ceux  donc  ils  portent  le  nom. 

Dans  la  féconde  Diflertation  de  Mr. 
BirchjOn  trouve  d'abord  la  Commiffïo?!  qu'on 
prétend  que  Charles  I.  donna  aux  Papilles 
d'Irlande  en  1641.  pour  prendre  les  Armes 
contre  les  Procellans  de  ce  Païs-là.  Mil- 
con  a  cru  que  cette  Commiffionétoit  véri- 
tablement du  Roi,-  &  Toland  dit  *,  que 
„  ceux  qui  feront  bien  aife  de  voir  d'au- 
,5  cres  raifons ,  outre  la  confefîion  même 
,,  des  Rebelles  ,  de  croire  que  Charles  I. 
,5  a  réellement  donné  cette  CommilTion, 
,,  (car  je  ne  décide  rien  fur  cefujet)pour- 
5,  ront  confulter  la  Remontrance  des  Irlan- 

dois ,  6c  le  Livre  du  Dr.  Jones ,  l'une  6c 

l'autre  publiez  par  l'autorité  du  Parle- 
,,  ment,  &  une  Pièce  imprimée  en  i0'43, 
„  fous  ce  Titre  ,  Le  Myftèred^ Iniquité,  pag. 
,,  35.  &  36.  ;  comme  auilî  la  Chronique  de 
,5  Vicar ,  lîl.  Part.  p.  70  ,011  cette  Com- 
,5  miffion  efl  inférée  tout  au  long. 

Mr.  Richard  Baxter,  dans  VHijîoire  de 
fa  ^î>t,fait  beaucoup  de  fond  fur  l'affai- 
re du  Marquis  d'Ancrim  ,  ,,  qui  fut  un 
„  dcî»  Rebelles  d'Irlande  au  commencement 

*  Dans  VRdititn  des  Oeuvres  de  Milton ,  î/«- 
primés  en  1698.  in  fol.  rag.  528. 

t  Part.  III.  p.  83.  t'oyez  aiijjl  l'Abrcgé  de 
îa  Vie  rie  Mr.  B;:xter  ,  par  le  Dr,  Calainy,^. 
43.  Kdiî.  171 3. 


^y 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  15? 
;,  de  la  guerre,  lorfqu'on  commit  cet  af- 
„  freux  mairacre,  dans  lequel  ceux-ccns- 
î,  mille  Proteilans  furent  égorgez.  Ses 
„  biens  ayant  été  fequedrez ,  il  en  deman» 
,y  da  la  reilicution  au  rétabliffement  de 
„  Charles  II.  Le  Duc  d'Ormond  (  Viceroi 
fy  d'Irlande)  &  le  Confcil ,  prononcèrent 
„  fëntence  contre  lui.  Il  en  appella  au 
,,  Roi ,  &  foutint  qu'il  n'avoic  rien  fait 
„  que  du  coufentemenr  &  fous  l'autorité 
„  de  Charles  I.  Le  Roi  renvoya  cette  af- 
„  faire  à  quelques  Membres  di*  fon  Con- 
5,  feil  privé,  qui,  après  avoir  examiné  ce 
„  que  le  Marquis  avoit  à  dire  pour  fa  juf- 
„  tifîcation,  rapportèrent  qu'il  avoit  agi 
„  du  confentement  du  Roi ,  ayant  pour  cet 
^,  effet  une  Lettre  contenant  les  Inllruc- 
„  tions  de  Sa  Majeflé  ;  ce  qui  furprit  bien 
5,  des  gens.  Sur  quoi  Charles  IL  écrivic 
5,  au  Duc  d'Ormond  &  au  Confeil  d'Irlan- 
j5  de,  de  le  rétablir  dans  fes  biens,  parce 
a,  qu'il  paroiObità  ceux  qui  avoient  exami- 
,5  né  fon  affaire  ,  qu'il  n'avoit  rien  fait 
),  que  par  ordre  ou  avec  le  confentement 
,,  du  Roi.  Là-deffus  les  anciens  Adhérans 
„  du  Parlement  *  fe  perfuaderent  de  plus 
„  en  plus ,  que  la  guerre  avoit  été  jufte  ;  & 
„  ceux  même  qui  avoient  fait  mourir  le 
,,  Roi  ,  prétendirent  juftifîer  cette  adtion, 
„  en  foutenant  que  le  Droit  Naturel  l'au- 

„  tori- 

t  C'ç{l-à-dirc   ic   Parti   contraire  à    Cït3S- 
!>%  I. 


158  Bibliothèque  Britannique, 
„  torifoic.  La  chofe  n'en  demeura  pas-là. 
yy  Le  Lord  Mazarine,  à.  pluiieurs  autres 
Irlandois,  pourfuivirenc  cette  affaire  a- 
vec  tant  de  chaleur  ,  que  le  Marquis 
d'Anrrim  fut  forcé ,  pour  fa  propre  juf- 
tification,de  produire  devant  la  Cham- 
bre des  Communes  du  Parlement  d'An- 
_  gleterre  ,  une  Lettre  du  Roi  Charles  L  , 
„  par  laquelle  il  lui  ordonnoit  de  prendre 
„  les  armes  ;  cette  Lettre  ayant  été  lûë 
„  dans  la  Chambre,  impofa  îilenceàtous 
„  les  Membres»  Ils  n'en  témoignèrent 
„  pas  moins  de  vénération  pour  la  mé- 
,,  moire  du  Roi.  Mais  cela  fit  une  toute 
5,  autre  imprelnon  fur  l'efprit  du  peuple. 
„  l^ûus  avez  'voulu  nous  ptrfuader  ^  di\\QÏi-on 
55  aux  Partifans  du  Roi ,  qiiil  s'émt  déclaré 
,,  contre  les  Rebelles  d'Irlande ,  £5*  que  ceux-ci 
le  calomnioienî ,  en  prétendant  avoir  des 
ordres  ,  &  une  commijfion  de  fa  part.  Et 
ne  voyons-nous  pas  nous  -  7nêmes  à  préfent , 
da?is  quel  efprit  il  aiiroit  voulu  aller  en  Ir- 
lande Je  mettre  à  la  tête  d'une  Armée  ?  Onfe- 
ma  plufieurs  autres  réflexions  féditieufes 
parmi  le  peuple  ,  dont  on  peut  voir  le 
précis  dans  une  Brochure  qu'on  im- 
_  prima  alors  fous  ce  Titre  \Le Meurtre fe 
„  découvre  un  jour  * ,  &  dans  laquelle  on 
,5  inféra  la  Lettre  du  Roi  avec  des  Re- 
,,  marques.  Ceux  qui  avoient  encore  quel- 
„  que    vénération   pour  la  mémoire  de 


J5 


En  Angloï!: ,  Murther  v/ill  out. 


Avril,  Mat  et  Juin.  1739.  T59 
99  ce  Prince, auroient  fouhaité  que  Char- 
„  les  II.  eue  déclaré,  que  Ton  Père  n'a- 
„  voie  donné  commiffion  au  Marquis  d'An- 
99  trim  de  lever  une  Armée  en  Irlande, 
„  que  dans  le  deflein  de  la  faire  ferv.r 
,,  contre  les  Ecofibis  ,  &  que  ce  fut  mal- 
„  gré  lui  qu'elle  lé  tourna  contre  lesPro- 
,,  teftans  Anglois  qui  étoient  en  Irlande, 
,,  &  en  malTacra  tant  de  milliers  :  mais 
»9  quod  fcripium  erat,  fcriptum  erat  ;  ce  qui 
,9  étoit  écrit,  étoit  écrit. 

Mr.  Birch  nous  donne  enfuite  la  Lettre 
de  Charles  I  L  au  Duc  ri'Ormond  &  au 
Confeil  d'Irlande  ;  elle  renferme  un  détail 
de  l'affaire  du  Marquis  d'Antrim.  On  y 
voit  qu'il  avoit  agi  en  effet  fuivant  les 
ordres  de  Charles  I.  Mais  comme  Mr. 
Birch  le  fait  remarquer  dans  la  fuite  ,  il. 
ne  paroît  pas  par  cette  Lettre  ,  que  les 
ordres  que  le  Marquis  avoit  reçus  du 
Roi ,  foient  antérieurs  à  l'an  1644.  au 
lieu  que  le  Maflacre  d'Irlande  arriva  l'an 
1641.  On  ne  fçauroit  donc  prouver  par 
cette  Lettre,  que  la  Commiflion  donnée 
aux  Papilles  d'Irlande  ,ibit  véritablem.ert 
du  Roi ,  ni  même  qu'il  leur  en  ait  donné 
aucune. 

A  l'égard  de  la  Commifïion  même  don: 
il  s'agit  ici,  Mr.  Birch  y  remarque,  après 
Mr.  de  Rapin  *  ,  une  preuve  de  fuppo- 

f- 

^Hift.  d'Anglct.  Tome,  viii,  Liv,  xx,  fou^ 
Van  1^41, 


l60  BiRLÎOTHEqUE  BRITANNIQUE;, 

fition  ,  c'eft  qu'on  y  faic  dire  au  Roi  dts 
choies  qui  ne  font  arrivées  qu'après lada- 
te  de  cette  CommilTion  ,  qui  eft  du  i. 
Octobre  1641.  Mr.  Tindal,  dans  fa  Tra- 
dudion, ajoute  une  autre  raifon,  qui  dé- 
montre que  c'eft  une  impodure.  La  Com- 
miOion  eft  donnée  fous  le  fceau  d'EcolIe , 
&  cependant  l'Angleterre  y  eft  nommée 
la  première  ;  ce  qui  ne  fe  faifoit  jamais 
dans  les  Actes  publics  d'Ecoffe.  Ajoutez  à 
cela  qu'elle  eft  durée  d'Edimbourg  ,  au 
lieu  que  tous  les  acles  que  Charles  I.  a 
lignez  durant  fon  féjour  en  Ecofle  ,  font 
datez  de  Holyrood-Houfe  ^  qui  étoit  le  lieu 
de  fa  réfidence.  D'ailleurs  l'EvêqueBur- 
iiet  dit  dans  fes  Mémoires  des  Ducs  de 
Hamilton  *,que  le  Garde  du  grand  fceau 
d'Ecofte  déclara,  qu'il  l'avoit  toujours  eu 
entre  les  mains,  plufieurs  mois  avant  (Se 
après  le  i.  d'Ocîobre  1(541.  &  que  ce 
fceau  n'avoit  jamais  été  appofé  à  une  pa- 
reille Commiiiion. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  fort  ,  &  qui 
va  directement  au  but,  c'eft  qu'on  prou- 
ve ici ,  par  le  témoignage  de  Mr.  Jean 
Ker,  Doyen  d'Ardach  ,  écrit  &  ligné  de 
fa  propre  main,  que  ce  fut  Phelim  O-Nei- 
le,  Chevalier  Irlandois ,  qui  forgea  cette 
Commiftlon.  C'étoic  un  Chef  des  Rebel- 
les 5  qui  fut  mis  en  procès  &  jugé  à  Du- 
blin, en  Février  i(5jl.    I\Ir.  Ker  fut  pré- 

fent 

t  P^g-  183.  âf  250. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  làt 
fent  à  Ton  Procès.  On  prouva  qu'il  a- 
voit  commis  plufieurs  meurcres  ;  &  com« 
me  il  n'avoic  ri'en  à  dire  pour  fa  juftifica- 
tion,  un  des  Juges  1  interrogea  touchant 
une  commifllon  qu'il  devoit  avoir  reçue 
de  Charles  Stuart  pour  faire  la  guerre. 
On  prouva  que  Phelim  0-Neale  avoit  eu 
une  commilTion  ,  qu'il  avoit  montrée  4 
plufieurs  perfonnes  ,  au  commencement 
âe  la  Rébellion  d'Irlande.  11  avoua  ,  que 
lorfqu'il  eût  furpris  le  Château  de  Char- 
lemont,  &  le  Lord  Caulfield,  il  ordonna 
à  Mr.  Hamilton  ,  &  à  un  autre  Gentil- 
homme dont  Mr.  Ker  ne  fe  rappelloic 
pas  le  nom,  de  détacher  le  grand  fceau 
du  Roi  d'une  Patente  qui  apartenoit  au 
Lord  Caulfield  ,  &  laquelle  -  ils  avoienc 
trouvée  dans  le  Château ,  &  de  l'attacher 
à  une  Commiflion  que  lui  (  Phelim  0-Nea^ 
le  )  avoit  fait  drelïer.  C'eft  ce  que  Mr. 
Hamilton  lui-même  déclara  aufli  en  plei- 
ne audience.  On  fit  tout  ce  que  l'on  put 
pour  engager  0-Neale  à  confelfer  qu'il  a«= 
voit  eu  une  Commiflion  du  Roi  :  On  lui 
dit,  qu'une  pareille  Commiflion  juftifieroic 
pleinement  fa  conduite  &  le  feroit  ab- 
foudre  ;  &  même  lorfqu'on  fut  fur  le 
point  de  l'exécuter,  le  Lieutenant-Géné- 
ral *  lui  fit  encore  offrir  fa  grâce,  s'il 
vouloit  avouer  qu'il  eût  agi  par  ordre  du 
Roi  ;  il  déclara  conftamment,  ù.  même  à 

*  Ludlovf. 

Toim  XllL  Paru  L        t 


I(52BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

la  potence ,  en  préfence  d'une  foule  de 
peuple,  le  plus  folemnellement.  du  mon- 
de, prenant  Dieu  &  fes  faints  Anges  à 
témoin,  qu'il  n'avoit  jamais  eu  de  Com- 
milTion  du  Roi  pour  faire  la  guerre»  C'efl 
ce  que  Mr.  Ker  dit  avoir  entendu  de  fes 
oreilles,  étant  prêt  à  confirmer  par  fer- 
ment tout  ce  récit,  qui  eft  figné  de  fa 
main^  le  28.  Février  168 1. 

Ce  Récit  efl  confirmé  par  le  témoigna- 
ge de  plufieurs  perfonnes,&  particulière- 
ment au  Dr.  Guillaume  Sheridan  ,  qui  a 
été  Evéque  de  Kilmore  en  Irlande,  &de 
iSli'.  Lock ,  un  des  Membres  de  la  Cham- 
bre-bafle  de  ce  Royaume,  qui  afilfterent 
l'un  &  l'autre  au  fupplice  de  Phelim  O- 
Neale.  Et  ce  qu'il  y  a  de  remarquable, 
c'efl:  que  la  Patente  même  dont  on  avoit 
détaché  le  grand  Sceau  ,  &  qui  contenoic 
tm  octroi  de  certaines  terres  fituées  dans 
le  Comté  de  Tyrone  en  Irlande,  fut  pro- 
duite ,  iî  y  a  cinq  ou  fîx  *  ans ,  dans  un  pro- 
cès que  le  Lord  Charlemont  eut  touchant 
ces  Terres.  Il  paroifToit  clairement  que 
le  Sceau  avoit  été  détaché  de  cette  Pa- 
tente ,  6l  on  l'avoit  même  marqué  ex- 
prefTement  au  dos.  De  forte  qu'elle  fuc 
admife  par  les  Juges   comme  un  acle  au- 

tenti- 

'  *  La  Vie  du  Duc  d'Ormond  ,par  Mr.  Carte» 
d'où  cette  particularité  eft  tirée ,  fiit  imprimée  à 
Londres  en  1736.  en  3.  Vol.  in  folio,  en  i\n- 
glois.    Voyez  y  le  L  V^ol.  Liv.  III.  p.  iSi, 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  153 

tentique.  Mr.  Birch  allègue  encore  quel- 
ques autres  raifons  ,  pour  prouver  eue 
Charles  1.  n'a  poinc  donne  de  Commin.on 
pareille  à  celle  qu'on  lui  accribue.  Mais 
comme  ces  raifons  nous  paroifTent  beau- 
coup plus  foibles  que  celles  que  nous  a- 
vons  rapportées,  nous  ne  nous  y  arrête- 
rons pas.  Nous  remarquerons  feulement , 
que  dans  prelque  tous  les  procès  qu'on  a  fait: 
aux  Papilles  d'Irlande  après  la  mort  de 
Charles  I.  on  a  taché,  par  toutes  fortes  de 
moyens ,  de  les  obliger  à  confeiTer  ,  qu'ils 
avoient  une  Commiinon  de  ce  Prince» 
dans  le  defiein  fans  doute  de  rendre  fa 
mémoire  plus  odieufe. 

Notre  Auteur  vient  enfuite  à  l'affaire 
du  Marquis  d'Antrim.  Nous  avons  déjà 
remarqué,  qu'il  paroît  par  les  procédures 
de  cette  affaire,  que  les  Lettres  du  Roi, 
que  le  Marquis  allégua  pour  fa  juftifica- 
tion  ,  fontpoftérieuresau  Maffacre  d'Irlan- 
de. De  forte  que,  quoique  Mr.  Birch 
nous  donne  un  long  détail  fur  tout  ceci , 
nous  ne  l'y  fuivrons  point  :  nous  nous 
contenterons  de  renvoyer  le  Ledeur  à 
Mr.  Burnet  *. 

Il  faut  voir  pourtant  ce  que  l'on  répond 
au  fujet  de  la  Lettre  du  Roi  Charles  L, 
que  le  Marquis  d'Antrim  produifit  devanc 
la  Chambre  des  Communes  du  Parlemenc 

d'An- 

-  *•  /îii  I.  Tome  de  l'Hilloire  de  fon  tems  ,  pag^ 
Jio,  ^  ^i.  de  l'Anglois. 

L  2 


i6\  Bibliothèque  Britannique, 

d'An,a;leterre,  &  qui  impofa  filence  à  tous 
les  Membres ,  comme  on  l'a  vu  ci-defTus , 
dans  le  paiïage  tiré  de  la  Vie  de  Mr.  Bax- 
ter. S'il  ne  s'agit,  nous  dit -on,  que  d'u- 
ne de  ces  Lettres  par  lefquelles  Je  Roi 
lui  commando]  t  de  lever  des  Troupes  en 
Irlande  pour  le  fecours  de  l'Ecofle ,  on 
n'en  peut  rien  conclure  par  rapport  à 
la  Commiiîion  dont  il  s'agit, tous  ces  or- 
dres étant  poftérieurs  au  Maflacre  d'Ir- 
lanJe.  vS'il  ne  s'agit  d'aucune  de  ces  Let- 
tres ,  mais  de  quelqu'autre  ou  il  lui  foie 
com'Tipndé  d'armer  les  Papiftes  contre  les 
Proteftans  ;  on  ne  voie  pas  pourquoi  il 
n'uu'-oit  pas  produit  cette  Lettre  plutôt, 
&  lorfque  des  Commiflaires  nommez  par 
Charles  IL  examinoient  fcn  affaire.  De 
plus ,  Nîr.  Carte  dit  dans  fa  Préface  fur 
la  Vie  du  Duc  d'Ormond  *,  qu'il  a  exa- 
m  né  tous  les  Journaux  de  la  Chamibre 
des  Communes,  depuis  la  Reftauration , 
jufqu'à  l'année  1670  f»  ^^^s  v  trouver 
rien  touchant  cette  Lettre  de  Charles  L, 
ni  rien  qui  fafle  voir  que  le  Marquis  d'An- 
trim  ait  paru  devant  la  Chambre,  ou  que 
le  Lord  MafTareene  ait  préfenté  Requête 
au  Parlement  d'Angleterre.  S'il  y  eut  eu 
quelque  cbofe  de  femblable  ^  ajoute  Mr.  Car- 


te, 


*  Pag.  II. 


*  Le  Lord  Maffareene  ,  ou  Mazarîne  (car 
nous  trouvons  fon  nom  écrit  de  ces  dcu.^  ma- 
nières) mourut  en  Septembre  1665.. 


Avril,  MaietJuin.  1739    j6y 
te  ,il  en  feroiî  certainement  fait  mention  dans 
les  iMtres  du  Lord  Aungier ,  au  Duc  d'Or* 
mond;  car  ce  Lord  écoit  Membre  delà  Cham- 
bre-baffe  en  Angleterre,  ajfijloit  à  toutes  les 
fiances ,  (f  ne  laijfoit  guerts  paffer  de  pojies 
fans  écrire  au  Duc  d^Ormond ,  alors  l^ieeroi 
d'Irlande^  (f  lui  parloit  pre/que  t.ïljmrs  de 
la  conduite  du   Lord  Maffaretne,  durant  fon 
fêjour  en  Angleterre.  Le  Douleur  Calamy  * 
dit,  qu'on  Ta  aiïuré   que  cette  Lettre  a 
été  pendant  quelque  tems  dans  ce  qu'on 
appelle  ici  îhe  Paper-Office.    Sur  quoi  Mr. 
Carte  remarque  ,  que  cet  Office  efl  un  Bu- 
reau où  l'on  dépofe  les  papiers  préfentez 
aux  Secrétaires  d'Etat ,  &  non  pas  ceux 
qu'on  préfente  au  Parlement.  Cependant 
il  a  vifité  cet  Office,  mais   il  n'y  a  point 
trouvé  la  Lettre  en  queftion  ,   quoiqu'il 
y  aie  vu  pluûeurs  Requêtes  au   Roi,    & 
divers  Papiers  touchant  le  Marquis  d'An- 
trim. 

Pour  ce  qui  efl:  de  la  Brochure  que 
Mr.  Baxter  cite,  &  qui  eft  intitulée,  Le 
Meurtre fe découvre  un  jour\Mx.  Birch  nous 
apprend ,  qu'il  paroît  par  les  Lettres  du 
Comte  d'Arlington  auDucd'Ormond  ,que 
cette  Brochure  fut  imprimée  peu  de  tems 
après  la  Lettre  de  Charles  1 1.  à  ce  Duc, 
dont  nous  avons  parlé  ci  deflus  ;  &  qu'el- 
le ne  contient  que  cette  Lettre  même, 
précédée  d'un  Avertiflement ,  oli  il  efl  dit 

que 

*  Abridgment  of  Mr.  Baxter's  Life,  p.  43. 

L  3 


I6<5  BlULTOTHEQUE  BRÏTANIflQUE, 

que  le  Roi  a  accu/é  fon  Père  .afin  de  juftifier 
le  Marquis  d'Antrim .  Mais  il  ne  paroîc  pas 
par  les  Lettres  du  Comte  d'Arlington  ou 
ileil  parlé  de  cette  Brochure  ,  qu'il  y  foie 
tlit  un  feul  mot  de  la  Lettre  que  le 'Mar- 
quis d'Antrim  produific  devant  la  Cham- 
bre des  Communes.  Si  Mr.  fjirch  eût  pu 
découvrir  la  Brochure  même, il  auroit  été 
en  état  de  nous  apprendre  quelque  chofe 
de  plus  pofitif.  Mais  c'eil  le  fort  des  Libel- 
les, de  fc  perdre  fans  reffource,  dès  que 
les  difputes  qui  les  onc  font  naître  font; 
aiTo  unies. 

ARTICLE   VIL 

A  Tour  thro'  the  -cchok  ISLAXD  of 
GREAT  BRITAIN  D'roided  into  Cir- 
cuits orjoumies ,  giving  a  ParticuJar  and 
enterîainïng  Account  of  'vjbatcjer  is  cu- 
rmis  and  idorth  obfervation.  Viz.  I.  A 
Defcriptîon  of  the  Principal  Cities  and 
Towns  ,  their  Situation  ,  Government 
and  Commerce.  2.  The  Cuftums  y  Man- 
fiers ^  Exercises  ^  Diverfions  ^  and  Em- 
ployment  of  the  People.  3.  Tfje  Produce 
and  împrovement  of  the  Lands ,  the  Tra- 
de  and  ManufaSiures,  4.  The  Sea-Ports 
and  Fortifications ,  the  Cour;e  of  Rivcrs 
and  the  Inlaud'  Navigation.  5.  The  Pu- 
blic 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  la-^ 
Me  Edifices ,  Seat  s  and  Palaces  êftbe 
Nobilîty  and  Gentry.  In  Three  Volumes, 
London  ;  Printed  for  J.  Gsborn  ,  S. 
Birt,  D.  Browne,  A  Millar,  F.  Co- 
gan ,  J.  Whiflon  and  J.  Robinfoni738. 
in  H°.  Cejl'à-dire  :  Relation  Hifto- 
rique  de  Voyages  faits  dans  tous  les 
Comtez  de  la  Grande-Bretagne  ,  où 
l'on  donne  une  defcription  détaille'e 
&  amufante  de  tout  ce  qu'il  y  a  de 
curieux  &  de  remarquable.  I.  Des  prin- 
cipales Villes  &  Bourgs,  de  leur  Si- 
tuation, Gouvernement  &  Commer- 
ce. 2.  Des  Coutumes ,  Mœurs ,  Exerci- 
ces, DivertifTemens  &  Emplois  du 
Peuple.  3.  Des  Produ6lions  6c  de  la 
Culture  des  Terres,  du  Négoce  & 
des  Manufa6lures.  4.  Des  Ports  de 
Mer,  des  Fortifications,  du  Cours 
des  Rivières  ,  &  de  la  Navigation 
dans  l'intérieur  du  Royaume.  5.  Des 
Edifices  publics ,  des  Maifons  &  des 
Palais  de  la  NoblefTe,  &c.  En  trois 
Volumes  :  A  Londres ,  imprimé  pour  J. 
Osborn  ,  S.  Birt,  D.  Browne,  A. 
Miilar,  F.  Cogan,  J.  Whiflon  &  J. 
Robinfon.  A^  1738.  en  8^  Le  Pre- 
mier Volume  contient^  outre Ja  Pré- 
L  4  face 


i6g  Bibliothèque  Britannique, 
face   àf  la   Table   des  Matières,^  360. 
pages. 

LA  première  Edition  de  ce  Livre  parut 
en  1722.  &  fat  afîez  bien  reçue  du 
public  ;  mais  comme  depuis  ce  tems  là  il 
eft  arrivé  des  changemens  confiderables  , 
pn  a  été  obligé  de  faire  un  fi  grand  nom- 
bre d'additions  &  de  corredions  dans  ce 
jjvre,  que  cette  Seconde  Edition  peut 
pafTer  pour  un  Ouvrage  nouveau.  L'Au- 
teur nous  y  donne,  en  forme  de  Lettres , 
3a  defcription  des  différentes  Comtez  de 
TAngleterre.  Sa  première  Lettre  roule  fur 
ce  qu'il  y  a  de  curieux  dans  les  Comtez 
à'EJfex,  de  Suffolk,  de  Norfolk  &  de  Cam- 
bridge. Il  remarque,  par  rapport  à  la  Com- 
té d'EJJex ,  que  dans  le  Village  de  Stratford, 
le  nombre  des  maifons  eft  le  double  de 
ce  qu'il  étoit  il  y  a  quelques  années  ; 
qu'on  compte  que  dans  les  autres  Villages 
qui  font  prè«  de  Londres ,  comme  Lo'w- 
Layton ,  Layton-Sione ,  WaUhamlîow ,  îVood- 
ford,  ÎVanfted,  &c.  on  a  bâti  depuis  la 
Révolution  mille  maifons,  outre  celles 
qu'on  a  reparées,  ou  agrandies  ;  qu'on 
paye  de  chacune  de  ces  maifons  depuis 
âo.  jufqu'à  60.  livres  fterling  de  rente; 
qu'il  y  a  dans  ces  Villages  200.  caroiTes 
de  Gentilshommes ,  &  qu'on  y  trouve  tout 
ce  qui  peut  contribuer  aux  agrémens  de 
U  Société,   Ce  qn'il  attribue  à  l'opulence 

des 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  16g 
des  Marchands  de  Londres  ,dont  les  uns , 
s'étant  enrichis  par  le  Commerce,  fe  font 
retirez  dans  ces  endroits, pour  y  pafTer  le 
relie  de  leurs  jours  ;  &  les  aucres  gagnent 
aflez  confiderablemenc  pour  tenir  mailbn 
en  ville ,  &  à  la  campagne. 

[Cette  Remarque  femble  détruire  les 
plaintes  générales  des  Marchands  d'An- 
gleterre, qui  prétendent  que  le  Commer- 
ce n'ellplus  fi  floriflant  dans  ce  Royaume 
qu*il  étoit  autrefois.  On  peut  dire  ,  qu'a- 
vant la  Révolution  il  y  avoit  des  Mar- 
chands puifTamment  riches,  mais  le  nom- 
bre n'en  étoit  pas  fort  grand  ,  (Se  la  dépen- 
ie  qu'ils  faifoient  étoit  médiocre;  au  lieu 
qu'il  y  a  aujourd'hui  un  nombre  confide- 
Table  de  Marchands,  &  que  le  luxe  qui 
s'eft  introduit  parmi  eux,  les  engage  à  de« 
dépenfes  excelTlves.  ] 

La  découverte  qu'on  vient  de  faire  d'un 
Chemin  Romain  qui  alloit  de  Londres  dans 
k  Comté  à*EffeXy  fournit  à  notre  Auteur 
une  féconde  Remarque.  Il  nous  apprend, 
que  ce  Chemin  étoit  pavé  de  larges  pier- 
res ,  avec  des  chauffées  &  des  ponts  fur 
les  rivières  qui  le  coupoient;  qu'il  com- 
mençoit  dans  les  marais  de  Hakney ,  pro- 
che de  Londres,  à  un  endroit  nommé  JVyck, 
qu'il  paffoitpar  Temple-Mills^p^r  Ruckolls , 
par  Layton-Stone ,  a  côté  de  la  maifon  ma- 
gnifique du  Comte  de  Tilney,appellée/^^ûn- 
fiedboufe  &  la  forêt  de  Henault;  qu'en 
çreufant  la  terre,  on  trouva  fur  ce  Chemin 

L  j  un 


170B1BLIOTHEQUE  Britannique; 

un  grand  nombre  de  Médailles  &  d'autres 
Antiquicez  Romaines,  qui  étoient  entre  les 
mains defeuMr.  Strype,  Miniftrede  Loiju- 
Layton, 

La  troifième  Remarque  de  notre  Auteur, 
roule  fur  l'air  mal-fain  qui  règne  dans  les 
endroits  humides  &  marécageux  do  la  Com- 
té à'EJfex  qui  font  le  long  de  la  Tamife , 
&  fur  les  côtes  de  la  mer.  Il  dit  que  ce 
pais  cft  peu  peuplé ,  que  la  plupart  des 
habitans  font  des  étrangers  ,  qui  vien- 
nent s'y  établir,  parce  que  les  terres  font 
affermées  à  un  prix  très-modique,  que  les 
maladies  fréquentes  caufées  par  cet  air  é- 
pais  &  les  brouillards  continuels,  empor- 
tent fur-tout  les  femmes ,  de  forte  qu'il 
n'eft  pas  rare  de  voir  des  Fermiers  qui 
ont  eu  fuccellivement  jufqu'à  quinze  fem- 
mes. 

Kous  ne  nous  arrêterons  pas  à  ce  que 
notre  Auteur  dit  des  Villes  de  Colchefter 
&  de  Harwicb  ;  mais  nous  parlerons  d'un 
fait  qui  peut  fervir  à  illuflrer  l'Hiftoire 
Naturelle.  Les  habitans  dei^arTOfc/?fe  van- 
tent que  les  murailles  de  leur  ville  &  Iç 
pavé  de  leurs  rues  font  d'argile  ,  &  que  ce- 
pendant leurs  murailles  font  auHl  fortes  & 
leurs  pavez  auffi  nets ,  que  s'ils  étoient  de 
pierres.  En  effet  il  y  a  dans  le  roc  qui 
efl  entre  la  Ville  &  le  Promontoire  ap- 
l^eWé  Beacons-Hill  une  efpece  d'argile,  qui , 
îorfqu'elle  efl  tombée  dans  la  mer,  &  a 
été  battue  des  vagues  &  de  la  tempête  ; 

fc 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  171 
fê  change  par  dégrez  en  pierre.  Car  l'eau 
qui  coule  d'une  fource  qui  eft  dans  ce  roc, 
tombant  dans  la  mer  fur  ces  morceaux 
d'argile  ,  les  pétrifie ,  &  la  force  dos  va- 
gues &  de  la  tempête,  en  les  remuant 6c 
en  les  faifant  changer  de  fituation,  fait 
qu^ilsfont  pétrifiez  égaleirent  par-tout  Si 
on  amalTe  ces  morceaux  d'argiie  avanc 
qu'ils  foient  entièrement  pétrifiez  ,  la  fur- 
face  eit  dure  comme  la  pierre,  mais  en 
les  caflant  avec  un  marteau,  on  trouve 
que  le  milieu  eft  mol  comme  l'argile. 

La  Charfe  du  Roi  Edouard,  lurnom- 
mé  le  Cnnfejfëur  ,  par  laquelle  il  accorda  à 
Rodolphe  Hept-rkin^  la  Garde  de  la  Forêt 
d' Epping  ,mér\{Q  que  nous  l'infevions  ici:- 
elle  eft  courte,  elle  eft  en  Vers,<Sc  elle 
peut  fervir  à  faire  connoître  la  confor- 
mité de  1  ancienne  Langue  Angloife  avec 
la  Langue  Allemande;  La  voici. 

Icbs  Edvjard  Koning   Moi  Edouard  Roi. 
Havegc'oènof  myFor- y^ii  ùonv.é  la   iiarde 
rejt  tbe  Keeping  of      de  ma  Foret  dans 
îheHundredofCbeU      les     Cantons     dé- 
vier and  Dandng.  Chelmsford  ai  de 

Deering. 
To  Randolph  Peperhng  A  Rodolphe   Peper- 
and  to  bis  Ktndling,      king  d  à  fes  Def- 

cendans. 
PJ/ltb  Heorte  and  Hind  Avec  Cerfs  &  Biches, - 
Poe  and  Bock^  Daims  femelles  (S: 

mates. 


Î72BIBLIOTHEQU 

Haze  and  Foxe,  Cat 
and  Broke, 

Wilde  Fuwell  <voitb  bis 

Floche. 
Partrich  y  Fefant-Hen 

andFefant-Cock. 
Witb  greetieand  wilde 

Stob  and  Stock. 

To  kepen  and  to  yemen 
by  ait  her  migbt, 

Botb  by  day  and  eke 

by  Night, 
And   Rounds  for   to 

bolde. 
Good  and  Swift  and 

bolde. 
Fonjoer  Grebounds  and 

fix  Racches. 
For  Haze  and  Fox  and 

*wild  Cattes, 

And  tberefore  Icb  ma- 
de  him  my  Book. 


Witnefje     ibe    Bifl:)op 

IFolIlon. 
And  Booke  yUzed  ma- 

ny  on. 


E  Britannique^ 

Lièvres  &  Renards, 
Loutres  &  Taif- 
fons. 

Gibier  &  tout  ce  qui 
en  dépend. 

Perdrix  &  Faifans  & 
Faifannes. 

Avec  tout  le  bois 
verd  &  rauvage,ra- 
cine  &  branche. 

Pour  garder  6:  pré- 
fer  ver  de  tout  fon 
pouvoir. 

De  jour  aulîî-bien 
que  de  nuit. 

Et  pour  garder  des 
Chiens    courans  , 

Bons,  légers  &  cou- 
rageux. 

Quatre  Lévriers  & 
fix  BafTets. 

Pour  des  Lievr€S,des 
Renards  &  des 
Loutres. 

Et  pour  cela  je  l'ai 
fait  enregiftrer 
dans  mes  Archi- 
ves. 

Témoin  TEvêque 
Wolfton. 

Dont  chacun  peut 
lire  le  Seign. 

And 


Avril,  Mai  et  Juin.   1739.  173 
And  SwEYNK  ofEJfex  Et  S  u  e  y  n  e  d  Eflex 

our  Broîbtr.  notre  Frère. 

Andteken  bim  many  0-  Ec  outre  lui  plufieurs 

tber»  autres. 

And  our  StinJoardUo-  Et  notre   Intendant 

WELIN.  HOWELIN. 

Tbat  by-foughî  me  for  Qui  nous  a  préfcnté 
bim.  Requête  pour  lui. 

Pour  ce  qui  regarde  la  Comté  de  Suf- 
folk, notre  Auteur  remarque,  que  lorfque 
les  Hirondelles,  au  Printems,  paflent  la  mer 
pour  venir  en  Angleterre, elles  paroiiïenc 
premièrement  fur  les  Côtes  de  cetre  Com- 
té, qui  s'étendent  depuis  Oxf or  d- Nef  s  jui- 
qu'à  Tarmouîb;  &  que  dans  l'automne  el- 
les partent  de -là  pour  repaflerla  mer,  & 
pour  fe   retirer  dans    aes  Climats   plus 
chauds. Il  rapporte, qu'au  commencemenc 
du  mois  d'Odtobre,  érant  logé  dans  une 
maifon  de  la  Ville  de  Southwould  qui  don- 
noit  fur  le  Cimetière,  il  vit   un  nombre 
prodigieux  d'Hiror.delles  fur  les  toits  de 
l'Eglife  &  des  maifons  voifmes,  &  qu'il  en 
demanda  la  raifon  à  un   homme  grave, 
qui  lui  répondit,  que  ces  Hirondelles  s'é- 
tant  rendues  fur  les  côtes  pour  pafler  la 
mer ,  fe   trouvoienc  arrêtées ,  parce  que 
les  vents  étoient  contraires;  à  quoi  il  a- 
joute  ,  que  le  lendemain  le  vent  s'étanc 
tourné  au  Nord-Oueft,  elles  avoient  dis- 
paru.   Il  croie  que  les  Hirondelles  char- 
gent 


l74BlBLIOTHEQrjEBRITANNIQUE, 

gent  de  climat,  non  feulemenc  à  caufe 
du  froid  6l  du  chîud  ,  mais  encore  pour 
pourfuivre  leur  proye,"  qu'elles  viennent 
en  Angleterre  en  Eté,  parce  que  ce  pais 
étant  rempli  débrouillards,  produit  une 
quantité  prodigieufe  d  Infectes  donc  elles 
fe  nourrilTent,  que  fi  la  chaleur  &  la  fé- 
cherefTe  qui  régnent  dans  l'air  tuent  ces 
infectes,  les  Hirondelles  , faute  de  nourri- 
ture ,  perdent  leur  force  &  tombent  en 
terre  comme  mo^-tes  ;  que  la  néceifué  de 
chercher  leur  proye  ailleurs  ,  les  oblige 
à  quitter  l'Angleterre  en  Hyver;  qu'elles 
fe  rendent  fur  les  côtes  de  SufFoîk  ,  par-e 
que  de-là  le  paflage  en  Hollande  eft  plus 
court  que  des  autres  côtes,  &  qu'elles  fe 
retirent  en  troupes,  ou  peu-à-peu,  félon 
que  le  vent  leur  elt  favorable. 

La  Comté  de  Suffolk  fournit  la  Ville 
de  Londres  de  Dindons  &  d  Oyes.  On 
compte  qu'il  paiTetous  les  ans  fur  le  pont 
de  Strraford,  qui  fepare  la  Comté  de  Suf- 
folk de  celle  d'r.flL-x,  f^oc.  troupeaux  de 
Dindons, &  que  dans  chacun  de  ces  trou- 
peaux il  y  en  a  depuis  30a  jufqu'à  loco. 
Le  nombre  de  ceux  qui  pafTent  par  Neiy- 
market-Heatb ,  pa'*  Siidbury  ôc  Clure,  eft  enco- 
re plus  confiderable. 

C'efl  dans  la  Comté  de  Suffolk,  qu'on 
a  commencé  à  nourrir  &  à  engraifTer  les 
beftiaux  &  les  brebis  de  navets  :  ce  qu'on 
a  trouvé  très-avancngeux  ,  &  pour  l'âme- 

hora- 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  17 v 
lioration  des  terres ,  &  pour  la  multipli- 
cation des  beftiaux,  de  forte  que  la  plu- 
part des  autres  Comtez  ont  imité  l'exem- 
ple de  celle-ci. 

Il  nous  refte  à  parler  des  deux  princi- 
pales Villes  de  la  Comté  de  SufFolk,  qui 
font  Ipswicb^  &  S.  Edmuîids-Bury.  Notre 
Auteur  dit,  qu7/)i"'ioicV;  étoit  autrefois  une- 
grande  Ville,  bien  peuplée  &  très-fiorif- 
îante  ;  qu'en  l'année  1668.  on  coraptoit  à 
Ipswich  plus  de  lûo.  vaifleaux  employez 
à  tranfporterdu  charbon  de  New-Cajlel  à 
Londres;  que  les  maîtres  de  ces  vaiiTeaux, 
après  avoir  fourni  en  Eté  la  Ville  de 
Londres ,  d'une  quantité  fuffifante  de  char- 
bon, ferepofoient  depuis  la  S.  Michel  juf- 
qu'à  la  Notre-Dame  de  Mars ,  &  paiToienc 
Thyver  avec  leurs  familles  &  leurs  gens 
à  Ipswich,  ce  qui  contribuoit  beaucoup 
à  enrichir  la  Ville  ;  qu'il  y  avoit  outre 
cela  à  Ipswich  une  Manufadlure  de  draps, 
ù.  une  autre  de  toiles  pour  les  voiles ,  qu'on 
appelloit  Ipswich  -  double.  Nonobstant  la 
perte  de  ces  deux  branches  du  Commer- 
ce, Ipswich  efl:  encore  une  belle  Viile.  Ei- 
le  eft  lituée  fur  VOrweil,  autrement  appel- 
lée  Ipswich  IVater  ^  rivière  qui  eit  naviga- 
ble, &L  fur  laquelle  des  vaiiTeaux  de  500. 
tonneaux  peuvent ,  à  la  faveur  de  la  marée, 
remonter  depuis  Harwich  jufqu'à  Ipswich. 
mais  au-delllis  de  cette  dernière  ville, 
elle  ne  porte  pas  même  de  petits  ba- 
teaux. 


vjè  Bibliothèque  Britannique, 
teaux.    On   compta  dans  la  ville  12.  Pa- 
Toifles,   outre  2.    Chapelles   <5c  plufieurs 
lieux  d'aflemblée   pour  les  T^on-Confur'- 

Bury  S.  Edmond  étoit  la  Villa  Faujlini 
des  Romains.  La  fameufe  Abbaye  de  cette 
Vi.Ie  fut  fondée  en  (538.  par  S^gebert  Roi 
des  Eft-Angles,  &  rebâtie  par  lé  Roi  Ca- 
nut. A  chacune  ces  5.  portes  de  cette 
Abbaye  il  y  avoit  ui  e  Chapelle.  Aujourd'hui 
on  ne  trouve  dans  cetre  Ville  que  deux 
Eglifes,  feparées  par  un  Cimetière  qui 
leur  apartient  en  commun,  l'une  dédiée  à 
la  S.  Vierge,  dans  laquelle  on  voit  le  tom- 
beau de  Marie ,  Reine  de  France ,  foeur  de 
Henri  VIII.  &  femme  de  Charles  Brandon 
Duc  de  Suffolk  ;  l'autre  e(t  dédiée  à  S. 
Jaques,  où  il  y  a  une  Bibliothèque  publi- 
qae.  Ce  fut  dans  cette  Vil'e  que  Hum- 
phrey,  Duc  de  Gloucefter  &  Régent  du 
Royaume  ,  fut  afTaiTmé  l'an  1447. 

Notre  Auteur  remarque,  que  la  Comté 
de  Norfolk  eft  remplie  de  villes  &  de  vil- 
lages; que  les  pâturages  y  font  excellens, 
&  que  dans  les  prez  marécageux  qui  fonc 
entre  Normch,  Beccles  ^  Tarmouîb ,  on 
engraifle  ordinairement  40CCO.  Bœufs  d'E- 
cofie  par  an  ;  qu'on  compte  que  dans  la  Vil- 
le de  Norwich  &  aux  environs ,  il  y  a 
1200CO.  perfonnes  employées  aux  Manu- 
factures de  laine  &  de  foye ,  &  que  Guil- 
hume  Herbert ,  livêque  de  Norwich,  qui  vi- 

vc'ic 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  177 
voit  du  tems  de  Guillaume  II.  &  de  Hen- 
îi  I.  C  appelle  par  Guillaume  de  Malmsbury 
yir  pecuniofus)  transféra  le  fiége  Epifco^ 
pal  de  Thetford  àNorwich ,  &  bâtit  à  fes 
propres  dépens  dans  la  Ville  deNorwich, 
la  Cathédrale ,  le  Palais  dePEvéque,  une 
Prieurie  pour  60.  Moines ,  &  l'Eglife  Pa- 
roiflîale  de  S.  Léonard  ;  à  Tarmouth  ,  la 
grande  Eglife,  à  Lynn  l'Eglife  de  la  S. 
Margaretè,  à  Elmbam  TEglife  de  Notre- 
Dame,  &  à  Thetford  \in  Couvent  pour  les 
Moines  de  l'Ordre  de  Cluny. 

Tarmoutb  &  Lynn  font  deux  Ports  de 
mer  très  -  fameux  pour  leur  commerce ,  & 
Newmarket  un  Bourg  renommé  pour  les 
courfes  de  chevaux. 

La  Comté  de  Cambridge  abonde  en  bled  y 
&  fur-tout  en  orge  ,  le  païs  eft  maréca- 
geux; fur  le  fommet  des  collines  de  Gog- 
Magog  on  voit  un  ancien  camp  ,  fortifié 
d'un  triple  rempart  &  d'un  triple  fofle: 
la  Ville  &  rUniverfîté  de  Cambridge  &  là 
Foire  de  Sturbridge,  font  ce  qu'il  y  a  de 
plus  curieux  dans  cette  Comté.  Mais  com- 
me on  en  trouve  desdéfcriptions  ailleurs  ^ 
nous  ne  nous  y  arrêterons  pas.  Nous  a- 
vons  cru  devoir  dire  quelque  chofedece 
Livre  pour  le  faire  connoître,  à  nous 
croyons  en  avoir  dit  afleZi 


Tome  XJII.  Part.  L         U        A  R  T  î- 


Î78  Bibliothèque  Britannique, 
ARTICLE  VIII. 

An  Hiftorical  and  Political  Difcourfe 
of  the  Laws  and  Government  of 
England  ,  from  the  firft  Times  to 
the  end  of  the  Reign  of  Queen  Eli- 
zabeth.  With  a  Vmdication  of  the 
ancicnt  Way  of  Parliaments  in  En- 
gland.  Collt6led  from  fome  Manuf- 
cript  Notes  ofJoHNS£LDEN.  Efq. 
ByNATHANiEL  Bacon  of Grays- 
Inn  ,  Efq.  The  fourth  Edition  ;  cor- 
reéled  and  im.proved  by  a  Gentle- 
man of  the  Middle-Temple.  C'eft-à- 
dire  :  Difcours  Hiftorique  &f  Politique 
Jiir  les  Loix  Êf  le  Gouvernement  d'An- 
gleterre ,  depuis  les  premiers  îems  juf- 
quau  Règne  de  la  Reine  Elijabeîh,  A- 
vec  une  Apologie  de  lancienne  Conjîitu- 
îion  des  Parlemens  d'Angleterre.  Re- 
cueilli des  Notes  manujcrites  de  Mr. 
Jean  Selden  ,par  Mr.  Natha- 
KAEL  Bacon.  Quatrième  Edition, 
corrigée  &  accompagnée  de  quelques 
Remarques,  par  un  Jurifconfulre  du 
Ttrmple.  A  Londres ,  chez  Daniel 
Brg\vne,au  Cigne  noix  ,  hors  de  la 

porte 


Avril,  Mai  ET  Juin.  1739.  179 
porte  du  Temple  ,  &  André  Millar , 
à  la  Tête  de  Ikichanan,  vis-à-vis 
TEglifc  de  St.  Clément.  1739.  in  Fo- 
lio, pp.  203.  pour  la  première  Partie, 
&  178.  pour  la  féconde. 

OUoique  cet  Ouvrage  ne  foit  rien 
moins  que  nouveau ,  nous  Ibmmes 
ad'ùrez  qu'il  n'eft  que  peu  ou  point  con- 
nu dans  les  Païs  étrangers  ;  il  mérite 
pourtant  de  l'être,  puifqu'il  contient  un 
grand  nombre  de  Remarques  curieufes  fur 
l'ancienne  Conftitution  du  Gouvernemenc 
d'Angleterre. 

Ce  Livre  fut  imprimé  pour  la  premiè- 
re fois  in  quarto  Tan  1649.  peu  de  tems 
après  la  mort  de  Charles  I.  On  n'en 
fit  pas  grand  cas  alors  ,  à  caiifi  des 
cir  confiance  s  dans  le  [quelle  s  il  parut ,  nous 
dit  -  on  dans  un  AvertilTement  qui  e(l  à 
la  tête  de  l'édition  de  i6f^9.  à.  de  celle- 
ci.  On  ne  comprend  pas  bien  d'abord  ce 
que  cela  lignifie.  Il  femble  qu'un  Livre 
qui  ne  refpire  que  la  liberté  ,  auroit  di\ 
être  très -bien  reçu  dans  une  Républi- 
que nainanre,  qui  venoit  de  fecouer  le 
joug  du  DefpotifiTie.  Mais  il  faut  fçavoir, 
que  Mr.  S.elden  femble  fe  déclarer  pour 
la  Monarchie ,  mais  pour  une  Monarchie 
limitée  par  les  Loix.  C'e(t-là  fans  doute 
la  raifon  pourquoi  cet  Ouvrage  fut  plus 
récherché,  iorf^ue   Charles  IL  voulut  é- 

M  a  tendn'î 


i8ô  Bibliothèque  Britannique, 
tendre  la  Prérogative  Royale  au-delà  de 
fes  juftes  bornes.  On  le  réimprima  donc 
fecretement  en  1672.  Dès  que  le  Gou- 
vernement en  eut  connoillance^il  fitpour- 
fuivre  rigoureufement  l'Imprimeur,  àfai- 
fir  plulieurs  centaines  d'exemplaires,  qui 
furent  tous  brûlez.  L'Ouvrage  fut  pu* 
blié  pour  la  troifième  fois  en  1682.  ce 
qui  donna  lieu  à  de  nouvelles  pourfuites. 
On  intenta  une  adtion  criminelle  à  l'Edi- 
teur, qui  s'étant  prudemment  enfui  d'An- 
gleterre ,  parut  cependant  par  Procureur 
devant  la  Cour  du  Banc  du  Roi  ;  ce  que 
les  Loix  lui  permettoient  :  mais  pour  n'a- 
voir pas  com.paru  perfonellement,  il  fut 
jugé  par  contumace,  &  profcrit  *  par  le 
pouvoir  tyranmque  que  le  Grand-Juge 
Jefferies  exerçoit  alors,  &  ne  retourna 
dans  fa  Patrie  qu'à  la  Révolution. 

On  nous  afiure  dans  ce  mêrrie  Avertif- 
fement,quele  Grand-Juge  V'augham,  un 
des  Exécuteurs  Teflamentaires  d"u  fçavant 
Selden,  a  reconnu  que  le  fond  de  cet  Ou- 
vrage efr  véritablement  de  lui,  &  que 
Mr.  Bacon  n'a  fait  que  mettre  en  œu- 
vre les  Matériaux  de  cet  habile  homme. 

Voilà  ce  que  contient  l'AvertifTement  de 
l'Edition  de  1689.  On  ajoute  à  cela,  qu'on 
a  rétabli  dans  celle-ci  quelques  pafîages 

qui 

*  Out-lavved  ,  c'eft^à-dirs  mi-i  hors  de  la 
proteftion  des  Loix. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  18 r 
qui  avoient  été  omis  dans  les  Editions  de 
1682.  Ôc  1689.  &  qui  fe  trouvent  ici  en- 
tre deux  Crochets.  I.e  nouvel  Editeur  y 
a  mis  auffi  quelques  Notes ,  foie  à  la  mar- 
ge, foit  au  bas  des  pages;  &  il  les  a 
dittinguées  de  celles  de  l'Auteur  par  ces 
Renvois  *,  f,  i|. 

Je  ne  fçais  pourquoi  on  a  mis  dans  ie 
Titre  de  cette  Edition  ,  qu'elle  efl  la  qua- 
trième; puifque  rAvertilTcment  dont  nous 
venons  de  parler,  fait  mention  de  quatre 
autres  Editions;  celle  de  1649.  in  4.  cel- 
le de  1672.  celle  de  1682.  &  celle  de 
1689.  les  deux  dernières  in  folio.  Peut- 
êcre  ne  corapte-t-on  pas  la  féconde  ,  parce- 
qu'clle  fut  imprimée  fecretement  ,  & 
prefqu'entierement  fupprimée  bientôt  a- 
près;oc  peut-être  auffi  parce  qu'on  mit  pro- 
bablement en  Titre  l'an  164g.  afin  de  dé- 
païfcr  les  Inquifiteurs  de  la  Prefle.  Quoi 
qu'il  en  foit,  ce  grand  nombre  d'Editions 
d'un  allez  gros  Ouvrage  in  folio,  fait  voir 
combien  on  en  fait  cas  en  /Angleterre. 

On  a  vu  dans  le  Titre,  qu'il  eft  divifé 
en  deux  Parties.  La  première  contient 
des  Difcours  Hifloriques  &:  Politiques  fur 
la  Conftitution  du  Gouvernement  d'An- 
gleterre ,  depuis  le  tems  des  anciens  Bre- 
tons jufqu'au  Règne  d'Edouard  HT.  exclu- 
fivement;  &  la  féconde  s'étend  depuis  ce 
Re^nc  jufqu'à  la  fin  de  celui  de  la  Reine 
Elilabeth.  Le  tout  eil  divifé  en  Chapi- 
tres :  nous  en  indiquerons  les  fujets ,  & 

M  3  nous 


IS2  Bibliothèque  Britannique, 

nous  en  extrairons  les  Remarques  qui 
nous  paroiilenc  les  plus  importances,  ou 
les  plus  curieufes. 

Le  Premitr  Chapitre  traite  des  Anciens 
Bretons  &  de  leur  Gouvernement.  C'é- 
toient  des  Barbares,  dit  notre  Auteur; 
cependant  ils  adoroient  un  Dieu  invifl- 
ble,  infini,  tout-puiilant,  &  lui  otfroient 
des  Sacrifices.  Mais  prefque  toute  leur 
Religion  fe  bornoit  à  refpecter  leurs  Prê- 
tres; ils  les  re.sardoient  comme  les  Am- 
bailadeurs  de  Dieu  ,  &  redoutoienr  leur 
Interdit  plus  que  la  mort  même. 

Les  Bretons  étoient  gouvernez  par  un 
grand  nombre  de  Chi;fs ,  auxquels  les  Ro- 
mains ont  donné  le  nom  de  Rois,  quoi- 
qu'ils ne  fûdent  proprement  que  des  Sei- 
gneurs ,  dont  l'autorité  ne  s'étendoit  pas 
au-delà  d'un  certain  diftricl.  En  tems  de 
guerre  tous  ces  Seigneurs  fe  réunifToient, 
Ct  choiliflbient  un  Général  pour  les  com- 
mander. Mais,  ni  ces  Seigneurs,  ni  ce 
Général,  n'avoient  une  autorité  Royale  ; 
comme  on  le  prouve  ici,  entre  autres  rai- 
fons ,  par  le  témoignage  de  Dion  ,  qui  die 
expreiiement  dans  la  Vie  de  l'Empereur 
Sévère,  que  dans  la  Bretagne  c'étoit  le  Peu- 
pk  qui  ternit  les  Rênes  du  Gouvernement, 
il  eit  vrai  que  S.  Jérôme  appelle  les  Bre- 
tons une  Nation  de  Tyrans ,  Gens  Tyran- 
norum.  Ce  qui  peut  (ignitîer,  luivant  no- 
ire Auteur ,  qu'ils  étoient  extrêmement 
Iruels ,  ou  qu'ils  étoient   opprimez   par 

leurs 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  t8^ 

leurs  Supérieurs.  Mais  on  ne  trouve  dans 
i'Hifto-ire  aucune  trace  de  leur  cruauté, 
fi  ce  n'eft  qu'ils  oiFroient  des  Sacrifices 
humains  ;  ce  qu'on  peut  attribuer  à  une 
erreur  de  Jugement,  plutôt  qu'à  un  Na- 
turel fauvage  &  fanguinaire. 

Moins  encore  trouve- 1- on  qu'ils  ayent 
été  opprimez  par  leurs  Supérieurs.  Il 
paroît  au  contraire  qu'ils  ne  l'ont  point 
été  ,  dit  Mr.  Selden  ,  puifqu'ils  avoienc 
un  grand  nombre  de  Chefs,  tous  inde- 
pendans  les  uns  des  autres.  Car  ,  ajoute- 
t-il ,  quoiqu'on  puiiTe  gouverner  les  grands 
Etats  par  la  Terreur,  les  petits  Etats 
ne  peuvent  le  gouverner  que  par  la  Juf- 
tice. 

Dans  le  Second  Chapitre  on  parle  de  la 
Converfion  des  Bretons  à  l'Evangile ,  que 
notre  Auteur  croit  être  arrivée  dès  le 
premier  fiécle  du  Chriflianifme,  &  vers 
le  tems  des  Apôtres  L'Editeur  nous  ren- 
voyé ici  aux  Origines  Sacrce"^  de  Mr  Stil- 
lingfleet,  qui  fait  voir  qu'il  y  a  beaucoup 
d'apparence  que  ce  fut  St.  Paul  lui-mê- 
me qui  fonda  l'Eglife  Chrétienne  dans  la 
Bretagne  f- 

Bans  le  Troijîème  Chapitre  on  nous  en- 
tretient de  rinvafion  des  Romains,  &  de 

l'étac 

*  Pag.  35-45. 

t  Voyez  THifloire  d'Angleterre  de  Mr.  de 
Rapin,  7'um.  I.  pfi!^.  86. 

M  4 


î84  Bibliothèque  Britannique, 
l'état  de  la  Bretagne  durant  le  féjour 
qu'ils  y  firent.  Notre  Auteur  trouve  que 
cette  Invafion  fut  fort  avantageufe  aux 
Bretons.  Car  premièrement,  dit -il  ,  el- 
le leur  apprit  à  porter  le  joug  ,  à  plier , 
à  devenir  dociles.  11  faut  que  des  Efprits 
obftinez  apprennent  à  obéir,  avant  qu'ils 
puilTent  recevoir  Inftrudlion.  En  fécond 
lieu,  les  Romains  ont  introduit  les  Arts  & 
la  Politefle  dans  la  Bretagne  ;  ce  qui  n*a 
pas  peu  contribué  à  y  étendre  la  Religion 
Chrétienne.  En  troifième  lieu,  ils  onc 
réuni  les  différentes  Seigneuries  en  un 
feul  Etat,  fur  lequel  ils  ont  établi  un 
Chef,  pour  gouverner  le  Peuple  félon  les 
Loix  du  Pais ,  fauf  l'Hommage  qu'il  devoit 
à  l'Empire  Romain.  Ce  qui  a  tourné 
doublement  à  l'avantage  de  la  Religion  : 
car  elle  fe  répand  pkis  facilement  fous 
un  Gouvernement  Monarchique  bien  ré- 
glé,  que  fous  tout  autre  Gouvernement; 
&  de  plus  l'Eglife  de  Rome ,  célèbre  par 
tout  le  monde  ,  étoit  comme  une  four- 
ce  ,  d'oLi  la  Connoiffance  des  Véritez 
Chrétiennes  pouvoit  aifément  fe  répan- 
dre dans  tous  les  Pais  fournis  à  l'Empire 
Romain. 

Cependant  la  Religion,  perfécutée  au 
commencement,  ne  put  faire  des  progrès 
qu'en  fecret;  mais  à  la  longue  les  Empe- 
reurs Romains  s'apperçurent  que  la  Juf- 
tice  *Sc  la  douceur  avoient  plus  de  pouvoir 

fur 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  185 
fur  les  Bretons  que  la  violence  &  la  foiv 
ce  :  ils  le  relâcherenc  donc  de  leur  fé vé- 
rité; de  forte  que  fous  un  Gouvernemenc 
plus  doux,  la  Religion  commença  à  paroi- 
tre  plus  ouvertement,  jufques  à  ce  que, 
fous  le  fage  gouvernemenc  de  l'Empereur 
Aurelién  ,  elle  monta  fur  le  Trône  en  la 
perfonne  de  Lucius  ,  le  premier  Roi  Chré- 
tien qu'ayent  eu  les  Bretons. 

Ce  Prince,  Ami  &  Allié  plutôt  que  Vaf- 
fal  des  Romains  ,  fongea  à  procurer  l'a- 
vantage defes  fujets  dans  le  Spirituel  aulTi- 
bien  que  dans  le  Temporel.  Jufques-làla 
Religion  ne  s'étoit  gueres  foutenué  dans 
la  Bretagne  que  par  une  Providence  par- 
ticulière. Il  n'y  avoit  ni  écoles  ,  ni  îitté-^ 
rature,  ni  aucune  fcience  dans  le  Pais:  ce 
qui ,  joint  aux  perfécutions ,  réduilit  l'Eglife 
à  un  état  fi  déplorable,  qu'on  avoit  celTé 
d'y  adminiftrer  les  Sacremens.  Lucius 
s'addreffa  à  l'Evêque  de  Rome,  qui  envoya,, 
dit- on  ,  quelques  hommes  fçavans  en  An- 
gleterre ,  pour  inftruire  &  bâtifer  le  Roi 
&  le  Peuple  ;  ce  qui  efc  à  la  vérité  glo- 
rieux à  l'Eglife  de  Rome,  mais  il  neYuic 
pas  de-là  ,  dit  Mr.  Selden  ,  que  le  Roi 
ait  eu  delTein  de  reconnoicre  dans  cette  E- 
glife  la  moindre  autorité  fur  celle  de  la 
Bretagne. 

Cette  déférence  de  Lucius  pour  FEgli- 
fe  de  Rome ,  a  fait  que  certains  Auteurs  lui 
ont  donné  les  éloges  les  plus  m.agnifiques. 
Ç'ell  lui,  fi  on  les  en  croit  ,  qui  a  lepre- 

M  j  niier 


l8(5BrBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

mier  introduit  Je  Chriflianifme  dans  la 
Bretagne  ;  c'elt  lui  qui  y  a  établi  le  Gou- 
vernement Epifcopal.  Mr.  Selden  s'infcric 
en  faux  contre  ces  deux  faits.  On  a  vu 
ci-deffus ,  en  quel  tems  il  croit  que  TEvan- 
gile  fut  prêché  dans  la  Hrerr^gne;  &  il  re- 
marque, au  fujec  du  fécond  fait .  Qu*on  ne 
trouve  point  qu'il  y  ait  eu  d'Archevêques 
ni  d'Evêques  en  Angleterre  pendant  plus 
de  deux-cens  ans  après  le  Règne  de  Lucius. 
Ce  fut,  félon  les  apparences,  Conftantin 
le  Grand  qui  introduifit  l'Epifcopat  dans 
ce  Fais  ;  car  il  voulut  que  le  gouverne- 
ment Eccléfiaftique  fût  formé  par-tout  fur 
le  modèle  du  gouvernement  Civil  qui 
étoit  établi  dans  les  Provinces  de  l'Em- 
pire. 

Afin  de  bien  reg'er  le  Gouvernemcnc 
Civil ,  Lucius  écrivit  à  i'Evêque  de  Rome, 
le  priant  de  lui  envoyer  un  Corps  de  Loix 
Romaines.  L'Evêque  lui  répondit, que  ces 
Loix  ne  convenoient  point  à  un  Peuple 
Chrétien  >&:  le  renvoya  à  l'Ecriture  Sainte, 

Eour  y  puifer  les  véritables  maximes  d'un 
on  Gouvernement.  Notre  Auteur  regar- 
de ce  refus  de  I'Evêque  de  Rome  comme 
un  grand  bonheur  pour  l'Angleterre.  Car, 
dit-il  ,  fi  ce  Pais  eût  été  une  fois  fournis 
aux  Loix  Romaines,  il  y  a  beaucoup  d'ap- 
parence qu'il  feroit  tom'bé  fous  le  joug  de 
îa  Lête  (c'eft-à-dire  du  Papifme)  de  ma- 
nière à  ne  pouvoir  jamais  le  fecouer,  com- 
me cela  paraît  par  l'exemple  des  autres 

Nar 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  187 
Nations  qui  jufqu'à  préfent  gémiffent  en- 
core fous  ce  joug.  Au  lieu  que  le  peuple 
d'Angleterre  ayant  ,  par  le  refus  de  l'E- 
vêque  de  Rome ,  confervé  le  droit  de  fai- 
re fes  propres  Loix,  il  s'eft  toujours  op- 
pofé  aux  entreprifes  des  Papes,  dont  l'au- 
torité n'a  jamais  été  bien  établie  dans  ce 
Pais,  comme  notre  Auteur  le  fait  voir 
dans  la  fuite. 

L'Entrée  des  Saxons  dans  la  Bre- 
tagne, &  la  Nature  de  leur  Gouverne- 
ment ,  font  le  fujet  du  Quatrièrr^  Chapitre, 

Les  Bretons  ayant  appelle  les  Saxons  à 
leur  fecours  contre  les  Picles ,  éprouvè- 
rent bientôt  que  leurs  Libérateurs  étoienc 
devenus  leurs  Maîtres.  On  en  peut  voir 
l'Hilloire  au  long  dans  Mr.  deRapin  :  no- 
tre Auteur  n'en  parle  que  d'une  manière 
très-abregée.  Il  s'attache  plus  particuliè- 
rement à  faire  voir  ,  que  les  Coutumes  &  le 
Gouvernement  des  anciens  Saxons  étoit  11 
femblable  à  celai  des  Bretons,  qu'il  y  a 
beaucoup  d'apparence  que  les  derniers 
étoient  originaires  du  même  Pais  que  les 
premiers. 

Dans  le  Cinquième  Chapitre ,  l'Auteur  par- 
le de  l'arrivée  du  IMoine  Auguflin  en  An- 
gleterre, de  la  manière  dont  il  y  fut  re- 
çu, &  de  ce  qu'il  y  fit.  Sur  quoi  nous 
renvoyons  encore  leLedeur  à  î\îr.  de  Ra- 
pin  *.    Nous  remarquerons  feulement  que 

cet 
*  T^}n.  I.  ja^.  221-233. 


ISS  Bibliothèque  Britannique, 
cet  Hiflorien  paroît  avoir  une  aflez  bonne 
opinion  du  JMoine  Auguftin ,  &  croire  mê- 
me qu'il  a  eu  le  don  des  Miracles:  au  lieu 
que  notre  Auteur  ne  le  regarde  que  com- 
me un  Moine  ambitieux ,  dévoué  à  la  Cour 
de  Rome,  &  qui  ne  cherchoit  qu'à  éten- 
dre l'autorité  duPape,<Scla  Tienne  propre , 
par  toute  forte  de  voyes,  jufqu'à  préten- 
dre faufTement  au  don  des  Miracles.  Les 
Bretons  découvrirent  la  fraude;  &  non 
feulement  refuferent  de  fe  foûmettre  à 
PtLveDue  de  Rome,  mais  conferverent  mê- 
me leur  liberté  pendant  cinq -cens  ans 
après  la  venue  de  ce  prétendu  Apôtre  de 
l'Angleterre;  de  forte  qu'ils  furent  les  der- 
niers de  tous  les  Peuples  de  l'Europe  qui 
fubirent  le  joug  du  Pape  ,  &  les  premiers 
qui  le  fecouerent  en  la  peribnnc  de  Hen- 
ri VIII.  defcendu  des  Bretons  par  Teu- 
ther  '^.  Ainfî  le  Moine  Auguftin  ne  put 
réufifir  dans  fonentreprife,  que  par  rapport 
aux  Saxons  du  Pais  de  Kent. 

Chapitre  Sixième.  De  l'Incorporation  du 
Gouvernement  Epifcopalavec  le  Gouver- 
nement Civil. 

Les  Saxons  étant  convertis  à  la  Foi  Ro- 
maine plutôt  qu'à  la  Foi  Chrétienne  ,  il 
faloit  fonsfer  à  établir  une  forme  de  Gou- 
vcrnement  dans  rEglife.  Ce  Peuple  igno- 
rant d'  fans  lettres  n'étoit  pas  capable  de 

le 

*  Mr.    de  Rapin  le    nomme    Owen-Tiidor    > 
Tom.  III.  p.  5c6. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  T89 
le  faire  de  lui-même.  Une  lui  reftoic donc 
que.deux partis  à  prendre;  ou  de  s'addref- 
feraux  Bretons,  pour  emprunter  Jeur  Dif- 
cipline  Ecciéfiaftique  ;  ou  de  fuivre  lemc^ 
dèle  qu'on  leur  envoyeroit  de  Rome.  C'au- 
roit  été  un  déshonneur  pour  eux  que  de 
s'addrefTer  à  un  Peuple  qu'ils  avoient  vain- 
cu, &  réduit  à  fe  retirer  aux  extrcrnitez 
du  Païs.  Ils  prennent  donc  le  fécond 
parti ,  &  s'abandonnent  entièrement  à  la 
difcrétion  de  Rome  :  Ils  en  reçoivent  la 
Dilcipline  &  les  Canons.  La  chofe  ne  fe 
fit  pourtant  pas  fans  difficulté.  La  liberté 
du  Peuple  étoit  le  fondement  du  Gouver- 
nement Saxon.  Il  s'agiiïbit  de  concilier 
l'intérêt  du  Peuple  avec  celui  du  Clergé. 
Il  étoit  contre  le  bien  de  l'Etat,  que  Les 
Eccléfiaftiques  fûflent  entièrement  dévouez 
à  Rome;  &  les  Canons  de  PEglife  Ro- 
maine ne  leur  permettoient  pas  de  fuivre 
toujours  les  principes  de  liberté  fur  lefqueîs 
TEtat  étoit  fondé.  On  trouva  donc  une  ef- 
pece  de  milieu;  ce  fut  d'admettre  les  E- 
vêques  &  les  Principaux  du  Clergé  au  Gou- 
vernement de  l'Etat  ,  en  leur  donnant 
féance  aux  AlTemblées  générales  de  la  Na- 
tion. Les  Saxons  y  étoient  aflez  difpofez 
d'eux-mêmes  ;  car  c'étoit  leur  Coutume 
d'admettre  leurs  Prêtres  dans  Iqs  Con- 
feils  Nationaux.  C'eft  ainlî  que  le  Gou- 
vernement Epifcopal  fut  incorporé  avec 
le  Gouvernement  Civil;  ce  qui  ne  fut  pas 
fort   avantageux  au  Peuple  ,  lî  nous  en 

croyons 


ipo Bibliothèque  Britannique, 
croyons  notre  Auteur  ,*  car  fi  les  Prélatj 
travailloient  au  bien  de  l'Etat,  ce  n'étoic 
que  très -rarement:  la  plupart  du  tems 
ils  ne  fongeoient  qu'à  rendre  fervice  à 
Rome. 

Le  Chapitre  Septième  traite  des  Métropo- 
litains du  tems  des  Saxons.  Le  Pouvoir 
du  Métropolitain  étoit  prefque  illimité. 
Car  l'Angleterre  étant  partagée  en  plufieurs 
Royaumes,  l'autorité  de  chaque  Roi  nes'é- 
tendoit  pas  au-delà  d'un  certain  dillridl  \2i\i 
lieu  que ,  comme  il  n'y  avoit  qu'un  feul  Mé- 
tropolitain ,  Ton  Pouvoir  s'étendoit  fur  tout 
le  Païs  :  de  forte  qu'il  étoit,  pour  ainfi  di- 
re ,  alterius  orbis  Papa  ,  le  Pape  d'un  nou- 
veau Monde. 

Dans  le  Chapitre  fuivant ,  oii  l'Auteur 
parle  des  Evêques  fçavans,  il  remarque  en- 
tre autres  chofes,  qu'au  commencement 
le  Clergé  gouvernoit  TEglife  Saxonne  en 
commun,  avec  une  autorité  également  par- 
tagée entre  tous  ceux  qui  le  compofoient; 
mais  environ  foixante  ans  après  le  Moine 
Augudin  ,  leur  ambition  &  leur  orgueil  leur 
firent  méprifer  cette  égalité:  dépendant  d'un 
feul  Métropolitain  plus  orgueilleux  enco- 
re ,  ils  voulurent  avoir  chacun  une  autori- 
té particulière  &  indépendance.  C'eft  pour- 
quoi Théodore,  Archevêque  de  Cantor- 
bery,divifa  fa  Province  en  cinq  Diocèfes  , 
fur  chacun  defquels  il  établit  un  Evéque, 
mais  avec  le  confentement  du  Roi  &  du 
Peuple. 

Les 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  ipr 
Les  Chapitres  IX.  &  X.  traitent  des  Prê- 
tres &  des  autres  Miniftres  Eccléfiaftiques 
parmi  les  Saxons.  Ayant  reçu  leur  Dif- 
cipline  de  Rome  ,  ils  avoient  aufli  les  mê- 
mes charges  &  les  mêmes  offices  dans  le 
Miniflère  Fccléfialtique. 

Dans  le  Cbupnre  Onzième  on  traire  des 
Fonds  deftinezà  Tentretien  du  Clergé  par- 
mi les  vSaxons  L.'Auceur  y  parle  entre  au- 
tres chofes  du  Denier  de  Se  Pierre,  &  fou- 
tient  que  ce  nétoit  rien  moins  qu'un  Tri- 
but. Mr  de  Rapin  *  nou^  renvoyé  fur 
ce  fujet  à  notre  Auteur,  qu'il  nomme  Na- 
than Bacon;  pour  parler  exadlement  il  fa- 
loit  dire  Jean  ^'elden  ,  Hacon  n'étanr  pro- 
prement que  le  Compilateur  &  l'Editeur 
de  l'Ouvrage.  Le  Lcdteur  fera  fans  douce 
bien  aife  de  fçavoir  fur  quelles  raifons  Sq\- 
den  appuyé  fon  fentiment:  c'eft  pourquoi 
nous  les  rapporterons  ici.  Il  remarque ,  que 
le  Denier  de  St  Pierre  n  était  d'abord  qu'u- 
ne fim.ple  aumône,  qu'on  appelîoit  même 
ainfi.  Ina  fut  le  premier  qui  accorda  à 
Rome  un  Denier  Sterling.ou  un  fol  par  mai- 
fon.  Offa  l'étendit  fur  toute  demeure  à 
laquelle  éioit  annexé  un  morceau  de  Ter- 
re, qui  rapportoit  trente  fols  par  an. 

Edouard  le  Confefleur  voulut  qu'il  fùc 
payé  pour  chaque  PoUelTion  qui  payoic 
trente  fols  de  rente,  vivœ  pecwiics ,  c'eiVà- 

dirc 
*  Tem.  I.  pag.  183.  note  i. 


/ 


îpl  Bibliothèque  Britannique, 

dire  en  Denrées,  comme  l'Auteur  l'expli- 
que. Si  donc  on  convienc  que  les  Saxons 
ayenc  été  propriétaires  des  Terres  &  des 
PoiTeiTions  qu'ils  occupoient,  comme  on 
n'en  fçauroit  douter ,  il  faut  convenir  auflj , 
que  cette  Taxe  n'a  pas  pu  être  levée  fans 
Ifj contentement  du  Peuple, fuppofé qu'elle 
ait  été  payée  par  tout  le  Peuple  en  géné- 
rai. Mais'  Mr.  Selden  remarque  ,  i.  Que 
ce  n'étoit  qu'une  aumône  ,  que  le  zèle 
dont  le  Roi  *  fut  animé  tout  d'un  coup 
étant  à  Rome,  l'engagea  à  promettre.  2. 
Ce  Denier  fut  accordé  ex  re^ali  munificen- 
tid ,  par  la  pure  libéralité  du  Roi  ;  c'étoit 
donc  un  Don  gratuit,  &  non  pas  un  Tri- 
but. 3.  L'Auteur  fait  voir,  qu'il  n'y  avoit 
du  tems  d'Etiieîwolph  que  quarante-huit- 
mille  &  quatre-vingt  mailbns  ou  fermes  qui 
payaflent  cette  Taxe  f;  au  lieu  que  le  nom- 
bre des  Paroifles  feules  doit  avoir  été 
plus  confiderable  ;  puifqu'on  compte  que 
du  tems  de  Guillaume  le  Conquérant  , 
c'eft-à-dire  environ  deux  fiécles  après  E- 
theIwolph,il  y  avoit  cinquante-mille  Pa- 
roiiTes  en  Angleterre  ;  &  il  ne  paroît  pas 
qu'on  en  ait  érigé  de  nouvelles  depuis 
Ethehvûlph,  qui  a  régné  après  la  difTolu- 
tion  de  l'Heptarchie.  Si  donc  tout  le  Peu- 
ple 

*  Ina. 

t  La  fomme  livrée  pat  cette  Taxe,  fe  montoiÉ 
s  200.  livres  ,  6.  Chelings  &  huit  fols. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  193 
pie  eût  été  obligé  de  payer  la  Taxe  en 
quedion,  elle  auroit  produit  une  fomme 
au  moins  cinquante  fois  plus  grande  que 
celle  qu'elle produifoit:  d'où  l'on  conclut, 
que  ce  n'étoit  pas  tout  le  peuple  ,  mais 
feulement  les  Tenanciers  ou  Fermiers  du 
Roi ,  qui  payoient  le  Denier  deSt.Pierre,qiii 
n'étoit  par  confequent  qu'un  pur  don  du 
Koi  5  &  non  pas  un  Tribut  impofé  fur  tou- 
te la  Nation. 

Dans  le  Douzième  Chapitre  on  parle  des 
différens  reflbrts  de  la  Jurisdidlion  des 
Gouverneurs  Ecclélîaftiques  parmi  les  Sa- 
xons. On  y  prouve  que  la  Primatie  fuc 
conférée  à  l'Archevêque  de  Cantorbery  par 
le  Confeil  des  Sages  ;  &  que  les  Diocèfes 
ont  été  étendus  ou  referrez  par  l'autori- 
té du  Roi  ,  ou  par  les  Archevêques  à  la 
tête  de  leurs  Synodes ,  fans  qu'il  fût  né- 
ceflaire  d'avoir  là-delTus  le  confentemenc 
du  Pape. 

Dans  le  Chapitre  Treizième  on  fait  voir  , 
de  quelle  manière  les  Prélats  ont  gouver* 
né  l'Eglife  Saxonne.  On  y  parle  des  Sy- 
nodes ,  qui  étoient  compofez  ,  ou  du  Clergé 
d'un  feul  Diocèfe ,  ou  de  celui  de  toute  une 
Province,  ou  de  celui  de  toute  la  Nation. 
Les  Synodes  Provinciaux  ou  Nationaux 
étoient  convoquez  ,  ou  par  le  Roi ,  ou  par 
le  Pape  ,  ou  par  l'Archevêque  :  ceux  du 
Clergé  d'un  feul  Diocèfe  n'étoient  alTem» 
blezque  parl'Evêque.  C'étoit  quelquefois 
le  Roi  feul  qui  préfidoit  dans  les  Synodes 

Tom,  MIL  Fart.  L  N  Pro^ 


Î94  Bibliothèque:  Britannique;. 

Provinciaux  ou  Nationaux  :  quelquefois 
c'étoit  l'Archevêque  ,  &  quelquefois  aufli 
tous  deux  enfemble.  Ces  Synodes  étoienc 
compofez  d'Eccléfiaftiques  &  de  Laïques  : 
les  femmes  même  n'en  écoient  pas  tou- 
jours exclues.  On  y  traitoit  non  feule- 
ment d'affaires  Eccléfiafliques ,  mais  auiîi 
d'affaires  Civiles  ,  des  Loix  &  du  Gou- 
vernement. D'où  il  femble  qu'on  puiffe 
conclure ,  que  ces  Synodes  Nationaux  ne 
différoient  point  du  VVittenagemole  ,  ou 
Parlement.  Aufîi  Mr.  Selden  dit-il  ailleurs , 
en  parlant  du  grand  Confeil  des  Saxons , 
^u'il  lui  a  été  impolTible  de  découvrir,  en 
quoi  confiftoit  la  différence  qu'il  y  avoic 
entre  les  Synodes  Nationaux  ,  &  ce  Con- 
feil, ou  le'Parlement,  à  moins  que  ce  ne 
fût  dans  la  caufe  qui  lesfaifoit  alfembler: 
fi  c'étoit  pour  régler  des  affaires  Ecclé- 
fiafliques, c'étoient  des  Synodes  :  fi  c'é- 
toit pour  traiter  d'affaires  Civiles ,  c'étoienc 
des  \VittenagemoleS;,ou  Parlemens.  ° 
"  Le  Qjiaîorz'ème  Chapitre  roule  fur  les  Cau- 
fes  Eccléfiafliques ,  c'efl-à-dire  fur  les  af- 
faires dont  l'Eglife,  les  Synodes,  ou  les 
Conciles  prenoient  connoifTance  parmi  les 
Saxons.  On  remarque  ici ,  que  ce  peuple 
n'avoic  pas  beaucoup  de  goût  pour  la  pom- 
pe du  Culte  extérieur:  les  Saxons  fe  con- 
tentoient  de  prier  Dieu  &  d'aflifler  à  la 
Prédication  de  fa  Parole;  mais  ils  ne  fe 
foucioient  pas  d'entendre  la  Meffe,  &  ce 
ne  fut  qu'avec  beaucoup  de  peine  qu'ils 

pu- 


AvRiL>  Mai  et  Juin.  173g.  ip^ 
purent  fe  réfoudre  à  adorer  les  Images 
k  ]es  Saints.  C'efl:  pourquoi  on  fit  un  Ca- 
non pour  les  obliger  à  s'acquitter  plus 
exademenc  des  devoirs  du  Culte  exté- 
rieur; mais  ce  Canon  n'eut  pas  beaucoup 
de  force  fur  Tefprit  fauvage  &  grofller  des 
Saxons. 

