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Full text of "Bibliothèque Poëtique, Ou Nouveau Choix Des Plus Belles Pièces De Vers en tout genre, depuis Marot jusqu'aux Poëtes de nos jours : Avec Leurs Vies Et Des Remarques Sur Leurs Ouvrages / 1"

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HUGO    P\l  L    1  IIirv\E 
>  M    -     I  ;  1  o  I 

,  lui   l  NI\1  Kbill  01    NMt  HIGAS 


1  Tiiaii 


P  O  E  T I Q  U  E. 

TQME   TROIS.IE'M£^ 


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..y        * 


BIBLIOTHEQUE 

POETIQUE, 

OU 

NOUVEAU  CHOIX 

PES  PLUS  BELLES  PIECES  DE  VERS 

cncoac  genre ,  depuis  Marot  juTqu'aux 

Poëtes  de  nos  jouis. 

^  rE  C    L  E  V  s  s    VIES 

Sur  Umm  Owwiyffc 
ro  ME    TROISIEME. 


A     PARIS, 

GMZBxtAitoti,  Libraire,  vH  Saint  ïac^Kfy 
à  la  Science. 


M.     D  C  C.     X  L  V. 


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J     '  «. 


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1 


a       >       »^ 


TABLE 

DES    PIECES   CONTENUES 
dans  là  Tome  1 1 L 

IIFRE    XI. 
S   £   G    R   A    I   S* 


î 


NSCRIPTION.  ^^^4 

Chan/bhs,  y 

Madrigaux.  Sur  le  bonheur  de  la  T tance  par  la  paix 

générale,  7 

Sur  le  portrait  de  Madame  la  ComteJJi  dé  Tiejàui. 

Ibîd. 

1/  sexcufè  de  ne  pouvoir  faire  des  Ver i  pour  une  Damê^ 

qui  lui  en  demandoit.  8 

A  une  Belle  malade,  Jbid. 

Climene  au  Cours.  '  Ibld. 

Eglogues.  f 

Endroits  choifis  dé  Id  TraduSlion  de  t  Enéide  de  Vir~ 

gile.  Du  Livre  I,  Haine  de  lunon  contre  les 

Trûyens.  Eole  ^  à  fa  prière  ,  excite  une  tempête 

pour  les  fubmerger,  Neptufse  Vappaife*  27 

Dm  Livre  II,  Mort  de  Laocon,  1  % 

Embrafement  de  Troye.  i } 

Du  Livre  II  f.  Le  Mont  Ethna,  Ibid. 

Tome  UI.  « 


,kttmJ^mm^^m£^ 


îj  TABLE. 

Du  Livre  VI.  Defiription  des  Enfers,  14 

Defcription  des  Champs  Elyfies.  16 

Immortalité  de  l*ame,  27 

Science  des  Bèmaim,  18 

Extraits  des  Georgiques  ,  Ouvrage  pofthume  de  M, 

de  Segrais,   Du  Livre  I.  Divers  prodiges  arrivât 

à  la  mort  de  Céfar,  Prière  pour  la  con/ervation 

ftAugufte,  19 

Dm  Livre  IV.  Orphée  defcend  aux  enfers  pour  en  re* 

tirer  Euridice,  Sa  mort,  *      3  ô 

Epilogue  de  fes  Poefies ,  imité  de  la  fin  des  Géorgie 

que  s.  j  $ 

PERRAULT* 

Ot)£S.  Sur  la  Paix  des  Pyrénées,  38 

Sur  le  mariage  du  Roi,  45 

Au  Roi  fur  la  naijfance  de  M,  le  Dattphin,  5  o 

Poème,  Sur  la  Peinture,  54 

Defcription  du  temps  ,  é^fes  differens  effets,  64. 

Devifes  pour  Louis  le  Grand,  Un  Lys  fur  fa  tige.   6j 
Un  Sep  de  vigne  de  Virginie,  Ibid. 

Une  Grenade,  Ibid; 

Epitaphe  de  M.  le  Maréchal  de  Créqui  ^  inhumé  aux 

Jacobins  de  la  rué  Saint  Honoré,  6  9 

Sur  la  mort  de  Franfois  dHarcourt  de  Beuvron  , 

Abbé  du  Montier  en  Argonne,  Ibid. 

Sur  un  Tableau  de  Mignard  qui  repréfente  la  Fa- 

mille  Royale,  6^ 

Portrait  de  C amitié,  Ibid- 

Sur  quelques  traduHions  des  Poètes  Grecs,  7  o 

A  M,  de  Fontenelle.  Le  Génie,  7 1 

A  M.  de  la  Quintinye  y  fur  fin  Livre  de  tlrtftru^ivtê 


I  r  -  iM  1 

TABLE.  iij 


rtÉH 


des  ]ard'ms  fruitiers  éi*fotàgeri\  77 

Pp«r  la  Sainte  Croix.  8  5 

AsiZ  notiveaux  Convenisi  IbicL 

Çn»  maudit  de  Dieu.  ..  ^$ 

Stances  fur  la  vanité  du  repentir  dans  la  vieillefi. 

Extrait  defaint  Paulin  j  Poème  héroïque.  Sages  ma- 
ximes four  les  Rois.  88 
extraits  du  Voémè  intitulé  ,  le  Siècle  de  Louis  le 
.  Grand.  Progrès  de  la  Phyfique  depuis  Ariftotè.,i  89 
tfits  de  la  Muftque.                                             ^z 
Eloge  de  Louis  le  Grand.                                      ^4. 
Valeur  du  foldat 'François  ,  augmentée  far  la  fré^ 
fence  de  Louis  XIV.                                         p^ 

CHEVREAU. 

Vers  four  mettre  an  bas  du  portrait  de  Louis  XtV, 

Sur  Didon.  99 

Efitaphe  de  M*  dé  Turinnéi  Ibrd. 

Efitaphe  du  Grand  Corneille.  Ibid* 
AunAmii  100 

Lettres,  A  M.  le  Duc  du  Maini,  Ibld«' 
Efitre.  lox 

Le  Sage  dti  mondé.  1  Q$ 

BETOÛLAUDi 


tê  Caméléon,  Poème,  Chant  I, 

Î08 

Chant  IL 

iij 

Chant  ni. 

à  % 

'17 

■     ^       *■  '*       w     .    ■ 


^Sm 


iv  T  A  B  L  Ei 

A  MademoifilU  de  Scudety  y  fur  là  mort  dtfon  Ca^ 

fnêUoni  114 

Ûeft  le  Caméléon  qki parlé.  Ji6 

les  Papillons  à  la  belle  Ameftrii,  Ibiâ> 

Le  Faon  de  Sapho,  i%% 

Hadrigali  Le  différend  terminée  Ibidi 

Sur  laprife  de  Montmellian,  i  x^ 

TALL  EMANO. 

Epitaphe  de  M,  ttAblancoHrt*  t  $o 

Bpitaphe  de  M.  Fatrus  IbkL 

ju  R  la  mort  f/dfite  iun  Grandi  X  ^  1 

Frieres  vaines  (^Jlériles  fans  les  allions .  Ibid« 


E 


L  I  F  R  JE     X  Ih 
B    O  U    R   S   A   U   L   T- 


PiGRAMMEs.   "Equivoque  plat  fonte,  1^6 

FJplique  iun  jeune  Avocat  à  un  vieux  Frocureur. 

Ihii. 
Vanité  confondue.  Ibid. 

"Naïveté  du  Domeftique  ttun  Chanoine.  z  3  7 

Vers  pour  mettre  au  bas  du  portrait  du  K,  F.  de  lé$ 
Chaife,  Confejfeur  de  Louis  XIV.  IbiA 

lytm  Hédedn  &  d'un  Maréchal.  t}é 


T  A  B  L  E.  ^  V 

Rifcnfi  iun  Batelier  à  Henri  U  Grand,  Ibld, 

Sur  la  mort  itm  Avocat ,  trh-habile  (ji*  tris-konnêtê 
hûmme,  Ibid, 

IXun  Farti/an.  139 

Une  bonne  Comédie  eft  tme  hfon  efficace»  Jbid. 

Chanfont  14Q 

félicité  de  f honnête  homme^  Jbid, 

fattx  Grands.  14c 

fables.  Le  Charlatan  (ji' l'Ane,  141 

VEcreviJe  çf^fa  Tille,  145 

JLe  Roffignol  é*  l^  Fatevette^  )bi4, 

I>  Vaucon  malade.  14^ 

2^  L^/i(^  e^  r Agneau,  147 

C^  «»  yf  M»f  homme  qui  parle  j  49. 
fxtraits  dEfope  à  la  Cour  ^  Comédie,  Heureux  les 
Rois  qui  veulent  être  éclairez,  fur  leurs  défauts,  14^ 

Le  Lion ,  rOurs ,  le  Tigre  eJ»  la  Fmtthfére.  x  5  j 

portrait  de  la  Cour,  155 

Belle  leçon  dEfofe kjm  V4T/tni*  i$6 

pUge  dEfofe.  Ibid, 

LE    LABOUREUR. 

Sur  Ia  Coter  de  Louis  le  Grand,  15^ 

V^rtiait  de  Lou^s  de  Bourbon  ^  Vrmce  de  Condé. 

Sm  U  place  de  premier  Vréfident  d^  V^flefj^nt  de 

Farts  ^  donnée  0  M,  de  Béliévre^  Jbld. 

Sennet.  Les  Caméléçns  à  Sapbo.  t  6q 

MADAME   DE   PLAT-BUISSON. 

Ih  ^pff*  fk  véritables,  Amans^  i  i\ 

*  5 


vj  table; 


i*^ 


Sur  le  retour  de  VHiver^  l6p 

]£pitaphe  du  Caméléon»  16} 

CHARPENTIER. 

■ 

Imitation  étAufone,  16-% 

Irnitaùon  dune  Epigramme  de  V Anthologie,  Ibid, 

Autre.  léi 
infcrrption  pour  la  Vompe  du  Font  I^^tre  -  Dame  , 

traduite  du  Latin  de  SanteiiiL  Ihld^ 


V  •.     •  < 


LE    P.    C  O  M  M  I  R  E. 

JIqnde aux.  Sur  la  mort  tPun  Chai.  1 70 

i^ur  le  ndmâfujet»  X  7 1 

Sut  la  défait f,  df  méréfie.     .  )bl4. 

DUCHE. 

HyMNB.  174 

Il  fautfonger  à  fEternité  plus  m* à  la  réputation. 

Titrait  etAbfalon  ,  Tragédie  ^  tirée  de  PEcriture 
Sainte,  Tharh  ^  vertueu/e  Epoùfe  t^Abfalon  y  lui 
repréfente  toute  ^horreur  de  fa  rébellion  contre  fin 
fere  ^  ^  tâche  de  Ven  détourner  par  les  motifs  '  les 
plus  touchans,  Ibid. 

Clémence  de  David  envers  Ahfalon.  x  80 

B  E  L  L  O  C  Q. 
$ATY'Kt«  I^Nçvellifte.  fZi 


TABLE;  vi) 


PAVILLON^ 

Maprigal.  ^4^^ 

Imitation  ^Anacrion,  too 

A  MMdemoifelle  de  Peltffari,  Ibi(t« 

A  Madame  de  Pelijfari ,  Jnr  la  perte  ttk»  grand  fro^ 
ces.  101 

A  la  même,  Jw  les  eostches  àe  Madame  fa  filUi 

10| 

Bpitre  en  Vrofe  (^  en  vers ,  i  Madame  ♦  *  ♦. 

104 

A  Mûnfieur  **  *  fur  sm  changement,  107 

A  une  Dame ,  qui  fe  plaignait  de  fin  ahjence,  xo  S 

Sur  les  Hôpitaux  infilvables,  1 09 

Le4  Mufes  au  Roi.  xj  i 

Tlacet  au  Roi  j  pour  M,  PAbbi  X^Um^nt.  1 1  ) 

Sur  la  vie  du  R^i«  114 

4  Menfieur  *  *  *  ff^f*  chàte.  ^  f 

A  Mademoifelle  Coulon.  %ik 

Confeils  à  Iris,^  1 1  o 

SuflaM^fr^.  %iL§ 

MA  R  TI  N,. 

^unejalâufi.  11&. 

Endroits  choifis  de  laTraduHien  des  Gtorgtques.  Du 

Livre  I.  Dejfein  de  totpurage.  Invocation^  Divers. 

préceptes  pour  la  ctdtHre  des  terres, . . ,  Ibi4^ 

Defcriptionttunera^e.  1^4 

Signes  de  pluye  ou  de  venh  1  )  ^ 

Divers  prodiges  arrivez  à  la  morf  de  Cé(ar^  IbicC 
Du  Livre  IL  Avantages  du  Frintems.  157 

Bonheur  de  la  vie  champêtre.  x  I  « 

IfftXi'iflr^  IIL,  Qualite;^naturelles  k  un  bon  dieval^ 

a  4  Uii 


wnj  T  A  B  L  E. 

Comment  il  faut  drejfer  un  cheval  four  la  guerre^ 

144 
Teut  eftfujet  à  V amour.  245 

tiavage  caûféfar  la  fefte,  Ibid. 

MLtE    DE  5  CARTE  S. 

IIelàtion  de  la  mm  de  M.  Vefiartes,  ouvrage 
mêlé  de  frofe  ^  de  vers.  248 

VOmbre  de  M.  De/cartes  à  MademoifelU  de  la  Vi^ 
gne.  ^  257 

'Réfonfe  de  Madempifelle  de  la  Vigne  à  tQmWe  de 
De/cartes,  l$sf 


•• 


LIVRE    XI  IL 
T  E  S  t  U. 

^Ur  la  naijfance  de  M.  le  Duc  de  Bourgogne.  %6%, 
iiévéritê  de  l^ami  j  préférable  aux  comflaijances  dif 

fiateur.  1^5 

^tches  avares  i  détrompez,  à  theure  de  la  mort.  ibidL 
lettre  fur  les  conquêtes  de  Louis  XÏV.  2,^4 

T^œl.       .  ■  172, 

Dieu  ne  nous  a  faits  quç  pçur  lui  ^  ^  nous  nepouvon^ 

trouver  qu'en  lui  feul  notre  repos.  xj± 

MAUCROIX. 
Pï>%.  Malheurs  de  U  Guerre.  «77 


y— ^— ^— "ff^—        J  .1——— 

TABLE.  ix 

A  'un  Ami  qui  vçuhit  Rengager  à  fi  msriir»       ^79 

LA    FOSSE. 

Madrigaux.  Vamomnefeutficucher.  iSx 

Commencement  dune  fajjton,  IbicL 

A  la  même.  iSx 

Sur  une  belle  voix  et  ^  hp aux  yeux.  Ibid. 

A  la  même  ,  en  lui  envoyant  des  fleurs,  Ibid. 

Jahu/ie.  x8$ 

Ster  un  Portrait,  Ibid. 

Le  bonheur  inutite,  Ibid. 

Sttr  f  Amour  éi*  la  fortune,  184 

Sur  Didon.  Ibid. 

Sur  les  portraits  de  Mademoifille  Chéron.  Ibid. 
Sur  un  Portrait  du  Roij  qui  ttune  mainfiutient  un 

globe  y  ^  d£  r  autre  une  Eglifi,  i8c 

'Elégie,  Sur  hs  plaijtrs  aifiz.  Ibid. 
Efitre,  Le  Moineau  de  Madame  *^  à  eOe-pseme, 

Les  Etoiles  conjurées  contre  le  Soleil,  19  X 

iraduBion  de  Pldille  de  Buchanan,  X94 

A  S.  A,  S,  Madame  la  Princejfe  de  Tofian^  «  à  foC" 

cafion  éCune  Comédie  quelle  compofa  ^  é^qu'eUp 

fit  repréfinter  ficretement  par  des  Dames  de  fi$ 

Cour  y  eUe-memf y  jouant  leferfinnage  iume  Ef» 


clave. 

198 

Odes  traduites  etAnacréon,  Sur  fa  lyre. 

50X 

Sur  la  Kofi, 

)ox 

L'amour  pris. 

ÎOJ 

Le  Printems, 

Ibid. 

Sur  un  Songe, 

304 

façtrait  deManlius,  Tragédie,  Am}tii  confiante  ^ 


mm 


3Ç;  T  A  ^  L  E. 

<rw^— —^—■^^— —————— —Il  1 1  ■ 

Traduâion  du  Pfeaume  lU  J07 

R  E  G  N  A  R  D, 
Sati  R E  ir0ii/y#  tel  Mari^  ^  i  ^ 

f  L  E  C  H  I  E  R. 

L'Hercule  Tcrmfoh.  jxj 

£x/r4M/  i*»»  £/i?^f  de  Louh  U  Grand.  5 1 S 

Afofhophe  à  Viorne.  Ibid. 

RAINEZ. 

Chansons.  331 

Madrigal.  334, 

MX.LI   Ç  H  E  R  O  N, 

P&EAUME  IXXJil.  Mifere  du  Peuple  Juif  flans  lei 
derniers  tems  de  la  captivité  deBabylone,  Temple 
<^  Prêtres  du  Seigneur  en  proye  à  la  fureur  des. 
Idolâtres.  33^ 

Imitatiên  du  Pfeaume  CXXI.  Sur  le  retour  des  Juifs 
À  Jérufalem  ^  après  foixantedi»  dix  ans  de  capti- 
wté  à  Bahvlone,  338 

Cantique  dnahucuc.  Ce  Prophète. prédit  la  défila^ 
tion  prochaine  de  U  Judée  par  Nahuchodonofir  ; 
lu  captivité  du  peuple  Juif,  la  prife  de  Bsèylone 
par  Cyrus  ;  ér  enfin  la  délivrance  de  ce  même  Pett- 
^ .  pgure  de  la  Rédemptipn  du  Monde  par  Jefus- 


TABLE. 


LA    F  A  IV  E. 

Svn  fis  Vers.  $^6 

Chanfonfur  Pair  y  un  Inconnu,,*  547 

A  Madame  la  Comtejfe  de  Cailus,     ^  Ibid. 

Odes  traduites  dUof ace.  V  Auteur  reproche  à  fa  Mai^ 

trejfefoïh  inconfianee ,  ^  s* aff  louait  dêtre  dégagé 

de  fort  amour.  348 

Jja  mort  eft  inévitable ,  (^  il  ny  a  ni  vertus ,  ci  /4f- 

lens  qui  nous  en  fuijfe  exempter,  3  49 

Ode.  Réflexions  dun  Philofofhe  fur  nnç  belle  cam^ 

pagne.  350 

Mlw    B  Ç  IV  N  a  R  D. 

Madrigal.  35^ 

Bouquet.  Ibid. 

^   Lpitaphe  de  Madame  la  Marquife  ifHendifOftr,  3  57 
'Requête  au  Roi.  35^ 

fable  allégorique.   L'imagination  (^  le  Bonheur, 

/ 35> 

frogrh  de  la  Religion  chrétienne^  3  69 

Su  %  la  mort  tttmj^ne  homme  trks-fage.  3  H 

Sur  les  Difcours  de  M.  de  la  Motte ,  de  t  Académie 

franfoife^  Ibid, 


^m 


»ii 

T  A  B  t  E, 

V 

M 


l  I  V  R  E     XIV. 
R  E  G  N  I  E  Rf 


Adrigaux.  $6% 

KêtuUaUf.  5  7  II 

Autre,  Ibid* 

Somets.  Sur  U  mort  ttune  Chau,  ^      375 

Comment  ilfsut  envifager  lefafé  é*  ^avenir.    5  74 
Tahle.  Le  Berger  ér  ia  Prairie,  Ibid, 

Ode  traduite  d'Anacréon.  Sur  U  Vifillejfe.         375 
Imitation  de  ^Ode  d'Horace.  37^1 

Je  le  croi  bien ,  je  nen  croi  rien.  Sur  divmfujets,  37^ 
V Attelage.  381 

La  Maifon  e7t  décadence,  381 

Des  avantages  de  la  vieillejfe,  383 

A  quoi  ton  doit  afpirer  dans  la  vieilUffe^  384 

l^glogue.  385 

A  M,  PEvêque  de  Meaux  ^  Urfquil  itoit  Vricepteur 
de  Monfeigneur  le  Dauphin  »  Fils  tonique  de  Louis 


XIV. 

394 

Traduàion  d^tme  Scène  du  Faftor  Tido^ 

399 

Sur  les  Miniftres^ 

401 

Epitre  Morale  en  Vers  de  nouvelle  mefure^ 

403 

Odes,  Sur  le  Mariage. 

409 

La  Solitude. 

4Ti 

A  M.  VéUJfon. 

419 

4  la  Raifhn, 

41  î 

Sur  t  Ambition. 

414 

Qfn(re  les  Impies^ 

41^ 

t  A  B  L  E.  xii) 

Sitrla  Naijfance  de  Jefm-Chrifié  419 

Extrait  des  fa$  va,  451 

Extrait  du  Vcyage  de  Munich,  ^3  5 

B  R  U  L  A  R  T. 

Odes.  Sur  la  Faix,  43  5 

L'Amitié,  437 

A  M.  de  Segrais.  441 

Imitation  d^un  fàjfage  de  la  Battre  X,  de  JuvenaL 

CÔtJLANGES. 

Chansons.  A  une  Vieille  fort  farée.  44  j 

A  un  Avare,  44^ 

A  une  jeune  Ferfennefiere  de  fa  beauté,  Ibid. 

La  frecieufe  à  la  promenade  de  la  porte  faint  Ber- 

nord,  Ibid. 

La  Femme  de  qualité,  447 

Sur  la  Nohle/e.  448 

Sur  l'air  de  l'Opéra  de  Tancrede ,  Le  Flaifir  nous 

appelle  ,  îl  faut  l'écouter,  Ibid. 


L  I  K.R  E    Xr. 

G  E  N  E  S  T. 

1*^  NdROITS  choifis  defes  Fieces  de  théâtre,  Zi^ 
lonide.  Courage  ^  magnanimité  des  femmes  de 
Spane,  45^ 


Jfij 

7  A  B  t  E, 

Cïïï 

M 


l  I  V  R  E     XIV. 
R  E  G  N  I  E  Rf 


Adrigaux.  $6% 

KêtuUaUf.  5  7  II 

Autre,  Ibid* 

Somets.  Sur  U  mort  iune  Chate.  ^      375 

Comment  il  fsut  envifager  le  paffé  c§»  t avenir.    574 
Table.  Le  Berger  ér  la  Prairie.  Ibid. 

Ode  traduite  d*  Anacreon.  Sur  la  VifiHeJfe.         375 
Imitation  de  ^Ode  tCHorace.  ^ji 

Je  le  croi  bien ,  je  n'en  croi  rien.  Sur  divmfi^^s.  37^ 
V Attelage.  381 

La  Masjfhn  en  décadence.  382. 

Des  avantages  de  la  vieillejfe.  383 

A  quoi  ton  doit  affirer  dans  la  vieilleffe,  384 

JBglogue.  385 

A  M.  t Evoque  de  Meaux  ^  Urfquil  itoit  Vrécefteur 
de  Monfeigneur  le  Dauphin  »  tils  unique  de  Louis 


XIV. 

394 

Traduàion  étune  Scène  du  VaftorEido^ 

^99 

Sur  les  Mini/Ires. 

401 

Epitre  Morale  en  Vers  de  nouvelle  mefure^ 

403 

Odes.  Sur  le  Mariage^ 

409 

La  Solitude. 

4Ti 

A  M.  VéUJfon. 

419 

4  U  Raifon, 

413 

Sur  t  Ambition. 

414 

Çpnire  leslmpies^ 

4^^ 

t  A  B  L  E. 


S  tir  la  Naijfance  de  Jefits-Chrifié  419 

Extrait  des  fat  vu.  451 

Extrait  du  Voyage  de  Munich.  43  5 

B  R  U  L  A  R  T. 

Odes.  Sur  la  Faix.  43  5 

L'Amitié.  437 

A  M,,  de  Segrais.  441 

Imitation  itm  fàjfage  de  la  Satire  X,  de  luvenaL 

CdtJLANGES. 

Chansons.  A  une  Vieille  fort  farée.  44  j 
A  ttn  Avare.  44^ 
A  une  jeune  Ferfonnefiere  de  fa  beauté.  Ibid. 
La  Frétieufe  à  la  fromenade  de  la  porte  faim  Ber- 
nard, ibid. 
La  Femme  de  qualité.  .  447 
Sur  la  NoUe/e.  448 
Sur  l'air  de  FOpcra  de  Tancrcdc  j  Le  Flaifir  nous 
appelle.  Il  faut  Ncouter.  Ibid. 


E 


LIVRE    XV. 
G  E  N  E  S  T. 


^  NdrOits  choifis  defes  Fieces  de  Théâtre.  Zi^ 
lonide.  Courage  ^  magnanimité  des  femmes  de 
Slpéme,  4;a 


ivj  T  A  B  L  E.- 

1>  SelitÂm.  j]^ 

An9Ceun$f»KifiiTldmorftltM.B**,fiiaUn«m 

de  Dafhais^  j4i 

M.    LE    MA  B.QUI  S    DÉ**. 

ÏABLES.  Lm  ChmilU  (J«  U  Ver  ifye.  f 4j 

L»  Bouteille  defaven.  5  44 , 

LtBaon fe  fUignimt  àjunon,  j+s 

LtsObfi^ueiduRM.  J47 

Le  Sing e^le  Renard  ;  Feitmet.  j^y 


Fin  de  I2  Table  du  'Tome  II  L 


BIBLIOTH. 


BIBLIOTHEQUE 
POÉTIQUE. 

LIVRE    XI. 


S  EG  RA  I  S. 

1  EanRegnautdeSegeais,  ■ '■ 

nâquitàCaënIe22AoûtnSa^  ^^"^^ 
^x  &  y  fit  fes  études  dans  le  Çol- 
'  iége  des  Jéfiijtes.  Après  là  Phi- 
lofophie ,  il  s'appliqua  à  la  Poëfie  FrançoH  ■ 
fe  >  qu'il  cultiva  jufqu'à  la  Ra  de  ikvit,  & 
qui  ne  lui  fat  pas  infruéleufe  ,  pui(qu'elle 
fervit  à  le  tirer  auffi-bien  que  fes  quatre 
frères  &  fes  deux  fœurs ,  du  mauvais  état 
où  la  bonté  ruioeufe  d'un  pcre  les  avoit 
Tome  m.  X 


EGRAIS 


^  hâffés,.  Ui^'aypitenGorexjue  i^  pu  :3;at^i$> 
lorf^ue  le  Cpmte  de  Fiefijue  le  prbfiidfit  k  i 

la  Cour.  Il  y  prit  cette  politeffe  &  ce  bon 
goût,  qui  ont  paru  depuis  dans  tous  fes 
Ouvrages..  En  1548.  il  entra  au  feryice 
de  Mademoiselle  ' ,  en  qualité  de  Gen- 
tilhomme ordinaire.  Ce  fut  dans  le  loifir 
cju'il  eut  à  Saint-Fargeau ,  oà  cette  Pria- 
çefle  paflà  quelques  années ,  que  M.  de 
Segrais  mit  la  dernière  main  à  fa  traduc- 
tion de  l'Enéide.  Elle  a  de  fort  beaux  en-r 
droits ,  &  quoiqu'en  vers ,  elle  n'eft  guéres 
moins  fidelle  que  li  elle  étoit  écrite  en 
profe. 

T'antà  Segrejtus  quodverterit  arte  Marmem 
Non  mirum  ;  illis  mens  una  eademquefuit. 

^uipfeitafunt/tmileSi  ut  dicifojjîtuterquc. 
Et  Maro  Segrefius ,  Segrefiufque  Maro. 

Le  beau  naturel  &  Taimable  fimplicité  de 
fes  Eglogues ,  l'ont  fait  regarder  juiqu'à 


T  MariC'Louife  d'Orlcans,  Duchcflc  de  Montpenfîcr^ 
&Ue  aÎQj6e  de  Gailon  de  France  >  Onde  de  Louzs  XIV. 


LIVRE    XL 


préfent  comme  un  des  meilleurs  modèles 
que- nous  ayons  dans  le  genre  paftoral.  En  SsoaAj 
i6'j2.  Mademoiselle  croyant  avoir 
quelque  fujet  »  de  fe  plaindre  de  (à  con- 
duite ,  le  fit  rayer  de  l-état  de  fa  Maifon. 
M.  le  Duc  de  Longuevillc  lui  envoya  aufS- 
tôt  deux  cens  piftoles ,  &  quelques  jours 
après  la  Comteffe  de  la  Fayette  eut  la  gé- 
nérofité  de  lui  donner  un  Logement  chez 
«lie  &  (à  table.  Cette  Dame  n*a  pas  moins 
travaillé  que  lui  à  Zaïde  jr  &  à  /^  Princeffe 
JeCleveSy  Romans  également  eftimables 
par  la  beauté  du  (tile  &  la  délicatefTe  des 
penfées*.  Enfin  las  du  grand  monde ,  M.  de 
Segkais  fe  retira  à  Caën  ,  où  il  époufà 
une  riche  héritière.  Il  faifoit  les  délices  de 
cette  Ville  par  les  agrémens  de  fa  conver- 
fation ,  &  par  le  récit  de  tout  ce  qu'il  avoir 
vu  de  plus  brillant  &<ie  plus  curieux  à  ia 
Cour..  L'Académie  de  Caën  étant  demeu- 

I  Cette  PrincefTc  nous  l'apprend  elle-même  dans  fet  Mé- 
moires, Segrah  ne  voulait  pas  qu'elle  fe  mariât  avec  M.  dt 
Laufun  ,  &"  il  aimoit  mieux  que  ce  fut  avec  M.  le  Duc  dt 
fMtgHtviSU^tix 


iRAIS. 


4      BIBLIOTHEQUE  POETIQUE. 

rëe  fan3  Protefteur  depuis  la  mort  de  Fran- 
çois de  Matignon ,  Lieutenant  de  Roi.  en 
Normandie ,  il  en  recueillit  les  membres 
chez  lui ,  &  leur  procura  toutes  le$  com- 
moditez  neceflaires  pour  leurs  aflèmblées^. 
Il  fut  affligé  pendant  les  derniers  mois  de 
fa  vie  d'une  langueur ,  caufée  par  l'hydro- 
pifie  ,  qu'il  regarda  comme  une  faveur  du 
Ciel ,  &  dont  il  fçut  profiter  en  Chrétien.. 
Il  avoit  été  reçu  à  l'Académie  Françoife 
en  1662.  &  mourut  à  Caën  le  2j  Mars 
1701.  âgé  de  foixante-dix-fept  ans..  Sa 
traduélion  des  G.eorgiques  en  Vers  Franr 
çois  n'a  paru  que  long  tems  après  ùl  mort. 
On  ne  fçauroit  difconvenir  que  cette  tra- 
duftion  ne  fe  reffente  un  peu  de  la  vieillefle 
deSEGRÂis  :  mais  il  s'en  faut  bien  qu'elle 
foit  aufli  méprifable  que  le  fait  entendre 
M  *  *  *  dans  fon  Recueil  d'Efigrammes  ,  à 
Tarûclc  où  il  fait  mention  de  notre  Poète. 

Infiriftion, 

j\J  Alherbe  ,  de  la  France  dcernel  ornement  y 
Four  rgidre  hommage  à  u  mémoire  > 


L  I  V  R  E    X  I.  5 

SiGRAis  ,  enchanté  de  ta  gloire  , 

Te  confacre  ce  monument.  »  SxoRi 

C  K  A  2^  S  O  ^  S. 
I. 

pRiNTEMs  aimable  &  gracieux', 
Pcre  des  fleurs  &  des  amours  nouvelles. 
Tu  nous  renouvelles 
Tes  dons  précieux  : 
Belle  peinture , 
Belle  verdure , 
Par  qui  tout  fleurit , 
Par  qui  tout  rajeunit  i 

Ta  grâce 
fait  changer  de  face 
A  tout  ce  qui  vit. 

Hélas  !  tout  change , 
Hors  le  mal  étrange 
Dont  mon  cœur  languie 

ÏI. 

Doux  ruifleaux  ,  coulex  fans  violence  j 
Roffignol ,  ne  vante  plus  ta  voix  : 


1  M.  df  Seghais  avoît  une  C\  grande  vénération  pour 
Malherbe ,  fon  célèbre  compatriote ,  qu'il  lui  fit  élever  une 
ftatuë  de  pierre ,  plus  grande  que  le  naturel  »  Ac  la  fit  placer 
^aft«  une  niche  faite  cxpréf  à  la  façade  de  iâiMirôn. 


I«1LAI$« 


€     BIBLIOTHEQI/E   POETIQ^UE. 

^mmmmÊmmmmÊmmÊmmmmÊmmmmmmmmmmmmm^mmmmmmmmmmÊmti 

Taifez-vous,  zéphits ,  faites  filence  ; 
C  ed:  Iris  qui  chante  dans  ces  bois. 

Je  Tentends ,  &  mon  cœur  quelle  attire , 
La  connoîc  à  Tes  divins  accens , 
Aux  tranfports  que  leur  douceur  infpire  \ 
Mais  bien  mieux  aux  peines  que  je  fens. 

I  I  I. 

Que  tes  lois ,  Amour,  font  cruelles  1 
Malheureux  font  les  coeurs  que  tu  peux  enflammer  2 
Plus  malheureux  encor  ceux  qui  te  font  fidelles  i 
Mais  qui  peut  vivre  fans  aimer  } 

IV. 
Enfin  me  voici  de  retour  > 
Et  j*apporte  avec  moi  pour  vous  faire  raa  cour 
Un  bel  équipage  d*amour. 
J'ai  des  fleurettes , 
De  doux  propos ,  des  vers ,  des  chanfonnettes  i 

Pour  tout  avoir , 
Il  ne  me  faut ,  Iris ,  que  de  Tefpolr. 

Je  fçai  concevoir  des  dcfîrs  *, 
7e  fçai  faire  des  vœux  ,  &  pouffer  des  foupirt 
Dans  les  douleurs  &  les  plaifîrs  : 
Je  fuis  fidelle  ; 
J*ai  du  refped ,  &  j'ai  beaucoup  de  zélé  ; 

Pour  tout  avoir  » 
Il  ne  me  faut ,  Iris ,  que  de  l'efpoir. 


il  VR  É     X  I. 

7 

• 

V. 

*                                                                 

PôURraîmable  Cbmtcflc 

S£GX.i 

Meurt  tous  les  jours 

Quelqu  Amant  qa  elle  laifle 

Sans  nul  (ècoiurs  ; 

Et  cependant  la  prefTe 

Y  eft  toujours. 

MADRIGAUX. 

Sur  le  bonheur  de  la  france  far  la  faix  générale, 

France  ,  ton  graYid  Monafrque  accomplit  tes 
fouhaits  : 
Etant  n^  pour  la  guerre  >  il  (ê  donne  à  la  pali  -, 
Il  fait  par  (es  vertus  adorer  (on  empire  \ 
£t  de  fî  riches  dons  les  Grâces  Tout  orné  , 
Qu'un  légitime  choix  nous  le  feroîtélircy 
Si  la  faveur  du  Ciel  ne  nous  l'avoir  donné. 

SurlefwtrMtde  Madame  la  C&mtejfe  i  de  Viefqke^ 

Dan  s  ce  divin  portrait  oii  brillent  tant  d'attraits» 
Vénus  rieconnoiiTant  &  Xon  air  &  Tes  trato  » 
Se  Hgura  d*abord  en  être  le  modelle  : 
La  fegardanf  âlreux  toutefois  » 
Pourquoi  tant  de  Grâces ,  dit-elle; 
Car  jamais  avec  moi  je  n*ea  vis  plus  de  trois. 


I  Âime  le  Veneur^  fille  de  Jacques ,  Comte  de  Tillietes. 

a        •  •  •  • 

A  luj 


8      BIBLIOTHEQUE    PQETÎQUE. 

llsexcufe  de  ne  pouvoir  faire  des  Vers  four  une 
^RAis«  Dame  qui  lui  en  demandoit. 

Quand  à  mon  efprîc  je  propofc 
De  faite  pour  vous  vers ,  ou  prôfc , 
Il  ne  trouve  rien  de  plus  doux  : 
Si  pourtant  à  votre  courroux 
Souvent  fa  pareflc  m'expofc, 
.Sçavez-vous  quelle  en  e(V  la  caufe  ? 
Il  s'amufe  à  penfer  à  vous , 
Et  ne  veut  plus  faire  autre  chofe.  ^ 

A  une  Belle  malade. 

ÏN  VOUS  faifant  parler  votre  fanté  s'altcre. 

Hé  bien ,  auprès  de  vous ,  Philis,  il  fe  faut  taîrc  j 

Mais  connoifTez  au  moins  combien  de  mes  langueurs 

Votre  langueur  cft  différente  : 

C'cft  pour  parler  que  votre  mal  s'augmente  y 

C^eft  pour  me  taire  que  je  meurs. 

Climene  au  Cours. 

Un  jour  en  revenant  du  Cours , 
Le  long  des  rives  de  la  Seine. 


I  M.  de  Fontenelle  a  rendu  aînfi  la  m^mepenfle  .* 

Je  'veux  chétnter  en  vers  U  Beumé  efui  m'engage  ; 

jypenfe ,  fj  repenft ,  O*  le  tout  fans  effet  : 
Mon  cœur  j^  occupe  dn  fujet , 
£/  Pef^rit  Ui^e-ÏÀ  touvraie. 


L  I  V  R  E     X  L  9 

j  i. 


V 


Je  yis  une  troupe  d*  Amours 

Qui  fuivoic  le  char  de  Climene,  Secra 

Charmé  de  fon  éclat  vainqueur  > 

Je  fui^is  comme  eux  cette  Belle  : 

Mais  lorfque  je  m'éloignai  d'elle  y 

Je  les  trouvai  tous  dans  mon  cœur. 

E  G  L  O  G  U  E  s. 

C  L  I  M  E   H  B. 

I  TiRcisrmoaroic  d  amour  pour  la  belle  Climene^ 
Sans  que  d'aucun  efpoir  il  pût  flatter  fa  peine. 
Ce  Bercer  accablé  de  fon  mortel  ennui , 
NeTcplaifoit  qu'aux  lieux  auITi  rrides  queluK 
Errant  à  la  merci  de  (ts  inqitiétudes^»^ 
Sa  douleur  Tentraînoit  aux  noires  folitudes  \ 
£c  des  tendres  accens  de  (à  mourante  voix 
Il  fai(bit  retentir  les  rochers  &  les  bois. 
Climene  ,  difoît-il ,  ô  trop  "belle  Climene  ! 
*  Vous'furpaflèz  autant  les  Nymp^bes  de  la  Seîncy  " 
Que  ces  chênes  hautains  3  &  (I  vcrds  &  (î  beaux , 

1  Twwtofum  Pjffor  Cûtydon  drMat  AUxim , 

me  quid  fberaret  hahebat  : 
Tétnthminter  denfâi  y  ttmhrûfâcaCHmindyfaios  y 
Ajfiduè  veniebétt  :  tbi  imonditafolns 
MwnUms^  fihit  ftudiojaBabdt  irtani,  Vii^.  Egl.  t.* 

2  P^erùm  h^c  tantùtn  alias  inter  capnt  extulit  urbeg , 
Quantum  lentafolent  inter  vibuma  cuprejfi,  Virg.  Egl.  i, 

.    3  Ce  mot  ne  s'employe  plus  <^ue  dans  le  figuré.  Mous  di- 
rons qu'une  perronneeft  hautaine,  poux  dire ^'ellecft^- 


ïo      BIBLIOTHEQUE  POETIQ^UE. 

Des  humides  mârâîs  fufpâfTcrtt  IcsrofcâuxV 
eéllAZS.   Votre  divin  efprît ,  votre  beaucié  divine , 

Du  plus  pur  fang  des  Dieux  marquent  votre  origine.. 
Od  peut-on  voir ,  qu'en  vous ,  ces  6eil1cts'&  ces  lys , 
Qui  paroifTent  toujours  nouvellement  cueillis  > 
Mais  plùs^  ces  doux  attraits  vous  rendent  adorable» 
Plus  ces  attraits  (î  doux  me  rendent  mifèrable , 
Si  vous  cohfîdérez  tant  de  chatmcs  divers , 
Comme  autant  de  fujets  de  méprîfer  mes  vers. 
>  De  votre  belle  boacbeunefeulc  parole  i 
M*çft  ce  qu'au  voyageur  eA  l-berbe  fraîche  5c  moUc;^ 
£t  rai(è  de  vous  voir  eft  à  mon  cosur  \>\tSé 
Ce  qu'une  eau  claire  &  vive  eflr  au  cerf  relancé. 
Jamais  rien  de  fî  beau  n*a  paru  fur  la  terre  5 
Mais  toujours  vos  rigueurs  me  déclarent  la  guerre  i; 
^  Et  ce  qu'à  nos  troupeaux  eft  la  fureur  des  loups^^ 
Ce  qù'eft  à  nos  vergers  Taquilon  en  courroux , 
Ce  qu'a  nos  épies  mûrs  eft  la  pluye  orageufe , 
Telle  eft  vôtre  colère  à  nnon  ame  àmoiireufe.. 
Hélas  1  de  vains  defirs  ^  long  teras  enflammé , 
]^aut-il  toujours  aimer  oii  Ton  neft  point  aimél- 
Hélas  !  de  quel  efpoir  eft  ma  flamme  fuivîe  , 
Si ,  lorfqne  dans  les  pleurs  je  confume  ma  vie> 


I  TéU  tuum  edrmm  mhis ; 

QumU fofw  ftSis in  gfdmine ,  éjuAÏt  per  étflnm 

Dulch  d*iH^f»Hentefitim  t^nguere  rivo.  Vifg.  Egl.  f  ; 

X  Trijh  ImpMifiéiMi» ,  méhtriffmgitms  imkns , 


LlfRÈ     XL  " 

Celle  pour  qui  jefoufFre  un  fort  fi  rigoureat 

Trouvie  tant  de  plaiftr  à  me  voir  malheareux  !  Sx'oraii< 

£«  mille  &  mille  lie'ax  de  ces  riTCs  cbampérres  • 

J'ai  gravé  Ton  beau  nom  fur  récùrce  àt%  hêtres; 

'  Sans  qu'on  s'en  apperijoiVe  «il  erofcra  chaque  )oot. 

Hélas  !  fans  qu'elle  y  (bbge ,  ainfi  croît  mon  amour. 

Pour  éclairer  autrui  comme  un  flambean  s'allume , 

Pour  en  (èrvir  un  autre  ainfî  je  me  ccmfume. 

Ah  !  fi  du  même  trait  dont  mon  cœur  eft  bleffé... 

Mais  ne  poorfiiivonspas  ce  discours  infênS  r 

Je  ferai  trop  heurieux  >  belle  &  jeune  Clinaenc  « 

S'il  vous  plaît  feulement  canTcntir  à  nia  peine. 

N*ai-je  point  quclquéagncaudont  vous  ayez  défir* 

Vous  l'aurez  auffi-tôt ,  vous  n'avez  qu'à  choifir  j 

£t  fi  Pan  le  défend  de  tout  regard  funede , 

Aux  yeux  des  Encfaanteui^  f  abatidbnue  ^  refte. 

*  Pan  a  foin  des  brefeis ,  Pari  a  foin  des  Pâftctirsj  ' 

£t  Pan  me  peut  venger  de  toutes  vos  rigueurs. 

?  Il  aime ,  je  le  fçais  ,  il  aime  ma  mufecte. 

De  mes  ruftiques  airs  aucun  *  il  ne  rejette  5 

£t  la  chade  Pallas  ,  4  race  du  Roi  des  Dieux  > 

A  trouvé  quelquefois  mon  chant  mélodieux  : 

Des  grandes  Déïtez  Pallas  la  plus  aimable. 


mm 


X      Crefctni  ilU ,  crefcetis  amcres.  Virg.  £gl.  10, 
af       Pan  curât  oves  y  oviuimjHe  tintgifkns.  Virg.  Egl.  .<  i  • 
3'  Pollio  dmat  noftram  ,  qudmvh  fit  rtéftka  ,   mtiffun»' 
Virg.  EgU  3. 


iiiiii'i  û-y   ■    i  r  ■  1    n-n 


ta     BlBLIOTHEqUE    POETiqUE. 

mmàmmmmmm^mmimÊmmÊmaÊÊmÊmÊÊmmmttmmmÊmmmmmmÊmmmÊmmmmmÊ^ 

La  plus  vlâorieufè ,  &  la  plus  redoutable. 
^eKAiSt   X  p^,.  çjiç  (qjj5  Iç  frajs  Je  ^ gj  jeunes  ormeaux , 

Je  puis  >  quand  il  me  plait,  enfler  mëst;halumeauz) 
Et  je  puis  ne  chanter  que  mon  amour  fîdelle  y 
Quoiqu'on  ne  dût  chanter  quefa  gloire  immor  celte  j. 
Et  qpe  je  doive  encore  à  fa  (èule  bonté 
Cotte  délicteufe  &  douce  oidveté. 
Sous  ces  lèdillages  verds  venez ,  venez  m*entendre  s' 
Si  nia  chanfbn  vous  plalt^je  voasla  veux  apprendra 
^  Que  n*eûtpas  fait  Irîs  pour  en  apprendre  autant  2 
Iris  que  j'abandonne  ,  Iris  qui  nVaimoit  tant. 
Si  vous  vouliez  venir ,  p  miracles  des  belles , 
l  Je  vous  cnfeignerols  un  nid  de  tourterelles  : 
Je  vous  les  veux  donner  pour  gage  de  nuibl  ;. 
Car  on  dit  qu'cHes  font  fidellcs  comme  moi» 
Climene ,  il  ne  faut  pas  méprifer  nos  boccages  : 
4  Les  Dieux  ont  autrefois  aimé  nos  pâturages  ^ 
Et  leurs  divines  mains  aux  rivages  des  eaux 
î  Ont  porté  la  houlette ,  &  conduit  les  troupeaux^ 
H'aimable  Déïté  qu'on  adore  en  Cythcre ,. 

1  llU  meas  erraréboves ,  nt  cernif ,  C^  ipfttm 

Ludere ,  ame  velUm,  calamo  permifit  agrefii,  Virg.  Egl.  i  ; 
&  H^c  eadem  ut  fcirtt  qma   non  faciebéU   AmyatMS  f 

Virg.  Egl.  1,9. 
J  Namque  notavi 

JpfrlàcMm d'érùe ^tue  con^ejjere pàlumbes,  Virg. Egl.  5 • 
4  HétbiUrunt  D$  tfHo^ueJylvas  » 

DarddnufynePMris.yiT^.EgX,  i, 
$  Uec  te  peenitedt  pecorif  ,  divinê^FtXtd  ,. 

Mtformofm  çvtf  4d  finmitm  pévit  Admj^Yiigt  £gl.  «o. 


LIVRE    XI. 


«3 


Da^rger  adonis  (è  fai£bit  la  Bergère 

Hélène  aima  Paris, À  Paris  fut  Berger  ^  S^grajII 

£c  Berger  on  le  vit  les  DéeiTes  juger. 

Quiconque  fçaic  aimer ,  peut  devenir  aimable  : 

Tel  fût  toujours  d*amour  Tarrêc  irrévocable. 

Hélas  !  &  pour  moi  feui  change- t*il  cette  loi  ? 

Rien  n'aime  moins  que  vous  >  r^en  n*aime  tant  que. 

Généreux  Montau^ier  >  dont  Tame  vigilance 
Aflure  le  repos  des  Bergers  de  Charance ,  » 
Qui  des  lauriers  de  Mars  tant  de  fois  couronné  » 
Des  lakiriers  d' AppoUon  fais  gloire  d*être  orné  ; 
Daigne  pour  un  moment  fur  cette  fraîche  rive 
Oiiir  de  mon  Berger  la  mufcttc  plaintive, 
Ainfi  tout  rUnîvcrs  de  Julii  *  &  de  toi 
Entende  ia-louange ,  &  l'aime  comme  moi.  i 

A  M  I  X  E. 
4  Tandis  que  je  vais  voir  mon  adorable  Amîrc^ 
Garde  bien  mes  troupeaux  mon*fidelle  Tityre. 


^  ..." 


■^T 


1  Rivière  du  Poitou ,  derAngoumois,dclaSaimonge^ 
du  pays  d*Aunis. 

2  Julie- Ludne  d' Angennes ,  Marquife  de  RamboiiiUet& 
de  Pifani ,  que  M.  le  Duc  de  Momauziei  recherchoic  en  ce 
tems-Iâ  ,  c'cîl-à  -  dire  vers  l'année  i  ^4  f . 

}  Le  Çcavant  M.  Ogier  a  fait  Air  cette  Egtogue  une  difTer- 
ration  cres-cufiet»re  ^  où  H  fait-TurtOHt'TeBttrcombicnM.  de 
Segr  A I  s ,  dans  ce  qu'il  a  imité  de  Virgile  >  a  A^u  enchérir  fut 
fon  original. 

4  Titire ,   dum  redeo  ,  brevis  efl  via  >    fafce  capelUjs 
Virg.  Egl.  p. 


14     BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

X  L'aftre  heureux  &  brillant  de  la  Mère  d'Amour^. 
Sbuais.  de  Taurore  vermeille  annonce  le  récour. 

Il  cft  tems  de  partir ,  adieu  *  mon  cher  Tityrc. 
^  Garde  bien  mes  troupeaux  ,  je  vole  vers  Amice. 

Soit,quand  je  revleudrai,touc  le  Clei  en  courroux^ 
S'il  me  donne  en  allant  un  tems  (èrain  &  doux  » 
Bourvu  qu'enfin  j'arrive  &  qu'an  moins  je  la  voye» 
Que  je  meure  auffi-tôt ,  je  mourrai  plein  de  joyp^; 
Qui  peut  en  être  vu  d'un  regard  amoureux  » 
Ne  peut  jamais  avoir  un  deftin  malheureux; 
Que  fait-elle  à  préfent  \  De  quoi  s'entretient-elle  ^ 
Od  dois-je  en  arrivant  rencontrer  cette  belle  ? 
Sera-ce  (bus  ces  pins  aux  rameaux  toujours  ver^s  » 
^  Od  j*ai  gravé  nos  noms  en  cent  chîfires  divers  \ 
Sera-ce  aux  bords  fleuris  de  la  claire  fontaine  » 
Od  je  lui  découvris  mon  amopreufe  peine  ? 
£t  que  doit  mieux  fentir  un  véritable  amour , 
Ou  l'ennui  de  rabfence ,  ou  l'aife  du  retour  ? 
Enfant,  maître  des  Dieux ,  qui  d'une  aîle  légece» 
Tant  de  fois  en  un  jour  voles  vers  ma  Bergère  « 
Dîs-luî  combien  loin  d'elle  on  foufFre  de  tourment: 
Va ,  dis-  lui  mon  retour,  puis  reviens  promprement^ 
(  Si  pourtant  on  le  peut  quand  on  s'éloigne  d'elle  ) 
M'apprendre  comme  elle  a  reçu  cette  nouvelle^ 


mm 


I  EcceDion^iprocefuCétfarisaPrum,  Virg.Egl.^i, 
»  Tenerifque  mtos  incidere  dmwft 

JtrkorihHt,,,,  Virg,  Egl,  lo. 


LIVRE    XI.  iç 


■ 


O  Dkux  •  que  4e  plûflr  »  fi  quand  j'arriverai , 

Elle  me  voit  plutôc  que  je  ne  la  verrai  »  Sx^JlA|l 

£c  du  haut  du  coteau  >qui  découvre  ma  route  • 

En  s*écriant ,  c'eft  lui  »  c'eft  lui-même  fans  doute  » 

Pour  defcendre  en  la  rive  elle  ne  fait  qu'un  pas» 

Vient  jufqu'à  moi  peutnêtre ,  &  me  tendaat  les  bras^ 

M'accorde  un  doux  baifèr  de  fa  bouche  adorable  4 

Bai(èr  frivx»le  &  vain  >  &  pounant.déleâable» 

Et  qui  marque  £  bien  à  mes  douces  langueurs 

L'ineftioiable  prix  des  plus  grandes  faveurs. 

Inutilçs  pen(crs ,  ou  peut  étriP  men(bnges  ! 

>  Un  amant  O^ns  dormir  fe  forge  bien  des  (bnges. 

Qui  ne  (çait  que  (ouc  change  en  l'empire  amoureux  j 

Et  qui  peut  être  abfeat  &  s'eftimer  heureux  ? 

Mais  pourquoi  s'affljger  d'une  crainte  mortelle  , 

Pouvant  tout  e(pérer  de  mon  amour  fidelle  ? 

Efpoir,  qui  (èul  fais  vivre  un  malheureux  amant  ^ 

Ke  m'abandonne  pas  en  cet  éloigqement  -y 

Tu  pourioîs  adpucit  la  plus  cruelle  abfence , 

Si  tu  ne  venois  point  avec  l'impatience. 

Que  loin  de  fa  Bergère  on  fent  durer  les  JQurs  l 

Et  qu  auprès  ^elleauffi  lesplusiong&femblentcoursl 

Aflîs  tons  deux  à  l'ombre  au  pied  de  ce  grand  li£tre| 

Ou  par  (q|i  jugement  ma  mufètte  champêtre 

Sur  nos  jeunes  Bergers  la  guirlande  gagna , 


X  4n  qui  amant ,  ipJtfibifommafingMntiyiTj^,ï^l,$^ 


16     BIBLIOTHEQUE    POETIÇ^UE. 

Charité ,  me  dira-t'ctlc ,  &  ne  ccfle  de  dire 
llGRAis.  La  chanfon  que  tu  fis  pour  ta  fidelle  Amire. 

Ton  clianc  me  cfharme  plus  que  celui  des  oifeaux; 
J*Uiine  moins  qi^e  ta  voix  ie  doux  bruit  des  raK* 

fçaux  -, 
Alors  la  regardant ,  Se  la  voyant  fi  belle , 
Amour  m'échaufFera  d'une  flamme  nouvelle; 
Peut-être  aufii  qu'alors  Amour  la  touchera  ^ 
Elle  vaudra  répondre ,  &  fa  chanfon  fera  , 
Qui  chfintera ,  Berger  ,  û  ton  Iris  ne  chant«« 
Iris  donc  ton  amour  rend  Famé  fi  contente  } 
Elle  accompagnera  Faimable  nom  d'Iris 
D'un  rcgard'languifTant ,  '  d'un  gracieux  fourîs , 
Interprètes  du  coçur ,  qui  fembleront  me  dire  » 
Sans  la  peur  de  rougir  elle  auroh  dit  Amire. 
Ainfi  puifTe  couler  le  refte  de  mes  jours  , 
Adorant  fbn  vifage  ,  admirant  (on  difcours  : 
*  O  les  difcours  charmans ,  ô  les  divines  chofes  , 
Qu'un  jour  difolt  Amire  en  la  faifon  des  rofes  ! 
Pourx  zéphirs  qui  régliez  alors  dans  ces  beaux 

lieux,    ' 

U*en  jortâtes-voui  rien  aux  oreilles  des  Dieux  ? 

Tels  étojcnt  les  pehfers  de  l'amoureux  Cléandrc, 
RctourHant  vers  les  bords  du  Celtique  Méandre  j 


1  0  qtMtiestJr  tiu^  Hobis'Gahteéi  locntMefl  ? 
Pdrtem  aliquam  ,  Venti  ,  BivHtn  referatis  ad  sutres, 

Retournanc 


L  I  V  R  E    X  L  17 

Car    quiconque  a  vu  COrne  aux  tortueux  ié- 

^ours,  SïGRAW. 

Au  Méandre  fameux  a  comparé  Ton  cours. 

ENDROITS  CHOISIS  DE  LA  TRADUCTION 

D£  l*£n£Ide  de  Virgile* 

Dv   LirHE   L 

Haine  de  Junon  contre  les  Trcyens.  Ecle ,  à  fa  prière 

excite  une  temfètepour  les  fubmerger^ 

Ueftune  tappaife, 

Ont-ils  vaincu  ,  dit-elle ,  &  ma  haine  im- 
pulsante 
Verra-t'clle  aborder  leur  flotte  triomphante  ? 
Je  ne  puis  Técarter  du  rivage  Latin  , 
Et  partout  je  me  trouve  efclave  du  Dcftin  ! 
Qui  ne  fçait  que  Pallas  ,   pour  mettre  Ajax  en 

poudre , 
Sur  la  flotte  des  Grecs  a  pu  lancer  la  foudre  1 
A  pu  la  dilTipcr  yl*abuner  fous  les  eaux  ? 
Pour  le  crime  d'un  fcul  perdre  mille  Vaiflcaux  2 . 
Qui  me  reconnoitra  déformais  pour  Déefle  , 
Et  qui  craindra  Junon  après  tant  de  foiblefTe  ? 

Roulant  ces  foins  divers  dans  fpn  cœur  irrité , 

Son  char  paffe  les  airs  d'un  vol  précipité  « 

£t  vient  aux  creux  rochers  des  Eoliques  plages  # 

Ix  nébuleux  féjour  des  vents  &  des  orages. 
Tome  III.  B 


i8     BIBLIOTHEQUE   PORtiqifE. 

Là  ,  le  Dieu  qui  régit  cesifujccs  mutinez , 
IGJLAIS     ^^^  dompte  ,  les  enferme  ,  &  les  tient  enfermez. 
Ils  grondent  fous  ces  monts,  ils  (è  livrent  la  guerre). 
Pour  (c  faire  pafFage  ils  ébranlent  la  terre  : 
Ils  tremblent  toutefois  à  Tafpe^t  de  ce  Roi , 
Qui  reprime  leur  fougue ,  &  leur  donne  la  loi.» 
Ce  fbuverain  Monarque  efl:  le  fuperbe  £ole  ; 
C'efl  à  lui  que  Junoa  adreffe  fa  parole. 

Toi  qui  reçus  des  vents  le  fceptrc  impérieux  ^ 
Par  le  Roi  des  mortels  ,  &  le  Père  des  Dieux  \ 
Les  Trdyens  fugitifs ,  ces  objets  de  ma  haine , 
Avec  leurs  Dieux  vaincus  fendent  la  mer  Tyrrhenc  » 
Bravent  înfblemment  tous  mes  divins  efforts  > 
£t  tranfportent  Pergame  aux  Italiques  bords. 
Abandonne  à  tes  vents  les  campagnes  ameres  } 
Pourfuis  >  difperfe ,  abîme  &  nochers  &  galères  : 
Ainfî  je  te  promets  le  fort  le  plus  heureux 
Dont  (è  puîife  flatter  un  efpoir  amoureux. 
De  mes  Nymphes  l'honneur ,  Taimablc  Déjopée , 
D'un  doux  trait  de  fes  yeux  a  ton  ame  frappée  ^ 
Tu  Taimes ,  elle  eft  belle ,  &  j*en  puis  difpofcr  j. 
Penfe ,  pour  me  fervir ,  que  m  dois  tout  ofer. 
£ole  lui  répond.  Commandez  ,  grande  Reine  ^ 
C'eH:  à  moi  d'obéir  ,  &  j'obéis  fans  peine., 
il  dit  »  ^  d'ui^grandcoupilrenverfe  le  mont. 


Des  promptf  enfans  de  l'air  la  mutine  colporte  y 
Du  raoiadre  jour  ouvert  s'ouvre  une  large  pone  ^ 


LIVR  E     X  L  19 

Ils  fortent  tous  en  foule  ,  &  ce  gros  bataillon 

Elève  dans  fa  courfc  un  épais  tourbillon.  Secraii 

La  Terre  en  efl  émû*é  }  ils  paflent  fur  les  ondes  s 

La  mer  en  voit  ouvrir  fes  entrailles  profondes , 

Eure  le  redoutable ,  Aquilon  le  neigeux  , 

Et  rhumide  Afriquain  plus  que  tous  orageux  > 

Changent  Tazur  poli  des  liquides  campagnes  » 

En  rochers  écumeux  »  en>  bruyantes  montagnes. 

Des  cordages ,  des  cris  ,  (budain  (tffle  le  bruit  \ 

Sous  un  nuage  épais  le  ciel ,  le  jour  s'enfuit  ^ 

La  nu  it  vient ,  Téclair  bnlle  ,  &  le  tonnerre  gronde  ^ 

Tout  pré(ènte  la  mort  aux  yeux  de  tout  le  monder 

Enéc  en  cft  {urprîs ,  il  levé  au  cî^l  les  yeux , 

Et  déplore  »  en  ces  mots  >  (bn  (brt  injurieux. 

O  trois  &  quatre  fois  mort  bienheareufê  &  belfe^, 

La  mort  de  ces  Troyens  ,  qui  d'une  ardeur  fîdelle  y 

Combattant  près  de$  mûri  de  leur  tride  cité , 

Aux  yeux  de  leurs  parcns  perdirent  la  clarté  ! 

Pourquoi ,  fils  de  Tydéc ,  auï  combats  indomp* 

table , 
N'ai  "je  fini  par  toi  mon  deftîn  tamentablc  » 
Où  le  fier  Shnoïs  roule  encore  les  os  , 
Les  cafques ,  tes  pavois  de  tant  de  grands  Réros  ! 
A  ces  mots ,  1*  Aquilon  s*entonfle  dans  les  voiles  • 
Pouffe  avecque  foreur  les  fh]vs  jutqu  aux  étoiles^ 
La  rame  rompt  aux  mains  du  nocher  rebuté' | 
La  nef  tbtjtne  la  ptouë^«  &  iprête  le  doté  ; 

£c  k  Pilote  cé({è  à  là  vague  aboyante , 

Bii 


20     BÎBLIOTHEqUE   POETIQUE. 

Qu'il  voie ,  comme  un  grand  mont ,  fur  fa  céce 

EGRAis.  pendante- 

Borée  attaquant  feul  trois  des  plus  grands  vai^Teaury 
Les  poufle  fur  un  roc  caché  deffous  les  eaux  ^ 
Trois  autres  fur  un  banc  ,  par  l'Eure  impitoyablç 
Demeurent  enfoncez  (bus  des  monceaux  de  fable. 
Oronte ,  chef  hardi  des  adroits  Lyciens  « 
Du  plus  haut  de  fa  poupe  encourageoit  lesfîens  : 
D'un  front  audacieux  il  brave  la  tempête  -,. 
Le  flot  qui  s'en  émeut ,  s'élève  iur  Ai  tête  , 
Crevé ,  &  tombe  fur  lui ,  montre  un  abîme  ouvert  ^ 
La  nef  tourne  trois  fois  »  difparoît  &  fe  perd, 
Neptune  cependant ,  au  bruit  que  font  les  ondes  ^ 
S'éveille  &  fe  courrouce  en  {es  grottes  profondes  •,. 
paroît ,  &  fur  les  flots  attachant  (es  regards , 
Voit  fon  vaflie  palais  ému  de  toutes  parts. 
De  l'invincible  Enée  il  voit  toute  la  flotte 
Abandonnée  aux  vents  par  le  trifte  Pilote  5 
Il  voit  l'orage  affireux ,  &  par  tant  de  fureur 
JI  reconnoît  la  haine  &  l'efprit  de  fa  Sœur. 
Approchci  E«rc ,  dît-il ,  &  toi  mutin Zéphirc  j; 
Et  par  ce  fier  propos  leur  exprime  fbn  ire. 
Qui  vous  rend  û  hardis ,  fujcts  fédirièux  ? 
£tes-vous  (buverains  de  lar  Terre  &  des  Cieux  ^ 
Pour  venir  fans  mon  ordre  exciter  un  orage  » 
£t  ju{ques  fur  mon  trône  exercer  votre  rage  ? 
Jnfblens.»..  (  mais  il  faut  mes  ondes  applanîr  ) 
Abfous  pour  cette  fois>  tremblez  pour  ravenir  t 


L  I  V  R  E     X  L  11 

Fuyez  vers  votre  Maître  ,  &  lui  faîtes  entendre, 

Qu'à  l'empire  des  Mers  il  cefTe  de  prérendre  -,  SSGRAXi 

Que  par  le  choilc  du  Sort  le  trident  n^eft  qu'à  moi  \ 

Ced  parmi  vos  rochers  qu'il  peut  faire  le  Roi. 


A  peine  il  a  parlé ,  qu'il  rend  le  calme  aux  flots» 
le  jour  à'rUnivcK,  rcfpoir  aux  Matelots. 
Avecque  les  Tritons  les  Nymphes  fecourables 
Dégagent  les  vaifiôaux  ^ç:i  rochers  &  des  fables  f 
Mêmes  où  le  danger  eft  le  plus  évident , 
Neptune  les  fecoun  d*un  coup  de  fon  trident } 
£t  volant  fur  (on  char  par  les  humides  plainef, 
A  &s  chevaux  marins  abandonne  les  rênes. 

Tel  devient  d'uir  grand  peuple  un  foudain  mott-* 
vemenr: 
Ce  monftrc  forcené  dans  (bnempoitemem: , 
De  grais  &  de  tifbns  forme  un  épais  nuage  ; 
Croit  tour  jufte ,  ofe  tout ,  de  tout  arme  fa  rage  %  ' 
Mais  (l- quelque  homme  grave,  à  Tair  impérieux  , 
S'offre  &  mcle  fa  voix  avx  cris  féditieux  s 
On  s'arrête ,  on  l'écoute  ,  &  fa  bouche  éloquente 
Ado«*cît  la  fureur  de  la  foufc  infolente. 
De  la  mer  irritée  ainfî  ccffa  le  bruit  -, 
Devant  Neptune  ainfi  là  tempête  s*cnfuîr. 


•i— *—  I'         • — — — lir 

aa.     BIBLIOTHEQ.UE   POETIQUE. 

Du    Livre    I  L- 

MftAXS»  Mm't  de  Lnocên, 

Laocoii  que  le  Sort  fit  Prêtre  de  Neptune , 
Immoloit  un  taureau  fur  le  haut  de  la  duùe ,  • 
Quand  deux  affreux  fèrpens  (  je  (èns  frémir  mon* 

coeur , 
Et  lefèul  fouVenir  lise  donne  derhorrcur) 
Quand  d*ua  cours  mefuré ,  cette  engeance  reptile 
Abandonne  Ténedfe ,  avance  vers  la  ville , 
Sur  la  mer  applanie  à  l'envi  déployant 
Les  tortueux  replis  de  leur  corps  ondoyant  ;. 
tis  portent  au  deflus  de  la  plaine  mouvante 
leur  col  enflé  d'orgueil ,  leur  crête  rongidànte  % 
£n  cercles  bigarrez  conrbent  leur  vafte  ào%  ^ 
Le  refte  traiae  après  fur  la  face  des  flots  : 
Leurs  r ap  ides  élans  «  &  leur  énorme  queue  » 
Font  écumer  leur  trace,  &  bruire  Tonde  bleû^:  - 
Ils  paiTent  fur  la  terre.  A  ce  flincfte  abord 
S'épand  de  toates  parts  la  frayeur  de  la  mort  *, 
Leurs  yeux  jettent  la  flamme  ,   &  leurs  langue^ 

fifflantes 
Lèchent  les  Cales  bords  dé  leursgtieules  béa(titeSr 
Tout  fuit  fur  le  rivage ,  &  pâlie  de  terreilr  : 
Mais  Laocon  eft  feul  l'objet  de  leur  fureur. 
Ils  attaquent  d'abord  (es  deux  enfans  aimables  ; 
Couvrent  ces  petits  corps  de  leurs  plis  effroyables  ^ 
S'entortillent  autour,  mordent  ces  cendïes  chairs» 
Donc  k  faog  coule  épais  dans  leurs  goflers  ouverts. 


L  l  r  R  E  X  L  1} 

le  père  armé  de  tràitis ,  accourt  tremblant  &  bléme  i 

De  leurs  terribles  nœuds  ils  rétrcigncnt  lui-même».    S£om,'ai 

Ses  mains  font  mille  efibrts  pour  arracher  cea^ 

nçends  \ 
Le  (ang  &  k  venin  coulent  fur  (es  ctieveux  y 
Il  perce  de  (es  cris  la  voûte  étincelance  » 
Ix  mugit  (bus  TefTort  de  fa  douleur  preffante  y 
Comme  le  fier  taureau  qui  s'enfuit  de  Tautel , 
Od  fon  front  mal  frappé  gatichit  au  coup  mortel 

"Etitbrafement  de  Troyei 

Qui  peut  par  un  difcours  aifçx épouvantable  >• 
Taire  de  cette  nuit  la  peinture  effroyable  ? 
Tout  Ilion  n-'efl  plus  qu*uii'va{(e  embrâfèment  ; 
L'ouvrage  de  cent  Rois  périt  enun  moment. 
Les  temples,  les  palais,  font  d'amples  cimetières^ 
Et  les  ruiffcaux  de  fang  débordent  les  rivières. 
La  Parque  confond  tout  -,  (on  aveugle  rigueur 
Souvent  fous  le  vaincu  fait  tomber  Te  vainqueur  ; 
Partout  l'horreur  de  Mars  »  pleurs ,  plaintes  &  cai^ 

nage, 
£r  panout  de  la  raortparoît  rafrreu(e  image. 

D  V    L  I  V  R  B    I  1  L 

Le  Mont  Ethna* 

Dfs  Cytlopes  hideux  nous  abordons  la  plaglb 
Le  port  eft  vafte  &  fur  s  mais  par  tout  ce  rivagçr  - 


EO&AZS. 


34    BIBLIÛTHEQ^UE    POETIQUE. 

^mmÊmÊÊmmmmmmKmtimmammÊimmmmmtmÊÊmmÊmmmÊÊmmÊmmmÊammÊmmtÈÊmmÊtmtm 

■■  •        •.  » 

Ittce/Tamment  d'Ethna  tonne  le  bruit  affreux  : . 
Tantôt  jufques  au  ciel  11  élance  (es  feux  > 
Et  roule  à  gros  bouillons  fur  fa  cime  enflammée 
Un  tourbillon  épais  de  cendre  &  de  fumée. 
Tantôt  dtt'plus  profond  de  (es  gouffres  ouverts , 
furieux  ,  il  mugit ,  &  vomit  d^ns  les  airs 
Du  mont  étinceianc  les  entrailles  brûlantes  » 
£t  les  rochers  fond  us^  dans  fes  grottes  ardenteSr 
On^  croit  que  de  la  foudre  autrefois  tetraifé  j 
Sous  ce  mont  Encelade  eft  encore  oppreiTé  ^ 
Qu'au  moment  qu'il  refpire  «  ainfi  qu*une  fournaiiè» 
Par  ce  gouffre  béant  il  exhale  la  braife  j 
Et  que  rifle  à  l'cntour  tremble  aux  moindres  efforts 
Que  tente  le  Géant  pour  mouvoir  fon  grand  corps. 

I>  jj    L  ï  r  R  B     VI. 

Ùefiription  des  Enfers* 

Cest-la  que  Rhadamante  >  exerce  (à  juftke> 
Découvre  l'impoflure,  &  fait  la  guerre.au  vice  ^ 
Au  crime  en  vain  fecret ,  puifqu  on  n  évite  pa» 
La  peine  &  les  remords  qui  fuivent  le  trépas. 
Ses  arrêts  prononcez ,  Tîiiphone  implacable 
Fait  par  fes  noirs  ferpens  ronger  l'ame  coupable , 
Lui  reproche  fou  crime  ,  in  fuite  à  (es  malheurs  > 
Et  preffe  par  fes  cris  les  inflexibles  Saurs. 


i  Minos ,  Eaque  &  Rhadamante  ^  étoienc ,  félon  la  Fa« 
Me»  Juges  des  IxUius. 

Cctt 


LIVRE      XL  2? 

Ceft-là  que  du  Tarcare  eft  la  caverne  immonde , 

Deux  fois  plus  haute  encor  dans  fa  chute  profonde  »   Seci, 

Que  la  Terre  n'eft  loin  de  l'Olympe  azuré. 

Âuxplux  creux  des  cachots  de  l'abîme  cufbuffré» 

Sont  les  immenfès  corps  des  enfans  de  la  Terre  » 

Les  orgueilleux  Titans  écrafêz  du  tonnerre. 

Là  ,  je  vis  d'Alous  les  fils  audacieux  » 

Qui  brifant  de  leurs  mains  l'épais  criftal  des  cieux  » 

Voulurent  détrôner  le  grand  Jupiter  même. 

lii  9  je  vis  Salmonée,  &  Ton  tourment  extrême  • 

L'arrogant ,  qui  jadis  bravoit  les  Immortels , 

£t  vouloit  ufurper  l'encens  &  les  autels , 

Quand  fur  un  pont  d'airain  pouffant  fbn  char 

rapide  « 
Lançant  (es  feux  ardens  fur  le  peuple  d'Elide  » 
Il  penfbît  imiter  dans  (on  triomphe  vain 
L'inimitable  foudre ,  de  l'immortelle  main. 
Mais  du  grand  Roi  des  Dieux  l'ire  jufle  &  puif- 

fantei 

Lança  non  une  torche ,  &  de  la  poix  fumante  \ 

Mais  perça  le  Tyran  de  (on  foudre  vengeur, 

£t  le  précipita  dans  ces  lieux  pleins  d'horreur.. 

J'en  vis  £ur  qui  pendolt  une  roche  pc(knte , 

Toujours  prête  à  tomber ,  &  toujours  menaçante  : 

Tel  eft  Plrithoîis  brûlé  d'ambition  > 

1^  Lapithes  cruels ,  &  l'impie  Ixion.  , 

Sous  un  fuperbe  dais  le  criminel  Tantale 

Regarde  l'appareil  d'une  table  royale  j 
Tomt  UL  C 


.x6     BIBLIOTHÈqUE;    POETIQUE. 

Mégère  lui  prcfente  une  torche  de  poix  » 
;GRAis.  £c  tonoaotàrencourd'uae  terrible  voix  »' 
Irrite  avec  plàifîr  fa  faim  iiiQiciable  » 
Et  défend  à  fes  mains  d'approcher  de  la  table* 
Les  enfans  révoltez ,  les  frères  ennemis  » 
Le  Seigneur  infidelç  à  {on  vafTal  (bumis^ 
Celui  qui  d'un  Tyran  embrafla  la  quercllç  »      « 
Le  ferviceur  pcrfidç ,  &  le  fujet  rebelle ,. 
Tous  fentent  |uftement  les  tourmens  des  cafers  : 
Chacun  »  félon  fon  crimç  «  éprouve  un  fcKt  divçn.; 

Defiription  dfs  Champs  Efy/tfes. 

Un  air  délicieux  »  une  himiere  pure  » 
Anime  de  ces  champs  l'agréable  peinture,* 
Celui-ci  danfe  à  l'ombre ,  ou  récite  des  vers  i 
Là  le  charmant  Orphée  entonne  (es  beaux  airs  , 
Tantôt  pince  la  corde  en  (on  habit  de  gloire , 
Tantôt  la  fait  parler  foos  fon  archet  d'yvoire. 
Là  font  ces  vieux  Héros  «  ces  Guerriers  généreux  ^ 
Nez  par  l'ordrç  du  Ciel  en  des  tems  plus  heureux  i 
Dardan ,  le  grand  Ilus ,  &  l'illuftre  AiTarace  > 
La  fource  &  la  fplendeur  de  la  Troyenne  race. 
Là  (ont  abandonnez  les  chariots  de  Mars  \ 
Les  chevaux  débridez  par  les  champs  (ont  épars  : 
Les  dards  au  fer  rouillé  (ont  piquez  dans  la  terre  i 
Celui  qui  s*exçr(oit  autre&is  pour  la  guerrç  » 
A  conduire  fon  char ,  à  dre(fcr  fes  chevaux , 
Dans  ces  beaux  lieux  s'exerce  à  ces  nobles  travaux* 


L  I  V  R  E     X  I.  47 


Deçà  delà  far  Thcrbe,  on  yok  les  taUes  prêtes  $ 

Sans  ceflè  Us  font  aux  Dkux  de  folcfanelks  iëtcs  »    Ssau 

Dans  un  bois  odorant  de  lauriers  tovjoors  rerds , 

Quarrofe  l*£ridan  par  ceac  replis  divers. 

Le  front  ceint  de  bandeaux  en  ce  lieu  de  délices , 

Sont  les  Prêtres  exempts  de  (bnillure  &  de  vices , 

Ceux  qui  pour  leur  pays  (bût  moitsaaz  champs  de 

Mars, 
Ceux  €gac  resdic  &inetix  l'isivttteioti  des  Arcs» 
Les  Poëtes  ditias  *  dont  la  céleAc  flamme 
A  montré  qu'Apollçn  illuminoit  leur  ame  \ 
Tous  ces  nobles  efprits ,  dont  les  faits  généreux 
Affranchirent  leur  noaa  de  Toubli  cénétveiix^ 

Immortalité  de  ti^mè. 

De'^  leac  cottnencement  le  ciel  «  la  tcfic  % 

Tonde , 

Les  flambeaux  éternels ,  la  lune  vag^^bonde» 

Reçurent  un  efprit  »  qu'au  dedans  enferma  • 

£c^tt=cnorctieot  cott}oui!S  k  Oieu  qui  les  fbmuu 

Par  le  Vafte  Univers  cette  ame  répandue  » 

De  ces  immenfes  corps  anima  retendue  : 

La  terre  fe  peupla  d'hommes  &  de  troupeaux  ^ 

L'eau  de  poif&ias  divers  ^  l'air  d*iafinisoxfeaux  : 

Notre  eflenct  marquant  fa  célefte  origine , 

Conferveroit  du  leula  nature  divine  > 

Si  (on:  aâlvitsé  ne  fe  rctardoit  pas 

Parnit  corps  fuit  de  terre  ;  &  fujct  au  trépas. 

C  i  j 


a8     BlBLIOTHEqUE    POÈTiqUE. 

De^à  naîc  la  4pulcur ,  de^là  naît  rall^reâé  y      '^ 
G^4i?.   U  dcfîr  plein  d'cfpoir ,  rcffroi  pldn  àa^  trlfteflc ,  ^ 
Epfan^  impétueux  des  rebelles  efibits      ' 
Pe  refpric  ennuyé  de  la  ptiTon  du  corps. 

Science  de;  Romains, 

D*AUTac$  peuples  fcauronj:  l'art  d'animer  le 
cuivre^ 
Leurs  marbres  tèmbleronc  êc  refpirer  fi:  virre  ^      ^ 
D'autres  de  réloqaence  emporteront  le  prix , 
Ou  décriront  TOlympe^  6c  Ton  riche  lambris. 
Ton  art ,  Peuple  Romain ,  ton  illuftre  fcience , 
Sera  d'aflèrvir  tout  à  ta  vafte  puifTance  > 
De  te  rendre  en .  tous  lieux ,  dans  jia  guerre  ou  la 

paix, 
L'effiroi  des  Ennemis ,  Se  l'amour  des  Sujets.  >    ' 

I  A  juger  de  l*£DêïcIe  4e>i.  de  Segrais  ,  par  ce  qu'on  en 
vient  de  lire,  on  aura  fans  doute  peine  à  croire  qu'un  de 
nos^lus  grjujds  ^oçtes  ait  avancé  qu'elle  étoic  écdie  ço  ftiJ« 
de  Chappelain.  M:  de  la  Monnoye  ,  bon  juge  en  ces  fones 
de  matière!^  arçadu  plus  de  |ufticeànotre  Auteur  dans  If 
Madrigal  fuivant. 

.  Quand  SnQXAis  ,  affrdmhi  des  ierrefires  liens  » 
Defcéndit  plein  de  gloire  aux  Champs  Elifiens  « 
Virgile  en  Beau  François  lui  fit  une  harangue  j 
£/  ç^mme  à  ce  difcours  Segilai  s  parut furpris  ^ 
Si  jefçai ,  lui  ditM ,  le  fin  de  votre  Langue  , 
Cefl  vous  qui  rue  tave^appris. 

Ce  Madrigal ,  imprimé  dans  quelques  Recueils  fous  le  acei 
de  M.  TAbbé  Tcini  «  çft  %cmem  de  M.  de  la  Monnoye. 


LIVRE      XL  %9 


EXTRAITS  DES   GEORGIQUES, 

OUTRÀCB    POSTHUME    D£  M.    DE     >     SEGRAIS. 

Jb   U       t   I   y  Jt  E       j. 

\ 

Hivers  frodige  S  arrivez  ^  U  mort  de  Ci  fur.  Vriere 
four  la  confervstion  tCAugufie. 

Des  phancômes  affreux  ,  d'cpoii  va  arables  voix* 
Redoublèrent  Thorreur  de  la  nuit  &  des  bois.. 
Sortant  loiii  de  Tes  bords,  TEridan  Roi  des  Fleuves 
LaiiTa  de  (a  fureur  de  lamentables  preurcs , 
Défaclnà  lefs  bols ,  &  roula  dans  fes  eaux 
Sur  les  champs  inondez  cabanes  &  troupeaux  : 
Les  viâimes  janiais  plus  de  morts  n'annoncèrent; 
Les  puits  )  de  fang  humain  en  cent  lieux  regorge-* 
teilt  :  ^ 

Au(&  vît-on  deux  fois  Roj^ains  contre  Romains , 
De  javelots  pareils  Cnfanglanter  leurs  mains  \ 
Et  le  Ciel  ordonna  que  le  fang  d'Italie 
Deux  fois  engfàifTcroît  les  champs  deThefTalîe. 
CourM|far  fa  charrue  «  un  joUr  le  Laboureur 


■Md 


.1         -   '- 


I  On  a  gravé  au  bas  de  (bu  porcrak ,  qui  eft  à  la  tête  de 
cette  traduâioo  »  lei  Vers  fuivans* 

ï}âns  met  verte  fajjhn  une  jeune  Mattrejje 

MHnpruipt  a  parler  d*afnoUr  i 
Dans  un  âge  pins  mûr  Courtiféin  fans  bdjfefit , 

9n  me  'vitparoitre  à  la  Cour  i 
Et  cet  ouvrage  enfin  qu*un  ami  met  au  jour , 
F,ut  U  fruit  inMO€enS  d'jmt  pifive  wilieffe, 

Ciij 


S£GR 


I  .  •:> 


50        BIBLIOTHEQUE    PÔETiQUE. 

Sur  ces  champs  déccftez ,  non  fans  quelqaé  frayeur , 
,'K  Al  s.  Verra  devant  le  foc  rouler  les  cafques  yuidcs  » 
£t  le  fer  enrooilté  des  armes  parricides  j 
Ou  crcufanc  les  tombeaux  >  furpris  Se  curieux  , 
A  la  grandeur  des  os  attachera  fes  yeux. 
Père  &  Roi  des  Romains ,  fils  du  Dieu  des  ba- 
tailles 3 
Proteûrice  âa  Tybre  >  appui  de  nos  murailles , 
Tucélâire  Vefta ,  Dieux  pénates ,  au  moins 
A  conftrver  Auguftc  appliquez  tous  vos  Ibîns  : 
D'aiTez  &  trop  de  fang ,  verfé  pour  une  injure  , 
Votre  Rome  de  Troye  expia  le  parjure.. 
Citez  contre  citez  s'arment  de  toutes  parts  ; 
Du  Parthe  3c  du  Germain  flottent  les  étendards  ^ 
Et  Mars  court ,  forcené ,  de  l'un  à  l'autre  pôle  : 
Ainfi  hors  de  la  lice  un  char  léger  s'envole...» 

Dit    L  j  y  X  b    IV. 

Orfhi$  dêfitnd  aux  enfers  four  en  retirer  Euridia^ 

Sa  mortt 


S£U  L  au  milieu  des  bois  dans  les  (ombres  vallée»  ^ 
Sur  ùl  harpe  chantant  £c&  amours  défolées , 
Du  matin  jufqu'au  foir  rinconiblable  Epoux 
Aux  arbres  >  aux  rochers  nommoit  un  nom  (I  doux. 
Il  tenta  des  enfers  l'entrée  épouvantable  : 
Perçant  une  forêt  an  jour  impénétrable , 
II  péuécia  fans  peur  les  palais  (buterrains 


l  I  V  K  E    X  L  j  I 

Da  Modarque  inflexible  aux  plaintes  des  bu- 

Dans  le  féjour  des  Morts  Us  pâllflances  Ombres 
Accourent  à  fon  chant  de  leurs  demeures  (ombres. 
•     «.•*••••••••••« 

Confondus  dans  la  boue  au-delà  du  Cocyte , 
Tous }  fans  dlftlnâlon  de  rang  ni  de  mérite  f 
LanguifTent  fans  efpoir  de  retourner  au  jour  j 
Le  Stix  par  neufs  replis  s'oppofc  à  leur  retouc» 
Dans  le  fond  du  Tartare  on  vit  jufqu'aux  Furies  » 
Pour  la  première  fois  ^  fènfîbles ,  attendries* 
Iiion  vit  fa  roue  arrêter  à  fa  voix  ) 
Cerbère  donna*  trêve  à  fes  triftes  aboli. 
Déjà  s'en  revenant  avec  fa  prî(bnniere , 
Euridlce  après  lui  marcboit  vers  la  lumière  î 
{  Telle  de  Proferpine  étoit  la  dure  loi  ) 
Quand  (on  amour  trop  vif  lui  fit  manquer  de  foi  $ 
Un  regard  imprudent  (  ofFenfe  pardonnable , 
Si  jamais  pardonnoit  l'enfer  inexorable  ) 
Lui  fit  voir  Ëuridice  abîmée  en  la  nuit , 
Et  de  fes  vains  travaux  y  remporter  le  fruit  : 
Du  traité  rigoureux  il  fentit  la  rupture  > 
Et  trois  fois  des  enfers  entendit  le  murmure. 
Erudice  s*écrie ,  ô  malheureux  Epoux ,  • 

Quel  obflacle  nouveau  me  fépare  de  vous  ? 
Il  faut  vous  perdre  encore ,  &  la  nuit  éternelle 
Pour  la  deuxième  fois  affiége  ma  prunelle  -y 

Euridice  entraînée  aux  antres  foutcrrains  « 

C«  •  •  • 
iiij 


I 

H 


^^^mmtmmmmmmmmmmamm^mmmÊ^mmmamm^mmm^^ÊmL.^. 


1%       BIBLIOTHEQUE     FOETIQUE. 

Hors  d'efpoir  d*être  à  vous  >  vous  tend  fes  foiblcr 
sRAis.  mains.  > 

Adieu  *  fidelle  Orphée.  A  ce  triftc  langage , 
L'ombre  s*écoule  en  lair  comme  un  fubcil  aaage  / 
Il  ne  peut  TembrafTer ,  elle  ne  le  vit  plus , 
Elle  n'entendit  rien  de  fes  cris  fuperâus  j 
Caron  le  repoufla  de  la  barque  fatale  , 
£c  fa  femme  deux  fois  fendit  l'onde  infernale. 
Que  faire  pour  toucher  les  mânes  de  Ces  pleurs  } 
Et  quel  des  Dieux  pourroit  implorer  fes  douleurs  ? 
Sur  les  bords  du  Strymon  ,  dans  une  roche  creufe, 
'.   Sept  miois  il  déplora  (on  amour  malheureufè)         ; 
Les  tygres  adoucis ,  les  chênes  dans. les  bois  » 
S'émurent  aux  accens  de  fa  charmante  voix. 

Telle  fur  un  ormeau  la  trille  Philomele 
Pleure  de  (es  petits  Tavanture  cruelle  > 
Lorfque  nuds  &  fans  plume  un  pafteur  inhumain 
Les  enlevé  à  fes  yeux  d'une  barbare  main  ^ 
Toute  la  nuit  en  pleurs  fon  douloureux  ramage 
De  longs  gémiffemens  remplit  tout  le  boccage. 
Des  plus  rares  Beautez  vainement  recherché  > 
Son  cœur  de  nul  amour  ne  put  être  touché. 
Au  bord  du  Tanaïs  fur  des  rives  déferres , 
De  neiges ,  de  frimats  &  de  glaçons  couvertes , 
if  cherchoit  Euridice ,  8c  plaignant -fes  malheurs  , 
Repcochoit  à  Pluton  fes  frivoles  faveurs. 
Aux  fêtes  de  Bacchus,  les  Dames  de  la  Tbrace  y 
Ne  mettant  plus  de  frein  à  leur  barbare  audace , 


LIVRE     XL  3f 


m 


Pçar  punit  Tes  mépris^dans  leurs  jaloui  cranfpoRS , 
Le  percèrent  de  dards  ,  déchirèrent  Ton  corps  j  Seck  a 

De  Ces  membres  épaâ-s  fa  cécdrépari^renr, 
£c  non  fans  quelque  horreur  dans  l'Hebre  le  plon- 
gèrent. 
Là  roulant  furies  Aots  ,  d'un  lamentable  ton , 
D'Euridice  fa  langue  encor  nommoit  le  nom  i 
Malheureii(è  Euridice  !  écho  (ur  le  rivage 
Répondoit ,  Euridice  >  en  (on  trlfte  langage. 

Epilogue  de/es  Poefies ,  imité  de  l»fin  des  Georgiques» 

Ainsi  foulant  aux  pieds  Thonneur  imaginaire  ^ 
L'avare  faim  de  Tor ,  &  Terreur  du  vulgaire  > 
Même  fans  concevoir  la  noble  vanité 
Qui  naît  du  doux  penfer  de  TimmortaUt^  ^ 
Aux  bords  délicieux  de  nos  claire»  fontaines  » 
Je  chancois  mes  p(ai(irs>  je  foupirois mes  peines^ 
Je  goûtois  eti  repos  de  céleftes  douceurs  > 
Plus  poffedé  d'amour ,  qu  infpiré  des  neuf  Soeurs. 
Pendant  que  pour  le  Ciel  foucenant  feul  la  guerre  » 
Mon  Roi  tournoit  fur  lui  tous  les  yeux  de  la  Terre  t 
Etoit  l'appui  des  bons  >  la  terreur  des  pervers  • 
Et  l'objet  qu'Apollon  eue  choifi  pour  fes  vers  : 
Pendant  que  frémifToit  à  fa  feule  parole 
La  Difcorde  François  ,&  l'Envie  Efpagnole^ 
Et  que  du  premier  coup  de  fon  fceptre  fameux 
On  les  vit  à  fes  pieds  trébucher  toutes  deux« 


H       BIBLIOTHEQUE    POETIQJJE. 


PERRAULT. 

^  Harles  Perrault  ,  de  TA- 
cadémie  Françoife ,  &  Contrô- 
leur Général  des  Bâtimens ,  étoit 
né  avec  un  goût  décidé  pour  les  Sciences 
&  pour  tous  les  beaux  Arts*  Honoré  de 
Feftime  &  de  la  confiance  de  M.  Colbert , 
il  féconda  de  toutes  fes  lumières  &  de  tout 
fon  zélé  la  forte  paifion  de  ce  Minifbe 
jpour  la  grandeur  de  ion  Maître  )  &poitf 
la  gloire  de  fa  Nation.  Peintres  >  Sculpr 
teurs  9  Architedles  ^  Phyficiens ,  Aftro*. 
nomes ,  Poètes ,  Orateurs  furent  produits, 
mis  en  œuvre ,  &  récompenfez  y  chacun  s 
félon  fes  talens.  M,  Perrault ^  fansfafle 
&  fans  intérêt ,  donnoit  le  mouvement  à 
tout.  Trop  content  de  Êdre  valoir  le  mé- 
rite des  autres ,  de  folliciter  &  d'obtenir 
des  grâces  pour  eux ,  il  bornoit  au  feul  éta- 
bliflementde  leur  fortune  tout  l'avantage 
de  fa  grande  faveur.  Elle  finit  avec  la  vie 


.-■  t 


miÊÊÊÈm 


L  I  V  R  E     X  L  5/ 

du  Miniftre ,  &  M.  Perrault  éprouva 
dans  cette  occafion  ce  qui  n'eft  que  trop 
ordinaire  à  fes  femblables ,  l'ingratitude 
de  plufîeurs  faux  amis.  Sa  maifbn  »  fi  firé* 
quentée  auparavant ,  devint  fblitaire  ;  &  la 
grandeur  dupofie  qu'il  avoit  occupé  luiliil* 
cita  nombre  de  traverfes  :  mais  il  fçut  ren- 
dre inutiles  tous  les  efibrts  de  fes  envieux  i 
en  retournant  à  la  vie  paifible.  Ceft  alors 
qfj^enveloppé  dans  fa  vertu  >  &  riche  de  â 
modération  ,  il  dévoua  tout  fbn  loifir  aux 
Mufès.  Tantôt  enjoué  ^  tantôt  férieux  >  il 
s'.exerça  à  divers  genres  de  Poëfies  »  qui 
£3nt  voir  tout  à  la  fois  la  &cilité  de  fon 
génie  &  la  fécondité  de  fbn  imagination. 
Son  Dialogue  de  P Amour  &  de  V Amitié  a 
été  reçu  (  de  l'aveu  même  du  plus  redou^ 
table  de  fes  adver&ires  )  avec  un  applau** 
diflêment  univerfel.  Ses  ParalelUs  des 
Anciens  &  des  Modernes ,  font  bien  écrits  ; 
&  le  fond  de  la  queftion  à  part  >  il  y  a  mille 
choies  dans  ce  Livre  qui  méritent  fort  d'ê- 
tre lues.  Ceft  dommage  que  l'Auteur, 


KAULt 


ÉmÊÊâ 


^6       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

pour  avoir  voulu  trop  donner  à  la  gloire 
^^^"  de  fon  fiécle  ,  n'ait  pas  rendu  aflez  de  luf* 
tice  aux  grands  Originaux  de  T  Antiquités 
Plufieurs  méprifes  qui  lui  font  échappées  à 
kur  égard ,  ont  été  rélevées  par  le  Tra- 
duâeur  de  Longin  ^  dans  fes  réflexions^ 
fur  quelques  paifages  de  ce  Rhéteur  ;  mais 
non  content  d'éguifer  fes  traits  y  il  les  a 
fouvent  empoifonnez;  M^  Perrault  ter-» 
mina  glorieufement  fes  travaux  littéraire^ 
far  Y  Eloge  Hiftorlque  £unt  jaftte  det 
Grands  Hommes  qui  ont  far  u  dans  le  dix" 
fiftiéme  fiécle.  Il  fe  préparoit  ï  donner  un 
Livre  intitulé  le  Cabinet  des  Arts  y  lorfque 
ia  Hîort  le  furprit ,  &  priva  le  Public  de 
cet  Ouvrage  dont  la  Renommée  parloit 
déjà  fon  avantageufement..  Vrai  en  toutes 
/  chofes  5  &  d'une  candeur  admirable  daiis^ 
fes  mœurs  ;  plein  de  zélé  &  de  tendretfe 
pour  fes  amis  ;  définterrèffé  jufqu'à  éviter 
même  les  gains  les  plus  innocens ,  tou- 
jours égal  dans  l'humeur ,  &  toujours  ai- 
mable dans  la  focieté,  M.  Perrault. 


L  î  V  R  E     X  I.  î7 


«  ,fçut  unir  en  lui  dès  Tâge  le  plus  tendre , 
le  bel  efprit  &  la  fageffe ,  l'honnête  hom* 
me  &  le  Chrétien.  Jl  ^voit  été  reçu  à  T  A- 
cadémie  Françoife  cniôji.  &  mourut  à 
Paris  en  1705.  âgé  de  jô  ans.  Son  corps 
efl  inJiumé  à  Saint  Benoît.  Les  Chanoines 
de  cette  Eglife ,  en  reconnoiffance  d'un 
fervice  fignalé  que  M.  Perrault  leur 
avoit  rendu  9  ont  mis  dans  leur  Chapitre 
fon  portrait ,  avec  cette  infcription  du  fa- 
meux Santeiiil  : 

i 

Nullius  iUe  artU ,  virtutis  nullius  ex^ers, 
Refiituit  nofiros  violati  juris  honores. 

Le  célèbre  Claude  Perrault ,  de  l'Acadé- 
mie Royale  des  Sciences ,  étoit  fon  aîné.  H 
avoit  deux  autres  frères ,  doiit  l'un  étoit , 
ce  femble,  Receveur  général  dès  Fmances; 
&  l'autre  >  Pf éfident  de  la  Chambre  des 


t  Voyci  fon  éloge  ftmêbrc  ,  prononcé  par  M.  l'Abbé 
Tallsmand  dans  une  féanc«  jpubll^ue  4c  l'Académie  Fran- 
çoife. 


«H 


Per- 


fîr       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

G>mptes  9  Intendant  '  ic  chef  du  Confèil 
dç  M*  le  Prince. 

ODES. 

Sur  U  Paix  dif  Pyrénées, 

Uses  >  quelle  eft  votre  joye  » 


M 


De  voir  qu'en  ce  jour  heureux 
Enfin  le  Ciel  oous  envoyé 
Le  doux  objet  de  nos  vqeux  l 
Donnez-en  d'illuftres  marques , 
Puifque  de  tous  les  Monarques 
Le  plus  grand  qui  fut  jamais. 
Descend  tout  brillant  de  gloire  » 
Du  beau  char  de  la  Vidoire . 
Afin  d'embrafier  la  Paiz^ 

Si  ce  Prince  magnanime 
Elit  toujours ,  d'un  même  pas  , 
Suivi  l'ardeur  qui  l'anime. 
Et  qui  le  porte  aux  combats  ; 
Par  tant  d'exploits  admirables , 
A  nos  neveux  incroyables , 


t  Le  monument  çn  bronze  qu'il  a  fait  ériger  au  gran4 
Prince  deCoodi  liaos  TEglife  «iet  R&.  PP.  Jéûiites  de  £i  niS 
Saine  Ancoioe ,  &  qui  a  coûté  plus  de  xooooo  liv.  eft  ua 
monument  â  jamais  durable  de  fon  zélé  pour  la  gloire  de 
ifijn  MsUcce  >  ^  de  (a  leconnoilTaDce  pour  Ces  bienigits. 