Le  Chapitre  Quinzième  contient  la  Criti- 
que du  Gouvernement  des  Prélats  Saxons. 
On  remarque,  que  foutenus  par  l'Ignoran- 
ce du  peuple,  ils   devinrent  fi   puifîans^ 
qu'ils    excitèrent  la  jaloufie  des  Grands  ; 
on  fe  plaignit  même   publiquement  dans 
les  Synodes,  que  les  Prélats  Tiaimoient point 
les  Prince^  y  ^  vouloîent  paroitre    avec  plus 
d'éclat  queux  ;  quils  envioient  leur  grandeur ^ 
6f  répandeient  des  calomnies  contre  eux.  L'I- 
gnorance du  Clergé  étoit  fi  grande  ,  que 
le  Roi  Alfred  ayant  traduit  quelques  Au- 
teurs Latins  en  langue  Saxone,   dit  qu'il 
l'avoit  fait ,  afin  qu'ils  pûiTent  être  utiles  à 
quelques-uns  de  fes  Evêques    qui  n'enr 
tendoient  pas  le  Latin:  il  dit  dans  une  Let- 
tre à  Wolfegus ,  qu'il  n'y  a  prefque  pas  un 
feul  Eccléfiafi:ique  qui  foie  capable  de  tra- 
duire les  Prières  de  l'Eglife  en  Saxon.    Ce 
qui  fut  caufe  qu'un  Synode  ordonna,  que 
ceux  qui  nefçauroient'pas  dire,  Dstwî/î?,  mi" 
Jerere,  en  Latin,  diroient  en  Anglois ;  5eî- 
gneur ,  aye pitié  de  nous.     Sur  quoi  notre  Au- 
teur remarque,  que  le  Clergé  avoit  grand 
tort  de  vouloir  fonder  fon  autorité  fur  le 

N  2  Dr  oie 


ÎÇôBlT^LIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

Droit  divin.  Elle  étoit  bien  plus  fondée 
fur  la  faveur  des  Princes  &  des  Grands,  & 
fur  la  pompe  des  cérémonies:  voilà  ce  qui 
leur  gagnoit  l'admiration  ,  ou  plutôt  l'a- 
doration du  peuple  ignorant. 

Après  avoir  parlé  de  la  Religion  &  du 
Gouvernement  Èccléfiaftique  ,  l'Auteur  en 
vient  au  Gouvernement  Civil ,  &  parle  dans 
le  Chapitre  Seizième  des  Rois  Saxons.  An- 
■ciennement  le  Roi  n'étoit  proprement  qu'un 
Général,  choifi  pour  commander  entems 
de  guerre  ,  &  dont  l'autorité  finilToitavec 
elle.  Mais  lorfque  les  Saxons  eurent  en- 
vahi la  Bretagne ,  les  longues  guerres  qu'il» 
«curent  à  y  foutenir,  les  obligèrent  à  con- 
tinuer le  Cjénéral  dans  fa  charge,  qui  par 
cetteraifonfucà  vie,  au  lieu  qu'auparavant 
elle  n'étoit  qu'à  tera;?. 

Cependant  le  Général,  ou  fî  Ton  veut 
le  Roi,  dépendoit  toujours  du  bon  plaifir 
du  peuple ,  qui  voulut  fe  montrer  libre ,  en 
confervant  le  droit,  foit  d'élire  leurs  Prin- 
ces, foit  de  leur  conferver  leur  autorité. 
Ils  n'excluoient  de  la  Couronne ,  ni  les  Fem- 
mes, ni  même  les  Enfans,à  moins  qu'une 
nécelTité  preflance  ne  les  obligeât  à  choi- 
lir  un  Roi  qui  pût  les  défendre  contre  leurs 
ennemis.  Les  Saxons  Occidentaux  dépo- 
ferent  leur  Reine  Seburg,  ne  voulant  pas 
combattre  fous  une  femme.  Les  Merciens 
ne  furent  pas  fi  fcrupuleux,  ils  combatti- 
rent vaillamment  &  avec  fuccès  contre  les 
Danois  fous  leur  Reine  Eifled. 

Le3 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  ipjr 
Les  Saxons  admirent  les  Bâtards  même 
à  la  Couronne,  jufques  à  ce  que  le  Cler- 
gé, qui,  comme  on  l'a  vu  ci-dcflus ,  s'é- 
toic  intrus  dans  le  Confeil  de  la  Nation  , 
fît  faire  une  Loi  qui  excluoit  les  Bâ- 
tards. 

Leur  coutume  éroit,  de  choifir  pour  Roi 
la  perfonne  la  plus  diflinguéedans  la  prin- 
cipale famille  de  lals^ation:  didinguée  , 
non  pas  proprement  par  fon  rang  j'ornais 
par  fon  mérite.  Cependant  le  refped  qu'on 
avoit  pour  la  mémoire  d'un  Prince  qui 
avoit  bien  gouverné,  étoit  caufe  qu'on 
lui  choifilfoit  un  SuccefTeur  dans  fa  famille  : 
c'étoit  prefque  toujours  l'aîné  de  {"es  enfans. 
De  cette  manière  la  Couronne  devint  hé- 
réditaire, (5c  l'Eledtion  ne  fut  plus  qu'une 
cérémonie:  excepté  lorfquc  le  peuple  ju- 
geoit  à  propos  de  s'oppofer  à  cette  fuc- 
ceflion. 

Les  Rois  Saxons  n'étoient  rien  moins 
qu'arbitraires.  Leur  Eleétion  fuppofoit 
une  convention  réciproque  entre  eux  & 
le  peuple.  LeRoi  promettoit  folemnelle- 
ment  &  avec  ferment ,  de  gouverner  félon 
les  Loix,  &  le  peuple  promettoit  de  lui 
être  fidèle,  &  de  le  défendre  contre  fes 
ennemis.  Mais  cette  promelTe  du  peuple 
n'étoit  obligatoire  qu'autant  que  le  Roi 
s'acquittoit  de  la  fienne. 

Son  autorité  étoit  d'ailleurs  fi  limitée, 
que  non  feulement  il  n'avoit  pas  le  pou- 
voir de  faire  des  Loix,  ayant  uniquemenc 

N  3  celui 


ipH Bibliothèque  Britannique, 

celui  de  les  faire  exécuter,  mais  qu'il  ne 
pouvoit  pas  même  donner  les  Terres  de 
la  Couronne  à  qui  il  vouloit,  fans  le  con- 
fentement  des  Grands  ,  qui ,  lorfqu'une  pa- 
reille donation  ne  leur  piaifoit  pas,  la  fai- 
foient  révoquer. 

Les  trois  Chapitres  fuivans ,  traitent  delà 
NoblefTe,  des  Hommes -Libres  *,  &  des 
Villains  parmi  les  Saxons. 

Dans  le  Fingtième  Chapitre  on  parle  du 
Grand-Confeil  de  la  Nation  ,  appelle  Mic- 
klemote  ,  ou  îVittenagemoîe.  Comme  Mr. 
de  Rapin  a  traité  au  long  cefujet,à  la  fin 
du  premier  Tome  de  fon  Hiftoire  d'Angle- 
terre, nous  ne  nous  y  arriérerons  pas.  Nous 
nous  contenterons  de  remarquer  ,  que  no- 
tre Auteur  foutient ,  que  ce  Confeil  étoic 
compofé  non  feulement  des  Grands  ,  on 
de  la  Noblefle  ,  mais  aufli  des  Hommes- 
Libres  ,  ou  des  Free-men.  Et  dans  la  Dif- 
fertation  qui  eft  à  la  tête  de  la  féconde 
Partie  de  cet  Ouvrage,  il  répond  aux  Ob- 
jedlions  que  l'on  fait  contre  fon  fentiment. 
Mais ,  ni  dans  cette  Diflertation,  ni  dans 
ce  Chapitre  XX.  nous  n'avons  rien  trou- 
vé qu'on  ne  puiiTe  voir  plus  au  long 
dans  la  DifTertation  de  Mr.  de  Rapin. 

Si  quelque  chofe  peut  décider  la  Quef- 
tion  ,  c'efl;  ce  que  TÂuceur  remarque  dan<î 
le  Chapitre  fuivant,  où  il  parle  du  Confeil 
4€S  Seigneurs ,  qui  regloit  les  affaires  moins 

iiïl' 
*  Free-mcn. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  199 
importantes  ,  minora  Reipubliccs  ,  au  lieu 
que  les  aifaires  les  plus  importantes  *  ne 
pouvoient  fe  déterminer  que  dans  le  Con- 
feil  général.  Mais  peut-être  aulTi ,  que  ce 
Confeil  des  Seigneurs  n'étoit  compofé  que 
d'un  petit  nombre  des  Députez  choifispar 
le  Corps  entier  de  la  Noblefle  ,  pour 
veiller  au  bien  de  l'Etat  dans  les  inter- 
valles des  Parlemens  ,  ou  Wittenagemo- 
les. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  fous  prétexte  de  ne 
traiter  que  des  affaires  moins  importantes, 
ce  Confeil  empiéta  peu-à-peu  fur  l'autori- 
té du  Parlement,  principalement  lorfque 
les  Prélats  eurent  été  admis  dans  ce  Con- 
feil :  car  pour  peu  qu'une  affaire  eût  de 
rapport  à  la  Religion,  les  Evêques  en  pre- 
«oient  connoilfance,  &  la  déterminoient 
dans  ce  Confeil,  comme  étant  inter  minora 
Ecclejîœ,  Ce  fut  par  ce  moyen  que  le  Légat 
du  Pape  &  l'Archevêque  de  Canrorbery 
forcèrent  les  Saxons  à  recevoir  la  MefTé 
&  le  Culte  des  Images.  Ce  même  Con- 
feil ordonna,  qu'aucun  Laïque  ne  pofTe- 
deroic  des  Biens  Eccléfiafliques  ;  que  les 
Evêques  feuls  auroient  droit  de  nommer 
à  tous  les  Bénéiices ,  à  &  toutes  les  dignirez 
de  l'Eglife  ;  que  les  biens  apartenans  au 
Clergé  feroient  déchargez  de  toute  taxe 
&  de  tout  fervice.    En  un  mot ,  ce  Confeil 

s'ar- 
*■  Ma^nalia  Regni. 

N4 


SOoBiBLlOtHEQUE  BRITANNIQUE, 

s'arrogea  le  droit  de  régler  tout  ce  qui  ne 
regardoit  pas  le  Corps  entier  des  Hom- 
mes-Libres: de  forte  que  le  Wittenagemo- 
le  fut  obligé  enfin  de  mettre  des  bornes  à 
l'autorité  de  ce  Confeil. 

Le  Chapitre  Vingt- ^-deuxième  traite  du 
Gouvernement  des  Saxons  en  tems  de 
guerre.  Nous  n'en  extrairons  que  cette 
Remarque.  C'eft  que  la  Difcipline  mili- 
taire ne  dépendoit  pas  du  bon  plaifir  du 
Chef, ou  du  Roi, mais  étoit  réglée  par  le 
Parlement. 

Dans  les  Chapitres  XXIII ,  XXIV ,  XXV. 
&  XXVI  on  cxp'ique  la  nature  du  Gouver- 
nement des  Saxons  en  tems  de  paix  ;  la  di- 
vifion  du  Pais  en  Shires  ou  Coratez  ;  en  Cen- 
taines ,  &  en  Dixaines\  &  des  Cours  des  Com- 
tez  ou  Provinces.  Sur  quoi  onpeutcon- 
fulter  Mr.  de  Rapin  *.  Rapportons  feu- 
lement une  particularité  dont  il  ne  dit 
rien.  C'eft  que  le  Shérif,  ou  Gouverneur 
de  chaque  Comté  ou  Province ,  étoit  choifi 
par  les  Free-bolders ,  ou  PofrelTeurs  de  Franc- 
Alleu,  dans  PAUemblée  delà  Comté,  ap- 
pellée  anciennement  Folk-mole,  &  enfuite 
County-Court  j  ou  I?  Cour  de  la  Comté. 

Chapitre  XXVII.  Des  Immunitez  Ecclé- 
fjafliques.  On  entend  par-là  ce  Privilège 
des  gens  d'Eglife,  par  lequeileurs  Perfonnes 
Ù,  leurs  biens  étoient  à  divers  égards  hors 

du 
*  Tom.  L  pag.  486-489. 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  201 
du  pouvoir  du  Magiflrat  Civil.  Ce  Pri- 
vilège s'étendit  plus  loin  avec  le  tems, 
L'Auteur  rapporte  un  Canon  ,  qui  défend 
à  ceux  qui  tiennent  quelques  Terres  de 
PEglife ,  ou  qui  demeurent  fur  ces  Terres , 
de  plaider  ailleurs  que  dans  la  Cour  Ec- 
cléfiaftique. 

Chapitre  XXVIII.  Dqs  Franchi/es ,  appel- 
lées  auflî  des  Marches.  Ce  font  certains 
diftrids  dans  lefquels  on  établit  un  Gou- 
vernement particulier  pour  l'adminiflration 
de  la  Juftice.  Ce  font  principalement  les 
limites  du  Pai's  qu'habicoient  les  anciens 
Bretons ,  &  qu'on  nomme  aujourd'hui  les 
Marches  du  Païs  de  Galles  *.  Lorfque  les 
Bretons  firent  la  paix  avec  les  Saxons , 
dont  les  Loix  n'étoient  pas  les  mêmes  que 
les  leurs,  ils  établirent  certaines  Loix  par- 
ticulières pour  le  Gouvernement  du  Païs 
qu'ils  habitoient,  <!k  nommèrent  des  Juges 
pour  veiller  à  leur  exécution.  C'efi-lâ  , 
fuivant  notre  Auteur  ,  l'origine  de  ceux 
qu'on  nomme  encore  aujourd'hui  Lords 
Marckers  :  il  y  en  avoit  douze  au  com- 
mencement ,  'fix  Saxons  ,  &:  fix  Bre- 
tons. 

Cbapitre  XXIX.  Des  Comtez  ou  Provinces 
Palatines  f-  C  étoient  des  parties  du  Royau- 

'me 

*  The  Marches  of  Wales. 
t  County-Palatiiies. 


202  Bibliothèque  Britannique, 

me  accordées  à  quelques   perfonnes  par- 
ticulières,  &  à  leurs  fuccefleurs,  avec  un 
pouvoir  Royal  d'y  faire  exécuter  lesLoix 
établies,  comme  étant  d'une  Province  te- 
nue de  la  Couronne  Impériale.  Ces  Com- 
tez  Palatines  font  fort  anciennes  ;  elles  doi- 
vent leur  origine  au  courage  des  habitans, 
qui  défendirent  leur  liberté  contre  certains 
Rois  qui  vouloient  étendre  leur  autorité 
fur  toute  l'Heptarchie.   Ces   habitans   ne 
pouvant  pas  être  aifément  vaincus,  lesPrin- 
ces  furent  obligez  d'entrer  en  compofition 
avec  eux ,  &  de  les  recevoir ,  non  pas  pro- 
prement comme  leurs  fujets ,  mais  comme 
des  Tributaires.  Ajoutons  *  qu'il  y  a  enco- 
re actuellement  quatre  Comrez ,  ou  Provin- 
ces Palatines  en  Angleterre;  fçavoirChef- 
ter,  Durham,  Lancafler,  &  Ely.  L'autori- 
té des  Cours  de  ces  Comtezétoit  autrefois 
très -grande;  mais  elle  eft  à  préfent  fort 
diminuée. 

Chapitre  XXX.  Des  Franchifes  des  Per- 
fonnes. Ce  font  des  Privilèges  accordés  à 
quelques  perfonnes  dans  un  certain  dif- 
trid.  Ces  Privilèges  confiltoient  plutôt 
en  quelque  profit  qu'on  en  retiroit,  que 
dans  aucune  autorité.  Cependant  dans 
quelques  endroits ,  ceux  qui  jouïflbient  de 

ces 

*  Tiré  du  Diftion.  Anglois  de  Bailey  ,  Tom.  L 
au  mot  Cowities  Palatine, 


Avril,  Mai  et  Juin.  1739.  '? 
ées  Franchifes   perfonnelles ,  avoient  un 
pouvoir  juridique, en  cas  de  félonie  ou  de 
vol  commis  dans  leur  diflriâ:. 

Nous  paiTons  les  fepc  Chapitres  fui- 
vans  5  qui  traitent  des  Fiefs ,  &  des 
Cours  qui  y  étoient  annexées,-  des  Villes 
&  de  leurs  Marchez;  des  Juges,  des  Cours 
de  Juftice ,  &  des  différentes  manières 
d'y  procéder ,  de  l'épreuve  par  le  feu  ou 
par  l'eau,  en  Anglois  Ordeal,  des  Com- 
purgateurs,  &  du  Combat  *;  parce  qu'on 
peut  confulter  Mr.  de  Rapin  fur  tous  ces 
fujets. 

Le  Chapitre  XXXVIII.  roule  fur  les 
Procédures  qui  fe  font  par  ce  qui  s'ap- 
pelle Inquejî ,  Enquête  Juridique.  On  y 
parle  de  Torigine  des  différens  Jurez  : 
comme  nous  nous  fommes  étendus  fur  ce 
fujet  dans  l'Extrait  du  Procès  de  Zen- 
ger,  il  eft  inutile  d'y  revenir.  Nous  re- 
marquerons feulement,  que  ce  qu'on  trou- 
ve ici,  confirme  le  récit  qui  nous  avoic 
été  communiqué  ,  &.  qu'on  peut  voir 
dans  l'Extrait  dont  nous  venons  de  par- 
ler. 

Chapitre  XXXIX.  Du  Jugement  pro- 
noncé fur  les  Coupables  &  de  l'exécution 
de  ce  Jugement.  Voyez  Mr.  de  Ra- 
pin t. 

*  Voyez  Rapin.  Tom.l.p.  ^jy, 
t  La  même  y  p.  518.  519. 


204  Bibliothèque  Britannique, 
Chapitre  X  L.  Des  Loix  Pénales  parmi 
les  Saxons.  L'Auteur  y  parcoure  les  neuf 
premiers  Commandemens  du  Décalogue, 
&  marque  fur  chacun,  quelles  punitions 
on  infligeoit  aux  Infraéleurs.  Il  dit,  fur 
le  quatrième  Commandement  ,  que  les 
Saxons  obfervoient  religieufement  le  jour 
du  Sabbath  ;  ils  le  commençoient  dès  le 
Simedi  à  trois  heures  après  midi ,  &  ne 
le  finiiToienc  que  le  Lundi  matin  :  ils 
s'abftenoient  pendant  ce  tems  -  là  non 
feulement  de  tout  travail  ,  mais  aulTî 
de  tout  divertilTement  ,  môme  de  la 
chafle,  qui  étoit  leur  divertilTement  fa- 
vori. Si  un  Homme-Libre  violoit  le  Sab- 
bath, il  é' oit  condamné  à  l'amende  ;fi  ce- 
toit  un  Efclave,  il  étoit  condamné  au 
fouet. 

Sur  le  cinquième  Commandement  l'Au' 
teur  remarque,  que  les  Saxons  ne  con- 
noifToient  point  d'autre  crime  de  lèze- 
Majefté  que  celui  qui  étoit  commis  con- 
tre l'Etat  même;  de  forte  qu'attenter  à  la 
vie  du  Roi,  n'étoit  regardé  que  comme 
une  fimpîe  félonie,  raccufation  formée 
pour  un  tel  crime  portant  uniquement /i?- 
Î07iicè.  Au  lieu  que  dans  un  crime  contre 
l'Etat ,  l'accufation  porLoit  felonicè  &"  prodi- 
îoriè  y  par  félonie  &  par  trahifon.  Au 
premier  cas  le  coupable  étoit  puni  de 
mort,  &  fcs  bjens  -meubles  étoient  con- 
fifquez  ;  au  fécond  cas   il  étoit  puni  de 

mort;, 


Avril,  Mai  et  Juin.  173p.  205 
mort,  &  on  confirquolc  tous  Tes  biens, 
meubles  &  immeubles. 

Le  Chapitre  XLI.  traite  des  I.oix  tou- 
chant la  Propriété  des  Biens  ;  6c  de  la 
manière  de  les  transférer  à  d'autres. 

Dans  le  Chapitre  XLfI.  L'Auteur  parle 
des  tems  auxquels  les  Cours  de  Jullice 
tenoient  leurs  Séances,  &  des  V^acances. 
Il  y  obferve  entre  autres  chofes ,  que  par- 
mi les  Saxons  on  adminiilroic  la  Jullice 
promptement  &  fans  délai. 

Le  Chapitre  XLIIL  contient  une  courte 
recapitulation  de  ce  qui  a  été  dit  fur  l'E- 
tat &  le  Gouvernement  des  Saxons  en 
Angleterre. 

L'Auteur  vient  après  cela  auxNormans. 
Mais  comme  c'efl-là  une  nouvelle  Epo- 
que, &  que  cet  Article  eft  déjà  allez  long, 
nous  renvoyons  la  fuite  à  un  autre  Jour- 
nal. 


ARTI' 


^ao6BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

ARTICLE    IX. 

Lettre  de  Mr. S**,  à  MelT.  les  Auteurs 
de  la  Bibliothèque  Britannique. 

LE  refpeft  que  j'ai  pour  vous ,  &  le 
plaifir  avec  lequel  je  lis  votre  Jour- 
nal ,  me  font  prendre  la  liberté  de  vous 
addreiïer  cette  Lettre;  j'efpère  que  vous 
la  recevrez  favorablement,  &  que  vous 
lui  donnerez  une  place  dans  votre  Biblio- 
thèque. Lorfque  vous  entreprîtes  un  Ou- 
vrage fi  fort  déliré,  vous  déclarâtes  dans 
l'Avertiflement  qui  eft  à  la  têre  du  pre- 
mier Volume  ,  qu'on  banniroicde  ce  Jour- 
nal toute  forte  d'Ecrits  perfonnels,  ou  fa- 
tiriques.  Cette  maxime  me  paroifToit  fort 
fage,  &  l'on  peut  dire  ,  que  jufques  ici 
vous  l'avez  fuivie  exactement.  Vous  pou- 
vez juger  par -là  quelle  a  dû  être  ma  fur- 
prife,de  trouver  à  la  fin  de  votre  dernier 
Volume  ,  l'Extrait  d'un  prétendu  Sermon, 
rempli  de  traits  fatiriques  contre  le  Cler- 
gé en  général ,  &en  particulier  contre  un 
Prélat "diftingué  par  fon  fçavoir  &  parfon 
zèle  ,  &  pour  lequel  vous  avez  tous  un 
profond  refpeft:  mais  mafurprifeîiceiré, 
quand  j'ai  appris  qu'on  a  inféré  cet  Ex- 
trait dans  votre  Journal  à  votre  infçû,  & 
que  vous  le  défapprouvez  tous  haute- 
ment. 


Avril,  Mai  et  Juiw.  1739»  207 
ment.  Ce  qui  m'engage  à  vous  commu- 
niquer quelques  remarques  que  j'ai  faites 
en  le  lifant.  On  nous  dépeint  d'abord 
l'Auteur  du  Sermon  dont  on  donne  l'Ex- 
trait,,, comme  un  homme  toujours  atta- 
,,  ché  à  l'intérêt  de  fa  Patrie,  pour  Ic- 
„  quel  il  a  pris  fi  fouvent  la  plume  & 
99  qui  ne  reHe  de  découvrir  les  pièges 
„  qu'on  tend  à  fa  liberté  „.  Ne  diroit-oa 
pas  que  la  Nation  Britannique  étoit  dans 
un  danger  émment  ,  &  que  (1  el!e  a  con- 
fervé  fa  liberté  ,  c'eft  à  l'Auceur  du  Ser- 
mon qu'elle  en  efi:  redevable  ?  Je  lailfe  à 
ceux  qui  ont  lu  V Indépendant  Whig^  6:  les 
Difcours  Politiques  fur  Tacite ,  à  juger ,  (î  cec 
Eloge  n'efl  pas  outré.  On  nous  alTûre 
qu'on  apprend  ici ,  combien  le  Clergé  d'An- 
gleterre eft  riche  &  accrédité;  les  voya- 
geurs difent  au  contraire ,  que  le  Clergé 
eft  pauvre  &  méprifé.  S'il  y  en  a  quel- 
ques-uns qui  jouiflent  de  gros  Bénéfices , 
le  nombre  de  ceux  qui  luttent  contre  la 
pauvreté  ,  eft  beaucoup  plus  grand:  &jene 
comprens  pas  comment  on  ofe  nous  di- 
re, qu'on  peut  voir  dans  ce  Sermon  des 
chofes  très-curieufes  fur  les  ufurpations 
du  Clergé,  qui  eft  parvenu  à  des  richef- 
fes  immenfes  ,  après  les  pertes  que  lui 
caufa  Henri  VIII.  qu'on  auroit  cru  irrépa- 
rables. 

Tout  le  Sermon,  &  par  confequent  tout 
l'Extrait, n'eftqu'u^je  déclamation  contre 


508  Bibliothèque  Britannique, 
le  Clergé.  On  leur  reproche  une  avidité 
infatiable  pour  les  richefles  &  les  hon- 
neurs ,  un  Efpric  d'intolérance,  un  zèle 
fougueux,  &  beaucoup  de  penchant  pour 
le  Papifme.  Je  ne  fuis  pas  furpris  qu'un 
homme  qui  regarde  les  Eccléfiaftiques 
comme  des  gens  à  gage,  à  qui  les  Laïques 
payent  un  falaire ,  &  qui  croit  „  que  l'o- 
,,  pulence  entre  les  mains  de  ceux  qui 
„  prêchent  l'Evangile,  eftfioppofée  àFEf- 
„  prit  &  aux  préceptes  de  ce  même  E- 
„  vangile,  qu'ils  ne  fçauroient  fubfifter  dans 
„  le  même  fujet^S  veuille  réduire  les  Ec- 
cléûalHques  au  pain  à  l'eau  ;  mais  je 
fuis  furpris,  que  cet  homme  (î  attaché  à 
l'intérêt  de  fa  Patrie ,  nous  laifle  entre- 
voir qu'il  ne  s'eft  pas  dépouillé  entière- 
ment de  fon  amour  &  de  fon  intérêt 
propre,  puifqu'il  fouhaiteroit,  que  le  fa- 
laire qu'on  donne  aux  Eccléfiaftiques  fût 
donné  à  des  gens  comme  lui  ;  &  qu'il  dit 
hautement  aux  Laïques ,  qu'ils  font  obli- 
gez d'encourager  par  des  recompenfes  & 
des  honneurs ,  ceux  qui  foutiennent  leurs 
droits  contre  le  Clergé. 

Le  Portrait  que  l'Auteur  fait  de  l'Ar- 
chevêque Laud)  eft  des  plus  odieux;  mais 
afin  qu'on  ne  s'imagine  pas  que  c'eft  à 
cet  Archevêque  feul  qu'il  en  veut ,  il 
ajoute  :  ,,  Pour  être  convaincu  que  c'eft 
,,  l'Efprit  de  tout  le  Clergé  ,  on  n'a  qu'à 
prendre  garde  que  ceux  de  cet  Ordre  ont 

,>  élevé 


AvRit,  Mai  et  Juin.  1755.  209 
„  élevé  jufqu'au  Ciel  ce  Grand  -  Prêtre 
„  dévoré  par  l'ambition,  ce  perfécuteur, 
,y  cet  opprefTeur,  cet  inflrument  ôciniliga- 
„  teur  de  la  Tyrannie  *^  Ainfi ,  félon  lui , 
tous  les  Ecciéfiafliques  font  des  ambi- 
tieux ,  des  jnfolens ,  des  Tyrans  ;  com- 
ment accorder  cela  avec  la  manière  dou- 
ce &  honnête  dont  plufieurs  Evêques  trai- 
tent ceux-là  même  qui  ne  fe  conforment 
point  aux  rites  de  PEglife  Anglicane? 

Pour  prouver  que  le  Clergé  d'Angle- 
terre a  du  penchant  pour  le  Papifme,  on 
allègue  l'exemple  ùtParhr  ^  Evêque  d'Ox- 
ford, (S:  de  Ward^  Evêque  de  Salisbury  ; 
maisrfi  ces  deux  Prélats  ont  cédé  au  tor- 
rent, les  autres  Evêques  n'ont-ils  pas  mar- 
qué beaucoup  de  fermeté  ?  Et  pourquoi  ne 
dit -on  rien  des  Tillotfons  ,  des  Sprats, 
des  Steîiingfleets  &  de  tant  d'autres  qui 
ont  défendu  fi  folidement  la  Religion  Pro- 
cédante. 

Je  ne  dirai  rien  fur  le  Supplément  : 
comme  l'Auteur  y  prend  hautement  la  dé- 
fenfe  des  Efprits  forts ,  &  qu'il  nous  repré- 
fente  les  Orthodoxes  comme  des  fcelérats» 
il  n'efl  pas  fort  furprenant  qu'il  lance  des 
traits  fatiriques  contre  un  Prélat  qui ,  fé- 
lon lui ,  s'eit  rendu  recomimandable  par  fan 
zèle  contre  les  Efprits  forts.  Qu'il  faic 
beau  voir  reprocher  aux  Ecciéfiafliques 
des  termes  injurieux,  pareils  au  langage 
brutal  des  Harans:eres  à  des  Crocheteuj's , 
TomQ  XIII  Part,  /.        O  & 


2IO Bibliothèque  Britannique,  &c. 

&  leur  recommander  la  douceur,  à  un 
Auteur  qui  ne  peut  parler  du  Clergé  <5c 
des  Prélats  dans  les  termes  que  la  bien- 
féance  &  la  civilité  demandent,  &  qui  ne 
cherche  qu'à  diffamer  ceux  qu'il  devroic 
îcrpefter. 


P.  DE 


C  A  T  Aâ.  O  G  U  s. 

r 

P.  DE  HoNDT  a  Imprimé. 

i 

LE  Supplément  au  Corps  Univerfel 
Diplomatique  du  Droit  des  Gens  , 
avec  le  Cérémonial  Diplomatique  des 
Cours  de  l'Europe  ,  &  l'Hiftoire  des 
Anciens  Traitez  ,  répandus  dans  les 
Auteurs  Grecs  &  Latins  ,  &  autres  mo- 
numens  de  l'Antiquité  ,  par  Mr.  Bar- 
beyrac.  5  vol.  foL 

■  ■  Le  même  en  grand  Papier. 

■  L'Ouvrage  de  Mr.   Barbeyrac  fe 
vend  feparement.  2  vol.  fol. 

Hiftoire  du  fameux  Syllêmie  des  Finan- 
ces, pendant  la  Minorité  de  Louis  XV. 
précédée  d'un    abrégé   de    la   Vie  du 
Duc  Régent,  &  du  Sr.  Law.  6vol.  12. 
Le  Tome  fixième  &  dernier  des  Difcours 
Hiftoriques,   Critiques,    Théologiques 
&  Moraux,  fur  les  Evenemens  les  plus 
mémorables  du   Vieux  &  du  Nouveau 
Teftament,  par  Mrs.  Saurin ,  Roques, 
&  Beaufobre  ;  avec   les  belles  Figures 
de  Mrs.  Hoet,  Houbraken ,  &  Plcart, 
folio;   fur  du  Papier  Médian,  Royal, 
Superroyal,  &  Impérial. 
NB.  On  avertie  les  Curieux,  qu'il  ne 
refte  au  Libraire  qu'un  îrès-pe» 
lit  nombre  d'Exemplaires   com- 
plets de   ce    magnifique   Ou- 
vrage. 

G  2  Les 


C  A  T  A  L  O  G  U  s. 

Les  Tomes  VIL  &  VIIL  des  Taf- 
dits  Difcours  in  odtavo. 

Le  Tome  Neuvième  &  dernier  du  Grand 
Diélionaire  Géographique  <Sc  Cricique 
de  Mr.  Bruzen  la  Martiniere.  fol. 

Le  même  en  grand  Papier. 

Les  Tomes  XIX.  &  XX.  &  dernier, 
des  Cent  Nouvelles  Nouvelles,  par  Ma- 
dame de  Gomez.  12. 

Dô  l'Atcaque  &  de  la  Défenfe  des  Pla- 
ces,  par  Mr.  le  Maréchal  de  Vauban  , 
avec  3(5.  belles  figures.  4. 

Le  viorne  Libraire  publiera  da?ïs  peu 
de  jours, 

La  Nouvelle  Marianne,  ou  les  Avantu- 

res  de  Madame  la  Baronne   de 

10  Parties.  8. 

La  Guerre  Séraphique,  ou  les  Périls  qu'a 
couru  la  Barbe  des  Capucins,  par  les 
violentes  Attaques  des  Cordelicrs»  12. 


CATA. 


CATALOGUE 

DE 

LIVRES, 

Qui  fe  trouvent 
A   la  Haye  chez  P.  de  H  o  n  d  t. 

DEfcription  Géographique  ,  Hi dori- 
que, Chronologique,  Politique  & 
Phyfique  de  la  Chine  &  de  la  Tartarie 
Chinoife ,  par  le  P.  du  Halde ,  Paris 
1735.  4  vol.  fol.  avec  des  figures  >  6c 
des  belles  Cartes  Géographiques. 

Hifloire  de  la  Vie  du  Vicomce  de  Turen- 
ne,  Paris  1736.  2  vol.  avec  des  belles 
figures.  4. 

Diftionaire  Botanique  &  Pharmaceutique, 
contenant  les  principales  Proprietez  des 
Minéraux ,  des  Végétaux ,  &  des  Ani- 
maux d'Ufage,  &c.   Paris  1738.  8. 

L'Architedture  Moderne,  ou  l'Art  de  bien 
bâtir  pour  toutes  fortes  de  Perfbnnes  ,, 
Paris  1728.  2  vol.  4.  avec  150.  Planches. 

la  Suite  ,    ou ,  de  la  Décoration 

extérieure  &  intérieure  des  Edifices 
Modernes  ,  &  de  la  Diftribution  des 
Maifons  de  Plaifance,  &  ce  qui  a  rap- 
port aux  Parcs  &  Jardins  de  propreté  ; 

O  3  aa 


CATALOGUE 

âu  Jardinage,  à  la  Sculpcure,  à  la  Ser^ 
rurerie,  à  la  Menuiferie,  &  à  la  Déco- 
ration des  Apartemens  de  Parade  ,  par 
Blondel ,  Paris  1738.  2  vol.  avec  155. 
Flanches.  4. 

Nouveau  Cours  de  Mathématique,  appli- 
qué à  l'ufage  de  la  Guerre ,  par  Mr. 
Belidor,  Paris  1725.  4.  lig» 

La  Science  des  Ingénieurs  dans  la  Con- 
duite des  Travaux  de  Fortification  «Se 
d'x^rchiteclure  Civile  ,  par  Mr.  Belidor^ 
Paris  1729.  fig.  4^ 

L'Architecture  Hydraulique,  ou  TArt  de 
conduire,  d'élever,  &  de  ménager  les 
Eaux  pour  tous  les  Befoins  de  la  Vie, 
par  Mr.  Belidor,  Paris  1737.  &  1739.  2 
vol.  fig.  4. 

Recueil  des  Pièces  qui  ont  remporté  les 
Prix  de  l'Académie  Royale  des  Scien- 
ces, depuis  leur  fondation  en  1720.  juf- 
qu'en  1732. ,  Paris  2  vol.  4.  fig. 

Le  Parfait  ingénieur  François, ou  la  For- 
tification  régulière   &   irréguliere  fui- 

-  vant  les  trois  Syftêmes  de  M.  de  Vau- 
ban,  &  ceux  de  Mr,  Coehprn ,  de  Vil- 
le, Pagan  ,  &c.    Paris  173<5.  fig.  4. 

Recueil  Hiflorique ,  Chronologique  & 
Topographique  5  ou  Pouillé  des  Arché- 
vêchez ,  Evéchez  ,  Abbayes  &  Prieurez 
de  France,  tant  d'Hommes  que  de  Fil- 
les ,  Paris  2  vol.  4.  avec  des  Cartes 
Géographiques. 
Hiftoire  des  deux  Afpafies,  Femmes  lî- 

luftre? 


•DELIVRES. 

luftres  de  la  Grèce,   avec  des  Remar« 
ques  Hilloriques  &  Critiques,  Paris  12. 

Nouvelle  Méthode  pour  apprendre  toutes 
Jes  Ecritures  ufitées  dans  le  Royaume, 
démontrée  par  des  principes  clairs  & 
certains,  pour  parvenir  à  la  Perfection 
des  Ecritures ,  Ronde  ,  Bâtarde  &  Cou- 
lée, fans  Maître,  contenant  près  de  jo 
Planches  gravées»  fol. 

Les  Elemens  des  Finances ,  contenant 
des  Inftrudlions  néceflaires  pour  les  Per- 
fonnes  qui  font  dans  les' Emplois,  avec 
des  Modèles  de  Comptes,  Etats  &  Bor- 
dereaux gravez ,  6:  un  Ditlionaire  des 
Finances,  fol.,  Paris. 

Le  Traité  du  Récitatif  dans  la  Ledure  » 
dans  TAdion  Publique  ,  dans  la  Décla- 
mation &  dans  le  Chant,  avec  un 
Traité  des  Accens,  de  la  quantité,  & 
de  la  Pondluation  ;  Paris  12. 

La  Follette,  ou  le  Rhume,  Paris  12. 

L'Heureux  Infortuné  ,  Hifloire  tirée  de 
PArabe,  par  Mr.  l'Abbé  de  Court ,  Pa- 
ris 12. 

Les  Avantures  de  Léonidas  &  de  Sophro- 
nie,  Paris  12. 

Mémoires  de  la  Comteiïe  Linska,  Plif- 
toire  Polonoife  ,  Paris  1735.  12. 

Recueil  de  divers  Ecrits ,  pour  fervir  d'é- 
clairciflemens  à  THiftoire  de  France, 
&de  Supplément  à  la  Notice  des  Gau- 
les, par  Mr.  l'Abbé  le  Beuf,  Paris  1738. 
2  vol.  12, 

O  4  Let- 


CATALOGUE 

Lettre  amiable  d'un  Napolitain,  fur  la 
Géographie  de  Mr.  l'Abbé  Lenglec , 
Paris  12. 

Recueil  de  Pièces  ,  mifes  au  Théâtre  Fran- 
çois pax  M.   le  Sage,  Paris  2  vol.  12. 

Hiitoirc  du  Socinianifine,  avec  la  Vie  &  le 
Catalogue  des  Ouvrages  des  Auteurs 
Sociniensj  Paris  4. 

Hiiloire  de  l'Ille  Efpagnole ,  ou  de  S. 
Domingue  ,  par  le  P.  Charlevoix,  Pa» 
ris  2  vol.  fig,  4. 

Hifloire  du  Miniîtère  du  Card.  Ximenez, 
par  l'Abbé  Marfolier,  Paris  2   vol.  12. 

Remarques  de  Mr.  de  Vaugelas  fur  la 
Langue  Françnife ,  avec  les  Notes  de 
Mr.  Patru  Ôl  T.  Corneille,  Nouvelle 
Edition,  Paris  1739.  3  vol.  12. 

Entretiens  de  Ciceron  lur  les  Vrais  Biens 
&  les  Vrais  Maux,  traduits  par  Mr. 
l'Abbé  Régnier  des  Marais,  Paris  12. 

Les  Tufculanes  de  Ciceron ,  Paris  1739. 

3  vol.   12. 

Di'dionaîre  Italien  &  François,  par  Mr. 
l'Abbé  Antonini,  Paris  4. 

Grammaire  Italienne,  par  le  même,  Pa- 
ris 12. 

Eflais  de  Montagne,  Paris  1739.6  vol.  12. 

Oeuvres  de  Monf.  l'Abbé  de  Pons,  Paris 
1738.  12. 

Lettres  de  Madame  du  Noyer ,  Paris  1738. 
6  vol.  12. 

Entretiens  Littéraires  &  Galans,  Paris  2 
vol.  12. 

ThécT- 


DELIVRES. 

Théâtre  François,  Paris  12  vol.  12. 

— Efpagnol ,  Paris  1 2. 

Oeuvres  de  Molière ,  Paris  8  vol.  124 

•  de  Racine,  Paris  2  voL  11. 

— de  Corneille,  Paris  10  vol.  12. 

•  de  Salufte  ,  Paris  12. 

de  Lucrèce,  Paris  2  vol.  12. 

, •  de  Regnard,  Paris  5  vol.  12. 

•  de  Crebillon,  Paris  2  vol.  12. 

. de  Q_uinaulE,  Paris  5  vol.  12. 

. — ■ de  Montfleury  ,  Paris  3  vol.  12. 

de  Nadal ,  Paris  3  vol.  12. 

— ■ de  Campirtron,  Paris  2  vol.  12. 

— ^ de  Mr.  Rivière  du  Frefny  ,  Pa- 
ris 6  vol.  12. 

Hilloire  de  Thucydide  ,  Paris  3  vol.  12. 

liilloire  des  Plantes  par  Baution ,  Lyon  2- 
vol.  12. 

L'Anti-Baillet,  Paris  2  vol.  4. 

Science  de  la  Jeune  Nobleffe,  Paris  3 
vol.  12. 

JHiftoire  de  Jean  de  Brienne ,  Roi  de  Jc- 
rufalem ,  Paris  12, 

I/Arc  de  nager,  Paris  fîg.  12. 

Analyfe  des  Infiniment  Petits  ,  avec  le 
Commentaire  de  Mr.  de  Croufaz,  & 
les  Eclairciflemens  de  Mr.  Varignon ,  3 
vol.  4. 

Tables  Aftronomiques ,  par  Mr.  de  la  Hi- 
re,  Paris  4. 

Principes  de  l'Kiflioire,  par  Mr.  l'Abbé 

O  5  Lcn? 


CATALOGUE 

Lenglec   du  Frefnoy ,   Paris    1735.    6 
vol.   12. 

Lettres  d'Abélard  &  d'Héloïfe ,  Paris  2 
vol.  12. 

Conflrudlion  d'un  Nouveau  Telefcope, 
Paris  1738.  fig.  4- 

Trai:é  de  rAbflinence  de  la  Viande  par- 
mi les  Juifs,  les  Payens  &  les  Chré- 
tiens, Paris  1737.  4. 

Hiftoire  &  Mémoires  de  l'Académie  Roya- 
le des  Infcriptions  &  Belles  Lettres  ^ 
Paris  10  vol.  fig.  4. 

Commentaire  fur  la  Géométrie  de  Def- 
cartes ,  par  Rabuel,  Lyon  fig.  4. 

Hiftoire  du  Japon,  par  le' P.  Charlevoix, 
Paris  2  vol.  fig.  4. 

— le  même  9  vol.  12. 

Traité  des  Accouchemens  par  Mr.  van 
Deventer,  Paris  2  vol.  fig.  4. 

Oeuvres  de  Mr.  de  Mauriceau,  fur  les 
Maladies  des  Femmes  Grofies,  Paris^2 
vol.  fig.  12. 

Voyage  de  la  Mer  du  Sud  par  Frezier, 
Paris  2  voJ.  fig.  12. 

Hiftoire  de  Portugal,  par  Lvir.  la  Clede, 
Paris  8  vol.  12. 

Cours  des  Sciences,  par  le  P.  Buffier, 
Paris  fol. 

Généalogies  Hifloriques  des  Rois  ,  Em- 
pereurs,  &c.  ,  Paris  1735.  &  1738. 
4  vol.  4. 

La  Vie  du  Duc  d'Epernon ,  Paris  4. . 

Ser- 


DE    LIVRES. 

Sermons  de  TAbbé  Anfelme ,  Paris  (5 
voL  12. 

Avantures  de  D.  Ramire  de  Roxas ,  Pa- 
ris 12. 

Mémoires  de  Pologne,  Paris  1738.  12. 

Avantures  de  Perfiles  &  Sigirmonde ,  Pa- 
ris 1738.  12. 

Traité  des  Maladies  de  Poitrine,  Paris 
1739.  12. 

Hiftoire  de  Louis  XIV.  par  Larrey ,  Pa- 
ris 1739.  9  vol.  fig.  12. 

Hiftoire  des  Ducs  de  Bretagne,  Paris  1739, 
6  vol.  12. 

Oeuvres   diverfcs   de    Corneille  ,  Paris 

1738.  12. 

La   Géométrie   de    Mr.    Rivart  ,  Paris 

1739.  4- 

Hiftoire  du  Peuple  de  Dieu,  Paris  1739. 
8  vol.  4. 

Proprietezde  la  Médecine,  Paris  1738. 12. 

Médecine  raifonnée  par  Hofman,  Paris 
17^8.  2  vol.  12. 

La  Géographie  Phyfique,  ou  Eiïai  fur 
l'Hiftoire  Naturelle  de  la  Terre ,  par 
Woodvvard,  Paris  1735.  4. 

Le  Nouveau  Théâtre  Italien,  avec  les 
Parodies,  Paris  12  vol.  12. 

Entretiens  de  Cleon  &  d'Eudoxe  fur  la 
Préféance  des  Médecins  fur  les  Chi- 
rurgiens, par  Mr  Andry,  Paris  1739. 
2  vol.  12. 

Avantures  des  Thuilleries ,  Paris  12. 

Oeu- 


CATx^LOGUS  DE  LIVRES. 

Oeuvres  de  Brantôme  ,  Paris  1739.  10 

vol.  12. 
Le  Bachelier  de  Salamanque ,  par  Mr.  le 

Sage,  Paris  3  voL  12. 

No'va  Bibliotbeca  Bibliothecarum  Manufcrip- 

îorum,  Auî.  Bern,  de  Morafaucon  ^  Pari^ 

fiis  1738.  2  vol.foL 
Gallia  Chrijiiana,  in  Provincias  Ecclefiaftù 

cas  diftribuîa ,  opsrâ  Dion.  SammârîharÂ, 

Parijîis  17 15.  6  vol  fol. 
^ ■  Tomus  Sextus  feparatim ,  Parif.  1739. 

fol 
Werenfelfii    Opufcula    Tbeologica  ,   Philofo- 

■^bîcci  éf  Pbiîologica.  Genevcs  1739.  2  vol.  4, 


BIBLIOTHEQUE 

BRITANNIQUE, 

O  U 

HISTOIRE 

DES  OUVRAGES 

DES  SÇAFANS  DE  LA 

GRANDE-BRETAGNE: 

Pour  Jes  Mois 
DE  JUILLET ,  AOUT  et  SEPTEMBRE. 

M  DCC  XXXIX. 
TOME    TREIZIEME^ 
SECONDE      PARTIE. 


A    LA    HATE, 
Chez    PIERRE    DE    HONDT. 

M.  DCC.  XXXIX. 


TABLE 

DES 

ARTICLES. 

Art,    I.  jn XpUcatîon    raifomiahle  de  la 
JOj^    manière  dont  le  Soleil  s'ar- 
rêta du  teins  Je  Jofué,  par  A.  O. 

Pag.  211. 
IL  Mr.    Archieald     Campbell; 
fon  Ouvrage  fier  la  NéceJJité  de 
la  Révélation  ;  ou  Examen   de 
rétendue  des  facultez  de  V Hom- 
me en  matière  de  Religion  ,    é? 
particulièrement  par  rapport  à 
rExiftence  de  Dieu ,  6^  l'Im- 
mortalité de  l'Ame.         222. 
II L  Le  Philo fopbe  Honnête -Homme  ; 

TTT    7.;rP°^^^^"^^  Extrait.  261. 

IV.  Mémoires  ou   Tranfa^ions  Philo- 

fopbiques  de  la  Société  Royale  de 

\T    J^^-^'''.'  ^^  43^»  &437.  354. 
V,  Hifloire  du  Droit   Eceléjîajîique 

Fraii^ 


TABLE  DES  ARTICLES. 

François ,  où  il  eft  traité  de  fd 
Nature  ,  de  fon  EtdbliJJement , 
de  fes  variations  ^  des  caufes 
de  fa  Décadence  ;  avec  des  Dif- 
fertations  particulières  fur  les 
Articles  les  plus  importans  £^ 
les  plus  contejiez.  357. 

VL  Mr.  Thomas  Shaw;/wKo- 
yages  en  divers  lieux  de  la  Bar- 
barie ^  du  Levant  ;  avec  des 
Obfervations.  Quatrième  & 
dernier  Extrait.  38(5. 

Y  II.  Nouvelles  Littéraires^  420. 


BIBLIO- 


BIBLIOTHEQUE 

BRITANNIQUE, 

O  U 
HISTOIRE  DES  OUFRAGES 

DES  SAVANS  DE  LA 

GRANDE  BRETAGNE. 

Pour  les  Mois  de  Juillet,  Août  et 
Septembre.  MDCCXXXIX. 

^^^^^•.^$$^^^^:  :^^$^^^^:^^_§^?^(^ 

ARTICLE    PREMIER. 

The  Sun  flanding  flill  in  the  Days  of 
JOSHUA,  Rationally  accounted  for 
By  A.  O.  LL.  D. 

Ceft-à-dire: 

Explication  raifonnable  de  la  manière 
dont  le  Soleil  s'arrêta  du  tems  de  Jo- 
fué  ,  par  A.  O.  Do6leur  en  Droit, 
imprimé  à  Londres  pour  J,  Noon  à 
Tome  XIIL  Part.  IL      P  Ten- 


212 Bibliothèque  Britannique, 
l'enfeigne  du  Cerf  blanc  en  Cheapfr 
de.  A".  1739.  in  8. 


L'Auteur  de  cette  Rrocb'jre  déclare 
d'abord,  qu'il  eft  fermement  perfuadé 
de  la  vérité  &  de  la  Divinité  de  la  Révé- 
lation ;  de  forte  que  fi  l'Hifloire  facrée  a- 
voitafluré  en  termes  exprès, que  Dieu,  par 
un  miracle,  arrêta  du  temsdejofué  le  So- 
leil &  la  Lune  dans  leur  courfe,  il  le 
croiroit  fans  héfiter:  mais  il  fe  croit  en 
état  de  prouver  par  le  but  des  miracles, 
par  le  filence  des  Hiftoriens  anciens,  par 
les  paroles  même  du  Texte,  par  le  livre 
d'oti  elles  ont  été  tirées,  &  par  les  cir- 
conftances  de  ce  prétendu  Prodige,  que 
les  exprelTions  du  Livre  de  Jofué  ne  doi- 
vent pas  être  prifes  à  la  lettre, mais  qu'el- 
les font  figurées  &  Poétiques. 

Si  du  tems  de  Jofué  le  Soleil  &  la  Lu- 
ne ont  été  arrêtez,  de  forte  que  le  jour 
auquel  ce  Général  remporta  la  vidoire 
furies  cinq  Rois  Cananéens,  fut  beaucoup 
plus  long  que  ne  font  les  jours  ordinai- 
res,  c'étoit  non  feulement  un  miracle, 
mais  le  plus  grand  de  tous  les  miracles,  fî 
Ton  excepte  la  Création  de  l'univers  ;  puif- 
qu'il  faut  fuppofer ,  ou  que  tous  les  autres 
Corps  célefles  ayent  été  arrêtez  en  miême 
tems ,  ou  que  l'harmonie  des  Cieux  ait 
été  troublée  :  mais  à  quoi  bon  un  tel  mi- 
racle? Dieu  n'en  fait  que  pour  confirmer 

la 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  213 
la  vérité  de  quelque  Dogme,  &  pour  prou' 
ver  la  milTion  divine  de   celui  qui   l'en* 
feigne  de  la  part;  un  Dogme  qui  ell:  évi- 
demment contraire  à  larairon,ne  fçauroit 
être  confirmé  par  aucun  miracle; un  Dog- 
me qui  s'accorde  avec  la  raifon ,  mais  que 
nos  lumières  naturelles  peuvent  découvrir 
fans  le  fecours   de  la  Révélation  ,  n'a  pas 
befoin  d'être  prouvé   par  des    miracles; 
mais  un  Dogme  qui  eft  au  deflus    de  la 
raifon,  fans  pourtant   lui  être  contraire, 
ne  peut  nous  être  enfeigné  que  par  une 
Révélation  divine,  &  celui  qui  nous  l'an- 
nonce de  la  part  de  Dieu ,  doit  prouver 
par  des  miracles  qu'il  efl  envoyé  de  Dieu  t 
tel  étôit  le  but  des  miracles  de  Moïfe  ,de 
ceux  des  Prophètes ,  &  de  ceux  de  Jefus^ 
Chrifl;  mais  du  tems  de  Jofué,  il  ne  s'a- 
gifToit,  ni  de  confirmer  quelque  point  de 
Doctrine ,  ni  de  prouver  la  miflion  divi» 
ne  de  quelqu'un;  quelle  apparence  donc  qu® 
Dieu    ait  fait  un  miracle  fi  éclatant  fans 
neceffité? 

[Cet  Argument  de  notre  Auteur  paroîc 
fpécieux;  mais  luiaccordera-t-onque  Dieu 
n'a  jamais  fait  des  miracles  que  pour  prou^ 
ver  la  million  divine  de  quelqu'un  ?  Les  Dé' 
livrances  de  l'Eglife  n'entrent -elles  pas 
dans  le  but  de  Dieu  lorfqu'il  fait  des  mer- 
veilles éclatantes?  Et  le  PalTage  de  la  mer 
Rouge, les  Philiflins frappez  de  maladie,& 
leur  Idole Dagon  renverfé  devant  PArche , 
n'en  font -ce  pas  des  exemples?] 

?  Z  La 


2Ï4BIBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

Le  filence  des  Hifloriens  anciens  four- 
nit à  notre  Auteur  une  féconde  preuve. 
Le  miracle  accordé  aux  prières  de  Jofué, 
d'arrêter  le  cours  du  Soleil,  étoit  un  mira- 
cle, opéré ,  non  dans  un  coin  de  la  Palefli- 
ne ,  mais  à  la  face  de  tout  l'univers  ,*  un 
miracle  non  momentanée,  mais  de  longue 
durée:   il  devoit  donc  exciter  la  curiofité 
de  tous  les  Sçavans  parmi  les  différentes 
Nations, &  les  engager  à  examiner  ce  Phé- 
nomène, à  en  marquer  la  caufe  &  les  ef- 
fets ,  &  à  le   mettre  par  écrit,  pour  en 
inflruire  la  pofterité  :  les  Egyptiens  fur- 
tout,  qui  étoient  voifins  de  la  Judée,  qui 
cultivoient  les  Sciences,  qui  faifoient  des 
Obfervations  Agronomiques  ,  qui  avoient 
un  refpect  fuperftitieux  pour  les  Corps  cé- 
leltes ,  &  qui  adoroient  le  Soleil  fous  la  fi- 
gure d'un  Bœuf,  ne  pouvoient  manquer 
d'en  parler.    Cependant  on  ne  trouve  ni 
trace  ni  veftige  de  ce  prétendu  miracle 
dans  aucune  autre  Hiftoire  ancienne,  foie 
fainte ,  foit  profane.  On  allègue   à  la  vé- 
rité Hérodote  &  Stace.   Le  premier  rappor- 
te ,  que  les  Egyptiens  difoient ,  que  dans 
Tefpace  d'onze  -  mille  trois  -  cens  ans ,  qui 
s'étoient  écoulez  depuis  leur  premier  Roi, 
jufquôs  au  Prêtre  VulcaiUyXt   Soleil  s'é- 
toit  levé  deux  fois  dans  TOccident,  &  cou- 
ché dans  rOrient;  que  ce  prodige  n'avoic 
pourtant  apporté   aucun  changement  en 
Egypte,  foit  à  la  terre  pour  la  production 
de  fes  fruits,  foit  au  Nil  pour  le  débor- 
dement 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  215 
dément  de  fes  eaux; que  les  maladies  n*a- 
voienc  pas  été  plus  fréquentes  ,  ni  la  vie 
des  hommes  moins  longue.  Et  l'autre  allu- 
re que  les  Cieux  avoient  rougi,  &  que  le 
Soleil  avoit  fufpendu  fon  cours ,  à  caufe 
de  l'horreur  que  leur  caufoit  le  crime  d'v^- 
trée,  enlanglanté  du  meurtre  des  fils  de 
Thyejle  y  qu'il  fit  manger  à  ce  malheur-eux 
Père.  Notre  Critique  remarque  fort  bien, 
que  Stace  fe  fert  d'une  fidlion  Poétique , 
pour  exprimer  l'horreur  que  doit  caufer 
une  adtion  fi  barbare;  mais  fa  réponfe  au 
palTage  d'Hérodote  ne  nous  paroît  pas  auf- 
îi  folide.  Il  dit,  que  ces  deux  Phénomènes , 
le  lever  du  Soleil  dans  l'Occident,  &  le 
cours  du  Soleil  arrêté,  font  fort  différens, 
que  l'un  fuppofe  le  mouvement ,  &  l'au- 
tre le  repos  ;&  que  fiîcette  Tradition  des 
Egyptiens  n'efl  pas  une  pure  fable,  elle 
fe  rapporte  à  la  rétrogradation  du  Soleil 
du  tems  à'Ezéchias^  plutôt  qu'à  ce  qui  fe 
paflfa  du  tems  de  ]ofué.  Si  les  Traditions 
des  Payens ,  qui  doivent  leur  origine  aux 
faits  rapportez  dans  l'Hifiioire  famte,  les 
confervoient  toujours  fans  altération ,  la 
remarque  de  notre  Auteur  paroîtroit  bien 
fondée  ;  mais  on  fçait  que  le  plus  fouvent 
elles  les  déguifoient  &  les  falfifioient  : 
ainfi  de  ce  que  le  récit  d'Hérodote  dif- 
fère de  celui  de  Jofué,  il  ne  s'enfuit  pas 
qu'ils  ne  parlent  pas  d'un  même  événe- 
ment. 

Le  troifième  Argument  de  notre  Auteur 

P  3  eft 


il5BlBLI0THEqÛE  BRITANNIQUE, 

eft  tiré  des  expreflTions  même  du  Texte 
facré.   Il  remarque   i.    Qu'il  y  a   dans  le 
Texte  Hébreu  :  Soleil,  îai-îoi  ;  le  Soleil  fe  tut  j 
&  non  pas,  Soleil,  arrête-toi,  &c.''2.  C^ue 
l'Hiftorien  facré  dit,  le  Soleil  ne  fe  bâta  point 
défi  coucher  environ  un  jour  entier,  6c  non 
pas ,  le  Soleil  ne  fe  coucha  pas  environ 
un  jour  entier.  3.  Qu'il  e(t  dit  que  le  So- 
leil &  la  Lune  s'arrêtèrent ,  jtt/qu'à  ce  que 
le  peuple  fe  fût  lengé  de  fis  enntmis ,  &  non 
pas,  afin  que  le  peuple  pût  fe  venger  de 
fes  ennemis.  4.  Qu'il  efl  rapporté  que  jo- 
fué  parla  à  l'Eternel ,  au  jour  auquel  il  a- 
Voit  livré  les  Amorrhéens  entre  les  mains 
des  Enfans  d'Ifraël  ;  mais  que  ce  qu'il  dit 
à  l'Eternel  dans  cette  occafion-Ià  n'eft  pas 
marqué:  d'où  il  conclut,  que  les  Héros  de 
l'Antiquité  ayant  accoutumé ,  après  avoir 
remporté  quelque  grande  victoire,  de  cé- 
lébrer l'Eternel  à  la  tête  de  leurs  armées 
par  des  Cantiques,  comme    il  paroît  par 
l'exemple  de  Moïfe  &  des  Ifraëlites  après 
la  défaite  de  Pharaon  &  des  Egyptiens,  & 
par  celui  de  Debora  après  la  viftoire  rem- 
portée fur  Jabin  Roi  des  Cananéens;  jo- 
fué  de  même,  ayant  défait  les  cinq  Rois 
d'une  manière  (î   furprenante,   chanta  à 
l'Eternel  un  Cantique  de  louantes  &  d'ac- 
tions de  grâces  ;  quedans  ce  Cantique  il 
parle  par  une  figure  hardie  au  Soleil  &  à 
3a  Lune,  &  les  exhorte  à  s'arrêter,   non 
'pour  lui  donner  le   rems  de  fe  venger  de 
fes  ennemis,  car  ils  étoient  déjà  défaits, 

mais 


Juillet,  Août  et  Septemr.  1739.  217 
mais  pour  erre  les  fpedtateurs  d'une  û 
grande  vidoire,  &  pour  admirer  la  bon- 
té ineffable  de  Dieu  envers  fon  peuple; 
ce  qui  a  été  imité  par  David,  quand  il  dit 
au  Pr.CXLVII.  Louez  le  Seigneur, Soleil  ^  Lu- 
ne. Louez-le.,  toutes  les  Etoiles  :  Louez-le^  Cieux 
des  deux  :  Que  toutes  les  Eaux  qui  font  au 
àejjus  des  deux  louent  le  Nom  du  Seigneur. 
Que  l'Hiflorien  facré  ajoute  ,  que  le  Soleil 
&  la  Lune  s'arrêtèrent ,  pour  nous  lesre- 
préfenter  comme  faifis  d'admiration  &  d'é- 
tonnement:  que  cette  exprefîion  eft  figu- 
rée &  Poétique,  à-peu-près  femblable  à 
celle  de  Debora,  qui  dit  :  On  a  combattu  con- 
tre eux  du  haut  du  Ciel  ;  les  Etoiles  ont  com- 
battu contre  Sifera\  ce  qui,  de  l'aveu  des 
meilleurs  Commentateurs, ne  fignifie  autre 
chofe ,  fi-non  Que  la  bataille  qu'elle  livra  à 
Sifera  dur^jùiques  dans  la  nuit,&  que  la 
clarté  des  Etoiles  favorifa  fa  victoire  ,•  ou 
à  celle  de  Callimaque,  qui  repréfente  le 
Soleil  comme*arrétant  fon  chariot,  pour 
entendre  la  mélodie  d'un  chœur  de  Nym- 
phes. 

H\Si  Ttdf     HAc/(5f  KotKov  ;^c^ov.  oihhà^iy,icLi 
Al<PfiO¥    ÎTrii^y/C-MÇ    rct    èî    <Çûi»    [Àr,y.uvcvrcii, 

Cefl-à-dire  :  Le  Soleil  ne  voit  jamais 
cette  belle  troupe  fans  arrêter  fon  char, 
ù,  les  jours  deviennent  plus  longs. 

P  4  Pour 


^218  Bibliothèque  Britannique', 
Pour  confirmer  fon  opinion ,  Notre  Au- 
teur remarque  en  quatrième  lieu  ,que  ces 
paroles,  Soleil  arrête-  toi  à  Gabaon,  £5*  toi, 
Lune ,  dans  la  vallée  d'Ajalon^  font  une  ci- 
tation du  Livre  de  Jajchar  ;  ce  qui  veut 
dire  le  Livre  du  Jufte.  Ce  Livre  contenoit 
un  Recueil  de  Poëmes  divins ,  compofez  , 
non  par  un  feul,  mais  par  plufieurs  Au- 
teurs ,  en  divers  tems ,  &  à  différences  oc- 
cafîons ,  pour  célébrer  la  mémoire  des 
merveilles  que  Dieu  avoic  faites  en  faveur 
de  fon  peuple ,  &  pour  tranfmettre  à  la 
pofterité  les  noms  de  ces  Héros  qui  a- 
voient  fait  de  grandes  aftions  &  rendu 
des  fervices  fignalez  à  leur  Patrie.  Le  pafla- 
ge  de  Samuel  1.  2.  ch.  L  oîi  il  eft  dit,  que 
le  Cantique  funèbre,  compofé  par  David 
fur  la  mort  de  Saûl  &  fur  celle  de  Jona- 
than, étoit  inféré  dans  le  Livre  du  Julie, 
prouve  cette  opinion.  Il  eft  donc  proba- 
ble que  le  Cantique  de  Jofuéde  même  fe 
trouvoit  au  long  dans  le  Livre  du  Jufte,  & 
que  l'Hiftorien  fe  contente  d'en  citer  ces 
paroles:  Soleil,  arrête-îoi ,  &.C. 

Notre  Auteur  palTe  à  examiner  les  cir- 
conftances  de  ce  prétendu  miracle.  Il  fait 
voir  que  ce  ne  fut  pas  avant  la  bataille, 
ou  pendant  que  la  vidtoire  étoit  incertai- 
ne, mais  après  que  Jofué  eût  défait  les 
ennemis,  &  que  fon  armée  les  pourfuivoic 
dans  leur  fuite,  que  s'addreiTant  au  Soleil, 
il  lui  dit:  y^rfeVtofj,  &c.  Dieu  dit  à  jofué,qui 
probablement  Pavoit  confulté  par  l'Urim 

<5c 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  219 

&  leThummim,  s'il  iroit  au  fecours  des 
Gabaonices,  ou  non  :  ]S!e  les  crain  point, 
car  je  les  ai  livré  entre  tes  mains  ,nul  d'eux  ne 
fubjijiera  devant  toi.  Jofué,  confirmé  par  cet- 
te promefle,  marcha  toute  la  nuit,  &  é- 
tant  arrivé  à  Gabaon  avant  le  jour ,  il  fur- 
prit  les  ennemis,  les  attaqua  &  les  mie 
en  déroute;  Ton  armée  les  pourfuivant 
par  le  chemin  de  Bethoron,  en  fit  un  grand 
carnage ,  &  une  grêle  de  pierres  qui  tomba 
en  même  temSjCn  tua  plus  que  les  Ifraë- 
lites  n'en  avoient  fait  pafTer  par  le  fil  de 
répée.  Jofué  donc  n'avoit  plus  befoin  que 
Dieu  fit  un  miracle  pour  lui  donner  le 
tems  de  fe  venger  de  fes  ennemis  &  de 
les  pourfuivre.  Ils  étoient  déjà  défaits,  (3c 
la  bataille  s'étant  donnée  à  la  pointe  du 
jour,  le  tems  de  les  pourfuivre  ne  pou- 
voie  pas  lui  manquer.  Cependant  ce  fut 
alors, après  la  déroute  des  ennemis,  que 
Jofué  dit,  en  la  préfence  de  tout  Ifraël , 
Soleil  f  arrête-toi ,  <SiC.  Il  faut  donc  nécefiaire- 
ment  que  ces  expreiTions  Ibient  Poéti- 
ques, &  qu'on  les  prenne  dans  un  autre 
fens  que  dans  celui  qu'on  leur  donne  or- 
dinairement. 

Notre  Auteur  pafie  enfuite  4  répondre 
à  quelques  objedlions;  la  première  efl  ti- 
rée de  ce  qu'il  eft  dit ,  qu'il  n'y  eut  jamais 
auparavant  un  jour  femblable  à  celui-là ,  & 
qu'il  ny  en  eut  point  après  ^  VEternel  exau- 
çant la  voix  d'un  homme.  Dieu ,  dit  -  on ,  n'a- 
voit-il  donc  jamais  auparavant  exaucé  la 

P  5  voix 


3,20  Bibliothèque  Britannique, 

voix  d'un  homme ,  ou  donné  la  viftoire 
à  Ton  peuple?  Sans  doute,  die  notre  Au- 
teur; mais  jamais  d'une  manière  fi  vifi- 
ble.  Il  promit  à  jofué  la  vidtoire.  Ce  Gé- 
néral la  remporta  ,&  mit  les  Ennemis  en 
déroute  ,  mais  comme  pludeurs  fe  fau- 
voient  par  la  fuite  ,il  demanda  à  Dieu  de 
livrer  les  fuyards  entre  fes  mains ,  félon 
fa  promefTe;  Dieu  exauça  fa  voix,  &  fit 
tomber  fur  eux  une  grêle  de  pierres ,  qui 
les  empêcha  de  fe  fauver,  &  en  fit  mou- 
rir un  plus  grand  nombre  que  l'épée  mê- 
me des  vainqueurs  :  ce  qui  a  donné  oc- 
cafion  au  Pfalmifle  de  dire:  r Eternel  ton- 
na aux  (  'ieux ,  £5'  le  Souverain  jetta  fa  mix 
avec  grile^  charbons  de  feu  \  il  tira  fes  flè- 
ches ^  les  écarta ,  il  lança  des  éclairs  6f  l^s 
mit  en  déroute.  Pf  XVI II.  v,  14.  15. 

La  féconde  objeQion  eft  fondée  fur  un 
paflage  de  rEccléfiaflique  ;  le  fils  de  Sirach, 
parlant  de  Jofué,  dit:  N'a-t-il  pas  arrêté  le 
Soleil  dans  le  tranfport  de  fa  colère^  lorfqu'unfeul 
jour  devint  auffi  long  que  deuxl  Eccl.  XLVI. 
V.  5.  Notre  Auteur  fait  voir  que  le  fils  de 
Sirach  fe  contredit  lui-même,  quand  ilaf- 
fûre  que  le  Soleil  ^v^t:^/  f,  retourna  en 
arrière,  &  qu'un  fcul  jour  devint  aufii 
Ions;  Que  deux,  quand  jofué  dit:  Soleil  ^ar- 
réte-toi  enGahaon  ^t^  toi.  Lune,  dans  la  vallée 
à:  A  jalon  ,  il  écoit  occupé  à  combattre  les 
Amorrhéens  dans  la  plaine  de  Gabaon,  la 
Lune ,  qui  probablement  étoit  dans  fon 
plein,  étoic  fur  le  point  de  fe  coucher  du 

côté 


JUILLET,  Août  et  Septemb.  173p.  221 

côté  d'AjaloD  ;  &  on  vit  par  le  fommec 
de  la  montagne  de  Gabaoii,que  le  Soleil 
alloic  fe  lever:  lî  Jofué  Tavoit  fait  retour- 
ner en  arrière  ,  il  n'y  auroic  point  eu  de 
jour  du  tout,  &  il  auroit  fallu  dire  qu'u- 
ne nuit  fut  aufli  longue  que  deux. 

On  allègue  en  troifième  lieu,  la  rétro- 
gradation du  Soleil  du  tenis  d'Ezéchias; 
6l  on  dit  que  ce  nairacle  étoit  auffi  grand 
que  celui  du  cours  du  Soleil  fufpendu  du 
tems  de  Jofué.   Notre  Auteur  remarque, 
I.  Que  ce  ne  fut  pas  le  Soleil,  mais  feule- 
ment l'ombre  du  Cadran  d'Achaz  qui  ré- 
trograda. 2.  Qu'elle  rétrograda, non  tout 
d'un  coup ,  mais  peu-à-peu.     Efaïe  avoit 
donné  le  choix  au  Roi  Ezéchias,  de  de- 
mander que  l'ombre  du  Cadran  d'Achaz 
avançât  ou  rétrogradât  de  dix  degrez  ;  Ezé- 
chias demanda  qu'elle  rétrogradât, parce, 
dit-il,  que  c'eft  peu  de  chofe  que  l'ombre  s^a- 
vance  de  dix  dégrez;  (i  elle  eût  avancé  de 
dix  dégrez  tout  d'un  coup,    le  miracle 
n'auroit  pas    été  moindre   que  tout  d'un 
coup  elle  eût  rétrogradé  d'autant, mais  en 
rétrogradant  peu  à-peu  &  par  dégrez,  le 
miracle  étoit  plus  vifible  é.  plus  frappant 
que  fi   elle  avoit  avancé    peu -à -peu   & 
par  dégrez.  3.  Que  ce  miracle  ne  fut  vu 
que  dans  la   Judée  &  à  jerufalem  ,  puif- 
que  le  bruit  s'en   étant  répandu  dans  les 
pais  voifins,  le  Roi  de  Babylone  envoya 
des  Ambaffadeurs  à  Ezéchias  pour  le  fé- 
liciter de  fon  réc-abliflement,&  pour  s*in- 

.    for- 


222  Bibliothèque  Britannique^ 
former  du  miracle  qui  étoit  arrivé  dans 
la  Judée.  Si  le  changement  étoit  arrivé 
au  Soleil  même ,  Tombre  de  tous  les  Ca- 
drans du  monde  auroit  rétrogradé,  auflî- 
bicn  que  celle  du  Cadran  d'Achaz,  &  il 
n'auroit  pas  été  néceiïaire  que  le  Roi  de 
Babylone,  pour  contenter  la  curiofité  & 
celle  des  Chaldéens,qui  écoient  alors  les 
plus  fameux  Agronomes  ,  envoyât  dans, 
la  Judée  s'informer  d'un  tel  miracle. 

ARTICLE    IL 

The  NecefTity  of  Révélation  :  Or  an 
Enquiry  into  the  Extent  of  human 
Powers  with  refpecl  to  matters  of 
Religion,  efpecially  thofe  two  fun- 
damental  Articles ,  The  Being  of 
God,  and  the  Immortality  of  the 
Soûl.  By  Archibald  Camp- 
bell, D.  D.  Regius  Profeïïbr  of 
Divinity  and  Ecclefiaftical  Hiflory 
in  the  Univerfjty  of  St.  Andrews. 
C'efl- à-dire  :  Lj  NéceJJité  de  la  Ré- 
vélation ,  ou  Examen  de  retendue  des 
facuîtez  de  F  Homme  par  rapport  .  aux 
matières  de  Religion  ,  £f  particulière- 
ment par  rapport  à  ces  deux  yîrticles 
fondamentaux ,  l'Exiftence  de  Dieu ,  &f 
r Immortalité  de  l'Ame.     Par  Mr.  Ar- 

CHI- 


JuiLtET,  Août  et  Septemb»  1739.  223 
CHiBALD  Campbell,  Doàeiir  en  Théo- 
logie, Êf  Profeffeur  Royal  de  Théologie 
fc?  d'HiJtoire  Eccléfiaftique  dans  ÏUni- 
verfité  de  St.  André,  A  Londres  1739. 
aux  dépens  de  la  Société  pour  l'en- 
couragement des  Lettres  ;  &  fe  vend 
chez  Millar,  Nourfe,  &  Gray,  Li- 
braires de  la  Société  ;  in  8.  pi^gg. 
417.  Le  prix  eft  de  quatre  Chelins 
&  demi  en  feuilles. 

MR.  Campbell  commence  Ton  Ouvra- 
ge par  une  afiez  longue  Préface, 
dans  laquelle  il  expofe  fon  fujet ,  &  juf- 
tifie  la  manière  donc  il  l'a  traité.  Son  def- 
fein  n'eft  pas  de  prouver  la  vérité  de  la 
Révélation  Chrétienne,  mais  feulement 
la  néceffité  d'une  Révélation  en  général  li 
fe  borne  à  ces  deux  Articles ,  ïExiflence 
£^  les  Attributs  de  Dieu,  6c  l Immortalité  de 
VAme;  parce  que  c'eft  là-delfus  qu'eft 
fondée  toute  la  Religion.  Ayant  exami» 
né  avec  foin  quelle  eft  Tétenduë  des  fa- 
cultez  de  l'homme, par  lefquelles  il  pour- 
roit  parvenir  à  la  connoiflance  de  ces 
deux  Articles,  il  a  conclu  de  cet  Examen  , 
que  le  genre  humain  n'efl  pas  capable  de 
les  découvrir  fans  une  Initrudliori  farna- 
turelle  :  de  forte  qu'il  a  falu  une  Révéla- 
tion divine  pour  établir  mcme  la  Reli- 
gion Naturelle   parmi    Jes    honjmes.    Et 

puif- 


224  Bibliothèque  Britannique,  ^ 

puifque  les  deux  Articles  en  queftion  onc 
été  depuis  long-tems  connus  dans  le  mon- 
de ,  c'eft ,  fuivanc  notre  Auteur ,  une  preu- 
ve évidente,  en  remontant  de  l'effet  à  la 
caufe,  que  le  genre  humain  a  été  réelle- 
ment favorifé  dune  Révélation  furnatu- 
relie. 

En  parlant  de  la  NécefTité  de  cette  Ré- 
vélation, il  la  nomme  quelquefois  abfolué'. 
Il  ne  veut  pourtant  pas  qu'on  prenne  ce 
terme  à  la  rigueur.  11  reconnoît  que  les 
Oeuvres  de  la  Création  fournifTent  des 
preuves  démonftratives  de  l'Exiflence  6c 
des  Attributs  de  Dieu;  mais  il  foutient, 
qu1l  n'y  aucune  raifon  de  penfer,  que  fans 
une  Révélation  divine  les  hommes  euflenc 
jamais  connu  la  vraye  Religion. 