L  I  V  R  E     X  L  3> 

Il  alloit  fe  (ignaler  » 

Que  votre  Arc ,  qui  toat  farmoiicç , 

Eût  enfin  teçu  la  honte 

De  ne  le  pas  ^aler. 

Quittez  donc ,  en  cette  fête. 
Le  trop  pénible  laurier  » 
£t  n^ombragejp  votre  tçte 
Que  de  mlrthc&  d'olivier  : 
JLoin  de  vous  le  Dieu  des  armes  » 
Des  combats  &  des  allarme$  ^ 
£t  ne  chantez  déformais 
Sur  votre  lyre  d'y  voire  # 
Que  le  triomphe  ôc  la  gloirç 
P  e  l'Amour  Se  de  la  Paix* 

L'impitoyable  Bellonne , 
Depuis  cinq  luftres  entiers , 
De  Ton  glaive  qui  moifTonne 
Tous  les  ans  tant  de  Guerriers , 
Ravageoit  de  deux  grands  Princes 
Les  plus  fertiles  Provinces  » 
Sans  que  rien  put  l'arrêter  ^ 
£t  le  fang  8c  le  carnage. 
Au  lieu  d'aflbuvir  fa  rage , 
Nj:  faUbient  que  l'irriter» 

Le  Printems  qui  fiiit  les  rofes  » 
Et  dont  ralmable  rctoor 


Per- 

ILAVLTi 


■  ■  >• 


40       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


1% .    . .    \^ .  •. 


ilAULt. 


Dans  le  felu  de  toutes  chofes 

Aux  Villes  infortunées 
Des  frontières  ruinées 
Portoit  h  pâlç  terreur  ^    -, 
Et  renouvellant  la  guerre  » 
Ne  couvroit  toute  la  terre 
Que  de  triftcfTe  &  d'horreun 

A  peine  rberbe  échauffée 
Reverdiffoit  les  filions , 
Qu  elle  mouroit  étouffée 
Sous  le  faix  des  bataillons  : 
La  plaine,  après  cette  perte. 
Montrant ,  poudreufè  &  déCcnc  » 
Au  Ciel  fon  flérile  flanc, 
Goutoit  bien- tôt  la  vengeance 
De  leur  brutale  infolence  ,. 
Ecs'engraiffoit  de  leur  fang. 

Mais  quittons -là  ce  langage  -, 
N'employons  point  nos  accords 
A  faire  la  trifle  image 
D*un  champ  tout  couvert  de  morts  j 
Ou  d'une  Ville  aflîégéc. 
Que  d'une  ardeur  enragée  ♦ 
On  force  de  toutes  parts  s 
£t  qui  près  de  fa  ruine ,     . 

Voie 


AAU 


LIVRE     XL  -   ..^^i 

Voie  dans  fônfeio  la  Famine»  - 

£t  la  Mort  fur  Tes  remparts.  Pii 

Enfin  ces  longues  miferes 
Ont  arrêté  le  eonrroaz 
£t  les  chatimens  (Zveres 
Du  Ciel  armé  contre  nous  : 
11  femble^qull  (c  repente 
•  Des  coups  de  ùl  main  pefante , 
£t  des  maux  qu'il  nous  a  faits  ^  ' 
Il  nous  flatte,  il  nous  carrefTe  ^ 
Et,  pour  marque  de  tendrclTe, 
Il  fait  defcendre  la  Paix. 

Que  de  beauté  renvironnei 
Qu  elle  poiTéde  d'appas  ! 
Si  1  olive  la  couronne , 
Les  fleurs  AâiiTcnt  (bus  Ces  pas* 
C'eft  bien  d'elle  qu'on  peut  dire 
Qu'elle  voit  fous  fon  empire 
Et  ks  Peuples  &  les  Rois  : 
ToQt  le  monde  rend  ks  armes 
Au  doux  pouvoir  de  Ces  charmes^ 
Et  fe  range  (bus  (es  lois. 

>  Devant  elle  fuit  6c  crie 


1  Les  penfées  de  cette  ftrophe  font  auflî  forres  Se  auflS  no- 
bles ,  quccclJiîs  de  la  Ptccédcncc  (bnc  riantes  &  eracicufes. 
Tome  UL  D 


J.T 


mammmmÊÊÊmmÊmmmmmmÊtmmmÊÊÊÊÊmÊmÊmÊÊmÊÊÊÊÊÊiÊÊiÊÊiÊÊÊmmÊÊÊÊÊtÊÊmt 

41        BIBLIOTHEQUE'    POETIQUE. 

Bcîlonc  au  front  courroucé  , 
*"-  plus  rouge  eocor  de  furie ,   ' 

Que  dur  faog  qu^* elle  a  verfë. 
Cette  affreuiè  meurtrière  y 
Qui  loin  de  notre  frontière 
Pour  jamais  fe  voit  bannir , 
Coure  immoler  des  viâimes 
Od  rappellent  les  girands  crin^es^^ 
Qu'elle  feule,  doit  punir. 

La  Paîk  triôilnpiic  fans  peine  , 
Tous  nos  dlfcôrds  font  finis  ^ 
Et  de  TEbre  Bc  de  la  Sei  ne 
Les  peuples  Cont  réunis  : 
D'une  alliance  éternelle  « 
Malgré  leur  vieille  querelle  ^ 
Ils  fè  donnent  le  baifer  i 
Ecrien  quelçs  Pyrénées 
Dont  leurs  Terres  font  bornées  » 
Ne  peut  phis  les  divifer^ 

Les  Nymphes  effarouchées 
Des  tambours  &  des  clairons. 
Depuis  Cî  l6ng  temS  cachées 
Sous  récorce  de  leurs  troncs , 
Au  lieu  des  aigres  trompettes , 
N'entendent  que  les  mufettes 
Dont  raiiôiuicnc  le»  baoKaui  -, 


L  I  V  R  E     X  I.  43 

£c  de  mille  fleurs  parées , 
Danfent ,  toutes  les  fbirées  , 
Autour  des  facrez  ormeaux. 

Lorfque  la  Nui»  tend  Tes  voiles 
Sur  les  campagnes  d'azur  » 
£t  que  le  feu  des  étoiles 
Jette  un  éclat  vif  &  pur  $ 
Mille  traits  de  flamme  ardente 
Vers  là  yoÛteétlncelante 
PoufTent  leurs  brillans  éclairs  s 
£t  retombans  fur  la  terre  > 
D'un  agréable  tonnerre 
Frappent  la  vague  des  airs.. 

Quittez  les  rires  du  Tagc , 
Divin  chef-d'auvre  des  CieuK*} 
Venez  recevoir  rhomlnage 
Que  méritent  vos  beaux  yeuK  : 
Sous  lés  lois  de  leur  empire 
Souffre ,  languit  &  foupire 
Le  plus  grand  de  tous  les  coEurs-: 
Venez  »  Prlncefle  *  &  qu'il  voye , 
Comblé  d'amour  &  de  joye  , 
Ses  adorables  vainqueurs*» 

Illuftre'A  pat&it  Mtâtlt 
Des  plâs  (blides  Tettus , 
Dont  riofi^îgftMt  ttin  ■ 


^ 


44        BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


«KM 


*  Tous  nos  maux  a  combaccus  ; 
ER~  Anne  >  Reine  incomparable  « 

Ui-T-  Par  qui  le  Ciel  favorable 

Répand  fur  nous  fes  bienfaits  ; 
Nous  devons  à  tes  prières 
Ces  trois  faveurs  fingulieres , 
Le  Roi ,  la  Reine  8c  la  Paix. 

Et  toi ,  qui  de  notre  France  > 
Parmi  tant  d*évenemens , 
Es  la  (âge  Intelligence 
(ÎJui  régie  fe  mouvemens  -, 
Jules  ,  vainqueur  de  l'Envie, 
Quels  peuples  lifant  ta  vie  >     , 
N'admireront ,  étonnez , 
De  tes  faits  ki  fuite  heureuse  > 
Et  cette  paix  gloricufc 
Doift  tu  les  as  couronnez  ?  • 

Oui  •  quoi  que  difent  nos  Pères 
Du  régne  du  grand  Henri  , 
Oii  fous  des  deftins  profpercs 
La  Paix  a  long  tcms  fleuri  ; 
'  Nos  jours  tous  remplis  de  joye. 
Dévidez  d'or  &  de  foye  , 
Seront  plus  heureux  encor  i 
Et  deviendra  véritable 
Ce  que  la  plus  vaine  fable 
Raconte  du  âécled'or.    , 


L  I  V  R  E     X  I.  45 

1  Sur  le  mariage  di$.  Roi, 

Pra« 
Toi  ,  qui  (ùr  uu  char  de  lumière  r  aiix.t 

Parois  aux  portes  d'Orient  » 

Et  qui  comitiences  ta  carrière    . 

Avec  un  vifage  riant  ; 
Ceins  ton  illuflre  firont  d'une,  clarté  nouvelle  s 
Etale ,  beau  Soleil ,  tes  plus  riches  tréfors  ; 
Et  que  ta  robe  d*or  tout  autour  étincelle 
Des  plus  beaux  diamans  que  Tlnde  ait  (ur  Tes  bords» 

Fais-nous  voir  ta  magnificence , 

Que  nos  yeux  en  foient  éblouis  ^ 

Pui(qu*enfin  tu  dois  ta  préfènce 

Au  fameux  kimen  de  Louis* 
De  tant  de  majefté  la  (plendeur  l'environne , 
Et  d'une  telle  gloire  il  éclate  aujourd'hui , 
Que  de  quelques  rayons  que  ton  chef  (ê  couronne  ^ 
Tu  feras  moins  pompeux  &  moins  brillant  que  lui.<^ 

Ce  Monarque  dans  fon  enfance 
Se  fit  obéir  en  tous  lieux , 
Moins  par  le  droit  de  fa  naiflance , 
Que  par  le  pouvoir  de  fes  yeux. 


f  Le  célébf e  tUdne  a  fairune  belle  Ode  fàr  le  même  fu- 
jet.  Il  ayuitalon  dix-neuf  oU  vingt  afts*  M.  Colbetc  lui  en- 
voya de  la  part  du  Roi  une  bpurfe  dç  cent  louis ,  qui  fut 
fuivie ,  peu  de  tenu  après  ^  d'im  brevet  de  deux  censécus  de 
pen/ion. 


46       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Chacun  à  fcs  attraits  fit  gloire  de  fc  rendre  > 

p£R-      Sa  douce  majefté  ravie  toute  la  Cour  : 
XA\3  LT.    Mais  le  voyant  fi  beau  dans  un  âge  fi  tendre  » 
Peut-être  le  pris-tu  pour  le  Dieu  de  I^Amour» 

Ceft  lui  qui  parnoi  les  allarmes 
£t  les  plus  redoutez  hazards , 
Trouvant  toujours  de  nouveaux  charmes  , 
N*aima  que  le  métier  de  Mars. 
C'ed  lui  qui  tant  de  fois  plein  d*un  ardeur  guer* 

ricre  y 
Fit  tomber  à  tes  yeux  mille  ennemis  à  bas  ; 
Mais  couvert  qu'il  étoît  de  fang  &  de  pouflîerc , 
Peut-être  le  pris-tu  pour  le  Dieu  des  combats. 

Cette  Reine  qui  l'accompagne , 
L*amour  de  la  Terre  5c  des  Cieux  y 
£ft  de  la  noble  &  riche  Efpagne. 
Le  tréfor  le  plus  précieux. 
Elle  eft  de  ce  Héros  la  dernière  conquête , 
Et  le  prix  éclattant  de  (es  ades  guerriers. 
Ah  !  qti*un  minhe  fi  beau  part  bien  une  tête. 
Quand  où  le  (^ait  mêler  avec  tant  de  lauriers  l 

Que  d'une  vive  &  douce  flamme 
On  voit  briller  dans  fes  beaux  yeux 
L'aimable  fiené  de  Ton  ame  > 
Et  la  gloire  de  (es  Ayeux  l 


L  I  V  R  E      X  I  47 

Que  d'un  cœur  airément  fa  bouche  a  la  vidloire  ï 

Que  (es  bras  font  de  hoacie  aux  marbres  t  plos  poils!  Peu- 

£t  qu'à  Ces  belles  maio»  •  plus  blancke»  que  l'y  voi  re*  ^  ^^  ^^* 
Il  fîed  bien  de  poicec  le  beau  iccpcredes  lys  i 

Vois-tu  cette  augnfte  Princcftê , 

Qui  d'un  courage  plus  qu'humain  , 

Montra  fa  force  &  £bn  adre/Te  > 

Quand  le  titnon  fur  en  fa  main  l 
De  cent  flots  mutinez  flknpétueu(è  rage  » 
Contre  elle  s'éleva  d'un  Inutile  effort  ^ 
Et  maîtrefle  toujours  des  vents  &  de  Torage  , 
£lle  voit  aujourd'hui  fes  yàiflcaux  dans  le  port. 

Mais  régarde  bien  ce  grand  Homme  > 

Digne  d'un  éternel  honneur^ 

Ce  Héros  ^  la  gloire  de  Rome, 

Et  de  la  France  le  bonheur. 
Par  lui  notre  valeur  remplit  toute  la  Terre  : 
Par  lui  notre  repos  doit  durer  à  jamais  : 
Perfonne  ne  fçut  mieux  l'art  de  faire  la  guerre  , 
Perfonne  ne  f^ac  mieux  l'art  de  faire  la  paix. 

Contemple  ces  Beautez  dont  la  Cour  efl  ornée , 
As-tu  rien  va  d'égal  >  JSc  nefemble-t^it  pas 

1  Plus  ffolisnoat  les  plus  polis  :  «mais  au  tems  où  M.  Pej^* 
%AVLT  éctivoïc  f  cette  façon  dcf  parler  étoit  encore  en  ufage* 


RAULT. 


4^        BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Que  TAmour  qui  prend  Coin  àt  ce  grand  himenéei 
Per-      Pour  embellir  ùl  pompe  augmente  leurs  appM  ?  * 

Mais  que  cette  falle  eft  pompieafê  ! 
Que  (on  abord  charme  les  yeux  ! 
Que  cette  table  eft  (bmptueufe  , 
Et  que  de  mets  délicieux  i 
Par  un  heureux  effort  >  le  Ciel ,  la  Terre  &  l'Onde 
Semblent  s'être  épulTez  en  ce  riche  appareil } 
Et  jamais  les  Céfars ,  Maîtres  de  tout  le  Monde»* 
Dans  leurs  plus  grand  feftlns  n  ont  rien  &ic  de 
pareil. 

Qtt'entens-}e  ?  que  cette  harmonie  ' 
Frappe  agréablement  les  (èns  ! 
Et  que  Ùl  douceur  infinie 
Donne  de  plaidrs  innocens  f 
Soleil ,  père  des  Vers ,  oférai-je  te  dire 
Que  les  airs  immortels  dont  tu  ravis  les  Dieux , 
Ni  les  tons  éclatans  de  ta  fçavante  Lyre 
Ne  (ont  point  fi  touchans  ni  fi  mélodieux  ? 

^   Par  des  cadences  mefurées 

Au  Ton  de  ces  divins  concerts  , . 

Les  Dames  »  richement  parées  > 

Etalent  leurs  charmes  divers. 

Que  leurs  yeux  ont  d*éclat  l  que  leur  démarche  eft 

ficre  ! 

Du  vafte  firmament  les  magnifiques  (eux ,  . 

Att 


■  -      ~  x-mt  E    X  T.  49 

Au  milieu  de  la  nuit  n'ont  point  tant  de  lumière , 

£c  ne  vont  point  d'un  pas  fi  jufte  &  fi  nombreux.  Per- 

raul: 
Des  Reines  la  plus  glorieufè 

Qu'on  voye  en  la  fuite  dès  tems , 

Et  des  Meies  la  plus  heureu(è , 

Anne  »  que  tes  vœux  (ont  contens  !  • 

Tu  goûtes  ks  douceurs  d'une  parfaite  joye  » 

Qu'on*  peut  bien  reflemir ,  mais  qu'on  ne  peut 
pen(èr  ; 

Digne  de  la  grandeur  du  Ciel  qui  te  l'envoyé , 

Digne  de  la  vertu  qu'il  veut  réçompenfèr^ 

Mais  •  bel  Aftre ,  l'heure  s'avance  j 
Qui  t'oblige  à  quitter  ces  lieux  i 
Nevois-tupasquetapré(ènce  ^ 

Te  rend  déformais  ennuyeux  ? 
£a  fa  robe  d'argent  la  diligente  Lune 
A  rfaîmen  de  Louis  veut  paroitre  à  (on  tour  t 
Retire  »  b^«  Soleil  >  ta  lumière  importune  » 
Et  fais  phcç  k  la  Nuit  plus  bcUc  que  le  Jour« 

Déjà  de  fes  plus  riches  voiles 
Elle  commence  à  s'ombrager , 
.   Et  troupe  à  troupe  les  Etoiles 
Près  d'elle  viennent  fe  ranger. 
Qu'il  fera. beau  la  voir  fortir  de  chei  Neptune, 
Aa  nûliçn  des  dartczi  défit  brillante  Cour  t 


mm 


RAULT. 


50       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


Retire,  beau  Soleil,  ta  lumière  importune, 
Per-      Et  fais  place  à  la  Nuit  plus  belle  que  le  Jour. 


L'Amour  en  foupirant  l'appelle  , 
Fâché  de  la  voir  s'arrêter  5 
£t  marchant  toujours  devant  elle  » 
La  conjure  de  fe  hâter. 
Que  les  charmes  (ont  doux  de  cette  aimable  Brnné  , 
Quand  ils  font  éclairez  du  flambeau  Je  l'Amoar  l 
Retire ,' beau  Soleil ,  ta  lumière  importune  » 
Et  fais  place  à  la  Nuit  plus  belle  que  le  Jour. 

A  u     R  o  I» 

^       Sur  U  naîjfance  de  M,  le  Dsufhitu 

MONARquE  à  toi  feul  comparable  » 
Qui  voudreit  de  tes  doux  tran(ports 
exprimer  Tezcès  incroyable  » 
Feroit  d'inutiles  efforts. 
Seul  tu  fçais  de  quel  heur  *  le  Ciel  ce  faTorife  ( 
Un  mortel  comme  moi  ne  le  conçoit  pas  bien  : 
Cette  joie  e(l  trop  vade ,  &  pour  être  comprifè. 
Elle  demande  un  cœur  auffi  grand  que  le  tien.. 

Ce  fils  audi  beau  que  fa  mère , 
Et  que  l'on  prendroit  pour  l'Amouri 
Sera  vaillant  comme  (bn  pcre  » 
£c  pour  Mars  (èra  pria  on  jouc^ 


LIVRE    XL 


J» 


Cet  aimable  fujet  de  toutes  nos  tendreflcs , 
Deviendra  la  terreur  de  plus  vaillans  Guerriers  ; 
Et  ces  petites  mains  qui  te  font  des  carreflès , 
Renrerferont  lorgueii  des  Tyrans  les  plus  fiers. 

De  tant  d*heureu(ès  deftinéelB 
Le  cours  illuftre  &  glorieux , 
N'attend  plus  qu'après  les  années , 
Et  (è  lit  déjà  dans  (es  yeux. 
Déjà  l'on  voit  en  lui  ces  marques  éclàttantes 
Dont  le  Ciel  ennoblit  le  front  des  Souverains  | 
Et  qui  dès  leur  berceau  vifibles  &  brillantes j| 
Séparent  les  Héros  du  refte  des  humains» 

Belionne  de  fang  affamée  » 
Avant  qu'il  eut  reçu  le  jour» 
Par  la  voix  de  la  Resommée 
Nous  meuaçoit  d'un  prompt  retour; 
Déjà  de  toutes  parts  fès  couleuvres  errantes 
Répandoient  an  venin  prêt  de  tout  embr&fo^ 
Et  pertoient  dans  les  cœurs  leurs  bleflures  cuiGmtelti 
Quand  ton  fils  en  naiflant  a  fçu  les  écralèr. 

Tel  autrefois  le  jeune  Alcide 

EcoSfià  deux  afireux  (èrpens» 

Qu'il  vit  d'un  regard  intrépide 

Autour  de  fon  berceau  rampans. 

les  monftres  étrangler  pat  la  main  enfantine 

Eli 


Per- 
rault 


RAULT. 


•51       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

De  ce  fameux  Héros  KTu  du  fang  des  Dieux  > 
Per-      Furent  en  même  tems ,  &  de  fon  origine , 
£c  de  Ces  grands  travaux  les  fignes  glorieux* 

Ainfi  c*e(l  en  vain  que  tes  armes 
Iroient  lui  gagner  des  Etats  ; 
Il  trouvera  bien  plus  de  ckarmès 
A  ne  les  devoir  qu  à  Con  bras  : 
Oui,  quelque  grand  que  Coït  ce  fertile  héritage. 
Qu'en  CCS  jours  fortunez  tes  foins  font  refleurir, 
Son  cœur  ambitieux  aimera  davantage 
Ceux  que  tu  lui  voudras  laiffer  à  conquérir. 

Quand  ce  jeune  foudre  de  guercQ 
Sur  les  traces  de  Godefroi , 
Ira  dans  Tinfidelle  Teirre 
Porter  le  carnage  Se  Teffiroi  s 
Que  tu  feras  content  d*ouir  la  Renommée 
Qui  viendra  te  parler  de  fes  faits  glorieux,  i 
Et  de  voir  fa  valeur  par  l'exemple  animée , 
Egaler  les  exploits  de  tous  fcsgran4s  Ayeu^l 

La  noble  Se  fainte  Paleftine  « 
Après  tant  de  tourmens  (bufTerts 

I  Ce  n\ot  répété  jufqu'à  tro^s  fois  pn  rime  dans  une  Ode 
auflî  courte,  eft  ùneperire  négligence  que  dos  bonsPoift^ 
d 'aujourd'hui  voudcoienc  éviter. 


L  I  V  R  E    X  I.  jj 


'   SousJe  Tyran  qui  la  domine. 
Verra  par  lui  rompre  fès  fers. 
Sur  les  brûlans  Tablons  des  plaines  Idum^es  , 
Cent  Bâchas  tomberont  par  (ê$  vaillans  efForcs  j 
Et  n'auront  afTemblé  tant  de  grandes  armées  ^ 
Que  pour  croître  *  fa  gloire  >  5c  le  nombre  dts 
mores. 

Au  creux  de  la  grotte  profonde 
Le  Jourdain  mollement  couché , 
Appercevant  rougir  Ton  onde 
Du  fang  tout  autour  épanché  » 
Montera  fur  fes  bords  »  &  des  troupes  craintives 
Contemplant  le  carnage ,  &  ton  fils  au  milieu  5 
Croira  voir  Jofué ,  qui  fur  ces  mêmes  rives 
Kevieac  exterminer  les  ennemis  de  Dieu. 

En  vain  la  fuperbe  Byfànce, 
De  mille  bataillons  épars 
Aura  couvert  >  pour  fa  défenfè  > 
Le  vafte  tour  de  fes  remparts  -, 
Par  le  paflage  affreux  des  brèches  attaquées 
Il  ira ,  plein  d'ardeur ,  les  fburacttre  à  fes  lois  j 
£t  (ur  l'orgueilleux  front  de  toutes  les  Mofquées , 
Le  Croiflanc  abbattu  fera  place  à  la^roix. 


I  Croître  ^(mcdHimnttr ,  n'a  plus  d«  régime  depuis  long 
tems. 

Eiij 


j4        BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


Alors  (c  Tcrront  édaircîes 
Per*  Par  ces  fameux  évenemens  » 

AV*-^-  Les  infaillibles  Prophéties 

De  la  cliace  des  Ottbomaos* 
Alors  on  nouvel  Aftre ,  éclanant  de  lomiere  9 
Tiendra  fur  Ton  g^nd  cours  tous  les  yeux  arrêtez  ^ 
£t  des  bords  du  Couchant  commençant  (à  carrière» 
De  Tadre  de  la  Nuit  éteindra  les  ciartez.  t 

POEME. 

Smt  U  Peinture. 

De  TErprit  Eternel  la  fagefle  infinie 
A  peine  eut  du  cahos  la  Difcorde  bannie ^ 


1  Cette  Ode  &  les  deux  ptécédentet  fureot  comme  h 
coup  d'effai  poétique  de  M.  Peila.ault,  fie  luiacquirenti 
iode  titre  la  réputation  de  bel  ETpiit.  Cependant  M.  Def* 
préaux  en  appella  comme  d'abus  ,  prétendant  que  le  ftt* 
bUme  fie  Tenthoufiarme  qui  caraâétifent  particulseremei» 
l*OJe  y  manquoient  à  celles-ci.  Pour  le  mieux  prouver  «lui- 
même  en  fit  une  dans  la  fuite /itr  Uprife  de  N^rwiir  t  mais 
le  fuccès  en  fui  alTez  équivoque  1  du  moins  û  i*on  en  jop 
pail*£pigramme  fuiyame  : 

QndndDefftUuxfutpffïéfurfon  Ode , 

SesfdTtifdns  crioient  Mm  tout  Péirii  > 

Pardon ,  Meffieurt  j  U  pduvret  /eff  méprh^ 

Plus  ne  louerd ,  ce  n'efi  pdsft  méthode. 

Jl  va  draper  le  fexe  féminin  i 

A  fin  grand  nom  vous  verre\  /il  déroges 

Il  a  paru  cet  Ouvrage  maUn  ; 

Pis  nt  vundrntf^nând  te  finit  éloge. 


LJ  V  RE     X  L  s  S 

£t  le  vafte  pourpris  de  Tempire  des  deux 

A  peine  étoic  encor  peuplé  de  tous  (es  Dieux  »  ])£i^, 

Qu'enfemble  on  vie  fortir  du  fein  de  la  Nature  &  au  l 

L'aimable  Poëfie ,  &  raimable  Peinture , 

Deux  Sœurs  donc  les  appas  égaux  »  mais  différens , 

Furent  le  doux  plaifîr  de  Tefprit  Se  des  fens. 

L'aînée  eut  en  naifTant  la  parole  en  partage  i 

La  plus  jeune  jamais  n*en  eut  le  moindre  ufage  ^ 

Mais  fes  traies  &  Ton  teint  ravirent  tous  les  Dieux  ) 

Sa  Sorar  charma  Toreilît  ^  elfe  charma  les  yeux  ; 

£lle  apprit  avec  Tâge  Se  les  foins  de  l'Ecole , 

A  fi  bien  réparer  le  défaut  de  parole  « 

Que  du  gefte  aifément  elle  fçut  l'exprimer  , 

£t  non  moins  que  fà  Sœur  difcourir  Se  charmef. 

Si-t6c  qu'elle  parut  fur  la  voûte  éternelle  « 

Tous  les  Dieux  étonnez  eurent  les  yeux  fur  elle  ; 

£c  pour  apprendre  un  art  fi  charmant  Se  fi  beau , 

Chacun  d'eux  à  l'envi  prit  en  main  le  pinceau* 

Le  Maître  fouverain  du  Ciel  &  de  la  Terre, 

D'un  rouge  étincelant  colora  fon  tonnerre , 

£t  marqua  d'un  trait  vif  dans  le  vague  des  airs 

L'ébloulffant  éclat  de  fes  brillans  éclairs. 

Dès  la  pointe  du  jour  la  diligente  Aurore  » 

Depuis  l'Inde  fameux  jufqu'au  rivage  More , 

Couvroit  tout  l'horifon  d'un  or  luifant  &  pur , 

Pour  y  répandre  enfuite  Se  le  pourpre  &  l'azur. 

Celui  qui  des  faifons  fournit  l'ample  carrière , 

Pit  toutes  les  couleurs  avecque  fa  lumière  ; 

E  ni) 


EK- 


S6       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Et  (es  rayons  dorez  fur  la  terre  &  les  eaux 
FVirent  dès  ce  moment  comme  autans  de  pkiceaaz^ 
kULT.    Qui  touchant  les  objets  d'une  légère  attcii^^tc  «  . 
Leur  donnèrent  à  tous  leur  véritable  ceinte. 
D'un  trait  ingénieux  rinimitablc  Iris 
Traça  fur  le  fond  bleu  du  célefte  lambris 
Un  grand  arc  triomphal ,  dont  les  couleurs  bril* 

lantes 
S'uniflant  Tune  à  Tautre ,  &  pourtant  différentei  » 
De  leur  douce  nuance  enchantèrent  les  yeux  » 
£t  furent  Tornement  de  la  vouce  des  cieux.» 
.  La  céiefte  Junon  fur  l'air  &  les  nuages 
Feignit  d'or  &  d'azur  cent  diverfes  images  ^ 
£t  la  mère  >  Cybele  en  mille  autres  façons 
Colora  fesguércts  »  (es  prez  &  (èsmoifibas. 
Mais  le  plai(îr  fut  grand  de  voir  Flore  6c  Pomonç  j 
Sur  les  riches  pré(èns  que  la  Terre  leur  donine  , 
A  Tenvi  s'exercer  en  couchant  leurs  couleurs  , 
A  qui  l'emporteroit  ou  des  fruits ,  ou  des  fleurs» 
Xes  Nymphes  toutefois  des  paifiblcs  fontaines  , 
£t  des  mornes  étangs  qui  dorment  dans  les  plaines  • 
Kavirent  pins  que  tous  les  yeux  &  les  e(prits  » 
£t  fur  les  autres  Dieux  remportèrent  le  prix. 


I  te  catce  de  Cybelle  étoit  ^onfidérable  chez  les  Payent 
par  Tes  rfifnkents  attribues.  Les  uns  Fhonoroient  foos  le 
nom  de  la  DéeSc  de  la  Terre  :  d'autres  fous  le  nom  de  la 
Merc  des  Dieux  du  premiet  ordre  >  £cc. 


LIVRE     XL  57 

Ce  fut  peu  d'eifiployer  (es  couleors  les  plus  vives , 

A  peindre  avec  amour  le  penchaut  de  leurs  tives  3        PeA 

D*uné  adréfle  Incroyable  on  les  vie  imiter  R  au  L 

Tout  ce  qu'à  leurs  regards  on  voulut  préfcntef. 

Des  plaines  d'alentour  Se  des  prochains  boccages 

Sur  rheure  elles  formoient  cent  divers  payGiges  p 

Et  le  plus  vîte  oifeau  »  fî-tôt  qu'il  paroifToit , 

Etoît  peint  fur  leur  onde  au  rtioment  qu'il  pafToit** 

Au  pied  de  l'Hélicon ,  d'uti  art  inimitable^ 
La  Nymphe  avoir  condruit  fa  demeure  agr^abfe. 
Un  jour  le  Dieu  des  Vers ,  qui  plus  voifin  des  deux 
Habite  de  ce  Mont  les  (bmmets  glorieux  , 
Vint  trouver  cette  Nymphe  ,  à  fcs  yeux  &  char- 
mante. 
Dans  (on  riche  palais  »  ou  d'une  main  (çavante 
Elle-même  avoit  peint  mille  tableaux  de  prix 
Sur  les  larges  parois ,  &  dans  les  hauts  lambris* 
Il  la  vit  au  milieu  d'une  fuperbe  faîle  , 
Ou  le  jour  éclairoit  d'une  lumière  égale  , 
Qui  par  les  traits  hardis  de  (es  doé^s  pinceaux  » 
D'un  foin  laborieux  retoucholt  les  tableaux 
De  <  neuf  jeunes  Beautez ,  qui  toutes  (înguHeres 
Sous  Ces  ordres  fuivoient  neuf  diverfes  manières  i 
Et  qui  s'étant  formé  de  diôérens  objets , 


I  Les  neuf  genres  de  Peinture  ,  qui  font  ^Hifiùîre  ,  les 
Gfttfanes  y  Us  BacchdnaUs ,  tes  Portraits ,  les  Pdyfages  >  /*^r- 
tbitmwr^  Perf^tHivt  »  Uf  Animaux  O*  UsFUhts, 


58       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


■IM 


■^  Avoicnc  repréfenté  neuf  fortes  de  fajets. 
(K^.      Celle  qui  s'occupoic  aux  tableaux  de  l'Hiftolrtf  » 
.ÛLT.    Sur  fa  toile  avoit  peint  rimortelle  yiâoire 

Que  fur  les  vains  Titans  remportèrent  les  Dieax  « 
Lorsqu'un  injuftc  orgueil  leur  difputa  les  Cie^ii. 
Sur  l'Olympe  éclatant  d'une  vive  lumière 
Paroiffoit  des  Vainqueurs  la  troupe  augufte  &  fiere^ 
£t  dans  l'ombre  gifoient  les  vaincus  difperfez  p 
Fumans  du  foudre  encor  qui  les  2  renverfez. 
Une  autre  moins  févere  ^  &  plus  capricieufè , 
Avoit  des  mêmes  Dieux  peint  la  fuite  bontea(è  , 
Quand  fur  les  bords  du  Nil  vainement  allarmez.^ 
On  les  voyoit  encor  à  demi  transformez* 
D'un  bélier  bondiffant  la  toifon  longue  &  belle  » 
Cachoit  le  Souverain  de  la  Troupe  immortelle; 
La  timide  Venus  plus  froide  qu'un  glaçon  » 
Femme  à  moitié  du  corps  ,  finiffoit  en  poiflbn  , 
Et  Bacchus  dont  la  peur  rendoit  les  regards  œoroes  ^ 
Avoit  déjà  d'un  bouc  &  la  barbe  &  les  cornes. 
Apollon  qui  fe  vit  des  allés  de  corbeau  9 
Se  détourna  de  honte  »  Se  quitta  le  tableau* 
Il  fe  plut  dans  un  autre  à  voir  le  vieux  Silent , 
Qui  hâte  fa  monture ,  &  fe  tenant  à  peine  > 
Mené  un  folâtre  effein  de  Faunes  infolens  > 
Et  de  Dieux  chévrepieds ,  yvres  &  chancelans. 
Enfuite  il  contempla  l'image  de  (on  père  > 
Plus  connolffable  encor  par  ce  faint  cara(5lerc 
Qui  le  fait  adorer  des  Dieux  &  des  humaios^* 


L  I  V  R  E    X  J.  S9 


Qae  par  le  foudre  ardent  qu'il  porte  dans  Ces  mains. 
Snr  la  toile  fuivante  il  vit  les  beaux  rivages  Pei 

Du  finueux  Penée  ,  &  fes  gras  pâturages»  RAV 

On  libre  de  tous  foins  ,  à  Tombre  des  ormeaux  > 
Pan  faifoit  raifbnner  fes  frêles  chalumeaux. 
Dans  un  autre  tableau  riche  d'architeâure , 
Il  voit  de  fon  palais  la  fuperbe  ftru^bute  ; 
Où  brillent  à  l'envi  l'or ,  l'argent ,  le  aidai. 
L'opale ,  &  le  rubis  du  bord  Oriental. 
Dans  le  tableau  fuivantil  fent  tromper  fa  vûif 
Par  le  fuyant  lointain  d'une  longue  avenulS 
De  cèdres  pàliffans  ,  &  de  verds  orangers  , 
Dont  Pomone  enrichit  Ces  fertiles  vergers. 
£nfulte  il  voit  le  Nil ,  qui  fur  fes  blonds  rivages 
Abreuve  de  fes  eaux  mille  animaux  fauvages  $ 
Puis  les  lys ,  les  oeillets ,  les  rofes  ,  les  jafmins^  ' 
Qui  de  la  jeûne  Flore  émaillent  les  jardins. 
De  ces  tableaux  divers  le  beau  fils  de  Latone 
Contemple  avec  plaifir  le  travail  qui  Téconne  y 
Admire  leurs  couleurs ,  leurs  ombres ,  8c  lejirs  jours  ^ 
Puis  regardant  la  Nymphe  «  il  lui  tient  ce  difcours* 
Beauté  de  l'Univers ,  honneur  de  la  Nature , 
jCharme  Innocent  des  yeux  >  trop  aimable  Pelntare  • 
Rien  ne  peut  égaler  l'excellence  des  traits 
Dont  brillent  à  l'envi  ces  chef-d*<ruvres  parfaits  ^ 
Mais  fi  de  l'avenir  les  replis  les  plus  (ombres 
N'ont  rien  dont  mes  regards  ne  pénétrent  les  onH 
bres  » 


40        BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Je  yeux  vous  révéler  les  fuccès  éctattans  , 
Pbbl-      Qu'aura  votre  bel  art  tJans  la  fixité  des  tems  , 
AULT.    Quand  aux  fimples  mortels  l'AmoUr  par  fa  puif- 
.    fàace 
En  aura  découvert  la  première  fcience.. 
>  Là  d*un  foin  fans  égal  les  fruits  repréfentez , 
par  les  oifeanx  déçus  fe  verront  becquetez  ^ 
Et  là  d'un  voile  ^  peint  avec  un  art  extrême  , 
L'image  trompera  les  yeux  du  trompeur  même. 
D'un  Maîtrb  3  renommé  le  chef-d'œuvre  charmant» 
De  fa  ville  éteindra  l'affreux  embrafement. 
D'un  autre  4  plus  fameux  la   main  prompte  Se 
fidelle» 


1  Tableau  de  Zeuxis. 

1  Pvrhafius  avoic  peint  û  artiftement  un  rideau  ,  tfxt 
Zeuxis  y  fuc  trompé  le  premier  ;  car  le  voulant  tirer  pour 
voir  TouTtage  <)u*il  croyoit  caché  deniere ,  il  eue  la  honte 
de  s'être  mépris ,  6c  avoua  que  Panhafius  l'avoit  vaincu. 

)  Protogene  avoit  peint  jalyfusy  fameux  chafleur...  Ce 
tableau  qui  étoit.  Ton  chef^'oeuvre ,  fut  le  falut  de  toute 
la  ville  de  lChodes>  lorfque  Démetrius  l'afliégea  :  car  ne  pou« 
vant  être  ptife  que  du  côcé  où  étoit  la  maifon  de  Prorogetie  » 
et  Roi  aima  mieux  lever  le  (iése ,  que  d'y  mettre  le  feu ,  & 
de  perdre  un  ouvrage  fi  admirable. 

4  Apelle  avoit  commencé  une  Venus  pour  les  habirani 
de  Coos  ;  mais  fa  mort  fuicaufe  que  cet  ouvrage  demeura 
imparfait  ;  on  le  trouva  néanmoins*^  excellent ,  qu'aucun 
Pdntre  ne  fut  jamaiis  aiTez  hardi  pour  entreprendre  d'ache> 
ver  ce  qui  en  reftoit  à  faire.  Ce  mt  à  Toccalion  de  la  Venus 
d' Apelle  qu'Ovide  fit  ces  deux  vers  : 

Si  ytnerem  Cms  numauam  pinxiffet  Apelles  , 
Merfd  ftsb  aqmreu  ilU  Uteret  aquis. 


U  V  R  E    X  L  fit 

Peindra  la  Cychérée ,  &  la  peindra  Ci  belle , 
Que  jamais  oui  pinceau  n'ofcra  recoucher 
Les. beaux  rraics  que  le  fîen  n*aura  fak  qu'ébaucher* 
Par  mille  autres  vtravauz  d'une  grâce  infinie  » 
La  Grèce  fera  voir  fa  force  &  Ton  génie. 
Mais  comme  le  Deftin  veut  que  de  toutes  part) 
Habitent  tour  à  tour  la  Science  &  les  Arts  -, 
Les.  jours  arriveront  ou  l'aimable  Italie 
Des  Arts  &  des  Yertus  doit  fe  voir  çmbçUîc? 
Le  Chantre  de  Mantouë  égalera  les  fons 
Dont  I4E  divin  Aveugle  animoit  fes  chanfons  i 
£t  dà  Conful  Romain  les  paroles  hautaines 
Feront  autant  debjruit  que  les  foudres  d'Athçnpfc 
Alors  éclatera  Tadreflè  du  pinceau  » 
£t  l'ouvrage  immortel  du  pénible  cKèau. 
Là  de  mille  tableaux  les  murailles  parées , 
Des  Maîtres  de  votre  art  fe  verront  admirées  ; 
£t  les  marbres  vivans  épars  dans  les  vergers , 
Charmeront  à  jamais  les  yeux  des  étrangers.. 
Lorsque  par  ks  b|:^u^  Arts  non  moins  que  par  U 

guérie , 
La  France  deviendra  l'ornement  de  la  Tem  « 
£lle  aura  quelque  tems  ce  précieux  tréfbr 
Qu'elle  ne  croira  pas  le  pofleder  encor.» 
Combien  fera  la  main ,  noble ,  fçavante  &  jufte  i 
Qui  donnera  la  vie  à  ce  vifàge  augufte  > 
Oii  fèro^it  tous  les  traits ,  par  qui  les  Souverains 
Ç^Zïo^pt  ^  &  fout  trembler  le  le&e  des  humaioçt 


6x        BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 


m 


Que  ceux  donc  le  bon  goûc  donné  par  la  Nature, 
Per-      Aime ,  admire  &  connoîc  la  belle  Architc<îlurc  , 
AUiT.    Auront  rcfprit  content ,  &  les  yeux  fatîsfaits  « 
De  voir  les  grands  defleins  de  (on  riche  palais  , 
Qui  pour  leur  noble  audace  8c  leur  grâce  immoc* 

telle  , 
Des  pompeux  bâtlmens  deviendra  le  modelle  1 
Qu'il  fera  doux  de  voir  peint  d*un  foin  curieux 
De  tous  les  beaux  vergers  le  plus  délicieux , 
Soit  pour  l'afpeél  fuyant  des  longues  avenues. 
Soit  pour  l'aimable  objet  des  différentes  vû'e's  , 
Soit  pour  le  riche  émail  &  les  vives  couleurs 
Des  parterres  femez  de  plus  riantes  fleurs  l 
Soit  pour  les  grands  étangs  8c  les  claires  fontaines^ 
Qui  de  leurs  vafes  d'or  fuperbes  &  hautaines , 
Et  malgré  la  Nature  hôteffesde  ces  lieux , 
Par  le  fccours  de  l'art  monteront  jufqu'aux  cîcux  l 
Soit  enfin  pour  y  voir  mille  troupes  errantes 
De  tous  les  animaux  d'efpeces  différentes  , 
Qui  partout  l'Univers  autrefois  difpcrfez, 
Dans  ce  charmant  féjour  (è  verront  ramaffez  ! 
Ceft.là  que  le  Héros  las  du  travail  immeufè  » 
Qu'exige  des  grands  Rois  l'emploi  de  leur  pai(^ 

fance  » 
Ayant  porté  fes  foins  fur  la  terre  &  les  flots , 
Ira  goûter  en  paix  les  charmes  du  repos  ; 
Afin  qu*y  reprenant  une  vigueur  nouvelle , 
Il  x;ccourne  aùflLtôt  oii  fon  peuple  rappcUç» 


LIVRE     XL 


AÎDfi  lorfc{ae  màn  char  de  la  mer  approchant , 

Roule  d*un  pas  plus  vite  aux  portes  du  Couchant ,         p 

Après  que  j*ai  verCé  dans  tous  les  coins  du  Monde      eauit 

Les  rayons  bienfaifans  de  ma  clarté  féconde , 

J'entre  pour  rafraîchir  mes  feux  prefque  amortis 

Dans  l'humide  féjonr  des  grottes  de  Thétis  , 

D*ed  fortant  au  matin  couronné  de  lumière  « 

Je  reprends  dans  les  cieux  ma  courfe  coutumiere.; 

Telle  doit  en  ces  tems  de  gloire  &  de  grandeur  » 

De  votre  Art  &  du  mien  éclater  la  fplendeur. 

Là  fe  tût  Apollon  ,  &  la  Nymphe  ravie 
De  voir  de  tant  d'honneur  fa  fcicnce  fuivic , 
Se  plaignît  en  (on  cœur  des  Deflîns  envieux  , 
Qui  remettoient  fi  loin  ce  (îécle.glorieux. 

Le  Brunr ,  cf  eft  en  nos  jours  que  feront  éclaircles 
Du  fidèle  Apoljon  les  grandes  prophéties  > 
PulCqu'eafin  dans  la  France  on  voit  de  toutes  parCS 
Fleurir  le  régne  heureux  des  Vertus  Se  des  Arts. 
De  combien  d'Aoïphions  les  fçavantes  merveilles  ^ 
De  combien  d'Arions  les  chantons  fans  pareilles 
Nous  raviffent  refpric  par  leurs  aimables  Vers , 

fx  nous  charment  Tpreille  au  doux  fon  de  leurs 

airs! 
Mais  il  (iiffit  de  voir  ce  que  ta  main  nous  donne» 
Ces  miracles  de  TArt ,  dont  T Art  même  s'étonne  i  . 
£t  ce  qu'en  mille  endroit^  de  tes  grands  atteliers  ^ 
Travaille  (bus  tes  yeux  la  main  dés  Ouvriers. 
Ç^tft-là  ^ue  U  Peinture  ^vec  l'or  &  la  Coyc , 


^4        BIBLIOTHEQJJE     FO^TIQUE. 

._     ■_..f 

Sur  un  riche  tiflu  tous  fes  charmes  déployé  % 

Per-      ^^  ^^  ^^^  ^^  cifèau  Ij^s  métaux  transformez^ 

RAU LT.    Impofent  à  la  vue ,  &  femblent  animez... 
Là  d'un  art  fans  égal  fe  remarque  dépeinte 
Du  Monarque  des  Lys  la  ferveur  humble  &  faintcw 
Lorfquil  reçoit  les  dons  du  baume  précieux  , 
Qu'autrefois  à  la  France  envoyèrent  les  deux* 
)ci  l'œil  eft  charmé  dç  l'^ugufte  pcéCençe 
De  deux  Princes  rivaux ,  qui  jurent  alliaçce^ 
£t  devenus  amis  mettent  fin  aux  combats  , 
Qui  depuis  trente  étez  déÇbloient  leurs  Etats^ 
Louis,  le  cqeur touché 4 u.QC  (blide  gloire, 
£t  vainqueur  des  appas  qu'étaloit  la  Yi^QÎrÇ) 
Préfère  fans  regret  le  repos  des  Sujets 
Au  Jbonheur  aiTuré  4c  fes  juftes  projets. 

Defcriftion  du  Temps ,  fji»  défis  diffirens  effett^ 

Il  peignit  un  Veillard ,  xlont  la  barbe  chcnu^ 
Tombpk  à  ilôts  épais  (iir  (k  poitrine  nue*  \ 
D'un  (àble  diligent  fon  front  étoit  chargé  » 
Et  d'ailes  de  vautour  tout  fon  dos  ombragé^ 
Près  de  lui  fc  yoyoit  une  faux  argentée  , 
Qui  faifbit  peur  à  voir ,  mais  qu'il  avoit  quittée  » 
Pour  prendre  ainfi  qu'un  Maître  ébauchant  an 

tableau , 
D'une  main  une  éponge ,  &  de  l'autre  un  placçau» 
les  chcf-d'œuvres  fameux  dont  la  Grèce  fc  vante  « 
les  tableaux  de  Zcuxis ,  d'Apcllc  &  de  Timai^te, 


RAULl 


L  1  V  R  E    X  I.  es 

•  ^^ 

D'autres  Maîtres  cncor  des  fiéclcs  plus  âgcz , 

Etoient  avec  honneur  à  fa  droite  rangez.  „^1^1 

A  fa  gauche  gifoient  honteux  &  méprifables  > 

Des  Peintres  ignorans  les  tableaux  innombra* 

bles^ 
Ouvrages  fans  cfprît ,  fans  vie  &  fans  appas , 
£t  qui  bleifoient  la  vue ,  ou  ne  la  touchoient  pas. 
Sur  les  uns  le  Vieillard  »  à  qui  tout  eft  poCTible  > 
Pa/foit  de  (on  pinceau  la  trace  imperceptible  » 
D'une  couche  légère  alloit  *  les  bruniflant  « 
Y  marquoit  des  beautez ,  même  en  les  cfifaçant } 
£t  d'un  noir  fans  égal  fortifiant  les  ombres  « 
Les  rendoit  plus  charmans  en  les  rendant  plus 

fombres  -, 
Leur  donnoit  ce  teint  brun  >  qui  les  fait  refpeé^er  » 
£t  qu'un  pinceau  mortel  ne  fçauroit  imiter. 
Sur  les  autres  tableaux  d'un  mépris  incroyable  » 

Il  paffoit  fans  les  voir  l'épodge  impitoyable  ^ 

£t  loin  deles  garder  aux  fiécles  )l  venir  » 

Il  en  effaçoit  tout  jufques  au  fbuvenir. 

Mais ,  LE  Brun  ,  fi  le  Tems  dans  la  fuitcdcs  âges,  ' 

Loin  de  les  efiàcer  «  embellit  tes  ouvrages  > 

Et  fi  ton  Art  t'éleve  au  comble  de  Thonnair , 

Sçache  que  de  Louis  t'eft  venu  ce  bonheur. 

Quand  le  Ciel  veut  donner  un  Héros  à  la  Terre  j 

Aimable  dans  la  paix ,  terrible  dans  la  guerre , 

Dont  le  nom  foit  fameux  dans  la  fuite  des  ans , 

Il  fait  naître  avec  loi  des  Hommes  exccUens  ^ 
TomeUL  F 


€6       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Afin  qu'en  cent  façons  ils  célèbrent  fa  gloire» 
F£R-i      £'  que  de  fes  hauts  faits  confervant  la  mémoire  » 
HAU  LT,    Des  vertus  du  Héros  la  brillante  clarté 
Serve  encor  de  lumière  à  la  poftérité. 
De- là  nous  (ont  venus  tant  de  doâcs  Orphées» 
Qui  chantent  de  Louis  les  glorieux  trophées  : 
Apollon  de  (es  feux  anime  leurs  cfibrcs  » 
£t  leur  infpire  à  tous  (es  merveilleux  accords* 
De-là  vient  que  le  Ciel  au  gré  de  la  Nature , 
A  voulu  qu'en  nos  jours  la  charmante  Peinture 
T'ait  mis  au  premier  rang  de  tous  les  favoris» 
Que  dans  le  cours  des  ans  elle  a  le  plus  chérie.. 
£t  que  TArt  foit  monté  par  l'étude  Se  l'exemple 
A  ce  degré  fupréme  oii  notre  œil  le  contemple  i 
Digne  de  la  grandeur  du  Roi  que  nous  (ervons  , 
Digne  de  la  fplendeur  du  fiécle  ou  nous  vivons,  i 


1  Ce  Pob*me  a  paru  pour  la  première  fois  en  i^^S.  Quel- 
qu'eftimé  qu'il  aie  été  des  ConnoiiTeurs ,  on  ne  prétend  pas 

2u*il  foie  exempt  de  défauts.  Dirons-nous  »  pour  lesjufti- 
er ,  que  l'Auteur  ,  lorfqu'il  compofa  cet  Ouvrage ,  écoic 
chargé  d'Emplois  aufli  pénibles  qu*importans  f  Difons  plu- 
tôt que  les  négligences  y  font  en  û  petit  nombre ,  qu'elles 
difparoiflent  en  quelque  forte  dans  la  foule  des  beautés  dont 
il  cft  rempli. 

UbiplurM  nittnt  in  cdrmim^  nçH  e^c  ^MUîh 
OffentUtr  méietdié.  Hor» 


L  I  V  R  E    X  I.  67 

DEVISES  POUR  LOUIS  LE  GRAND. 

Un  Lts  sur  sa  tige. 

CanJûTi  omnU  vinch. 

Reietton  gloriaix  d'une  tige  fubllme  » 
Je  monte  vers  le  Ciel  d'un  amour  magnanime  « 
£t  brille  d*un  éclat  qui  n'a  rien  d'emprunté  : 
Rien  de  ce  que  je  fuis  aux  monels  ne  (è  cache  : 

Mont  front  toujours  ouvert  aufC-bien  que  fans 

tache  y 
Sert  de  parfait  fymbole  à  la  fincerité. 

Un  Sep  de  vioni  de  Virginie. 

Crefch  in  immtnfum. 

Un  progrès  (ans  pareil  a  ftiivî  ma  naiffanc^ 
Par  une  merveilleu^  &  fècrette  puiflance 

On  me  voit  élever  toujours  : 

Il  n'eft  obftacles  ni  limites , 
Qui  puiffent  retarder  mes  démarches  fubltes. 

Ni  qui  puiffcnt  borner  mon  cours. 

Une   Grenade. 

Trâfiant  interna  coronju 

Quelque  avantage  que  me  donne 
La  royale  couronne 


Per- 
Rauli 


6%        BIBLIOTHEQUE    POETIQUE.  . 


7 


Dont  mon  front  eft  paré } 
p£i^.  Toutefois  ce  beau  diadème 

AULT»  Ne  (çauroit  être  comparé 

Aux  tré(brs  Infinis  qae  j'enferme  en  moi- même. 

Bfitafhe  dt  M.  le  Maréchal  de  Criqui  »  inhumt 
aux  Jacobins  de  la  rué  Saint  Honoré. 

Celui  dont  le  grand  cœur  >  par  la  gloire  animé» 
Ne  fe  borna  Jamais  ,  cft  ici  renfermé. 
Son  trépas  fut  fuivi  des  regrets  les  plus  tendres  \  ^ 
£t  (on  Epoufè  en  pleurs  attend  cet  heureux  jour. 
Ou  la  mort  en  mêlant  leurs  précleufes  cendres  » 
Les  joindra  pour  jamais  comme  a  fait  leur  amotir* 

Sur  la  mert  de  Franfêss  ttHareourt  de  Beuvrem  » 
Abbé  du  Idontier  en  Argonne, 

Vki^s  des  murs  adiégez  d'une  Ville  obftinfe# 
Il  meurt  en  s'acquittant  de  (on  pieux  emploi.  • 
Tous  pleurent  à  l'envi  (à  trifte  defti'née  \ 
Il  eft  plaint  des  Soldats  «  des  Che6  &  de(bn  R<^. 

La  nobleiTe  du  fang  fut  (on  moindre  avantage  S 
Sa  belle  aine  brûla  du  feu  qui  fait  les  Saints  % 
£t  lor(que  les  Guerriers  (îgnaloient  leur  courage  » 
Il  élevoit  au  Ciel  (es  Innocentes  mains. 

Il  mourut  quand  Namur  d'une  immortelle 
gloire. 
En  tombant  couronna  Tes  ilhiftresyainqaeutSf 


t  Ces  Stances  &  l'Çpicaphe  qui  les  ptécéde  >  foat  tradui- 
tes ^  Latin  de  SantetiiK 
*  C'efi  une  belle  traduâion  de  ces  deux  vers  du  mêmeFoëcet 

Ht€  éiçtofretHOÊ  ventura  in  fieemld  Jteges  y 
Gallia  ;  ^nwdéim  ùrIrisftMtiet  ejfe  fros, 
II  faut  pourtant  convenir  que  n  lapenfSe  eft  également  no* 
Ibledans  les  deux  Langues  y  l'expremod  Latine  a  plus  de  foroC 
U  de  préf Ifion  ^  kiFiaoçoife. 


RAUX.1 


L  I  V  R  E    X  I.      '  69^ 

Et  fa  mort  au  milieu  des  champs  de  la  Vi6boire , 

Troubla  notte  allcgrefTe ,  &  fît  cduier  nos  pleurs.  '•        P£R- 

Sur  un  Tablisu  de  Mignard .  qui  refréfinte  U 

Famille  ticyaU. 

m 

Dans  ces  jeuues  Héros ,  dont  l'augiifte  naïf- 
fance 
Promet  cent  miracles  divers . 
Tu  vois  tes  Rois  y  heureu(è  France  -, 
Et  peut-être  y  vois-tu  ceux  de  tout  l'Univers.  * 

Fertraît  de  t  Amitié» 

Tai  le  vîfage  long  8c  la  mine  naïve  i 
Je  fuis  ÙLtis  finefle  &  faps  art  : 
Mon  teint  eft  fort  uni,  fa  couleur  a/Tez  vive, 
£t  je  ne  mecs  jamais  de  fard. 

Mon  abord  eft  civil .  j*ài  la  bouche  riante  , 
Et  mes  yeux  ont  mille  douceurs  ; 
Mais  quoique  je  fois  belle ,  agréable  &  charmante  y 
Je  régne  fur  bien  peu  de  cœurs* 


1 


«I 


70        BIBLIOTHEQUE    FOETIQUi. 

Il  eft  vrai  qa*on  m'ezalce  ^  Ôc  prefque  tous  Ici 
p£R.'  hommes 

lUkVLT*  Se  vantent  de  fuine  mes  lois  : 

Mais  que  j'en  connois  peu  dans  le  fiécle  ou  nous 
fbmmes 
Dont  le  cœur  réponde  à  la  voix  I 

Ceux  que  je  fais  aimer  d'une  flamme  fidelle  » 
Me  font  l'objet  de  tous  leurs  foins  ^ 
Et  quoique  je  vicillifTeà  leurs  yeiix  toujours  belle |> 
Ils  ne  m'en  eftiment  pas  moins. 

On  m'accufe  (buvent  d'aimer  trop  à  paroitre 
Od  Ton  voit  la  profpérité  -, 
Cependant  il  eft  vrai  qu'on  ne  me  peut  connoitre 
Qu'au  milieu  de  l'adverfîté. 

Sur  quelques  tradu^hnsdes  Pc'étes  Grecs» 

Ils  dévoient  ces  Auteurs  <  demeurer  dans  leur 
Grecj 
£t  fe  contenter  du  re(pe£lk 


1  Bion,  Mofchus ,  Anacréon  &  Théocrke,  traJuicses 
Yen  François  par  le  Baron  de  L  *  *  *.  C'écoic  un  homme  con- 
fbmmé  dans  le  Grec ,  mais  fec  &  dur  verfiHcaceur  au  fentt* 
fnencdes  gens  du  m^ier.  On  lie  dans  le  B0lUétrui  y  que  M. 
Defpréaux  ayanc  entendu  cette  Epigramnie ,  8*écria  d'un  ton 
de  furprife  :  Efi-cekienM.  Ps&ilault  ^«i  td  fuite  f  II  eft 
fims  doute  fort  furprenanc  que  l'Auteur  du  Pob'me  fur  U 
Peinture  y  de  l'IdjUe  à  M.  de  U  Quintinie ,  du  G^nie  à  M.  d« 
Fomenclle ,  &c.  ait  pu  faire  une  jolie  Epigrainme  l 


L  I  V  R  E    X  I  71 


M,ÀUV 


De  la  gent  qui  porte  férule  : 
D'un  r^avanc  Traduftcur  on  a  beau  faire  choix ,        ^  *  ^*' 
C  cft  les  traduire  ridicule 
Que  de  les  traduire  en  François. 

A   Monsieur   de   Fontenelle, 

Le  Génie, 

Comme  on  voit  des  Beautez  fans  grâce  &  fans 

appas , 
Qui  furprcnnent  les  yeux  ^  mais  qui  ne  tonchenc 

pasi 
Ou  brille  vainement  fur  un  jeune  vifage 
De  ta  rofè  &  du  lys  le  pompeux  afTcmblage  ^ 
Ou  Cous  un  front  ferain  de  beaux  yeux  (è  font  voir 
Comme  des  Rois  captifs  fans  force  &  fans  pouvoir  ^ 
Tels  on  voit  des  efprlts  au-defTus  du  vulgaire , 
Qui  parmi  cent  talens  nont  point  celui  de  plaire. 
£n  vain  ,  cher  Fontenelle  «  ils  fçavent  prudem* 

ment 
Employer  dans  leurs  vers  jufqu'au  moindre  ornc<« 

ment , 
Prodiguer  les  grands  mots ,  les  figures  (iiblimeS) 
Et  porter  à  l'excès  la  riche/Te  des  rimes  ; 
On  baille  ,  on  s'afloupit,  &  tout  cet  appareil  ^ 
Après  un  long  ennui  caufe  enfin  le  fommeil* 
11  faut  qu'une  chaleur  dans  l'ame  répandue  « 
Pour,  agir  au  dehors  l'élevé  de  la  remue  ; 


lULT. 


7x       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Lui  fourniiTc  un  difcouts  qui  dans  chaque  auditeur 
Ou  de  force  ou  de  gré  trouve  un  approbateur  ^ 
Qui  faiiifle  Tefprit ,  le  convainque  &  le  piqUe  j 
Qui  déride  le  front  du  plus  fombre  Critique  , 
£t  qui  par  la  beauté  de  fes  cxpreflions 
Allume  dans  le  cœur  toutes  les  paffîons* 
Ceft  ce  feu  qu'autrefois  d'une  audace  nouvelle 
Promethée  >  enleva  de  la  voûte  éternelle  » 
£c  que  le  Ciel  répand ,  (ans  jamais  s'^puifer  , 
Dans  Tame  des  mortels  qu'il  veut  favorifer« 
L'homme  >  fans  ce  beau  feu  qui  Téclaire  6c  l'épuce  ^ 
N'eft  que  l'ombre  de  l'homme ,  &  fa  vaine  figure  s 
Jl  demeure  sn&nfible  à  mille  doux  appas.. 
Que  d'un  oeil  languiffant  il  voit  &  ne  voitpaSr 
Des  plus  tendres  accords  les  fçavantes  merveilles^ 
Frappent ,  fans  le  charmer  »  fes  ftupides  oreilles^ 
Et  les  plus  beaux  objets  qui  paflènt  par  fes  fens  » 
N'ont  tous  pour  fa  raifon  que  des  traits  impuiffans. 
Il  lui  manque  ce  feu  >  cecte  divine  flamme , 
2  L'efprit  de  (on  efprit ,  &  l'ame  de  (on  ame« 


1  Promethée  ayanc  détrempé  dans  Teau  une  efpece  de  li- 
moa,  il  en  forma,  félon  la  Fable,  les  premiers  Hom- 
mes :  il  déroba  enfuite  par  adreiTe  le  feu  du  Ciel ,  pouf 
leur  donner  la  vie.  Jupiter  irrité  de  Ton  audace  commanda 
à  Vulcain  de  l'attacher  fur  le  mont  Caucafe  avec  des  chaioes 
de  fer.  Non  content  de  cette  punition ,  il  envoya  un  Vau- 
tour afl^é ,  qui  dévoroît  chaque  jour  une  panie  du  foye  du 
malheuteux  Promethée  i  &  «our  etemifer  fon  fupplice  >  ce 
ioye  renaiiloit  6c  fe  reproduiioit  toutes  les  nuits. 

t  Ce  vers  \\xi  parouû  ion  alambi^ué  â  unCchiquc  de 

Que 


Z  I  V  R  E    X  L  75 


"« 


&ÂU£: 


Que  celui  qui  pofTede  un  don  û.  précieux  » 

D'un  encens  éternel  en  rende ^race  aux  Cieux.  ^^^' 

Eclairé  par  lui-même ,  &  fans  étude  habile  « 

Il  trouve  à  tous  les  Arts  une  route  facile  ; 

Le  fçavoir  le  prévient ,  &  (èmble  lui  venir 

Bien  moins  de  Xbn  travail  que  de  Ion  fouvenît. 

Sans  peine  il  Ce  fait  jour  dans  cette  noitobfcuce 

Ou  fe  caclie  à  nos  yeux  la  fecrete  Nature  : 

n  voit  tous  les  reflbrts  qui  meuvent  TUnivers  j 

Et  (î  le  (brt  Tengage  au  doux  métier  des  vers  « 

Par  lui  mille  beautcz  à  toute  lieilreTont  vûe's  , 

Que  les  autres  mortels  n*ont  jamais  apperçûcs. 

Quelque  part  qu'au  matin  il  découvre  des  flcars  « 

Il  voit  la  jeune  Aurore  y  répandre  des  pleurs. 

S'il  jette  Tes  regards  fur  les  plaines  humides  , 

ïl  y  voit  s'y  jouer  les  vertes  NéréïHes  ^ 

Et  {on  oreille  entend  cous  lesJifiérchs  tons  , 

Quepouifent  dans  les  airs  les  conques  des  Tritons. 

S'il  promené  fes  pas  dans  une  forêt  fombre  » 

Il  y  voit  des  Sylvains  &  des  Nymphes  fans  nom- 

■brc; 
Qui  toutes  Tare  en  main ,  le  carquois  fur  le  dos , 
De  leurs  cors  enrouez  réveillent  les  échos  j 


nos  jours>/«xpnme  ,'ide  femble  «  xTune  façtvii  énergique  fa 
vpea<&  de  l'Auteur,  Au  refte»  comme  la  PqèMe  .a^fii  har>- 
dieflfes,  on  ne  peut  guécesles  condamner  ^uc  loirqii'elles  foflc 
»«cop  fréquentes.  .•-..' 


RAULT. 


74       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

£t  chaiTanc  à  grand  brulc  vont  terminer  leur  coarfè 
Per-      ^y  ijQrj  jes  claires  eaux  d*unc  bruyante  (burce. 
Tantôt  il  les  verra  (ans  arc  &  (ans  carquois  » 
Danfèr  durant  la  nuit  au  filence  des  bois  » 
£t  {bus  les  pas  nombreux  de  leur  dan(è  légère  , 
Faire  à  peine  plier  la  mou^e  &  la  fougère  ; 
Pendant  qu'aux  mêmes  lieux  le  refte  des  humains 
Ne  voit  que  des  chevreuils ,  des  biches  &  des  daims. 
C'eft  dans  ce  feu  facré  que  germe  l'éloquence  -, 
Qu'elle  y  forge  fes  traits ,  fa  noble  véhémence  \ 
Qu'elle  y  rend  fes  difcours  (i  brillans  6c  fî  clairs* 
C'eft  ce  feu  qui  formoit  la  foudre  &  les  éclairs 
Dont  le  fils  àç  Xantipe  &  le  grand  Démofthenes 
Effrayoîcnt  à  leur  gré  tout  le  peuple  d'Athènes. 
Ceft  cette  même  ardeur  qui  donne  aux  autres  Ans 
Ce  qui  mérite  en  eux  d'attirer  nos  regards  ^ 
Qui  féconde ,  produit  par  fes  vertus  (ècretes. 
Les  Peintres ,    les  Sculpteurs  »  les  Chantres ,  les 

Poètes  j 
Tous  ces  hommes  enfin  en  qui  l'on  voit  régner 
Un  merveilleux  fçavoir  qu'on  ne  peut  enfeigqer  > 
Une  fainte  fureur ,  une  fage  manie , 
Et  tous  les  autres  dons  qui  forment  le  génie. 

AU'defTus  des  beautez ,  aa-deflus  des  appas 
Dont  on  voit  fe  parer  la  Nature  ici-  bas, 
Soht  dans  un  grand  palais  foigneufemênt  gardées 
De  l'imnsuable  Beau  les  brillantes  idées  ; 
Mcdeles  éternels  des  travaux  plus  qu'humains 


L  I  V  R  E     X  I.  75 

Qu'enfament  lesefprics  ,ou  que  forment  les  mains. 
Ceux  qu'anime  &  conduit  cette  flamme  divine  ,  P£r. 

Qui  du  flambeau  des  cieux  tire  (on  origine ,  R  a  u  l 

Seuls  y  trouvent  accès  ,  &  par  d*heureux  efforts 

Y  viennent  enlever  mille  riches  trétbrs. 
Les  célèbres  Myrons ,  lesilluftres  Apclles 

Y  prirent  à  l'envi  mille  grâces  nouvelles  -, 

Ces  Charmantes  Venus ,  ces  Jnpiters  tonnans , 
Od  l'on  vit  éclater  tant  de  traits  éconnans , 
Que  la  Nature  même  en  fcs  plus  beaux  ouvrages , 
Ne  peut  nous  en  donner  que  de  Foibles  images. 
Ce  fiit-là  qu'autrefois  fans  l'ufage  des  yeux  * 
Du  âége  d'Ilion  le  Chantre  glorieux  ; 
Découvrit  de  fbn  art  les -plus  facrez  myfteres* 
£t  prit  de  Tes  Héros  les  divins  caraderes. 
Ce  fut4à  qu'il  forma  la  vaillance  d'Heôor  > 
Le  courage  d'Ajax>  le  bon  fensde  Neflor  « 
Du  fier  Agamemnom  la  conduite  févere , 
Et  du  fils  de  Thétls  l'implacable  colère  : 
Uly(&  y  fut  conçu  toujours  fage  &  prudent , 
Therfite  toujours  iâche  &  toujours  impudent. 
•  Dans  ce  même  féiour  tout  brillant  de  lumières» 
Ou  l'on  voit  des  objets  les  images  premières, 
II  (çut  trouver  encor  tant  de  varierez  > 
Tant  de  faits  merveilleux  fagement  inventez  • 
Que  malgré  de  fbn  tems  l'ignorance  profonde , 
De  fbn  tems ,  trop  voifîn  de  l'enfance  du  monde  « 

Malgré  de  tous  fcs  Dieux  les  difcours  indéccns , 

Gij 


76       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ses  redîtes  fans  fki ,  (es  contes  languiflans , 
Dont  rharmonieux  fon  ne  flatte  que  TorelUe  » 
Et  qu'il-lalfle  échapper  quand  fa  Mu&  <  (bmmeille^ 
£n  tous  lieux  en  i  adore  y  en-tous  lieux  fies  Ecrits 
D*un  charme  inévitable  enchantent  les  e(prit8* 
C*eft-là  que  s*élcvoit  le  Héros  de  ta  race  , 
Corneille  ,  dont  tu  fuis  la  gloricufe  trace? 
C'çftrià  quen  cent  £a^Qns  ,  (bus  des   fantôaifiS 

vains , 
S'apparoifToit  en  lui  la  vertu  des  Romains  ; 
Qu'habile  il  en  tira  ces  vivantes  images , 
<îui  donnent  tant  de  pompe  à  fes  divins  Ouvra- 
ges, 
Et  qu'il  relevé  cncor  par  l'éclat  de  fes  ver? , 
Délices  delà  France  &  de  tout  l'Univers. 
En  vain  qudqucs  Auteurs ,  dontia  Mufe  ftérile 
N'eut  jamais  rien  chanté  fans  Homère  Se  Virgile, 
Prétendent  qu'en  nos  jours  on  (è  doit  contenter 
De  voir  les  Anciens  &  de  les  Imiter.. 
Combien  fans  le  fecours  de  ces  rares  modèles , 
En  voit-on  s'élever  par  des  routes  nouvel  les  ! 
Çombica  de  traits  charmaas  (èmez  dans  tes  Ecrits  « 


I  De  raven  même  d'Horace  ,  ^Vtqudndo  bonus  dormit^ 
i/oweni»*.  Xe  jugement  que  M.  Perhault  porte  icid'Ho- 
jnere  eft  foadé  C\jit  la  raifon  &  fur  l*équité.  S'il  eût  uCl  d'u^e 
pareille  modération  dans  fes  ParatleUs  ,  il  n'auroit  eu 
(ien  à  démêler  avec  quelques  fameux  pa;tifaos  des  Aa^ 


dtiÉi 


L  I  V  R  E     JCI.  ir 


Ne  doivent  qu  à  toi  (èul  &  leur  écre  &  leur  prix  ! 

N*a-t*oû  pas  vu  des  Morts  aux  rives  infernale»  pti 

Briller  de  cent  beaucez  toutes  originales-  «  l^  AU 

£c  plaire  aux  plus  chagrins  fans  redire  en  Françoisr 

Ce  qu'un  aimable  Gcec  ^  leur  fit  dire  autrefois  ? 

De  l'Eglogue  ,  en  tes'vers,  éclate  le  mérite, 

Sans  qu'il  en  coûte  rien  au  fameux  Théocrite , 

Qui  jamais  ne  fis  plaindrcun  amoureux  deftiu , 

D'un  ton  (î  délicat ,  fi  galant  &(î  fin; 

Four  toi ,  n'en  doutons  pas ,  trop  heureux  FoK* 

TENELLE  , 

Des  nobles  fixions  la  fource  eft  éternelle  ^ 
Pour  toi  >pour  tes  égaux  j-d'un  immuable  cours , 
Elle  coule  fans  cefic ,  6c  coulera  toujours. 

A   M.    DE    tA    QUINTINTE, 

Surfin  Livre  de  rinftruBion  des  Jardins  fruiiiert 

éi*fotagers. 

Pendant  que  vous  chantez  les  Héros  de  la 
guerre* 
Qui  font  régner  la  Mort ,  &  défolent  la  Terre  \ 
SouCrez  »  Mufes ,  foufFrez  qu'à  l'ombre  du  repos 
Je  chante  dts  Jardins  le  paifîble  Héros. 
Par  (on  heureux  travail ,  par  (es  (bins  honorée ,. 
De  mille  nouveaux  fruits  la  Terre  s*e(l  parée  ^ 


li  Lucien, 

G»  •  • 


78       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Et  devenant  féconde  au  gré  de  fes  defirs , 
F.R-       A  charmé  tous  nos  fens  de  mille  doux  plalfirs. 
LU  LT.    Le  folide  élément  qui  foutient  notre  >qc , 
La  Terre  fe  plaignoit  de  n*êtrc  plus  fervîc 
Que  par  des  hommes  vils ,  par  de  niftiques  mains  j 
Elle  qui  vit  jadis  les  plus  grands  des  Romains 
Au  fortir  des  combats,de  leurs  mains  triomphantes 
Cultiver  avec  foin  les  moindres  de  fes  plantes. 
Elle  n'enfantoit  plus  dans  (a  vive  douleur , 
Que  des  fruits  imparfaits ,   fans  force  >  ou  fans 

couleur. 
A  peine  pour  garder  6s  lois  &  fes  coutumes , 
Donnoit-elle  au  Printcms  les  plus  fimples  légtt- 

mes  j 
Et  retenant  cachez  (es  précieux  ttéfors , 
Elle  ne  daignoitplus  les  produire  au  dehors. 
De  (on  riche  palais  la  difcrete  Nature 
Avec  joie  entendit  cet  innocent  murmure  « 
Et  pour  notre  bonheur  promit  de  mettre  fia 
Aux  finiftres  effets  d*un  Ci  jufte  chagrin. 
Elle  avoit  des  long  tems  du  fî^c  Quintinye 
Formé  pour  les  Jardins  l'admirable  génie , 
Et  verfé  dans  fon  fein  les  dons  qu'elle  départ , 
Quand  elle  veut  qu'un  homme  excelle  dans  (on  art» 
L'efprit  qu'il  reçut  d'elle,  ou  vert  fur  toutes  chofes  » 
Ne  voyoit  point  d'effets  fans  en  chercher  les  caufes> 
Avec  un  foin  exadb  il  avoit  médité 
Tout  ce  qu'a  jamais  fçu  la  dofte  Antiquité  i 


enrnsÊtBi 


L  T  V  R  E     X  L  St 

Donc  lès  (ombres  chaleurs  ,   plus  douces  &  plus 

lentes  » 
Sont  l'amour ,  le  foutlen  St  la  force  des  plantes. 
Ces  deux  feux  difTérens  en  joignant  leur  pouvoir  » 
Tônt  tout  croître  8c  germer ,  font  tout  vivre  êc 

mouvoir. 
Il  eft  encore  un  feu  vif  «  abjet ,  méprîGible  » 
Né  du  fale  rebut  d'une  ruftique  étable , 
Mais  qui  rempli  àt  fucs  8c  et  (èls  précieor  » 
Fait  feul  plus  que  la  terre  &  le  flambeau  des  cieux* 
Par  fbn  heureux  fecours  >  joint  à  ton  induflrle  » 
Tu  peux  cueillir  des  fruits  au  fein  de  ta  Patrie , 
Plus  doux  ,  pliis  favoureux  ,  plus  fins ,  plus  déli- 
cats j 
Que  ceux  ou  le  Soleil  dans  lès  plus  beaux  cTimats- 
Aura  y  pendant  le  cours  de  fa  longue  carrière» 
Répandu  tous  Tes  feux  &  toute  fa  lumière. 
De  l'art  que  tu  chéris  le  (ccret  fouveraiit 
Eft  de  fe  bien  pofter ,  &  fur  un  bon  terrain  : 
Il  faut  conooitre  encor  comment  l'arbre  prend  vie  j- 
Comment  il  fc  nourrit ,  comment  il  fruélifie  y 
Quelle  vertu  l'anime  ,  &  fi  diverfement 
A  taac ,  (ans  (è  peiner,  donne  le  mouvement. 
Dans  l'endroit  ou  le  tronc  fe  joint  à  la  racine-, 
L'ame  fait  fa  demeure ,  8c  prend  fon  origine. 
Lorfque  l'hiver  répand  fa  neige  8c  Ces  frimats ,. 
£llç  quitte  la  tige  &  defcend  en  embas  , 
Ou  /âge  elle  (rayaillc  à  pouffer  de  fès  fouchet^ 


«n 


81        BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

De  nouveaux  rejettons,  qui  comme  autant  de  bou- 
Per-  chcs 

AULT.    Attirent  raliment ,  &  forment  la  liqueur , 

Qui  de.  l'arbre  au  Printcms  fait  toute  la  vigueur  \' 

Qui  ranime  en  montant  Ton  tronc  &  (es  brancha- 
ges, 

Et  le  couronne  enfin  de  fruits  &  de  feuillages* 

Ainfi  c'efl  un  abus  de  ne  pas  retrancher 
Ces  petits  filamens ,  odi*on  n'ofe  toucher  : 
Dès  qu'ils  ont  vu  le  jour ,  <  aufll-tôt  ils  purifient  « 
£t  dans  terre  enfouis  fe  féchent  >  fe  moifiâcnc, 
Infedent  ce  qui  vit.  Loin  que  l'arbre  par  eux 
En  repoufle  des  jets  plus  fains  ,  plus  vigoureux  ^ 
Il  en  fent  devenir  fcs  forces  languifTantes, 
Et  ne  prend  d'aliment  qu'aux  racines  naiflantes. 
Tes  Pères ,  peu  fçavans ,  fe  font  encore  trompez 
Dans  l'art  dont  les  rameaux  veulent  être  coupez. 
Quand  du  milieu  de  l'arbre  une  branche  nouvelle 
S'élevoit  fièrement  grofle  ,  luifante  &  belle  * 
Elle  étoit  confervée ,  &  charmé  de  l'avoir , 
L'ignorant  Jardinier  y  mcttoit  fon  efpoir. 
Il  faut  jetter  à  bas  cette  jeune  infolente  , 
Qui  prend  pour  fe  nourrir  tout  le  fuc  de  la  pUnte  : 
Ce  fuc ,  dès  qu'on  la  coupe ,  au(fit«tôt  abattu , 


I  Aujft-tot  après  dh  que  ,  eft  fupcrflus  ;  &  le  Pofe'te  s'en 
feroic  tenu  fans  douce  à  l'un  des  deux  s'il  D*cût  été  g6né  pac 
la  meAire  du  vers. 


L  I  V  R  E      X  I.  83 

_ ^ , . ^ , 

Aux  branches  d'alentour  partage  fa  vertu  j 

Répare  abondamment  leurs  forces  prefque  éteintes  >      Pe R- 

£c  groffic  tous  les  fruits  dont  elles  font  enceintes.        ^^^  ^ 

Je  ne  pourrois  nombrer  les  abus  difiërens , 

Oti  de  mille  façons  tombent  les  ignorans* 

Le  tems  Se  mes  leçons  te  les  feront  paroîrre. 

Des  arbres  cependant  travaille  à  bien  connoitre 

Tous  les  tempéramens  &  toutes  les  humcars  » 

Leurs  chagrins  >  leurs  defirs  >  leur  langage ,  leurs 

mœurs. 
Il  faut  qu'à  demi  mot  un  Jardinier  entende 
Ce  que  dans  fes  befoins  un  arbre  lui  demande» 
Sa  tige ,  fès  rameaux  >  fes  feuilles,  (à  couleur» 
Lui  témoignent  affez  fa  joye  >  ou  fa  douleur. 
Si  dans  ces  lieux  fàcrez  j'ai  voulu  te  conduire , 
Si  moi-même  je  prends  la  peine  de  t*in(lruire , 
£c  te  découvre  enfin  tant  de  (ècrets  divers , 
Tu  dois  en  rendre  grâce  au  Maître  que  tu  fers. 
Ce  Prince  eft  mon  amour ,  c  eft  mon  parfait  oo^ 

vragej 
Sa  bonté ,  ù,  douceur ,  fa  force ,  {on  courage  , 
£t  tous  mes  plus  grands  dons  qu* en  lui  j'ai  ramaffez» 
Auroient  fait  vingt  Héros  dans  les  fiécles  paffez.. 
Quand  fuivi  de  fa  Cour  ,  &  tout  brillant  de  gloire, 
Louis  en  dcfcendant  du  char  de  la  ViAoire , 
Viendra  fe  délaffer  après  mille  dangers , 
Dans  les  longs  propiienoirs  de  (es  riches  vergers  ^ 

Il  faut  que  de  beaux  fraies  ea  tout  tcœs  foient  cou^ 
vertes 


m    I    1 1       I  '  -  —  n* 

^4         BIBLIOTHEQUE     POETIQUE^ 

De  tes  arbres  féconds  lès  braiîch es  too jours  Vcttcs", 
PuKqu-cn  toutes  faifons  fuivi  de  fcsGucrHcrs 
Dans  le  beau  champ  de  Mars  il  cueille  dès  laarier$< 

AïnCi  la  QuiNTiNYE  apprit  de  la  Nature 
Des  utiles  Jardins  l'agréable  culture. 
De- là  tant  de  beaux  fruits  :  de-là  nous  (bnt  venas' 
Tant  d*arbres  exc^ellcns  ,  autrefois  inconnus  ', 
Ou  qur  ne  fe*  plaifoient  qu'aux  plus  lointauies 

.    terres. 
De-Ià  viennent  encor  ces  admirables  (erres  « 
Où  les  arbres  choifîs ,  qu'on  enferme  dedans  y. 
Sous  un  caime  éternel  (ont  toujours  abondàns» 
Chez  lui ,  quand  l'Aquilon  de  fes  froides  haleioes* 
Fixoit  le  cours  des  eaux ,  &  durci(roit  les  plaines  ) 
Dans  rencl<9s  fouterrain  de  ces  tiédes  réduits , 
De  l'Eté ,  de  l'Automne  on  trou  voit  toas-lerfruits  ; 
On  trouvolt  du  Printems  toutes  les  fleurs  éclo(è9  « 
Et  l'Hiver  au  milieu  des  fraifes  &  dès  rofcs , 
Auroit  cru  n'être  plus  au  nombre  des  faifons*, 
Si  dehors  il  n'eût  vu  fa  neige  &  fes  glaçons. 
Là,  brilloit  le  teint  vif  des  pèches  empourprées  % 
Ici ,  le  riche  émail  des  prtmes  diaprées  ^ 
Là  ,  des  rouges  pavis  le  duvet  délicat  y 
Ici ,  le  rouge  ambré  du  roufsâtre  mufcat  ; 
Tous  fruits ,  dont  l'oeil  fans  cefle  admiroit  rabon* 

dance , 
La.beauté,  la  groffeur,  la  difcrete  ordonnance  : 
Jamais  for  k)irs  rameaux  également  chargez,. 


KAULU 


L  I  V  R  E    X  I.  8f 

La  main  fi  fagcment  ne  les  eût  arrangez. 

Mais  c'cft  peu  que  notre  âge  ,  illuttre  Qiiintxn ye  ,       ^**" 

Ait  profité  des  dons  de  ton  rare  génie.; 

C*cft  peu.qiie  déformais Ja  terre  oii  tu  naquis , 

J'oui/Iè  par  tes  foins  de  tant.de  fruits  exquis  ^ 

Tu  veux  avec  ta  plume ,  agréable  &  fçavante  ^ 

Tranfmettre  tes  fècrets  à  la  race  fuivante  y 

"Et  les  faifant  paffer  à  nos  derniers  neveux  , 

Rendre  tous  les  climats  &  cous  les  tems  heureux^ 

Tour  la  Sainte  Croix. 

Voila  la <Ihaire  oii  Jésus  nous  inftruit  : 
Le  Lit ,  ou  pour  jamais  (on  Sang  nous  reproduit} 
Le  Siège  ,  oii  fc  rendra  la  juftice  ruprcmc  j 
Le  Char.«  ou  jufqu'au Ciella  gloire  Ta  conduit .; 
£t  l'Autel  >  où  pojir  nous  ii  s'immole  lui-même,  i 

Aux  nouveaux  Convertis» 

Enîin  de  vos  amcs  rebelles 
La  Grâce  a  deffillé  les  yeux  « 
Et  rejoints  au  Corps  des  Fidelles« 
Yous  rentrez  au  chemin  des  Cieux. 


I  Ces  vers  font  traduits  des  vers  fuivans  de  Santeuil  » 
^ui  rqnteu^c-mémes  autant  de.'peafl^s  cirées  des £S.Peres« 

^éic  ilU  ftdes  quâ  docwit  Dem  i 
^if^italisy  in  quo  nos  feperit  y  thorui^ 
t'urrus  trimphantit ,  tribundl         * 
Judicis,  4UqueJit40tis4r4, 


^6       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


Mn 


JUAULT. 


BéniSci  le  Seigneur  ,  béniflez  fa  clémence  i 
P^R-  Et  de  votre  bonheur  immenfe 

Goûtez  les  fol  ides  appas  ; 
Mais  n'oubliez  jamais  ,  qu'aux  routes  ineffablec 

De  fes  véritez  adorables  , 
Ceft  à  la  feule  Foi  de  conduire  vos  pas. 

Caïn  maudit  de  Dieu. 

A  tout  homme  à  jamais  tu  fefas  en  horreur* 
Le  fang ,  le  jufte  fang  qu*a  verfé  ta  fureur , 
£ft  tombé  devant  moi  fur  la  tetre  altérée  : 
Elle  Ta  bu  fumant ,  &  s'en  cft  enyvrée. 
Tu  n'en  recueilleras  qu'une  moifibn  d'ennuis  ^ 
Son  fein  à  tes  travaux  refufera  fes  fruits  ; 
Et  toujours  fugitif  fur  la  face  du  monde , 
Tu  n'y  pourras  fixer  ta  courfe  vagabonde. 

STANCES. 

Sur  U  vanité  du  repentir  dans  la  vteillejfe. 

Je  ne  le  fçai  que  trop ,  dans  le  cours  du  bel  âge-, 
Quand  la  nature  ardente  échauffant  nos  defirs , 
Nous  rend  fi  propres  aux  plaifirs , 
Qu'il  di  mai-aifé  d'être  fage  : 
Cependant ,  malgré  tant  d*iattralts , 
On  ne  peut  trop  le  dire ,  &  le  faire  coùnoitre , 

En  ce  tems-là  même  il  faut  l'être , 
Ou  l'on  court  grand  danger  de  ne  l'être  jamais» 


LI  V  R  E     X  I.  87 

Il  n*cft  pas  vrai  que  la  viellleflè 
Ramené  chez  nous  le  bons  (èns  : 
Ce  que  Ton  y  voit  de  fageflc  , 
N'eft  que  l'efFet  de  fa  foiblcffc 
Qui  rend  nos  defirs  impuiflans. 

En  vain  l'homme  paroit  renoncer  aux  délices 
Qui  firent  autrefois  fon  crime  &  fon  erreur  ^ 
Rendez  à  tous  fes  fens  leur  première  vigueur  > 
'  .Vous  verrez  auffi-tôt  renaître  tous  fes  vices. 

Ceft  à  tort  qu'un  vieux  débauché 
5ur  quelques  vains  remords  fonde  (on  efpérance: 
Ce  remords  dont  il  efl:  touché 
N'eft  qu'une  vaine  pénitence , 
Qui  (ans  expier  (on  offèn(è , 
Ne  fert  qu'à  punir  Con  péché* 

Dans  les  pleurs  qu'on  lui  volt  répandre 
Pour  les  crimes  qu'il  a  commis , 
Qui  fçait  s'il  Ce  repeut  des  plaifirs  qu'il  a  pris , 
Ou  s'il  regrete  ceux  qu'il  ne  fçauroit  plus  prendre } 

Le  pécheur  qui  cranquillemenc 
'  Attend  i  revenir  de  (on  égarement 

Qu'il  foit  au  bout  de  (à  carrière , 
Se  trompe  maiheureufement  : 


%S       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

C  cft  une  grâce  fingullere 

Per-  Que  Dieu  ne  f#it  que  rarement,  i 


RAULT. 


EXTRAIT  DE  SAINT  PAlfLIN, 

N       P  0  B  M  B     H  B*  k  0  1  aV  B. 

0 

Sages  maximes  pour  les  Rois* 

^  D£ux  fols  à  peine  encor  l'inégale  courîerc 
Dans  le  cercle  de^  mois  fournira  fa  carrière , 
Que  Gontaire  effacé  du  nombre  des  humains  « 
Yous  laiflcra ,  Seigneur ,  (on  fceptrc  dans  les  mains. 
Mais  lorfqu!enfin  le  Ciel  au  trône  vous  appelle , 
Aux  devoirs  qu'il  prcfcrit  fongez  d'être  fidelle. 
N'imitez  pas  ces  Rois ,  dont  reQ)rit  orgueilleux 
Pcnfe  que  les  Etats  ne  (ont  faits  que  pour  eux  % 
Qu'un  digne  Potentat  doit  n'aimer  que  la  guerre , 
N'avoir  point  de  repos  qu'il  n  ait  conquis  la  Terre^ 
N'admettre  dans  Ton  cœur  que  de  values  projets  « 
Et  ne  compter  pour  rien  le  bonheur  des  fujets. 
Non ,  Seigneur  .d'un.grancl  Roi  la  véritable  gloire 
N'eft. point  de  remporter  vi^oirc  fur  viâoire  y 


I  Ces  Stances  ont  été  gravées  fous  le  nom  de  M.  Per- 

I.AULT,  ^  annoncées  même  comme  (bn  dernier  ouvrage  : 

«cependant  elles  fc  trouvent  imprimées  parmi  les  Pofe'iics  de 

M.  Pavillon.  Unexhoie  eft  yraye ,  c'cll  qu'eilei  ibutfl^iies 

de  cous  les  deux. 

^  Saint  Paulin  annonce  au  Prince  Traftnond ,  nsvai  d« 
Aoi  des  Vandales ,  qu'il  cft  à  U  veiliede  lui  iUcfléder. 

De 


L  I  V  R  E     X  L  89 

De  lépandre  du  fang  y  d'envahir  des  Etats  »  <wi—— ■ 

Ni  de  faire  trembler  les  autres  Potentats  3  Pfex.. 

Mak  bien  d* aimer  Con  peuple  y  8c  d'en  être  le  pcre  >     k  aui* 
D'avoir  toujours  un  cœur  fenfible  à  Ci  mi(!re  » 
Et  de  n'être  attentif  qu'au  deflètn  généreux 
De  le  régir  en  paix ,  £cde  le  rendre  heureux* 

EXTRAITS  DU  POEMe'iNTITULF, 
Xe  siicLE  I  DE  Louis  le  Gra.hd. 

Progrh  de  la  'Phyfiqtu  depuis  Arifiete.,,, 

Chacun  fçait  le  décri  du  fameux  Ariftote , 
En  Phyfîque  moins  (ut  qu'en  Hiftoire  Hérodote  : 
Ses  Ecrits  qui  charmoient  Tes  pfus  incellig&ns  y 
Sont  à  peine  reçus  de  nos  moindres  Régens.     " 
Pourquoi  s'en  étonner  ?  Dans  cette  nuit  obfcurc 
Oiï  (è  cache  à'  nos^yeux  Ta  fecrete  Nature  , 
Quoique  le  plus  fçavant  d*cntre  tous  lés  humains , 
U  ne  voyoit  alors  que  des  Exntômes  vains. 


X  Ce  Poème  dont  l*Auceui  fit  leâure  en  i^Sy.  dans  une 
£é2ncc  publique  de  l'Académie  Françoife ,  y  reçut  de  grands 
applaudillêmeûi  »  mais  iLfut  en  même  tems  caufe  d'une 
guerre  civile ,  qui  $*éicva  dans  la  République  des  Lettres  au 
lu  jet  de  là  prééminence  entre  lès  Auteurs  anciens  de  moder- 
lies*  Ca  chaleur  avec  laquelle  chacua  des  deux  partis  foure- 
soit  Ton  opinion  »>  les  empêcha  d'abord  de  s'entendre  :  ce- 
pendant ils  fe  raprocherent  peu  à  peu  ;  &fe  calme  Ce  rétablie. 
On  convint  de  pan  &  d'autre  qu'on  pouvoir  donner  de  gran- 
des louanges  aux  Anciens,  fans  rien  diminuer  de  celles  qui 
fimc  légitimement  dCùi$  i  tant  d'illuAies  Modernes. 


KAULT. 


50      BIBLIOTHEQUE  POETKIUE. 

Chez  lui ,  fans  nul  égard  des  véritables  cautès  » 
Peu-       £)ç  (Impies  qualitez  opéroienc  toutes  chotes  j 

£t  Ton  fyftême  obfcur  rouloit  tout  fur  ce  point , 
Qu'ftnc  chofe  fc  fait  de  ce  qu'elle  n'cft  point. 
D'une  épaîiTe  vapeur  fe  formoit  la  comète  \ 
Sur  uA  folide  ciel  rouloit  chaque  planette , 
JEt  tous  les  autres*fêux  dans  leurs  va&s  dorez 
Pendoient  du  riche  fond  des  lambris  azurez. 
Grand  Dieu  ,  depuis  le  jourqu* un  art  incompa- 
rable 
Trouva  Theureux  fecret  de  ce  verre  admirable , 
Par  qui  rien  fur  la  Terre  &  dans  le  haut  des  cieux , 
Quelque  éloigné  qu'il  folt ,  n'eft  trop  loin  de  nos 

yeux. 
De  quel  nombre  d'objets  d'une  grandeur  immenfè , 
S*efl:  accrue  en  nos  jours  l'humaine  connoifTance  } 
Dans  l'enclos  incertain  de  ce  vade  Univers , 
Mille  mondes  nouveaux  ont  été  découverts  ; 
Et  de  nouveaux  foleils  y  quand  la  nuit  tend  Tes 

voiles , 
Egalent  déformais  le  nombre  des  étoiles. 
Par  des  yerres  encor  non  moins  ingénieux , 
L'oeil  voit  croître  (bus  lui  mille  objets  curieux  : 
Il  voit ,  loriqu'en  un  point  (a  force  eft  réunie  * 
De  l'arôme  au  néant  la  diftaiice  infinie  : 
Il  entre  dans  le  fein  des  moindres  petits  corps  ^ 
De  la  fage  Nature  il  y  voit  les  rcflbrts , 
le  portant  fcs  regards  jufqu'en  fou  ftnftjMMff  > 


LIVRE     XL 


91 


X  Fleuve  de  la  Grèce  qui  retourné  plufieurs  fois  fur  lui- 
même. 


HAUL 


Admire  avec  quel  arc  en  fecrec  elle  opère* 
L'homme  de  mille  erreurs  autrefois  prévenu  «  ^^  R 

£c  malgré  Ton  fçavoir  à  (bi-même  inconnu  » 
Ignoroit  en  repos  jufiju^auz  routes  cgrtaines 
Du  I  Méandre  vivant  c]ui  coule  dans  Ces  veines» 
Des  utiles  vaifTeaux  oii  de  (es  alimens 
Se  font  pour  le  nourir  les  heureux  changemenSj 
Il  ignoroit  encor  la  flruâure  ^  l'ufage , 
£c  de  (on  propre  corps  le  divin  afTemblage. 
Je  vois  les  Cicerons  »  je  vois  les  Démofthenes  ,' 
Ornemens  éternels  &  de  Rome  &  d'Athènes  , 
Dont  le  foudre  éloquent  me  fait  déjà  trembler  ; 
£c  qui  de  leurs  grands  noms  viennent  nous  acca- 
bler. 
Qu'ils  viennent ,  je  le  veux  i  mais  que  fans  avan* 

tage.  ^ 

Entre  les  combattans  le  terrain  Ce  partage  ; 
Que  dans  notre  Barreau  Ton  les  voye  occupez 
A  défendre  d'un  champ  trois  filions  ufurpez  : 
Qu'iriflrruits  dans  la  Coutume ,  ils  mettent  leur 

étude 
A  prouver  d'un  égoût  la  jufte  ièrvitude  ; 
Ou  qu'en  riche  appareil  la  force  de  leur  arc. 
Eclate  à  foHtenir  les  droits  de  Jean  Maillard. 