On  croira  peut-être  fur  cet  Expofé, 
que  Mr.  Campbell  nous  donne  ici  un  Trai- 
té fur  la  foibleiTe  de  l'ETprit  humain,  qu'il 
étale  les  difficultez  de  l'Examen  ,  ou  cel- 
les qui  environnent  tous  les  objets  de  nos 
Récherches.  On  fe  tromperoit:  ce  n'efl 
point  par  des  raiTonnemcns  fpécuiatifs  &c 
iTiéraphydques  qu'il  établit  fa  Thèfe.  Il 
fc  borne  uniquement  à  des  Faits  .'il  mon- 
ne  que  les  hommes  n'ont  eu  que  des  i- 
dces  faulTes  &  abfurdes  fur  la  Nature  de 
Dieu  ,  &  fur  celle  de  TAme,  ou  que  s'ils 
en  ont  eu  des  idées  plus  juftes ,  ils  ne  les 
ont  point  établies  fur  des  preuves  folides 
&  concluantes. 
Notre    Auteur    fe    propofe  particulie- 

rcm^enc 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  225 

rçment  de  renverfer  le  Syflême  que  Mr. 
Tindal  a  tâché  d'établir  dans  fon  fameux 
Livre,  intitulé  le  Chriflianifme  aujjî  ancien 
que  le  Monde.  Jl  en  cite  un  long  pafTage 
que  nous  traduirons  ici, parce  qu'il  contient 
le  précis  du  Syfléme  dts  Raîionaux,  je 
veux  dire  de  ceux  qui  foutiennent  que/a 
Raifon  de  Vhomme  fufjit  feule  pour  le  conduis 
re  au  Bonheur  ,,  Si  ce  n'a  jamais  été  1  in- 
„  tention  de  Dieu,  dit  Mr.  Tindal,  que 
a,  le  genre  humain  fût  en  aucun  tems 
deflirué  de  tou'C  Reh'gion  ,  ou  qu'il 
n'en  admît  que  de  fauffes,  &  s'il  n'y  en 
a  qu'une  qui  foit-  véritable ,  laquelle 
tous  les  hommes  ayent  été  toujours  obli- 


99 

„  gez  de  croire  &   de  profelTer,  je  ne 
,,  vois  pas  qu'il  y  ait  la  moindre  Hétero- 


doxie  à  foutenir,  que  les  moyens  def- 
tinez  à  remplir  ce  but  de  la  SagefTe  in- 
finie ,  doivent  avoir  été  auflî  univerfeîs 
,,  que  ce  but  même;  ou  pour  parler 
,,  plus  clairement,  que  tous  les  hommes J' 
,,  dans  tous  les  tems, doivent  avoir  eu  des 
„  m.oyens  fufïïfans  ,  pour  découvrir  ce  que 
,f  Dieu  vouloit  qu'ils  connûfient  &  prati- 
,,  quaflenc.  Je  ne  prérens  pas  foutenir 
„  par- là,  qu'ils  doivent  avoir  tous  un 
1,  égal  déjzré  de  lumières  &  de  connoif- 
,,  fances;  mais  on'ils  doivent  avoir  tous 
,,  des  moyens  fuffifans ,  eu  égard  aux  cir- 
M  confiances  particulières  oli  ils  fe  trou- 
f,  vent  .  ...  Et  comme  je  crois  qu'il  c(ï 
99  de  mon  devoir  de  ne  jamais  diiîimuler 

M  mes 


226  Bibliothèque  Britannique, 
5,  mes  fentimens  en  matière  de  Religion, 
„  je  déclare  franchement,  que  VUJage  des 
,9  Facuîîez ,  par  lefquelles  les  hommes  fonc 
»  diftinguez  des  Brutes,  ejile  feul  moyen 
,9  qu'ils  ayent  pour  découvrir  s'il  y  a  un 
,)  Dieu ,  s'il  fe  mêle  des  chofes  de  ce  Mon- 
„  de, s'il  a  donné  des  Loixaux  hommes, 
„  &  quelles  fonc  ces  Loix.  Ec  puifque 
„  les  hommes  n'ont  point  d'autres  facul- 
„  tez  pour  juger ,  il  fuit  de-là  ,  que  lorf- 
„  qu'ils  s'en  fervent  du  mieux  qu'ils  peu- 
„  vent,  ils  rempliflent  par  cela  même  le 
„  but  pour  lequel  Dieu  les  leur  a  données , 
„  &  juftifient  pleinement  leur  conduite: 
„  car  fi  Dieu  veut  les  juger  comme  des 
„  Etres  comptables  de  leurs  allions ,  c'ell- 
,,  à-dire  comme  des  Etres  raifonnables, 
„  il  faut  que  la  fentence  qu'il  prononce 
„  pour  ou  contre  eux,  foit  exadement 
„  conforme  à  l'ufage  qu'ils  font  de  leur 

„  Raifon Et  fi  le  delFein  de  Dieu 

„  a  été  que  tous  les  hommes  connûflenc 
„  ce  qu'ils  doivent  croire,  profefler  & 
„  pratiquer,  &  s'il  ne  leur  a  point  donné 
,,  d'autres  moyens  pour  parvenir  à  cette 
„  connoilTance  ,  que  l'ufage  de  la  Raifon, 
,,  il  faut  que  la  Raifon,  je  dis  la  Raifon 
„  humaine,  foit  ce  moyen.  Car  puifque 
>>  Dieu  nous  a  fait  des  Créatures  raifon- 
„  nables ,  &  puifque  la  Raifon  nous  ap- 
,,  prend  qu'il  veut  que  nous  vivions  con- 
formément à  la  dignité  de  notre  natu- 
re, il  faut  aufll  que   la  Raifon  puifle 

fj  nous 


?j 


-j 


Jdillet,  Août  et  Septemb.  1730.  aay 

«  nous  faire  connoîcre,  (î  nous  vivon» 
99  aftuellement  de  cette  manière,  ou  non. 
„  Ce  que  Dieu  veut  que  nous  connoil^ 
99  fions,  croyions  ,  profeflions  &  prâti- 
„  quions  ,doit  être  par  cela  même  un  fer* 
„  vice  raifonnable  ;  mais  c'efl  à  la  Raifon 
„  à  juger,  fi  ce  qu'on  nous  propofe  pour 
M  tel ,  Teft  effedtivement.  Comme  l'œil 
„  eft  le  feul  juge  de  ce  qui  efl  vifible,  fie 
,,  Toreille  de  ce  qui  fe  peut  ouïr,  ainfî  la 
j,  Raifon  l'eft  de  ce  qui  eft  raifonnable. 
>,  Si  donc  la  Raifon  a  été  donnée  à  Thom- 
9,  me  pour  lui  faire  connoître  la  Volonté 
„  de  Dieu,  il  faut  qu'elle  foit  fuffifante 
„  pour  produire  l'effet  auquel  elle  eftdef- 
„  tinée;  &  elle  ne  fçauroit  tromper  les 
„  hommes  jufqu'à  leur  faire  prendre  pour 
9,  la  volonté  de  Dieu ,  ce  qu^il  vouloic 
99  qu'ils  évitaflent  comme  contraire  à  fa 
„  volonté. 

„  S'il  eft  donc  abfurde  de  fuppofer  ,que 
„  quand  même  les  hommes  vivroient  de 
„  la  manière  du  monde  la  plus  déréglée 
„  iSc  la  plus  impie,  ils  ne  commettroienc 
„  pourtant  rien  que  Dieu  leur  ait  défen- 
„  du ,  ou  que  ,  quand  même  ils  vivroient 
„  de  la  manière  la  plus  vertueufe  &  la 
„  plus  religieufe,  ils  ne  feroient  pourtant 
„  rien  qu'il  leur  eût  commandé  ;ne  doit- 
,,  il  pas  y  avoir  eu  toujours  une  Loi 
„  univerfelle ,  notifiée  au  Genre  humain 
9,  d'une  manière  fi  claire  ,  que  perfonne 

TomeXIIL  Fart.  IL        Q  „  &e 


228  Bibliothèque  Britannique, 

f,  ne  put  prétexter  fon  ignorance  pour  é- 
f,  viter  d'être  jugé  par  cette  Loi?D*oti  il 
„  fuit ,  qu'il  eft  impoffible  qu'elle  ait  été 
,5  notifiée  d'une  manière  fi  univerfelle,  à 
„  moins  qu'elle  ne  fût  fondée  fur  la  na- 
„  ture  même  dos  chofes ,  fur  le  rapport 
99  qu'il  y  a  entre  Dieu  &  les  hommes, & 
„  fur  les  diverfes  relations  que  les  hom- 
,5  mes  ont  les  uns  avec  les  autres  ;  rap- 
99  port  (Se  relations  qui  font  viiibles  en 
99  tout  tems  atout  le  Genre  humain.  Mais, 
,>  pour  éclaircir  encore  plus  ce  fujet,  peut- 
,i  on  concevoir  que- Dieu,  qui  a  témoigné 
,9  tant  de  bonté  pour  tous  les  animaux, 
„  qu'il  leur  a  fourni  à  tous,  non  feule- 
„  ment  dans  un  feul  pais ,  mais  par  toute 
99  la  terre,  les  moyens  nécefTaires  pour 
,9  travailler  à  leur  propre  confervation , 
99  ait  eu  moins  de  bonté  pour  les  âmes  de 
„  ceux  qu'il  a  formez  à  fon  image;  qu'il 
99  ne  leur  ait  pas  donné  à  tous,  en  tous 
„  tems  &  en  tous  lieux,  les  moyens  nécef- 
,,  faires  pour  fe  procurer  le  bonheur  éter- 
,9  nel?  Ou  peut-on  fuppofer,  qu'un  Etre 
99  infiniment  bon,  qui  a  donné  aux  hom- 
99  mes  des  fens  qui  les  avertifi!ent  de  ce 
„  qui  eft  utile  ou  nuifible  au  corps,  ait 
99  eu  moins  d'égard  pour  cette  partie  de 
„  l'homme  qui  efl  immortelle,  &  ne  lui 
„  ait  pas  donné  ,  par  la  lumière  de  l'en- 
,,  tendement,  des  moyens  fuffifans  pour 
I,  connoîcre  ce  qui   contribue  au  bien  de 

,9  l'ame  ? 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  229 
„  l'ame?  Peut -on  fappofer  qu'il  ait  mis 
>,  tous  les  hommes,  ou  feulement  quel- 
„  ques-uns  d'entre  eux,  dans  la  nécelTité 
,,  de  demeurer  d'âge  en  âge  dans  une  igno- 
„  rance  ou  dans  une  erreur  qui  leur  fût 
t,  pernicieufe? 

,,  Voilà  ,  dit  là-deflus   Mr.    Campbell , 
,,  des  fpeculations  qui  ont  quelque  chofe 
,,  d'éblouillant.    Et  lorfqu'un  homme  d'ef- 
,,  prit  qui   les  propofe  ,  décrit  en  mêm.e 
,j  tems  la  bigotterie   &■  la  Tuperfrition  » 
,,  qui,  dans  tous  les  fiécles,  n'ont  que  trop 
„  régné  parmi  les  Chrétiens  ;  lorfqu'il  re- 
})  préi'ente  les  controverfes  qui  ont  trou- 
99  blé  l'Eglife,  tantôt  au  fujet  des  Myfle- 
„  res  jtantôtfur  de  limples  minuties ;'lorr- 
,9  qu'il  dépeint  la  violence  &  l'aigreur  a- 
,9  vec  lefquelles  on  a  traité  ces  controver- 
99  fes  ;  lorfqu'il  nvarque  les  funeftes  effets 
»,  de  Fefprit  de  perfecution ,  qui  a  pion- 
,,  gé  le  Genre  humain  dans  le  trouble ,  dans 
„  la  mifere,  &  prefque  dans  une  deftruc- 
,,  tion  totale,  contre  toutes  les  Loix  de 
„  la  Juftice.  &  de  cette  Charité  univerfel- 
5,1e,  qui   font  infiniment    plus  utiles  au 
„  Genre  humain  que  tous  les  Myjières  *  y 
,,  quels  qu'ils  foient  ;  on  ne  doit  pas  s'é- 
„  tonner,   que   des    gens   qui    fe  laiileni 
,,  aifénient  entraîner  par  de  belles  appa- 
,,  rences  ,  conçoivent  un  préjugé  contre  la 
V  Religion  Chrétienne,  é.  fe  déclarent  en 

„  favear 

*  I  Cor.  xm.  2. 


230B1BL10THEQUE  Britannique, 
„  faveur   des    Lumières   naturelles  ;  fou- 
„  tenanc  que  le  Monde  n'a  pas  beibin  de 
i,  Révélation. 

Mr.  Campbell  exhorte  ici  fes  Ledteurs 
à  renoncer  à  tout  préjugé,  à  n'avoir  au- 
cun égard  pour  l'autorité  de  qui  que  cefoif, 
mais  de  le  fuivre  fans  partialité  dans  l'exa- 
men de  ce  iujec.  11  remarque  ,  qu'il  eflim- 
poflTibie  que  l'Auteur  qu'il  a  cité  ait  pré- 
tendu qu'on  fe  rangeât  aveuglement  à 
fon  opinion  :  on  "avoue  ,  que  c'efl  une 
belle  fpéculacion  ;  c'efl  une  hypothè- 
fe  capable  de  flatter  la  vanité  de  l'Hom- 
me: mais  eft-elle  conforme  à  l'expérien- 
ce? Voit-on  qu'en  effet  la  Raifon  feule 
aye  conduit  les  hommes  à  la  connoiflan- 
\  ce  du  vrai  Dieu ,  de  fes  Perfedlions ,  & 
de  la  véritable  Religion  FC'eft  ce  que  Mr. 
Campbell  fe  propofe  d'examiner,-  ou  plutôt 
il  veut  faire  voir  ,  que  les  hommes  n'ont 
point  connu  Dieu  par  la  Raifon  ;  d'où  il 
ell  aifé  de  conclure,  que  la  Raifon  feule 
n'eft  pas  fuffifante,  &  qu'il  faut  par  confe- 
quent  une  Révélation. 

L'Ouvrage  de  notre  Auteur  eft  divifé 
en  huit  Sections.  Dans  la  première  il  exa- 
mine en  quoi  confifle  la  Religion  Naturel- 
le. ,,  C'efl,  félon  lui,  un  fyftême,  ou  un 
„  Corps  de  Devoirs  quinaiffent  de  la  na- 
P,  ture  même  des  chofes ,  que  nous  de- 
99  vons  rendre  à  Dieu,  (Se  que  nous  fom- 
99  mes  obligez  de  pratiquer  envers  nos 
»  femblables,  à  caufe  de  Dieu,  &  dans  le 

;>  def- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  231 

„  deflein  de  nous  procurer  fa  bienveillan- 
„  ce.  Il  efl:  clair  que  nous  ne  fçaurions 
„  jamais  parvenir  à  la  connoiflance  des 
„  devoirs  particuliers  ,  que  la  nature  des 
9t  chofes,  &  le  rapport  qu'elles  ont  encre 
„  elles,  nous  préfcrivent ,  à  moins  que  nous 
M  ne  connoiirions  fuffifamment  les  diffé- 
„  rentes  proprietez  &  les  perfections  de 
},  ces  chofes, i'jnfiuence  qu'elles  ontréel- 
„  Icment  les  unes  fur  les  autres,  &  les 
9,  effets  qu'elles  produiront  certainement, 
„  lorfqu'elles  feront,  pour  ainfl  dire,  ap- 
,9  pliquées  les  unes  aux  autres.  Puis  donc 
i,  que  Dieu  &  l'Homme  font  deux  Etres , 
t,  dont  les  différentes  natures,  proprie- 
i9  lez  &  perfections ,  comparées  les  unes 
,,aux  autres,  fervent  de  fondement  aux 
j>  devoirs  de  la  Religion  Naturelle  ;  avant 
19  qu'on  puifTe  connoîcre  ces  Devoirs ,  il 
3i  faut  néceffairement  que  l'on  connoifTe 
„  la  nature  de  Dieu  &  celle  de  l'Homme, 
i,  &  les  relations  morales  qui  refultent 
„  du  rapport  naturel  qu'elles  ont  entre 
9,  elles. 

De  fçavoir  fi  l'Homme  efl  de  lui-même 
en  état  d'acquérir  cette  connoiflance, c'efl 
ce  qu'on  examinera  dans  la  fuite  ;  mais  il  efl 
certain  qu'il  connoît  à  préfent  la  nature 
de  Dieu,&  la  fienne  propre  jfufHfammenc 
pour  comprendre  tous  les  points  de  la 
Religion  Naturelle.  Notre  Auteur  par^ 
court  ici  les  principaux  Articles  de  cettô 
ReUgion  ;  à.  en  conclut ,  que  fi  un  Ange  du 

Q  3  Ciel 


^5^  Bibliothèque  Britannique, 

Ciel  vouloit  nous  propofer  une  Doctri- 
ne qui  dérogeât:  le  moins  du  monde  à  la 
Religion  JNacurelie,  il  ne  faudroic  point 
récouter  ;  il  faudroic  môme  le  regarder 
comme  un  Ennemi  qui  viendroit  nous 
ravir  notre  bien,  le  feul  moyen  que  nous 
ayons  de  nous  procurer  un  bonheur  du- 
rable. Sur  quoi  Mr.  Campbell  fait  cette 
retiéxion  :  ,,  Ceci  ne  prouve-t-il  pas  bien 
iy  clan'cment  la  vanicé  de  toutes  les  Doc- 
,,  trines  myjiérieujes ,  &  de  toutes  les  In- 
,,  {l:ituticns  pofiUves ,  qui  dépendent  de 
♦,  r Autorité  humaine  ,  &  qui  ,  à  la  vérité  , 
S)  ne  ruinent  peut-être  pas  toujours  l'ef- 
tf  fct  de  la  Religion  Naturelle,  mais  qui 
,,  ne  tendent  point  à  en  faire  obferver 
,,  les  Loix  lactées  On  ne  doit  fe  faire  au- 
,,  cun  fcrupule  de  lbutenir,que  ceux  qui, 
,,  pour  de  pareils  Myftères,  &  pour  de 
y,  femblables  Inflitutions  ,  ou  feulement 
,,  à  l'occaiion  de  quelque  point  que  ce 
i)  foit  d'une  Révélation  furnatureîle,  vio- 
,,  lent  les  Devoirs  de  la  Religion  Naturel- 
5,  le  ,  calomnient  ,  oppriment  &  perle- 
,5  cutent  les  autres,  ôc  rendent  par-tout 
,,  les  Hommes  malheureux:  on  ne  doit  , 
,,  dis-je,  fe  faire  aucun  fcrupule  de  fou- 
)f  tenir,  que  ces  gens -là,  malgré  toutes 
5,  les  apparences  de  pieté  &  de  bonté  fous 
„  lefquelles  ils  fe  cachent  ,  font  impies 
j,  envers  Dieu,  traîtres  envers  eux-mê- 
5,  mes,  &  ennemis  du  Genre  humain.  En 
,j  un  mot,  il  ell  impoiTîble  qu'une  Inditu- 

>3  tiou 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  233 
„  tion  religieufe  ,  quoique  propofée  de 
,,  la  manière  du  monde  la  plus  plaufible, 
9,  mérite  la  moindre  attention,  11  elle  ne 
if  nous  enfeigne  pas  avant  toute  chofe , 
ff  de  renoncer  à  l'Impiété  £5*  aux  Convoitifes 
99  mondaines ,  6f  de  vivre  fobrement ,  iiifte- 
99  ment  (f  religieufement. 

Voilà  jufqu'OLi  notre  Auteur  croit  pou- 
voir fuivre-  tous  les  Déiftes  qui  ont  du 
bon-fens  &  du  fçavoir.  Mais  il  les  aban- 
donnera bientôt,  comme  on  le  verra  tput 
à  l'heure. 

Jl  examine  dans  la  féconde  Sedlion,  ce 
qu'il  faut  entendre  par  la  Raifon ,  ou  les 
Lumières  naturelles.  Il  remarque  d'abord, 
que  comme  nous  avons  la  faculté  de  re- 
cevoir des  idées  des  chofes  qui  font  hors 
de  nous ,  de  les  comparer  entre  elles ,  & 
d'en  appercevoir  l'ordre,  les  rapports, 
ou  les  difconvenances,on  donne  fouvent 
le  nom  de  Raifon ,  ou  de  Lumière  naturel- 
le à  cet  Ordre  yhces  Rapports ,  ou  à  ces  Pro~ 
portions  des  chofes;  lequel  Ordre  ou  lefquels 
rapports  font  fixes  &  permanens,  entière- 
ment indépendans  de  nos  idées  &  de  nos 
perceptions,  &  toujours  les  mêmes,  foit 
que  nous  y  faffions  attention  ou  non.  De 
forte  que  lorfqu'on  dit ,  que  la  Raifon  ou 
la  Lumière  naturelle  nous  enfeigne  quel- 
que point  de  Dodtrine,  le  fens  eft,  que 
Tordre  naturel  &  la  Conftitution  des  cho- 
fes, leurs  rapports  &  leurs  proportions, 

Q  4  nous 


t34BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

nous  inflruifent  de  cette  Dodbrine.  Ce 
Paflage  du  Pfeaume  XIX.  par  exemple  ; 
Les  deux  racontent  la  Gloire  du  Dieu  Fort , 
is*  l'Etendue  donne  à  connoître  Vowurage  de 
fes  mains.  Un  jour  dégorge  propos  à  Vauire 
jour ,  £5*  une  nuit  montre  fcience  à  Vautre 
nuit  ;  il  n'y  a  point  en-  eux  de  langage  ,  il 
n'y  a  point  de  paroles  ;  toutefois  leur  voix  ejl 
ouïe.  ,,  Ce  paflage,  dis -je,  fignifie  ,  que 
5,  Tordre  &  la  conlticution  des  Corps  cé^ 
„  leftes,  les  rapports  &  les  proportions 
ff  qu'il  y  a  entre  eux,  &  qu'ils  ont  avec 
„  la  Terre ,  enfeignent  ù.  publient  par 
„  eux-mêmes  l'Exifience  &:  les  Perfeclions 
5,  de  Dieu,  indépendemment  de  nos  pen- 
5,  fées  &  de  Fattention  que  nous  y  fai- 
j,  fons.  "  Surquoi  notre  Auteur  fait  cette 
Remarque:  ,,  On  ne  fçauroit  penfer  rai- 
ii  fonnablement ,  que  ces  exprefllons  mé- 
„  taphoriques  du  Pfalmifte  fignifient,  que 
,,  dans  tous  les  fiécles  ,  &f  par  toute  la  Ter- 
9)  re ,  toutes  les  Nations ,  £5*  chaque  individu 
,y  du  Genre  humain ,  ayenî  connu  ,  ou  connoî^ 
a  iront  dans  la  fuite  y  VExifience  6f  les  Per- 
ff  fixions  d'un  Entendement  infini  ,  par  la 
i,  fîmple  confideration  des  deux.  Ceci  eft  é^ 
5,  videmment  contraire àl'expérience ,  qui, 
s^  comme  Mr.  Campbell  le  montre  dans 
3,  la  fuite,prouve'inconteflablement ,  que 
9,  les  Homm.es  ne  font  point  parvenus  à 
,,  la  connoiflance  du  Créateur  par  la 
f3  confideration  de  fes  Ouvrages.  De  for- 

jj  te 


II 


Juillet,  Août  et  Septemh.  173g.  235 

„  te  que  le  paOage  en  queflion  ne  fçau- 
9>  roic  avoir  d'autre  fens  que  celui  qu'on 
f,  lui  a  donné. 

Quelque  inflrudtion  que  la  nature  des 
choies  &  les  rapports  qu'elles  ont  entre 
elles  puiflent  nous  donner  par  elles-mê- 
mes ;  cependant  nous  ne  fçaurions  rece- 
voir cette  inftrudlion  ,  que  lorfque  nous 
comprenons  la  nature  de  ces  choTes  .que 
nous  les  avons  comparées  enfemble,  6ç 
que  nous  en  appercevons  les  rapports. 
Un  Livre  contient  d'excellentes  Leçons , 
il  enfeigne  les  véritez  les  plus  importan- 
tes; mais  il  m'ell inutile, fi  je  ne  fçais  pas 
lire ,  ou  fi  je  n'encens  pas  la  langue  dans 
laquelle  il  eft  écrit. 

La  Raifon  ou  la  Lumière  naturelle  fî- 
gnifie  aufli  quelquefois  la  perception  de  VoT" 
dre ,  des  rapports  ^  des  proportions  des  chO' 
fes.  En  ce  fens  on  peut  très-bien  dire  que 
la  Raifon  nous  injiruit.  C'efl  ainfî  qu'elle 
nous  apprend  que  \qs  trois  Angles  d'un 
Triangle  font  égaux  à  deux  droits;  c'efl- 
à-dire  qu'une  fuite  de  perceptions  dans 
laquelle  nous  appercevons  les  rapports  & 
la  connexion  qu'il  y  a  entre  diverfes  cho- 
fes, nous  montre  évidemment  que  les  trois 
Jongles,  &c.  On  peut  foutenir  de  même, 
que  la  Raifon  nous  enfeigne  qu7/  y  a  un 
Dieu:  c'eft-à-dire  qu'une  fuite  de  percep- 
tions, dans  laquelle  nous  appercevons 
l'ordre  ,  les  rapports ,  les  convenances  des 
dioll's ,  nous  fâic  voir  clairement    l'Exif- 

Q^  5  teace 


23<5  Bibliothèque  Britannique, 
tence  &  lesPerfe(ftions  d'un  Entendement 
infini. 

Mais  iî  faut  bien  remarquer  qu'on  n'ar- 
rivera jamais  à  cette  conclufion ,  à  moins 
qu'on  n'ait  adtuellement  dans  l'efprit  cet- 
ce  fuite  de  perceptions. 

En  troifième  lieu,  la  Raifon  fignifie fou- 
vent  ce  pouvoir  ou  cette  faculté  de  l'en- 
tendement ,  par  laquelle  nous  fommes  ca- 
pables de  confiderer  diverfes  chofes,  de 
les  comparer  entre  elles  ,  d'en  apperce- 
voir  l'ordre ,  les  rapports  ,  les  propor- 
tions, &c. 

Il  efl  clair  que  ce  pouvoir  doit  être 
pius  ou  moins  étendu,  à  proportion  du 
nombre  d'idées  dont  fentendemenc  eft 
fourni.  Un  homme  qui  n'a  aucune  idée 
de  ce  qu'on  appelle  Angle,  Angle  droit, 
aigu,  ou  obtus,  ne  fçauroit  comparer  ces 
idées  entre  elles,  ni  par  confequent  par- 
venir à  cette  conclufion.  Les  trots  Angles 
d'un  Triangle  font  égaux  à  deux  droits.  D^ 
même  un  homme  qui  n'a  point  d'idées  de 
la  nature  &  des  proprietez  du  Soleil,  ni 
des  autres  Corps  céleftes,  ni  de  ceux  qui 
font  fur  la  terre,  animez  ou  inanimez, ne 
fçauroit  jamais  comparer  ces  idées ,  ni 
par  confequent  en  conclure  l'exiftence 
d'un  Entendement  infini  ,  qui  foit  le 
Créateur  &  le  premier  Moteur  de  toutes 
chofes. 

La  Queflion  efl  donc,  non  de  fçavoir 
fi  la  Raifon,  prife  au  premier  fens   que 

noHS 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  237 
nous  avons  marqué,  c'efl-à-dire  la  natu- 
re ,  l'ordre  ,  les  rapports  des  chofes  qu'on 
n'apperçoit  point;  ou  la  Raifon  prile  au 
fécond  lens ,  c'eft-à-dire  la  perception  de 
cet  ordre  &  de  ces  rapports ,  telle  que 
les  Hommes  l'ont  à  préfent ,  découvre  à: 
enfeigne  rKxitlence  de  Dieu,  &  les  autres 
points  fondamentaux  delà  Religion  Natu- 
relle; la  chofe  ell  inconteftable  :  mais  la 
queftion  eit  de  fçavoir , ,,  fi  le  Genre  hu- 
main ,  abandonné  à  lui-même,  &  fans 
aucune  inllrudion  étrangère  ,  eil  ca- 
pable, par  le  feul  exercice  de  la  raifon, 
c'eft-à-dire  du  pouvoir  ou  de  la  facul- 
té qu'il  a  de  comparer  enfembîe  diver- 
fes  chofes,  (Se  d'en  appercevoir  les  rap- 
ports, (  pouvoir  qui  ne  s'écend  pas  plus 
loin  que  nos  idées;)  s'il  ed  capable, 
dis-je,  de  découvrir  par  le  feul  exerci- 
ce de  ce  pouvoir  ,  l'Exiftence  &  les 
Perfedlions  de  Dieu  ,  l'Immortalité  de 
l'Ame ,  &  les  autres  articles-  de  la  Re- 
ligion Naturelle? 
Voilà  l'état  de  la  queftion  pofé  bien 
nettement.  Mr.  Campbell  foutient,  que 
pour  la  décider, il  faut  confidererde  quoi 
elt  capable  le  gros  du  Genre  humain,  & 
non  pas  ce  que  peuvent  avoir  penfé  quel- 
ques particuliers.  De  forte  que,  quand  il 
feroit  vrai  qu'un  petit  nombre  de  perfon- 
nes,  en  faifant  ufage  de  leurs  facultez, 
ontfçû découvrir  pardégrezlExillence  de 
pieu,  l'Immortalité  de  l'Ame;  il  ne  fuît 

pas 


r 


233  Bibliothèque  Britannique, 

pas  de-là  ,  que  tous  les  individus  du  Gen- 
re humain  ,  tel  qu'il  efl: ,  foient  capables 
de  parvenir  par  eux-mêmes  à  cette  con- 
noiflance. 

,,  Si  donc  il  paroîc  par  plufieurs  conjec- 
„  tures  très-plaufibles  touchant  la  nature 
„  humaine ,  conjectures  qui  font  fondées 
,^  fur  la  conltitution  préfenre  des  chofes, 
,,  &  confirmées  par  l'expérience;  s'il  pa-^ 
„  roît,  dis -je,  par-là,  que  les  Hommes 
„  deftituez  de  Révélation  ,  font  naturel- 
„  lement  bien  éloignez  de  pouvoir  dé- 
„  couvrir  par  eux-mêmes  TExiftence  & 
„  les  Perfections  de  Dieu ,  &  les  autres 
„  articles  importans  de  la  Religion  Na- 
fy  turelle:  s'il  paroît  de  plus,  par  des  faits 
„  inconteftables,  que  le  Genre  humain,  a- 
„  bandonné  à  lui -même,  n'a  jamais  eu  la 
connoifiance  de  Dieu  ;  que  tous  les 
Philofophes  qui  fe  font  attachez  parti- 
culièrement h  chercher  la  Caufe  pre- 
mière, l'Auteur  de  l'Univers,  &  qui  ont 
étudié  la  Nature,  n'ont  jamais  fait  cet- 
„  te  découverte  ;  &  que  le  petit  nombre 
,,  d'anciens  Philofophes ,  qui  par  leurs 
3,  récherches  ont  été  conduits  à  admettre 
„  TExiflence  d'un  Entendement  infini , 
„  n'ont  jama's  été  capables  de  donner  au- 
,,  cune  preuve  raifonnable  de  leur  croyan- 
„  ce  à  cet  égard;  s'il  paroît,  dis -je,  par 
5,  des  faitSj^que  tous  ces  différens  arti- 
,,  des  font  vrais  à  la  lettre ,  je  demande  : 
>,  Ne  peut '011  pas  conclura  de-là,  qu'il  eji 

93  im- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  23g 

„  impojjible  que  le  Genre-humain,  abandonné  à 
,5  lui-même  ^  dejïitué  de  Révélation^  par- 
5,  vienne  à  connoftre  VExiftence  ^  les  Pàr/tc- 
„  lions  d'un  Entendement  infini  ? 

On  voit  dans  ce  paiïage  touc  ce  que 
Mr.  Campbell  entreprend  de  prouver;  le 
refte  de  {"on  Ouvrage  contient  les  preuves 
de  fait  par  lefquelles  il  établit  fa  Thèfe. 
Il  étale  ici  beaucoup  defçavoir  &  de  lec- 
ture. Les  Anciens  &  les  Modernes,  les 
Philofophes  &  les  Poètes, les  Auteurs An- 
gîois  &les  Etrangers, font  citez  à  chaque 
page, mais  citez  à  propos  &  avec  choix. 
Et  il  faut  avouer  que  la  plupart  de  ces 
citations,  principalement  celles  qui  con- 
cernent les  fentimens  des  anciens  Philo- 
fophes ,  font  bien  capables  d'humilier  la 
Raifon ,  lorfqu'on  voit  que  ces  Sag:es  fi  van- 
tez ont  eu  les  idées  les /plus  faulTes  &  les 
plus  abfurdes  fur  les  Articles  les  plus  im- 
portans  de  la  Religion. 

Jufques  ici  notre  Auteur  n'a  fait  qu'ex- 
pofer  fon  fujet,  &  expliquer  le  véritable 
état  de  la  queftion.  Il  commence  à  en- 
trer en  matière  dans  la  troifième  Seftion. 
On  convient,  dit -il,  que  le  Genre  hu- 
main a  eu  un  commencement  ;  &  foit  qu'Oxi 
fuppofe  que  Dieu  ne  créa  d'abord  qu'un 
Homme  à:  une  Femme,  fui  vant  le  récit  de 
Moïfe ,  ou  qu'il  en  créa  plufieurs  3  on  ne 
fçauroit  s'imagjiner  qu'il  les  ait  créez  dans 
l'état  de  l'enfance,  &  qu'il  les  ait  laiflez 
fans  fecours»    Il  faut  nécefTairement  fup- 

pofer 


240  Bibliothèque  Britannique, 

pofer  que  les  premiers  Hommes,  dès  le 
premier  momencde  leur  exiftence  ,furenc 
en  état  de  pourvoir  eux-mêmes  à  tous 
leurs  befoins. 

Confiderons-les  deltituez  de  toute  Pe- 
vélation.  Leur  entendement  vuide  d'i- 
dées *  avoit  feulement  la  faculté  d'en  re- 
cevoir par  l'imprelTion  des  objets  exté- 
rieurs ,  de  les  comparer  enfemble  ,  & 
d'en  appercevoir  les  rapports.  Ces  pre- 
mières idées  ne  pouvoient  être  reçues  que 
par  les  fens. 

Les  Hommes  ont  dû  fans  doute  en 
recevoir  un  grand  nombre  par  l'ouïe, 
Tattouchement,  l'odorat  (St  la  vue.  Mais 
les  idées  qu'ils  reçoivent  par  ces  fens , 
feront-elles  capables  de  leur  faire  conce- 
voir qu'il  y  a  quelque  autre  Etre  dans 
l'Univers,  ou  qu'il  y  exiile  des  chofes d'u- 
ne autre  efpece  que  celles  qu'ils  apper- 
çoivcnt  par  les  fens?  Pour  nous,  qui  a- 
vons  été  inftruits  avec  foin ,  nous  pouvons 
être  alTiirez  qu'il  y  a  des  Efprits,  ou  des 
Etres  qui  ne  tombent  point  fous  les  fens. 
?vlais  je  ne  conçois  pas  comment  les  hom- 
mes ,  abandonnez  à  eux-mêmes,  &  fans 
aucune  inftruQion ,  auroient  pu  fe  perfua- 
der  qu*il  y  a  dans    le  monde   des  Etres 

irama- 

*  Notre  Auteur  decîarr  dans  une  Note  mar- 
ginale, qu'il  ne  fçaujoit  admettre  le  Syfténie 
des  Idé^  innées. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  241 

immatériels ,  qui  de  leur  nature  font  dif- 
férens  de  tout  ce  qui  frappe  les  fens ,  & 
que  les  corps  humains  ne  font  que  de 
fimples  machines,  animées  par  de  pareils 
Etres,  qui  ne  font  point  fujets  à  la  mort, 
mais  qui  furvivcnt  à  la  diflblution  du 
Corps,  &  continuent  d'exifter  éternelle- 
ment dans  un  état  de  féparation.  Un 
Philofophe  qui  détourne  fon  attention  de 
toute  idée^  fenfible,  pour  ne  confiderer 
que  les  opérations  intérieures  de  fon  a- 
me,  qui  par  fes  récherches  fur  la  Natu- 
re du  Corps  ou  de  la  Matière  a  compris, 
que  la  penfée  &  le  fentiment  de  fa  pro- 
pre exiftence  ne  fçauroit  naître  de  la  ma- 
tière, peut  parvenir  à  conclure  de -là, 
qu'il  y  a  des  Etres  fpirituels  ,  qui  n'é- 
tant point  compofez  de  parties  divifi- 
blés ,  doivent  par  confequent  exifter  é-^ 
ternellement. 

Mais  peut-on  concevoir  que  le  gros  du 
Genre  humain  arrive  à  cette  connoiflance 
par  la  même  manière  de  raifonner  ?  Le 
commun  des  hommes  fçait-il  détourner  en- 
tièrement fon  attention  de  tout  objet 
fenfible,  pour  la  fixer  toute  entière  fur 
les  opérations  de  l'entendement.  L'expé- 
rience fait  voir  au  contraire  ,  que  la  plu- 
part des  hommes  ibntfi  remplis  de«  idées 
fenfibles,  qu'ils  ne  fçauroient  en  détour- 
ner leur  eiprit  pour  confiderer  des  idées 
abftraites  &  métaphyfiques  :  d'autant  plus 
qu^,  comme  ils  font  obligez  de  fonger  jour- 

nelle- 


242  Bibliothèque  Britannique^ 

nellement  à  pourvoir  à  leurs  befoinsjils 
n'ont  ni  le  loifir  ni  l'inclinadon  de  pen- 
fer  à  d'autres  chofes.  D'où  il  faut  con- 
clure, que  des  hommes  abandonnez  à  eux- 
mêmes  ,  6"  fans  aucun  Jecours  eDctérieur ,  i- 
gnorent  parfait tment  VexijUnce^  la  nature  ^ 
V immortalité  des  Efprits  fepjrez  de  la  ma-^ 
tière. 

On  dira  peut-être,  que  le  Dogme  de 
l'Immortalité  de  l'Ame  ,  &  d'une  Vie  à  ve- 
nir ,  a  été  univerfellement  reçu  dans  tous 
les  fiécles:  mais  comm.ent  cette  opinion 
s'eft-elle  établie  dans  le  monde  ?  Elle  n'a 
pas  pu  naître  du  témoignage  des  fens  : 
elle  ne  doit  pas  Ton  origine  à  l'expérien- 
ce ;  elle  n'efi  pas  gravée  immédiatement 
dans  l'entendement  de  l'homme  par  le 
doigt  de  Dieu,  puifque  la  doctrine  des 
Jdéos  innées  n'a  aucun  fondement  dans  la 
nature  ,  dit  Mr.  Campbell.  Pour  moi , 
2joute-t-il  ,  je  crois  qu'elle  vient  d'une 
Révélation  furnaturelle.  Mais  puifque  les 
Déifres  ne  veulent  pas  reconnoître  qu'il 
y  ait  jamais  eu  une  pareille  Révélation, 
Jl  faut  que  les  récherches  &  les  rai- 
fonnemens  des  hommes  les  ayent  con- 
duits à  conclure,  que  VAme  efi  immor- 
telle. 

S'il  efl  ainfi ,  il  femble  que  les  moyens, 
par  lefquels  le  Genre  humain  elt  arrivé 
à  cette  concîufion  dans  les  fiécles  pafTez, 
devroientêtre  encore  aujourd'hui  à  la  por- 
tée de  tout  homme  qui  fçaic  penfcr,  & 

le 


Juillet,  AotJT  et  Septemb.  1739.  243 
le  conduire  à  la  même  confequence.  De 
quel  côté  nous-  tournerons-nous  pour  con- 
noitre  ces  moyens  par  lefquels  le  Genre 
humain  eît  parvenu  à  connoître  que  l'A- 
me eu  immorcelle  P  Si  nous  examinons 
les  hommes  de  notre  riécle,nous  trouve- 
rons qu'à  la  vérité  ils  font  profeffion  de 
croire  ce  Dogme  :  mais  11  nous  efpérons 
qu'ils  nous  faflent  connoître  par  quelle 
ènchaînure  de  raifonnemens  ils  font  par- 
venus à  l'admettre  ,  nous  ferons  bien  trom- 
pez dans  notre  attenté.  Il  y  a  même  des 
Philofophesmodernes,qui  bien  qu'ils  foient 
afiurez  de  l'Immortalité  de  l'Am.e,  ne  fe 
fondent  que  fur  une  Révélation  furnatu- 
relie,  &  foutiennent  qu'on  ne  fçauroit  la 
prouver  par  la  Rai  Ton»  Les  plus  anciens 
Philofophes  font  certainement  ceux  de 
qui  on  devroit  attendre  quelques  lumiè- 
res fur  ce  fujet  :  mais  ,  fi  nous  nous  en 
rapportons  à  Ciceron  ,  on  ne  fçauroit  ai- 
rs que  ces  Sages,  qui  ont  fait  profejjion  de 
cmre  V Immortalité  de  VArne ,  aynt  allégué 
aucune  preuve  en  faveur  de  leur  opinion.  * 

Ceci  conduit  notre  Auteur  à  examiner 
comment  Platon,  ou  Socrate ,  a  établi  le 
Dor^me  en  queftion.  Le  Raifonnemenn 
de  Platon  dans  fon  Phèdre  f  revient  à  ce- 
ci.    Ce  qui  fe  meut  par  foi -même  doit 

toû- 

*  Cic.  Tufcul.  Lîh.  .1.  Cap.  xvii, 
t  Pfl/r.  245.  Vs.  3. 

TmneXin.Part^JL       R 


244B1BL10THEQUE  Britannique, 

toujours  continuer  à  fe mouvoir,  &  eften 
effec  la  Caufe  première,  ou  le  reflbrt  qui 
met  en  mouvement  toutes  les  autres  cho- 
fes  qui  fe  meuvent.  Or  la  première  Cau- 
fe ne  fçauroit  avoir  de  commencement , 
ni  par  confequent  de  fin.  D'oii  il  fuit  que 
ce  qui  fe  meut  par  foi -même  eft  immor- 
tel. Et  puifqu'il  n'y  a  abfolument  que 
l*Ame  qui  fe  meuve  par  elle-même  ,  il 
faut  néceflairement  qu'elle  n'ait  ni  com- 
mencement, ni  fin. 

Mr.  Campbell  remarque  là-deflus,  que 
ce  raifonnement  de  Platon  prouve ,  non 
l'Immortalité  de  lAme,  mais  VÈxifttnce  né- 
cejjaire  ^  éternelle  de  cet  Etre  que  nous  ap- 
pelions Dieu.  Auflî  Platon  employe-t-il  ail- 
leurs *  le  même  argument,  pour  prouver 
l'Exiftence  du  Père,  ou  de  la  première  Cau- 
fe de  l'Univers. 

Il  fe  fert  d'un  autre  Argument  dans  fes 
Livres  de  la  République  f  pour  établir 
l'Immortalité  de  l'Ame.  Selon  lui  ,rien  ne 
fçauroit  périr  que  par  une  maladie  inté- 
Tieure  &  inhérente  :  or  la  feule  maladie 
à  laquelle  l'Ame  puifle  être  fujette  c'efl 
le  Vice.  Mais  on  ne  fçauroit  concevoir 
qu'une  maladie  de  cette  efpece  foit  capa- 
ble de  détruire  l'Ame;  &  puifqu'elle  n'ef: 
fujette  à  aucun  mal  extérieur, il  faut  né- 
ce  f- 

*  l7i  Timzo,  p.  27.  D.  VoL  lïT. 
t  Lib.  X,  p.  608.  D.  Fol,  II. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  24^ 

ceflairement  qu'elle  exifte  toujours  ,  & 
par  confequenc  qu'elle  foie  immortelle. 

Is^otre  Auteur  a  trop  bonne  opinion  de 
fes  Ledeurs ,  pour  croire  qu'il  foit  nécef- 
faire  de  montrer  que  cet  Argument  ne 
prouve  rien.  Il  fe  contente  donc  de  nous 
faire  remarquer  que,  fuivant  la  manière 
dont  Platon  fait  raifonner  Socrate  ,  cet  an- 
cien Sage  doit  avoir  cru ,  que  toutes  les  A- 
mes  font  des  Etres  exiftans  par  eux-mê- 
mes &  indépendans ,  dont  le  nombre  ne 
fçauroitêtre  ni  augmenté, ni  diminué  *. 

Les  autres  preuves  de  Platon  ne  font 
pas  plus  concluantes:  celle  qui  auroit  été 
la  plus  forte,  fi  elle  eût  été  bien  poul^ 
fée,  eft  tirée  de  ce  que  TAme  n'eft  point 
compofée  de  parties  ;  d'où  il  fuit  qu'elle  ne 
fçauroit  périr,  comme  le  corps,  par  la 
dilïolution.  Mais  fuit-il  de- là  qu'il  efl 
impoflible  qu'elle  périfle  de  quelque  au- 
tre manière  ?  Et  d'ailleurs, comment  Pla- 
ton prouve-t-il  que  l'Ame  n'eft  point  com- 
pofée de  parties?  C'eft  ,  dit -il,  qu'elle 
efl  inviûblc  :  Argument  que  Lucrèce  a 
très-bien  tourné  en  ridicule  *.  Il  paroîe 
par  tout  cela,  dit  Mr.  Campbell, que  fi 
Socrate  ou  Platon  ont  véritablement  cru 
l'Immortalité  de  l'Ame ,  'ils  n'y  ont  point 
éid  cojiduits.  par  une   fuite  de  raifonne- 

mens 

*  Ibid.  p.  611.  A. 
t  Lib  l.  Verf.  268. 

R  2 


>24^BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

mens  fondez  fur  la  nature  des  chofes:  & 
de  plus,  Topinion  de  la  Métempfycofe ,  ou 
Tranfmigration  des  Ames,  que  Platon  a- 
voic  empruntée  de  Pythagore,  étoit  in- 
compatible avec  le  Dogme  des  Peines  & 
•des  Recompenfesà  venir,  proprement ainfi 
nommées.  On  peut  voir  ce  que  nous  a- 
"vons  remarqué  là-delTus  après  Mr.  War- 
burton,  dans  le  dernier  Extrait  que  nous 
avons  donné  de  fon  Ouvrage  *. 

Dans  la  quatrième  Seftion  on  fait  voir 
que  les  opinions  des  anciens  Philofophes , 
qui,  avant  &  après  Socrate  ,  ont  foutenu 
l'Immortalité  de  l'Ame ,  font  telles  ,  qu'il 
■e(t  impofiible  qu'ils  foient  parvenus  d'eux- 
mêmes  à  la  connoiflance  de  cet  Article 
■fondamental  de  la  Religion  Naturelle  ;  à: 
-qu'à,  plus  forte  rai  fon  le  gros  du  Genre 
humain  eft  incapable  de  découvrir  par  lui- 
même  cette  Vérité. 

Il  y  a  des  gens  qui  foutiennent  que  Tha- 
ïes a  cru  l'Immortalité  de  l'Ame.  Mais, 
•fuivant  notre  Auteur  ,  il  y  a  beaucoup  plus 
d'apparence  que  ni  lui,  ni  aucun  de  ceux 
à  qui  on  a  donné  le  titre  ds  Sages,  n'onr 
eu  la  moindre  idic  de  ce  Dogme.  On  ne 
fçauroit  marquer  précifement  ce  que  Tha- 
ïes penfoit  de  la  nature  de  l'Ame;  mais 
ilfemble  qu'il  ne  l'ait  regardée  que  com- 
me 

*  Foyez  le  Tom.  Wl.de    cette  BiMioth.  Bri> 
tann.  Secondée  Part,  p.  220-227. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  247 
me  une  qualité  inhérente  dans  la  matiè- 
re, ou  dans  tout  corps  capable  d'agir  ou 
de  fe  mouvoir.    Car,  fuivant  Ariftote  *, 
Thaïes  donnoit  une  Ame  à  l'Aiman,  parce 
qu'il  attire  le  fer:  auiïî  foutenoit-il  po- 
utivement ,  que  tout  eji  plein  de  Dieux ,  ou 
d'Âmes  t-  Varron  a  cru   de  même ,  que  ; 
V^tber ,  rAir  ,  l'Eau  &  la  Terre,  font  rem-  ^ 
plis  d'Ames,  &  que  û  celles  qui  font  dans. 
les  Régions  fupérieures  font  immortelles, 
celles  qui  réfident  ici  bas  font  fujettes  à 
la  mort. 

Pherecydès  le  Syrien,  contemporain  de 
Thaïes,  eft  le  premier  qui  ait  foutenu 
l'Immortalité  de  l'Ame.  On  ne  fçait  pas 
bien  quelle  idée  il  avoit  de  l'Ame,  ni  par 
quelle  fuite  de  raifonnemens  il  étoit  par-, 
venu  à  la  croire  immortelle.  Mais  fi  l'on. 
peut  conjecturer  ce  qu'il  penfoit  fur  ce. 
fujet,  par  le  fyftême  de  Pythagore  fon" 
difciple;  il  faut  avouer  que  fon  opinion 
étoit  bien  faulTe  &  bien  abfurde.  Car  Py- 
thagore a  cru  que  l'Ame  de  l'Homme  efl. 
un  compofé  d'^Aber  froid  &  dVEther. 
chaud,  c'eft- à-dire ,  félon  qu'il  l'expli- 
que lui-même,  d'Air  &  d'Eau;  en  quoi 
elle  diffère  de  TAme  des  Plantes  &  des 

Bru- 

*  Ariil.  de  Anima.   Lîb.  I.  Cap.   IL  p.  620,. 
D.  Vol.  I.  Diog.  Laër.  in  Thaïe,  pag.  6.  C. 
t  Arift,  iJpid.  Çap.  VIII.  p,  628.  Diog.  Laërt:" 

R3 


248BiBLiotHî:QUE  Britannique, 
Brutes  *  ,  qui  n'étant  formée  que  d'uEtber 
chaud,  eft  par  cela  même  mortelle;  au 
lieu  que  l'Ame  humaine, compofée en  par- 
tie d'^tber ,  froid  participe  ,  à  cauîe  de 
cela ,  à  l'Immortalité  naturelle  de  cet  M- 
îber.  Pythagore  foutenoit  outre  cela ,  que 
cet  Mîber  froid  eft  animé  par  une  parti- 
cule de  cette  Lumière  ,  qui ,  félon  lui ,  pé- 
nètre toutes  chofes ,  &  leur  donne  la  vie. 

A  l'égard  de  la  Mécempfycofe  que  Py- 
thagore a  enfeignée,  notre  Auteur  remar- 
que très  bien,  qu'elle  eft  incompatible  avec 
le  Dogme  des  Peines  &  des  Recompen- 
fes  avenir,  proprement  ainfî  nommées  f. 

Que  l'on  juge  donc,  fi  c'ell  la  confide- 
ration  de  la  nature  des  chofes,  &  une  fui- 
te de  raifonnemicns  bien  liez  5qui  ont  con- 
duit ce  Chef  de  la  Sefte  Italique  au  Dog- 
me de  l'Immortalité  de  l'Ame, en-tant  que 

ce 

*  Il  eH  étrange,  dit  là-deiïiis  notre  Auteur 
dans  une  Note  marginale  ,  que  Pythagore  ait 
donné  une  Ame  mortelle  aux  Plantes  &  aux  A- 
nimaux,  lui  qui  foutenoit  que  l'Ame  de  THom- 
me  pafle  dans  le  corps  des  Animaux  &des  Plan- 
tes; Mais,  ajoute  Mr.  Campbell,  Pythagore  a 
cru  peut-être  qu'il  y  a  des  Ames  propres  aux 
Pliantes  &  aux  Animaux  ,  lefquelles  ne  fçau- 
loient  animer  le  corps  de  l'Hom.me,  .  quoique 
TAme  de  l'Homme  puifle  trcs-biéh  animer  le 
corps  des  Plantes  ou  des  Animaux. 

t  V.  BiMloth.Britan.  Tom,  XII.  2.  Pàrt.p.iÈo. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  249^ 

ce  Dogme  efl  un  Article  fondamental  de 
la  Religion  Naturelle. 

On  a  vu  que  Thaïes  n'a  point  cru  l'A- 
me immatérielle.  Anaximandre  &  Anaxi- 
mènes ,  fes  fuccefleurs ,  n'ont  pas  été  plus 
raifonnables  lur  ce  fujet.  II  femble  qu'on 
devioit  attendre  quelque  chofe  de  mieux 
fondé  d'Anaxagore ,  le  premier  Philofo- 
phe  qui  ait  foutenu  l'Exiflence  d'un  En- 
tendement infini.  Cependant  il  a  cru  que 
l'Ame  ell  un  corps  d'une  efpece  aérien- 
ne, &  il  ne  paroît  pas  qu'il  Tait  cru  im- 
mortelle ;car  il  foutenoit  qu'elle  n'eftpas 
plus  ancienne  que  le  Corps:  au  lieu  que 
tous  les  Anciens  qui  ont  enfeigné  l'Im- 
mortalité de  l'Ame ,  ont  aufli  préten- 
du qu'elle  exifte  avant  le  Corps  qu'elle 
anime. 

Archeîaiis ,  difciple  &  fuccefTeur  d'Anaxa- 
gore, a  rejette  l'opinion  de  Ton  maître  fur 
rExiftenee  d'un  Entendement  infini  ;  de 
forte  qu'il  n'y  a  pas  la  moindre  apparen- 
ce qu'il  ait  cru  l'Ame  immortelle. 

Voilà  donc  tous  les  Philofophes  anté- 
rieurs à  Socrate  *  qui  ont  eu  de  très-fauf- 
fes  idées  fur  la  nature  &  l'Immortalité  de 
l'Ame:  &  Socrate  lui-même  &  ^es  Difci- 
ples ,  qui  ont  cru  l'Ame  immortelle,  ne 
font  point  parvenus  à  la  connoiflance  de 


ce 


*  11  fat  le  Difciple  d'Archekûs. 
R4 


250B1BL10THEQUE  Britannique, 
ce  Dogme,  par  une  fuite  de  raifonnemens 
fondez  fur  la  na:ture  des  chofes. 

De  quel  côté  nous  tournerons -nous  donc 
pour  trouver  des  Philofophes ,  qui  faifant 
ufage  de  leur  raifon^ayent  établi  le  Dogme 
de  l'Immortalité  de  l'Ame  fur  des  preuves 
folides  ?  Notre  Auteur  avoue  qu'il  n'en  con- 
noît  aucun.  Ciceron,  qui  avoit  une  pro^ 
fonde  connoilTance  des  fyflêmes  de  tous 
les  anciens  Phi]o(ophes/&  qui  étoitbien 
aife  de  pouvoir  croire  que  rAm.eefl:  immor- 
telle, ne  paroît  pas  avoir  eu  la  moindre 
idée  de  ce  que  nous  appelions  l'Immatéria- 
lité ou  la  Spiritualité  de  l'Am.e.  C'eft  ce 
que  Mr.  Lock  a  fait  voir  dans  fes  Lettres 
à  l'Evêque  de  Worcelter.  Mr.  Campbell 
en  rapporte  un  long  pairage,par  lequel  il 
paroît  que  Ciceron  a  cru  l'Ame  matériel- 
le, mais  d'une  fubflance  extrêmement  dé- 
liée &fubtile. 

Puis  donc  que  1rs  plus  grands  Philofo- 
phes n'ont  point  été  capables  de  décou- 
vrir ce  Dogme  par  les  lumieresdela  Rai- 
fon,  ni  de  l'établir  fur  des  preuves  foli- 
des ,  peut-on  s'imaginer  que  le  gros  du 
Genre  liumain ,  fans  étude  6c  prefque  fans 
éducation,  puifîe  arriver  à  la  connoifTance 
d'une  vérité  qui  a  échapé  à  tous  les 
anciens  Sages?  Ce  n'eft  qu'à  la  Révélation 
feule  que  nous  fommes  redevables  de  ce 
Dogme  ,  dit  notre  Auteur  ,  &  il  con- 
^riîie  fon  fentiment  à  cet  égard  par  l'au- 

tori- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  251 
torité  de  Mr.  Lock  *,  &  par  celle  du  célè- 
bre Mr.  d'Ablancourc  f- 

Si  les  Hommes  n'ont  pas  pu  connoître 
Je  Dogme  d'une  Vie  à  venir  par  leurs  ré- 
flexions fur  la  nature  de  l'Ame  ,  peut-être 
feront -ils  parvenus  à  cette  connoiflancc 
en  confiderant  les  Perfections  morales  de 
la  Divinité,  &  en  refléchilfanc  fur  fa  Pro- 
vidence. Il  faut  donc  qu'ils  ayentfçû  qu'il  y 
a  un  Dieu,  qu'ils  ayent  eu  de  juites  idées 
de  fes  Attributs ,  (Sc'qu'ils  ayent  été  perfua- 
dez  qu'il  s'intérefie  aux  chofes  de  ce  mon- 
de. Mais  les  Hommes  ont -ils  eu  réelle- 
ment ces  connoiflances  ?  G'efl-ce  qu'il  fauc 
examiner. 

Notre  Auteur  fait  donc  voir  dans  la 
cinquième  Seftion,  que  les  Hommes  ont 
été  fi  peu  capables  de  découvrir  par  eux- 
mêmes  l'Exillence  &  les  Perfections  de 
Dieu,  que  les  idées  qu'ils  avoient  des 
chofes  de  cet  Univers, les  conduifoient  na- 
turellement à  prendre  les  Corps  Céleftes 
pour  ttijtont  deDivinitez,&  à  les  regarder 
comme  des  objets  dignes  d'un  Culte  reli- 
gieux. Ce  qu'il  confirme  par  les  Syftômes 
de  tous  les  anciens  Philofophes  Tbéïjies ,  à 
l'exception  d'Anaxagore. 

Ua 

*  ECTai  fur  l'Entend,  humain.  Z.ru.  IV.  Cbap. 
III. 

f  V.  Le  Diftionaire  de  Mr.  Bayie.  Ar^. 
Perrqte  (Nicolas)  Rem.  (L). 


252  BibLIOTHEQUEBrIT  AN  NIQUE, 

Un  PalTage  de  Mr.  Bayle  ,  que  Mr. 
Campbell  cice  ici,  expofe  très-bien  l'état 
de  la  Queflion.  „  Il  n*y  a  rien  de  plus  faci- 
„  le ,  dit  Mr.  Bayle  *,  que  de  connoître 
„  qu'il  y  a  un  Dieu  ,  fi  vous  n'entendez 
„  par  ce  mot  qu'une  Caufe  première  & 
„  univerfelle.  Le  plus  grolTier  &  le  plus 
„  ftupide  Païfan  eft  convaincu  que  tout 
„  effet  a  une  caufe ,  &  qu'un  très-grand 
5,  effet  Tuppcfe  une  caufe  dont  la  vertu  eft 
„  très-grande.  Pour  peu  qu'il  refîéchifle , 
„  ou  de  foi-même  ,  ou  par  ravertilTement 
fy  de  quelqu'un ,  il  voit  clairement  cette  vé- 
„  rite.  Le  confentement  général  ne  fouf- 
„  fre  aucune  exception  à  cet  égard;  on  ne 
5,  trouve  ni  aucun  peuple ,  ni  aucun  particu- 
„  lier ,  qui  ne  reconnoide  une  Caufe  de  tou- 
„  tes  chofes.  Les  Athées,  fans  en  excepter 
,,  un  feul ,  figneront  linceremenc  avec  tous 
j5  les  Orthodoxes  cette  Thèfe:  Il  y  a  une 
,>  Caufe  première .,  univerfelle,  éternelle  ,  qui 
„  exifte  nécejjairement  ,  &  qui  doit  être  ap~ 
,,  pellée  Dieu  Tout  eft  de  plam-picd  juf- 
,,  ques-là  ;  perfonne  ne  fera  un  incident 
5,  fur  les  mots:  &  il  n'y  a  point  de  Phiîo- 
„  fophcs  qui  faflent  entrer  plus  fouvenc 
,y  le  Nom  de  Dieu  dans  leurs  fyftêmes ,  que 
„  les  Spinofiftes.  Mais  de-là  vous  devez 
„  conclure ,  que  ce  n'eft  point  dans  cet- 

>y  te 

*  Continuât,  des  Penfées  diverfes.    Cbap,  xx. 

XXI.    LXIV.    LXXXV.     ^  CIV. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  253 

^y  te  Thèfe  û  évidente  que  confîfte  le  vrai 
„  état  de  la  Qaeftion.  Un  formulaire  que 
„  les  Sénateurs  de  la  faufleté  peuvent  11- 
5,  gner  conjointement  avec  ceux  de  la 
„  Vérité,  elt  une  chofe captieufe ,  &  nécef- 
„  fairement  défedueule.  Il  ne  fuffit  donc 
9,  point  de  connoître  qu'il  y  a  un  Dieu  , 
„  il  faut  de  plus  déterminer  le  fens  de  ce 
99  mot,  &  y  attacher  une  idée;  il  faut  , 
99  dis-je,  réchercher  quelle  eft  la  nature 
5,  de  Dieu ,  &  c'eft-ià  où  commence  la 
„  difficulté,  Ceft  un  fujet  que  les  plus 
„  grands  Philofophes  ont  trouvé  obfcur  , 
&  fur  lequel  ils  ont  été  partagez  en  plu- 
lîeurs  fortes  de  fentimens  fort  contrai- 
res  Il  y  a  de  grands  Philofophes 

dont  les  meilleures  idées  font  ridicules 
„  fur  cela.  Ceux  qui ,  en  certains  endroits , 
„  parlent  le  plus  nolDlement  de  D'eu  ,  en 
5,  parlent  ailleurs  d'une  manière  qui  fait 
99  voir  qu'ils  le  confondent  avec  la  Na- 
„  ture.  On  a  donné  des  Recueils  des  A- 
„  théïfmes  d'Ariflote  ;  &  vous  n'oferiez 
,9  nier  que  le  peuple  parmi  les  Chrétiens 
,9  ne  fe  forme  des  notions  fi  bafies  &  lî 
,9  groffieres  de  Dieu,  que  rien  plus.  Ne 
9,  dites  donc  point  que  le  fujet  en  queflion 
99  efl  fi  aifé,  qu'il  ne  faut   qu'ouvrir    les 

99  yeux  pour   le  connoître C*e(l 

„  une  quefiiion  qui  apartient  à  lapluspro- 
99  fonde  &  à  la  plus  abftrufe  Philofo- 
9i  phie  9   &  par  confequent  elle  deman- 

,i  de 


254  Bibliothèque  Britannique, 

i,  de  beaucoup  de  méditation  &  de  dif- 
„  cuflion, 

Eft-il  donc  concevable  que  les  Hommes> 
abandonnez  à  eux-mêmes,  deflituez  de 
toute  idée  ,  &  pourvus  feulement  de  la 
capacité  d'en  recevoir,  ayent  pu,  fans  le 
fecours  d'aucune  Révélation,  parvenir  à 
connoître  qu'il  y  a  un  Etre  intelligent  , 
infmi ,  immatériel, tout-puiflant,  tout  fage, 
tout  jufte,  tout  bon,  qui  a  produit  cet 
Univers,  qui  continuée  le  gouverner  par 
fa  Providence  ,  qui  connoît  toutes  les  ac^ 
tions  «Si  toutes  Ici»  penfées  des  Créatures  in- 
telligentes ,  &  qui  les  recompenfera  ou  les 
punira  après  cette  vie  ,  félon  qu'elles  au- 
ront bien  ou  mal  vécu  en  ce  monde. 

Voilà  l'état  de  la  Queftion.  Mr.  Camp- 
bell foutient  que  l'Homme,  tel  qu'on  vient 
de  le  repréfenter ,  connoiflant  par  fa  pro- 
pre expérience  ,  qu'il  y  a  en  lui  un  princi- 
pe de  vie ,  &  qu'il  eft  lui-même  l'auteur 
de  fes  mouvemens,  jugera  de  même  que 
toutes  les  chôfes  dans  lefquelles  il  apper- 
çoit  du  mouvement ,  qui  n'eft  point  pro- 
duit par  une  caufe  ou  impulfion  extérieu- 
re ,  font  vivantes  auiTi-bien  que  lui  ,*  il 
s'imaginera  fur-tout  quelles  Corps  céleftes 
font  animez,  &  fe  meuvent  par  un  pou- 
voir inhérent  qui  leur  eft  propre  ;  &  il 
les  regardera  comme  autant  de  Divini- 
tez. 
Ce  n'eft  point  ici  une  vaine  imagination 

de 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  2^5 

de  notre  Auteur ,  il  fait  voir  par  un  grand 
nombre  de  paflages  des  Anciens  ,  que  la 
plupart  des  Philofophes  ont  cru  que  les 
Corps  céleftes  font  des  Dieux  ;  &  Platon 
fcu tient  expreffément ,  qu'il  ne  fçaiiroit  y 
avoir  dé  Religion,  à  moins  que  le  Feupk  ne 
croye  que  les  Corps  célejles  font  ^véritablement 
animez  *. 

On  continue  le  mêmefujet  dans  lafixiè- 
me  Sedlion:  on  y  parcourt  les  fyftêmes  des 
anciens  Philofophes  fur  l'Origine  des  cho- 
fes.  On  y  fait  voir  que,  malgré  tous  leurs 
raifonnemens  phyfiques  ou  n\étaphyfiques , 
non  feulement  ils  ne  font  point  parvenus 
à  la  connoiflance  d'une  première  Caufe  in- 
telligente &fage,  mais  qu'ils  ont  pofédes 
hypothèfes ,  toutes  plus  abfurdes  les  unes 
que  les  autres.  Et  ce  qu'il  y  a  de  remar- 
quable, c'eft  qu'aucun  de  ces  anciens  Sa- 
ges ne  s'eft  avifé  d'examiner  cette  Quef- 
tion  ;  Qui  efi  V Auteur  du  mouvement  ?  Quef- 
tion  qui  vient,  ce  femble,  naturellement 
dans  l'efprit,  &  qui  auroit  pii  les  condui- 
re à  la  connoiflance  d'un  premier  Moteur 
intelligent. 

Il  y  a  eu  pourtant  quelques  Philofoplies 
qui  ont  admis  l'Exiftence  d'un  Entende- 
ment infini.  Mais  eft-ce  par  une  enchaî- 
nure  de  raifonnemens   bien  fuivis  qu'ils 

font 

*  Plat,  m  Apol.  Socrat.  p.  26.  C.  Fol.  II. 
^de  Legib.  Lib.  X.  ^  886.  B.  Uh,  XII.  p.  o6->. 
!C,   V9l.  H. 


25<5  Bibliothèque  Britanniqus, 

font  parvenus  à  cette  ct-nnoiflance  ?  C'eft 
ce  que  Mr.  Campbell  examine  dans  la  Sep- 
tième Seftjon. 

Ciceron  lemble  dire  que  Thaïes  efl  le 
premier  qui  aie  admis  une  Intelligence  qui 
a  formé  I  Univers.  Tbales  Miltjius ,  qui  pri" 
inus  de  talibus  rébus  quœfimt  ,  aquam  dixit 
efj-  initiumrerwn  :  Dewnautem,  eam  mentem^ 
quîB  ex  aqud  cun6ta  fingertt  *.  C'ell-à-dire  : 
,"3  Thaïes  de  Milet,  qui  eft  le  premier  qui 
f,  fe  ibit  attaché  à  cette  étude,  a  fou  tenu 
,,  que  l'Eau  efl  le  principe  de  toutes  cho- 
,,  fes  ;  6i  Dieu ,  cette  Intelligence  qui  a 
,,  tout  formé  par  le  moyen  de  l'eau  *'. 
Si  ces  expreffions  font  véritablement  de 
Thaïes,  &  il  elles  ont  le  même  fens  qu'el- 
le,^ ont  parmi  nous  ,  il  faut  avouer  que 
Thaïes  a  foutenu bien  clairement  l'Exillen- 
ce  de  D-eu.  Mais  fi  cela  elt,  que  Cgnifie- 
Tont  les  paroles  que  Ciceron  ajoute  im- 
médiatement après  ,  &  qui  renferment  une 
objeclion  contre  l'opinion  de  Thaïes?  Si 
DU  pojjunî  ejje  finefenlii  &'  mente  ^  cur  aquct 
adjinixiî  ,  fi  îp/a  mens  conjlare  poîeft  vacant 
corporel  C'eft-à-dire  :  ,,  Si  les  Dieux peu- 
„  vent  exifuer  fans  fentiment  &  fans  en- 
„  tendement ,  pourquoi  les  ajoute-t-il  à 
,,  l'Eau,  fi  TEntendemert  peut  fubfifter  é- 
,^  tant  deititué  de  Corps  f  ''  ?  Il  y  a  mil- 
le 

*  Cic.  de  Nat.  Deor.  Lih.  I. 
f  Comme  le    p.iflagc    paroîc  très  -  défcAflueux 

dans 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.   257 

le  exemples  ,  dit  notre  Auteur  par  lefquels 
il  paroît  que  les  anciens  Philoiophes  n'at- 
tachoient  pas  aux  termes  de  Dieu ,  d*En- 
rendement,  &c.  les  mêmes  idées  quen(3us: 
ils  entendoient  par-là  TAir,  l'Eau ,  ou  quel- 
qu'autre  Etre  corporel,  qu'ils  regardoienc 
comme  la  première  Caufe  ou  le  Principe 
de  toutes  chofes  :  &  l'on  peut  juger  par 
l'objedion  de  Ciceron ,  toute  obfcure 
qu'elle  efl,  que  par  les  noms  de  Dieu  & 
d'Entendement ,  Thaïes  entendoit  quelque 
choie  qui  étoit  uni  avec  rEau,&  formoit 
avec  e'ie  un  feul  tout; de  forte  que  Tha- 
ïes n'avoit  aucune  idée  d'un  Entendement 
infini, diftingué  de  l'Univers,  &  Auteur  de 
toutes  chofes.  Aufli  Ciceron  dit-il  expref- 
fément  un  peu  plus  bas,  qu'Anaxagore  efi 
î&  premier  qui  ait  foutenu  qu'un  Entende' 
ment  infini  a  préjîdé  à  la  formation  de  VU- 
nivers. 

Si  l'on  fuppofe  donc  qu'il  a  découvert 
cette  vérité  de  lui-même  &  fans  aucune 
indrudion,  il  faut  qu'il  y  ait  été  conduit 
par  des  raifonnemens  métaphyfiques  fur 
in  nature  des  chofes,  ou  que,connoinanc 
les  effets ,  il  foit  remonté  à  la  caufe.  Voyons 
donc  quel  a  été  fon  Syftême. 

Il  ne  paroît  pas  qu'il  ait  fait  intervenir 
la  Divinité  dans  la  formation  de  l'Homme 

& 

dans  l'Original  ,  nous  avons  cru  devoir  ît 
traduire  prcfqxie  mot-à-mot.    . 


^j-gBlBLIÔtHEQUE  BrÏTANNIQUÉ, 

&  des  Animaux:  il  a  foutenu  qu'ils  fonc 
nez  naturellement  d'une  fubdance  humi- 
de ,  chaude  Ce  terreftre ,  &  que  dans  l'a 
fuite  ils  ont  perpétué  leur  efpece  par  la 
propagation  :   d&  forte  qu'à  cet  égard  il 
n'y  a  aucune  différence  entre  le  Syftême 
d'Anaxagore    &  celui   des  Athées  *,   ou 
des  Philofophes  purement  Matérialises: 
il  n\i  point   reconnu  de  but,  de  delTein, 
de  fagefTe  dans  l'organifation  du  corps  de 
rHomme,  ou  des  Animaux.   Et  pour  ce 
qui  efl  des  Corps  célefles ,  il  n'a  point  at- 
tribué leur  formation,  leur  arrangement, 
l'ordre  admirable  de    leurs  révolutions, 
à  l'Entendement  infini  dont  il  admettoit 
rExiftence:  il  ibutenoit  que  r7Ether,qui 
e(l  d'une   nature  ignée  &  qui  environne 
la  Terre,  tournant  avec  rapidité  autour 
d'elle, en  détacha  des  pierres  d'une  grof- 
feur  prodigieufe,  qui  étant  enlevées  dans 
les   Régions  fupérieurcs ,   y  furent  allu- 
mées ,&  devinrent  ainfi  autant  d'Etoiles; 
le  même  mouvement  rapide  de  l'^Ether , 
qui    les   détacha  de    la  Terre  &   les  en- 
leva dans  les  Cieux,  les  empêcha  encore 
de  tomber.  Voilà  le Syftême  d'Anaxagore: 
àc  puifqu'il  ne  fait  point  intervenir  la  Di- 
vinité dans  la  formation  de  l'Univers,   on 
doit  en  conclure,  que  ce  n'eft  point  par 
la  contemplation  de  la  Nature ,  ni  en  re- 

mon- 

^  V.  Ovid.  Metam.  Lih.  I.  Ferf.  416. 


Juillet,  Août  et  SepteMb.  1739.  259 
montant  des  eiFets  à  la  calife  qu'il  eft  par- 
venu  à  admettre  Texiftence  d'un  Entende- 
ment infini  :  de  forte  qu'il  y  a  beaucoup 
d'apparence  qu'il  n'a  connu  cette  vérité  que 
par  la  Tradition. 

Platon  païTe  pour  un  des  Philofophes 
les  plus  i-aifonnables  &  les  plus  éclairez; 
il  y  a  môme  des  gens  qui  croyent  qu'il 
avoit  lu  les  Livres  de  Moife  ,  ou  qu'il 
avoit  au  moins  converfé  avec  les  Juifs,  & 
que  c'efl  d'eux  qu'il  a  emprunté  quclcjues- 
uns  de  fes  Dogmes  Mais  outre  qu'il  ne 
paroît  pas  lui  -  même  bien  perfuadé  de 
ce  qu'il  enfeigne  ,  fon  fyllême  eft  à  plu- 
fieurs  égards  très-erroné',  &  la  plupart  de 
fes  preuves  font  ablurdes.  Il  eft  vrai  qu'il 
a  cru  l'exiftence  d'un  Entendement  infini, 
qui  eft  l'Auteur  &  le  premier  Moteur  de 
toutes  chofes.  Mais  lorfqu'il  a  entrepris 
de  prouver  cette  Théfe  ,  il  a  raifonné  pi- 
toyablement :  d'oLi  on  peut  conclure  que 
ce  n'eft  que  par  la  Tradition  qu'il  feft  ar- 
rivée à  la  connoiiTance  de  Dieu.  Mr.  Camp- 
bel  rapporte  à  cette  occafion  ces  paroles 
de  Mr.  Bayle  *  :  „  On  vous  citera  d'ex- 
„  cellens  paiTages ,  ou  Platon  a  parlé  de 
„  Dieu  très-fenfement  :  mais  cherchez  lés 
„  Livres  oli  il  en  a  parlé  en  Phyficien,  & 
„  non  pas  en  Moralifte  ou  en  Politique  ; 
„  vous  trouverez  un  galimatias  &  des  im- 

„  pie- 

*  Continuât,  des  Penfées  diverfes  Ch.  LXVIIL 
TDm  XIII     Part.  IL  S 


26o  Bibliothèque  Britannique, 

„  pietez  épouvantables  dans  fa  Théologie 
.,j  plvxlorophique ,  û  vous  la  pouvez  anaco- 
j,  mifer  ;  &  vous  n'y  trouverez  l'unité 
„  réelle  d'aucune  chofe.  Souvenez-vous, 
„  je  vous  prie,  que  Juftin  Martyr,  s'étanc 
„  engagé  à  prouver  que  les  opinions  des 
,>  Philofophes  fur  la  nature  de  Dieu,  étoiènt 
„  encore  plus  ridicules  que  celles  des  Poë- 
^,  tes  ,  ne  cite  pas  moins  en  exemple  les 
,j  Tentimens  de  Platon,  que  ceux  de  Tha- 
9,  lès,  d'Anaximandre,  &c. 

Puis  donc  que  les  plus  grands  Efprits 
de  l'Antiquité ,  qui  ont  fait  une  étude  par- 
ticulière des  points  les  plus  importans  de 
la  Religion  ,  n'ont  pas  fçû  les  établir  fur 
des  preuves  foiides ,  puifqu'ils  font  même 
tombez  dans  des  erreurs  très  -  groffieres  ; 
peut -on  concevoir  que  les  Artifans  ,  les 
Soldats  ,  les  Païfans  ,  les  Laboureurs  , 
les  Femmes  ,  ayent  été  capables  de  dé- 
couvrir par  eux-mêmes,  &  fans  aucun  fe- 
cours  extérieur,  qu'il  y  a  un  Dieu  Créateur 
&  Confervateur  des  hommes ,  jufte  Juge  de 
leurs  Adions ,  Vengeur  du  Crime ,  &  Rému- 
nérateur de  la  Vertu  ? 

Il  fuit  de- là  ,  dit  notre  Auteur  ,  que 
pour  établir  même  la  Religion  naturelle 
dans  le  monde,  il  faut  une  Révélation  fur- 
naturelle.  Et  puifque  les  hommes  con- 
noiflent  à  préfent  Pcxiitence  &  les  attributs 

de 

*V.  Mr.  Arnauld,  Secon.  Denonciat.  du  Pé- 
cht  Piiiiof.  ^rt.  XII,  p.  po  ,  91  .  95. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  26t 
de  Dieu ,  Tlmmortalité  de  VAme  ,  &  le 
dogme  des  Peines  &  des  Recompenfes  d'une 
autre  Vie,  c'efl:  une  preuve  inconteftable, 
que  le  Genre  humain  a  été  efFeftivemenc 
honoré  d'une  pareille  Révélation,  laquelle 
ne  peut  fe  trouver  que  dans  la  Religion 
Chrétienne.  C'eft  ce  que  Mr.  Campbell 
établit  dans  la  huitième  &  dernière  Sedtion 
de  Ton  ouvrage.  Nous  n'entrerons  dans 
aucun  détail  fur  ce  fujet^  nous  remarque- 
rons feulement  que  par  la  Religion  Chré- 
tienne ,  il  ne  faut  pas  entendre  ici  la  Re« 
ligion  ,  uniquement  en-tant  qu'elle  efl  en- 
feignée  dans  le  Nouveau  Teftament ,  mais 
en-tant  qu'elle  eft  contenue  dans  toute  TE- 
cnture  Sainte  ;  l'Ancien  Teftament  ren^ 
fermant  les  Principes  de  l'Evangile.  C'eft 
la  Révélation  donnée  à  Adam ,  à  Abraham , 
à  Moïfe  ,  &c.  qui  a  confervé  dans  le  Mon« 
de  le  peu  de  connoifTance  qu'on  a  eu  de 
l'Exiftence  de  Dieu,  &  d'une  Vie  à  venir; 
quoique  la  Tradition  de  ces  dogmes  ait  été 
fort  altérée  &  corrompue  dans  la  fuite  des 
tems. 

ARTICLE    I  I  L 

The  Moral  Philosopher  ,  &c, 

C'eft-à-dire  :    Le   Philo/ophe  honnête 
homme  &c.  \_Troifiême  Extrait.'] 


D 


A  N  S  le  premier  Article  dediné  à 

faire  connoître  ce  Livre  y  .oa  en  a 

S  2  parlé 


2<52  Bibliothèque  Britannique, 

parlé  comme  d'un  Cahos  à  débrouiller 
On  a  commencé  à  débrouiller  ce  Cahos 
dans  un  fécond  Article  :  Et  l'on  en  a  pro- 
mis un  troifiéme  ,  où  l'on  achèverait  ce 
qui  n'efl  que  commencé  dans  le  fécond. 
Il  s'agit  de  s'acquiter  de  la  promefTe  qu'on 
a  faite.  Mais  on  efpère  que  les  Ledteurs 
fe  contenteront  d'un  Equivalent  :  &  l'on 
compte  qu^ils  le  trouveront  dans  la  Dif- 
fertation  fuivante ,  dont  l'Auteur  (  qui  ne 
ie  nomme  point  )  a  fouhaité  qu'elle  fût 
publiée  dans  ce  Journal.  Le  Cahos  y  eft 
débrouillé.  Les  idées  du  Philofophe  hon- 
nête homme  y  font  rédigées  en  ordre, 
-elles  y  font  comparées ,  expliquées ,  difcu- 
tées:  Et  foit  qu'on  approuve  en  tout,  ou 
feulement  en  partie,  les  réflexions  de  l'Au- 
teur de  la  Diflertation ,  on  conviendra  au 
moins  qu'elles  peuvent  fervir  à  l'éclaircif- 
fement  de  la  Vérité.  Nous  fommes  fâchez 
feulement  qu'elle  foit  trop  longue  pour 
être  inférée  toute  entière  dans  ce  Volume. 

DISSERTATION 

Sur  le  Livre  intitulé: 

Le   Philofophe  honnête  homme  ; 
ou 
Dialogue  d'un  Chrétien  Déïfte  avec  un 
Juif  Chrétien. 

LE  DESORDRE  dans  le  Difcours  efb 
quelquefois  on  effet  de  PAt t.    Quel- 
que- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739,  z(S^ 

quefois  aufli  c*efl  un  artifice  pour  jetter 
ceux  dont  on  attaque  les  fentimens  dans 
un  embarras  dont  on  puifle  tirer  avantage 
contre  eux  :  Car  il  y  a  des  gens  qui  ne  fa- 
vent  pécher  qu'en  eau  trouble,  &  les  Dé- 
fenfeurs  du  Menfonge  ont  toujours  intérêt 
à  embrouiller  les  matières.  Quelquefois 
enfin  ce  Défordre  n'eft  qu'une Tuite  natu- 
relle de  la  confufion  des  idées  mêmes  de 
celui  qui  parle  ou  qui  écrit  :  Soie  qu'il  n'ait 
jamais  eu  une  connoifTance  claire  <5c  nette- 
des  différentes  parties  de  fon  fujet  &  de 
leurs  différens  rapports  :  foit  qu'il  ait 
manqué  de  tems  ,  de  diligence,  d'habile- 
té ,  pour  arranger  tout  ce  qu'il  avoit  dans 
fa  tête  Je  ne  décide  point  par  le  quel  de 
ces  principes  il  faut  expliquer  le  Défor- 
dre qui  règne  dans  le  Livre  du  Philofophe 
honnête  homme.  ]e  me  contente  de  dé- 
clarer que  je  me  propofe  de  mettre  de  l'or- 
dre ou  je  n'en  trouve  pas:  de  diftinguer, 
autant  qu'il  dépend  de  moi  ,  ce  qui  faute 
de  diftindlion  pourroit  faire  prendre  le 
change  :  de  féparer  ou  de  raprocher  les 
objets  ,  félon  l'exigence  du  cas  ,  afin  que 
chaque  chofe  ait  fon  rang  &  paroifle  dans 
fon  vrai  jour. 

QUICONQUE  a  lu  le  Livre  en  quef-^ 
tion,  peut  avoir  obfervé  que  l'Auteur  a  deux 
caradlères  diftindls  à  foutenir. 

Fbilofopbe  Honnete-homme,  par 
S  3  op^ 


^^Bibliothèque  Britannique, 

oppofition  aux  Philofophes  libertins  :  ou 
en  autres  termes  ,  Déïjte  Chuê'til  w  , 
par  oppofition  aux  Deïfles  irreligieux  , 
dont  le  Déïfme,  par  rapport  à  la  Religion, 
ne  diffère  point  de  rAchéïfme  :  Voila  fon 
premier  Caratlère. 