^%     BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Si  leur  haute  éloquence ,  en  (es  démarches  fieres'« 
.Peu-  ,    Rcfufe  Je  dcfcendre  à  ces  vtFes  matières  , 
;; AU  IT»    Que  dos  grands  Orateurs  foient  aifez  (brtunez* 

Pour  dïfendi*  comme  eux  des  Cliens  «  couronnez  { 
0a  qu*^un  grand  Peuple  en  fôuk  accoure  les  cn-> 

tendre , 
Pour  déclarer  là  guerre  au  père  *  d*^AÎcxandrc; 
Plus  qu*eu]t  peut  être  alors  diserts  &  véiiéinens^ 
Ils  donneroient  Teflbr  aux  plus  grands  mouverâenti 
Et  (î-pcndant  le  cours  d*une:Iongue  Audience-, 
Malgré  Fcs  traits  hardis  de  leur  vive  élbqaence'» 
On  voit  nos  vieux  Catons  ftr  leurs  riches  tapis>. 
Tranquilles  auditeurs  &:  fouvent  aflbupis  » 
On  pourroit  voir  alors  au  milieu  d'u ne  fkiecj 
5^émôttvoir ,  s'écrier  i*àrdente  populacc;^ 
Ainfi ,  quand  fous  reffort  des  autans  irritez 
Les  paifibles  ruiffeausDlonc  à  peine  agitez  » 
Les  moindres  aquilons Tur  les  plaines  Talées  >. 
Bleveni  jufquauxcieux  les  vagues'ébranléesi- 

tpts  de  U  Mujtque. 

Cz  bel  Art  tout  divin  par  (es  douces  mervdlk^ 
Ne  fe  Contente  pas  de  charmer  les  oreilles  ,. 
Ni  d'aMûr  jn(qu'a4icOBur  par  fes  exprefEon»» . 
Emouvoir  à  fon  gré  toutes  les  pafTions  : 

X  Ciceron  pl;dda  pour  le  Roi  Déjotarus. 
i  Démodlicne  haranguoic,  coBCce  Philippe  ,   pcre  d*A.- 
kxaniiiic  le  Graa(L 


LIVRE     X  T. 


9r 


E  Ai)  l: 


Il  va  ,  partant  plus  loin ,  par  (a  beauté  fuprême  , 
Am  plus  haut  de  refprit  charmer  la  rai(bn  même.       „  ^^^^^ 
Là  cet  ordre  >  ce  choix ,  &  ces  j)iftes  rapports 
Des  divers  mouvemens  Se  des  divers  accords ,, 
Le  choc  harmonieux  de  divers  parties , 
Dans  leurs  tons  oppofèz  (àgement  artbrties  « 
Dont  Tune  fuit  les  pas  de  l'autre  qui  s'enfuit  y 
Le  mélange  difcret  du  fîlence  &  du  bruit, 
£t  de  mille  rertbrts  la  conduite  admirable  >. 
Enchante  la  raifon  d'un  plaifir  ineffable. 
Ainfi  pendant  la  nuit  quand  on  levé  les  yeux 
Yers  les  aftres  brillans  de  la  voiïte  des  cieux , 
Plein  d'une  douce  joye  on  contemplé ,  on  admire: 
Cet  éclat  vif  &  pur  dont  on  les  voit  reluire, . 
Et  d'un  refpcA  profond  on  ftnt  toucher  Con  cœur 
Par  leur  nombre  étonnant  &  leur  vafte  grandeur  :. 
Mais  il  de  ces  beaur  feux  les  coiïrfês  me/urées*. 
De  celui  qui  les  voit  ne  (ont  pas  ignorées  , 
S'il  connoît  leurs  a(pe^s  8c  leurs  déclinaifbns', 
-Leur  chute  &  leur  recour  qui  fôrment  les  faifônSj. 
Combien  adore -t-illa  Sagerte  infinie , 
Qui  dé  cette  nombreufe  Se  céledé  harmonie , 
D'un-  ordre   compafl'é  jufqu*aax  moindres  mo^ 

mens , 
JBLégle  les  grande  accords  &  les  grands  mouve^^ 

mextsr 


5Ï4      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Eloge  de  Louis  le  Grund. 

Per- 

.AULT-         ^^  ^^^  ^°  '^  formant  épuifa  (es  tréfbrs. 

Et  le  combla  des  dons  de  l'efprit  &  du  corps. 
Par  Tordre  des  Dedins  la  Vi^èoirc  affervic 
A  fuivre  tous  les  pas  de  (on  illuftre  vie , 
Animant  les  efG>rts  de  Tes  vaillans  Guerriers , 
Dès  qu'il  régna  fur  nous  le  couvrit  de  lauriers  : 
Mais  lor(qu*il  entreprit  de  mouvoir  par  foi-méme 
Les  pénibles  refforts  de  la  grandeur  fuprême» 
De  quelle  majefté ,  de  quel  nouvel  éclat  » 
Ne  vit-on  pas  briller  la  face  de  l'Etac! 
La  pureté  des  Lois  partout  eft  rétablie  \ 
Des  funeftes  duels  la  rage  eft  abolie  , 
Sa  valeur  en  tous  lieux  (butient  Tes  alliez  \ 
Sous  elle ,  les  ingrats  tombent  humiliez  \ 
Et  Ton  voit  tout  à  coup  les  fiers  peuples  de  l'Ebre» 
Du  rang  qu'il  tient  fur  eux  rendre  un  aveu  célèbre» 
Son  bras  (è  fîgnalant  par  cent  divers  exploits , 
Des  places  qu'il  attaque  en  prend  quatre  à  la  (bis. . 
Audi  loin  qu'il  le  veut  il  étend  fes  frontières  \ 
En  dix  jours  il  foumet  des  Provinces  entières  : 
Son  armée  à  fes  yeux  pa(re  un  fleuve  profond  ^ 
Que  Céfar  ne  pafTa  qu'avec  l'aide  d'un  pont. 
De  trois  va(les  Etats  les  haines  déclarées , 
Tournent  contre  lui  feul  les  armes  conjurées  ; 
Il  abat  leur  orgueil ,  il  confond  leurs  projets , 
Et  pour  tout  châtiment  leur  impofe  la  paix. 


L  I  V  R  E      X  I.  5>S 

Inftruît  d  oii  vient  en  lui  cet  excès  de  puiffance  , 
Il  s'en  fcrt ,  plein  de  zélé  &  de  reconnoiflancc  ,  Pkr- 

A  rendre  à  leur  bercail  les  troupeaux  égarez ,  RAULT 

Qu'une  mortelle  erreur  en  avoic  féparez^ 
Et  par  fes  pieux  foins  l'Héréfie  étouffée 
Fournit  à  Tes  vertus  un  immortel  trophée. 
Peut-être  qu'éblouis  par  tant  d'heureux  progrès , 
Nous  n  en  jugeons  pas  bien  pour  en  être  trop  près  : 
Confultons  au  dehors ,  &  formons  nos  fuffrages 
Au  gré  des  Nations  des  plus  lointaines  plages  ^ 
De  ces  peuples  heureux ,  où  plus  grand ,  plus  ver- 
meil > 
Sur  un  char  de  rubis  fe  levé  le  Soleil  5 
Ou  la  Terre,  en  tout  tems  ,  d*ui>e  main  libérale  y 
Prodigue  fes  tréfbrs  qu'avec  pompe  elle  étale  j 
Dont  les  fuperbes  Rois  font  fi  vains  de  leur  fort  ^ 
Qu'un  (cul  regard  fur  eux  eft  fuivi  de  la  mort. 
L'invincible  Louis  fans  flotte ,  fans  armée  , 
Laiffe  agir  en  ces  lieux  fa  feule  renommée  ^ 
£t  ces  peuples  charmez  de  fes  exploits  divers  » 
Travcrfent  fans  repos  le  vaftc  fein  des  mers , 
Pour  venir  à  fes  pieds  lui  rendre  un  humble  hom- 
mage^ 
Pour  fe  remplir  les  yeux  de  fon  augufte  image , 
£t  goûter  le  plaifir  de  voir  tout  à  la  fois 
Des  hommes  le  plus  fage  >  &  le  plus  grand  des 
Rois. 


96        BIBLIOTHEQUE    FOETIQUE. 


==r"     VaUtir  du  Soldst  Franfois ,  augmentfe  furlm 
Per-  fréfence  de  Louis  XI V, 

QiiAND  route  la  fTeor  de  la  Grèce 
Autrefois  d'AuIitîc  partit 
Pour  llion  quelle  abattit , 
On  remarqua  moins  d'allegreffe } 
L'Euphrate  vit  moins  de  valeur , 
Moins  de  cette  noble  chaleur  j 
Qùî  brave  lès  dangers  &  fait  tout  entreprendre^ 

Lorfque  (es  bords  furent  couverts  * 
Des  fameux  combattans  que  menoic  Alezatube» 
Et  qui  fous  (bs  drapeaux  conquirent  i'Univen»- 


* 


••• 


CSEVREAff, 


L  I  V  R  E     X  L  97 


a* 


CHEVREAU. 


Rbain  Chevkeau  ,  né  à  Lou- 
dun ,  ville  du  Poitou ,  le  1 8  Avril 
1 525,  y  eft  mort  le  ly  Février 
lyoï.  Il  s'appliqua  dès  fk ,  jcuneflc  avec 
tant  d'ardeur  â  Tétude  des  Belles-Lettres , 
que  dans  un  âge  plus  mûr  H  devint  un  des 
plus  fçavans  hommes  de  fen  tems.  Son 
érudition ,  également  vafle  &  polie ,  lui  fit 
des  amis  ^  Se  des  admirateurs  depuis  la  Loire 
ju{qu'âu  Nord.  A  peine  av6it-il  fini  les 
longs  voyages-  qu'il  aVoît  (entrepris  pour 
connoître  les  moeurs  des  Peuples  qui  nous 
environnent,  quefoa  méritelui  procura 
des  emplois,  importans  par  la  confiance  qui 
en  faifoit  le  principal  caraélere.  De  retour 
en  France  »  Louis  XIV.  le  nomma  Pré- 


.  I  De  ce  nombre  fcoleat  la  fameufe  Reine  Chriftine ,  le  Roi 
Cufld'ut  foB  fuccefièur  ,  l'Eleâeur  Palatin  Cfutrles- Louis  , 
Madame  Palatine  Douairière  Ta  mère ,  &  Madame  mère  de 
M.  le  Duc  d'Orléans  Régent  i  Tant  parler  des  Snumaijts ,  des 
Spinofd ,  des  F«^nVe/.,.. 

Tome  JIU  I 


faL 


V&EAV.- 


^8        BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

cepteur  de 'M.  le  Duc  du  Maine.  Ce  non- 
Ch  E  -  yeau  pofte  xBxt  pour  lui  un  XK>uveau  fujct  de 
faire  paroître  toutje  Fétenduë  de  fbn  zélé 
.&  de  fa  capacité.  Le  tems  ppefcrit  pour 
rinftrudlion  du  jeune  Prince  ne  fut  pas  plu- 
tôt écoulé^,  que  M.:Ghevreau  le  redra 
dans  fa  Patrie  pour  y  jouir  du  repos  &  de 
la  liberté  qui  lui  avoient  toujours  ^été  H 
chers.  Il  nous  a  laiffé  divers  ouvrages., 
dont  k  plus  confidéràble  eft  r//i)?wrtf  du 
Monde  en  8  volumes  in-i2.  Ce  livre  efl 
rempli  de  mille  chofès  corieuCes  âcintéref- 
fantes  :  mais  il  efi  facile  de  voir  au  peu 
4'ordre  qui  y  régne,  que  l'Auteur  n'y. a 
pas  mis  la  dernière  main» 

ViYs  four  mettre  au  bas  du  portrait  de  Louis  XIV» 

0£  Monarque  xft  duClel  le  plus  parfaic  ou- 
vrage. 

Son  jugement  égale  Ton  courage  : 
Sa  bonté  charme  ceux  qu'il  (buoietà  {ès.lois^ 
Et  qui  voie  rpn  image,) 
Voie  celle  ila  plus  fage , 
Eu  premier ,  du  plus  Jufte  >  &  du  plus  grand  4çi 
ICols. 


« 

LIVRE 

X  I. 

9> 

Sur  Didelf. 


1  DAits  rétat  déplorable  àà  Ton  te  voit  réduite ,      ^"^ 


iiélas  l  qui  ae  plaiadroit  ton  amour  &  toa  focc  l 
Si  la  mort  d'un  époux  eii  caufe  de  ta  fuite , 
La  fliite^'un  amant  eft  cauiè  de  ta  mort. 

Epftdfhe  de  iâ.,  de'Turenne, 

TuRENNE  a  fon  tombeau  parmi  ceux  de  nos 
Rois. 
Il  obtînt  cet  honneur  par  (es  fameux  exploits. 
Louis  voulut  ainfi  couronner  fa  vaillance  , 
Afin  d'apprendre  aux  iîécles  à  venir 
v^u'il  ne  mit  point  de  difFéience 
ïntre  porterie  fccptre  &  le  bien  (butenir. 

Efitafhe  du  Grand  CûrnalU, 

Ek  vain  les  beaux  Efprits ,  par  de  communs  ruf- 
.  fràges , 
ïtevent  à  fa  gloire  un  fuperbe  tombeau  ; 
Il  n'en  peut  avoir  de  plus  beau 
Que  celui -qu  il  s'cil  fait  dans  fes  divins  buvragèi. 


;  I  Cette  Epigcatmne  eft  imitée  de  celle-ci  d'Aufonie  : 

InfeUx  DiJo  y  nulli  htnt  nuftd  nutrito  » 
^  Hoc  perettnte  fugir ,  hocju^icnie  feris. 

Qn  verra  à  Tanide  de  M.  Charpenciei  une  Jieurcafe  trMât* 
ma  de  cette  ss^e  Epigcamme. 


YmVi 


100       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


A  un  Ami. 


^  "  ^  "  Tout  m'afflige ,  tout  m'importune  j 

Les  promefles  des  Grands  n'ont  pour  moi  nul  eâèr  ; 
£t  j'en  fuis  fi  peu  fatisfait , 
Que  je  crains  bien ,  cher  Lifle-Brune , 
De  n'avoir  rien  de  la  Fortune , 
Que  le  <  tableau  que  j'en  ai  fait; 

.'  LETTRES. 

A  M.  le  Duc  du  Maine, 

Servez  Dieu ,  rcfpcftcz  le  Roi. 
Tâchez  de  vous  former  fur  un  fî  grand  modèle  j 
Et  pour  être  jugé  digne  de  votre  emploi  > 
Renoncez  déformais  à  toute  bagatelle.. 
Détcftcz  le  mcnfongc  &  la  fottç  fierté  i 
laites  de  la  vertu  votre  plus  grande  affaire  % 
Et  dans  un  entretien  même  de  liberté, 
Voyez  quand  vpus  devez  bu  parler ,  ou  vous  taîre^ 

N'écoutez  point  le  délateur , 
N  obligez  point  Tingrat ,  méprifez  le  flatteur. 


0 

i"  /!  î  ^   '""  '''  ''  ^"*^-  Au  «fte  on  ne  doit  tegar- 

fait  bâtit  à  Loudun,&  qu'il  appelloit  fon  l»einU:«c  ,  «c 
pour  I wctott  de  bonheur ,  il  écoit  garjoa.  "**  »  • 


1 

LIVRE 

X  I. 

loi 

Par  une  fauiTe  politique , 
O'une  choCc  publique  i 
Ne  faites  jamais  un  fecrec. 
Ufez  bien  de  celui  d'un  autre  s 
Mais  tant  que  vous  ferez  difcreç  » 
Vous  ne  direz  jamais  le  vôtre. 
Aimez  le  divertiflement , 
Sans  le  chercher  avec  emprefTement. 
Ne  donnez  point  dans  la  chimère. 
N*ayez  jamais  d'emportement  : 
Dans  la  douleur  la'plusamere  # 
Et  dans  la  plus  âpre  colère  , 
Confervez  votre  jugementi. 
N'ufèz  jamais  de  méchantes  fineiles  5 

Soyez  ezaâ  dans  vos  promefles  i 
Du  ceros  qui  fuit  foyez  bon  ménager  | 

Et  fi  vous  avez  des  folblefles , 
N'oubliez  rien  pour  vous  en  corriger. 
Il  eft  bon  dans  vos  entreprilès 

De  ne  rien  précipiter  : 
Si  les  autres  font  des^ttifes , 

Vous  en  devez  profiter. 
Fuyez  la  débauche  &  l'intrigue  ^ 
Des  plaifirs  criminels  détournez  tous  vos  pas  : 
Dans  vos  dons  &  dans  vos  repas  > 
Empêchez- vous  d'être  aVare  ou  prodigue  , 
Fermez  l'oreille  aux  con(cils  dangereux  ; 
Ne  fbyez  ni  guindé ,  ni  railleur ,  ni  (évere  : 


102       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

■ 

Soyez  pour  vos  amis  confttiH  Se  gépéreaz  i 
^£._  £c  p(mr  une  faute  légers, 

s,^^.  Ne  rompez  jamais  avec  eux* 

Pour  votre  bien  (oyez  toujours  décile^: 
Au  malheureux  accordez  votre  appui  : 
Préférez  l'honniête  à  l'utile  : 
Çcft  toyt  ce  que  j*ai  pu.vouséçrire  aujourd'huL, 

E  P  I  T  RE. 

Eu  bien  »  Seigneur  >  vous  y  voilà» 
7e  fuis  ici  >  vous  éçes  là  ^ 

St  mon  emploi ,  fans  doute ,  eft  différent  du  vôtre*. 
Vous  n'aimez  plus  que  les  combats  ^ 
Vous  coupez  &  jambes  Se  bras  ^ 
Et  moi ,  je  vis  comme  un  Apôtre.. 

Aux  plaifirs  innocens  tout  chemin  m*eft  frayé i 
Je  n'y  vois  rien  dont  je  (bis  effrayé  y 
Tous  mes  jours  (ont  des  jours  dt  fSte:^ 
Heureux  de  n'être  point  payé 

Pour  me  faire  caffer  la  tête  ! 
1 
Il  n'en  eft  pas  ainfi  de  vous  autres  vaillans  9 
A  qui  le  Ciel  a  donné  des  talons , 
Dont  nos  derniers  Neveux  garderont  la  mémoire 

Pour  vous  le  combat  n'eft  qu'un  jeu^ 
Vos  moindres  aâions  enrichifTcnt  l'Hiftoire  % 
Kt  vous  allez  chercher  la  gloire 
Au  travers  du  fang  &;  du  fcui<^ 


mm- 


L  I  V  R  E    X  I.  lo^ 

Le  père  des  Métamorpho(ès , 
Le  Tems  y  qui  fait  périr  &  naître  eoaces  chofes  >  Che-. 

Sur  mes  TÎenx  an»  a  bien  fça  me  clianger  :      v&EJur. 
Et  comme  fa  rigiKur  n^eft  pas  toute  afibayle , 

-Je  ne  fonge  qu'à-ménag«r 

Ce  qui  peut  me  refter  de  vie. 

L'engagement 
£ft  bien  charmant , 
Quand  il  nous  mené 
Heoreufement 
Et  promptement 
Oïl  le  plaifir  pafle  la  peine  : 
Mais  de  conrlr  chaque  fèmaine, 
Chaque  jour ,  ou  chaque  moment  ^ 
Pour  forcer  un  retranchement  « 
Ou  (bnvent  la  mort  cR  certaine , 
Et  de  s'en  faire  un  divertiflèment  i 
Jjèsne  fuis  plus  touché  d*une  gloire  (î  vaine , 
£t  £  j'ai  moins  de  caur ,  j*ai  plus  de  jugement* 

Aimons  la  vie 
Qtt'on  voit  fiiivie 
De  la  fanté  ; 
Qui  nous  convie 
A  la  gayté. 
Dés  le  moment  qifelie'noas  eft  ravier 

Adieachaflès^  ;roiattt,  voyages ,  libené, 

Imf. 


I04      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Montres ,  bijoux ,  SC  toute^ouveauc^. 
-  ^  ^*  Les  Mens  dans  leur  C^mmunaaté 

liAV.  N'ont  jamais  de  table  fcrvic  ;  . 

Et  celui  ^ui  comme  eux  a  perdu  la  clarté  » 
Pait  plus  de  pitié  que  d'envie. 

On  n'eft  point  beat» 
Dans  le  tombeau  y 
Et  la  chof»  eft  afTez  notoire  ^ 
Outre  que  l'eau 
Bourbèùfe  &  noire 
Que  Ton  doit  paflcc  en  batteau , 

£ft  rude  à  boire. 
Les  Filles  du  facré  Cpopeau . 
Font^ revivre,  il  cft  vrai ,  dan$  leur  vieux  réper- 
toire , 
Ceux  donc  les  a<fïions  font  dignes  de  mémoire  » 
Quand  leurs  jours  fout  coupez  du  funefte  cifeau. 
Hé  quoi  donc  !  pour  tenir  quelque  rang  dans  rHîT- 
toire. 

Irai -je  porter  mon  mufeati 
Od  Ton  caflè  ôc  tête  &  mâchoire  > 
Scigtijcur ,  j'aiipe  beaucoup  la  gloire  j 
M  aïs  j'aime  encore  plus  ma  peau. 

Ne  rieai  attendre 
i      ,  .  Dans-uniroanoir 

OÙ  root  çft  aoir« . 


L  I  V  R  E     X  I.  x»5 

Ne  rien  eaccndre  « 
£c  ne  rien  voir  :  Cm- 

Ne  point  s*aiIcoir  »  TUftAV 

Ne  point  s'étendre  j 
Et  ne  pouvoir 
Ni  fe  mouvoir , 
NI  monter  enfin  •  ni  defcendre, 
C'eil  l'état  préfeat  d'Alexandre , 
Que  vous  nous  faites  tant  valoir  3 
£c  dont  aujourd'hui  même  on  ne  voit  plus  la 
cendre  » 
Autant  que  ceux  qui  doivent  le  fçavoir , 

Me  l'ont  voulu  faire  comprendre , 
£t  c'eft  pour  vous  un  aifezbeau  miroir.. 

Allex,  Seigneur^  ou  l'honneur  vous  appelle  s; 
N'ayex  rien  à  vous  reprocher  : 
Mais  de  fuivte  toujours  votre  ardeur  naturelle  > 
La  mort  vient  aiTez  tôt  fans  qu'on  Taille  cher- 
cher. 

Le  Sage  du  monde. 

Le  Sage  éloute  tout ,  s'explique   en  peu  dt 
mots  s 
Il  interroge ,  Se  répond  à  propos. 
Rarement  il  ouvre  la  bouche 
Devant  un  plus  fage  que  lui  y 
Il  n'eft  point  curieux  des  aâaiies  d'auccui  % 


i<!>6       BIBLIOTHEQUE    POEriQUB. 


*  Et  ce  qui  le  regarde  cft  tout  ce  qui  le  touche. 


Che-       Jamais  à  ^affliger  il  n*eft  iagénieux  j 
vaiji0«     ji  s*àccommode  aux  tems  «  aux  perfonaes  ,  aax 

lieux.» 
Le  repos  de  l'efprit  eft  tout  ce  qu'il  (bahaîte  ; 
£t  s*il  n'a  pas  beaucoup  de  bien  > 
Du  peu  qu'il  a  (on  ameeft  (acisfaîte^ 
]^  tout  «e  qu'itA'ft  pâs ,  il  le  compté  peur  rica; 


LIVRE    XL 


107 


BETOULAUD.     -r 

N  ae  fçait  rien  de  précis  touchant 
M.  TAbbé  Betouuiud  ,  finon 
qu'il  joignpit  à  beaucoup  de  mé- 
rite un  talent  décidé  pour  la  Pôëfie.  Il 
éjçoit  eftimé.  de  tous  les  beaux  Efprits  de 
fon  tems ,  &  particulièrement  de  Made^ 
rooifèlle  de  Scudery,  l'objet  inépuifable 
de  fes  louanges ,  tant  en  proie  qu'en  vers. 
On  avoit  fait  préfent  à  cette  illufire  Fille 
d,e  deux  Caméléons  :  elle  feule  en  voulut 
prendre  foin  ;  mais  ayant  été  malheureu- 
fement  obligée  de  garder  le  lit  un  jour  ou 
deux ,  ilsiurent  négl^ez  ;  &  la  Caméléone 
mourut.  Plufieurs  »  Poètes  exerfcerentà 
Fenvi  leur  veine  fur  cette  mort ,  &  çntre 
autres ,  M.  Betoulaud  ,  dont  la  Mufe 
également  féconde  &  iogénieufè  a  fçu  faire 
d'un  fujet  aui&  aride  Scauffi  mince  un  Poè- 
me agréable  &  intéreffant. 
— — ^— y— **■*  '   ■■'  — — — *»^"^-i^i^i— ^— *-^ 

1  Madame.de  Piat-Builtoa ,  M.  le  Uboareui ,  M.  l'Abbf 
fejqijB{L...dom  OQ  vénales  e9craic$.d4iu  U  ri^ce  de  cc^ecueUft. 


ETOU- 
LAUD» 


ïo8       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 
LE     CAMELEON. 

P  O   £   M   £. 
C  H  A  K  T     L 

JE  chante  ufi  Animal  aitfli  galant  que  rarêr. 
Un  beau  Caméléon ,  dont  l'Af&îqae  &  pare  ^ 
Qui  venant  pour  Palmis  du  bout  de  lUniven  » 
Affronta  les  écueijs  &  traverfa  les  mers. 
Le  brait  s'en  répandit ,  &  chacun  vit  chez  elle 
Cet  aimable  AfTricain  d'une  forme  fî  belle  : 
Tout  Paris  fut  charmé  de  ce  noble  anima!  ^ 
Qui  renonçoit  pour  elle  g  fon  pays  natal  i 
On  admira  cent  fois  fes  couleurs ,  fes  figares^ 
Mais  on  ne  fçavoit  pas  encor  fes  avanrares  ^ 
Et  Palmis  (buhaitant  que  la  Poftérité , 
De  ce  bel  étranger  fçût  la  fidélité  , 
Voulut  qu'il  fît  lui-racme  une  hiftoire  £\  tendre  ï 
Palmis  le  fouhaitoit ,  pouvoit^it  s'en  défendre  ? 
Quadrupèdes ,  oifeaux ,  poisons  >  rochers  &  hoïi  , 
Parlent  >  quand  il  lui  plaît  >  &  trouvent  de  la  voix  ^ 
Au  gfé  de  fes  défirs>  Palmis  fait  ces  miracles  « 
Et  donne  à  l'Univers  ces  étonnans  fpeâades. 
Un  jour  donc  qu'elle  vit  fes  amis  aflemblés  > 
Parlez ,  dit-elle  alors ,  Caméléon ,  parlez  i 
Et  le  Caméléon ,  béte  jadis  muette  » 
Parla  comme  autrefois  avoit  fait  la  Fauvette 
Tout  le  monde  atti&«tôt  fc  tut ,  &  l'écguu  s 


LI  VR  E    X  L  109 

Voici  fidelkmenttontce  qu'il  raconta. 

Sans  Tordre  de  Palmis  «  fans  fa  toute-puiflance ,         B  e  t  o  n 

Je  gardierois  encore  un  obftiné  iilence  ^  i  AUp. 

Mais  rhonneur  d  obéir  >  ^evena  le  plus  ibrt , 

M'oblige  à  vous  conter  l'hiftoire  de  mon  fort. 

Ayant  le  crime  affreux  dont  je  porte  la  peine  , 
Dans  Pantique  Memphis  j'eus  la  figure  homaine  1 
Et  j*ea0e  ité  jadis  un  Prince  trop  heureux  , 
Si  le  Ciel  m'eût  formé  le  cœur  plus  amoureux^ 
Mais  dans  un  corps  biçn  fait  j'eus  une  ame  infi*f 

delle  : 
Sans  me  fixer  jamais  ,  j'allois  de  belle  en  belle  : 
Tantôt  j'étois  paré  des  couleurs  d'Eunoé  , 
Et  tantôt  je  portois  celles  d'Arfinoé. 
J'adorois  tour  à  tour  le  fceptre  &  la  houlette  » 
Aujourd'hui  Cléopatrp^  &c  demain  Timaretce  $ 
Mon  efpriç  Ce  plaifoit  à  ce  dérèglement , 
Et  je  n  étois  confiant  que  dans  le  changement»  ' 
Le  beau  Sexe  indjgné  d'une  fi  lâche  offenfe , 
Aux  autels  d'Ofiris  en  demanda  yengeance. 
Par  de  vaines  couiçurs  je  voulus  m'excufer  ^ 
Ofiris  a  des  yeux  qu'on  ne  peut  abufer , 
Et  ce  Dieu  redoutable  >  irrité  qu'en  mon  ame 
11  naquit  chaque  jour  quelque  nouvelle  flamme. 
En  un  Caméléon  me  transforma  d'abord  : 
On  voit  encore  en  moi  quel  fut  mon  premier  fort. 
Je  change  à  tout  moment  de  couleur ,  de  figurç  » 
]^t  4*ua  volage  cceur  vous  voyez  la  peiQÇurÇf 


ïio      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE.    ~ 

!;!7  Nouveaux  Caméléons ,  infidelies  amans  » 
;^  T  o  u-  Tremblez,  &  profitez  de  tous  Aies  chàcimens* 
i.AUl>«     ^e  traînant  dès  ce  tems  qu'une  rampante  vie» 
£c  roaigé-des  remofds  donc  elle  écoit  faî'^îe  , 
Malgré  ma  ferme ,  hélas  .*  je  vouîois  être  un  joiir 
Confiant  en  amitié ,  du  morns  plus  qu*en  amour. 
J'avois  fait  ce  defTeîn ,  i#r(qu'anptès  d'dne  roche 
7  ouis  deux  AfFricains  -y  curieux  je  m*apprôche 
Pour  puir  en  feCret  quels  étoient  leurs  propos  • 
£t  j'entendis  que  Tun  die  à  Tautre  ces  mots. 
Oui ,  fage  Âlmoradis ,  qui  dans  tes  do^es  TeilieTf 
De  la  Terre  &  du  Ciel  as  pe(Z  les  merveilles  ^ 
CciTe  d'examiner  dans  tes  raifennemens 
Les  miracles  du  Nil  &  fes  accroifièmen  * 
Et  cherché  feulement  d'où  cette  lUuIhe  Filfe 
Puifa  tous  les  rayons  dont  fa  belle  ame  brille.» 
Palmis  qui  vit  enfin  foiis  le  plus  grand  des  Kôît» 
Eft  à  fon  tour  l'honneur  de  l'Empire  François. 
Alors  comme  faifî  d'une  fureur  foudaine. 
Regardant  les  forets  qui  couronnoient  la  plaihe-» 
Tout  à  coup  il  fc  levé ,  &  pourfuit  en  ces  mots  : 
Panthères  ,  Léopards ,  Onces ,  Rhinocéros , 
Monftrcs  >  hôtes  affreux  de  nos  triftes  rivages  > 
Allez  ouir  Palmis ,  Vous  ferez  moins  fauvages  s 
Et  vous  Caméléons  »  qui  changez  en  tout  cemr» 
"Allez  ouir  Palmis ,  vous  ferez  moins  changeails* 

A  peine  eut-il  fini  ce  difcours  plein  de  flamme , 
Que  je  fentis  fbn  feu  couler  jafqa'eo'Bioa  hmc  :  ' 


Betoc 


LIVRE    XL  m 

Des  Tcrcasde  Palnis.  fbadtiaenent  ftap^  » 
En  de  «ouveaux  liens  je  me  vis  attrapé.  ^ 
Hélas  i  c'eft  raltiemeiit  qae  )e  ttiiis  m'eb  défendre  i     c  au  d. 
Palnis  ine  prit  un  cœur  qa*£iinoé  ne  fytt  prendre. 
Malgré  la  trifte  forme  od  les  Oieax  m'ont  réduic» 
'  Ce  portrait  glorieux  me  charma  jour  &  nuit  ; 
Et  comme  en  cet  état .  parjun  rare  avantage , 
'  De  HumaîneHraKbn  jeeonfervois  Tufàge , 
Dès  ce  premier  moment  ledéfir  de*  la  voir 
Eut  ma  feule  penfée  8c  mon  plus  doux  «fpoir. 
Hempli  de  ce  deflein  )e  vins  ea  une  rade , 
Tx  ne  pris  arec  moi  que  ce  (cul  camarade. 
Là  cous  deux  embarquez  Gins  famille  êc  fans  train.. 
Nous  quittons  £ins  regrec  le  rivage  Affiricain. 
Mais  ^  ifélas  l  quand  par  meron  va-voir  ce  qu'oa 

aime , 
<2tte  les  Tents  ont  alors  une  lenteur  extrême  I 
Ah  Ircombieb  foiblemenc  feufflent  les  aquilons  ! 
Ahique  nous  mouillons  tard  au  porc  ou  nous  allonsl 
Débarquez  à  la  fin  aux  côtes  de  Provence , 
Dtâlant  d'une  lècrette  ic  cendre  impatience  » 
Nous  hâtons  jour  8c  nuit  le  voyage  entiepris  $ 
Enfin  nous  arrivons  de  Marfcille  à  Paris  ^ 
Et  l'illttftre  Palmis  >  mon  aimable  Mattreilê , 
Noas«y  reçut  d'abord  d'un  air  plein  de  tendreile. 

A  feioe  elle  eue  parlé,qu'ému  de  mondxmheur  ^ 
A  (es  charmans  difcours  je  changeai  de  couleur  : 
St  qui  n'en  ckangecoic  f«niii  cane  de  merveilles  ? 


m      BIBLIOTHEQUE    FOETIQP^' 

UEgypte  *  mon  pays  >  n*cn  a  pokic  de  pardilies'. 
JE  T  o  u*      Quand  Palmis  m'eift  chez  elle  un  peu  confidéré  y 
LAUP.     Et  que  par  fes  bontez  elle  m'eut  rafluré , 

Me  croyant  Prince  eacor  >  je  voulus  en  Ci  langot 
Lui  faire  en  peu  de  mots  une  courte  harangue  t 
Un  éloge  &ccint  >  oii  d'un  léger  crayon 
J*aurois  de  fes  vertus  tracé  quelque  rayon. 
Mais  hélas  !  que  fçait-on  (buvent  ce  qu'on  defîre! 
Muet  comme  un  poiiTon  >  je  ne  pus  lui  rien  dlce^ 
Et  cherchant  vainement  cette  premiett  voix  » 
Dont  ma.bouche  à  Memphis  s'exprimoit  aucrefeis , 
Il  fallut  recourir  à  ces  aimables  Cygnes 
Quefon  nomme  Genêts,  Plat.fiui(rons&  la  Vi- 
gnes : 
Tous  lui  parloient  pour  moi  »  mais  dq^uis  ce  mo- 
ment 
Je  me  Gm  propofé  de  lui  plaire  autrement  « 
Et  je  veux  d*heure  en  heure  en  cent  (ormes  galantes 
Lui  paroître  enrichi  de  couleurs  différentes  » 
Lui  peindre  en  un  inftant  &laTerre  8c  les  Cieoz» 
£t  la  peindre  elle-même  au  milieu  de  mes  yeux. 
Si  ces  objets  divers  à  Palmis  peuvent  plaire , 
C*en  eft  fait ,  pour  toujours  je  renonce  au  grand 

Caire. 
Adieu ,  noire  Zahîde  y  amour  des  Affricains» 
Adieu  Zara ,  je  paffe  en  de  plus  nobles  mainti  - 
Me  faifant  autrefois  d'engageantes  careflès* 

VojuLS  m*avcz ,  il  eft  vrai ,  marqué  mille  cendrcfTcs  ^ 

Mais 


L  I  V  R  E    X  I.  iij 

Mais  je  trouve  à  Paris  une  empire  plus  doux  : 
Adieu ,  je  ne  yeux  plus  me  fouvcnir  de  vous. 

Chant   II. 

Du  peuple  curieux  la  furprife  imprév&b*  > 
Confbndoit  k.h  fols  la  raifbn  &  la  vfib'. 
D*ou  viennent  »  difoic-11 ,  ces  prompts  enchante* 

mènS} 
Dent  le  Caméléon  nous  frappe  à  tous  Hiomens? 
L'Iris ,  fille  de  l'air  y  [&  pure  &  fi  brillante , 
Peint  de  moins  de  couleurs  une  nùë  éclatante  $ 
£t  l'opale ,  portrait  de  cette  même  Iris , 
De  moins  de  changemens  éblouit  nos  efprlts. 
Chacun  s'en  éconnoit  y  ^  la  blonde  Ifmenie , 
£t  Màdonte  aux  yeux  noirs ,  Se  la  fage  Uranie  » 
Et. l'aimable  Philis  qui  le  prit  fi  (buvenc 
Pour  un  Magicien  en  prcftiges  fçavant , 
Courent  voir  parmi  nous  ce  renommé  Prothéc , 
Dont  partout  l'Univers  l*bi(loire  eft  racontée. 
Tandis  qu'aux  bords  de  Seine  un  û  rare  enchanteur 
Trompoit  en  cent  façons  les  yeux  du  fpcârateur  , 
Ce  charmant  animal ,  à  Palmis  fi  fidelle, 
LanguiiToit  tri  dément  s'il  n'étoit  auprès  d'elle. 
Les  accens  de  fa  voix  >  fes  aimables  difcours 
Etoient  fa  feule  vie ,  &  fes  feules  amours. 
Un  jour  donc  qu*il  n'eut  plus  ce  principe  de  vîe. 
Que  Palmis  jufqu'à  Mante  alla  chercher  Célie  ," 
TêmellL  -  K 


ITOU- 


114      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Il  ne  put  fupporter  ce  trifte  éloigne  ment  > 

II  en  poufla  d'abord  un  long  gémi/Tenaenc  ) 

£t  comme  au  tems  d'Ëfope  empruntant  des  paro^ 

les,. 
I!  exprîmoic  ainfi  Tes  allarmes  frivoles^ 
Vous  me  fuyez ,  &  plein  d'un  efpoir  déçev^Pt  » 
Je  ne  vivrai  donc  plus  que  d*air  &  que  .je  vent  ! 
Ak!  Palmis ,  ménagez  un  peu  mieux  vos  conquê- 
tes i 
tes  Dieux  on(  mille  fois  »  (bus  la  fornaedesbétet  1, 
Ou  couru  fur  la  terre  »  ou  nagé  dans  la  mer  ^ 
£t  quel  Caméléon  plus  grand  que  Jupiter  ? 
Qui  changea  plus  que  lui  de  couleur  »  de  figareî- 
£t  de  qui  puis-je  mieux  devenir  la  peinture  ? 
Cependant  voas  fuyez ,  Se  partant  dç  ces  lieux 
Vous  me  laiâez  en  proye  aux  chagrins  eanaycux* 

A  ces  trifles  accès  de  fa  langueur  preflaate  > 
Arrive  heoreufement  le  généjreux  >  Cléante, 
Dont  la  divine  voix  en  de  pareils  malheurs.. 
Enchante  «  anéantit  les  plus  vives  douleurs. 
Con(blc-toi>  dit-il  $  Palmis  dans  fa  demeure 
Reviendra  dès  ce  jour»  peut-être  dès  cette  heure.^  ^ 
Sien-tôt  avec  Palmis  les  Mufes  de  retour  « . 
Vont  de  rayons  plus  vifs  éclairer  ce  (éjoor; . 

A  peine  il  dit  ces  moi^s.,  qu'on  porte  la  noaTeUe-;. 


LIVRE    XL  us 

Que  Palmîs  n*écoit  plus  qu*à  vingc  pas  de  chez  elle. 

Ce  bruit  tn  un  iuftant  diffipe  la  langueur ,  B  x  t  o 

Qui  du  tendre  animal  avoit  faifi  le  cœur.  lavi 

Pour  recevoir  Palmis  qu'un  heureux  fort  renvoyé  y 

Ce  féjour  retentit  d'abord  de  cris  de  joye  ^ 

D*un  pas  précipité  tous  vont  la  recevoir  ^ 

Tous  veulent  à  Tenvi  Sc^l'entendre  &  la  voir. 

La  Pigeonne  auffi-tôt  avec  la  Tourterelle , 

Vers  elle  en  un  moment  volent  à  tîre-d'aîle  -^ 

£t  le  Caméléon  Inquiet  &  jaloux 

De  Ce  voir  prévenu  dans  un  devoir  fi  doux  » 

Pour  arriver  plutôt  ou  Palmis  pouvoir  être. 

S'élance  tout  à  coup  du  haut  d'une  fenêtre. 

Tranfporté  de  l'ardeur  dont  il  eft  poffédé , 

Il  croit  atteindre  en i'âir  ceiïx  qui  l'ont  précédé  >, 

Il  croit  voler  cônune  eux  od  Ton  zélé  le  gnide  ^ 

Il  croit  d'un  Aigle  alors  avoir  Taîle  rapide. 

Mais  hélas  !  quel  malheur  !  il  s'écrafe  en  tombant  » 

£t  (bus  Cott  propre  poids  lui-même  (ttccombant» 

Malgré  le  prompt  ffecours  du  généreux  Cléante  ; 

Bien-tôt  la  mort  af&eu(è  à  Tes  yeux  fe  préfeute* 

Froiflf ,  pîlc  ôt'lividf  ,  il  chàage  de' couleur  , 

Il  expirci&:  voyez  l'excès  de  Con  malheur  l 

Car'lorfqtt'il  eiiialoit  fon  aœe  fugitive , 

La  trop  lente  Palmis  fubitement  arrive  : 

Mon  cher  Caméléon ,  dit- elle  plufièurs  fois  ^ 

Maïs  îl-étoit  déjà  Tans  mouvement,  fans  volx'>^ 

Et  ce  texubc  animal  en  cette  heure  iaf&Igeante> 

KJî 


116      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 
Ne  jctta  fur  Palmls  qu'une  œillade  mourante  i 


« 


I>  i:  T  G  r;«  £t  la  Parque  barbare  en  {<Sparanc  le  fil ,   . 
t  AUD.      Envoya  fa  belle  ame  à  jamais  en  exil. 

HéUs  !  quels  accidens  •  quel  défordre  ef&oyable» 
Ne  caufa  pas  alors  cette  mort  pitoyable  ! 
Deux  fidelles  miroirs ,  qui  peintres  obligeans» 
A  tout  reprefenter  étoient  G.  diligens  , 
De  l'un  à  l'autre  bout  de  douleur  fe  fcndircoi:}. 
Six  vafès  de  criftal  d'eux-mêmes  (è  rompirent } 
Deux  conques ,  autrefois  trompes  dont  deux  Tri« 

tons 
Se  fervoient  en  chaflant  les  Phoques  &  let  Thons  $ 
Deux  branches  de  corail  »  préfent  dont  Ampkitrite 
De  Palmis  fur  nos  bords  honora  le  mérite  , 
D'une  corniche  »  hélas  l  tombant  fubitement  » 
Se  fentirent  brifcr  en  ce  fatal  momenç. 
Mais  (1  la  dure  Parque  à  nos  vœux  inflexible  > 
Dans  fon  appartement  fit  ce  fracas  terrible  > 
Depuis  Tarbre  hautain  jufqu'à  la  moindre  fleur  » 
Tout  fut  dans  fes  }ardins  (ènfible  à.ce  malhenr.. 
Mirches>  Acacias ,  &  l'arbre  de  Pirame  > 
Parurent  tout  à  coup  fans  verdure  &  fans  ame^ 
le  trifte  Chèvrefeuille  ému  d'un  fort  fi  dur  > 
Ne  pouvant  fe  tenir ,  s'appuya  contre  un  mur.. 
On  vit  dès  ce  moment  fécher  un  ficomore  * 
Sans  feuilles ,  fans  rameaux  le  tronc  en  refte  encore» 
Le  Houx  défefpéré ,  dès  qu'on  s'en  approcha , 
Piqua  dans  fon  chagrin  tout  ce  qui  le  toucha» 


L  l  V  R  E    X  L  X17 

L'abricotier  parue  tout  plein  d'une  humeur  noire  y 

Le  poirier  de  couc  l*an  ne  porta  nulle  poire.  B  £  r  o  ' 

L*iF,  bote  fi  chéri  de  ce  charmant  féjour  ,  1.  au» 

Refté  nain ,  n'a  pas  crû  depuis  ce  triftc  jour. 

Les  foucis,  les  pavots  furent  tous  taciturnes  s 

Les  jafmins  tout  mourans  fe  mirent  dans  des  urnes. 

Les  œillets  &  les  lys ,  de  cette  mort  fâchez  , 

languîfToient  triflemeac  furla  terre  couchez. 

Tout  fembla  plaindre  enfin  cette  mort  fi  cruelle  : 

Tout  Paris  regreta  cet  animal  fidelle  : 

Mais  rien  n'eut  en.  ce  jour  de  fi  vive  douleur 

Qu'en  refTentit  Palmis  dans  un  fi  grand  maUieur.^ 

Chant    I I L 

•  .  .  .... 

Tendre  Caméléon ,  animal  plein  de  charme$^y 
Que' ta  mort  a  coûté  de  prcciéûfes  larmes  l 
Et  combien  a-t'on  vu  de  grands  Hois  enterrez  ^ 
Qui  par  de  G.  beaux  yeux  n'ont  pas  été  pleurez  r 
Tel  fut  le  cher  moineau  de  raimable  Lesbie , 
Quitïâ  làj'ârque  autrefois  le  priva  de  la  vie. 
Chacun  plaignit  foU  fort ,  &  la  lyre  à  fa  main  > 
Catulle  en  fit  pleurer  tout  îe  peuple  Romain. 
Mais  comme  après  avoir  aiTez  plaint  ce  qu'o« 

aime , 
Il  faut  enfin  aux  Morts  rendre  un  devoir-fupréme, 

Palmis  voulut  au  moins  de  ce  convoi  funèbre , 
Rendre  à  jamais  la  pompe  iminortclk  ^célèbre. 


ii8       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


Wtt 


»" 


-  Et  qu iufcôcis ,  oiftaux  >  quadrupèdes,  poiflbnS». 

B  £  T  o  u-  £c  tous  êtres  enfin  de  toutes  les  façons  , 
i*AUD.  .  Accouruilbit  former  ce  convoi  magnifique  » 
£1;  vînfTeht  tousgrofllîr  cette  pompe  publique» 

O  vous  qui  m'éÈoutex  avec  ëtonnement , 
Vous  paroi  (Tez  frappez  d'un  tel  enchantement. 
Ce  charme  à  vos  efprits  eft  incompréhenfible  1 
Mais  quand  Palmis  i'otdoniic»  eft -il  rien  d'iœpofi 

fiblc? 
Tant  de  Héros  fameux  autrefois  fi  Tancex» 
Et  CléHe  &  Cirus  qu  elle  a  refTiifciccz , 
N'ont-  ils  pas  -reçu  d'elle  unç  plus  noble  vie , 
Que  celle  que  le  Sort  leur  a  jadis  ravie.  ? 

Les  Pharaons  jadis  en  des  deferts  arides 

Elevoient  jufqu'au  Ciel  d'énormes  piramides , 

Maffes  qui  femblent  même  aux  fpeâateurs  confoit 

Faire  cncor  refpcder  des  Rois  qui  ne  font  plus. 

La  prudente  Palmis  crut  félon  cet  ufagc 

Des  vieux  Egyptiens ,  peuple  f^iitrefois  £  (âge  ^ 

Que  le  Caméléon  qu'elle  ayoit  taat  aimé , 

En  des  champs  écartez  devoir  être  inhumé  i 

£c  qu*  Atis ,  lieu  charniant^  lieu  rempli  de  verdore  > 

Seroit  uitdefert  propre  à  cette  fépulture.. 

M<ais  le  corps  hors  des  murs  deia  vafte  Çi^  > 

Etant  dès  le  foir  même  incpgnjto  porté  , 

Auffi  .tôt  la  lugubre  &  menaçante  Orfraye , 

Qui  de  fon  cri  perçant  fi  fouveut  nous  eficayc  j.-.  { 


L  I  V  R£    XL  119 

&  les  trifte$  hibous.^  amoureux  de  la  nuit , 
rirent  autour  du  corps  un  cfTroyab.le  bruit.  B  e  t  o  u- 

L'Aurore  fc  montrant  à  ces  oifc^ux  nodurnes >  i aud» 

Ils  difparurent  tops  çoo&s  &  taciturnes , 
RéfoJas  déformais  de  n'akner  plus  le  jour , 
Qu'un  G  rare  animal  dédaignoît  à  (on  tour. 
Mais  dès  que  le  Soleil ,  père  de  la  lumière  > 
Vint  à  recommencer  fa  tâche  journalière  , 
On  vit  depuis  ^Conflan^  jusqu'auprès.,  des  faux- 
bourgs  , 
De  milliers  d*animaux  le  merveilleux  concours  : 
Of^  eût  dit  que  leur  troupe,  immenfe  &  vaga* 

bonde  > 
Venoit  peindre  en  ce  lieu  la  nai/Tance  du  monde» 
Palmis  dun  finil  coup  d'oeil  les  fit  tous  ranger  là, 
Et  puis  elle  leur  die ,  allez  s  &  tout  alla. 
Au  premier  tang  marchoiçnt.ks  triftes  Tourte-^ 

relies , 
Les  Faifaas  aux  couleurs  û  vives  &  fî  belles  , 
Les  Perdrix». les  Pluviers,  &  ces  autres  o^feaux  - 
Qui  charntent tour  à  tour  le  palais^des  coteaux. . , 
Après  eux  on  voyolc  des  troupes  magnifiques 
De  Cignes ,  de  Hérons ,  &  djol&aux  aquatiques  ^  .^ 
Et  les  premiers  cbantoient  de  cette,  tride  voix , 
Qn*on  .dit  qu'ils  font  ouir  quand  ils  font  ^ux abois»  • 
On  leur  vit  fucceder  en  pompeux  équipage. 
Tous  ceux  qui  font  parez  d'un  fupcrbe  plumage , 
JEj^  l'Aigrette ,  £c  l.'0utar.4.e>.^  TaUcau  curiciix. . 


mÊÊm 


110       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


■•  En  qui  fut  transformé  jadis  l'homme  aux  eent  jobol 


B  E  T  o  u-  Api^ès  eux  fe  montroient  les  volatiles  rares 
LAUo*     Qui  viennent  des  climats  ou  lointains  ,  o»  baf- 

tares  > 
L'Autruche  au  corps  énorme  >  avec  le»  Pélicaas  » 
L'oîfeau  de  Numidle  >  &  les  Paons  qui  (ont  blanci» 
On  vit  venir  enfuite  un  grand  nombre  de  Pie^, 
Toutes  d*un  petit  deuil  proprement  afTorcies  % 
Et  mille  Perroquets  dlfant  à  chaque  pas 
Des  mots  entrecoupez ,  &  de  tri(ies  hâas. 
La  charmante  Fauvette  en  tous  lieux  fi  vantée  # 
Et  dont  avec  refpeâ  la  voix  fut  écoutée  » 
Volant  de  rang  en  rang  >  feule  conduUbit  tout* 
Régloit  tout  par  fès  foins  >  de  l'un  à  Tautre  bout. 


le  peuple  étoit  furpris  d'un  objet  fi  nouveaa , 

Quand  tout  à  coup  frappé  d*un  appareil  plus  beau» 

Il  vit  fix  beaux  courfiers  tout  le  long  de  la  Seine  9 

D'un  pas  fuperbe  &  fier  traînant  un  char  d*ébeinc« 

Sur  qui  brilloit  de  loin  un  cerCdeil  de  crîftal  » 

Oii  repofoit  le  corps  de  l'illudre  animal. 

La  fombre  Poule  d^eau  j  le  Merle  &  la  Corneille , 

Entouroient  le  cercueil ,  tous  en  robe  pareille. 

Quand  le  corps  eut  paffé ,  Ton  vit  fuivre  après  lus 

L'Eléphant,  accablé  de  triftefle  &  d'ennui.. 

Le  Léopard ,  le  Tigre ,  &  deux  Lions  terribles  ^ 

Suivoient  nonchalamment  comme  moutons  paifi- 

blcs  : 

U 


L  l  V  R  E    X  I.  m 


La  douleur ,  en  ce  jour  >  les  avok  amollis  s 
Ou  pcut-écre  ils  venoient  de  regarder  Philîs.  B  e  t  o ur 

Le  Chat  de  Barbarie  .  en  miaulant  fans  ccfic  »  lau». 

^iprimoic  vivement  fa  profonde  triftefle. 
Les  Singes  j  les  Guenons  -,  animaux  AfFricains , 
Portraits,  ou  pour  mieux  dire>  ébauche  des  hu- 
mains « 
Sui voient^  maïs  accablez  de  telle  rêverie  • 
Qu'ils  (êmbloient  n'avoir  fait  jamais  de  fingerie* 
Lor(que  ces  animaux  eurent  ainfî  paffé. 
Chacun  félon  le  rang  oii  l'on  l'avoit  placé } 
L'Ours  revêtu  partout  d'une  robe  hideu(è  * 
Parut  dans  cette  pompe  avec  (à  mine  affreulè* 
Il  s'étoit ,  pour  marquer  fon  extrême  langueur, 
Laiffé  croître  le  poil  d'une  horrible  longueur. 
Le  Renard  après  lui  marcha  plus  d'une  lieue* , 
Tout  penfif  >  &  traînant  partout  fà  longue  queue» 
L'Ecureuil  fur  fcs  pas  paroi^bit  emprcffé  , 
£c  puis  le  Hériffon  fuivoit  tour  hériffî. 


La  Marmote  à  fon  tour  étoit  de  la  partie  ^ 
Mais  étant  de  douleur  tombée  en  léthargie. 
Tout  le  peuple  allarmé  pour  elle  à  cette  fois , 
Craignit  qu  elle  n'en  pût  revenir  de  fix  mois. 
Infuite  la  Tonu^S ,  &  le  Caftor  en  vie , 
Firent  feuls  les  honneurs  pour  l'efpece  amphibie  ^ 
Et  furtout  le  Caftor  étoit  fort  attendri , 
Bien  que  chez  les  Huions  il  eut  été  nourri  ^ 

imc  nu  U 


jii      SIBUOTHEQUE    POETIQUE. 

Mais  la  Tortue  alors  à  chemi&er  fort  lente , 
_  "  Marchoit  à  pas  comptez  conme  une  Préndente«« 

Pour  les  triftes  poifTons ,  ils  allèrent  par  eau 
Jufques  auprès  i  d* Atis ,  conduits  par  un  Çarbpag» 
Les  autres  aninuux  au(fî  là  s'arrêtèrent.» 
Et  jamais  dans  Atis  les  plus  hardis  n*entrereqc« 
On  ignoroit  pourquoi ,  mais  on  fçut  de  l'un  d'eur^ 
Qu'il  ne  va  point  de  béte  en  un  lieu  &  fiimeux. 
Nous  vîmes  à  leur  place  en  tiombreti(è  aiTemblée^ 
Tout  le  Parnaâe  en  corps  venir  dans  une  allée  : 
Les  neuf  fçavantes  Sœurs ,  les  Grâces  >  les  AmouE<^^ 
Formolent  en  cet  endroit  un  (î  noble  concours. 
Pour  recevoir  le  corps  d'abord  tous  s'avancèrent^ 
Etles  Mufes  furtout  au  premier  rang  marche-» 

rent. 
Amenant  à  leur  fuîte  un  gros  de  beaux  ECprits  » 
Jadis  fameux  à  Rome ,  ou  fameux  à  Paris. 
Après  les  dodtes  Sœurs  parurent  les  trois  Grâces , 
De  qui  mille  Beaurez  accompagnoient  les  traces  ; 
Aufïi-tôt  un  effcîn  de  petits  Amours  bruns  » 
Aux  rives  de  Garonne  &  du  Rhône  communs  > 
£t  tous'  les  Amours  blonds  qu*;on  voit  aux  boiét$ 

de  Seine, 
Parurent  tous  enfuîte  avec  des  arcs  d'ébeipe  ; 
Chacun  même,  en  ce  jour,  portoit  un  noir  baa-i 
t       deau , 

■    .    ■...■■.l'P 
t  MaifondeM.  Coorarr. 


XA.U«» 


L  I  V  R  E    X  1.  îi| 

£c  s*&oit  appliqué  des  aîlcs  de  Corbeam. 

Milles  tendres  Amans  de  toutes  les  efpeces ,  5^  thV' 

De  fages ,  d*enipprcex  auprès  de  leurs  MaîtreiTes^ 

De  triftes ,  de  mutins ,  de  grands  &  de  petits  , 

Les  {ùivoient  pas  à  pas  dans  le  palais  d'Atis  * 

<2^  COU'  fubitement  fiit  paré  par  les  Fées  y 

De  flammes  ,  de  feftons ,  d*urnes  &  de  trophées  • 

£t  de  tous  ces  reliefs  dont  Tart  ihduftrleux 

Par  la  main  des  le  Bruns  fçait  fafciner  les  yeux. 

Lorfque  l'on  eut  au  bruit  d'un  lugubre  cantique 

£levé  Tous  un  dais  le  cercueil  magnifique  y 

£t  que  les  (ped^ateurs  fë  furent  tous  placez 

Sur  divers  échaiFaux  que  Ton  avoit  dreiTez , 

La  grave  MeTpomene  en  beaux  vers'fi  célèbre» 

Du  grand  Caméléon  fît  roraifoit  funèbre. 

Enfuite  ayant  paflé  (bus  de  {ombres  ciprcs , 

X^uî  fèmbloient  en  ces  lieux  être  venus  exprés  , 

-On  fit  mettre  le  corps  dans  un  caveau  rufliquc  ^ 

'SvLT  qui  l'on  fit  dreÏÏèr  un  obélifque  antique, 

*Oti  Ton  grava  (eûdam  cette  épitaphe  au  bas  , 

Ouvrage  ingénieux  du  grand  Th&)damas. 

«     •     •    •*-■••••■'■•    «    '•     •    •.'•    •    • 

iPafTant ,  arrêtez-vous  :  avant  d'aller  ailleurs, 

Y6us  devez  ca  ce  lieu  le  tribut  de  vos  pleurs. 

3^e  beau  Caméléon  n  efl  plus  qu'un  peu  de  cendie  : 

Hélas  !  qui  fîit  jamais  plus  fenfible  &  piustefidrei 

'Si  la  mort  a  mis  fia  à  tous  Ces  changenKns , 

3a  mort  n*altere  point  fes  premiers  fentîmens. 

Lit 


1^4       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE,  . 
Soo  corps  gic  en  ce  lieu  \  mais  (bn  erpric  fidellf 


U  T  o  u-  A  choifî  chez  Palmis  fa  ciemeure  éternelle  c 
j-tiVO*      i\  la  voit ,  il  la  fuit ,  il  Tiécoute  parier. 

Adieu ,  pâjfTanc  s  voilà  4e  quoi  vous  confoler. 

A  Mademoiselle  de  Scudehy, 
Sur  la  mon  de  fin  Çaf^éUpih 

• 

Sapho  ,  quifeût  ofé  .crolr,s, 
Qu^aux  plus  beaux  jours  de  ùl  gloire 
Méléon  fut  trépaffij  ?   . 
£t  qui  jamais  eut  peu (ë 
Qu*en  des  lieux  oi^  tpi^t  le  moiidjS 
Trouve  une  fource  féconde 
De  pure  immortalité , 
Cet  animal  f\  vanté  > 
Eût  de  la  Parque  cruelle 
Senti  la  maîq  criminelle  ? 
lirais  reiTufciter  un  naor^ 
N'^ft  pas  pour  vous  un  e£S>rt  i 
Vous  ppuyez  j  m^l^té  1  envie  «     .     . 
Lui  redonner  une  vie  .  ' 

Contre  qui  vous  (^avez  bîea 
Que  la  Parque  ne  peut  rien., 
Sapho  ,  fon  ajoiour  fidélç  » 
Sa  complai  fanoç  &.  (qa  .zilf  | .  « .  •     - 
ftie  voyage  entrepris  . 


L  I  V  R  E    X  I.  iii 

I)'Aléxandric  à  Paris , 

Méritent  bien  cette  grâce.  B  e  t  o  i 

Eft-il  bcfoîn  que  je  trace  ^^^^* 

Tant  de  divers  changemens , 

Que  vous  trouviez  fi  charmans  ? 

Ou  bien  qu'en  vers  héroïques , 

je  cherche  aux  vieilles  chroniques 

Le  droit  de  divinité 

A  Tes  ayeuz  aâèâé  ? 

Sapho  ,  ce  ne  (ont  point  fables  > 

les  Caméléons  aimables 

Dont  il  vient  de  père  en  fîls  , 

Furent  les  Dieux  de  Mcmphi«. 

Sur  ces  rives  renommées 

Ou  ré^gnoient  les  Feolomées , 

On  adoroit  en  tous  lieux 

Ces  animaux  glorieux  ^ 

Et  dans  des  tableaux  antiques , 

Dans  des  temples  magnifiques , 

Aux  pieds  des  Caméléons 

On  voyoit  les  Pharaons. 

Méléon ,  comme  Tes  pères 

N'a  pas  vu  tous  ces  myfteres  » 

Ni  vu  l'Egypte  à  genoux  } 

Mais  Méléon  fut  chez  vous  ^ 

Et  vous  oiiir  à  toute  heure  , 

Etre  dans  votre  demeure , 

Y  pafler  mille  momens 

Lii} 


** 


ii6       BIBLIOTHEQUE    TOETIQUR 

Agréables  &  chartnans  > 
K  T  o  u-  ^^  k\oxï  moi  quelque  cbofè 

kAJU x»«  Qui  vaut  bien  1* Apothdo{e« 

Ci^  U  Caméléon  quipsrU, 

Les  animaux  les  plus  rares* 
Chez  les  peuples  polis ,  chez  les  peuples  barbares  ^ 
Meurent  fans  cfpoir  de  retour  ^ 
Eléphans ,  Lions  8c  Panthères  » 
■    Rhinocéros  &  Dromadaires , 
Tombant  tous  dans  l'oubli  iorfqu'ils  perdent  le 

jour  : 
Mais  moi  ,  puisque  Sapho  travaille  pour  ma 
gloire  « 

£c  que  le  divin  Apollon 
Gcave  ce  qu'elle  chante  au  Temple  de  Mémoire.  « 
Je  fuis  aHuré  que  l'Hiftoice 
Parlera  du  Caméléon» 

Les  Papillons  ikla  belle  Âftsêfirism 

Pour  vous  marquer  notre  zéle^l 
Nous  venons  à  tire-d'aîle 
Au  célèbre  rendez -vous 
Que  Flore  afiigne  chez  voufb 


X  Ces  papillons ,  peints  en  aflêz  gfand  nombre  »  Se  ds 
diiiércnccs  couleurs ,  tbrmoienc  eonunc  en  Tolanc  le  chiâce 
li'Âjnedrû^ 


LIVRE    XL  Tif 

C'cft  au  jour  de  votre  fête  ^• 

Qu  clic  parc  votre  tête  B  i^  t  < 

De  fleurs  ,  doiit  rémail  dîverî'  *^" • 

5^e  mêle  à  des  lauriers  verds.. 

En  quelque  endroit  qu'elles  naiflent  « 

£n  quelque  endroit  qu  elles  croiflènc  , 

I^ans  un  pré ,  dans  un  fillon  > 

Chacune  a  fon  papillon. 

Sur  (es  ailes  bigarrées 

Chacun  porte  les  livrées 

Pc  ta  fleur  qui  Ta  charmé  y 

Et  dont  il  veut  être  aimé. 


agréez  qu'à  notre  tour 

Dans  cette  brillante  Cour 

Nous  venions  vous  rendre  Komtoagc  i 

Notre  humeur  n'eft  point  volage  5 

Et  bien  qu'il  (èmble  à  noos  voir 

Errer  du  matin  au  foir , 

Que  nos  flammes  (oient  légères , 

Inconlhtntes ,  pafTagores* 

Sans  nulle  foMké  ; 

Pourtant  la  légèreté 

N'eft  jamais  que  dans  nos  aîlcs  j 

Nospctits  cœurs  font  fidèles. 


Liiij 


ÎETOU- 
LAUJ>« 


ïi8       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

Le  Paon  de  Sapho. 

Autrefois  Je  Junon  Tolfeau  le  plus  chéri , 
£c  depuis  de  S  apho  l'aimable  favori , 
J*ai  préféré  cent  fois  ma  demeure  chez  elle 
Au  palais  éclattaoc  de  la  Cour  immortelle. 
Junon  en  fut  jaloufe  ,  &  croyant  qu  ici-bas 
Je  vivois  fous  les  lois  de  la  fage  Pallas  > 
Prit  un  arc  invifible  ,  &  du  féjour  célefte  » 
Sur  moi  dans  fa  fureur  décoche  un  trait  fuoefte  : 
J'expirai.  Mais  S  apho,  pour  adoucir  mon  (btc» 
fait  que  j*étale  encore  y  en  dépit  de  la  mort , 
De  toutes  mes  couleurs  la  fuperbe  parure , 
£t  des  cent  yeux  d'Argus  la  charmante  peinture. 
Ainfi  par  un  bonheur  que  je  n'attendois  pas , 
Pompeux  &  couronné,  brillant  de  mille  appas 9 
5a?ho  m*honore  encor  d'une  jufte  mémoire  -y 
£t  fa  chambre  eft  pour  moi  le  temple  de  la  Gloire. 
J'y  revis  à  jamais  ^  £c  dans  (on  fier  courroux 
Junon  voudroit  en  vain  m'ôter  un  fort  fi  doux. 

madrigal. 

Le  différend  terminé» 

D0RYLAS&  Damon  «ces  deux  fameux  Poètes , 
Sur  leurs  vers  ne  (ont  point  d'accord  : 
On  ne  peut  fans  bâiller  lire  ce  que  vous  faites. 
Die  Tun  :  en  vous  lifant,  répond  l'aucre,  on  s'endort. 
L*un  a  raifon ,  &  l'autre  n'a  pas  tort. 


L  I  V  R  E     X  I.  119 


Sur  U  frife  de  Montmellian. 

Betou« 
Le  plus  gfand  àt  nos  Rois  difoit  à  la  Vi<S^oirc  »  .     lAUl^r 
Sa  fidelle  compagne  au  chemin  de  la  gloire  ; 
DéefTe ,  qui  toujours  (î  prompte  à  mes  defîrs  y 
Faites  de  leur  fuccès  vos  plus  charmans  plaiHrs  -, 
Souffrirez- vous encor  quun  roc inacceûiible 
D*un  injufte  ennemi  foie  l'azile  palfible  ? 
La  Viâoire  >  à  ces  mots»  lui  jettant  des  regards , 
Teb  qu  au  jour  d*un  triomphe  cHe  en  jette  au  Diea 

Mars , 
Répondit  auffi-tôt  :  Héros  dont  le  courage 
D'une  confiante  ardeur  à  tous  vos  pas  m'engage  * 
Pttis-je  vous  réfuter  ?  Vous  parlez ,  j'obéis  ^ 
Je  vais  joindre  ces  monts  à  l'Empire  de  Lys  : 
Malgré  mille  périls  vos  guerriers  intrépides 
Y  monteront  «  portez  fur  mes  ailes  rapides } 
Et  vous  allez  enfin  triompher  dans  les  airs  » 
Ainfi  que  for  la  terre  »  ;^infi  que  fur  les  mers» 


4* 


130    BIBLIOTHEQUE  POETIQUE. 


aVd!'  TALLEMAND  X  DESREAUX. 

Efitafhe  de  M.  dAhUneourt. 

L'Illustre  d'Ablaccoorc  repoft  en  ce  tom- 
beau* 

Son  g^nîe  à  (on  fî^clê  a'fervi  de  flambean. 
Dans  (es  fameux  écrits  toute  la  France  admire 
Des  Grecs  &  des  Romains  les  précieux  crélbrs» 
A  fa  perce  on  ne  fçauroic  dire 
Qui  perd  le  plus  des  vivansoudesmonSi 

Èpitaphe  de  M.  Féitrui 

Ce  célèbre  Pacru  (bus  ce  marbre  repo(ê. 
Toujours  comme  un  Oracle  il  s'eft  vu  confulcer  i 

Soit  fur  les  vers ,  (bîc  fur  la  profe. 
Il  (eue  jeunes  &  vieux  au  travail  exciter  : 

C'eft  à  lui  qu'ils  devront  la  gloire 
Dé  voir  leurs  noms  gravez  au  temple  de  Mémoire» 

Tel  efprit  qui  brille  aujourd'hui 
N*eût  eu  fans  Tes  avis  que  lumières  confufes  \ 
Et  Ton  n'aurojt  befbin  d* Apollon  ni  de  Mufes  * 
Si  l'on  avoit  toujours  des  hommes  comme  lui. 

I  Tous  ceur  qui  ont  connu  particulieremeuc  cet  Auteur  » 
en  ont  parlé  d*iine  manière  fort  avancagcufe.  Il  avoic  fait 
beaucouo  d'Epigrammes ,  que  Tes  héritiers  n'ont  pas  jugé  à 
propos  de  rendre  publiques,  Hcurcufemcnt  pour  celles^cij 
9ik&  avoient  paru  du. vivant  de  M.  Deske aux. 


L  I  V  Rr  E    XL  151 


N 


■îf  ^-Jf 


Sur  la  mortfiihite  êt'un  Grand. 


F 


Igurb  du  monde ,  quipafTe 
Ecqui  pafTe  dans  un  moment  3 
Pompe ,  nchefle ,  honneur  ,  funefte  amufement 
Dont  un  mortel  s'enyvre,  &  jaipais  ne  (e  lafTe  : 
De  quoi  (èrt  votre  éclat  â  l'heure  de  là  mort? 
Il  ne  peut  ni  changer  ni  retarder  le  (brt.. 
L  *  *  plus  haut  que  lui  ne  voyoit  que  fbn  Mlaitre  : 
Dans  le  comble  des  biens,  des  grandeurs,  du  plaiïïr^ 
Lorfqu'il  la^craint  le  moins  ^.laMortTient  leiàifir». 
£t  ne  lui  dbmie  pas  lé  tems  dé  la  connoitre; 
Hélas  !  aux  grands  emplois  à  quoi  bon' de  courir  ? 
Pour  veiller  fur  (bi-même  heureux  qui  s'xn  délivict 

Qui  n'a  pas  le  tems  de  bieni vivre  > 
Trouve  mal^aififment  \t  tems  dé  bien  mourir» 

Trières  vaines  ^fi&rilesfans  les  aSlions. 

Ce  n'éH;  point  par  le  bruit  d'une  vaine  prière 
Que  l'on  peut  emporter  le  Royaume  des-Cieux  : 
Il  faut  combattre  »  agir ,  courir  dans  la  carrière  ». 
£t  Too  trouve  à  la  fin  ce  xtiCot  précieux. 
lie  Cicln'eft  pas  le  prix  de  nos  dlfcours  frivoles  1 . 
Dieu  L'accotik.aux  vertus  »  Se  non  pas  aux  pacoks* 


N*5|. 


I3t       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


LIVRE    X  I  ï. 


BOURSAULT. 

DMEBouRSAULTjiiéenidjS^ 
à  Muffy-FEvêque,  petite  ville 
de  Champagiîe ,  vint  à  Paris  etf 
16$  1.  n'ayant  encore  qu'une  connoiiTancè 
très-împar&ite  de  la  Langue  Françotfe  : 
niais  il  fit  fi  bien ,  qu'à  force  de  travail  & 
d'applicatfbn  il  en  pénétra  toutes  les  déli- 
cateiTes  ,  &  s'en  rendit  familières  toutes 
les  beautez.  Ce  fut  pour  lui  un  grand  mal- 
heur ,  que  les  difpofîtions  favorables  qu'il 
avoit  à  apprendre,  ayent  été  négligées  dès 
l'enfance  par  un  père ,  moins  occupé  de 
l'éducation  de  fa  famille  ,  que  de  fes  plai- 
lîrs.  La  connoiflance  des  Langues  mortes 
lui  eût  ouvert  le  chemin  à  une  brillante  for- 
pme  :  car  ayant  fait  en  i  dyi.  par  l'ordre 


mtm  ■  I 

LI  V  R  E     X  I  L  135 

^[■■■■■■■■■■■■■^■■■■■■■■^■■■■■■■^■■^■■■■■■■■■■^■■ii^^HB^lMB 

Au.  feu  Roi  un  livre  intitulé  l'Etude  i  des 
Souverains ,  ce  grand  Prince  en  fut  fi  con- 
tent ,  qu'il  fit  rkonneur  à  M.  Bo^ursault 
de  le  nommer  fous-Précepteur  de  MpN-^ 
SEIGNEUR,  Lefeul  défaut  de  latinité  ne 
lui  permit  pas  de  profiter  d'une  grâce  ii 
flatteufe  ;  &  il  fe  vit  remplacé  par  un  hom- 
iTie  X  d^un  mérite  fiipérieur  &  de  la  plus 
vafie  irudition.  Au  refle  »  quoique  M« 
BouRSAULT  ne  fut  pas  fçavant  (  s'il  eft 
^rai  qu'on  doive  en  refuièr  le  titre  à  qui 
n^  fçait  ni  grec  ni  latin  )  il  a  &it  divers  ou« 
trrages ,  tant  en  profe  qu'en  vers ,  qui  l'ont 
0iis  ail  niveau  des  plus  be^ux  Efprits  de 
fon  fiécle.  On  lira  toujours  avec  plaifir  fes 
X«edxes ,  |8c  fur  tout  celles  )  qu'il  adrefle 


mg^i^m 


t  Cet  ouvrage  écrit  avec  autaat  de  feu  que  de  jugement  ^ 
fi£i  reippli  d*an  bout  à  Pautre  d'exemples  ilUillres  &  nécefTai- 
yos,  tant^urjeuses  Princes  qu'on  inftruit  ^  qu'aux  grandi 
f^tasaes  qui  (ont  chargez  de  leur  éducation. 
X  Feu  M.  Huec ,  Evéque  d*Avranches. 
5  Madame  la  Comtefie  de  la  Suze  les  a  céléboées  dans  I9 
J^adxigfd  fuivant. 

fiabet  i  qmtjue  tnfùf  j  quftts  Lettres  font  belles  l 
Que  pcw  toHi  her  les  coeurs  elles  ont  de  pouvoir  l 
Ce  font  des  beaute\  naturelles  ^ 
Ç^'9f^  fiffç  lifjffpm:  4f  VQtrf 


BOUR 
s  AUL 


OUR- 
lULT. 


■MM— — — — — Mi^ 

134    BIBLIOTHEQUE  .POETI<^V£. 

à  Baheu  Son  Germanicus  a  été  loué  hau« 
tement  par  le  Grand  Corneille  en  pleine 
Académie,  Ses  Fables  '  tPEfofc  &  fos 
j^y^p^  à  /i^i  Cour ,  deux  Comédies  admira- 
bles dans  leur  genre  9  font  d'autant  plus 
•d'honneur  à  notre  Théâtre ,  qu'elles  font 
affaifonnées  partout  d'une  morale  fine ,  în- 
fînuante  9  agréable^  &  en  même  tems  utile,' 
^ui  intéreflè  également  le  cœur  &  Telprit^ 
Mais  fi  on  ne  peut  refufer  à  plufieurs  ou^^ 
vrages  de  M.  Boursault  FapprobatipQ 
qui  leur  «fi  due ,  on  ne  doit  pas  moins  efti»-^ 
mer  la  beauté  de  fon  ame  &  la  nobleflë  de 
les  fentimens.  M.  Defpréaux  étant  allé  aux: 
Eaux  de  Bourbon  pour  une  extinéUon  de 
voix  9  fut  obligé  d'y  demeurer  plus  long. 


Qudnd  Tinis  y  infenfibU  aux  Mccens  dejmét  Ijrt  ^ 
l*oHr  ne  pas  m'ecouter  portait  aiUeurs  fes  féks  « 

Que  ne  te  ccnnoi^ois-je ,  hélas  S 

Tu  m'aurois  appris  à  lui  dire 

Ce  que  je  ne  Im.  difois  pas. 

1  7e  n*ai  rieu  lû  dans  ce  caraâcre  ,  die  Sainc-Eviemond  "^ 
«le  plus  beau  eo  notre  Langue}  &  la  feule  hardiefTeMoJi* 
peudammcnt  du  fucccs  qui  l'a  juftifiée  )  d'ofcr  racccre  le  pre- 
mier des  Tables  d*£fope  fur  la  Sccne  •  ne  peut  panii  ^hq 
d'un  génie  quipcnfe  au-deÛiu  du  commum. 


LI  VS  E    XI  î.  135 

tems  qu'il  ne  fe  l'étoît  propofé  :  l'argent  lui 
manqua.  M.  Bouksault  qui  étoit  alors  à  ^  ^^*' 
Mont-Iuçon  en  Equrbonnois,  iie  le  fçut  pas 
plutôt ,  qu  publiant  qu'il  avpit  fiijet  de  fe 
plaindre  de  notre  Saty  rique  ^il  alla  lui  ofirir 
ies  fervkesr&le  pria  d'accepter  deux  cens 
Jouis.  Une  démarche  auflî  généreufe  eut  (à 
^écompenfe  .»  puifqu'çlle  occalîonna  dès 
i'inftant  même  l'étroite  &  fmcére  amitié 
«qui  a  duré  entre  eux  jufqu^à  la  mort.'  Celle 
de  M.  BouRSAULT  arriva  le  ij  Septem- 
bre 1701.  Il  jouiflbit  de  toute  la  vigueur 
de  fon  efprit  &  de  fa  fanté ,  lorfqu'il  fut 
attaqué  d'une  colique  fi  violente ,  qu'elle 
jui  noua  l'inteftin  j  &  pendant  les  huit  jours 
qu'il  a  furvêcu  aux  douleurs  les  plus  aiguës, 
.jl  donna  les  marques  les  plus  édifiantes 
de  courage ,  de  patience ,  de  réfignation 
&  de  piété.  Il  eft  inhumé  aux  Théatina. 
Le  Père  Bourfault ,  célèbre  Prédicate.w? 
de  cet  Ordre,  étqit  fon  fils. 


B  O  U  R- 
;  A  U  L  T. 


1^6     BIBLIOTHEQUE    POETIHUE. 

EPIGRAMMES. 

Equivoque  plaifantf. 

\^  Ert  AIN  Intendant  de  Provîace    ' 
Qui  menoit  avec  lui  l'équipage  d'un  Prince , 
£n  paflanc  fur  un  pont  parut  fort  en  courroux  : 
Pourquoi ,  demaiida-t-il  au  Maire  de  la  Ville  » 
A  ce  pont  étroit  &  fragile 
N*a-r'on  point  mis  de  garde- fbaz  3 
Le  Mair«  craignant  fbn  murmure , 
Pardonnez  >  Monfeigneur ,  lui  dit-il  aflez  haut-} 
Notre  Ville  n'étoit  pas  (ure 
Que  vous  y  paiTeriez  (î-Cjot. 

JiépîiquetC  un  jeune  Avocat  ^  un  vieux  Frocareur: 

Pi-Fou  RN  1ER  >  méchant  borgne ,  &  Procureur 
fubtil  > 
Contre  un  jeune  Avocat  déployant  (on  babil , 
Plt  qu'au  lieu  de  rai(bns  il  contoit  des  (omettes  » 
Des  inutilitez  d'un  Orateur  tranfi. 
Mes  raifons  ,  répondit  l'Avocat ,  (ont  ibrt  nettes  ^ 
£t  rien  n'efl  inutile  ici 
Qu'un  des  cotez  de  vos  lunettes» 

Vanité  confondue. 

Un  Prédicateur  Efpagnol  » 
Qui  prétendoit  prêcher  auffi-  bien  que  Saint  Pau!  » 

£c 


L  l  VR  E'  X  II.  137 

£t  s'il  n'étoit  Prélat,  qu'il  méritoicde l'écre  , 

Un  jour  parla  hautemeat  B  o  u  r 

Contre  le  Gouvernement  5  s  Aulx 

Et  crut  par  ce  moyen  fé  bien  faire  connoitre; 
De  fa  témérité  Philippes  Quatre  inftruit , 
C'eft  un  homme ,  dît-il ,  qui  veut  faire  ju  bruit  ; 
Il  n'importe  comment  «  pourvu  qu'il  réuffifTe  : 
Mais  pour  le  bieir  pt^r  d'avoir  (î  mal  parlé  > 
U  n-aura  point  de  Bénéfice , 
£t  ne  (èra  pas  exilé- 

l^AÏvtté  du  Domefiiqui  ttun  Chanoine. 

Hier  au  foir  un  gros  Chanoine 
Voyant  que  d'un  peu  d'eau  la  terre  avoir  befoln , 
Difoit  que  cette  année  on  aurolt  peu  de  fi>in  , 

Et  peut-être  encor  moins  d'avoine  : 
Pour  les  pauvres  chevaux  que  ce  tems  eft  mau-* 

vais  1 
Tous  vont  mourir  de  faim ,  fans  aucune  ré(èrve«    ' 

Monfieur  ,  s'écria  fon  laquais  , 
Que  d'un  fî  grand  malheur  le  bon  Dieu  vous  pré» 
(crve. 

Vifs^otir  metirt  au  bas  du  portrait  du  R,  P.  dtlé 

Chaife  ,  Qonfejfeur  de  Louis  XIV. 

Son  auftere  vertu  ,  fa  doârine  profonde , 

lui  foumcrtent  le  cœur  du  plus  juiÊte  des  Rois  r 
Tme  lîU  l/L 


158       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ce  grand  Homme  à  Tes  pieds  a  vu  plas  d'aœ  ii 

15  o  u  R-   Qç^jj^i  q^|  joîc  uQ  jour  voir  aux  fiens  coac  le  moi 
sault.  ^ 

D*/y»  Médecin  ^  iwn  ytmrtAàl, 

Un  Maréchal  ayant  gaéri  la  mal< 
D'un  Médecin  de  réputation  « 
Ne  voulut  point  de  rétribacion  : 
Dieu  me  garde ,  dit-il ,  d'être  aflez  ridicule 
Pour  rien  prendre  des  gens  de  ma  profeffion. 

BJfonfe  iun  Batelier  à  Henri  U  Grsnd. 

Henri  Quatre  en  bateau  paflant  on  joa 
Loire  > 
Le  Batelier  robufte ,  homme  de  cinquante  ans 
Ayant  les  cheveux  tout  blancs. 
Et  la  barbe  toute  noire  -,. 
Le  Roi  familier  &  bon 
£n  demanda  la  raifon  : 
La  raifon  ?  pardié ,  Sire ,  elle  eft  bien  natnrellë , 
Aépofiditle  manan  ,  qui  ne  fut  point  honteux 
Ceft  parce  que  mes  cheveux 
Sont  de  vingt  ans  plus  vieux  qu  elle. 

Sur  U  mert  iFun  Avocat ,  trh-hatile  c^  trh 
honnête  homme. 

Veuves  qu'on  pcrfécute  ,  orphelins  qu'on 
prime.. 


L  I  P-R  E    X  î  I.  139 

£c  qui  navez  poar  voiis  que  Téquité  des  lois  ^ 
Pleurez  an  Orateur  «  dont  réloqueate  voix 
Protégeoic  rinnocence  &  foadroyoit  le  crime. 
Cy-gift  le  célèbre  de  Recs , 
L'un  des  plus  illuftres  fujets 
Qui  jamais  de  Thémis  ait  (batenu  l'empire. 
PafTanc  ,  qui  vois  (bu-  nom  »  ne  cherche  rieo 

après  ^ 
Son  nom  feui  en  dk  plus  que  je  n*en  fçâttrois  dire. 

D'un  Fartifan. 

nNPartlfan*  Seigneur  Haut- Juftlclcc 
iVun  fief ,  jadis  pofTédé  par  des  Princes  > 
Se  gendarma  contre  fon  Charpentier 
Pbur  avoir  d'un  gibet  fait  les  fourches  trop  minces  : 
£h  !  Mondeur ,  lui  dit-il,  nayez  aucun  chagrin; 
C*eft  du  bois  de  cormier  »  plus  dur  que  touslcs  aa<- 

très: 
Tâmais  de  cet  ouvrage  on  ne  verra  la  fia  % 
Je  vous  le  garantis  pour  vous&  pour  les  vôties< 

Une  bonne  Cimédie  efl  une  leçon  t^aee. 

Dans  les  plus  illuftres  familles 

BienTouvent  aux  garçpps ,  quelquefois  même  aux 

filles . 

Les  conTcils  des  parens  femblent  hors  de  faifon  : 

Mais  par  les  Icf  ons  du  Théâtre 

Mij 


I40       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 


Le  fat  le  plus  opiniâtre 
o  u  R  -  £ft  d'abord  mis  à  la  rai(bn. 


iAULT. 


FOREL  I  I  Roufleauy  Laoy,  nous  (ommes  000* 
vaincus 

Que  chez  vous  on  nous  vole  $ 
Et  que  pour  deux  écus 
On  compte  une  piftole  : 
Nous  vous  pardonnons  cet  abus  -y 
Mais  renoncez  à  l'injuCU  maxime 
De  mélanger  le  vin  dans  nos  repas: 
C'cft  afTez  de  commettre  un  crime» 
Volez  ^  mais  nempoifonnez  pas. 

Félicité  de  t honnête  homme. 

Je  ne  (çais  ici-bas  d'autre  félicité 
Que  dans  une  flateufe  6c  douce  volupté  : 
Non  dans  la  volupté  dont  le  peuple  s'entête  i 
Qu'on  évite  avecfbin  ppur  peu  qu'on  foitlkonnêtC} 
£t  qui  pour  des  plaifirs  peu  durables  &  faux  > 
Caufe  prefque  toujours  de  véritables  maux. 
J'appelle  volupté  proprement  ce  qu'on  nomme 
Ne  fe  reprocher  rien  &  vivre  en  honnête  homme. 
Appuyer  l'innocent  contre  l'iniquité  ^ 

1  Fameax  Trgitcurs. 


SAULT. 


L  I  V  R  E     X  I  I.  141 

Briller  moins  par  refpric  que  par  la  probité  ^ 

Du  mérite  opprimé  réparer  Tinjadicc  ,  ^  ^^  ^" 

Ne  fouhaiccer  du  bien  que  pour  rendre  fervice , 

£tre  acce(fible  à  tous  par  fon  humanité  : 

Non  I  rieu  n  efl:  comparable  à  cette  volupté. 

Faux  Grandu 

L'un  monté  fur  un  grand  crédit  ^ 

Ou  fur  une  haute  naifTance  » 

Paroît  d  une  grandeur  immenfè  , 
Qui  f  fans  tin  tel  fecours  »  paroitroit  bien  petit. 

L'autre  qu'élevé  la  fortune , 

Et  dont  fon  orgueil  fe  prévaut  » 
Séduit  par  une  erreur  à  tant  d'îautres  commune  ^ 

Se  croît  grand  parce  qull  eft  haut, 
*  N'étoît  leur  piédcftal  qui  leur  donne  du  luftrc 
Par  le  rang  qu'autrefois  leurs  Ayeuz  ont  tenu  y 

Tel  qui  fort  d'une  tige  illuftre , 

A  peine  feroit-il  connu.. 

Qu'on  ôte  à  ces  Prélats  leur  mitre  , 

A  ces  Préfidens  leur  mortier  > 

La  plupart ,  en  quittant  leur  titre , 

Quit6eront  leur  mérite  entier. 
II  ne  part  de  leur  ame  aucun  trait  de  nobleffe , 
Qu'Us  foient  dans  le  plaifir ,  ou  qu'ils  foient  dans 
le  deuil  : 

Malheureux ,  ce  n  eft  que  foiblefle , 


141.      BIBLIOTHEQUE    POETiQUE: 

£t  fortune2)  ce  n'efl  qu'orgdeit. 

o  u  R-  Xol  >  I  donc  le  coear  cranaaile  »  eoneml  de  l'èxcrd-^ 

AUIT.  ^^ 

me  f 

N*eft  jamai9k3rgaeilleax  9  ni  jamais  abaca  » 

Ton  piédeftal  eft  ta  verta  i 
£rc'eft-là  proprenaenc  être  grand  par  foi-mtme. 

F  A  BLE  S. 

Le  ChaflatMft  fji^  fAnê^ 

A  Vienne  un  Charlatan  »  Médecin  empirique ,  • 
Promit  à  l'Empereur,  pour  quinze  mille  francs  »• 
Qu'il  fè  fit  avancer  en  beaux  deniers  comptai»  y 
De  faire  parier  Grec  une  jeune  bourique  % 
£t  s'il  n'en  vient  à  bout  au  plus  tard  en  dix  ans  » 
Confent  d'être  pendu  dans  la  place  publique* - 
Ses  amis  l'ayant  trouvé 
Au  fortir  de  cette  affaire  ,^ 
Promirent  tous  un  Salvê^ 
A  fa  fin  patibulaire. 
£h  !  Meflîèurs ,  leur  dit  il ,  n'ayez  aucun  effroh 
Avant  qu'on  foit  au  bout  d'un  fi  long  intervalle^ 
Ou  l'Empereur ,  ou  l'âne ,  ou  moiv 
Il  faut  que  l'un  des  trois  détale  « 


MH 


t  M4  de  Baùilac,  Garde  du  Téfor-Hôyaiv 


LIVRE     X  I  L  145 

LEcre^Jfe  (^/m  FiUe^ 

Boi 
L'Ecrivisse  une  fois  s'écanc  mis  dans  la  tête        sav 

Que  fa  fille  avoic  tort  d'aller  à  reculons  » 

£lle  eo  eut  fur  le  champ  cette  réponfe  honnête  ; 

Ma  mçre  nous  nous  reflèmblons  s 

J*ai  pris  pour  façon  de  vivre 

La  façon  dont  vous  vivez  : 

Allez  droit  û  vous  pouvez  ^ 

Je  tâcherai  de  vous  fuivre. 

Le  RâJfynoldF^-U  t^uvttte» 

Un  jeune  Roflignol  qui  faifoit  fon  plaifir 

De  voltiger  de  belle  en  belle  » 

Satisfait.de  U  bagatelle , 
Sur  aucune  Beauté  n*arrétoit  (on  défit. 

Linoce,  allouette>  byrondelle» 
Toutes  l'une  après  l'autre  occupoient  fbn  loifir  ; 
£t  Toit  qu'on  lui  fut  douce  «  ou  qu'on  lui  fur^ 

cruelle , 
Son  coeur  irréfolu  ne  (çavolt  quechoîfir. 
L'Amour  qui  fe  lafla  d'un  femblable  manège  i 

Un  jour  fur  lebord  d'un  ruiflcau 

Lui  fit  voir  un  certain  oifeau  » 
Qui  de  fixer  (es  vœux  eu&(èul  le  privilège* 
D'une  aimable  Fauvette  un  moment  d'entretîea 

Mit  le  Roffignol  tout  en  flamme  : 
Elle  écoit  bcUe^  fage  ,  &  gazouilioit  fl  bien , 


144      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Que  foD  ramage  enlevoic  l'ame,. 
9K.  Bmlaoc  alors  du  plus  beau  feu 

TLT.  Que  jamais  oa  aie  vu  paroîcre , 

Par  un  rendre  8c  fincere  aveu 
Il  en  fie  confidence  à  qui  raroic  faic  naître» 
Mais  la  Fauvecre  émue  à  peine  Tentendic  «  ^ 

Qu'elle  le  fit  changer  de  note  » 

Et  fièrement  lui  répondit 
Qu'il  ne  lui  di(bit  rien  que  ce  qu'il  avoit  die 

A  l'allouetce  ,  à  la  linote. 
Les  yeux  du  Roffignol  attentifs  fur  ce  point , 
Virent ,  ou  crurent  voir  dans  ceux  de  (on  amante  " 

Que  ces  reproches  n'étoient  point 

D'une  Fauvette  indifiérente. 
Ma  conftance  >  dit- il ,  parlera  quelque  jour  j 
Et  la  trouvant  un  foir  difpofée  à  l'entendre  • 
Il  chanta  ce  qui  fuit  d'une  façon  fi  tendre , 
Qu'en  lui  prêtant  l'oreille ,  elle  prit  de  l'amour. 

Arbres ,  rochers ,  échos ,  fontaines  > 
A  qui  j*ai  tant  de  Fois  confié  mes  {bupirs  , 

Eternels  témoins  de  mes  peines  » 
Ne  ferez- vous  jamais  témoins  de  mes  plaifirs  ? 

De  peur  d'être  fenfible  au  feu  qui  me  dévore  » 

Ou  dit  que  mon  amour  ne  dure  qu'un  inftant  : 

Belle  Fauvette  que  j'adore , 

Vous  m'avez  bien  appris  à  devenir  confiant  l 

Moi» 


SAULTi 


LIVI^EXII.  14s 

Mon  ame  (bus  vos  lois  eft  Ci  bien  afTervie  , 
Que  malgré  les  tourmens  que  vous  me  dcftincîf ,       B  o  u  k 
Je  plains  les  momens  de  ma  vie 
Que  je  ne  vous  ai  pas  donnez.» 

Impatient  d'êtrt  fidelle 
A  de  légitimes  appas , 
Quand  je  volois  de  belle  en  belle  » 
Qui  cherchois-je  que  vous ,  que  je  ne  trou  vois  pas  l. 

Depuis  que  je  vous  ai  trouvée , 
Ai-je  formé  des  vçeux  pour  un  deftin  plus  doux  ! 
Quelle  félicité  feroit  plus  achevée  » 
Si  vous  Tentiez  pour  moi  ce  que  je  fens  pour  vous  | 

A  peine  eut-il  fini  «  que  la  fage  Fauvette  « 

Que  fbn  heureux  amant  touchoit. 

Fit  une  prudente  retraite  » 
Ec  dit  f  pour  Ces  raifgns  y  que  la  nuit  s*approcIiokf 

Le  lendemain  avant  l'aurore 

Elle  parut  au  même  endroit  ; 

Peut*£tre  pour  entendre  encore 

Ce  que  Ton  amant  chanteroit. 

Il  lui  tint  le  même  langage 
Qui  le  ibir  précédent  l'avoit  fait  retirer  | 

£t  ne  le  croyant  plus  volage 

Elle  lui  permit  d'efpérer* 

T0meUI.  N 


tj^6    BIBLIOTHE<lUE    POETIQUE. 


Le  Faucon  malade. 

ou  R-  XJn  Faucon  à  l'extrémité  . 

(  Libertin  en  pleine  fanté 
Jufqu'à  traiter  les  Dieux  d'une  pure  chimère  ) 
De  Tes  jours  malheureux  prêta  finie  le  cours , 
Avec  empreflemcnt  follicita  fa  mère 
D'aller  en  fa  faveur  implorer  leur  (ecours* 
Mon  enfant ,  lui  répondit-elle^ 
Je  plains  l'état  où  je  te  voi  j 
Mais  après  tes  mépris  pour  la  Troupe  immortelle , 
}*i;rrlterois  les  Dieux  en  les  priant  pour  toi. 

Combien  de  fois  as- tu  (buillé  leurs  temples  f 
£t  riant  de  leurs  vains  carreaux  > 
Inféré  les  autres  oifèaux 
De  tes  pernicieux  exemples  > 
Si  pour  appréhender  leurs  impuiffani  efibrcs. 
Tu  n'étois  pas  aflcz  crédule  , 
Ils  font  ce  qu'ils  étoient  alors  ; 
Et  ton  efpoir  cft  ridicule. 
I  II  faut  toujours  les  révérer 
Pour  les  avoir  toujours  propices  : 

Ceft  commettre  deux  injuftlces 
De  ne  les  croire  pas  «  &  de  les  implorer. 
On  ne  les  furprend  point  en  changeant  de  langages 


i  Ce  Vers  &  îc  fuivant  Tout  pris  mot  pour  mot  d'une  04e 


de  Malherbe  â  Henri  IV. 


ta.. 


LI  V  R  E    X  1  L  147 


Pendant  que  tu  te  portoîs  bien  , 

Tu  difois  qu'ils  ne  pouvoient  rien  i  B  O  c 

Ils  ne  peuvent  pas  davantage.  C-^ v: 

Le  Loup  é»  lApienu^ 

Un  Loup  fe  trouvant  à  boîre 

Ôd  buvoit  un  jeune  Agneau  , 

Eut  d'abord  Tame  afTez  noire 

Pour  lui  vouloir  faire  accroire 

Qu'il  avoir  troublé  Ton  eau. 

Qui  te  rend  (i  téméraire , 

Lui  dit  ce  traître  en  courroux  ? 
L*  Agneau,  qui  jugement  craint  fa  dent  fanguInaltÇj 
Préhant ,  pour  le  toucher ,  un  ton  âateur  &  doux  \ 
£h  \  comment  »  Monfèigneur ,  cela  (è  peut- il  faire  ! 
Je  me  fuis ,  par  refpedl ,  mis  au-de/Fous  de  vous. 
J*ai  toujours  fur  le  cœur  une  vieille  querelle  » 

Répondit  la  bétc  cruelle  , 

Ou  tu  te  déclaras  mon  mortel  ennemi  : 

Depuis  fix  mois  entiers  j'en  cherche  la  vengeance; 

Je  n'ai  »  répond  l'Agneau  9  que  deux  mois  &  demi  i    ' 

Comment  pouvois-je  alors  vous  faire  quelque  of- 

fenfe  ? 

Ta  m^e  qui  me  hait ,  &  qui  ne  fçalt  pourquoi , 

liler  par  deux  mâtins  me  fît  long  tems  pourfuivre. 