Honnête  homme  Philosophe  ,  par 
oppofition  à  quantité  d'honnêtes  gens  donc 
la  Religion  félon  lui  n'eft  point  philofo- 
phique  :  ou  en  autres  termes  ,  Chrétien 
Déiste,  par  oppofition  à  tout  Chrétien 
donc  le  Chriflianifme  ne  revient  pas  au 
fimple  Déifme:  Voila  le  fécond  Caractère 
qu'il  doit  foutenir. 

Le  premier  Caradère  ell  indiqué  dans 
le  titre  :  Mais  le  iecond  domine  dans  le 
Livre.  On  feroic  rente  de  dire  que  c'ed 
une  Mafquarade.  Le  Mafque  paroît  d'a- 
bord :  Le  Vifage  ne  fe  montre  que  lorf- 
qu'on  s'eft  un  peu  fainiliariféavec  le  Maf- 
que. Ne  jugeons  pourtant  pas  fi  févère- 
menc:  Et  repréfentons  eous  plutôt  notre 
Auteur  fous  Timage  d'une  efpèce  de  Ja- 
nus  qui  a  deux  Vifages  &  de  qui  les  deux 
Vifages  font  véritables ,  mais  différens  en 
beauté;  &  qui  montre  tant  qu  il  peut ,  ce- 
lui des  deux  dont  il  fait  que  la  phyfiono- 
înie  ell  la  plus  prévenante.  Le  Vifage  d'un 
Philofophe  qui  fait  profefllon  de  refpec- 
ter  la  Morale  &  d'être  honnête  Hommie, 
ou  dun  Déïfte  qui  cherche  à  fe  rappro- 
çheç  du  ChrifliaBifme  &  à  mériter  U  t^tre 

de 


Juillet,  Aoar  et  Septemb.  1739.  265 
de  Chrétien,  fera  naturellement  regardé 
de  meilleur  œil ,  aumoins  parmi  les  hon- 
nêtes gens  &  parmi  les  Chrétiens,  que  le 
vifage  d'un  honnête  homme  ou  d'un  Chré- 
tien" qui  cherchant  à  fe  diftinguer  de  la 
foule  de  fes  femblables  s'annonce  à  eu^ 
ibus  le  titre  fuperbe  de  PhilofoDhe  ,  ou 
fous  le  titre  choquant  de  Déïfte.  Quoi- 
qu'il en  Toit,  c'efl:  une  chofe  de  fait ,  que 
notre  Auteur  fe  charge  des  deux  Caraélc- 
res  diflindls  dont  j'ai  parlé  ;  6:  qu'il  a  par 
cela  même  deux  tâches  diftinctes  à  rem- 
plir. 

En  qualité  de  Philofophe  bonnîte  homme 
ou  de  Déifie  Chrétien ,  il  eft  obligé  d'éta- 
bhr  ,  fur  les  feuls  fondemens  de  la  Philo- 
fophie  &  du  Déifme,  quelque  chofe  d'é- 
quivalent à  la  Religion  Chrétienne:  il  effc 
obligé  de  maintenir  la  Vérité  d'une  Reli- 
gion purement  naturelle. 

En  qualité  d'honnête  homme  Philofophe 
ou  de  Chrétien  Déifie^  il  s'engage  à  prou- 
ver que  cette  même  Religion  elt  la  feule 
véritable,  ou  que  le  Chriftianifme  n'efl 
véritable  lui  même  (aumoins  avec  certi- 
tude) qu'autant  qu'il  fe  confond  avec  le 
Déïfme  &  ne  renferme  rien  de  plus. 

Le  Philofophe  honnête  homme  &  PHon- 
nêre  homme  philofophe  (ou  le  Déïfte  Chr^ 
tien  &  le  Chrétien  Déïfîe)  ne  font  pas  dans 
le  fonds  deux  Caradtères  différens  ni  fé- 
parez;  Ils  fe  réuniflent  dans  la  défenfe  de 
cette  Thèfe ,  commune  à  l'un  &  à  l'autre  : 

S  4  Que 


&66  Bibliothèque  Britannique, 

Que  le  jufle  milieu  entre  le  Libertinage 
&  la  Superftition  ,  c'eft  la  Religion  Natu- 
relle: Mais  fi  ce  ne  font  pas  deux  Caraclè- 
Tes  réparez  ou  différens,  ils  ne  laiflent  pas 
d'être ,  comme  on  l'a  dit ,  deux  Caractères 
diflinds.  Le  Philofophe  honnête  homme 
de  même  que  l'Honnête  homme  philofo- 
phe, le  Déifte  Chrétien  de  même  que  le 
Chrétien  Déifie  ,  efb  un  Défenfeur  de  la 
Religion  naturelle  :  Mais  l'un  ne  la  défend 
proprement  que  contre  les  Athées  ,  ou 
contre  ceux  qui  fans  être  du  nombre  des 
Athées  penfent  avec  eux  qu  une  Religion 
purement  naturelle  efl  une  Religion  chi- 
mérique: L'autre  la  défend  contre  le  gros 
des  Chrétiens,  ou  contre  quiconque  penfe 
avec  eux  que  s'il  y  a  une  Religion  pure- 
ment naturelle  qui  foit  folide  ,  aumoins 
n'ert- elle  pas  la  feule  qui  le  foit.  L'un 
édifie ,  l'autre  détruit.  L'un  établit  la  Re- 
ligion où  elle  n'efl  pas  :  l'autre  la  reforme 
où  elle  eft.  Tous  deux  travaillent  à  la 
converfion  du  Genre -humain:  Mais  cha- 
cun a  fon  département  :  Le  premier  con- 
vertit les  Athées,  le  fécond  convertit  les 
Chrétiens  &  tous  ceux  dont  la  Religion  fe 
fonde  fur  l'autorité  de  quelque  Révélation 
proprement  ainfi  nommée.  C'efl  un  feul 
&  même  homme  qui  entreprend  de  réu- 
nir tout  le  Monde  dans  le  Déïfme:  Mais 
il  s'agit  pour  cet  effet  d'y  ramener  les 
uns,  d'y  réduire  les  ?LÙtr es.  Ce  font  là  deux 
tâches  affez  diftindes  pour  n'être  point 

con  - 


Juillet,  x^out  et  Septemb.  1739.  257 

confondues.  Faut  il  embrajjer  la  Religion 
naturelle?  C'eft  une  Queflion;  Faut  il  ïy 
l)orner'^  C'en  eft  une  aûçre.  Kt  quoique 
l'Auteur  ne  dife  pas  que  ces  deux  Quef- 
tions  ainfi  diftinguées  font  la  divifion  gé- 
nérale de  fon  Livre  ;  quoiqu'il  nous  y  don- 
ne pêle-mêle  les  diverfes  matières  diltiiac- 
;ement  relatives  à  ces  deux  Queftions  :  on 
ne  fauroit  pourtant  douter  que  ce  ne  foient 
là  les  deux  Chefs  principaux  auxquels  tou- 
tes les  matières  traitées  dans  fon  Livre  fe 
raportent  naturellement.  Je  ne  (luirois 
donc  mieux  faire  que  de  divifer  cette 
DilTertatlon  en  deux  Parties ,  dont  la  pre- 
mière foit  uniquement  deftinée  à  l'examen 
de  ce  que  le  Phiîofophe  honnête  homme 
penfe  ,  ou  paroît  penfer,  fur  la  première 
des  deux  Q^ueltions  propofées. 

PREMIERE   PARTIE, 

Delà 

Religion   Naturelle. 

ON  SUPPOSE  ici  un  Athée  qu  on 
entreprend  de  rendre  religieux,  mais  qui 
ne  veut  point  entendre  parler  de  Rciio^iori 
révélée,  &  à  qui  Ton  ne  prétend  point 
non  plus  en  parler.  FAUT  IL  E  M- 
BRASSER  LA  RELIGION  NA- 
TURELLE? C'eft  là  l'unique  queftioa 
que  l'on  ait  à  difcuter  avec  lui  :  Ou  ce 
qui  revient  au  même ,  il  s'agit  de  lavoir  , 

S  %  Si 


2<Î8  Bibliothèque  Britannique, 

Si  une  Religion  purement  naturelle  a  des  Ca- 
ractères de  ^é filé  aux  quels  la  Raifon  doive  je 
rendre  ?  Telle  eli;  la  preiTiière  (^ueltion 
propolee  :  &  il  n'eO:  rien  moins  que  Tuper- 
fla  de  !a  bien  examiner.  Notre  Adceur  a 
grand  foin  de  le  montrer  zélé  l'oui-  l'a  (il  r- 
mative.  Ce  n'ell  pas  fans  dcdcin  qu'il 
preni  cette  précaution  ;  à.  il  l'infinue  lui 
même  allez  viliblemenc. 

Il  y  a  une  infinité  de  perfonnes  que  fbn 
zèle  marqué  pour  une  Religion  naturelle 
doit  prévenir  en  l*a  faveur.  Tels  font  tous 


_       ^. —         -  -_   .. _     

font  tous  ceux  qui  ont  appris  à  dire,  que 
la  Religion  Chrétienne  aboutit  àrécablir, 
à  confirmer,  à  illuitrer  la  Religion  natu- 
relle: Tels  font  tous  ces  Prédicateurs  phi- 
lofophes  qui  dans  leurs   exercices  Acadé- 
miques ont  été  drefTez  à  répéter:  Cela  Je 
prouve  P  K  E  M I E  R  E  M  E  N  T  par  la  Raifon , 
6*  en  fécond  lieu  par  la  Révélation  ;  Tels  Ibnc 
tous  ces  Défenfeurs  du  Chriftianifme  qui 
inflruits  à  confefler,  avec  le  Théophane 
de  notre  Auteur,  que  la  Religion  révélée  pré- 
fuppofe  7iécejfairemenî  la  naturelle^    [p.  ij.] 
agillent  en  conféquence  de  cet  aveu,  & 
s'attachent  principalement  à  faire  voir  que 
l'EfTentiel  du  Chridianifme  peut  s'établir 
par  la  Raifon  toute  feule.     Il  eft  parlé  de 
ces  Meilleurs  dans    la   Préface  du  Livre. 
Aumoins  y  cfl  il  parlé  en  général  de  ceux 

qui 


Juillet,  Août  et  Sfetemb.  1739.  2^)9 

qui  fe  font  Cgnalez  dans  la  Défenfe  du 
Chriftianiime,  parles  e/brrj  quils  oncfaics 
pour  en  établir  tous  les  Dogmes  (^  toutes 
les  Loix ^  llir  la  l^ériîé  morale,  Raifon  6* 
Convenance  des  cbofes;  \t  feul fundtme'nt  "véritable 
£^  foUde  qu'ils  pùjjmt  donner ,  Ibit  à  ces  Loi\' , 
Ibic  à  ces  Dogmes  :  Et  ils  font  en  même  tems 
complimentez  fur  leurs  exploits  d'une  fa- 
çon qui  pourra  fort  bien  paroîire  flateufe  à 
plufieurs  d'encr'eux,  quoiqu'elle  foie  allez 
ironique  &  même  un  peu  inful tante. 

Il  y  en  a  d'autres  au  contraire  pour  qui  de 
pareils  Défenfeurs ,  dignes  de  pareilles  féli- 
citations, fontautant  de  Traîtres  ou  autant 
deDuppes;  &  à  qui  il  femble  qu'entrepren- 
dre la  défenfe  de  la  Religion  par  la  Raifon 
toute  feule ,  c'eft  fuppofer  la  fuffifance  de  la 
Raifon  ^  nier  par  cela  même  la  nécelfité  d'u- 
ne Révélation ,  la  quelle  cependant  ils  regar- 
dent toujours  comme  néceffaire.  Un  Deïfle 
qui  vient  leur  étaler  (;les  idées  &  des  fen- 
timens  de  Religion,  efl  à  leurs  yeux  un 
homme  fufpedt  à  qui  l'on  pourroit  appli- 
quer le  mot  du  Poète  :  Timeo  Danaos  âf 
donaferentes.  Ils  conçoivent,  en  un  mot, 
que  de  droit  ou  de  fait  le  Deifme  Te  con- 
fond avec  rAtheifme.  Or  ces  gens  -  là ,  non 
plus  que  les  précédens,  ne  font  ni  incon- 
nus ,  ni  indiiFérens  à  notre  Auteur.  On  ne 
fauroit  avoir  le  moindre  doute  îà-deflus, 
fi  feulement  on  a  lu  fa  Dillertation  fur  la 
Prière.  [ï^oy.  ci-dejjus ^  pp.  367,  3'18.  du 
-T.  XII.  ^  conter,  pp.  335-337-] 

Voila 


270B1BL10THEQUE  Britannique, 

Voila  donc ,  parmi  tous  ces  Chrétiens 
qu'il  voudroit  réduire  à  la  Religion  natu- 
relle ,  deux  forces  d'Efprits  qu'il  lui  im- 
porte infinimenc  de  ménager:  les  uns,  par- 
cequ'ils  ont  déjà  pour  cette  Religion  un 
préjugé  favorable  dont  il  eil  à  craindre 
qu'ils  ne  reviennent  :  les  autres  ,  parce- 
qu'ils  ont  contre  elle  un  violent  foupçon. 
Fortifier  le  préjugé  des  uns  ,  difTiper  le 
foupçon  des  autres  ,  c'eft  ce  que  notre 
Philofophe  efl  nécelfairement  obligé  de 
faire  ,  s'il  veut  parvenir  à  Ton  but  :  Et  c'eft 
là  aufli  ce  qu'il  fait  lorfque  déployant  fon 
zèle  &  fa  philofophie  contre  les  Athées , 
il  va  jufqu'à  prendre  fait  &  caufe  en  main 
pour  les  Chrétiens  &  en  leur  nom.  Par 
là  il  travaille  à  nous  remplir  de  cette  idée  : 
Q^ue  la  Religion  purement  naturelle  à  la 
quelle  il  prétend  nous  réduire  a  û  bien 
des  caradtères  refpectables  de  vérité  ,  ou 
que  le  Déïfme  (  fondement  de  cette  Re- 
ligion) doit  fi  peu  être  cenfé  avoir  rien 
de  commun  avec  l'Irréligion  des  Athées, 
que  fa  Religion  naturelle  étant  la  même 
chofe  au  fonds  que  la  Chrétienne  ,  le 
vrai  Déïfme  par  conféquent  ne  difl^ère 
point  efifentiellement  du  vrai  Chrifl:ianifme. 
Voyons  ce  qui  en  efi:  :  ne  fût-ce  qu'afin  de 
favoir  d'avance  à  quel  degré  de  perfec- 
fion  nous  nous  trouverons  fixez ,  lorfque 
notre  Auteur  (s'il  réuffitdans  fon  deflein) 
nous  aura  réduits  à  fa  Religion  purement 
naturelle;  Et  pour  procéder  méthodique- 


JtJitLET,  Août  Et  Septei^.  1739.  if 
ment  dans  cet  Examen,  recherchons. 

I*.  Comment  fa  Religion  naturelle  doit 
être  prouvée  ,  en  cas  qu'elle  puiiïe  Tê- 
tre. 

II*.  Comment  il  l'a  prouvée  ,  ou  s'il 
a  fait  à  cet  égard  ce  qu'il  auroit  du 
faire. 

C'eft  à  ces  deux  Chefs  que  je  raporte 
tout  ce  que  j'ai  à  dire  dans  la  première  Par- 
tie de  ce  Difcours* 

CHAPITRE!. 

Où  l'on  examine  comment  le  Fbilofophe  hon-^ 
nête  homme  doit  prouver  fa  Religion  na- 
turelle ,   en  cas  quelle  pidjje  être  prou- 

Section     I. 

TOUT  le  monde  fait,  ou  doit  favoir, 
que  quand  on  dit  Religion  Naturelle  parop- 
pofition  à  Religion  révélée ,  on  parle  d'une 
manière  fort  impropre  ,  ou  aumoins  fore 
équivoque. 

Le  terme  de  Religion  lignifie  :  ou  un  cer- 
tain Commerce  avec  Dieu  :  ou  certains 
Sentimens  requis  pour  entrer  dans  ce  Com- 
merce &  pour  l'entretenir  :  ou  certains 
Adles  qui  réfultent  de  ces  Sentimens ,  & 
qui  les  expriment.  Il  feroit  abfurde  de 
parler  de  ce  Commerce ,  de  ces  Sentimens  ^ 


â72BlBLIOTHEQUE    BRITANNIQUE^ 

de  ces  Ââes ,  comme  de  chofes  naturel- 
les par  oppofidon  à  des  chofes  révé- 
lées. 

Il  feroit  même  abfurde  de  parler  ainû 
de  la  Religiun  entant  que  ce  terme  dé- 
figne  notre  Foi  ou  notre  Cioyance:  Car  la 
Croyance  efl  une  dirpofition  ou  fondlion 
de  notre  Efprit  :  &  il  feroit  fort  ridicule 
de  demander  fi  une  fonction  de  notre  Efprit 
eft  révélée  ou  naturelle. 

Il  faut  donc  entendre  ici  par  la  Religion 
l'objet  de  la  Croyance  :  c'eft-à-dire  la  Théo- 
logie ,  ce  Corps  de  Doctrine  ,  cet  Aflem- 
blage  de  Propofitions ,  qui  eft  l'Objet  de 
la  Croyance ,  &  le  fondement  de  tout  le 
refte  en  fait  de  Religion.  On  conçoit  dans 
ce  fens  particulier,  &  Tonne  conçoit  dans 
nul  autre  fens,  comment  la  Religion  peut 
être  ou  naturelle  ou  révélée.  Ainfî  nous 
nous  en  tiendrons  à  ce  fens-là:  &  l'Auteur 
voudra  bien  que  pour  mieux  éviter  toute 
équivoque,  on  mette  déformais  le  terme 
de  Théologie ,  ou  la  définition  de  ce  ter- 
me ,  à  la  place  de  celui  de  Religion,  dans 
tous  les  endroits  ou  Religion  fignifieroic 
Théologie. 

La  Queftion  fur  la  quelle  il  prend  avec 
tant  de  chaleur  le  parti  de  Taffirmative  , 
fera  donc  de  lavoir:  ,,  Si  après  avoir  ex- 
„  dus  toute  Révélation  proprement  ainfî 
„  nommée,  la  Raifon  humaine  peut  re- 
9,  trouver  dans  la  Contemplation  de  la 
„  feule  Nature^  dequoi  fojmer  une  Théo- 

ff  logie. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1730.  273 
„  logie  ,  un  Corps  de  Doflrine  ,  un  Af- 
„  femblage  de  Propolitions ,  un  Syrtême 
9,  ou  tout  foit  alTez  bien  prouvé  pour  de- 
»  voir  être  admis  comme  l'Objet  d'une 
,,  Croyance  raifonnable  ,  &  où  nous 
„  rencontrions  en  même  tems  tout  ce 
„  qu'il  faut  propofer  à  la  Croyance  des 
,y  hommes  pour  bien  établir  la  Reli- 
„  gion  ?  "  Ln  Religion  ,  dis  -  je  :  (Se  je 
m'explique. 

Section    II. 

Il  efl  évident  quiVd  le  terme  de  Religion 
ne  déiigne  ni  laThéoIogie,  ni  la  Croyance  de 
ce  que  la  Théologie  enféigne,  mais  quelque» 
chofe  à  quoi  la  Théologie  ou  la  Croyance  de 
ce  qu'elle  enféigne ,  puifle  fervir  de  fonde* 
mène  :  Et  ce  terme  en  effet  fignifie  û  bien 
quelque  chofe  de  diftindl:  de  l'un  &  de 
Faûtre  ,  qu'avec  toute  la  Théologie  &  tou- 
te la  Croyance  du  Monde ,  on  pourroic 
être  généralement  reconnu  pour  très  in- 
digne du  titre  d  homme  religieux  ,  ou  qui 
a  véritablement  &  proprement  de  la  Re- 
ligion. Ce  terme  doit  donc  fe  prendre  ici 
dans  quelcun  des  autres  fens  que  j'ai  in- 
diquez. 11  fignifie,  comme  je  l'ai  dit,  foit 
un  certain  Commerce  avec  Dieu ,  foit  cer; 
tains  Scntimens  requis  pour  entrer  dans  ce 
Commerce  &  pour  Tentrecenir,  foit  cer- 
tains Aàes  qui  réfultent  de  ces  Sentimens 
ou  qui  les  expriment:  Et  notre  Auteur  pa- 

roîc 


^74  Bibliothèque  Britannique^ 
roît  admettre  la  Religion  dans  chacun  de 
ces  trois  fens. 

Il  l'admet  comme  un  Commerce  avec 
Dieu,  dans  tous  les  endroits  de  fon  Livre 
OLi  il  la  repréfente  (  conformément  â  fa 
Diflertation  fur  la  Prière  )  fous  l'idée 
d'une  Relation  morale  entre  Dieu  &  THom- 
me. 

Il  l'admet  aufîî  comme  conCftant  de 
la  part  de  l'Homme  en  certains  Senti- 
M  E  N  s  :  foie  dans  la  même  Diflertation  , 
lorfqu'il  y  parle  des  fentimens  de  Confian- 
ce ,  d'Efpéraîïce  &  de  Crainte  ,  qu'exige  de 
nous  notre  Relation  avec  Dieu  :  foit  en 
divers  autres  endroits  ,  &  particulière- 
ment dans  ceux  oii  il  nomme  la  Religion 
une  chofe  interne  ou  une  Difpofition  intérieure'^ 
une  Sagejje  ,  un  Sentiment  Jpiriîuel ,  com  - 
me  on  le  peut  voir  aux  pages  416,  41 8  ^ 

&  4'^9- 

Il  l'admet  enfin  comme  confîflant  en  cer- 
tains A  CT  K  s  :  foif  lorfqu'il  la  défigne  fous 
le  nom  d'Adoration  ou  de  Culte  ,  comme 
à  la  page  230:  foit  lorfqu'il  reconnoîc  le 
devoir  même  d'un  Culte  public  ou  au- 
moins  d'un  Culte  domejîique ,  comme  aux 
pages  106,  114 ,  &  436:  foit  lorfqu'il  in- 
ïifte  en  général  fur  la  Pratique  de  tous  les 
devoirs  naturels  delà  Piété,  de  la  Jufticc, 
(&de  la  Tempérance,  comme  il  le  fait  à  la 
page  25 ,  &  en  plufieurs  autres  endroits. 

Mais  ces  trois  fens  du  terme  de  Re- 
ligion peuvent  fe  réduire  à  un  ,  qui  eft  ici 

l'eflen- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  17:^9.  275 
l'eflenciel.    C'efl  le  fécond.    Car  les  S  e  n- 
TiMhNS   une  fois  établis  ,   Je  Covimercs 
&  les  Actes  fuivent.     Mais  les  Sentimens 
exclus,   il  n'y  a  ni  Acles  ni  Commerce, 
il  n'y  a  de  Religion  dans  aucun  fens  :  Ec 
là-deflus  encore  nous  pouvons  nous  pro- 
mettre que  nous  aurons  l'aveu  de  notre 
Philofophe   honnête   homme  :    Car  non- 
content  d'appuyer  à  diverfes  reprifes  fur 
la  néceffité  des  Difpofitions  intérieures  _,  fur 
la  pureté  des  Motifs ,  en  fait  de  Religion  ; 
il  die  en  termes  exprès,   à  la  page  41^5, 
que  la  Religion  eft  uniquement  une  affaire 
du  dedans  ;  Religion  is  purely  a?î  inîer- 
nal  Tblng. 

11  y  a  des  Déi'lles  ,  ou  foi  difans  tels, 
qui  fous  le  nom  de  Religion,  n'admettent 
autre  chofe  que  la  Pratique  des  devoirs 
de  la  Société  civile  ou  de  ce  qu'ils  apel- 
Icnt  autrement  la  Loi  de  Nature  gravée  dans 
le  cœur  de  tous  les  hommes.  Notre  Au- 
teur penfe  mieux  :  Et  s'il"  accorde  le  nom 
de  Religion  à  la  pratique  de  la  Loi  na- 
turelle, c'eft  feulement  lorfque  cette  Loi  cjî 
pratiquée  £jf  respectl'e  comme  étant  la  ^volonté 
6"  la,  Loi  de  Dieu  *.    Ces  paroles  prou- 

venc 

*  IVhen  this  univerfal  immutahle  Wijdom  [  the 
Law of  Nature  oiiginally  written  upon  the  HeartJ 
is  fûlloiv'd  and  c  o  m  p  l  i  e  d  w  i  t  h  ,  as  the  Will 
and  Law  0/  God  .  .  .  «t  then  confiitiius 
^bat  1VS  call  the  Religion  of  Nature.  Page  2^, 

Tome  XIIL  Part,  IL         T 


27(5BlIîLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

vent  à  fois  :  &  que  fans  relation  à  Dieu 
il  n'y  a  de  l'aveu  de  notre  Auteur  aucune 
Religion  :  &  que  de  fon  aveu  encore,  cet- 
te Relation  à  Dieu  ne  lauroitconfifterdans 
la  Pratique  de  fa  V^olonté  ,  qu'autant  que 
cette  même  Volonté  eit  pratiquée  comme 
telle  ^  qu'autant  qu'elle  eft  refpeàée  commQ 
fa  Volonté  à  lui  :  De  forte  que  ce  Refpeft , 
&  par  cela  même  les  Sentimens  qui  le  con- 
ftituent  (quels  qu'ils  puiilent  être)  font 
reconnus  ici  pour  l'elTentiel  de  {^Religion. 

Il  ne  s'agit  donc  plus  ,  pour  expliquer 
ce  terme  ,  que  de  déterminer  ce  qu'on 
entendra  ici  par  les  S  E  N  TI M  E  N  S.  Ce 
font,  ai- je  dit,  les  fentimens  requis  pouf 
avoir  un  certain  Commerce  avec  Dieu:  Et 
il  ell  préfupporé  ,  fans  doute  ,  que  ce 
Com'mérce  doit  tendre  à  la  fatisfadlion  ré- 
ciproque des  deux  Parties.  Il  efl  préfup- 
pôfé,  par  conféquent,  que  ce  qui  fera  re- 
quis de  notre  part  dans  ce  Commerce  , 
(fauf  l'inégalité  de  Condition  &  de  Mé- 
rite entre  les  deux  Parties)  doit  corref- 
pbndre  à  ce  que  nous  y  attendrons  de  la 
part  de  Dieu  :  Et  il  efl:  clair  de  plus ,  que 
tout  ce  qùe^  nous  pcùvCins  attendre  de  fa 
part  dans  ce  même  Commerce  ,  condfle 
elTeritiellement  en  un  feul  point  :  c'ed 
qu'il  nous  foit  toujours  favorable  :  c'ed 
que  nous  confervant  toujours  une  bonne 
Voionté  détcrm.ince  en  notre  faveur,  il 
periiile  daps  le  defleih  de  nous  rendre  heu- 
reux: c*eu:  en  un  moÈqUjliîous  aime.  Or- 

^  '•  ramôar 


Juillet  ,  Août  et  Septemr.  1739.  27^ 
l'amour  veut  de  TAmour.     Donc  il  fauc 
que  de  notre  part  nous  l'aimions  :  Et  per- 
fonne  n'ignore  ce  que  ce  mot  emporte.  Le 
Défir  de  plaire  à  Dieu  >  ,^  la  Crainte  de 
lui  déplaire;   Voila  certainement  TAmour 
de  Dieu  :  Voila  les  fentimens  requis  pour 
lier  &  pour  entretenir  avec  lui  un  com- 
merce religieux  :    Et  voila  ce  que  notre 
Auteur  exige  lui  même  lorfqu'il  demande 
une  Religion  intérieure  comme  la  feule 
véritable  ,   comme  la  feule  elTentielle  à 
l'Homme  :  Car  dans  un  endroit  oui!  avoue 
que  cette  Religion  n'étoit  point  abfolu- 
ment  inconnue  aux  Juifs  ,  il  fonde  fon 
aveu  fur  les   paiTages  qui  réduifent  toute 
la  Loi  Mofaïque  â  aimer  Dieu  :   touchant 
quoi  l'on  peut  confulter  les  pages  33-39. 
Ivlais  que  lera-ce  qu'aimer  Dieu  ,  quand  il 
s'agit  de  Religion  intérieure^  fi  ce  n'eil:  être 
animé  du  defir  de  plaire  à  Dieu  &  de  la 
crainte  de  lui  déplaire  ?    On  a  vu  ,  d'ail- 
leurs, que  notre  Auteur  fait  conlifter  cette 
même  Religion  dans  le  Refpc£i  de  la  Vo- 
hnté  de  Dieu.     Mais  que  peut  on  enten- 
dre par  cette  Volonté',  finon  ce  que 
Dieu  veut  ou  ne  veut  pas ,   c'eil-à-dire  ^ 
ce  qu'il  aprouve  ou  qu'il  condamne  ,  c^ 
qui  lui  plaît  ou  qui  lui  déplaît?  Et  par  le 
Refpedt  intérieur  de  ce  qui  plaît  ou  dé- 
plaît à  Dieu,  qu'entendrons  nous  encore, 
fi  ce  n'efi:  le  Defir  de  lui  plaire   accom- 
pagné de  la  crainte  de  lui  déplaire? 

.1   2  Tou- 


278  Bibliothèque  Britannique, 

Toutes  ces  explications  m'ont  paru  im- 
portances, foie  pour  débrouiller  en  pafTanc 
une  matière  importante  en  elle  même,  & 
moins  entendue  que  bien  des  gens  ne  pen- 
fent:  foit  pour  defabufer  ceux  qui  s'ima- 
ginent qu'un  Déïde  ne  fauroit  jamais  avoir 
de  fi  faines  idées  de  la  Religion:  ioit  pour 
éclaircir  la  Queftion  principale  de  ce  Cha- 
pitre. Ces  explications  nous  font  voir 
au  moins  de  m.anière  à  n'en  pouvoir 
plus  douter,  que  Jorfqu'on  demande  s'il  y 
a  une  Théologie  purement  nacurelle  donc 
la  Croyance  puifle  bien  établir  la  Religion  , 
cette  Queflion  revient  à  celle-ci  :  T a-t- 
il  une  Théologie  purement  naturelle  dont  h 
Croyance  puiffe  bien  étaolir  dans  le  cœur  des 
hommes  les  Sentimens  de  l'amour  de  Dieu  , 
QU  le  defir  de  plaire  à  Dieu  ^  la  crainte  de 
lui  déplaire  ? 

Section    III. 

]E  DIS  aurefle  bien  établir  ^  parce  qu'au- 
tant vaudroit  il  ne  point  fonger  du  tout 
à  établir  ces  fentimens ,  que  de  fonger  à 
les  établir  mal.  Car  de  deux  chofes  l'u- 
ne. Ou  l'on  a  de  bonnes  raifons  pour  exi- 
ger de  pareils  fentimens ,  ou  l'on  n'en  a 
point»  Or  dans  ce  fécond  cas  ,  qui  ne 
lauroit  être  fuppoféici,  il  ne  faudroit  pas 
même  propofer  aux  hommes  de  concevoir 
des  fentimens  de  Religion  :  Ec  dans  Je 

pre- 


Juillet,  Août  et  SEPTEMn.  173p.  s^^^ 
premier  cas  ,  qui  eft  celui  que  l'on  fup- 
pofe ,  toutes  les  raiforls  en  vertu  defquel- 
les  on  aura  entrepris  de  faire  naître  ces 
fentimens,  prouveront  qu'on  doit  les  faire 
naître  de  façon  à  les  faire  durer:  ce  qu'on 
n'obtiendra  jamais  (i  on  ne  les  établit ,  ou  fi 
on  les  établit  mal. 

Continuons  à  nous  expliquer.  Il  n*y  a 
aucune  Théologie  ,  foit naturelle,  foit  ré- 
vélée, dont  la  Croyance  puifle  bien  éta- 
blir les  fentimens  de  la  Religion  ,  fi  elle 
n'enfeign-e,  comme  autant  de  Véritez  ca- 
pitales ,  certaines  Propofitions  naturelle- 
ment propres  à  faire  naître  ou  durer  ces 
Sentimens,  &;  nécelTairement  requifes  pour 
cet  effet.  Il  y  a  un  Dieu  :  Et  ce  DUu  eft  un 
Etre  aimabls:  Voila  deux  Propofitions  dont 
la  Croyance  efi:  incontefiablement  requifa 
pour  faire  naître  les  Sentimens  de  l'Amour 
de  Dieu  :  &  voilà  en  même  tems  deux  Pro- 
pofitions dont  la  Croynnce  efi:  naturelle- 
ment fuffifante  pour  faire  naître  ces  Sen- 
timens dans  le  cœur  de  quiconque  en  eft 
fufceptible.  11  faut  quelque  chofe  de  plus 
pour  les  faire  durer.  Ils  font  tous  les  jours 
combattus  avec  tant  de  force  par  d'autr^ 
fentimens,  qu'ils  feroient  dans  un  danger 
éminent  d'être  bientôt  aifoiblis  &  à  la  un. 
étouffez,  s'ils  n'étoient  entretenus  &  fou^» 
tenus  par  la  Croyance  de  cette  troifiè- 
me  Propofition  ;  Ùite  ce  même  Dieu  qui  ejh 
aimable  v  e  v  T  être  aimé  :  ou  en  autres  ter- 
mes :  Qiie  les  mêmes  jeniinnns  d'muour  pour 

T  3  Diaih 


280  Bibliothèque  Britannique, 
Dieu ,  qui  fo7it  pojjibles  ,  raifonabks  &  juf- 
tes ,  font  encore  nécessaires  ou  effenîieb 
à  notre  bonheur  :  Que  Dieu  nous  en  fait  un 
D  L  V  o  I  R  ,  par  une  loi,  munie  de  promef- 
fes  ^  de  menaces  fouverainement  refpcàables , 
âf  que  fur  cette  Loi  il  prétend  nous  Juge  r. 
Mais  fi  pour  foutcnir  les  fentimens  de  l'a- 
mour de  Dieu  ,  cette  croyance  efl:  indif- 
pcnfabiement  requîfe  ,  elle  n'efl  pourtant 
pas  ruffifantc.  Il  n'y  a  point  d'homme  en 
Ibn  bon  lens  qui  aie  le  front  de  dire  que 
fcs  fentimens  d'amour  pour  Dieu  ,  dans 
le  combat  perpétuel  ou  ils  font  cxpofez, 
ne  foyenc  lujets  à  avoir  quelquefois  du 
deflbus.  Il  n'y  a  point  d'homme  ,  par 
confequent,  qui  ne  dût  fe  defefpérer  s'il 
croyoit  que  fur  ces  fentimens  Dieu  vou- 
lût le  juger  avec  la  deiTiière  rigueur.  Or 
le  defefpoir  eil  certainement  ce  qu'il  y  a 
de  moins  propre  à  fou:enir  l'amour  ou  à 
le  renouveler  :  Et  fi  notre  perfévérance 
dans  l'amour  de  Dieu  dépend  de  notre 
icfpecb  pour  fa  Volonté  ,  elle  ne  dépend 
certainem.ent  pas  moijjs  de  notre  Confian- 
ce en  fa  Mifcricord-è'r'  Elle  dépend  donc 
auln  de  la  croyance  de  cette  quatrième 
PropoiiLion  :  Que  ce  même  Dieu  qui  zcuî  nous 
juger  y  le  'veut  faire  a^vec  e'quitiî.'  ^  avtc 

In. DU  LGENCK. 

-.^tvï'el  doit  être  naturellement  &  nécefrai- 
"'^ï'Êment  le  Plan  général  de  toute  Théolo- 
gie dcftinée  à  bien  établir  des  Sentimens  vé- 

iitables  de  Religioa.    Anfu  norre  Phiiolb- 

T-îhc 


Juillet,  Août  et  Septemh.  1739.  2j?r 
phc  n'a  - 1  -  il  garcje  d'en  difconvenir.  Car  ■ 
quoiqu'il  n'articule  pas  nos  quatre  Propo- 
mions  dans  les  propres  termes  qui  vien- 
nent d'être  employez,  il  paroît  manifeflc- 
ment  les  reconnoître  pour  les  Véritez  fon- 
damentales de  toute  Religion  :  Témoin  cet 
endroit  de  fon  Livre  [pag.  344,  345.  ]  où 
parlant  des  Véritez  qui  fervent  de  fonde- 
ment au  Salut  du  Genre  humain,  il  en  fait 
occafionellement  une  petite  énumération 
qu'on. pcurroit  prefque  prendre  pour  le 
Précis  ou#pour  Je  Canevas  de  celle  que 
j'ai  donnée.  îl  y  fpécifie  d'abord  VExiften- 
ce  de  Dieu.  Il  indique  enfuitc  fes  Perfec- 
tions îiioraUs ,  fans  lerouelles  aPiUrémcnt 
nous  n'aurions  jamais  fidée  d'un  Dieu  ai- 
mable. Il  paffe  de  là  à  nos  Relations  avec 
Dieu,  ccnfi'déré  comme  un  Maître  qui  ex- 
erce fur  les  hommes  une  Jurifdiction  mo- 
rale :  ce  qui  revient  à  ce  que  j'ai  dit  de 
Dieu  confidéré  comme  notre  Juge.  Et  lî 
dans  cette  même  Enumération  il  ne  fait 
pas  mention  exprefTede  la  Miféricorde  avec 
laquelle  Dieu  doit  être  cenfé  exercer  fa 
Juiifdiction  pour  conferver  la  qualité  d'E- 
tre aimable  ,  ceft  indubitablement  parce- 
que  cette  Miféricorde  cft  comprife  car.s 
ce  qu'il  a  dit  en  termes  généraux  àt$  Pcr- 
ftclions  morales  de  Dieu  ,  au  nombre  des 
quelles  il  la  met  fi  bien  en  d'autres  en- 
droits ,  qu'on  ne  fauroit  foupçoner  qu'il 
ne  la  fuppofe  ici  comjme  une  des  Véritez 

T  _L  fonda- 


2^2  BiBLÏOTHF.QUE  BRITANNIQUE^ 

fondamentales  qui  fonc  néceiraireraenc  la 
matière  de  toute  Théologie  deftinéeabien 
établir  les  fentimcns  de  la  Religion.  Ne  pas 
leconnoître  la  Miférkorde  pour  imcPer/aàion 
effentielle  en  Dicti ,  ceji  éier  tout  fonde. nmt  rai- 
fonnable à VEj'pérance ^ àla  Confiance  que  nous 
devons  avoir  en  lui.  Ce  font  les  propres  cer- 
nics  de  i'Auceur  à  la;  page  212. 

Section    IV. 

ON  EST  donc  d'accord  avec  lifi  touchant 
ce  qui  doit  être  la  matière  de  fli  Théologie 
naturelle:  Réglons  en  peu  de  mots  quelle 
en  doit  être  la  forme.  Enfeigner  (imple- 
ment  les  quatre  Véritez  qui  ont  été  énon- 
cées, et  neferoit  que  les  offrir  à  la  Croyan- 
ce de  ceux  qui  ne  les  croyent  pas.  Ce  ne 
fcroit  pa:;  alTcz. 

Il  ne  s'agit  point  ici  d'une  Croyance  qui 
fuit  reflet  d'une  Opération  phyfique  par  la 
quelle  le  St.  Efprit  difpoferoit  un  homme  à 
croire  les  Véritez  falutaires  en  le  difpofant  à 
jes  aimer  allez  vivement  pour  les  recevoir 
fans  exsmen  &.  fans  conviciion  :  Car  Ibit  que 
notre  Théologien  Philofophe  admette  ou 
n'admette  pas  !a  polîibilité  d'une  pareille 
opération  ,  il  ne  doit  jamais  en  qualité  de 
Douleur  fe  repofer  fur  la  feule  poiTibilité 
d'un  fecours  qui  ne  dépend  pas  de  la  fonc- 
tion de  Dofteur.  Le  St.  Efprit  pourra  in- 
^irer  l'amour  des  Véritez  falutaires  à  un 

Caté- 


Juillet,  Août  et  Septei\tp.  1739.  283 
CatcchuiTène:  11  pourra  auiTi  ne  le  pas  in- 
l'pireràun  autre,  à  qui  cependant  il  faudra 
tâclier  de  les  taire  embraffer. 

il  ne  s'agir  pas  non  plus  ici  d'une  Croyance 
d  Endioufiafte,  qui  foie  tout  au  plus  l'Ou- 
vrage dun  heureux  FanatTme.  Un  hom- 
me qui  fur  la  fimple  parole  de  quelque 
Avanturier  croiroit  les  Véritez  fondamen- 
tales de  la  Religion,  &  qui  f.ir  une  innp'e 
propoficion  de  ce  n^.ême  Avanturier  ft:nti- 
roit  naître  en  lui  le  defir  de  plaire  à  Dieu , 
la  crainre  de  lui  dép'aire  :  un  tel  homir.e 
auroit  fans  douce  un'e  Croyance  &.  une  He- 
ligion  très-réelles  :  Enthoufiafme  tant  qu'on 
voudroit  :  l'effet  de  l'Enrhoufiafme  feroit 
toujours  très -réel,  &  rEnth.cufiafme  au- 
roit même  fon  mérite  :  J'en  conviens  : 
Mais  outre  qu'il  feroit  abfurde  à  un  Théo- 
logien,  quel  qu'il  fût ,  de  compter  fur  un 
Enthouflafme  inconnu  d'une  infinité  de 
gens  ,  fujct  à  fe  dilTrper  de  lui-même  ,  & 
perpétuellement  attaqué  par  des  Athées 
Philofophes  qui  demandent  de  la  Logique; 
cela  feroit  abfurde  furtout  dans  notre  Au- 
teur ,  qui  déclare  hautement  la  Guerre  à 
ces  Philofophes  &  qui  fe  vante  de  les  com- 
battre par  leurs  propres  armes  ;  qui  fe  pi- 
que plus  que  perfonne  dcphiîofophie:  qui 
du  titre  de  Plnlofophe  a  fait  en  quelque 
forte  fon  nom  propre  ;  qui  veut  que  les 
autres  foient  Philofophes  comme  lui  ;  6c 
qui  parle  fou\cnc  de  l'Enthoufiafine  avec 


mep  ns. 


T  T  II 


284 Bibliothèque  Britannique, 
Il  faut  de  toute  uéceflité  après  cela  ,  ou 
qu'il  n'exige  aucune  Croyance  de  Véritez 
fondamentales  de  la  Religion:  (ce  qui  n'efl 
pas  y  puifqu'il  prétend  être  honnête  hom- 
me &  mêine  Chrétien  :  )  ou  que  fous  peine 
de  faire  retomber  fur  lui  même  toute  la 
honte  &  tout  le  ridicule  dont  il  tâche  de 
couvrir  les  Enthoufiafles ,  il  n'exige  de  fes 
Difciplcs  qu'une  Croyance  raifonable  & 
philofophique,  il  ne  donne  pour  objet  à 
leur  Croyance  qu'une  Théologie  bien  prou- 
vée ,  dont  jcs  preuves  folides  &  concluan- 
tes ayent  droit  de  convaincre  des  Logi- 
ciens'rigides  ,  bien  réfolus  à  ne  fc  payer 
que  de  Démcnftraîions  :  bien  entendu  au 
reile  qu'ils  ne  pouderonr  pas  la  rigidité 
jafqu  à  ne  reconnoître  des  Démonilrations 
que  d'une  efpèce. 

Section    V. 

I'AFELLE  Dénionflr allons  y  en  géné- 
ral, toutes  les  Preuves  qui  conduifenc 
rÈfprit  aune  Certitude  fuffi faute  ^  pourvu- 
qu'elles  le  trouvent  attentif,  &  que  leur 
imprelTion  ne  foit  point  amortie  par  une 
Stupidité  naiurelle  qui  eft  aflez  rare ,  ou  par 
une  Stupidité  affeélée  qui  cil  un  peu  plus 
commune.  Or  comme  entre  gens  qui  ne 
chicanent  pas  on  reconnoît  plus  d'une  ef- 
pèce de  Certitude  fuffifante  à  laquelle  on 
peut  conduire  PEfprit  par  le  Raifonnement , 
il  faut  reconnoître  auiTî  de  bonne  ioi  qu'il 

V 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739-  285 
y  a  plus  d'une  efpèce  de  Raifonnement  dé- 
monftratif  ou  de  Démondration. 

Etre  tellement  affuré  d'une  chofe  , 
que  Ton  ne  puifle  pas  même  concevoir  le 
contraire  :  Voila  une  Certitude  qui  elt  faf- 
fifante  au  fouverain  degré  ,  puifqu'en  fait 
de  Certitude  l'on  ne  lauroit  rien  ibuhaiter 
au  delà. 

Cette  efpèce  de  Certitude  ,  dans  plu- 
fieurs  cas,  ne  dépend  point  des  Preuves: 
Et  dans  ceux  ou  elle  en  dépend,  les  Preu- 
ves ne  font  abfolument  de  mife  qu'autant 
qu'elles  font  de  l'Ordre  de  celles  qu'on 
nomme  DEMONSTRATIONS  par  excel- 
lence, Démonjiraîions  PARFAITES  »  com- 
me celles  qu'on  demande  dans  la  Géomé- 
trie pure  &  fimpie  &  dans  les  autres  Scien- 
ces abftraites  ou  métaphyfiques.  De  là 
vient  que  cette  forte  de  Certitude  eil  a- 
pelée  géométrique ,  mathématique  ,  ou  ME- 
TAPHYSlQ^uE,  entant  que  Métaphyfiqus 
veut  dire  abjirait  ou  idéal  :  Et  de  ià  vient 
encore  que  ces  mêmes  dénominations  s'em- 
ployenc  auiîi  lorfqu'on  veut  défigner  ûei 
Preuves  ou  des  Démonftrations  relatives 
à  une  pareille  Certitude.  Tout  le  Monde 
convient  que  pour  établir  une  Certitude 
métaphyCque  ,  il  n'y  a  de  fonds  à  faire 
que  .fur  des  Démonftrations  métaphyfi- 
ques,  ou  équivalentes  à  celles  de  la  Géo- 
métrie. 

Et  comme  les  Théologiens  Déïlles ,  fu- 


ets 


i585BlELlOTHE  QUE  BrITANNI  QUE, 

jets  à  tous  les  défauts  qu'ils  reprennent 
quelquefois  avec  tant  de  hauteur  dans  les 
autres  Théologiens,  paroiflentfouvent  ne 
leur  concéder  leurs  preuves  que   parce- 
qu'ils  n'y  voyent  pas  des  Démonftrations 
mécaphyfiqucs  ♦  ilfemble,  je  l'avoue,  que 
l'on  pourroit  allez  innocemment  ufer  de  re- 
prélailles  avec  ces  Meflieurs  ,  6i  leur  nier 
toute  leur  Théologie  naturelle,  les  main- 
tenir Athées  de  droit  ,   jufqu'à  ce  qu'ils 
•  euflent  prouvé  toutes  leurs  propofidons 
fhéologiqueiS  par  des  Démonflrations  mé- 
taphyTiques ,  auxquelles  on  ne  put  pas  ré- 
pliquer, conforaiémenr  à  leur  propre  Lo- 
gique ,   que  quoiqu'ils  établiiient  on  con- 
çoit  toujours  la  polTibilité  du  contraire. 
J'avouerai   même  que   de   fcmblables  re- 
préfailies  ,    dans  le  cours  de  la  difpute , 
peuvent  ^voir  leur   utilité.     îvîais  après- 
tout  il  feroit  ridicule  de  s'y  borner.     Que 
les  Deïîles  s'obfdnent  tant  qu'ils  voudront 
à  exiger  de  nous  des  Démonftrations  mé- 
taphyliques  ,  leur  exemple  à  cet  égard  ne 
méritera  jamais  d'être  imité.     Q^uiconque 
exige  en  tout  des  Démomlrations  méta- 
phyiiques   comme  le   fondement  unique 
d'une  Certitude  fufRfanre  ,   doit  fuppofer 
que  la  feule  Cirtitude  fullifante  c'efh  la  Cer- 
titude métapbyfique  :   Et  rien  n'eft  plus 
faux  que  cette  Suppofition. 


SL€' 


Juillet,  Ajjut  et  SErTEMc.  173p.  287 

Section    VI. 

Etre  tellement  allure  d'une  chofe,  qu'à-, 
moins  d'être  aduellerr.cnt  fou,  ou  ûiTez 
fantaique  pour  faire    féricufemenc  le  fou 
aux  dépens  de  la  Vérité  ,  l'on  ne  puifie 
révoquer  cette  chofe  en  doute,  quoiqu'à 
toute  rigueur  ,  ù.  métaphyfiqueinent  par- 
lant ,  on  puiffe  imaginer  \c  contraire  ians 
abfurdité:  Voila  manifeflement  une  Certi- 
tude qui  n'eft  point  métaphyfique,  &  qui 
par  cela  même  n'eft  point  futiifante  au  fou- 
verain  degré  ,   qui  n'eft  point  la  plus  fuf- 
iifante  donr  on  ait  l'idée:  mais  qui  malgré 
cela  efl  fuffifante  &  très-fuiîîfante  fans  con- 
tredit y   puifque  tout  ce  qu'elle  requiert 
pour  fubfifter  (  condition  également  re- 
quife  par  la  Certitude   métapliyfique  elle 
même  )  c'efl:  qu'on  ne  foie  aftuellement  ni 
fou ,  ni  afùz  fantafque  pour  faire  férieufè- 
ment  le  fou  aux  dépens  de  la  Vérité.     Mes 
Lettcurs  voudront  bien,  fans  doute,  que 
je  nomme  fufiifant  ,    tout   ce  qui  eit  tel 
parmi    les  gens  fages  ,    tant  qu'ils   n'onc 
pas  le   malheur  de  s'oubb'er  :    Et  notre 
Auteur  le  voudra  bien  à  fon  tour,    lui 
qui  s'efl  érigé  en  Sage  &  en  Philofophe  à 
titre   d'office.     Aumoin'^  y  confentira-t-il 
volontiers  en  cas  qu'il  fe   trouve  obligé 
d^avouer  qu'il  n'a  pas ,  au  fujet  de  fa  Théo- 
logie naturelle  ,  une  Certitude  métaphyfi- 
que.    Il  y  en  a  une  autre,  pourra-t-il  cîire 

alors  ^ 


283  BiELioTHE  QUE  Britannique  j 
alors,  qui  fans  être  métaphyfique  eft  fuf- 
filante. 

Or  cette  féconde  efpèce  de  Certitude  , 
ainfi  que  la  première,  n'a  pas  toujours  be- 
foin  d'être^  appuyée  fur    des  Démonflra- 
tions:  JMais  dans  les  cas  ou  elle  en  a  be- 
foin,  il  eil:  évident  qu'elle    ne    demande 
que  d€s  Démonftrations  qui  lui  convien- 
nent ,  ou  qui  foient  d'une  nature  corref- 
pondante    à  la  fienne.    Un   bon  Efprit , 
fans  fortir  de  fon  caractère  ,  pourra  bien 
dire,  Je  veux  des  Démonflrations  inêtapbyji- 
ques  ^  lorfqu'on^'lui  aura  propofé  pour  but 
de  fon  attention  la  Certitude  la  plus  fuf- 
fifante  qu'il  lui  foie   poffible  d'imaginer  : 
Mais  il  ne  le  dira  jamais  îorfqu'on  lui  aura 
limplement  propofé  pour  but  une  Certi- 
tude   fufîîfante    du   fécond    ordre.      Les 
moyetis    doivent  être  proportionez   à  la 
fin:  Et  s'il  y  a  réellement  une  Certitude 
qui  ne  foit  que  phyfique ,  ou  qui  fans  être 
métaphyfique  foit  îuffifante ,  il  faudra  né- 
ceilairement  que  les   Démonftrations  qui 
lui  font  propres  ,  foient  fuffifantes  comme 
elle. 

La  Certitude  rnétapbyjîque  confiile  à  con- 
noitre  certainement  les  chofes  entant  que 
pofîîbles  ou  impoflibles ,  (Se  entant  qu  el- 
les font  ou  doivent  être  néceflai rement;, 
d'une  nécefî^té  intrinfèque  <Sc  abfo^ue:  au 
lieu  que  le  Non-plus -ultra  de  la  Certitude 
PHYSIQUE  confifte  à  connoicre  les 

chofc^ 


Juillet",  Août  et  Séptemg.  1739.  2S9 
chofes  entant  qu'elles  font,  &  telles  qu'el- 
les doivent  être  en  confequence  de  ce 
qu'elles  font  ,  c'efl  à  dire  par  une  nécef- 
iité  relative  à  ce  qui  e(t ,  fans  examiner  fi 
ce  qui  eft  ne  pourroit  pas  ne  pas  être ,  ou 
s'il  eft  ce  qu'il  efl  par  une  néceflité  plus 
que  conditionelle  :  Mais  de  cette  différen- 
ce ,  qui  n'eft  que  du  plus  au  moins ,  un 
homme  fage  ne  conclura  jamais  qu'une 
Certitude  Amplement  phyfique  ,  ni  par 
conféquent  les  Dém.onftrations  qui  lui  font 
propres  ,  ne  foient  très  fuffiiantes ,  c'cfl  à 
dire  très-capables  de  fixer  un  Efprit  qui 
raifonne,  très-capables  de  le  tirer  raifo- 
nablement  de  l'mqulétudeoii  il  efl  tant 
qu'il  fiotte  entre  le  Pour  &  le  Contre 
d'une  Queftion. 

Notre  Auteur  mourra:  Ses  Admirateurs 
fnourront  :  Ses  Critiques  mouront  :  Nous 
avons  là  delTus  une  Certitude  qui  certai- 
nement eft  très-fuffifante.  Nous  le  fen- 
tons.  Elle  n'efl  pourtant  pas  métaphyfi- 
que.  Car  nous  concevons  tous  que  l'idée 
de  notre  Immortalité  n'eil  pas  une  idée 
contradidioire.  La  plus -part  vont  même 
jufqu'à  être  perfuadez  qu'il  y  a  eu  fur  la 
terre  ,  &  qu'il  y  aura  encore  ,  des  hom- 
mes immortels.  C'efl:  aumoins  ce  que 
croyent  tous  ceux  qui  admettant  d'une 
part  l'hiftoire  d'Enoc  &  d'Elie  dans  le 
iens  ordinaire,  refpeâ:ent  d'autre  part  la 
déclaration  de  St.  Paul  touchant  les  Per- 
fennes  que  l'avènement  de  Jefus-Chrifc 

trou- 


iSPD Bibliothèque  Britannique, 

trouvera  vivantes  *  :  Et  fi  plufieurs   ne 
refpcftent  ni  la  Déclaration  de  1  Apôtre, 
ni  rincerprétacion  commune  de  l'hiftoire 
d'^noc  Ci:  d'Elie,  ce   n'eil  point  du  tout 
que- l'idée  d'Homme  immortel  leur  paroif- 
fe    abfolumcnc    impliquer    contradidiion. 
Exiger  après  cela  que  fur   cette   propoli- 
tion  ,  Nous  mnurrons  tcus  ^    on  nous  don- 
nât des  Démonflracions  propres  à  établir 
une  Certitude    mécaphyfique  ,    ce   feroic 
manifeiicraent  exiger  l'impolTible.     Auiîi 
liivons  nous  nous  contenter   à  moins:  Ec 
quani  même  nous  ferions  obligez  de  re- 
conoître  que  (  comme  on  Ta  débité  )  un 
Abbé  Cartéfien  en   France  &  une  illudre 
PrincefTe     en    Allemagne     fe     flattoent 
férieufcment  de  l'Immortalité,  nous  n'en 
croirions  pas    mom^   que  la   Vérité    op- 
polee  à  leur  illufion    fe  démontre    d"une 
manière   très-ruffifante  pour  tout  Efprit 
raifonable,  par  une  Concluiion  légitime- 
ment tirée  de  la  loi  uniforme  iSi  confiante 
de  la  Nature  ,  :ans   le  fecours   d  une  Dé- 
mo'iliratio?i  à  limpojfible. 

Nous  prédifons  hardiment  qu'avant  ^a 
fin  de  Tannée  courante,  MDCCXXXIX, 
le  trentième  de  Décembre,  entre  huit  & 
dix  heures  du  matin,  il  y  aura  uneEclip- 
fe  de  So!eil.  Nous  n'en  avons  cependant 
ni  Certitude  méraphvfique  ,  ni  Démonllra- 
tion  purement  mathématique.  Car  l'Aflro- 

nomie 

*  I  Thejf,  IV.  15-17- 


Juillet,  Août  et  Septemô.  1739.  291 
nomie  qui  le  démontre,  n'apartient  point 
à  la  Mathématique  fîmple  :  Elle  ne  le  dé- 
montre qu'en  fuppofant  la  Continuation  du 
Cours  réglé  de  la  Nature  :  Et  la  Phyfique 
qui  par  fes  Expériences  démontre  quel  eft 
le  Cours  de  la  Nature,  n'en  garantit  point 
la  Continuation:  Elle  ne  démontre  point 
que  ridée  de  l'Interruption  de  ce  Cours 
foit  une  idée  contradidloire.  Ceux  qui 
s'en  reportent  à  l'Hifloire  Sainte  ,  vont 
communément  jufqu'à  admettre  des  exem- 
ples réels  d'une  pareille  interruption  :  & 
il  n'y  a  point  de  Philofophe  qui  n^en 
reconnoifle  aumoins  la  poffibilité  méta- 
phyfique.  Pourquoi  donc  parlons  nous  de 
cette  Eclipfe  avec  tant  d'aflurance  ?  C'efl 
que  nous  en  fommes  phyfiquement  afTu- 
rez,  &  qu'il  y  a  très  réellement  une  Cer- 
titude qui,  fans  être  métaphylîque,  nous 
fuffic  en  bonne  Philofophie  ,  quoiqu'en 
puifTe  dire,  avec  fon  ton  dogmatiquement 
douteux  ,  l'Opiniâtreté  pédantefque  d'un 
Pyrrhonifme  de  commande. 

Ces  exemples  ,  deftinez  à  rendre  fenfî- 
bie  la  réalité  d'une  Certitude  phyfique  à  la 
quelle  on  conduit  l'Efprit  par  des  Démon- 
ftrations  propres  à  cet  effet,  nous  font  voir 
en  même  tems  ce  que  c'efl  que  cette  fécon- 
de efpèce  de  Démonftrations.  Ce  font ,  en 
un  mot ,  des  Démonftrations  qui  fe  tirent  de 
la  conformité  exadte  de  la  chofe  propofée 
avec  le  Cours  réglé  de  la  Nature  entant 
Tom.  XIII   Part.  Il,        V  qu'il 


2p2  Bibliothèque  Britannique, 

qu'il  eft  connu  par  rExpérience.  Mais 
comme  il  ne  s'agit  dans  ces  exemples  que 
du  cours  réglé  de  la  Nature  dans  le  Mon- 
de matériel,  il  ne  fera  pas  inutile  d'ob fer- 
ver  que  la  même  efpèce  de  Démonftra- 
tioîis  fe  tire  également  du  Cours  réglé  de 
la  Nature  dans  le  Monde  intelleduel,  qui, 
tout  compofé  qu'il  eO:  d'Etres  libres  ,  a 
néanmoins  quelques  Loix  auflî  fixes ,  que 
celles  qui  déterminent  dans  le  Monde  ma- 
tériel de  retour  des  Eclipfes  ,  la  diflblu- 
tion  du  Corps  humain  ,  &  tels  autres 
Phénomènes.  Car  fans  rechercher  fi  la 
Senfibilité,  par  exemple,  fil'Am-Our  de  foi 
même  &  la  Préférence  du  Bien-être  au 
Mal-êcre  ,  ne  font  pas  des  loix  plus  né- 
cefiaires  &  plus  invariables  dans  le  Monde 
des  Efprits  que  la  Loi  de  la  Gravité  dans 
le  Monde  des  Corps  ;  on  conviendra  au- 
moins  que  ce  font  des  loix  aufiî  unifor- 
mes ,  auliï  univerfelles  ,  aufii  confi:antes , 
dont  on  pourra  tirer  des  conclufions  qui 
feront  auin  fures  &  démonflratives  de  la 
même  manière  que  les  conclufions  qui  fe 
tirent  de  la  Loi  ce  la  Gravité» 

La  Véracité  des  Témoignages  dans  un 
certain  concours  de  Circonilances ,  n'efl 
pas  une  chofe  métaphyfiquement  nécefiai- 
re.  Il  n'eft  pas  métaphyiiquement  impof- 
fible,  par  exemple,  que. des  Témoignages 
circonftanciez  comme  ceux  que  j'ai  de  i'ex- 
iftence  d'une  Vilie  de  Pékin  ,  foient  des 

Té' 


Juillet,  Août  et  Septemh.  1739.  293 

Tcmoignaf^es  faux  :    Je  ne  faurois  me  dé- 
montrer métaphyfiquemenf  cette  impor- 
fibilité  :   J'en  ai  cependant  une  telle  dé- 
monilration  dans  refprit  qu'il  ne  dépend 
point  de  moi  de  former  le  moindre  doute 
fur  ce  fujet  :  Et  cette  Démonfcration  com^ 
ment  faut  il  la  qualifier?  D'autres  la  riom- 
meront ,   s'ils  le  veulent,  Démonflratioa 
morals  i  ou  hifioriqiis ,    eu  juridique  :  Mais 
pour  conrcrver  à  mes  termes  un  fens  jufle 
&  précis ,  je  dois  la  nommer  ici  une  Dé- 
monjiration  PHYSIQUE,  puifque  je  la 
tire ,   ainfi  que  toutes  les  autres  Démon- 
(Irations  de  cette  féconde  efpèce  ,  de  l'ob- 
fervacion  du  cours  réglé  de  la  Nature  ,  ou 
je  trouve  par  expérience  le  Monde  intel- 
leduel  tellement  conftitué  que  les  Témoi- 
gnages circonftancicz  de  la  manière  indi- 
quée ibnt  &  doivent  être  conilammenc  lie?: 
avec  la  réalité  de  la  chofe  qu'ils  attcftenc. 
Soit  donc  qu'il  s'agilîe  du  Monde  des 
Corps  ou  du  Monde" des  Efprits  ,   il  y  a 
une  efpèce  deDémonftrationqui  fans  être 
métaphyfique  nous    fuffit  ,  parcequ'il  y  a 
des  Démonftrations  qui  ne  font  que  phy- 
fiques  (Se  qui  toutefois  font  fuffifantes.  On 
s'imagine  peut-être  que  cela  va  m.e  four- 
nir  des  reflexions  contre  notre  Théolo- 
gien Deïde.  Point  du  tout.  11  n'en  eft  pas 
encore  tems.    La  feule  reflexion  que  j'aye 
à  faire  ici ,  fera  en  fa  faveur  :  C'eil:  que  (1 
au  défaut  d'une  Certitude  métaphyfiaue  tou-. 
chant  les  Véricez  fonda^T^entales  de  iaReîi- 

V  2  gioa. 


294  Bibliothèque  Britannique, 
gion,  il  les  démontre  feulement  par  des 
Moyens  propres  à  faire  naître  une  Certi- 
tude p^^jTJ^we ,  fa  Théologie  naturelle  fera, 
comme  elle  doit  l'être ,  une  Théologie  bien 
prouvée. 

Section    VIL 

JE  DIS  PLUS.  Nous  aurons  lieu  d'ê- 
tre contensde  lui,  fi  au  défaut  d'une  Cer- 
titude ,  foit  métaphyfique,  foitphyfique, 
il  employé  feulement  des  Moyens  pro- 
pres à  faire  naître  une  Certitude  M  O- 
RALE. 

J'appelle  ainfi  la  Certitude  qui  confifte 
à  être  tellement  affuré  d'une -chofe  ,  qu'en- 
core qu'elle  ne  paroilTe  ni  métaphyfique- 
ment  ni  phyfiquemcnt  néceflaire,  &  que 
par  cela  môme  on  foit  maître  de  la  révo- 
quer en  doute  ou  de  fufpendre  fon  juge- 
ment fi  on  le  veut,  on  ne  le  puifi^e  pour- 
tant pas  fans  abufer  de  fa  liberté,  ou  fans 
pécher  plus  ou  moins  volontairement  con- 
tre des  maximes  de  Morale ,  toujours  ref- 
pedtées  comme  très-certaines    parmi   les 
gens  fages  &  prudens ,  mais  refpeclées  fur- 
tout  fi  avec  cela  ils  font  honnêtes  gens , 
&  pour  les  quelles  il  feroit    abfurde  de 
fuppofer  le  moindre  mépris  dans  un  Phi- 
lofophe  véritablement  honnête  homme  , 
tel  qu'-i^n  doit  l'être  félon  la  Raifon  aufiî 
bien  que  félon  notre  Auteur  qui  fe  don- 
ne lui  même  pour  tel.    Troiûême  &  der- 
nière 


II 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  295 
nière  efpèce  de  Certitude,  la  quelle  a  lieu 
toutes  les  fois  que  nous  tro\ivons  feule- 
ment une  grande  Waifemblance,  foitphy- 
fique  foit  morale  ,  dans  quelque  Propofi- 
tion  qui  nous  intérelle  plus  en  qualité 
d'Etres  moraux  qu'en  qualité  d'Etres  in- 
telljgens,  ou  qui  intéreffe  moins  en  nous 
la  fimple  Curioiité  que  les  Sentimens  & 
la  Conduite. 

Je  nomme  Vraifemblance  pbyjîque ,  la 
conformité  fenfible  de  la  choie  propofée 
avec  ce  qui  arrive,  non  pas  conftamment, 
mais  communément  dans  la  Nature  j  comme 
par  exemple,  de  mourir  avant  l'âge  de  cenc 
dix  ans:  d'arrêter  la  fièvre  par  le  Quin- 
quina :  de  voir  qu'un  homme  qui  eft  for- 
ti  de  chez  lui  fe  portant  bien ,  y  rentre 
en  vie  quelques  heures  après  :  de  gagner 
lorfqu'on  joue  avec  beaucoup  d'avantage; 
de  vaincre  lorfqu'on  efi:  plus  fort ,  plus 
habile  ,  plus  courageux  ,  plus  prudent  , 
&  mieux  fervi  que  fon  Ennemi  :  &c. 

Je  nomme  Vraifemblance  morale  cette 
forte  particulière  de  Vraifem.blance  phy- 
f  que  qui  réfulte  de  la  conformité  de  la 
chofe  propofée  avec  ce  que  font  commu- 
nément dans  la  Nature  les  Mœurs  ou  qua- 
litez  &  difpofitions  morales  des  Etres  mo- 
raux^ foit  de  tout  ordre  en  général,  foie 
de  quelque  ordre  fpécialement.  Les  jeu- 
nes-gens &  les  Viellards  ,  par  exemple  , 
font  communément  tels  qu'Horace  les  dé- 
peint dans  fon  Art  poétique:  Les  deux 
V  3  Se- 


29^BlBLT0THEQUE  BRITANNIQUE, 

Sexes  ont  communément  un  fort  panchant 
l'un  pour  l'autre  :  Les  Mères  onc  cmn- 
munémsnî  beaucoup  de  tendrefle  pour  leurs 
Enfans:  Les  Femmes  aiment  cov,imunément 
à  parler  &  à  être  flatées  :  Les  Grands  , 
de  même  que  les  femmes ,  font  commtiné- 
ment  prenables  par  la  flaterie  :  Les  Au- 
teurs qui  écrivent  par  goût  &  par  choix, 
font  commiinémmt  très  fenfiblcs  aux  lou- 
anges :  Les  Hifloriens  font  ccmmunément 
véridiques  lorfqu'ils  attellent  en  termes 
bien  formels  des  faits  de  notoriété  publi- 
que àovx  le  Public  &  eux  font  Juges  com- 
pétens,  &  fur  les  quels  ils  rifquent  vifî- 
blement  d'être  démentis  s'ils  ne  difent  la 
pure  vérité  :  Parmi  les  gens  intérelTez  à 
démentir  un  Hiftorien  menteur,  qui  font 
à  portée  de  le  démentir  avec  fuccès  ,  & 
qui  font  libres  de  le  faire ,  il  fe  trouve 
communément  quelcun  qui  profite  de  cette 
liberté  :  Etc.  Toute  Propofition  particu- 
lière ou  l'on  ne  verra  rien  que  de  confor- 
me ou  d'analogue  à  ces  obfervations  gé- 
nérales fur  les  Mœurs ,  fera  par  cela  mê- 
me revêtue  d'une  Vraifemblance  morale , 
dans  le  fens  précis  que  j'attache  ici  à  ce 
terme. 

Mais  que  la  Vraifemblance  foit  mora- 
le ,  ou  qu'elle  foit  phyfique  ,  elle  forme 
toujours  cette  Evidence  imparfaite  que 
Pon  a  coutume  de  défigner  fous  le  nom 
d'Evidence  morale:  par  cette  raifon  peut- 
être  3  que  ç'eft  particulièrement  dans  la 

con- 


Juillet,  Août  et  Septkmb.  1739.  297 
conlîdération  des  Mœurs  que  Vûn  fe  trou- 
ve réduit  à  une  Evidence  imparfaite,  les 
mœurs  dépendant  des  Caradères  perfo- 
ne]s  &  des  Circonûanees  ,  deux  chofes 
dont  le  fonds  eft  toujours  ou  prefque  tou- 
jours impénétrable  à  nos  regards  :  Peut- 
être  auffi  à  caufe  de  l'analogie  du  terme 
de  Morale  à  celui  de  Pratique ,  &  parce 
que  dans  les  délibérations  fur  des  afraires 
de  pratique  l'Efprit  ne  parvient  jamais  ou 
ne  parvient  que  rarement  à  des  conclu- 
ions parfaitement  évidentes.  Ilefldefaii^ 
cependant  que  nous  adhérons  tous  les 
jours  à  de  pareilles  conclurions  avec  une 
Certitude  qui  eft  affez  ferme  pour  fervir 
de  baze  aux  Sentimens  que  nous  devons 
avoir  ,  &  à  la  Conduite  que  nous  devons 
tenir. 

Nous  ne  trouvons  point ,  par  exemple, 
une  Evidence  parfaite  dans  cette  Propo- 
fîtion  :  La  "vie  de  tel  ou  tel  Enfant  n'a  au- 
cun attentat  à  craindre  de  la  part  de  fa  Mè- 
re. Nous  favons  qu'on  a  vu  des  Femmes 
qui,  m.ême  fans  être  des  Médées  &  fans 
être  pouflces  d'une  rage  famélique  dans 
un  tems  de  SïhgQ  ,  ont  égorgé  leurs  En- 
fans.  Tout  ce  qu'on  peut  dire  de  plus 
fort  en  faveur  de  la  Proportion  énoncée, 
c'eft  qu'on  n'y  découvre  rien  que  de  très- 
conforme  à  cette  obfervation  générale  : 
que  les  Mères  ont  c  o  m  m  u  n  e  m  e  n  t  beau- 
coup de  îendrejfs  pour  leurs  Enfans.  Cela 
ne  forme  qu'une  Evidence  imparfaite. 
V  4  Nous 


2p8  Bibliothèque  BritanhtquR, 

Nous  y  adhérons  néanmoins  avec  une 
Certitude  fi  fuffifante,  que  cette  Certitu- 
de une  fois  établie  ,  les  fentimens  &  la 
Conduite  qui  doivent  ]aruivre,la  fuivent 
infailliblement.  Nous  concevons  pour  cet- 
te Mère  les  fentimens  de  confiance  qu'el- 
le demande ,  &  nous  agiffons  en  confé- 
quence,  nous  lui  confions  la  Vie  de  fen 
Enfant. 

C'eft  là  un  Exemple  de  la  Certitude  que 
j'apelle  inorale  ^  &  que  j'apelle  ainfi  ,  non 
pas  parcequ'elle  fe  raporte  à  ce  qu'on 
apelle  Evidence  morale ,  car  il  y  a  mille 
cas  indifférens  où  elle  n'y  a  aucun  ra- 
port  :  non  pas  encore  parcequ'elle  oft 
deftinée  à  produire  des  effets  moraux  , 
car  il  y  a  mille  cas  ou  les  deux  autres  ef- 
pèces  de  Certitude  ont  cela  de  commun 
avec  elle:  mais  parcequ'elle  cft  elle  même 
VcWet  d'un  ade  moral  de  notre  Ame,  la 
quelle  n'adhère  parfaitement  à  une  Évi- 
dence imparfaite,  qu'en  vertu  de  fa  dif- 
pofition  morale  à  re.^pedler  certaines  ma- 
ximes de  Morale. 

La  Certitude  phyfique  ou  métaphyfïque 
efl  un  état  purement  paiTif  :  ou  fi  l'aQion 
de  l'ame  y  entre  pour  quelque  chofe,  ce 
n'eft  qu'entant  que  l'AmiC  fe  rend  attenti- 
ve &  fe  prête  par  là  ,  fe  difpofe,  s'afili- 
jettit  à  recevoir  l'impreflion  néceffairemenî: 
"déterminante  de  l'Évidence  parfaite.  î,a 
Certitude  7;2ora/5  efl  un  état  mixte:  moi- 
tié paflif,  moitié  aQif.  Il  eft  pafiîf  d'a- 
bord ; 


Juillet,  Août  et  sSeptemb.  1739.  259 

bordiil  commence  par  la  forte  imprcffion 
que  l'Ame  reçoit  lorfqu'elle  efl  frapée 
d'une  grande  V^raifembîance  ,  à  la  quelle 
elle  ne  peut  réfiiler  qu'avec  peine  ,  mais 
à  la  quelle  pourtant  elle  peut  réfiller  ,  & 
qui  par  conféquenc  n'a  pas  toute  feule  , 
comme  l'Evidence  parfaite,  une  force né- 
ceflluremenc  déterminante  ,  capable  de 
produire  dans  un  Efprit  attentif  ,  fans 
nul  aiitre  fecours,  ce  repos  afluré ,  cet 
acquiefcement  ferme  &  inébranlable ,  qui 
forme  Fétat  de  Certitude.  Cet  état  n'a 
pu  que  commencer  par  la  faculté  palîive 
de  l'Intellect.  Il  faut  que  fon  achève- 
ment ou  fa  perfection  vienne  de  la  faculté 
adive  de  la  Volonté.  C'ed  elle  qui  le 
fixe  ,  parcequ'elle  fent  qu'il  eft  de  fon  de- 
voir de  le  tixer.  Il  ne  fauroit  y  avoir 
aucune  prudence  ou  imprudence  ,  aucun 
mérite  ou  démérite  ,  aucune  bonté  ou 
méchanceté  ,  aucune  difpofition  morale- 
mejît  bonne  ou  mauvaife,  à  avoir  ou  n'a- 
voir pas  la  Certitude  (foit  phyfique,  foie 
plus  que  phyfique)  qui  eft  réifec  nécef- 
faire  d'une  'Evidence  parfaite.  AufTi  ne 
s'avife-t-on  pas  de  dire,  ni  qu'un  Phyfî- 
cien  ait  une  Certitude  morale  touchant 
cette  Propofition  :  Chaque  plante  a  fa  fe- 
mence  propre:  ni  qu'un  Métaphyficien  &un 
Géomètre  ayent  une  Certitude  morale 
touchant  ces  autres  Propoficions  :  Le 
tout  efl  plus  grand  que  fa  partie:  Les  qiiojnti- 

V  5  îe% 


300  Bibliothèque  Britannique, 

ïéz  égales  à  une  troifiême  font  égales  enîr^el- 
les:  Les  trois  angles  d'un  triangle  font  égaux 
à  deux  droits:  6cc.  Cefl;  que  partout  où 
il  y  a  Evidence  parfaite,  la  Certitude  eft 
néceflaire  ,  la  Volonté  n'y  peut  rien,  la 
Morale  par  conféquent  n*y  peut  rien  non 
plus.  Mais  pour  peu  qu'un  défaut  d'Evi- 
dence lai  (Te  quelque  chofe  à  faire  à  la 
Volonté  pour  perfedlioner  la  Certitude, 
pour  bannir  toute  crainte  ou  toute  efpé- 
rance  de  s'être  trompé ,  la  Certitude  ainû 
perfedlionée  ou  foutenue  par  Taftion  de 
la  Volonté ,  fera  par  cela  raêrne  très-con- 
venablement appelée  Certitude  morale  , 
puifquc  il  l'intervention  de  la  Volonté  y 
eit  req^nfe,  la  Morale  dès-lors,  en  qua- 
lité de  Diredrice  née  de  la  Volonté  ,  y 
peut  intervenir  avec  elle  pour  la  guider  ; 
h  que  non-feulement  elle  le  peut  ,  mais 
le  doit. 

Il  efl  vrai  que  la  Volonté  a  le  pouvoir 
d'agir  fans  la  Morale.  Elle  le  fait  toutes 
les  fois  qu'elle  fe  détermine  au  hazard  , 
par  la  feule  force  d'une  Liberté  d'indif- 
férence, c'eft- à-dire  en  bon  François  par 
un  pur  Caprice:  fi  tant  eft  qu'un  pur  Ca- 
price ,  ou  une  Volition  entièrement  arbi- 
traire &  indépendante ,  foit  une  réalité  : 
Queftion  qui  n'efl  peut-être  pas  fufcepti- 
ble  d'une  décifion  générale  :  Et  queftion , 
félon  moi,  qui  n'eft  pas  à  beaucoup  près 
auiïî  iraportame  qu'on  fe  l'imagine: Quef- 
tion 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  301 
tion  aumoins  dont  la  déciTion  n'eit  point 
importance  dans  cet  endroit:  Car  quelque 
parti  que  l'on  prenne,  il  faudra  toujours 
avouer  que  la  Volonté  peut  agir  fans  la 
Morale  entant  qu'elle  peut  agir  contreles 
Règles  que  la  Morale  lui  preicrit,  ou  par 
un  goût  vicieux  pour  des  Règles  faulles 
que  la  Morale  condamne,  &  qui  ne  fau- 
roient  être  apelées  Règles  ou  Maximes 
de  conduite  que  dans  un  fens  très-impro- 
pre. Mais  il  s'agit  ici  de  donner  à  une 
Certitude  naturellement  imparfaite  le  de- 
gré de  force  qui  lui  manque ,  ou  de  don- 
ner à  la  fermeté  qu'elle  a  naturellement  un 
appui  qui  la  rende  inébranlable:  Et  que 
fera-ce  qu'une  fermeté  apuyce,  foit  fur 
un  pur  Caprice  qui  eftla  mutabilité  même , 
foit  fur  un  panchant  vicieux  à  fuivre  de 
faufles  Maximes  ?  des  Maximes  qui  ne 
s'adoptent  jamais  que  comme  tout  ce  qui 
a  des  caractères  de  faufTeté,  je  veux  dire 
avec  une  fecrète  méfiance  ?  des  Maxim.es 
continuellement  fujettes  à  êcre  ébranlées 
par  la  Raifon  ,  &  qui  ne  tiennent  bon  con- 
tre elle  qu'à  la  faveur  d'une  Illufion  peu 
différente  d'un  Songe,  ou  à  l'aide  d'une 
Opiniâtreté  également  embaraffée  6c  par 
les  ténèbres  dont  elle  s'envelope  &  par 
les  lumières  éblouiffantes  qui  viennent  la 
furprendre  malgré  elle  au  milieu  de  ces 
ténèbres?  La  Certitude  morale, non  plus 
que  la  phyfique  ou  la  métaphyfique  ,  ne 
pgut   être  Certitude  qu'entant   qu'elle  a 

cette 


502  BiTîLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

cette  fermeté  vigoureufe  qui  eft  le  ca- 
ractère edenciel  de  toute  Certitude  digne 
du  nom  de  Certitude.  Or  il  n'y  a  que  la 
Vérité  qui  paiiTe  lui  afTurer  ce  Caractère; 
Et  autant  qu'il  leroit  ablurde  de  prétendre 
l'alFurer  à  la  Certitude  phyflque  ou  méta- 
phy tique  par  des  principes  de  Phyfique 
ou' de  Mécapl-jyiique  qui  feroient  faux ,  au- 
tant feroit  il  aDfurde  de  prétendre  l'aflu- 
rer  à  la  Certirude  morale  par  des  maxi- 
mes de  Morale  qui  feroient  fauOes,  c'efr- 
à-dire  qui  ne  feroient  pas  véritablement 
des  maximes  de  Morale  ,  ou  qui  ne  fe- 
roient que  les  Maximes  d'une  morale  fau^- 
fement  ainfi  nommée.  Rendons  la  choie 
fenfible. 

Soient  A  &  B  deux  Tuteurs  qui  par  leur 
vocation  fe  trouvent  également  intérelTez 
à  fixer  volontairement  la  Certitude  de 
leur  Efprit  fur  cette  Propofition  morale- 
ment évidente  ou  fimplement  revêtue 
d'une  grande  vraifem.hlance:  Qu*  la  Vie 
de  leur  Pupile  na  aucun  attentat  à  craindre 
de  la  part  de  fa  Mère  qui  deinande  quon  le 
lui  confie.  Ils  veulent  tous  deux  donner 
à  leur  Certitude  encore  imparfaite  le  de- 
gré de  force  qui  lui  manque.  Ils  l'entre- 
prennent tous  deux  ,  &  eiïayent  de  le 
faire.  Mais  le  Tuteur  A  ne  l'entreprend, 
ne  l'efTaye,  qu'en  vertu  de  quelques  Ma- 
ximes telles  que  celles-ci  :  ^  La  plus 
,,  courre  voye  d'expédier  les  affaires  efl: 
„  toujours  la  meilleure.    On  n'eilpasobli- 

j>  gé 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  303 
99  gé  d'y  regarder  de  li  près  lorfqa'il  s'a- 
„  gic  des  intérêts  d'autrui  :  Il  ne  faut 
„  point  tant  de  façons  pour  un  Enfant  : 
9,  Il  ne  faut  jamais  rifquer  de  fâcher  une 
„  Femme  par  fes  refus  ''.  Toutes  Maxi- 
mes faulTes  ,  que  la  véritable  Morale 
n'enfeigne  point ,  &  qu'elle  condamne. 
Le  Tuteur  B ,  au  contraire,  ne  fe  fonde 
que  fur  des  Maximes  vrayes  »  telles  que 
celles-ci  :  „  H  y  a  des  cas  où  il  faut  ,'  à 
9y  quelque  prix  que  ce  foit  ,  prendre  une 
„  réfolution  :  Quand  on  a  fait  tout  ce 
99  qu'on  pouvoic  pour  parvenir  à  la  plus 
99  grande  évidence  poiTible  touchant  ce  qui 
99  convient  le  mieux  dans  ces  fortes  de 
99  cas ,  il  ne  faut  plus  balancer ,  il  faut  fe 
99  mettre  l'efprit  en  repos,  bannir  le  dou- 
99  te  y  fe  livrer  aux  fentimens  que  le  cas 
99  exige,  arrêter  ce  qu'on  fera,  &  agir  en 
„  conféquence:  Il  ne  faut  pas  qu'un  Enfant 
,,  confié  à  nos  foins  foit  abandoné  fous  pré- 
„  texte  que  pour  lui  ailurer  fa  vie  nous 
99  courons  après  une  Evidence  parfaite  à 
„  la  quelle  il  efl  impofllble  que  nous  arri- 
99  vions  :  Il  faut  faire  pour  un  Enfant  con-« 
99  fié  à  nos  foins  ce  que  nous  pourrions  Ibu- 
„  haiter  qu'il  ei)t  fait  pour  nous  j  fi  nous 
„  eufilons  été  à  fa  place  (Se  lui  à  la  nôrre: 
„  Il  faut  avoir  des  égards  pour  une  Mère 
„  qui  n'en  paroîc  pas  indigne:  Il  faut  fa- 
„  voir  fe  fier  k  autrui ,  avoir  de  la  foi  , 
,,  croire  6l  efpéier,  n'être  point  foupço- 
99  neux ,  &c  *^    (Quelle  différence   entre 


304  Bibliothèque  Britannique, 

les  maximes  de  ces  deux  hommes  !  mais 
quelle  différence  auiïi  en:re  la  Certitude  de 
l'un  &  celle  de  l'autre.  Leur  Certitude 
dépendant  ici  de  leur  Volonté,  elle  ne 
peut  être  ferme  c:  inébranlable  qu'autant 
que  leur  Volonté  à  cet  égard  le  fera  elle 
même:  Cela  eft  évident.  Leur  Volonté 
à  cet  é^ard  ne  peut  être  inébranlable  en 
vertu  de  certaines  maximes  ou  raifons 
de  vouloir,  qu'autant  que  ces  Maximes 
feront  elles  mêmes  inébranlables:  Cela 
eft  évident  encore.  Ces  KLnxiraes  enfin 
ne  peuvent  être  inébranlables  qu'autant 
qu'elles  feront  vrayc;  :  Cela  n'eft  pas 
moins  évident  que  ce  qui  ^précède.  Or 
dans  rexem.ple  des  deux  Tuteurs  qu'a- 
vons nous?  D'un  côté  ,  des  maxim^es  fi 
fauffcS  que  par  la  m.oindre  reflexion  ou 
par  la  moindre  contradiftion  elles  feront 
ébranlées ,  pour  ne  pas  dire  renverfécs  : 
Et  de  l'autre ,  des  Maximes  fi  vrayes  que 
plus  elles  feront  mifes  à  l'épreuve  de  la 
Réflexion  ou  de  la  Contradiélion  ,  &  plus 
elles  fe  trouveront  inébranlables. 

Mais  en  voila  alTez,  ce  .me  fem.ble, 
pour  faire  voir ,  &  qu'il  y  a  une  Certitu- 
de iuriifante  qui  n'eil  ni  phyfiquc  ni  mé- 
taphvfique;  &  que  ce  qui  diftincfue  cette 
troiiieme  cfpèce  de  Certitude,  c'eîl  qu'au 
lieu  de  réfulter  néceflairement ,  &  fans- 
plus  ,  de  la  Férité  évidente  de  la  chofe 
propofée  ,  elle  refaite  conditioneTlement 
de  la  combinaifon  libre  que  nous  femmes 

m  or  a- 


Juillet,  Août  et  Sêptemb.  173c.  305 
moralement  obligez  de  faire ,  de  la  Frai- 
femblance  évidente  de  la  chofe  même  avec 
la  Vérité  évidente  de  quelques  Maximes 
de  Morale  relatives  à  l'importance  morale 
de  la  chofe,  ou  à  la  néceffité  morale  d'y 
adhérer.  C'eft  par  cette  raifon  que  toute 
Certitude  qui  n'efl  point  purement  fpé- 
culative  ou  qui  ne  vient  pas  de  pure  fpé- 
culation  ,  s'apelle  Certitude  7ncral2  :  Et 
c'eft  par  la  même  raifon,  pour  le  dire  en 
paiTant,  qu'on  l'apelle  auffi  quelquefois 
Certitude  d'adhéjion. 

On  peut  juger  à  préfent  par  la  nature 
de  la  Certitude  morale ,  de  quelle  nature 
doivent  être  les  preuves  deitinées  à  la 
faire  naître,  &  quels  font  les  Lieux  ou 
Topiques  propres  de  ce  qu'on  apcl^e 
une  DémonJb'Qtion  MORALE.  La  Certitude 
réfultant  ici  d'une  combinaifon  moralement 
néceflaire  de  la  Vraifemblance  évidente  de 
la  chofe  avec  la  Vérité  évidente  de  fon 
importance  morale,  la  Démon  llration  fera 
parfaite  dans  fon  genre,  fî  elle  prouve. 

En  premier  lieu;  Qjie  la  chofe  propo- 
fée  eft  évidemment  vraifcmblable: 

En  fécond  lieu:  Qu'elle  ell  évidemment 
importance: 

En  troiûème  lieu  :  Que  la  Combinai- 
fon de  ces  deux  Evidences  eft  moralement 
néceiTaire. 

Et  une  pareille  Démonftration  ,  encore 
une  fois,  fera  toujours  fufîiiante  entre 
honnêtes   gens,  fait    qu'il  s'agilTe   d'une 

Th'io- 


305  BlBLIOTHEQfJEBRITANNIQUE, 
Théologie  révélée  ,  foie  qu'il  s'agifTe  d'u- 
ne Théologie  purement  naturelle, comme 
le  doit  être  celle  de  notre  Auteur.     On 
aura  beau  dire  qu'il  difpute  quelquefois 
en  homme  qui  ne  fait  pas  grand  cas  des 
Démonftrations  de  cette  efpèce:  J'avoue- 
rai bien,  fi  l'on  veut,  que  cela  femble 
pouvoir   s'inférer  de  divers   endroits  de 
Ion  Livre,  &  particulièrement  de  tout  ce 
qu'il  dit  depuis  la  page  quatre-vingt  juf- 
qu'à  la  page   cent:  Mais  je   nierai  qu'en 
cela  il  doive  nous  fervir  de  Modelle.  Les 
Démonftiations  morales  ne  font  pas,   à 
la  véricé ,  les  Démonftrations  du  Philofo- 
phe  pur  Phyficien  ou  Métaphyficien  :  mais 
ce  font  celles  du    Philofophe  moral  ou 
du  Philofophe  honnête   homme.    Si  no- 
tre  Auteur  ,  après    s'être   chargé  du  ca- 
raQère  d'honnête  homme  ,   méprife  réel- 
Jemient  ces  Démonftrations,  f  chofe   que 
j'ai  peine  à  croire,)  c'elt  qu'il  a  mépri- 
fe &  démenti  fon   caraQère.     Ce  caractè- 
re n'en  méritoit  pas  moins  d'être  refpec- 
tc  &  foutenu  jufqu'au  bout:  Et  fuppofé 
qu'il  ne  nous  en  ait  pas  donné  l'exemple, 
c'efl  à  nous  à  le  lui  donner,  6c  à  recon- 
noître  franchement,   fans  de  malhonnê- 
tes chicanes,  que  de  bonnes  Démonftra- 
tions morales  font  de  bonnes  Démonftra- 
tions :  dût  cet  aveu  en  entraîner  un  au- 
tre en  faveur  de  fa  Théologie  purement 
naturelle.     Qu'il  choififie  entre  les  trois 
efpèces    de    Démonftrations    fuffifantes: 

Quil 


I 


Juillet,  Août  et  Septemb.  173p.  30;^ 
Qu'il  fe  borne  à  une  :  Qu'il  les  réunifTc  tou- 
tes  :  Qu'il  ]es  mêle  à  fon  gré.  Hanc  veniam 
petimiijqiie  damufque  viciffim,  Démonftra' 
tions  métaphyfiques ,  Démonftrations  phy- 
fîques ,  Démonllrations  morales ,  tout  fera 
bon,pourvuque  ce  foie  véritablement  des 
Démonltrations ,  &  les  Démonftrations  d'u- 
ne Théologie  purement  naturelle.  C'efl 
ce  qui  demande  encore  deux  mots  d'ex- 
plication. 

Section    VIII. 

ON  PEUT  entendre  par  Ti&eo^e NA- 
TURELLE, ou  une  Théologie  fimple^ 
ment  diftindle  de  celle  qu'on  nomme 
REVELE'E,  ou  une  Théologie  qui  en 
foit  différente,  féparée,  &  tout-à-fait  in- 
dépendante. 

II  y  a  une  Théologie  naturelle  que  peu- 
vent admettre  fans  peine,  &  que  doivent 
même  admettre  avec  plaifir,  les  Partifans 
les  plus  zèlez  de  la  Néceflité  d'une  Ré- 
vélation. C'efl:  celle  qui  fe  borne  à  prou- 
ver par  le  moyen  d'une  Science  naturel- 
le ou  non-révélee ,  la  Poflibilité  &  la  Pro- 
babilité des  Faits  ou  des  Propofi- 
tions  dont  la  Croyance  e(t  le  fondement 
commun  de  toute  Religion:  Leur  Pojffîbi- 
litéy  en  faifant  voir  par  la  nature  des  cho- 
fes  propofées  qu'elles  n'ont  rien  d'abfur- 
de,  de  contradiftoire,  d'impolTible  :  Leur 
Frobabilité  ^  en  leur  donnant  cette  premiè- 

Toms  XUl    Fart.  IL        X  re 


goSBiBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

re  lueur  de  Vraifemblance,  qui  naît  de 
tout  ce  qu'on  apelle  Images ,  Comparai- 
fons ,  Conjedlures  ,  Hypothèfes.  Mais 
comme  une  pareille  Théologie  ne  déci- 
de contre  les  Athées  que  fous  l'autorité 
de  la  Révélation  ,  ou  ne  décide  point 
contre  eux  entant  que  PUREMENT 
naturelle,  il  eft  manifefte  que  ce  n'efl: 
point  d'elle  qu'il  s'agit  ici,  puifqu'il  s'a- 
git (  ainli  qu'on  l'a  vu  )  de  bien  prouver  ou 
de  prouver  d'une  manière  déinonjlrative  & 
propre  à  produire  une  Certitude  fuffifante , 
non  pas  la  limple  poffibilité  ni  la  fimple 
probabilité  des  chofes ,  mais  leur  Vérité 
ou  tout  au  moins  leur  grande  Vraifem- 
blance. Cette  même  Théologie  étant 
toujours  attachée  à  la  Révélation  ,  foit 
pour  lui  prêter  du  fecours ,  foit  pour  lui 
en  demander,  le  titre  de  Théologie  PU- 
REMENT naturelle  ne  fauroit  jamais 
bien  lui  convenir. 

Celle  qui  mérite  ce  titre  (  s'il  y  en  a 
une  )  c'eft  celle  que  les  Partifans  de  la  Né- 
ceffité  d'une  Révélation  ne  fauroient  ad- 
mettre fans  renoncer  à  leurs  principes. 
C'eft  celle  qui  indépendamment  de  toute 
Révélation  ou  Infiruclion  divine  ,  prouve- 
ra les  quatre  Propofitions  fondamentale- 
ment néceilaires  à  la  Religion,  par  des 
Démonflratîons  où  il  n'entre  rien  qui  ne 
foit  tiré  d'une  fcience  purem.ent  humaine: 
Tien  qui  ne  foit  évident  ou  démontré 
pour  d^s  Philofophes  qui  n'auroient  au- 
cune 


Juillet,  Août  et  Septemb.  i?39.  30^ 
cune  idée  d'une  Révélation  :  rien  qui  pour 
être  admis ,  exige  la  moindre  déférence 
pour  l'autorité  de  qui  que  ce  foit:  rien 
par  conféquent  qui  ne  puifTe  être  nié  en 
bonne  Logique  &  fans  fcandale  par  un 
Chrétien  même  >  û  on  ne  le  confîdère 
que  comme  Juge  de  la  Difpute,  &  s'il 
trouve  que  la  Connoiflance  ou  la  Certi- 
tude de  ce  que  le  Déïile  voudra  faire  ad- 
mettre à  TAthée  ,  dépende  diredemenc 
ou  indiredlement  d'une  Révélation,  c'eft- 
à-dire  d'une  Parole  de  Dieu,  ou  de  quel- 
que Déclaration  verbale  de  fa  part ,  tranf- 
mife  jufqu'à  nous  par  la  Tradition ,  foie 
orale,  foit  écrite. 

Une  Théologie  qui  fe  fonde  fur  la  Ré- 
vélation, peut  fort  bien,  fans  fe  contre- 
dire ,  exiger  à  certains  égards  une  Croyan- 
ce implicite,  un  acquiefcement  ou  obéif- 
fance  de  foi,  &  cela  de  la  part  des  Savans 
non  moins  que  de  la  part  du  Peuple.  Une 
Théologie  qui  veut  être  indépendante  de 
toute  Révélation  proprement  ainfi  nom- 
mée, ne  peut  exiger  une  Croyance  im- 
plicite en  rien  ni  de  la  part  de  qui  que 
ce  foit.  La  première  a  droit  de  montrer 
les  chofes  dans  leur  Repréfentation  telle 
que  nous  l'offre  un  Témoignage  plus  qu'hu- 
main ,  &  dans  la  Copie  de  cette  re- 
préfentation,  telle  que  nous  roflTc  lai 
Tradition  orale  ou  écrite.  La  féconde 
efl  obligée  de  nous  montrer  les  chofes , 
non  dans  une  repréienratlon  quelconque  , 

%  2  mais 


310 Bibliothèque  Britannique, 

mais  en  elles  mêmes.  C'efl  là  propre- 
ment ce  qui  la  caradiérife ,  ce  qui  déter- 
mine quelle  doit  être  la  forme  d'une 
Théologie  purement  naturelle.  Enco- 
re pourroit  on  dire  que  ce  n'eft  pas 
tout. 

SectionIX. 

LES  Théologiens penfent généralement 
que  pour  être  bien  prouvées  les  Véritez 
théologiques  n'ont  pas  befoin  de  l'être  par 
des  Démonftrations  fi  faciles  ou  tellement 
à  la  portée  de  tout  le  Monde,. que  la 
Perfonne  la  moins  lettrée,  la  moins  faite 
à  l'étude,  foit  capable  de  les  aprofondir 
fans  peine,  ou  de  faifir  d'abord,  moyen- 
nant quelque  attention,  tout  ce  qu'elles 
ont  de  folide  &  de  concluant.  Ils  pen- 
fent qu'un  fentiment  confus  de  la  force 
des  démonftrations  peut  fuffire  en  cas  de 
néceiïité  :  (Se  que  la  Croyance  aumoins 
du  Peuple  ou  de  la  Multitude,  qui  eft 
communément  dans  ce  cas,  peut  paffer 
pour  très-raifonable  quoiqu'elle  admette 
bien  des  chofes  implicitement  fur  la  foi 
des  Savans  qui  ont  approfondi  les  matiè- 
res. Si  les  Théologiens  Chrétiens  ne  s'en 
tiennent  pas  tous  aux  mêmes  termes  fur 
la  nécefllté  de  fe  contenter  d'une  Croyan- 
ce implicite,  ils  ne  laiflent  pas  de  s'ac- 
corder dans  le  fonds,  ou  la  différence 
entr'eux  à    cet  égard  n'eft  que  du  plus 

au 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  311 
au  moins.  Mais  toute  Croyance  implici- 
te, fi  j'ai  bien  compris  mon  Auteur,  efl 
précifément  ce  qu'il  nomme  une  Croyan- 
ce méchanique  o\x  artificielle  :  Sur  quoi  l'on 
peut  confulter  fon  Livre  aux  pages  432 , 
433,   &   conférer    les  pages   416,  417, 

41B. 

Or  cette  exprefllon  que  dit  elle?  Si 
nous  ne  la  confidérions  qu'en  elle  même , 
elle  feroit  fufceptible,  fans  doute,  d'un 
fens  très-favorable.  Une  Croyance  natu- 
relle ,  qui  embrafTe  naturellement  tout  le 
détail  des  Preuves  de  la  Théologie  ,  en 
vertu  d'une  connoiflance  claire*&  diftinc- 
te  de  tout  ce  détail ,  ou  en  vertu  de  la 
néceffité  naturelle  qu'il  y  a  à  admettre 
comme  vrai  tout  ce  que  l'on  connoît  clai- 
rement &diflin6tement;  une  telle  Croyan- 
ce eil  préférable ,  fans  contredit,  à  une 
Croyance  artificielle,  qui  ne  pouvant  pas 
embralTer  tout  ce  détail  naturellement, 
en  embraflTe  une  partie  par  une  efpèce 
diArtow  de  Méchanifme,  le  quel  ne  vienE 
au  fecours  de  la  Nature  que  lorfque  la 
Nature  n'efl:  pas  alTez  parfaite.  Mais  de 
ce  que  la  Croyance  naturelle  efl  préféra- 
ble à  l'artificieile,  il  ne  s'enfuit  nullement 
que  la  première  doive  exclure  toujours 
la  féconde,  ni  que  celle  ci  foit  toujours 
vicieufe  ou  déraifonable.  Car  en  fait 
de  Religion,  comme  de  toute  autre  chô- 
fe ,  la  Nature  elle  même  nous  fournit 
des  raifons  en  faveur  de  l'Art:  la  Nature 

X  3  elle 


3Î2  Bibliothèque  Britannique, 

elle  même  nous  Tenfeigne  &  nous  invite 
à  le  mettre  en  ufage  :  la  Nature  elle  mê- 
me nous  en  préfente  les  matériaux:  Et 
qu'eft  ce  que  l'Art,  ap^-ès-tout,  fi-non  la 
Nature  elle  même  habilement  employée? 
Ne  nous  imaginons  donc  pas  que  Croyan- 
ce artificielle  (bit  abfolument  une  injure: 
Mais  remarquons  bien  que  c'en  efl  une 
dans  le  ûile  de  notre  Auteur.  Il  ne  par- 
le d'une  Croyance  artificielle  que  comme 
d'une  Difpofition  ridicule,  mcprifable  & 
pernicieufè.  Il  ne  l'attribue  aux  Difciples 
des  Théologiens  ordinaires  que  pour  leur 
en  faire  îionte  ,  &  comme  pour  nous 
infpirer  des  fentimens  de  révolte  contre 
îios  Dccleurs ,  contre  nos  Prêtres,  Arti- 
fans  artificieux  de  cette  Croyance  arti- 
ficielle ou  implicite  qui  nous  fera  toujours 
cécellaire  tant  que  nous  recevrons  d'eux 
des  Syftêmes  de  Théologie  pleins  de 
Preuves  qu'il  faut  favoir  prendre  pour 
bonnes  fans  en  connoître  le  fonds.  Si 
aprts  cela  il  s'avifoit  de  ne  nous  donner 
à  fon  tour  qu'une  Théologie  dont  les 
preuves,  trop  compliquées  ou  trop  diffi- 
ciles pour  le  commun  des  Efprits,  les 
réduififlent  de  nouveau,  ou  à  n'avoir  au- 
cune Croyance,  ou  à  croire  quelque  cho- 
fe  implicitement,  la  contradiction  feroic 
fi  grofTière  qu'il  n'y  auroit  perfone  qui 
ne  dût  être  tenté  de  lui  dire  :  Ou  vous 
vous  oubliez  bien  étrangement  mus  même,  ou 
'VOUS  z'ous  mcquez  du  Monde  bien  hardiment, 

II 


Juillet  ,  Août  et  Septemb.  1739.  313 
Il  a  trop  d'efprit  pour  n'avoir  pas 
preflenti  cela.  Aufîî  a-t-il  tâché  de  le 
prévenir.  Aumoins  nous  donne-t-il  afîez 
a  entendre  que  les  preuves  de  fa  Théolo- 
gie feront  exemptes  de  toute  difficulté: 
que  ce  fera  la  clarté  &  la  fimplicité  mê- 
me. Les  Principes  de  cette  divine  SageJJe  ou 
Science  y  dit-il,  ne  font  point  de  nature  à  de- 
voir être  cherchez  loin  de  nous,  ils  ne  font 
point  abjîrus,  ils  ne  font  point  du  tout 
DIFFICILES,  ils  font  diL  niveau  de  ce  de- 
gré d'intelligence  qui  ejt  le  partage  du  Genre 
humain  en  général  :  âf  réîude  de  cette  Scien- 
ce n^exige  aifolument  autre  chofe  des  hommes 
qu'une  attention  defint^rejjée  à  ce  qui  leur  fe- 
ra diàé  par  leur  propre  Raifon.  C*eft  ainli 
que  l'Auteur  lui  même  s'en  explique,  à 
la  page  418.  A  quoi  l'on  peut  raporter 
ce  qu'il  avance  aux  pages  94,  &  442: 
d'OLi  il  fera  impoffible  de  ne  pas  conclur- 
re,  que  de  fon  aveu,  fa  Théologie  doit 
être  toute  fondée  fur  des  preuves  iî  faci- 
les &  fi  proportionées  à  la  capacité  de 
tout  le  Monde ,  que  perfonne  ne  puiffe  entre- 
prendre de  la  corrompre  ou  de  V altérer ,  fans 
que  Vimpojiure  fe  découTjre  d'abord  par  le 
Sens-commun, par  cette  Raifon  qui  eft  commu- 
ne à  tous  les  hommes,  11  faut  en  un  mot 
que  fa  Théologie  foit  naturelle ,  entant  que 
Naturel  fignifîe  ce  qui  eft  aifé,  (impie, 
dégagé  de  tout  embarras.  Le  Théolo- 
gien chargé  des  armes  ordinaires  de  la 
Théologie,  eft  un  Soldat  armé  péfam- 

X  4  mène» 


314  Bibliothèque  Britannique, 
ment.  Le  Théologien  écjuippé  par  notre 
Philofophe  fera  un  Soldat  armé  à  la  lé- 
gère. Lèvis  armaturœ  Miles.  J'avoue  qu'il 
infinue  quelquefois  le  contran-e,  puifqu'à 
la  page  417,  &  à  la  page  433,  il  repré- 
fence  la  Croyance  implicite  ou  la  Théo- 
logie ordinaire  comme  la  plus  commode, 
&  fa  Croyance  ou  fa  Théologie  naturel- 
le comme  celle  qui  donne  le  plus  d'exer- 
cice à  TEfprit:  Mais  foit  qu'alors  il  par- 
le tout  de  bon  ou  prétende  feulement 
faire  le  Railleur,  &  foit  qu'il  ait  voulu 
dire  ce  que  fes  paroles  femblent  lignifier 
ou  qu'il  ait  eu  quelque  autre  chofe  en 
vue;  fes  infinuations  dans  ces  deux  en- 
droits ne  fauroient  renverfer  ce  que  dans 
les  autres  paflages  citez  il  écablit  en  ter- 
mes fi  forts,  au  fujet  de  l'extrême  fim- 
plicité  ou  facilité  qui  doit  erre  un  des  ca- 
ladères  difi;inftifs  de  fa  Théologie;  Et 
en  vérité  il  auroit  mauvaife  grâce  de  s'en 
dédire. 

Quand  les  Partifans  de  la  Révélation 
nous  difent  :  Un  Dieu  a  parlé  ^  Von  a  en- 
tendu les  Jons  articulez  de  fci  'voix  :  //  a  opé- 
ré des  miracles  (j"  on  les  a  'vus ce  feul 

énoncé  a  quelque  chofe  de  fi  engageant 
&  de  fi  refpeftable,  que  quelques  efforts 
d'attention  qu'il  puifiTe  m'en  coûter  peur 
approfondir  un  fait  de  cette  Nature, 
pour  en  connoître  le  détail,  &  pour  m'en 
afiTurer ,  je  ne  m'imaginerai  jamais  pou- 
voir acheter  ce  plaifir  par  de  trop  grands 

ef- 


Juillet,  Août  et  Sf.pte^td,  1739.  315 
efforts  d'attention ,  ne  fufTé-je  qu'un  pau- 
vre Laboureur.  Mais  quand  un  homme 
qui  fe  moque  de  toute  Révélation  pro- 
prement ainfi  nommée ,  ou  qui  du  moins 
fait  profeflion  de  ne  s'en  point  embaraf^ 
fer,  viendra  dire  à  un  Peuple  que  je  fup- 
pofe  fans  Religion:  Ecoutez:  J^ai  deviné 
qu'il  y  a  un  Dieu  :  J^ai  déxiné  ce  qu'il  penfe 
de  nous:  jf^ai  deviné  que  ce  Dieu^  qui  na 
jamais  rien  dit  aux  bovimes ,  qui  n'a  jamais 
daigné  fe  montrer  à  eux  ,  quoique  ce  fût  pour 
lui  la  chofe  du  Monde  la  plus  facile ,  a  cepen- 
dant de  grands  dcffeins  Jur  eux  :  J'ai  deviné 
que  malgré  l'infinie  di/proportion  que  je  dois 
I  Joupçonner  entre  fa  Nature  ^  la  nôtre ,  il 
sHntéreffe  à  nos  penfées ,  à  nos  aSlions  ,  à  nos 
fentimens  ,  comme  fi  nous  étions  prefque  fes 
Egaux  :  J'ai  deviné  exaàejnent  ce  qu'il  exi- 
ge de  nous  6f  ce  qu'il  nous  deJUne:  J'ai  de- 
viné tout  cela ,  àf  7^  veux  vous  prouver  que 

j'ai  bien  deviné ,  infailliblement  deviné 

Quelque  attention  que  ce  difcours  méri- 
te,  j]  n'y  aura  perîonne  qui  ne  foit  en 
droit  de  dire  au  Difcoureur:  ,,  Que  vos 
,,  raifonnemens  foient  donc  bien  courts, 
,,  que  tout  y  foit  bien  clair  &  bien  net, 
„  bien  limple  &  bien  familier.  Nous 
„  avons  nos  affaires.  Nous  ne  femmes 
i9  point  obligez  de  nous  fatiguer  à  vous 
„  fuivre,  fur  votre  parole,  dans  un  Dif- 
„  cours  dont  le  fujet  femble  annoncer  des 
„  Méditations  trop  valies  &  trop  fubli- 
o  mes  pour  l'Efprit  humain.  S'il  y  a 
X  5  ,,  réel- 


3I(5BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

„  réellement  un  Dieu  ,  &:  que  comme 
„  vous  le  fuppofez ,  il  n'ait  jamais  rien 
,5  dit  aux  hommes  de  tout  ce  que  vous 
„  prétendez  avoir  deviné ,  c'efl  aflurément, 
„  ou  parcequ'il  nous  difpenfe  bien  vo- 
5^  lontiers  de  le  favoir,  ou  parceque  nous 
,,  fommes  capables  de  nous  en  inftruire 
„  nous  mêmes  très-facilement.  Ou  dif- 
„  penfez  nous  à  votre  tour  de  Taprendre  : 
,,  ou  montrez  nous  en  peu  de  paroles  par 
„  la  Simplicité  de  vos  preuves ,  par  leur 
,,  FACILITE',  que  c'eft  uniquement 
„  notre  faute  fi  nous  n'avons  pas  deviné 
s,  comme  vous.  ^< 

J'avoue  au  refte  que  cette  condition 
n'eil  véritablement  néceflaire  que  d'une 
néceffîté  relative  à  la  Multitude  ,  ou  rela- 
tive pour  le  plus  à  ceux  d'entre  les  Savans 
comme  d'entre  le  Peuple ,  qui  veulent 
fe  prévaloir  de  la  liberté  qu'ils  ont  très 
légitimement  de  ne  fe  point  embarafler 
de^s  méditations  abftrufes  des  Philofophes  : 
&  que  cette  même  condition  n'étant  point 
néceflaire  pour  les  Efprits  qui  fe  plaifent 
à  de  femblables  Méditations  &  qui  en 
font  capables,  il  y  aura  aumoins  par  ra- 
port  à  eux  une  jThéologie  purement  na- 
turelle, fi  de  quelque  manière  que  cefoit, 
il  y  en  a  une  parmi  les  hommes  qui  ait 
été  démontrée.  Mais  une  pareille  Théo- 
logie oli  eft  elle  ?  Efl  elle  dans  le  Livre 
de  notre  Auteur  ?  C'eft  là  la  grande  Quef- 
eion.    Tout    ce  que  j'ai  dit  jufqu'à  pré- 

fent 


Juillet,  Août  et  Septemb,  1739.  317 
fent  n'a  été  que  pour  l'éclaircir.  Ce  qui 
fuit  fervira  peut-être  à  la  décider-,  6c 
pourra  fervir  du  moins  à  en  préparer  en- 
•  core  mieux  la  décilîon. 

Section    X, 

NOTRE  Auteur  a  eu  Téquité  C  car  je 
ne  veux-  pas  dire  l'inadvertence  )  de  met- 
tre dans  la  bouche  de  Tlnterlocuteur  Théo- 
pbane ,  Partifan  de  la  Théologie  révélée , 
une  Réflexion  à  la  quelle  il  efl  vrai  que 
•ni  Théophane  lui  même,  ni  fon  Antago- 
nifte  Philalètbe ,  ne   paroiflent   pas  fa'ire 
grande  attention;  mais  qui  mérftoit  bien 
cependant  de  n'être  point  négligée,  &  qui 
efl  efTentielle ,  ce  me  femble ,  dans  l'exa- 
men de  la    (^ueflion   qui    nous  occupe. 
Cette  Réflexion  eft,  qu'il  y  a  deux  fortes 
de  Véritez:  des  Véritez  naturelles  &  des 
Véritez  pofitives:   ou  en  autres    termes 
des  Véritez  de   Droit  &  des  Véritez  de 
Fait  :  *  ou  en  autres  termes  encore ,  qui 
feront  peut-être    mieux   comprendre   la 
penfée  de  Théophane,   des  Véritez  fpé- 
culaîives  &   des  Véritez  bijloriques:  Deux 
fortes  de  Véritez  qui  ne  doivent  point 
être  confondues,   &    dont  la  Croyance 
ou  la  Perfuafion  s'acquiert  de  deux  ma- 
nières différentes  :  la  Croyance  ou  la  per- 

fua- 

*  Natural  and  pofitii'e   Trutb  ^    or  Tmîh   in 
Renjon ,  and  Trutb  in  Fa^.  p.  344. 


3r8BinLioTHEQUE  Britannique, 

fuafion  des  premières  ne  dépendant  né- 
cefTairement  que  de   l'atrenrion  de  notre 
Efprit  à  l'évidence  ou  à  la  démonflracion 
des  chofes  mêmes:  (Se  celle  des  fécondes 
dépendant   nécefîairement  du  Témoigna- 
ge,  foit  dired  ou  indiredt,  de  quelcun 
qui  nous  les  annonce  ,    qui  nous  les  dé- 
clare ,  qui  nous  les  révèle,  qui  nous  les 
communique  di  »eâ:ement  ou  indirectement 
par  le  moyen  de  la  Parole.   Les  premiè- 
res peuvent  bien  nous  être  communiquées 
par  le  même  moyen,  mais  elles  n'en  dé- 
pendent pas,  ce  elies  ont  toujours  ceci  de 
propre  qu'elle^^  font  de  nature  à  pouvoir 
être  connues  fans  ce  fecours ,   à  pouvoir 
être  devinées,  à  pouvoir  être  découver- 
tes par  le  moyen  de  la   Spéculation  :  & 
c'eft    pourquoi  je    les   apelle    des   Véri- 
tez  Spéculatives:  Au  lieu  que  les  fécondes 
nous  demeureroient  éternellement  incon- 
nues ,  ou    ne    nous  feroient  jamais  con- 
nues avec  certitude,  fi  perfonne  ne  nous 
en  difoit  jamais  rien,   tellement  qu'elles 
font   de  la    même  nature    que  toutes  les 
Véritez  de  fait  que  l'on  ç:?i  réduit  à  apren- 
dre  par  l'hidoire:  &  c'eft  pourquoi  je  les 
apelle  des  Véritez  biflcriques.  Telles  font , 
par  exemple,  toures  les  Véritez  qui  ré- 
pondent  à  certaines  queftions  perfonel- 
les,  comme  lorfque  je  demande  à  quel- 
cun ce   qu'il  penfe?  quels  font  fes  pro- 
jets? quel  intérêt  il  prend  en   ce  qui  me 
regarde?   quel  cft  fon   fecret?  Tout  ce 

qu'il 


Juillet,  Août  et  Séptemb.  1739.  319 

qu'il  répondra  de  vrai  à  ces  queflions  fera 
une  Vérité  de  fait,  une  Vérité  hiftorique. 
Ses  réponfes  feront  Phiftoire  de  ce  qui  fe 
palTe  dans  fon  âme  ,   ^  une  hiiloire  que 
perfonne  n'auroit  jamais  fçue,   que  per- 
fonne  aumoins  n'auroit  jamais  été  fur  de 
favoir  ,    s'il  ne  l'eût  jamais  faite  à  per- 
fonne.     Telles    font    encore    toutes  les 
Véritez  qui  répondent  à  certaines  quef- 
tions ,  foit  fur  i'exiftence  des  chofes  que 
je  conçois  qui  peuvent  être  &  que  je  con- 
çois auffi  qui  peuvent  n'être  pas ,  comme 
lorfque  je  demande  à  un  Voyageur  fi  dans 
une  Nation  qu'il  vient  de  découvrir,  il  y 
a  un  Roi  :  Soit  fur  Torigine  des  chofes 
dont  il  me  paroft  que  Forigine  peut  être 
également  bien  expliquée  par  des  hypo- 
thèfes  différentes  ,  comme  lorfque  je  de- 
mande  à  ce  même  Voyageur  û  certaines 
curiofitez  qu'il  a  aporteés  de  fon  Voyage 
&  qui  font  toutes  nouvelles  pour  moi  , 
font  une  production  de  la  Nature  ou  un 
effet  de   l'Art  de   quelque  Ouvrier.    La 
Diftindion  de  Théopbane ,  comme  on  voit, 
eft  très   philofophiaue  :    &  aulTi  ell   elle 
aprouvée  par  PhUalètbe.    Aplicons  la  donc 
avec  confiance  au  Sujet  que  nous   avons 
en  main.     Si  les  quatre  Proportions  fans 
les  quelles  il  n'y  a  point  de  Religion,  font 
autant  de  Véritez  ,   comme  on  a  vu  que 
notre  Philofophe  doit  le    prouver,    ces 
quatre  Véritez  de  quel  ordre  font  elles  ? 

Sont 


320  Bibliothèque  Britannique, 
Sont  ce  des  Véritez  naturelles  ou  des  Vé- 
ritez  p'>/îtives  ?  Sont -ce  des  Véritez  de 
Droit  ou  des  Véritez  de  Fait  ?  Sont -ce 
des  Véritez  fpéculatives  ou  des  Véritez  bift(h 
riques  ? 

I.  Il  y  a  un  Dieu,    C'eft  la  première  des 
quatre  Propoûtions  fondamentales. 

II.  Dieu  efl  un  Etre  aimable  :  C'efl  la  fé- 
conde Propofition. 

IPI.  Dieu  veut  nous  juger  fur  une  Loi  qui 
fait  dépendre  de  notre  amour  pour  lui  tout  le 
Syjiême  de  notre  bonheur.  C'elt  la  troifième 
Propofition. 

IV.  Il  'veut  fîéanmoins  nous  juger  en  Juge' 
équitable^  indulgent  &  miféricor dieux,  C'efl 
la  quatrième. 

Si  ces  quatre  Propofitions  étoient  re- 
connues pour  des  Véritez  bijloriques  dont 
la  croyance  dépendît  d'un  Témoignage ,  qui 
dans  le  cas  préfent  ne  pourroit  certaine- 
inent  venir  que  de  Dieu;  comme  par  cela 
m^me  on  ne  reconoîtroit  la  néceffité  de 
la  Révélation  ,  il  faudroit  aflurément  re- 
connoître  aulîî  que  la  Théologie  de  notre 
Auteur ,  que  cette  Théologie  purement 
naturelle  où  il  voudroit  nous  réduire ,  eft 
un  SyPiême  en  l 'air  ,  un  vain  Météore  , 
toujours  prêt  à  fe  diiïbudre-  &  à  faire  re- 
tomber avec  lui  fur  la  Terre  les  Dupes  qui 
pour  aller  au  Ciel  fe  feront  fiez  à  un  tel 
Véhicule.  Mais  comme  on  pouroit  con- 
clure delà  que  le  Philofophe  honnête  hom- 
me 


Juillet,  Août  et  Septeivib.  1739.  321 

me  donne  lui  même  dans  un  Enthoufiafme 
&  dans  un  Charlatanifme  qu'il  méprife  en 
autrui,  n'en  venons  làj qu'après  mûre  dé- 
libération ,  &  n'y  venons  point  du  tout  s'il 
eft  pofTible. 

Outre  les  Véritez  hifloriques  &  les  fpé- 
culatives  ,  il  y  en  a  d'une  troifième  éfpè- 
ce  ,  qui  ne  font  ni  fpéculatwes ,  ni  hiflori- 
ques :  Ce  font  les  Véritez  de  fentiment  : 
ces  véritez  que  l'Efprit  connoît  fans  aucun 
effort  ,  &  qu'aucun  effort  ne  fauroit  lui 
rendre  douteufes.  Je  penfe.  Je  vois  ^  J'en- 
tends ,  J'aperçois ,  Je  fens ,  Je  doute ,  vkc.  : 
Voilà  des  Véritez  qui  par  raport  à  moi 
ne  dépendent  ni  d'aucune  Spéculation ,  ni 
d'aucun  témoignage  hiftorique  :  Et  tout 
homme  connoît  des  Véritez  qui  par  ra- 
port à  lui  font  précifément  de  la  même 
nature  que  celles-là  par  rapport  à  moi. 
Notre  Philofophe,  par  hazard,  voudroit 
il  foutenir  que  de  cet  ordre  font  aufîi  les 
Véritez  fondamentales  qu'il  doit  prouver? 
Mais  les  véritez  de  cet  ordre  ne  fe  prou- 
vent point  du  tout»  D'ailleurs  elles  n'ont 
jamais  befoin  d'êtres  prouvées.  Perfonne 
ne  les  a  jamais  férieufement  ou  véritable- 
ment révoquées  en  doute  ,  ni  ne  fauroit 
le  faire.  Il  en  eft  tout  autrement  des  Vé- 
ritez fondamentales  de  la  Religion.  L'Au- 
teur aura  beau  dire ,  que  de  pareilles  Véri- 
tez doivent  être  faciles  à  prouver.  Car  fans 
examiner  à  préfent  s'il  ne  s'eft  point  dé- 

m.enti 


522  Bibliothèque  Britannique, 

menti  lui  même  là  deflus,  dans  fa  Diflercation 
fur  la  Prière ,  par  Fétalage  des  diffiçnltez  des 
Athées,  &  par  Tembaras  de  fes  Réponfes; 
il  y  aura  toujours  une  différence  fpécifi- 
que  encre  des  Véritez  qui  fe  prouvent  fa- 
cilement 5   6c  des  Véritez  qui  ne  fe  prou- 
vent point.    Il  fera  donc  obligé  d'en  re- 
venir à  l'alternative  propofée  indirefte- 
ment  par  fon  Théophane.    Ou  il  avoûra 
que  les  Véritez  fondamentales  de  la  Re- 
ligion font  des  Véritez  hiftoriques  dont  la 
preuve  doit  fe  tirer  de  Vautorité  d'une  Ré- 
vélation divine:  Ou  il  les  prouvera  com- 
me Véritez  fpéculatives  par  voye  de  Dé- 
monftrations.     Le  premier  Parti   ne  lui 
convient  pas.    Il  prendra  donc  le  fécond: 
Et  il  a  eu  foin  de  nous  en  avertir  lui  mê- 
me aflez  clairement;  Ce  qu'il  y  a  de  certain 
félon  moi ,  dit  il ,  c^eft  qiie  VExiftence  de  Dieu , 
c'eft  que  fes  'Perfections  morales  ,    c^efi  que 
les  Relations  naturelles  de  V Homme  à  Dieu  en 
qualité  de  Créature  raifonnable  fur  la  quelle 
Dieu  exerce  une  Jurifdiàion  morale  ,  ne  fau- 
ro'ent  dépendre ,  ni  de  la  Férité  ou  de  la  fauf 
fêté  d'aucun  Fait  bijlorique  ,   «i  de  la  vérité 
ou  de  II  faujfeté  de  nos  jugemens  fur  aucun  fait 
de  cette  nature  :  Car  ces  jugemens  eux  mêmes 
continue-t-il ,  dépendroient  de  tant  de  circon^ 
Jiances  incertaines  ^  de  tant  de  confîdérations 
propres  à  nous  induire  en  erreur  ,   qu'il  fau- 
droit  dans  ce  cas  -  là  fuppofer  Dieu  capable  d'a- 
voir voulu  établir  le  falut  du  Genre  humain 

fur 


Juillet,  Août  et  Sêptemb.  1739.  323 

fur  un  fondement  très  ruineux.      Quoique 
cela  ne  foit  pas  parfaitement  bien  expri- 
mé, cela  s'entend  aflez  dans  la  liaifon  du 
difcours,   &  fignifie  indubitablement  que 
Ja  Vérité  de  l'^xiftence  de  Dieu  ,   &  les 
autres  Véritez  fondamentales  qui  font  ad- 
m]fes  parle  Philofopbe  honnête  homme, 
font  des  Véritez  fpcculacives  qui  doivent 
être  prouvées  par  des  moyens  toiit-àfaic 
indépendans  de  la  Révélation  proprement: 
ainfi  dite  ;  foit  parceque  nous  n'avons  qu'u- 
ne Hiiloire  très  incertaine  de  cette  Révé- 
lation ;    foie  parceque  pofé  même  le  cas 
d'une   Révélation   immédiate  &  permette  ^ 
c'eft  à  dire    actuellement  accordée  à  un 
certain  Homme  5  elle  ne  pourroic  que  pro- 
pofer  les  Véritez  à  l'examen  de  la  Raifon  , 
conformément  à  une  des  Règles  que  no- 
tre Auteur  a  prefcrites  dans  fa  Préface  -'^ 
Tenons  aous  en  à  fes  idées.     Soumettons 
nous  à  fa  règle.    Oublions  pour  quelque^s 
momens  tout  ce  que  nous  devons  à  ïau- 
îorité  de  la  Révélation.    Faifons  abdrac- 
tion  ,  Il  l'on  veut  ,  des  Véritez  qu'elle 
nous  a  apprifes ,  ou  ne  les  regardons  que 
comme  des  Problêmes  ci  réfoudre.  Eflayons 
n.ous  fur  ceux  qui  ont  été  indiquez  fous 
l.e  nom  de  Véritez  fondamentales  de  la  Re- 
ligion: 
\ 

*  Voyez  ci-deffiis,  pages  i5  &  i*^.  du  Tome 
X.  A  quoi  Ton  peut  ajouter  ce  que  l'Auteur  'l\" 
■j.  la  page  93. 

Tome  XIII  Part.  IL  Y 


324  Bibliothèque  Britannique^ 
ligion  :  Et  fi  ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  d'exa- 
miner toutes  les  folutions  qu'on  en  a  don- 
nées ou  qu'on  pourroit  encore  en  don- 
ner ,  examinons  aumoins  les  folutions 
que  nous  en  fournit  notre  honnête  hom- 
me de  Philofophe.  A  quoi  cela  va-t-il 
nous  mener?  C'efl  ce  qu'on  verra  dans  le 
Chapitre  fuivant. 

[  On  eft  obligé ,  faute  de  place  ,  de  renvo^^er 
le  fécond  Chapitre  à  un  autre  Juurmd,  ] 

ARTICLE    IV. 

Philofophical  Tranfa étions,  &c.  C'eft- 
à  -  dire  :  Mémoires  Philojophiqiies  de  la 
Société  Royale  de  Londres, 
Tom.  XXXIX  ,  pour  les  Années 
i73f,  1736  m  4^".  A  Londres  1738, 
chez  T.  Wood  ivard ,  à  l'Enfeignedu 
CroifTant ,  entre  les  deux  portes  du 
Temple  dans  Fleetftreet  ;  &  Ch.  Da- 
vis, au  coin  de  Pater -Nofter  Row, 
proche  de  Warwick-Lane  ,  Impri- 
meurs de  la  Société  Royale. 

MR.  Mortimer,  Membre  du  Collège 
des  Médecins  à  Londres  6l  un 
des  Secrétaires  de  la  Société  Roy  aie,  a  dé- 
dié ce  Volume  au  célèbre  Profefleur 
Boerhaave,  fous  lequel  il  a  étudiée    II  rc- 

mar- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  gçj» 
marque  dans  fa  Dédicace" ,  que  lî  ces  Mé^ 
moires  fe  publioienc  au  nom  de  la  Société 
Royale,  la  réputation  de  cet  illuftre  Corps 
fuffiioit  pour  leur  concilier  Teftime  du  pu- 
blic.   Mais  comme  ils  ne  contiennent  que 
quelques-uns  des  Ecrits  qui  ont  été  lus 
dans  les  AfTembiées    de    la  Société  ;,    & 
que  le  choix   en  e(t  laifTé  à  la  difcrétion 
des  deux  Secrétaires ,  l'Editeur  devient  par- 
la rérponfable  de  ce  qu'il  publie.    Cette 
particularité  nous  a  paru  digne  d'être  com- 
muniquée à  nos  Ledeurs;  afin  que  fi  cer- 
tains Ecrits  qu'on  fçauroit  avoir  été  com- 
muniquez à  la  Société  ne  paroiiTent  pas» 
dans  ces  rvlémoires  ,   ou  fi  quelques-uns 
de  ceux  qu'on  y  trouve  ne  font  pas  jugez 
tout-à-faic  dignes  dt  lacuriofité  du  PùbliCg 
on  n'en  rende  pas  rérponfable  le  Corps  en- 
tier de  ta  Société  Royale.  7?'^-hri* 

Le  premier  Cahier  de  ce  Volume,  qui 
e(tle436.  de.tout  l'Ouvrage,  pour  les  Mois 
do  Janvier,  Février  &  Mars  1735,  con- 
tient les  Articles  fuivans. 

Art.  I.  Catalogue  des  cinquante  Plantes 
du  Jardin  deCheHéa,  préfenté  à  la  Société 
Royale  par  le  Corps  des  Apothicaires  pour 
l'Année  1735,  fiiivant  l'établiiTement  de 
Mr.  le  Chevalier  Sloane,  Dodleur  en  Mé- 
decine ,  Préfident  du  Collège  des  Médecins 
<Sc  de  la  Société  Royale  *  ;  par  Ifaac  Rand  , 

Apo- 

*  Il  a  refigné  depuis  quelque  tems  la  place 
de  Préfident  du  Collège  des  Médecias  :  c'eit  1^ 
Doclrur  Peilcc  qui  l'ell  à  préfent- 


1 


326B1BL10THEQUE  Britannique, 

Apothicaire ,  Membre  de  la  Société  Roya- 
le ,  Diredteur  du  Jardin  de  Chelfea ,  &  Lec- 
teur de  Botanique. 

ArL  IL  Catalogue  des  Eclipfes  des  Sa- 
tellites de  Jupiter ,  pour  l'Année  1736 ,  cal- 
culées pour  le  Méridien  de  rObfervatoire 
Royal  de  Greenwich ,  par  Jaques  H  o  d  g- 
s  0  N ,  Membre  de  la  S.  R.  &  Régent  du  Col- 
leg.e  Royal  de  Mathématiques  dans  THôpi- 
tal  de  Chrift  à  Londres. 

/irt.  IIL  Le  tems  apparent  des  Immer- 
fions  &  Emerfions  des  Satellites  de  Jupi- 
ter ,  telles  qu'elles  dévoient  être  vifibles  à 
Londres  en  1736  ,  avec  une  Planche  qui 
repréfente  la  fîtuation  dans  laquelle  elles 
dévoient  paroître  par  rapport  à  Jupiter. 
Par  le  même. 

Art,  IV.  Obfervations  de  quelques  Eclip- 
fes des  premiers  Satellites  de  Jupiter,  coni« 
parées  avec  les  Tables.    Par  le  même. 
En  comparant,  dit  Mr.  Hodg/on^  244 

Eclipfes  du  premier  Satellite  de  Jupiter, 

obfervées  depuis  l'an  1677,  jufqu'en  1731 , 
,>  avec  les  Tables  de  Flamftead,  corrigées 
„  par  moi-même,  fur  lefquelles  Tables  les 
,5  Catalogues'donnez  dans  les  deux  Articles 
•5,  précedens  ont  été  formez,  je  trouve  qu'il 
„  y  en  a  74,  qui  font  près  du  tiers  de  tout 
•„  le  nombre ,  qui  ne  diffèrent  pas  d'une  mi- 
,f  nute  du  tems  marqué  dans  les  Tables  ; 
„  127,  qui  font  plus  delà  moitié,  qui  n'en 
„  diffèrent  pas  de  deux  minutes  ;  181 ,  qui 
,f  font  ks  deux  tiers  de  tout  le  nombre,  qui 

p>  ne 


39 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  327 
5,  ne  diffèrent  pas  de  trois  minutes  du  tems 
„  marqué  dans  les  Tables  ;  214  ,  qui  font 
,,  les  fept  huitièmes  de  tout  le  nombre, 
9,  n'en  diffèrent  pas  de  quatre  minutes  ;  le 
99  refte  n'en  diffère  pas  plus  de  cinq  mi- 
,,  nutes ,  ou  de  cinq  &  demi  :  ce  qui  eil: 
99  un  degré  d'exaftitude  ,  qui,  félon  mon 
99  opinion  ,  fuffit  pour  engager  nos  Mari- 
,9  niers  à  fe  fervir  de  ces  EclipTes  pour 
99  déterminer  les  différences  de  longitude, 
99  principalement  puifqu'on  peut  les  obfer- 
„  ver  avec  un  Telefcope  de  trois  pieds, 
„  comme  on  l'afllire  à  la  page  169  de  la 
99  Connoijjance  des  Tems  pour  cette  Année 
99  (1735).  Si  cela  eft  vrai  ,  j'ofe  aflurer 
„  qu^une  Immerfion  ou  Emeriion  ,  obfer- 
„  vée  avec  un  pareil  Telefcope,  ne  différera 
„  pas  d'une  demi  minute  du  tems  qu'on  trou- 
„  veroit  .en  l'obfervant  avec  un  des  plus 
,,  grands  Telefcopes.  En  tout  cas,  ilfuffira 
,9  de  comparer  enfemble  les  Obfervations  de 
^9  la  même  Ecliple  faites  avec  ces  deux  difté- 
„  rens  Telefcopes  ;  ce  qui  découvrira  la  dif- 
„  férencedu  tems,  &  cette  différence  une 
„  fois  découverte,  fervira  enfuite  dérègle 
„  confiante  pour  ajufler  les  Obfervations. 

Art,  V.  Expériences  &  Obfcrvntions 
fur  la  Lumière  qui  efl:  produite  lorfqu'on 
communique  une  Attraction  Eleàrique  à 
quelques  Corps  animez  ou  inanimez,  avec 
le  récit  de  quelques-uns  de  fes  effets  les 
plus  furprenans.  Communiqué  à  la  S.  R. 
par  une  Lettre  deMonfieur  Etienne  Gr?ay, 

Y  '^  M, 


528  Bihliotheq\je  Britannique, 

3M.  de  la  S.  R.  à  Mr.  Morîimer  ^  Mem- 
bre de  la  S.  R.  &  Doâeur  en  Médecine. 
Cette  Lettre  efl  datée  de  la  Chartreufe  à 
Londres  le  28  de  Janvier  1734. 

Mr.  Gray  ayant  vu  la  Lettre  de  Mr. 
!Dufay  au  Duc  de  Richmond ,  inférée  dans 
3e  43.  Cahier  de  ces  Mémoires  ,  a  été 
charmé,  dit -il,  non  feulement  d*appren- 
dre  que  fes  découvertes  fur  l'Eledlricité  é- 
toient  confirmées  par  le  fuffrage  d'un  Phi- 
lofophe  fi  judi(^ieux  ;  mais  aufli  des  nou- 
velles découvertes  de  Mr.  Dufay,  &  par- 
ticulièrement de  celles  qu'il  a  faites  fur  la 
Lumière  produite  par  les  Corps  Electriques. 
C'e(t-ce  qui  a  engagé  Mr.  Gray  à  repé  cr 
les  expériences  de  Mr.  DuFay  ,  &  à  en 
faire  de  nouvelles  ,  dont  on  nous  donné 
ici  le  détail  :  nous  en  rapporterons  quel- 
ques-unes. 

En  Septembre  1734.  Mr.  Gray  fit  faire 
trois  Verges  de  Fer ,  l'une  longue  de  quatre 
pieds ,  les  deux  autres  de  trois  pieds  chacu- 
ne :  Tune  de  ces  dernières  étoit  en  forme  de 
Cône  vers  fes  extrêmitez  ,  &  finifiToit  en 
pointe ,  comme  celle  de  quatre  pieds  :  Tcu- 
tre  étoit  pointue  à  un  bout,  &  non  pas  à 
l'autre.  Toutes  ces  Verges  avoient  envi- 
ron un  demi  pouce  de  diamètre  :  elles 
avoient  été  premièrement  forgées,  ai  en- 
fuite  polies  avec  la  lim^e  &  brunies.  Ayant 
fufpendu  quelqu'une  de  ces  Verges  fur  des 
cordons  de  foye  ,  à.  appliqué  un  bout  du 
Tube  Eleûrique  à  l'extrémicé  d'une  de  ce's 
'    '   ■        •  Ver- 


Juillet,  Août  et  Septemb»  1739.  329 
Verges ,  non  feulement  on  appercevoit  de  la 
lumière  à  cette  extrémité  ;  maisonvoyoit 
aufli  en  même  tems  à  Tautre  extrémité  une 
lumière  qui  s*étendoit  en  forme  de  Cône, 
dont  la  pointe  étoit  tournée  vers  cette  ex- 
trémité :  il  paroilToit  diftindtement  que  cette 
lumière  étoit  compofée  de  rayons ,  qui  al- 
loient  en  divergeant;  au  moment  qu'on  la 
voit,  on  entend  un  petit  fifïlement. 

Si ,  au  lieu  de  fufpendre  ces  Verges  fur 
des  cordons  de  foye  ,  on  les  met  fur  le 
bord  d'un  Cylindre  de  verre  creux  &  bien 
échauffé  ,  ou  fur  des  gâteaux  de  Poix- 
refme,  &  de  Cire  jaune,  ou  de  Soufre,  on 
apperçoit  les  mêmes  phénomènes  que  lorf- 
que  ces  Verges  fontfufpenduës  fur  des  cor- 
dons de  foye. 

Mais  Mr.  Gray  apperçut  un  autre  phé- 
nomène qui  lui  parut  bien  furprenant.  Ôelt 
qu'après  que  la  lumière  eût  difparu  ,  & 
qu'il  fe  fût  placé  à  l'extrémité  de  la  Verge 
oppofée  à  celle  à  laquelle  le  Tube  Eleélri- 
que  avoit  été  appliqué,  en  tenant  la  main 
a  quelque  diilance  de  la  pointe  de  la  Ver- 
ge,  &  la  remuant  vers  cette  pointe  aflez 
rapidement,  il  en  fortit  un  Cône  de  lumiè- 
re ,  de  même  que  lorfqu'on  appliquoit 
le  Tube  à  l'extrémité  oppofée.  En  repé- 
tant ce  mouvement  de  fa  main ,  le  même 
phénomène  parut  cinq  ou  fix  fois  de  fuite, 
mais  les  Rayons  de  lumière  devenoient  à 
chaque  fois  plus  courts:  cette  lumière  eft 
aufli  accompagnée  d'un  petit  fifflement. 

Y  I  Lorf- 


33Û  BrELIOTHEQUEBRITANNîQUF, 

Lorfqu^on  met  deux  ou  trois  de  ces 
Verges  à  la  fuite  les  unes  des  autres ,  foit 
en  Jigne  droite  ,  foit  qu'elles  forment  un 
angle  quelconque,  qu'elles  fc  touchent  ou 
qu'elles  foient  à  une  petite  diftance  les 
unes  des  autres  ;  11  on  applique  le  Tube  Elec- 
trique à  l'extrémité  de  l'une  de  ces  Ver- 
ges ,  on  appcrçoit  à  l'autre  bout  de  la  plus 
éloignée  ,  les  mêmes  phénomènes  qu'on 
appercevroit  fi  l'expérience  fe  faifoit  avec 
une  feule  Verge. 

En  approchai  t  la  main  ou  la  joue  de 
rextrêmité  qui  produit  la  lumière ,  on  fenc 
une  douleur,  comme  celle  que  cauferoient 
des  étincelles  de  feu. 

Mr.  Gray  fit  forger  une  Boule  de  fer 
de  deux  pouces  de  diamètre  ,  qu'il  fie 
enfaire  façonner  au  tour  &  polir  :  il  la 
pofd  fur  un  foutien  de  bois ,  &  ce  foutien 
fur  un  verre  cylindrique.  Le  Tube  Elec- 
trique étant  appliqué  proche  de  la  Boule, 
on  en  vit  forcir  des  rayons  de  lumière  ac- 
compagnez d'un  fifflemenc  :  en  mettant  la 
joué  ou  le  doigt  proche  delà  Boule,  on  ne 
léntit  aucune  douleur,  quoique  la  lumière 
fût  fort  vive. 

Ayant  poié  la  Verge  qui  avoit  quatre 
pieds  de  long  fur  un  foutien  de  bois  fait 
en  form.e  de  T,  dont  la  barre  fupérieure 
avoit  une  rainure  pour  tenir  la  Verge  en 
état,  &  ayant  mis  le  tout  fur  le  verre  cy- 
lindrique ,  de  manière  qu'une  des  pointes  de 
ia  barre  touchoic  la  boule  vis-à-vis  de  fon 

cen» 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  331 

centre  ,  &  appliqué  enfuite  le  Tube  Elec- 
trique à  l'autre  extrémité  de  la  barre,  on 
entendit  proche  de  la  Boule  un  plus 
grand  bruit  que  de  coutume,  &  lorfqu^on 
en  approchoit  la  main  ou  la  joue  ,  la 
douleur  qu'on  fentoit ,  étoit  plus  forte  qu'à 
l'ordinaire  ,  la  lumière  étoit  auffî  plus  vive 
&  plus  concentrée.  Lorfque  la  pointe 
de  la  Verge  étoit  éloignée  d'un  pouce  de 
la  Boule  ,  non  feulement  on  appercevoit 
de  la  lumière  fur  la  Eoule ,  mais  on  voyoic 
auffî  fortir  des  Rayons  de  la  pointe  de  la 
barre,  comme  lorfque  l'expérience  avoit 
été  faite  avec  la  barre  feule. 

Mr.  Gray  fit  une  autre  expérience  avec 
une  Plaque  de  cuivre  de  quatre  pieds  en 
quarré  ,  qu'il  mit  perpendiculairement  fur 
tm  foutien ,  lequel  il  pofa  fur  le  verre  cy- 
lindrique: enfuite  ayant  placé  la  Barre  de 
fer  de  manière  qu'une  de  fes  pointes  étoic 
éloignée  du  centre  de  la  Plaque  de  cui- 
vre environ  d'un  pouce,  il  appliqua lel'ube 
Eledtrique  à  l'autre  extrémité  de  la  Barre; 
puis  donnant  un  petit  coup  avec  le  doigc 
au  dos  de  la  Plaque  ,  on  vit  de  la  lu- 
mière de  l'autre  côté;  il  fortit  en  même 
tems  des  rayons  de  la  pointe  de  la  Barre  ; 
iSc  en  approchant  la  main  ou  la  joue  d'un 
des  angles  de  la  Plaque  de  cuivre  ,  il  en 
•fortit  de  la  lumière ,  accompagnée  d'un  pe- 
tit fifflement ,  &  onfentit  lelnôrae  picot- 
tement  que  dans  les  expériences  faites  avec 
les  Verges  pointues. 

Y  5  Avant 


332  Bibliothèque  Britannique, 

Ayant  mis  une  Afliéte  d'étain  fur  un  fou- 
tien,  pofé  fur  le  verre  cylindrique,  & 
appliqué  premièrement  le  Tube  Electrique, 
&  enfuice  le  doigt ,  à  cette  Affiéte ,  on  y  ap- 
perçût  de  la  lumière ,  &  on  fentit  fon 
doigt  repouiïë.  En  approchant  la  joue  du 
bord  deTAfliéte,  on  entendit  un  petit  bruit 
ou  éclat  *,  mais  non  pas  û  grand  que  lorf- 
qu'on  faifoit  l'expérience  avec  les  Verges 
de  fer.  Ayant  rempli  d'eau  l'AfTiéte  d'é- 
tain  ,  on  apperçut  précifément  les  mêmes 
phénomènes.  Lorsqu'on  fait  cette  expé- 
rience en  plein  jour,  &  qu'on  approche 
le  doigt  de  la  furface  de  l'eau ,  elle  forme 
en  cet  endroit-là  une  petite  élévation ,  & 
s'applanit  de  nouveau,  au  moment  qu'on 
entend  le  petit  bruit  ou  éclat. 

Si  on  fait  la  même  expérience  avec  une 
Affiéte  de  bois  qui  foit  vuide,  on  apper- 
çoit  bien  de  la  lumière,  mais  on  ne  fent 
point  que  le  doigt  foit  repoufle ,  &  on  n'en- 
tend point  de  bruit.  Mais  lorfque  l'Affiéte 
efl  remplie  d'eau,  &  qu'on  tient  le  Tube 
Electrique  audelTus  de  la  furface  de  l'eau, 
on  apperçoit  une  lumière  plus  vive,  miais 
on  n'entend  point  encore  de  bruit ,  juf- 
Ques'  à  ce  qu'après  avoir  bien  frotté  le 
Tube,  on  le  mette  à  deux  ou  trois  pou- 
ces du  doigt  qu'on  tient  proche  de  la  fur- 
face  de  l'eau  ;  alors  on  fent  que  le  doigt  efl 
repouITé,    &    on  entend  le  même  bruit 

que 

*■  A  Snapping. 


ir 


Juillet,  Août  et  Septemc.  1739.  333 

que  lorfqu'on  fait  rexpérience  avec  une 
Affiéce  d'étain. . 

Il  paroîc  par  ces  Expériences,  dit  Mr. 
Gray^  que  par  le  moyen  de  i'hleftricité 
communicative  on  peut  produire  une  flam- 
me réelle ,  accompagnée  û'explojîon ,  &  d'u- 
ne ébuliition  dans  de  l'eau  froide;  &  quoi- 
qu'on n'aye  encore  que  très-peu  d'expérien- 
ces fur  ce  fujec,  il  efl:  probable  qu'avec 
le  tems  on  en  fera  un  plus  grand  nombre, 
&  qu'on  trouvera  moyen  d'augmenter  la 
force  de  ce  Feu  éledrrque,  qui  (s'il  efl 
permis  de  comparer  les  petites  chofes  aux 
grandes)  femble,  par  plufieurs  expérien- 
ces ,  être  de  la  même  nature  que  celui  des 
Eclairs  &  de  la  Foudre. 

On  trouve  encore  dans  le  Cahier  439, 
yirt.  VI  une  autre  Lettre  de  Mr.  G;<ay 
fur  VElectricité,  Il  employa  des  Vierges 
de  bois  ,  de  la  même  forme  que  celles  de 
fer  dont  nous  venons  de  parler ,  ô:  fit  fes 
expériences  de  la  même  manière.  La  lu- 
mière ne  fut  pas  fi  vive,  &  ne  s*étendit  pas 
fi  loin,  que  lorfqu'il  fit  ïqs  expériences 
avec  des  Verges  de  fer;  la  forme  de  la 
lumière  étoit  cylindrique,  au  lieu  d'être 
conique,  &  en  approchant  la  main  ou  la 
joue  de  ces  Verges  de  bois ,  on  ne  fcntoic 
aucun  picottement.  Ces  Verges  étoienc 
faites  de  bois  de  Sapin,  de  Frêne  &  de 
Houx.  Mr.  Gray  en  fie  faire  quelques- 
-unes  beaucoup  plus  grofies  à  un  bout  qu'à 
l'autre  ;  alors  on  fencoit  un  petit  picotte- 

menç 


334  Bibliothèque  Britannique, 
ment  en  approchant  la  joue  de  Textrêmi- 
té  de  la  Verge,  mais  la  douleur  qu'il 
caufoit  n'étoit  pas  à  beaucoup  près  fi  for- 
te, que  lorfqu'on  ftifoit  l'expérience 
avec  les  Verges  de  fer. 

Ayant  fait  faire  des  Cordeaux  de  laine 
filée,  les  uns  bleus,  oc  les  autres  de  cou- 
leur écar latte  :  Mr.  Gray  fufpendit  un 
jeune  garçon  d'abord  fur  les  premières , 
ù.  trouva  que  les  effets  étoient  précife- 
ment  les  mêmes  que  lorfque  le  garçon 
étoit  rafpendu  fur  des  Cordeaux  de  foye 
de  la  même  couleur.  Mais  l'ayant  fufpen- 
da  fur  les  Cordeaux  de  laine  de  couleur 
écarlatte,  on  n'apperçat  aucun  effet  de 
l'FJeftricité. 

Il  y  a  dans  ce  même  Mémoire  quelques 
autres  particularitez  fur  l'Eledricicé  ,  mais 
elles  ne  nous  paroiffent  pas  affez  remar- 
quables pour  les  rapporter  ici. 

Enfin  dans  le  Cahier  444.  Art.  VIII.  Mr. 
Mortimer  nous  fait  le  récit  de  quelques 
nouvelles  expériences  que  Mr.  GRAYavoic 
deffein  de  communiquer  à  la  Société  Roya- 
le; ce  que  fa  mort  prématurée  l'a  empê- 
ché de  faire.  1' 

Première  Expérience.  Prenez  un  petit  Glo- 
be de  fer  d'un  pouce  ou  d'un  pouce  & 
demi  de  diamètre,  pofez-le  fur  un  gâ- 
teau de  Refine  d'environ  fept  ou  huit  pou- 
ces de  diamètre  ;  ayant  premièrement  ren- 
du ce  gâteau  Eledtrique ,  en  le  frottant  dou- 
cement, ou  en  le  chauffant  légèrement  de- 
vant 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  335 
vant  le  feu: puis  attachez  un  corps  très-lé- 
ger ,  comme  par  exemple  un  morceau  de  liè- 
ge ,  à  un  fil  fort  délié,  &  tenez  le  fil 
fufpendu  avec  le  doigt  &  le  pouce,  de  ma- 
nière que  le  corps  léger  foie  fufpendu 
immédiatement  au  défais  du  Globe,  & 
réponde  à  fon  centre  ;  vous  verrez  que  ce 
corps  léger  commencera  de  lui-même  à  fe 
mouvoir  autour  du  Globe  de  fer,  de 
rOuefl  à  l'Eft,  fuivant  que  les  Planètes  fe 
meuvent  autour  du  Soleil.  Si  le  gâteau 
de  Refine  eft  circulaire,  &  que  le  Globe 
de  fer  foit  placé  exaftement  au  centre,  le 
corps  léger  décrira  un  cercle  autour  da 
Globe:  mais  fi  le  Globe  eft  placé  à  quelque 
diflance  du  centre,  le  corps  léger  décrira 
une  courbe  elliptique,  dont  l'excentricité 
fera  égale  à  la  didance  où  le  Globe  eitdu 
centre  du  gâteau. 

Si  le  gâteau  efl  elliptique,  &  le  Globe 
placé  au  centre  de  Tellipfe,  l'orbite  du  corps 
léger  fera  une  ellipfe  ,  dont  l'excentricité 
fera  égale  à  celle  de  la  forme  du  gâteau. 

Si  le  Globe  eft  placé  dans  un  des  foyers, 
ou  proche  d'un  des  foyers  de  rellipfe  du 
gâteau,  le  corps  léger  fe  mouvra  plus  vi- 
te dans  ce  qu'on  peut  appeller  V Apogée  de 
fon  orbite,  quedaes  le  Périgée;  ce  qui  efl 
le  contraire  de  ce  qu'on  obferve  dans  les 
Planètes. 

Seconde  Expérience.  Prenez  le  même  Glo- 
be  de  fer,  &  l'ayant  fixé  fur  un  piédeftal 
du  même  métal  d'environ  un  pouce  de 

h  au- 


33<5BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE  » 

hauteur,  pofez  ce  piédeftal  fur  une  table, 
au  milieu  d'un  cercle  de  verre,  ou  d'une 
portion  de  verre  cylindrique  creux,  d'en- 
viron iepc  pouces  de  diamètre,  &  de  deux 
on  trois  pouces  de  hauteur.  Il  faut  que 
ce  cercle  ait  premièrement  été  échauffé  en 
îe  frottant  légèrement;  puis  tenez  un  corps 
léger  fufpendu ,  comme  dans  la  première 
expérience,  &  il  commencera  de  lui-mê- 
me à  fe  mouvoir  autour  du  Globe  de  fer, 
de  rOuelt  à  TEfl,  décrivant  un  cercle, (1 
le  cercle  de  verre  efb  d'une  figure  exac- 
tement circulaire,  &  que  le  Globe  foie 
placé  au  centre;  ou  une  courbe  ellipti- 
que, au  cas  que  le  Globe  ne  foit  pas  au 
centre  ;  &  l'excentricité  de  cette  courbe 
fera  égale  à  la  dillance  oii  le  Globe  cil  du 
centre  du  cercle. 

Tnifihne  Expérience  Le  même  Globe  de 
fer  étant  placé  Amplement  fur  une  table, 
fans  le  gâteau  de  Refine  ,  ni  le  cercle  de 
verre,  le  corps  léger  fufpendu  au  delTus 
fera  les  m.êmes  révolutions  que  dans  les 
expériences  précédentes  ;  mais  il  fe  mouvra 
plus  lentement,  &  plus  proche  duGîobe. 

]\îr.  A/or^'7;2é?r  nous  dit,  que  Mr.  Gray 
prétendoic  pouvoir  rendre  raifon  de  ces 
expériences  par  le  phénomène  fuivant ,  qui 
eft  allez  fingulier,  &  dont  il  éroit  afluré, 
l'ayant  fouvent  obfervé.  Lorfqu'un  hom- 
me pofe  fes  coudes  fur  fes  genoux ,  & 
tient  Tes  mains  à  une  petite  diitance  l'une 
de  l'autre,  elles  s'approchent peu-à-peu 

Tune 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  337 
Tune  de  l'autre,  &  s'éloignent  enfuite, 
fans  aucun  concours  de  fa  volonté.  On 
ne  voit  pas  quel  rapport  ce  phénomène , 
s'ileft  réel ,  peut  avoir  avec  les  expérien- 
ces que  nous  venons  de  rapporter  ,  ni 
comment  il  peut  fervir  à  les  expliquer. 

y^rt.  VI.  Lettre  de  Mr.  Bruikenkidge  au 
Doùeiir  Hoadly,  contenant  une  Métho- 
de générale  de  décrire  les  Lignes  courbes 
par  finterfedtion  de  plufieurs  lignes  droi- 
tes qui  fe  meuvent  autour  de  quelques 
points  fixes  dans  un  pian  donné.  Nous 
avons  expliqué  cette  Méthode  dans  un  de 
nos  Journaux  précedens,  ainfi  upus  nous 
contenterons  de  remarquer,  que  Mr.  Bmi- 
kenridge  la  rend  ci  un  peu  plus  générale. 
Nous  dirons  aufri,qu'il  s'efl  élevé  à  cette  oc- 
cafion  une  difpute  entre  lui  &  Mr.  Alac- 
Laurin^  Profefleur  de  Mathématiques  à  E- 
dimbourg  &  Membre  de  la  S.  R.  ces 
Meflieurs  prétendant  tous  deux  à  la  gloire 
de  l'invention.  Nous  pourrons  parler  une 
autre  fois  de  cette  Difpute. 

Jn,  VIL  Extrait  d'une  Lettre  de  Mr. 
Geoffroy  ,  Chymifte,  Membre  de  l'Acadé- 
mie Royale  des  Sciences  à  Paris  &  de  la 
Société  Royale  de  Londres  ,  à  Mr.  le 
Chevalier  Hans  Sloane,  Préfident  de  la  S. 
R.  touchant  le  Sal  Polychrejltis  Rupellenjh 
de  Mr.  Seignette,  &  touchant  quelques 
autres  Sels  Chymiques  ;  datée  de  Paris 
le  4.  Mai  1732. 

No,  437.  Art.  L  Defcription  d'un    In- 

flru- 


338  Bibliothèque  Britannique, 
ftrument,  ou  d'une  Machine  deflinée  à 
changer  en  peu  de  tems  l'air  dans  la  cham- 
bre des  malades ,  foie  en  en  cirant  l'air  in- 
fedlé ,  foit  en  y  introduifant  de  nouvel  air, 
ou  en  faifant  l'un  &  l'autre  fuccelTivement, 
fans  ouvrir  les  portes  ni  les  fenêtres. 

Mr.  Defaguliers  ,  Inventeur  de  cette  Ma- 
chine ,  en  fit  voir  à  la  Société  Royale  le 
13.  Juin  1734.  un  modèle,  fait  fur  une  E- 
chelle  d'un  pouce  par  pied ,  &  il  nous  en 
donne  ici  la  figure,  <5c  décric  la  manière 
de  s'en  fervir. 

Art.  II.  Supputation  de  la  Vélocité  de 
FAir,  mû  par  les  Souflets  centrifuges  *  in- 
ventez depuis  peu,  qui  ont  fept  pieds  de 
diamètre  &  un  pied  d'épailTeur  en  de- 
dans ,  &  qu'un  feul  homme  peut  faire  mou- 
voir avec  très-peu  de  peine,  de  manière 
qu'ils  achèveront  deux  révolutions  dans 
chaque  féconde.  Par  Mr.  Desagoliers  , 
Membre  de  la  S.  R. 

Art.  III.  Lettre  du  même  à  Mr.  Crom- 
<ivell  Mortimer^  où  il  décrit  les  ufages  des 
Souflets  centrifuges;  datée  du  23.   Février 

Il  y  a  une  de  ces  Machines  fixée  dans 
la  Chambre  qui  eft  au  deflus  de  celle  ou 
s'aflemblent  les  Députez  des  Communes. 
Cette  Machine  fert  à  emporter  la  fumée 

que 

*  C'efl  la  Machine  dont  il  eft  fait  menticn 
d^i^s  TArtick  précèdent. 


1 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  33^ 
que  produifenc  les  chandelles  ,  &  la  va- 
peur caufée  par  l'haleine  lorfque  Taf- 
1-embIée  eil  nombreufe,  <Sc  qu'il  fait  chaud; 
comme  aufïï  à  introduire  de  nouvel  air 
par  toute  la  chambre. 

Cette  machine  peut  auffî  être  d'ufage 
dans  les  vaifleaux  de  guerre,  pour  re- 
nouveller  &  rafraîchir  Pair  entre  deux 
ponts  en  très -peu  de  tems;  elle  peut  de 
même  fervir  très -utilement  dans  les  mi- 
nes ,  pour  en  tirer  les  vapeurs  nuifibles , 
&  pour  y  introduire  de  nouvel  air,  mê- 
me à  la  'diftance  de  deux,  de  trois,  ou 
de  quatre  milles. 

Art.  ly.  Hifloire  d'une  Cataîepjîe ,  com- 
muniquée à  la  Société  Royale  par  Mr.  Ri- 
chard Reynell,  Apothicaire  à  Londres. 