Ma  mère  cefla  de  vivre 

Quand  elle  accoucha  de  mol» 

Ni) 


i4«       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


BOUR- 


Cefl;  donc  ton  père  !  Mon  père 
Du  Boucher  inhumain  a  fenti  la  fureur. 

Ceft  donc  ca  fôeur  ou  ton  frère  ? 

Je  n'ai  ni  frcrc  ni  feur. 
Oh  bien ,  qui  que  ce  (bit ,  il  faut  que  je  me  veogei 
Je  fuis  las  d'écouter  touc  ce  que  tu  me  dis. 
Lors  fans  plus  de  raifon  il  Tégorge  &  le  mange* 
Que  de  Grands  font  de  mên^e  à  Tégard  des  petits  t 

C*eji  Hnjefine  homme  quiparU. 

La  raifon  qu'on  nous  vante ,  éc  qu'on  ticuve  fi 
belle  9 
'  Loin  d'être  un  bien  folide  ,  eft  le  plus  graofl  dç< 
maux  .* 

Le  pur  inftinâ:  des  animaux  .     . 

Eft  bien  plus  raifonnable  qu'elle. 
Guerre ,  procès ,  vieillcffe  >  infirmité  »  trépas^ 
N  ont  rien  qu'un  animal  redouce  : 
S'il  lui  vient  du  bien ,  il  le  goûte } 
Et  s'il  lui  vient  du  mal ,  il  ne  le  connoit  pas. 
La  nature  envers  l'homme  eft   beaucoup  phi 

^ivarp  i 
Le  bien  qu'elle  lui  fait  eft  trop  proche  du  mal  ; 
£n  le  faiHint  fçavant  ,,elie  le  rend  bizarre  i 
£a  le  faifant  vaillant ,  elle  le  rend  brutal* 
L'animal  au  contraire  a  toujours  l'ame  égale; 
De  cput  ce  qu'il  rencontre  il  fe  fait  des  plaKirs  | 


L  t  V  R  E    X  I  L 


M!^ 


Et  s'il  a  de  i'amoar  »  il  remplit  Ces  défirs  > 

Sans  blefTer  la  pudeur  ni  la  foi  conjugale.  Bot 

La  joyc  eft  le  vrai  bien  -,  tous  les. autres  font  faux  j     ^^^^ 

Oii  je  ne  la  vois  point  >  rien  ne  fçauroit  me  plaire  : 

Si  Toii  met  cette  pente  au  rang  de  mes  défauts, 

C'eft  le  dernier  de  tous  dont  je  veux  me.défaire. 

Extraits  d'Esope  a  la  Cour  »  Comediî. 

Heureux  Us  Rois  qui  veulent  être  éclairez 
fur  leurs  défauts. 

C  R  £  s  u  s ,  Roi  de  Lydie. 

j  En? IN ,  mon  cher  Efope ,  il  faut  que  je  t*avou<! 
<îue  de  ton  équité  tout  le  monde  k  louHé, 
Il  n*eft  grands  ni  petits  des  endroits  d*ou  ta  viens  » 
Qui  ne  faflent  des  vœux  pour  mes  jours  &  les  tiens. 
Après  avoir  été  par  Tordre  de  ton  Prince , 
Réformer  les  abus  de  province  en  province  > 
Il  ne  te  reftoit  plus  qu'à  hâter  ton  retour 
Pour  venir  réformer  les  abus  de  ma  Cour. 
Rends  les  vices  affreux  à  tout  ce  que  nous  (bmmes. 
Tous  les  hommes  en  ont  >  &  les  Rois  font  des 

hommes. 
Le  Ciel  qui  les  choifit  les  élevé  affez  haut 
Pour  faire  voir  en  eux  jufqu  au  moindre  défaut. 
Loin  de  flater  les  miens  dans  ce  degré  fupréme  » 
A  corriger  ma  Cour  commence  par  moi-même  : 

I  Scène  IIL  du  I.Aa«» 

Niij 


ïjo    BIBLIOTHEÇIUE    POETIQUE. 

Régie  ce  que  je  dois  fuivant  ce  que  je  puis  5 
o  u  R-   £j  rends-moi  diene  enfin  d*étre  ce  que  je  (ùk> 

Esope. 

Seigneur ,  tous  obéir  efV  ma  plus  forte  envie  t 
'    C*cft  à  vous  que  mon  zélé  a  confacré  ma  vie  : 
Mais  dans  Theureux  état  od  vos  bornez  m'ont 

mis  y 
Ne  me  commandez  rien  qui  ne  me  foit  permit. 
Il  eft  beau  qu'un  Monarque  aufTi  grand  que  vom 

l'êtes  , 
Pour  s'immortaIi(èr  fafle  ce  que  vous  faites  \ 
Qu'au  gré  de  la  juftice  il  régie  fon  pouvoir  , 
£c  qu'exempt  de  défauts  il  ait  peur  d*en  avoir. 
Mais  fi  vous  en  aviez ,  quel  homme  en  votre  cm* 

pire    V 
Seroit  affez  hardi  pour  o(er  vous  le  dire  ? 
Pour  ofer ,  plein  de  zélé  &  de  (incerité  , 
Découvrir  à  vos  ycox  Tauftcre  vérité  ? 
Scroit-ce  ces  coeurs  bas ,  ces  flateurs  mercenaires  g 
Qui  d*un  encens  grofller  prodigues  téméraires , 
Exaltent  dans  les  Rois  ,  d'un  plus  tranquille  front, 
1.^  vertus  qu'ils  n'ont  pas ,  que  les  vertus  qu'ils 

ont  \ 

C   R   £   s  u  s. 

Si  tu  veux  que  ta  foi  ne  me  foit  point  fufpeé^c  , 
Ke  foufire  dans  ma  Cour  nul  flateur  qui  l'infcâe^ 


•* 


L  I  V R  E    X  1 1.  ïjï 


L'équité  qui  partout  fcmble  emprunter  ta  voix , 

Eft  ce  qu'on  s'étudie  à  déguifcr  aux  Rois.  B  O  u 

Pour  me  la  faire  aimer ,  fais- la  moi  bien  connoître ,     ^^"^ 

Je  t'en  prie  en  ami ,  je  te  l'ordonne  en  Maître. 

Je  fuis  jeune ,  &  peut-être  afTcz  loin  du  tombeau  5 

Mais  que  fert  un  long  régne ,  à  moins  qu'il  ne  foie 

beau  ? 
De  ton  zélé  pour  moi  donne- moi  tant  démarques. 
Que  je  reiTemble  un  jour  à  ces  fameux  Monarques  » 
Qui  pour  veiller ,  défendre  &  régir  leurs  Etats  , 
En  font  également  l'ail ,  rcfprit  &  le  bras. 
Guide  mes  pas  tpi-méme  au  chemin  de  la  Gloire. 

£  s  O.F  £• 

Les  Rois  pre(que  toujours  y  vont  par  la  vlâoire  : 
Leurs  plus  nobles  travaux  (ont  les  travaux  guerriers* 
£h  \  quel  Prince  a-t'on  vu  plus  couvert  de  lauriers? 
Après  avoir  deux  fois  mis  Samos  dans  vos  chaînes  • 
Vaincu  cinq  Rois  voi(ins ,  &  fait  trembler  Athènes, 
Pour  en  vaincre  encore  un  qui  les  furpafle  tous , 
Vous  n'avez  plus  y  Seigneur ,  à  furmonter  que  vo^s. 
Sans  être  conquérant  un  Roi  peut  être  augufte. 
Pour  aller  à  la  gloire  il  fuffit  d'être  jufte* 
Dans  le  (èin  de  la  paix  faire  de  toutes  parts 
Difpenfer  la  jufliçe  &  fiturir  les  beaux  Arts  j 
Prdtéger  votre  peuple  autant  qu'il  vous  révère  ^ 
C'eft  en  être,  Seigneur  «  le  véritable  père  -, 

•V  1     •  •  •  • 

Niiij 


O  U  R- 
lAULT. 


iji    BIBLIOTHECIUE  POETiqUE. 

Et  pcre  de  fbn  peuple  eft  un  titre  plus  grand 
Que  ne  le  fut  jamais  celui  de  Conquérant. 
Je  vous  parle  >  Seigneur  »  e^  fcrviceur  fidèle. 

C  R  E   s  u  s. 

£h  !  qui  fçaic  mieux  que  n^oi  la  grandeur  de  ton 

zélé  ? 
Mais  un  trait  important  que  tes  (oins  ont  ol^misy 
Un  Roi  ne  fçait  jamais  s'il  a  de  vrais  amis. 
De  tant  de  Courtifans ,  qui  toujours  fur  mes  traces 
N'accompagnent  mes  pas  que  pour  avoir  des  grâ- 
ces « 
Je  ne  puis  diftinguer ,  au  rang  où  je  me  voi  » 
Ceux  qui  m*aiment  pour  eux  ou  qui  m'aiment  pour 

moi. 
.  Jevoudrois  quelquefois  ^  pour  ({avoir  (îi'on  m*ai« 

me  9 
Pendant  un  mois  ou  deux  me  voir  fans  diadème^ 
Et  dans  mon  premier  rang  être  enfuite  remis 
Pour  ne   me  plus  méprendre  au  choix  de  mfli 

amis. 
Que  fçairje  qui  me  flate  ou  qui  me  rend  juftîcc  ? 
Je  ne  dis  pas  un  mot,  que  chacun  n'applaudKTe  ^ 
Et  fî  l'on  prévoyoit  ce  que  je  dois  penfer , 
On  m'applaudiroit  même  avant  de  m'értoncer. 
Je  confonds  le  faux  zék  avec  le*véritable. 


LIVRE    XI L  ifj 

Esope.  

Permettez- moî ,  Seigneur ,  de  vous  dire  une  Fable.   ^  ^  ^ 
Jamais  la  vérité  n'entre  mieux  chez  les  Rois , 
Que  lor(que  de  la  Fable  elle  emprunte  la  voix. 

Le  lÀon ,  ÏOurs ,  U  Tigre  é*  l^  Psnthére. 

Par  cent  fameux  exploits  un  Lion  renommé > 
Ayant  fçû  d'un  vieux  Cerf,  qu'il  connoiffoit  fidèle, 
Que  (buvent  tels  &  tels  dont  il  écoxt  charmé 

Payojent  fcs  boutez  d'un  faux  zélé , 
En  Toulut  par  lui-tAeme  être  mieux  informé. 
Il  fait  venir  un  Tigre ,  un  Ours>  une  Panthère  « 
Apres  à  la  curée ,  &qai  fans  héfîter , 
Quand  de  quelque défordre  ils  pouvoîent  profiter^ 
De  la  peine  d'autrui  ne  s*inquiétoient  guère. 
Mes  amis ,  leur  dit-il ,  à  qui  j*ai  û  (buvent 

Confié  le  ibln  de  ma  gloire , 
Je  crois  y  fans  me  flater  d'un  efpoir  décevant , 
Avoir  an  (ïïr  moyen  de  vivre  dans  THiftoire. 
Alors  faifaht  (èmblant  d'être  encor  dans  Terreur» 

Et  d'ignorer  leur  artifice  , 

Il  leur  propoCè  une  injuAice 

Dont  lui-même  avoit  de  l'horreur. 
fcfçz  bien ,  leur  dit-il ,  ce  que  je  vous  propofe  j 
Et  fiirtout  que  ma  gloire  aille  avant  toute  chofe , 

Je  n'ai  rien  de  plus  important. 
Çc  que  Yous  propofcz  eft  jufte  5c  néccfiaire , 


iî4    BIBLIOTHEQUE  POETIQUE. 

Répond  tout  d'une  voix  la  croupe  mercenaire  ,  ' 

I  o  u  R-  ^^  ^^^'^  ^^  ^^  ^^^  jamais  ^ant. 

iAULT.  Penfez-y  deux  fois  plutôt  qu'une  » 

Repric  doucement  le  Lion  -, 
Les  Rois  ont  moins  befoin  d'augmenter  leur  for- 
tune 
Que  de  voir  croître  leur  renom. 
Seigneur ,  répond  encor  la  bande  infaciable  , 
Quelque  defTein  que  vous  ayez , 
Pour  rendre  une  chofe  équitable  , 
Il  fufHt  que  vous  la  vouliez. 
Dangereux  confèillers  «  adulateurs  infâmes^ 
Dit  le  Lion  terrible  en  élevant  fa  voix  \ 
Je  trouve  de  /î  baffes  anies 
Indignes  d'approcher  des  Rois. 
.  Fuyez  loin  de  moi ,  troupe  avide  , 
Qui  des  foibles  agneaux  &du  chevreuil  timide 
Etes  fî  juftemenc  l'efiroi  : 
Ceft  votre  intérêt  qui  vous  guide , 
Ce  n'eft  point  la  gloire  du  Roi. 
D'un  exil  éternel  ayant  puni  l'audace 

De  leurs  confeils  pernicieux , 
II  menaça  de  la  même  difgrace 
.;  Les  animaux  qui  brigueroient  leur  place  ^ 

S'ils,  ne  la  rempliffoient  pas  mieux. 

Une  mémorable  vidloirc 
Que  fur  trois  Léopards  il  eut  le  même  jour  » 


LIVRE    XI  L  155 


SAULT* 


A  l'éclat  de  fa  vie  ajouta  moins  de  gloire 
Que  de  s"étre  défait  de  ces  pcftes  de  Cour,  B  o  u  X- 

Pour  expliquer  Ténigme  &  dévoiler  rembléme , 
Penfez- vous  qu'un  Monarque  auffi  grand  que  vous- 
même 
Ne  fit  pas  une  belle  &  louable  aâion , 
D'imiter  quelquefois  l'adrefle  du  Lion  \ 

C  &  E  s  u  8< 

Charmé  de  tes  avis ,  pénétré  de  ton  zélé , 
Et  par  tant  de  raifons  fur  que  tu  m'es  fidèle , 
Je  confie  à  ta  foi  comme  deux  grands  dépôts , 
Et  les  foins  de  ma  gloire ,  &  ceux  de  mon  repot» 

Tortrah  de  U  Cour, 

C'est  le  féjour  de  l'art  &  de  la  politefle  : 
Mais  combien  de  chagrins  y  faut-il  efluyeri 
Et  (ur  quelle  parole  ofe-t'on  s*appuyer  ? 
Tout  rares  qu'ils  y  font ,  les  amis  s'embaraffent  : 
Tels   voudroient  s'étoufièc  que  l'on  voit  qui  s'em* 

braffent. 
Pour  un  dont  la  vertu  trouve  un  heureux  deftin  9 
Mille  vont  à  leur  but  par  un  autre  chemin. 
L'un ,  qui  pour  s'élever  n'a  qu'un  foible  mérite , 
Sous  un  dehors  zélé  cache  un  cœur  hypocrite. 
L'autre  met  fon  étude  à  vous  donner  des  foins» 
Quand  il  fçait  que  vos  yeux  en  feront  les  témoins* 
Celui-ci  fait  du  jeu  fa  capitale  affaire  : 


N 


■1 


156    BIBLIOTHEQC/E   POETIQC/E. 

Cet  autre  en  plaifanitant  devient  {èxagénâlr^jf 
(  o  V  k-.  Et  l'on  arrive  ainfî  prefque  en  toates  les  Coari 
IAU1.T.     D'uu  pji3  imperceptible  à  la  fin  de  Tes  jours^ 
On  e(l  fi  di(fîpé  qu'avant  que  de  connoître 
Ce  que  c'cft  que  d'ctrç  homme ,  on  y  ce  (Te  dç  l'être  | 
Et  ceux  qui  de  leur  tems  examinent  l'emploi ,  . 
Trouvent  qu'ils  ont  vécu  fans  qu'ils  fçachenc  pour« 
quoi. 

Selle  leçon  d^EJepe  à  un  TavorL 

£uflion9-nous  l'un  ou  l'autre  encor  pins  de  pos« 

voir , 
Nousfbmmes  des  jettons  que  le  Roi  fait  valoir. 
Comme  (bnverain  Maître  à  qui  tout  eft  facile. 
Il  nous  fait  valoir  un  >  ou  nous  fait  valoir  mille  % 
Et  fuivant  que  (bn^choix  nous  pode  mal  ou  bien  » 
Nous  Ibmme^  quelque  chofe ,  ou  nous  ne  (bmmes 

rien. 
Surtout  (buvenez-vou$,dans  tout  ce  que  vous  falte$> 
De  n'abufer  jamais  de  la  place  ou  vous  êtes. 
La  Fortune  en  aveugle  ouvre  ou  ferme  la  main  < 
Et  paiiTant  aujourd'hui,  l'on  nel'efl  pas  demain. 

Eloge  dEffpe. 

Dans  le  rang  le  plus  bas  comme  dans  le  plus 
haut  , 
Toujours  l'ame  d'Efope  a  paru  fans  défaut. 
Créfus  à  qui  le  Ciel  fit  un  ^  beau  partage» 


LIVRE    XII.  ijT 

Qa*ùne  richefTe  immenfe  eft  Ton  moindre  avantage^  ' 

Crëfus ,  le  plus  heureux  de  tous  les  Potentats ,  B  o  u 

Se  repofe  fur  lui  du  foin  de  fes  Etats.  iAgi: 

Dans  un  pofte  fi  haut ,  à  quoi  crois-tu  qu'il  penfc  \ 

A  vivre  dans  lefafte  &  parmi  l'opulence  ? 

A  bâtir  fa  mai(bn  des  dépouilles  d'autmi  ? 

Il  £ert  le  Roi  rie  Peuple  >  &  ne  fait  rien  pour  lui. 

Au  riche  comme  au  pauvre  il  tâche  d'être  utile  ^ 

Et  depuis  quatre  mois  qu'il  va  de  ville  en  ville» 

Il  en&igne  aux  petits  à  £iire  leur  devoir, 

£(  ccmpere  des  Grands  l'impétueux  pouvoir. 

A  la  droite  raifon  il  veut  que  tout  fè  rende  ; 

Qu'en  père  de  fon  Peuple  un  Monarque  commandi| 

£t  que  mourant  plutôt  que  d'ofêr  le  trahir , 

Un  fujet  (e  reftraigne  à  l'honneur  d'obéir. 

Comme  il  eft  dangereux  d'être  trop  véritable  y 

Il  &  ièrt  du  (ecours  que  lui  pi;éte  la  Fable  ; 

£t  (bus  les  non^s  abjets  de  divers  animaux  » 

Applaudit  Içs  vertus  «  êc  reprend  les  défauts» 


^m 


IJ&    BIBLIOTHEQUE    POETiqUE. 


^ABOU- 
Jt£UR. 


LE  LABOUREUR. 

Ouïs  LE  Laboureur,  Bailli 
de  Montmorenci ,  a  donné  quel- 
ques ouvrages  de  Profe  &  de 
Vers ,  qui  lui  ont  fait  une  réputation  afifes 
brillante  parmi  les  gens  de  Lettres.  Il  ne 
faut  pas  le  confondre  avec  fon  frère  Jean 
le  Laboureur ,  à  qui  nous  devons  les  Tom^. 
Beaux  des  Perfonnes  illuftres  avec  leurs  él(h, 
ges  &  leurs  généalogies  y  le  Voyage  de  la 
Jieine  de  Pologne...  VHifioire  du  Roi  Char^ 
les  VL  celle  du  Maréchal  de  Goes  triant  i 
&c.  On  ignore  en  quelle  année  mourut 
FEcrivain  dont  il  s'agit  ici, 

SurUCourdeLouis  LE  GjtAKD. 

L'Amour,  la  Gloire  &  la  Fortune, 
Dont  le  charmant  éclat  rend  les  yeux  éblouis  , 
Las  de  fe  faire  entre  enx  une  guerre  importune  jjl 
Se  (ont  venus  ranger  auprès  du  grand  Louis. 

Ce  demi- Dieu  fous  qui  tout  tremble  « 

D'un  lien  fi  doux  lesaflèmble , 


LIVRE    XII.  i5f 

Qtf  Us  ne  quitteront  plus  cet  aimable  féjour. 
Qui  voudra  les  trouver  enfemble  > 
Les  vienne  chercher  à  fa  Cour. 

fartrait  de  Louis  de  Bourbon ,  ?rince  de  Condi. 

J'ai  le  cœur  comme  la  naiffance  ; 
Je  porte  dans  les  yeux  un  feu  y\iSi  briUanc  : 

J'ai  de  la.  foi  »  de  la  confiance  \ 
Je  fuis  prpmpc  ^  je  fuis  fier ,  généreux  &  vaillant} 

Rien  n'eft  comparable  à  ma  gloire  : 
Le  plus  famedx  Héros  qui  brille  dans  l'Hiftoir* 

Ne  me  le  fçauroit  difputer. 

I  Si  je  nai  pas  une  couronne , 

Ceft  la  Fortune  qui  la  donne  ; 

Ilfn$t  de  la  mériter. 

Sur  la  fhue  de  Vremer  Vréfident  du  Parlement  de 
taris  donnée  à  M,  de  Séliévre, 

Elevé'  dans  la  vertu  » 
Et  malheureux  avec  elle , 


« 


\ 


I  M.  Ca^ftron  a  heuteafemienc  imité  cette  pen(ee  en 
faifantdire  à  Ton  Âlâbiade ,  amoureux  d'une  grande  Pria* 
fdTc  :. 

Si  parmi  mes  étyeuxfe  ne  vois  point  de  Rois, 
Taifait  connoitre  au  moins  mon  nom  par  mes  exploits  | 
Et p  pour  vous  aimer  il  faut  une  couronne  y 
Ce  n'eft  pas  la  vertu  y  c*eft  le  fort  nui  la  donne. 
Enfin  /il  n*a  pas  mis  un  Sceptre  dans  ma  main  ^ 
Je  ne  dois  point  rou^r  dtsf4nief  du  Defiin^ 


I45b    BIBLIOTHEqUE    POETIQUE. 

Je  di&is  :  à  quoi  {èrs<p>ta  > 
iioy-  Pauvre  iSc  ftérilc  vertu  ? 

^W^  Ta  droiture  &  tout  ton  zélé , 

Tout  compté  9  toutrabata> 

Ne  valent  pas  un  fétu  : 

Mais  voyant  que  l'on  couronne 

Aujoind*hui  le  grand  Pomponne  ^ 

Auffi-tôt  je  me  Tuis  tu  : 

A  quelque  chofe  elle  eft  bonne;  l 

s  O  N  N  E  T.    .      I 

Les  Caméléons  k  Saphê. 

Votre  vertu ,  votre  fçavolr 
Ont  une  admirable  puifTance  : 
Sapho  ,  nous  quittons  pour  vous  voif  « 
l'Afrique  oii  nous  prîmes  naiiTance. 

Allant  (buvent  du  blanc  au  noir  , 
On  nous  accu(è  d'inconftance  ; 
Mais  que  vous  devez  bien  avoir 
D'autres  Caméléons  en  France  ! 

Notre  petit  corps  n"eft  qa'cfprit  | 
Un  peu  de  (bleil  le  nourrit  \ 
Il  nous  anime  >  il  nous  infpire  s 

Et  nous  venons  loger  chez  vous  ^ 

Parce  que  l'air  qu'on  y  refpirç 

ift  Ip  plus  épuré  de  tous. 

UADAUt 


■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■^■■■■aHMIiMaHMHBiHiMMHM 

LIVRE    XI  I.  î<fi 


MADAME   DE  i  PLAt-BUISSON. 

Il  eft  feu  de  véritables  Amans, 

OU  peut,  on  trouver  des  Amans 
Qui  nous  foienc  à  jamais  fidcllcs  ?      ^^  ^^  ^ 
Je  n'en  fçais  que  dans  les  Romans ,  ^^^^ 

Ou  dans  les  nids  des  Tourterelles.  ^ 


1  Le  moindre  mérite  de  cette  JDame  (  &  c'eft  coût  ce  que 
l*on  en  fçait  )  étoit  d'avoir  beaucoup  d'efp^t ,  &  de  faire 
fort  bien  des  Vers.  Elle  eft  motte  au  commencement  de  ce 
fiécle  dans  un  âge  a^fez  avancé. 

X  Leur  confiance  en  amour  eft  heureufement  exprimée 
ims  le  Dialogue  fuivanr. 

Le    Passant. 
Quefdif't»  dans  ce  bois  ,  plaintive  Tottrterellt  f 

La      TOUHTEILELLE. 

Je  lemis,  fdi  perdu  ma  compagne  fidelle  f 
Le    Passant. 
Ke  ctalns'tu  point  ijue  l*0ijeleuf 
Ke  te  fajje  mourir  comme  elle  f 
La    Touiltbrellb. 
Si  ce  n'ep  lui  ,  ce  fera  ma  douleur. 

Voici  une  craduâion  de  ce  Dialogue  en  vers  latins  qui  n'a- 
voien  t  point  encore  paru . 

V  I  A  T  o  R. 

Quid  gémis  infolâ ,  Turtur  miferahiis  >  uïmo  f 

T  U  R.  T  U  R. 

Cûmpari  fublato ,  quid  ,  nifitrifte  ,  gemam  f 

V  I  A  T  G  R. 

Ko»  metuis  tihinepariter  vitamauferat  auceps  i 

TURTUR. 

Si  mihi  non  auceps  ^  auferet  ipfe  doUr^ 
T^me  II L  O 


.  _i- 


16^   BIBLIOTHEQUE   POETIQUE. 

Sur  le  retour  de  rHtver^ 
,,*,^.        Tombez,  feuilles,  tombez  5  la  Nature  rordonnc 

iXSSONI*  • ,. 

L  Hiver  s  en  va  bannir  les  beaux  jours  de  TAu* 

tomne. 
Déjà  les  aquilons  des  plus  lointains  climats  , 
Ramènent  en  ces  lieux  la  neige  &  les  frimats. 

Nous  les  verrons  bien-tôt  défole^  nos  campagnes  , 
Et  couvrir  les  (bmmets  des  plus  hautes  montagnes.. 
Les  Saifbns  tour  à  tour  font  le  cercle  des  ans  ; 
£t  l'Homme  infortuné  Cent  tous  leurs  changemenf  • 

Ceft  dansfon  propre  fein  ,  théâtre  de  la  guerre^ 
Que  ré^ne  le  défbrdre  &  non  pas  fur  la  terre  : 
Car  lorfque  la  raifon  (çait  régler  Ces  fbuhaits , 
Il  s'accommode  au  tems ,  &  vit  toujours  en  paix  : 
Mais  on  peut  rarement  (  ofcrois-je  le  dire) 
Etablir  la  raifon  dans  ce  petit  empire, 
L'injufte  ambition ,  les  violens  défirs , 
Le  tirannique  amour  ,  les  frivoles  plaifîrs , 
Tout  s'oppofb  au  pouvoir  de  cette  grande  Reine  ^ 
Et  par  les  fens  trompeurs  elle  eft  mife  à  la  chaîne. 
Les  plus  fages  enfin  ne  le  (ont  qu'à  demi. 
Chacun  porte  en  fbn  cœur  (on  plus  grand  ennemi. 
On  Ce  trompe  (bi-même ,  on  Ce  flatte ,  on  s'excufe  ^ 
Un  intérêt  caché  fans  ceffe  nous  abufe  ^ 
Et  fans  nous  bien  connoitre ,  &  fans  nous  corriger. 
Noms  ne  changeons  jamais  6c  voulons  tout  changer* 


LIVRE     XI L  \€\ 

Bpstsphe  du  Camiléû». 

MeP 
Tu  VOIS  ici  la  (2palcare  ^yu 

De  qui  fut  farpris  par  la  mort  : 

Paflanc  y  apprens  (on  avancure 

Avant  que  de  plaindre  fon  £brt« 

A  l'Egypte  II  dut  fa  nalfTance  -, 
Mais  un  défît  ambitieux , 
Si-tôt  qu'il  fut  hors  de  Ténfance  , 
Lui- fie  abandonner  ces  lieux. 

Ses  ayeux  tout  couverts  de  gloire  , 
Rois  des  changeans  Caméléons  > 
Faifbiént  remonter  leur  Hlftoire 
Jufqu-au  pcemier  des  Pharaons. 

Quand  cet  £tat  fut  la  conquête 
D'Alexandre ,  ce  grand  vainqueur , 
J^étois  >  dit  l'un  d'eux  ,  fur  fa  téce^ 
Je  fus  témoin  de  fa  valeur. 

Cléopatre  qui  fut  fî  belle  , 
Dit  un  autre  tout  glorieux , 
Me  tenoit  toujours  auprès  d'elle  , 
£t  jefçus  plaire  à  fes  beaux  yeux. 

Ces  grands  noms  de  Rois  &  de  Reines 

Qu'ils  revêtent  de  pcrc  en  fils , 

Lui  firent  méprîfer  les  plaines 

«  Od^l'onyolt  »'élever  Memahis. ..  ^ 

Oij 


i^    BIBLIOTHECIUE    POETIQUE. 

L'illuftre  lieu  de  ma  naiiTance , 
LAT-  Qui ,  dit-il ,  eut  tant  de  renom , 

i$ON«  N'eft  donc  plus  que  la  récompenCè 

D*un  Bâcha  barbare  &  fans  nom  !  • 

Il  prend  fa  compagne  fidelle , 
Cécoit  un  préfent  de  l'Amour  j 
n  n'auroit  jamais  pu  (ans  elle 
Trouver  un  aimable  £2jour. 

D*ttne  même  ardeur  animée 
Elle  le  fuit ,  &  le  hazard 
Lespréfènte  à  la  Renommée 
Qui  prenoic  haleine  à  l'écarc 

On  (bnty  difent-ils,  ces  grands  Homme5| 
Que  partout  vous  ofez  vancer  \ 
Petits  animaux  que  nous  fbmmea  « 
Nous  voulons  chez  eux  habiter. 

Allez ,  dit-elle  ,  allez  en  France  i 
Cet  Çmpire  eft  fi  âoriâaût , 
Que  de  jour  en  jour  fa  puifTance 
Fait  trembler  celle  du  Croiflant. 

Le  grand  Prince  qu'on  y  révère  , 
Qui  partout  eft  fi  redouté  » 
A  ffû  joindre  au  bel  art  de  plaire 
La  plus  augufte  Majefté. 


L  I  V  R  E     X  I  L  lés 

Mettez- voQS  tous  deux  fur  mes  ailes , 
En  France  je  vous  conduirai  j  ^c  Pj"*  ai 

Et  fi  vous  vous  «tes  fidelles ,  .  B'«»<>J 

A  Sapho  je  vous  donnerai» 

Ils  prennent  cette  heureufe  voy^c  , 
Impatiens  d'être  à  Paris  ; 
Safho  les  reçoit  avec  joye  , 
£t  les  voilà  (es  favoris^ 

Cheï  cette  Maitreflfe  charmante 
Ils  payèrent  leurs  plus  beaux  jours } 
Mais  la  Fortune  eft  înconftantc  » 
On  nepeut  être  heureux  toujours. 

Cette  impitoyable  Déeffd , 
La  Mort  qui  caufc  tant  de  deuil , 
£t  que  fait  toujours  la  triftefTe  , 
£n  précipite  un  au  cercueil. 


Deux  jours  après ,  de  l'onde  noire  t 
Ou  plutôt  de  ce  vain  tombeau  , 
On  le  voit  fortir  plein  de  gloire  » 
Et  bien  plus  brillant  8c  plus  beau. 

L'Egypte  lui  donna  la  vie , 
La  France  Tarrache  à  la  mort  : 
A  qui  d'elle ,  ou  de  fa  Patrie  , 
Rendra- t'il  grâce  de  Cou  fort  2 


mÊmÊK 


U6    SIBLIOTHEÇiUE  POETiqVE. 


SNTIEX. 


CHARPENTIER. 

Rançois  Charpentier,  Pa- 
^^^~  R^^S|rifîen>  étoit  un  homme  de  beau- 

Il  coup  d'eiprit ,  &  très  vçrfé  dans 
les  Langues  fçavantes  ,  telles 
que  ^Hébraïque ,  la  Grecque  &  la  Latine. 
On  connoît  la  facilité  de  fon  gënie  &  fa 
grande  application  au  travail ,  par  les  dif- 
fërens  ouvrages  en  Profe  &  en  Vers  qu'il 
a  donnés  au.  Public.  Il  étoit  Doyen  de 
l'Académie  Françoife  &  de  l'Académie 
des  Infcriptions  ;  ce  qui  lui  donna  occafîon 
lie  faire  les  Vers  fuivans  : 

Le  rang  ou  je  fuis  parvenu  î 
N*efi  pas  d*  un  fort  grand  revenu  s 
Un  Doyen  de  V Académie 
Fait  peu  craindre  fon  tribunal  : 
Pour  être  efiimé dans  la  vie. 
Il  faut  pouvoir  faire  du  maU 
M*  Charpentier  eft  cenfé  Auteur  du 
Çarpentaria....  oà  font  inférées  plufîeurs 


LIVRE     XI  I.  167 

de  fes  Poëfics.  Il  cft  mort  à  Paris  le  22 
Avril  lyoa.âgé  de  quatre-vingt-trois  ans.  Char 
Le  portrait  injurieux  que  TAbbé  Fure-  '^*^^"' 
tiere  en  a  fait  dans  fes  Faéhims ,  eft  auffi 
peu  reflemblant  que  celui  de  pludeurs 
Acadëmiciens  de  mérite ,  que  cet  Abbé 
a  il  indignement  défigurez. 

IfnitMtion  ttAufine. 

PAUVRE  Didon  ,  oii  ta  réduite 
De  tes  maris  le  trifte  fon  ? 
1  L'un  en  mourant  caufe  ta  fuite , 
&  L'autre  en  fuyant  caufe  ta  mort. 

Imitation  ttane  Efigramme  de  ^Anthologif* 

3  Reçois  de  moi,  rhere  moitié  > 
Four  gage  de  mon  amitié  , 
Ce  tombeau  qu'aucun  ne  t*envîe  : 
7e  dois  avec  raifon  te  rendre  cet  honneur  ^ 
Car  le  dernier  jour  de  ta  vie 
Fut  le  premier  de  mon  bonlieur. 


1  Sichée  >  premier  mari  de  Didon ,  a/ant  écé  tué ,  elle  it 
ùamtn  Afrique  avec  toutes  fes  richelTes. 

X  Enée  qui  abandonna  Didon,  &  fut  caufe  qu'elle  fe  tua 
dedéfeijpoir. 

3  C*e&  une  femme  qui  ayant  affez  mal  vécu  avec  fMi 
ci  >  lui  adreHc  ces  Vers  après  Ta  mort. 


■r  iifi  ]      I      I      I  —1— 

UZ       BIBLIOTHEQUE    TOETIQUE. 


^ 


fïNTIλ. 


Autre. 

^^-t*m"  Passant  ,  cî-gît  la  vieille  Macarîde 

Au  rouge  nez  ,  à  1*0^11  toujours  humide  y 
£t  qui  buvoit  Ju  foir  jufqu'au  matin  : 
Sans  nulle  peine  elle  quitta  fa  fille  » 
Son  fils  1  Ton  gendre ,  &  toute  fa  famille  ^ 
Son  fèttl  regret  fut  de  quitter  le  vin* 


.,:r 


Jnfcriptton  four  la  Pompe  du  Pont  ¥iotre-DMm$  \ 
traduite  du  Lutin  i  de  SunteUil, 

Aussi-TÔT  que  la  Seine,  ea  (a  courte  tranquille» 
Joint  les  fuperbes  murs  de  la  royale  Ville» 
Pour  ccç  lieux  fbrtunez  elle  brulc  d  amour  5, 
£lle  arrête  (es  flots ,  elle  avance  avec  peine. 
Et  par  mille  canaux  fe  transforme  en  fontaine  , 
Pour  ne  jamais  fortir  d'un  fi  charmant  féjour* 

I  SeqHMfta  cùmprimum  Reginét  alUbitur  Urhi^ 
Tardât  ptéeciphes  amlfiticfus  aquai, 
Captus  amore  toci  curfum  obli'vifcitur  ,  anceps 
■  Que  ftuéU  )  ^  autces  neBit  in  urhe  morofm 
Hinc  varies  implens  fluBu  fubeunte  caruîles , 
Tons  fieri  gdudet  y  ^ui  modo  flumen  erat, 

le  grand  CorBcllle  a  ainâ  imité  cette  magaifit^ue  loTctlp* 

tiOQ. 

Que  le  Dieu  de  U  Seine  a  tt amour  pour  Paris! 
Dèsqu*il  en  peut  bai  fer  les  ri'vages  chéris  y 
De  jes  flots  fufpendus  la  defcente  plus  douce 
ZaiJJe  doiuer  aux  yeux  /il  avance  ou  rebroufje  : 
tui-même  Àftn  canal  il  dérobe  Jes  eaux  y 
Qu*ily  fait  feiaillir  par  defecrettes  veines  ; 
Et  le  plaifir  au*  il  prend  à  voir  des  lieux  fi  beaux  9 
De  grand  Fleuve  ^u*il  eft ,  le  transforme  enfwuaints, 

LE 


LI  VR  £    X  I  l.  i6f 


LE  PERE  COMMIRE. 

Ean  CqxMmire  ,  '  Jdfuîte ,  nâ-  — 


quit  à  Tours  en  1 52  j.  &  mou-  P.  Con 
rut  à  Paris  au  Collège  de  Louis  **^**' 
LE  Grand  ,  le  ay  Décembre 
I7Û2.  La  nature  l'avoit  doué  d'un  efprit 
également  vif  &  folide  ;  &  depuis  le  Cécle 
d'Auguffe  perfonne  n'a  peut-être  connu 
mieux  que  lui  le  génie  de  la  Poëfie  Lyri- 
que. On  trouve  dans  fes  Odes  des  pen- 
fées  fiAlimes ,  des  images  nobles^  une  élo- 
cution  pure ,  &une  harmonie  d'autant  plus 
flateufe  qu'elle  eft  plus  variée.  Ses  Pocfics 
Héroïques  font  vraiment  dignes  de  leurs 
fujets  ;  &fes  Fables  ont  tous  les  agrémens 
qu'on  pejit  defirer  dans  ces  fortes  d'ouvra- 
ges.. Le  Père  Commire  étoit  un  homme 


1  Son  nçni  propre  écoic  Commire  ,  qu'il  changea  depuis 
en  celui  de  Commiue  ,  croyanc  que  Ton  nom  vétitablc  ij'im- 
pofetoic  pas  alfez  pour  un  homme  de  fa  profeiïîon  >  qui  de-: 
TOlc  réeevcries  ClaiTes. 

fmtllU  t 


•  COM" 


< 

t 


t— p—  I  WÊmmÊmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmÊmmmm»   • 

170       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

entre  deux  tailles ,  &  aflez  replet.  Il  avoit 
la  tête  greffe,  le  vifage  haut  e.n  couleur ,  & 
Tair  un  peu  brufque  ;  ce  qui  donna  (ans  • 
doute  occafion  à  je  j;ie  fçai  quel  Po^ëte  d^ 
iaire  ce  diftique  latia. 

CoMMiRus  jaçet  hic ,  non  re  ,  fed  mmini 
ptirus  >• 
jQui  Fatrià  T'uro ,  moribus  hurojnkéit 

RONDEAUX. 

Sur  la  Mort  if  un  Chat. 

<5rpsst  cû  mort.  Une  noire  Furic^ 
Des  j.eux ,  des  ris ,  des  amours  ennemie^ 
£n  crahifon  a  pris  ce  cbat  d  beau. 
Pleurez ,  mes  yeux  ,  &  fondez- vous  en  eau  | 
Vous  n'avez  plus  rien  à  voir  dans  fa  vie. 

Malgré  cent  tours  d'une  aimable  foiic,  ^ 
Malgré  fa  peau  tavelée  &  poîie , 
fa  longue  queue  &  fon  petit  mufeau  ^ 
iSrifet  cft  mort. 

Pe  cîmts  mignons  une  troupe  cboi/îe. 
Pour  faire  honneur  à  fon  ombre  chérie, 
.     T^outcs  les  nuits  vient  dcfTjs  fon  tombcati 
ycrj^r  ip  fang  d'uip  rat  ou  d'ua  ipoiocai^  ^ 


HIftS 


LIVRE    X  I  L  ijt 

l'als  œîaulanc  d'un  air  trifte  »  cUe  crie  i 

Grifct  cft  mort.  p.  Coi 

Sur  le  même  fujeu 

Crpset  eft  mort.  Hélas  \  c  eft  grand  dom« 
mage 
<)trun  chat  fi  beau ,  fi  fait  au  badinage  , 
^ujours  brillant ,  toujours  flatcur  &  doux« 
Au  lieu  d'un  tas  de  gros  vilains  matous  ^ 
>l^cde  la  vie  en  la  fleur  de  (on  âge  ! 

Lui  qui  jamais  ne  fut  en  garouage  ; 
Xui  qui  guettant  les  moineaux  au  paifage, 
Ceuroit  y  (autoît ,  les  fui  voit  dans  leur  trous  | 
Grifct  cft  mort. 

les  Jeux,  les  Ris  en  trépignent  de. rage  j 
Son  pauvre  maître  en  devient  tout  fauvagc. 
Et  dans  (on  deuil  il  s'écrie  à  tous  coups  ^ 
Chantez,  oifeaux  y  ratSj  réjouiffez-vousi 
&icn  déformais  ne  vous  fera  d'outrager 
Grifeteft  mort. 

Snr  la  défaite  de  rHéréfie. 

QuT  de  rHîftoîre^  du  plus  grand  des  Roî$ 
t.*on'  tracera  les  glorieux  exploits , 
i.a  vérité  (êra  peu  vraifcmblablei 
l'âge  à  venir  trouvera-t'il  faifabic 
Ce  jue  ibos  loi  Ton  voit  £aiie  aux  Francis  ^ 


.  j 


ly*    •   BIBLIOTHEQUE     POET4QUE. 

^^^^^^  Sans  xéfiftancc  ,  en  moins  de  quatre  mrà  t 

p  *^  Avoir  réduit  THcréfic  aux  abok  ; 

iiiiKE»  ^^^^  paroît  tpnir  plus  de  la  Fable , 

Que  dc.rHiftoirc. 

M6n(lre  fatal  aux  derniers  des  Yaléis» 
Moudre  ennemi  des  vertus  &  des  loi^', 
Aax  faints  Autels ,  ài*£tat  formidable  ji' 
^.e  Petit-Fils  de  ce  Prince  admirable 
N'apprendra  point ,  fi  tu  fus  autrcfggis  ^ 
Que  de  l'Hittoirç. 


f 


'■"1 


L  I  V  R  E    X  I  L  iTî 


DUC  HÉ. 

I]  OsEPH- François  Duché'', 
i^  J  ^îîli  Sieur  de  Vancy ,  de  T  Académie 
^^  des  Infcriptions  &  Bel!es-Le&- 
'  très  ,\  ëtoit  fils  d'Antoine  Duchés, 
Gentilhomme  ordinaire  de  la  Ghambrfc 
du  Roi ,  &  depuis  Secrétaire  général  des 
Galères,  Il.avoit  un  génie  des  plus  heiir 
reux  pour  la  Poëfie ,  &  une  facilité  prodi^ 
gieufe  à  compofer;  Nous  avons  de  liii  qua- 
tre i  Opéra ,  trois  ^  Tragédies ,  &  autres 


i^Ai 


i   CéphétU0'  Procrh  y  les  fi  te»  GaUntes  y  ScjUa  ^  Zphi^ 

%■■  /onAt4tds  ♦  AlfnUn ,  Ct*  Dehra,  Ccft  à  1-occafion  d* 
«ecte  dernicre  Pièce  que  M.  RoufTcju s^dicflci  L'AAiEcur  uua 
fliefes  Odes  >  od  il  lui  <iic  encre  autres  choies  r 

Unfublime  efforce  ramené 

AU  CoHr  des  Svursd*  Apollon  y 

£i<lffen'tot  dvec  Melpùmene 

Tu  vM.r  d*un  nouveau  phénomène 

EcUirer  lefétcrtynlori, 

0  fjue  fie  bmS'jefnY  les  ailes  >• 
3ont  Dédale  fut  foljefeur  , 
yder  aux  lieux  ou  tu  nt^ttpfellej  y 
Et  de  tes  chanfors  immortellij 
iérmitr  t'aimable  dvitceur  l 

P  iîj 


Dvci 


174       BIBLICfTHEQUE    FOETIQUE. 

Ouvrages ,  qui  ont  mérité  reftime  &'  Fap* 

che'.   probation  du  Public.  MaisfîM  Duché* 

fe  diftingua  par  les  grâces  &  la  Beauté  de 

Ion  efprit ,  il  ne  fe  rendit  pas  moins  recom- 

mandable  par  la  douceur  &  la  bonté  de^fbn 

caraâere.  Il  ne  lui  eft  jamais  échappé  dur- 

cun  trait  malin ,  pas  même  équivoque  ;  & 

f  on  reconnoît  dans  tous  fes  Ecrits  cette 

candeur  qui  paroiffoit  peinte  fur  fon  vifege  , 

&  qui  étoit  comme  une  expreflîon  fidelle 

des  fentimens  de  fon  ame. ,  La  fièvre  lente 

dont  il  fut  attaqué  dans  les  dernières  ao» 

nées  de  fa  vie ,  le  fit  tomber  dans  une  lan* 

gueur ,  qui  le  conduifit  enfin  au  tombeau 

le  I J  Décembre  1 704.  ayant  à  peine  tren- 

te-feptans.iLouis  XIV,  qui  Tavoit  gratifié 

d^une  penfion  de  cent  piftoles ,  eut  la  bonté 

d'en  conferver  la  moitié  à  fa  veuve  ;  femme 

vraiment  eftimable ,  &  bien  digne  d'un  tel 

mari.  Hymne. 

■  .  OiN  d*icî ,  profanes  mortels  ; 
Vous  dont  la  main  impie  a  drefTé  des  autels 

I  M,  Duché*  a  fait  cette  Hymne  fi  céUbie  d'après  les 


•^« I  II 

LIVRE    XÎL  tjf 

A  cTes  Dieux  irapuifTans  cjue  le  crime  a  fait  naître  : 
Qu'aux  accens  de  ma  voix  tout  tremble  en  l'Uni-   Du  c: 

vers  i 
Cleux  >  £i>f«rs  ^  Terre ,  Mer  »  c*eft  votre  augoftv 
Maître 
Que  je' vais  c&aneer  dans  mes  vers. 

H  eft  >  &  par  lui  feul  tout  erre  a  pris  naif^aucGl^ 

Le  néant  exHle  à  fa  voix  : 
la  nature  &  le»  tcms  agi/Tent  par  les  loix  } 
Tout  adore  y  en  tremblant ,  fa  fupréme  puiflance* 
LiViAble  &  préfcBt ,  on  le  trouve  en  tous  lieux  ; 

Il  rem{>tic  la  terre  &  les  ckux  , 

Far  lai  tout  k  meut,  tout  refplrc  i 

5a  durée  efl:  réternité  ^ 

£c  ][es  bornes  de  Ton  Empire 

Sont  celles  de  rimmenfîté. 

H  produit,  à  (on  gré  >  le  calme  &  les  ttau 
pêtcs: 

Il  commande  aux  flots  en  courroux , 
Et  àG&  foudres  bruyaus  qui  menacent  nos  têtes 
Ses  otdres  éterads  conduifent  tous  les  coups* 

Des  climats  oii  naît  la  lomîere  , 
Axxx  lieux  od  le  Soleil  termine  fa  carrière , 


Idées  que  lui  a  fourni  celle  d'un  nommé  Onomacticus  Grec  » 
^i  vivojjc  du  cems  de  Daiius^  £ls  d'Hift^pcs ,  4S5  ans  4vajii& 

JlSUS-CHiLI6T. 

ï*  •  •  •  • 

Pia) 


UCHE 


n6       BIBLIOTHEQIJB    POETIQUE. 

Il  écend  fes  foins  bienfaifans  \ 
Bt  Ton  voit  fa  bonté  paroîcrc 
Partout  où  Ton  pouvoir  fait  mourir  &  renaître 
Les  )ou£S ,  les  faifons  5cics  aoU,: 

Par  lui  brille  en  nos  prcz  la  riante  verdure. 
D'abondantes  moiffons  les  guérets  fon  couverts  z 
L'Automne  de  fes  fruits  embellit  la  Nature  ^ 
Et  Taquilon  fougueux  ramené  les  hivers. 
De  l'énorme  éléphant  à  la  fourmi  rampante  , 
De  l'aigle  au  paffcrcau  ,  du  xVlonarquc  au  Berger, 
Tout  vit ,  tout  fe  fouticnt  par  fa  faveur  préfente:- 
21  change ,  comme  il  veut ,  la  matière  impuiflauce  * . 
£x  feul  n&  peut  jamais  changer.  . 

Mais  auflî  terrible  qu'aimable , 
Tentcnds ,  Dieu  tout-puiffant»  ta  colère  implacable 

Porter  partout  le  trouble  &  la  terreur. 
Je  te  vois  des  méchans  péfcr  les  injuAices  > 
Et  leur  préparer  des  fupplices 
Dignes  de  ta  jufte  fureur. 

Tu  parles  -,  &  ta  voix  enfante  le  tonnerre. 

Les  Anges  tombent  à  tes  pieds  : 
Xc6  fuperbcs  vainctis ,  les  Rois  humiliés. 

Rentrent  dans  le  fcin  de  la  terre. 

Pour  te  venger  &  nous  punir 

Tous  les  élémcns  vont  s*unir  , 
ta  tkier  ouvre  Tes  flancs ,  Ki  terre  fes  abimc^  5 


«i 


LIVRE    XII. 


177 


L'aîr  s'allume ,  le  feu  dévore  les  mortels  , 

£t  rherrible  trépas  de  tant  de  'criminel 

Ne  fait  qu'éternifer  leurs  tourmcns&  leurs  crimes. 

Qa*êtes-vous  devenirs ,  orgueilleux  Souverains, 
De  cent  Peuples  divers  vivantes  deflinées  j 
Comment  ont  difparu  ces  brillantes  années  , 
Ou  les  jours  des  mortels itoient  mis  en  vos  malnsl 
HoaDeucs>  faftcj  grandeurs,  vains  fantômes  dit 
gloire  , 
A  peine  un  rcfte  de  mémoire 
Aux  portes  da  néant  prolonge  votre  fort  : 
Xa  vérité  paroît  ^  les  ombres  difïipées 

Ne  lâiiTent  voir  à  vos  amcs  trompée» 
Que  l'horreur,  l'enftr  &  la  mort. 

Le  )our  affreux,  de  tes  vengeances  • 

Eclaire  l'impie  étonné  : 
ïc  îc  vois  confondu  ,  tremblant ,  abandonné , 
Fuir,  &  trouver  partout  ton  bras  &  fes  offcnfesT 
Dévote  par  de  vains  &  criminels  fouhaits  , 
lliiicherche  de  faux  biens  diflipez  pour  jamais  , 
£t  jamais  le  vrai  bien  ne  (êra  Con  partage. 
Il  fouffré,  à  chaque  inftant ,  d'écerneîlcs  douleur^^ 
Et  pour  comble  des  maux  d*im  afFraix  efclavage. 
Tu  le  contraints  d'avouer  dans  fa  rage 

Qu'il  cft  digne  de  fes  malheurs. 

Mais  quel  clurmc  m'arrache  à  cet  objet  funcftcl 


DU'CHI 


178       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

Quelle  divine  main  m*enleve  dans  les  Cièuxl 
Ovche'.  '^^  fplcndeur  fc  niontrc  à  mes  year^ 

J'entre  dans  la  Cité  célcftev 
Saifi  y  la  force  manque  à  mes  fens  enchantez  ^' 
Quels  torrens  éternels  de  faintes  voluptés  ! 
L'ouvrage  de  ces  mains  femble  égal  à  coi-mémcr: 
Tu  couronnes  en  îui  les  dons  que  tu  lui  fais  : 
Comblé  de  tes  faveurs,  tu  le  chérie,  il  t'aime  y 
£t  fa  gloire  eftrle  prix  de  tes  propres  bienEnits»^ 

Que  ton  pouvoir  efl:  adorable  l 
Tu  peux  faire  toi  fcul  notre  félicité  : 
Toi  feul  dois  être  redouté  : 
Tout  obéit  à  ta  voix  formidable  r 
¥ar  toi  de  nos  momens  le  cours  eft  limité  p. 

Et  de  la  Mort  impitoyable 
Tu  eondiiics  &  fufpens  l'aveugle  cruauté. 

Grand  Dieu ,  qui  fais  trembler  l'énfcr ,  la  terKI^ 
&  Tonde , 
Dont  l'Univers  entier  annonce  la  grandeur  ^ 
Xoi  A  dont  l'aftre  du  jour  emprunte  fa  fplendeor». 

Toi ,  qui  d'un  mot  créas  le  monde  :- 

Sageffe  ,  puifTance ,  borné  ^ 

Juftice  ,  gloire ,  vérité  j 
Principe  de  tout  bien ,  fcul  bien  digne  d'envie  T 
PuifTai-jc ,  après  ma  mort ,  dans  une  heureufe  paîxr 
M'cny  vrcr  en  ton  fcîn  dans  ces  fources  de  vie 

Qui  ac  doivent  tarir  jamais  1  ; 


LIVRE     X  I  I. 


ï7?. 


llfautfonger  à  tEterniféf  lus  qu'à  la  réfutation. 

Il  cft  permis  d'aimer  la  véritable  gloire  5 
Mais  en  cherchant  la  faufTe  on  fè  rend  crimineL 
Le  nom  des  Rois  périt  au  Temple  de  Mémoire  i 
Dans  le  Livre  de  vie  il  devient  éternel. 

EXTRAIT    D'ABSALON  ,    TRAGEDIE  , 

Txre'e  de  l'Ecriture  Sainte. 

Xharh  ,  vertueufe  Epoufe  ttAbfaUn ,  lui  repri-» 
fente  toute  t  horreur  de  fa  rébellion  contre  fm 
fert ,  e$*  t^^*  ^  ^'^  détourner  par  Us  motifs  hé 
plus  tûuehans. 

Quoi  l  vous  avez  conçu  cet  horrible  deflein  f 
Kien  ne  peut- il  >  Seigneur ,  1  oter  de  votre  fein  ?  • 
Dâf&ez-vous«  moins  chéri  d*un  père,  qui  vous  aimCj! 
Renoncer  pour  jamais  à  fceptre ,  à  diadème  , 
Quels  maux  >  quelles  horreurs  pouvez-  vous  coaH 

parer 
Aux  malheurs  on  ce  jour  eft  prêt  à  vous  livrer  ? 
Je  veux  que  tout  fuccede  au  gré  de  votre  envie  | 
Quelle  honte  à  jamais  va  noircir  votre  vie  ? 
Que  n*o(èra-t'on  point  contre  vous  publier  ? 
Le  trône  a-t*il  des  droits  pour  vous  juftifîer  ? 
Vous  chercherez  vous-même  en  vain  à  vous  Ct* 

du  ire  ^ 
Vous  verrez  quels  chemins  ont  fjû  vous  y  conduire^ 


DucHR* 


mmmmmÊÊtÊmiÊtmÊÊÊÊÊÊÊÈmimmmÊÊmiÊiÊamàmààimmmmmmm 

i8o       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


riM 


lia  vertu ,  le  devoir ,  devenus  vos  bourreaux  « 
^V€U£'.   Au  fond  de  votre  cœur  porteront  leurs  flambeaux. 
La  crainte  &  les  remords  vous  fuivrent  fur  le  trône. 
Hé  quoi  I  pour  être  heureux  faut-ilunc  couronne^ 
Eft-ce  un  affront  pour  vous  de  ne  lapoim  pottcirl 
Vos  vertus  feulement  doivent  la  mériter, 
K'allcz  point .  pour  jouir  d'une  indigne  vengeaacCy 
Hétrir  tant  d'heureux  jours  coulez  dans  1  innocence» 
Applaudi ,  révéré ,  chacun  vous  fait  Fa  cour. 
Vous  êtes  d'Ifrael  de  la  gloitc  &  l'amour. 
Pour  remplir  vos  défirs  tout  s'unit ,  tout  confpke  i 
Confèrvcz  fur  les  cœurs  ce  doux  &  noble  empire. 
Enfin ,  fi  votre  époufc  a  fur  vous  du  pouvoir, 
Si  mes  humbles  foupirs  vous  peuvent  émouvoir^ 
Sbuf&ez  que  1^ raifonpuîHc au  moins  vous  con- 
duire }. 
It  croyez,  qu'au- moment  que  je  cherthe  à détrulzv 
Le  funcfte  complot  que  vous  avez  formé , 
Jamais  mon  tendre  cœur  ne  vous  a  plus  aimé, 

Clémence  de  David  envers  Abfalofu 
David. 

Enfin  nous  voilà  fculs  :  je  puis  jouir  fanspeliMr 
Pu  fiinefte  plalfir  de  confondre  ta  haine  , 
Tinfpircr  de  toi-même  une  équitable  horreur  y 
Et  voir  au  moins  ta  honte  é^ialcr  ta  fureur  t 
f^  eofin  je  coaaois  tes  complots  parricides^ 


L  IVRE    X  I  I.  i£« 

Te  voila  dans  le  rang  de  ces  fameux  perfides.. 

Doue, les  criipes  font  feuls  la  hoilceufe  fplendeui: ,     iDûGUJ 

£t  qui  fur  leurs  forfaits  bâtilTcnc  leur  grandeuç. 

Je  t  ai  vu  f4ns  rcfped  ni  des  lois ,  ni  du  fang^ 
D'Anmon  mon  fucccffeur  o(cr  percer  le  flanc  ^^ 
Moins  pour  venger  l'honneur  d*unc  Sœur  éperdue  j 
Que  pour  perdre  un  rival  qui  te  bleffoit  la  vue. 
Ifraël  de  ce  coup  fut  long  tems  conftecqé  : 
Je  devois  t'en  punir,  je  te  l'ai  pardonné  : 
J'ai  fait  plus  j  facisfait  qu'un  exil  néccflairc 
Eût  expié  trois  ans  le  meurtre  de  ton  fçerc^ 
Mes  ordres, à  ma  Cour  ont  .fait  hâter  tes  pas^ 
Ton  père  ^éfarmé  t!a  reçu  dans  Tes  bras  ^ 
£t  dans  le  même  tems,  fécondé  d'un  Rebelle» 
Tu  répands  en  tous  lieux  ta  fureur  orlminelle» 
-Ce  que  n'ont  pâ  jamais  les  fîers  Amorréeas, 
Le  fupcrbc  Amalec ,  les  vaillans  Hévéens , 
Tu  Ip/ais  en  un  jour.  Ta  fureur  me  furmontc-x 
Je  fuis^^je  traîne  ici  ma  douleur  &  ma  honte^ 
£t  fans  voir  que  fur  toi  réjaillit  mon  affront  > 
D'une  indigne  rougeur  tu  me  couvres  le  front.. 
.CraAid  Dieu,  voHà  ce  fils  qu'aveugle. en  mes  de« 

mandes , 
«Ont  obtenu  de  toi  mes  vcrux  Se  mes  offrandes  i 
Je  le  vois ,  tu  punis  mes  défirs  indifcrets  : 
Hé  bien ,  Dieu  d'ifracl ,  accomplis  tes  décret^» 
4Co<;}fc;as-  tu  (ji^  Ton  grc  fa  rage  fc  déjployjcl 


i8l       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 


JCHE 


« 

Vcux-cu  que  dans  mon  fang  ce  perfide  fe  noyc } 
J'y  {bufcris.  Oui ,  barbare ,  achevé  ton  ilefTcia, 
Aux  dernières  horreurs  oCc  enhardir  ca  main.. 
Miniftre  criminel  des  céleftes  vengeances , 
Remplis-les  -,  par  ma  mort  couronne  tes  ofifènlès  f 
•Viens ,  frappe. 

A  B   s   A  L   O  K« 

Jufte  Ciel  1 

David. 

Tu  trembles  !  que  cralhs-tttf 
Tu  foules  à  tes  pieds  les  lois  &  la  vertu , 
Tu  forces  dans  ton  cccur  la  nature  à  fe  taire  ^ 
Qui  peut  te  retenir  ?  Frappe ,  dis-je. 

A  B  s  A  L  o  N. 
Ah  !  mon  pcrc 

David. 

Ton  perd  oublie  un  nom  qui  ne  t*eft  plus  permis.' 
Je  ne  te  coanois  plus^:  va ,  tu  n*cs  plus  mon  fils.. 

A  B   s  A  L  o  N. 

Un  moment  fans  courcoux  >  Seigneur  ,  dalgnev 

m'entendrc  ; 
Je  ne  puis ,  ni  ne  veux  chercher  à  me  défendre 
Il  eft  vrai ,  mon  orgueil,  a  fait  mes  attentats. 
J*ai  craint  de  voir  régner  mon  frcrç  Adonias  j 
Contre  le  fiev  Joab  j*al  fui yi  ma  coki&  ^ 


LIVRE     X  I  I.  i8| 

Mais  (î.je  puis  enfin  être  cm  de  mon  père, 

S'il  peut  m  être  permis  d'atcefter  I'Etehnel^  DucttJ 

Voîlà  ce  qui  peut  feul  me  rendre  criminel. 

Jouet  d  un  fédudlcur ,  qu'à  préfcnt  je  détefte^ 

Le  traître  Architophel  a  commis  tout  le  refte. 

Je  fçais  qu'après  les  maux  que  je  vieus  de  cau(èr^ 

Une  fatale  erreur  ne  (çauroh  m'excu(èr  : 

J*ai  tout  fait ,  vengex-vous  *,  puni^fez  un  coupable^ 

Oi^ plutôt,  fauvez-mol  du  remords  qui  m'accables 

<^uelques  affreux  que  (oient  vos  juftes  châtimens  » 

Ils  n* égaleront  point  l'horreur  de  mes  tourmenSt 

David. 

Alnfi  le  Ciel  comqience  à  te  rendre  juflice. 
Ton  crime  fit  ta  joye,  il'fera  ton  fuppllce  : 
H;:ureux ,  fi  ton  remords  fîncere ,  fru(f^aeux» 
Produifoit  en  ton  ame  un  retour  vertueux  l 
Mais  ne  cherchcs-tu  point  à  tromper  ma  clémencef 
JBt  ta  bouche  &ton  cœur  font-lis  d'intelligence  I 

A  B    s   A   L   G  N. 

Dans  le  funefte  état ,  Seigneur ,  ou  je  me  voî , 
Mes  fermcns  peuvent-ils  vous  répondre  de  moi  î 
Mais ,  Seigneur ,  n'en  croyez  ni  ma  fierté  rcndui?^ 
t^i  ma  honte  à  vos  yeux  fur  mon  front  répandue  s 
Ni  les  pleurs  que  je  vcrfe  à  vos  facrcz  genoux  : 
^unlifcz  UQ  Ingrj^t ,  fuivez  ;^.ocr.e  cpurroux* 


DttOKE!. 


184       BIBLIOTHEQUE     FOETijJiVE. 

David. 

Lcve-tôj.  Ma  tcndrclTe  étouffe  nja  colère-^ 
Sois  mou  fîls ,  Abfalpn ,  &  je  ferai  ton  perc««        L 
Je  te  pardonne  tout ,  je  veux  tout  oublier 
Ccft  à  toi  déformais  à  me  juftificr.  1 


.  I  Cette  Scène  eft  une  des  plus  belles  8c  «ies  plus'pachétitf> 
ques  du  Théâtre  François  ,  &  le  caraâere  de  David  y  eft  UQQ. 
fivc  exprc^on  deia  miléricoide  de  Dieu  envers  lepecheuc» 


$^J^oc^. 


LIVRE    XII. 


i8î 


B  E  L  L  O  C  Q. 

Ierre  Bellocq  ,  Parifien  . 
Valet  de  Chambre  de  Louis  ^'"'^^ 
XIV.  &  Porte-Manteau  de  h 
Reine  Marie -Therefe....  avoît 
ttne  phifîonomie  fi  riante  &  fi  gracieufe  r 
qu'elle  prévenoît  d'abord  en  fa  faveur^ 
Elevé  dès  fa  Jeuneffe  à  la  Cour ,  il  la  con- 
noiflbît  parfaitement  i  &  il  y  jouoit  même 
un  rôle  fort  agréable  félon  fon  étatr  Le 
Roi ,  la  Reine ,  &  Madame  la  Duchefle 
de  Bourgogne,  depuis  Dauphine  de  Fran- 
ce ,  lui  donnèrent  en  différentes  occafions 
des  marques  (blides  de  leurs  bontez.  Il 
étoit  ami  particulier  de  Molière  &  de  Ra^- 
cine  ;  &  il  devoit  en  partie  au  commerce 
de  ces  deux  Illuftres  fon  goût  &  fon  talent 
pour  la  Poëfie.  Nous  avons  de  lui  quel* 
ques  Pièces  de  Vers  écrites  avec  feu  ;  c'ell 
dommage  qu'elles  ne  foientpas  également 
correéte^  partout.  M.  Bellocq  eft  mort 


m 


n6       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


au  Louvre  le  c  Oélobre  1704.  âgé  de 

Cinquante-neuf  ans. 

SATIRE. 
Le  Nouvellifte» 

ESt-c£  toi  que  je  vois,  Polyphile,  oa  ton  ombre? 
Me  viendraS'tu  toujours  frapper  de  cet  air 
fombre  ,  , 
Plus  pâle  quun  foldat ,  qui ,  vid^ime  du  (brt  » 
Sur  un  tambour  fatal  lit  Ton  arrêt  de  mort  ? 
Te  verrai -je  toujours  hauffé  fur  le  Cothurne, 
Quelquefois  éloquent  9  quelquefois  taciturne  » 
Du  gefle  >  ou  du  difcours ,  en  diveriès  façons , 
De  ta  lâche  frayeur  nous  marquer  les  frKTons  ? 
Jadis  dans  Ilion ,  parmi  les  triftcs  places , 
La  fille  de  Priam  tonnoit  moins  de  menaces  , 
Quand  Ton  enthoufîafme  aux  Troyens  étonnez 
Prophétifbit  leur  perte  y  &  les  Dieux  déchaînez. 
Sans  relâche  occupé  d'avis  &  de  gazettes , 
Porteur  myfliérieux  <îc  dépêches  fecrcttes , 
Ennemi  domeftique,  8c  fièrement  armé 
Tantôt  d^un  manufcrit,  tantôt  d'un  imprimé , 
Du  François  Intrépide  Se  plein  de  confiance , 
Oferas-tu  fans  ceffe  attaquer  la  confiance  ? 
Par  les  illufîons  d'un  efprit  déloyal 
Dont  la  fureur  t'agite ,  &  du  Palais  Royal  ^ 


L  I  V  R  E    X  I  L  187 

Chaque  jour  fans  ^manquer  c*entrainc  aux  ThulN 

Icrics ,  BiLLC 

Faire  publiquement  trafic  de  mcnterics  ? 
Peut-être  n'as-tu  point,  faute  d'avis  prudens* 
Examiné  le  fond  de  tes  correfpondans  : 
Maïs  de  tes  préjugez  diffîpons  les  obftacles» 
£c  voyons  quelle  foi  l'on  doit  à  tes  oracles. 
Ces  deux  avanturiers ,  Iphicrate  8c  Milon , 
Parexd'ua  vieux  pannache,  &d*unfale  galon  » 
Qu'on  voit  aux  lieux  public»  >  malgré  leur  mino 

baffe , 
Refpcâez  de*  Frondeurs  de  la  dernière  clafTe  j 
Dans  an  Corps  renommé ,  jadis  également 
Chacun  d'eux  d'une  troupe  eut  le  commandement  : 
Le  premier,  qui  jamais  n'eut  lafienne  complette» 
Sacrlfioit  (a  paye  au  Dieu  de  la  BafTette  3 
Et  l'autre  pfein  d'orgueil ,  toujours  prêt  à  brouiller  » 
Aux  ordres  de  (es  Chefs  ne  fçut  jamais  plier  : 
Tous  deux  furent  cafTez.  A  la  vieille  bleffure 
Ils  mettent  l'appareil  d'un  confolant  murmure  : 
Comment  (e  (butenir  (ans  eux  ?  Tout  cfl  perdu , 
Bellone  efl:  languiffante  &  Mars  eft  morfondu. 
Pour  Damis ,  qui  reçoit  des  avis  de  Hollande , 
Fftimé  parmi  vous  comme  un  vieux  Chef  de  ban<fc^ 
Qui  dans  fes  yeux  hagards  &  fa  trifte  couleur , 
Porte  de  Charenton  l'hérétique  douleur  j  i 

^— — '  ■'  '  II— [—Mip— —  ^ 

S  Vcis  de  ^U  Derpicaux» 


188     BIBLIOTHECIUE    PORTiqUE. 

Je  le  connois  iflu  des  familles  erraiitcs  y 
B£i.j,Occ^  Qui  repaifTent  ci'cfpoîr  leurs  libcrtcz  mourantes 
Et  flattent  leur  parti  des  révolutions 
Qu^aunonça  du  Moulin  i  dans  Tes  prédiâ:ions. 
Bien  que  de  l'intérêt  la  fordidc  fageflc , 
Pour  confcrver  Ton  bien  l'ait  conduit  à  la  Mefle, 
Son  ame  eft  ulcérée ,  &  cherche  adroâtemenc 
Chez  qui  multiplier  Ton  mécontentement. 
La  troupe  qui  lui  prête  une  oreille  attentive  » 
L'établit  (buverain  fur  fa  raifon  captive  , 
Et  dans  chaque  quartier  au  vulgaire  ignorant. 
Court  annoncer  les  maux  dont  Damls  eft  garant. 
Le  (lupide  Lycas ,  qui  de  la  politique 
A  compris  le  mydere  au  fond  d'une  boatî<]Ufr{L 
Son  beau- frère  Nicandre,  à  qulTart  du  procès 
Aux  maximes  d'Etat  a  donné  tant  d'accès ,,  • 
Enrichis  des  larcins  de  leur  coupable  race  ^ 
S'efforcent  de  purger  la  paternelle  ccafTe  : 
Sous  des  habits  dorez  leur  orgueilleux  a(peâ  ^ 
Pour  leurs  déci/lons  impoCe  un  grand  refpeft» 
L'un ,  par  l'autorité  dont  la  force  l'entraîne  , 
Juge  de  bonne  foi  notre  perte  certaine , 


L  I  V  R  E    X  I  1.  i»?- 

Contre  d^es  ennemis  qu  on  fabrique  à  fa  mode  : 
Tu  (^ais  que  je  connais  des  gens  d'un  autre  poids 
Dont  les  réflexions  s'expliquent  par  ma  voi&  ; 
De  cette  décadence  od  tombent  nosafiàires». 
Palaniede  &  Cléon  font-ils  garants  rulgaires  l 
U  dk  vrai  :  quelquefois  à  leur  cable  appelle  » 
,  L'on  te  voit  applaudir  fî-tôt  qu'ils  ont  parlé. 
J^Yànt  d'apprendre  d*eaz  le  defUn  dies  Royaumes  , 
D'un  éclat  impofaBt  dépouillons  ces  fantômes  > 
Tu  verras^ au  travers  de  ces  noms  honorez,. 
Et  des  titres  pompeux  dont  ils  font  décorez , 
XJa  (entimenr  jaloux  >  par  fa  v^eur  grofliere  g 
De  leurdifcernementofiu(quer  la^  lumière.. 
Palaai^e  &  Cléon  fe  virent  difputer 
Certains  commandemens  qu'ils  croyoîent  mérîtcf  J 
Et  fans  pouvoir  fortir  de  leur  fphcrc  bornée  *- 
Le  ritdg  de  Colonel  fixa  leur  deftinée  ; 
Ils  ont  quitté  l'etnploi.    Privé  de  leur  fecours  » 
L'Etat  mal  gouverné  périt  danis  leurs  difcours  , 
Ils  frondçntiie  principe,  ils  blâment  la  conduire  ; 
Du  tort  .qu'on  leur  a  fait  nos  malheurs  font  la 

fuite  i 
Par  leur  exclufîpn  nous  (bmmes  défolez  , 
Tout  rîroit  à  nos  vœux  s'ils  s'en  étoicnt  mêler. 
Ce  Conv-lx  tes  Auteurs  -y  voilà  fur  queU  mémoires 
Tu  prétends  naviger  dans  la  mer  des  hidoixesj 
Ton  fragile  vaiffcau  fe  met  à  l'abandon  > 
Et  vogue  r\^r  la  foi  de  l'infoleiu  lacdou  -^ 


B£LLOC< 


m 


1^0       BIBLIOTHEQUE    POEnQUE. 

L'imprimé  Je  Hollande  ou  celui  de  Bruxelles , 
ELLOCQ..  ^Qjjj  jç  j^Qj.j  ^yj  çç  guide  au  décroit  des  nouveUct* 

Et.tu  crois  du  bon  fens  atteindre  la  hauteur  ^ 

De  ces  trompeurs  écrits  trifte  compilateur. 

Tandis  que  l'Univers  attentif  fur  l'Europe  ^ 

S'applique  au  tourbillon  dont  Thorreur  l'cnTO* 

loppe  9 
Tandis  que  dans  l'intrigue  &  dans  le  rnooTemeoCf 

La  fiere  Tragédie  attexid  Ton  dénoâment  \ 
7e  n'approuverais  pas  qu'une  fade  indolence 
Des  fuccès  de  la  guerre  affeâât  rignorance. 
Quat^d  les  flots  foulevez  frémifTent  de  coorromc^ 
L'affaire  de  l'Etat  eft  l'affaire  de  tous  : 
J'aime  à  voir  la  Viâoire  en  diverfes  bataxil^^ 
Tantôt  par  Tes  faveurs  éternifèr  Noailles  «    . 
£t  tantôt  par  Ton  vol  ombrager  tour  autour  » 
Aujourd'hui  Cacinat ,  •;&  demain  Luzem^HMirgir 
De  ces  heureux  fuccès  que  leur  valeur  nt'ezpofe  >. 
7e  recueille  le  fruit  ^  mais  fans  creufer  la  caufe» 
Et  fans  m*évaporer  en  vains  raifonnemens , 
Je.  rapporte  à  Louis  ces  grands  évenefnens. 
Qu'importe  à  l'habitant  de  la  plaine  féconde* 
Que  tous  les  ans  le  Nil  fî  richement  inonde  y 
D'examiner  à  fond  fi  fon  débordement 
Aux  Monts  des  Abyffms  a  pris  commencemcnr^ 
Quand  le  Ciel  régulier  dans  des  lùncs  exaétcs-. 
Pour  enrichir  TEgyptc  ouvre  fcs  cataradcs  j. 
Ou  fi  de  certains  vents  le  foufflc  officieux:* 


01 


LIVRE    XI  L  \9\ 

FoufTe  Teau  de  la  mer  en  des  lieux  fpacîeaz , 

Qui  par  d'obfcurs  canaaz  que  la  terre  leur  ouvre,    Bellc 

Dégorgent  ce  dépôt  dont  le  Delta  i  fe  couvre  ? 

LaifTanc ,  à  (es  périls,  roififPbyfîclen 

Se  fatiguer  rcfprit  d*un  frivole  entretien  , 

Libre  d'un  tel  (buci  le  Laboureur  plus  fage 

Du  fleuve  répandu  goote  en  paix  l'avantage» 

£atre  Tétoile  fixe  &  les  globes  errans , 

Trozac  ne  connoïc  point  de  chemins  diSérenS} 

Jamais  pour  démêler  l'un  &  Tautrc  fyftcme , 

Trop  d'application  ne  lui  rend  le  teint  blême  : 

Que  Copernic  s*abufe  ,  ou  Ptolomée  aie  ton  » 

Ce  ne  fera  point  lui  qui  les  mettra  d'accord  ; 

A  peine  connoît-i!  fon  Almanach  des  Paftres  : 

Trozac  jouit  pourtant  du  (bleil  &  de»  aftres. 

Pour  moi  »  fur  ce  modèle  au  bon  (èns  ajuflré  » 

■ 

Quand  d«  nos  champs  féconds  je  vois  Mars  écartf, 
Porter  chez  nos  Rivaux  fa  rage  redoutable  » 
Sans  fonder  vainement  l'abime  impénétrable  » 
Du  bonheur  de  TEtat  je  fçais  tirer  profit , 
Louis  enefl:  l'auteur ,  &  cela  me  fuffit. 
Encor  fi  cet  è(pric  dont  le  feu  t'embarraife  » 
En  vains  rai(bnnemens  diflîpant  (on  audace  » 
Se  propofoît  pour  but  Texaéle  vérité  , 
On  pourroic  faire  grâce  à  ta  témérité  : 

s  FanJcderEgypreUplusfécoodct 


191     BIBLIOTHEQC/E  POETIQUE. 

Maïs  ton  chagrin  bizane,  &  d*im-Franf  ois  îndigpCr 
LLOcqr  Répand  dans  tes  écrits  une  noirceur  maligne,. 
Qui  de  nos  Généraux  inllruifant  le  procès  » 
S'efforce  d*obfcurck  nos  plus  briilans  fuccés. 
Nos  plus  nobles  exploits  font  jjeux  donc  ta  tff 

mocques , 
Gironne  8c  Palamos  ne  (ont  que  des  biccfqoes  : 
Que  le  vaillaat  Tourville  «  &  Ces  £ers  combafrf 

caflES  , 
Couvrent  Thétis  de  morts  6c  de  débris  flottans^^ 
Tu  fcias  d'être  étonné  que  Ton  tire  avantage 
De  quelques  bâtimens  difperfea  par  l'orage. 
Que  pour  forcer  la  Ligue  en  fes  retranchô^en9«» 
Nos  (ôldats  (oient  changez  en  Héros  de  Roman»», 
Et  que .  la  Renommée  au  Gange  ,  aa  Tygre  y  ^ 

riude  ^ 
Annonce  avec  éclat  la  gloire  de  Nerwînde> 
Tu  nommes  ce  triomphe  une  témérité , 
Coudant  à  déplorer  le  fang  qu'elle  a  coûté. 
Aujourd'hui  tu  (butiens  que  le  courler' t'appontpr 
Des  articles  de  paix  entre  Vienne  &  la- Porte , 
£t  pour  tnieux  la  conclure  au  gré-de  ton  défis  » 
Il  ne  te  coûte  rien  d'étrangler  un  Vizir. 

Frappé  d'étonncmcnt ,  &  d'éloges  prodigne  ; 
Tu  vantes  fans  pudeur  tous  les  Chefs  de  la  Lîgue> 
Dï*ces  gens  merveilleux,  à  nos  tcms  réfcrvez,. 
Les  uioindres  mQuvciQcns  par  cgi  fom  relevez  r 


LIVRE    XII,  it,5 

Je  ne -puis  fur  ce  point  condamner  ta  conduite  s 

JuC]ues  xkns  Fennemi  j*honore  le  mérite  :  ^cxLec<^ 

L*on  ne  me  verra  point  pour  un  trépas  douteux 

Faire. avec  le  bourgeois  de  ridicules  feux.    . 

Un  rival  ennoblit  un  cœur  d*honneur  avide  ; 

La  haine  d'Eurifthéeeft  la  gloire  d'Alcide  : 

C'eft  flétrir  les  lauriers  d*un  fameux  Conquérant > . 

Qu*oppo(êr  à  (on  bras  un  foible  concurrent  : 

Tu  le  veux ,  Polyphile ,  &  j'y  foufcrits  fans  peine  i 

Le  Chef  des  ennemis  eft  un  grand  Capitaine  •» 

Ses  projets  (ont  hardis  &  finement  conçus  -» 

Mais  qui  le  bat  partout  «Il  encore  au-dclfus. 

Voas  m'en  (êrcfK  témoins  ,  théâtres  de  viéloire. 

Que  Dellonne  à  jamais  confacre  à  la  Mémoire  , 

Du  courageux  François  monument  &lemnel , 

VoASrd, Senerf,  Nervinde. & Steinkerke & CafTcL  « 

Vous  m'en  Ctscz  témoins ,  places  mal  défendues , 

AuK  yeux  de  ce  guerrier  à  nos  troupes  rendues  : 

Sans  que  pour  leur  (ècours  il  ait  rien  hazardé  ^ 

Gaad  »  Bouchain^  Men6  »  Namor  >  Saint-Omer  & 

Condé.  * 
Et  vous  y  Villes ,  par  lui  vainement  affiégécs , 
Dans  l'Hiftoiredu  tems  ferez- vous  négligées? 
Les  murs  de  Charleroy  par  deux  fois  attaquez , 
Oudernarde ,  Maftrich  >  y  (èront-ils  marquez  ?  S 


wÈmt 


X  Bacaillesrperdu'ôs  par  le  Prince  d'Orange. 
z  Villes  dont  il  a  tenté  le  fecours  mutilemenc. 
)  Sièges  qu*il  a  levez. 


194      BIBLIOTHEQUE    FOETIQUE. 

L'avenir ,  équitable  aux  exploits  de  la  France  i 
ELLOCQ.  Mctcra-c-il  de  NaiTau  Les  fuccès  en  balance , 

£c  fe  roaviendra-c*ii  qu'il  a  conquis  Beaumonc  > 
Furne  aux  mursdémolis,&  Binche&  FauquemoncM 
Pcuc-êcre  diras- tu  que  le  Chef  de  la  Ligve , 
Comme  uneautte  Philippe,cft.an  démon  d'intr^O^. 
<2ue  de  (on  cabinet ,  de  deux  doigts  feulement , 
Il  peut  au  monde  entier  donner  le  moutemenc  t 
Soit  ;  je  crois ,  pour  te  plaire ,  à  la  Métempficofe^ 
Du  Fils  de  Charles-Quint  Tame  en  Coh  CcintefoCc^ 
Mais  il  n'a  point  encor  ,  par  de  fermes  liens  « 
Joinc  les  Epifcopaux  aux  Presbytériens  ^ 
Mais  il  n*a  point  encor ,  à  force  de  dépend  • 
De  nos  vieux  Alliez  4  ébranlé  la  conftance  : 
Mais  y  malgré  tous  fes  foins  »ibn  génie  ihipuiflant 
N*a  pu  concilier  l'Aigle  avec  le  Crolifant  ; 
Il  n  a  point  jufqu^ici ,  par  fes  lourdes  pratiques. 
Fait  de  mauvais  François  >  des  mauvais  CathoS« 

ques  i 
Seulement  en  ce  point  politique  fçavant  s 
^  Qu'il  réduit  fes  amis  à  fc  paître  de  vent  j 

Et  nourriffant  d'efpoir  leur  attente  trompée  • 
Maintient ,  à  leurs  périls ,  fa  grandeur  ufurpée. 


I  Bicoques  qu'il  aprifes. 

a  Ccft  de  quoi  fe  vantoit  Philippe  II.  Roi  d'Erjpa^W^ 

3  DcfTeins  oà  le  Pdnce  d'Oraogie  a  échoua* 

4  tes  Suites. 


Z  I  V  R  E    XII.  195 

Pourquoi ,  fi  de  ces  faits  tti  fçais  la  vérité  > 
Contre  notre  bonheur  es-tu  fi  révolté  }  Bello 

La  valeur  dans  autrui  te  fait  peut-être  ombrage , 
Et  c'accufe  en  (êcret  de  manquer  de  courage  : 
Peut-être  qu'ofFenfé  d'un  néceflaire  Edit  • 
Contre  le  bien  commun  l'intérêt  te  roidit , 
Et  (buleye  ton  cœur  pour  le  fecours  modique 
Qu'eiige  des  fujets  la  fortune  publique. 
Dans  les  Arts  de  la  paix  occupé  mollement , 
De  les  voir  négligez  l'un  fe  fait  un  tourment  ; 
Un  autre  ,  du  profit  cherchant  la  fource  impure ,. 
S'afflige  que  Bellone  ait  écarté  Mercure. 
Mais  ne  (erois-tn  point  de  ces  gens  obérer  > 
De  créanciers  preiTans  à  toute  heure  encourez , 
Qui  voudrotent  *  pomrteraedeàleur  inquiétude , 
Des  débris  <le  l'Etat  couvrir  leur  turpitude  ? 
Un  pareil  Intérêt  autrefois  fuborna 
Ces  faélieux  Romains ,  qui  fous  Catilrna , 
Avant  que  Ciceron  procurât  leur  fupplice  » 
Mirent  la  République  aux  bords  du  précipice. 

Mais  je  te  ^eux  traiter  avec  moins  de  rigueur } 

Ce  noir  foupi(on  t'outrage.Et  bien,'tu  n'as  que  peurc 

Lorfquc  de  toutes  parts  l'orage  nous  menace  « 

Le  nombre  d'ennemis  t'épouvante  6c  te  glace.- 

Ainfi  le  voyageur,  dans  la  nuit  égaré  , 

Traverfiint  la  foret  d'un  pas  mal  affuré  » 

AaxTayons  de Phœbé ,  pleînd'une  horreur  fecrccte, 

Ooitqtt'ttne  ombre  bizarre  eft  un  toctp  qui  Icguctce^ 

R  ^ 


i 


*^6      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Et  veut  que  des  hibous  les  cris  indifGSrens., 
LLQcci.  Soient  des  efprits  malins  ,  ou  des  mânes  errani* 
TVsTtu  donc  oublié  »  démentant  ta  naiflance  , 
De  tes  braves  ayeux  Tintrépide  a'fluraace  ? 
N*entettds- tu  pas  leur  voix  te  dire  an  fond  da  cœqri» 
'Quoi  !  vous  écesjrançois ,  làche>  &  vous  avez  pend 
Lorfque  de  cimenter  la  (ureté  publique  » 
:Le  plus  grand  des  Héros  fait  Ion  affaire  unique^ 
D*une  vaine  terreiir  vos  yeujx  fontébloqis  » 
Soutenu  >  protégé ,  défendu  par  Louis  ? 
Portez  aux  ennemis  ce  défaut  de  courage  » 
Allez ,  de  vos  fermens  la  Fra^ice  vous  dégage^ 
Elle  h  ait.  des  frayeurs  qui  ^pourroientia  troubler^ 
£t  ne  veut  point  d'enfant  capable  de  trembler*. 

Soufifre  que  la  raifon  de  ta  peur  te  dégage  ^ 
11  (îed  n)al  aux  vainqueurs  de  manquer  de  courage^; 
C*efl  flétrir  les  lauriers  qui  nous  couvrent  le  fronts 
•C'efl  faire  au  nom  François  un  immortel  af&ont. 
Des  affaires  du  ten>s  explique  mieux  la  (iiice  i 
Du  Dieu  que  nous  (èrvons  vois  fur  nous  la  condoice^ 
£t.fK>ur  rendre  le  calme  à  ton  coeur  étonné , 
iSoDge  i  fin  un  mot ,  quel  Roi  le  Ciel  nous  a  donoiL 

\h 


LIVRE     XII.  l^f 

wmmmmÊmimÊmimmmmÊmmmÊ^ÊmÊmmmmmKmmmÊtmmmmmmi^^mmimmÊmm^ 


JE* 


P A  ri LLON.     '-' 

TiENî^E  Pavillon  ,  dé  l'À-^ 
cadémie  Françoife ,  &  die  celles* 
des  Infcriptions  &  Belles-Lef 
très,  commença  la  carrière  aur 
Parlement  de  Mets-,  en  qualité  d'Avocat 
Général.  II  fe  diftingua  dans  cet  emploi 
par  fon  fçavoir ,  fon  éloquence  &  fon  in- 
tégrité. Mais  la  foibleffe  de  fon  tempéra- 
ineiit'&  peut-être  encore  plus  l'amour  dir 
repos  le  déterminèrent  au  choix  de  la  vie 
privée ,  malgré  toutes  les  inftances  que  fit 
(on  illuftre  Corps  pour  le  retenir.  Rendu 
à  lui-même  ^  il  vint  s'établir  à  Paris  >  oà  il 
vécut  en  aimable  Philofophe.  Sou  cabinet 
&iesamis  lui  tenoientlieude  tout  ;  (es- 
mœurs  étoient  douces  ,    fa  converfatîou 
charmante  &  ornée-  de  la  plus  belle  éru- 
dition^.  Il  avoit  une  fin^e  de  goût  5  une 
beauté  d'elprit  &  une  délicatefle  de  fenti-r 
mens  qu'on  ne  fe  lafTe  point  d'admirer  dans» 

R  iij.; 


wm 


lyg       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

fes  difFérens  ouvrages  de  Profe  &  de  Vers,; 
^  ^  ^-  Mais  M.  Pavillon  n'é^oit  pas  feulement 

ON» 

un  bel  efprit ,  c'étoit  un  homme  de  bien , 
digne  neveu  du  fçavant  &  pieux  *  Evêque 
d'AIet ,  La  vérité ,  la  vertu ,  la  religion 
faifoient  fon  caraélere.  Il  eft  mort  le  lO 
Janvier  ijojé  âgé  de  foixante  &  treize 
ans.  Son  corps  fut  porté  à  Saint  Euftache 
fa  Parroiffe,  &de-Ià  au  cimetière  des  Saints 
Innocens ,  où  il  avoit  ordonné  qu'on  l'en- 
terrât.. Voici  des  Vers  fur  fa  mort  qu'on  a 
mis  à  la  tête  de  fes  Oeuvres  imprimées  à  la 
Haye  en  171  j. 

F  ^VILLON  ne  vit  ^lus  s  l^s  Amours 
en  gérmfftnt  ^  •  ' 

Apollon  en  verfe  des  pleurs  ; 

Et  fur  le  Mont  facré  les  échos  retenttjfent 
Des  trifies  regrets  des  neuf  Sœur  s. 
Rival  ingénieux  d!  Ovide  , 
S'il  votdoit  fléchir  une  Iris , 
Les  Grâces  difloientfes  écrits , 

I  Nicolas  Pâvilloa. 


iM 


LIVRE     XII..  i^. 

.mmmmÊmmmmmmÊmmmimmmÊaÊtÊimmmmm^mtÊmmmÊmmmmm^ÊmmmmÊ^mmmm^m 

Et  V Amour  luifervoit  de  guide, 
La  Sagejfe  bientôt ff  ut  bannir  defon  cœur  Pavilj 
Les .  vains   amufemens  de  V amour eufc 
ardeur.' 

•  Par  une  adrejfèfans  égale 
Il  prit  foin  déformer  Us  mœurs , 
En  cachant  fous  V appas  de  fss  vers  en-i 
chanteurs 
Les  traits  £uni  aufiere  morale*- 
Les  talens  en  lut  rajfemblex. 
Firent  partout  briller  fa  gloire  i 
Il  n^ignora  rien  de  l^Hifioire , 
Et  les  tems  Us  plus  reculez. 
E  totem  préfens  à  fa  mémoire... 

MADRIGAL. 

rfilis  a  vingt  Amans  qui  robfedent  fans^cefle, 
Doht  clic  fait  vingt  malheureux. 
7c  fuis  le  fcul  parmi  la  preife , 
ï>t  qui  fa  cruauté  daigne  écouter  les  vœux  : 

^ais  d'une  aTanture  H  belle , 
Rivaux  infortunez,  ne  foyez  point  jaloux  ; 
Cuifqae  vous  m*empcchez  d'écrc  fcul  avec  clic. 
Je  fuis  plus  à  plaindre  que  vous. 

R»«  •  • 
iiij 


i 


loi       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

— — '  Quand  la  nature  &  la  raifon 

A^î  l  LOHi .  Règlent  feules  notre  dépcnfe , 

Oh  ne  voit  jamais  l'indigence 
Troubler  la  paix  de  la  mai(bn. 

Oubliez  pour  totijours  votre  trifte  avanture  : 
Au  lieu  de  tous  ces  biens  qu'on  vient  de  vous 


ôter , 


Faites-vous  déformais  une  rscheflè  (&re  » 
En  vous  accoutumant  à  ne  rien  fbuhaiter. 

Vous  croiriez ,  dites- vous ,  votre  fort  fuppor« 
table , 
Si*  vos  feuls  intérêts  faifoient  votre  douleur  ^ 
Et  vous  n'êtes  inconfolable , 
Que  parce  que  votre  malheur 
Fait  perdre  à  vos  enfàns  un  dèflin  agréable. 
Cette  innocente  afFc^ion 
N'eft ,  croyez- moi ,  qu'un  prétexte  honorable- 
Dont ,  pour  vous  tourmenter ,  fe  fèrt  l'ambitioa: 

LaifTezà  vos  enfans  ce  qu'une  mère  fage 
Peut  encor  leur  laiflèr  quand  elle  a  tout  perdu  >. 

£q  leur  laifTant  pour  héritage 

L'exemple  de  votre  vertu. 

Apprenez- leur  qu'un  grps  partage 
N'eft  pas  ce  qui  fournie  les  (blides  plaifîrs  : 
Il  efl  fi  mal  aifé  d'en  faire  un  bon  ufage  » 


•Pi 


L  I  V  R  E    X  I  I.  105 

Qu'un  (î  dangereux  avantage 
Ne  doit  être  jamais  l'objet  de  leuts  défirs»  Pavilloj 

A  U  mime ,  fur  les  couches  de  MatUmefafilie; 

Vous  voilà  donc  grand'mcrc ,  Amxhte  ,  c'co 
eft  fait. 

Autant  que  je  m'y  pois  connoitre  > 
Il  eft  aflèz  plaifant  de  l'être  » 
Mais  Acheuz  de  l'être  en  effet. 

C'eft  un  triflie  préfent  que  font  les  Deftinées  >. 
Qu'elles  ne  donnent  pas  pour  rien  : 
Il  vous  en  a  coûté  vos  plus  belles  années , 
£t  le  plus  clair  de  votre  bien. 

Cet  enfant  qui  s'en  va  croître  *  votre  famille  ,, 
Un  jour  vous  vengera  felôn  votre  (buhaît  », 
£t  vous  lui  verrez  faire  un  jour  à  votre  fille 
Le  même  affront  qu'elle  vous  fait. 

PtilfTe-t'il  toujours  fuivre  en  marchant  for  vof 
traces , 
Du  véritable  honneur  les  fentlers  peu  batus  ! 
£c  ikns  jamais  avoir  de  part  à  vos  di{graces , 
N'hériter  que  de  vos  vertus  ! 

Que  cet  heureux  enfant  ,  bien-tôt  fuivi  d'uA' 
autre , 
Tranfmette  à  fes  neveux  la  gloire  de  Con  nom  $ 


lox       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

■— ■—  Quand  la  natare  &  la  raifbn 

âTlLLONi  Règlent  feules  notre  dépenfè  , 

Oh  ne  voit  jamais  l'indigence 
Troubler  la  paix  de  la  mai£bn. 

Oubliez  pour  toujours  votre  trifte  avancare  : 
Au  lieu  de  tous  ces  biens  qu'on  yienc  de  voai 


ôter , 


Faites-vous  déformais  une  richeflê  (&re  « 
Bn  vous  accoutumant  à  ne  rien  (buhaiter. 

Vous  croiriez,  dites- vous ,  votre  (bec  fuppor- 
table , 
Si  vos  feuls  intérêts  faifoîent  votre  douleur  y 
Et  vous  n'êtes  inconfolable  » 
Que  parce  que  votre  malheur 
Fait  perdre  à  vos  enfans  un  dèflin  agréable. 
Cette  innocente  afFeâion 
N'cft ,  croyez- moi ,  qu'un  prétexte  bonorabte- 
Dont  «  pour  vous  tourmenter ,  fe  Cen  l'ambitioiL 

LaifTcz  à  vos  enfans  ce  qu'une  mère  fâge 
Peut  encor  leur  laifler  quand  elle  a  cour  perdu  |. 

En  leur  laiffant  pour  héritage 

L'exemple  de  votre  vertu. 

Apprenez-leur  qu'un  gros  partage 
N'ed  pas  ce  qui  fournit  les  fol  ides  plaifîrs  : 
Il  e(l  fi  mal  aifé  d'en  faire  un  bon  u&ge  « 


L  I  V  R  E     X  I  I.  X05 

Qu'un  a  dangereux  arantage 
Ne  doit  être  jamais  Tobjet  de  leurs  défirs»  Patil 

A  U  même ,  fur  Us  couches  tUMéUMmefsfiUè» 

Vous  voilà  donc  grand'mere ,  Amihte  »  c'ca 
eft  fait. 

Autant  que  je  m'y  puis  connoicie  » 
Il  eft  afTez  plaifant  de  l'être  « 
Mais  fâcheux  de  l'être  en  eSer. 

Ccft  un  trifte  préfcnt  que  font  les  Deftinêcs  >. 
Qu'elles  ne  donnent  pas  pour  rien  : 
Il  vous  en  a  coûté  vos  plus  belles  années  » 
Et  le  plus  clair  de  votre  bien. 

Cet  enfant  qui  s'en  va  croître  *  votre  famille  >. 
Un  jour  vous  vengera  felôn  votre  (ôuhaît; 
£t  vous  lui  verrez  faire  un  jour  à  votre  fille 
Le  même  affront  qu'elle  vous  fait. 