Cet  Article  étant  aflez  court,  nous  le 
traduirons  tout  entier.  „  Anne  BuUard» 
„  fille  d'environ  vingt- &- un  ans,  n'avoit 
„  pas  eu  fes  Mois  fort  régulièrement  pen- 
„  dant  quelque  tems ,  &  avoit  été  fort  af- 
„  fligée  de  la  mort  d'une  de  fes  Amies» 
,:,  Le  10.  de  Juillet  1730.  elle  fe  plaignit 
„  d'une  douleur  dans  la  tête ,  &  d'un  mal 
„  d'eftomac^  accompagné  d'une  indifpo- 
„  fition  générale  :  elle  prit  de  la  poudre 
„  du  Bezoar  pour  fuer.  Le  lendemain 
„  II.  de  Juillet,  vers  les  neuf  heures  du 
„  matin  ,  on  la  trouva  toute  roide  dans 
„  fon  lit,  fans  connoiflance  &  fans  fenti- 
„  ment ,  &  les  yeux  fermez  ,  de  forte  que 
,5  d'abord  on  la  crut  morte.    Lorfque  j'ar» 

Tûm,  XIII  Fart.  IL         Z  „  ri- 


340  Bibliothèque  Britannique, 
„  rivai,  je  la  trouvai  dans  une  véritable 
„  Caîalepfie,  fans  lentiment,  &  fans  mou- 
,)  vement  ;  Tes  membres  étoient  roides , 
„  mais  chauds;  on  ne  pouvoit  les  remuer 
,,  que  difficilement  ,&  dans  quelque  fitua- 
j>  tion  qu'on  les  mît,  ils  y  demeuroient:  Elle 
,,  avoit  la  refpiracion  libre,  mais  le  pouls. 
,,  foible  &  irreguiier.  Elle  n'avoit  aucun 
„  mouvement  convulfif ,  mais  on  ne  pou- 
s,  voit  pas  la.  faire  revenir  à  elle.  On  la 
,,  faigna  au  bras,  &  on  lui  tira  douze on- 
„  ces  de  fang,  qui  coula  aifement;  cela 
5,  la  fit  un  peu  revenir,  mais  elle  nepou- 
,f  voit  pas  encore  parler.  Je  lui  ordon- 
„  nai  la  potion  fuivante.  p\  Aq.  Menlb, 
3^  Rutœ.  Eryon.  Co.a  5vi.  Sal  volât.  Corn, 
5,  C.  ?(i  Saccbar.  Albiff.  ?ij.  /.  Haujf, 
^,  j'ordonnai  aufli  qu'elle  prît  de  tems  à 
5,  autre  cinq  cuillerées  de  ce  Julep.  Aq^. 
3,  Pideg.  Rutœ.  Merab.  à  ^ij.  Aq.  Bryon, 
,y  Co.  Nepbrit.  a  Ji  3.  Tin6t.  Cajîor.  £,ij. 
,•>  Saccbar.  AlbijJ.  q.  f.  f.  Jalapiuvi.  En. 
„  peu  d'heures  de  tems  elle  revint  à  elle; 
„  je  lui  demandai  alors ,  fi  elle  fçavoic 
„  comment  elle  avoit  été  prife  de  ce  mal. 
,,  Elle  répondit  qu'elle  avoit  été  fort  in- 
,r  quiéte  &  fort  agitée  jufques  à  environ 
,,  quatre  heures  du  matin ,  &  qu'elle 
55  croyoit  que  ce  fut  alors  qu'elle  tomba 
,,  dans  l'état  où  on  l'avoit  trouvée;  mais 
„  que  c'étoit-là  tout  ce  dont  elle  fe  fou- 
5,  venoît.  Elle  fe  plaignoit  d'une  efpece 
i,  de  vertige ,  (jc  d'une  violente  douleur  fur 

9>  le 


Juillet,  Aovt  et  Septemb.  1739.  n^j 

fi  le  devant  de  la  tête;  elle  avoic  aiifli 
99  mal  à  i'cPtomac  d:  un  peu  de  lièvre. 
99  J'ordonnai  qu'elle  prît  à  quatre  heures 
9)  après  midi  le  vomitif  fuivant.  r-,  j^q. 
,9  Cardui  bened.  gi.  Pulv.  Ipecacuanb.  5J6.  lA- 
99  triol.  alb.  depurat.gr.  vi.  Oxjni.  Scilliî.  pi,5. 
99  f.  Haujt.  Ce  vomitif  opéra  très-bien, 
j>  <Sc  elle  en  parut  fouiagée.  Vers  les  fix 
99  heures  du  loir  elle  eue  une  nouvelle 
„  attaque,  à-peu-près  fembîable  à  la  pre- 
99  mière;  mais  elle  en  revint  bientôt,  & 
99  prit  enfuite  lamiéme  potion ,  avec  le  Sel 
99  volatil  de  la  Corne  de  Cerf,  qu'elle 
99  avoit  déjà  prife.  Je  lui  appliquai  un 
99  grand veficatoire  fur  le  dos,  (jC  deux  fur 
99  les  bras.  Le  même  jour,  vers  les  neuf 
99  heures  du  foir,  elle  eut  une  violente 
99  convulfion,  accompagnée  de  fecoufles, 
j^  de  grincement  de  dents,  &  d'un  grand 
,,  tremblement  ;  ce  qu'elle  n'avoit  pas 
i9  eu  auparavant.  Elle  avoit  eu  une  Telle 
99  le  foir  précèdent ,  mais  point  du  tout 
99  ce  jour -là.  Je  lui  ordonnai  cette  po- 
99  tion,  qu'elle  prit  le  foir.  '^'.  Tinà.  Hur. 
55  cum  Fïno  fact.  ^ij.  Âq,  Mmîb.  3vi.  5^.' 
99  Lavand.  Co,  5,3.  /.  Hauft.  Elle  conti- 
99  nua  auffi  de  prendre  toutes  ]qs  quatre 
,,  heures  la  potion  avec  le  Sel  volatil,  <S.c. 
,5  Le  12.de  Juillet  elle  avoit  eu  un  tranf- 
„  port  au  cerveau  pendant  toute  la  nuit, 
99  n'ayant  que  peu  ou  point  repofé.  On 
„  coupa  les  Veficatoires ,  qui  coulèrent 
f9  abondamment  :   &  la  Teinture  lui  av.oit 

Z  2  99  donne 


342  BiBLioTHEQ^uE  Britannique, 

9)  donné  trois  felles  pendant  la  nuit  ,•  ce 
,y  qui  lui  caufa  quelques  foiblefles;  fon 
„  pouls  étoit  foible ,  &  fon  urine  pâle. 
„  Je  la  vis  le  foir ,  après  qu'elle  eut  aflez 
„  bien  dormi,  de  forte  qu'elle  étoit  un 
ff  peu  remife.  Elle  n'avoit  que  peu  de 
„  mal  à  la  tête ,  fon  eftomac  étoit  en 
„  aflez  bon  état,  &  je  la  trouvai  mieux 
,>  à  tous  égards.  Elle  continua  de  pren- 
9,  dre  la  potion  toutes  les  (ix  heures ,  & 
„  quelques  cuillerées  du  Julep,  lorfqu'el- 
„  le  fe  fentoit  foible.  Le  matin  du  13. 
a,  de  Juillet  je  trouvai  que  fon  mal  de  tê- 
,)  te  étoit  entièrement  pafle,  &  que  fon 
y,  urine  étoit  plus  colorée.  Je  lui  permis 
„  de  prendre  du  bouillon,  &  quelque 
y,  nourriture  légère ,  dont  elle  fe  trou- 
„  va  bien.  Elle  fe  leva  l'après-midi, 
„  mais  elle  fe  trouva  foible,  &  avoitdes 
y,  tournoyemens  de  tête  ;  au  lit  elle  fe 
yy  fentoit  beaucoup  mieux.  Je  lui  ordon- 
„  nai  de  prendre  la  potion  avec  le  Sel  vo- 
5,  latil,  &c.  &  cette  purgation  le  lende- 
„  main  matin,  f^'.  Tin6t.  Hier,  cum  Vino 
9yfa£t.  Ji3.  5}T.  è  Spinâ  Cerv.  Aq.  Puleg. 
,,  à^v'].Spir.  Lavand.  Co.  51.  /.  Hauji.  cum 
„  regimine  cap.  Le  quatorzième  de  Juillet 
„  la  purgation  lui  donna  cinq  felles;  elle 
„  mangea  un  peu  à  dîner,  6c  fe  trouva 
„  tranquille  :  mais  lorfqu'elle  marchoit 
„  par  la  chambre,  la  tête  lui  tournoit,  & 
»,  elle  trembloit  beaucoup.  Je  lui  ordon- 
51,  nai  de  prendre    le   foir  cette  potion. 


Juillet,  Août  et  Septemh.  1739.  343 
„  ï^.  Aq.  Ruîœ^  Puleg.  Bryon.  Co.  a  55 vi. 
99  Spir.  Corn.  C.  opt.  gutt.  40.  Tin6t .  Cajior. 
f,  5i.  Saccbar.  AlbiJJ.  paululum,  f.  Haufl. 
„  Le  quinzième  de  Juillet,  étant  levée,  elle 
„  fe  plaignit  d'un  engourdiflement  dans 
„  les  jambes,  &  d'un  picottement,  fem- 
„  blable  à  celui  que  Ton  fent  lorfque  les 
„  jambes  font  ce  qu'on  appelle  endormies. 
„  Elle  avoit  meilleur  appétit  ,  (k  étok 
„  beaucoup  mieux  à  tous  égards.  Je  lui 
„  ordonnai  les  Médecines  fuivantes.  çi. 
„  Pulv.  Rad.  VaUrian.  fylv,  Bij.  P.  Cajior^ 
„  Rujf.  9i.  Aj[[(B  fœtid.  3!.  Tin6î.  Caftor. 
„  q.  s.  /.  viàffa  Pillular.  cujus.  formentiir 
5)  Pilull.  No.  40.  Elle  prit  quatre  de  ces 
„  Pillules,  deux  fois  par  jour,  avec  une 
„  petite  potion  de  ce  Julep.  ç:.  Aq.  Ceraf» 
j^  Ni^r.  jvi.  Aq.  Rutcs.  Pœon.  Co.  â  fij. 
„  Spir.  Lavand.  Co.  5vj.  Syrup.  Caryoph.  q, 
„  s.  fiât  Julap.  Elle  prenoit  auiîî  cinq^ 
„  cuillerées  de  ce  Julep  ,  lorfqu'eJle  le 
,5  trouvoit  à  propos.  Nous  lailTames  cou- 
„  1er  les  vefîcatoires  auffi  long-tems  que 
„  nous  pûmes  i&lorfqu'ils  furent  féchez, 
„  je  lui  ordonnai  le  19.  de  Juillet  la  mê- 
„  me  purgation  qu'auparavant.  Elle  fut 
„  alTez  bien ,  &  n'eut  aucune  attaque  juf- 
„  ques  au  22.  de  Juillet ,  lorfqu'en  fe  fai- 
„  Tant  appliquer  un  cautère  au  bras  ,elle 
„  tomba  dans  une  troifième  convulfion, 
„  qui  dura  près  de  deux  heures  :  cepen- 
„  dant  elle  fut  aflez  bien  le  foir.  Le  29. 
,9  de    Juillet  on  la  purgea  encore.     Le 

Z  3  f9  fixiè- 


344  Bibliothèque  Britannique, 

,,  fixième  d'Août  elle  fc  plaignit  d'une 
„  douleur  dans  la  tête ,  &  d'an  mal  d'ef- 
99  tomac  :  (Quelques  jours  auparavant  {^es 
„  règles  avoient  commencé  de  paroître; 
„  elle  avoit  vomi  prefqu'une  pinte  de 
,,  rang,  &  étoit  rerferrée:  Je  lui  confeil- 
,)  lai  alors  de  prendre  deux  cuillerées  de 
j.  Teinture  facrée  tous  les  foirs,  ou  tous 
,y  les  deux  foirs ,  en  allant  fe  coucher;  je 
99  lui  ordonnai  aulîi  le  remède  fui  vante  , 
5>  ç-^  Spir.  C.  C.  opî.  5iij.  Tin£t.  Helleb.  Nigr. 
99  -v.  dont  elle  prit  quarante  goures,  deux 
99  fois  par  jour,  dans  une  décoction  de 
99  Camomille.  Elle  continua  de  prendre 
99  Ces  remèdes  pendant  trois  femaines  ; 
9,  ils  répondirent  à  mon  attente ,  ô:  je  la 
99  laiflai  en  bonne  fanté.  Je  la  vis  envi- 
99  ron  un  an  après,  &  elle  me  dit,  qu'el- 
99  le  s'étoit  toujours  bien  portée  depuis. 
5,  Caîalepjis  tam  rarus  nffeàus  eji  ,  ut  cre- 
99  dant  inier  centum  ,  imb  Jexcentos  ,  vix 
99  unum  Medicum  reperiri ,  qui  Catalepticum 
99  aliquem  viderit  :  ideoque  Hijioriœ  Catalep- 
99  ticorum,  fi  occurrant,  diligenter  annotan- 
99  d(2.   S  E  N  N  E  R  T  u  s.  Ivïed.  Prud;»  Lib.  i» 

99    C.    30. 

Art.  F'.    Penfées  fur  l'Opération  de  la 

Fijiiik  Lacrymale.  Par  Mr.  François- Jofepb 
RuNAULD  ,  Docteur  en  Médecine,  Mem- 
bre de  la  S.  R.  ProfefTeur  Royal  d'Ana- 
tomie  &  de  Chirurgie,-  (S:  Membre  de 
l'Académie  Royale  des  Sciences  ta  Paris. 
Communiquées  à  la  Société  Royale  par 

une 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  345» 
une  Lettre  à  Mr.  Tho,  Stack  ,  Dodleur 
en  Médecine. 

jirt.  f^f.  De  la  Caufe  des  Vents  Âlifez  ; 
par  Mr.  George  H  ad  le  y.  Membre  de  Ja 
Société  Royale. 

,,  Il  me  iemble,  die  Mr.  Hadley ,  que 
„  ies  Caufes  des  Vents  Alifez  n'ont  po;nc 
„  été  plainement  expliquées  par  ceux  qui 
„  ont  traité  ce  fujet,  parce  qu'ils  n'ont  pas 
„  confideré  avec  afrez  d'exadlituie  com- 
„  bien  le  mouvement  diurne  de  la  Ter- 
„  re  contribue  à  la  production  de  ces 
„  Vents 

„  Tout  le  monde  convient,  je  penfe, 
,9  que  l'Aclion  du  Soleil  eft  la  caufe  ori- 
„  ginale  des  Vents  Alifez;  &  qu'il  les 
,,  produit  en  caufant  une  plus  grande 
„  raréfaction  de  l'Air  dans  les  lieux  où 
55  fes  rayons  tombant  perpendicuîaire- 
,,  ment ,  ou  prefque  perpendiculairement, 
„  excitent  un  plus  grand  degré  de  cha- 
,9  leur,  qu'ils  ne  font  dans  d'autres  cn- 
„  droits.  De  forte  que  dans  ces  lieux 
,,  où  les  rayons  tombent  perpendiculai^ 
j,  rement ,  l'Air  devenu  fpecifiauemenc 
,,  plus  léger  que  celui  qui  l'environne, 
,f  doit  être  chaiTé  de  fa  place  par  cet  Air 
,,  plus  frais  qui  eft  plus  denfe  &  plus  pé- 
„  faut. . .  Mais  il  femble  que  le  feul  effet 
,,  de  cette  rarefadion  doive  être  ,  de 
9,  faire  venir  avec  force  l'Air  de  routes 
,,  parts  dans  l'endroit  où  il  efc  le  pius  ra- 
„  réfié  ,  particulièrement  du  Nord  (5:  du 
Z  4      ■  .,  Sud^ 


34<5BlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

,)  Sud,  oii  l'Air  eft  le  plus  frais;  &  non 
„  pas  principalement  de  l'Eft  <5c  de  rOueit, 
,,  comme  on  le  fuppofe  communément. 
99  De  forte  que  mettant  à  quartier  le 
„  mouvement  diurne  de  la  Terre,  l'Air 
99  viendra  de  tout  côté  vers  Tendroit  ou 
99  l'aftion  du  Soleil  eltadtuellement  la  plus 
,9  forte:  d'où  il  fuit  qu'il  y  aura  fucceffi- 
„  vement  un  vent  de  Nord-Oueit  le  ma- 
99  tin ,  &  un  Vent  de  Nord-Ed  l'après- 
„  midi,  de  ce  côté  ici  du  Parallèle  de  la 
„  declinaifon  du  Soleil  ;  &  un  Vent  de 
„  Sud-Oueft  ,  &  de  Sud-Ell  de  l'autre 
99  côté. 

„  Ce  mouvement  perpétuel  de  TAir 
„  vers  rOueft  ne  fçauroit  être  caufé  par 
„  la  feule  action  du  Soleil  fur  TAtmofphè- 
„  re;  comme  il  paroîtra  plus  évidemment 
„  encore  par  le  raifonnement  fuivant.  Si 
99  l'on  fuppofe  que  la  Terre  foit  en  re- 
,^  pos,  ce  mouvement  de  l'Air  fera  com- 
99  muniqué  d'abord  aux  parties  fuperficiel- 
99  les ,  &  produira  peu-à-peu  une  Révo- 
,9  lution  de  tout  l'Air  vers  le  même  cô- 
„  té,  à  moins  que  la  même  quantité  de 
99  mouvement  ne  foit  communiquée  en 
-,  même  tems  à  l'Air,  dans  d'autres  en- 
99  droits ,  mais  dans  une  diredion  contrai- 
99  Te;  ce  qu'on  ne  fçauroit  fuppofer.  Mais 
99  fi  le  Globe  de  la  Terre  avoit  aupara- 
99  vant  un  mouvement  à  l'Eft,  ce  mou- 
„  vement  de  l'Air  doit  être  par  cela  mê- 
99  me  continuellement  retardé:  Et  fi  l'on 

:>9  fup- 


Juillet  ,  Août  et  Septemtî.  1739.  347 
„  Tuppcfe  que  ce  mouvement  de  l'Air  naît 
„  d'une  aftion  quelconque  de  Tes  parties 
„  l'une  fur  l'autre,  la  confequence  fera  Ja 
„  même.    Ceit  pourquoi  il  femble  qu'il 
„  foitnéceflairede  montrer  ,  comment  ce 
,,  phénom.ène  des  Vents  Alifez  peut  être 
„  caufé,  fans   qu'il  y  ait  réellement  un 
„  mouvement  général  produit  dans  TAir 
„  vers  rOuelt.     C'eft  ce  qu'on  montrera 
„  facilement ,  fi  l'on  confidere  en  même 
9,  tems  le  mouvement  diurne  de  la  Terre. 
,,  Car  fuppofons  que  l'Air  ait  par-tout 
99  un    mouvement   égal    au    mouvement 
o  diurne  de  la  Terre  ;   en  ce   cas  il  n'y 
„  aura  point  de  mouvement  relatif  de  là 
„  furface  de  la  Terre  &  de  l'Air ,  &  par 
„  confequent   point    de  Vent.     Mainte- 
„  nant  que  par  l'aftion  du  Soleil  fur  les 
99  parties  qui  environnent  l'Equateur,  & 
„  par  la  raréfaction  de  l'Air  produite  par 
„  cette  adlion  ,    l'Air  foit   attiré-là  des 
„  parties  Septentrionales  &   Méridiona- 
„  les  ;  les  Parallèles  deviennent  toujours 
„  plus  grands ,  à  proportion  qu'ils  font 
„  plus   proches    de  l'Equateur  ;    &  l'E- 
„  quateur  efl:   plus    grand  que  les  Tro- 
f,  piques  ,    à -peu -près    dans     la    raifou 
,,  de    lOGO.   à   9171.   &  par   confequenc 
,,  la  différence  de  leur  circonférence  efl 
,,  à-peu-près  de  2083.  milles,  (5c  la  fur- 
„  face  de  la  Terre  fe  meut  d'autant  plus 
99  vîce  fous  l'Equateur ,  que  la  furface  de 

Z  j  M  la 


348  Bibliothèque  Britannique, 
„  la  Terre  avec  l'Air  fous  les  Tropiques, 
y.  D'où  il  fuit ,  que  1  Air  qui  fe  meut  des 
,,  Tropiques  vers  l'Equateur,  ayant  moins 
,,  de  vélocité  que  les  parties  de  la  Ter- 
;,  re  auxquelles  il  arrive,  aura  un  mouve- 
„  ment  relatif,  contraire  au  m.ouvement 
i,  diurne  de  la  Terre  dans  ces  endroits 
„  là;  lequel  mouvement  relatif  étant  com- 
j,  biné  avec  le  mouvement  de  l'Air  vers 
,,  l'Rquateur,  produira  un  Vent  deNord- 
,,  E(l  de  ce  côté  ici  de  l'Equateur,  &  un 
„  Vent  de  Sud-Ed:  de  l'autre  côté. 

,,  A  mefure  que  l'Air  approche  de  TE- 
,,  quateur,  ces  Vents  deviennent  toujours 
„  plus  fort»; ,  &  de  plus  en  plus  à  TEft , 
,,  iufques  à  ce  Gu'ils  deviennent  tout-à- 
j,  fait  EU  fous  l'Equateur  (  comm.e  on  le 
,,  trouve  aufTi  par  expérience  )  à  caufe  du 
,,  concours  des  deux  Courans  de  l'Air  du 
,^  Nord  &  du  Sud  ;  &  la  vîtelTe  du  Vent 
,,  fera  à  raifon  de  2083.  niilîes  dans  l'ef- 
,,  pace  d'une  révolution  de  la  Terre,  ou 
,,  d'un  jour  naturel,  oc  de  plus  d'un  mille 
.,  &  un  tiers  dans  une  minute;  ce  qui  efl 
,,  une  plus  grande  vîtefTe  que  celle  du 
,,  Vent  dans  les  plu^  grandes  Tem.pêtes  ; 
,,  Car  ,  fuivant  les  Obfervations  du  Doc- 
teur Derham  ,  l'Air  ne  parcourt  pas 
alors  plu«i  d  un  mille  dans  une  minute. 
Mais  il  faut  rem.nrquer,  qu'avant  que 
l'Air  puifTe  être  arrivé  <]cs  Tropiques  à 
,,  l'Equateur,  il  faut  que  la  furface  de  la 

„  Ter- 


Juillet  5  Août  et  Septf.mb.  1739.  349 
5,  Terre  ou  de  la  Mer  lui  aie  communi- 
„  que  un  peu  de  mouvement  vers  l'Eft, 
„  par  où  Ion  mouvemenc  relatif  eft  di- 
,,  minuc;  &  dans  plufieurs  Circulations 
,,  fucccljives  il  fera  réduit  à  la  force  que 
i,  l'on  trouve  qu'il  a  efredivement. 

L'Auteur  fe  fert  des  mêmes  principes 
pour  rendre  raifon  des  Vents  Alifez  hors 
des    Tropiques;    &  il   finit  par  ces  deux 
confequences :  Premièrement,  fans  le  fe- 
cours   du  mouvemicnt  diurne  de  la  Ter- 
re,  la  Navigation  feroit  prodigieufement 
longue,  principalement  vers  l'Efl  àjOueft, 
&  il   feroit  peut-être  impoiTible  de  faire 
tout   le   tour  de  la    Terre.     En  fécond 
lieu  ,  il    faut  que    les  Vents  de  N.  E.  & 
de  S.  E.  qui  foufflent  entre  les  Tropiques, 
foient  compenfez  par  des  Vents  de  Nord- 
Oued  &;  de  Sud-Ouefl:  qui  fouitîent  ail- 
leurs ;  &  en  général  il  faut  que  tous  les 
Vents  qui  foufflent  de  qiielque  point  que 
ce  foit,  foient  compenfez  par  des  Vents 
contraires  qui  foufflent  en  quelque  autre 
endroit  :    fans    quoi    il    faudroit  qu'il    y 
eût  quelque  changement  produit  dans  le 
mouvem.ent  de  la  Terre  fur  fon  Axe. 

Art.  VL.  Relation  de  pluficurs  Trem- 
blemens  (^e  Terre  arrivez  dans  la  Nou- 
velle Angleterre,  depuis  que  les  Angiois 
s'y  font  établis;  particulièrement  du  der- 
nier qui  s'y  fit  fentir  le  l'ç.  d'Odlobre 
1.727.  Communiquée  à  la  Société  Roya- 
le 


E 


350  Bibliothèque  Britannique, 
le  par  Mr.  Paul  D  u  o  l  e  y  ,  Membre  de  la 
Société  Royale  *. 

Après  avoir  marqué  en  peu  de  mots 
les  Tremblemens  de  Terre,  qui  font  ar- 
rivez dans  la  Nouvelle  Angleterre  depuis 
l'an  1638,  Mr.  Dudley  vient  à  celui  da 
29  d'OiLtobre  1727.  Il  commence  par 
marquer  quel  tcms  il  fit  avant  que  ce 
Tremblement  arrivât.  L'Hyver  avoit  été 
aiïez  modéré  durant  les  mois  de  Janvier 
&  Février,  fans  aucune  forte  gelée:  en 
Mars  il  y  eut  beaucoup  de  Neige ,  &  un 
peu  de  tems  froid  ,  mais  cela  ne  dura 
Das:  le  onze  il  y  eut  une  Eclipfe  de  So- 
_eil  d'environ  cinq  doigts,  quinze  minutes, 
après  quatre  heures  du  foir,  autant  que 
Mr.  Dudley  en  put  juger  fans  le  fecours 
d'aucun  inflrument.  Le  tems  fut  affez 
beau  le  refte  du  mois  ;  il  y  eut  de  la  pluye 
quelquefois ,  &  une  feule  fois  du  Tonnerre 
ôc  des  Eclairs.  '  En  Avril  il  fit  un  beau 
tems  de  printems  ,•  il  y  eut  beaucoup  de 
pluye  au  commencement  &  à  la  fin  du 
mois.  Le  commencement  de  Mai  fut 
affez  beau;  le  9>  le  10,  &  le  13.  il  plut 
beaucoup:  le  18.  il  y  eut  une  gelée  blan- 
che ;  le  24.  &  le  25.  il  fit  fort  froid;  en- 
fuite  il  fit  un  tems  fort  fec  jufqu'à  la  fin 

du 

*  On  peut  voir  ure  autre  Rél.-.tion  du  mê- 
me Tremblement  de  Terre  dans  le  Cahier  40^. 
ées  Mem,  de  la  S.  R.  p,  124. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  351 
du  mois  ;  de  même  qu'au  commencemenc 
de  juin:  durant  tout  ce  mois   il   y   eut 
beaucoup  de  Tonnerre  &  d'Ecîairs ,  aufll- 
bien  qu'au  mois  de  Juillet  :   &  quoiqu'il 
y  eût  quelques  ondées  dans  certains  en- 
droits ,  cependant  le  tems  fut  générale- 
ment parlant  fort  fec:  dans  les  trois  der- 
niers jours  de  Juillet  il  fit  fi  chaud,  qu'il 
n'y  eut  pas  moyen  de  travailler,  ni  de 
voyager  de  jour»  ni  de    dormir  la  nuit. 
Le  commencement  d'Août  fut  aufii  excef- 
fivement  chaud  ;  &  le  premier  jour  il  fit 
des  Eclairs  continuels ,  le  tout  autour  de 
l'horifon ,  depuis  le  foir  jufqu'à  minuit, 
quoiqu'il  n'y  eût  pas  beaucoup  de  Ton- 
nerre.   La   fécherefle    continua   jufqu'au 
10,  enfuite  il  y  eut  beaucoup  de  pluye 
par  toute   la  Province  ;  mais   la  chaleur 
fe  fit  fentir  fortement  jufqu'à  la  çii-Sep- 
tembre;  de  forte  qu'à  tout  prendre, je  ne 
me  fouviens  pas,  dit  Mr«  Dudley ,  d'a- 
voir   vu  tant   de  chaleur   dans   un    feul 
été.     Le  16.  de  Septembre  il  y  eut  une 
Tempête  des  plus  violentes;  le  vent  étoic 
au  Nord-Efi:  ;  il  y  eut  aufii  beaucoup  de 
pluye.  En  Odtobre  le  teras  fut  fort  froid 
avant  le  Tremblement  de  Terre,*  le  23. 
il  plut  bien  fort,  le  vent  étant  au  Sud: 
la  nuit  du  25.  il  y  eut  une  forte  gelée; 
le   26.   un    peu  de  Neige,*    le  28.  il  fit 
froid  ,  le  vent  étoit  au  "Is^ord-Oueft ,    ^ 
continua  de  même  le  29.  jour  de  Diman- 
che; le  teras  étoic  froid,  quoique  le  vent. 

ne 


352  Bibliothèque  Britannique, 

ne  fCic  pas  fore  :   le  foir  il  y  eut  un  cal- 
me, &  le  Ciel  étoic  fort  ciair&  ferein. 

Par  ce  Journal  abrégé,  die  Mr.  Dudley ^ 
les  Sv^avans  pourront  juger  11  la  Terre  n'a- 
voic  pas  étcdirpofée  ou  préparée  au  Trem- 
blement dont  il  s'agit  ici,  par  cette  lon- 
gue féchereile  &  par  la  chaleur  extrême 
dont  elle  fut  accompagnée,  qui  rendirent 
la  terre  plus  poreufe ,  6c  la  remplirent  d'ex- 
halaifons  ou  de  vapeurs  enflammées ,  qui 
étant  après  cela  renfermées  dans  la  Terre 
par  les  grandes  pluyes  6c  par  la  gelée  qui 
iuivirent,  &  ne  trouvant  par  coniequent 
aucun  pafTage  pour  forcir  &  s'évaporer, 
agirent  les  unes  fur  les  autres  au  dedans 
de  la  Terre  avec  une  violence  terrible. 

Mr.  Diidlsy  examine  enfuite  de   quelle^ 
efpeceécoitlè  Tremblement  de  Terre  dont       j 
il  s'agit  ici.  Gilbërùiis  Jacchœus^  dans  fes  In-      i 
Jlitutiones  Pbjfïcœ,  cap.  Terrœ  Motus  ,  diflin-      i 
gue  quatre  efpeces   de    Tremblemens  de      i 
Terre,  en  quoi  il  s'accorde  avec  Ariftote      I 
&  Pline,  qui  comptent  pour  la  première      | 
efpece  la  iimple   iccoufle,   qu'ils  compa-     | 
rent  au  Tremblement  caufé  par   un  accès     1 
de  fièvre.     Notre    Auteur  n'a  point  ouï     y 
dire  que  la  Terre  fe  foit  ouverte   en  au-     -^ 
cun  des  endroits  où  le  Tremblement  s'eft     -} 
fait  fentir.     Il  e(l  vrai  que  quelques  per- 
ibnnes  ont  dit,  qu'on  avoit  vu  la  Terre 
s*èiever  fenfiblement ,  &  s'abaifler  enfuite. 
Mais  notre  Auteur  doute  de  la  vérité  de 
ce  fait  ;  parce  que  de   pareilles  fecoufles 

auroient 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739,  353 
auroient  certainement   renverfé  quelques 
édifices,  ou  bien  les  exhalaifonsTeferoienc 
fait  jour  par  quelque  ouverture.     Remar- 
quons pourtant:,  que  dans  une  Apoftille  à 
cette  Lettre  Mr.   Dudhy  reconnoît,  que 
des  per  onnes  dignes  de  foi  Tonc  afruré , 
que  ce  Trem.blemenc  de  Terre  av^oîc  ren- 
du puante  l'eau  de  quelques  fources  ;   que 
quelques  puits  s'ér.oienc  enfoncez   confi- 
derablement  dans  la  Terre,  &  que  d'au- 
tres avoient  môme   entièrement  difparu. 
Il  ajoute,  qu'un  Gentilhomme  deNbury  , 
ville  fituée  à  trente    ou   quarante  milles 
de  Boilon,  au  Nord -Nord- Eit,  lui  a  c- 
crit ,  qu'à  la  diilance  d'environ    quarante 
Verges  *  de  fa  maifon ,  la  Terre  s'étoit  fen- 
due, &  qu'il  étoit  forti  par  cette  fente 
près  de  trente  charetées  de  fable  fin:   ce 
qui  eft  d'autant  plus  remarquable,    que, 
comme  Mr.  Dudley  l'a  appris  depuis,   il 
n'y  a  dans  ce  quartier-là,  à.  dans  les  en- 
virons ,  qu'une  forte   glaife    jufqu'à  vingc 
ou  trente  pieds  de  profondeur,   &  qu'on 
n'y  trouve  jamais  aucun  fable;   de   forte 
qu'il  faut  que  les  exhalaifons  ayent  chaffé 
cette  grande  quantité  de  fable  'au  travers 
d'un  lie  de  Glaife   d'une  épailleur   prodi- 
gieufe. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  cç  que 
notre  Auteur  dit  du  bruit  qui  précéda  ou 
qui  accompagna  le  Tremblement  de  Ter- 
re, 

*  La  Vierge  ell  de  trois  pieds. 


354 Bibliothèque  Britannique, 

re ,  ni  à  la  defcription  qu'il  nous  donne 
des  efforts  qu'il  produific,  parce  qu'il  n'y 
a  rien  dans  tout  cela  de  fort  remarqua- 
ble. 

Mais  il  ne  fera  pas  inutile  de  rappor- 
ter ce  que  Mr.  Dudky  dit  de  l'étendue  de 
ce  Tremblement  de  Terre.  Bofton,  Ca- 
pitale de  la  Nouvelle  Angleterre,  elt  (î- 
tuée  au  42.  degré,  &  25.  min.  de  lati- 
tude Septentrionale,  4.  heures  &  43.  min. 
à  rOueft  de  Londres,  fuivant  que  fafitua-  • 
tion  a  été  déterminée  il  y  a  long-tems  par 
Mr.ThomasBrattle,de  ce  pais -là,  &  par 
Mr.  Hodgfon ,  de  Londres.  Prenant  donc 
Bofton  pour  centre,  nous  avons,  dit  Mr. 
Dudley ,  des  Relations  certaines,  qui  nous 
aflurent  que  le  Tremblement  de  Terre 
dont  il  s'agit  ici,  a  été  fenti  fur  la  Riviè- 
re de  Quennebeck  du  côté  de  l'Efl,  &  à 
Philadelphie  du  côté  de  l'Oueft,  deux  en- 
droits éloignez  de  ijo.  lieues  l'un  de 
l'autre,  de rOuelt-Sud-Oueft, à rEft  Nord- 
Efl,  &  il  a  été  apperçu  plus  ou  moins 
dans  tous  les  endroits  fituez  entre  ces 
deux  termes.  Et  prenant  une  ligne  trans- 
verfale,  on  a  fenti  ce  Tremblement  d'un 
côté  jufqu'à  i'Jlle  appellée  Nantucket ,  & 
de  l'autre  jufqu'à  l'Ille  nommée  la  Vigne 
de  Marthe  * ,  l'une  &  l'autre  éloignée  de 
Bofton  de  près  de  quatre-vingt  dix  mille.^: 
&  la  première    à  plus  de  dix  lieutis  de    ■ 

Ter-    " 

*  Marth-a's  Vi^eyard. 


^ 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  35-5' 
Terre -ferme.  Il  paroît  par -là  que  ce 
Tremblement  s'efl  fait  fentir  dans  une  plus 
grande  étendue  de  Païs ,  qu'aucun  dont  il 
Ibit  fait  mention  dans  l'Hiitoire. 

On  ne  fçauroit  déterminer  oh  il  a  com- 
mencé. Dans  les  endroits  fituez  vers 
l'Oued  on  l'a  fenti  entre  dix  à.  onze  heu- 
res du  foir  :  on  l'a  apperçu  dans  le  mê- 
me tems  aux  endroits  fituez  vers  l'Eft: 
d'où  Mr.  Dudley  conclut,  qu'il  doit  être 
arrivé  à  -  peu  -  près  au  même  tems  dans  tou- 
te l'étendue  du  Païs  où  on  l'a  fenti.  Quel- 
ques-uns de  nos  voifms  ,  ajoute  l'Auteur  , 
foutienncnt  qu'il  eit  venu  du  Sud:  d'autres 
afTurent  qu'il  venoit  du  Nord.  Mais  cet- 
te différence  ne  doit  pas  nous  furprendre  ; 
puifqu'il  y  a  lieu  de  fuppcfer  que  les  ca- 
vernes foûterreines  par  ou  les  exhalai- 
fons  paflentj  ne  font  pas  fituées  en  ligne 
droite,  mais  qu'elles  fe  divifent  enplufie'urs 
branches,  félon  tous  les  points  de  la  Bouf- 
foie, principalement  dans  un^  fi  grande  éten- 
due de  Pais. 

Art.  VIII.  &  IX.  Ces  deux  Articles  con- 
tiennent une  Relation  d'un  eifet  extraor- 
dinaire de  la  Foudre,  qui  a  communique 
une  vertu  Magnétique  à  des  Couteaux, 
&c.  A  Walrefîeld,  dans  la  Comté  d'York. 
Par  le  DofteurCooKSON,  &  communiquée 
à  la  Société  Royale  par  Mr.  Pierre  Dod, 
Docteur  en  Médecine  &  Membre  de  la 
S.  R. 

Vers  la  fin  de  Juillet  1731.  il  y  eut  un 

Tome  XII L  Part,  IL       A  a  grand 


35<5  Bibliothèque  Britannique, 

frand  orage  de  Tonnerre  &  d'Eclairs.  La 
oudre  entrant  dans  une  chambre,  fendit 
une  grande  cailTe  de  Sapin  oii  il  y  avoic 
plufieurs  douzaines  de  couteaux  &de  four- 
chettes, qui  furent  difperfez  par  toute 
la  chambre.  Lorfqu'on  vint  pour  les  ra- 
raafler ,  on  trouva  qu'il  y  en  avoit  plu- 
lieurs  de  fondus ,  d'autres  caiTez  en  deux, 
quelques-uns  avoient  le  manche  brûlé,  &c. 
Mais  ce  qu'il  y  eut  de  plus  remarquable, 
c'ed  qu'après  les  avoir  mis  fur  une  table , 
fur  laquelle  il  y  avoit  des  doux  ,  des  an- 
neaux &c.  de  fer  ,  on  apperçut  qu'en 
prenant  quelques-uns  de  ces  couteaux,  ils 
enle voient  avec  eux  des  anneaux5des  doux, 
&c.  On  les  efTaya  prefque  tous,  &  Ton  trou- 
va qu'ils  avoient  tous  acquis  la  vertu  de 
l'Aimant  ;  vertu  qu'ils  ont  confervée ,  même 
après  avoir  été  rougis  dans  le  feu. 

Mr.  Cookfon  nous  donne  ici  dans  une 
figure?  la  fituation  de  la  chambre  dans  la- 
quelle la  Foudre  entra ,  celle  où  étoienc 
les  couteaux ,  &  la  ligne  que  fuivit  la 
Foudre.     Puis  il  propofe  ces  Queftions  : 

Ne  peut -on  pas  attribuer  cette  Vertu 
Magnétique  que  ces  couteaux  &  ces  four- 
chettes ont  reçue,  à  ce  qu'ils  étoient  pla- 
cez dans  une  direâion  qui  coincidoit,  ou 
qui  ne  faifoit  qu'un  très -petit  angle  avec 
la  Ligne  Magnétique  ;  puifqu'une  barre  de 
fer,  placée  dans  une  pareille  fituation ,  re- 
çoit en  peu  de  tems  une  vertu  attractive, 
qui  û'ert  que  paflagere ,  il  çlt  vrai  ;  mais 

qui 


Juillet,  Août  et  Septemb.  i^Sp»  357 
qui  devient  permanente,  lorfque  la  barre 
demeure  long-tems  dans  cette  fituation? 

Ne  peut-il  pas  être  arrivé,  que  ces  cou- 
teaux étant  dans  cette  fituation ,  &  ayant 
été  prodigieufement  échauffez  par  la  Fou- 
dre ,  ont  été  fortement  imprégnez  de  cet- 
te Vertu  Magnétique;  puifqu'une  barre  de 
fer  échauffée,  &  placée  enfuite  dans  une 
certaine  diredion  pour  fe  refroidir,  ac- 
quiert cette  Vertu  plutôt ,  que  lorfqu'on 
la  met  toute  froide  dans  la  même  direc- 
tion ? 

Les  Pôles  de  la  Bouffole  ont  été  quel- 
quefois changez  par  la  Foudre  ;  comment 
donc  la  Foudre  a- 1- elle  pu  communiquer 
une  pareille  Vertu  dans  le  cas  dont  il  s'a- 
git ici ,  puifqu'elle  l'a  fait  évanouir  dans 
une  autre  occafion? 

Nous  donnerons  la  fuite  dans  un  autre 
Journal. 

ARTICLE    V. 

Hîjlo'ire  du  Droit  Public  EccUfiaftique  Fran" 
fois  ;  oîi  l'on  traite  de  fa  Nature ,  de  fon 
EtabliJJement  ^  de  [es  Variations  £?  des 
Caufes  de  fa  Décadence:  On  y  a  joint 
quelques  DiJJertaîionsJur  les  articles  les 
plus  importans  ^  les  plus  contejîez.  Par 
Monfieur  D.  B.  J  Londres  Chez  Sa- 
muel Harding^  1737.  2.  vol.  in  8^.  p-p. 
472.  pour  le  premier  Tome,  ôc  340. 
Aa  2  pour 


358  Bibliothèque  BRiTANNiQtrE, 
pour  le  fccond  ,  fans  compter  les 
Vies  des  Papes  Alexandre  VI.  &  Léon 
X.  qu'on  y  a  ajoutées,  6c  qui  en  con- 
tiennent. 138. 

Uoique  le  titre  de  ce  Livre  porte 
J  qu'il  a  été  imprimé  à  Londres ,  il  efl: 
vilible,  à  en  juger  par  le  papier  &  par  les 
caractères ,  que  c'eftune  imprefîion  d'Hol- 
Jande.  Nous  nous  Ibmmes  cependant  crus 
autorifez  fur  le  fimple  titre  à  en  rendre 
compte,  comme  d'un  Ouvrage  qui  nous  a 
paru  mériter  par  plus  d'un  endroit  la  ca- 
riofité  du  Public.  V^oici  le  plan  ,  tel  que 
l'Auteur  nous  le  donne  lui-même. 

,,  J'expofe  d'abord,  dit-il*,  les  Droits 
,,  des  trois  Puiflances,  c'eft-à-dire  du 
,,  vSouverain ,  du  Pape  &  des  Evêques; 
,,  car  c'efl  du  concours  de  ces  trois  Jurif- 
„  dictions  que  fe  forme  le  Droit  Public 
„  Eccléfiailique  François;  &  je  regarde 
,,  les  idées  dillinctes  que  j'en  donne  ,com~ 
„  me  une  Introduction  néceflaire  à  l'Hif- 
9,  toire  que  j'écris.  Je  me  fuis-  attaché 
„  dans  cette  Introduction  à  établir  les 
„  Droits  du  Souverain ,  parce  que  c'eft 
5,  à  les  détruire  &  à  les  affoiblir  que  les 
,9  deux  autres  Puiffances  fe  font  attachées. 
„  Je  fais  enfuîtc  l'Hiftoire  de  Texercice 
i)  de  ces  Droits,  de  l'abus  qu'on  en  a  fait, 

fi  de 

*  Préf.  p.  4. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  359 

„  de  la  foiblefle  qu'on  a  eu  à  les    défen- 
„  dre,  deTadrefleàles  attaquer,  des  pré- 
„  tentions,  des  entreprifes  qu'ils  ont  don- 
9,  né  occafion  de  former,  &  des  divifîons 
„  dont  ces   entreprifes   ont  été   fuivies. 
„  Comme  parmi  ces   prétentions  il  y  en 
„  a  de  fort  embarafTées  ,  à  caufe  du  *  rap- 
„  port  eflentiel  qu'elles  paroiflent  avoir  au 
„  fond  de  la  Religion,  &  que  par- là  elles 
„  demandent  d'altez  grandes  difcuifions; 
„  j'en  ai  fait  le  fujet  de  quelques   Difler- 
„  tations,  fans  leur  donner  d'autre  ordre 
„  que  celui  des  évenemens  qui  ont    don- 
„  né  naiffance  aux  difficultez  qu'elles  dé- 
„  veloppent,  &  aux  conteftations  qu'elles 
„  décident.    Pour  THiftoire  même,  je  la 
,y  divife  en  quatre  Parties;   la  première, 
„  depuis  l'établifTement  de  la   Monarchie 
„  jufqu'au  tems  de  Grégoire  VU;    la  fe- 
5,  conde,  depuis  Louis  VI.  jufqu*aux  démê- 
„  lez  de  Philippe  le  Bel  avec    Eoniface 
„  VIII;  la  troiiièrae,  depuis  la  mort  de  ce 
„  Pape  jufqu'au  Schifme;  enfin  la  dernie- 
„  re ,  depuis  ce  Schifme  jufqu'à  la  Confli- 
„  tution  Unigenittis  *«.     Du  relie,  l'Auteur 
fait  profeiïion  d'une  aufli  grande  impartia- 
lité  que   s'il  écrivoit  fur  les   Droits  du 
Muphti  &  du  Grand-Seigneur;  il  n'attend 
ni  penfion  ni  Bénéfice,  &  il  dit  librement 
ce  qu'il  penfe. 

Il  pofc  d'abord  pour  principe  incontef- 
table,  que  la  Religion  Chrétienne  n'a  rien 
changé  aux  Droits  des  Souverains ,  &  que , 

Aa  3  4^^^" 


35oBlBLIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

quelque  éminent ,  quelque  facré  que  foit 
le  caradère  de  fes  Miniftres,  ceux  qui  le 
reçoivent  ne  ceflenc  point  d'être  fujets. 
D'où  il  fuit  évidemment ,  qu'on  ne  doit  te- 
nir aucune  AlTemblée  Eccléfiaftique,  ni  pu- 
blier aucun  Règlement  en  matière  de  Re- 
ligion, dans  les  Etats  d'un  Prince ,  qu'avec 
fa  permiffion  &  fous  fon  autorité;  que 
tous  les  Membres  de  l'Etat,  tant  Écclé- 
"Galtiques  que  Laïques ,  doivent  également 
contribuer  de  leurs  biens  &  de  leurs  fer- 
vices  perfonnels  à  fa  confervation  &  à  fa 
défenfe ,  &  que ,  pour  les  y  contraindre ,  le 
Souverain  n'a  beîbin  de  l'autorité  de  qui 
que  ce  foit;  que  c'eft  à  lui  feul  qu'il  a- 
partient  de  difpofer  des  Poftes  émincns 
dans  l'Eglife,  aufTi-bien  que  dans  l'Etat,  & 
qu'aucune  Puiflance  étrangère  n'a  droit 
de  s'en  mêler.  Pour  juftifier  ce  principe  , 
l'Auteur  allègue  THiftoire  de  l'Eglife.  A- 
près  que  par  fa  patience  &  par  fes  tra- 
vaux infinis  elle  fe  fat  peu- à -peu  écablie 
fur  les  ruines  de  l'Idolâtrie,  fon  Gouver- 
nem.ent  parut  aux  Souverains  digne  de 
leur  attention»  Ils  y  intervinrent;  &  au- 
tant que  la  nouvelle'  Religion  pouvoit  le 
permettre, ils  firent,  par  rapport  à  elle,  ce 
qu'ils  avoîent  fait  par  rapport  à  l'ancien- 
ne. Ils  ne  s'en, déclarèrent  pas  les  Chefs, 
mais  les  Protecteurs,  Ô:  ils  regardèrent 
ce  titre  comme  une  partie  elfentielle  de 
leur  Souveraineté.  Ils  ne  décidèrent  point 
les  difputes  qui  s'élevoienc  dans  l'Eglife ,  . 

mais 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  ^6i 
mais  ce  fut  par  leurs  ordres  que  les  Evo- 
ques alTemblez  les  décidèrent  ;  &  ce  fut 
par  leurs  Edits  que  ces  Loix  Eccléfiafli- 
ques  devinrent  des  Loix  d'Etat.  Le  Grand 
Conftantin ,  après  fa  converfion  au  Chriftia- 
niflne,  entra  fort  avant  dans  les  affaires  de 
l'Eglife.  Les  Evêques  eux-mêmes  s'addreffe- 
rent  à  lui ,  &.  implorèrent  ion  autorité  fou- 
veraine  pour  Pextindion  des  fchifmes  <Sc 
des  héréfies.  Dans  cette  vûë  il  convoqua 
un  Concile  National  à  Arles  ,  &  quelque 
tems  après  un  Kcuménique  à  Nicée ,  oh 
il  aififla  en  qualité  de  Souverain,  &  de 
Protecteur  de  la  Religion  &  du  Concile. 
Il  y  parla  même  fur  les  Articles  conteftez, 
&  il  en  foutint  les  décifions  par  fes  Edits. 
Ses  fucceiïeurs  l'imitèrent  en  cela;  pendant 
plufieurs  fiécles  il  ne  fe  tint  point  de  Conci- 
les fans  leur  permifllon  ,  ou  plutôt  il  ne  s'en 
tint  point  que  par  leurs  ordres,  &  ils  y  eu- 
rent toujours  une  très-grande  part.  La  pré- 
fenccdu  Prince  ou  de  fes  CommiUaires  em- 
péchoit  les  intrigues  ,  '&  ne  permettoic 
pas  que  le  plan  des  délibérations  &  des  dé- 
cifions vînt  de  Rome,  comme  on  l'a  vu 
depuis.  Les  Evêques  de  cette  Capitale, 
fujets  du  Souverain  comme  les  autres  , 
n'avoient  que  leur  voix  dans  ces  Alfem- 
blées  ,  ni  d'autres  prérogatives  que  celles 
qui  écoient  attachées  à  leur  Siège.  Les 
Légats  de  Sylveitre  au  Concile  de  Nicée, 
eurent  ordre  de  confentir  à  tout  ce  qui 
y  feroic  léfolu  à  la  pluralité  des  fuifrages. 

Aa  4  Mais 


3^2 Bibliothèque  Britannique, 
Mais  le  Souverain  n'a  pas  feulement  droic 
de  connoîcre  des  Affaires  Eccléfîaftiquesjôc 
d'en  ordonner  ou  d'en  procurer  la  déci- 
lîon;  fes  droics  s'étendent  encore  far  les 
biens  &  fur  le?  perfonnes  particulièrement 
confacrées  &  affedées  à  l'Eglife.  A  cette 
occafion  l'Auteur  traite  des  Immunicez  du 
Clergé  tant  féculier  que  régulier ,  6c  fait 
voir  qu'elles  n'ont  d'autre  fondement  que 
la  pieté  quelquefois  mal  entendue  des  Prin- 
ces, qui  peuvent  par  confequent  les  révo- 
quer quand  il  leur  plaira.  ,,  J'avouerai,  (i 
?î  l'on  veut,  dit-il  (*)  ,  que  la  bienféan- 
»j  ce  exigeoit  en  quelque  forte  ces  Immuni- 
99  tez ,  qu'il  ne  convient  pas,  pour  l'hon- 
99  neur  de  la  Religion  ,  que  fes  Miniftres  , 
99  quoique  criminels  ,  foient  traitez  avec 
99  auffi  peu  d'égards  &  de  ménagement  que 
j,  les  autres  coupables:  Mais  je  nie  forte- 
9)  ment  que  ces  immunitez  foient  effentiel- 
99  les  au  Chriftianirme,  que  les  Souverains 
99  qui  l'ont  embrafle  n'ayent  pas  pu  ne  les 
j^  point  accorder ,  ce  que  les  ayant  accor- 
99  dées ,  ils  ne  puilTent  y  déroger  pour  des 
99  railbns  urgentes.  J'ofe  même  défier  qu'on 
99  trouve  quelque  raifon  folide  pour  prou- 
99  ver  qu'un  Prmce  ne  peut  pas  en  premiè- 
39  re  inllanceconnoître  du  crime  d'un  Clerc 
;,  régulier  ou  féculier,  &  que  pour  le  pu- 
5,  nir  il  faille  que  la  condammation  d'un 
i,  Tribunal  Eccléfiaflique  précède  lalîenne. 

Ce 


Juillet,  Août  et  Sei'temb.  1739.  363 
Ce  que  l'on  vient  d'avancer  n'a  rien  en 
effet  que  de  conforme  &  à  rHiftoire  Sainte 
&  à  la  nature  même  des  chofes.  (^uand 
Dieu  déclara  à  fon  peuple ,  que  le  Roi  qu'il 
demandoit  auroit  fur  lui  droit  de  vie  &  de 
mort ,  il  De  lit  aucune  exception  en  fa- 
veur de  la  Tribu  de  Levi.  Ce  ne  fut  pas 
rOnélion  facerdotale  qui  empêcha  Salomon 
de  faire  exécuter  contre  Abiathar,  Grand- 
Prêtre,  la  lentence  de  mort  qu'il  avoit  juf- 
tement  prononcée  ;  le  feul  Ibuvenir  des 
ferviccs  qu'il  avoit  rendus  à  David ,  fon 
Père  ^  ]e  détermina  à  la  clémence.  Ce 
Prince  ne  llc-il  pas  tuer  dans  le  Temple, 
&  au  pied  même  de  l'autel ,  Joab  qui  s'y 
étoît  réfugié  ?  Dira-t-  on  qu'il  viola  par 
eette  aélion  la  fainteté  du  lieu  ou  les  Im- 
munitez  du  Cierge  ?  Nous  ne  voyons  point 
non  plus  dans  l'Évangile  ,  que  Jêfus-Chrifl 
ait  prétendu  exempter  fes  Apôtres  des  Loix 
impofées  à  toute  la  Nation  ;  au  contraire 
il  fait  un  miracle  pour  payer  la  Capitation 
qu'on  lui  demandoit.  Les  Apôtres  eux- 
mêmes  n'ont  rien  dit  d'oii  l'on  puifle  con- 
clure que  les  Jmmunitez  Eccléfiaftiques 
faflent  partie  de  la  Religion  qu'ils  onjc 
prêchée.  Le  Prince ,  pour  la  confervation 
de  l'Etat,  pour  le  foucien  de  fa  digniré , 
a  befoin  de  l'affiftance  de  fesfujets;  ils  font 
tenus  de  l'aider  de  leurs  biens  (Se  de  leurs 
perfonncs.  Mais  de  quel  droit  les  Ecclé- 
fiailiques  en  feroient-ils  exempts  ?  Ne  font- 
Us  pas  membres  de  la  Société^  &  ne  partici- 

A  a  5  penc-- 


3^4  Bibliothèque  Britannique, 

pent-ilspasà  tous  les  avantages  de  la  Socié- 
té ?  N'ont-ils  pas  le  même  intérêt  que  les  au- 
tres à  la  profperité  de  l'Etat ,  &  n'eft-il  pas 
jufte  qu'ils  y  contribuent  félon  leurs  forces , 
aufll- bien 'qu'eux  ?  Qu'on  cherche  tant 
qu'on  voudra ,  on  ne  trouvera  rien ,  ni  dans 
leur  profefTion,  ni  dans  l'Ecriture  Sainte, 
qui  les  empêche  de  prendre  les  armes  pour 
la  défenfe  de  la  Patrie,  ou  pour  leur  pro- 
pre défenfe.  Les  deux  fils  d'Heli,  Grand- 
Prêtre  de  la  Loi,  Sacrificateurs  eux-mê- 
mes ,  ne  tomberent-il?  pas  morts  dans  un 
combat  ,  à  côté  de  l'Arche  qu'ils  défen- 
doient  contre  les  efforts  des  Philiflins  ? 
St.  Pierre  n'avoit-il  pas  une  épée  lorfque 
fon  Maître  fut  trahi  ?  Et  fi  Jefus-Chrilt 
le  tança,  ce  ne  fut  pas  de  ce  quMl  la  por- 
toit,  mais  du  mauvais  ufage  qu'il  en  fit. 
N*a-t-on  pas  vu  pendant  long- ternes  les 
Evêques  mener  leurs  Vaflaux  au  combat, 
ôc  payer  admirablement  bien  de  leurs  per- 
lonnes  ?  Et  s'il  faut  quelque  chofe  de  plus , 
n'a- 1- on  pas  vu  Jules  II  lui-même, 
le  cafque  en  tête,  la  cuiralTe  fur  le  dos, 
commander  fes  armées  ,  &  prefler  vive- 
ment le  fiége  d'une  Place?  Qu'on  deman- 
de au  Pape,  s'il  ne  peut  pas  autorifer  les 
Prêtres  6:  les  Moines  à  prendre  les  armes; 
il  répondra  à  coup  fur  qu'il  le  peut?  Mais 
comment  le  pourroit-il  ;  s'il  étoit  efientiel 
?.u  caraclère  des  Eccléfiafdques  de  ne  point 
aller  à  la  guerre? 
Les  biens  d'Eglife  ne  font  pas  non  pUis 

par 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  36^ 
par  eux-mêmes  exempts  des  charges  publi- 
ques. Le  Souverain  a  fur  eux  le  même 
droic  que  fur  tous  les  autres  qui  relèvent 
de  lui.  En  effet,  ne  lui  devoient-iis  rien 
avant  leur  confécracion ,  &  ont-ils  depuis 
changé  de  nacure?  La  volonté  de*^  Dona- 
teurs a -t- elle  pu  leur  en  faire  changer? 
Les  Princes  eux-mêmes ,  en  déchargeant 
ces  Donations  des  taxes  publiques,  ont- 
ils  pu  lier  leurs  Succefleurs  ,  de  manière 
qu'ils  ne  puiflent  fe  rétablir,  eux  &  le  refte 
de  leurs  fujets,  dans  leurs  droits  naturels , 
à  quoi  une  pieté  mal  entenduB  les  avoit 
fait  injuftement  renoncer  ?  A  l'égard  des 
Bénéfices  &  des  Dignitez  Eccléfiaftiques , 
pourquoi  n'en  feroit-il  pas  de  même  que 
de  tous  les  autres  Portes  que  le  Roi  don- 
ne ,  ou  qui  ne  font  donnez  qu'en  fon  nom  ? 
ISIe  convient-il  pas,  n'eft-il  pas  même  né- 
ceflaire  dans  un  Gouvernement  defpcti- 
que  (  car  il  faut  fe  fouvenir  qu'il  s'agit  ici 
du  Droit  Rccléfi-iitique  François)  que  les 
grâces  publiques  coulent  du  Trône  comme 
de  leur  fource  ?  Le  Prince  ne  peut  don- 
ner,  je  Tavoue,  le  caradlère  dont  il  faut 
être  revêtu  pour  pofleder  ces  bénéfices, 
ces  Dignitez  dans  l'Eglife;  mais  qu'eil-ce 
qui  empêche  qu'il  ne  puifle  les  accorder  à 
ceux  qui  ont  reçu  ce  caradlère  des  perfon- 
nes  qui  ont  le  droit  de  le  conférer  ?  Ce 
n'eft  pas  lui  non  plus  qui  donne  le  Doclo- 
rat,  par  exemple,  en  Droit  Civil,  en  Droit 
Canon  j  en  Médecine,  -^^c.  Seroit-ce  bien 

rai- 


1555 Bibliothèque  Britannique, 

laifonner  que  d'en  conclure  qu'il  ne  peuc 

Êas   donner  les  Places  pour  lefquelles  le 
)o6lorat  eft  requis  ? 

Ici  l'Auteur  s'étend  à  faire  voir  l'injufti- 
ce  des  prétentions  de  la  Cour  de  Rome,  par 
rapport  à  la  difpofition  des  Biens  d'Eglife 
&  aux  revenus  qu'elle  en  tire.  Le  Pape 
n'a ,  fuivant  lui ,  aucun  droit  de  nommer 
aux  Evêchez  ni  aux  autres  Dignitez  ou  Bé- 
néfices Eccléiiaftiques  qui  font  hors  de  les 
propres  Etats ,  de  donner  des  Difpenfes 
ou  des  PermilTîons ,  pour  en  jouir  ,  pour 
les  réfigner  ou  les  permuter,  d'en  reti- 
rer les  Annates ,  d'accorder  des  Expecta- 
tives ,  &c.  „  Sa  qualité  même  de  Chef  de 
,5  rEgUfe  ne  fçauroit  ,  dit -il,  juflifier  le 
,,  pouvoir  qu'il  s'attribue  à  tous  ces  égards. 
9,  L'éledion  des  Evêques  a  éié  encre  les 
,,  mains  du  Peuple  ou  du  Clergé  pendant 
„  un  fort  long-tems,  c'eft-à-dire  jufques 
5,  à  la  converiion  des  Empereurs.  Depuis 
j,  ce  tems-là  elle  s'eft  faite  par  le  Clergé 
.,  feul.  Le  droit  de  confirmer  ces  Elec- 
,>  tiens  apartenoit  au  Prince  feul,  le  Pape 
.,  ne  s'en  mêloit  en  aucune  manière  ,•  on 
,,  lui  écrivoit  feulement  fa  profelîîon  de 
,,  foi,6L  on  lui  demandoit  fa  communion^ 
55  Certainement  alors  il  ne  tiroit  aucun 
„  Tribut  des  autres  Eglifes  ;  au  contraire, 
„  comme  la  fienne  étoit  la  plus  riche ,  il 
,>  les  aifilloit  dans  leurs  befoins.  Dans  ces 
„  premiers  tems  n'étoit-il  point  le  Chef  de 
r,  l'Eglife?  N'a-t-il  commencé  de  l'être  que 

,^  lorf. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739»  3(^7 
„  lorfqu'il  s'ell:  attribué  des  Droits  qu'il 
„  n'avoit  point  ?  Lorfqu'il  a  établi  des 
„  contributions  fur  fes  frères  &  fur  fes  en- 
„  fans ,  &  que  contre  la  fentence  de  Jefus- 
ji  Chri(l,dont  il  fe  dit  le  Vicaire,  il  a  fait 
„  de  fon  Sacerdoce  un  Royaume  tempo- 
,y  rel ,  une  Domination  toute  profane  & 
9,  toute  féculiere,  jufqu'à  entreprendre  de 
„  commander  aux  Rois  même ,  jufqu'à 
„  prétendre  que  les  Princes  de  leur  fang 
„  le  cedalTent  à  ceux  qu'il  honoroit  des 
,>  dignitez  de  fa  Cour;  égalant  par -là 
,>  l'orgueil  infupportable  de  Rome  Idolâtre, 
„  qui  préféroit  ridiculement  fes  Bourgeois 
,9  à  tous  les  Rois  du  monde  ? 

Pour  prévenir  ces  abus ,  l'Auteur  décla- 
re librement  ce  qu'il  juge  qu'il  faudroit 
faire.  ,,  Peu- à -peu,  dit-il  (*),  on  a 
n  aboli  l'ufage  des  Expedlatives  fi  onéreux 
„  aux  vrais  Collateurs  &  fi  fructueux  à  la 
„  Cour  Romaine  :  Ne  pourroit-on  pas  em« 
„  pêcher  les  François  d'aller  à  Rome  m.an- 
,9  dier,  ou  ii  l'on  veut,  difputerun  Béne- 
„  fice  ,  leur  défendre  d'y  aller  fans  une 
,9  permiflionexprelTe,  qu'on  n'accorderoic 
„  qu'à  ceux  qui  ne  pourroient  prétendre  à 
„  aucun  Bénéfice  ?  Ne  pourroit-on  pas, 
„  par  des  délais  réi'terez  ,iaîTerla  patience 
„  de  ceux  que  le  Pape  auroit  nommez, 
„  par  des  prétextes  fpécieux  infirmer  leur 
„  nomination ,  faire  de  leur  ^ie  un  exa- 

93  meu 
•^  *  )  Pag.  77- 


3(T8 Bibliothèque  Britannique, 

„  men  exadt  &  rigoureux ,  les  engager  à 
„  fe  défifter  de  leur  droit,  déclarer  que  le 
^,  confentement  du  Patron  naturel  eft  né- 
5>  ceiTaire  ,  &  dans  la  concurrence  préfé- 
»  rer  la  nomination  de  l'Ordinaire  à  celle 
„  de  Rome?  tn  un  mot,  le  Souverain  ne 
,,  pourroit  -  il  pas  par  un  Edit  folemnel 
„  annuller  toute  Nomination  faite  par 
„  tout  autre  que  par  lui,  ou  par  quelqu'un 
„  de  fes  fujets  ,  du  moin«5  par  quiconque 
j,  ne  poiTederoic  pas  les  Terres, les  Béné- 
,5  fices  à  quoi  plufieurs  de  ces  Nominations 
,)  font  attachées  P  Outre  que  par-là  il  ren- 
„  treroit  dans  les  droits  ,  il  conferveroic 
„  les  groflesTommes  d'or  â  d'argent  qu'on 
î,  tranfporte  à  Rome  ".  Ce  langage  paroîtra 
peuc-ê:re  furprenant  dans  la  bouche  d'un 
Catholique,  mais  il  n'en  eft  pas  moins 
jufte  ;  la  feuie  difficulté  confifte  dans 
l'exécution ,  qui  ne  pourroit  avoir  lieu  fans 
rompre  tout -à -fait  avec  le  Pape  ,  &  qui 
par  cetce  raifon  a  bien  l'air  de  ne  réiiffir 
de  long-tems. 

Après  avoir  ainfi  établi  fa  thèfe,  l'Au- 
teur a  recours  à  l'Hiftoire  depuis  TEta- 
bliiTemenc  de  la  Monarchie  Françoife,  pour 
faire  fentir  la  folidité  de  i'^s,  réflexions, 
&  pour  découvrir  la  fource  &  les  progrès 
des  abus  dont  il  fouhaite  la  reformation. 
C'eft  là-deffus  que  roule  la  plus  gran- 
de partie  de  fon  Ouvrage.  Nous  ne 
fçaurions  le  fuivre  dans  ce  détail  qui  , 
quoique  très-curieux,  n'efl  gueres  i^\x^cQ\)' 

cible 


Juillet,  Août  et  Septemb.  173p.  35^ 

tible  d'Extrait.  Mais  nous  dirons  quelque 
chofe  des  Diflertations  particulières  qu'il  y 
a  entremêlées. 

La  première  traite  de  la  Supériorité  des 
Evêques  de  Rome,  que  l'Auteur  explique 
de  cette  manière.  Le  Pape  eft  au  delTus 
de  chaque  Evêque  en  particulier:  mais  il 
eft  inférieur  à  tous  les  Evêques  en  géné- 
ral, qui  peuvent  faire  des  Loix  auxquelles 
il  foit  obligé  d'obéir.  Et  voici  fes  preu- 
ves (*)  Les  Apôtres  ont  tous  également 
reçu  de  Jefus-Chrift  le  pouvoir  de  prêcher 
l'Evangile  ,  de  lier  &  de  délier  les  pé- 
cheurs, de  remettre  &  de  retenir  les  pé- 
chez. A  cet  égard  Se.  Pierre  n'eut  aucune 
fupériorité  fur  fes  Collègues.  Cependant 
on  ne  peut  nier  qu'il  n'eut  fur  eux 
quelque  Primauté  ,  qui  confîfloit  en  ce 
qu'il  étoit  le  premier  entre  eux,  &  comme 
leur  Préfident  &  leur  Chef.  C'eft  ce  que 
l'Auteur  cro  t  pouvoir  conclure  de  ce  que 
J.  C.  Pavoit  appelle  le  premier  à  le  fuivre, 
de  ce  qu'il  eft  ordinairement  nommé  le 
premier  dans  l'IIiftoire  de  l'Evangile,  de 
ce  qu'il  a  prêché  le  premier  cet  Evangile, 
de  ce  qu'il  paroît  avoir  préfidé  au  Concile 
de  Jerufalem  ,  &  fur-tout  de  ces  paroles 
que*^notre  Sauveur  lui  addrefTe  après  fa  Ré- 
furredion.  Pais  mes  Brebis,  quoiqu'afluré- 
ment  il  n'y  foit  queftion  de  rien  de  fem- 
blable.    Il  eft  vifible  par  toute  la  fuite  du 

dif- 

(*)  Pj2.   1.23.  &  fuiv. 


370  Bibliothèque  Britannique, 
difcours,  que  c*eft  une  efpece  de  formule 
dont  J.  C.  fe  ferc  pour  rétablir  cec  Apô- 
tre dans  fon  Miniflère,  duquel  il  étoit  dé- 
chu par  fa  triple  abnégation.  Mais  quand 
le  contraire  feroic  vrai ,  quand  St.  Pjerre 
auroit  été  primiis  inter  pares  ,  ce  que  l'on 
peut  accorder  fans  aucun  danger  pour  la 
foi,  que  s'enfuivroit-il  ?  Q^ae  le  Pape  efl 
aulTi  le  premier  ,  le  Cher  des  Evêques  , 
comme  l'Auteur  le  prétend  ?  Mais  pour 
que  la  confequence  fût  juile  ,  il  faudroit 
avoir  prouvé  auparavant  qu'il  ed  le  fuc- 
ceiTeur  de  St  Pierre,  &  qu'il  a  hérité  de 
fa  Prééminence  ;  ce  que  l'Auteur  ne  s'eft 
point  mis  en  peine  de  prouver, fans  doute 
parce  qu'il  en  abienfentila  difficulté,  ou 
plutôt  fimipoiTibilité. 

Cependant  nous  lui  ferons  d'autant  moins 
querelle  là-delTus ,  qu'il  n'eft  aucun  Pro- 
teftant  qui,  pour  le  gain  de  la  paix, ne  lui 
pafTàt  volontiers  cette  fuppofltion,  toute 
précaire  qu'elle  eft  ,  pourvu  que  fon  fyf- 
tême  fur  la  Supériorité  du  Pape  pût  avoir 
lieu.  ,,  Le  Pape  ,  dit-il  (*)  ,  n'eft  pas 
„  plus  fupérieur  des  Evêques ,  que  St,  Pier- 
„  re  l'étoit  des  Apôtres.  Il  eft  le  premier 
„  des  Evêques ,  leur  Chef;  il  a  fur  eux  droit 
„  d'infpcdion ,  d'admonition ,  de  repréhen- 
„  fion  même.  S'ils s'alTemblent  pour  quel- 
„  que  caufe  concernant  toute  TEglife  , 
^,  c'eil  à  lui  à  les  convoquer,  fauf  le  droit 

„  de5 

(*)  Pag.  138. 


* 


Juillet,  Août  et  Septemb.  ly^ç).  37^ 

M  des  Princes ,  &  à  les  préfider  ;   mais  il 

9,  n'eft  point  Jeur  Souverain  i  Ton  fentiment 

„  n'crt  point  leur  règle;  il  n'a  pas  lui  feul 

99  plus  d'autorité  qu'eux  tous;  il  efljComr 

„  n>e  chacun   d'eux   en  particulier ,  infé- 

,9  rieur  à  rAflemblée  qu'il  a  convoquée , 

,9  &  ne  peut  fans  crime  refufer  de   s'y 

„  foûraettre.     Si  les   Evêques-ont  perdu 

99  leurs  droits,  (1  le  Pouvoir  que  jefus- 

„  Chrift  a  attaché  à  leur  facré  caraclère 

„  eft  borné,  fi  on  les  domine,  fi  on  rcgne 

„  fur  eux fi  on   ks  tienc 

„  dans  la  fervitude,  ce  ne  peut  écre  que 
,9  par  la  coupable  ignorance  de  leursDroits, 
„  &  par  leur  indigne  foiblefTe  à  les  défcn- 
99  dre. 

L'Auteur  montre  cnfuite  par  l'Hifloire 
de  la  primitive  Eglife  ,  que  c'ell-là  l'idée 
qu'on  doit  fc  faire  de  la  Supériorité  du 
Pape.  11  eft  feulement  fâcheux  qu'elle  ne 
lui  ait  fourni  aucun  trait  de  la  Préémi- 
nence des  Evêques  de  Rome  fur  tous  les 
autres  Evoques  ,  en  qualité  de  Succcf- 
feur  de  St.  Pierre  ;  ce  qui  étoit  pour- 
tant le  point  efTentiel  à  juftifîer.  Tour, 
ce  qu'il  en  a  tiré,  tend  même  plutôt  à  ren- 
verfer  cette  Prééminence  qu'à  l'établir.  Que 
les  Ledeurs  en  jugent  par  le  précis  que 
nous  en  allons  donner. 

Tous   les   Evéques   étoient  originaire- 
ment égaux;  ils  avoient  chacun  leur  Dif- 
tri6l,  ou  leur  Diocèfe  particulier, qu'ils  gou- 
vernoient  avec  un  plein  pouvoir  &    une 
Tome  XIII.  Pan.  IL        Bb  en-- 


372  Bibliothèque  Britannique, 

entière  indépendance.    Aucun  d'entre  eux 
ne  s'ingéroit  dans  les  affaires  des  autres, 
&  n'exerçoic  aucune  efpece  d'autorité  ou 
de  jurifdidlion  fur  les  autres.     Lorfqu'il 
y  avoit  quelque  point  important  à  régler, 
ou  quelques  abus  à  reformer,   ce  n'étoit 
jamais  aucun  d'eux  en  particulier  qui   en 
décidoit  ;    mais  ils  formoient,  ou  des  Sy- 
nodes Provinciaux, ou  des  vSynodes Natio- 
naux ,dans  lefquels.on  regloit  l'affaire  à  la 
pluralité   des  fuffrages.    Cependant  leurs 
décifions  ne  lioient  les  Evêques  des  autres 
Provinces,  ou  des  autres  Nations,  qu'autant 
qu'ils  le   vouloient  bien  ,  &    qu'ils   trou- 
voient  la  chofe  raifonnable.  Les  Evêques 
des  Métropoles,  des  Capitales,   &  quel- 
quefois même  du  lieu  où  l'on  s'aflembloit, 
préfidoient  à  ces  Synodes ,  &  n'y  avoienc 
que  leur  voix  comme  les  autres.    Aucun 
d'eux  ne  s'attribuoit  le   droit  de  convo- 
quer ces  fortes  d'Aflemblées  ,  &  d'y  préfl- 
(^er,  en  quelque  lieu  qu'elles  Te   tînlTent. 
Dans  ces  heureux  tems ,   donc ,  les  Evê- 
ques de  -Rome  avoient  leur  Diftrict  com- 
me les  autres  Evêques-;  leur  Jurifdiclion 
ne  s'étendoit  point  au-delà  du  Territoire 
•qui    leur  avoit    été  attribué  :  Mais  leur 
Sié^e  étant  le  plus  ancien  de  l'Occident , 
c'eii  d'eux  que   le  refte   de    l'Italie,    les 
Gaules,  les  Efpagnes, reçurent  la  lumière 
de  l'Ev^angile  ;  ils  furent  en  quelque  forte 
les  Fondateurs  des  Eglifes  qui  s'y  formè- 
rent,   ils  leur  donnèrent  leurs  premiers 

Eve- 


Juillet,  Août  Ef  Septerib.  1739.  273 
Evêqiies  ;  d'oîi  naquit  le  rcfpefl:  &  Ja  re- 
connoiirancc  que  ces  Eglifes  conferverene 
toujours  depuis  pour  l'Eglife  de  Rome, 
comme  pour  leur  Mcre  &  la  fource  de 
leur  faluc. 

99  C'efl  de  cette  efpece  de  Filiation , 
j^  die  l'Auteur  *,  qu'eft  venu  le  grand 
>i  rapport  des  Eglifes  particulières  d'Oc- 
99  cident  avec  Rome  ,  6c  la  refpedlueufe 
ff  déférence  qu'elles  avoient  pour  elle. 
99  Les  Eglifcs  d'Orient,  qui  n'étoient  point 
99  Tes  filles,  fi  je  puis  ufer  de  cette  expref- 
»j  fion,  ne  la  confultoient  gueres,  &  n'a- 
99  voient  avec  elle  aucun  rapport  particu- 
?»  lier  ^*.  [Ces  Eglifes  ne  reconnoifToicnc 
donc  pas  la  Primauté  des  Papes  en  qualité 
de  SuccefTeurs  de  St.  Pierre ,  autrement 
elles  auroient  confervé  avec  eux  ,  comme 
avec  leurs  Chefs,  une  étroite  relation. > 
99  je  dois  l'obferver  ici;  ce  ne  peut  être 
»?  que  fur  cette  filiation  des  Eglifes  d'Oc- 
99  cident  que  l'Eglife  Romaine  s'appuye 
,,  pour  prendre,  comme  elle  fait,  le  titre 
„  pompeux  de  Mère  ^  de  MaîtreJJe  des  au 
,5  très  E^ifes\  &  ce  n'cft  atTurémenc  qu'eu 
j,  ce  fens  que  les  Pères  du  Concile  de  Tren» 
,9  te  ont  adopté  cette  exprefîion:  Quei^ 
9,  que  exceffive  que  foit  la  déférence  qu'ils 
,,  ont  eue  pour  Rome,  ils  ne  pouvoient 
,,  ignorer  qu'ils  avoient  droit  de  fufFrage, 
i,  6:  par  une  fuite  néceflaire ,  que  ces  pa- 

9j  rôles 

>    Pa7.   T44. 

Bb  2 


374B1BL10THE  QUE  Britannique, 
„  rôles  ne  pouvoient  être  prifes  dans  ua 
„  lens  rigoureux. 

Les  chofes  demeurèrent  dans  cet  état, 
jarqu'à  ce  que  les  Empereurs  d'Occident 
crurent  beaucoup  honorer  le  Siège  de  leur 
Empire,  en  élevant  celui  qui  en  étoit  Evo- 
que au  délias  des  autres  Métropolitains, 
par  la  liberté  qu'ils  donnèrent  indifférem- 
raeut  à   tous  les  Particuliers  d'appelîer  à 
fon    Tribunal.     Ces  Appellations  furent 
par-tout  regardées   comme  une    Innova- 
tion; &  u  l'on  s'y  fournit,  ce  ne  fut  qu'à 
la  longue  &  avec  beaucoup  de  peine;  com- 
me il  paroît  par  une  Lettre  des  Evêques 
d'Afrique  au  Pape  Céleftin,  que  l'Auteur 
cite,  mais  qui  eft  trop  longue  pour  l'in- 
férer ici.     Voilà,    fuivant  lui,  de   quelle 
manière  les  Evêques  de  Rome  ont  acquis 
fur  les  autres  Evoques,  une    Supériorité 
qu'ils  n'avoient  point  originairement. Mais, 
li  cela  efl  vrai ,  comme  on  ne  peut  leçon- 
tefter ,  que  deviendra   la  Primauté  qu'il 
leur  attribue  en  qualité  de  Succefleurs  de 
St.  Pierre  ?  iN'efl-ce  pas  un  titre  en  l'air, 
dont  il  a  voulu   leur  faire  honneur,  ap- 
paremment   pour  ne  pas   effaroucher  les 
bons  Catholiques  qui  font  accoutumez  à 
ce  langage? 

,,  Cejiainfi  ^  dit-il  en  finifTant  cette  Dif- 
„  fertation ,  que  l'élévation  d'un  feulEvê- 
„  que  a  dégradé  tout  l'Epifcopat  ;  elle 
„  a  changé  la  forme  primitive  du  Gou- 
,,  vernsment  de  VEgUfe\  d'Ariftocratique 

i,  qu'il 


Juillet,  Août  et  S^ptemb.  17^,9.  375 
5,  qu'ilécoic,  il  eO:  devenu  Monarchique. 
i,  C'efl  fur-tout  à  ceux  qui  font  lézez  , 
„  dont  la  Dignité  a  été  avilie  ,  à  voir  fi 
iy  l'honneur  &  la  confcience  ne  les  obli- 
„  gent  pas  à  prendre  toutes  les  mcfares 
i)  poflibles  pour  lui  rendre  fon  premier 
a  éclat  &  fa  première  indépendance.  Quoi 
,i  qu'il  en  foit,  il  cfl:  certain  qu'il  n'eitni 
,9  ceflion  ni  poiTefliion  ,  quelque  longue 
a  qu'elle  foit,  qui  puifTe  rendre  légitime 
„  une  pareille  ufurpation.  On  ne  préfcrit 
99  point  contre  la  volonté  de  Dieu  ,  ou 
99  contre  les  Etabliflemens  deJefus-Chrift, 
9,  fon  fils ,  qu'il  a  fait  Maître  abfolu  de  fon 
„  Eglife. 

La  féconde  Diflertation  a  pour  objet 
l'Autorité  des  Papes  fur  le  Temporel  des 
Rois  &  des  Eglifes.  Elle  fe  réduit  donc 
à  deux  queftions  ;  la  première ,  en  quoi  les 
Princes  dépendent  des  Papes  par  rapport 
au  gouvernement  &  à  la  polTeiTion  de 
leurs  Etats?  La  féconde,  fi  le  Pape  eft  le 
Maître  de  tous  les  Biens  Eccléfiafi:iques  ? 
„  La  première  ,  dit  l'Auteur  *,  n'a  pas 
„  befoin  d'être  traitée,  &  c'efl:  en  quel- 
„  que  forte  faire  injure  aux  Souverains 
5,  que  de  l'examiner;  car  il  eft  évident 
„  que  les  Rois  ne  dépendent,  ni  médiate- 
„  ment, ni  immédiatement, d'aucune Puif- 
5,  fan  ce  créée,  &  que  leur  Autorité  n'a 
„  point  d'autres  bornes  que    celles  que 

j,  leur 
*  Pag.  19^. 

Bb3 


37^  Bibliothèque  Britannique, 
,,  leur  préfcrivent  les  I»oix  fondamentales 
„  de  leur  Etat,  &  les  fermens  par  lefquels 
..  ils  fe  font  obligez  à  les  obferver.    Sur 
„  quoi  donc  peuvent  être  appuyées    les 
,,  prétentions  des  Papes?  Sur  quoi  fondé 
n  eft-il  dit   dans   l'Office  de   St,  Pierre  , 
,.,  que  Dieu  lui  adonné  tous  les  Royaumes 
,,  du  monde  ?   Eil-ce  parce    que    Jefus- 
„  Chnffc  a  été  établi  le  Maître  du  monde, 
,y  que  les  Papes  s'imaginent  l'être  auffi  ? 
,5  Seroit-il  rien  de  plus  bizarre  que  cette 
M  confequence?  Quel  rapport  de  puiflan- 
5,  cepcut-iî  y  avoir  entre  le  Très-Haut  & 
.,  de  foib'cs' Créatures?  Le  pouvoir  qu'il 
,,  areçUjiirexerceinvifibiement,  ôcTexer- 
5>  cera  à  la  iin  desfiécles  de  la  manière  la 
,,  plus   éclatante.     Il    a  établi   les   Apô- 
,,  très  &  leurs  rucceflcurs  pour  gouverner 
,,  î'Eglile  ;  tous  les  pouvoirs  qu'il  leur   a 
.,  donnez  le  bornent  à  ce  gouvernement; 
,,  les  Clefs  qu'il  leur  a  données, font  les 
-,  Clefs  du  Royctame  du  Ciel,  &  non  des 
j,  Royaumes  de  la  terre.    Leur  puilTance 
.,  délier,  de  délier,  d'ouvrir  , de  fermer, 
ne  regarde   que  le  Royaume  dont  les 
Clefs  leur  ont  été  confiées  ;  tout  autre 
ufciîre  qu'ils  en  font,  doit  être  regardé 
co'.nme  une  injufte  ufurpation.  La  Paix  , 
,vla  Guerre,  ne  font  point  de  ieurreflbrt; 
„  fis  peuvent  bien  ,  pour  engager  à  la  Paix, 
,,  pour  faire  ceiTer  la  Guerre,  employer 
,,  les  prières  ,   les   exhortations  ,  les  re- 
!^  montrances ,  mais   on  efl:  libre  de   s'y 

3,  ren- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  377 
9i  rendre  ou  de  leur  refifter  ;  &  ils  ne 
„  méritent  plus  d'être  écoutez, dès  qu'ils 
„  s'oublient  jufqu'à  commander  [auxPrin- 
99  ces  s*entend,]jurqu'à  joindre  les  mena- 
99  ces  à  leurs  commandemens. 

Pour  ce  qui  eft  de  l'Autorité  des  Papes 
furie  Temporel  de  l'Eglife,  ce  qu'on  a 
dit  auparavant  au  fujet  des  Bénéfices  & 
des  revenus  Eccléfiaitiques,  fait  aflez  voir 
qu'ils  n'en  ont  aucune,  ou  que  ce  ne  peut 
être  tout  au  plus  qu'une  Autorité  d'infpec- 
tion  5  comme  l'Auteur  le  foutient.  Sui- 
vant lui ,  la  qualité  de  Chef  de  l'Eglife, 
donne  à  l'Evéque  de  Rome  le  droit ,  ou 
plutôt  lui  impofe  l'obligation  de  veiller  à 
la  confervation  des  Biens  Eccîéiiafliques , 
d'animer  le  zèle  de  fes  Confrères  dans 
l'Epifcopat,  pour  en  empêcher  l'aliénation , 
la  dilTipation,  pour  en  régler  la  divilîon 
ou  la  réunion:  Droit,  obligation  qui  lui 
font  communs  avec  tous  les  Evéques,  & 
qui  ne  lui  deviennent  particuliers  que 
lorfque  les  Evêques  les  négligent  parfoi- 
blefle,par  timidité  ou  par  complaifance. 
Ce  n'eft  qu'à  leur  défaut  qu'il  peut&  qu'il 
doit  intervenir  dans  ces  fortes  d'affaires. 
Chaque  Eglife  ,  par  rapport  à  la  pofleliion 
des  Biens  qu'elle  a  acquis ,  ou  qui  lui  onc 
été  donnez,  eft  indépendante  des  autres. 
Elle  feule  en  a  le  domaine  &  l'ufage  ,  fauf 
pourtant  les  droits  des  Princes  &  des 
Seigneurs  particuliers  de  qui  les  Terres 
-données  ou  acquifes  peuvent  rélever,  Ain- 

Bb  4  fi 


378   BlBLTOTHEQtTR  BniTANNiqUE, 

ii  les  Biens  deTEglife  de  Paris,  par  exem- 
ple, font  audl  indépendans  de  TEglife  de 
Kome,que  ceuxde  1  ÎLg'ife  de  Rome  peu- 
-vcnt  l'être  de  i'E^hfe  de  Paris.  Cette 
indépendance  eit  fondée  de  parc  (Se  d'au- 
tre Ibr  les  mêmes  raifons  ;  fi^avoir  la  vo- 
lonté des  Donateurs  ,  &  la  capacité  à  re- 
cevfùr,  à  acquérir  &  à  poUeder  ,  de  forte 
qu'il  ne  fçauroit  y  avoir  de  différence. 

D'ailleurs,  fi  le  Pape  étoiG- maître  des 
Biens  d'Eglife,  qu'il  en  eût  le  domaine  , 
qu'il  pût  s'en  approprier  l'ufage,  quel  tort 
cela  ne  feroic-ii  pouuaux  Souverains  6c  à 
leurs  fujets,  &  quelles  fâcheufes  fuites  ne 
pourroicuC  point  avoir  ces  richefies  im- 
menfes?  L'x'^uteur  dit  avoir  lu  dans  des 
Mémoires  manufcrits  de  Mr.  du  Gué- 
Bajrnols,  qui  a  été  fort  long-tems  Inten- 
dant de  Lille  en  Flandre,  que  l'Eglife  , 
depuis  la  fource  de  la  Scarpe  jufqu'à  ce 
que  cette  rivière  fe  jette  dans  PEfcaut  , 
pouede  en  terres  pour  un  million  fcpt-cens 
mille  livres  de  rente  ;  cependant  à  peine 
y  s-t-il  dix-&-huit  lieues.  L'excès  efl  en- 
core plus  fenfible  dans  Je  Camibrens  ;  car 
en  fuppofant ,  comme  le  fait  cet  Intendant , 
que'cette  Province  contient  environ  dix- 
&-rept  milie  Acres  de  terre  ,  la  NobleHe 
&  îe  Peuple  n'en  ont  que  troif^-mille  ,  tout 
le  rede  étant  entre  les  mains  du  Clergé. 
En  France  même,  les  Eccléfiaftiques  fé- 
cuiiers  &  réguliers  ont,  fuivant  l'Anteur , 
<ia  moins  la  moitié  des  Biens  de  ce  Royau- 
me. 


Juillet,  Août  et  Septeme.  1739.  379 
me.  Conviendroit-il  pour  le  bien  de  la 
Reljr^îon  &  de  la  Société  ,  qu'un  feul 
homme ,  que  l'Evêque  de  Rome,  pût  dilpo- 
fer  à  Ton  gré  dans  chaque  Fais  de  tant  de 
richefles? 

La  troificme  Diflertation  rouîe  fur  le 
Droit  des  Souverains  par  rapport  à  l'In- 
vciliture  des  Evêchez  &  des  Abbayes  ;  mais 
comm.e  elle  ne  renferme  rien  de  particu- 
lier ,  ni  de  fort  inrérelFant  pour  ia  plûparc 
de  nos  Lecteurs ,  nous  ne  nous  y  arrête- 
rons pas. 

La  quatrième  traite  des  Excommunica-. 
tions  &  des  Interdits.  L'Auteur  pofe  d'a- 
bord comm.e  un  principe  inconteftable  , 
que  foute  Société  a  droit  de  punir  les 
tranfgreiïeurs  des  Loix  qu'elle  fait  pro- 
fclTion  de  fuivre  ,  ou  qu'elle  a  jugé  à  pro- 
pos d'écablir,  pour  régler  la  conduite  des 
Particuliers  qui  la  coraporcnt.  L'Eglife 
cfl certainement  une  Société  qui  a  fes  Loix , 
fcs  maximes ,  &  par  confequent  le  droit 
de  punir  ceux  qui  les  violent.  Cette  So- 
ciété cil  divifée  en  deux  parties ,  dont  Tune 
gouverne  l'autre;  c'efl  fans  doure  à  celle 
qui  gouverne,  c'ell-à-dire  aux  Evêques , 
de  juger  des  transgrefilons ,  &  de  punir 
les  transgrefleurs.  Mais  comme  leur  Gou- 
vernement eft  purement  fpirituel ,  aulîî 
leurs  punitions  doivent-elles  être  toutes 
fpirituelles;  ou  plutôt  elles  doivent  corifif- 
ter  à  ôter  aux  coupables  ,  des  privilèges 
qui  dépendent  de  l'Eglife^  <Sc  non  à  faire 
Bb  T  fouf- 


380B1EL10THEQ.UE  Britannique, 
fouffrir  des  peines  pofitives  &  fen- 
fibles. 

L'Excommunication  eft  une  punition  de 
ce  genre.    Elle  confifle  à  être  feparé  de 
la  Société  vifible  des  Fidèles ,  &  privé  de 
la    participation    extérieure    aux    chofes 
faintes.     Tout  Chrétien  ,   foit  qu'il  gou- 
verne ou  qu'il  foit  gouverné,  peut  méri- 
ter ce  retranchement  &   cette  privation. 
Ni  Rois,  ni  Souverains  ,  ni  Evêques^  ni 
Papes ,  n'en  font  point  à  couvert  ;  la  feu- 
lé différence  qu'il  y  ait  entre  eux  &  \qs 
autres,  c'eO:  qu'il  faut  fans   comparaifon 
plus  de  formalitez  &  de  précautions  pour 
eux  que  pour  leurs  inférieurs  »    à  caufe 
des  confequenccs ,  &  pour  le  bien  même 
de  la   Religion    &   de  la  Société.     Mais 
quelle   efl:  Ta  matière  de  l'Excommunica- 
tion ?  Pnifque  c'eft  une  très-grande  puni- 
tion jilfautaufTi  que  la  faute  qui  en  eft  l'ob- 
jet, foit  très-griève  &  de  très-dangereufe 
Gunfequence  ;  &    puifque  c'eil  une  puni- 
tion éclatante    &    publique  ,  il  faut  auiïî 
que  la  faute  foit  publique  ,  fcandaleufe  , 
avérée, inconteftable;  entin,  puifque  c'efl 
uie  punition  fpirituelle,  il  faut  aullî  que 
îa  faute  foit  d'une  nature  purement    fpi- 
rituelle, contre  la  Loi  de  Dieu,  ou  con- 
tre la  Difcipline  de  PEglife:  d'où  il  fuit» 
quq  les  affaires  purement  temporelles  ne 
peuvent  être  un  fujec  légitime  d'Excom- 
munication. 
Enfin  il  faut  rembarquer  que  TEglife  ne 

peut 


j 


Juillet,  Août  et  Sêptemb.  1739.  381 

peut  ôter  aux  perfonnes  qu'elle  excom- 
munie, que  les  bieQs  qui  font  en  fa  dif- 
pofîtion  ;  ceux  à  quoi  on  a  droit  en  qua- 
lité d'homme  &  de  Membre  de  la  So- 
ciété Civile  ,  ne  font  point  de  fon  réf. 
fort.  Elle  feroit  injufte  (î  elle  entrepre- 
noit  d'en  dépouiller,  ou  d'en  interdire  la 
jouïfTance.  Un  Chrétien  excommunié  ne 
ceffe  pas  pour  cela  d'apartenir  à  la  So- 
ciété Civile  ;  il  ne  perd  ni  fon  bien,  ni 
fon  rang  ,  ni  fa  dignité.  Les  liens  de 
foûmiirîon,de  dépendance,  du  fang&  de 
l'amitié,  qui  lui  attachent  fes  fujets,  fes 
domeftiques ,  fes  amis ,  fes  proches,  fes  vo:- 
fîns,  fes  compatriotes ,  ne  font  point  rom*- 
pus;  ce  ne  pourroit  être  fans  crime  que 
ces  diverfes  perfonnes  lui  refuferoient, 
fous  ce  prétexte,  le  fervice  ,  l'obéiiTance  , 
le  refped,  Tamitié  qu'ils  lui  doivent.  Aic- 
fi  les  Evéques  excédent  injuftement  leur 
Pouvoir  ,  quand  ils  prétendent  &  qu'ils 
ordonnent  qu'on  regarde  comme  exclus 
de  la  Société  Civile,  ceux  qu'ils  ont  ex- 
clus de  la  Société  Chrétienne,  enferre 
qu'ils  perdent  leurs  biens,  leurs  honneurs 
&  leurs  dignitez  ,  &  qu'il  ne  leur  foit 
plus  permis  de  tefter  ,  de  témoigner  de- 
vant les  Cours  de  Juftice,  de  voyager,  de 
manger  &  de  boire  avec  les  autres  Chré- 
tiens. L'Excommunication  ne  s'étend 
qu'au  Spirituel,  &  même  à  ce  qu'il  y  n 
d'extérieur  6l  de  vifible  dans  le  Spirituel  ; 
elle  n'a  rien  à  démêler  avec  le  Tempo- 
rel; 


382  Bibliothèque  Britannique, 

rel;  elle  ne  peut  avoir  d'effet  qui  détrui- 
fe  la  Société  Civile,  oii  qui  lui  nuifecon- 
fiderablement  ;  car  dès-là  elle  eft  injufte, 
6c  doit  être  reprimée  par  les  Souve- 
rains. 

On  met  encore  l'Interdit  au  rang  des 
punitions  fpirituelles  que  les  Evêques 
peuvent  infliger.  Il  confiflie  à  ôterà  tou- 
te une  Ville,  à  tout  un  peuple, à  tout  un 
Royaume  ,  Tufage  des  chofes  faintes ,  en 
lufpendant  de  leurs  fondlions  les  Mi- 
nifires  de  l'Eglife  pour  un  certain  tems. 
îvfais  ce  remède  eft  11  cruel  ,  il  choque 
tellement  toutes  les  idées  de  la  juflice  & 
de  la  charité,  qu'on  ne  conçoit  pas  com- 
ment les  Evêques  de  Rome  ont  ofé  s*en 
iérvir  aufli  fouvent  qu'ils  l'ont  fait ,  & 
comment  les  Peuples  ont  pu  s'y  foûmet- 
rre  en  aucun  tems»  L'Excommunication 
a  été  en  ufage  dès  les  premiers  tems  du 
Chriftianirme  ;  mais  l'Interdit  n'a  point  été 
connu  durant  les  cinq  premiers  fiécles  : 
Il  doit  fa  naiffance  aux  démêlez  que  les 
Papes  ont  eu  avec  les  Souverains;  &  il 
femble  qu'on  ne  l'ait  mis  en  pratique  que 
pour  foulever  leurs  fujets,  &  les  forcer 
par-là  de  fe  foûmettre  aux  Loix  de  l'E- 
glife ,  ou  plutôt  aux  prétentions  injulles 
de  ceux  qui  la  gouvernoient.  Or  dès-là 
l'Interdit  eft  formellement  contraire  au 
bien  de  la  Société  Civile,  contre  laquel- 
le tout  ce  qui  tend  à  la  détruire, ne  peut 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739»  383 
jamais    être    légitimement  employé  par 
quelque  Puiflance  que  ce  foit. 
'  De  plus,  à  confiderer  lachofe  en  elle- 
même,  les  Peuples  font  -  ils  réfponfables 
des  crimes  de  leurs  Souverains ,  &  pour- 
quoi faut-il  qu'ils   portent  la  peine  d'une 
faute  à  laquelle  ils  n'ont  point  participé? 
Ou  méritent-ils  qu'on  les  prive  des  moyens, 
des  lources  de  la  Grâce  &  du  falut,  uni- 
quement parce  qu'ils  ne  ceflent  pas  de  re- 
connoître  pour  leurs  Maîtres ,  leurs  Prin- 
ces légitimes  qui  ont  eu  le  malheur  de 
s'attirer    l'indignation    des  Papes  ?  Tout 
Interdit  général, en  confequence  du  crime 
perfonnel  &  particulier  d'un  Souverain ,  efl: 
donc  injufle  ,  &  ne  doit  être  ni   fouffert, 
ni  obfervé:  La  Société    Civile  a  même 
droit  de  punir  ceux  qui  voudroient    s'y 
alTujettir.     Et  certes  ,  comme  le  dit  l'Au- 
teur, quand  la  République  de  Venife  chaf- 
fa  des  terres  de  fon  obéiffance  les   Jéfui- 
tes,qui  , malgré  fa  défenfe,avoient  gardé 
l'Interdit    fulminé   contre  elle  par   Paul 
V.  ,   quand    elle    tint    ferme    à    ne    les 
point  recevoir  lors   de  fon   accommode- 
ment ;  elle  ne  fit  rien  que  ce  qu'elle  pou- 
voit,  que  ce  qu'elle  devoit  faire  ;  &c  elle 
auroit  encore  mieux  fait ,  ii  elle  avoit  re- 
fifté  aux  foUicitations    de  Henri  IV.  qui 
la  détermina  enfin  à  fuivre  fon  exemple  , 
en  rappellent  ces  Religieux;  car  elle  peut 
compter,  qu'en  pareil  cas  ils  feroienc  en- 
core les  premiers  à  transgreiler  fe.s  ordres , 


384B1BL10THEQUE  Britannique^ 

&  à  donner  à  Tes  peuples  l'exemple  d'une 
coupable  obéïflance, 

La  manière  dont  il  finit  cette  Diflferta- 
tion,  nous  a  paru  trop  remarquable  dans 
la  bouche  d'un  Catholique  pour  ne  pas 
la  tranfcrire.  ,>  Il  y  a  déjà  du  tems,dic- 
„  il  *  ,  qu'on  a  commencé  en  France  à 
99  ouvrir  les  yeux  ,&  àrevenir  des  piéju- 
„  gez  trop  favorables  à  la  Puifiance  Ec- 
j,  cléfiafcique  ;  il  s'en  faut  pourtant  enco- 
„  re  beaucoup  qu'on  ne  penfe  jufte  à 
„  cet  égard ,  &  qu'on  ait  regagné  le  ter- 
„  rein  qu'on  a  perdu.  On  délibère  ,  on 
,,  craint  même,  on  héfite  &  on  tremble, 
j>  comme  fi  l'on  n'avoit  pas  des  principes 
j9  fûrs  pour  borner  les  prétentions  de  l'E- 
„  pifcopat  en  général ,  &  de  quelque  Evé- 
,,  que  en  particulier.  On  croit  avoir  trou- 
„  vé  un  expédient  admirable,quand,afind'é- 
„  viterunTribunal  qui  embarafle,  on  a  ima- 
„  ginéd'en  appellera  un  autre  qui  n'exifle 
,,  point, &  qu'on  ne  doit  pas  plus  recon- 
,>  noître  que  celui  qu'on  décline,  à  moins 
qu'il  ne  s'agilTe  de  la  Foi.  Ignore-t-on 
que  les  Conciles  ont  fouvent  entrepris 
fur  la  Puiffance  Temporelle  ,  &  qu'ils 
ont  fait  desdécifions  qu'elle  feule  avoit 
droit  de  faire  ?  Pourquoi  ne  pas  décla- 
rer hautement  ce  qu'on  a  droit  de  pen- 

f9  Je  le  fçais ,  on  cramt  les  noms  odieux 

,,d'Hé-. 
.  *  Psg.  s 46.  &  fuiVi 


>{ 
d 


Juillet,  Août  et  Sf.ptemb*  1739.  385 

99  d'Hérétiques  &  de  Schifmatiques,  que 
9)  les  Eccléfiaftiques  prodiguent  à  ceux  qui 
99  s'oppofent  à  leurs  prétentions.  Maia 
99  ces  cris  injuftes  doivent-ils  empêcher 
99  qu'on  fecouë  le  joug  dont  on  n'auroit 
5,  jamais  dû  fe  laifier  charger?  Scroit-on 
,>  Schirmatique,fi  on  n'avoit  avec  Rome 
,9  que  les  rapports  néceffairespour  lacon- 
99  fervation  de  la  Foi  &  des  mœurs  ?  Le 
99  feroit-on,!!  l'on  ne  payoit  plus  d'Anne- 
99  tes  pour  les  grands  Bénéfices?  Les  E- 
j^  vêques  feroient-ils  hérétiques ,  rchifma- 
M  tiques ,  s'ils  fe  rétablilToient  dans  les 
99  droits  &  dans  l'exercice  de  la  Puiflan- 
„  ce  que  Jefus-Chi^ift  leur  a  donnée  ? 
99  Ceux  qui  les  aideroient,  le  feroient-ils  ? 
99  Mais  fur-tout ,  le  feroit-on  pour  ne  pas 
»  reconnoître,  pour  ne  pas  recevoir  ces 
$9  Excommunications,  ces  Interdits  ,  qui 
,*,  ont  pour  but  de  foulever  les  Peuples 
,5  contre  les  Chefs  de  la  Société  Civile  ; 
„  ces  Excommunications,  ces  Interdits  que 
„  la  Politique  a  mis  en  œuvre  ,  pour  le 
î,  moins  aulTi  fouvent  que  le  zèle  de  la 
),  Religion;  ces  Excommunications,  ces 
99  Interdits  qui  fuppofent  une  Souveraine- 
.,  té  injuftement  prétendue ,  judement  con- 
„  teftée  ?  Craignons  donc  le  Schifme  , 
„  mais  ne  craignons  pas  fon  ombre;  du 
99  moins  que  cette  crainte  ne  nous  trou- 
„  ble  &  ne  nous  aveugle  pas  jufqu'à  nous 
„  le  faire  voir  ou  il  n'efl  point.  Dès 
>•  qu'il  y  a  de  Tabus  &  de  l'injuSice  dans 

}9  le$ 


5^ 


86  Bibliothèque  Britannique, 

_  les  Prétentions,  le  SchiflTis ,  ou  plutôt 
,,  le  crime,  Fodieux  du  Sclufme,  ne  peut 
i,  être  du  côté  des  Oppofans. 

N'->us  renvoyons  le  refis  de  cet  Extrait  à  un 
Journal  fuivant, 

ARTICLE    VI. 

Travels,  or  Obfèrvations  Reiating  to 
Several  Parts  of  Barbary  and  the  Le- 
vant, &c.  Ce/l-à-dire:  Vo'ya^es  en  ai- 
"oers  Lieux  de  la  Barbarie  fcf  du  Le- 
ijTnt'^  avec  des  Ol/fervatious.  Par  Tho- 
mas Shaw  ,  Dûiîeureu  Théologie ,  Mem- 
bre du  Collège  de  la  Reine  à  Ox- 
ford, &f  de  la  Société  Roya- 
le. [  Quatrième  &  dernier  Extrait]. 

Obfèrvations  Géographiques  fur  la  Sy- 
rie, la  Phénicie  ôc  la  T^erre- Sainte. 

COmme  entre  les  Anglois  IMr.  Maun- 
drell,  cd  celui  qui  a  donné  la  Def- 
cription  la  plus  exadle  de  ces  Pai's,  l'Au- 
teur déclare  d'abord,  que  fes  Remarques 
ne  rouleront  que  fur  ce  qu'il  a  omis ,  ou 
mal  rapporté. 

Laîicée  ^  ou  Laodicê8,Qil  la  première  vil- 
le maritime  de  la  Syrie  du  côté  du  Nord. 
Elle  eiT:    fituée   fur  une  colline ,  en  am- 
phithéâtre;  ce  qui  en  rend  la  vûë  très- 
bel- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  387 
belle.  On  y  voit  encore  les  reftes  de 
quelques  Monumens  antiques ,  entre  au- 
tres plufieurs  rangs  de  Colomnes  de  Por- 
phyre &  de  Granité,  avec  les  ruines  d'un 
grand  Aqueduc,  probablement  le  même 
q\ïHérode  fit  bâtir,  au  rapport  de  Jofe- 
phe  *.  Mais  le  morceau  le  plus  curieux 
en  ce  genre  &  le  mieux  confervé  ,  efl  un 
magnifique  Arc  de  triomphe  d'une  gran- 
de étendue,  qu'on  a  converti  en  Mof- 
quée.  Les  Colomnes  font  de  l'ordre  Co- 
rinthien,l'Architrave  cfl  ornée  de  trophées, 
boucliers  ,  haches  d'armes  &  autres  infiiru- 
mens  de  guerre  ;  &  le  refie  de  l'enta- 
bîature  efi:  fiiperbe  6c  d'une  grande  har- 
diefle.  On  trouve  parmi  ces  ruines  quan- 
tité d'Infcriptions  Grecques  &  Latines; 
mais  elles  font  fi  effacées ,  qu'on  ne  ftj^au- 
roit  en  tirer  aucun  ufage. 

A  une  petite  diftance  de  la  ville,  tirant 
à  rOuefl:,  il  y  a  un  Port  afiez  grand, 
dit  l'Auteur  ,  pour  contenir  autant  de 
VaiiTeaux  de  guerre,  ou  marchands,  que 
l'Angleterre  en  a;  quoiqu'il  foit  aujour- 
d'hui tellement  comblé ,  qu'à  peine  en 
peut-il  recevoir  une  demi- douzaine.  A 
un  quart  de  mille  de  Laodicée  ^  du  côté 
du  Nord ,  on  trouve  plufieurs  Cercueils 
de  pierre  (  Sarcopbagi)  dont  quelques- 
uns  ont  encore  leur  couvercles;  ils  ref- 
femblent  aflez  à  ceux  qu'on  voit  en  Ita- 
lie, 
*  de  Bell.  Jud.  I.  i.  Cap.  16. 

TomeXIII.  Fart,  IL         Ce 


V'k 


38BB1BL10THEQUE  Britannique, 
lie  ,  feulement  ils  font  plus  grands.  Dans 
le  rocher  où  ces  Cercueils  font  placez, 
on  a  pratiqué  des  chambres  fépulchrales , 
de   dix,  de  vingt  ,  &   même  de  trente 
pieds  en  quarré;,  tout  autour   defquellcs 
il  y  a  des    niches    ou  des   cellules  ,   où 
l'on  peut  mettre  jufqu'à   trois  Cercueils 
Tun  contre  l'autre.     L'Efcalier  qui  con- 
duit à  ces  chambres  ,  eft  très-artiftemenc 
conftruit,    6c  orné  de  toutes  fortes  de  fi- 
gures en  bas -relief,  comme  le  font  les 
Cercueils  mêmes.    Il  y  en  a  une  qui  por- 
te le  nom  de  Ste.  Thécle,  &que  les  Grecs 
ont  en  grande  vénération ,  non  feuiement 
à  caufc  des  actes  de  pénitence  &  de  mor- 
tification qu'on  dit  que  cejte  Sainte  a  fa't 
dans  cet   endroit,   mais  fur-tout  à  caufe 
d'une   fontaine  qui  eft  dans  le  milieu  de 
cette  chambre, &  à  laquelle  ils  attribuent 
la   vertu   de  procurer  des   vifions  ck  des 
guérifons  miraculeufes.    On  y  apporte  de 
toutes  parts  les  malades  &  les  infirmes, 
qu'on    lave  ou  qu'un  plonge  dans  cette 
eau  falutaire  ,avec  des  cérémonies  toutes 
fuperflitieufes.  Les   Vieillards  y  viennent 
apprendre  l'heure  de  leur  mort;  &    les 
Jeunes -gens   tout  ce  qui  doit  leur  arri- 
ver. 

Le  Mont  Liban  feparoit  anciennement 
la  Syrie  de  la  Fbéîiicie ,  comme  il  paroîc 
par  un  pafTage  de  Pîoiomée.  Le  Nahar- 
Eî-Berd^  ou  la  Rivière  Froide  qui  tire  fa 
fource  de  ce  Mont,  eft,  à  ce  que  l'Au- 
teur 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  ^p,^ 

teur  conjedure,  VEleuîberu^  des  Anciens, 
qui  eft  fi  mal  placé  dans  Tancienne 
Géographie.  Il  fe  fonde  fur  l'auto^ 
rite  de  Ptolomée, qui  donne  à  cette  Riviè- 
re à -peu -près  la  même  fituation^  &  fur 
une  Médaille  d'Antomn  le  P/fwx , frappée  à 
Or^/;/)7?a, aujourd'hui  Or-tofa,  fur  les  bords 
de  ce  fleuve.  Car  au  revers  de  cette  Mé- 
daille on  voit  la  Déefle -^J^arf^,  marchant 
fur  une  Rivière,  qui  ne  peut  être  que  cel- 
le-ci. A  deux  lieuL\s  de -là  on  trouvé  les 
ruines  de  l'ancienne  Tripoli  s  y  fondée  par 
les  Araàims  y  les  Sydoiiiens  &  les  Tyriens 
conjointement,  &  ficuée  fur  un  C!ap , que 
Scylax  appelle  Prelqu'ine.  Elle  avoit 
autrefois  un  excellent  Port,  qui  n'eftpref- 
que  rien  aujourd'hui,  par  la  négligence  des 
Peuples  de  ce  Païs,  qui  l'ont  laifTé  com- 
bler. Au  rede,  Mr.  Shaw  a  eu  occafîon 
de  fe  convaincre  par  fes  propres  yeux  de 
Terreur  de  quelques  anciens  Géographes, 
qui  ont  prétendu  que  cette  Ville  étoit  cri- 
ginairemenc  compcfée  de  trois  villes  dif- 
férentes, bâties  à  une  petite  diftance  les 
unes  des  autres,  &que  c'étoic  de-là  qu*ellë 
tii'oit  fon  nom  *  ;  car  il  n'a  pu  décou- 
vrir aucune  trace  de  murailles  particuliè- 
res pour  chacune  de  ces  villes,  celles 
dont  on  voit  encore  les  ruines,  formant 
une  feule  &  même  enceinte. 

Le  nouveau  Tripoli  eft  Ctué  à  une  demi- 

lieuë 

*  Dioi,  Sic.  Pomp.  Mêla. 

Ce  2 


390  Bibliothèque  Britannique, 
lieuë  de  Pancien ,  fur  le  penchanc  d'une 
colline  qui  fait  face  à  la  mer.  Le  Com- 
merce de  cette  Ville  eft  très-confiderable, 
foit  par  les  Manufactures  de  Soye  &  de 
Cotton  qui  y  font  établies,  foit  par  les 
marchandifes  qu'on  y  apporte  fans  ceiTe 
à'Alep  &  de  Damas.  A  en  juger  par  les 
murailles  &  la  citadelle  ,  qui  font  bâties  à 
la  Gothique,  elle  n'eil  pas  fort  ancienne. 
On  n'y  voit  rien  de  remarquable  qu'un 
Aqueduc  avec  des  Néfervoirs  d'efpace  en 
efpace ,  qui  ont  jufqu'à  trente  pieds  de  hau- 
teur, &  qui  fournirent  de  l'eau  à  toute  la 
Ville.  Sur  la  principale  Arche  de  cet  A- 
queduCj  qu'on  appelle  le  Pont  du  Prince^ 
il  y  a  un  EcufTon  chargé  d'une  Croix  recroi- 
feîée^  qui  font  les  armes  de  la  maifon  de 
Lorraine \  ce  qui  pourroit  juflifier  la  tra- 
dition qui  porte,  que  cette  Ville  fut  bâtie 
piY  Godefroi  de  Bouillon^  dutemsdes  Croi- 
fades. 

Les  Obferv'ationsGéographiques  de  l'Au- 
teur fur  la  Pbéîiicie,  fe  bornent  à  la  Ville 
de  Tyr.  Tous  les  Levantins  rappellent 
Sour^  qui  eft  fon  ancien  nom,  auquel  on  don- 
ne une  double  étymologie;  car  on  le  fait 
venir  à.  de  -nv  qui  en  Phénicien,  de  mê- 
me qu'en  Hébreu,  fignifie  un  Rocher ^  ce 
qui  convient  parfaitement  à  fa  fituation; 
&  de  5ar  5  qui  eft  le  nom  du  Poilfon  donc 
Ton  tiroit  autrefois  la  Pourpre  pour  la- 
quelle cette  Ville  étoit  fi  fameufe.  Il  y  a 
déjà  plufîeurs  Siècles  qu'on  a  perdu  la  ma- 
nière 


Juillet,  Août  et  Septemb.  173g.  591 
nière  d'extraire  cette  couleur,  quoique  le 
PoilToii  qui  la  donnoit  fubfifle  encore  , 
co.Tme  on  en  peut  juger  par  la  quantité 
de  coquilles  colorées  en  dedans  de  Pour- 
pre, qu'on  trouve  fur  les  bords  de  la  mer 
aux  environs  de  cette  Ville.  Mr.  Sbc^w  die, 
qu'il  vifira  avec  foin  tous  ces  environs,  & 
qu'il  ne  put  jamais  y  découvrir  la  moin- 
dre trare  d'un  Port  capable  de  contenir 
les  VaifFeaux  qui  y  abordoient  de  toutes 
parts,  &  oii  i]s  p-'ident  être  en  ffircré; 
de  forte  qu'il  faut  qu  il  foit  arrivé  de  grands 
chaniiemens  à  cette  côte  de  la  mer. 

Cette  Ville  autrefois  fi  renommée  pour 
fon  commerce,  cil  aujourd'hui  entière- 
ment ruinée,  &  l'on  n'y  voit  plus  que  quel- 
ques cabrines  de  Pêcheurs. 

L/Aureur  décrit  enfuite  la  fituation  des 
Tribus  d'Ifraél  &  des  Lieux  les  plus  re- 
marquables de  la  Terre  Sainte.  Les  mon- 
tagnes ou  coteaux  qui  environnent  la  Vil- 
le de  Jenifalem,  ou  fur  lefquel?  elle  e(l  fl- 
tuée,  la  font  paroître  comme  fi  elle  é^oic 
bâtie  en  amphithéâtre,  &  empêchent  qv"oa 
ne  la  puiffe  voir  de  loin.  Le  Mont  ''es 
Oliviers,  qui  eli  peut-être  l'endroit  le  plus 
éloigné  d'où  il  foit  poflible  de  la  découvrir, 
en  cil  pourtant  fi  proche,  que  les  Evsngé- 
lifles  ont  pu  dire  dans  un  fens  presque 
littéral ,  que  Jefiis-Chrift  pleura  fur  elle  ,  lorf- 
que  de  deflus  ce  Monr  il  lui  dénonça  fa 
ruine  prochaine.  Il  y  refle,  très -peu  de 
traces  de  cç;  qu'elle  étoit  du  tems  de  Notre- 

Cc  3  Sd- 


392  BibLIOTHEQUEBrITAN  NIQUE, 

Seigneur ,  &  même  après  que  l'Empereur 
Adrien  l'eut  rebâtie.  Il  n'y  a  pas  julqua 
fa  fituation  qui  n'ait  changé  ;  car  le  mont 
Sion ,  qui  écoit  la  partie  la  plus  élevée  de 
Tancienne  Jerufalem ,  en  ell  à  préfent  ex- 
clus ,  &  fes  folTez  font  comblez  ;  tandis 
que  le  Calvaire,  qui  étoit  hors  de  la  Ville, 
fuivant  cette  exprelTion  d'un  Apôtre,  que 
yefus-CbriJl  a  fouffert  hors  de  la  porte  -•' ,  en 
fait  aujourd'hui  prefque  le  centre. 

Cependant,  quelques  grands  que  foient 
les  changemens  qui  font  arrivez  à  cette 
Ville  3  cela  ne  doit  pas  faire  révoquer  en 
doute  la  tradition  qui  s'y  efu  coniervée , 
touchant  la  fituation  des  Lieux  faints,ou 
confacrez  par  quelque  événement  remar- 
quable arrivé  kJefus-CbriJî  ou  à  fes  Apôcrcs. 
Le  Calvaire,  par  exemple,  &  le  tombeau 
oti  ce  divin  Sauveur  fut  mis,  ne  pouvoient 
être  ignorez  de  fes  Dilciples  &  de  fes  Ad- 
hérans;  &  il  efl  plus  que  probable  qu'ils 
y  attachèrent  une  vénération  pp.nicuîiere, 
qui  en  fit  conreivcr avec  foin  la  mémoire. 
Ces  lieux  étoient  fi  bien  connus  du  tems 
à'Jdriefi,  que  par  haine  &  par  mépris  pour 
le  nom  Chrétien, cet  Empereur  fit  ériger 
une  Statue  à  Jupiter  far  le  Saint  Sépulchre, 
une  autre  à  Venus  fur  le  Calvaire,  &  une 
troifième  à  Adonis  à  Retlehém  ,  leiquelles 
fubfiuerent  jufqu'au  tems  de  Cojtjlantiii^  qui 
les  fit  ôter ,  &   fit  bâtir  à  leur  place  ces 

magni- 
*  Hebr.  XIII.  12. 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  393 
magnifiques  Temples  qu'on  voit  encore  au- 
jourd'hui, &  qu'on  peut  par  confequent 
regarder  comme  des  Monumens  autenti- 
ques  de  îa  vérité  de  la  Tradition.  L'Au- 
teur cite  là-delTus  des  paflages  formels 
d'Eufebe  &  de  St.  Jérôme  *;  &  fans  s'arrê- 
ter à  décrire  ces  divers  lieux  que  d'autres 
Voyageurs  ont  déjà  fait  allez  connoître, 
il  fe  contente  d'en  donner  fort  exadlement 
la  fituation  dans  une  Carte  faite  exprès 
pour  cela. 

Le  Chapitre fuivant  renferme  des  Obfer- 
vations  Géographiques  fur  V Egypte,  V Arabie 
Petrée  &  les  Campemens  des  Ifraëlites,  de- 
puis leur  fortie  d'Egypte  iu^qu'k  leur  entrée 
dans  la  Palejtine. 

Ce  que  l'Auteur  dit  au  fujet  du  premier 
de  ces  Païs,  n'a  rien  de  fort  particulier,  & 
qu*on  ne  puilTe  voir  plus  en  détail  dans  la 
belle  Defcription  de  lEgypte  de  Mr.  de  Mail- 
let ^  avec  lequel  du  relie  il  ef]:  ordinaire- 
ment d'accord  pour  le  fond  des  choies. 
Seulement  il  prouve  au  long,  par  divers 
paflages  du  Texte  Hébreu,  des  Septante 
&  de  Jo/epbe ,  que  la  Terre  de  Gofçen,  que 
les  Ifraëlites  habitèrent,  comprenoit  tout 
ce  pais  qui  eO:  aux  environs  de  îa  Matarée 
(  l'ancienne  He//OjDo'zj  )  &  qui  s'étend  le 
longduNil,  du  côté  de  l'Arabie,  jufqu'au 

Grand 

*■  Hieron.  Ep.  XIII.  ad  Paulin.  Ep.  XVII. 
ad  Mircell.  Eufeb.  de  Vità  Coiiftantini.  L.  III. 


Cap.  25' 


Ce  4 


3Q4BibliothequeBritanniquEj 

Grand  Caire ,  qui  eft  au  Midi  de  cette  Ville  » 
&  à  Biflobeflo  (  l'ancienne  Bubafiis ,  )  qui  eft 
au  Nord.  Il  marque  enfuite  avec  la  der- 
nière exadtitude  les  divers  Campemens  de 
ce  Peuple  en  quittant  l'Egypte,  &  jufqu'à 
ce  qu'il  entrât  dans  la  Terre  promife.  Mais 
ce  détail ,  quelque  curieux,  quelque  fçavanc 
même  qu'il  Ibitj  n'eft  pas  fufceptible  d'Ex- 
trait. 

Dans  le  Chapitre  troifième  qui  traite  de 
l'Hiftoire  naturelle  de  la  Syle,  de  la  Phé- 
nicii  &  de  la  Terre  fa';nîe ^  Mr.  Shaw  com- 
mence par  une  efpece  de  DifTertation  far 
le^  Vents  qui  régnent  dans  ces  Païs-là, 
&.  en  particulier  lur  VEuroclydon  dont  il  eft 
parlé  dans  le  Livre  des  Aftes  (  XXVII.  14.  ) 
Il  foutient  la  leçon  ordinaire  contre  Gro- 
tius ,  Cdmer  &  d'autres,  qui,  fondez  fur  l'au- 
torité du  Manufcric  d'Alexandrie  &  de  la 
Vulgate,  ont  prétendu  qu'il  falloit  lire 
Euroaquilon\  &  il  croit  que  St.  Luc  n'a 
fait  que  rapporter  le  terme  même  dont  les 
Matelots,  qui  étoient  Grecs  félon  toutes 
les  apparences,  s'étoient  fervis  pour  dé- 
figner'le  V^ent  tempétueux  d'Eu-Nord- Efl- 
qui  fe  fait  fouvent  fentir  dans  le  Levant 
avec  tant  de  violence,  que  s'il  continue 
quelque  tems ,  l'eau  fe  retire  des  côtes  de 
Syrie  &  de  Pbénicie,  &  laifle  voir  à  dé- 
couvert plufieurs  rangs  de  rochers  qui  font 
naturellement  fort  enfoncez  dans  la  mer. 
L'Aureur  dit  qu'il  a  obfervé,  que  dans  le 
porc  de  Laodicée  il  y  avoic  deux  pieds  d"cau 

moins 


Juillet  ,  Août  et  Septemr.  1739.  395 
moins  lorfque  ce  Vent  fouffloit,  quelorf- 
que  le  tems  écoit  calme;  Ct  c'eil  à  une  pa- 
reille caufe  qu'il  croit  qu'on  peut  attribuer 
ie  phénomène  que  Jofephe  allègue  pour  in- 
valider le  miracle  du  paflage  des  Ifraëlites 
au  travers  de  la  mer  Rouge  ,  fçavoir  que  la 
mer  dePar»p/jz7/f  s'étoit  retirée  pour  lailTer 
un  libre  paflage  à  l'armée  d'Alexandre  le 
Gra72^  *;  phénomène,  aurefle,  qui,  com- 
me il  a  prouvé  auparavant,  ne  mérite  en 
aucune  manière  d'être  rais  en  comparai- 
fon  avec  ce  Miracle.  Dans  les  tempêtes 
caufées  par  ce  Vent  impétueux,  les  Aiaho- 
niétans  ont  coutume  d'attacher  à  quelqu'un 
des  mats  de  leurs  Vaiileaux:,  un  palTiigede 
l'Alcoran  ,  qui  a  rapport  à  l'état  oh  ils  lo 
trouvent;  après  quoi  ils  égorgent  une  bre- 
bis &  la  jettent  fur  ie  champ  dans  la  mer, 
pour  appaifcr  rimpétuofité  de  fes  vagues. 
Arîjlopbane  &i  V^ir^ile  nous  apprennent,  que 
les  Grecs  offroicnt  auliien  pareille  occa- 
iion  une  brebis  à  Neptune  en  couroux  f . 
Plufieurs  Auteurs  ont  repréfenté  la  Ter- 
re Sainte  comme  un  Païs  naturellement 
ftérile.  Mais  Mr.  Shaw  foutient,  que  lî 
elle  étoit  aufTî  peuplée  &  auffi-bien  cul- 
tivée qu'autrefois  ,  elje  feroit  encore  plus 
fertile  que  les  meilleurs  endroits  de  la  cô- 
te de  Syr^e  &  de  Phénicien  car  elle  l'em- 
porte généralement  par  la  bonté  du  terroir 

& 
*  Jof.  Ant.  1.  2.  c.  7. 

1  Arifl  in  Ran.  Au.  3.  Se.  2.  Virg.  ."En.  3.  ii8< 
Ce  j 


39<^ Bibliothèque  Britannique, 
&  de  fes  produdlions.  Le  Cotton ,  par  exem- 
ple ,  qu'on  cueille  dans  les  plaines  de  Ra- 
inah ,  à'Efdraelon  &  de  Zahulon,  elt  beau- 
coup plus  ellimé  que  celui  des  environs 
de  Sidon  &  de  Tripoli;  &  il  eft  impoffible 
d'avoir  de  meilleur  blé  ni  de  meilleures 
légumes  qu'on  en  trouve  conftamment 
à  Jerufalem.  La  Palejïine^  il  efh  vrai,  ne 
produit  pas  autant  aujourd'hui  que  les  Pais 
voiOns  ;  mais  c'eft  au  petit  nombre  &  à  la 
parefTe  de  les  habitans ,  &  non  à  la  natu- 
re du  terroir,  qu'il  faut  l'attribuer.  D'ail- 
leurs les  ravages  continuels  auxquels  elle 
elt  expofée,  par  les  divifîons  qui  régnent 
entre  les  petits  Princes  qui  la  polledenc, 
font  qu'on  fe  met  généralement  peu  en 
peine  de  la  cultiver.  A  la  vue  des  envi- 
rons de  yerufalem^ç\m  font  pleins  de  ro- 
chers ai  de  montagnes  fans  culture,  îa 
plupart  des  Voyageurs  fe  font  imaginez 
que  c'étoit  un  pais  naturellement  ilériic; 
mais ,  outre  qu'on  ne  doit  pas  conclure  d'u- 
ne partie  au  tout,  ces  rochers  &  ces  moii- 
tagnes  ont  été  autrefois  très-fertiles ,  cou- 
verts de  Vignes ,  d'Oliviers ,  ou  d'excellens 
pâturages,  fuivant  la  bénédiction  donnée 
par  Jacob  à  Juda  »  que  fes  yeux  feroUnt  ver- 
meils de  vin  ^  fes  dents  blanches  de  lait  *. 
On  y  voit  encore  des  traces  de  la  maniè- 
re dont  on  y  plantoit  la  Vigne;  il  y  a 
même  quelques  Vignes,  &  il  y  en  auroic 

bien 

*  Gcn.  XLIX.  12. 


Juillet,  Août  et  Septehb.  1739.  39^ 
bien  davantage,  files  Mahomécans  qui  pof- 
fedent  ce  Pais  ne  s'abftenoienc  pas  du  vin. 
On  y  trouve  auflî  des  Oliviers  6c  du  Miel 
fauvage  en  fi  grande  quantité ,  que  d'Hebron 
feul  on  en  envoyé  tous  les  ans  en  Egypte 
la  charge  de  trois -cens  Chameaux,  c'eft- 
à -dire  près  de  deux-mille  Quintaux.  En  un 
mot ,  fi  ce  Pais  étoit  cuhivé  avec  foin,  il 
feroit  aufiî  fertile  qu'il  le  fut  jamais  ;  ôc 
tout  ce  qu'on  dit  de  fa  prétendue  ftériii- 
té  naturelle  5  n'eft  que  pure  chimère. 

Le  Jourdain  eil  après  le  Nil  la  plus  con- 
fiderable  rivière  de  tout  le  Levant.  Mr. 
Sba^uo  lui  donne  environ  quatre-vingt  dix 
pieds  de  largeur,  <5c  dix  de  profondeur 
lur  les  bords.  Suivant  ce  calcul ,  &.  faifant 
attention  à  la  rapidité  de  ce  fleuve,  il  fup- 
pofe  qu'il  décharge  chaque  jour  dans  la 
mer  Noire  près  de  6ogoooo.  tonnes  d'eau. 
Cependant  on  ne  voit  pas  que  les  bornes 
de  cette  mer  s'étendent;  ce  qui  a  donné 
lieu  à  quelques  Auteurs  de  conjecturer,  que 
cette  grande  quantité  d'eau  eil:  abforbée 
par  les  fables  brûlans ,  ou  par  des  cavitez 
foûterreines ,  ou  qu'il  y  a  une  communi- 
cation entre  cette  mer  &  le  Lac  Sirbon^ 
Mais  ceux  qui  ont  donné  dans  ces  con- 
jeQurcs,  n'ont  pas  fait  attention  que  la 
mer  Noire  perd  chaque  jour  en  vapeurs 
près  d'un  tiers  plus  qu'elle  ne  reçoit  d'eau 
du  Jourdain.  Car  en  fuppofant,  d'un  cô- 
té, comme  on  le  fait  généralement,  que 
cette  mer  a  fcptante-&-deux  milles  de 

Ion- 


398BIELIOTHEQUE  BRITANNIQUE, 

longueur&  dix-&-huit  de  largeur.&en  allou- 
ant de  l'autre,  6914.  tonnes  de  vapeurs  pour 
chaque  mille  quarré  d'eau,  feion  l'obferva- 
tion  du  Dodtr.  Halley^  il  s'enfuivra  qu'il 
s'élève  chaque  jour  en  vapeurs  de  la  mer 
Noire  plus  de  8960000.  tonnes  d'eau  ;  fur- 
tout  fi  l'on  fait  attencion  que  la  chaleur 
du  Soleil  eft  beaucoup  plus  grande  dans 
cet  endroit ,  que  dans  la  mer  Méditerra- 
née, pour  laquelle  cette  obfervation  a  é:é 
faite.  Au  refte ,  Mr.  Sha'Ui  remarque ,  que 
■  e  bitume  dont  le  Lac  Afphaîtice,  ou  la 
mer  Noire,  efr  rempli  s'élève  dans  de  cer- 
tains tems  du  fond  de  la  mer  en  grofies 
malTcs  en  forme  d'hémifphère,  lefquelles 
ne  font  pas  plurôt  parvenues  à  la  lurface 
de  leau,  que  Tair  extérieur agiflant  fur  el- 
les,  elles  fe  brifent  en  mille  miOrceaux 
avec  un  grand  éclat  &  beaucoup  de  fu- 
mée, comme  la  poudre  fulminante  des 
Chymiftes.  Mais  cela  n'arrive  que  près 
des  bords;  car  par -tout  ai  leurs  les  érup- 
tions ne  font  pas  fenfibles,  6:  ne  fe  décou- 
vrent que  par  des  colomnes  de  fumée  qui 
s'é'event  de  tems  en  tems  du  Lac.  Il  y  A 
a  toute  apparence  que  c'eft  le  bitume ,  * 
qui  en  fe  détachant  du  fond,  entraîne  avec 
lui  le  foufre  qu'on  trouve  aufli  en  grande 
quantité  fur  le  bord  de  ce  Lac,  &  qui  ne 
diffère  en  rien  du  foufre  commun.  Pour 
le  bitume,  il  efl  friable  ,  plus  péfant  que 
l'eau  ;  &  lorfqu  on  le  frotte  ou  qu'on  le 
brûle 3  il  rend  une  odeur  nuance.     L'eau 

ce 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  399 
de  ce  Lac  n'eft  point,  comme  l'a  décrite 
Diofcoride^  de  couleur  de  Pourpre,  mais 
d'un  noir  de  jais  &   luifance  comme    le 
jais. 

Le  Chapitre  quatrième  contient  un  com-t 
ElTai  fur  l'Hiftoire  naturelle  de  V Arabie 
Petrée.  Nous  ne  nous  y  arrêterons  pas , 
parce  que  nous  n'y  avons  rien  trouvé  de 
Fort  remarquable 5  l'Auteur  lui-même  s'ex- 
cufant  fur  le  peu  de  tems  ou  de  liberté 
qu'il  a  eu  pour  faire  les  obfervations  né- 
ceflaires  ,  &  fur  la  flérilité  du  fujet,  qui 
n'offre  prefque  à  l'exam.en  que  de  varies 
deferts  incultes  &  inhabitez. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  du  Chapitre 
fuivant ,  qui  elt  le  dernier  de  tout  cet  Ou- 
vrage ,  à.  qui  renferme  bien  des  obferva- 
tions curieufes  fur  l'Egypte.  Mr.  Sbnw 
commence  par  les  Arts  û:  les  Sciences  des 
anciens  Egyptiens  ,  qui  ont  infenfiblement 
palTé  chez  les  Grecs,  à  la  réferve  de  leur 
Science  Symbolique ,  qui  n'y  fut  jam.ais  in- 
troduite ,  &  qu'il  eit  très-difficile  ,  pour  ne 
pas  dire  impoiriblejdebien  entendre.  Ce- 
pendant il  nous  en  donne  un  long  Expo- 
fé  ,  tiré  des  anciens  Auteurs  Grecs  &  La- 
tins qui  en  ont  fait  mention  ,  &  par  lequel 
il  paroît  que  cette  Science  fe  bornoit  tou- 
te entière  à  la  Religion.  Pour  cet  effet 
il  parcourt  tous  les  Hiéroglyphes  connus 
qu'on  y  employoit,  &  leurs  différentes 
fignifications  ;  comme  Reptiles ,  Quadrupè- 
des, Oifcaux ,  Poiiîbns,  ou  quelque  par- 
tie 


4*00  BibliothequeBritanniqùEi 

tie  de  ces  animaux,  la  tête,  les  cornes, 
les  yeux,  les  mains  »  les  ailes,  6:c.  les 
corps  de  différentes  bêtes,  ou  d*un  hom- 
me 6c  d'une  bôce  joints  enfemble  ,  diver- 
fes  fortes  de  plantes,  de  fleurs,  ou  d'inf- 
truraens ,  certaines  lettres  ou  Ajoures  par- 
ticulières, &€.  On  connoît  la  Tabled'JJîs  y 
&  un  petit  nombre  d'autres  Monumens 
antiques  de  l'Egypte  fur  lefquels  on  trou- 
ve de  ces  Hiéroglyphes  ;  mais  on  en  trou- 
ve principalement  fur  les  Obélifques ,  qui 
même  paroiiTent  avoir  été  dellinez  à  cet 
ufage.  îl  n'y  en  a  que  deu::  qui  foient 
encore  debout  &  dans  leur  entier;. l'un 
à  la  Matarée ,  &  l'autre  à  Alexandrie.  Ce 
font  des  Aiguilles  à  quatre  faces ,  toutes 
garnies  de  Caraftères  Symboliques  ,  d'un 
marbre  graiiite  rougeàtre,  &  parfaitement 
polies  ;  quoique  les  Caradères  qui  ont 
jufqu'à  deux  doigts  de  profondeur ,  foient 
inégaux  &  rudes  au  toucher,  parce  qu'on 
s'eft  fcrvi  pour  les  graver  du  Poinçon,  & 
non  pas  du  Cifeau.  Ces  Aiguilles  font 
corapofées  de  quatre  pièces;  le  piedellal 
qui  eft  à  préfent  enlev^eîi  fous  les  fables, 
&  qui, félon  le  calcul  de  Mr.  le  Conful  le 
Maire  ^  peut  avoir  huit  pieds  de  hauteur  ; 
la  bafe  qui  eft  ronde  &  encbalTée  dans  le 
piededal  par  une  pointe  qui  en  fait  le 
centre;  le  flùt  qui  eft  tout  d'une  pièce, 
qui  va  en  s'apetiiTant,  &  dont  la  hauteur 
eft  décuple  de  fa  plus  grande  largeur,  c*q^- 
à-dire  d'environ  ^o.  ou  70.  pieds ,  &  le 

cha- 


Juillet,  Août  et  Seîtemb.  1730,  401 

chapiteau,  qui  eft  en  forme  de  Pyramide, 
&  qu'on  a  appelle  à  caufe  de  cela  même 
Pyramidion,  Comme  ces  Obélifques  re- 
préfencent  par  leur  figure  les  rayons  du 
Soleil,  auiïï  écoient-ils  dédiez  au' Soleil 3 
fuivant  les  plus  anciens  Auteurs  qui  en 
ont  fait  mention.  Les  Pyramides  qui  ne 
font  autre  chofe  que  des  Obélifques  à 
angles  plus  obtus,  paroiflent  auiïi  avoir 
été  des  emblèmes  du  Feu  ou  du  Soleil,  & 
avoir  été  coniacrées  à  la  même  Divinité  : 
,  Porphyre  le  ditexpreflement  *.  Au  refte, 
TAuteur  a  fait  graver  une  Planche  qui 
repréfente  la  figure  &  les  dimenfions  de 
rObélifque  de  la  Matarée  ,  avec  les  Carac- 
tères qui  font  fur  l'un  de  fes  cotez,  &donE 
il  donne  la  fignification,  renvoyant  ceux 
qui  fouhaiteront  d'en  fçavoir  davantage  à 
Kircber,  de  qui  il  a  tiré  le  peu  qu'il  en 
dit. 

Il  n'y  a  rien  fur  quoi  les  Auteurs  foienc 
plus  partagez  que  fur  les  dimenlions  des 
Pyramides  d'Egypte,  &  fur  leur  ufage. 
Hérodote  donnt  huit -cens  pieds  de  lon- 
gueur à  la  bafe  de  la  plus  grande  qui  eft 
aux  environs  du  Grand  Caire;  Diodorei'ept- 
cens,  &  S'ira/^on  feulement  fix- cens.  Par- 
mi les  Modernes,  Sandys  affure,  qu'elle  a 
trois-cens  pas  de  longueur;  Bellonhu  trois- 
cens  vingt-  &- quatre  ;  Greaves  fix  -cens 
nonante-trois  pieds,  écîe  Brun  fept-cens 


*  Vid.  Euf.  Prsp.  Ev.  pag,  60. 


qua- 


402  Bibliothèque  Britannique, 
quatre  pieds  de  France,  qui  en  fontfepE- 
cens  feptante  d'Angleterre.  Cette  diver- 
ûté  ne  doit  cependant  pat.  être  imputée  , 
félon  Mr.  Shaw^  à  ignorance  ou  à  mau- 
vaife  foi,  mais  à  des  caufes  fort  naturel- 
les. Car  5  outre  que  cette  Pyramide  eft 
bâtie  far  un  terrein  fort  inégal,  qui  en 
rend  le  mefurage  difficile  ,  les  vents  de 
Nord  y  ont  amafTé  une  grande  quantité 
de  fable,  qui  auj^mente  chaque  jour,  iiz 
qui  fait  que  les  dimenfions  de  la  bafe  ont 
dû  nécefîairement  varier  ,fuivant  les  diffé- 
rens  tems  ou  on  les  a  prifes. 

L'Auteur  ne  croit  pas  que  cette  Pyrami- 
de, non  plus  que  les  deux  autres  grandes 
Pyramides  qui  font  tout  auprès,  ait  ja- 
mais été  finie;  &  voici  fur  quoi  il  fe  fon- 
de. Les  pierres  qui  font  à  l'entrée, for- 
ment un  Arc  beaucoup  plus  haut  qu'il  ne 
paroît  néceiïaire  pour  un  fi  petit  pafTage  , 
&  de  chaque  côté  ii  y  a  un  grand  efpace 
vuide  ;  c'eft-à-direque  les  dégrez  qui  tour- 
nent tout  autour  de  la  Pyramide  ,  font 
dans  cet  endroit-là  difcontinucz  à  une  cer- 
taine hauteur.  Or  l'une  &  l'autre  de  ces 
chofes  indiquent  manifeftement  undefTein 
plus  étendu  que  ce  qu'on  en  voit  ,  &  il 
y  a  bien  de  l'apparence  que  l'Architeéle 
fe  propofoit  de  bâtir-là  un  grand  &  ma- 
gnifique Portique.  A  en  juger  par  la  fé- 
conde des  Pyramides  ,  qui  eilplus  achevée 
que  les  autres,  les  dégrez,  depuis  le  haut 
jufqu'au  bas,  ne  dévoient  pas   demeurer 

dans 


Juillet,  Août  et  Septeimb.  1739.  403 
dans  l'état  où  ils  font  ;  mais  le  vuide  qu'ils 
laillenc  entre  eux  devoit  être  rempli  de 
manière  que  chaque  côté  de  la  Pyramide 
fût  parfaitement  uni, ou  formât  une  fur- 
face  plane,  comme  on  le  voit  dans  celle 
de  Cirftius  à  Rome.  Enfin  le  fommec  de 
cette  Pyramide  quijde  même  que  les  autres, 
devoit  le  terminer  &  fe  fermer  en  pointe  , 
n'eft  pas  à  beaucoup  près  fini  :  il  y  a  une 
grande  ouverture  ;  (k  ce  qui  prouve  que 
l'ouvrage  a  été  interrompu  dans  cet  en- 
droit-là ,  c'ell  que  les  pierres  y  font  iné- 
gales ,  les  unes  furpalîant  confiderable- 
ment  les  autres.  Les  Lefteurs  curieux 
pourront  comparer  ces  Obfcrvations,qui 
paroilTent  allez  concluantes,  avec  celles 
de  Mr.  dfe  Maillet ,  qu\  employé  plufleurs 
pages  à  prouver  direécement  le  contrai- 
re ;  c'eft-à-dire  que  la  grande  Pyramide  a 
été  achevée  ,  fermée  &:  revêtue  comme 
les  autres  *  ;  &  nous  leur  lailTons  h  déci- 
der lequel  de  Mr.  Shaw  ou  de  lui  a  le 
mieux  rencontré. 

Ces  deux  Auteurs  ne  s'accordent  pas 
non  plus  fur  la  defb'nation  des  Pyrami- 
des. Mr.  de  Maillet  prétend,  avec  bien 
d'autres ,  qu'elles  ne  furent  bâties  que  pour 
fervir  de  tombeaux  à  quelques  anciens 
Rois  d'Egypte,    &  Mr.  Sbaw  s'efforce  de 

ren- 

*  Voyez  fa  Dcfcription  de  l' Egypte  <,  pag.  226, 
Se  fuiv. 

Tome  XIII  Part.  IL  Dd 


404  BiBLIOTHEQUEBrITAN  NIQUE, 

renverfer  ce  fentiment.  Il  lui  paroîcque 
c'étoit  une  chofe  ridicule  d'élever  dans  ce 
deflein  une  mafTe  auffi  énorme  que  l'eft 
en  particulier  la  grande  Pyramide,  &  d'y 
faire  ce  palTage  étroit  &  fmueux  par  le- 
quel on  y  entre.  Il  demande  de  quel  ufa- 
ge  pouvbient  être  pour  un  tel  but,  le 
puits  qui  eft  au  bout  de  ce  paflage  ,  la 
chambre  inférieure,  la  grande  ouverture 
qu'on  y  a  pratiquée  dans  la  muraille  du 
côté  de  rOrient,  les  ouvertures  beaucoup 
plus  petites  qui  font  dans  la  chambre  fu- 
périeure  ,  les  deux  antichambres  &  la 
grande  &  belle  galerie,  avec  des  bancs 
de  chaque  côté,  qui  y  conduit?  Et  com- 
me il  n'enapperçoit  a'ucun,  il  conclut  que 
cette  Pyramide  re  fut  jamais  bâtie  dans 
cette  vûë.  La  Théologie  des  Egyptiens 
étant  route  myrrérieufe  &  emblématique, 
il  croie  qu'il  eîl  beaucoup  plus  raifonnable 
de  fuppofer ,  que  les  Pyramides  étoienc 
particulièrement  confacrées  au  culte  de  la 
Divinité  qu'elles  repréfentoient  par  leur 
figure  extérieure  ;  au  moins  ne  peut-on 
nier,  fuivant  lui,  qu'elles  ne  fuflent  très- 
propres  à  fervir  aux  Prêtres  de  Lieux  fe- 
crets  ,  ou  d' Jdyta,  qui  avoient  tant  départ 
dans  les  myflères  de  leur  Religion.  Ce 
qui  le  confirme  dans  la  penfée,  que  ce 
ne  font  pas  des  tombeaux,  c'efi:  que  les 
Catacombes  qu'on  trouve  toHt  autour,  ne 
font  que  de  fimples  chambres  voûtées  & 
creufées  dans  le  roc,  &  que  les  deux  plus 

pc- 


Juillet,  Août  et  Septemd.  1739   4oj' 
petites  des  trois  grandes  Pyramides  n'ont 
point  d'entrée,  de  forte  qu'il  auroit  falla 
les  démolir   en   partie  pour  y  introduire 
les  corps  des   Princes  qui  dévoient  y  être 
dépofez,  &  les  rebâtir  enfuite  :  ce  qui  eft 
abiurde.    Enfin  la  caifTe  de  marbre  grani- 
té qui  fe  voie  dans  la  chambre  fupérieu- 
re  de  la  grande  Pyramide,  (Se  que  l'on  croie 
communément  avoir  fervi  à  renfermer  le 
corps  du  Monarque  qui  fit  ériger  ce  fuper- 
be  monument ,  lui  fournit    des    preuves 
du  contraire.    A  la  vérité,  fa  longueur, 
qui  n'ell  que  de  fix  pieds  &  quelqt^es  pou- 
ces, pourrolt  convenir  à  un  Cercueil  ;  mais 
fa  hauteur  &  fa  largeur»  qui  font  d'envi- 
ron quatre    pieds  chacune ,  excédent   de 
beaucoup  les  dimenfions  ordinaire?»   d*un 
Cercueil.     L'Auteur  en  a  vft  plulieurs   de 
pierre   en   Egypte  ,   qui    étoient  très-an- 
ciens ,  &  par  iefquels  on  peut  fans  doute 
juger  des   autres  ;  mais    ils   étoient   tous 
faits  autrement  que  la  Caille  dont  il  s'a- 
git, &précifément  comme  les  coffres  des 
Momies,  c'eft-à-dire  pas  plus  grands  qu'il 
ne  les  fidloit   pour     renfermer    un   feul 
corps,  &  outre  cela  ornez  de  Hiérogly- 
phes ,  fe  terminant  en  pointe  fur  une  ef- 
.  pece  de  piedellal^pour  être  placez  debout , 
&  conilamment  dans  cette  fituation,à  moins 
qu'ils  n'eulTent   été  renverfez  par  quelque 
accident;  toutes  chofes  qui  ne  fe  rencon- 
trent point  dans  cette  Caille ,  dont  la  figu- 
re forme  un  quarré  oblong  parfait,  qui 

Dd2  efl 


40(5  Bibliothèque  Britannique, 

eft  couchée  fur  fon  fond,  &même  fi  for- 
tement a' tachée  au  plancher,qu'on  ne  fçau- 
roit  douter  que  ce  n'aie  été-là  fa  premiè- 
re poûtion.     Ainû  Mr.  Shaw  croit  plu- 
tôt, que  c'étoit  un  coffre  deftjné  à  renfer- 
mer l'image  de  la  Divinité  que  l'on  ado- 
roit  dans  ce  lieu  ,  ou  les  vêtemens  facrez 
de  Tes  Prêtres,  ou  bien  une  Citerne  qui 
contenoit  Teau  facrée  dont  ils  fefervoient 
dans  leurs  cérémonies  religieufes.   Quel- 
que iDgénieux  que  foit  tout  cela,  il  nous 
feiT.bie  que  ce  que  Mr.  de  Maillet  dit  pour 
établir  la   thèfe,  &  en   particulier   pour 
montrer  Tufage  desdiverfes  parties  de  l'in- 
térieur de  la  grande  Pyramide  ,   efl  plus 
ingénieux  encore.  Il  n'y  a  que  l'article  de 
la  Caille  fur  lequel  il  ne  dit  rien  quipuiffe 
fervir  à  lever  les  difficultez  de  Mr.  Sbaw, 
Notre  Auteur  parle  enfuite  des  Momies , 
&  des  Urnes  ,  des  Boëtes,  des  Images  , 
(Slc.  qu'on  trouve  aux  pieds  ou  aucour  de 
ces  Momies,  &  il  nous  donne  une   liile 
des  petites  Figures  ou  Statues  de  cette  ef- 
pece  qu'il  a  apportées  d'Egypte  ,    avec 
leur  explication  ,  &  avec  des  Planches  cîi 
elles  font  repréfentées  ;  après  quoi  il  dé- 
crit en  peu  de  mots  les  Plantes  &  les  Ani- 
maux les  plus    remarquables  de  ce  Païs. 
Nous  ne  nous  arrêterons  point  à  ces  di- 
vers Articles,  &  nous  nous  bornerons  à 
celui  du  Nil ,  qui  nous  a  paru  beaucoup 
plus  curieux,  &  par  lequel  Mr.  5/jaau  finit 
les  Ohfervaîions, 

II 


Juillet,  Aovt  et  Septemb.  173g.  407 
Jl  y  a  déjà  long-tems  que  l'on  fçait  que 
les  fources  du  Nil  font  dans  TEthiopie  , 
6c  que  c'eft  aux  pluyes  abondances  qui    y 
tombent  durant  l'été,  qu'il  faut  attribuer 
fon  accroiflement  prodigieux  ,  qui   le  met 
en  état  d'arrofer  &  de  fercilifer  toute  l'E- 
gypce.     La  gloire  de  cette  découverte  eft 
dûë  aux    Portugais,  quoiqu'il  fe    trouve 
des  anciens  Auteurs  Grecs  &  Arabes  qui 
ont   dit   à-peu-près  la  même  chofe  *.  La 
quantité  de  limon  que   le  Nil  charie ,  & 
dont  il  enrichit  chaque  année  l'Egypte, 
n'eft  pas  moins  furprenance   que   le  dé- 
bordement de  Tes  eaux.     Il  faut   alTuré- 
j   ment  que  les  terres  que  ce  fleuve  parcourt, 
ayent  une  grande  profondeur ,  ou  qu'elles 
foient  remplacées  d'une  manière  que  nous 
ne  fçavons  point,  pour  fournir  régulière- 
ment ,  comme   elles  font   depuis  tant  de 
milliers  d'années,  à    ce  Royaume  une  û 
grande  quantité  de  limon,  que  celui-là 
leul  que  le  Nil  décharge  par  fes  embou- 
chures .s'avance  aujourd'hui  plus  de  vingt 
lieues  dans  la  mer.    Ce  limon ,  à  force 
d'être  menuifé  par  le  mouvement  rapide 
des  eaux  qui  le  charient  à  la  diilance  de 
plus  de  (ix-cens  lieues ,  acquiert  une  ex- 
trême légèreté  ,  &   il  cède   au   toucher 
comme  de  la  fine  pouiïiere.     La  couleur 
n'en  eft  point  noire ,  comme  le«s  Anciens 
l'ont  cru,  elle  eft  même  moins  brune  que 

celle 
*  Diod.  Sic.  Plut.  Ahulfeda,  ^s. 

Dd3 


4o8  Bibliothèque  Britannique, 
celle  de  notre  terre  ordinaire;  &  s'il  rend 
les  eaux  du  Nil  troubles,  il  ne  les  rend 
pas  pour  cela  plus  noires  que  celles  de 
toute  autre  rivière  qui  coule  avec  la  même 
rapidité  au  travers  d'une  aulTi  grande  éien- 
duë  de  païs. 

Pour  mefurer   raccroiflemcnt  du   Nil , 
on  a  élevé  fur  la  pointe  d'une  ine,quien: 
entre  le  vieux  &:  le  nouveau  Caire ,  un  Bâ- 
timent fouteriu  par  des  arcades , au  travers 
defquelles  ce  fleuve  coule   librement.  Au 
devant  de  cette  cliambre    eit  le   Mikias , 
ou  la  colomne  qui ,  plantée  au  milieu  du 
courant ,  fert  à  mefurer  la  hauteur  de  l'eau , 
&  eft  divifée  en  coudées,  qu'on   appelle 
Pics.    Les  Auteurs  modernes  ne  font  gue- 
res  mieux  d'accord  que  les  anciens  fur  la 
longueur  de  cette  coudée.     Il  paroît  par 
ce  que  Mr.  Sbaw  en  dit .  qu'elle  a  beau- 
coup varié  ;  &  comme  il   n'a  pu  entrer 
dans  le  Mikias  pour  y  faire  fes  Obferva- 
tions ,  il  ne  fçauroit  dire  précifément  en 
quoi  elle  confiile  aujourd'hui-     Les  infor- 
mations même  que  lui  ont  donné  là- def- 
fus  des   perfonnes   qui  ont  eu  la  liberté 
d'y  entrer,  ne  s'aCcordent  pas.    Un  Gen- 
tilhomme   de  Venife  lui  dit,  que  le  Pic 
étoit  de  28.   pouces  ,•    &  un  Anglois  fore 
curieux ,  qui  avoit  été  plufîeurs  années  dans 
la  Factorie  du  Grand- Caire  ,  laiTura  que 
la  Colomne  en  queflion  avoit  de  hauteur 
58.  pieds    d'Angleterre,  divifez  en   trois 
Pics  Géométriques,  qui  font  en  tout  24. 

Pics, 


Juillet,  Août  et  Septemiî.  1739.  405 
Pics  ,  de  32.  pouces  chacun.  Tbevenot  don- 
ne à  la  coudée  ou  au  Pic  Géométrique  24, 
pouces,  6l  en  cela  il  a  le  fuffrage  de  Mr. 
àe  Maillet ,  qui  dit ,  que  la  mefure  dont  on 
fe  fert  au  Caire  pour  connoître    l'éléva- 
tion de   l'eau ,  contient  24.  pouces ,  ou 
deux  pieds  de  Roi.     Cependant  notre  Au- 
teur fuppofeque  la  coudée  dont  on  fe  fert 
aujourd'hui ,  eft  celle  de  Conftantincple ,  qui 
a   environ  25.   pouces  de    longueur  ;  & 
c'eft  cette  mefure  qu'il  fuit  dans  fes  Ob- 
fervations ,  &  en  particulier  dans  une  Table 
qu'il  nous  donne  du  plus  grand  accrdifle- 
ment  du  Nil  pendant  30   ans,  laquelle  lui 
a  été  communiquée  par  le  même   Gen- 
tilhomme Vénitien  dont  nous  avons  parlé. 
Dans  le  mois  de  Décembre  <Sc  les  trois 
fuivans  ,  le  Nil  n'a  pas  trois  coudées    de 
profondeur ,  ni  plus  d'un  demi  millede  lar- 
geur.   Mais  il  commence  à  croître  dès  le 
mois  d'Avril,  &  quelquefois  plutôt;  d'a- 
bord  de  deux  pouces  par  jour,  puis  de 
trois ,  de  quatre ,  de  dix ,  de  vingt,  &  ra- 
rement de  trente  ,  jufqu'à  ce  qu'il  monte, 
pour  l'ordinaire  fur   le  milieu   d'Août,  à 
feize  coudées ,  qui  efl  la  mefure  requife 
pour  pouvoir efpérer  une  récolte,  &  con- 
îequemment  pour  être  obligé  de  payer  le 
tribut  au  Grand- Seigneur;  quoiqu'il  n'en 
faille  pas   moins  de  dix-&-neuf  ou  vingt 
pour  arrofer  &  fertilifer  tout  lepai's.  AuP 
lin'eft-ce  pas -là  le  tems    du  plus  grand 
accroilTement  du  Nil  ;  il  croît  jufqu'à  la 
Dd4  fin 


410BlBLI0THEQUE  BRITANNIQUE, 

fin  de  Septembre,  &  quelquefois  par  de- 
là ;  mais  il  fuffic  qu'il  ibic  monté  à  la  hau- 
teur de  {"elze  coudées,  pour  commencer 
les  réjoaifldnces  qui  fe  font  par  toute  l'E- 
gypte à  cette  occaiion .  &  pour  ouvrir  le 
grand  Canal  artificiel  qui  rraverfe  le  Caire. 
Ce  Canal ,  qu'on  appelle  Khalis ,  ed  VJmnis 
Trajanus  des  Anciens,  &  f e  décharge  dans 
le  Lac  des  Pehrins  ,  d'où ,  félon  Mr.  de 
Maillet^  il  porte  fes  eaux  dans  une  vaite 
Plaine  de  plus  de  vingt  lieues  d'étendue 
du  Midi  au  Nord-Efl:.  Il  n'y  a  pas  de  dou- 
te que  le-  Lac  Myris  ,  le  Mareoîis  &  d'au- 
tres de  même  efpece,  n'ayenc  été  creufez 
par  les  anciens  Egyptiens ,  pour  recevoir  ^ 
les  eaux  du  Nil  lorfqu'elles  étoient  en  trop  | 
grande  abondance ,  &  empêcher  par  ce 
moyen  que  le  Païs  n'en  fût  inondé  ;  ce 
qui  devoit  fouvent  arriver  (ians  ces  tems 
oti  les  terres  n'éroientni  fi  étendues,  ni  fi 
hautes  qu'elles  le  font  aujourd'hui. 

Comme  depuis  le  Déluge  le  cours  natu- 
rel des  chofes  a  toujours  été  à-peu-près 
Je  même,  l'on  peut  fuppofer  que  le  Nil  a 
conftamment  déchargé  depuis  ce  tems- là 
dans  la  mer,  la  même  quantité  d'eau.  Mais 
le  limon  qu'il  charie  fe  répandant  par  fes 
inondations  dans  tout  le  pai's,  le  terrein 
a  dû  néceflairement  s'élever  à  la  longue  , 
fur-tout  dans  les  parties  les  plus  bâfres  ; 
enforte  que  l'eau  qui  les  couvroit,  s'efl 
infenfiblement  retirée  pour  laitfer  voir  de 
nouvelles  terres.  C'cft  ai nû  que  s'efl  for- 
mé 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  411 
mé  le  Delta,  c\m    n'étoit  originairement 
qu'un    grand  golfe ,  coinme   on   peuc  le 
voir  plus  en  détail  dans   la  Defcription  de 
l'Egypte  de  Mr.  de  Maillet.     Notre  Auteur 
prouve  ce  qu*il  avance  là-delTus  ,  par  di- 
verfesObfervationSjquiront  en  effet  très- 
concluantes.  1.  Au  lieu  que  dans  tous  les 
autres  Païs  unis,  le   terrein  a  ordinaire- 
ment la  même  profondeur,  il  varie  dans 
celui-ci  à  proportion  qu'il  ed  plus  ou  moins 
éloigné  du  Nil.  Près  des  bords  de  ce  fleu- 
ve il  a  quelquefois  plus  de  30.  pieds  ,    & 
à  l'extrémité  des  lieux  qui  en  font  arrofez 
il  n'a  pas  7.  pouces  d'élévation.  2.  Il  pa- 
roît  par  des  pafTages  d'Hérodote,  de  Stra- 
bon  &  de  D'ociorede  SicilSy  que  les  anciens 
Egyptiens  bâtiffoient  leurs  villes  fur  des 
éminences  formées  par  art ,  pour  les  met- 
tre à  couvert  de  la  violence  des  inonda- 
tions du  Nil;  &  que,  lorfque   le  terrein 
des  environs  avoit  augmenté  au  point  d'ê- 
tre de  niveau  avec  celui  de  ces  villes»  ils 
avoient  accoutumé  de  les  rebâtir  ,  ou  d'é- 
lever tout  autour  des  chaulTées.    C'eft  le 
dernier  parti  qu'on  prit  fouvent  à  l'égard 
de  Mempbis ,  &  c'eft  fans  doute  au  défaut 
de  ce  foin  qu'il  faut  attribuer  l'ignorance 
où  l'on  cft  aujourd'hui  du  lieu    précis  de 
cette    ville.    De   même,  Heliopolis  étoit 
bâtie   fur  une  éminence,  au  rapport   de 
Strahon;  &  cependant  le  terrein  fur  lequel 
elle  étoit  (]tuée,eftà  préfent parfaitement 

D  d  5  uni , 


I 


4I2BlBLIOTHEqUE  BRITANNIQUE, 

uni ,  &  forme  une  plaine  que  le  Nil  inonde 
toutes  les  années  à  la  hauteur  de  fix  à 
huit  pieds.  3.  La  defcente  qu'il  y  avoic 
autrefois  ,  félon  le  même  Auteur  ,  de  Ba- 
hylone  à  ce  fleuve  ,  ne  fubiifte  plus  ,  & 
l'efpace  qui  efc  entre  deux,  eft  au  niveau 
de  l'un  &  de  Tautre.  4.  Le  terrein  des  en- 
virons du  Sphinx ,  qui  eft  à  l'extrémité  des 
terres  que  le  Nil  arrofe  ,  s'eft  tellement 
accru  ,  que  joint  avec  les  fables  qui  s'y 
jbnt  araalîez,  ce  monument  en  eft  prel- 
que  tout  couvert,  j.  Enfin  Damiette^  qui 
du  tems  de  St.  Louis  (en  1243  )  étoit  un 
port  de  mer,  en  cft  aujourd'hui  éloignée 
de  plus  de  dix  milles.  Foua  ,  qui  étoit,  il  y 
a  300.  ans ,  à  l'embouchure  d'une  des  bran- 
ches du  Nil,  s'en  trouve  à  préfent  à  plus 
de  fept  milles  de  diftance  ;  &  Rofette, qui 
en  1692.  n'étoit  qu'à  une  demi-lieuë  de 
la  mer  ,  en  é'oit  à  une  grande  lieuë  en 
171g.  Mr.  Shaw  a.  tiré  cette  dernière  Ob- 
fervation  de  Mr.  de  Maillet,  à  qui ,  du  refte  , 
il  rend  juftice  ,  en  le  citant  par-tout  ou  ce- 
la eft  néceftaire. 

Il  n'eft  cependant  pas  fort  facile ,  félon 
lui,  de  déterminer exadement  la  quantité 
de  limon  que  le  Nil  dépofe  chaque  année 
dans  l'Egypte.  Mr.  de  Maillet  compte  qu'il 
fait  la  dixième  partie  de  l'eau  ,  quand  il 
dit ,  que  les  eaux  du  NU  font  fi  troubles  &  fi 
bourbeufes  dans  le  tems  de  l augmentât! on  de 
ce  fleuve ,  que  les  houes  ^  les  fables  font  au 

moins 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  413 
moins  la  dixième  partie  de  fon  volume  "^^  Mais 
notre  Aureur  croit  que  ce  feroit  un  poids 
trop  grand  pour  pouvoir  être  entraîné  par 
le  courant  de  l'eau.  JI  a  fouvent  éprou- 
vé que  le  limon  qui  tombe  au  fond,  ou  qui 
s'attache  aux  parois  d'un  vaifleau  déterre 
rempli  de  cetre  eau,  ne  fait  pas  la  tren- 
tième partie  de  fon  volume.  Jl  s'eft  fervi 
d'un  Tube  long  de  trente-deux  pouces, 
qu'il  a  rempli  de  la  même  eau  ,  à  après 
l'avoir  laiflé  repofer^  avoir  donné  le  tems 
au  lim.on  de  fe  fécher,  il  a  trouvé  qu'il 
faifoit  environ  ,,',.  partie.  Et  comme 
dans  la  p'ûpartdes  lieux  qui  font  inondez, 
l'eau  croupit ,  étant  ordinairement  rete- 
nue par  des  chaufl'ées ,  il  juge  que  le  Nil, 
à  une^  hauteur  égale  à  celle  de  ce  Tube  , 
dépole  à-peu-près  une  égale  quantité  de 
limon.  Cependant  il  avoue  que  la  même 
expérience  devroit  être  fouvent  repétée 
&  avec  beaucoup  de  foin  ,  avant  que  de 
bâtir  là  délias  aucune  hypDthèfe.  Ainfiil 
propofe  (implement  comme  une  conjectu- 
re ,  le  calcul  qu'il  a  fait  ;  c'efl:  que  l'accroif- 
fement  du  tcrrein  en  Egypte  ,  depuis  le 
Déluge,  doit  avoir  été  à  raifon  d'un  peu 
plus  d'un  pied  chaque  fiécie. 