PaifTe-t'il  toujours  fuivre  en  marchant  fuE  vos • 
traces , 
Pu  véritable  honneur  les  fentiers  peu  barus  ! 
}lc  fans  jamais  avoir  de  part  à  vos  di(graces  « 
N'hériter  que  de  vos  vertus  I 

Que  cet  heureux  enfant  ,  bien-tôt  fuivi  d'uA' 
autre , 
Tranfmctte  à  fes  neveux  la  gloire  de  Ton  nom  s 


^06      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


m 


Parmi  ceux  qui  ont  quelqee  connoifiance  de  cette 

tA^illon.  *''^*°'"^^  '  ^^  P^"^  commune  &  la  plus  faine  opi- 
nion veut  pourtant  qu'il  ne  Coït  pas  mon  )  maîi 
qu'ayant  trouvé  la  commodité  d'une  fenétr^  oa- 
verte,  il  a  pris  le  cems  de  votre  ab(ènce  pcor  aller 
voir  (es  parens  à  FAmérîque*  Depuis  ce  malheor  » 
'votre  Maifon  efl  fi  affligée  ,  que  je  nofèrois  yous 
^onfeiller  d'y  revenir. 

Auffi-  bien  qu'y  ttouveriez-vons  ^ 

Madame  Anne  pendue,  une  cage  dé(èrte , 
Des  valets  défolez  qui  pleurent  votre  perte, 
fuyez  loin  de  ces  lieux  le  célefle  courroux. , 
'Quand  poux  fe  confoler  d'un  mal  qui  àéCcCfCtCt 
II  ne  rede  plus  qu'un  époux  , 
Un  époux  ne  con(ble  guère. 

Vous  aurez  le  chagrin  de  remarquer  fur  le  viâge 
de  tous  vos  amis  une  joye  maligne  de  fe  voir  enfia 
délivrez  d'un  rival  fi  chéri.  £h  !  Madame  »  n'ont** 
ils  pas  raifon  ? 

Pour  lui  vous  avez  fait  mille  &  mille  injuftlces  :   . 
De  tant  d'honncces  gens  à  vous  plaire  empreffex 
Ca  ne  connoîtque  lui ,  dont  les  heureux  ferviocft 
Ayent  été  récompenfez. 


LIVRE    X  IL  107 

A  M,onJieuf  ^^^fur  un  changement, 

iL'JNCONSTANCE  d'Iris  vous  caufe  crc^  d£unuj. 
£ft-ce  un  cho(è  fort  étrange» 
De  l'air  donc  on  vie  aujourd'hui. 
De  voir  une  femme  qui  changé  ? 

Yous  avez  tore  de  la  blâmer  -, 
jiRIen  n*eft  plus  naturel  que  ce  qu'on  lui  voit  faire .} 
Vous  avez  ccfTé  de  lui  plaire  ^ 
Elle  a  ceifé  de  vous  aimer. 

J?ourquoi  tant  de  difcours ,   de  plaintes  &  de 
larmes  ? 

Vous  raccufcx  înjuftcment  : 
<On  lui  verroit  pour  vous  le  même  emprcffcment , 
Si  vous  aviez  pour  elle  encor  les  mêmes  charmes. 

Vous  Taimiez  ardemment ,  on  le  fçait  «  on  le 
voit; 
De  Tes  moindres  faveurs  votre  ame  écoic  ravie  i 
JMais  cet  amour  enfin  vous  donne-t'il  le  droit 
De  Teanuyer  toute  fa  vie  ? 

Ah  !  que  votre  malheur  de vroit  vous  être  cherl 
:Plus  heureux  de  pouvoir  la  traiter  de  volage. 
Que  mille  &  mille  amans  qui  lui  rendent  lioni^ 
mage  , 

£t  n* ont  rien  à  loi  reprocher  l 


VAyiLLOh 


MM 


ib8       BIBLIOTHEQUE    FOETI{^E. 
Reodez  grâces  à  cette  Belle^ 


^yii,LON.  ï^ntttiamcur  inégale  a  ïçû  vous  dégager.  . 

Quel  bonheur ,  (ans  étfe  inndelle  » 
De  pouvoir ^(è  donner  le  plaîfir  de  6hxiiger  ! 

'Vous  ne  valez  pas  mkaz  qa'im  aatie  % 
Croyez-moi  *  ne  criez  pas  tant  : 
Son  inconftance,  en  vous  quittant , 
Ne  fait  que  prévenir  la  vôtre. 

JL  une  Dame ,  qmfepUignoit  de  fin  ahfince. 

Je  ne  vous  vois  que  rarement^ 
7e  ne  vous  rends  point  de  vifîte^ 
Ne  vous  en  plaignez  point  »  Ca&its  : 
Vous  avez  beaucoup  de  mérite^ 
Et  j'ai  quelque  dircernement  \ 
Voilà  la  raifon  juftement 
Pour  laquelle  je  vous  évite. 

Si  je  pouvoîs  vous  voir  (buvent  fans  n'engager.» 
Je  ne  voudrois  Taire  autre  choIè  \ 
Mais  pardonnez-moi  fi  je  n*ofè 
M'eipofer  déformais  à  ce  charmant  danger. 

Ccfl:  en  vain  que  mon  cœur  fcroît  fidcllc  &  tendici 
Vn  Batbon  à  l'amour  doit-il  s'abandonner  ? 
On  ne  peut  trop  craindre  d'en  prendre 
Quand  on  ne  peut  plus  en  donner. 

lion  cœur  s'embrafcroit  fans  échauffer  le  vôtre  s 

Hélas  J 


LIVRE    X  I  L  109 

Hëlas  !  mes  malheureux  (bupirs 
Ne  feroienc  tout  au  plus  quezciter  des âéGxs  >        Pavii^I' 
Que  vous  contenteriez  peut- être  avec  un  autre* 

Je  yeux  vivre  en  repos ,  &  je  cherche  à  bannit: 
Tout  ce'qui  me  fait  voir  qu'il  fautl>ien- tôt  finir» 
Et  m'annonce  le  tems  de  ce  trifte  paiTage  ; 
SI  yitois  tête  à  tête  à  vous  entretenir  > . 

Je  ponrrois  oublier  mon  âge  ; 
MaisjroslFroideursbien  tôt  m*en  feroient  (buvenlr;- 

Non ,  ma  Belle,  îl  faut  fe  connoicre  ^ 
Quoi  !  l'Amour  me  verroit  encor  fous  fon  pouvoir  ? 
Je  ferois  amoureux  ?  J'oferois  le  parokre  ? 
Ah  !  qu'il  feroit  Honteux  à  mon  âge  de  l'être  ; 
Et  qu'il  feroît  au  vôtre  ennuyeux  de  le  voir? 

I  ^Sur  les  Hôpitaux  in/ohahtes. 

Que  fervent  les  confeils  d'une  prudence  vaine  \ 
Uavenir  j  quel  qu'il  foit ,  efl  hors  de  fon  pouvoir  : 
Ne  feroit-on-pas  mieux  4e  s'épargner  la~peine 

Qu  elle  nous  donne  à  le  prévoir  ? 
Malgré,  tous  nos  efforts  le  deftin  nous  entriinei 
Nous'découvrons  l'écueil  fans  pouvoir  1  cviccr  5 
fe  fouvent  kr  chemin  que  la  fagcffe  humaine 


1  M.TAV11.LON  avoit  perdu  looo  iiv.  de  rente  viagère 
|gu«etce  infolvabilicé. 

TomtllU  S 


iio       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

'     \  ''  .  '  ï 

Montre  pour  nous  en  écarter , 
/iLLON.  Efl  celui  feul  qui  nous  y  mène. 

Rien  n*cfl:  afTuré  fous  les  cicur  : 
Cei  riches  Hôpitaux ,  (i  connus  dans  U  France^ 
Si  bien  fondez  par  nos  ayeuz  » 
Si -bien  régis  par  la  prudence  » 
Malgré  toute  ma  prévoyance , 
En  retenant  le  bien  que  je  leur  ai  prêté  y 
Me  font  faire  aujourd'hui  la  trifte  eipérîence 
De  cette  grande  vérité.  • 

Que  la  Fortune  a  d^artifice 
ïour  faire  réiiflir  ce  qu*elle  a  projettes 

Qui  fe  feroit  jamais  douté 

Qu*on  pût  manquer  à  la  Jnflice 
£n  des  lieux  ,  ou  Ton  voit  régner  la  Charité  ? 

En  vain  dit- on  pour  les  défendre  , 
Ces  maifbns  autrement  ne  ponvoient  fubfîfter  : 

Lorfque  Ton  n*a  pas  de  quoi  rendre  ». 

Il  n'eft  pas  permis  d'emprunter. 

Si  le  Ciel  quelquefois  dans  fa  juftc  colère  » 
Pour  éprouver  les  fîcns  ,  ou  pour  les  corriger ^ 
Fait  monter  à  tel  point  Texcés  de  la  mifére , 

Qu'on  ne  put  (Te  la  (bulager  ^ 
C*eft  à  nous ,  en  portant  nos  cris  jufqu'à  fon  trône»  * 
D'implorer  fon  fecours  &  l'attendre  de  lui  : 
Nous  pouvons  feulement  prier  qa*il  nous  le  donne  » 


LIVRE     X  I  J.  m 

Mais  ce  nefl  pas  du  bien  d'autrui 

Qu*un  Chrétien  doit  faire  Taumône.  Pavil 

La  Charité  doit  tout  embrà(èr  de  (es  feux  ^ 
'    Mais  Tes  foins  pour  tous  é  quitables  > 
Ne  foàt  jamais  des  malheureux 
Pour  fecourir  des  miférables. 

Sonsélq  en  nous  atcendriffaût , 
N*exige  que  des  dons  fans  taches  &  fans  crimes  jj 
£c  fur  tec  autel  innocent 
On  n  ^orge  point  de  viâimes* 

Les  Mufes  au  Roi. 

SiHE  >  les  Mufes  déiblées , 
Aujourd'hui  fans  force  &  fans  voix , 
Viennent  vous  remontrer  qu'elles  font  accablées 
Par  le  nombre  de  vos  exploits. 
Fournir  à  tout  ce  que  vous  faites , 
£ft  un  emploi  trop  mal-aifé  ^ 
Tant  de  fiéges  ont  épuifé 
;Nos  Orateurs  6c  nos  Poètes. 

Nos  parterrels  n'ont  plus  de  fleurs  à  vous  donner  ^ 

Oii ,  s'il  en  refte  quelques-unes  , 

Ce  ne  font  que  les  plus  communes , 

Indignés  de  vous  couronner. 

En  cette  extrémité  que  voulez-vous  qu'on  fafTe  "i 

il  n  eft  pla«  de  lauriers  chez  nous  » 

Si) 


VJLLON* 


2ix       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Qaoique.  depuis  treme  .ans  far, le  Mont  da  PaE« 

nafle 

On  n'en  ait  cueilli  que  pour  voas. 

* 

Nous  chantâmes  jadis  la  conquête  de  Tioye  » 
Et  l'Univers  encor.s*obftine  à  Tadmirer  i 
Mais  ceux  >  dgnt  cette  vîUe  enfin  devint  la  proye  > 
Nous  donnèrent  dix  ans  pour  nous  y  préparer  : 
Puis  retournant  chez  eux  »  au  (brcir  dél'Afie  > 

,  Ces  bons  &  paiûblcs  Héros 

PafTerent  en  bourgeois  le  refte  de  leur  vie  « 
Et  Aous  lai£erent  en*  jepi;>s. 

Cbntent  d*une  unique  viâôire  >  ^ 
i^utrefods  le  brave  Jafbn  • 
Crut  qu*il  fufi^pit  pour  fa  glçire  » 
5'>1. pouvait  obliger  les  Filles  de  Mémoire- 
De  chanter  une  fois  Colchos-&  la  Toifbo  : 
A  vous  (eut  aujourd'hui  nous  ne  pouvons  fuffirc^ 
Quittes  de  Mons ,  Namur  nous  vient  embarraflèr  % 
Nous  a.vons  beau  f^iroScbesiii  dire > 
C*eft  totijours  à  re,coinai€njCer. 

Nous  ne  con  noiiTons  que  rHiftoîit  «. 
Sire  » qttipuiâe  y  réfifter  i 
Sa  manjiere  de  raconter 
.  £ft  plus  propre  à  fc  faire  crotrc. 
Nous  prendrons  feulement  le  fbior. 
Qc  la  rjcndre  ex^^^e  fie  fid^Ic.^ 


rj 


LIVRE.     X  I  I.  ifj 

. _  _  _  4  ^__ 

C'eft  tout  ce^ue  peut  notre  zélé  > 


Et  dont  votre  gloire  a  bc(bîn.  Daviil 

^4Cit  au  RoJ  ,  four  M..  tAbU  i  'Ï0llemand^ 

Sire  ,  notreAbbë  Tous^fupplie 
De  (bafFrir  qu'il  (bit  toujours  gueux } 
On  Ta  vu  tel  toute  fa  vie  } 
U  n'a  pa$  vécu,  moins  heureux. 

Perfonne  n'a  phis  d'éloquence 
Et  de  médite  qu'il  en  a  ; 
Mais  il  doute  dans  l'abondance 
-  Si  jcc  mérite  le  fuivra. 

S'il  a^  dit'  fur  vorre  viéteirc 
Quelquexlu>(e.<^ul  vous  a  plu  « 
Pour  en  acquitter  votre  gloire 
Ne  bazardez  pas  fa.vertju. 

Ceft  un  .Héros  de  gueufcric^ 
Qui  doit  même  être  refpcdé*, 
I>urant  tout  le  cours  de  fa  vie  > 
Qe  votre  libéralité. 


mmmmmrmmmÊfmm^^mÊmm 


I  II  écoic  lie  VAcadémie  Françoifç.  Sa^rradD^^ionde  quel- 
^er  Vies  de  Platarque  &-fes  Eloges  hiftoriques  de  L«ai& 
XIV.  ont  ét4;Ml^  bvsn  reçus  en  leurcenis.  Au  refte  le  cour 
adroit  &  ïîngulier  de  ce  placer  fut  plus  efficace  pour  TAbbé* 
X^UemaïKl ,  q^ecous  les  panégyriques  qu*il  avoir  faits  à  ti^ 
Iwing^  de  Sa  Map;i^.. 


214       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

'^  '  Un  grand  Monarque  doit  oonnolti 

P A  V I L  LON*  Comme  il  faut  placer  Tes  bienfiûts  , 

Et  ne  doit  enrichir  jamais 
Ceux  qui  n'ont  pas  betbin  de  TêaCm 

Ses  Oeuvres  que  tous  admirez  y 
Tentent  votre  magnificence } 
Mais  Hirement  vous  gâcecez 
Le  plus  beau  naturel  de  France. 

Il  avoit  fur  la  pauvreté 
Toujours  quelque  conte  pour  rire  i 
Si- tôt  qu'elle  l'aura  quitté  > 
11  n'aura  pas  le  mot  à  dire. 

Sire  ,  )e  n'en  fuis  point  jaloux  s 
Mais  vous  fçavez  ce  qu'il  fçait  faire  : 
Si  vous  l'obligez  à  fe  taire  , 
Vous  y  perdrez  bien  plus  que  nous. 

N'appréhendez  pas  que  l'on's^irrii 
Si  l'on  le  voit  abandonné  : 
C'e(b  le  feul  homme  de  mérite 
A  qui  vous  n'avez  rien  donné. 

Sur  la  vie  du  Ko/» 

Filles  de  l'Achéron ,  qui  tenez  dans  vos  ma 
La  trame  de  tous  les  humains  9 
Sur  celle  de  Louis  n'écoutez  pas  l'Envie  ; 
LaiiTcz-lui  terminer  tant  d'illuftrcs  projets 5 


LIVRE     X  I  I.  irj 

a . _       __  _  _  ____i._. 

Ceft  tout  ce^ue  peut  notre  zélé  > 

£c  dont  voire  gloire  a  bc(bîn.  Daviiu 

Ff4Cit  au  Roj  ,  four  M..  tAbbt  i  TêUemand* 

Sire  ,  notre  Abbé  Toua^fupplîe 
De  (bafFrir  qu'il  (bit  toujours  gueux } 
On  l'a  vu  tel  toute  fa  vie  s 
Il  n'a  pas  v£ca  moins  heureux* 

Perfonne  n'a  phis  d'éloquence 
Et  de  médite  qu'il  en  a  ; 
Mais  il  doute  dans  l'abondance 
Si  ce  mérite  le  fuivra. 

S'il  a  ih-  fur  vofre  viéteîre 
Quelque  clu>fe<)ui  vous  a  pl& , 
Pour  en  acquitter  yetre  gloire 
Ne  bazardez  pas  fa.vertp. 

C'eft  un  Héros  de  gueufcrîc  y 
Qui  doit  même  être  refpedé^. 
Durant  tout  le  cours  de  fa  vie  » 
De  votre  libéralité. 


^^^ 


Il  écoic  de  VAcadémie  Françoifc  Saxiaduâionde  quel- 
r  Vies  de  Plotaïque  &  fèf  Eloges  htftoriques  de  L«ois 
'.om  ét4;UXez  bian  reçus  en  leuiceius.  Au  refte  le  tour 
>ic  &  fîngulier  de  ce  placet  fut  plus  efficace  pour  l'Abbé- 
leniaod  ,  que  cous  les  panégyriques  qu*ilaTok  faits  à  Is^ 
togpdcSaMairfié, 


ziè:      BÎBLIOTB^QVE    FOUIQUE.    ' 

Vous (èrex comme loiboicéax -^  ■ 
AViLLON.Et  peut-être  jaloux  s  mais  toujours  trop  henteoXi 
Pourvii'quc  vous  ayez  une  aufE  belle  ftimiie; 

Ah  2  Seigneur .»  ncpersiettez  pas 
Qu'en  regrecs  fupçrâus  votre  cœur  (c>coafi>mme:'f 
Songez  que  vous  avez  évité  le  trépas 

£t  qu'un  Gafcon  qui  D*a  qu'anl>ras 
Vaut  encore  autant  qu- un  autre  honune; 

Vous  «  jonc  mille  accideos  divers  * 
One  fait  éclater  la  confiance  ^ 
Yi^us  y  qui  dans  le  jeu  même  &  les  plus  grands  revers 

Avez  tenu  fi  bonne  contenance  ^ 
Ne  pourrez-vous  donc  voir  y  fans  perdre  patience* 
Dieux  ou  trois  membres  de  travers  ? 

Non ,  non  ;  je  ne  le  fçaorois  croire  r 
Vous  aurez  foin  deivocrc  gloire  i 
Vocre  vertu  nous  le  promet  : 
Lt  mal  que  vous  foufFtcz  ;  je  TàVouë  ,  eft  terrible  | 
Mais  enfin  eft-il  plus  fenfible 
Qu'un  coupe- gorge  au  lanfquenct? 

AMiidemoifilîe  Couîm. 

La  Beauté  mit  tout  en  ufage , 
£t  fa  main  libérale  épuifa  fcs  créfors  » 

Quand  eHe  forma  vocre  corps  » 
£c  les  traits-de  vocre  vifage.. 


\ 


L  I  V  R  E    X  I  I.  117 

JLe  Printems  lai  prêta  Tes  rofes  &  Tes  lis  ^ 
Xa  Jcuneflè  fournit  &  les  jeux  &  les  >rls  .  Payili 

£t  les  Grâces  voulant  faire -cncor  davantage , 

^vant  que  de  s'en  défaifir^ 

Voulurent  avoir  le  plaifir 

D*animer  un  û  bel  ouvrage. 

On  diroit  cpit  l'Amour ,  pour  x2gner  4ans  yo9 
yeux, 

<2ttitce  le  (Sjour  d*Amathontt , 
Cent  beautez^  dont  Paris  écbit  (î  glorieux  , 

Ne  paroifTent  plus  qu'à  leur  honte  ; 
Et  c'eft  vous  feule  enfin  que  l'on  fuit  en  tous  lieux; 
Telle  Venus  ,  fortant  de  Tonde  , 
Parut  autrefois  dans  le  monde , 
£t  Ce  fit  honorer  des  hommes  &  des  Dieux. 

Mais  répondez-nftoi ,  je  vous  prie  j 
Cette l^eauti ,  Tobjet  de  tant  de  jaloufîe  , 

Qu'on  ne  peut  voir  fans  Tadmirer  > 

Où  les  yeux  même  de  TEnvic 

Ne  trouvent  rien  à  ceafurer  -, 
Croyez- vous  que  ce  foit  un  bien  û  dé/irable  ? 
Ec  ne  craignez- vous  point  de  ne  Ta  voir  reçu , 

Que  pour  voir  un  heureux  coupable 

Triompher  de  votre  vertu  ? 

Non  9  les  folles  amours  vous  trouveront  cruelle  : 

Un  ^ux  fcul  tendre  Se  fidclle 
Tém  nu  T 


ai  s     BlBLIOTHE(lUE    POETiqUE^ 


Dl(po(êra  de  ▼ocre  csiir  \ 

n  tioN.  Vous  aimez  encore  plus  rhonneiir  , 

Que  vous  ne  chéri  (Tez  la  gloire  d'éoe  belle  : 
Jeune  Iris ,  ne  fçavez-Yoos  pas  » 
Que  malgré  coûte  (a  (^eflè  , 
11  en  couca  cher  à  Lucrèce 
D'être  née  avec  cane  d'appas  ? 

De  pareilles  faveurs  font  fouvenc  dai^eceii(ès^ 
Le  Ciel  dans  les  préfcns  qa'il  fidt 
Ne  donne  pas  couc  à  fouhaîc  > 
Ec  les  grandes  Beaucez  font  rarement  hetirea(ès  : 
Leurs  charmes  inconftanspaflenc  comme  des  fleai^ 
£c  vous  trouverez  que  l'Hiftoire  » 
Qui  vous  vance  cane  leur  ménooire  > 
linit  prefque  toujours  ep  pleuranc  leur  malhcm^ 

Vous  verrez  à  vos  pieds  fe  rendre 
Uac  foule  d'Amans  cmprcflcz  &  fournis  j 
Que  de  peines  à  fe  défendre 
De  cane  d'aimables  ennemis  \ 
Il  cft  des  momcns  de  foibleflc, 
Oii  la  nacure  pcuc  comber  \ 
Q  nnd  on  eft  oblige  de  combactre  fans  ceflc. 

Malgré  tous  ces  périls  ,  oii  vous  peut  engager 
Une  beauté  qui  charme  &  la  Cour  &  la  Ville  , 
J'en  connois  ici  plus  de  mille, 
Fiches  avec  you$  4c  chang(;r  ^ 


tmmmmimÊm      i      i  '  n  ,  ^ 

LIVRE     X  I  I.  iLff 

■I 
£c  quel  que  foit>cnfîn  le  (brt  qui  vous  menace , 

Courroient  volontiers  ce  danger ,  pATUi 

£c  veudroient  ^tre  à  votre  place. 

Confeils  à  Iris* 

^  J'ai  des  confeils  à  tous  donner  : 

Ce  n'eft  pas  le  naoycn  de  plaire  j 

Iris  ,  on  ne  divertit  gu^re , 

Quand  on  ne  fait  que  raifbnner. 
Auffi  j*aurois  gardé  fagemcnt  le  filence , 
Ou  vous  naurlez  de  moi  que  de  vaines  chanfons^; 
'Si  je  n'avois  connu  qu*uae  hcureufe  naifTance 
Avoir  dans  votre  cœur  prévenu  mes  leçons. 

Souffi-cïdonc  que  ces  vers  aident  à  vous  coa* 
duire , 
En  cet  âge  charmant  dont  vous  allez  jouir  ; 
AfTez  d'autres  fans  moi  voudront  vous  réjouir  5    ^ 
J^als  peu  fe  chargeront  du  foin  de  vous  inftruirc. 

Commencez  aujourd'hui  le  cours 
D'une  longue  fuite  d'années  : 
"ïfpérez  en  croiffant  d*heurcufes  deftinécs , 
£t  qu'une  belle  humeur  anime  vos  beaux  jours  : 
11  iied  mal  à  quinze  ans  d'être  trifle  ou  réveufe  § 

Mais  n'accordez  à  vos  défirs , 
Si  vous  avez  deflein  d'crre  long  tcms  heurcufe. 
Que  ce  que  la  Nature  a  d'ianoceus  plaifirs. 


£20    BIBLIOTHEQUE   POETiq^U^. 

Vous  n*avez  pas  bcfoîa  «  Iris  >  qae  )e  m'acrêtc 
VULON.  A  vous  montrer  quelle  eft  cette  (ëvere  loi , 

Qui  vou^  command.e  d*étreiioiuiéte  i 
Le  fangiiont  vous  forcez  le  fera  mieux  que  moi  : 
Cet  ordre  (buveraio  n'admet  point  de  di(pen(ês, 
£t  l'Honneur  en  eft  fi  jaloux  » 
Que  fur  les  moindres  apparences , 
Ce  juge  rigoureux  prononce  contre  vous. 

Fuyez  dans  vos  difcours  ^enflure  &  ia  bafTefle  ; 
Quainfî  qu'en  vos  iiabîts  rien  n'y  fblt  zSç€tt  % 

Qu^une  noble  (implicite 
En  fafle  l'ornement  «  la  grâce  &  la  lichefle. 

Celles  dont  la  témérité 
De  termes  trop  fçavans  parc  leur  éloquence  ^ 

Au  lieu  de  montrer  leur  fcience  ^ 

Ne  font  voir  que  leur,yanité» 

Evitez  la  plaifanterie 

Detit  le^  traits  médifans  percent  jufques  auasaTi 
Yx  pour  téjpuir  l'auditeur , 
Ne  faites  point  de  raillerie  ' 
Aux  dépens  de  votre  pudeur. 
Si  les  paroles  prononcées  , 
Sont  Tinugc  de  nos  pea(ées, 

Vcr)'ez ,  faus  vous  âattcr   d^un  traitement  xxoff 
doux  , 

Ce  que  des  têtes  bien  fenfîcs , 

$ur  Je  pareils  difcours ,  doivent  juger  de  vgui^ 


L  1  V  R  E    X  ï  L  42» 

Qu*ane  févcrc  contciiance 
Ne  condamne  jamais  la  modefte  licence  pAVfib 

Des  propos  que  vous  entendrez  : 
Aux  bons  mots  que  Ton   dit  joignez  plutôt  les 
vôtres  ; 

Mais  faites ,  ifuand  vous  en  direz >. 
Qpc  les  gens  dont  vous  raillerez, 
PuifTent  rire  comme  les  autres^. 

Qui  fouffre  Taffiduité 

De  Tamànt  qu'a  fait  fa  beauté , 
Kn  vaîn  auprès  de  lui  veut  paffer  pour  cruelle  \, 
0n  homme  qui  (c  voit  d'une  femme  écouté,. 

A  droit  de  tout  efpérer  d'elle. 

N*accoutumcz  point  votre  cofur ,. 
Séduit  par  lia  vertu  de  l'objet  qui  le  tence , 

A  s'attendrir  parla  douceur 
Même  d'une  amitié  qui  peut  être  innocente  ; 
L'hcUtitur  dans  ce  commerce  efl  fort  mal  affûté  \ 

Ne  vous  y  laiffcz  pas  furprendrc  j 

Un  ami  ^\  fage  &  (i  tendre  , 
Ktbien plbs dangereux  quun  amant  déclarél 

Xc  ne  défends  point  à  la  prude 
De  prendre  un  peu  de foiade  ce  quelle  a  d'at- 
traits \ 

Ce  feroic  une  ingratitude  > 

Tîl) 


£20    BIBLIOTHECIUE    POETiq^UE. 

Vous  n'avez  pas  bcfoin  •  Iris ,  que  je  m'ariccc 
;vii.LOM«  A  vous  montrer  quelle  efl:  cette  févere  loi  > 

Qui  vou^  cominand.e  d*étre  iionnéte  ^ 
Le  fang  dont  vous  forcez  le  fera  mieux  que  moi  ; 
Cet  ordre  (bu verain  n'admet  point  de  difpenfes  » 
£t  l'Honneur  en  efl  fî  jaloux  » 
Que  fur  les  moindres  apparences , 
Ce  juge  rigoureux  prononce  contre  vous. 

Fuyez  dans  vos  difcours  ^enflure  &  la  bafTeflc  i 
Qu'ainfî  qu'en  vos  iiabits  ri«n  n'y  foit  afifèdé  j 

Qu^une  noble  (implicite 
£n  fafTe  l'ornement  «  la  grâce  &  laiichefle. 

Celles  dont  la  témérité 
De  termes  trop  fçavans  pare  leur  éloquence  ^ 

Au  lieu  de  montrer  leur  fcience  ^ 

Ne  font  voir  que  leur  janité# 

Evitez  la  plaifanterie 

DoQt  le^  traits  médifans  percent  jufques  au  axoT  ^ 
Kt  pour  réjouir  l'auditeur , 
Ne  faites  point  de  raillerie  ' 
Aux  dépens  de  votre  pudeur. 
Si  les  paroles  prononcées  , 
Sont  l'image  de  nos  peafées , 

Voyez ,  fans  vous  ^aucr   d^un  traitement  txof 
doux , 

Ce  que  des  têtes  bien  fenfées  , 

$111:  de  pareils  difcours  ^  doivent  ju^er  de 


L  1  V  R  E    X  ï  h  12» 

mmmmÊmmÊmmmmmimmmMmmÊmmmmmÊÊmmÊmmmmmmÊmmÊimmmÊÊmmmÊtmmmmmmmmi^ 

Qu'une  févcrc  contctiance 
Ne  condamne  jamais  la  modefte  licence  pAVïtt 

Des  propos  que  vous  entendrez  : 
Aux  bons  mots  que  l'on   dit  joignez  plutôt  les 
vôtres  ; 

Mais  faites ,  ifuand  vous  en  direz >• 
Qpe  les  gens  dont  vous  raillerez, 
PuifTentrire  comme  les  autres^. 

Qui  fouffre  rafllîduité 

De  l'amant  qu'a  fait  fa  beauté , 
Kn  vain  auprès  de  lui  veut  paffer  pour  cruelle  j. 
0n  homme  qui  (c  voit  d'une  femme  écouté, 

A  droit  de  tout  efpércr  d'elle. 

N'accoutumez  point  votre  coeur ,. 
Séduit  par  la  vertu  de  l'objet  qui  le  tente , 

A  s'attendrir  par  là  douceur 
Même  d'une  amitié  qui  peut  être  innocente  ; 
L'ho'nntur  dans  ce  commerce  cfl:  fort  mal  afluré  \ 

Ne  vous  y  laiffcz  pas  furprendrc  } 

Un  ami  fl  fage  &  (î  tendre  , 
Eft-bkn  plbs dangereux  qu'un  amant  déclaré! 

Je  ne  défends  point  à  la  prude 
De  prendre  un  peu  de  foia  de  ce  qu'elle  a  d'at- 
traits s 

Ce  ferolc  une  ingratkude  » 

TijJ 


àii     BIBLIOTHEQUE   POETIQUE. 

De  négliger  les  dons  que  le  Ciel  nous  a  faits  : 
ki^lLLON.  Mais  il  vous  prétendez  quon  vous  cftime  fagc> 

Apprenez  que  le  trop  grand  foin 
De  conferver  cet  avantage , 
Ed  un  infaillible  témoin  , 

Qni  prouve  qu  on  en  fait  quelque  galant  nfage. 

Celui  qui  fans  difcernement , 
Aàttdk  à  tout  venant  les  louanges  qu'il  donne  |. 
Fait  grand  tort  à  (on  jugement , 
Et  ne  fait  honneur  à  perfonne  : 
Mais  aufTi  d*un*cœur  inhumain  » 
N'allez  pas  infulter  aux  foibleifes  des  autres  } 

Et  que  les  défauts  du  prochain 
Vous  donnent  feulement  du  dégoût  pour  les  vôtres^. 

Ne  diQîutez  Jamais  avec  trop  de  chaleur  j 
Mais  jugeant  de  fang  froid  ou  du  pour ,  ou  da 
contre  , 

Si  vous  vous  trompez  par  malheur  > 
Loin  de  foutenir  votre  erreur  > 
Laiffez-vous  vaincre  en  ce  *  rencontre  j 
Et  par  un  beau  retour  plein  de  (incerité , 
Revenez  à  la  vérité , 
Qui  que  ce  foit  qui  vous  la  montre» 

Il  ne  faut  point  chercher  à  voir 
tes  intérêts  cachez  d'une  intrigue  fccrctte  5 
Quand  ou  eft  curicufc  >  &  qu'on  veut  tout  fjavolr  «. 


L  I  V  R  E    X  1  L  X15 


.  On  cft  furcracnc  indifcrettc. 

Si  le  fecret  vous  cft  malgré  vous  révélé ,  Pavil 

Cachez-le  avec  un  tel  flience , 

Même  à  celui  donc  l'Imprudence 

Vous  en  a  fait  la  confidence , 
Qu'il  doute  quelquefois  s'il  vous  en  a  parlé. 

Celle  qui  fbuffrc  en  fa  préfence 
Qu'on  vante  en  elle  des  appas  , 
Ou  des  vertus  qu'elle  n'a  pas , 
N'eft  qu'une  idole  qu'on  encenfc  : 
IToe  jufte  louange  a  de  quoi  nous  flatter  , 

Mais  un  êfpric  bien  fait  doit  prendrç 
Bien  moins  de  plaifirà  l'entendre  > 
Que  de  peine  à  la  mériter. 

le  Jeu  »  de  mille  mtux  eft  la  fatale  fource  : 

Iris ,  ne  jouez  que  fort  peu  > 

Et  feulement  fort  petit  jeu  > 
Et  non  pas  pour  remplir  ou  tarir  votre  bourfe. 
Cdlës  qui  (ans  repos  de  cet  amufement 

Font  leur  capital  exercice , 

A  coup  C&r  fc  livrent  au  vice , 

Et  (ont  dans  le  même  moment , 

Et  toujours  fans  difcernement 

De  juftice  ni  dinjudice  > 

Viâimes  d'une  extrémité , 

Soit  de  leur  (brdide  avarice  > 

Soit  de  leur  prodigaihé. 

T  m) 


224    BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

La  mode  cft  un  tyran  dont  rien  ne  nous  délivre  ; 
ILLON.  A  Ton  bizarç  goût  il  faut  s'accommoder  \ 
Et  fous  fcs  folles  loix  étant  forcé  de  vivre , 
Le  Sage  n'eft  jamais  le  premier  à  les  fuivrcr 
Ni  le  dernier  à  les  garder. 

Sur  la  Moru 

La  vîe  efl:  peu  de  chofe  «  &  (à  fin  dm^A:  terrible 
Qu*à  ceux  qui  n  ont  jamais  ofé  la  méditer  ^ 
Rien  ne  doit  être  moins  fentible 
Que  la.  perte  d'un  bien  qu'on,  ne  peut  regreter. 

Tout  bonheur  pafTager  eft  peu  digne  d'envie  •, 
Chaque  heure,chaque  inftant  en  peut  finir  le  cours* 
Ce  qui  fait  la  plus  longue  vîe 
K'eft  qu'un  petit  nombre  de  jours. 

Pour  en  confcrver  la  mémoire ,, 
Un  Prince  employé  vainement 
Et  Te  marbre  &  l'airain  :  ce  riche  monument 
Vn  jour  fera  bien  moins  la  marque  de  fa  gloire  > 
Que  la  preuve  de  fon  néant» 

Les  hommes >  de  tout  tems,  jugeant  fans  coiw* 
noiffance  , 

Par  un  faux  éclat  prévenus , 
Ont  fou  vent  pris  pour  des  verms 
Ce  qui  n'en  a  que  l'apparence  j 
£t  parlai  les  pauvres  morteb  y 


LIVRE    XI I.  24.5 

Quelquefois  ceux  que  l'on  enccnfè 

Ne  font  que  de  grands  criminels,  PavIL] 

A  qui  notre  feule  ignorance 
Au  Heu  de  châtimens  décerne  des  autels. 

Quand  nous  ferons  jugez  au  poids  du  San^ualre^ 
Qu  ;»ix  yeux  d*un  Dieu  vengeur  nos  crimes  paroi- 
tront , 

Htias  î  de  quoi  nous  fervlront 
Les  honneurs  qu  ici-bas  le  monde  nous  peut  faire  ? 
Ce  Héros  >  dont  ta  Terre  admire  les  hauts  faits  » 

En  condamnant  la  voix  publique  » 
£t  plaignant ,  mais  trop  tard>.ennemis  &  fujets,. 

Maudira  peut-être  à  jamais 
Ce  qui  ferc  de  matière  à  fon  panégyrique. 


\%t6       BIBLIOTHEQUE    FOETIQUE. 


ts. 


Mautih. 


MARTIN. 

Martin  ,  neveu  du  fameux  "^ 
ture,  avoit  un  talent  fingi 
pour  la  Poëfie  ;  &  cependa 
a  toujours  penfé  auffi  mode 
ment  de  lui-même ,  qu'il  avoit  une  h 
idée  de  tous  les  grands  Modèles  de  l\ 
tiquitë.  Quoique  preffé  plufîeurs  fois 
fes  amis ,  il  n'a  pu  confentîr  qu'il  y  eût 
eun  de  fes  ouvrages  imprimé ,  &  moii 
traduélion  des  Georgique«  de  Virgile 
pas  un  autre.  Il  a  confervé  ces  fentin 
jufqu'à  la  fin  '  d'une  longue  vie  ;  foit 
le  commerce  qu'il  avoit  lié  avec  Vit 
en  le  traduifant ,  lui  eût  fait  connoîtn 
difficulté  de  copier  les  grâces  de  cet  . 
teur  ;  foit  parce  que  les  hommes  d'im  j 
auffi  délicat  &  auffi  fur  que  le  fien ,  ne  j 


I  M.  Martin cftmott  le  14  Juiniyoy.  âcéde  qu 
vingt-neuf  aas. 


;  LIVRR    XI  L  217 

vent  jamais  être  fatisfaits  de  leurs  ouvrages , 
lors  même  que  tout  le  monde  les  admire'... 
M.  Baillet  dans  fes  Jugemcm  des  Sçavans  > 
donne  à  entendre  que  M.  Martin  n'eft 
autre  que  Pinchêne  >  qui  fe  difoit  auflî  ne- 
veu de  Voiture.  Mais  s'il  eft  vrai  que  ce 
M.  Martin  n'ait  rien  voulu  mettre  aa 
jour  tant  qu'il  a  vécu  »  comment  peut-il  être 
le  même  que  Pinchêne  qui  a  fait  imprimer 
plufieurs  volumes  de  Poëfîes  f  £t  d'ailleurs 
comment  imaginer  que  l'Auteur  de  tant  de 
milliers  de  Vers ,  qui  femblent  tous  faits  en 
dépit  des  Mufes ,  puiiTe  l'être  d'ua  Ou- 
vrage ,  dont  l'extrait  que  l'on  en  va  lire  ,* 
donne  une  idée  fî  avantageufe  ?  Il  y 
a  donc  grande  apparence  que  M.  Baillet 
n'a  lu  ni  cet  ouvrage ,  ni  l'avertiflèment 
de  l'Editeur ,  qui  n'auroit  eu  garde  de  par- 
ler auflî  favorablement  d'un  Poëte  tel  que 
Pinchêne. 


I  Voyez  ravertilTemenc  qui  eft  à  U  têce  de  la  rraduâloa 
des  Qcorgifjues  par  M.  M  ailtln. 


Mari 


RTIN. 


ai8       BIBLIOTHEQUE    ^OETïQVE. 

Aunejaloufim- 

L'Implacable  Junon»  la  terrible  Méd£r ^ 
En  proye  aat  inoavemens  jaloux 
Donc  vous  êtes  (î  peffédée  , 
Ont  finit  trembler ,  frémir  leurs  Amans,  leurs  Eponfc 
Lifex  de  leurs  fureurs  l'hiftoire  déplorable  % 

Lifez-Ia  pour  en  profiter. 
L*une  s*efl  fait  haïr  »  &  Tautre  redouter  r 
Mais  pour  fe  faire  aimer ,  il  faut  fe  rendre  aîmabk 

INDROITS  CHOISIS  DE  LA  TRADUCTION 

DES    Georgiques»! 

Du  tivin  r. 

Dejfein  de  ^ouvrage.  Invocation,  Divers  friafîi» 
four  la  culture  des  terres.,.^ 

Je  chante,  Mfxenas  ,  les  plaines  jauni  iTances^, 
A  l'ombre  des  ormeaux  les  TÎgnes  fieurîflantes  \ 

1  Les  Gcorgiques  font  le  chef-d*OPUTre  dé  Vîfgilè  i  foii 
^ue  l'on  regarde  avec  quel  art  il  a  rempli. d'ocnertiens  une 
matière  qui  en  paroifloit  fî  peu  Aifceptible  ,.  foie  quefoii 
confîdére  les  épifodes  admirables  au'ila  employées  pour  an- 
■oblir  Ton  ru)et.  Les  connoifleurs  les  ont  coujoars  pré^éiéesi 
l'Enéïde  :  mais  autant  qu'un  des  deux  ouvrages  eft  au-deflÎH 
de  l'autre ,  autant  cft-il  plus  difficile  de  traduire  en  vente 
Georgiques,  que  l'Hiftoire  d'Enéb.  tatraduAion  que  W. 
Martin  en  a  faite  ,  eft  â  la  vérité  moint  fcrupuleafe  ft 
moins  ferrée  que  celle  de  M.  de  Scgrais  \  mais  en  récompeiilc 
elle  eft  plus  élégance ,  plus  harmomeufc  6c:pliu  foHcexnilf; 


L  I  V  R  E     X  I  L  xi^ 

les  troupeaux  cngraifTcAfous  la  main  des  Paftcurs  j 

Les  vertus  de  l'abeille  amoureufe  des  fleurs.  lAj^rjM 

Du  jout  &  de  la  nuit  fouveraines  Lumières  » 

Qui  mefurez  du  cems  les  routes  régulières  -, 

Bacchus  »  riche  Cérès  ,  qui  des  prenùeis  mortels 

Avez  Ç\  juflement  obtenu  des  autels... 

Venez  à  mon  fecours ,  immortelles  PuifTanccs  « 

Qui  faites  ou  germer  les  diverfès  fémences , 

.Ou  fleurir  les  vergers  ,  ou  végéter  les  plants  » 

<2ui  difpenfèz  la  pluye ,  &  modérez  les  vents.. 

Au  retour  du  Printems ,  quand  les  neiges-fbndu^s 
De  la  cime  des  monts  dans  les  champs  defcenduës  » 
•Ont  attendri  la  terre  «  &que  les  doux  zéphirs 
Répandent  dans  les  airs  leurs  amoureux  foupirs , 
Il  faut  que  les  taureaux  y  compagnons  de  nos  peines  » 
Cémiffênt  (bus  [e  joug  qui  déchire  nos  plaines.. 

Autant  qu*rl  eft  de  fruits ,  autant  cft-^il  de  fonds  » 
Chacun  à  chaque  efpecc  inutiles oubons. 
Là  jaunifTent  les  bleds ,  &  là  les  vins  mûrifTent  ; 
Là  les  prez  tous  les  ans  d*eux*mêmes  reverdifTenCi 
ici  fe  plaît  le  myrte ,  &là  les  orangers  » 
£t  de  fleurs  &  de  fruits  parfument  nos  vergers. 
La  T^atuce  ahondapte/^  jufte  en  fes  ouvrages  j 
A  mis  en  divers  lieux  différens  avaptages» 
Des  Indes  vient  l'y  voire ,  &  de  Saba  Tencens  ; 
La  pourpi^e  vient  de  Tyr  \  Tmole  abonde  en  TaffranSi 
Le  Pont  a  des  caflors  ,  l'Epire  des  cavales , 
Que  les  courfcs  d*£Udc  ont  fait  voir  fans  égales* 


àRTIN. 


ai«       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

A  une  Jaloufem 

L'Implacable  Junon,  la  terrible  Médéc,- 
En  proye  aux  iTioavemeus  jaloux  . 
Donc  vous  êtes  (î  pefTédée  , 
Ont  finit  trembler ,  frémir  leurs  Amans,  leurs  Epout* 
Li{èx  de  leurs  fureurs  l'hlflaire  déplorable  ^ 

Lifcz-la  pour  en  profiter. 
L*une  s'eft  fait  haïr ,  &  l'autre  redouter  : 
Mais  pour  fe  faire  aimer ,  il  faut  fe  rendre  aimable; 

ENDROITS  CHOISIS  DE  LA  TRADUCTION: 

DES     GeORGIQUES»! 

Dr   LiFXÉ   T. 

*    ■ 

Defeinde  t ouvrage.  Invocation,  Divers  fricêft^ 
four  U  culture  des  terres.»*. 

Je  chante,  Mfxenas  ,  les  plaines  jau m/Tances^ 
A  l'ombre  àc&  ormeaux  les  vignes  fieurifTantcs  ; 

1  Les  Gcorgiqucs  font  le  chef-d'œuvre  dé  Virgile  i  foll 
^uc  l'on  regarde  avec  quel  art  il  a  rempli  d'otnerticns  une 
matière  qui  en  paroifloit  Ci  peu  fufccptiblc  ,  foit  que  Ton 
oonfidére  les  épifodes  admirables  ou'il  a  employées  pour  an- 
«oblir  fon  fu jet.  Les  connoifleurs  les  ont  toujours  préférées  i 
l'Enéïde  :  isais  autant  qu'un  des  deux  ouvrages  ed  au-defiÎH 
de  l'autre.,  autant  cft-il  plus  difficile  de  traduire  en  vers  la 
Gcorgiques,  que  l'Hiftoire  d'Enéfc.  La  traduûion  qucM. 
Martin  en  a  faite  ,  eft  à  la  vérité  moins  fcrupuleufc  de 
Itïoins  ferrée  que  celle  de  M.  de  Segrais  i  mais  en  récompeniè 
elle  eft  plus  élégance ,  plus  harmonicufe  te  plus  fotiteQUtf; 


L  I  V  R  £     X  I  L  .1A5 

les  troupeaux  cngraiflcAfous  la  main  des  Paftcurs  j 

les  venus  de  l'abeille  auioureuCè  des  fleurs*  ALM^TAI 

Du  jour  &  de  la  nuit  fouveraines  Lumières  « 

Qui  meftttez  dp  tems  les  routes  régulières  *, 

Bacchus ,  riche  Cércs ,  qui  des  premiers  mortels 

Avez  fi  juftement  obtenu  des  autels... 

Venez  à  mon  fecours,  immortelles  PuifTances  « 

Qui  faites  ou  germer  les  diverfes  fémences , 

Ou  fleurir  les  vergers  »  ou  végéter  les  plants  » 

«Qui  difpenfèz  la  pluye ,  &  modérez  les  vents.. 

Au  retour  du  Prlntems ,  quand  les  neigesfondulfs 
De  la  dme  des  monts  dans  les  champs  defcenduës  » 
•Ont  attendri  la  terre ,  &  que  les  doux  zéphirs 
Répandent  dans  les  airs  leurs  amoureux  foupirs , 
il  faut  que  les  taureaux ,  compagnons  de  nos  peines  » 
Géffliflênt  (biis  \c  joug  qui  déchire  nos  plaines.. 

Autant  qu'il  eft  de  Âuits ,  autant  cft-.il  de  fonds  » 
Chacnn  à  chaque  efpece  inutiles  ou  bons. 
Là Jaunlflent  les  bleds  »  &  là  les  vins  mûrifTent  ; 
La  les  prez  tous  les  ans  d*eux*mémes  reverdiiTent^ 
fcî  fe  plaît  le  myrte,  &là  les  orangers , 
Et  de  fleurs  &  de  fruits  parfument  nos  vergers. 
La  j^atui;c  ahpndapte ,  &  juftc  en  fcs  ouvrages  , 
A  noSs  en  divers  lieux  différens  avantages. 
Des  Indes  vient  l'yvoire  »  &  de  Saba  Tencens  i 
La  pourpi^e  vient  de  Tyr  -,  Tmolc  abonde  en  Taffrans^ 
Le  Pont  a  des  caftors  ,  l'Epire  des  cavales , 
^Uj:  les  cour  fcs  d*£Udc  ont  fait  voir  fans  égales* 


139       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

——■I  ■  — — — — ^ 

Telles  écoienc  les  loix  de  ce  vaftc  Univers ,     * 
|ll4aiTiN.  £t  jg  tQ^s  |çs  climats  les  parcages  divers. 
Lorsque  Deucalion  y  jetta  la  femence 
Des  fertiles  cailloux  donc  l'homme  prit  naiflanccf 
L*homme  animal  fervile  ,  h^élas  !  à  peine  né. 
Qu'au  travail  de  la  terre  il  fe  vit  condamné. 
Suis  donc  »  mortel ,  des  Dieux  Tarrêt  irrévocablcf 
Cultive  de  tes  mains  la  terre  labourable  : 
Promené  la  charu'ê ,  &  les  coutres  tranchans 
Sur  le  dos  fpacieux  des  plus  fertiles  champs. 
Tout  obéit  j  tout  cède  à  la  peine  obftinée. 
Si  le  terroir  eft  gras ,  commence  avec  Tannée 
A  creufer  tes  filions ,  afin  que  tout  l'été 
Efluyant  des  foleils  la  brûlante  clarté  > 
Le  nombre  &  l'embarras  des  inutiles  herbes 
N'y  falfe  point  mourir  l'efpérance  des  gerbes. 
S'il  eft  maigre ,  il  fuffit  d'eutamer  fe  fillon 
Dans  le  tems  que  TArâure  entre  fur  Thoritofi^ 
De  peur  que  les  longs  jours,  &les  chakars  pesr 

dreufes 
N'altèrent  trop  le  fein  des  terres  rabloncufe. 
Garde- toi  de  femer  dans  ton  champ  blé  fur  blé  ^ 
Crains  que  de  trop  de  charge  il  ne  foit  accablé  % 
Content  de  la  moi/Ton  qu'il  t'a  deux  fois  donnée  a 
Ne  lui  demande  pas  une  troifiéme  année  : 
Queiî  le  revenu  d'un  fonds  trop  limité 
T'empêche  d'en  fouffrir  la  longue  oifiveté  , 
Xa  Xecie  eft  toujours  lucre ,  &  £•  tôt  qu'on  la  £ate« 


L  I  V  R  E    X  1 1.  xji 

•Senfible  à  nos  besoins,  elle  neft  pas  ingrate  \ 

^La  nouveauté  des  grains  relevé  fa  langueur ,  MiàHT 

£t  le  repos  lui  rend  fa  première  vigueur. 

Stutouc  n'épargne  point  le  fumier  ni  la  cendre, 

Oans  les  champs  -fatigucx  on  n'en  peut  trop  ré^ 

pandire. 
L'expérience  apprend  qu'elle  cft  lutilité 
.D'aflumer  la  campagne  a  la  fin  de  Tété , 
D'abandonner  au  cours  des  flammes  pétillantes^ 
'Le  chaume  qu'ont  laide  les  faucilles  brillantes* 
Ou  la  terre  par4à  s'engraiiTe ,  &  dans  fon  fein 
Digère  l'aliment  dont  fe  nourrit  le  grain  -, 
On  par  fes  foupirauz  de  ce  feu  (ècouruë , 
Evapore  ou  recuit  et  quelle  a  d'humeur  crue.» 

Mais  il  pleut  nuit  &  jour ,  les  champs  (ont  inondez  , 
Ijcs  vents  mois  >  le  ciel  noir  »  les  lunes  pluvieufes  ^ 
On  ne  voit  que  limon ,  &  que  terres  fangeufes  ^ 
>Que  faire ,  Laboureur  î  l'art  manque  :  par  tes  vœux 
iVppài(è  Jupiter ,. obtiens-en,  fi  tu  peux  , 
De  pluvieux  étee,  &des  hivers  fans  pluye  : 
•Que  l'un  mouille  la  terre ,  &tjue  l'autre  rcfluye  : 
Nos  bleds  ne  craignent  point  la  poudre  des  hivers ^ 
£lle  les  rend  plus  beaux ,  [dus  épais  &  plus  verds. 
'C'eft  par-là  qu^en  Mœfie ,  au  pied  du  Mont  Gar« 

gare , 
La  récolte  affouvit  l'cfpoir  le  plus  avare.. 
JlibzïçLt  cependant  tes  cnfans,  ô  Céi;cs  j 


ttA&TlN. 


13a       BIBLIOTHEQUE    TOETI^E. 

Ofent  lever  leur  téce  >  hors  du  fein  des  guérets  j 
S'étendre ,  fe  pouflcr ,  fortir  de  leur  fémence  ^ 
Qu'un  «(Tain  d'ennemis  s'oppofe  à  leur  nalflance  ^ 
L»  bardane ,  l'ivroye  au  fuc  impétueux  ^ 
La  ronce ,  le  chardon  fe  hérlfTent  contre  eux* 
Us  avortent ,  les  uns  étouffez  par  le  nombre , 
Les  autres  de  langueur  fous  les  arbres  à  rotnbrei 
Ceux-cj  battus  du  vent  tombent  en  un  matin* 
£t  ceux-là  des  oifcaux  deviennent  le  bucio  > 
Sonti)rûIez  des  chaleurs ,  &  de  l'âpre  nielle  » 
Qui  des  épis  en  fleur  cffc  la  pede  cruelle. 
Aux  armes ,  Laboureur ,  fais  marcher  les  râteaux  4 
De  la  voix  &  de  Tare  écarte  lesoifeaux  ; 
Du  pluvieux  foldice  implore  les  nuages  « 
£t  de  ton  champ  couvert  retranche  les  ombragef  § 
Autrement ,  méprifé  d'un  voiân  opulent , 
Tu  te  verras  forcé  de  retourner  au  gland. 
Mais  fans  nous  •arrêter  à  ces  fujet«  de  larmes  « 
Pour  attaquer  la  terre  as-tu  des  bonne  armes  « 
Le  neutre  ,  la  cbaro'ë ,  une  herfe ,  un  râteau  ? 
A&-tu  pour  la  moiifon  Se  faucille  &  Àéau  ? 
As-tu  de  ces  traîneaux  la  pefante  machine 
Que  fît  rouler  Cérès  dans  la  terre  Eleufine  » 
Hotte ,  clayon ,  corbeille ,  &  cent  oieubles  dhrM 


I  Tête  que  1* Auteur  ne  fait  ici  que  d'uae  Hllabe  >  en  $ 
fiûfiSMismcax  deux  deviinc  bçn  où  l'h  cil  afpiiée. 

Faits 


p«»^ 


L  1  V  R  EXIL  lîj 

Faits  de  verges  de  houx ,  &  d  ofîers  encor  verds  \ 

Le  yan  ou  le  bled  faute ,  &  la  paille  s'envole  >  M  ar  i 

Du  pouvoir  de  Racchus  myftéricux  fymbole  ? . 

Que  Taire  ou  tu  veux  battre  &  ramafTcr  le  grain»- 
Soit  fpacîeufe ,  ouverte ,  &  fous  un  ciel  ferain  y 
Que  le  (bl  eu  foit  fait  d*une  terre  triée  , 
£t  d*an  ciment  vifqueux  étroitement  liée». 
KouleS'Y  le  cylindre ,  afin  de  Tapplanir  ,. 
Et  des  quatre  cotez  l'égaler  &  Tunir. 
Qu'il  (bit  dur ,  que  le  poids  de  la  batte  rafFaifle, 
De  peur  qu il  naille  en  poudre^  &  que l herbe  n'X 

craifle  » 
Et  qu'un  tas  ennemi  d'animaux  fouterraîns 
hTen  perce  le  glacis,  ne  fourage  les  grains.» 
Prévoyant  les  be(bins  de  la  lente  vieillcffc  ,. 
La  fourmi  les  amaffe  en  fa  verte,  jeu neffe  : 
Le  timide  mulot  en  comble  fes  greniers  , 
Et.ia  taupe  les  ferre  an  fond  de  fes  terriers... 

Pour  hâter  le  légume  aux  faifons  pareffeutès  ,\ 

Le  groflir'dans-le  fcin  de  fes  gouflèstrompeulès,. 

Le  rendre  fucculent,  plus  tendre,  plus  mo'êleux,. 

Pins  facile  à. s'ouvrir  au  gré  des  moindres  feux  ; 

J'ai  vu  chojfîr  la  graine  &  plus  forte  &  plus  vive  » 

La  tremper  dans  le  nitre  ,^  dans-  le  marc  d'olivc^i 

Mais  il  faut  tous  les  ans  ces  foins  réitérer , 

Ou  Ton  voit  tous  les  ans  le  fruit  dégénérer. 

La-Naxure  fe  prête  à  l'humaine  fageffe  \ 

Mais  lailè,  elle  s'enfuit  auûii-tôt  qu'on  la  \z\SSk^ 
JsmeJlU.  V 


iH     BIBLÏOTHEqUE    POETKIUE. 

m-  Reprend  (on  pt'emîer  cours ,  aind  c]tie  le  bateau 
1^,  Que  le  bras  des  rameurs  fait  aller  contre  l'eau  ; 
Dès  qu'il  perd  le  fecours  de  l'aviron  humide  , 
S'abandonnant  au  fil  de  la  vague  rapide  , 
Il  revient  fur  fa  route  avec  légèreté  , 
£t  dcfcend  encor  ptus  qu'il  n'étoit  remonté.. 

Ce  n'eft  que  dans  l'Hyver  aux  heures  inutiles» 
Qu'on  voit  les  Laboureurs  fous  leur  chaume  cran- 

quiles  , 
Boire  cnfembîc ,  &  goûter  avccque  liberté 
Les  fruits  délicieux  que  leur  donne  r£té  \ 
Et  dans  les  longs  repas  ou  la  faifon  convie  « 
Oublier  les  chagrins  de  leur  pénible  vie. 
C'ed  le  tems  cependant  qu'ils  ramaflent  le  gland  ^ 
La  verdoyante  olive  »  &  le  myrte  fanglant  \ 
Qu'ils  tendent  des  filets  au  ramier ,  à  la  grive-, 
£c  dardent  dans  les  bois  la  biche  fugitive  \ 
Quand  les  fleuves  groflîs  roulent  fur  les  gIaçons>. 
£t  que  la  neige  épalife  enfevdit  les  monts« 

Defcription  £hh  orage. 

TTlI  vS  te  Ciel  couvert  &  chargé  de  nuages  » 
Mêler  les  tourbillons  de  grêles  &  d'orages  5 
^  convertir  en  pluye ,  &  perdre  dans  les  eaux 
Nos  plants  &  nos  moiffons ,  le,  travail  des  taureau? 
Le  bled  déraciné  flotte  dans  le  déluge  , 
Les  animaux  furpris  demeurent  fans  refuge  , 
Tout  cÛTracr  j  les  ruiflcaux ,  les  fleuves  àéhexè 


L  I  V  R  E    X  I  I.  x^S 

h^  torrens  defcenëus  ont  les  champs  inondez. 

Cependant  Japirer  dans  la  nuit  qni  Tenferre ,  Mai.t: 

Fait  voler  ks  éclairs  &  gronder  le  tonnerre  : 

La  Terre  s'en  émeut  >  chancelle  for  fbn  poids  * 

Les  timides  oifeaux  s'envolent  dans  le  bois  ^ 

Le  lion  effrayé  rentre  dans  fa  caverne , 

£t  rfaomme  audacieux  fe  cache  U  fe  proflernc. 

Ce  Dieu  les  laifle  craindre  >  &  choifiliant  le  dos 

Du  fourcilleux  Rhodopc ,  ou  du  fuperbe  i^thos> 

De  (on  bras  tout-puiffant  lance  le  feu  du  foudre 

Sur  le  front  du  rocher  qu'il  v^ut  réduire  en  poudre: 

La  pluye  en  même  tems  redouble ,  &  les  autans 

Redoublent  dans  les  airs  leurs  foufHcs  éclatains  ; 

Lf»  rivagef  lointains  de  lem  bruit  retentiffenc,    . 

£t  des  (ombres  forêts  les  demeures  mugiffent* . 

Signes  defluye  oh  de  vent. 

QtJ  AND  la  Lune  commence  à  raffcmbler  fcs  fcuxi^ 
Si  le  croiffant  enclos  dans  un  ciel  nébuleux 
Ne  montre  qu'à  regr.ct  fcs  cornçs  pàliifautes  , 
L'a  pluye  inonder^  les  plaines  floriffantes  : 
Si  fon  front  «d  chargé  de  l'ardente  couleur 
Que  fur  les  plus  beaux  teints  allume  la  pudeur,* 
Et  que  l'air  (bit  fans  bruit ,  la  Nature  confuke 
Dii  les  vents  déchaînez  porteront  le  tumulte. 
Divers  prodiges  arrivez,  à  la  mort  de  Céfitn 
Quand  on  frappa  Céfarau  milieu  du  Sénat»' 
Xcl Soleil  eut  barreur  de  cet  aflaffmat  :     , 


z^6    BIBLIOTHEqUE  POETIQUE. 

wmmmmmmmm^mmtmmmÊmmmmmmmmÊmmmammmÊÊmÊmmmmmimmmmmmmmmÊimÊmÊm. 

Ne  s'éclipfa-c'il  pas  j  &  ce  fîécle  infidelle 
Iartin    N*^**^'^  pas  lieu  de  craindre  une  nuic  écerneUe?  • 
On  YÎc  du  Mont  Ethna'les  gouffires  âamboyans  , 
Couvrir  le  ciel  de  braife  &de  feux  ondoyans  : 
*  l3es  bruits  d*armes  en  Tair  le  Danube  étonnèrent j 
La  Terre  s'entrouvrit ,  &  les  Alpes  tremblèrent  :: 
Le  Tybre  s'arréu  y  d'épouvantables  voûc 
Sortirent :dtt  filence  &  de  Tombre  des  boise 
Il  fut  vu  dans  la  nuit  des  images  errantes 
De  fantôme»  hideux  &  d*ombres  gémiflantcs-?ï' 
Xe  Pô  loin,de  (on  lit,  de  fès  rapides  eaux 
Inonda  la  campagne  >  &  naya^Ies  troupeaux^.. 
On  vit  Tair  cmbrafé  de  finiftres^Comeses , 
£t  du  courroux  des  Dieux  mille  marqués  muetesi^. 
Audi  bien-tôt  après  Pfaarfalê  vit  aux  mains 
Une  féconde  (bis. Romains  contre.  Romains». 
Le  Ciel  (buf&it  encor  que  la  tride  Italie 
Sngraifsât  dt  foh  fang  les  champs  de  ThefTaîte. . 
Les  Laboureurs  un  jour  dans  ces  plaines  creufans»;. 
Parmi  les  dards  rongez  de  la  rouiUe  &des  ans , 
Trouveront  ces  grands  os  qu^ont  laiffé  (©us  la  terre- 
Les  Héros  qijiî  (ont  morts  en  cette  horrible  guerre. 
Vous  Romulè  &  Vefta ,  vous  Dieux  nos  protcfteurs. 
Si  vous  n'arrêtez  pas  le  cours  de  ces  malheurs , 
Du   moins  confervez-nous  ce  jeune  &  vailbnt: 

homme  > 
Qûî  vient  de  foutenîr  la  querelle  de  Rome.- 
Kb  quoi!  ne  f^^uiions-nous  obtenir  le  pardon^ 


LI  VR  E    X  I  I.  XJ7 

De  Toucrage  qa'atts  Oicuz'  a  falc  Laom  jcion  ? 

Le  Ciel  eft-ll  jaloux  ?  Le  Ciel  eft-il  injufte  ?  Martii 

Veut-il  après  Céfar  nous  enlever  Augufte  ? 

Et  fans  égard  aux  biens  qu'il  prépare  aux  mortels^, 

Si  jeune  Tappeller  à  Thonneur  des  autels  ? 

Il  n'eft  pas  encore  tems  ^  la  juftice  bannie  , 

Le  crime  autorise ,  la  licence  -  impunie  »- 

Les  Cinglantes  foreurs  de  Belîone  &de  Mars,' 

Les  champs  al>andonnez ,  les  Laboureursjépars  $ 

Tant  de  forfaits  nouveaux ,  de  vols  ^  de  parricides  j 

De  Peuples xévoltez,  &  d'Alliez  perfides  ; 

De  TEufrate  &  du  Rhin  les  armemens^divers^ 

Prêts  à  fondre  for  nous  des  bouts  de  l*Univerf  , 

Nq  le  rendent- ils  pas  ici-bas  néceflaire  ? 

Il  n'a  pas  accompli  les  chofes  qu'il  doit  faire; 

Ce  u'eft  que  dans  l'orage  au  milieu  des  rochers  i 

Que  1  on  connoît  l'adrefle  &  le  coeur  des  Nochersi} 

Dit    L  I  y  X  s    IL 

AvsntMges  du  Prhtemf* 

TcHfr- renaît  au  Printems ,  au  Prîntems  tout 
boutonne  : 
la  terre  eft  en  amour ,  (on  fcin  s'ouvre  Scgroflit 
Aux  premières  faveurs  dont  le  Ciel  Tattendrit» 
Une  fécondé  pluye  en  fa  maffe  épanchée  » 
Alimente  des  fruits  la  femence  cachée» 
L'air  retentit  du  cha^t  des  amoureux  oifeauzj 


i}i       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

La  joycufe  Venus  ranime  les  troupeaux  ; 
ftjà*.TiN.  L^  humides  Zéphirs  de  leurs  douces  haleines  $ 

font  germer  de  nos  champs  les  fpacieufes  plaines 
Tout  fe  réchauffe  enfin ,  tout  brûle  d'enfancer  j 
D'une  douce  liqueur  tout  fe  (ènt  humedker. 
Le  Soleil  eft  plus  beau  .  les  forêts  reverdiffcnt  $ 
L'herbe  tendre  paroit ,  les  Aeurs  s'épanouiflcnt  : 
La  vigne  ne  craint  plus  les  Autant pluviear» 
Ni  des  froids  Aquilons  le  foufHe  injurieux  ;. ' 
5dq  pampre  s'élargit ,  &  k  bourgeon  s'efotce 
De  rompre  la  priCbn  de  ùl  prefTahte  écor'ce* 
Ou  je  me  trompe ,  ou  tels  furent  les  premiers  joaiS 
Qii^  du  tems  fugitif  commencèrent  le  cours* 
Oui  >  le  Printems  ouvroit  ûl  brillante  carrière  > 
Quand  le  bétail  nai/Tant  fefpira  la  lumière  i  ■ 
€^e  les  hommes  cruels ,  au  fer  accoutumez  , 
Jucent  de  toutes  parts  fur  la  terre  femcz, 
Dans  la  voûte  du  Ciel  les  étoiles  placées  , 
Et  dans  le  fond  des  bois  les  bêtes  dirperfées; 
Tout  étoit  tendre  encor  dans  ce  jeune  Uni  vers.  j. 
Rien  n'eût  pu  foutcnîr  la  rigueur  dés  H  y  vers. 
Ni  du  brûlant  Eté  Tardcur  immodérée  : 
La  dureté  de  l'un  par  l'autre  tempérée  , 
Eatretenoit  dans  l'air  un  calme  frais  &  doux  , 
Pour  qui  même  les^  vents  fufpcndoicnt  leur  cottN 


LIVRE    XII.  1^9 

m 

Bonheur  de  U  vie  champêtre, 

Hieareux ,  cent  fois  heureux ,  ceux  qui  loin  dé  la 

guerre  y 
Ne  (ongent  aujourd'hui  qu'à  cultiver  la  terre  l 

Que  leur  deftin  eft  doux  s'ils  goûtent  leur  bonheur  j 

Et  méprifent  des  Cours  la  crompeufe  grandeur  1 

II  eft  vrai  que  chez  eux  ».  aux  heures  d'audience  « 

On  [ne  trouve  jamais  Timportune  affluence 

D'un  peuple  interrefTé  »  qui  des  le  point  du  jour 

S'einprefle  vainement  de  leur  faire  la  cour. 

Ils  n'ont  point  de  palais  de  fuperbe  ftruduce , 

Ni  de  lambris  ornez  de  fçavante  peinture , 

Point  d'habits  parfumez  de  fufpe^les  odeurs  , 

De  fucs  AflTyriens  empruntans  les  couleurs  ^ 

Point  d'équipages  vains ,  de  fuites  magnifiques 

D'e(ciaves ,  de  valets  ennemis  domcftiques. 

Ils  ont  en  récompenfe  une  fécurité  y 

Que  fonde  de  leurs  mœurs  la  commune  équité  : 

Ni  trompeurs ,  ni  trompez ,  fans  haine ,  fans  envie  » 

Dans  rhonnéte  loitir  d^une  innocence  vie. 

Riches  de  mille  biens  enfin  que  n'ont-ils  pas  ? 

Leurs  champs  font  plantureux,  leurs  pâturages  gras  : 

Ils  ont  des  lacs ,  des  prez ,  des  grotes ,  des  fontaines^ 

Des  troupeaux  mugiffans ,  des  rivières ,  des  plaines> 

Des  bétes  dans  leurs  parcs ,  des  poiffons  dans  leurs 

eaux  i 

Us  dorment  à  leur  aife  à  l'ombre  des  ormeaux  .* 


Ma&ti: 


140      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


La  Jcuncflc  travaille,  &  la  Vicillcflc  prie 


bfAKïiN.  La  piété  chez  eux  en  tout  tems  efl:  chérie  : 

On  y  rend  les  honneurs  qui  font  dus  aux  aateb» 
Ils  furent  en  un  mot  les  derniers  des  mortels  « 
Chez  qui  préceà  s'enfuir  dans  la  voûte  étoilée» 
Se  retira  long  tems  la  Juftice  exilée;. 

Champs ,  agréables  champs ,  vos  bois  &  vos  fini- 
taines 
Régleront  déformais  mes  plaifîrs  8c  mes  peines  r 
Je  cueillerai  vos  fleurs ,  vivrai  de  votre  fruit  « 
Content  d*étre  éloigné  de  la  gleire  &  du  bruit. 
Que  ne  fuis- je  déjà  Car  les  bords  du  Sperchie  » 
Dans  les  champs  de  la  Thrace  ou  de  la  Theflalie  ! 
Que  ne  fuis-je  fur  THceme ,  ou  dans  les  frais  va- 
lons 
Qui  s'étendent  au  pied  de  ces  fertiles  monts  ? 
Qui  conduira  mes  pas  fur  la  croupe  od  s'écarte 
Le  troupeau  vagabond  des  Bacchantes  de  Sparte?  • 
Que  fait-on  dans  la  ville,  &  quels  font  nos  em* 
plois  ? 
Y  vit-bn  aujourd'hui  comme  on  fit  antrefbis  ? 
Les  uns  fuivant  de  Mars  le  métier  homicide  ,. 
Et  recherchant  des  Rois  la  faveur  peu  (blide» 
Ne  fongent  qu'à  forcer  des  murs  &  dès  remparts^ 
Et  même  dans  la  paix  vont  trouver  les  hazards  : 
Les  autres  du  fpedade  en  tout  tems  idolâtres  , 
Vont  d a  Théâtre  au  Cirque  ,  &  du  Cirque  aai 
Théâtres  -, 

le 


LIVRE    XI I.  X4I 


Et  confumant  leur  vie  après  de  vains  plaifirs« 
Sont  toujours  occupez  d'iuuciles  défirs  :  M  art; 

D'autres  conrans  des  mers  les  plaines  dangereu(ès , 
Dans  le  foin  d'enrichir  leurs  familles  nombreufès. 
Ceux-ci ,  pleins  de  foupçons ,  enterrent  Icun  tré- 
Ibrs  } 

Ceux'là  pour  en  avoir  tentent  mille  reflbrts  : 

Vnn  pille  le  Public ,  l'autre  vole  fon  père  \ 

L'autre  trempe  (es  mains  dans  le  fang  de  (on  frère. 

Et  pouffé  des  fureurs  d'un  remords  fans  pareil , 

Va  terminer  (es  jours  (bus  un  autre  foleil. 

L'innocent  Laboureur  dans  fa  peine  afliduë'  » 

Remet  tout  fon  efpoir  au  foc  de  fa  charuè'. 

Recueille  tous  les  ans  le  fruit  de  fon  travail. 

En  nourrit  fa  maifbn  »  en  nourrie  fon  bétail.. 

On  ne  voit  point  chez  lui  de  richeffe  enviée  « 

De  longue  pauvreté,  de  mi(ére  oubliée. 

Rome  &  (es  intérêts  >  la  chûcc  des  Etats  > 

L'Iftre  ScTEuphrate  armez  ne  l'embaraffent  pas  \ 

L'or  »  inftniment  fatal  des  haines  fraternelles , 

Ne  loi  caufa  jamais  ni  haines  ni  querelles  \ 

Il  ignore  les  noms  de  Greffe  &  de  Barreau  > 

Et  pour  lui  le  Palais  eft  un  monde  nouveau. 

Aflèz  content  des  biens  que  d'une  main  égale 

Di(pen(è  à  fes  enfans  la  Terre  libérale  , 

n  eft  riche  en  pacage ,  il  eft  riche  en  agneaux , 

Il  (çait  renouveller  tous  les  ans  fes  troupeaux  : 

L'hiver  pour  lui  n'eft  pas  une  (kifon  oKîve  % 
Tome  JIL  X 


'Il 


142       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


T  II  prcffc  en  ce  tcms-là  la  fucculcntc  olive , 
N.  Mec  fes  pourceaux  au  gland,  entame  (on  fumier. 
Dépouille  des  forets  le  myrte  &  le  cormier. 
Il  faic  tondre  en  éii.  les  terres  labourées  » 
Gémir  fous  le  fléau  les  javelles  dorées  : 
L'Automne  Tenrichic ,  &  lui  donne  des  ftaitf , 
Qvie  de  l'été  brûlant  les  folcils  ont  recuits^ 
Attendant  que  le  ciel  fur  les  crotipes  vinea(ès  » 
Achevé  de  mûrir  les  grapes  pateflèufes. 
Ses  aifiiables  en  fans  rcmbraffent  tour  à  tour  ^ 
W  goûte  les  plaifîrs  d'un  innocent  amour  : 
Il  aime  à  voir  aux  champs  ,  les  mammelles 

dantes , 
Paître  Iç  lopg  des  bois  les  génîdès  errantes  ; 
Les  agneaux  bondiffans  fur  l'herbage  fauter  , 
£t  les  boucs  ennemis  des  cornes  fè  heurter.. 
Il  prépare  des  jeux ,  cii  le  Pafleur  difpute 
Le  prix  ambitieux  de  Tare  ou  de  la  lute. 
Les  antiques  Sabins  en  ufercnt  aînfî  : 
Remus  étoit  Palpeur,  &  Romulus  aulfi. 
Ceft  par-là  que  l'on  vit  5  accroître  TEtruric* 
Par-là  que  s'élevant  fur  toute  l'Hcfpéric  , 
Rome  devint  l'amour  des  hommes  &  des  Dieux» 
£t  renferma  fept  monts  dans  fes  murs  glorieax.. 


LIVRE    XII. 


Mî 


Dor    L  i  y  :it  B    III. 
QuMUtex,  naturelles  à  un  bon  cheval. 

Son  allure  cft  ai  fée  ,^&  (on  porc  orgueilleux. 
Il  franchit  le  premier  les  endroits  périlleux  : 
Il  o(è  le  premier  des  rivières  rapides 
Traverfer  en  nageant  les  campagnes  liquides  9 

Tenter  des  ponts  mal  (urs  les  chemins  inconnus  i 
Et  marcher  fur  le  front  des  précipices  nuds. 
Incapable  de  crainte  &  de  vaines  allarmes , 
S'il  s*anime  &  s'émeut ,  ce  n*eft  qu'au  bruit  dei 

armes  : 
Les  clairons  que  de  loin  11  entend  retentir* 
Lui  font  dre&r  l'oreille ,  il  brûle  de  (brtir  ^ 
Impatient  d'aller  ou  la  gloire  l'appelle , 
\\  bat  du  pied  ,  le  feu  dans  fes  yeux  étincelle  « 
Et  (brt  à  gros  bouillons  de  fes  nafeaux  ouverts  2 
Le  regard  menaçant ,  des  yeux  ou  noin  ou  verds» 
Un  rein  double  >  la  taille  &  haute  &  traverfée  « 
Le  jarret  arrondi ,  la  cuiiTe  retroufTée  » 
'  Les  crins  épais  &  longs  fur  l'épaule  âocans , 
\Jn  poitrail  plein  de  nerfs ,  &  de  mufcles  fortans^ 
La  croupe  large  8c  grofTe  >  &  la  tête  petite , 
De  ce  noble  animal  nous  marquent  le  mérite, 
Joînts-y  la  corne  dure ,  &  le  front  étoile  , 
Le  poil  où  rouge  ou  noir,  ou  l'alefan  brûlé  % 


Maj 


i46      BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 
La  triftc  brebis  bêle  i  à  fes  gémiflemcns 


KTiN.  ^^  mêlent  du  taureau  les  longs  mugiflcmcns. 

Que  vous  fert  -  il ,  hélas  !  compagnons    de  nos 

peines , 

D*avoir  porté  le  joug ,  &  labouré  nos  plaines  ?  • 

Les  remèdes  nouveaux  font  d'un  foible  fecoars  | 

L'art  provoque  le  mal ,  loin  d'arrêter  Ton  cours^ 


L  I  V  R  E     X  l  I.  i4r 

A  peine  de  la  corne  cfReurant  les  Tablons  « 

Plus  vice  qae  T Autan  &  c|ue  les  Aquilons^  Mar 

Tout  efi  fujet  à  V^unour, 

Tout  aime ,  de  1* Amour  tout  fuit  les  do^ucés  loir, 
Ce  qui  nage  dans  l'eau ,  ce  qui  court  dans  les  bois  ^ 
Les  hommes  >  les  troupeaux ,  les  animaux  fauvagcs» 
Les  oifeaux  revêtus  de  difTérens  plumages  \ 
Tout  aime ,  tout  eft  plein  des  charmantes  fureurs 
Que  (bn  flambeau  fans  cedc  allume  dans  les  cœursw 
Alors  plus  que  jamais  la  tigreflc  ed  farouche  \ 
Jamais  de  plus  de  fang  elle  ne  teint  fa  bouche  \ 
Jamais  tant  dr carnage  &  d'horreur  à  la  fois 
N'étale  la  licmne  errance  dans  les  bois  \ 
Jamais  l'outfr  ne  quête  avec  plus  de  furie  : 
Malheur  à  qui  s'égare  alors  dans  la  Lybie  t 

Ravage  cauféfar  la  pefte» 

Une  corruption  qui  des  boucs  de  i'Egypce 

Pafiâ  jusqu'aux  confins  du  Gérule  &  du  Scyche  , 

Infêâa  tout  à  coup  d'un  mal  concagieux  , 

L'air ,  les  eaux  »  les  forces ,  &  les  fruics  de  ces  lieux  ', 

,  Et  pendant  mie  automne  étendit  fes  ravages 

Sur  l'innocent  bétail  >  &  les  béces  fauvages.. 

L  oi(êau  fendant  les  airs  y  trouve  le  trépas  ^ 

Le  vol  le  plus  léger  ne  l'en  garantit  pas  ; 

La  vipère  fc  cache  en  des  crous  inutiles  ; 

Les  ferpens  étonnez  demeurent  iounobiles.. 

Xi^ 


i46      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

La  trifte  brebis  bêle  *,  à  Tes  gémifTeniens 

kATiN.  ^c  mêlent  du  taureau  les  longs  muginfemens. 

Que  TOUS  fert  -  Il ,  hélas  !  compagnons   de  nos 

peines  » 

D*aYoir  porté  le  joug ,  &  labouré  nos  plaines  ?  • 

Les  xemedes  nouveaux  font  d'un  foible  fecours^ 

L'art  provoque  le  mal ,  loin  d'arrêter  fon  cours« 


LIVRE     XI  L  14^ 


Conçu  chez  les  Bretons  »  il  naquît  en  Touraiat. 
Aujourd'hui  prés  d'Egmont ,  &  le  jour  &  la  nuit  #    Mu-i 
Il  médite  avec  moi  loin  du  monde  &  du  bruit. 
£ncends-le ,  c'efl  l'ami  de  la  Philo&phie. 
Elle  dit  &  s'envole  i  &  Christine  ravie  » 
Avide  de  fçavoir  »  ne  croit  pas  que  jamais 
Elle  pujfTe  aflêz  tôt  le  voir  €n  Cod  palais. 
Cependant  enchaïué  du  plaifir  de  l'étude  « 
Jouiflant  de  lui-même  &  de  la  folitude  « 
Le  Sage  en  ce  repos  voudroit  bien  perfifter  % 
Mais  aux  loix  d'une  Reine  il  ne  peut  réfifter.' 
Tu  quittes  pour  jamais  ta  charmante  retraite  , 
Grand  Homme  ;  alnfi  le  veut  du  Ciel  la  voix  fecrete» 
Pour  inftruire  une  Reine  il  s'avance  à  grand  pas» 
Croit  aller  à  la  gloire  &  court  à  fon  trépas.  . 
Il  arrive,  &  déjà  l'attentive  Christine 
Reçoit  avidement  ùl  (blide  doârine  s 
Ecoute  avec  tranfpon  le  fyftéme  nouveau  ^ 
S*en  fert  heureufement  de  guide  &de  flambeau  i 
Et  pour  avoir  le  tems  de  l'écouter  encore , 
Retranche  fon  fommeil  &  devance  l'Aurore. 
Enfin  par  des  (entiers  inconnus  jufqu'alors , 
Elle  voit  la  Nature  8c  connoît  (es  refTons. 
On  dit  qu'en  ce  moment  la  Nature  étonnée  t 
Se  (entant  découvrir  en  parut  indignée. 
Téméraire  mortel ,  efprit  audacieux» 
Apprends  qu'impunément  on  ne  voit  point  les 
Dieux. 


150       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


leDes-  Telle  que  dans  un  bain  ,  fiere  &  belle  Diane  , 
k&TES.   Vous  parûtes  aux  yeux  d'un  trop  hardi  profane  » 
Quand  cet  heureux  témoin  de  vos  divins  appai  » 
Paya  ce  beau  moment  par  un  afiTreaz  trépas. 
Telle  aux  yeux  de  René  fe  voyant  découverte 
La  Nature  s'irrite  &  conjure  (à  perte  , 
£t  d'un  torrent  d'humeurs  qu'elle  pofte  au  cervcaoi 
Accable  ce  grand  Homme ,  &  le  met  au  tonibeaa. 

Si  l'on  ne  veut  pas  recevoir  une  caa(ê  fi  po&iqm 

de  la  mort  de  M.  Defcartes  «  en  voici  une  antn 

meilleure  pour  la  profe ,  &  qui  eft  plus  vraifèmbh 

bte.  L'heure  &  le  lieu  que  la  Reine  lui  avoir  don» 

pour  l'entendre ,  étoit  à  cinq  heures  du  oiatiii  dan 

fa  Bibliothèque  :  c'e(l-à-dire,  en  Suéde  ,  dans  1 

fond  de  Thlver ,  cinq  ou  fix  heures  avant  le  jour 

tems  tout  enfemble  fort  honorable  Bc  foR  incom 

fi\pde  pour  le  Philofophe  né  «  comme  il  le  diCii 

lui-même,  dans  les  jardins  de  laTouraine.  Il; 

avoir  un  mois  que  cela  continuoit  »  quanj  ill 

trouva  faî(!  d'une  grande  inflammation  de  pool 

mon ,  &  d'une  violente  fièvre  qui  occupoit  le  ca 

veau  par  intervalle.  Udemeucoitchez  M«  Chanu 

I  alors  AmbafTadeur  de  France  :  ils  s'appelloia 

^  frères  «  &  il  y  avoir  eSèâivement  cntr'eux  une  am 

tié  ancienne  ,  fîncere&  fraternelle.  M.  Chanutai 

courut  à  la  chambre  de  (on  ami  avec  les  Méd^ 

cios  de  la  Reine.  Ils  ne  défefpererent  pas  de  ', 


LIVRE     XII.  149 


Conça  chez  les  Bretons  »  il  naquit  en  Touraine. 

Aujourd'hui  prés  d'Egmont ,  &  le  jour  &  la  nuit ,    MlliI 

Il  médite  avec  moi  loin  du  monde  &  du  bruit.  cart. 

Entends-le ,  c'eft  Tami  de  la  Philofbphie. 

Elle  dit  &  s'envole  ^  &  Christine  ravie  i 

Avide  de  (çavoir  >  ne  croit  pas  que  jamais 

Elle  puidè  aflez  tôt  le  voir  «n  fon  palais. 

Cependant  enchanté  du  plaifir  de  Tétude  » 

Jouiflànt  de  lui-même  &  de  la  folitude , 

Le  Sage  en  ce  repos  voudroit  bien  perfifter  1 

Mais  aux  loix  d'une  Reine  il  ne  peut  rédfter.'  * 

Ta  quittes  pour  jamais  ta  charmante  retraire  , 

Grand  Homme  \  ainfi  le  veut  du  Ciel  la  voix  fecrete» 

Pour  Inftruire  une  Reine  il  s'avance  à  grand  pas» 

Croit  aller  à  la  gloire  &  court  à  (on  trépas.  , 

Il  arrive,  &  déjà  l'attentive  Christine 

Reçoit  avidement  fa  (blide  doârine  y 

Ecorne  ^ycc  tranfpon  le  fyftême  nouveau  ^         * 

S'en  (crt  heureutèment  de  guide  &de  flambeau  i 

Et  pour  avoir  le  tems  de  l'écouter  encore , 

Retranche  fon  fommeil  &  devance  l'Aurore. 

Enfin  par  des  (entiers  inconnus  jufqu'alors , 

Elle  voit  la  Nature  8c  connoît  (es  icSons. 

On  dit  qu'en  ce  moment  la  Nature  étonnée  t 

Se  (entant  découvrir  en  parut  indignée. 

Téméraire  mortel ,  efprit  audacieux , 

Apprends  qu'impunément  on  ne  voit  point  les 
Dieux. 


150       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


.leDes-  Telle  que  dans  un  bain  ,  fiere  &  belle  Diane , 
iRTES.   Vous  parûtes  aux  yeux  d'un  trop  hardi  profane , 
Quand  cet  heureux  témoin  de  vos  divins  appu  ^ 
Paya  ce  beau  moment  par  un  affreux  trépas. 
Telle  aux  yeux  de  René  fe  voyant  découverte 
La  Nature  s'irrite  &  conjure  fa  perte , 
£t  d*un  torrent  d'humeurs  qu'elle  porte  au  cerveau* 
Accable  ce  grand  Homme ,  &  le  met  au  tom'beaa.  : 

SI  l'on  ne  veut  pas  recevoir  une  caufè  û  poétique 
de  la  mort  de  M.  Defcartes ,  en  voici  une  auttt 
meilleUFe  pour  la  profe ,  &  qui  eft  plus  vraifèmbla* 
ble.  L'heure  &  le  lieu  que  la  Reine  lui  avoit  donné 
pour  l'entendre ,  étoit  à  cinq  heures  du  matin  dans 
fa  Bibliothèque  :  c'e(l-à-dlre,  en  Suéde  ,  dans  le 
fond  de  l'hiver ,  cinq  qu  fîx  heures  avant  le  jour  ^ 
tems  tout  enfemble  fort  honorable  &  fort  incom* 
fi\pde  pour  le  Philo fophe  né  »  comme  il  le  diCiii 
lui-même  ,  dans  les  jardins  de  la  Touraine.  Il  y 
avoit  un  mois  que  cela  continuoit ,  quanà  il  Cb 
trouva  fai(!  d'une  grande  inflammation  de  poul- 
mon ,  &  d'une  violente  fièvre  qui  occupoic  le  cet* 
veau  par  intervalle.  Udemeuroit  chez  M«  Chanoe» 
alors  AmbafTadeur  de  France  :  ils  s'appelloleot 
frères  «  &  il  y  avoit  eSè^bivement  entr'eux  une  ami« 
tié  ancienne  ,  fîncere  &  fraternelle.  M.  Chanuc  zot 
courut  à  la  chambre  de  fon  ami  avec  les  Médé-* 
cinsde  la  Reine.  Us  ne  défefpererent  pas  de  le 


L  I  V  R  E    X  1 1.  i|i 

rir  \  mais  le  malade  jugea  quil  écoh  frappé  à 
t.  Cette  pen(2e  ne  Véconna  point  j  au  contraire  Mlle  Du 
ditltofa  à  ce  grand  pafTage  avec  un  recueille-    ^'^^''■*» 
it  d'efprit  fort  paifible.  Le  matin  il  fentît  de 
ides  douleurs  ;  mais  pendant  plus  d'une  heure 
en  interrompit  pas  fon  filence  :  à  la  fin  on  l'en-  ' 
lit  (bnpirer  &  fe  plaindre.  Quand  cela  eut  duré  ' 
Lquetems>  M.  Chanutqui  avolt  pafTé  lanuîc  ' 
:  lui  >  jugea  à  propos  de  l'interrompre  pour  dé- 
lier l'âme  du  malade  de  la  petifée  de  (es  dou- 

9 1  il  s'approcha  6c  d'une  voix  baffe  6c  douce  lai 

• 

Quoi  toujours  des  cris  5c  des  plaintes  1 

Un  peu  de  mal  vous  furprend-il  \ 

Et  par  unefprit  trop  fubtil 

Le  prévenez-vous  par  vos  craintes  ? 
n  ppuvez-votts  (oufFrir  les  premières  acteinteS| 
reus  étonnez- vous  à  l'afpeâ  du  péril  ? 

N'oublions  jamais ,  mon  cher  firere  % 

Que  la  douleur  6c  la  mifére , 

Du  corps  mortel  que  nous  avons , 

Et  ile  la  terre  od  nous  vivons , 

Sont  l'appanage  nécefTaire. 

C'eft  un  tribut  que  nous  devons  ; 
idoos-lc  librement ,  6c  fuivons  fans  murmure 

La  conduite  de  la  Nature. 
ecft  bonne i  elle eft  fage ,  6c  Tes  riches  préfcnsi 


■i 


154      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

fpéculations ,  qu'elles  la  retirent  picfqoe  eotiat- 
LLE  Dis-  ment  des  Impredîons  que  lai  peoc  donner  le  corpl; 
;art£s.    ^  (^c  2  écé  mon  étude  pendjuic  tonte  ma  vie. 

Même  au  milieu  des  maoz  dont  ce  corpi  cft  b 

proye , 
Si  j'ofe  l'avouer ,  je  goûte  qaelqae  joye. 
Je  fens  avec  plaifir  que  mon  ame  à  l'écart 
Voit  les  maux  de  mon  corps  &  n'y  prend  pqioti 

part  ; 
Que  la  Phllofophie  en  mon  coeur  cnltiTée» 
Jufques  à  ce  haut  point  a  mon  ame  élcric  i 
Quavant  que  de  la  mort  je  fente  les  efforts  y 
Mon  efprit  eft  déjà  (éparé  de  mon  corps. 
Mais  de  tous  les  fecours ,  (çcours  le  plus  (blide  « 
Au  chemin  des  douleurs  j*ai  l'Homnoe-Dka  jM 

guide. 
Je  connois  que  Dieu  même  au  tounaent  Tint  ^a^ 

frir , 
Que  pour  nous  il  Ce  fit  un  plaifir  de  rnoorir^ 
Et  je  mutmurerois  de  ce  peu  que  j'endure» 
Moi ,  fils  de  la  poudîere  «  &  vile  créature  I 
Non  »  j*atte(le  ce  Dieu  qui  m'écoute  au)onrd'haii 
Que  c'eil  avec  plaifir  que  je  marche  après  luL 
Qu'il  redouble  mes  maux  avec  ma  patience^ 
Afin  que  de  plus  près  j'imite  fa  fbaffirance. 
Qu'il  livre  cette  chair  aux  maux  les  plus  craeby 
Qu'elle  fouffre ,  s'il  veut ,  des  to^rmcDS  étcrocbj 


MlleD 


L  I  V  R  E    X  I  L  155 

filoog  tcms*  Si  la  matière  fubcile  paflant  &xepar- 
£inc  fans  ccHc  au  travers  des  corps  les  plus  dars 
CQ  coleye  à  la  fin  quelque  partie  folide  ^  à  plus 
^rte  raifon  le  fera-t*il  dans  le  corps  des  animaux. 

Ce  qu'elle  fait  dans  Tor  »  dans  le  fçt,  dans  les 
arbrc5  » 
Dans  les  rochers  &  dans  les  marbres , 
Ke  fbufFrirairje  pas  qu'elle  le  fafTe  en  moi  ? 
Serai-je  (cul  au  monde  exempt  de  cette  loi  ?  • 
Pour  mes  cris  ,  la  douleur  les  tire  de  ma  bouche , 
Coiiime  les  fons  du  luth  qu'une  adroite  main  touche. 
Ce  n*eft|>asmoi  qui  crie,  &  mon  corps  feulement 
Sans  moi  »  fans  mon  aveu ,  k  plaint  de  mon  tour- 

Je  rends  grâces  à  la  Nature  , 
Qui  Gins  me  donner  lieu  du  plus  léger  murmure , 
U(ant  de  tous  fes  droits  , 
Pouvoir  redoubler  mille  fois 
'Toutes  les  peines  que  j'endure. 

Mais, ponrfuivit-fl ,  qucnqu'il  foit  de  i'inftituticin  . 
de  Dieu  »  quand  il  unit  notre  ame  à  une  portion  de 
maxlcTC  ,  qu'à  l'occafion  de  cenains  mouvemens 
dans  le  corps ,  11  naiffe  nécefTairement  dans  notre 
e(prk  des  (èntimens  vifs  que  Ton  appelle  douleur  : 
cependant  il  eft  au  pouvoir  des  hommes  d'appli- 
quer jcurs  âmes  à  de  fi  hautes  &  de  ii  admirables 


iSS       BIBLIOTHEQUE    FOETIQUE. 
£h  !  j'aarois  donc  vécu  bien  înadlemenc» 


Il  LE  Des-  Si  je  n  avois  appris  à  moarirun  momeiic. 

CARTES. 

M.    C  H  A  N  U  T. 

Vous  me  voyez  faifi^'une  extrême  crifleflè  : 
Je  vois  ce  que  je  perds ,  U  j'y  penfe  (ans  ceflè. 
Mais  me  trouverez- vous  rai(bnnable  en  ce  p<nnt| 
Je  me  pleure  moi-même  U  ne  vous  pleare  jpoint  : 
Votre  carrière  eft  belle ,  elle  eft  digne  d'envie , 
Comme  un  grand  Conquérant  au  fonir  de  la  vie. 
Vous  laifTcz  TUnlvers  rempli  de  votre  nom  : 
Combien  de  Rois  au  monde  auront  moins  de  K- 

nom  ! 
Vous  ne  mourrez  pas  tout  :  de  FoublI  garantle« 
Toujours  vivra  de  vous  une  illnftre  partie. 
Tant  que  Thomme  voudra  Gi  raKbn  cultiver , 
Vos  écrits  de  la  mort  fçauront  fe  préferver  : 
Mais  c*e(l  moi  que  je  plains  ^  fcul ,  crifte  «  inOM* 

folable , 
Comment  réparerai- je  une  perte  (èmblable! 

M.  D  E  s  c  A  R  T  I  t. 

L*ab(ènce  fera  courte ,  &  nous  nous  rejolndroqs.1 
Au  célcftc  féjoiir  nous  nous  retrouverons. 
Là  dans  (on  vrai  pays  mon  ame  libre  9c  pore  y 
Sans  jcttcr  déformais  les  ycui  fur  la  Namre  » 
Verra  bien -tôt  en  Dieu  qui  lui  donne  la  loi. 
Qui  le  doit  cmp oicei  des  Anciens  ou  de  moi. 

Jl 


LIVRE    XI  I.  tss 

t 

Pourvu  qae  fur  mon  ame  il  jette  an  œil  propice  » 

Mon  cceur  ayec  plaifir  lui  fait  ce  facrifice.  Mlle  Di 

CAB.TI9 

En  cet  endroit  M.  Defcartes  (èmbla  vouloir  (c 
repofer  >  (bit  qu*ii  fut  fatigué  d'un  fi  long  enthou-* 
fia(me>  ou  que  fes  douleurs  rempéchàflent  de 
continuer  s  &  ce  ne  fut  que  quelques  heures  après 
que  vpyapt  M.  Cnanut  9  qui  un  peu  éloigné  de 
lui  ne  pouvoir  retenir  fes  larmes ,  il  Tappella  Se 
lui  tendant  la  main ,  lui  dit  : 

£te$-vous  étonné  de  voir  mourir  des  hommes  ? 
Mofk  frçre ,  ayezrvous  donc  oublié  qui  nous  (bm- 

mes  ? 
£b  l  que  fàîs^ je  aujourd'hui quobéir  à  mon  Cott , 
£t  remplir  mon  deftin  qui  me  doit  à  la  mort  ? 
Ceofinitez  que  je  paye  à  cette  heure  dernière 
Ce  que  je  dûs  dès-lors  que  je  vis  la  lutpiere. 
Payons  de  bonne  grâce  :  &  n'efl-ce  pas  affez  , 
Pour  en  iêtrc  content ,  que  dix  luftres  paffcz  ? 
Moins  longs  furent  les  jours  du  Vainqueur  de 

TAfiej 
L'Homme- Dieu  vécut  moins,  la  fourçe  delà  vie  : 

Lui  par  qui  tout  fubfifle  ,  enfin  lui  qui  vécut 

Arbitre  de  fon  fort  autant  qu  il  le  voulut. 

Ainfi  par  la  vertu  &  non  par  la  durée , 

Notre  vie  ici*bas  doit  étic  mcfuiçe  : 


ZS6       BIBLIOTHEQUE    BOETIQUE. 
Eh  !  j'aurois  donc  vécu  bien  inucilemenc  » 


Illr  Des-  Si  je  n'avois  appris  à  mourir  un  momeiic» 

CARTES. 

M.     C  H  A  N  U  T. 

Vous  me  voyez  faifî^'une  extrtme  trifteflè  : 
Je  vois  ce  que  je  perds  >  &  j*y  penfe  (ans  cefle. 
Mais  me  trouverez- vous  raifonnable  en  ce  point, 
Je  me  pleure  moi-même  &  ne  vous  pleure  point  : 
Votre  carrière  eft  belle  ,  elle  eft  digne  d'envie , 
Comme  un  grand  Conquérant  au  fonir  de  la  vie, 
Vous  laifTcz  TUnlvers  rempli  de  votre  nom  : 
Combien  de  Rois  au  monde  auront  moins  de  le- 

nom  ! 
Vous  ne  mourrez  pas  tout  :  de  l'oubli  garanticj 
Toujours  vivra  de  vous  une  illuftre  partie. 
Tant  que  Thomme  voudra  (k  rai(bn  cultiver  y 
Vos  écrits  de  la  mort  fçauront  fe  préferver  : 
Mais  c*e(l  moi  que  je  plains  -y  feul  ,  trifte  »  incoiH 

(blable , 
Comment  réparerai- je  une  perte  femblablei 

M.  Descartes. 

L'ab{ènce  fera  courte ,  &  nous  nous  rejoindrons! 
Au  célefte  féjour  nous  nous  retrouverons. 
Là  dans  (on  vrai  pays  mon  amc  libre  &  pure, 
Sans  jcttcr  déformais  les  yeux  fur  la  Nature  « 
Verra  bien  -tôt  en  Dieu  qui  lui  donne  la  loi . 
Qui  le  doit  emporter  des  Anciens  ou  de  moi. 

Il 


LIVRE    Xi  L  257 

Je  vais  voir  décider  la  caufe  d«  atomes  ,  

La  madère  première  &  fes  divers  fymptômcs ,        M  l  l e  D 

IjCS  formes  d'Àriftoce  &  tous  fes  acçidens  ,  cakt£ 

Mes  coarbillons  enfin  &  mes  trois  élémensi. 

Qaî  voit  la  vérité ,  voit  d'une  même  vue ,. 

Des  contraires  erreurs  la  foule  confondub*.. 

Mais  je  perds  la  raifbn .  mon  ame  en  ce  faint  lieu > 

Sans  doute  en  voyant  Dieu ,  ne  penfera  qu'à  Dieu* 

A  ces  mots  le  Malade  fe  tut  »  &  après  avoir  em<-. 
braffé  M.  Chanut  avec  tendreiTe  »  &  lui  avoir  dit. 
le  dernier  adieu  >  il  dida  une  lettre  pour  fes  deux, 
frères ,  Confeill'ers  au  Parlement  de  Bretagne  \  ou  y 
çBtr*autres  chofes  «  il  leur  recommande,  de  pour- 
voir à  la  (ttbfiffance  dé  fa  nourrice ,  dont  il  avoit 
toujours  eu  (biapendantfa  vie.  Puis  fe  retournant 
▼ers  (on  Gmfefreur ,  il  paifa  cinq  ou  fiz  heures. 
^u  il  vécut  encore ,  ea  de  continuels  aAes  de  piété. 
&  de  religion. 

L^JOmh^dèM^.  Defcurtts  à  Uadm^ifelU 
de  la  Vigne.. 

m 

Merveille  de  nos  jours,  jeune  &  (âge  Héroïne- j^ 
Qui ,  (bus  les  doux  appas  d*une  beauté  divine  » 
Cachez  tant  de  vertu ,  defpric  &  de  fçavoir  > 
Ne  vous  étonnez  pas  qu'un  Mort  vous  vienne  voîh 
Si  je  pus  autrefois ,  pour  une  jeune  Reine 
Dont  je  connoi(rois  peu  Tàmc  inégale  &  vaine,. 


lyg      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Abandonner  des  lieux  fi  fleuris  &  fi  rerds , 
lXe  Des-  Pour  aller  la  chercher  au  pays  des  hivers  s 

Je  devois  bien  pour  vous  quitter  ces  climats  (om- 
bres * 
Od>  loin  de  la  lumière ,  errent  les  pales  Ombres. 
Quelqn'efpace  entre  nous  que  mettre  le  trépas  > 
Pour  être  auprès  de  vous ,  que  n'entreptcnd^oa  pas  » 
Je  n'ai  pu  vous  entendre  eftimer  mes  euvragcfr, 
£t  vous  voir  »  chaque  jour ,  en  feuilleter  les  pages  » 
Sans  (êntir  en  mon  cœur  tout  ce  qu'on  peut  (èntir 
Dans  le  féjour  glacé  d'où  je  viens  de  partir. 
Depuis  que  de  mes  jours  je  vis  couper  la  trame. 
Aucun  autre  plaifîr  n*avoit  touché  mon  ame  r 
J'apprenoiSa  11  eft  vrai ,  que  phifîeurs  grands  Ef* 

prits 
Lifbient  avec  eftime  &  goûtoient  mes  écrits } 
Mais  je  voyois  toujours  régner  cette  (cience  » 
Ou  plutôt  cette  fiere  Se  pénible  ignorance  » 
Par  qui  >  d'un  vain  fçavoir  placé  mal-à- propos  % 
Un  e^rit  s'accoutume  à  fe  payer  de  moci;   . 
Par  tout  cette  orgueilleufè ,  avec  (on  A  ri  dote  * 
Des  Sf avans  de  ce  tems  eft  encor  la  marote  : 
Tout  ce  qu'on  dit  contre  elle  efl  une  nouveauté  i 
£t  fans  autre  examen  doit  être  rejette  : 

Comme  fi  les  erreurs  ou  furent  ces  grands  Hom<« 
mes , 

Méritoîent  du  refpcft  dans  le  fiédc  oii  nous  fom- 
mes  1 


LIVRE    XII.  '    XS9 

£c  ceffiuic  d*écre  errears  par  leur  antiquité , 
Avoieat  enfin  prefcric  contre  la  vérité.  M  l le  E 

Mais  je  fcns  que  bien-tôt  ce  icms  va  difparoicre  :      CARTI 
Bien-toc  tous  les  Sçavans  me  vont  avoir  pour 

M^re  : 
Tout  fiiivra  votre  exemple ,  6c  par  vous  quelque 

Tatirai  ic  mon  côté  la  Sorbonoe  &  la  Coar. 
Ces  grandes  véricez  »  qui  parurent  nouvelles  » 
ParoîcroBC  déformais  claires  »  foiidcs ,  belles  : 
Tel  Doétear ,  qui  (ans  vous  n*auroic  jamais  cédé} 
Des  que  vous  parlerez  ,  fera  perfuadé^. 
Quand  la  vérité  (brt  d*une  bouche  audi  belle  » 
Elle  force  biea^tôt  i'efprit  le  plus  rebelle  : 
Et  manqua» t-on  jamais  à  la  faire  goûter  » 
Lor(qa'avec  tant  de  grâce  on  fe  fait  écouter  ?  • 
J'apperçois  nos  deux  noms  >  toujours  joints  l'un  2 
l'autre  » 

» 

Porter  chez  nos  neyeux  ma  gloire  ^ec  la  vôtre  ; 
Et  j'entends  déjà  dire  en  cent  climats  divers  » 
Oefcartes  &  la  Vigne  ont  inflruic  TUnivers...» 

B:if0nfi  Ae  MademoifeHe  dfi  U  Vigne  i  tOmbrê 

de  Defcétrtes» 

8i  j'o(bis ,  grand  Génie ,  en  croire  vos  paroles , 
Ombre ,  fi  vos  fermens  n'étoient  toujours  frivoles  » 
Quel  efpoir  flateroit  mon  cfprir  &  mon  coeur  î 
Que  je  me  promectrois  de  fcience  &  d*honneut  1 

Y  îi 


^6o    BIBLIOTffEQC/E  POETIQC/E. 

7e  verrois  par  mes  foins  la  vieille  erreur  détruite  i 
LLi  Des-  L'Ecolfr,  avec  la  Cour>  heureufcment  indruicc} 

AltT£S 

£c  tout  le  monde  enfin  ,  par  ma  voix  excité  » 
Dans  vos  doâes  Ecrits  chercher  la  vérité. 
£n  vain  me  âatez- vous  d'une  telle  promeflè  y 
J'y  répondrai  fore  mal  >  je  connois  ma  foibleflè} 
Je  n*ai  aun  vieux  Dodeur ,  ni  l'air ,  ni  les  façons  « 
£t  ne  me  (èns  point  propre  à  donner  des  leçons. 
Aux  grandes  véritez  je  puis  céder  faas  peiné }  - . 
Mais  de  les  débiter  je  ne  fuis  pasiî  vainc..  ;: 

Jç  lai/fe  à  nos  Sçavans  l'art  de  les  étaler  « .    ■. 
Et  je  ne  les  apprends  que  pour  n'en  point  parIer«M; 


LIVR  £    X  I  I  I.  1^5 

Sévérité  de  tsmi ,  fréférskle  M$tx  comfUifênces 

dupUêur. 

Que  j'aime  d*un  ami  le  langage  fivére  1 
Que  je  hais  le  difcours  flatteur 
D*un  e(clave ,  d*un  impoflear , 
Qui  me  trompe  en  voulant  me  plaire  \ 
Perfide ,  loin  de  m'éclairer , 
Tu  ne  cherches  qu'à  m'égarer 
Par  tes  difcours  bibles  &  lâches  % 
Ta  me  livres  la  guerre  en  m'annonçant  la  paix  \ 
Les  véritez  que  tu  me  caches 
Sont  des  larcins  que  tu  me  &is.  > 

Vdches  i$vJif$s ,  ditrûmfex.  k  f  berne  de  U  mcrt^ 

Que  je  plains^  le  fort  des  avares 

A  qui  l'avide  fbif  des  biens 
Fournit  pour  s'enrichir  mille  nouveaux  moyens  > 

Toujours  injuftes  &  barbares  l 
Leur  richefle  ne  fait  qu'irriter  leurs  défîrs  > 
Ils  ne  goûtent  jamais  de  (blides  plaifirs  \ 


Louis  9  qui  fCtnt  fdmdis  Jté^d»^ 
Mf  ieuxjêtmes  Héri  dvtc  uni  Héroïne» 
Tant  de  mdtiere  CT*  tant  de  choix. 
En  fept  vers  fui  d'iute  tkrdde  > 
C'efi  meurt  plus  que  tlUdde 
Dont  uue  coquille  dt  noix, 

t  ïAeliord  ftmt  vnherd  dUigtnùs  >  quim  ofitdd  yUndiefI* 
th.  Prov. 


%6%       BIBLIOTHEQUE    POETiQUE. 

Iestu.  ^^  9  ^^  ^^  tomber  dans  une  langueur  qui  le 
mit  hors  d'état  de  s'appliquer  davantage  à 
aucune  étude  férieufe..  Le  Public  a  toujours 
fedt  cas  des  Poëfies  de  AL  F  Abbé  Testu*  j 
cependant  un  fameux  Critique  de  nos 
jours  femble  avoir  aflfèfté  d'en  parler  avec 
jnépris.  N'auroit-ikpas  confondu  notre 
'  Auteur  avec  un  autre  Abbé  Teftu ,  dît 
de  Mauroi  >  dont  le  nom  &  les  vers  font 
publiez  depuis  long  tems  f 

Smr  U  nmffknce  de  M,,  le  Dt$c  de  Benrgegiti» 

Yj  u  Fils ,  du  Pcrc  &  du  Grand- Pcrc 
Célébrons  le  bonheur  en  ce  ban(]aec  >  fanieaz. 
Qoe  le  Grand-Pere  e(l  grand  !  que  le  Fils  cft  hea* 
reuxi 

Du  Petit-Fils  il  n*e(l  rien-quon  n'c(pexe  : 
n  aura  les  vertus  &  rcfpric  de  fa  Mère. 
Qu'il  étonnera  nos  Neveux , 
^  S'il  trouve  encor  des  conquêtes  à  faire  t 

I  chez  Maiame  U  Duchedê  de  Richelieu ,  où  M .  l'Abbé 
Testu  ,  animé  par  la  joye  des  Convives  >  fie  fur  le  champ 
même  ce  Madrigal. 

1  Mademolfelle  de  Scudery  fie  à  l'occafion  de  cet  is« 
^ompcu  Us  veis  fui  vans  : 

Il  fdHt  une  adreffe  divine 
J^our  Umr  dans  un  M^drigél , 


LIVRE    X  I  I  I. 


i6^ 


Sivmti  êk  tsm ,  fréfirâhU  é$$tx  comflmifMnces 

dtifiMteur. 

Qp2  j*a!me  d*un  ami  le  langage  Civéxc  l 
Que  je  hais  le  difcours  flatteur 
D*un  efclave ,  d*un  impoflear , 
Qui  me  trompe  en  voulant  me  plaire  l 
Perfide,. loin  de  m'éelairer, 
Tu  ne  cherches  qu'à  m*égarer 
Par  tes  difcours  foibles  &  lâches  ^ 
Tu  SIC  livres  la  guerre  en  m'annonçant  la  paix  t 
Les  véritez  que  tu  me  caches 
^       Sont  des  larcins  que  tu  me  fais.  > 

BJehes  svsres ,  dhromfex.  à  f  heure  de  U  mort» 

Que  je  plains^  le  fort  des  avares 

A  ^i  l'avide  fbif  des  biens 
Fournit  pour  sr'enricbir  mille  nouveaux  moyens  j 

Toujours  injuftes  &  barbares  1 
Leur  richefle  ne  fait  qu'irriter  leurs  défirs  -, 
Us  ne  goûtent  jamais  de  (biides  plaifîrs  ; 


Testw,, 


Lovis  )  ^Mt  n'eut  jamais  ftegd,, 
Xi  dettx' jeunes  Héros  avec  une  Héroïne, 
Tant  de  matière  V  tant  de  choix ^ 
£»  fe^  vers  tout  dune  tirade  > 
C'efi  mettre  plus  que  ^Iliade 
Dans  une  coquille  de  noix» 

1  lieliora  funt  vnheTa  diligerttis  >  ijuàm  ofitda  yUndiefI* 
^«.Prov. 


J 


2^4    BIBL10THE(IUE  POETKll 

Toujours  quelque  (buci  les  range 

i'ESTU.     £c  lorfque  la  mort  vient  dlffiper  leur  (bmim 

Ces  fra^les  créfors  qu'ils  poiTédoicnt  en  (bnj 

Echappent  de  leurs  mains  au  cems  de  leur  ré* 

Littre  *  fur  les  conquêtes  de  Louis  XI 

Dans  le  cems  que  les  Zépliks 
Se  levant  avec  l'Aurore ,  ■ 
Renouvellent  leurs  Couples- 
Pour  le  fervice  de  Flore  : 

Que  tout  l'Olympe  fe  dore  ; 
Et  qu'aux  inirôcens  plaifirs 

Mille  fleurs  qu'on  voie  éclore.. 
Invitent  cous  les  défîrs.:. 

Je  penfbls  au  bord  de  Loire 
Que  la  plus  brillante  gloire 
N«  valoir  pas  mon  repos  j 

Et  mon  audace  éteic  celle  >. 
Que  je  plaignois  les  Héros 
Qui  ne  vivent  que  pour  elle. 

rétois  dans  ce  moment  tout  occupé  db  b 


I  Dàrmi  erunt  fomnum  ftmm  ,  &f  Mil  ruveturu 
%>m  diiùtUrHm  in  mAmbus  fnis,  l'fal. 

t  Cette  Lctcrc  fur  écriic  àz  U  campagne  i  une  pcr 
U  Cour,  *  **  ' 


LIVRE    XII  I.  zar 


m 


Par  tout  ou  ce  grand  courage 

Voudra  répandre  l'orage  ,  Xtsru 

Il  trouvera  tout  fournis  ; 
£t  pour  lui  faire  la  guerre  , 
Dans  quel  endroit  de  la  terre 
Aura-t'il  des  ennemis  ? 

Rien  n'efl  égal  à  fa  gloire  : 
Je  vais  par  tout  TUnivcrs 
Travailler  à  faire  croire 
Tant  d*évcnemens  divers. 
Mais  toi ,  quitte  ce  rivage , 
£t  fans  languir  davantage 

Dans  un  fî  fbmbre  repos  » 
Va  fur  les  bords  de  la  Seine 
Chanter ,  à  perte  d'haleine» 
Cet  invincible  Héros, 

À  ces  mots  la  DéefTe  difparat.  J'eusbeau  la  fiiivre 
-des  yeux  à  la  trace  de  quelques  rayons  qu'elle  laifTa 
derrière  elle ,  je  la  perdis  de  vue  ,  8c  je  fentis  dans 
ce  moment  qu'elle  emportoit  avec  elle  toute  ma 
joye  &  tout  mon  repos.  Quoi  donc  ?  m*écriai-jc 
alors ,  fcra-t-il  dit  que  je  languirai  dans  ce  défère , 
&  que  je  vivrai  pour  moi  feui ,  fans  prendre  parc 
à  la  gloire  d'un  fi  grand  Prince ,  dans  le  tcms  que 
Tout  l'Univers  applaudit  à  fcs  vi<^oircs  i 

2ij 


11^6    BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

£ûc  o(2  former  reiiTie 
^*^ï'u-  Dç  cueillir  tant  de  lauriers  \ 

Les  plus  fuperbes  rWieres 
Cèdent  aux  loiz  du  Vainqueur  « 
£t  font  de  fbibles  barrières 
Pour  arrêter  ce  grand  conir. 
Le  Rhin  qui  roule  fès  ondct 
Orgueilleufès  &  profondes  » 
Et. tous  ks  flots  mutinez; 
5ont  un  rempart  inutile 
Qui  ne  peut  feryir  d'azile 
Aux  Bataves  étonnez. 

Ceux  que  Tintérét  engage 
Avec  ces  peuplés  mutins, 
LaifTent  crever  le  nuage 
Sans  irriter  les  Deftins. 
Ils  (ont  témoins  de  la  gloire 
£t  refpeâent  la  viâoire 
De  ce  Héros  fans  pareil  : 
Le  Lion  craint  fa  menace. 
Et  l'Aigle  n'a  pas  l'audace 
De  regarder  ce  Soleil. 

Quelle  digue  eft  aflez forte, 
Et  qui  peut  (è  garantir 
De  l'ardeur  qui  letranfporte» 
S'il  veut  la  £iire  fcntir  ? 


LIVRE    XII  I.  Z6J 


Par  tout  ou  ce  grand  courage 

Voudra  répandre  l'orage  ,  T*stu 

Il  trouvera  tout  fournis  ^ 
£t  pour  lui  faire  la  guerre  , 
Dans  quel  endroit  de  la  terre 
Aura-t'll  des  ennemis  > 

Rien  n'efl  égal  à  fa  gloire  : 
Je  vais  par  tout  TUnivcrs 
Travailler  à  faire  croire 
Tant  d'évencmens  divers. 
Mais  toi ,  quitte  ce  rivage , 
£t  fans  languir  davantage 

Dans  un  Ci  fombre  repos  » 
Va  fur  les  bords  de  la  Seine 
-Chanter ,  à  pêne  d'haleine  » 
Cet  invincible  Héros. 

•A  ces  mots  la  Déeffe  difparat.  J*eusbeau  la  fuivre 
*des  yeux  à  la  trace  de  quelques  rayons  qu'elle  laifTa 
derrière  elle ,  je  la  perdis  de  vue  ,  Se  je  fentis  dans 
ce  moment  qu'elle  emportoit  avec  elle  toute  ma 
joye  &  tout  mon  ïepos»  Quoi  donc  ?  m*écriai-jc 
alors ,  fera 't -il  dit  que  je  languirai  dans  ce  dé&rt , 
&  que.  je  vivrai  pour  moi  feul ,  fans  prendre  parc 
-à  la  gloire  d'un  G.  grand  Prince ,  dans  le  tems  que 
^uc  l'Univers  applaudit  à  (es  vi<^oires  i 

2  il 


i.eîS       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ce  peofer  m*accabla  d'une  (bp:ibre.trifl:cflè.: 
Xe^tu«  £c  mon  cœur  en  fut  abbatu  : 

-Ce  que  jufgues  ici  j*avois  pris  pour  verra  , 
Me  parut  iaogueur  &  moUefle. 

Ce  féjour  o)i  j'avols.trouvé  tant  de  charmes  »  com. 
mence  à  me  devenir  odieux.  Je  n*ai  plus  de  goftc 
pour  le  fîlence  de  mes  bpis  *  &  je  me  dis  à  toute . 
heure,  qu'il  e(l  honteux  de  fuir  le  monde ,  quand 
il  a  de  fî  grandes  .cho(cs  à  nous  faire  voir. 

Plus  je  médite  &  je  confulte^ 
fAzlgré  ce  qu'autrefois  tous  les  Sages  ont  dit  ; 
Plus  je  tiens  qu'il  eft  beau  de  fe  plaire  au  tumulte, 
^Quand  un  Conquérait  fait  ce.tumuhe'&ce  bruîc 

^aîs  encore  quel  Conquérant ,  qui  commence  4c 
achevé  fcs  conquêtes  pre(qu'en  même  tems  l 

Ainfi  des  hautes  montagnes 
Tombe  un  torrept  furieux  » 
Qui  ravageant  les  campagnes 
Se  fait  pafTage  en  tous  lieux. 
D'une  cçurfe  û  rapide 
Le  vaillante  le  timide 
Ont  une  égale  terreur  : 
Tout  cède  à  fa  violence  « 
Hus  on  lui  fait  réfiflance  « 
Tl\xs  jon  rcffcnt  fa  fureur.. 


£  ï  V  R  E    XI  IL  169 

A  me  (etiible  que  je  n  ai  plu)  rien  à  dire  aux  ar- 
fires  8c  aux  rochers ,  que  j*entretfcnois  autrefois 
atec  tatit  de  plaidr  :  6c  je  né  trouve  plus  rien  qui 
xhë  puifTe  plaire  fur  les  bords  de  la  Loire,  dcpufs 
que  j'ai  entendu  dire  ce  qui  s'eftpaiTé  fur  les  bords- 
«1  Rhiii*. 

Le  criflal  d'une  fontaine  >- 
Le  brillant  éclat  des  fleurs  , 
Ne  m'échaufFent  plus  la  veine'^ 
Ma  Mufè  m'appelle  ailleurs. 

De  Flore  ni  du  Zéphire , 
De  l'Aurore  &  de  fcs  pleurs , 
Je  n'occupe  plus  ma  lyre  -, . 
Ma  Mufe  m'appelle  ailleurs. 

Que  la  Nymphe  Echo  foupire 
Et  redife  Ces  douleurs  -, 
J'ai  d'autres  chofes  à  dire , 
Ma  Mu(è  m'appelle  ailleurs. 

Je  Hiis  donc  ré(bla  de  quitter  mon  dé(ert  pour  aller 
m'inflruire  du  détail  de  ces  glorieux  évcnemcns  . 
dont  la  ftule  idée  m'a  rempli  d'admiration  j  mais 
avant  que  d'exécuter  mon  delfcin  ,  je  m'adrc/Te  à 
vous  pour  fçavojr  Ci  le  récit  que  l'on  m'a  fait  cft 
véritable.  Il  y  auroit  de  l'imprudence  à  mo;  de 
■l'-cmbarquer  fur  la  i>arole  d'une  DéefTc,  qai> 


Tes-1 


270      BIBLIOTHEQUE    POETIQIJE. 

comme  vous  fçavex  ,  ne  die  pas  toujours  vrai ,  & 
2STU.  qui  même  dans  cette  occafîon  ne  m*a  rien  dit  de 
vraifemblable.  Mais  n'en  demeurez  pas«là ,  je  vous 
conjure ,  &  ne  penTez  pas  que  je  vous  en  quitte 
pour  me  confirmer  les  nouvelles  que  la  Renommée 
efl  vcnu'é  m*apprendre  dans  ma  folitude.  Mandez* 
moi  en  même  tems  fi  les  autres  chofès  que  1*00- 
m'écrit  tous  les  jours  de  ce  grand  Prince  ,  font  vé- 
'  litables  -,  &  s'il  joint  à  tant  de  qualitez  héroïqaei 
toutes  celles  qui  gagnent  les  cœurs ,  toutes  les  ver- 
tus &  tous  les  agrdmens  de  la  vie  privée. 

Ce  n'efl  pas  (ans  fujet  que  je  tiens  ce  propos. 
Sans  parler  du  fiécle  ou  nous  fommes  » 
Dans  les  fiécles  pafiez  fou  vent  de  grands  Héros 
Ont  été  de  très-petits  hommes. 

il  falloit  entendre  parler  de  leurs  combats  &  de 
leurs  vî<^oires  pour  s'en  former  une  grande  idée. 
Dans  la  vie  civile  &  partout  aillears  ,  c'étoient  des 
hommes  du  commun  qui  fe  rctrouvoient  confen« 
dus  dans  la  foule-  Si  je  m'en  rapporte  aux  relacions 
que  Ton  me  faiï  tous  les  jours ,  il  n'en  eft  pas  ainfi 
de  notre  Héros  :  il  n'a  pas  besoin  d'ctfe  regarda 
dans  une  certaine  didance  -,  plus  on  l'approche  ^ 
{lus  on  l'admire. 

Son  air  ,  Ton  abord  cns-i^e  , 


fi   n^ 


Il  plak ,  il  charme  3  il  furprend  : 


LIVRE    XIII.  zjy 


UEternel  a  pris  naifTance , 

UImpaffible  cft  tourmenté  ; . .  "^^"^^ 

Le  Verbe  e(l  dans  le  fîlence  » 

Et  le  Soleil  fans  clarté. 

Les  divines  Prophéties 
S'expjlqnenedansce  moment  >■ 
Et  (ont  bien^tôt  éctaircles 
Par  ce  mervellleax  Enfant. 
Une  Mère  Vierge  &  pure , 
En  bannit  robfcurité  : 
Les  ombres  &  la  figure 
Font  place  à  la  vérité. 

Bergers  ,  qui  >  d'un  (bîn  fidéfe  v . 
Avez  l'oeil  fur  vos  troupeaux , 
A  cette  grande  nouvelle 
Accordez  vos  chalumeaux  : . 
Chantez  des  Hymnes  (àcréet^ 
Pour  ce  divin  Rédempteur , . 
Qui  des  brebis  égarées 
£(l  le  fouverainPafteur. 

Pour  bri(èr  toutes  nos  chaîner , . 
Il  s*eft  mis  dans  les  liens  « 
£ts*e(l  chargé  Je  nos  peines 
Pour  nous  combler  de  fes  biens  : 
Celui  devant  qui  les  Anges 
Tremblent  écerneilemeut , 


174       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


Eft  enfermé  dans  des  langes 
£STCf«  Sous  la  forme  d'un  enfant. 

Ne  tardez  point  *  allez  ,  Mages  y 
A  cet  Enfant  glorieux 
Faire  de  juftes  hommages 
De  vos  tréfors  précieux  : 
Suivez  l'aftrc  favorable 
Qui  luit  pour  vous  éclairer  r 
Allez  voir  dans  un  étabic 
Le  Dieu  qu'il  faut  adorer. 

Jadis  Adim,  par  (on  crime,. 
Avoic  rciiié  notre  fort  : 
Le  Monde  étoit  la  vidlimc 
Du  démon  &  de  la  mort. 
Mais .  ô  faute  falutaire  I 
€rimc  illuftre  &  glorieux  , 
Qui  nous  donne  un  Dieu  pour  Frcrc  > 
Et  qui  fait  les  hommes  Dieux  l 

Dieu  ne  nous  a  faits  que  pour  lui ,  ^  nous  nefow* 
vons  trouver  quen  lui  feul  notre  repos. 

C'est  un  effet  de  ta  juftice 
Que  le  pécheur  qui  fuit  le  monde  &  Ces  appas* 
N*aime  jamais  rien  ici-bas 
Qui  ne  dcvienae  fou  fupgUce;^ 


LIVRE    X  I  I  L  zyy 

L!Eternel  a  pris  naifTance , 
L'lmpa(fible.eft  tourmenté  ; . . 
Le  Verbe  e(l  dans  le  fîlence  > 
£c  le  Soleil  (ans  clarté. 

Les  divines  Prophéties 
S^expjiqrrent  dans  ce  moment  >■ 
Et  (ont  bien^tôt  éct^ircies 
Par  ce  merveilleux  Enfant. 
Une  Mère  Vierge  &  pure , 
En  bannît  Ibbfcurité  : 
tes  ombres  &  la  figure 
ïbnt  place  à  la  vérité. 

Bergers  ,  qui  »  d'un  (bîn  fidèle , . 
Avez  Tœil  fiir  vos  troupeaux  , 
A  cette  grande  nouvelle 
Accordez  vos  chalumeaux  : 
Chantez  des  Hymnes  facréer. 
Pour  ce  divin  Rédempteur  ^ . 
Qui  des  brebis  égarées 
Eft  le  fouverainPafteur. 

Pour  brifer  toutes  nos  chaîner, . 
U  s  eft  mis-dans  les  liens  y 
Ets*eft  chargé  de  nos  peines 
Pour  nous  combler  de  fcs  biens  ; 
Celui  devant  qui  les  Anges 
Treiablent  éternellemeuc  ^ . 


TfiETtJ 


274       BIBLIOTHEQUE    POETIÇ 

£(1  enfermé  dans  des  langes 
ïisiu^  5ous  la  forme  d'un  enfaoc 

Ne  cardez  poiac ,  allez  «  M 
A  cet  Enfant  glorieux 
Faire  de  judes  hommages 
De  vos  créfbrs  précieux  : 
Suivez  ladre  favorable 
Qui  luit  pour  vous  éclairer  r 
Allez  voir  dans  un  érable 
Le  Dieu  qu'il  faut  adorer. 

Jadis  Adam,  par  Con  crime,. 
Avoir  ré.i!c  notre  fort  : 
Le  Monde  écoit  la  victime- 
Du  démon  &  de  la  mon. 
Mais,  ô faute  fàlutairel 
Crime  illudre  &  glorieux , 
Qui  nous  donne  un  Dieu  pour  ] 
£c  qui  fait  les  hommes  Dieux  •' 

Dieu  ne  nous  a  faits  que  peur  lui  ,  (^  n^m 
vons  trouver  qu'en  lui  feul  notre  repi 

Cest  un  effet  de  ta  juftice 
Qttc  le  pécheur  qui  fuit  le  monde  &  fes  ap 
N'aime  jamais  rien  ici-bas 
Qui  ne  dcvicnac  faa  fupplicc. 


LIVRE     X  I  I  J. 


^77 


ODE. 

'Malhetir  de  U  Guerre. 

C'Onr ART, quan^ -finiront  ces  gacrws  obfti- 
nécs , 
Qui  depuis  deux  fois  dix  années 
Coûtent  tant  de  pleurs.à  nos  yeux  ? 
'-Entendrons- nous  toujours  Taigre  Ton  des  trom- 
pettes ? 

Et  les  douces  mufettes 
Sont-elles  pour  jamais  abfentes  de  ces  lieux  \ 

.Les  obfcures  forêts  &les  antres  humides ., 
Four  cacher  nos  Bergers  timides., 
Ont  à-peine  afTez  de  buiffons  : 
De  chardons  hérlfTcz  nos  plaines  font  couvertes  ^ 

Et, nos  granges  djifertes 
Attendent  vainement  le  retour  des  moiflbns. 

De  combien  de  châteaux  &  de  citez  fuperbes 
A-t  on  mis  à  l'égal  des  herbes 
Les  murs  jufqu'aux  aftres  montez  i 
Que  le  glaive  en  nos  champs  a  fait  de  cimetieresl 
Et  combien  nos  rivières 
vîi  mêler  de  fang  à  Icuis  flots  argentez  l 

'y  son  fantôme  d'honneur  .c*eft  f  our  toi  que  Tépéc^ 
Sans  ccifc  au  maifacre  occupée , 


178      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

A  mis  rant  de  gaerriers  à  bas  : 
VI  A  u-    C'efipour  toi  qu'au  mépris  des  plus  mortelles  arma 
^  °  '  ^*  Ils  volent  aux  allarmes , 

Et  femblent  navoir  peuc  que de^ne  mourir  pa& 

Etrange  aveuglement  à  la  race  des  hommes! 
Pourquoi ,  malheureux  que  nous  (bmines, 
Avancer  là  fin  de  nos  jours  ? 
D'od  fc  forme  en  nos  cœurs  cette  brutale  envie 

D'abréger  une  vie 
Dont  le  plus  long  efpace  a  des  termes  fî  courts? 

La  Mort  de  fcs  rigueurs  ne  difpenfe  perfenoc: 
L'augufle  éclat  d'une  couronne 
Ne  peut  en  exempter  les  Rois  : 
N'efpére  pas ,  Conr  art  ,  que  ton  mérite  cxtrfflKs 

Ni  la  Mufe  qui  t*aime 
Te  mettent  à  couvert  de  (es  fatales  {oli;. 

Ta  fagcfle ,  il  efl:  vrai ,  fait  honneur  à  notre  igCi 
Mais  de  quelque  rare  avantage 
Dont  un  mortel  (bit  revêtu  » 
Son  terme  efl  limité  ^  le  Nocher  de  la  Parque, 

Dans  une  même  barque 
PafTe  indifféremment  le  vice  &  la  vertu» 


L  I  V  R  E     X  I  I  L  277 

ODE. 

,'Malhetêr  de  U  Guerre. 

CONliART,quaa(i  fiiilronc  ces  gacrces  obfti* 
nées , 
Qui  depuis  deux  fois  dix  iinnécs 
Coûtent  cane  de  pleiirs.à  nos  yeux  ? 
<£nrepdrQns*iioiis  toujours  l'aigre  Ton  des  trom- 
pettes;? 

Et  les  douces  mufettes 
Sont-elles  pour  jamais  abfentes  de  ces  lieux  \ 

Xfis  obfcures  forêts  &les  antres  humides , 
:^Qur  cacher  nos  Bergers  timides., 
Ont  à-peine  afTez  de  buiffons  : 
De  chardons  hérlfTcz  nos  plaines  font  couvertes  ^ 

Et, nos  granges  déferces 
Attendent  .vainement  le  retour  des  moifTons. 

De  combien  de  châteaux  &  de  citez  fuperbes 
A-t  on  mis  à  l'égal  des  herbes 
Les  murs  jufqu'aax  aftrcs  montez  i 
^ue  le  glaive  en  nos  champs  a  fait  de  cimetières 2 

Et  combien  nos  rivières 
^  vu  mêler  de  fang  à  l&uis.flots  argentez  ! 

Vain  fantôme  d'honneur  .c*eft  f  our  toi  que  Tépéc^ 
.i^Aus  ccife  aa  maifacre  occupée , 


M  AU- 
CR o I  X 


:  K.  o  X  X. 


178     BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

A  mis  tant  de  gaerriers  à  bas  : 
M  A  u-    Ccftpour  toi  qu'au  mépris  des  plus  morcelles  arme 

Ils  Yolcnc  aux  allarmes , 
Et  Semblent  n'avoir  peur  que  de -ne  monrlr  pas» 

Etrange  aveuglement  à  la  race  des  hommes  I 
Pourquoi ,  malheureux  que  nous  (bmmcs 
Avancer  là  fin  de  nos  jours  ? 
D'où  fe  forme  en  nos  cœurs  cette  brutale  envie 

D'abréger  une  vie 
Dont  le  plus  long  efpace  a  des  termes  fi  courts  \ 

La  Mort  de  fès  rigueurs  ne  difpen(è  perfbnnc: 
L'augufle  éclat  d'une  couronne 
Ne  peut  en  exempter  les  Rois  : 
Kcrpére  pas ,  Conr  art  ,  que  ton  mérite  cztrfmci 

Ni  la  Mu(c  qui  t'aime 
Te  mettent  à  couvert  de  fcs  fatales  loir. 

Ta  fageflc ,  il  eft  vrai ,  fait  honneur  à  notre  ige^ 
Maïs  de  quelque  rare  avantage 
Dont  un  mortel  (bit  revêtu , 
Son  terme  eft  limité  j  le  Nocher  de  la  Parque, 

Dans  une  même  barque 
Vz&  Indifiércmment  le  vice  &  la  vertu. 


M 


LIVRE    XII  I.  279 

fâ»  Ami  qui  'mtéloit  rengager  kfe  marier,  1 

Ami  *  je  vois  beaucoup  ic  bien  c  r  o 

Dans  le  parti  qu'on  me  propoCè  ; 
Mais  coucefois  ne  prefTons  rien  »  ^ 

Prendre  femme  cft  étrange  cho(è  ; 
Il  faut  y  pen(èr  mûrement. 
Gens  fages ,  en  qui  je  me  fîe  , 
M*onc  die  que  c'eft  fait  prudemment 
Que  d'y  peafer  toute  ùl  vie. 


^  de  Mauchoxx  étant  venu  fort  jeune  à.  Paris ,  fuivic 
rreaa  jufqu-â  Tâge  de  trente  ans.  On  voulut  alors  l'en- 
'  â  fe  marier  j  mais  au  grand  étonnement  de  tous  Tes 
,.  il  prit  l'habit  Ecclé/iaftique ,  &  fut  auiC.tôt  pourvâ 
CanomcaCjSc  d*un  Prieuré. 


^iii§<i9 


wM-UÊmammmmimai 


i8i       BIBmOTHEQUE    POETIQUE. 

^  Qac.jc  Cctok  heureux  d'y  borner  mon  envie  l 
A  Fossx»  Mais  que  je  crains ,  belle  SiWie  , 

Quun  jour  je  ne  veuille  être  aimé! 

A  U  même- 

Vous  m'ordonnez  devons  écrire  , 
Mais  votre  libre  humeur  cjai  ne  cherche  qu'à  ri; 
Yeux  qu* un  (lile  enjoué  vous  exprime  mes  feux^ 
Pour  facis  faire  votre  envie  , 
Rendez-moi  donc,  belle  Silvie  , 
Plus  content ,  ou  moins  amoureux. 

Sur  ttne  belle  voix  i^  de  bwMHxytuXm 

En  vain  dune  amoureufe  flamme 
la  raî(bn  devant  vous  (bnge  à  garder  une  ame } 
Votre  voix ,  belle  Iris ,  par  les  foins  les  plus  doa 
îi)dort  fa  vigilance  ,&  trompe  Ces  allarmes  » 
Tandis  que  vos  yeux  pleins  de  charme 
Percent  nos  cœurs  de  mille  coups. 

A  la  mime  y  en  lui  tnMj/Mnt  tUsfieuts* 

AuFRi's  de  votre  teint ,  dont  l'éclat  eft  fi  doa 
r  C;:s  fleurs  vont  voir  d'abord  tout  leur  éclat  s 

icindre  : 

Mais  ,  belle  Iris ,  qui  peut  les  plnindre 
Ilks  vont  mourir  près  de  vous. . 


L  I  V  R  E    X  1  I  I,  18} 

Jaloufie. 


Quel  chagria  me  fai(ît  !  que  mon  ameeft trou- 
blée 1 

Iris  va  dans  une  aflemblée  » 
Oii  mon  Rival  Tatcend  ,  &  fuirra  tous  fes  pas» 
n  n*cn  eft  point  aimé ,  û  j'en  crois  cette  Belle  (< 

Mais  le  bonheur  d'être  auprès  d'elle 
Doit-il  être  pour  ceux  qu'elle  n'écoute  pas  ? 

Sur  un  TêftTMit* 

Telle  fut  celle  dont  les  chnrmes 
Mirent  toute  la  Grèce  en  armes. 
Trop  heureux  le  Beiger  qui  fut  (on  favori  ! 
Mais  (I  la  belle  Grecque  eut  eu  cet  air  modefte  > 
Paris  à  (à  Patrie  eût  été  moins  funefle  -, 
Le  refpeéfc  l'eût  fait  taire ,  &  lui  fcul  eût  péri. 

Le  bonheur  inutile. 

Devant  moi  Taimable  Clîmene 
Ne  montre  que  froideur ,  &  me  regarde  à  peioc. 
Loin  de  moi  j'apprends  que  fon  coeur 
Rend  à  mes  feux  plus  de  juftice. 
Amour ,  (bufTres-tu  ce  caprice  \ 
Ne  fera  s-tu  jamais  préfeoc  à  mon  bonhcor  ^ 


A  a  ij 


FoSSEii 


184    BlBLlOTHEqUE   PŒTIQU^. 

Sur  r Amour  f^  la  Foritutê^ 

I  O  Deftin  des  mortels  !  ô  mifîfre  infinie  ! 
le  Ciel  f  des  le  premier  jufques  au  dernier  jour  * 
Nous  foumet  à  la  tyrannie 
De  la  Fortune ,  ou  de  l'Amour.- 
L'Âmour  eft  un  enfaat ,  la  Fortune  une  femme  t 

Tous  deux  font  aveugles  &  fous  : 
Tous  deux  changent  (ans  cefle  &  de  vî(age&  d*anie. 
Sous  deux  Maîtres  pareils  quels  biens  trouverions 
nous  i 

Sur  Bidon. 

DiDON ,  tes  deux  maris  te  comblent  de  doulcatk 
le  premier  meurt  »  tu  fbisvlc  fécond  fuit,  tu  meurs.  ^ 

Sur  Us  foriraits  de  MadéntoifitlU.CtérâJtw.. 

Par  les  mêmes  couleurs  fbn  adreflè  fécondé 
Y  diflingue,  à  fon  choix,  &xe ,  âge ,  brune  •bloiid& 
Douceur, fierté,  {buris, dédain,  joye,  ou lai^iiev^ 
It  fur  l'air  du  vifage  étale  tCMitle.  coçur» 


t  Ce  Madrigal  c(t traduit  de  TEtpagnol  de  Chtifionlll. 
Canilcjo. 

z  On  ne  peut  rendre  plus  Hct^alemeiiE  &  «vec  plwdcfi^ 
ÙSon  ce  diftique  Latin ,  déjà  cité  : 

■ 

JfiftUx  Dido  ,  nuUi  bent  nufta  marif  , 


L  I  V  R  E    X  1  I  I,  18} 


Jaloufii. 


QusL  chagria  me  faifit  !  que  mon  ameeft  trou- 
blée ! 

Iris  va  dans  une  aflemblée  9 
Od  mon  Rival  Tattend ,  &  fuirra  tous  fcs  pasw 
H  n'en  eft  point  aimé ,  fi  j'en  crois  cette  Belle  \ 

Mais  le  bonheur  d'être  auprès  d'elle 
Soit- il  être  pour  ceux  qu'elle  n'écoute  pas  ? 

Sur  un  Pêrtrait» 

Telle  fat  celle  dont  les  charmes 
Mirent  toute  la  Grèce  en  armes. 
Trop  heureux  le  Berger  qui  fut  fon  favori  ! 
Mais  G  la  belle  Grecque  eut  eu  cet  air  modcflc  v 
Paris  à  &  Patrie  eût  été  moins  funefle  -, 
Le  re(peâ  l'eût  fait  taire ,  &  lui  feul  eut  péri. 

Le  bonheur  inutile. 

Devant  moi  Taimable  Climene 
Ke  montre  que  froideur ,  &  me  regarde  à  peine. 
Loin  de  moi  j'apprends  que  fon  coeur 
Rend  à  mes  feux  plus  de  juftice. 
Amour ,  fouffres-tu  ce  caprice } 
I^clêra  s-tu  jamais  préfenc  à  mon  bonheur  ?^ 


A  ai) 


284    BIBLIOTHEQUE   PÇ^ETIi^C/J^. 

-     ■■  --  Sur  r Amour  é^  la  Fortune» 

I-  O  Deftin  des  mortels  !  ô  mifére  infinie  l 
le  Ciel  f  dès  le  premier  jufques  au  dernier  jour  » 
Nous  (bumet  à  la  tyrannie 
De  la  Fortune ,  ou  de  l'Amour.- 
L' Amour  eft  un  enfant ,  la  Fortane  une  femme  i- 

Tous  deux  (ont  aveugles  &  fous  : 
Tous  deux  changent  fans  cefl*e  &  de  yifagc&  d'aroe^ 

Sous  deux  Maîtres  pareils  quels  biens  trouverions» 

BOUS? 

Sur  DUon, 

DiDON ,  tes  deux  maris  te  comblent  dé  douteun^^ 
le  premier  meurt ,  tu  fbis^Ie  fécond  fuie,  tu  meurs.  *- 

Sur  Us  portraits  de  Madémoiftdle.CJséfoit*.. 

Par  les  mêmcç  couleurs  fon  adreflè  fécondé 
Y  diflingue,  à  fon  choix»  Cbxe ,  âge ,  brune  «blonde» 
Douceur, fierté ,  (buris , dédain,  joye,  ou  langaenr }, 
It  fur  Tair  du  vifage  étale  tout  le  ccçur. 


t  Ce  Madtîgaleft  traduit  de  rEfpagnol  de  Chtiftond  de. 
Caflilcjo.. 

1  On  ne  peut  rendre  plus  lictéralemem  &  avec  plus  depil^ 
MiCion  ce  diftique  Laciu ,  déjà  cicé  : 

JjtftUx  Dido  y  nulli  hent  nupta  marito  , 
H9t  JtrtHtUe  friis  f  bçefn^itnre  ^erh. . 


LIVRE    X  1 1  I.  23 


S 


Sur  un  Portrait  du  Roi  »  ^ui  (Tune  mmn  fout ient  un 

globe ,  (J»  de  P autre  une  Eglife.  La  Fqss 

A  rafpeâ  de  ce  front  >  où  Mars  s'efl  peint  luî« 

même , 
France  *  bénis  l'Auteur  de  ta  gloire  (ùprême  % . 

Que  la  crifte  Héréfie  en  pâlifle  d'effroi.- 

Le. voici  et  Héros  qui  I*obllge  à  fè  rendre*; 

Qui  fait,. pour  ton  bonheur,  tout  ce  qu'on  peut 

attendxe 

D'un  Père  »£ùn€lirécien,  d'un  Conquérant»  d^un 

Roi. 

ELEGIE; 

Sur  lesflaifirs  aifez,* 

Ovi'»  Icsplàifirs  aifez  touchent  (èuls  mon  envié  ; 
Pur  eui  iêuls  eft  fondé  lé  bonheur  de  ma-vie. 


•     »  ■ 


cris  de  ces  Amans  >  dont  l'amc  opiniâtre 
^ncre  un  objet  cruel  fait  gloire  de  combattre  j 
^ui  veulent  que  la  glace  irrite  leurs  ardeurs., 
t  go&tent  mieux  un  bien  aflai&nné  de  pleurs*. 
(aiconque  eft  fi  bizarre  aa choix  de  fes  délices» 
k>it  ne  fèpromener  qu'auprès  des  précipices , 
>oîc  n'aimer  le  printems  qu'après  de  longshivers* 
loit ,  au  mépris  des  fleurs ,  dont  nos  f  rez  (onc. 
couverts  >. 


288    BlBLlOTHEqUE    POETIflUEn. 

"Or  y  pou  vois -je  chez  vous  en  g^&cer  les  dou 
^*'  charmes, 

Vous  qui  par  votre  exemple ,  &  par  vos  entrecîeoiy 
Des  tendres  cœurs  ciécrianc  les  liens  « 
Infpirez  encor  vos  allannes 
k  la  jeune  Beauté  mîfe  par  vous  au  jour  > 
£t  lui  mettez  en  main  les  armes  ,. 
Dont  vous  fçavez  vaincre  1*  Amour  \ 
Ccrte  elle  a  fait  (bas  tgctc  empire , 
Un  progrés  bien  digne  de  vous. 
Un  Amant  lui  vient-il ,  d'un  air  (bumis  flrdouxr 
Découvrir  en  tremblant  fbn  amoureux  manyrC) 

Elle  ne  montre  à  fi:s  yeux  nul  chagrin  : 
Mais  elle  le  regarde  avec  un  air  malin  » 
Le  quitte  fans  rien  dire  >.en  hauffiinc  les  épauleSi 
Puis  fe  met  à  chanter,  on  par  un  (auc  badin  • 

Képond  à  fes  difcoars  frivoles. 
J'cnrageol's  de  bon  cœur  de  voir  ainfi  chez  vous 
Condamner  an  penchant  fi  doux» 
Hé  !  qui  t'empéchoit  de  le  faivre  » 
(  Me  direz- vous  ici  )  t'avois-je  pas  donné. 

Un  Amant  avec  qui  vivre-  ? 
Oui ,  le  tour  eft ,  ma  foi ,  d'an  elprit  raffiiié. 
Vous  me  l'aviez  choid  fi  groffier  •  fi  «uftique, 

Qu'on  voyoit  bien  que  votre  envie  uniqir 
Etoit  de  dégoûter  mes  jeunes  fèntimens 
De  Tamour  &  des  amans. 
Et  puis ,  ne  tient  il  qa*à  dire  :  - 


L  I  V  R  E    X  I  I  L  187 

sroit-on  qu'il  fut  un  plus  heureux  dcdin  ? 

j'en  entrecenois ,  fur  les  branches  d'un  hêtre  ,   La-Fossb 

Moineau ,  dont  refprlt  me  parut  fort  moral. 

lis ,  bannis  >  dit- il ,  ce  (buvenir  fatal  ; 

nge  déformais  que  tu  n'as  plus  de  maître. 

eut >  à  moins  de  frais ,  goûter  un  fort  plus  doux. 

;raia  de  chénevi ,  qu'on  trouve  parmi  Therbe , 

£ft  d'un  goût  plus  exquis  pour  nous , 
ces  mets  qu'on  nous  offre  en  un  palais  fuperbe. 
chambre  fort  belle  étoit  l'heureux  féjour 
Il  pouvois  voler  &  jouer  tout  le  jour  : 
Mais  cette  chambre ,  en  fon  enceinte , 

Limitait  ta  courfè  contrainte. 
.  vois  bien  ce  bois  (1  beau ,  û  fpacieux  » 

Ou  tout  me  plaît ,  oir  tout  m'attire  ^ . 

S'il  falloit  que  l'on  me  vînt  dire , 
e  fbrtiras  plus  de  ces  aimables  lieux  , 

Fais- y  pour  jamais  ta  demeure  ^ 

Au(n~tôt  ce  bois  à  mes  yeux 
Ne  paroîtroit  qu'un  féjour  ennuyeux  , 
ne  étroite  prifon  oii  je  mourroîs  fur  l'heure. 
bornes  à  mon  vol  je  ne  veux  que  les  cieux. 

De  ce  difcours ,  je  le  confcfrc , 

Je  goûtai  la  folidité  , 

£t  puis  lorfque  vers  la  tendrefTe 

Ou  fe  trouve  auflî  porté 

Que  les  oifèaux  de  mon  efpece  / 
un  CGCur ,  fans  l'amour ,  point  de  félicicé; 


288    BIBLIOTHEÇIUE    POETIQC/E, 


"   Or  ,  pouvois-je  chez  vous  en  gràcec  les  dons 
iAFo^SE.  charmes-, 

VoQS  qui  par  votive  exemple ,  &  par  vos  cnttecîeiiiy. 
De^  cendres  cœurs  ciécriant  les  liens  « 
Infpirez  encor  vos  allarmes 
A  la  jeune  Beauté  mife  par  vous  au  jour  » 
£t  lui  mettez  en  main  les  armes ,' 
Donc  vous  fçavez  vaincre  l'Amour } 
Cette  elle  a  fait  fous  votre  empire , 
Un  progrès  bi^n  digne  de  vous. 
Un  Amant  lui  vient- il ,  d'un  air  (bumis  Se  doux»- 
Découvrir  en  tremblant  (on  amoureux  manyre  ) 

Elle  ne  montre  à  Ces  yeux  nul  chagrin  : 
Mais  elle  le  regarde  avec  un  air  malin  , 
Le  quitte  (ans  rien  dire,. en  hauilànc  les  épaules. 
Puis  fc  met  à  chanter,  oU'par  un  faut  badin  < 

Képond  à  fes  difconrs  frivoles. 
J'enragcoîs  de  bon  cœur  de  voir  ainfi  chez  vous 
Condamner  un  penchant  fi  doux» 
Hé  !  quit'empéchoit  de  le  fuîvre , 
(  Me  direz- vous  ici  )  t^avois-je  pas  donné- 
Un  Amant  avec  qui  vivre  ? 
Oui ,  le  tour  e(l ,  ma  foi ,  d'un  e(prlc  raffiné. 
Vous  me  l'aviez  choid  Ci  grodîer ,  fi  ruftique, 

Qu'on  voyoit  bien  que  votre  envie  unique- 
Etoit  de  dégoûter  mes  jeunes  femimens 
De  l'amour  &  des  amans. 
Et  puis ,  ne  tient  il  qu'à  dire  : 

VÎK, 


LIVRE    XII  L  185 

:e  >  aimez  cet  amant  qui  vous  aime  aujourd'hui  > 

Et  pour  lui  d'abord  oofoupire  ?  La  Foss 

ne-c'on ,  ou  par  l'ordre  »  ou  parles  yeuK  d'autrui } 
AS  ces  réflexions  j'avois  lame  plongée , 

De  divers  &ucis  rongée , 
and  un  Zéphir ,  fans  doute  envoyé  par  rAmour  « 

Que  j'implorois  chaque  jour  » 
raale  une  fênécre  >  &  l'eut  bien-tôt  ouverte, 
fus  prompte  à  faifîr  l'occafion  offerte. 
yûtSy  ak  fiiivant  dans  le  vague  des  airs  , 
nrive  dans  un  bols ,  ou  des  arbres  divers 
UépaifTe  &  verte  chevelure , 
Le  murmure  des  clairs  ruifleaux» 
tfait  le  plus  beau  lieu  de  toute  la  Nature. 
Dans  tout  je  bols ,  en  un  moment , 
irut  de  b^  en  bec  la  nouvelle  certaine 
il  jrcnoit  d'arriver  une  Parifienne , 

Jeune,  $c  dit-on,  d'un  air  charmant» 
:  bruit  aafC-tôt  des  oi (eaux  de  tout  âge. 
De  tout  (exe ,  de  tout  plumage , 
De  toutes  fortes  de  noms , 
Viennent  de  tous  les  environs*  , 

.On  me  regarde ,  on  m'examine. 
Ils  me  trouvoient  certains  airs  fîns^  touchanSj 
Dans  le  regard ,  dans  le  port ,  dans  la  mine  • 
plis  convenoient  tous  que  Ton  n'a  point  aui^ 

champs, 
iris  fur  leur  louange  une  nouvelle  audace. 
Jmillh  Bb 


x^o      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Je  déployai  mes  aijes  à  leurs  yeux  » 
La  Fosse.  Et  par  un  volingénieax  , 

Dans  les  airs  aufli-câc  je  trace 
Ces  chiffires  amoureux ,  ces  cercles  fi  charmanS| 

Qu'en  un  bal  i  ayec  tant  éc  grâce , 
'  Sçaic  former  votre  fille  au  (on  des  iiiftnimeos. 

Pour  m'applaudlr ,  chacun  battoic  des  aile 
Et  par-  là  je  déplus  beaucoup  à  quelques  Belles. 
Une  allouette  furtouc , 
Voyant  (on  amant  prendre  gouc 
Aux  agrén>ens  de  ma  per(bnne , 
Me  dit  d'un  ton  malin  :  bel  oifean  de  Paris , 
Montrez- nous  quelque  e(Cd  de  votre  voix  m 

gnonne  y 
Du  nouvel  Opéra  n'auriez- vous  rien  appris  ? 
Comme  Ton  (çait ,  celles  de  mon  e(peoe 
Sçavent  mieux  aimer  que  chanter  | 
£t  la  7alou(è  crut ,  trouvant  cette  finefle» 
Que  ma  voix  all.oit  tout  gâter. 
Mais  je  rabatis  biisn  (on  caquet  &  ùt  gloire. 
Je  m'apprêtai ,  je  pris  mon  ton , 
£t  je  leur  chantai  (ans  façon 
Un  air  qui  me  vint  en  mémoire , 
Un  air  tendre  &  touchant  *  que  d'un  génie  «iff 
Votre  fille ,  en  charmes  féconde , 
A  nouvellement  compo(é. 
Que  vous  dirai-je  enfin  ?  Je  ravis  tour  te  CQondc» 
Surprife  &  coafufc  à  la  fols , 


LI  VRE    X  I  I  L  ift 


L*Allottecce  en  perdic  la  yoix , 


Apprenant  par  cette  aranture  £^  p^^j 

Qu'en  moi  vos  foins  heureux  corrigeoient  la  oatore. 
Ceft  ainfi  que  je  fçus  des  hôtes  dé  ce  bols 

Charmer  8c  Toreille  &  la  vue  , 
Et  je  n'y  vécus  pas  long  tems  (ans  £Ure  choix 

D'un  amant  qu'attache  à  mes  lolx 

Une  ardeur  Hncere»  affiduë.... 

Mais  je  fuis  contraifire  à  finir. 

Adieu  >  je  Tapperçois  venir. 

Lis  Etûilis  conjurées  contre  le  SolesL 
/• 

<  Les  aftres  Indignez  de  voir  en  ùl  carrière  i   . 

le  Soleil  étoufièr  leur  plus  vive  lumière  , 

De  l'Univers  charmé  fèul  attirer  les  yeux , 

Nl'aguére,  en  leur  fureur,  troublèrent  tous  les  CleuXt 

Mais  (ortout  Jupiter  enflammé  de  furie  , 

£t  cet  aftre  fameux  qui  luit  fur  l'Hefperie , 

De  la  (SEdltion  donnèrent  le  fignal. 

L'un  ne  veut  point  de  Maître ,  &  l'autre  point  d'égal* 

Tous  demandent  leur  part  aux  honneurs  de  la  Tetre« 

I«*£tivie  au  Ciel  heureux  fait-elle  audî  la  guerre } 

Auffi^tôt  de  grandeur  &  d'éclat  différens , 

De  leurs  cercles  (brtis ,  on  les  voit  tous  errans. 


t  Ce  Po&ne  allégorique  eft  traduit  du  Latin  du  R.  P^ 
Commire. 

Bbii 


LaFosse, 


■  ■  '  — — ^f 

i9t    BIBLIOTHEQUE  POETIQUE. 

Nul  n'eft  plus  fixe  alors.  La  fureur  les  emporte, 
£c  chez  Mercure  accourt  la  brillante  cohorte. 
Le  filence  &  la  ouit  aidoieat  à  leur  deflèin. 
Le  premier  des  poifTons ,  dans  un  traotporc  fimdaia« 
Jetcant  l'œil  fur  fa  queue  encor  toute  brûlée , 
Claies  flambeaux  de  l'Olympe ,  éclatante  aflcmbUe^ 
De  quels  honteux  affronts ,  dit-il  en  gémi/Ianc  • 
Nous  accable  aujourd'hui  le  Soleil  couc-paiflam? 
C*eft  lui  (èul  en  tous  lieux,qu*on  ali|ie,qu'Qn  révéra 
S*il  ne  quitte  le  Cipl ,  qu'y  prétendonsrnoos  faite  \ 
Toi-même ,  Jupiter ,  que  le  plus  hatu  deftin 
Fit  du  Père  des  Dieux  le  fîls  &  le  yoifin ,    - 
Combien  de  fois  »  hélas  i  frappé  de  (à  lumiot  ». 
T'à-t'on  vu  pâliflant  retourner  en  arrière  ? 
Ton  Aigle  >  dont  le  vol  lùivoit  partout  ta  voix  y 
Les  yçux  tournez  vers  lui ,  (èmble  implorer  (es  loiX| 
t>ans  (bn  refpeâ:  rebelle  eft  jaloux  de  la  Terre , 
£t  voudroit  en  fes  mains  remettre  le  tonnerre. 
Et  toi  brillant  Vefper,  bel  aftre ,  à  qui  toujours 
I^*avaQCage  étoit  du  de  devancer  (on  cours, 
Aux  yeuix  de  TOccideut  confus  de  tes  di(graces  # 
Ne  t'affcrvip-il  pas  à  marcher  fur  fes  traces  \ 
C  cd  lui ,  qui  de  la  Lune  obflacle  injurieux, 
Arrêta  tout  à  coup  (on  char  vlârorîeux  , 
Lorfquc  pouffant  plus  loin  (es  limites  fatales* 
M  refferroit  le  cours  des  Etoiles  Auftralei. 
Lf  Bélier  dépouillé  deux  fois  de  fa  toi  (on  • 
Adore  maintenant  fon  pouvoir  ^kvL  obnu 


L  I  V  K  É    X  I  I  I.  X9J 

Aux  antres  ,  aux  rochers  ,  aux  arbres,  aux  fon- 
taines I 
Le$  yeux  noyez  de  pleurs ,  je  raconte  mes  peines. 
£cho  >  feule  (èiiifiblc  à  mes  vifs  déplaifirs , 
Dans  un  antre  yoifîn  imite  mes  (bupirs. 
Souvent  du  haut  d*un  roc  élevé  dans  la  nu<f  > 
Vers  le  vafte  Océan  tournant  ma  trifte  vu'é  > 
Aux  vents  ,  aux  flots  >  aux  Dieux  f adre/Te  ces  dif- 

cours 
Répétez  mille  fois,  &  méprlfez  toujoufs. 

O  vafte  mer ,  &  vous  >  aimables  Néréides  , 
Tortez-rooi  far  les  bords  od  vont  mes  vœux  ra- 
pides : 
Ou  pour  un  malheureux  fi  c*efl  trop  demander , 
Par  un  naufrage  au  moins  que  j'y  puifTe  aborder. 
Combien  de  fois ,  prefl^  de  mes  doule  urs  mortelles  , 
Ai- je  dit  aux  Zéphirs ,  dont  j'envlois  les  ailes  :    . 
Doux  Vents  ,  qui  devez  voir  la  belle  Amaryllis , 
Contez-lui  les  regrets  du  fidèle  Daphnis  ! 
Qu*ain(i  fur  les  rochers  des  hautes  Pyrénées  > 
Ne  fe  brifent  jamais  vos  ailes  fortunées  : 
Quainfi  le  Dieu  du  jour  »  au  gré  de  vos(bahait$  » 
Di/Iipe  devant  vous  les  nuages  épais. 
Combien  de  fois  ,  hélas  l  quand  d'une  aile  rapide  > 
Eurus  y  en  (t  jouant ,  fri(bit  la  plaine  humide  » 
Lui  dis- je,  O  toi  qui  viens  de  Taimable  féjour , 
Od  régne  la  Beauté  pour  qui  je  meurs  d*amour  , 

Dis-moi  >  de  (on  Daphnis  le  fouvient-dle  encore  ? 

B  b  iiij 


k  Fosse. 


194    SIBLIOTHEÇiVE    POETlqUE. 

TltA0UCTION  DE   l'IdILIE  !>£  BuCMAMAHy 

Oformofa  Amarylli ,  ^c, 

1  O  betle  Amaryllis  »  déjà  loin  de  tes  fcta 
Sept  hivers  >  ièpt  étez  m'airrétent  dans  ces  lieoxs 
Mais  j'attefte  d'Amour  la  puifTance  immortdie  r 
Que  ni  de  fepc  hivers  la  froidure  cruelle  • 
Ni  de  fept  longs  écez  la  br&lance  chaleur  » 
£a  changeant  l'Univers  ,  n*oiic  point  changé  mon 

cœur. 
De  mes  tendres  chanfons  coi  feule  es  la  matière» 
Soit  lorfque  le  Soleil  commence  fa  carrière, 
Soit  lor(qu'aa  fond  des  bois  on  fuit  TArdeur  di 

jour  , 
Soit  quand  la  trifle  Nuit  vient  régner  i  fbn  tour) 
£t  quand  tout  eft  caché  (bus  fes  nnages  (ombreTi 
Toujours  je  te  crois  voir  au  travers  de  Ces  oabres  i 
Te  te  parle ,  t'embraffe  ,  &  des  (bnges  charmans 
Retracent  à  mes  yeux  nos  plus  heureux  momens. 
Mais  dès  que  te(bmmeil  a  quitté  ma  paopierey 
Mes^agrlns  renaiflans  ainfi  que  la  iumiett» 
Te  quitte  ma  cabanne  >  &  Cca\  au  fond  des  bois  • 
Guidé  par  ma  douleur  qui  fait  trembler  ma  voix» 

1  Cette  traduâion  du  chef-d^oeuvre  âc  Buchanan»  afet 
bcautez  ;  mais  elle  cft  fort  inférieure  à  celle  que  M.  Richet  ♦ 
h  connu  par  Tes  Fables,  nous  a  donnée  depuia  de  Umêfl» 
Idylle, 


LIVRÉ    X  î  1  h  X9Î 

Aux  antres  »  aux  rochers  ,  aux  arbres  >  aux  fon- 
taines >  La  F 
te$  yeux  noyez  de  pleurs ,  je  raconte  mes  peines. 
Echo  ,  (èule  (èrifiblc  à  mes  vifs  déplaifirs , 
Dans  on  antre  voifin  Imite  mes  (bupirs. 
Souvent  du  haut  d*nn  roc  élevé  dans  la  nuif  > 
Vers  le  vafte  Océan  tournant  ma  trifte  vue , 
Aux  vents ,  aux  flots  >  aux  Dieux  f  adre/Te  ces  dif- 

cours 
Répétez  mille  fois,  &  méprifez  toujoufs. 
O  vafte  mer  »  &  vous  >  aimables  Néréïdes , 
~  Portez-moi  far  les  bords  ou  vont  mes  vœux  ra- 
pides : 
Ou  pour  un  malheureux  fi  c*efl  trop  demander  » 
Par  un  naufrage  au  moins  que  j'y  puifTe  aborder. 
Combien  de  fois  >  prefl^  de  mes  doule  urs  mortelles^ 
AÏ- je  dit  aux  Zéphirs ,  dont  j'enviois  les  ailes  :    . 
Doux  Vents  ,  qui  devez  voir  la  belle  Amaryllis , 
Contez-lui  les  regrets  du  fidèle  Daphnis  ! 
Qu'ainfi  fur  les  rochers  des  hautes  Pyrénées  > 
Ne  fe  bri(ènt  jamais  vos  ailes  fortunées  : 
Qu*ainfi  le  Dieu  du  jour  »  au  gré  de  vos(buhaits  » 
Diffipe  devant  vous  les  nuages  épais. 
Combien  de  fois  ,  hélas  !  quand  d'une  aile  rapide  » 
Eurus  y  en  k  jouant  »  frifoit  la  plaine  humide , 
lui  dis- je,  O  toi  qui  viens  de  Taimable  féjour , 
Où  régne  la  Beauté  pour  qui  je  meurs  d*amour  » 

Dis-moi  >  de  Ton  Daphnis  £è  fouvicnt-dle  encore  ? 

Bbiijj 


1^6       BÎBLIOTÉEQUE    POÉTIQUE. 

Mais  lai,  (ans  répliquer,  plus  fier,  plus  je  Tlmplori» 
Fosss.    D*un  murmure  i nfulcanc  m'eic pliqae  (on  courroux  » 
SVnfuic.  Un  froid  mortel  gface  nioU  cœur  |aloikdi. 
Ainfî  je  me  confume  3  ainfi  Bergers ,  Bergeret  > 
Et  Nymphei  &  S»ylvàins  y  danfant  fur  les  ftKKga^t 
£b  yaîn  penfent  charmer  mes  ennuis  rîgooxeitf^ 
La  belle  Amaryllis  a  feule  cous  mes  yonut. 
Cependant  quoique  trifte ,  errant  «  incon(blabte| 
A  Lycifcjue ,  à  Mélis  j*ai  pu  paroitre  aimable  : 
Lyci(que  ,  dont  on  vante  &  la  dan(è  &  la  yoîx  \ 
Mélis  y  dont  Tefprit  doux  f^ait  faire  aimer  fo  loiX| 
Ibères  toutes  deux ,  riches  SC  dans  on  âge  . 
Qui  du  plus  vif  éclat  fait  briller  un  vifage. 
Leurs  mères  (buhaitant  que  je  lespuilTe  ainitt, 
Les  excitent  fans  ceffe  au  foin  de  me  charmer  $ 
Tandis  que  fécondant  leurs  yeux  &  leurs  careflês» 
Leurs  peret  en  (écret  me  font  mille  promefics  • 
Mepropofênt  pour  dot  cent  brebis ,  cent  ^oeauxi 
Par  moi-même  choifis  dans  leurs  nombreux  troa« 

peaux. 
Mais  ni  ces  cent  agneaux  offerts  avec  leurs  mereS^ 
Ni  les  difcours  flatteurs  de  ces  jeunes  Bergères  > 
Ni  plaintes ,  nipré(èns,  ni  d'autres  biens  promis» 
>ront  pu  tenter  ce  cœur  à  toi  feule  fournis. 
Comme  fur  les  rofeaux  l'emporte  ce  haut  chêne  9 
Le  Printems  (br  l'Hiver,  &  fur  THébre  la  Seine» 
Autant  Amaryllis,  par  Téclatde  fes  yeux, 
Sarpaifej-a  toujours  les  Nymphes  de  ces  lîcuz^ 


LIVRE    XII  1.  2^7 


Somrent  dans  ces  roifleaaz  quegroflîtfent  mes  lar- 
mes 
I^rfoigneare  Mélls  vient  conTalter  (es  charmes , 
Se  teindre  les  cheveux  ,  m'y  tendre  des  liens  y 
Jx  pais  vient  à  mes  yeul  £iire  briller  les  fiens. 
£Ue  croit  bien  me  plaire,  &•  fans  doute  elle  eft  belle/ 
Pourquoi  tous  ces  chagrins  y  infenfé ,  me  dit- elle  ? 
Que  te  fert  chaque  jour  de  verfer  tant  de  pleurs  } 
Kotre  terre  pour  toi  peut  avoir  des  douceurs. 
Prends  de  ces  fruits,  jouis  des  biens  dont  elle  eft 

pWnc, 
Et  quitte  une  eTp^rance  &  fî  lente  ^  fî  vaine." 
Souvent  j quand  pour  danfer  au  fondu  chalumirâu',' 
La  Jeuncflè ,  à  l'envi ,  s'afTemble  (bus  Tormeau  > 
Tandis  qu'indifiKrent  je  regarde  la  fête  * 
'  Je  voîf  qu'auprès  de  moi  Licifque  exprès  s'arrête  i 
£t  feignant  par  hazard  de  me  tourner  le  dos  > 
Sur  an  air  en  dan(ànt ,  elle  ajufte  ces  mots  ^ 
Il  faut  de  Némêfîs  i  redouter  la  puifTance. 
Némêfis  venge  aufli  les  Amours  qu'on  oSènCc» 
j'ai  va  y  moi ,  qu'un  Chaflcur  ,  d'un  vain  défit 

épris  , 
Négligeant  pour  un  cerf  un  dain  qu'il  auroit  pri^j 
N*a  rapponé  le  (bir ,  en  faifant  fa  retraite  > 


I  Kéméfis ,  fille  de  la  Nuit  &  de  l'Océan ,  écoic  regardée 
chez  les  Anciens  comme  une  DéelTe  ^ui  a  foia  de  punir 
l*orgueit  immodégé  de»  hommcsw 


LaFoIj 


IÉlÉliÉÉ«M*ÉâÉii 


ipg       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ni  le  cerf  qu'il  youioic ,  ni  le  daîa  qu'il  r^retft 
K  Fosse,  j'^j  y^  moi-même,  un  jour ,  un  Berger  dédaigneoxi 
Pour  ayolf  un  hautbois  qui  feul  flatcoic  fcs  yoras» 
D*ttn  ftâte  chalumeau  méprifet  rharmonxe } 
Il  n'eue  ni  l'un  ni  l'autre ,  &  ùl  fierté  punie 
Vit  qu'un  autre  Berger ,  pour  le  confondre  miaiii 
î)a  même  chalumeau  yint  jouer  à  fes  yeux. 
C'eft  ainfi ,  Néméfis ,  qu'éclate  ta  vengeance , 
Ainfi  tu  fçais  tromper  une  vaine  efpérance. 
-  Tels  8c  (f  autres  difcours,  par  les  vents  empoftei, 
Ces  Belles ,  à  l'envi  «  m'ont  fouvent  répétez.» 
Mais  tout  fera  plutôt  chaïigé  dans  la  nature  y 
Les  Zéphirs ,  les  ruiflèauz  perdront  leur  dmu  mttf* 

mure» 
On  n'eftiraera  plus  les  rofes  ni  les  Us , 
Quand  je  n'aimerai  plus  la  belle  Amarylliti 
De  mon  cœur  amoureux  l'ardeur  tendre  ft  fidelk 
A  commencé  par  elle ,  &  finira  par  elle. 

A. S. A. S.  Madame  la  Pxincessé  de  ToscAMif 

Atùccupon  iunt  Comédie  qu'elle  compofit,  (^  qtCA 
fit  refréfenter  ficrettement  par  des  Dames  de  fê 
Cour ,  elle^mey  jouant  le  ferfonmsge  ^tm8  S^ 
fUve. 

PouRc^uoi ,  belle  Princcfle ,  envier  à  nosyeox 
De  votre  efprit  divin  les  efforts  glorieux  ? 
Dans  le  fond  d'un  palais  «  loin  de  nous  rjenfcrmés 


L  I  V  R  E    X  1 1  L  1.99 

Vous  efpérezxn  vain  tromper  la  Renommée) 

£d  vain  vous  écartez  la  foule  des  témoins  ^^  ^^ 

D'un  Qiedacle  galant  préparé  p:R:  vos  foins  % 

Malgré  vous ,  la  Déeflè  invifible  &  préfente  » 

Yoas  a  vûV  au  milieu  d'aune  troupe  charmante» 

£c  d'un.gefte  &  d'un  ton  par  les  Grâces  diétez  • 

De  votre  propre  ouvrage  animer  les  beautez. 

Quelle  fut  fa  furprKe  !  &  quel  plaifir  pour  elle  5 

D'en  aller  aux  neuf  Sœurs  apprendre  la  nouvelle! 

On  (çait ,  Mufes,  dit-etle ,  on  fçait  que  mille  fois 

Du  nom  de  Violante  ont  retenti  vos  bois. 

Sa  beauté  #  fon  efprit  ne  peut  plus  vous  furprendre  : 

Maisquîpeut  concevoir  ce  que  je  viens  d'entendre^ 

Souvent  de  la  >fature  empruntant  les  couleurS', 

De  feintes  paffions  nous  ont  tiré  des  pleurs  » 

Mais  ceux  qui  (ur  la  SceneyCn  leurs  doâes  ouvrage^ 

En  ofirent  à  nos  yeux  de  fi  vives  images , 

Par  épreuve  ont  connu  ce  que  leur  Art  décrit , 

£t  leur  cœur  peut  fans  peine  inftruire  leure(prir« 

Quel  plus  rare  prodige  \  Une  jeune  Pr inceflé  > 

A  qui  le  ferme  appui  de  fa  haute  (ageffe 

Fit  toujours  ignorer  ces  tranfports  violen»  • 

Qid  fbumettent  un  ame  à  Fempiredes  fens  f 

A  nos  regards  charmez  en  trace  une  peinture  y 

Oii  le  cœur  attendri  rcconnoît  la  Nature. 

D\tn  Epoux ,  il  eft  vrai,  p  lus  charmant  que  1* Amout 

Le  mérite  la  fçut  enflammer  à  (on  tour  % 

Mais  de  ces  fi:ux  contens,Cins  trouble^Gins  foibleflè« 


joo    BIBLIOTHEQUE    POETiqUÈ. 

le  Théâtre  à  regrec  ezpo&  la  tendrefTe. 
Fossi.  Il  faut  aor  vih  mcfrtels  conduite  par  leur  pencbanf 
Du  malbeur^qiri  lefuic  faire  uirtableau  cotlchàar^ 
11  faut  les  eSVayer  par  Texemplé  fiiiiefte  ^   ■  .'  ■ 
Ou  du  crime  de  Phèdre  ,  ou  des  fureurs  d'Oreftc  ^ 
£t  lorsque  d'un  Héros  on  leur  peine  la  yerra , 
S'il  n'efl  des  paffions  ou  du  (brt  combattu  > 
De  l'ailiette  d'un  cœur  fi  ferme ,  fi  cranquile  y 
On  offre  à  leur  fbibleffe  un  modèle  inutile  ) 
La  vertu  de  fi  haut  blefie  leurs  yeux  jaloux  >- 
Leur  femble  inacceffible ,  &  les  rebucte  tous. 
Ainfi  d*un  ton  plaintif  «  fous  l'habiY  d'uneefclave  i 
Expofée  aux  rigueurs  d'un  deftin  qui  la  brave  y 
Violante  aujourd'hui  nous  montre  en  ces  revêts 
L'innocente  Vertu  qui  gémit  dans  les  fers. 
Ù Peuples ,  quel  bonheur  ,  de  voir  votre  Prlnccffe 
]&u  cœur  humain  pour  vous  revêtir  ^  la  foibleircl 
De  l'Amour  &  du  Sort  fubir  ainfi  les  coups  * 
Pour  vous  montrer  en  foi  ce  qu'il  faut  craindre  en 

vousl 
Mais  vous ,  fçavantes  Sœurs  >  par  des  chants  dignes 

d'elle , 
Rendez  un  juf^e  hommage  à  fa  gloire  immortelle i 
Publiez  à  l'en  vi  rciccs  de  fcs  bontcz. 
Violante  n'cflpasde  ces  vaines  Beautez» 
Qui  préparant  aux  cœurs  des  fers&  des  allarmeSi 
Ne  s'occupent  jamais  que  du  (bin  de  leurs  charmes» 
De  cette  même  main  qui  fait  de  fes  cheveux 


*J     ..  I).  ■■  ■  ■  .  — 11»— — — 

LIVRE    XII  l.  301 

Les  liens  d\iB  Epoux ,  dîgae  objet  de  (es  vœux , 

Elle  (çaic  vous  donner  les  marques  les  plus  chères     La  Fos 

Du  zélé  qui  l'attache  à  vos  lacrez  myftere«. 

Cefi:  ainfî  qu'autrefois  le  (ècond  des  Céfàrs  * 

D'un  accueil  favorable  honorant  les  beaux  Arts  ^ 

De  cette  même  main  qui  lança  le  tonnerre  > 

Dont  le  br^ic  à  (es  loix  (bunàit  toute Ja  Terre» 

Traçoit  un  doâe  ouvrage ,  ou  le  fort  inhumain 

Forçoit  lc£er  Ajax  àfe  percer  le  fein. 

Elle  dît  »  &  Xbudainies  échos  du  PermeiTe 
Retentirent  des  ccis  &  de  chants  d'allegreâè  : 
De  (bn  onde  plus  pure  il  verfa  les  tcéfors , 
£t  les  lauriers  plus  verds  fleurirent  fur  £ès  bords* 

ODES 

T&DUITES      D*ANACRi01Tf 

Sur  fa  Lyre. 

De  I  Cadmus  &  des  fils  d'Atréc 

•  •    «        •.  '  - 

]En  vain  je  veux  chanter  les  noms. 
Ma  lyre  aux  Amours  confacrée  » 
Ne  me  rend  que  4'amoureux  fons. 


1  >I1  isqit  41s  d'Agénor  Roi  de  Tj|ié|)es ,  &  frère  d'Euio- 
pe  que. Jupiter  ayoic  enlevée.  Agénor  ne  fçachant  ce  que 
la  fille étôit  dèvùtoe ,  «eommandà  à  Cadmus  déballer  chér- 
^(Uçr^couc,  &  de  ^^  pqinc  reveziir  ians  la  ramener,  avec 
lui.  Ce  fat  dans  cette  recherche  que  la  fortune  liilfit  nàicfe 
Um  d*avancutes  décrites  dans  les  Mécamorpt^ei  4'OYide» 


3o>       BIBLIOTHEQUE    POETljÇ^l/R 

L'autre  jour  de  cordes  noayelles 
L  FossB*  Je  venois  de  la  remonter  » 

£c  je  m'câbrçois  de  chanter 
Les  entreprifes  immonelles  , 
Qa  Hercule  (çut  exécuter. 
Je  cherchois  des  tons  dignes  d'elles  : 
Mais  »  en  dépit  de  mes  efiôrts  > 
Sous  mes  doigts  les  cordes  rebelles 
Kéfbnnoîent  d'amoureux  accords» 
Hercule  »  Cadmus ,  fils  d' Atrée  » 
Adieu  donc ,  adieu  pour  toujours. 
Ma  lyre  aux  Amours  confacrée, 
Ne  peut  chanter  que  les  Amours. 

Sur  U  Rofe. 

Joignons  au  doux  jus  de  Bacchuc 
Les  fleurs  qu'Amour  chérit  le  plus. 
La  bouteille  à  la  main  »  couronnons- nous  de  roCd 
Pour  unir  &  chanter  ces  deux  aimables  Dieux. 

La  Rofe  eft  le  charme  des  yeux  ^ 
Ceft  la  reine  des  fleurs  dans  léprintemséclofes: 
Elle  eft  le  plus  doux  Coin  de  Flore  &  des  Zéphirs  t 

C*eft  l'ouvrage  de  leurs  foupirs. 
L'Amour  en  eft  paré  danfant  avec  les  Grâces. 
Je  veux  »  Père  du  Vin ,  je  veux  fuivre  les  traees 
De  ce  Dieu ,  comme  toi ,  le  plaiiîr  des  mortds. 
Je  veux ,  ceignant  mon  front  de  cette  fleur  char 
xnaate. 


LIVRE     X  I  I  I.  303 

Avec  la  Beauté  qui  m'enchante , 
fer ,  la  lyre  çn  main ,  autour  de  tes  autels,        ^^  ^W 

V  Amour  fris. 

Les  Mufès  lièrent  un  jour 
Avec  des  fleurs  le  Dieu  d* Amour  ; 
£t  povir  mieux  empêcher  fa  fuite  , 
Le  livrèrent  à  la  Beauté. 
De  fa  prlfo^  Vénus  inftruite  » 
Avec  des  dons  vint  au  plus  vite 
Leur  demander  fa  liberté  : 
Mais  en  vain  il  fut  racheté. 
Il  ne  fort  plus  d'un  lieu  qu'habite 
VcCfïit  joint  avec  la  beauté. 

Le  Printems. 

yoYEZ  les  Grâces  au  printem$ 

De  ro&s  couronner  leurs  têtes  -, 

Voyez  de  fes  états  flotans 

Ncpcuae  éloigner  k$  tempêtes, 
plongeons  réjouis  fe  baignent  dans  les  eauz^ 
>acailions  volans  en  l'air  pafTent  les  grues  ; 
1$  du  jour  répand  fes  rayons  les  plus  beaux  « 

£c  diffipe  les  fombres  nvHis* 
;  brille  dans  j^os  champs  d'herbjp  Se  de  fleurs 
couverts. 

i'oUvier  poufTe ,  Bc  la  vigne  rampante  * 
d  contre  Ip  chaud  fur  fa  grappe  uiiff^P^ 


304    BIBLIOTHEQUE    POETiq^L 

<'  '  L'abri  de  fcs  fcullagcs  vcrds  : 

Xa  .Fosse.  Tout  rie ,  coût  nous  promec  une  année  abonda 

Sur  un  Son^ê. 

Je  fonpreoîs cette jaulc  qu'au  gré ^e  opes  défi 
Je  courois  dans  un  pré  brillant  de  fleurs  nouYC 
Et  que  ^on  dos  ponoît  des  ailes. 
Donc  je  devançois  les  Zéphirs.  ' 
Cupidon ,  par  mépris  de  ma  courfè  légetjs , 
Met  du  plomb. à  fes  pieds  »  me  pourfuit  &  oi'ao 
Ce  rbngecftfaiis  doute  un  myfteir* 
Oii  le  (brt  de  mon  cceur  eft  peine 
Je  vois  qu'après  avoir  couru  de  Belle  en  Belle 
Sans  qu'aucune  jamais  ait  fixé  mon  amour  > 
Celle  que  je  fers  en  ce  jour. 
Doit  me  rendre  k  jamais  fidelle. 

EXTRAIT  DE  MANLIUS  ,  TRAGEDl 

Amitié  confiante  ^  snébranMle,.^» 

I  Je  fçaî  me  garantir  de  cette  erreur  commv 

*  • 

De  trabir  mes  amis  trahis  par  la  Fonunes 
J'aime  Servilius.  S\\  ok  s'en  flater. 
Je  prendrois.pourafront  que  l'on  en  pût  doute 
Dois- je  pour  ennemis  prendre  tous  ceux  qn'of 
P'un  Sénat  inhumain  l'injude  violence  ? 


I  Ceft  Manlius  Capirolinus  qui  parle  â  Valedos, 
£iil ,  dam  U  Scène  III.  du  I,  Aâe. 


L  I  V  R  E     X  I  I  L  305 

t  fuis- je  criminel  ^uand  «  par  un  doux  accueil , 
'appaife  leur  courroux  qu'irrite  fon  orgueil  ? 


'eft  moi ,  c*e(l  mon  appui  qui  les  conferye  à  Rome, 
^ous  demandez  d'oiî  vient  qu'un  Romain  »  un  ^rul 

homme  y 
3>es  miflfrcs  d'autrui  foigneax  de  Ce  charger  , 
Ofirc  à  tous  une  main  prompte  à  les  (bulager. 
D'une  pitié  fi  jufte  eft-ce  à  vous  de  vous  plaindre  ? 
Si  c*eft  une  vertu  qu'en  moi  l'on  doive  craindre. 
Si  du  Peuple  »  par  elle ,  on  (e  fait  un  appui , 
Pourquoi  fuis-je  le  feul  qui  l'exerce  aujourd'hui  ? 
Que  ne  m'enviez-vous  un  fi  noble  avantage  ? 
Pourquoi  chacun  de  vous,  pour  être  exempt  d'om- 
brage , 
Ne  s'eâbrce-t'il  pas ,  par  les  mêmes  bienfaits , 
De  gagner ,  d'attirer  les  amis  qu'ils  m'ont  faits  ? 
Ne  peut-on  du  Sénat  appaifer  les  allarmes , 
Qu'en  affligeant  le  Peuple,  en  méprifant  fes  larmes  ? 
L'avacicc ,  l'orgueil  »  les  plus  durs  traitemcns  , 
Du  (klut  d'un  Etat  (ont-ils  les  fondemeas  ? 
Mes  bienfaits  vous  font  peur  l  Et  d'un  efprit  tran- 

qaile  » 
Vous  regardez  l'excès  du  pouvoir  de  Camile  I 
A  l'Armée ,  à  la  Ville ,  au  Sénat  ^  en  tous  lieux , 
De  charges  &  d'honneurs  on  l'accable  à  mes  yeux  ! 
De  la  paix ,  de  la  guêtre  il  efl:  lui  feul  l'arbitre. 
Ses  Collègues  foumis ,  &  contens  d'un  vain  titre , 

Entre  fes  feules  mains  laiflant  tout  le  pouvoir , 
Tome  Illm  C  c 


30^       ^ÎBLÎOTHEQJJE    POETIQUE. 

ScmblcDC  à  l'y  fixer  exciter  (on  c(poir« 

Fosse*  D'od  vient  tant  de  refpeû ,  d'amour  pour  &  coih 

duite  ? 
Des  Gaulois  à  fon  bras  vous  imputez  la  fuite. 

Vos  éloges  flateurs ne  parlent  que  dclul  : 
Mais  que  deveniez-vous  avec  ce  grand  appui , 
Si  dans  le  tems  que  Rome  aux  Barbares  liyi&x 
Xuiflclante  de  fang ,  par  le  Feu  dévorée  » 
Attendoit  Tes  fecours  loin  d'elle  préparez , 
Du  Capitole  encor  ils  s'étoient  emparez  ? 
C'eft  moi  qui  prévenant  votre  attente  firivoky 
Kenverfai  les  Gaulois  du  bkut  du  Capirok. 
Ce  Camile  fi  fier  ne  vainquit  qu'après  moi 
Des  ennemis  déjà  battus  «  fàifis  d'e£ol. 
C'eft  moi ,  qui  par  ce  coup  préparai  A  viébirCf 
£t  de  nombreux  Recours  eurent  part  à  (a  gloire 
La  mienne  eft  à  moi  feu! ,  qui  Ccxd  ai  combata  i 
£t  quand  Kotnc  emprefTée  honore  fa  vertu  « 
Ce  Sénat ,  ces  Confuls ,  fauvez  par  mon  coafagr« 
Ou  d*une  mort  cruelle ,  ou  d'un  vil  e(clavsge  #    l 
M*immolent,rans  rouglr,à  leurs  premiers  fbapçoo» 
Me  font  de  mes  bienfaits  gémir  dans  les  priiôni  ^ 
De  mille  affronts  enfin  fiétriffent ,  pour  ùAâke, 
la  fplcndeur  de  ma  race ,  &  du  nom  ConfufaïCr 


\h 


C©9 


LIVRE    XII  L  307 

Traduction   du   Pseauub   IL 
Quarefremuerunt  gentes. 

s  Qt7£L  (ajet  de  courioax ,  quelle  ûoaveUe  Injure 
t  cant  «le  Nations  eicite  le  murmore  ^ 
[ue  prétend  leur  fiireur  ?  quel  frivole  deflèin 

mis  à  tant  de  Rois  les  armes  à  la  main  ! 
ebelles  au  vrai  IDleu  »  corrupteurs  téméraires- 
^  la  Loi ,  que  (on  Verbe  a  tranfmlfe  à  leurs  Pères , 
^a  jaloux  que  le  Ciel  partout  foit  mon  appui  > 
attaquent- ils  à  moi ,  pour  fe  venger  de  lui  ? 
iuvoos-nous,  difent-ils ,  des  fers  qu'on  nous  ap^ 

prête,  j 
k  la  honte- do  joug  dérobons  notre  tête  : 
>écnii(bns  anbonhem:  qui  nous  blefle  les  yeux*  ' 
lais  le  Maître  éternel  de  la  Terre  &  des  deux  » 
ira  des  vains  projets  que  leur  bouche  m'annonce , 
C  (es  (badres  feront  entendre  (à  réponlè. 
a  discorde  &  TeiTroi  troubleront  leur  Confeil. 
:  verrai  de  leur  haine  avorter  l'appareil, 
'eft  moi>  c'eft  moi  qui  fuis;  par  foh  ordre  fublime, 
t  la  (kinte  Sion  le  Prince  légitime  ; 
*eft  moi  qui  publierais  qui  défendrai  fes  lois. 
:  trouve  un  fils  en  toi ,  m^a  dit  ce  Roi  des  Rois  » 
ujourd'hui  dans  ton  Dieu  tu  vas  trouver  un  Père. 


La  Fos 


1  Ceft  le  Roi  qui  parle» 

Ccî) 


X'iUiC  ,  lUII  Oiitd  iUUUMAU  «ILAIIC  UC  lUUIl  lODIIC 

Brifera  tes  jaloux  >  comme  on  brife  le  veric  ; 
D'un  opprobre  écemel  tu  les  verras  couverts 
Ramper  {èrrilement  fous  le  poids  de  tes  fcn 
Vous  doDC,à  qui  ma  gloire  eft  un  mortel  ov 
JDu  Dieu,  qui  me  protège,  entendez  le  lai^; 
Tiers  Monarques  «  fouffrez  qu'une  fainte  cen 
Tourne  en  amour  pour  lui  votre  noire  fiireu 
Venez  matre  Torgueil  qui  vous  Cpat  trop  TA 
AuT  pieds  de  ces  autels ,  que  vous  vouliez  dé 
Quand  il  fait  dans  les  airs  tonner  fon  fier  coai 
Heureax>  qui  tout  à  ltti,n*ea  peut  craindre  les  i 


*^*|*j^ 


LIVRE    X  It  I.  309 


RE  G  NARD. 

Ean-Fkançois  Reg^nard, 


PariCeii ,  Lieutenant  des  Eaux  Reona 
&  Forêts,  &  des  Chaflès  de 
Dourdan ,  Tréforicr  de  Fran^ 
e....  eft  mort  au  mois  de  Septembre 
70p.  âgé  de  J2  ans ,  dans  fon  Château 
e  Grillon..  Il  eut  dans  fa  jeunefTe  une  fi 
rande  paillon  pour  les  voyages ,  qu'il  par- 
ourut  h  plus  grande  partie  de  l'Afrique 
lalgré  lui.  Il  fat  pris  entre  Nice  &  Mar- 
îille  par  des  Algériens ,  &  mené  en  ef- 
lavage.  Son  Patron  l'employa  les  cinq  ou 
ix  premiers  mois  à  ramer  ;  mais  ayant  ap- 
•ris  qu'il  içavoit  faire  quelques  ragoûts  9  il 
t  mit  à  la  cuiiîne..  M.  Kegnakd  reçut  enr 
in  dix  mille  livres  ppur  payer  fa  rençon  ^ 
ic  fut  ainfî  libre  après  un  an  de  captivité.  A 
►eine  étoït-il  de  retour  à  Paris,  qu'il  fe  vit 
ingagé  par  Meflîeurs  de  Fercour  &  de 
iiorbron ,  à  voyager  de  nouveau.  Ils  aile* 


MM 


^12.        BIBLIOTHEQUE    F0ETIS2JIÉ. 

teur  d'avoir  pris  fa  dëfenfe  en  galant  hom- 
'"'"'^"•me&enhoLed'efprit.  ,     ' 

SATIRE.    I 
Contre  les  Maris* 

"t^  On  ,  chère  Ëadoze ,  non  s  je  ne  puis  pfas  me 
•^^         taire  j 

Je  yeux  ce  détourner  d'un  hymen  téméraire. 
D'autres  filles  fans  toi  vendant  leur  liberté  i 
Se  chargeront  du  foin  de  la  poflérité  i 
D'autres  s'embarqueront  fans  crainte  du  naufrage^ 
Mais  toi  >  voyant  l'écueil  ûins  quitter  le  rivags  y 
Tu  n'iras  point ,  efclave  aflervie  à  rAmotu:  « 
Sous  le  joug  d'un  Epoux  t*  engager  fans  retour  t 
INi  d'un  (èrvilc  u(age  approuvant  l'injudice  » 
De  tes  biens ,  de  ton  coeur ,  lui  faire  un  faaificc, 


I  L*  Auteur  a  mis  à  la  céte  de  cette  Satyre  VxverdSmM 
«ue  voici.  Quelque  chofe  que  je  difecMtreîe  MjariM^t^  mm 
iepein  tfeji  pas  d^en  détourner  ceux  qui  y  font  pwte\  fétr  ma 
inclination  naturelle  i  mais  feulement  de  faire  vit  ^ M  Ut 
dégoûts  &  les  chagrins  qui  en  font  prefque  infépardbUif  vah 
nent  pour  l'ordinaire  plutôt  du  coté  des  Mans  que  de  celui  des 
Femmes ,  contre  le  fintrment  de  M,  Defpréaux,  reûpereqdt» 
fa'veur  de  la  caufe  que  f  entreprends  ,  on  excufera  tesdtfâMS 
quife  trouveront  dans  cette  Satyre  :  je  me  flatte  du  mwo  qU 
tes  Dames  feront  pour  moi ,  &  À  Vabri  ^une  ^  iVUÀttfmÊ^^ 
tivn ,  je  ne  ctaim  point  Us  traits  de  U  critique  U  plus  on 
fvtmmét, 

Abandcooec 


LIVRE     XIII.  i,ii 

Abandonner  ton  ame  à  mille  foins  divers , 

Et  toi-même  à  jamais  forger  tes  propres  fers.  Régnai 

Ne  t'imagine  pas  que  l'ardeur  de  médire 

Arme  aujourd'hui, ma  main  des  traits  de  la  Satire» 

Ni  que  par  un  Cenfeur  i  le  beau  Sexe  outragé 

Ait  befoin  de  mes  Vers  pour  en  être  vengé. 

Ce  Sexe  plein  d'attraits  ,  fans  fecours  &  fans  armes> 

Peut  affcx  fe  défendre  avec  fcs  propres  charmes  j 

£t  les  traits  d'un  Critique  afToibli  par  les  ans , 

Sont  tombez  de  fes  mains  fans  force  Se  linguidCanSn 

Mon  efprit  autrefois  enchanté  de  fes  rimes  , 

Lui  comptoit  pour  vertus  (es  fatiriques  crimes  , 

£c  IWroit  avec  joie  à  fes  nobles  fureurs 

Un  cas  infortuné  d'indpidcs  Auteurs  -, 

Mais  je  n'ai  pu  foufFrir  qu'une  indifcrete  veine 

Le  forçat,  vieux  athlète,  à  rentrer  dans  l'Arène  » 

Et  que  laiflant  en  paix  tant  de  mauvais  écrits  y 

Nouveau  Prédicateur ,  il  vînt  en  cheveux  gris , 

D'im  efprit  peu  Chrétien ,   blâmer   de  chades 

flammes  , 
ÏEt  par  dés  Vers  malins  nous  faire  horreur  des 

Femmes. 
Si  l'Hymen  après  foi  traîne  tant  de  dégoûts  « 
On  n'en  doit  imputer  la  faute  qu'aux  Epoux. 
X^s  Femmes  font  toujours  d'innocentes  vidimes  » 


I  M   Defpréaux  a  Fait  une  Satire  contre  les  femmes ,  Ce 
l?0Jic  le  n}onde  fçaitque  ce  n*eftpas  Ton  plus  bel  endroit, 

ïemo  IIL  D  4 


:i^     EISZIOTHEQrE    POETIQUE. 