Cette  conjedure  paroîtra  très-probable , 
fi  l'on  compare  l'état  préfent  de  ce  Pais 
avec  ce  qu'il  étoit  il  y  a  deux  -  ou  trois- 
înille  ans.    Hérodote  nous  apprend,  que 


fous 


*  Vefcrip.  de  l'Egypte.  Pag.  103. 


414  Bibliothèque  Britannique, 
fous  le  règne  de  Myris ,  lorfqne  le  Nil 
croifToit  à  la  hauteur  de  huit  coudées  , 
toutes  les  terres  étoienc  fuffiramment  ar- 
rofées;mais  que  de  fon  tems,  c'e(t-à-dire 
environ  neuf-cens  ans  après ,  il  ne  falloit 
pas  moins  de  quinze  ou  feize  coudées 
d'eau  pour  couvrir  tout  le  païs.  Ainfi  le 
terrein,  dans  refpace  de  neuf-cens  ans, 
devoit  avoir  aug.nenté  au  moins  de  fept 
coudées  Grecques  ,  ou  de  126.  pouces. 
Mais  aujourd'hui  il  faut  que  le  Nil  foit  à 
la  hauteur  de  vingt  coudées  pour  arro- 
fer  toute  l'Egypte,  &  à  celle  de  vingt-qua- 
tre pour  l'inonder.  Par  confequent ,  de- 
puis le  tems  d'Hérodote  ^  ce  païs  a  gagné 
230.  pouces  de  nouveau  terrein.  Et  fi  du 
règne  de  Alyris  on  remonte  au  tems  du 
Déluge,  en  fui vant  la  même  proportion  , 
il  fe  trouvera  que  depuis  le  Déluge  jufqu*à 
l'année  1721.  que  l'Auteur  étoit'en  Egyp- 
te, le  terrein  de  ce  Royaume  s'efl  accru 
de  500.  pouces  ou  de  48.  pieds  huit  pou- 
ces de  hauteur  perpendiculaire  ;  de  forte 
qu'avec  le  tems  il  pourra  s'élever  à  un 
point  que  le  Nil  ne  fera  plus  capable  de 
j'arrofer  ,  &  que,  du  plus  fertile  qu'il  y 
ait  au  monde,  il  deviendra  le  plus  flérile 
de  tous. 

L'Auteur  finit  i^es  Obfervations  par  une 
remarque  importante:  c'efl:  que  fi  Héro- 
dote eût  bien  fait  attention  à  l'accroifTe- 
ment  annuel  du  terrein  de  TEgypte,  en 
remontant    feulement  mille  ans  au-delà 

du 


Juillet,  Août  et  Septei^tb.  1739.  415 
du  règne  de  Myris,  il  auroit  regardé  corn- 
nie  des  fables  cette  longue  fucceffion  de 
Dynajlies    qui    compcfenc   l'Hiitoire    des 
Egyptiens.  Car  puifque .  fuivant  fa  propre 
réflexion,  l'Egypte    eft    toute    entière, 
quoique  graduellement,  un  don  du  Nil, 
il  faut  qu'il  y  ait  eu  un  tems ,   &  ce  tems 
ne  pouvoit  pas  avoir  précédé  de   beau- 
coup le  dernier  période  dont  on    vient 
de  parler ,  auquel  ce  Pais  é^oit  auffi  ftéri- 
le  que  les   déferts  qui  l'environnent ,  ou 
bien  entièrement  fous  l'eau;  &  dans  l'un 
&  l'autre  cas  il  ne  pouvoit  pas  être  habi- 
té, ni   par  confequent  avoir  des  Princes 
qui  y  regnafTent.     Cet  Hulorien  lui-mê- 
me fuppofe,  que  ce  n'étoit  originairement 
qu'un  bras  de  mer;  &  il  dit  avoir  appris 
des  Egyptiens, que  Mems  fut  le  premier 
Roi  qui   régna  dans   le   monde,    que  de 
fon  tems  toute  l'Egypte ,  excepté  la  con- 
trée de  Tbèbes ,  étoit  un  grand  Marais ,  & 
qu'on  ne  voyoit  aucune  partie  des  Terres 
qui  paroiflent  aujourd'  hui  au  deffous  du 
Lac  de  Myris»    Or  comme  ce  Alênes^ ou 
OJîris  eft  le  mêmQ  qiiQ  Mit zraim ,  fils    de 
Cham  *,  qui  le  premier  habita  l'Egypte  ; 
&  comme  toutes  les  circonilances  qu'on 
vient   de   marquer    s'accordent  parfaite- 
ment 
♦  L'Auteurcite  lù-delTus  le  premier  Vol.  delà 
Connexion  de  VHifloire  Sacrée  cf  ?rofane  ,    par 
Mr.  i%«f«/W  ,  qu'on  a  nouvellemeRt  traduite  en 
François. 


1 


4T<SBlBLI0THEQUE  BRITANNIQUE, 

ment  avec  l'Hifloire  que  Moïfe  nous  a 
laifTé  du  Déluge  &de  la  Difpernon  du  s;en- 
re  humain,  il  s'enfuit  que  ce  qu'Hérodo- 
îe  dit  là-deflus,  confirme  la  véri  é  Cx  la 
certitude  de  la  Chronologie  de  l'Ecriture 
fainte,  &  renverfe  en  même  tems  les 
Annales  extravagantes  &  l'Antiquité  fa- 
buleufe  dont  les  Egyptiens  fe  font  fi  fort 
vantez  dans  tous  les  tems. 

A  la  fuite  de  ces  Foyages  de  Mr.  Shaw  , 
on  trouve  un  Recueil  de   Pièces,  tendant 
à  illuftrer  les    Obfervations  dont  il  les  a 
accompagnez    La  premièie  en  ordre  con- 
tient   des   pafTages    extraits    des  anciens 
Hiitoriens,  Géographes,  &c.  en  Grec  & 
en  Latin,   lefquels  ont  rapport  aux  fujets 
qu'il  traite;  comme  d''Hérodoîe,  de  Scylax^ 
de    Stra'wn ,    de    Ptolomée ,    de    Poinponius 
Mêla,  de  Pline  Is  Natiiralifle ,  de  V Itinérai- 
re (fAntomn^   &c.  La  féconde  efl  un  Ca- 
talogue fort  exa(ft,   en  Latin,   de  quel- 
ques-unes des    Plantes  les   plus  rares  de 
la   Barbarie  ,    de    V Arabie  &   de   V Egypte  y 
avec    des    Figures   qui    les  repréfentent. 
La  troinème  efl  un  Appeudix  fur  les  Co- 
raux  &  autres    Plantes   femi^lables.      La 
quarricme  ,  un  Catalogue  des  FoOiles,  des 
Poiflbns   &  des   Coquillages  les   plus  re- 
marquables.    La   cinquième,  un  V^ocabu- 
lai'-e  du   Sbowiah ,  qui   eft  la  langue   que 
parlent  les    Arabes  Kabyles.      La  iixièmc, 
une  Infcription  antique  ,  gravée  fur  les  ro- 
chers qui' font  auprès  du  D^fert  de  Sin^ 

ce 


Juillet,  Août  et  Septeivib.  1739.  417 

&  dont  les  caraflères  qui  ne  font  pas  en- 
core effaceZj  lignifient  laPluye  de  la 
Manne,  quelques  Auteurs  prétendant 
que  cette  Infcription  a  eu  pour  but  de 
conferver  la  mémoire  de  cette  Manne  mi- 
raculeufe  que  Dieu  accorda  aux  Ifraëlites 
dans  ce  Défert.  La  feptième  marque  les 
diverfes  Stations  de  ceux  qui  vont  en  pè- 
lerinage à  la  Mecque.  La  huitième ,  la  Me- 
fure  de  la  grande  Pyramide  de  Memphis , 
par  le  Père  Siccard ,  communiquée  à  l'Au- 
teur  par  Mr.  le  Dodteur  Mead.  Suivant  ce 
Père,  la  hauteur  perpendiculaire  de  cet- 
te Pyramide  eil  de  joo  pieds ,  &  la  lar- 
geur des  cotez  de  670.  Le  refte  de  ce 
petit  Mémoire  eft  une  notice  des  diver- 
fes parties  de  la  Pyramide  avec  leurs  di- 
menfions,  &  s'accorde  parfaitement  avec 
la  Defcription  de  Mr.  de  Maillet.  La  Piè- 
ce fuivante  contient  des  Remarques  du 
même  Père  fur  le  Natron ,  que  nous 
croyons  faire  plaifir  à  nos  Lefteurs  de 
tranfcrire. 

„  Le  Naîron ,  ou  Nitre  d'Egypte ,  a  été 
„  connu  des  Anciens.  Il  eft  produit  dans 
,,  deux  Lacs  dont  Pline  parle  avec  éloge  ; 
„  il  les  place  entre  les  villes  de  Naucro/e 
„  &  de  Memphis.  Strahon  pofe  ces  deux 
„  Lacs  nitreux  dans  la  Préfefture  Nitrioti^ 
,,  que,  proche  les  Villes  d'Hermopolls  & 
„  Momempbis  ,  vers  les  Canaux  qui  cou- 
„  lent  dans  la  Mareoîe.  Toutes  ces  auto- 
j,  ritez  fe  confirment  par  la  fituation  pré- 

»  fen- 


4i8  Bibliothèque  Britannique, 

„  fente  des  deux  Lacs  de  Natron.  L*un 
„  des  deux,  nommé  le  grand  Lac  ,  occupe 
„  un  terrein  de  quatre  ou  cinq  lieues  de 
,,  long  fur  une  lieuë  de  large ,  dans  le 
„  défert  de  Scété  ou  Nitrie.  Ji  n'elt  pas 
,y  éloigné  des  Monallères  de  St.  Macaire, 
t9  de  Notre-Dame  de  Suriens  à.  des  Grecs  ^ 
,y  &  il  n'eft  qu'à  une  grande  journée  à 
^,  rOueft  du  Nil,  &  à  deux  de  Mempbis 
„  vers  le  Caire,  &  autant  de  Naucraîe 
,,  vers  Alexandrie  &  la  mer.  L'autre  Lac, 
a  nommé  en  Arabe  Nehilé,  a  trois  lieues 
,,  de  long  fur  une  6c  demi  de  large;  il 
,,  s'étend  au  pied  de  ia  montagne  à  TÔued: , 
„  ôc  à  douze  ou  quinze  milles  de  l'ancien- 
„  ne  Her7n9polis  parva  ,  aujourd'hui  Dci- 
„  mancbour  ^  Capitale  de  la  Province  Be- 
„  heiré  ,  autrefois  Nitriotique ,  allez  près 
„  de  la  Mareote,  &  à  une  journée  &A- 
„  lexandrie. 

„  Dans  ces  deux  Lacs  le  Nitron  efl 
„  couvert  d'un  pied  ou  d£ux  d'eau;  il 
„  s'enfonce  en  terre  jufqu'à  quatre  ou 
„  cinq  pieds  de  profondeur;  on  le  coupe 
,,  avec  de  longues  barres  de  fer  pointues 
,,  par  le  bas;  ce  qu'on  a  coupé  eft  rem- 
,,  placé  Tannée  fuivante  ou  quelques  an- 
t,  nées  après  par  un  nouveau  fel  Nitre, 
,,  qui  fort  du  fein  de  la  terre.  Pour  en- 
„  tretenir  la  fécondité ,  les  Arabes  ont 
,,  foin  de  remplacer  les  places  vuides  de 
„  matières  étrangères  ,  telles  qu'elles 
„  fuient,   fable,   boue,   ofTemens,  cada- 

„  vres 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  419 
99  vres  d'animaux ,  &c.  Toutes  ces  ma- 
99  tières  font  propres  à  fc  réduire ,  &  le 
99  réduifent  en  efFe^  en  vrai  Nitre  ;  de 
99  force  que  les  Travailleurs  revenant  un 
»  ou  deux  ans  après  dans  les  mêmes 
99  quartiers  qu'ils  avoient  épuifez,  y  trou- 
99  vent  nouvelle  récolte  h  recueillir. 

,,  Pline  fe  trompe ,  quand  il  allure  dans 
#>  le  Livre  cité  ci-defTus  ,  que  le  Nil  agit 
99  dans  les  Salines  du  Nitron,  comme  la 
99  Mer  dans  celles  du  Sel  ,  c'eit-à-dire 
99  que  la  produdion  du  Nitron  dépend  de 
„  l'eau  douce  qui  inonde  ces  Lacs  :  poinc 
5,  du  tout ,  les  deux  Lacs  font  inacceUi- 
99  blés,  par  leur  fituation  haute  ù.  fupé- 
„  rieure  ,  aux  inondations  du  Fleuve.  Il 
5,  eft  fur  pourtant,  que  la  pluye,  la  rofée, 
j,  la  bruine  &  les  brouillards  font  les  vé- 
„  ritables  Pères  du  Nitron,  qu'ils  en  hù- 
99  tent  la  formation  dans  le  fein  de  la 
99  terre,  qu'ils  le  multiplient  &  le  ren- 
„  dent  rouge.  Cette  couleur  eft  la  meiî- 
99  leure  de  toutes  ;  on  en  voit  auffi  du 
,9  blanc ,  du  jaune  &  du  noir 

Enfuite  vient  la  manière  dont  on  fait 
le  fel  Armoniac  en  Egypte  ;  puis  uu 
Journal  du  tems  qu'il  fit  à  Alexandrie  dans 
les  mois  de  Janvier  &  Février  1639,  tiré 
du  Livre  de  poche  de  Mr.  le  Profefieur 
Greavesy  qui  eft  dans  la  Bibliothèque  Sa- 
*Dilienne  à  Oxford  ;  un  long  pallage  de 
Kalkafendas ^  AutQUY  Arabe,  touchant  le  Nil 
&  le  Nilometre,  de  la  traduction  de  Mn 

ToiM  XIIL  Part,  IL     Ec        Gagnïer; 


420  Bibliothèque  Britannique, 

Gagnier  ;  <Sc  enfin  une  Notice  de  quelques 
Médailles  que  l'Auteur  a  recueillies  dans 
fes  Voyages,  avec  des  citations  qui  fer- 
vent à  les  expliquer. 

ARTICLE    VIL 
NOUVELLES  LITTERAIRES, 

DE   LONDRES, 


LE  S  Infiys  &  Manby  ,  &  autres  ,  ont  impri- 
mé &  débitent ,  Dlonyfius  Longiniis  on  tbe 
Sublime ,  ^c.  ?j  Le  Traité  du  Sublime  de  Lon- 
;i;  gin ,  traduit  (en  Anglois)  du  Grecî  Avec 
yy  des  Notes  &  des  Obfervations ,  &  un  Abre- 
;y  gé  de  la  Vie  ,  des  Ecrits  &  du  Caraftèrc  par- 
y,  ticulier  de  l'Auteur.  Par  Guillaume  Smith  ,  Maî- 
yy  tre  es  Arts  ,  &Miniflre  de  l'Eglife  de  la  Trinité 
yy  kCbeJîer  '^.  On  dit  beaucoup  de  bien  de  cette 
nouvelle  Traduction  j  &  s'il  en  faut  croire  un 
Journalille  Anglois ,  le  Difcours  préliminaire 
que  le  Tradudeur  a  mis  à  la  tête, l'emporte  fur 
celui  de  Boileau. 

Les  Vaillant  viennent  de  publier  M.  Manilii 
^ftronomicon  ,  ex  Recenfione  ^  ciim  Notis  Ri' 
chardi  Bentleii.  in  4.  C'ell  ici  un  Ouvrage  du 
célèbre  Dofteur  Bentley ,  que  fon  Neveu  Mr. 
Bentley t  Eccléfiallique  de  beaucoup  de  mérite, 
a  mis  au  jour  par  fon  ordre.  Il  y  a  joint 
une  Préface ,  dans  laquelle  il  rend  compte  du 
travail  de  fon  Oncle  ,  &  de  l'idée  qu'il  fe  fait 
de  Manilius  &  de  ion  Poëme.  L'Edition  eil 
très-belle. 

Mr.  Lobh, 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  42? 

Mr.  Lobby  Dofteur  en  Médecine  àc  Mem- 
bre  de  la  Société  Royale ,  a  donné  depuis  peu 
au  Public.  ^  PraStical  2\eatije  of  paiuful  DiJ- 
îempers  ,  ^c.  c'ell  -à  -  dire  ;  .•>  Traité  pratique 
y>  des  Maladies  aiguës,  avec  la  manière  de  les 
^>  guérir,  juftifiée  par  un  grand  nombre  de  cas 
:»  particuliers  ^<'.  Chez  jaques  Biickland,  dans 
Pater-Jiojîer  Ro%v ,  grand  in  8.  Ceft  un  Livre 
très-propre  pour  les  Familles  &  pour  les  per- 
fonnes  qui  n'ont  pas  le  moyen  de  payer  un 
Médecin  j  TAuteur  ne  voudroit  pourtant  pas 
qu'on  fe  fervît  des  remèdes  qu'il  indique ,  fans 
la  direftion  d'un  Médecin ,  &  cela  pour  des  rai-* 
fons  qu'il  elt  aifé  de  deviner. 

Mr.  Oldmixon ,  qui  publia  il  y  a  quelques  an- 
nées VHiJîoire  des  Stuarts ,  &  depuis  ,  celle  de 
la  Reine  Aîine,  &  du  Roi  George  I,  vient  de 
nous  donner  en  un  Vol.  in  fol.  l'Hiitoire  d'An- 
gleterre fous  les  règnes  de  Henri  VIJI ,  à'E" 
douard  VI-,  de  Marie  y  &  à'EUJahsib.  Les  prin- 
cipes de  l'Auteur  &  fa  manière  d'écrire  font 
fuffifamment  cofinus  par  fes  précedens  Ouvra* 
ges  ,  &  fur -tout  par  les  longs  Extraits  qu'on 
en  a  donnez  dans  la  Bibliothèque  Raifonnée. 

Mr.  Cbuhb  continue  d'être  vivement  attaqué 
fur  fon  prétendu  Véritable  Cbrijîianifme  y  &c, 
dont  nous  avons  rendu  compte  dans  cette  BibliO' 
tbèque.  Voici  quelques  Pièces  qui  ont  paru  de» 
puis  peu  contre  lui. 

An  Apology  for  tbe  Minifiers  of  Jefus-Cbrifi ^ 
^c.  c'eil-à-dire  :  .»  Apologie  des  Minillres  de 
},  Jefas-Chrift  &  des  Prédicateurs  de  fon  Evan- 
})  gile  î  Avec  une  Défenfe  de  cet  Evangile  con- 
}f  tre  les  faux  expofez  de  Mr.  Tbomas  Chubb , 
y)  dans  un  Livre  publié  fous  fon  nom,&  inti- 
y?  tulé  ;  Défenfe  du  Véritable  Evcmgih  de  Jt^fusr 

Ee  J  ^  Cbfifi. 


422  Bibliothèque  Britannique, 

.  }>  Cbrift.  Par  Jofcph  Horler ,  Bachelier  es  Arts , 
:>,  Maître  de  l'Ecole  de  IVilton,  &  Prêtre  de 
,?  l'Eglife  Anglicane  ''.  Chez  les  Knapton,  &c. 

A  Letter  to  Mr.  Thomas  Cbiibb ,  ^c.  „  Let- 
}i  tre  à  Mr.  Thomas  Chubb  ,  au  fujet  de  fon 
^p  Livre  intitulé  :  Défenje  du  Véritable  Evangile 
,y  de  JeJus-Cbri/î  y  ^c  '^  Par  R.  P.  chez  Ro- 
bert:. 

'Remarks  on  Mr.  Chubb* s  Vindication  of  bis  triis 
Gofpsly  ^c.  y,  Remarques  fur  l'Apologie  que 
}y  Mr.  Cbubb  a  publiée  en  faveur  de  fon  Véri- 
;,,  tnbU  E-va?igile ,  ç^c  '<^.  Par  C.  Fleming.  Chez 
Fariner  &  Cox. 

The  Injpiration  of  tbe  Nevo  Tejlameiit  ajjertedy 
^c.  yy  Défenfe  de  ITnfpiration  des  Ecrivains 
:>,  facrez  du  Nouveau  Tellament}  pour  fervir 
:,y  de  Réponfe  au  Livre  de  Mr.  Chubb  ,  intitulé  : 
yy  Le  Véritable  Evangile  de  Jejus-Chrift  ,  ^c. 
yy  Par  '  Phileleutherus  Cbrijîianus  ^,  Chez  T, 
Jftle^. 

Mais  la  Réfutation  la  plus  complète  qui  ait 
paru  de  ce  Livre ,  efl  la  fuivante  :  An  Examina- 
tionof  a  Book  intitled,  ^c.  yy  Examen  d'un  Ou- 
yy  vrage  qui  a  pour  titre ,  Le  Véritable  Evangi- 
yy  le  de  Jr'jus-Cbrift  y  Par  Mr.  Thomas  Cbubb-, 
yy  comme  auffi  de  la  DilTertation  fur  la  Provi- 
f,  dence  qu'il  y  a  ajoutée.  A  quoi  Ton  a  joint 
,y  une  DilTertation  fur  l'Epifcopat  ,  dans  la- 
yy  quelle  on  fait  voir  en  peu  de  mots,  qu'il  ell 
yy  fondé  fur  les  déclarations  de  l'Ecriture  fain- 
^^  te ,  &  fur  la  pratique  de  l'Antiquité.  Par 
yy  Laurent  Jnckfon ,  Bachelier  en  Théologie  & 
yy  ci-devant  Membre  aggregé  du  Collège  de 
yy  Sidney  à  Cambridge.  8.  chez  y.  Clarke. 

La  Difpute  fur  les  Démoniaques  continue 
auffi  toujours  avec  chaleur^     Mr.  Hutcbinfon  s 

déjà 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  423 

déjà  connu  par  d'autres  Ouvrages ,  a  publié , 
Remarks  on  tbe  Bevieiv  of  tbe  Demoniacks  Con- 
troverfy ,  ^c.  y>  Remarques  fur  le  Nouvel  Exa- 
39  men  de  la  Difpute  qui  s'eft  élevée  au  fujet  des 
yy  Démoniaques  dont  il  ejl  parlé  dans  l'Evangile. 
^c  ^f.  Petite  Brochure ,  chez  les  Inn-js  &  Man-' 
by. 

Un  Anonyme  a  publié  une  autre  Brochure 
contre  ces  Remarques  -,  &  un  Ami  de  Mr.  Ifut- 
chinfon ,  a  refuté  cette  Brochure  dans  un  petit 
Ecrit  qui  a  pour  titre  :  An  Anfiver  to  an  Exa- 
mination,Szc.  ,)  Réponfe  à  un  Examen  des  Re- 
f}  marques  de  Mr.  Hutchinjon^  publié  depuis 
y}  peu.  ]?3.r David  Gzîf/nj", Bachelier  es  Loix  '^. 
Chez  Roherts. 

Mr.  Savmel  Pi?^^-^ ,  Maître  es  Arts,  &  Minif- 
tre  de  Godmersham  dans  la  Province  de  Kent  y 
s'eft  aufiî  mis  fur  les  rangs  pour  défendre  le 
Sens  Littéral  de  l'Hiftoire  de  l'Evangile ,  au 
fujet  des  Démoniaques  ;  mais  il  a  pris  un  tour 
différent  de  ceux  qui  l'ont  devancé  dans  cette 
carrière, &  fon  Ouvrage  a  pour  titre:  An  Exa^ 
minaîion  of  tbe  Enquiry  into  tbe  Meaning  of  De- 
moniacks,  ^c.  c.  à.  d.  J.J  Examen  d'une  Dif- 
3>  fertation  intitulée ,  Récbercbes  fur  les  Démo-^ 
3j  Iliaques  dont  il  eft  parlé  dans  le  Nouveau 
3,  Teilament  :  en  forme  de  Lettre ,  addreiTée  à 
3?  l'Auteur  de  ces  Récbercbes  ^  dans  laquelle  on 
3,  prouve  que  le  mot  de  Démon  ne  fignifie ,  ni 
3f  dans  les  Auteurs  clafîîques ,  ni  dans  l'Ecritu- 
y}  re  fainte ,  une  Ame  feparée  du  Corps  ;  &  par 
3f  confequent  que  tout  le  Syllême  de  cet  Au= 
3,  teur  eft  fans  aucun  fondement  ^^.  Petit  in  8. 
chez  Fletcber  Gyles ,  dans  Holhourn. 

Quoique  la  chaleur  avec  laquelle  on  a  atta- 
qué Mr.  Wcn-bunon ,    au  fujet  du  Ijvre   dont 
Ee  3  -'^ous 


4-24  Bibliothèque  Britannique, 

nous  avons  parlé  au  long  dans  le  Journal  précè- 
dent ,  foit  beaucoup  ralentie  >  il  ne  laifie  pas  de 
parokre  de  tems  en  tems  de  petites  Pièces  con- 
tre lui.  En  voici  une  toute  nouvelle  qui  méri- 
te bien  l'attention  de  cet  Auteur:  The  Divins 
Légation  of  Mo/es  àemonjîrated ,  ^c.  C'efk-à-dire  : 
y,  La  Million  divine  de  Moïfe  prouvée  par  la 
yf  mention  exprelTe  qu'il  a  faite  du  dogme  d'u- 
yf  ne  Vie  à  venir,  &  par  la  manière  dont  il  a  in- 
yy  fillé  fur  ce  dogme ,  comme  far  un  article  fon= 
^  damental  :  Difcours  où  l'on  fait  voir  que 
yf  l'hypothefe  contraire  de  Mr.  Warlurton  elt 
yj  abfurde  &  deflruftive  de  toute  Révélation. 
aj  Sermon  prêché  devant  i'Univerfité  d'Oxford, 
})  dans  l'Eglife  de  Su.  Marie,  le  4.  Mars  1739. 
yy  Par  Guillaume  Romaine,  Maître  es  Arts,  & 
y)  Membre  du  Collège  de  Chriji  <(.  Chez  Cooper, 

Mr.  Grey, Dofteur  en  Droit , vient  de  publier 
une  Réfutation  du  quatrième  Volume  de  VHif- 
toire  des  Puritains  de  Mr.  Neal ,  fur  le  même 
plan  qu'il  a  refuté  les  trois  premiers. 

On  a  réimprimé  ici  un  Ouvrage  fort  ellimé , 
&  publié  depuis  peu  à  Dublin  ,  fous  ce  titre  :  -4 
Courfe  of  Levures  in  Natural  PbiUfopby  ,  ^c, 
3)  Cours  de  Leçons  fur  la  Phyfique  Expérimen- 
3}  taie.  Par  feu  Mr.  Richard  Helshavi ,  Profefleur 
3)  en  Médecine  &  en  Phyfique  dans  l'Univer- 
a>  fité   de  Dublin,  in  8.  Chez  J.   Nourfe. 

Le  même  Libraire  a  imprimé  &  débite  in  8. 
Jtemarks  on  Mr.  Euler's  Treaîife  of  Motion ,  ^c. 
3?  Remarques  fur  le  Traité  du  Mouvement  de 
3?  Mr.  Eulèr,f[iT  le  Syflême  complet  d'Optique 
3)  du  Doéleur  Smith ,  &  fur  l'Elfai  de  Mr.  Ju- 
3>  rin  fur  la  Vifion  diUinfte  6c  confufe.  Par 
s?  Benjamin  RobinSj  Membre  de  la  Société 
a;  Royale, 

II 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  425 

Il  a  auflî  nouvellement  imprimé ,  avec  quel- 
ques autres  Libraires ,  Jus  Parliamenta* 
R I  u  M  :  Or  tbe  Anc'.ent  Power  ,  Rîgbîs ,  and 
LiUnies  of  tbe  moft  Higb  CoiLrt  of  Farliament 
Rmvtd  and  Ajjerted  ^  ^c.  C'eft  à-dire  :  },  Trai- 
y>  té  où  Ton  tâche  de  faire  revivre  &  Ton  dé- 
j>  fend  avec  force  l'ancien  Pouvoir ,  les  anciens 
fj  Droits  &  Privilèges  du  Parlement  :  On  y 
^f  a  joint  une  Hifloire  abrégée  des  infradions 
yy  faites  à  ces  Privilèges,  fur-tout  par  rapport 
y)  à  la  liberté  de  parler  pour  le  redreflement 
y>  des  Griefs.  Par  Guillaume  Petyt  ^  Ecuyer,  ci- 
yy  devant  Avocat  au  Temple ,  &  Garde  des  Ar- 
yj  chives  qui  font  dans  la  Tour  de  Londres  ^^» 
C'eft  un  Volume  in  fol.  qu'on  a  publié  par 
foufcription ,  conformément  au  Projet  que  nous 
en  donnâmes  dans  nos  Nouvelles  Littéraires  de 
Juillet,  Août  &  Septembre,   1737. 

Mr.  Haies  , Dofteur  en  Théologie,  &  Membre 
de  la  Société  Royale  ,  duquel  nous  avons  eu 
fouvent  occailon  de  parler  dans  cette  Biblio- 
thèque ,  vient  de  nous  donner  un  nouvel  Ou- 
vrage fort  intérelTant,  fous  ce  titre  :  Philofopbical 
Experimeîits y  ^c.  C'ell-à  dire:  y,  Expériences 
yj  Pijyfiques  qui  ont  été  lues  en  difFérens  tems 
y>  à  la  Société  Royale  -,  Contenant  des  Inltruc- 
y^  tions  utiles  &  nécelTaires  pour  les  perfonnes 
^>  qui  entreprennent  des  Voyages  de  long  cours, 
})  comme  la  manière  de  rendre  l'eau  de  mer 
y)  douce  &  faine  ,  de  conferver  l'eau  douce,  le 
yf  bifcuit ,  le  bled ,  &  même  la  viande ,  dans  les 
y>  climats  les  plus  chauds ,  &c.  A  quoi  l'on  à 
y>  jûiiit  diverfes  Expériences  &  Obfervatiolis  fur 
yf  les  Eaux  Minérales ,  &  les  moyens  de  confer- 
y>  ver  leur  vertu  beaucoup  mieux  qu'on  ne  Ta 
7;  fçu  faire  jufqu'à  préfent,    quelque  loin  qu'on 

E  e  4  ;^  les 


425BIBLIOTHEQXJE  BRITANNIQUE, 

„  les  tranfporte  :  Comme  aulîî  un  Projet  pour 
},  nettoyer  les  Rivières ,  les  Réfervoirs ,  les  Ports 
^,  de  mer .  &c  ^^  Chez  les  Inn-^s  &  AîarJb'^. 
Un  petit  Volume  in  8. 

On  propofe  de  faire  imprimer  par  foufcription 
les  Vies  des  Profclfeurs  du  Collège  de  Gresfjam 
à  Londres  ,  à  la  tête  riefqueiles  on  mettra  celle 
du  Chevalier  Thomas  Gresham  ,  Fondateur  de  ce 
Collège  :  On  y  joindra  leurs  Harangues ,  Leçons , 
Lettres  &  autres  Pièces  curieufes  ,  dont  la  plu- 
part n'ont  point'  encore  été  publiées ,  &  quel- 
ques Tailles-douces.  L'Editeur  eit  Mr.  IVard, 
profefieur  en  Rhétorique  du  même  Collège,  & 
Membre  de  la  Société  Royale. 

Un  Gentilhomme,  nonîmé  Mr.  Lookup  ,  a 
publié  Tbe  Erroiieous  Trar.Jl, nions  in  tbe  Fulgar 
Vtrfions  cf  tbe  Scriptures  deteBed,  ^c.  C'ell-à- 
dire  :  ^j  Traité  où  l'on  fait  voir  que  les  Ver- 
j;,  lions  de  la  Bible  en  langue  vulgaire  font  fau- 
j»>  tivcs  en  plufieurs  endroits.  On  a  mis  au-de- 
jf  van t  un  Effai  fur  le  dogme  de  la  Trinité,  où 
j}  l'on  prouve  que  ce  dogme  s'accorde  avec  la 
jj>  Raifon  ,  &  eit  fondé  fur  des  principes  évidens  : 
jfp  A  l'occafion  d'une  Brochure  publiée  depuis 
y,  peu  fous  ce  tirre  :  Expojition  claire  cf  ftwpie 
3i  du  dogme  de  la  Trinité  y  fondte  fur  i'Ecritwe 
yf  j'aime  ^  fur  la  Raijon^  dont  l'Auteur,  quoi- 
3,  qu'accufé  d'avoir  emprunté  tous  les  argumens 
y,  dont  il  le  fert  contre  l'égalité  du  Fils ,  &  d'en 
jf  avoir  par-là  impofé  à  fes  Ledeurs  ,  ne  s'efl 
y,  pourtant  point  mis  en  peine  de  fe  jullifier  ^^, 
Chez  Rcberts ,  j\ïil!an  ,  &  autres,  in  S°. 

hes  l7inys  Se  Manly  viennent  de  publier,  Tbe 
SacramentalFartofihe  Eucbarift,  ^c.  CVil-à-dire: 
^3  Ej;p]ication  de  la  Partie  Sacramentelle  de 
^  l'Euthariftie,  6?iïLZ  un  Difcciirs  addrelTé  au  Clcr- 


Juillet,  Août  et  Sèptemb.  1739.  427 

gé  de  la  Comté  de  Midlefex  à  k  vifite  de  Pâ- 
ques 1739.  Par  Daniel  IVaterland ^Dodtui  en 
Théologie,  Archidiacre  de  cette  Comté,  de 
Chapelain  du  Roi  '•'.  Grande  Brochure  in  8°. 
A  peine  V Examen  de  l'êssai  de  Mr.  Pope  sur 
l'Ho'jme,  par  Mr.  Decroujaz ,  a-t-ilparu  dans 
cette  Ville  ,  que  deux  Libraires  en  ont  imprimé , 
l'un  une  Traduftion  complète ,  &  l'autre  une 
Traduftion  imparfaite  Quelque  médiocre  que  Ibit 
la  meilleure  de  ces  Traductions,  elle  n'a  pas 
laiiïe  d'avoir  un  prompt  &  furprenart  débit.  Le 
nom  de  Mr.  Pope,  &  celui  de  Ion  habile  Critique, 
ont  excité  la  curiofité  du  Public,  qui  s'eil  aulll- 
tôc  partagé  îà-delTus.  LesPartiùns  zeîez  du  pre- 
mier ontje:té  feu  &.  flamme  contre  le  fécond;  & 
les  autres  ont  donné  gain  de  caufe  au  fécond  con- 
tre le  premier,  quoiqu'ils  ne  l'ayent  pas  abfoL- 
ment  approuvé  en  tout.  Un  Anonyme,  qui,  par 
la  chaleur  peu  mefurée  avec  laquelle  il  écrit,  p:.- 
rok  être  un  des  intimes  Amis  de  Mr.  Pope ,  a 
publié  à  diverfes  reprifcs  une  dcfcnle  de  cet  il- 
iuilre  Poëte  dans  le  Journal  Anglois  qui  a  pour 
titre  :  Tbe  Biftory  of  the  IVorks  of  tbe  Learned , 
3,  L'Hiiloire  des  Ouvrages  des  Sçàvans  '^^lltrou- 
ve  fort  mauvais  que  Mr.  Decroujaz  fe  foie  avifé 
de  critiquer  un  Ouvrage  écrit  dans  une  Langue 
qu'il  n'entend  point,  &  fur  une  fimple  Traduction 
qui,  quelque  bonne  cu'elie  foit,  n'eil  pas,  tou- 
jours parfaitement  fidèle. D'ailleurs,  s'agilfant  d'un 
Poëme ,  il  auroit  fallu,  pour  en  bien  juger,  être 
Poëte  foi -même,  ou  tout  au  moins  fe  fouvenir 
que  dans  ces  fortes  d'Ouvrages  on  ne  doit  pas 
chercher  la  même  précifion  &  la  même  juItelTe  de 
raifonnementque  dans  des  Traitez  rie  Philofophie; 
ce  que  l'Anonyme  prétend  que  le  Cenfeur  die 
Mr.  Pope  n'a  pas  fut.    Il  l'accufe  encore  d'avoir 

Ee  5  le 


428 Bibliothèque  Britannique, 

le  plus  fouvent  mal  pris  la  pejilee  de  ce  fameux 
Poète  ,  &  ilir-tout,  ce  lui  avoir  iiijuilement  impu- 
té d'être  Fataliile ,  &  de  fuivre  dans  fon  EU'ai  le 
byi'téme  pernicieux  de  Mr.  Leibniiz  fur  l'Harmoî- 
nie  préétablie  ;  c'efl  -  à-  dire  qae  l'on  fait  à  Mr. 
JDècroiijaz  ions  les  reproches  qu'il  a  pris  foin  de 
prévenir  dans  fon  Examen,  comme  le  fçavent 
tous  ceux  qui  l'ont  lu. 

Il  s'eil  élevé  dans  ce  Païs  une  efpece  de  Pié- 
tifteSj  fous  le  nom  de  Méthodiftes  ^  à  la  tête  def- 
quels  elt  Mr.  IVbitefield  avec  quelques  autres 
Miniltres  de  l'Eglife  Anglicane,  qui  prêchent 
leur  nouvelle  doftrine  dans  les  champs  &  dans  les 
places  publiques,  ne  pouvant  la  prêcher  dans  les 
Eglifes  :  c'elt  ce  qui  a  engagé  Mr.  i'Evêque  de 
Londres  à  publier  l'Ecrit  fuivant  :  ))  Tki  Jiisbop 
})  of  London's  Paftoral  Letter  To  tbe  People  of  bis' 
3)  Dioceje  ,  (j'c.  C'ell  -  à  -  dire  :  j,  Lettre  Paicora- 
3,  le  de  Mr.  l'Evêque  de  Londres  aux  Fidèles  de 
3,  fon  Diocéfe ,  &  particulièrement  à  ceux  des 
3,  deux  grandes  Villes  de  Londres  &  de  Weftmin-^ 
,}  fier  :  Pour  les  prémunir ,  d'un  côté ,  contre  la 
yy  Tiédeur,  &  de  Tautre,  contre  rEnthoufiafme  ^^, 
in  8^.  pp.  55.  Cfiez  Buckley.  Cette  Lettre  a  été 
û  bien  reçue  du  Public ,  qu'en  moins  d'un  mois 
il  s'en  eil  fait  trois  Eaitions.  Ce  n'efl  cependant 
pas  le  feul  Ouvrage  qui  ait  paru  fur  ce  fujet.  Nous 
avons  é:é  depuis  quelque  tv'*ms  comme  inondez  de 
Brochures  pour  ou  contre  ces  nouveaux  Piétiftes. 
Voici  celles  qui  nous  font  tombées  entre  les 
mains. 

I.  Tbe  Nature ,  Folly ,  Sin ,  and  Danger  of  heing 
Rîgbteous  over-mucb,  ^c.  C'efl- à- dire  :  ^^  La 
33  nature  d'une  P'î^té  outrée  ,  &  la  folie  ,  le  péché 
>j  &  le  danger  qu'il  y  a  à  vouloir  être  trop  jufte. 
}p  Traité  où  Ton  a  particulieremeiit  en  vûë  la 

;,  do^tri- 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739.  429 

3,  dodrine  &  la  conduite  de  certains  Enthoulial- 
3,  tes  modernes,  &  qui  contient  la  fubltance  de 
3i  quatre  Sermons  prononcez  dans  quelques  Egli- 
})  les  Paroiffiales  de  Londres ,  fur  ces  paroles  de 
})  VEccleJiaJîe,Yll.  i6.  Ncjois point  tropjujlcy  ^ 
y)  ne  te  fais  point  plus  fage  qu'il  ne  faut  -,  pourquoi 
3,  mourrois-tu  avant  ton  tems ,  ou  te  rendrois-iu 
3)  toi  -  même  fîupide  ?  Par  Jojepb  Trappe  Dofteur  en 
y>  Théologie  *<".  in  %^.  pp.  6().  Chez  .S.  Auften , 
&  autres.  A  en  juger  par  le  prompt  débit  de  cet 
Ouvrage,  dont  la  quatrième  Edition  paroit  déjà,  ii 
doit  être  excellent.  Mais  cela  n'a  pas  empêché 
qu'il  n'ait  été  très  -  vivement  attaqué  par  ceux 
contre  lefquels  il  eil  écrit. 

2.  Mr.  Seagr ave ^Minikxe  Anglican,  qui  n'eil 
pourtant  pas  aans  toutes  les  idées  de  ces  gens-là, 
eil  le  premier  qui  ait  pris  leur  défenfe  dans  une 
Brochure,  'mx.it\ûéQ: An  Answer  to  Dr.Trapp'sfciir 
Sermons ,  ^c.  j,  Réponfe  aux  quatre  Sermons  du 
,,  Dofteur  Trapp  contre  Mr.  Whitefield  *<'.  Chez 
Ofwald  &  Hett. 

3.11a  auiTi  paru  quelques  Brochures  Anonimes 
fur  le  même  fujet.  A  Proper  Reply  to  tbe  Anti-over- 
Righteous  Dr.  Trapp' s  Sermons  againji  Mr.  Wbite- 
Jield ,  ^c.  C'ell-à- dire  :  y,  Juile  Réponfe  aux: 
y>  Sermons  de  VAnti-trop'Jufte  Dotlr.  Trapp 
j3  contre  Mr.  Wbitefield;  ou  la  Dodrine  &  U 
}f  Conduite  de  Mr.  IVùitefield  juflifiée  contre  les 
yf  fauffes  Imputations  &  les  malicieufes  Invedi- 
yy  ves  de  fcs  Ennemis  ;  le  tout  humblement  foù- 
3i  mis  a  l'examen  du  Public  *''.  Seconde  Edition. 
Chez  Dodd. 

4.  A  Prefervative  againfî  unfettled  Notions,  ^c. 
C'ell  -  à  -  dire  :  ^y  Préfervatif  contre  les  idées  peu 
yy  fixes  &  le  défaut  de  principes  où  Ton  tombe 
^^  par  rapport  à  la  Sainteté  6c  à  la  Perfection 

/>  Chré- 


430  Bibliothèque  Britannique, 

3,  Chrétienne  :  Sermon  où  l'on  explique  ce  Texte 
^>  mal  entendu  :  Ne  fois  point  trdpj'iifie  ,  ^  7ie  te 
})  fais  point  plusjage  qu'il  72e  faut ,  ^c.  Pour  fer- 
jp  virdeRéponfe  aux  quatre  Sermons  du  Dofteur 
j)  Trapp  furie  même  Texte,  dont  il  a  abufé  pour 
j,  comb3.ttre  les  Métbodijîes.  On  a  mis  à  la  tête 
})  une  férieufe  Exhortation  à  tous  les  vrais  Mem- 
3i  bres  de  FEgliie  de  Jefus  -  Chriil  ^',  in  8°.  Chez 
Cooper. 

5.  Dodior  TrappVindicated  from  the  Imputation  . 
ûf  bciiig  a  Cbrijîian^  ^c.  C'efl-à- dire  :  3>  Le 
y,  Docteur  Trapp  juilifié  de  l'imputation  d'être 
3)  Chrétien ,  à  l'occafion  d'une  Brochure  que  ce 
^)  Révérend  Auteur  a  publiée  contre  les  Metbo- 
3,  dijîes ,  fous  ce  titre  :  Lz  Nature  d'une  Pieté  ou- 
}i  tne  ,  ^  la  folie ,  le  pecbé  ^  le  danger  qu'il  y  a  à 
}y  vouloir  ê:re  plus  jufle  qu'il  ne  faut  y  ^c.  Par  un 
,M  Amateur  de  la  Vérité  '^.  in  8°.  Chez  Caoper. 
C'cll  une  violente  Satyre,  où  l'on  s'efforce  de  faire 
voir  que  Mr.  Trapp  a  combattu  dans  fes  Sermons 
les  vrais  principes  du  Chriltianifme ,  &  donné 
par  confequent  des  preuves  qu'il  n'eft  rien  moins 
que  Chrétien. 

6.  Mt  irhitefield lui-même  di  répondu  à  ce  Doc- 
teur ,  dans  un  Sermon  où  il  a  pris ,  mais  expliqué 
dans  un  tout  autre  fens  que  lui,  le  même  Texte. 

7.  Mr,  le  Doftr.  Sùebling  a  auflî  publié  un  Ser- 
mon de  fa  façon  contre  lesMétbodJjîes^Çous  ce  titre: 
^  Caution  againft  Religious  Delufwn ,  &€.  j,  Pré- 
9i  fervatif  contre  Tlllufion  que  l'on  fefait  enma- 
^)  tière  de  Religion  :  Sermon  fur  la  Regénération, 
yy  occafionné  par  les  prétentions  des  Méthodif- 
3)  tes  '■'.  Quatrième  Edition,  iw  S<^.  chez  F.  Gyïes. 

8.  The  Nature,  aud  proper  Evidence  of  Régéné- 
ration .  ^c.  C'ell-  à  -  dire  :  j,  La  Nature  de  la  Re- 
^^  génération  &  les  marques  auxquelles  on  peut 


f 


Juillet  j  Août  et  Septemb.  1739.  431 

»  la  reconnoître  y  où  le  dogme  de  la  nowuelle  ^ 
y,  féconde  NaiJJance^  examiné  dans  un  Sermon  lur 
f>  Jean  111.  5.  En  'vérité  ,  en  vérité ,  je  vous  dis ,  ft 
yy  quelqu'un  Ji'ejî  né  d'eau  ^  d'efprit,  Ù  ne  peut  entrer 
y,  dans  le  Royaume  de  Dieu.  Par  Raoul  Skernet 
Do  fleur  en  Théologie  ,  &  Chapelain  du  Comte  de 
Granîbam.  Chez  Davis. 

9.  Tbe  True  CharaUer  ofthe  Révérend  Mr.  Whi- 
tefield;  ^c.  C'eil-à-dire:  J.J  Le  véritable  Por- 
»  trait  de  Mr.  Wbitefield.  Dans  une  Lettre  écri- 
y)  te  par  un  Déïfle  de  Londres  à  fon  Ami  à  la 
y,  campagne  ,  avec  quelques  Remarques  fur  la 
y>  Difpute  qui  s'ell  élevée  entre  leDoûeur  Trapp 
y)  &  Mr.  Wbito.field.,  &  fur  la  conduite  du  Cler- 
y)  gé.  Comme  aufiî  un  Expofé  des  Sentiment  & 
yy  des  Mœurs  des  Déïlles ,  fondé  fur  des  faits  ce r- 
y,  tains  <<^.  in  80.  Chez  Dodd  &  autres.  C'ell  un 
Panégyrique  de  Mr.  Wbitefield  des  plus  outrez , 
&  des  plus  infultans  pour  le  refte  du  Clergé. 

10.  The  Ind^velling  ofthe  Spirity  tbe  Common  Tri- 
viledge  of  ail  Believers  ,  (ifc.  y,  L'Habitation  du 
yy  St.  Efprit  dans  les  cœurs ,  privilège  de  tous 
yy  les  Croyans  :  Sermon  prononcé  le  jour  de  \j. 
yy  Pentecôte  1739,  dans  l'Eglife  Paroifllale  de 
,.,  Bexley ,  dans  la  Province  de  Ke?it.  Par  George 
y,  IVbitefield ,  Bachelier  es  Arts ,  du  Collège  de 
yy  Pemhroke  à  Oxford  <^.  Chez  J,  Hutton 

11.  The  Life  and  particiUar  l^roceediiigs  of  tbe 
Révérend  Mr.  George  Wbitefkeld ,  £ffc.  C'eil  -  à  -  di- 
re :  ,,  La  Vie  &  les  Aftions  particulières  de  Mr. 
yj  Wbitefield.,  depuis  le  tems  qu'il  fut  admis  X 
yy  l'Ecole  Latine  de  G/oï/ce/?gr,jufqu'à  fon  déparc 
y)  pour  la  Penfûvanie  :  A  Tufage  des  perfonnes  q\ii 
yy  fouhaitent  de  fe  faire  de  julles  idées  de  ce  Mi- 
y,  niftre.  Par  un  Auteur  impartial  (<^.  in  8°.  pp. 
9<5.  Chez  Reherts,   Cette  Fie  n'efl  autre  chofe 

qu'a- 


43^  Bibliothèque  Britannique, 

qu'une  Compilation  mal  digérée  (Scfort  défcdueu-» 
fe ,  quoiqu'elle  foit  en  effet  allez  impartiale. 

12.  A  Falthfidl  Narrative  of  tbe  Life  and  Cba^ 
radier  oftbe  Révérend  Mr.  IVbitefieidy  çj'c.  Cefl-à- 
dir  ?  :  ^  Hiftoire  fidèle  de  la  Vie  de  Mr.  IVbite- 
y,fieldj  depuis  fa  naifTance  jufques  à  préfent: 
yp  Contenant  un  Expofé  de  fa  Doctrine,  de  fa 
y?  Conduite,  de  fon  Caraftère  particulier,  des 
^j  Motifs  qui  l'ont  porté  à  aller  à  la  Géorgie,  Se 
y>  de  les  Voyages  en  divers  lieux  de  l'Angleter- 
yj  re  ^''.  Chez  JVatJon.  Ce  titre  promet  beaucoup 
plus  que  rOuvrage  ne  contient ,  l'Auteur  y  fai- 
fant  la  fonction  de  zélé  Panegyrifle,  plutôt  que 
d'Hiflorien. 

13.  Remarks  upon  tbe  Bisbopof  London''s Pajïoral 
Letter  ,  ^c.  C'efl-à-dire  :  y>  Remarques  fur  la  Let- 
yf  trc  Pallorale  de  l'Evêque  de  Londres  :  En  fa- 
y}  veur  de  Mr.  Wbitefield  &  de  fa  Do£trine  par- 
.V  ticuliere.  Par  i^oèertS^fl^rû'ye,  Maître  es  Arts  '^ 
Chez  OfivM.  80. 

14.  Obfervations  and  Remarks  on  Mr.  Seagrave's 
ConduB  and  Writings ,  ^c.  ^  Réflexions  fur  la 
yy  Conduite  &  les  Ecrits  de  Mr.  Seagrave  :  Où . 
yy  l'on  examine  particulièrement  fa  Réponfe  aux 
j>j  quatre  Sermons  du  Dodeur  Trapp  '^.  in  8°. 
Chez  Auften, 

15.  Tbe  Révérend  Mr.  Wbitefield' s  AnJ'voer  to 
tbe  Bisbop  &f  London's  lafl  Pafîoral  Letter.  C'eil- 
à-dire:  ;»  Réponfe  de  Mr.  Wbitefield  à  la  der- 
^f  niere  Lettre  Pailora.le  de  l'Evêque  de  Lon- 
j,  dres  <'.  Chez  J.  Ofivald. 

16.  An  Earnefi  Appeal  to  tbe  Puhlick,o?i  Occa* 
Jion  of  Mr.  Wbitefield' s  Extraor dinar j  Anfiver  to 
tbe Paftoral  Letter ,  ^c.  C'eft-à-dire:  ^^  Appel 
^j  férieux  au  Public,  au  fujet  delà  Réponfe  fin- 
^  guUere  de  Mr.  Wbitefisld  à  la  Lettre  Pa/torale 


Juillet,  Août  et  Septemb.  1739,  43 

yy  de  Mr.  l'Evêque  de  Londres  :  Où  l'on  fe  prc- 
,p  pofe  de  défenare  ce  Prélat  contre  les  extrava- 
,,  gmtes  accufations  &  les  indignes  évafians  de 
,,  rAuteur  de  cette  prétendue  Répoiife-,  comme 
^  auilî  de  faire  voir  par  les  contradictions  grof- 
^  fieres  dans  lefque'lescet  Auteur  eil  tombé,  par 
^,  le  peu  d'égard  qu'il  témoigne  pour  l'Eglile 
^>  qui  lui  a  conné  l'autorité  de  prêcher,  &  par 
y,  la  manière  dont  il  traite  ceux  que  cette  Eglife 
y,  a  établis  fes  Supérieurs?  quel  eil  ion  véritable 
y,  efprit,  &  quels  fort  Ces  dcllèins  :  Le  tout  addref- 
y,  fé  à  Mr.  Jean  Wtfl:^.  en  l'ùbfcnce  de  Mr.  JVbU 
j,  Xtfidd  <<,  Chez  Ro'.:èrts. 

Nous  rendrons  compte  dans  un  Journal  fuivant, 
non  pas  de  toutes  ces  Brochures,  car  cela  feroic 
infini ,  mais  de  la  Lettre  Paftorale  de  Mr.  l'Evê- 
que de  Londres,  &  de  ce  qui  y  a  donné  lieu. 

Voici  quelques  autres  Livres  nouveaux. 

Tbe  Généalogies  of  our  Lord  and  Saviour  Jefiu- 
Cbrift  y  ^c,  Cell-àdire:  ;,,  Traité  où  l'on  exa- 
y,  mine  en  Critique  ,  Ton  explique ,  Ton  défend 
y,  &ron  concilie  les  deux  Généalogies  de  Notre 
y.  Seigneur  oc  Sauveur  Jefus  -  Chriil ,  rapportées , 
y,  l'une  par  5t.  M'itîhieu ,  c%  l'autre  par  St.  Luc. 
Si  Par  Edouard  Tardlsy,  Bachelier  en  Théologie  f*". 
Chez  Mechell.  Gros  in  8^. 

The  Travels  and  Aàventures  of  Edward  Brown 
•S/i»*. .  àf*^-  C'eft-à-dire:  ^,  Voyages  &  Avan- 
^  turea  d'Edouard  Broian,  Ecuyer,  ci -devant 
yy  Marchai»d  à  Londres  :  Contenant  fes  Obferva- 
y,  tions  fur  la  France ,  l'Italie ,  l'Ifle  de  Malthe , 
y}  le  Levant,  la  haute  &  balTe  Egypte  ;  avec  une 
yy  Defcription  de  l'Abyninie.  Le  tout  mêlé  de 
yy  Traits  hiiloriques,  de  Réflexions  morales,  &  de 
y,  Récherches  critiques  <^,  Chez  Hitcb  &  autres. 


4  34BlBLIOTHEQUEBRITANNÎQUE,(S:(:r. 

A  Difcourfe  on  ancient  and  modem  Lsarning. 
^y  DifTertation  fur  la  Littériture  ancienne  ik 
„  moderne,  par  feu  Mr.  yiddijfon  ^< .  Ceux  qui 
douteront  que  cette  Pièce  foit  effective  ment  ne 
Mr.  Addijjon ,  peuvent  voir  le  Manufcrit  Origi- 
r^l  écrit  de  fa  propre  main  chez  le  Libraire 
T.  Oshorne. 

Le  quatrième  Volume  de  YHiftoire  Unî-verjelle^ 
^c.  paroît  depuis  peu  de  jours  avec  privilège 
^u  Roi. 


O 


TABLE 


TABLE 

DES 

MATIERES 

D    U 
TOME    TREIZIEME. 

A 

ADdisson  ( Mr. )  j  fa  Diflertation  fur  k 
Littérature  ancienne  &  iTioderne.         434, 

Air  mortel  pour  \qs  Femmes  dans  la  Comté 
à'EJfex.  170. 

Alger;  fon  gouvernement.  25.  Ses  forces  de 
terre.  24.  Ses  revenus.  25.  Bonne  juflice 
qu'on  y  fait.  26. 

Aninîs  Trojanus  des  Anciens.  410. 

Anaxagore  3  fon  fyilême  fur  le  Monde  &  fa 
création.  257. 

Angleterre;  par  qui  probablement  l'Epifcopaty 
a  été  introduit.  i85. 

Arabes;  leur  principale  manufa£lure.  16.  Leur 
parelfe.  iS.  Leurs  Femmes  feules  chargées 
du  travail.  19.  Ils  font  voleurs,  quoiqu'ils 
exercent  l'Hofpitalité.  ibid.  Extrêmement  fu= 
perftitieux.  20.  Vénération  qu'ils  ont  pour 
leurs  prétendus  Saints.  21.  Leur  gouverne^ 
ment.  22. 

Arcbite&îire  ;  de  tous  les  Arts  le  mieux  cultivé 
en  Barbarie.  $.6* 

Anguftin  (  Le  Moine  )  -,  fon  ambition  &  hs  four- 

l?enes,  .188; 

Ff  B.  Ba^ 


T      A      B      L  ••  E 
B. 

BAcoN  (Mr.  Nathanael)  fa  nouvelle  Edi^ 
tion  du  Difcours  de  Selden  fur  les  Loix 
&  le  Gouvernement  d'Angleterre.     178-205. 

Barbarie}  les  Vivres  y  font  à  grandmarché.  17. 

Bajket-,  Auteur  d'un  Ouvrage  de  Pieté  extrême- 
ment eilimé.  117. 

Bédouins,  forte  d'Arabes 3  leur  manière  de  vi- 
vre. 14. 

Bentley  (Mr.  le  Dr.);  fa  nouvelle  Edition  de 
VAftrommicon  de  Manilius.  420. 

Bircb  (Mr.  Thomas);  Auteur  d'une  nouvelle  Vie 
de  Milton.  136. 

Bretons  (  Anciens  )  j  leur  Religion  &  Gouverne- 
ment. 182.  Leur  converfion  à  l'Evangile. 
183.  En  quoi  l'invafion  des  Romains  Iqvlt  ïnt 
âvantageufe.  184.  Leur  premier  Roi  Chrétien. 
185.  Appellent  les  Saxons  &  les  PiSles  à 
leur  fecours.  187.  Les  derniers  à  fubir  le 
joug  du  Pape,  &  les  premiers  à  le  fecouer. 

188. 

Brown  (Mr.  Edouard)-,  fes  Voyages  &  Avan- 
tures.  434' 

Bruikenridge  { Mr.  )  ;  fa  nouvelle  méthode  de  dé- 
crire les  Lignes  courbes.  337.  La  gloire  de 
l'invention  lui  ell  conteftée.  ibid, 

Burnet  ;  ce  qu'il  dit  de  r"E»x*v  Bat^/x/x».         153. 

Bury  S.  Edmond;  remarques  fur  cette  Ville.  176. 

C. 

C^Alvaire  (Le)  fait  prefque le  centre  de 
y     la  jferujalem  moderne.  392. 

Cambridge;  remarques  fur  la  Comté  de  ce  nom, 

177. 

Campbell  (Mr.  Archibald)  ;  fon  Traité  fur  la  Né- 

ceflité  d'une  Révélation.  222  -261. 

Ca. 


DES    MATIERES. 

CatdUpfie  ;  hifloire  détaillée  d'une  maladie,  de 
cette  efpece.  339, 

Certitude  géométrique ,  mathématique  ^  métapbyji-^ 
que  ;  ce  que  c'efl.  285.  288. 

Certitude  morale.  294.  Exemple  d'une  Certitude 
de  cette  efpece.  297, 

Charles  I.  Roi  d'Angleterre-,  preuves  qu'il  n'eft 
point  l'Auteur  de  r"'f./x4,v  &a.<jiux.>],  138.  152, 
Preuves  du  contraire.  147.  Avoit  ordonné  le 
maflacre  des  Proteitans  en  Irlande.  156.  Sans 
en  avoir  donné  une  Commilîîon  dans  les  for- 
mes. 159. 

Chemin  Romain-  découvert  en  Angleterre.      i6g, 

Chiihb  (Mr.)}  Lifte  de  plulîeurs  Ouvrages  pu^ 
bliez  contre  lui.  421, 

Clément  d'Alexandrie-,  ce  qu'il  dit  des  Femmes- 
Sœurs  ûes  Apôtres.  133, 

Clerc  (  Mr.  Le  )  ;  fon  fentiment  fur  la  Femme- 
Sœur  de  S.  Faut.  J31, 

Comtez  Palatines  ;  lent  origine  en  A?2gleterre.  202^ 

Conjlantin  le  Grand  (L'Empereur)  a  probables 
ment  introduit  l'Epifcopat  en  Angleterre.  186, 

Cookfon  (Mr.  le  Dr.  )  ;  fa  relation  d'un  effet  ex^ 
traordinaire  de  la  Foudre.  355. 

D. 

DE  NIER  de  S.  Pierre  ;  ce  que  c'étoit  origi? 
nairement,  191, 

Vemonjî ration  -,  ce  qui  doit  être  appelle  de  ce 
nom.  284.  Ce  que  c'efl  qu'une  Demonjîratioii 
phyftque.  293.  Topiques  propres  d'une  De-!- 
monjlration  morale.  305, 

Dejaguliers  (  Mr  )  j  Inventeur  d'une  machine  pour 
changer  l'air  dans  une  chambre.  338,  SaLet? 
tre  fur  l'ufage  de  cette  machine.  ibid, 

J)ieu;  fon  Unité  prouvée  par  les  feules  lumiè- 
res de  la  Raifon.  72.  Quelles  idées  les  anciens 

ffa  Phi- 


TABLE 

Pliilofophes    attachoient  à    ce    terme.    257. 

J)udlcy  {Mi.Paul);  fa  relacion  de  plufieur s Trem.- 

blemens  de  Terre  dans  la  Nowo.  Angleterre. 

349- 
E. 

f;*  D  o  u  A  R  D  le  ConfeJJeur  -,    Chartre  en  vers 
que  Ton  conlerve  de  ce  Roi.  171. 

Eglife  ;  les  Souverains  prenoient  autrefois  part 
à  fon  gouverneinent.  360. 

Egypte-,  combien  le  terrein  de  ce  païs s'eft accru 
par  les  inondations  du  N'il,  depuis  le  Déluge. 

414. 
Egyptiens  (Anciens) 3  leur  Science fymbolique. 

399- 

EtKfv  Bit7*?.i;i;',  ;  dilTertation  fur  le  véritable  Au- 
teur de  ce  Livre.  137. 

EleUricîté;  expériences  &  obfervations  fur  cette 
matière.  327.  l^?  fiiîv. 

Eleutberus  ;  quel  étoit  ce  fleuve  des  Anciens.  389. 

Effex  ;  combien  l'air  y  efl  mal  fain.  170. 

Euroclydon-,  difcuflion  fur  ce  vent,  394. 

Excommunication;  fes  bornes  légitimes.         380. 

F. 

FArxabius  (  Thomas  )  ;  époque  de  fa  mort. 
97. 
Femme-Sœur  de  S.  Paul;  difTertationlà-deflus.  122. 

Fleming  (  Mr.  C.  )  ;  fon  Ouvrage  contre  Mr.  Chubb. 

422. 
Foudre;  relation  d'un  de  fes  effets  extraordinai- 
•    res.  355. 

G. 

CA  u  D  E  N  (  Le  Dr. };  Auteur  de  1'  ^^i>-c7  t.avûjx^» 
_■     1 38.  Preuves  qui  le  confirment.  140. 

Geoffroy  {Mr:)  i  fa  Lettre  fur  quelques  Sels  chy- 
miques.  337- 


DES    MATIERES, 

Gittîns  (  Mr.  David  )  ;  fa  réfutation  d*une  Bro* 
chure  anonyme  publiée  contre  Mr.  Huîcbinfon» 

423. 

Cofçen  ;  à  quel  canton  de  VEgypte  on  -donnoic 
anciennement  ce  nom.  393, 

Grâce  univerfelle  -,  Lettre  de  Mr.  Hammond  fur  ce 
fujet.  105. 

Grande-Bretagne-yfa.  defcription  détaillée.  166-177. 

Gray  (  Mr.  Etienne  )  ;  fes  expériences  &  obferva- 
tions  fur  la  lumière  produite  par  l'Eledricité 
communicative.  327.  Sa  Lettre  fur  le  même 
fujet.  ibid.  Nouvelles  expériences  que  la  mort 
Ta  empêché  de  communiquer.  334. 

Grey  (Mr.);  fa  réfutation  deïHiJîoire  des  Fiiri- 
tains.  424. 

H. 

HA  D  L  E  Y  (  Mr.  George  )  ;  fa  dilFertation  fur 
la  caufe  des  P^'ents  alijez.  345. 

Haies  (Mr.  le  Dr.);  fon  recueil  d'expériences 
phyfiques.  425. 

Hammond  (Mr.  le  Tit.  Henri)  ;  fes  Lettres.  92-1 3 4. 
A  qui  addrelTées.  94.  Sa  mort.  iio. 

Harwich  ;  argile  propre  à  fe  pétrifier  qu'on  y 
trouve.  170. 

Heîfbam  (Mr.  Richard)  ;  foîi cours  de  Phyfique 
expérimentale.  424» 

Herbert  (  Guillaume  )  transféra  le  liège  épifcopal 
de  Thetford  à  N'orwicb  ,  oc  fit  des  fondations 
confiderables  dans  fon  dlocefe.  176. 

Hermopolis  parva  des  Anciens.  41 8. 

Hirondelles  ;  dans  quel  canton  de  l'Angleterre  el- 
les arrivent  au  Printems.  173. 

Hodgfon    (  Mr.  Jaques  )  -,  fon  Catalogue    8c   fes 

oblervatiotis  fur  les  éclipfes  des  Satellites  de 

JiLpitex,  326. 

Ff3  Hov' 


TABLE 

Horler  (Mr.  j^ofepb)-,  fon  apologie  des  Prédica- 
teurs de  l'Evangile.  421. 

Hunauld  (Mr.  François- Jofsph)  ;  fes  penfées  fur 
l'opération  de  la  Fijlule  lacrymale.  344- 

Huîchinfon  (  Mr.  )  >  fes  remarques  fur  les  Dtmo- 
Iliaques  de  TEvangile.  422.  Brochure  contre 
ces  Remarques.  423. 

î. 

JAcKSON  (Mr.  Laurent)  ;  h  réfutation  du  Vé- 
ritable Cbrijîianifme  de  Mr.  Cbubb.  422. 
Jerufalem  -,  observations  fur  fon  état  préfent.  391. 
Immunitez  Ec  cléfîajîi  que  s  y  combien  frivoles .  362. 
lîifcription  pour  conierver  la  mémoire  delap/tt>'ff 
de  la  Manne.  417. 
Interdit;  ce  que  c'eft  ,  &  fon  illégitimité.  382. 
'Jourdain;  ce  que  Mr.  5/;aar  dit  de  ce  fleuve.  397. 
Ipfvuicb  ;  caufes  de  fa  décadence.  175. 

K. 

KAbyles,  forte  d'Arabes  >  leur  manière  de 
vivre.  15.  Mr.  Sba^ju  a  compilé  un  Voca- 
bulaire de  leur  Langue.  416. 
L. 

L  An  GUE  (Ancienne)  Anglnije;  fa  confor- 
mité avec  la  Langue  Allemande.  171. 
Laodicée-,  obfervations  fur  cette  ville.  38<5. 
Lèze-Majefté;  à  quelle  forte  de  crime  on  donnoit 

anciennement  ce  nom  en  Angleterre.  204. 

Lion-,  comment  les  -^ra&fj  en  font  la  chafle.  18. 
Lobb  (  Mr.  )  ;  fon  Traité  pratique  des  maladies 

aiguës.  421. 

Lookup  (Mr.  )j  fon   Ouvrage  fur  les  fautes  des 

Verfions  de  la  Bible.  426. 

Lucius ,,  premier  Roi  Chrétien  des  Bretons.  185. 

Demande  les  Loix  Romaines  à  l'Evéque  de 

Rome  ^  qui  les  lui  refufe.  186. 


DES    MATIERES. 

Lumières  naturelles ^  ce  qu'il  fiut  cnLendr?  d:^  !:, 

M, 

MAc-Laurin  (Mr.)  prétend  contre  Mr. 
Bruikenridge ,  d'avoir  inventé  lepremirr 
la  nouvelle  méthode  de  décrire  des  Lignes 
courbes.  337. 

Mariages  entre  Perfonnes  de  différentes  Religions, 

112, 

Majfacre  d'Irlande  -,   preuves    qu'il    s'étoit  fait 

par  ordre  de  Charles  I.  156. 

Mathématiques  fort  négligées  en  Barbarie.  4. 

Médecine  combien  déchue  en  Barbarie.  3. 

Mer  Noire  i  prodigieufe  quantité  de  vapeurs  qui 

s'en  exhale  chaque  jour.  398, 

Méthodijles  ;  nouvelle  fefte  Qn  Angleterre.     428. 

Mikiasti  colomne  qui  fert  à  mefurer  l'accroilTe- 

ment  des  eaux  du  Nil.  40S. 

Milton  (  Jean  )  ;  Recueil  complet  de  fes  Oeuvres. 

i35--i<56. 
Mifericorde ',  un  des  attributs  eflentiels  de  Dieu. 

N.  282, 

NA  T  R  0  N- ,  ou  Nitre  d'Egypte.  417.. 

Nil-,  difcufîlon  fur  ce  fleuve.  407. 

Nomination  aux  £t'^c/jf2contefléeauPape.     366. 
Norfolk  i  richelTe  de  cette  Comté.  176. 

O. 

OBELISQUES    (Les)    étoient    particuliè- 
rement deftinez  aux  Hiéroglyphes.      400. 
Oldmixon  (  Mr.  )  ;  fon  Hifloire  d'Angleterre  fous 
Henri  VIII,  Edouard  Vl,Marie  &  Elifabetb.  42 1., 
Ordinations  Prefbyteriennes  ;  ce  que  Mr.  Ham' 
mond  en  dit.  1 14. 

P. 

PApes;  leur  autorité  fur  le  Temporel   des 
Rois  &  des  Eglifes  conteftéc,  375 

F  f  4  pa- 


TABLE 

Paraîytîius  de  l' Evangile ',  explication  de  cette 
hiftoire.  7.  ^  fuiv. 

Peck  (  Mr.  François  )  ;  Lifte  des  Ouvragés  qu'il  a 
publiez.  118. 

Pegge  (  Mr.  Samuel  )  ;  fes  Récherches  fur  les 
Démoniaques  de  l'Evangile.  423. 

JPellet  (.  Mr.  le  Dr.  )  -,  Préûdent  du  Collège  des 
Médecins  de  Londres,  à  la  place  du  Chev. 
Sloane.  325.  w. 

Tet'jt  (Mr.  Guillaume);  fon  Traité  fur  l'ancien 
Pouvoir,  les  Droits  &  Privilèges  du  Parle- 
ment. 425. 

JPbilofopbe  Honnête-Homme  (Le)î  Extrait  de  cet 
Ouvrage.  261-324.  Deux  caractères  diilincts 
que  l'Auteur  a  à  foutenir.  263. 

Piétijîes  en  Angleterre.  428. 

Platon-,  comnnent  il  a  établi  le  dogme  âe  l'Im- 
mortalité  de  l'ame.  243.  A  fort  mal  prouvé 
l'cxiftence  d'un  Entendement  infini.  259. 

Pratique   de  la  Pieté  ;   qui  ell    TAuteur  de  cet 

■   Ouvrr.ge  extrêmement  eflimé.  117. 

Pyramides  d'Egypte  ;  détail  fur  leurs  dimenfions, 
401,  Sur  leur  dellination.  403. 

R. 

RA  I  s  o  N  humaine  ;  Traité  de  fa  force  &  de 
fâ  fcibleffe.  65-91.  Définie  par  un  Déïile. 
66.  Si  la  Eaifon  toute  feule  peut  nous  con- 
duire à  la  félicité.  84.  Ce  qu'il  faut  entendre 
par  le  mot  de  RoJjon.  233.  Comment  on  peut 
dire  qu'elle  nous  inllruit.  235. 

Rand  (  Mr.  JJaac  )  ;  fon  Catalogue  de  Plantes  du 
jardin  de  Cbelfea.  325. 

Religion;  comment:  définie  par  un  Déifie.  66, 
Quelle  étoit  celle  des  anciens  Bretons.  182. 
En  quoi  confille  îa  Religion  naturelle.  230. 
Si  elle  a  dçs  caraftères   de  vérité  auxquels  la 

Rai- 


DES    MATIERES. 

Raifon  doit  fe  rendre.  268.  Signification  clu 
mot  de  Rtiigîon.  271.  En  quel  fens  employé 
par  le  k*biloJophe  Honnête- Homme.  272.  ^ 
fiiiv.  Propofidons  indifpenfablement  nécefTai- 
res  pour  bien  établir  les  fentimens  de  Religion. 
279.  La  Religion  Chrétienne  n'a  rien  changé 
aux  droits  des  Souverains.  359. 

JRépentance  (La)  efb  nécelTaire  pour  appaifer 
Dieu.  75. 

Révélation  ;  Traité  fur  fa  néceflité.        222  -  261. 

Reynel  (  Mr.  Richard  )  ;  fon  hiiloire  d'une  Cata- 
lepfie.  339, 

Rohins  (  Mr.  Benjamin  )  ;  fes  remarques  fur  diver- 
fes  matières  mathématiques,  424. 

Romaine  (Mr.  Guillaume) y  fon  Ouvrage  contre 
Mr.  IVarhiirton.  424. 

Rome-,  Supériorité  de  fes  Evêques  comment  ex- 
pliquée. 369.  Origine  de  la  déférence  des 
autres  Eglifes  pour  celle  de  Rome.  372. 

Rowe  (Made.  Elijabetb)  ;  fes  Oeuvres  mêlées. 
28-64.  Sa  naiffance.  30.  Portrait  qu'elle  fait 
de  fon  Père.  ibid.  Sa  pieté  &  fon  amour 
pour  l'étude.  31.  Son  goût  pour  le  deflein. 
33.  Sa  paiïion  pour  la  Poëfie.  ibid»  Son  ma- 
riage. 37.  Devenue  Veuve ,  elle  fe  retire  à  la 
campagne.  38.  Hiiloire  de  fes  Ouvrages.  39. 
Sa  mort.  40.  Son  éloge.  41.  Echantillons  de 
fon  llile  épiltolaire.  48.  ^  fuiv. 

Roive  (Mr.  Thomas)-,  fa  naiffance.  34.  Ses  étu- 
des. 35' Son  amour  pour  la  Liberté,  ibid.  Au- 
teur de  plufieurs  Vies  d'Hommes  Illujîres.  36.  E- 
poufeMadlle.  Elijabetb  Singer.  37.  Samort.  38. 
o. 

SAbbat;  obfcrvation  fur  fon  établilTement. 
III.  Religieufement  obfervé  par  les  anciens 
Saxons»  202. 

Ff  5  Sa- 


TABLE 

Saxons-,  leur  entrée  dans  la  Bretagne.  187.  lis 
ont  recours  à  la  Cour  de  Rome  pour  la  difci- 
pline  eccléliaitique.  189.  Grand  pouvoir  du 
Métropolitain  chez  eux.  190.  Différens  rei- 
lorts  de  leur  jurifdiftion  eccléfiaflique.  193. 
Gouvernement  de  leur  Eglife.  ibid.  Leur  peu 
de  goût  pour  le  Culte  extérieur.  194.  Am- 
bition &  ignorance  de  leur  Clergé.  195.  Ori- 
gine de  leurs  Rois.  196.  Qui  étoient'  fort 
bornez  dans  leur  pouvoir,  ibid.  Leur  gouver- 
nement civil.  200.  Leurs  Franchi/es  ou  Alar- 
cbes.  201.  Leurs  loix  pénales.  202.  Ils  ren- 
doient  prompte  juiticc.  205, 

Seagra'ue  (Aîr.  );  fon  Ecrit  en  faveur  des  nou- 
veaux Pià//?ej- rf'^.'io-/frfrr^.  429.  432. 

Selden  (Jean)-,  nouv^elle  Edition  de  fon  £)//cûz^>y 

Jur  les  Loix  ^  le  Gouvernement  d'Angleterre, 

178-205,  Pourquoi    on   ne  fit  pas  grand  cas 

de    cet  Ouvrage  lorfqu'il  parut  pour  la  pre- 

•  niière  fois.  179,  Perfécution  contre  les  Edi- 
tions fuivantes,  iSo. 

Sentimens;  en  quel  fens  ce  terme  ell  emplové 
par  le  Philojophe  Honnête-Homme.  276. 

Shaw  (Mr.  Thomas);  fes  Voyages  en  Barbarie 
&  dans  le  Levant.  1-28.  396-420. 

Sherlock  (Richard);  fon  épitaphe.  ic8. 

Skernet  (Mr.  Raoul);  fon  Sermon  fur  la  Régéné- 
ration. 431. 

Sloane  (  Mr.  le  Chev.  Haiis  )  a  refigné  la  plac;;^ 
de  Préfident  du  Collège  des  Médecins  de 
Londres.  325.  n. 

Smith  (Mr.  Guillaume);  fa  nouvelle  traduftion 
du  Traité  du  Sublime  de  Longin.  4.20. 

SûisU  ;   comment  il  s'ar:éta   du  tems  de  JoJJi^' 

211-222. 
Sqîut 


DES    MATIERES. 

Sour  ;  etymologies  de  cet  ancien  nom  de  la  ville 

de  Tyr.  390* 

Souverains',    leur    droit    pour  l'Invelliture    des 

Evéchez  &  Abbayes.  379. 

Stebbing  (Mr.  leDr.  );  Ton  Sermon  contre  les 

Mttbodiftes.  431. 

Stratford-,    accroilTetnent   dé   ce  village  en  peu 

d'années.  168. 

Suffifance  (Prétendue)  de  la  Raljon  pour  arriver 

à  la  Religion  &  au  Bonheur.  66. 

Suffolk  ;  dans   cette  Comté   arrivent ,    &  de-là 

partent  les    Hirondelles  en  Angleterre.   173. 

Nombre  prodigieux   de  volaille  que  ce  païs 

fournit  à  la  ville  de  Londres.  174. 

T. 

TERRE-Saint-e  ;  ce  que  Mr.  Sbaio  en  dit. 
395. 

Tertullien  ;  fon  fentiment  fur  la  Femme-Sœiir  ce 
S.  Paul.  128. 

Thaïes  -,    s'il    a    cru    l'Immortalité   de   l'Ame. 

246. 

Tbéologis  naturelle ',  ce  qu'on  doit  entendre  par- 
là.  307. 

Trapp  (Mr.  Jofepb);  fon  Ouvrage  fur  la  Pieté 
outrée.  429. 

Tremblement  (Grand)  de  terre  dans  la  Kouv. 
Angleterre  en  1727;  fon  hifloire.  350. 

Tripoli  (  Le  nouveau  )  -,  obfervations  fur  cette 
ville.  390, 

Tripolis  (L'ancienne)  5  remarques  fur  fes  ruines. 

389. 
T-jr  ;  obfervations  fur  cette  ville.  390. 

V. 

VApeurs    qui  s'élèvent    chaque    jour  de 
la  Aler  Noire,  398. 

Fenti 


TABLE  DES  MATIERES. 

yents  alifez-,  leur  caufe.  345. 

Véritez    fpéculatives.      318.      Autres   ,    appcl- 

lées   hîjîoriques.  ibid.  Troifieme  efpece,  dites 

defentiment.  321. 

Vertu  magnétique  communiquée   par  la  foudre. 

356. 
Villa    Fauftina  ;      à   quelle    ville     à'Angleter- 

rs    les     Romains    avoient     donné    ce    nom. 

176. 
Villages  -,    accroiiïement    de     ceux    qui    font 

près    de   Londres  ,    depuis    la    résolution. 

168. 
Volonté  (La)  peut  agir  fans  la  morale.  300. 
VoJJlus;  particularité  touchant  fon  Hijloire   dit 

Pélagianîjme.  ç(), 

Vraifemb lance  morale  ;  fa  définition.  2^5,  Quelle 

eft  la  VraiJtmUance  phyfique.  ibid. 

UlTerius;  fes  fentimens  fur  la  Grâce.  99. 

•^  W. 

WAteiiland  ( Mr.  Daniel  )  ;  fon    Traité 
fur  la  partie  facramentelle   de  TEucha- 
riilie.  427- 

Watts  (  Mr.  )  >  fon  Ouvrage    de    la   force  & 
de   la  foiblelTe    de  la  Raifon  humaine.   65- 

91. 
Whitefield   (Mr.),  Chef   des  Méthodifies.   42g. 
Son  Ouvrage  en  leur  faveur.  431. 

Y. 

YA  R  D  L  E  Y    (  Mr.  Edouard  )  ;  fon    Traité 
fur   les   Généalogies    de    Jejus -Cbrift, 


Fin  de  la  Table  des  Matieresé