^^  Qjr  CCS  loii  û'ia:c:c:,  cûc  de  fa-jiFcs  maximes 
^*  •  Ir^'-.y.cr.z  'Àzhzznzn:  à  ics  Maris  crompcurs  j 
On  TiZ  s'informe  rîus  ci  cîii  fang,  ni  Jcs  mœurs. 
Cr;:V:r.  :o.:x  5:  M-::jeaa,  vicii:  d'époufer  Julie ^ 
II  e:t  i^  g'orc  Hjrrsin  5: lopprobre  &  la  lie 5 
Cr.  ::oavrrc::  cnrorc  a  qjclc|uc  vieux  pilier 
Sc.i  zzzT.iiz  hiblz  xz:l  rcaiu  chcx  le  Fripier. 
Par  fcs  coac'-:l;or.5  laraics  à  la  Fraccc , 
II  a  ira  Tir.:::  : jis  a::':cr.:é  !a  porence  j 
Mais  ccn:  vafcs  i'ar{:c::r  parenc  fcs  longs  buflêcf ^ 
Avec  pcir.e  un  Milan  n-avcric  fcs  guérecs  5 
Que  faut- il  davanragc  ?  aujourd'hui  la  richeflê 
N'ï  :îcn:-c!!c  rr.s  \:z.i  d:  vcr:u ,  de  noblefle  ? 
Et  pour  faire  un  F.ro::x  ouc  voudroic-on  de  plus 
Qiic  dix  Terres  en  Heauce ,  avec  ccuc  mille  écusi 
Rcç^ardc  Dorîl.t^  ,  cet  cciiapé  d'Elbpe  , 
Qu'on  ne  r;j:  cîiijcrncrc^a'avcc  un  microfcope; 
Don:  le  corrs  dz  travers  cSc  l'ciprlc  plus  mal  fait, 
D'an  î  Ther:::c  à  nos  yeux  retracent  le  portrair; 
Que  t'en  ;'ex*>!e ,  di<;-moi  :  Pcnf»:s-tu  qu'une  filiC/ 
Qui  ;:"a  vu  ce:  Amant  ou  a  travers  une  grille  1 
Ht  oui  depuis  dix  ans  nourrie  à  Port- Royal  » 
A  paitc  du  parloir  dans  le  lit  nuptial , 


t   t-:  l'.'i  <■'.;•  v/  ,  ;\r.: ;    ..  \- ,  C^  /-,  /.,>,/,  iV-Vifio 

7^  ■      ■  f  .  .  -  * 

X*c1  le  f  3i:rjL:.;a'iIo:u::w  fa.:  .U  ce  T.:cr:î;;  iais  l'I 


LIVRE    X I  I  L 


JiJ 


Puifle  garder  long  tems  une  forte  cendrefle 

En  faveur  d*un  Mari  d'une  (î  rare  cfpece  i  Re«naR 

Quand  la  Ville  &  la  Cour  préfcntcnt  à  fes  yeux 

Des  flots  d'Adorateurs  quila  méritoient  mieux  ? 

Mais  je  veux  que  du  Ciel  une  heureufe  influence  « 

Rafleinble  en  ton  Epoux  &  mérite  &  naiffance  i 

Infortuné  Joueur ,  il  perdra  tous  ces  biens , 

Qu'un  Contrat  malheureux  confond  avec  les  fieni; 

Entrons  dans  ce  Brelan ,  on  s'arrête  à  la  porte 

De  laquais  mal  payez  la  maligne  cohorte  s 

Vois  les  cornets  en  l'air  jettez  avec  tranfport  * 

Qu*on  veut  rendre  garants  des  caprices  du  fort  : 

Vois  ces  pâles  Joueurs ,  qui  pleins  d'extravagance i 

D'un  Deftin  infolcnt  affrontent  l'inconftancc. 

Et  fur  trois  dez  maudits,  lifcnc  l'arrêt  fatal 

Qui  les  condamne  enfin  d'aller  à  l'Hôpital. 

Pénétrons  plus  avant  i  vois  cette  table  ronde , 

Autel  que  l'Avarice  éleva  dans  le  monde  , 

Ou  tous  ces  forcenez  fcmblcnt  avoir  fait  vœu 

De  fc  facrifîer  au  noir  Démon  du  Jeu. 

Yois-tu  fur  cette  carte  un  Contrat  difparoître  , 

•Sur  cette  autre  un  Château  prêt  à  changer  de  Maître* 

Quel  foudaln  défefpoir  faiiît  ce  malheureux , 

Que  vient  d'affaffiner  un  coupe- gorge  affreux  ? 

Mais  fuyons  -,  fous  fes  pieds  tous  les  parquets  gi'^ 

miflent , 
De  fer  mens  tout  nouveaux  les  plafonds  rctenciffent|^ 
JSxjMLt  le  fort  cruel  d'une  fatale  nuit , 


5 1 6        EIELIOTHEOUE     POETIQUE. 

™*^™^  Jz  vols  rnSn  Gaîec  :  à  Faumônc  rédiilc. 

^6NA3.p.  ^a  f^n-i.Tii  ccper.ianc  de  ccc:  frayeurs  atteinte. 

Bol:  cr.ez  elle  à  Îod;;s  trai:s  &  le  fîel  &  l'abfyachei 
Oiitra:r.ac:  après  Col  d'infortuoez  enfans. 
Va  cherclàcr  un  aï:  le  auprès  de  fes  parcns. 
Kirpagor»  ctt  a::c;:::  de  route  autre  folie. 
Le  Ciel  l'avantagea  J  une  femme  accomplies 
II  reçut  pour  fa  de:  plus  déçus  à  la  fois 
Qu'un  balancier  n'en  peut  réformer  en  fix  moiS; 
Sa  temme  fe  âatroi:  de  la  douce  efpérance , 
De  voir  £eu:ir  chez  elle  une  hcureufc  abondances 
Elle  croyoit  au  moins  eue  deux  ou  trois  amis 
J?ourroîent  foir  &  matin  à  fa  table  ccre  adrnî;. 
Mais  Harpagon  aride,  & prcfque diaphane , 
Par  les  jeûnes  crueîs  aufv^ucls  il  fe  condamne. 
Ne  reçoit  poiu:  d*anii<  aux  dépens  de  (on  paioi 

Tout  fè  relurnt  cl^ez  lui  d;:s  langueurs  de  la  faim. 


t  Famciix  Joueur  or.i  avoîi  gr.gi;û  au  jeu  d"  fommcs  ia- 
meafes,  qu'il  rcpj ri i:  i.ins  iaïuicj.  Un  coup  de  dcz  lui  en- 
leva rtioîel  de  :>'jlli ,  qui  c.oit  fi  dernière  relFource ,  Scqu'il 
avoic  t'iiïz  birir  c-.  i'aris  ,  dans  !a  rue  Sain:  Amoiuc.  Regoiff 
^  fait  mcnrion  de  ce  Joueur  dans  fa  qua:orziciue  baciie, 

Calîet  M  fes  ratfons  j  o^  ejîti  croira  fcn  dire , 
I,£  hu-\Aidpour  U  moir.s  L:i prome:  un  Empare  i 
Toiitc'oi.f  étr.  i  f.ntrutre  *':,tnt  Iczer  (S"  r;et , 
isT  ayjf.t  qî:e  l'efperaTtie  C:^  trou  de^  an  cornet  , 
ContT'ie  Jt.r  i.n  bonjonds  de  rente  C**  de  recettes  m 
J/>eJJ;:sJ'ipt  o«  quatury  il  aJ]i^Kcf.j  det; ij. 


L  I  V  R  E    X  I  I  I.  iii 

r  fournir  aux  frais  d'un  habit  néceflaife , 

nmc  lui  demande  une  foitime  légère.  Régna; 

[fage  foudain  prend  une  autre  couleur  ^ 

lets  (ont  en  butte  à  fa  mauvaife  humeur  \ 

rice  biçn-tôt ,  au  teint  livide  &  blême  , 

n  coffic  de  fer  va  s'ajfTeoir  elle-même. 

le  le  point  ouvrit  il  abonde  en  raifons  % 

Sit%  fans  payer  ont  vuidé  (es  maifons  > 

rent  veau  du  Nord  la  maligne  influence  ^ 

donné  fcs  fruits  avec  fon  efpérancc , 

fougueux  torrens  inondans  fes  vallon^  ^ 

)yé  fans  pitié  l'honneur  de  fes  filions. 

oujours  rétif,  rien  ne  fléchit  fbn  amc.; 

voir  un  habit  »  il  faudra  que  fa  Femme 

c  que  la  Mort  le  mettant  nu  cercueil 

Pc  enfin  porter  un  falutaire  deuil. 

ourquoî ,  dirâs-tu,  cette  injufte  qucrcïlc  ? 

>ux  (ont-ils  faits  fur  le  même  modelle  ? 

n*eft*-il  pas  exempt  de  ces  défauts 

vîcirsde  tracer  dîtns  tes  picquans  tabîcalix  ? 

x! ,  il  eîftbien  fait,  généreux ,  noble  &  fage  j 

fè  ruiner  fon  propre  honneur  Tengagc. 

pc  la  Viétoire  un  laurier  à  la  main , 

:ra  Louis  fur  les  rives  du  Rhin  i 

5  Zéphirs  nouveaux  les  fécondes  haleines 

verdir  nos  bois  &  refleurir  nos  plaines  s 

ets  importuns ,  bizarrement  ornez  , 

airain  bruyant  partout  environnez  , 

Ddii^ 


3i8       BIBLWTIir.OyE     POETIQUE. 

Sous  des  tapis  brodez  fc  fui vant  à  la  file ,  ^  ^ 

lAXD.  A  pas  majcftucjx  travcrferonc  la  Ville. 

Toa:  !c  peuple  a:tcn:if  au  brui:  de  ces  mulecr. 
Verra paffcr  au  loin ,  furtouts ,  fourgons ,  valets,. 
Chevaux  de  main  fringans ,  infulcanc  à  la  terre >. 
Pompe  digne  en  effet  des  Enfans  de  la  Guerre! 
Mais  pour  donner  l'effor  à  ce  noble  embarras, 
Combien  chez  le  Xoiaire  a-t*il  fait  de  Contra»}- 
Les  joyaux  de  fa  Femme  ont  été  mis  en  gage  -, 
D'un  fomptueux  Buffet  le  pompeux  étalage. 
Que  du  débris  commun  il  n'a  pu  garantir , 
Kenrre  chez  le  Marchand  d*oii  Ton  Ta  vu  (brcir. 
Tour  alTembler  un  fonds  de  deux  mille  piftoles». 
Combien ,  nonveau  Prorée ,  a-t'il  joué  de  râles? 
Combien  a-t'il  fait  voir  que  le  plus  fier  Guerrier  > 
£fl  bien  humble  aujourd'hui  devant  un  Ufurierï 
Il  rart  enfin ,  &  mené  avec  lui  l'abondance  t 
Ton:  le  Camp  fe  reffent  de  fa  noble  dépenfè  •, 
Des  Cui fi niers  fameux  pour  lui  fournir  des  mets , 
Epuifent  chaque  jour  les  mers  &  les  forêts. 
Que  fait  fa  Femme  alors  dans  le  fond  d'un  Villapl 
Elle  va  fans  aigent  déplorer  fon  veuvage , 
Dans  fes  jardins  déferts  promener  fa  douleur  « 
Ift  des  champs  pareffeux  exciter  la  lenteur. 
On  voit  fîx  mois  après  tout  ce  train  magnifiqaei. 
Réduit  à  la  moitié ,  revenir  foiblc  ,  écique  : 
On  voit  fur  les  chemins  l'équipage  en  lambeaux» 
Des  mulets  décharaez ,  des  ombres  de  chevaux^ 


LIVRE    XI  IL  319 

ïui  dans  ce  triftc  état  n'ofant  prcfquc  paroître , 

'en  vont  droit  au  marché  cliercher  un  nouveau  Regn 


maître. 


^pendant  au  printems  il  faut  recommencer  ; 

faut,  fur  nouveaux  frais ,  emprunter,  dépen&r., 
lais  nous  verrons  bien- tôt  une  lide  cruelle  » 
lu  trépas  de  l*Epoux  apporter  la  nouvelle  ^ 
t  pour  payer  enfîn  de  trides  Créanciers , 

ne  laifTe  après  lui  qu'un  tas  de  vains  lauriers. 

eft  d'autres  Maris ,  volages ,  infidelies , 

atjgans  damerets ,  tyrans  nez  des  ruelles  ^ 

iu*on  voit,maIgré  THimcn  &  fes  facrez  flambeaux, 

enrôler  chaque  jour  fous  de  nouveaux  drapeaux  > 

;uid*un  cœur  plein  de  feux  à  leur  devoir  con« 

traires , 

tceD&nt  follement  des  Bciautez  érran^rcres  : 

:  Coin  toujours  prefTant  de  leurs  galans  exploits* 

I  vingt  lieux  difFérens  les  appelle  à  la  fois. 

;acfaon  ^ans  Paris  court  à  bride  abatuë  ; 

alheur  à  qui  pour  lors  e(l  à  pied  dans  la  rue  ! 

an  &  d'autre  côté  fes  chevaux  bondi /Tans  > 

un  déluge  de  bouc  inondent  les  paiTans. 

»at  fuit  aux  environs ,  chacun  cherche  un  aClej 

'cc  plus  de  vîtefle  il  traverfe  la  Ville, 

le  ces  Couriers  poudreux  que  Ton  vit  les  ptcmier$ 

I  combat  de  Nerwinde  apporter  les  lauriers  > 

qui  delà  Vidboire empruntèrent  les  ailes* 

>ur  en  donner  au  Roi  les  premières  nouvelles.» 

Ddia) 


310       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE, 

De  cet  cmpreflcmeac  le  fujet  inconnu 
'  Quel  eft-il  en  effet  •  Hé  quoi  Tignorc-tu  ? 
II  va ,  f^Ac  amoureux ,  de  Théâtre  en  Théâtre  t 
Ezpofer  un  habit  dont  il  eft  idolâtre  ; 
Dans  le  même  moment  on  le  retrouve  au  G>ars 
Hors  la  file ,  au  grand  trot ,  il  y  fait  plufieurs  touts; 
Tout  hors  d'haleine  enfin  il  entre  aux  ThuillerieSi 
Cherchant  partout  matière  à  fes  galanteries  \ 
Il  reçoit  tous  les  jours  mille  tendre  billets  ; 
Ses  bras  font  jufqu'au  coude  entourez  de  pormics.t 
Je  voudrois  bien ,  Eudore  ,  abrégeant  là  matierci 
Calmer  ici  ma  bile ,  &  finir  ma  carrière  ; 
Mais  puis- je  fupprimer  le  portrait  d'un  Epoux» 
Qui  fans  ceffe  agité  de  mbuvemens  jaloux  « 
-  Et  paré  des  dehors  d'une  tendrelfe  vaine  , 
Aime ,  mais  d*un  amour  qui  reffemble  à  la  haine? 
Alidor  vient  ici  s'offrir  à  mon  pinceau  j 
Il  eft  de  fa  moitié  TAmant  &  le  boureau  ; 
Partout  il  la  pourfiiit ,  fans  ceffe  il  la  querelle  \ 
Il  ne  peut  la  quitter ,  ni  demeurer  près  d'elle. 
L'Erreur  au  double  front ,  le  dévorant  ennui  » 
Les  funefles  {bupçons  volent  autour  de  lui  : 
Un  gcfte  indifférent  >  un  regard  fans  étude» 
Va  de  fbn  cœur  jaloux  aigrir  Tinquiétade. 
Sans  ceffc  il  fc  confume  en  projets  fupcrflus , 
Il  voit  i  il  entend  tout  »  il  en  croit  encor  plus.. 
Quun  folâtre  Zéphire  avec  trop  de  licence 
Y^t%  cheveux  de  fa  femme  ait  détruit  l'ordoniitiicc* 


L  I  V  R  E    X  I  I  L  111 

.  main  s'arme  auffi-tôc  du  fer  &  du  poifon  ; 

'un  prétendu  rival  il  veut  cirer  raifon  :  Regnard* 

la  crainte  des  loix  fufpend  fa  fréncfîe  « 
>ur  l'immoler  cent  fois  il  lui  laiffe  la  vie  ; 
ans  quelque  affreux  Château ,  retraite  de  hiboux  y 
ont  quelque  jour  peut-être  il  deviendra  jaloux , 

la  traîne  en  exil  comme  une  criminelle  , 
:  pour  la  tourmenter  il  s'enferme  avec  elle, 
ans  ce  fauvage  lieu  des  vivans  ignoré , 
*un  (offé  large  &  creux ,  doublement  entouré , 
ettc  trifte  vidime ,  affligée ,  éperdue  , 
ir  les  funeftes  bords  croit  être  defccndue  , 
>rfque  la  Parque  enfin  répondant  à  fes  vœux  » 
ient  terminer  le  cours  de  fes  jours  malheureux. 
omme-moi,  fi  tu  peux ,  quelque  Mari  fans  vice^ 
a  Mufe  eft  toute  prête  à  lui  rendre  juftice. 
ra-ce  Licidas,  qui  met  avec  éclat 

femme  en  un  Couvent  par  Arrêt  du  Sénat, 

qui  crois  mois  après  devenu  doux  &  fage  , 
flébre  en  un  Parloir  un  fécond  mariag^e  ? . 
uel  champ ,  ii  je  parlois  d'un  Epoux  furieux , 
iii  profanant  fans  cefTe  un   chef  d'oeuvre  des 

Dieux , 
Ce  dans  les  tranfports  de  fa  rage  cruelle  , 
>rtec  fur  (on Epoufè une  main  criminelle! 
uel  mérite  après  tout,  quels  titres  (buverains 
endenc  donc  les  Maris  &  fî  fîers  &  fi  vains  > 
(ènc-ils  Ce  âater  qu'un  concrac  autentique 


2  11      EIBLIOfTHIOVE    TOETIQUE. 

Lïnr  âosDt  far  !c5  ctrars  ca  pouToir  t)Tannîqac? 
.KaLD.  i  tiii-s:  i^i  c  :3C  br-aïaux,  peu  complaifans ,  fâcheux* 
Arircs  ■  DCC.JiC£z  ^  débauchez,  onibra^^ax  • 
ysLTZi  au  coin  c'£po::x  ils  feront  ll:rs  de  plaîic? 
Tvos ,  cberc  Euioxc ,  con  ;  &  je  r.c  puis  m'en  uiit* 
Arrcç  roas  c£S  r»or:ra:rs  bien  ou  mal  ébaucha, 
£:  la:^:  £' aùrrcs  cncor  eue  je  n'ai  pas  touchez ^ 
Si  ^£.35  des  Vers  picruans  Juvenal  en  furie 
A  faî:  paJ^r  po:::  foj  celui  cui  fc  marie  , 
D';-n  efrr::  :*!/»-.  ar.'.é  .  ccnclr.ons  nuiourd'huî' 
Qac-celiC  oui  l'épeufe  cit  plus  folle  qac  IuL- 


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goirc  de  Nazis r*zî  i:  î*  >i  :-  ?•:•'> 
Poèfie,  Les  -.--:;-»::  i..   •« 

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*•   1 


A 


lA     i:il:otheci'i   poetioue. 


:  ir:  5l  It  gtnie  pe'jver:  donner ,  fut  tou- 
'***"  k  iirs  ChrtiiinLe  à:  Iclide.  Sçavant  dans 
t:»-jte5   les   efpeces    d'érudiiicE  ,    il   les 
emrloTz  à  f  êdificaiicn  de  l'Ec^ile  ,  &fal- 
far.:  ferâr  à  la  deccrzdca  du  Temple  de 
Dic-j  les  céj*:  'Jil^s  n^tine  profanes ,  il  con- 
facra  les  Lerre-î  kuT.aines  par  ]e  laint  vSk — 
ge  çiil  en  icu:  iiirt,  Tàn:  de  vertus  éroienc 
eTîCore  rehaulites  par  la  roodelîie.  Il  iuyoi^ 
les  louanges  a^  ec  ie  même  foin  que  les  au^ 
très  les  recherchent^  il  s'attirci:  les  refpefts 
&  l'amour  des  ennerris  noéme  de  TEglifè  ; 
il  ramena  les  brebis  cgarc'es  de  fbn  trou- 
peau, auran:  par  ù  douceur  &:  par  fà  bonté, 
que  par  Tartrait  de  Ion  tioquence  ;  il  fçuc 
conierxer  avec  les  amis  une  égalité  d'hu- 
meur &:  de  ientimens  qu'on  ne  voir  gucres 
parmi  les  hommes  ;  Se  conlbmmer  i  fa  courfe 
comme  les  bons  Evcques  la  doivent  finir  i 
dans  les  fonctions  deTEpifcopat  &dansles 
devoirs  de  la  réfidence. 


X  M.  TLicHiiJi  uouiut  enfoa  Evêché  le  i6  Février  irsc. 
i^éde7»aas. 


\ 


LIVRE    X  I  I  r.  '- 

V  Hercule  Fraz^::,. 

POuR  te  rcpréfcnrcr,  aprcs  :cî  ^it.'.-,  tzz'.z'^k. 
Ce  n'ctoic  pas  afljz  d'jn  ncrr^.r  Ga..  ^.:  : 
Invincible  Loris  ,  fojs  çui  \z  Mom:  ::*:r.i!e, 
Il  falioit  avoir  pciat  tojs  les  Héroc  tcfci-île. 
Al  ai  s  ces  portraits,  mé.'szHcran:  de  demi  D;t.:x, 
Confondroicnt  noserp:its,  &  îaîTeroicr.t  nos  ysaXp 
Souffre  qu'Hcrcu'c  fcul  fc  confacrc  à  ta  jrîoirc  , 
Qu'il  compare  fa  Fable  avecquc  ton  Hiftokc  ; 
Et  o^ue ,  voyant  Ton  nom  par  le  tien  efface  « 
Il  confeffe  aujourd'hui  que  tu  Tas  furpaiTé. 
Il  dompta ;lu  Lion  la  rage  envenimée , 
Dans  les  fombres  dérours  des  forets  de  Némécj 
Et  tu  viens  de  dompter  le  Belgique  Lion  « 
Qui  rcfpirant  le  meurtre  &  la  rébellion . 
Nourri  depuis  long  tems  de  (ang  &  de  carnage , 
Auprès  de  (es  marais  redoutoic  ton  courage , 
Il  fembloit  exciter  »  par  (es  rugiffemens , 
Tous  les  Peuples  voifins  au  fccours  des  Flaman$» 
Hercule  triompha  du  Géryon  d'Efpagne  > 
Rcnverfa  fes  châteaux ,  défola  fa  campagne  : 
I.CS  Tyrans  de  la  Terre  en  tremblèrent  d'effroi. 

C  cfl  un  travail  pour  lui  »  ce  n*efl  quun  jeu  pour  toL 
Tu  cours ,  fans  t'émouyoir ,  au  milieu  des  allarmcs  : 
Rien  ne  peut  s'oppofcr  au  bonheur  de  tes  armes. 
Tournay ,  fans  t'arrcccr ,  reconnut  ton  pouvoir  j 
T'a  B  eus  cj'i'à  rinvcftir ,  &  qu'à  te  faire  xolr. 


ri,-     EIZLIOTrîE^Z^'E   POETIQUE. 

"Zi'isr  -i  Tir  .ccz:lï  .  r:z^z^  ^  rê^i'rancc  ; 
•^-  Zr  .  zr2."nii:  :-l   -L.':i:i .  Luc  Ion  :a  clcnxncCt 

_         •  ■-•".» 

;  ri  T'.t .  rc  'Il  .  .z  .;  lzz:  iz  .2  Gloire  , 

I'  ':r  T:cc4-Vi—«r::  i;?  -rriti  i-  :i  Ticroirc  : 
îlir.'-rrr  .^r  -V?  r:ir:ir:â  i  iiniL  rc^irovcx, 

••^      •  ■  ^  f  •  •■ 

QmI  .^il:  l'in  iî  rr  -rilzczz  rs.  fc  ilv-rdiline. 

-  -       •  *         ■    .  .., 

r:irr-.i .  ^r i:  -J  rr.? .  3-:.t::î  :a  vj:l.iacc. 

Ci  Hi-j-î  i-n:  :  -  :1  ^îi:  piis  ce  c^j  il  é:oî:  s 

Z:  7r::r"i  .r-î  ^;  yi.\  zz  —j-ii  .^-'ll  ponoîr, 
•  ■        ■  '     *        j_  ■ 

^»  ■  •  •  v«  m      9  ■m  m 

n:  wjiirCiii  .-:  .1  ::::;  -z  .vc:  c-:  .c  tcaîagc; 
Q-l  v.îzzc  ''iV.'ziz  JCT.zr;  j:i  A:!a$  co-jveaaj 
I:  v;ul".Li  :;  cr.i:^;:  i  j::  l".  zz.'izz  ùrJcau. 
Il  :\i  ::c-Yé ,  Lcv:5   •:--; ,  izzzziz ,  rcdojtab'Cj* 
riz5  '.^5  =cr*.£S  mviui  :c--c-rs  i^rjiigablc, 
E:  :.>^:  r:;:  1  ziT.pz  1:  Mo-.i;  .eus  :a  îoi , 
A  .  .:i  ro-voîr.r.  rrÀii\  '.t  :i  r.crtrc  ca'à  toi  ? 
T;  c:-:  ?^iva-x  izrr.iz  '.zs  zozzzs  obfiinécs 

ToîT  7::air  :'in= Jlticc  Se  :'cr;.!ci:  .'js  hy-raînSj 
i .'  graai  Alcide  a  mis  fa  maiiuif  en  tes  mains  # 


L  I  V  R  E    X  I  I  I.  317 

Qui  doit  faire  aux  Tyrans  une  immortelle  guerre  j 
Après  avoir  dompcé  les  montres  de  la  Terre.  Flschii 

Le  poids  du  monde  entier  ne  te  chargera  pas  : 
La  vai liante- Bellone  &la  doâe  Pallas , 
Seront ,  en  ce  travail ,  tes  compagnes  fidélles  : 
Grand  Roi ,  tu  régneras  &  tu  vaincras  par  elles  ; 
Et  tu  feras  toujours ,  au  gré  de  tes  fouhaits , 
Arbitre  de  la  guerre ,  arbitre  de  la  paix. 
Au  bien  de  tes  Sujets  ton  ame  ed  occupée  : 
Tu  portes  dignement  &  le  fceptrc  &  Tépée. 
La  Vî<Sloire  eft  toujours  prête  à  te  couronner  5 
Tu  (çais  4'art  de  combattre ,  &  l'art  de  gouverner. 
Ta  force  &  ta  valeur  égalent  ta  prudence  , 
Ou  tu  domptes  TEfpagne ,  ou  tu  régies  la  France  : 
Tu  tiens  ou  tu  réduits  des  Peuples  fous  ta  loi , 
Et  tu  fais  le  Héros  au(fi-bien  que  le  Roi. 
■Vois  ces  beaux  monumens  de  triomphe  &  de  gloirçj 
'Ou  Ion  drefle  déjà  le  plan  de  ton  Hiftoire  : 
Oii  l'Art  ingénieux  a  déjà  travaillé 
Sur  cent  pierres  de  jafpe  ou  de  marbre  taillé. 
Quatre  fleuves  allîs  fur  leur  moite  rivage , 
Sur  des  urnes  panchez,  couronnez  de  feuillage  , 
*Vcr(ênt  à  gros  bouillons  leur  liquide  criftal  ; 
£t  recueillant  leurs  eaux  dans  un  même  canal  y 
"T'ouvrent  tous  jes  chemins  de  l'Empire  de  l'Onde^ 
•Et  t'ojffrent  les  tréfors  de  l'un  &  l'autre  Monde. 
•Ces  flots  de  marbre  Ctc  vont ,  ce  femble ,  couler^j 
.Jf  :  ces  Dieux  de  métal  femblcnt  vouloir  paricç. 


32.8       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 
Extrait  iun  Eloge  de  Louis  LE  Grajxd. 

CCHXEK. 

Sous  les  tlcrcs  pompeax  d'une  Hluftre  fortune 
SouvcDC  les  plus  grands  Rois  nonc  qu'une  ame 

commune. 
Le  Dedin  les  élevé  à  ce  fuperbe  rang  , 
E:  ne  les  y  maincicnc  que  par  les  droits  du  (àng. 
On  aime  leur  grandeur ,  fans  aimer  leur  per&nne  ^ 
Ils  n'ont  que  cet  éclat  qui  vient  de  la  couronne  « 
£c  connus  par  leurs  noms  plus  que  par  leurs  ex« 

ploits , 
Ils  ne  (êroient  plus  rien  s'ils  ceflbient  d'être  Rois. 
Mais  le  Prince  Eimeux  qui  régne  dans  la  France.  • 
Joint  les  droits  du  mérite  aux  droiude  la  na.sf- 

fauce  -y 
Par  lui-même  il  cft  grand  plus  que  par  fes  Ayeuz  i 
Le  trône  qu'il  remplie  en  eft  plus  «glorieux  • 
Son  ame  eft  au  dcll us  de  fa  grandeur  fuprcme  5 
La  vertu  brille  en  lui  plus  que  le  diadème  j 
Et  quoiqu'un  vai'bc  Etat  foie  fujet  à  fa  loi , 
Le  Héros  en  Lou  i»  c(^  plus  grand  que  le  Roi. 

Jpofiro^e  À  Rome, 

Nom  ,  Rome ,  tu  n'es  plus  au  fiécle  des  Céfars  w 
Où  parmi  les  horreurs  de  Bcllone  &  de  Mars , 
Tu  portois  ton  orî^ucil  fur  la  Terre  &  fur  rOoJc  j 
Ct  bravant  le  deflin  desPulifanccs  du  monde i 


LIVRE     X  I  I  L  iif 

I 

Tafaifois  voir  en  pompe  aux  Pcaples  étonnez 

Des  Souverains  capcifs ,  Bc  des  Rois  enchaînez..      Fl£CHI£S« 

Tout  cet  éclat  paCé  n*eft  qu'un  éclat  frivole  ^ 

0|ine redoute  plus lorgueil du Capitole , 

Et  les  Peuples  înftruits ,  charmez  de  tes  vertus ,. 

Ajorcnt  ta  grandeur  >  &  ne  la  craignent  plus» 


* 
-••• 


Tomt  Iir.  E  c 


?■.=       i:ii:07EEriE    POEnQUE. 


LAI  NEZ. 

Cti-2v .  ville  daHivnauIr,  eft 
lEor:  i  Paris  le  iS  Avril  1710^ 
Lgé  de  f:iïir:e  sns,  II  éroitori- 
pilaire  d'Efpz^r.e .  ce  II  même  famîlleque 
îe  fangeux  Pcre  Lakcz  •  iècofid  Général 
cf  :a  Ccnipagiùe  de  Jésus.  Jamais  per- 
f:  r.r.e  r. e  n:  .-iiîeux  qiie  lîiî  les  kocceurs  de* 
il  Tibic  Se  de  la  ccnveriàdon.  Une  con- 
EcrJmce  profonde  de  F Actiquire  ?  jointe 
â  une  me.xcire  prodigieafe  ;  un  cfprit  lOr 
rjrel .  vif  Se  inepuifabîe  fur  toutes  fortes 
ce  fii-'trs .  le  faifoient  égalenien:  rechcr- 
cr.er  2  la  \'ille  &  à  la  Cour  :  mais  n  avcMt 
pîs  M.  Lai  NEZ  qui  vouloir..  Quoiqu'il  ait 
£j:  un  aiTcz  grand  nombre  de  Vers  ,  nous 
t  en  avcr.s  d'ioinrimez ,  que  ceux  que  M» 

:  V^-hrnir  ;-.-t:.  :n-rr:.r.s  en    i-r-.  &  rcîinpTÎnîi*' 


Lî  V  R  E    X  II  L  351 

!u  Tillet ,  ami  pardculier  de  l'Auteur  a  . 
iférez  dans  fa  Defcription  *  du  Parnafle 
'rançois.  La  vie  de  notre  délicat  Epicu- 
ien  y  eft  détaillée  avec  toutes  fes  circonf- 
uices.  Le  Icâeur  trouvera  bon  qu*on  Ty; 
envoyé. 

C  H  >«  N  5  O  N  s. 
!• 

U'n  ruîflèaa  m'cndormolt  en  tombant  dans  I^    - 

Siieioe  : 
lille  oifèanx  m'éveillolent  >  &  ranimoient  ma 

veine  :  : 
ne  Aurore  naifTance  édalroit  un  chemin , 
'oii  leZépbire  &  Flore  avec  leur  douce  halelnQ/^ 
illbjene  n^ger  fur  mol  la  ro(è  &  le  jafmin  : 
apperçûs  touc-à^oup  la  Beauté  que  j'adore  \ 
J'oubliai  lesruifTeaux  j 
Je  n'ouis  plus  d'oifèaux  , 
Je  ne  vis  plus  de  Flore , 
:  ro(è9',  de  jafmins ,  de  Zéphir',  ni  d'Aurore# 

I  I. 

unique  je  fuis  content  de  mon  i  amour  nouvelle! 
Que  d  e  charmes  î  que  d*agrémens  ! 


u Amour  cû  ici  pour  MaîcreCe. 


Eelj 


3J1        BIBLIOTHEQUE    POETISUE. 

Elle  cft  jeune ,  brillante  ,  aimable  &  nacorelk  j 

.AIN£Z.  £c  quoique  peu  fidelle , 

La  vc^age  fak  mille  amans , 
Qui  i  fans  ccre  jaloux ,  n'ont  du  goût  que  pour  elle: 

Qu  elle  enchante  dans  ce  repas  ! 
Qa'elle  fait  entre  nous  une  agréable  guerre  i 
A  tant  d'attraits  ,  à  tant  d'appas , 
Quoi  vous  ne  la  connoiflezpas  ? 
Yoyez-ia  briller  dans  mon  yerre. 

1 1  r. 

Chansons  ,  que  la  table  a  va  naJor» 
Tous  avez  crû  peut-être 

Que  Bacchus  vous  donnoit  le  jour. 

Baccbus  ,  fa  fuite  a  beau  paroître  , 
Llagrate  Iris  n'eft  plus  ce  qu'elle  devroit  être , 
Ma  voix  ni  mon  efprit  n*ont  plus  le  même  tour  t 

Hélas  !  chan(bns>  je  commence  à  coonoiur 

Que  vous  étiez  les  en&hs  de  l'Amoac» 

I  y. 

Apoclon  &  Bacchus  « 
Parmi  les  iacons&  les  luths  , 
Aujoutdhui  m'ont  juré  qu'ils  alloient  en  Chaiff- 
pagne , 
£t  qu'ils  n'abandonneroient  plur 
Haut  Ville,  Rhcims  &  la  Montagne. 
Grand}  Dieux  i  û  vous  voulez  ranimer  nos  concerts 


L  I  V  k  É    X  I  1  î.  jfj 

SouVenez-Yous  d*êtrc  fîdcllcs  -,  

)tre  feu  divin  tout  languit  dans  nos  vers ,       Ljlïhiz 
Tout  languit  dans  nos  airs  : 

£  vous  manquez ,  plus  de  chanfbns  noo-. 
slles. 

La  Fable  entre  mille  plalfirs, 
le  flots  badins  conduits  par  des  Zéphirs» 
cre  une  Venus  de  l'écume  de  l'Onde  : 
Grèce  murmure ,  ou  c^ue  la  Fable  gronde  # 
La  Champagne ,  le  verre  en  main, 
A  des  PrefTolrs  que  ùt  liqueur  inonde  y- 
naître  aujourd'hui  de  la  moufle  du  vin. 

VL 

QiTE  tout  refleurifle 
Dans  ce  beau  féjouc , 
Jonquille  &  narcifl^e  ) 
Que  tout  rajeunifle 
i^ux  yeux  de  l'Amour  ^ 
Que  la  Faveur  repofe 
Dans  les  bras  du  Loîfir  : 
Que  Flore  fur  la  rofe 
Pour  efle  feule  éclofe,   * 
Vienne  avec  le  Plaifîr 
Couronner  le  21éphic 


&INIZ. 


5  5  4      BIBLIOTHEQUE     FOETIQUE. 

Li  tendre  ApcIIe  un  jour  «  dans  ces  jeux  fi  vanccSi 
Qu'Athènes  autrefois  confacroic  à  Neptune  , 
Vie  briller  fur  Tes  bords  ,  à  Tenvi  cent  Beaiuez } 

Ec  prenant  un  trait  de  chacune , 
Il  fit  de  fa  Venus  un  ponrait  immortel  : 
Hclas  l  s'il  a  voit  ^-ù  la  divine  M  artel  ,  i 
Il  n'en  auroît  employé  qu'une. 


I  Ci-Jeran:  Madssioirelle  Coulon ,  dont  Teff xic  &  U 
— -  oac  ùxi  l'aimimon  de  tout  Paris. 


LI  V  R  E    X  I  IL  335 


M"'    CHERON^ 


^«  LiSABETH-SoPHIE  ChERON  , 


^/^;  de  r Académie  Royale  de  rein-  r  o  n. 
i^^^^'  ture  &  de  Sculpture ,  ëpoufa  en 
i5p2.  Jacques  le  Hay,  Ingé" 
aîeur  du  Roi,  Son  père  Henri  Chéron  y 
Peintre ,  lui  apprit  fon  Art  ;  &  elle  profita 
i  bien  de  fes  leçons ,  qu'à  vingt  ans  Tdco- 
iere  ctoit  dcja  au  deflus  du  Maître,  M,  de 
'iles  dans  la  vie  des  Peintres  dit  que  Ma- 
.emoifelle  Cheron  a  exécuté  quelques 
àbleaux  d'Hiftoire ,  &  fait  plufieurs  det 
îins  d'après  TAntique ,  qui  font  fort  efti- 
lez..  Elle  apprit  THébreu ,  pour  mieux 
ntrer  dans  les  fens  des  Pfeaumes  qu'elle 
ouloit  traduire  ;  &  l'eflai  »  qu'elle  en 
onna  Qni6$^.  eut  une  approbation  uni- 


I  Volume i«-R^. enrichi  de  bc//cs  cflAmpes ,  inventées  tc 
ivéespar  Loui*;  CiiCron  fun  Frerc.  Le  potcraic  Je  Maile- 
oifcllc  Chfrom  ,  q-jiciojt  uoc  Uiunclorc  almabicjcftà 
iccc  de  CCI  Ouvrage. 


fi6    BlBLlOTHEqUE  POETIQUE. 

verfelle.  Son  Poème  intitulé  les  Certfesrerh 
*  o  N.  "  '^^^f^^^  y  quoique  bien  écrit ,  n'a  pas  éga- 
lement plu  à  tout  le  monde*.  L'Académie 
des  Ricovrati  de  Padouë  lui  envoya  des 
Lettres  d'Académicienne  en  1 6pp.  &  lui 
donna  le  furnom  d'Erato..  Elle  e(l  morte 
ï  Paris  le  3  Septembre  171 1.  âgée  de 
§^  ans» 

F  s  EAU  M  E    LXXIIL 

Mifir»  du  Peuple  Juif  dans  les  derniers  tems  delà 

captivité  de  Balylone.  Temple  (^  Prêtres  d/i 

Seigneur  et^prcye  à  la  fureur  des  Idolâtres, 

X    OuRquoi  dans  les  ennuis  cTune  longue  fouf- 
fiance ,  i 

Bannis ,  înfortunez  » 
Nous  laîffcs-tu ,  Seigneur ,  fi  loin  de  ta  préfcnce 

Aux  pleurs  abandonnez  ï 

Cette  noble  Sion  qui  fut  fi  floriflantc 
Dans  ùl  prospérité , 
Ceft  elle  qu'aujourd'hui  nous  voyons  gémiflàn» 
Dans  lacapcivicé. 


»  Ut  ^Htdi  DensprepuUfii,  (Te*. 


ils  j  Clic  cï  Duai  lôic  aar  route  .i  7.;rr2 
Pour  jaisais  en  aubîL 

paoiras-cx  peine  leur  anrxBi      ki  J'ài- 
léicc  . 

Leurs  iccfes  iiiiiumsim 
:-iIs  pcrrïr  :uiî:ii'i  xn  rcne  nc::ii£ 

Sciijnrjr,  iéicma  s  icxri  munie  jcnxrip 

nous  n'iTOs^  çlis  z^  rrr^iiirs .  tl  'utr- 
Qui  coad:L:.c  :>»  =;s& 

:as de  rUaraoa  bzl'tz  Trcriil -=^  : . 

£c  Ton  ri:  c«  ir.irrs 
rncnt  aa  Lcran:  !'iri;z:î  Lù^zzi: , 

De  cadiTrss  coiTcrtf. 

:niis  le  rorVcr  ;  ^t.z  xbrriÂrrc  .V  jrrt 

En  reja:l;i:  raclais  : 
uvcr  Ifrad  ,  ra  LL.Vcaiis  la  courfr 
Du  rapide  Jourdain. 

e  cfpérancc,  ôDicu  !  doît-cllc  ^ticluiinu-  • 

Et  n es-cu  pas  toiijtMiis 
ont  a-Jtrcfoi*.  la  puiîï'.incc  iuiinir 

Viir  a  iiotic  ("cLtiurs;  * 

mt  m.  ^ 


mm/mmmmmÊ^mmÊiammmmmmÊmmÊÊmÊmm^mmmmmÊitmmÊm 

338     BIBLJOTHEQC/E    POETIQUE. 

Le  grtnd  aftre  du  jour  >  &  la  naiflaoce  Auroit 
lE-  Par  ces  mains  font  formez  ; 

£c  ces  bxîllans  flambeaux  dont  le  Ciel  Ce  décore» 
Par  col  font  allttnieE. 

La  Terre  eft  ton  ouvrage^  &  les  m  «rs  (ont  bornai 
Par  tes  ordres  conftans  : 
Tu  veux  que  les  failbns ,  l'ane  à  Taucre  eocbainées 
Nous  parcagent  les  tems. 

Ce  pouvoir  fouverain  qui  fait  trembler  la  Terre, 
fais  le  fencir»  Seigneur , 
Aux  peuples  inhumains  qui  nous  livrent  la  gocne 
Avec  cane  de  fureur. 

A  ces  cigres  cruels  ,  à  ces  lions  terribles  * 
N'cxpofc  plus  nos  jours* 
MalheureuxjSerions  nous  dans  ces  défertshorrihkf 
Exilez  pour  toujours  ^ 

Vil  rebut  de  la  mort ,  opprobre  de  la  vie , 
Dévouez  aux  douleurs  ^ 
Ne  revcrrons-nous  plus  notre  cherc  Pacrie  > 
Digne  objet  de  nos  pleurs  ) 

Imitation    du    P$eâvm£*CX 

Sur  le  retour  des  Juifs  à  Jéruffilem  ,  MfrhJ 
^  dix  ans  de  captii/ité  À  Bafyloftf, 

X  Qu  EL  tranfport  imprévu  s*empare  de  17 

»i— — — ^— ■— — 1^  I       ^—^^ 

t  LatMtëj  fnm  in  his  qu<(  diclA  fnnt  nùbi  >  CT 


l  I  V  R  E    X  I  I  L  55f 

Qabi  ?  Je  verrois  encor  ce  Temple  glorieux , 
La  célèbre  Mâifon  du  Dieu  que  )e  réclame  '  MlliC 

Je  eeverrois  Sion ,  le  bien  de  mes  ayeux  1 .  *  Q  ► 

Tout  annonce  à  mon'ojcar  cette  hcurcufe  nouvelle  : 

Oui ,  tout  m'annonce  en  ce  grand  jour  , 
DaM  la  fin  de  nos  maux ,  un  Dieu  toujours  fîdelle. 

Par  des  chams  de  joye  &  d'amour 
Signalons  »  k  Tenvi ,  notre  reconnoiffance  : 
KnifTons ,  à  levivi ,  notre  Libérateur,  i 
Que  les  peuples  »  ^Dumis  à  fou  obéïffance  » 
D'un  Monarqt^e  ii  bon  fôutiennent  la  puilTance  ; 
Ht  qne  Tes  jours ,  filçz  de  la  main  du  Seigneur , 
SQÎPnt  prolonge?  pour  leur  bonheur. 
Et  toi  >  Jérufalem ,  pu i (Tes -tu ,  toujours  Saiote , 
Voir ,  en  tput  rems ,  la  paix  régner  en  ton  cncçi.iitc  l 
Daigne  le  Ciel  ^  pour  toi  prodigue  de  &s  biens , 
Ne  dernier  qu'un  efprit ,  quun  çocur  à  tous  les  tiens  ^ 

Cantique    d'Habacuc. 

O  Vrophéti  frtÀit  U  défôlation  proshaine  4e  U 
Judée  par  NaJ^uift^tifinç/ffr  §  la  captivité  d^*  Peu- 
pie  Jiiif-ylaprifede  B^hlonepar  Cyrus;  c5»  '»/» 
U  délivrance  de  ce  même  Peuple  y  figure  de  U  Ré^ 
Jetnptiûn  du  Monde  par  Jesus-Chjrist. 

%  Jl  t'entends  *  ô  voix  formidable  ! 
Voîx  de  mon  Dieu ,  j'écoute  en  frémiflfant  5 


I  Cffu*. 

1-  Domine ,  dudivi  dHdiUcnan ,  O'c. 


34^       BIBLIOTHEQUE     l'OEUSlUE. 

Qui  bravenc  ton  coorroux  a?cc  tant  cl*anogaiicc  > 
lleChi-  Répands  tes  indignations,  i 

Mais  }e  te  ^oîs  terrible  >  9c  u  colère  éclate». 
Des  ^aîl!cs  forêts  les  pins  (ont  arracheï  : 

L*orgaeilleiiz  &  rapide  Eaphrate  » 
An  plos  creox  de  (bn  lit  Toit  fcs  Tablons  (Zcbez* 
Les  fommets  efcarpez  des  plus  kaures  momagocf 

S'égalent  aaz  rates  campagnes  : 
Les  céteftes  flambeaux ,  d'un  voile  épais  cooTCic»>. 
S'arrêtent  au  milieu  de  leur  yafle  carrière  i 
£ttes  traits  enflammez  répandent  dans  ks  aiis 

Une  foudroyante  lumière. 

La  Terre  par  Ces  tremblemeiis 
Fait  (bnîr  des  enfers  les  flammes  agitées  ) 
Dans  leurs  gouflres  profonds  les  eaux  précipitées 

Redoublent  leurs  mugiâcmens. 
Cependant  garantis  de  ce  mortel  orage  * 
Notre  Libérateur  nous  tire  d'etclavage  s 

Il  romp  nos  fers  comme  tu  Tas  profflife  : 
Babylone  devient  fa  première  co&quéte , 
£t  fuperbe  Vainqueur,  il  écrafe  là  tètt 

Du  plus  fier  de  nos  ennemis.  ^ 


1  Le  privilège  delà  Tocfic  ne  fçauroit prefcrire id  conB« 
l'uûige  qui  n*admec  point  le  mut  d^iitdiituitiom  ÊM.^mià$ 
outre  que  ce  moc  a  mauvaife  grâce  en  Tes. 

1  Baical'ac. 


■te 


LIVRÉ    XI  IL      *        54r 

nitrt  tSiff  voit  raflkflTm  ,  <^\  feûtânt  (à  yca- 

Na|re  dans  le  pkifir  ftffi^x  \t 

ffjçet  à  rfeatt  le  fbibte  fnttlhearnîir  « 
i*oppo(e  à  fès  coups  ni  cris  ni  réndance  : 
léme  ces  méchans  i  qui  nous  ont  d^yotcx  ^ 

De  nocre  Tang  (ônc  cny vrez. 

Sfiio^euii  )  ne  leur  fais  point  de  gra^. 
leurs  fcef  très  brifez  Jeurs  grandi  oomi  cotr« 
fondus , 

Anéantis  avçc  leur  race , 
I  le  fiéclie  à  venir  ne  te  connoiiTent  plus, 

ifi  cet  avenir  cjut  Dieu  méfait  entendre  , 

5e  montri  k  mes  (ens  défole?. 
i  dans  lès  fecrets  tjui  me  font  révélez 
écouvre  les  maux  qu'irra<îl  doit  acrenJre.» 
id  Dieu  #  qui  nous  punis,  Dieu  jude,  fi  tu 

veut 
mes  yeux  foieut  témoins  de  ces  jours  mal- 
heureux , 


Zt  terme  ruppofe  toMjoiirs  quelque  injure  re^iiif ,  &  il 
cft  poincici  queftion.  Celui  de  cruauté  ^  He  r^gi  ^  ou 
[Ue  autre  équivalent ,  eût  é:é  plus  juile ,  mais  il  falloic 

m 

mCcI  eft  entendu  de  Balchazar  dernier  Roi  de  Bab/« 


LIVRE    X  I  I  î.  J4r 


mmt 


Comme  on  voit  raiTafTin  ,  qui  foulant  fa  Tcn- 

Nage  dans  le  plaifit  affreux  )t  o 

D'cgorger  à  Técart  le  Foible  malhcQreut  • 
Qui  n'oppofe  à  fes  coups  ni  cris  ni  réfidance  : 
De  même  ces  médians  i  qui  nous  ont  dévorez  ^ 

De  notre  fang  font  cnyvrez. 

.Seiongur  ,  ne  leur  fais  point  de  gra^. 
Que  leurs  fcc]  très  brifez  Jeurs  grandi  oomi  cotr« 
fon^iiis , 

Anéantis  avec  leur  race , 
Dans  le  Héclc  à  venir  ne  te  connoiiTent  plus, 

Ainfi  czi  avenir  qnc  Dieu  me  fait  entendre  , 
5e  montre  à  mes  (eni  défoler. 
A\tS\  dans  les  fecrets  t|ui  me  font  rcv^Icz 
7e  découvre  les  maux  qu'irra<îl  doit  attendre.. 
Grand  Dieu ,  qui  nous  punis,  Dieu  juile,  fi  tu 

veut 
Que  mes  yeux  (oient  témoins  de  ces  jourt  mal- 
heureux , 


I  Cr  rv'tmc  (uppofc  tf/ijo'.irs  qiicK^uc  ii.jmc  re<,iî<f ,  &  il 
,       n'en  Cil  poini  iti  qucll-on.  Celui  de  critiutté  ^  l^c  »'«';;*»  ou 
qtul^uc  a-.icrc  éijuivaU-iK ,  ciK  é:c  plus  juftc ,  mais  il  falloir 
^      riincr. 

w  1  Ceci  eft  euccndu  de  Balchazar  dcr;v:;:r  Roi  de  Bjb/« 

lone. 

Ff  liij 


344     SIBLWTHEQUE     POETIQUE. 

"TTS^SSiT  Soumis  à  ces  décrets ,  j'adore  jra  pulflance^ 
MlleChe-  ^^  bénirai  coq  Nom  ,  rempli  d'ua  ferme  e(poir  i 
A  o  K«  Que  dans  peu  tu  nous  feras  voir 

Du  malbcûKux  Jacob  l'heureufe  délivrance,  i 


1  M.  Roudèaa  eftimoît  û  fort  cette  Pièce «.  ^'il  !*•  £dr 
imprimer  à  la  fuite  de  fei  Poëfiei  Sacrées ,  dtni  l-Zdldoit 
àii«4^.  ^ui  a  paru  «quelque  tems  avant  ra.motc. 


L  I  V  R  E     X  1  l  I^      •       l^S 


LA    F  A  R  Ei 


H  ARLES- Auguste,  Marquis 
DE  LA  Fare  y  Comtede  Lau- 
gerre ,  Baron  deBalaruc...  & 
Capitaine  des  Gardes  du  Corps 
Monsieur  ,   naquit  au  Château  de 
[gorge  en  Vivarez ,  &  mourut  à  Paris 
Palais  Royal  le  2p  Mars  171 2.  âgé  de 
ans.  Roufleau  nous  donne  une  aimable 
t  de  l'efprit  &  du  caraftere  du  Marquis 
LA  Fare  dans  TQde  IX.  qu*il  lui 
efle ,  &  dont  voici  la  première  ftrophe» 
Dans  la  route  que  je  me  trace , 
Lyt  Fare  ,  daigne  m  éclairer  / 
Tlox  ,  qîd  dans  les  [entiers  d^  Horace 
Marches  fans  jamais  {égarer  ; 
Qui  ^ar  les  leçons  d'Arifii^e  , 
De  lafagejjfi  de  Chryjippe 
\4sffti  corriger  l'âpreté. 
Et  telle  qiiaux  beaux  jours  £Afirie  r 
Nous  montrer  la  vertu  parée 
Des  attraits  de  la  volupté.. 


LaIas 


1^6    BiBUOTHEQUE   POETIQUE. 

m^ÊÊmÊÊÊaÊÊÊÊÊmmÊmÊ^mmmmÊmÊaÊÊÊÊÊÊmi^mÊmmÊÊmmÊmmÊÊimm^mmtmm 

M.  le  Marquis  de  la  Far£  fçavoit  mieux 
Fare.  que  perfbnne  animer  &  rendre  vifs  jufqu'à 
la  fin  Içs  plaifirs  de  la  table.  Sa  convexiâ- 
tien  étoit  toujours  aimable  ^  toujours'  intf- 
re&nte,  parce  qu'elle  étoit  toujours  âgréc' 
blement  variée.  Au  relie  le  goût  panfci- 
Ger  queMeflîeurs  de  Vendôme  avoiem 
pour  lui^  eft  la  preuve  la  moins  équivoque 
que  Ton  puifle  donner  de  (on  mérite.  Ou- 
rre  fes  Poè'/ies  j  qui  malheureufementrooc 
en  très-petit  nombre  ^  M.  db  la  Fasb^ 
Aous  a  laiflTé  des  '  Mémitirisfur  Us  pr&rf- 
faux  évtntnuns  du  régne  de  Louis  it 
Grand,  jufqu'en  Tannée  i (Sp^....  Ilsfoot 
écrits  d'un  fille  aifé  »  net  &  concis. 

Smr  fis  Vtrs. 

PKisENS  Je  la  feule  Matare# 
Amufêmens  de  mon  loi fîr  » 
Vcn  aifct ,  par  qui  je  m'aflîirt 
Moins  de  gloire  que  de  plaifir  } 


s  II*  on:  étf  imprimez  en  un  volume  i»-i  2.  ao2<l%3' 
ie  Gafpor  Frifch  >  RoccecdAiti  i  Ji6. 


L  1  V  R  E    X  I  I  I.  347 

Coulez ,  eofans  de  ma  pare  de  :  ^— —T! 

Mais  f\  d'abord  oa  vous  careflè  «  La,  Fajl£. 

Kefufez-Toas  à  ce  bonheur. 

Dites  qu'échappex  de  m»  veine 

Par  hazard ,  (ans  force  Se  Olm  peine  y 

Vous  ftiéritez  peu  cet  honneur, 

Chsnfonfm  Vsir ,  un  Inconnir».. 

£n  vain  je  bois  pour  calmer  mes  allarmesj 
Et  pour  chalTer  l'amour  qui  lû'k  (ôrpris  y 
Ce  (ont  des  armes 
Pour  mon  liis  : 
Le  vin  me  fait  oublier  Ces  mépris , 
Et  m'entretient  (èulement  de  fes  charmes  r 

A  MjuiMmi  U  Cèmteffh  de  Cailuti 

M'ab  ANxxONvr ANT  à  latrifteflè  j 

Sans  cfpérance ,  fans  défirs  , 
Je  regreccois  les  fenfîbles  plaiGrs 
Dont  la  douceur  enchanta  ma  jeunefle* 
Sont- ils  perdus ,  difbisje,  fans  retour  ? 

Et  n'es- tu  pas  cruel ,  Amour, 

Toi  que  je  fis  >  dés  mon  enfance  , 

Le  maîcre  de  mes  plus  beaux  jours  y 

D'en  Uiffcr  cerminer  le  cours 

Par  l'ennuyeufè  îiidiflerence  ! 

Alors  ^'apperçus  dans  les  airs 

L'Enfant  Maître  de  l'Univers, 


Qc:  picjii  Jane  iprg  în^nmainc, 

m  iJMUMW  ,  Tt%c3s  •  oc  te  plains  plus  ^ 

Jr  Tss  acmc  £n  s  tapÔDC  y 

^  XC  pXSBDBS  fin  llKJLUl  OC  CaILUS. 
OtZS   TlLASriTZS    I)*H0X.ACE. 

ïjmCmêuiiZ  dtzn  Àtrj^gi  àejmm  mmêmr* 


3  Dis-j*o:,  FriLiLHAyï^sdcftcecAiiianciQr^ 


Tais  roifoiaè  £*oâ;nrs ,  &  ic  omis  coaroaDéi 
roux  fgn, ,  ikzK  &ar:2  loin  if  re  rcadrc  plos  bclk» 
Ti  £inriic:ré:i£rjrelle 
L&i5e  âccrer  tes  bloois  chereiu } 
F; rcl  ^ms  siîs  grcce ,  on  ion  uncNir  i'jppclk» 
Ct  o::  5£  socs  ic>  ironziS  énc  le  plos  henreox  ?• 
Hc.as  ^  ç2£z^  il  ^erra  'os  TÂineaa  trop  fr^ilc^ 
Ac:3c  par  ies  Tcnrs ,  rré:  i  fc  rcQTcner  » 
Ca  \  ecrenira  bi;a-rô:  poaflèr 
Vers  îc  Cic:  fa  plainte  inotilcV 
Lt5î  cji  rar  "acréijîiré, 
Sar  la  foi  àz  ion  cqeo:  vo^joic  en  {are:é« 


I  Qw/  avKiL'i  ^Mcilit  tt  rue*  m  rv4 
Pf  'M  us  hfjuidu  u'^ei tdorihui 

le  yob!e  a  crsjair  c;::c  ujc  bc  auel^ues  aunes  dâ 
AairuT,  mais  d*im  iule  froid  êcdiâin. 


LIVRE     XÎÎL  349 

Malheur  »  Beauté  trop  inconOiante  « 
Malheur  à  qui  tu  parois  û  charmaace  ! 
Pour  moi ,  dans  le  port  arrivé , 
Je  fiMS  à  l'abri  de  l'orage  ^ 
Et  j'ofFrc  de  bon  cœur  aux  Dieux  qui  m'ont  fauve 
Tout  le  débris  de  mon  naufrage. 

iéa  mort  efi  inévitable ,  (^  il  r^y  a  ni  vertus ,  ni  ta^ 
lens  qtù  nat44  en  fuijfent  exempter, 

1  PosTHUxtE ,  de  nos  ans  que  la  fuite  eft  légère  t 
Que  la  Mort  indomptée ,  &  la  VieillefTe  auflere 

Avancent  vers  nous  à  grands  pas  ! 
L*éc1at  de  ta  vertu ,  que  dans  Rome  on  révère  j 
Ne  les  touchera  pas. 

Yainement  tes  défîrs  ,  pieux  &  légitimes. 
Tacheront  de  fléchir  par  cent  mille  viélimes 

Du  Dieu  des  Morts  le  ccrur  d'airain  : 
iGéryon  &  Titye  au  fond  des  noirs  abîmes  « 
Le  rédament  en  vain. 

,'     Il  les  tient  enfermez  par  cette  eau  décedable , 
]X)nt  à  chaque  morrel ,  innocent  ou  coupable , 

Né  Berger ,  ou  du  fang  des  Rois  , 
Le  paffage  terrible  n*e(l  permis  qu'une  fois. 

i—- ' 

|i  I  Eheu  fngéuei ,  Vofibume  ,  Pcfthume  , 

^  UlfiMUr  Mm.,..  Oa.  XIV.  L.  II, 


LaFare^ 


5  53    BIBUOTHEQUE   POETKIUE. 

£a  Tiio  on  fuit  de  Mars  U  maîa  cnGuiglantée, 
Et  «les  vents  da  Midi  ia  yapear  cmpcftéc. 

Il  Hast  deiccodrc  chez  les  Mores  ; 
Do  Cocyte  il  bm  yoir  l'eas  noire  flc  détcftée. 
Et  fcs  fiiBcftes  bords. 

Il  faut  te  (^parer  de  ton  EjKMife  aimable , 
Et  de  cette  inai(ÔD  ,  de  ce  bois  agréable  , 

Que  les  fiécles  firent  ^  exprès  : 
Ta  n'en  icmpcxteras ,  pofTeflêar  peu  darablci 
Qu'oji  fouébre  cjprcs. 

Un  héritier  alors  »  plus  bcoraix  &  plus  fage* 
Fera  de  tes  tréfbrs  an  magnifiqne  nfage  $ 

Répandra  des  flots  de  vin  vieux , 
Quavoît  foos  cent  Tcrronils  condcrvé*  d^ci 


a^e 


Le  foin  de  ces  aycax. 

ODE. 

Réflexions  dttm  ?bi!ofofbe  fitr  urne  belle  Câmfâpt, 

Pirs  on  obfêrveces  retraites, 
Plus  Tafpeâ  en  cfJ  gracieux. 
Eft-ce  pour  rcrprit ,  pour  les  v^m , 
Ou  pour  ic  cœur  quelles Oxot Va ja*l 
Je  n'y  vois  rien  de  routes  parcs , 
Qui  ne  m'^mifi  ^  n«  m  cncLanrc  ; 


LIVRE    XIJL      •  551 

Tout  y  cetieat  j  tottt  y  conteiite  £~^-— 

Mon  goût  y  mon  choix  &  mes  regards. 

Quaud  je  regarde  ce$  prairies  » 
£t  ces  bocages  renaiffans  » 
J*y  mêle  aux  plaiHrs  de  mes  fens 
Le  charme  de  mes  rêveries. 
J'y  laîffc  couler  mon  cfprit , 
Comme  cette  onde  gazouillante  , 
Qui  (w  k  chemin  de  fa  pente  • 
Qu'aucune  loi  ne  lin  prefcrit. 

Je  vois  fur  des  coteaux  fertiles  » 
Des  troupeaux  riches  &  nombreux. 
Ceux  qui  les  gardent  (bot  heureux  y 
Et  ceux  qui  les  ont  font  tranquilles* 
S'ils  ont  à  redouter  les  loups , 
£t  fi  l'hiver  vient  les  contraindre , 
Ce  (bnt-là  tous  les  maux  à  craindre  : 
Il  en  eft  d'autres  parmi  nous^ 

Nous  oc  fçavons  plus  nous  connoître. 
Nous  contenir  encore  moins. 
Heureux,  nous  faisons  par  nos  foins  ^ 
Tout  ce  qu'il  faut  pour  ne  pas  l'être. 
Notre  cœui  foumet  notre  efprit 
Aux  caprices  de  notre  vie. 
En  yaia  la  raifon  fc  récrie  : 
L'abvtt  paiU ,  louic  y  â}arçr  «c*. 


55*       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ici  |c  rcTC  à  qooi  nos  Pcres 
Se  hxnoicnc  dans  les  premiers  teou. 
Sages,  modcftcSy&concens, 
Ils  (c  rcfùfbient  aax  chimères. 
Leurs  befbins  écoient  lears  objets. 
Leur  trayall  étoic  kur  reflôarce  ^ 
Et  le  repos  «  toojoars  la  (barce 
De  lears  foins  &  de  leurs  projeô. 

A  Tabri  de  nos  (bins  profimes, 
Xlsâevoient,  religieux,  . 
De  fupcrbes  temples  aus  Dloix  » 
£c  pool  eux  de  fîmples  cabanes. 
Renfermez  rous  dans  leur  état , 
£c  conrcns  de  leur  deflinée , 
Ils  la  croyoicDC  plus  fenunée 
Par  le  repos  que  par  léclac 

ils  (çavoicoc  à  quoi  la  Nature 
A  condamaé  tous  les  humains. 
Ils  ne  dcvoicnc  cous  qu'à  leurs  mains. 
Leur  Yêtcmeut ,  leur  nourriture. 
Ils  ignoroicnr  la  volupté  , 
Et  la  fauffe  délicatcfTc , 
Dont  aujourdliui  notre  moleilê 
Se  fait  une  félicité. 

L'iiiteréc  &  la  vaine  gloire 
Ne  dérangeoienc  pas  leur  repos. 


llf 


^* 


LIVRE    X  T  I  I. 


3n 


Us  aimoîent  plus  dans  leurs  Héros 

Une  vertu  qu^une  victoire.  Lj^  pj 

Ils  ne  connoiflbient  d'autre  rangf 

Que  celui  que  la  vertu  donne» 

Le  mérite  de  la  perfbnne 

PafToit  devant  les  droits  dii  fang. 

Dès  qu'ils  (bngeoîent  à  l'hyménée , 
Leur  penchant  conduifolt  leur  choix } 
Erramour  foumettoit  les  loix 
Aux  devoirs  de  la  foi  donnée; 
En  amour  leurs  plus  doux  fouhaits 
Se  bornoient  au  bonheur  de  plaire  \ 
I«urs  piaifîrs  ne  leur  coutoienc guère, 
LesSaifons  en  faifoient  les  frais. 

En  amitié  quelle  confiance  l 
Quels  foins  I  quelle  fidélité  I 
Ilsétoient  en  fiocérité  » 
Ce  qu'on  eft  en  faufTe  apparence* 
S'étoient-ils  donnez  ,  ou  promis  ? 
LeuTS^cûcurs  jaloux  de  leurs  pronieffcs 
Voloient  au  devant  des  foiblcfTcs  « 
£t  des  befoins  de  leurs  amis. 


»' 


Quel  fut  ce  cems  !  quel  e(l  le  nôtre! 

Entre  deux  amis  aujourd'hui , 

Quand  l'un  a  bcfoin  d'un  appui , 

Le  trouve- c'il  toujours  dans  l'autre  ? 
Tome  II  L  G  g. 


5î4       BIBLIOTHEQUE     VOETîQUE. 

Efclavcs  de  tous  nos  abus  • 
^J^  Vlâimcs  de  tous  nos  caprices , 

Noayne  donnons  plus<)u*à  dcs-viiâif . 
Les  noai»  des  ptemiercs  ycrttn. 

Dégoûtez  des  anciens  iitages  » 
Entêtez  de  nos  goâc»  nouveau!  ». 
Loin  de  fotigcr  à  nos  troupeaux  » . 
Nous  décruifons  nos  pâturages. 
Nous  changeons  nos  prcz  en  jardins^, 
£n  parterres  nos  champs  fertiles». 
Nos  arbres  fruitiers  en  ftélrilea, 
£c  not  Tetgess  en  bouliagrains. 

Heureux  habîtans  de  ctfe-plaifter». 
Qui  ¥dus  bornez  dans  Vos  défit»». 
Si  vous  ignorez  nos  plaifirs-. 
Vous  ne  connolfitz  pas  nos  pcincsw 
Vous  goûtez  un  repos  fi  doux  • 
Qu'il  rappelle  le  tems  d^Aftiée» 
Enchanté  de  cette  contrée , 
Vy  reviendrai  vivre  avec  vous*. 


ttancÊm 


M"^  BERNARD. 

[!Atiîerine  Bernard,  n^e  à\, 
Rouen,  de  l'Académie  de  Rko--  n  a 


;vr^/ide  Padouë ,  vînt  s'établir  à 
Paris ,  où  elle  fe  fît  bientôt  con- 
loître  deplufieursperfonnes  célèbres  dans 
a  République  des  Lettres*  M.  de  Fonte- 
lelle  5  entre  autres ,  fe  fît  un  plaUîr  d'être 
ifi  liaifoa  d'amitié  -avec  c€tce  D^itibifelk , 
5c  de  cultiverïheureux  tatefit  qu'elle  avoit 
reçu-de.  la  Nature  pour  la  Poëîîè.  Elle  a 
remporté  trois  fois  le  prix  de  Vers  à  l'A- 
cadémie FraAÇOifè ,  &  iautant  de  fois  4  l'A- 
cadémie des  Jeux  Floraux  de  Tt^uloufe. 
Des  deux  Tragédies,  qu'elle  à. faites  (  Lao^ 
damie  &  Brutusyh  dernière,  quoique 
fbibiièmèftt  icrfce; ,  eut  un.  grand  fuccès. 
Mademoifelk  Bernard  n^en  feroit  pas 
ans  doute*  demeurée-là ,  fi  Madame  de 
?orttcharti^m  qtâ  f^imoit^  &  qui  lui  en 
lonîxoit  même  de  folides  marques  de  icm 


?  :  6       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

en  tems ,  ne  Teût  détournée  de  travailler 

.LîBER-pcur  le  Théâtre.  Louis  XIV.  rhonora 
'^^^  d*ua  Brevet  de  penlion de  deux  cens  écus. 
On  ne  connoît  d'Ou\Tages  ea  profe  de 
fà  façon ,  K^Eléonorc  iTïvrée  3  ScU  Comte 
JtAmtoîfe  9  qu'elle  a  donnez  au  Public  fous 
le  tiare  de  Nouvelles..  Cette  Demoiièlle 
cft  mone  à  Paris  en  1 7 1 2. 

MADRIGAL. 

OUând  le  (agc  Damon  dît  que  d'an  tnùt  moctef 
L'Amour  blciïi:  les  ccrurs  «  (ans  qa  ik  ofcBt 
fe  plaindre  » 
Que  ctft  un  Dieu  traître  &  croel  ; 
L'Amour  pour  moî  n  cft  point  à  craindte^ 
MaisqnacJ  le  jeune  Athis  me  vient  dire  à  fbntoari 
Ce  Dieu  n'eft  qu'un  enfant,  dbux,carcfraDt,aimabte». 
Plus  beau  mille  fois  que  le  jour  : 
Que  je  le  trouve  redoutable  i 
Bouquet. 

Volez, tendres  Zéphirs<qae  votre  doace  haldait- 
j&u  milieu  de  TEtc  ramené  le  Printems  -y 
Faites  éclore  dans  nos  champs 
Dcsâeurs  dignes  de  ma  Climenc 
Quoi  i  TOUS  ne  voulez  pas  répondre  à  mes  défii»?r 
£h  bien ,  à  vos  refus,  il  faut  que  mes  (bugin. 


LIVRE     X  I  I  I.  5J,7 

Se  plaignent  tendrement  des  maux  quelle  me  caufc  3 . 

Et  pulfqae  cette  ingrate  a  rcfufé  mon. cœur  »  MlleBi 

le  ^Kux  y  par  le  fecours  d*une  mécamorphole., 
Que  pour  la  mieux  tromper ,  il  £b  transforme  en 
âcuc 

EpiMfbe  de  Madame  la  Marquife  sTSendié^urm 

Ct-gist  le  trifte  corps  de  rilluftre  de  Pons. 
Dans  le  fein  du  Très-Haut  fa  grande  ame  rcpofe , 
Tandis  qu'en  ces  bas  lieux  nous  ne  nous  occupons 
Qu-'àrépandrc?  des  pleurs ,  dont  (a-  perce  efl  la  caufe. 

Loin  d*ici  cous  ces  valus  tréfbrs , 
Qa*on  reçoit  en  naiffant  des  mains  de  la  Nature  : 
€e  qui  ne  brille  qu'au  dehors , 
N'cft  qu'une  agréable  impefture. 

* 
De  PONs.fut  in&ndblc  aux  fragiles  appas 

Donc  les  Grâces  l'avoient  ornée  : 
A  de  plus  nobles  foins  fon-  ame  deflinée  ». 
De laaftere  vertu  fuivoit  partout  les  pas. 

Dans  fa.plus  brillante  jeunefle , 

Elle  fçuc ,  aux  yeux  de  la  Cour , 
Ibindre  à  beaucoup  d^actraits  encor  plus  de  (àgelTe  3 

Le  rcfpedl  fit  taire  l'amour  5 
fc  fes  adorateurs  crurent  trouver  ea  elle 

Une  Divinité  mortelle. 
3a.  main  »  prompte  à  répondre  à  fon#œur  généreux» 


r  '    j:jis:'T^£2^'i  poétique. 


L--i:ï-  -      :  - V      -    , 


Scnn  jcvir  ^cir?  r^c  z-It  rrofbric  : 

QiiUCkî  2XL  â.c   :  jociienr  ^a  monde  i 
C'x  ic^:-!':  is  rc.r.:    :  "liais, 

5:  ^1 .  :3r.;jc  ^?:5  rrs  .":■-:- .  »  i  !3cce:ri!r:5 
Ai  rcc^rx:  ic  7Zri:    i^  '5:^:2  ^rt  -tes  aSairts  1 
vi'«4  -LIS  ~.i  r«:-  \:-^  •.-?:?  ^;  r.    j;z  i.  ;*.?::r 

i:  r»rcr  Tir-sirt    ;t?r:  ;;  .îj:  :  -•  ..ti  :a«zî 
r.  fi" -1:  JS  z;«i  cî::5  ^r.s  , 
Te  ce  1:?  it—ZT.izTz[s  plus. 

]z  Tocirrlî  oc  :tz-z'zz  ur.;  :î!u*.îrc  rosibcau  ; 
îc  :cci~ir.î  -r.r  :=c:î  i":3  eîr.:r  :oat  noiiTCSUi 

SîRî  ,  Cizs  ce  fccv-'-r?  :cu:  {"-:v:a  vorrc  !oî  • 
S:  TOCS  poavdl  sn  crolrs  Apo!!on  far  fa  M. 


S 


LIVRE    XIII.  ST9 

>it  D*à  point  pour  vous  déniènti  (es  otâctes. 
puifqu'il  vous  promet  miracles  fiir  mirâcîes  ,  MlleBer.- 
:S*tn6l  vi Vxt  et  voir  to«  ce  que  je  prévoi.  n  a  r  i\ 

Fablb    all.egori  q  ir  e. 
L'IfMpnatian  (5*  /^  Bonkénr, 

iiAOïKATiON  y  Amaftee  du  Bônlieuf  » 
ceûe  lo  défire ,  ^fans  ctâe  l'appelle  : 
5  fur  tile  il  execce^ne  extrême  rigueur , 
ic  pour  (es  défirs  »  il  tft  peu  fait  peur  elle. 
i  Ùl  tendre  jeunefle  elle  alla  le  chercher 

Julques  dàos  ràmouxeux  empire  \ 
s  lorfque  du  Bonheurelle  crat  approcher , 

Le  (bupçoQ»  lé  jaloux  martyre  ^ 

La  déiicateiTe  encore  pire  , 
lain  à  Tes  tranfports  le  vinrent  arracher. 
>  un  âgje  plus  mûr ,  du  même  objet  charmée . 

Aa  palais  de  TAmbitlon 
crut  fatisfaire  encor.fa  paffion  ; 
;  elle  n'y  trouva»  qu'une  ombre ,  une  fumée  » 
>me  du  bonheur ,  &  pure  illùfîon. 
i  dans  lé  pays  qu'habite  la  Richeffe  « 

Séjour  agréable  &  charmant , 
va  demander  fon  fugitif  Amant  « 
^  vit  l'Abondance ,  elle  y  vit  la  Mollcfle, . 

Avec  le  Plaifir  enchanteur  -, 

U  tt:/. manquolt  que  le  Bonheur;. 


5<îc    BIBLIOTHEÇIUE    POETIQUE. 

La  voilà  donc  encer  qai  cherche  tefe  promené: 
\\  '  liBer-  ^^^  des  grands  chemins ,  elle  trouve  à  l'écacc 
N  A  R  D.   ^^  (entier  peu  battu  qu'on  découvroic  à-  peine,- 

Une  Beauté  (impie  &  fans  arc , 
Du  lieu  prefque  défère  écoit  la  Souveraine'} 
Cétoic  la  Piété.  Là ,  notre  Amante  eapIeurS' 
Lui  raconta  Ton  avanture  : 

14  ne  tiendra  qu'à  vous  de  finir  vos  malheurs^; 
Vous  verrez  le  fionheur ,  c'eft  moi  qui  vous  l'aflint^ 
Lui  dit  la  Fille  fainte  y  il  faut  ,-pour  l'attirer. 
Demeurer  avec  moi ,  s'il' fe- peur,  (ans  rattendiCt^ 
Sans  le  chercher  ^  au  içoins ,  (ans  trop  le  défiter^ 
Il  arrive  auffi-tôt  qu'on  ceiTe  d^y  prétcndte , 
Ou  que  dans  (a  recherche  on  f^zii  (c  modérer.- 
Llmagination  à  l'avis  fçut  (è  rendre  ^ 
Le  Bonheur  vint  fans  différer. 

Progrès  de  la  Religion  Chrétienne,. 

Martyrs  ,  de  l'infernale  rage' 
Vous  rendez  l'effort  impuifTant  : 
Vous  expirez  avec  courage  i 
Vous  triomphez  en  eipiranc. 
De  votre  fang ,  fource  fécondé , 
Je  vois",  pour  le  bonheur  du  Monde  i 
Sortir  un  Peuple  de  Chrétiens. 
La  Croix  partout  e(l  arborée  ; 
Votre  mémoire  cft  confacrée  , 
£t  vos  tyrans  font  nos  foutiêns. 


LIVRE   XII  I.  î<i 


Sur  la  mort  tttinjenne  homme  irh-fs^f^ 

CY  gît  l'aimable  deCouRCELLZ  » 
Que  1^  More  aveugle  &  cruelle  » 
Râvlc  au  prîntems  de  fès  jours. 
Qui  mjrkoieiit  un  fi.long  ceUrs^^ 
if  comme  il  fut  doué  d'une  extrême  41igeflè« 
La  More  le  crut  afTez  âgé , 
Puisqu'il  étoît  avantagé 
Du  plus{>eaa  don  de  la  vieilleffe. 

Sur  Us  .Difcûurs  de  M.  de  la  Motte ,  dé 

fAcmdimie  Trsnfoi/îèm 

■  ■.'»...' 

Qv^iZiE  pompe  f  quelle  harmonie  I 
'Quel  choix  de  mots  IncéreiTans  1 
la  Langue  a  trouvé  Ton  génie , 
Rien  n'arrête  ou  trouble  le  fcns. 

■  If  un  ftîle  également  rapide , 
Suivant  la  raîfon  qui  le  guide, 

.Ilph^t  »  il  attache ,  il  furpriend  : 
De  fa  matière  toujours  maître» 
Du  moindre  fujet  il  fait  naître 
Tout  ce  que  l'Art  a  de  plus  grand. 

X011ÂUJ.  Bh. 


N**# 


■■■■■■■■■••«■'■■■■•^^■•^■■■■•«■■•P^iWPIWPBPiBBBWiBi 

^62.       BIBLIOTHEQUE  iFO^TlS^UE. 


SUR.     \ 


t 


L  I  VR  E     XI  V. 

RE  G  NIER. 

•  -      m       «■■■  Ip 

Rançoi^^sraphi^nRegn] 
DesmahâïsV*  fils  dé  Jean  1 
gniet ,  Ecuyer  ,  TSei^eur  D 
marets  rEncloùfç^  &  autres  Ik 
firuez  au  village  de  Barateau  en  XaûitpO| 
eft  né  à  Paris  le  1 3  Ao&t  i^q^lll  fe] 
études  à  Nanterrè  chez  les  Chanoines  B 
guliers  de  Saint  Auguitin-^  ^dfmc'fonosd 
maternel  Charles  Fàùrie  '^it  Qiak 
après  en  avoir  été  le  Réfi>rmateiir-  B 
1 6^0.  ilfuivit  fon  Père  qui:étoit  Seaeé 
de  M.  de  b  VieuviUe  >-  Surlutendauit  « 
Finances ,  au  voyage  que  kCkwrfitatai 
Après  la  mort  dû  SttHQtËnicÈalfit  »  fo  ptf 


I  Cec  abrégé  eft  extrait  prefque  tout  entier  4ei  IfM 
tes  que  L* Ai^teuc  nous  a  dooncz  iiU-mêoie  de  Q^  flf^,  \, 


1 1  p- 


xiv. 


f  ^  Prince  de  iaM^"''^^^^'^^Wr 

j^  j  5^t  Jean  deIn7,^"V""^''^  «vec 

^^>  fe  voyant  oi/îf5&A'^"  retour  à 
f^e  pour  les  Uu^  *  ^«  ^«atant  du  gé, 
& f Ita/iV»  »        S""  »  ii  apprit  PPr     ° 

f^"iX"a);:^  4r«•2è:?; 
^'^^*/^lo::t:t:''^''^- 


"  Aoit     Z-^' 

Hhij 


.mm^mmmmmÊmÊÊmmimmmiÊÊmmmmmÊaÊmÊmmmmÊmÊmmmÊÊm^ÊmmmÊmÊÊmimmmmm'^ 

1.64    BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

M.  Colbert  le  pria  d'accompagner  M.  le 
UcxNiiJi.  Marquis  de  Seignejâi  à  rexpédition  que 
Louis  XIV.  fit  ea  Hollande..  En  lôyy, 
les  RR,  Pères  Jiéfuites  rengagèrent  à  tra- 
duire en  notre  Langue  »  le  Traité  de  la  per" 
fcElion  chrétienne  ,    par    Rodrignez*  £ô 
j  578.  il  fut  pourvu  de  T  Abbaye  de  Saint 
Laon  de  Thouars ,  de  TOrdfe  des  Cha- 
noines Réguliers  de  Saint  Auguftin..  En 
1 680.  l'Abbé  Regnipr  accompagna  At 
le  Duc  de  Créqui  envoyé  par  le  Roi  ï  la 
Cour  de  Bavière  ,    pour  le  mariage  de 
^^qnfeigneur  le  Dauphin  avec  Marie- 
Anne- Victoire  ,  fœur  de  TElcébur. 
£n  courant  la  pofie  dans  les  bois  de  Hayei 
H  le  rompit  une  fauffe côte,  ce  qui  ne  l'ca^ 
pécha  pas  9  deux  jours  après  fon  arrivée  i 
Aiunik ,  de  reprendre  la  porte  pour  appor- 
ter au  Roi  le  contrat  de  mariage..  Il  tra- 
vçrik ,  dans  la  même  année ,  toute  la  Frai}-* 


* 


I  C^tre  craJuflion  ,  beaucoup  plus  ezaâe ,  plus  Hdelle,  ^ 
}^ii.î  c'6gance  que  celle  de  roix-Royàl>  cHU  féale  des  d,«S 
tl%ii  leUreaHJoutd'hui. 


lÊlmiikmÈmmm  I  i     l       il     I    i       i  Hi  , 

L  1  V  R  E    X  I  V.  365 

ce  depuis  Paris  juTqu'à  Bayonne  &  à  Saint 
Jean  de  Luz  ,  avec  M.  le  Marquis  de  Sei-'  Rïgni 
gnelai*.  En  i6%6.  il  donna  au  Public  lesr 
Infcriptions  Latines  &  Françoifes  qu'il 
avoit  £aifes ,  à  la  foUicitation  du  Duc  de 
la  Fefiillade,  pour  la  Place  des  Viftoires  ; 
&  il  y  joignit  la  defcriptiôn  de  tout  le  Mo- 
imment..  Ayant  traduit  les  Odes  d^ Ana- 
Cféon  en*Jplien,  M.  F  Abbé  Régnier  les 
mit  au  jour* en  16^3.  &  les  dédia  à  TA- 
cadémie  '  de  la  Crufca  ,  qui  eti  reconqoif- 
fance  fit  mettre  fon  ^  portrait  dans  la  falle 
oi  elle  tenoit  fes^  aflemblécs..  En  170y.il 
alla*  à  Vitré  aux  Etats  de  Bretagne  avec 
Meffieurs  les  Ducs  d'Albret  &  de  la  Tri- 
mouille.  Les  Etats  l'invitèrent  à  leur  af- 
(èniblée  par  deux  Députez  de  l'Eglifè  / 
deux  de  la  Noblefle ,  &  deux  du  Tiers- 
État  >  le  Héraut  à  leur  tête..  Dans  la  me- 


j  £Ue  lui  avoit  envoyé  des  Lettres  d'Académicien  en 
J667, 

^  X  L'Envoyé  de  Çlorence ,  qui  étoit  alors  à  Paris ,  le  fit 
peindre paf'ordre  du  Prince  Gafton,  Proteûcur  de  l'Acadé. 
mie  delM  Crufca» 

H  h  iij 


i6%       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

wmmmmmmmmmÊÊtmmmÊmimmmÊÊma^mmÊimm^ÊmÊmmÊmm^^ÊÊmmmÊimÊmmmm 

MADRIGAUX. 

L 

] 'Ai  MOI  »  de  TOtre  teint  VidaxzoXt  fraîcheur  ^ 
J'aiœois  de  vos  beaijx  yeux  la  douceur  eng^^ 

géante  ^ 
£t  je  vous  trouvois  fi  charmante , 
Que  pour  tous  di(putet  mon  ccrur. 
Ma  raî(bn  étoir  impuifTante. 

Mais  il  court  par  le  monde  un  méchant  brait 
vous  » 

Que  fi-tot  qu'un  Amant  vous  parle  de  fa  peine 
Vous  l'allez  dire  à  votre  Epoux  : 
Etes- vous  indifcrete  ou  vaine  t 
Te  ne  le  fçaurois  démêler  ; 
Mais«  Dorls,  vous  aurez  beau  plaire  ^ 
Si  vous  n'apprenez  à  vous  taire , 
Vou^  n  aurez  plus  guère  à  parlej:.- 


I  L: 


- .  1 


ICIalgré  votre  fîoidettr  extrême  >   ' 
L'Amour  commence  à  vous  charmer  }■ 
£t  fi  déjà  votre  cœur  n*aime  » 
Du  moins  il  ed  bien  prêt  d'aimer. 

Séduite  cependant  par  de  vieilles  chimères 
De  devoir  ,  de  gloire  &  d'honneur» 

Vous  eu  fuivez  toujours  les  maximes  aufterca. 


L  I  l'  R  £     X  1  r.  • ,- 

tez  qu'il  a  Tan  de  iecr  dcnser.  Son  tir  ri:  ^= 
naturellement  poli  ,  avoi:  «ht  cii^iivc  râr  ^^ 
rétude  &  par  un  travail  prefque  ccntîr^ueJ. 
Maître  de  fon  exprefGon  &  de  fon  fdîe , 
foit  dans  fes  grands  •  ouvrages  9  foit  dans 
une  infinité  de  petites  Pièces ,  qm  lui  ier- 
voient  de.dâaâement ,  il  fçavoit  y  mettre 
toutes  les  grâces  dont  la  matière  étoit  fuP 
ceptible.   On  y  voit  panout  la  (implicite 
&  le  naturel  j  joints  à  l'élégance  &  à  la 
nobleflè,.  Tous  ces  talens  étoient  relevez 
dans  M.  TAbbé  Régnier  par  une  droitu- 
re &  un  amour  du  vrai ,  dont  on  ne  le  vit 
jamais  s'écarten.  Son  amitié  par-là  faifoit 
honneur  à  ceux  qu'il  appelloit  fès  bons 
amis  5  parce  qu'il  ne  la  leur  donnoit  j  que 
quand  il  reconnoiffoit  en  eux  ces  mêmes 
qûalitezy  aufquellesilaccordoit  fon  eflime. 
Il  eft  mort  i  Paris  le  6  Septembre  1713* 
âgé  de  quatre-vingt-un  an. 


H  h  ili j 


mm 


GNIXIU 


)^8       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

MADRIGAUX. 

I. 

J'AiMOiS'dc  TOtre  teint  r^chtaate  fràichearj 
J'aîmois  de  vos  beaijx  yeux  la  douceux  enga- 
geante i 
£t  je  vous  trouvois  fi  charmante , 
Que  pour  tous  diCputet  mon  coeur. 
Ma  rax(bn  étoir  impuHIance. 
Mais  il  court  par  le  monde  un  méchant  bruit  à 

vous  > 
Que  fi-tôt  qu'un  Amant  vons  parle  de  (a  peine 
Vous  Tallez  dire  it  votre  Epoux  : 
Etes- vous  indifcrete  da  Taine  l 
Te  ne  le  fçaurois  démêler  I 
Mais,  Doris»  vous  aurez  beau  pluxc» 
Si  vous  n'apprenez  à  vous  taire  , 
Vous  n'aurez  plus  goére  à  padcx» 

1  !•:   •  :       â".   ..." 

Malgré  votit  fibideite  ettréme , 
L'Amour  commence  à  Tckia-chamierv 
Et  fi  déjà  votre  cœur  n*l^nle  , 
Du  moins  il  eft  bien  préc  d'aimer. 

Séduite  cependant  par  de  vieilles  chimeret 
De  devoir  ,  de  ^oirc  &  d'honneur. 

Vous  en  fuivez  toujours  les  maximes  aulterei. 


LIVRE    XIV.  371 

Mais  Taimable  &  rare  défaut 

Que  celui  de  la  jeune  Flore  >  Rcgni. 

De  ne  conrioîcre  pas  encore 

Ce  qu'elle  eft ,  &  ce  quelle  vaut  i 

V  1  I  I. 

OTRE  e(prit ,  qui  vous  fèrt  au  gré  de  vos  défîrs^ 
s  les  pays  perdus  fc  forme  cent  plaifirs  \ 
>ute  votre  joyçeft  là-dcflus  fondée  : 
s«  Iris,  ces  plaifirs  qu*en  vain  vous  vous  fornMZ# 

£t  que  vous  n'avez  qu'en  idée , 
lez- vous  en  ciFec  les  poflcdcr  \  aimez. 

I  X. 

OTRE  départ  me  laiiTe  une  douleur  profonde» 
Q  y  (byex  heureuse ,  &  tout  me  fera  doux  : 
;ment  quelquefois  (bnget  que  rien  au  monde 
Ne  me  peut  rendre  heureux  fans  vous. 

X. 

:  m*érols  fait  de  vous  une  idée  admirable  , 

Sur  la  foi  d*un  (Impie  récit  : 

Je  vola  plus  qu'on  ne  m'en  a  dit } 

Vous  êtes  cent  fois  plus  aimable  • 
:  tout  rùnivers  vous  méritez  les  vceuz  : 
quelques  qualitez  dont  vous  foyez  pourv&ts» 

Je  ne  croi  pas  fort  malheureux 

Ceux  qui  ne  vous  ont  jamais  vûë. 


Ce  qu'on  aimoic  d'abord  avec  chaleur , 
Il  vient  un  tems  quon  ne  l'aime  plus  gui 
Quand  l'un  des  deux  cependant  perféver 
Quel  défèfpoir  !  quel  fujet  de  douleur  i 

J'en  puis  parler  -,  car  j'aime  avec  ardeur! 
Mz  padion  n'eut  jamais  de  tiédeur  ^ 
Loin  de  s'éteindre ,  elle  augmente  au  cont 
Avec  le  tems. 

Vous  qui  faifîez  toute  votre  douceur 
D'être  adorée  avec  tant  de  ferveur  ; 
VoQ&qiii  m'aimiez ,  vous  quim'ites  £  cb 
Vous:-  fans  qui  rien  ne  me  peut  jamais  ph 
Pais-je'efpérer  de  ravoir  votre  cœur 
A^ec  le  tems } 

Autre, 

Q^  AND  on  fait  bien ,  j'éfevc  jiifqu'aux  c 
le  bien  qu'on  fait  j  &  je  fuis  curieux 
Que  le  mérite  ait  Ton  jlifte  falaire. 


LI  VR  E    X  I  V.  ^74 

Je  ne  vais  point  glofer  fur  une  affaiTC  > 

Quand  on  fait  bien.  ?s^pNi 

Nc^  Généraux  ont  bien  fait  en  tous  lieux  j 
Autant  de  Chefs ,  autant  de  demi-Dieux  ^ 
£t  nos  foldats ,  que  nont-ils  point  fçû  faire  ? 
Qu*pn  rend  fon  nom ,  Ton  pays  glorieux  j 
Quand  on  fait  bien  \ 

SONNETS. 

Sur  U  mort  tCuTH  Chate. 

M£Ni.|^E  aux  yeux  dorez,  au  poil  doux^gris  &  fin, 
I-a  charmante  Menine  ;  unique  en  fon  efpece  } 
Mcnine ,  ]es  amours  d'une  illudre  Duçheffe , 
£t  dont  plus  d'un  mortel  envioit  le  deftin. 

Meulne  qui  jamais  ne  connut  de  Menrn , 
Et  qui  fuc  en  (on  tems  des  Chates  la  Lucrèce  s 
Chate  pour  tout  le  monde,&  pour  les  Chats  tigrcfic. 
Au  milieu  de  Tes  jours  en  à  trouvé  la  fin. 

Oue  lui  (ère  maintenant  qi^e  dédaigoeufè  &  fierç^ 
Jamais  d'aucun  matou ,  fur  aucune  goutiere , 
Elle  n'ait  écouté  les  amoureux  regrets  ? 

La  Parque  <tend  (es  loix  fur  tout  ce  qui  retire ^ 
JÇt  de  ne  rien  aimer  tout  le  fruit  qu'on  retire  ^ 
C*£il  upe  trifl;^  vic)  &  pv>is  la  ^oxt  ap r^i 


â 


374       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

■^— —      Comment  il  faut  tnvifager  U  pmjps  é»  tmvtm 

•  Le  miroir  qui  parle  a  mes  yeox 

Me  cicat  coas  les  jours  ce  langage  i 
Vous  Toyez  que  vous  êtes  vieux  » 
Ne  vous  flattez  pas  davantage. 

La  Nature  eft  prudente  &  fage. 
Obéïflez-lui  »  c'eft  le  mieux  : 
Tout  homme  »  en  tout  tems ,  en  tous  liai 
Doit  (è  conformer  à  (on  âge. 

Il  me  parle  ainfî  tous  les  jouis  : 
Moi  vers  la  mon ,  à  ce  di(cours , 
Je  tourne  auflî-tôt  mes  penfées  \ 

Et  j*envi&ge  tout  d'un  tems. 
Sans  regret  les  choCês  pad&s  , 
Sans  chagrin  le  terme  oii  je  tends. 

FABLE. 

Le  Berger  <J.  la  Fratrie. 

Au  mois  de  Mai  i  (c'eft  le  mois  des  beau 
jours , 
Celui  des  fleurs  &  des  tendres  Amours  J 
Certain  Berger,  le  long  d'une  Prairie , 
Que  la  faifon  rendoit  toute  fleurie , 
Cueilloitdes  fleurs  :  pourquoÎPpour  fonpltîfir 
Peut-être  aufli  que  c'étoit  pour  en  laiie 


L  I  V  R  E    X  I  r.  j7f 

Une  guirlande ,  aa  gré  de  (on  défîr , 
Pour  quelque  jeune  &  charmante  Bergère  i      Reoniek* 
Car  il  prenoit  grand  foin  de  bien  choifîr. 
,  Quoi  qu*il  en  foie ,  la  moifibn  ëcoic  belle } 
A  la  Prairie  elle  parue  liouYelIe  ; 
Elle  en  aima  les  brillantes  couleurs  j 
£c  fa  furprKè  en  la  voyant  fut  telle  , 
Que  (ans  (bnger  que  tout  cela  vînt  d'elle , 
Où  prenez  vous  >  dit-elle ,  tant  de  fleurs  i 

Demander  od  je  puis  prendre 
■  Tout  ce  que  je  vous  écris 

De  fin ,  de  nouveau  ,  d*exquis  « 

De  délicat  &  de  tendre  *, 
.    .  Iris  ,  c cft; m'interrogcr , 

Conime  autrefois  la  Prairie 
.  .   Sur  la  récolte  fleurie 

Interrogeoit  le  Berger. 

Ob^  traduite    d*Ana€rIon« 

Sur  U  Vitillefe. 

Mon  front  fe  ride ,  &  mes  cheveux  blaa-^ 
phiifenc , 
Et  tous  mes  feas  chaque  jour  s'afFbîblifrent, 
Adieu  les  jeux ,  les  plalfîrs  éc  l'amour  : 
J'irai  dans  peu  fur  la  rive  infernale  s 
Et  quand  je  fonge  au  ténébreux  féjour , 
^e  fuis  faifi  d'une  horreur  (ans  égaie  ; 


^76       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 


mm 


On  y  detceod  à  coûte  heure  du  joar  ^ 


RrEGNiEC.  Mais  du  DefUn  Tordonnance  Êicalc  « 

£n  incerdic  pour  jamais  le  recour. 

IliiiTATioN  DE  l'Ode  d*Horac1| 

*  Donec  gratus  erum  tibù 

L'A  M  A  M  T. 

Qu  AND  j'avoîs  le  don  de  te  pldrCi 
£c  que  de  tant  d'Amans  engagez  (bus  ta  loi  » 
Tu  ne  âyorifois  que  mol , 
Je  t'ai  mois  d'une  amour  fincere } 
•  Je  vivois  plus  heureux  qu'un  Roi , 
£t  la  DéeÂe  de  Cythere 
M'eût  fcmblé  moins  belle  que  toi. 

La    Maîtresse. 
Tant  que  pour  moi  cendre  £^  fidclle» 
Tu  m'aimas  d'une  égale  ardeur  j 
Que  je  régnois  feule  en  ton  coçui , 
Et  que  feule  à  tes  yeux  j'étois  aimable  &  belle  j 

Je  ne  fçavois  rien  que  t'aimcr  j 
Mon  bonheur  furpafToit  celui  d'une  naortcllc, 
Et  le  bel  Adonis  n'auroit  pu  me  charmer. 


1  De  tous  ceux  qui  ont  traduit  ou  imité  en  notre  Langue 
cette  Ode  fi  célèbre ,  aucun  n'en  a  mieux  rendu  toutes  Itt 
j;taccs  (juc  M.  l'Abbé  «.eqmxeh. 


ïm 


LIVRE    XIV.  n$ 

Une  guirlande ,  aa  gré  de  Ton  défir ,  ^ 

Pour  quelque  jeune  &  charmante  Bergère  \      Rs 
Car  il  prenoit  grand  foin  de  bien  choifîr. 
Quoi  qu*il  en  foie ,  la  moifTon  ëcoic  belle  % 
A  la  Prairie  elle  parut  nouvelle  ; 
Elle  en  aima  les  brillantes  couleurs  ^ 
£t  fa  furprifè  en  la  voyant  fut  telle  » 
Que  (ans  (bnger  que  tout  cela  vînt  d'elle , 
Où  prenez  vous  >  dit-elle  »  tant  de  fleurs  l 

Demander  od  je  puis  prendre 
Tout  ce  que  je  vous  écris 
De  fin  ,  de  nouveau  ,  d*exquis , 
De  délicat  Se  de  tendre  ; 
Iris  «  c'eft  m'interroger , 
Comme  autrefois  la  Prairie 
Sur  la  récoite  fleurie 
Interrogeolt  le  Berger. 

Ob^   traduite     D*AMACRi01f« 

Sur  U  VMliJfi. 

MOM  (root  fe  ride ,  &  mes  chcveai  blan-^' 
chî/Tenc , 
c  COQS  mes  fcas  chaq'ie  jour  s'affbîbliflcne. 
dieu  I»  jeux ,  les  plaifîrs  &  l'amour  : 
xai  àivs  peu  far  la  rive  infernale  ; 
quani  ;e  fonçre  ao  ténébreux  féjour, 
bis  laiil  d'^ce  horreur  (ans  égale  ; 


Xeqniek. 


578      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

La    Maîtresse. 

Quoiqae  le  Berger  qui  m'engage 

Soie  plus  beau  même  que  l'Amour , 

Et  que  tu  ne  (bis  qu'un  Tolage  « 

Que  tout  met  en  fureur ,  à  qui  tout  fiak  ovAté 

Qu'aurois- je  à  fouhaiter  >  après  un  tel  retour , 

Que  de  vivre  avec  toi  jufqu'à  mon  dernier  joa 

Te  le  croi  rien  ,  ie  h*£N  croi  rxeHi 

Sur  divers  fujets. 

Que  tels&telspafTent  pour  bien  &rii 
Et  qu'yen  public  ils  brillent  de  bien  diiCi 
Je  le  croi  bien  : 
Mais  qu^au  travail  d*autrui  bien  (bavent  ib 
doivent 

Toute  la  gloire  qu^tls  reçoivent  f 
Je  n^en  croi  rien» 

Qu'un  honnête  homme,une  fois  en  la  \ 
lafie  un  Sonnet ,  une  Ode ,  une  El^ie  > 

Je  lé  croi  bien  : 
Mais  que  l'on  ait  la  tête  bien  rafCfè  » 
Quand  on  en  fait  métier  &  marchandifi^ 

Je  n'en  croi  rien. 

Qu'un  Avare  amafTc  avec  peiae. 
Les  écus  centaine  à  centaine  -^ 
Je  le  croi  bien  :    ' 


L  I  V  R  E    X  I  V.  579 

Mais  que  l'h/lricicrphis.  habile,     . 
Ne  les  dépcnfè  mille  à  raille  s  R£aN 

Je  n'en  crois  rien. 

^u'cn  publicplnsqu'an  autre  un  Médecin  éclatt» 
land  il  fyât  mieux  citer  Galien»  Hyppocrate^ 

-  Je  le  crpi&^hkn  : 
is  qull  finit  dans  (on  art  plus  expert ,  plus  habile  , 
le  (kuil  plus  qn'uft  ^bOW  il  n'a  rempli  la  Ville  i 
Je  n'en  crois  rien. 

•  •         r  - 

Que  le  Clergé  chaque  jour  à  la  MefTe^ 
Autour  du  Roi  dévotement  s'emprefTe  -, 

'Je  le  crois faten  :.  ' 

Mais  qu^il  ne  (bnge  au  Bénéfice 
Autant  ou  plias  qu'au  Sacrifice  ; 
.  ^ ,  . .  ^  Jç  n'en  crois  rien. 

Que  bien  (buTent  un  père  de  famllîe 
Tarde  à  donner  un  époux  à  fa  fille  ; 

Je  le  crois  bien  : 
Mais  que  bien-t6t ,  iH  la  fait  trop  attendre  , 
Elle  n'ait  (bindetui  donner  un  gendre  -, 
'Je  n'en  croîs  rlen^ 

{ue  Doris  femble  morte  aux  plaifirs ,  à  îa  joye, 
[ue  (bn  Direâeûr  (bit  le  (èul  qui  la  voye  -, 
..Je  le  crois  bien  : 

Mais  que  ces  fortes  de  retraitée 

«  •  •  • 


{ 


38o       BIBLIOTHEQUE    POÉTIQUE. 
Ne  donnent  à  gîofer  aux  malins  interprètes  $ 


Ugni£R«  Je  n'en  crois  rîen^     '  " 

Qu'il  Ce  trouve  une  femme  înfîgne  en  pruderie. 
Qui  ne  voudroic  pour  rien  faire  galanterie } . 
'Je  le  crois  bien  :• 
Mais  que  quelquefois  Cttte  Prude 
Né  trouve  fon  métier  bieùnde  ^ 
Je  n'en  crois  rien.     •''{  ' 

Qulris  »  quand  on  lui  dit  qu'on  l'aime # 
En  témoigne  un  chagrin  extiédlc  j 
Je  le  crois  bien  .:....> 
Mais  qu'Iris  ne  fut  pal  r^vie 
D'avoir  même  ciuigrin  tons  les  jOOrs  de  fitvles 
je  n'en  crois  rien»  ;  . 

Qu'aux  Beautex  jeunes  3^  fleuries 
Tour  devienne  agrément  jufqu'aux  minauderies; 

Je  le  crois  bien  : 
Mais  que  quand  dans  leurs  yeux  la  jeune/Te  s'effàcej 
Ce  qui  fut  agrément  ne  devienne  grimace } 

Je  n'en  crois  rien.. 

•   la.- 

Qu'on  voye  ici  fur  le  beau  teint  des  Belles 
.  Sriller  l'éclat  de  mille  fleurs- nouvelles  -y 

Je  le  crois  bien  : 
Mais  que  (bu vent  &  leurs  lis^Bc  leurs  rofts 
Ne  (oient  des  fleurs  (bus  la  toilccte  éclofeî 
Je  n'en  crois  jiciu 


LIVRE    XIV.  jgi 

Que  le  Samedi  chez  Clarîce  '';- 

■  La  rai  (on- commande  au  caprice  -,  KEGNtilâ 

Jt  le  crois,  bien  : 
Mais  qu'à  coup  fur ,  dès  le  Dimanche ,, 
Le  caprice  i/aic  fa  revanche; 
Je  n'en  crois  ricni 

hÀ  Route  de  la  Vie  humaine' 
De  mauvais  pas  efl  toute  pleine. 
Pour  m'en  tirer  facilement , 
Voici  ce  que  je  fafs  -,  j'àttellc 
A  cette  Voiture  mortelle , 
Que  je  conduis  àa  momutxi^nt  y 
La  Juftice-  premièrement , 
Qui  marche  toujours  rondement , 
Et  la  Chkrît#lans.ia;qucUe; 
Elle  iroit  moins  iéjgereixkenc. 
La  vérité ,  rindépcndknce , 
N'ayant  qu*un  fîmpTe  èc  îégtr  frein  ,, 
Sont  au  dîeVant  Se  Vont  bon  train  » 
Loin  du  chemin  de  TOpulence  ^ 
A  la  votée  cftia  Sâriti^, 
Qui  jointe  avec  le  Fadlnage-, 
Me  fait  franchir  avec^yté , 
Tous  le$  inistii^aiis  f^iii  voy^g^^ 
Je  n'aurairién  à  ^cfît«r" 
Ni  du  Soxc  ,  ni  diK  lâ^àcure  , 


380       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ne  donnent  à  glofcr  aux  malins  inccrprêtes  j 
CNÏER-  Je  n  en  croîs  rien.    ' 

Qu'il  fc  trouve  une  femme  înfîgne  en  pruderie 
Qui  ne  voudroit  pour  rien  faire  galanterie  ^ 
Je  le  crois  bien  : 
Mais  que  quelquefois  cette  Prude 
Ne  trouve  Ton  métier  bien-rade  ^ 
Je  nen  crois  rien. 

Qalrîs ,  quand  on  lui  dît  qu*on  raime« 
£n  témoigne  un  chagrin  extiecnc  i 
Je  le  crois  bien  :. 
Mais  qu'Iris  ne  (ut  pas  ravie 
D*avoîr  même  chagrin  tous  les  jours  de  faTie; 
Je  n'en  crois  rieik      . 

Qu'aux  Beautex  jeunes  Si  fleuries 
Tout  deviemie  agréiiient  jurqu'aux  minauderies; 

Je  le  crois  bien  : 
Mais  que  quand  dans  leurs  yeux  la  jeune/Te  s'cf&cCi 
Ce  qui  fut  agrément  ne  devienne  grimace  5 
Je  n'en  croîs  rien.. 

Qu'on  voyc  ici  fur  le  beau  teint  des  Bc!I'^ 
Briller  l'éclat  de  mille  fleurs- nouvelles  j 

Je  le  crois  bien  : 
Mais  que  fouvent  &  leurs  Ils  &  leurs  rofe 
Ne  foient  des  fleurs  (bus  la  toUçcte  édob) 
Je  n'en  crois  ricQ. 


LIVRE    XIV.  38y 

Avec  des  geus  de  mérite  &  de  Cens  : 
Mais  il  faut  vivre  avec  tant  d'autres  gens ,      Regmie] 
'    Qu'elle  en  devient  ennuyettfe  8c  péfantc. 
Quant  à  pafTer  du  repos  au  réveil , 
Puis  ne  rien  faire  ,  &  redormir  encore  , 
£n  attendant  le  retour  de  l'Aurore , 
Autant  vaudroit  dormir  d'un  long  fommeil* 
Le  feul  emploi  qui  redc  à  la  Vicilleife , 
Emploi  divin  ,  c'eft  de  vaquer  fans  ceiTe 
A  louer  Dieu  :  mais  ne  vaut^ii  pas  mieux 
L'aller  louer ,  pur  cfprit ,  dans  les  Cieux  > 

■    Que  fais-je  donc  maintenant  fur  la  terre  » 
Oii  les  plaidrs  pour  moi  ne  font  plus  faits  ? 
Oii  tant  de  maux  au  Mortels  font  la  guerre  > 
J'afpire  au  Ciel  oii  réfide  la  Paix  ^ 
Ou  les  plaifîrs,dontiious  navons  que  l'ombre» 
Toujours  nouveaux,&  fans  fin  &  fans  nombre^ 
Tiennent  i'cfprit  dans  le  ravinement  ^ 
Ou  Ton  jouît  de  tout  ce  que  l'on  aime^ 
Ou  dans  le  fein  de  la  Vérité  même , 

.    La  foif  du  vrai  s'étanche  à  tout  moment. 

E  G  L  O  G  U  E. 

AMIXTBy  LXCIDAS  ,    DaPHKIS, 
D  A  r  H  N  I  s. 

50R  le  bord  d'un  ruiffcau  ,  dont  l'onde  fraîche 

&piire 

Tomt  IIL  K  k 


,S^       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

D'un  valoQ  folkairc  encrecient  la  vcrdare  « 
£GN'i£R.  Amincc&Licidas,  CH  gardant  leurs  troupeaux , 
Acccrdoient  leur  muCêtte  au  murmure  des  eaux. 
Ils  almoient  ardemment  deux  Bergères  charmantes^ 
Et  pour  en  célébrer  les  grâces  différentes  « 
lîs  s'é:oient  défiez  à  qui  le  mieux  des  deux 
Chanrcroit  dans  fcs  vers  la  gloire  de  (es  feux. 
Quand  le  fige  Daphnis  >  qui  fçavoit  quelle  flamme 
L'amour  depuis  long  tems  allumoit  dans  leur  ame , 
Aux  troupeaux  des  Bergers  ayant  joint  fbn  tiou« 

peau, 
Vint  s'alfeoir  auprès  d'eux  fur  le  bord  du  ruiflcao* 
Entr'eux  au  même  inftant  le  défi  recommence: 
£t  dès  qu'il  eut  fait  voir  qu'il  leur  prctoît  filence  i 
Aminre  le  premier ,  en  l'honneur  de  (es  fers , 
Plein  d'un  noble  tran(port  ,  commença  par  ces 

Vers. 

A  M  I  N  T  E. 

Il  n  cft  rîcn  Je  pareil  à  l'Objet  que  j'adore  , 
Et  des  bords  du  Couchant  au  lever  de  l'Aurore  t 
Du  Nord  jusqu'au  Midi ,  le  célcfl-e  flambeau , 
Le  Soleil  qui  voit  tout,  ne  voie  rien  de  (î  beau. 

L  I  c  X  D  A  s. 

Il  n'eft  rien  de  pareil  à  celle  qui  m'enchante  ; 
Elle  feule  efl  aimable  »  elle  feule  eft  charmante; 
Et  rail  de  TUoivers ,  le  bel  aftre  du  jour  » 


LIVR  E    X  IV.  î»j 

Qai  (!  noirs  ,  fi  beaux  * 

Flotcoient  par  anneaux  »  Kiai|iiA« 

Jufqu  à  la  ceinture  ) 

Qu*eft-ce  enfin  que  )'ai 

De  tout  réquipage 

Du  jeune  5c  bel  Ige  ? 

Tout  a  pris  congé 

Pour  un  long  voyage» 

Et  me  (tit  qu'il  faut 

M'apprécer  bien-tôc 

A  plier  bagage. 

A  la  vérité  » 

Ce  n'eft  pas  la  traite 

Dont  je  m'inquiéce  : 

Bien  ou  mal  monté. 

Elle  eft  blen-tdt  faite  ^ 

L'important  de  tout 

Ceft  le  gîte  au  bouc. 

Dis  avsntsiij  de  U  Viiittêffr. 

Aphe's  te  printems  gracieux 
De  la  jeuneflè  aimable  &  vive , 
J'ai  pafié  dans  la  vie  adive 
De  l'âge  mur  U  férieux  ^ 
Et  maintenant,  devenu  vieux , 
l'employé  une  vicillc/Tc  oifive# 
A  jouit  des  fruits  précieux 


184       BIBUOTHEQIJE 


Deir 


raifon 


que] 


PUi/ïrs  des  ctrots 
riaifirsvifsdélki. 
De  ta  belle  S:  vain' 
Vous  ne  valc7.pas 
De  cranquillicé^.df 
Que  ^oûtc  unefsii 
Qui  n'a  ni  ctajnce 

J  quoi  [an  dait  nffirer  s 

Qu'ai-je  à  iirf  feoT  l 
A  voir  lever  Se  coach 
Je  l'ai  tant  vu  rotcic  i 
Je  l'ai  tauc  vu  s'y  plo 
Que(]iie1(]ncr'tand,  S 
Que  Cou  toujours  un 
Il  u'a  plus  rien  dd&rr 
11  me  faudtoit  an  Op 
Ai.je  à  jouir  desplaî 
Le  tcms  n'cft  plus  des 
Le  rems  n'cil  plus  Hc! 
Depuis  long  temstcru 
Al -je  à  percer  &  les  I 


Lev 


L'âge  où  je  fuis  n'efl 
Au  Dieu  du  vin,  cjii 

Malgré  ilouïeansaji 
Je  trouYCEois  law* 


LIVRE    XIV.  }89 

Deux  Serins  d*un  plumage   &  d'un  chant  mer- 
veilleux :  Regnx£ 
De  fi  loin  que  Phllis  par  leur  nom  les  appelle, 
Ils  viennent  à  fa  voix  en  trémoufTant  de  l'aîle  \ 
Ils  volent  fur  fa  téce ,  ils  volent  fur  Ton  fein , 
Us  boivent  dans  fa  boucke ,  &  mangent  dans  (a 
main. 

  M  I  N  T  X. 

Je  n'ofe  rien  offrir  à  la  belle  Climene  j 
Climene ,  noble  &  fiere ,  a  les  préfens  en  haine  : 
Mais  l'ingrate  furtout  rebute  avec  rigueur 
Celui  qu'à  tout  moment  je  lui  fais  de  mon  cœur. 

L  I  c  I  D  A  s. 

Philis  m*a  dit  cent  fois,  de  mon  amour  touchée  » 
A  vos  jours  >  à  vos  feux  ma  vie  efl:  attachée. 
J'aimerai ,  je  vivrai ,  puifqu'nn  fort  bienheureux 
Rend  fi  chers  à  Philis  &  mes  jours  &  mes  feux. 

A  M  I  N  T  E. 

La  beauté  de  Climene  à  l'aimer  me  convie  \ 
Sa  rigueur  me  contraint  d'abandonner  la  vie. 
J'aimerai ,  je  mourrai ,  puisque  le  même  fort  > 
Qui  m'engage  à  l'amour ,  me  condamne  à  la  more, 

Li  c  I  D  A  s* 

rhilis  a  les  yeux  noirs ,  doux  >  brillans ,  pleins  de 

flamme  > 

Kkiij 


^%6       BIBLIOTHEQUE    TOEriQVE. 

D'un  valon  follcaire  entretient  la  verdare  « 
.EGNIER.  Amintc&Licidas,  CB  gardant  leurs  troupeau, 
Accordoîent  leur  mufette  au  murmure  des  eaux. 
Ils  aimolenc  ardemment  deux  Bergères  charmantes 
Et  pour  en  célébrer  les  grâces  difFérentes , 
Ils  s*ccoicnt  déHczàqui  le  mieux  des  deux 
Chantcroit  dans  fcs  vers  la  gloire  de  fes  feux. 
Quand  le  fage  Daphnis ,  qui  fçavoit  quelle  flamm 
L'amour  depuis  long  tems  allumoit  dans  leur  ame. 
Aux  troupeaux  des  Bergers  ayant  joint  (on  tioa- 

peau. 
Vint  s'afleoir  auprès  d'eux  fur  le  bord  du  ruiflcan. 
Entr'eux  au  même  inftantle  d^fi  recooimcnce: 
£t  des  qu'il  eut  fait  voir  qu'il  leur  prétoit  fileocCf 
A  mince  le  premier ,  en  l'honneur  de  (es  fers , 
Plein  d'un  noble  tran(port  ,  commença  par  0 

Vers. 

A  M  I  N  T  £• 

Il  n  eft  rien  de  pareil  à  l'Objet  que  j*adore  » 
£t  des  bords  du  Couchant  au  lever  de  l'Aurore  t 
Du  Nord  juCqu'au  Midi ,  le  célcfl-e  flambeau  9 
Le  Soleil  qui  voit  tout,  ne  voit  rien  de  fi  beau. 

L  I  C  X  D  A  s. 

Il  n'efl  rien  de  pareil  à  celle  qui  m'enchante  ; 
Elle  feule  efl  aimable  «  elle  (èule  eft  channanici 
Et  Tail  de  l'Univers ,  le  bel  aftre  du  jour  » 


L  I  V  R  E    X  1  V.  39t 

lèvres  de  Climene  admirez  la  couleur  »  

i\i  de  la  grenade  eft  moins  y  if  que  le  leur.         Reon 

L  I  c  I  D  A  s. 

ttre  jour  ma  Philis  danfbic  dans  la  prairie } 
tout  fous  Tes  beaux  pas  l'herbe  devint  fleurie  j 
troupeau  qui  paiflbit  oublia  de  manger, 
l*amour  les  Sylvains  penferent  enrager.  "^ 

A  M  I  N  T  E* 

itre  jour  dans  un  bois  la  charmante  Climenc , 
intoit  une  chanfon  du  vieux  Padeur  Silène  -, 
ruîfTeau  qui bruyoit  fur  de  petits  cailloux, 
lia  dans  ce  moment  d'un  murmure  plus  doux  ; 
RofTignols  perchez  {bus  les  tendres  feuillages , 
iteux  d'être  vaincus  ceflcrcnt  leurs  ramages  ,• 
r  devint  plus  ferein,  &  les  plus  doux  Zéphirs , 
r  mieux  ouïr  fa  voix ,  retinrent  leurs  fbupirs. 

^  L  I  c  I  9  A  s. 

md  d'un  lin  mol  Se  doux  chargé  fur  fa  que- 
nouille , 
lis  entre  fes  doigts  tord  la  blonde  dépouille , 
:mble  que  le  lin  en  devienne  plus  beau , 
ju'il  s'aille  ranger  de  lui-même  au  fufeaa. 

A  M  I  N  T  E. 

nene  aime  des  fleurs  l'agréable  mélange  $ 

;*eft  avec  tant  d'art  que  fa  main  les  arrange  , 

K  k  ijij 


3  9 1       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 
Qu*on  dlroic  que  les  lis  »  les  œillets ,  les  iafmiDS 

GNIER  . 

*  £b  devienoenc  plus  beaux  en  pafTanc  pai  fes  mains. 

L I  G  I  D  ▲  s. 
Philis  fçaîc  manier  &  la  laine  &  la  Coyc  , 
£c  c'eil  avec  tant  d'art  que  fa  main  les  employé , 
Qu'on  diroit  qu'à  l'ouvrage  elle-même  autceFois 
Minerve  ait  pris  plaifîr  de  lui  former  les  doigts. 

A  M  I  N  T  E. 

Minerve  &  les  neuf  Sœurs  ont  élevé  Climene , 
£t  ne  l'ont  pas  bornée  à  la  foye  ,  à  la  laine. 
Leur  art  n'enfcigne  rien  aux  plus  fçavans  efprits  « 
Qu'il  ne  l'ait  à  Climene  également  appris. 
Elle  fçait  de  quel  fang  chaque  fleur  on  vie  naître 
Quel  Dicu,qucl  acciclcnt  changea  lear  premier  être. 
D'où  naiflcnr  les  Autans  qui  gâtent  les  vergers, 
D'oii  naifTent  les  Zéphirs  qui  plaifent  aux  Bergers, 
D'où  la  brillante  Iris ,  avec  fon  arc  d'opale, 
Emprunte  les  couleurs  qu'à  nos  yeux  elle  étale , 
D'où  fe  forme  la  plnye ,  &  ce  qui  grolTît  l'air, 
La  caufe  du  tonnerre ,  &  celle  de  réclair  : 
Elle  connoît  cnHn  de  la  Sœur  &  du  Frcrc 
Les  divers  changemens  &  la  courfc  légère  -, 
Mais  elle  ignore ,  iiélas  î  le  pouvoir  de  l'Amour. 
Puiffent  faire  mes  foins  qu'elle  l'apprenne  un  jour  I 

L  I  c  I  D  A  s. 

Grâces  à  la  fortune  à  mes  vœux  complaîfante , 
Ma  Philis  en  amour  eft  un  peu  plus  fcavante  ; 


> 

I 


L  I  V  R  E    X  I  V.  i9^ 

Son  c'fpric ,  je  l'ayouë,  encor  peu  curieux  y 

N'a  jamais  pénétré  dans  les  fecrets  des  Cieux  :         Re»hi 

Mais  aufli  qu'à  jamais  la  belle  les  ignore , 

Pourvu  qu'elle  connoifTe  à  quel  point  je  Tadorc , 

Qu'elle  fçache  m'aimer  &  répondre  à  mes  feux  -, 

£lle  éft  a/Tez  fçavaute  ^  &  je  fuis  trop  heureux.. 

D  A  p  H  N  I  s. 

Vous  avez  Tun  &  l'autre ,  avec  même  avantage  » 
Célébré  dans  vos  Vers ,  votre  illuftre  efclavage. 
Que  toujours  Licidas ,  des  mêmes  traits  percé , 
3éni(re  le  pouvoir  des  yeux  qui  l'ont  blcfTé.. 
Que  le  fidèle  Aminte  aime  toujours  Climene , 
Jamais  plus  digne  objet  ne  peut  caufer  fa  peine  ; 
£r  quand  un  feu  fi  beau  brule  une  fois  un  coeur, 
Rien  n*a  droit  que  la  mort  d'en  éteindre  l'ardeur. 
Mais,  Bergers,  fi  l'amour  qui  tous  deux  vous  en- 
flamme , 
A  quelque  autre  pen(er  fouffrc  place  en  votre  ame  > 
Jufques  au  grand  Louis  élevez  votre  voîx , 
Et  ne  l'employez  plus  qu'à  chanter  fes  exploits. 
C'efl  lui  qui  dans  nos  champs ,  dont  le  Ciel  l'a  fait 

maître  , 
Fait  que  fans  peur  des  loups  nos  troupeaux  peuvent 

paître  > 
Et  qui  par  mille  foins  &  par  mille  bienfaits  • 
Ramené  en  nos  hameaux  l'abondance  $c  la  paix* 
Jeune ,  fage ,  vaillant  >  fur  les  traces  d' Alcide  » 


3^4    BlBLIOTHEqUE   POETIQUE. 

Il  marche  d'un  pas  ferme  >  &  d'un  cœur  incr^ide  ) 
Ugni£R«  D'Aldde,  qui  jadis  dans  nos  champs,  dans  nosboii| 
Aux  Bergers  de  Ton  tems  fit  révérer  fes  lois. 
De  cent  monClres  cruels  qui  nous  faiCbient  la  gaenc^ 
On  Ta  vu  comme  lui  délivrer  notre  terre  , 
On  le  voit  comme  lui ,  par  des  travaux  fansfini' 
A  l'immortalité  s'applanir  le  chemin. 
Maître  de  toute  chofe  &  maître  de  lui-même  i 
La  gloire  efl:  de  Ton  c<rur  la  paffion  fupréme  \ 
La  gloire  eft  de  fes  vœux  le  principal  objet  > 
Et  de  vos  Vers  pour  lui  fera  l'ample  fujet. 
Quelques  lauriers  pourtant  que  votre  main  Id 

cueille , 
De  myrrhes  amoureux  mêlez-y  quelque  feuille i 
L'ardeur  dont  pour  la  [gloire  il  brûle  nuit  &  jour  • 
Ne  rend  pas  fou  grand  cœur  ennemi  de  l'amour. 
Aînfi  parla  Daphnis.  Les  Bergers  (è  levèrent } 
£t  chafTanc  leurs  troupeaux  >  au  hameau  retour- 
nerent. 

A  M.  rEvêque  de  Meaux ,  lorfqu*il  étoit  Frécefteuf 
de  Monfeigneur  le  Dauphin  ,  Fils  $mique 
de  Louis  XIV. 

Illustre  &  grand  PrcIat,dont  la  rare  cloqncnea 
Et  le  profond  fçavoir  font  honneur  à  la  France , 
Et  donc  un  grand  Monarque  a  voulu  faire  choix» 
Pour  apprendre  à  fou  Fils  ce  qui  fait  les  grands  Roi^ 


LIVRE    XIV.  39S 

Quoique  très-éclalré  dans  ce  haut  minifterc,  

Recevez  les  avis  que  vous  donne  un  Confrère  ^        Rccnih 

Et  Ibogez  que  tout  homme  en  un  pofle  pareil , 

Quelque  habile  qu'il  foit ,  a  befoin  dé  confèil. 

Pour  inftruire  le  Prince  &  former  fon  enfance 

A  toutes  les  vertus  dignes  de  fa  NaifTance  > 

Vous  feuilletez  les  Grecs ,  vous  lifez  les  Romains, 

Et  leurs  dodles  écrits  (ont  toujours  dans  vos  mains  ^ 

Soit  que  Tadre  du  jour  répande  fa  lumière  , 

Soit  que  la  Lune  au  Ciel  fourni/fe  (a  carrière  • 

Sur  les  Livres  colé  »  vous  tachez  »  en  tout  tems , 

D'y  chercher  au  Dauphin  de  grands  enfeignemens. 

Mais  pourquoi  >  fans  befoin ,  vous  donner  tant  de 

peine , 
Et  prendre  des  détours  d'une  G.  longue  haleine } 
Dans  la  noble  carrière ,  oii  (bus  vos  yeux  il  court , 
Je  vous  ouvre  un  chemin  &  plus  fur  Se  plus  court. 
Pour  inftruire  le  Fils ,  étudiez  le  Père  ; 
Propofez-lui  fans  ceflc  un  fi  grand  exemplaire  *  ^ 
Et  quel  autre  pourroit  le  mieux  former  jamais 
Aux  vertus  de  la  Guerre ,  aux  vertus  de  la  Paix  ? 
De  fes  vaillans  Héros  quoi  que  la  Grèce  chante , 
De  fes  fameux  enfans  quoi  que  Rome  nous  vante  , 
Et  de  quelque  vertu  qu'enfin  TAntiquité 
Ait  pu  lai  {fer  l'exemple  à  la  poftérité  ; 
Trouveriez-vous  pour  lui  d'aflcz  parfaits  modèles 
Dans  le  Vainqueur  de  Monde  »  ou  dans  celui  d'Ar-» 

belles , 


59^      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ou  dans  les  plus  grands  Rois ,  dont  les  faits  éclacans 

EGNiER.  Ont  garanti  les  noms  de  Toutrage  du  tems  ? 

Pour  le  Fils  de  Louis ,  pour  celui  qui  doit  être, 
Après  le  Grand  Louis ,  de  l'Univers  le  Maître  ; 
Il  n eft  point  de  modèle  afTez  noble ,  afiez  grandi 
Que  Louis  jufte,  bon ,  libéral ,  conquérant, 
Grave  dans  les  Confeils,  profond  y  impénétrable  y 
Dans  fcs  juftes  defTeins  toujours  inébranlable, 
Doux  envers  Tes  Sujets  ,  fiera  fes  ennemis , 
Doux  encore  envers  eux ,  dès  qu  il  les  voit  (bamif } 
Magnifique  en  préfens  ,en  palais,  en  fpeâadeSf 
Confiant  à  furmontcr  toute  forte  d'obftades  » 
Amateur  des  beaux  Arts ,  du  Sçavoir  proteâear, 
Et  de  TArt  militaire  ardent  reftauratcur. 
Par  fou  exemple  fcul,micux  que  par  mille  exemple» 
Il  fçâura  protéger  la  fainteté  des  Temples  j 
II  fçaura  foutenir  &  fes  droits  &  Ton  ran*»"  • 
Contraindre  fes  Sujets  à  ménager  leur  fane, 
Rendre  à  fes  Alliez ,  à  Tombrc  de  (es  armes , 
Leurs  Etats  affermis  contre  toutes  allarmes , 
Elever  le  mérite  aux  emplois  fignalez  , 
Se  choifîr  prudemment  des  fervitears  zélez , 
Entretenir  toujours  dans  le  (cin  de  la  France 
Une  tranquille  paix  ,  une  hcureufe  abondance; 
Faire  craindre  partout  la  majefté  des  loix , 
Et  fcul  d'un  vafte  Etat  foutenir  tout  le  poids. 
Du  Monarque  furto.it  propofez-lui  fans  cefïc 
La  bonté ,  la  dou  cur,  la  profonde  fàgcffc  ; 


L  I  VR  E    X  I  V.  39$ 

Son  efprit ,  je  l'ayouë^  encor  peu  curieux  y 
.N'a  jamais  pénétré  dans  les  fecrets  des  Cleux  : 
Mais  auffi  qu'à  jamais  la  belle  les  ignore , 
Pourvu  qu'elle  connoKTe  à  quel  point  je  l'adore , 
Qu  elle  f^ache  m'aimer  &  répondre  à  mes  feux  ^ 
Elle  eft  aiTez  fçavaute  >  &  je  fuis  trop  heureux.. 

D  A  P  H  N  I  s. 

Vous  avez  l'un  &  l'autre ,  avec  même  avantage  » 
Célébré  dans  vos  Vers ,  votre  illuftre  efclavage. 
Que  toujours  Licidas  ,des  mêmes  traits  percé , 

JBéniflè  le  pouvoir  des  yeux  qui  l'ont  blcfTé.. 
Que  le  fidèle  Aminte  aime  toujours  Climene , 
Jamais  plus  digne  objet  ne  peut  caufer  fa  peine } 
£t  quand  un  feu  Ci  beau  brûle  une  fois  un  caur , 
Rien  n'a  droit  que  la  mort  d'en  éteindre  l'ardeur. 
Alais,  Bergers,  fi  l'amour  qui  tous  deux  vous  en- 

»  namme  • 

A  quelque  autre  penfer  fouffrc  place  en  votre  ame> 
Jufques  au  grand  Louis  élevez  votre  voîx , 

■*£t  ne  l'employez  plus  qu'à  chanter  Tes  exploits. 

.Cefl  lui  qui  dans  nos  champs  »  dont  le  Ciel  l'a  fait 


maître 


.J^Ic  que  fans  peur  des  loups  nos  troupeaux  peuvent 

paître  , 
£t  qui  par  mille  foins  &  par  mille  bienfaits  • 
Slamene  en  nos  hameaux  l'abondance  $c  In  paix* 
Jeune,  fage,  vaillant ,  fur  les  traces  d'Alcide  » 


ï 


î       IIIIIJTEEQI'E    POETIQUE. 
^  l^Dzlr-jt  -ari  .  Ti:..£n: ,  rîcla  a  une  noble  ardcoTt 


I.: «ii^il»   I.  r-DL":  in-:  :r.i2:ls  az-cciToas  de  Con  coeur; 
?!.::=:- -1.  "»;_:l:7:s  f^zs  la  viiic  famenfe , 
.^•iL  r-::  l^i=  Ji-  rrz:  iz  irajc:  de  la  Mca(ê$ 
SiiDr-r^i--!.  It  rniïice  S:  î«  foins  glorieux 

_*:  zi  rrtr  £  s  rre  »  a  roat  voir  par  fa  ycûi; 


*  -Ai- 


J:::r:ri-.:  x.i  -rir;  ?rlnce,  actif ,  infatigable  > 
*  "-T-.:.:  :    -icrrr.ie .  î:2.Ta:n ,  facile ,  aimable  ; 
7i  nf.!  rii£  .=5 fnî  e:: rca: rems lont trouvé, 
Il  11-  I  :  :   Z-i^sir;  .'a  cen:  fbis  éprouvé. 
r^iim-.i.  .2i_s=.e^:  a  c-cî  point  il  s'expo(è; 
C'i  :  11  i .  pr-.;rre .  i.  en  fçait  ouelque  chofc, 
N""i^=:  r.£i .  riT  fr.r-ie  Je  3:  rar  facilité  i 
rcr:  -f-rr.r,  l'Eia: ,  la  vérité. 


m.  -^ 


r  TÎS-.  ;.  2xr -  -m: ,  ^cre  exploi  vous  l'ordonne, 
C^  :  :  -•!::•  ?.?!  -e icirpas  expofcr  fa  perfonncS 
II.  fr-  i^  r  il  zz.z.  cJsz  bîâsîer  Louis  j 
""•'r;:  prz  ris  le  ?ere  ea  préfencc  du  Fils  j 
;:  2  2c:  :er  îrf::  azr:r.e  chofe  à  ftire , 
?cc:  ccTTi^er  le  FIis  du  îcaî  défaut  du  Perc. 
Ir  rrz'.z  ie  ctrre  icrre  aux  devoirs  d'un  grand Ro!} 
rei::.:c  po^  i^v-ner  à  IX'nivers  la  loi , 
i!  CiiZTZ  ^z:[  cherTîln  peut  conduire  à  la  gloire, 
L^nV-c  z-2  grand  Louis  il  fçaura  bien rhîftoire. 


■ 


LIVRE    XIV.  ^99 

APUCTXON  DE  LA  SCENE  DU  PaSTOR  FidO  » 

^         e  r       1  RïGNIl 

Cart  Selve  béate. 

Heureux  fêjourderiniiocencey 

Sombres  &  folltaîres  bols , 
x^ne  le  repos ,  le  calme  &  le  ^ence , 

Qu'avec  plaifir  je  vous  revois  l 

Si  tel  étoic  l'ordre  fapréme  , 

Que  je  pufTe  vivre  à  moi-même 

Eu  quel  Heu  j'aimerois  le  mieux  » 
le  changerois  pas  vos  paifibles  ombrages 

Contre  les  bienheureux  bocages 

Habitez  par  les  demi-Dieux. 

Les  biens  que  la  Fortune  étale , 

Sont  plutôt  des  maux  que  des  biens  ; 
ins  des  préfèns  du  Sort ,  que  de  pompeux  liens 

D'une  fervitude  fiitale. 

Plus  les  Dieux  en  ont  accordé , 
1ns  on  jouit  des  dons  de  leur  niain  libérale  % 

£t  par  une  erreur  générale  , 
les  poffede  moins  qu'on  n'en  eft  pofledé. 

Darns  la  belle  faifon  de  l'âge 

Que  ferc  à  la  félicité 
:  illuftre  naiCance ,  une  rare  beauté  l 

Que  fert  la  gloire  d'être  fage  ! 
e  (crt  un  grand  domaine ,  un  fertile  héritage  \ 

"Et  que  fert  d'avoir  à  (buhalc 
B^lM'bltlnstjue  le  Sort  peut  donner  enpartagey 


400    BIBLIOTHECIUE    POETiqUE. 

Si  le  cœur  n'efl;  pas  fatisfait  X 
Legnier.  Heureufe  une  Bergère  aimable  » 

Qui  n  a  pour  couvrir  Ton  beau  corps* 
Qu'une  écofFe  >  à  peine  capable 
D'en  cacher  aux  yeux  les  tré(brs  ! 
Pauvre  de  cous  les  biens  donc  la  Forcune  ordoonei 
Mais  riche  de  cous  ceux  que  la  Nacure  donne  > 
Elle  a  couc ,  fans  pofTeder  rien  \ 
Nul  vain  défîr  ne  la  courmcnce  \ 
Ec  fans  s'appercevoîr  qu'elle  manque  de  bien , 
Elle  vie  pauvre  »  mais  concence. 
Des  dons  de  la  Terre  &  du  Ciel 
Elle  encrecienc  les  dons  de  la  Cage  Nacure  ) 

Elle  vie  de  laie  &  de  miel , 
Elle  fe  rafraîchie  &  fe  lave  d'eau  pure  \ 
Ecla  fource  qui  fere  à  la  défalcerer  , 

La  confeille  aux  beaux  jours  de  f!ee, 
Quand  d'un  chapeau  de  âeurs  voulanc  parer  fa  tecei 
Au  lever  du  Soleil  elle  va  s'y  mirer. 

Qu'il  eonne ,  qu'il  grêle ,  qu'il  vence, 
Elle  n'y  prend  nui  inceréc. 
Toue  l'accommode ,  couc  lui  plaîc  % 
Elle  vie  pauvre ,  mais  concence. 
Elle  n'a  qu'un  foin  (èulemeac  , 
Soin  délicieux  &  charmanc , 
Exempc  de  erouble  &  de  concraince  \ 
Tandis  que  fcs  moueons .  dans  la  plaine  écarccr  j 

SouslagardcdcschicnspailTentrhabc^fânscialiire, 

Soi 


LIVRE    XI  V.  401 

^^m^mmmmÊmmmÊmmmÊmmmmÊmÊmammmMimmmÊÊÊmmÊmmmÊÊmmimmm^mmÊmmÊm 

Son  Amant  cd  à  &s  côcez  « 
.  lui  parle  des  maux  dont  il  reflcnt  Tattcintc  \     ^^®Ni 

Et  pendant  qu'il  lui  fait  fa  plainte  , 
:  tient  Tes  beaux  yeux  fur  les  (lens  arrêtez , 
aed  point  un  Amant  qu'ait  defliné  pour  elle 

La  dure  autorité  des  lois  \ 

C'eft  un  Amant  tendre  &  fidelle  > 

Dont  elle  &  TAniour  ont  fait  choix, 
is  deux  fous  un  ormeau  »  confident  de  leur 
flamme  » 

Ils  pafTent  les  jours  à  s'aîmer  5 
e  feu  dans  les  yeux ,  la  tendrefTe  dans  Tame  > 
goûtent  des  plaifirs  qu'on  ne  peut  exprimer» 

Il  ne  lui  dit  rien  qu'il  ne  (ente  5 
r  lui  laiffc  voir  jusqu'au  fond  de  fon  cœur  5 
n  ne  trouble  jamais  leur  mutuelle  ardeur  -y 

Elle  vit  pauvre ,  mais  contente. 

O  cent  &  cent  fois  heureux  fort  ^ 

Que  vous  êtes  digne  d'envie  ! 

O  fimple  &  bienhciireufe  vic^ 

Toute  autre  vie  efl:  une  mort  î 

Sur  les  Minrftres^ 

Ravoir  à  chaque  chofe  impofer  fon  vrai  nom , 
N'àppaiticnt  qu'au  Sage ,  dit-on. 
Cependant  c'eft  Fa  multitude  , 
C'eft-à-dire  ce  (ont  les  fous  > 
Q»i  les  «5nt  prefque  inipofé  ioxLS^ 


Odronnefc  maintient  que  par  la  fervîniii  , 
Ecd'où  pret^^tic  toujours  on  cft  précipité. 
Tant  qu'on  Hcroeure  en  place,  une  fou  î  in 

Qui  d'un  homme  élevé  fuit  toujours  la  fortui 
Le  garile  prcfque  il  vue  eu  root  tems ,  en  tous  li 
II  ne  rcfpite  l'air  qu'au  ttavers  d«  la  prclTe , 
Qui  s'ouvre  Se  Ce  relTerre  au  tout  Ae  lui  fans  • 

En  vain  adîf,  laborieui , 
Il  ne  s'accorde  pas  un  momenr  de  relâche  j 
II  fuccombe  le  jour  fous  le  poids  de  fa  tâdie. 
le  la  nuit  le  fommeil  Te  refifc  à  les  yeinr.  • 
le  Publie  cependant ,  fans  ^atdcr  de  a 
Eieicc  à  tour  propm  la  plus  aïipe  ci 
Sut  les  évenemensdiv 

Et  lephisfouver 


L  l  V  R  E    X  I  V.  405 

Comment  s*avcaglc-t*on  affcz 
Pour  eftimer  heureux  ceux  qu  on  y  voit  placez  ?       Regm 

EPITRE    MORALE. 

En  vers  de  nouvelle  mefstre* 

Vous  êtes ,  TiMANDRE  ,  en  inquiétude 
A  quoi  je  m  occupe  en  ma  folitude  : 
J'y  goûte  en  repos  l'innocent  plaifîr  , 
Que  donne  un  heureux  &  profond  loifîr  ^ 
£t  l'employant  tout  à  me  rendre  fage  » 
Je  tâche  d'eu  faire  un  utile  ufage. 
Pour  y  parvenir  je  lis  &  relis 
Des  Romains ,  des  Grecs ,  les  (âges  écrits  : 
Je  vois  dans  leurs  vers  comme  dans  leur  pro(èj 
Ce  que  chacun  d'eux  croit  fur  chaque  cho£è  ; 
£c  quand ,  plein  d'ardeur  pour  la  vérité , 
J'ai  fur  leurs  écrits  long  tems  médité  j 
Et  qu'enfin  je  (ens  que  las  de  fa  tâche , 
L'efprit  a  befoin  de  quelque  relâche  , 
Je  quitte  l'étude ,  &  j'erre  fans  choix , 
Tantôt  dans  l'es  prez,  tantôt  dans  les  bois. 
Au  pied  de  mes  murs ,  vers  Vendroic  que  dore 
De  (es  ^emiers  feux  la  naiflante  Aurore , 
Jufqucs  vers  l'endroit  que  vont  éclairant 
Les  dernier»  rayons  du  Soleil  mourant , 
5'étcnd  un  coteau  qui  partout  préfente 

Va  ombrag.e  fiais ,  une  douce  pente. 

tli) 


404    BIBLIOTHEQUE   POETiqUE. 


C'cft-!à ,  plus  fou  vent  qu'en  nulle  autre  pan» 
E«NIE&.       Qyç  je  nie  promené  au  g;ré  du  hazard  j 
£c  qu'en  liberté  je  rends  &  j'attire 
L'air  tranquille  &  pur  que  l'on  y  re(pire , 
Tandis  qu'à  mes  yeaz  cent  objets  ofiEèrts , 
Feignent  à  la  fois  cent  tableaux  divers. 
Le  chant  des  oifèauz  >  le  cours  d'une  eau  vive# 
Des  noires  fourmis  la  famille  aâive  • 
Une  fautereHe ,  un  ver ,  un  grillon  y 
Le  vol  d'une  mouche  >  ou  d'un  papilloa  » 
Une  herbe  ,  un  épi  qu'en  rêvant  j'arrache  \, 
Tout  m'amufè  alors ,  (ans  que  rien  m'attache» 
Ni  que  mon  efprit,  ailleurs  dîllîpé  , 
£n  aucune  (brte  en  fbit  occupé  ^ 
Mais  tel  qu'un  oifeau  dre^e  pour  la  chaflè> 
Des  airs  tout  à  coup  fend  le  vague  e(pace> . 
Se  plaît  quelque  rems  à  prendre  1  eifbr , 
Fuis  vient  au  reclame  »  ôc  rechalfe  encor  ; 
Tel  ayant  fini  fa  courfe  incertaine , 
Mon  efprit  difbrait  vers  moi  (e  ramené  i 
Et  d bbjt:t  en  autre  alors  m'élevant , 
Sur  les  grands  fujets  je  m'en  vais  rêvant. 
Je  regarde  en  gros  toute  la  Nature^ 
J'en  obfcrve  Tordre  &  Tarchitcdurc  , 
Et  cherche  à  fçavoîr  quels  fecrets  reflorts 
Pont  mouvoir  fi  jufte  un  fi  va/le  corps» 
De  l'air  &  du  feu ,  de  Teaj  ,  de  la  terre 
L'éternelle  paix ,  lacrnellc  gLerrc^. 


LIVRE    XI  V.  401 

Son  Amant  cd  à  (es  côccz ,  — 

Qui  lui  parle  des  maux  dont  il  reflcnt  l'atteinte  i 

Et  pendant  qu'il  lai  fait  fa  plainte  , 
Elle  tient  fes  beaux  yeux  fur  les  (lens  arrêtez  , 
Ce  n'ed  point  un  Amant  qu'ait  defliné  pour  elle 

La  dure  autorité  des  loiz  \ 

C'eft  un  Amant  tendre  &  fîdclle  > 

Dont  elle  &  FAniour  ont  fait  choix. 
Tous  deux  fous  un  ormeau  »  confident  de  leur 
flamme  » 

Ils  pafTcnt  les  Jours  à  s'aimer  \ 
Et  le  feu  dans  les  yeux ,  la  tendreffe  dans  l'ame  > 
Ils  goûtent  des  plaifirs  qu'on  ne  peut  exprimer* 

Il  ne  lui  dit  rien  qu'il  ne  (êote  5 
Elle  lui  laiffe  voir  jufqu'au  fond  de  fon  cœur  -, 
Rien  ne  trouble  jamais  leur  mutuelle  ardeur  ^ 

Elle  vît  pauvre,  mais  contente. 

O  cent  &  cent  fois  heureux  fore  > 

Que  vous  êtes  digne  d'envie  ! 

O  fimple  &  bienhciireufe  vie,. 

Toute  autre  vie  efl:  une  mort  ! 

Sur  les  Minrjires, 

SçATOiR  à  chaque  chofe  impofer  fon  vrai  nom , 
N'appartient  qu'au  Sa;çe,  dit-on. 
Cependant  c'eft  la  multitude  , 
C'cft-à-dirc  ce  (ont  îcs  fous  > 
Qui  les  0ut  prefque  înipofé  tous. 


408       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

CenCèrvent,  quand  Tâge  a  leur  poil  blaachî  i 
Ugnxer.       De  Ihyvcr  des  ans  rcfprit  affiranchi. 
Le  f efte  paîcri  d  argile  groflierc  » 
Tout  entier  vieillit  avec  la  matière  ; 
£t  n'a  pour  partage  en  un  corps  cafl2 > 
Qu'une  raifbn  trouble, un  erpritglac& 
Les  Cens  afFoiblis^  les  forces  ufôes  « 
Les  veines  que  Tâge  a  prcfquc  épuiféeS  » 
Les  mufcles  trembla ns ,  les  nerfs  fans  chalénfi 
Sont  de  Thomme  alors  le  moindre  malheur. 
Alors  aux  défirs  qui  le  dévorèrent , 
Et  qui  nuit  &  jour  fon  repos  troublèrent , 
La  crainte  fuccede ,  &  plus  que  jamais 
II  ed  nuit  &  jour  fans  repos  ni  paix. 
La  mort  qu*à  toute  heure  il  croit  voir  préCntc 
Lui  remplit  rcfprit ,  d'horreur ,  d'épouvante.. 
Mais  quoi  qu'il  redoute  après  le  trépas , 
Content  de  trembler,  il  n'y  pourvoit  pas. 
Voilà  quel  e(l  l'homme ,  6c  comment  Cias  ce& 
Le  défit  l'agite ,  ou  la  peur  le  preflc  : 
Heureux  qui  pourroit  fê  régler  Ci  bien , 
Qu'il  ne  défirâc  ni  ne  craignît  rien  ! 
Mais  parce  qu'en  vain  l'humaine  foibleilé  > 
Voudroit  parvenir  à  tant  de  fageHc  » 
Je  tache  du  moins  de  former  mon  cocut 
A  ne  rien  vouloir  avec  trop  Jardeur  ; 
Je  tâche  d'ôcer  le  mafque  &  la  feinte 
Aux  objets  trompeurs  qui  font  notre  craintt 


LIVRE    XIV.  4c^ 

Ec  fc  mVStudic  à  me  rendre  heureux , 

Moins  en  rexnpliâanc  qa*en  bornant  mes  vœu x.    ^^qv  x  ei 

Enfin  plein  d'ardeur  d'apprendre  à  bien-vivre , 

De  fça vok  que  fuir ,  de  (javirir  que  ftrîvre  s 

le  m'applique  tout  à  r^ler  mes  moeurs  9 

A  pic  bien  gnéxk  de  toutes  «rf^eun , 

Et  me  rendre  l'tme  innoceme  &  ferme , 

Pour  ne  craindre  rien  à  mon  dernier  terme« 

Mais  quoi  ?^  l'on  trouve  en  toute  failba 

Si  peu  de  reflburoe  en  notre  raifoa  ; 

Si  le  plus  (buvent  on  rencontre  en  die 

Un  appui  mal  I&r ,  un  aide  infidcHe  ; 

Que.  fais.- je  en  forn^nt  un  pareii  defiçin , 

Qu'^n  projet  frivole  »  eu  qu'un  (biige  viSû  I 

Ceft  au  Ciel  >  Timandre,  au  Ciel  que  réfidc 

La  paix  >  la  fagefie  &  le  bien  (blide } 

£c  c'efl:  vers  le  Ciel  que  pour  être  heureux  > 

L'homme  4€ii  tdumfer  (bn  cœur  Si  &$  vœux. 

ù  DE  s. 

Sur  le  Mariage* 

De  votre  tend reffê trompée , 
CelTez  de  plaindre  le  malheur } 
Céft  trop  avoir  l'ame  occupée 
D'unetrop  frivole  douleur. 

'A  rheureux  Epoux  de  Sylvie 

Vous  portez  envie  aujourd'hui  ; 
lem  m.  M  to 


+  :4y       J:  71:J  ^HEQVE     POETIQUE. 

^^^^  E:  rr  '."ira  dcaïatQ  2  !  ii 

i*î:-*;:i3.  1  «rctis  dcrosc  pocisc  ecTle. 


Soos  Is  MMi^  tbvBKa  Ta  tMagjt  » 
S:  i^  T3S  SBOors  fa  &k  Bukre  : 

Sii.<  le  eoosdeax  blca*cde,  ptBC-éoc* 
Far  i  bTzrxn  voos  kccz  'iFcngé. 

Q^usid  szxx  £I!e  •  déjà  grande  « 
Cc.rzxtfncc  a  Czzrir  cz  qu'elle  eft  ^ 
C'tflw  un  mari  qu*el!c  demande  , 
£:  le  meilleur  1  c  cil  le  plos  piêc 


Dans  LespzemîenteiBS,xl  ImCemUc 
Qve  les  Cienx  Coo:  pour  die  ootcrs: 
Vkcc-03  à  :e  bcouiner  eofèmblc  3 
E'.'.c  û:  croie  dacs  les  Enfers. 

Lui ,  c:ii  d'abori  {aas  leccixiC 
S'abzcdcnzc::  à  Ces  défîrs , 
Trouve  auffi  ça*à  la  cenrinoë  « 
L'hvmen  a  de  fades  plaiiîrs. 

De  parc  &  d*ai:tre ,  dans  la  fiiice  « 
On  perd  le  gouc  Si  la  raifbn  ^ 
£r  par  l'hameur  »  par  la  conduixc , 
L'un  ver(e  à  Tantre  dti  poifiui» 

C'eft  on  combac  i  tonte  outrance, 

-Qu'un  nuiriagc  malheurcuii 


iXe  TjAoire  jivHe  efpéraooe , 

Que  parlt mon  de i an det  deux.  WBoiw 

Uj^.byiMMiidp  COQS. points  (brtable , 
£fl  au  cojfLtaiif€  à  Aéiotr  •> 
£c  c*eft  m  ks  ineftÔMblc  : 
Mais  il  eft  encoKi  ràer. 

Ainfî  nul  ae  mec  à  la  Banque» 
"Qui  ne  Ce  il  acte  de  l'avoir  ^ 
Mais^emme  on  être  toujoacs  Manque  • 
Quelqi'mi  doute  da  inltec  aoir. 

Quoique  autre  ^imij^pc^<^C9rC: 
Que  laJboccejoÀlcsJs^Uecs.fiiac^  •* 
Eft  comme  cçllç  de  Pandonc. 

Oii  refpér^nce  J^cqlt  au  ioad. .    . 

Mais  de  (kl>olfte  infortunée 
Sortit  db  maux  un  moindre  ^flain  « 
Que  la  bofe'te  de  i'hyménée 
N'en  répand  fur  le  genre  humala> 

Tels  que  fous  un  ciel  trîfte  &  foipbrt-» 
Dans  l*âpre  faifbn-des  glaçons  j      : 
Sur  la  tetre  tombent  fans-aoxnbrt 
De  neige  les  épais  flocobs  : 

Tds  fur  !cs  trîftes  mariages 
Tombent  les  chagrins ,  les  dé^ct&:^\ 


414      MIBUOTEESirE    FOmOUl 


Tefsz  ks  aaacs  accooxîr  » 
Qai  feBUexK  rcgreser  la  per» 
De  celle  qoi  TÎoB  de  moenr. 


Toslez-TcxB  Toir .  be!Is  C!laiBDe  » 
Vdbjcc  àa  sioiidc  le  plis  x»i . 
jPasdiezpToae  fiir  te  bord  de  t'en  « 
Vous  pourrez  tdds  t  toît  {km  peine  : 
Touctfbh  en  tous  r^ardant , 
Du  beaa  chaflêiir  qrxî  s'aima  tanc 
'Rc^outCT.  le  malhrjr  xa(:gae  : 
Soa  avancore  ms  fak  peur  , 
Quoique  la  ccrre  (bi:  inîiigne 
D'avoir  uoe  il  belle  Heur. 

Regardez  yers  cette  areaD?, 
Vous  voyez  c]ac  (cnfibîcmcnc  j 
Sans  qu'on  s'appcrçoi  vc  comment  * 
La  rerrcs  ouvre  &  fc  rcniu<f. 
^  Mi  mené ,  qu'il  eft  dangereux  , 
Qunnd  on  fait  naître  de  beaux  feux.j 
De  Ce  pir^uer  d'ctte  infenfibkt 
Les  Dieux  aiment  à  fc  veni^  ^ 
]\coiicc'A  y  &  s'il  cii  poflible , 
i^pprenc'^  à  vous  corriger* 


,     L  I  V  R.E.  XIV,  MS 

Cette  taupe  qui  va  fans  ceâe 
Gratant  la  terre  avec  ies  niaân^  ,.  Regn 

Jadis  chez  des  :peupkfr  loiiicaîns  . 
Fut  une  très-belle  Prlocefle. 
Le  Soleil  datis'  le  coats  qu'il  fait  ^ 
N'éclairoît  rie»  de  iS  parfaic 
Depuis  Ffnde  jufqu'à  la  Seine  ; 
£c  tout  ce  qui  vit  Tes  beaux  yeux  y 
Devint  lia  conquête  certaine 
De  leurs  charmes  impérieux. 

MaiscDtre  toas  ceux  dof^  la  famine 
Se  (ignala  jufqu'au  combeaHi , 
Un  Prince  vaillant ,  jeune  &  beau-* 
Uadora  de  toute  Ton  ame. 
Que  ne  fit-il  point  chaque  jour 
Pour  lui  témoigner  (on  amour. 
Et  mériter  d'être  aîtné  d'elle  > 
Mais  ni  fen  fang ,  ni  fa  valeur  « 
Ni  Ton  amour  tendre  &  fidclle  »  * 
Ne  purent  lui  toucher  le  cœur. 

Fiere  de  fa  beauté  fnpréme  > 

Et  cruelle  à  tous  (es  Amans  > 

Elle  borna  fes  fentimens 

A  ne  rien  aimer  qu'elle-même. 

Cent  fois  pour  éviter  leurs  yeux  « 

En  des  jardins  délicieux 

Elle  chercha  le  frais  &  l'ombre  \ 

M  Bi  iiij' 


41^    BIBLIOTHEqUE    POETIQUE^ 

tmm^mmmmimtmÊÊÊÊmmmÊÊÊmmmmmmm^mmÊmmmmmmÊmÊmmmmmÊmm^mmmmmmmim. 

£c  dans  le  C^ottt  qa'elle  y  fie , 
î  N 1 1%*.  Les  (èuls  Zépbirs  forent  da  nombre 

Des  feopkans  qa'clle'jr  {(mffîic-. 

Là  fans  aucune  inquiétude ' 

Des  maux  que  cau&içQC  fes  çigwus  > 
Parmi  les  arbres  &  les  fleuis. 

Elle  chercha  la  folicude. 

Le  jeune  Prince  cependanc^,t, 
Confumé  d'un  défîr  aident  ». 
Paflbic  de  cruelles  journées  y 
Enfin  réduit  au  défelpoir  » 
£t  prefTé  par  Tes  deftinées  ^ 
tt  voulut  tenter  dt  la  voir. 

Un  jour  qu*à  rombre-d'un  bocage 
Planté  de  myrrhes  amoureux  p. 
Elis  jouoit  à  mille  jeux 
Avec,  des  filles  de.  (ba  ^e  •» 
Le  Prince  entre  fècretemenr, 
(  Car  que  ne  peut  point  un  Amant  ) 
Se  jette  aux  pieds  de  la  cruelle  -, 
£t  déjà  tranfporté  d'amour  > 
Il  lui  dlfolt  qu*éloîgné  d'elle 
II  mouroit  mille  fois  le  jour. 

Hé  bien,  meurs ,  répond  rinhumaine> 
Avec  un  vifage  indigné. 

Alors  le  Prince  infoitunA 


ZTVR  £    X  ir.  417 

Sent  qu'il  perd  la  yeix  &  rhatelne  : 

L'«zcès  d'une  jufte  douleur  RUtOH  i 

^ui  g|ace,ljB  (ang  dans  k  coeuf  f 

Il  pâlie ,  il  tombe ,  11  expire  *, 

Et  (èmble  dire  en  expirant , 

Qu!il  bénit  fon  cruel  martyre ,. 

Pui(qu'U  peut  la  voir  en  mouram . 

Une  fi  funefte  avanture- 
Fit- dans  le»prez  fécher  les  flÈurt; 
Chaque  myrthe  en  jetta-des  pleurs 
A  travers  (bnicorce  dure  v 
Le  Ciel  auparavant  fi  pur , 
Seuvelopant  d'unvoite  ob(cur,r 
De  douleur  enrvecfa  des  larmes  : 
Elle  feule ,  (ans  s'altérer  ^  * 
Vainedu  pouvoir  defes  charmes ,. 
A  Ces  pieds  le  vit  expirer. 

Mais  fa  cruelle  indifférence 
Pour  un  Amant  mort  à  fcs  yeux  , 
Provoque  le  courroux  des  Dieux  v 
It'folliciteleur  vengeance. 
Alors  tout  d'ttu^oup  elle  fent 
Qu'un  eflbrt Tecret  &  puiflant 
Lui  ravir  fa  forme  prcmiert  > 
Déformais  fon  corps  fe  réduit 
A  moins  d'efpace  &  de  matière , 
Et Jftfcs  yeuxle  joui  s'enfuit. 


mt 


418       BIBLI0THEQUE    POISTtQyK 

Scf  frax  r  ^<^n(  l^bcsaité^ùs&t 
De  cane  de-MnuvtsimbUi  Id^pwr  i' 
Ses  yetxx'S^AfrîgMts  poorjtaiais  >> 
Et  nulle  apparence  n'ietizeftie.    . 
L*habirqa%lIep(»xoitaIor9«   ' 
STaetache  parccmc  fur  Ion  ccn^  r 
Ec  partout  en-Gi  peau  (cchadge  ;  - 
Et  tel  qu'lt  fifç  de  yeloun  nolr> 
Avant  ce  cbfii^gi^menc  ^aogPi. .  ; 
Tel  on  pqit  çaçiOftç  le  i^ir.    ,.    > 

C'eft  âtnfi  i}Qe  les  Dieux:  watsteor 
Que  cet  outrage  Ac  reogé^ 
Ses  mains  (enles  n'ont  point  changé  v 
Et  font  encor  ce-iqu'cllcs  furent. 
On  voit  au  (H  comme  autrefois , 
Que  pour  les  ji^rcKns  &  les  bois 
Elle  a  toujours  la  même  attache  ^ 
Mais  par  un  focret  mouvement  > 
Sous  terre  fans  ceiTe  elle  cache 
La  honte  de  fon  cbagemen^ 

Mais  le  Dieu  vifîMe  du  monde* »> 
Déjà  plus  rapport able  aux  yeux  » 
Dans  un  cercle  plus  fpacieux     .  ' 
Etend  fa  Inmîcrc  féconde  : 
Déjà  fcs  cou rfîcrs  lumineux 
Sentent  s'élever  au  tour  d'eux 
ri  4e  la  mer  Tpi£ns.^ 


/ 


L  I  rR  E     XIV.  41^ 

E^Iosieconanc  de  leof  xr»; 

Répamkm  Gitrûous  en  bmine  ^  &i«il  x 

Le  fTQi(tdc4aiigp:euj(  fercta. 

vPour  aller  troavctffiû  Aihanfe- 
Avec  phis  (fe  poiïipe  5t  d'éclatt . 
D'or  i  ikf  lamic^e  dt  d'îocarnac  ' 
tt-crace  une  route  briltante. 
La  Nymphe  dont  il  eH;  charmé , 
L'attend  dans  an  bain  parfumé  « 
Pour  fe  rendre  à  &syeax  plus  belle  t 
Et  par  les  heures  depuis  peu  » 
El!e  a  fait  tirer  devapc  elle 
Un  rideau  de  couleur  de  feu. 

Admirer  de  quelle  vîtefTe 
Il  court  vers  le  moite  élément  ; 
Qu'il  va  bien  de  Tâîr  dlin  Amant , 
Qui  s'apperçoit  que  Theure  preflc  l 
Aînfi  le  Dieu  qui' fàîi  aimer, 
Sçaît  également  totit  charmer , 
L'air  &  le  ciel ,  la  terre  &  Tonde  j, 
ifout  cède  à  fès  divins  appas. 
Voulez- vous  être  feule  au  mondft , 
Dont  le  cœur  ne  (e  rende  pas  ? 

A  m:  Piliffon. 

Lorsqu'à  là  fuite  de  la  Cour, 
Vous  paflez  la  nuit  &  le  jour , 


4to    BIBLIOTHEQUE  PÔETIQC/E. 

Dans  le  brait ,  dans  Tinquiétode , 
Elc«MiSiP»  I.t(i\it  négligeant  les  neurSoeor^^ 

Vous  étos  privé  des  dôuceurr 
De-la  retraite  &  de  l'étude  y 
Moi  JLCgo&te  idoles  pUifir» 
Qu'oa  trouve  dans  la  folitade« 
Qiiaud  d'un  efprît  cégié  ron^borne  Cc$  défirs. 

Dans  un  lieu  dii  bruit  retira  > 
Od ,  pour  peu  qu'on  foit  modérée 
Oh  peur  trouver  que  tout  abonda) 
Sans  amour  9  fans  ambidûn  ». 

Exempt  de  toutepaffiôav 
Je  jouis  d*ûne  paix  profonde  v 
Et  pour  m'a/Turer  le  feul  bien 
Qae  l'on  doit  cfliimer  au  monde  f 
Tout  ce  que  je  n'ai  pas ,  je  le  compte  pour  rien* 

Je  compte  pour  rien  les  tréiort 
Que  rinde  étale  fur  Tes  bords 
Aux  vœux  de  Tavarice  hunuine^ 
Les  grandeurs  qui  font  parmi  vous, 
Tant  d'amans  Se  tant  de  jaloux  ». 
Je  les  compte  pour  cKo(ê  vaine  % 
Et  compte  enfin  pour  un  malheur. 
Tout  ce  qu'on  acquiert  avec  peine  » 
Qu'on  poflcdcen  tremblant ,  qu'on  perd  avec  dou 
leur. 


k.' 


iL  îl  V  R  E     XI  V.  4M 

Qoî  peut  dite  les  foinj  cuifans 
<^ai  dévorent  1^  Coanibns^ 
Et  quel  noir  chagrin  les  dévore  4 
Il  peut  dire  combien  de  plears 
L'Aurore  verfe  fur  les  fleurs, 
Qi^iiid  le  )our  commence  d'édorc: 
Xlpeot  compter  les  fèax  des  cieux^ 
Les  (àbles  du  civage  More^ 
vertos  de  Louis ,  &  (es  faits  glorieux. 

De  mille  délits  agitez , 
Da  bonheur  d^autrui  tourmentez. 
Jamais  contens  de  la  Fortune , 
Ils  n'ont  fur  lc£s  effets  divers 
De  (es  faveurs ,  de  fes  revers , 
.  NI  fageffe,  ni  force  aucune  ^  ^ 
Et  quand  le  Soleil  fort  des  flots. 
Et  quand  il  fait  place  à  la  Lune  « 
r  e(p^  inquiet. A'a  jamais  de  repos. 

Oie  ftttr  de  devenir  comme  eiiz , 
D'un  commerce  fi  dangereux  » 
Songez  •  Ac  AtiiTE ,  à  vous  défaire  : 
Mais  j'ai  tort^Sctie  (çai-je  pas 
Combien  Vous  faites  peu  de  cas 
De  ce  qui  fédtùc  le  ^vulgaire  « 
JScqae  charmé  du  fcui  Louis  » 
Vous'fiûtes  votre  unique  affaire 
pprendre  à  nos  neveux  fes  exploits  inouïs  ? 


IIeonier. 


4M,       BIBLiOTffEQpE"  MEÎIHUS. 

■  '  '"  Vdui  Icot  tpprcflârez  k$  coaibars , 

Recnz».  Par  qui  des  Bamves  ingrats 

il  a  rerapoTcé  la-viftoire  s 
Ils  liront*  pleins  d'étonneineat >, 
Contré  Tibère  &  le  -Flamand 
Combien  il  i'ttt  acquis  it  {jldirë  ; 
Et  des  hauts  faits  d'un  il  grand  ko! 
Plus  fidcjle  fera  tliîftoÎM , 
^Plus  Ils  auront  fujet  d'en  foup^onner  la  foi. 

Vous  le  peindrez  anz  tems  fiitun.* 
Foudroyant  les  fuperbes  mms  y   • 
Qui  tircfltt  letir  nom  dck  Menft.-  ' 
Ni  tel  le  pilusgrané  des GéfÎM^  y 
Lorfqu  il  renvcrfoit  lesrempattsv 
Dont  TAuvergne  cft  encor  f«fheafe;$ 
NlteU  lôr{qu*aax  murs  Tyrîens 
Il  portoit  ane  guerre  «ffireufe ,  ' 
l^écoit  point  Mezandreâ  là  téce  des  fieirt.  . 

Mais  pommene  pouarese^yoïis  jama 
Avec  d'aflèz  fiddlesmlts , 
Peindre  fa  {kgcfTe  admirable , 
Sa  valeur ,  fa  noble  fierté  » 

Sa  donn-ftnce  .  fa  ^rmar^  . 


XI  V  R  E    XIV. 


423 


Pqm  moi ,  i'ai  ceo(6.  i^udlquefoU 
D'élever  julqu'à  bi  ma  voix  «  Kmx  k 

:£c  d'en  dise  ce  que  je  pcnfe  : 
Mais  indruit  par  mon  vain  effocc  • 
Qu*à  mon  fajec  |e  finfeis  tort  « 
Je  cède  à  cette  eipérkficc  ^ 
Et  de  peur  de  le  lataler  • 
f  *adimre  ^  j'adore  en  filcaôe 
xrtus  que  ma  voix  ne  G^auroit  égaler. 

A  la  Réufon, 

R  ATOH  cékAt  »  ^ammc  pnte^ 
Ponion'delaDivittitéi'  - 
Dont  le  Htfkfo  de  la  Nature 
Fjfiprélèoc  à  L-hnmaaîeé  : 
Toi .  qui  nous  fais  ce  que  nous  (bmmes , 
Toi ,  qui  fais  diftioguer  les  hommes 
Dsieitfcxie  tant  d'animaar  ^ 
Donc  y  fans  èoi  féale  ^  le  partage 
^j'^dlirie  nôtre  auroit  Tavantage 

De  plus  -de  bi^ns  ,  de  moins  de  maux. 

Rai&n ,  toujours  aimable  &  beUe  « 
'  ^t  feule  digne  de  charmer , 

"Seule,  que  la  raccf 'mortelle 

Devroit  ruiyjse.^de^rcùf^ aimer  j 

Ceft  coi  qui  fais  vivre  tranquilles 
'   tës-SociéteziKJfes' villes  1 

CcfttQÎ  qcii  fermes  leurs  liens  » 


414       BIBLIOTHEQUE    POETtQUE. 

Erqui  Joimes  des  \ùîz  ceruioet 
.«Niilt.  Pour  (ahe  moins  fêtitir  les  peincf  « 

Pour  faire  mieux  goûter  les  biens. 

A  ton  a^eâ  épouvantée  • 
Difparoît  •  comme  une  ¥apoar  » 
La  troupe  des  maux  enfiintée 
Par  le  vain  démon  <le  la  peur  ^ 
Tu  di({jpes,  par  ta  préfence  » 
Tout  ce  que  l'aveugle  ignorance 
VerGi  d'erseuTS  dans  nos  erprin  : 
Seule  de  nmc  tu  vokla  caaft^ 
Seule  tu  (fais  à  chaque  cbofe 

Donner^n  vérkablé  prix. 

Rien  de  ce  que  la  Terre  mJkrmê- 
Nè  fçauroitt'éblouir  les  yeux  • 
Toi  qui,  d*unc  paupière  ferme  » 
Portes  tes  regards  jufqu'atixCieax.  • 
O  Raiibn  i  (èui  bien  véritable  t       ■ 
Raifon ,  par  qui  Thomme  eft  (èmblibb 
■ATAÛtcur  même  defon  fore  ! 
.  feu  divin ,  lumière  de  Tame^ 
Tais  luirctcn  moi  toujours  ta  flamme^ 
iklaire-moi  jufqu'à  la. mort* 

SurlAfMttoff. 

■ 

Quand  la  jennodè  ardente  6c  yainc 
Commençolt  d'allumer  en  v^Oui 


Mtaa* 


L  I  V  R  E    X  I  V.  4if 

• 

Ces  feux  û  picqaans  &  H  doax ,  ^^S: 

Le  charme  des  ctxurs  &  la  peine }  |U 

Alors  plein  de  jeunes  défîrs  » 

Vous  ne  connoiffiez  de  plaifîrs 

Que  ceux  qu'un  tendre  amour  infpire  } 

Et  comptant  le  reftc  pour  rien  » 

Du  fiijet  de  votre  martyre 

Vous  fidfiez  votre  unique  bien. 

Un  (bin  plus  noble  vous  dégage 
De  votre  longue  pafCon  -, 
Mais  guéri  par  l'ambition  , 
Vous  croyez  être  libre  &  fage. 
Vous  rétes  pourtant  au  (H  peu 
Que  quand  vous  étiez  tout  en  feu 
Pour  l'objet  de  votre  cendrefTe  : 
Ceft  toujours,  fous  des  noms  divers  • 
EfclavagCs  folie  >  yvrefTe  i 
Vous  n-avex  que  changé  de  fers. 

Pour  ceux  à  qui  de  chaque  chofe 

La  rai(bn  découvre  le  prix  » 

£c  qui  du  (èul  vrai  font  épris 

Sans  qu'un  faux  éclat  leur  impo(è  -, 

Les  grandeurs  que  vous  défîrcz , 

Les  honneurs  ou  vous  afpircz  , 

Sont  un  objet  audî  frivole 

Que  l'objet  des  voeux  des  enfaos  « 
Têm  m.  N  n 


lElU 


40.6       BIBLÎOTREQJJE    POETIQUE. 

m 

Ua  l^r  papillon  cjaî  vole  , 
Vous  le  paroiflbk  à  vÎQgt  ans. 

Qui  ne  rit  de  leur  vaine  joye  ,. 
Quand  vers  eux  il  vient  à  voler  l 
Qui  ne  rît  dfe  les  voir  btMitfr 
Da  défir  d'en  faire  leur  pifoyc  ! 
Sans  relâche  ils  courent  après  , 
Et  fui  vent  foa  vol  dfe  fî  près , 
Qu'ils  portent  les-mains- Gir  (cs-aîléS':: 
Heureux  qui  pcut^votr  atteint 
Sur  la  chne  des  fleuts  n€)uveHes 
L'infeâe  de  cent  coulcors  peine  !  ' 

Ainfi  dès  Tâgc  le  plàs  rendre 
Tel  c(l  des  hommieff  le  deftln  ,  . 
Que  leur  état  >  à  le  bien-prendre , 
N'cft  qu'un  tiifa  d^rreors  finis  fin* 
Quoi  qae  pour  nons  la  sa4fbn  tente,. 
Le.  plus  (bu vent  feibk ,  impurflànce  , 
Elle  ne  faitciu*un  vain  effort  ^ 

Et  malades  >  toute  la  vie , 

De  crainte ,  d'ePpoir ,  ou  d'enVle , 

Nous  ne  guérirons  cp'k  la  mort. 

Contre.  Us-lnifieu. 

Quii  miracle^n  moi  s'achève  î 
Quel  pouvoir  prodigicnr 
Au  defitts  de  nsoi  mélevc^. 


^a^m^ÊàmtmÊtm^iamtimfi^éimÊat' 


,    LIVRE    X  J  V.  427 

Et  me  ravit  dans  les  deux  l 

Déja«  bica  loin  de  la  Tccrc ,  .    Reqh 

J'entends  gronder  te  toniMrre 

Dans  le  vàgtie  feh»  des  airs  ; 

Et  dé|aVd'âa  vol  rapide , 

Je  pafle  aux  lieux  ou  rélîde 

Le  Maitire  de  l'Univers. 

t>d  l'abime  de  lumière 
Qui  le  ttlm  de.  toutes  parts  « 
Il  perttiet  à  ma  paupière 
De  ùmcolt.CcBxcffivàs  : 
fi  vent  mémo  qiK  j'expf  ime , 
D'une  manière  fublime , 
Sa  grandeur^  (on  pouvoii'. 
Ou  &nt-lls  les  témëral!res  , 
Qui  combattent  lies  Myfléres 
Qu'ils  ne  peiltcAt  concevoir  ? 

Je  vois  le  Seigneur  lui-même 

Dans  toute  fa  maj  cfté  : 

Te  vois  le  pcruvbit  fupréme 

Dont  tojit  afatre  éft  cmprunté'i 

£a  SagetTe  iônvecaiiiâ  » 

Qui  de  la  Natuie' humaine 

Fit  le  rachat  précieux  ^ 

Et  l'adorable  Génie 

De  qui  ramoor  infinie 

Remplit  la  Tercet  les  Cieux. 

N  n-ij 


4iS       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


nm 


r-, 


Dé  récd^ndle  yengcance 
«M  liiU  Queb  (bm  les  criftcs  eâèts  » . 

Lor-Tque  rhamajileinfolcacB. 
L'irclce  pac  (es  fbrfaks  j 
Au  pied  dû  Trône  adorable^  :  ^ 
Prête  à  firapper  le  coupable ,  "^ 
EHe  tien&1e:g(ar«e  en  maùi  V 
Et  pour  tonc  réduire  en  cendce  »■ 
Un  figpe  lui  fait  entendre .  , .  ^ 
L'ordre  dùDieajfbuyeraioi.   . 


Au  même  ioftaac  clic  volé  r  ' 
Et  plus  pnrniptetju'on  éclair  •- 
De  l'un  jufqu'a  Pàutrè  Pôle  »- 
Porte  fa  flamme  &  le  fer  ^ 
Par  les  villes  qu'elle  embraft  r 
Et  les  têtes  qu'elle  écrafe 
Elle  venge  le  Très-Haut  r 
Apprends  ,  impie. ,^  à  connoitie 
Que  ITtcrnel  eft  le  Maître^ 
Et  (çalcpunlr^oandll  fàut^». 

Mais  vous,  donc ringraticudét 
Contre  le  Ciel s'élevaat  ». 
Met  ai^ourd'hiir^bn' étude. 
A  nier  le  Dieu  vivanc  y 
Quand  l'excès  de  votre  crime 
Vous  plongera,  dans  l'aMme 
Ou  régne  le  dé&fpoit  >. 


Li  r  R  E  X  I  v:  4*9 


Alors  vos  coapable^aincs , 

Du  moins  au  milieu  des  flammes ,  Regni 

CoofèflêroQt  (bn  pouvoir. . 

S  tir  U  Né$$pMC8  dt  Jew^Chxist. 

Nos  déftins  vont  changer  de  face  : 
Le  Tbuc-puifTant  qui  nous  fait  grâce , 

Ne  nous  r^rde  plus  comme  Ces  ennemis. 

Ciel  >  yerfèz  la  rofife ,  &  vous  féconde  nuë , 
L'heure  bienhcureufc  e(l  venuif '; 

Pleuvez  enfin  le  Jofte  à  l'Univers  promis. 

Dfja  le  Démon  de  la  guerre 

Eft  banni  de  toute  la  Terre-, 
Et  laiiTè  le  champ  libre  à  l'Ange  de  la  paix» 
Terre  ,  ouvrez  votre  feîn ,  Se  hâtez-vous  d'éclore 

Cdai  que  là  Nature  adore , 
Et  qui  vient  pour  fauver  les  hommes  qu'il  a  faits. 

Une  origine  criminelle- 

rnfe^it  la  race  mortelle , 
Et 'le  péché  d'un  (èoi  paffoit  en  chacun-  d'eux  : 
G'eft  ainfi  que  l'on  voit  un  fleuve' dans  fa  courte  f 

Tcôublexhilimon  de  fa  (burce  >. 
Xlifques  à  l'Océan  rouler  fes  flots  bourbeux* 

Que  ne  peurun  amour  eztrénK  l 
H  peut  tout  •  il  peat  dim  Dieu  même 
Rsdre.tmiionMQe  fojet  aux  douleurs  «  à  la  mort  :- 
lie  Yeibcfe  icyét  de  rhumaine  nùflbe , 


4i<    SIBLlOTHEqUE    POETIQUE^ 

£t  dans  le  fi^oitr  qu'elle  y  fir  » 
NiEii..  Les  feuls  Zépbîcs  forenrda  nombre 

Des  foapîfans^a'clle  j^ibuffiie-. 

1  -  •■    ,      ,  -     J         . 

Là  fans  anciiQC  inq^tM&adf ': 
Des  maux  que  canfbiçQC  je$  rigfmn  > 
Vzxmi  les  arbres  &  les .  fletus 
Elle  chercha  la  folitude. 
Le  jeune  Prince  cependanCti^ 
Confumé  d'un  défir  a£dcnt> 
Paflbic  de  croelles  journées  i 
Infin  réduk  au  défe^poir  « 
£t  preiTé  par  Tes  deftinées  ^ 
H' voulut  tenter  dt  k  voir. 

Un  jour  qu'à  rombrcd'on  bocage 
Planté  de  myrrhes  amoureox  » 
Elle  jouoit  à  mille  jeux 
Avec,  des  filles  de  (bn  ^e  v 
Le  Prince  entre  rècretement» 
(  Car.  que  ne  peut  point  un.  Amant  ) 
Se  jette  aux  pieds  de  la  cruelle  \ 
£t  déjà  tranfporté  d'amour  > 
Il  lui  difblt  qu'éloigné  d'elle 
11  mouroit  mille  fois  le  jour. 

Hé  bien,  meurs  »  répond  riohumaine> 
Avec  un  vifage  indigné. 
Alors  le  Prince  infoctuni 


LTVR  £    X  IV.  4»7 

Sent  qu'il  perd  la  v^ix  &  Thaieîne  : 

Vozcès  ^*une  jufte  doaleur  RlGMitl 

lai  glace.le  &ng  dans  k  coeuf  ^ 

il  pâlit  >  il  tombe ,  il  expire  -, 

Et  femblc  dire  en  expirant  « 

Qu!ii.béuic  fon  cruel  martyre  , 

Pui(qu*il  peut  la  voir  en  mourant. 

Une  fi  funefte  avanturc 
Fit' dans  le^prez  fécher  les  âtsur»; 
Chaque  myrche  en  jettades  pleurs 
A  travers  fon  écorce  dure  ; 
Le  Ciel:  auparavant  fi  pur , 
S envelopant  d'un  voile  ob leur  «. 
De  douleur  enr  vetfa  des  larmes  : 
Elle  feule,  (ans  s'altérer  ,* 
Vainedu  pouvoir  de  fes  charmes ,. 
A  (es  pieds  le  vit  expirer. 

Mais  fa  cruelle  indifférence 
Pour  un  Amant  mort  à  fcs  yeux  , 
Provoque  le  courroux  des  Dieux  v 
Erfollicite  leur  vengeance- 
Alors  tout  d'un -coup  elle  fcnt 
Qut»  effort  fccrct  &  puiffant 
Lui  ravit  fa  forme  ptemieft  j 
Déformais  fon  corps  fe  réduit 
A  moins  d'efpace  &  de  matière , 
Etdcîfcs  ycurle  jour  s'enfuit. 


«HtaSMi 


4iS       BiBLtPJHEQUE    POlSriQUEi 

•    '-."■  Set ycax ,  4ônt l»beaiicé'faiicft& 

L£  ON  ^E^  De  tant  ds-Mmis  tMHtbia  istfoiM  >• 

Set  yeox'SSlfdgneiit  pôor^jtomais  >> 
Et  lïullt  «ppafonte  n'ieû  rdte.    : 
rhabirquilîc  pteolt  aIo»i   '  '  ' 
STatftache  partout  fur  fou  coi^  , 
El  parfdat  en- fa  peau  fcchadge  ;  - 
Et  tel  qu*U  fut  as  velours  npir> 
Avant  ce  changement  feaagi?.,, .  î 
Tel  o^  pqit  encorç  le  roilr..  •  •. . ,  x 

C'eft  âHifi  queks  Dîetiir  miitttenr 
Que  cet  oucràge  fbtrtn^èi 
Ses  mains  (êoles  n'ont  point  changé,. 
Et  (ont  encor  ce-iqu'ellcs  furent. 
On  volt  auffî  comme  autrefois , 
Que  pour  les  jardins  Se  lés  bois 
Elle  a  toujours  la  même  attache  ^ 
Mais  par  un  (ccret  mouvement , 
Sous  terre  fans  ceffe  elle  cache 
La  honte  de  fon  chagement. 

Mais  le  Dieu  vidble  du  monde», 
Déjà  plusfopportable  aux  yettx  » 
Dans  un  cercle  pins  fpacienx     .  ' 
Etend  fa  lumière  féconde  : 
Déjà  fcs  cou rfîcrs  lumineux 
Sentent  s'élever  au  tour  d'eux 
J  4c  h  ma.  voi£a&  ^ 


/ 


L  I  ITR  E     XI  V.  41» 

Etlos  iêcooant  àe>  leof  crin  ^ 

Réfandenc  (àr  mous  en  bnùne  »  Righie. 

Le  froid  8l  dangcrctu  (crcio. 

Poor  aller  trouver  iCba  Amante 
Avec  pins  dfe  poitipe  ^  d*éclat , 
D'or';  de  lumicfe  dC  d'iocarnac  ' 
Ilirace  une  route  briltante. 
La  Nymphe  dont  il  eft  charmé , 
L'attend  dans  un  bain  parfumé , 
Pour  fe  rendre  à  fiisyeux  plus  belle  t 
Et  par  les  heures  depuis  peu , 
El!e  a  fait  tirer  devapt  elle 
Un  rideau  ds  couleur  de  feu. 

Admirer  de  quelle  vîtcffc 
Il  court  vers  le  moite  élément  ', 
Qu'il  va  bien  de  Tàîr  d'un  Amant , 
Qui  s'apperçoit  que  l'heure  prefTe  i 
Ainfile  Dieu  qui  fart  aimer  « 
Sçait  également  tout  charmer , 
Ùaîr  &  le  ciel ,  la  terre  &  Tonde  j 
'A>tttcéde  à  (es  divins  appas. 
Voulez- vous  être  feule  au  monde , 
Dont  le  cœur  ne  fe  rende  pas  ? 

A  m:  FéUJfon. 

Lorsqu'à  !â  fuite  de  la  Cour, 
Vous  paflez  la  nuit  &  le  jour  > 


ri^^MïMMB^biirflAi^ 


47X>    BJBLnOTJtEQC/È  PÔETiqi7À 

Dans  le  brait ,  dans  rinquiécode , 
RE«MiSiP»  I^t^int  négligeant  les  nèafSœunr^ 

Yoas  écos  privé  des  douceut^ 
De- la  retraite  &  de  l'étude  y 
Moi  JLC  goûte  ici:  les  pUîfirs 
Qu'oa  trouve  dans  la  folitude  « 
Qiiaud  d'un  efprit  féglé  l'oa^  borne  (k$  déCxs. 

Ûàns  un  lieu  dii  bruit  retira  > 
Od ,  pour  peu  qu'on  foit  modérée 
Oh'peor  trouver  que  tout  abonda) 
Sans  amour ,  fans  ambition  y 
Exempt  de  toute'pa(K(ffi'«. 
Je  jouis  d*tine  paix  profbodfc  ^ 
Et  pour  m'a/Turer  le  feul  bicor 
Qae  l'on  doit  cfliimer  au  monde  y 
Tout  ce  que  je  n'ai  pas ,  je  le  compte  pour  ri 

Je  compte  pour  rien  les  tréiort 
Que  l'Inde  étale  fur  Tes  bords 
Aux  vœux  de  l'avarice  humaine  p 
Les  grandeurs  qui  font  parmi  vont, 
Tant  d'amans  Se  tant  de  jaloux  ». 
Je  les  compte  pour  cHo(e  vaine  % 


A  .♦!  F  R  E     XI  V.  4M 

Qui  peut  dite  les  foins  cuîfans  Régnier. 

'Qfll  dévorent  «les  Courci&ns  « 
Et  qacl  noir  chagrin  les  dévore 4 
Il  peut  dire  combien  de  plcars 
L'Aurore  verfe  fur  les  fleurs, 
Qi^md  le  jour  commence  d'édore-: 
Il  peut  compter  les  fènz  des  cieux .» 
Les  Cibles  du  tivage  More^ 
renos  die  Lou  is ,  &  £es  faits  glorieux. 

De  mille  défirs  agitez  • 
Du  bonheur  d*autrui  teurmcntez« 
Jamais  centeas  de  la  Fortune  » 
Ils  n'ont  fur  Itis  effets  divers 
De  Ces  faveurs ,  de  fes  revers , 
.  Ni  fagefle^  ni  force  aucune  ^  "^ 
Et  quand  le  Soleîi  fort  des  flots  « 
Et  quj^ad  il  fait  place  à  la  Lune  « 
:  efpck  inquiet  fl'a  jamais  de  repos. 

Ole  peur  de  devenir  comme  «ux  » 
D^un  commerce  fi  dangereux  » 
Songez .  AckvTE ,  à  vous  défaire  : 
Mais  f  ai  tost^&ne  (çai-je  pas 
Combien  Vous  faites  peu  de  cas 
De  ce  qui  Cédiiit  le  ^vulgaire  « 
JEc  que  charmé  du  feui  Louis  » 
Vous' faites  votre  unique  affaire 
pprendre  à  iM>s  neveux  fes  exploits  ioouis  l 


m 


414       BIBLIOTHEQUE    POÉTTgUE. 

Erqui  donnes  des  loix  certainei 
iONiBR*  Pour  fahe  moins  Tctstlt  les  peines  , 

Pour  faire  mieux  goûter  les  biens. 

A  ton  A%eâ  ^ppuvancéc  • 
Di  fparok  »  comme  use  W9f0u  ■> 
La  troupe  des  maux  cn&ntée 
Par  le  vain  démon  de  la  pcar« 
Tu  diffipes.,  par  ta  préfence  • 
Tom  ce  que  Taveugle  ignorance 
VerGi  d'erieurs  dans  nos  efprits:: 
'Seule  de  nmcto'Voisla  cauft^ 
Seule  tu  (çaii  à  cilaqnë  cbofe 
Donner'*((Hi  Térkablé  prix. 

Rien  de  ce  que  la  Terre  ôiletnè'- 
Ke  fçauroitVéblouir  lesyeax , 
Toi  qui,  d'une  paupière  ferme  > 
Portes  tes  regards  fufqû'aàxCieax.  : 
O  Rai(bni  (èui  bien  iiFéritable  I      ' . 
Raifon ,  par  qui  lliomme  e(l  (èmbUble 
AT  Auteur  même  defen  fort  l 
.  Jreu  divin ,  lumière  de  l'ame^ 
Tais  luircen  moi  toujouts  ta  flamme  ^ 
Iklaire-moi  jufqu|à  lamorc 


Quand  la jeunode  ardente  &  y^ine 
O>mmençoit  d'allumer  en  yOos 


Ces 


LIVRE     XIV.  415 

Ces  feax  G.  picqaans  &  f\  doax ,  ^SS. 

Le  charme  des  cœurs  Se  la  peine  i  K£c 

Alors  plein  de  jeunes  défîrs  » 

Vous  ne  connoiiEez  de  plaiCrs 

Qoe  cetii  qu'un  cendre  amour  inspire  } 

£c  comptant  le  reftc  poar  rien  » 

Da  (bjet  de  votre  martyre 

Vous  fidfiez  votre  unique  bien. 

Un  Coin  plus  noble  vous  dégage 
De  votre  longue  pafGo'n  *, 
Mais  guéri  par  rambition  , 
Voos  croyez  être  libre  &  fage. 
Vous  rétes  pourtant  auffî  peu 
Qiie  quand  vous  étiez  tout  en  feu 
Pour  Tobjet  de  votre  tendrelTe  : 
Ceft  toujours.  Cous  des  noms  divers  • 
Etclâvage,  folie  >  yvrefle  i 
Vous  n-avez  que  changé  de  fers. 

Pour  ceux  à  qui  de  chaque  chofe 

La  rai(bn  découvre  le  prix  » 

£c  qui  du  feul  vrai  (ont  épris 

Sans  qu'un  faux  éclat  leur  impo(è  -, 

Les  grandeurs  que  vous  défirez , 

Les  honneurs  ou  vous  afpirez  , 

Sont  un  objet  auffî  frivole 

Que  l'objet  des  vo&ux  des  enfans , 
74m€  in,  N  n 


.m 


lElU 


I 


40.6       BiPLIOTirEQUE    POETIQUE. 

m 

Un  léger  papillon  qaî  vole  ; 
Vous  le  paroinbk  à  vingt  ans. 

.  *      »     ",  ^  .  •  ■ 

Qui  ne  rit  de  leur  vaine  joye/,  > 
Quand  vers  eux  il  vient  àroler  l 
Qiiî  ne  rit  de  les  Voir  bîtifei: 
Dtt  défir  d*cn  faire  Ictrr  proyc! 
Sans  relâche  ifs  courent  après  , 
Etfuivcnt  foa^vol  ât  fî  près  , 
Qu'ils  portent  les-mains*  (ùr  (ès-aîl^S":: 
Heureux  qui  peut^voîr  atteint 
Sur  la  chne  des  fleurs  n€>iiveUes 
L'infede  db  ceiit  ccmleors  peine  1' 

Ainâ  des  Tâgc  Irplàs  lendte 
TeLcO:  des  honm«e9  h  deftin  ,  . 
Que  leur  état  >  à  le  bienpitnére , 
N'cft  qu'un  tiHa  d^erreofs  &ns  fin» 
Quoi  qae  pour  n<Mis  la  ca4(bn  tente, ^ 
Le  plus-  Ibuvent  feîbfe,  împuîtfante  > 
Elle  ne  faitqu*un  vain  effort  ^ 
Et  malades,  toute  là  vie , 
De  crainte ,  d*eff©ir ,  ou  d'enVle; 
Nous  ne  guériAms  q.Q'à  fa  morc' 

Confrti  UsrJmfses.. 

Quii  miracle^  moi  s'achève  î 
Quel  pouvoir  prodigicox 
iPU  deiSîis  de  noi.ntékyc^ . 


,    .LI  V  R  E    X  J  V.  4^7 

£c  me  ravie  dans  les  deux  V  ^i— 

D^ja«  bica  loin  de  la  Tecre ,  .    Rb91 

J'entends- gronder  fo  cotiiMrre 

Dans  le  vàgae  îéto^  àm  airs  ^ 

Et  défaVd'âfi  vol  ripide  \ 

Je  pafle  aux  lieux  oii  réfîde 

Le  Maîûre  de  l'Univers. 

'  D^  l'abîme  de  lumière 
Qui  le  (iêlnt  de,  toutes  parts  « 
Il  permet  z  ma  paupière 
De  fikiteaJr.reff  le^nb  ; 
fi  vtMt  0iêmo  que  j'exprime , 
D'une  manière  fubDme  » 
Sa  grandeurs  (bn  pou<Voii'. 
Od  fent^îls  les  téméraires  , 
Qui  conibattctot  les  Myftéres 
€2fu*ils  ne  peitteAt  concevoir  ? 

Je  vois  le  Seigneur  lui-même 
Dans  toute  (a  majcfté  : 
Te  vois  le  pouvoir  fuprême 
Dont  toiit  autre -èft  emprunté'^ 
Ea  Sagefle  fisoveraint  » 
Qui  de  k  Natutt^humaine 
Fit  le  rachat  précieux  -y 
£t  l'adord>le  Génie 
De  qui  ramonr  infinie 

Remplit  la.Torxe^^ies  deux. 

N  nij 


4i8       BÎBLÎOTUEQUE    fÙETlQVE. 


Dé  récd^nciie  yeiigeatice 
c^Mi'iiU  Qaek(bntlestri{lcse£&£s».  . 

LorTqac  rhaaiajile.infokace.  > 
Uirrlse  par  (es  ferfaksj - 
Au  pied  dii  Trône  adorablev  : 
Prêce  à  firappcr  te  coopsriyte  ,- 
Elle  ticn^le^glanie  en-maia  V 
Et  pour  toar  réduire  ejn  ceodce 
Un  (îgne  lui  fait  cjitcndre .  •  , , 
L*ordre  dici  Oleà  ibusreraîiu  -.   . 


•< 


♦■' 


Au  même  inftaat  elle  voie  »-  ' 
£c  plus  punnptrt]a'an  édair  •' 
De  l'un  jufqn'à  iViucrè  Pôle  ^ 
Porte  la  flamme  &  fè  fer  ^ 
Par  les  villes  qu'elle  embfa&  r 
Et  les  têtes  qu'elle  écrafè 
Elle  venge  le  Tris-Haut  : 
Apprejfids  ,  impie  ^.  à  connoitic 
Que  ITtetncl  eft  le  Maître^ 
Et  (çaitpuoîr^iiaadil  fàut^». 

Mais  VOUS}  dont ringratitiidêy 
Contre  le  Ciel  s'élevaat , 
Met  ai^ourd'hdHbn' étude. 
A  nier  le  Dieo  vivanc  f . 
Quand  l'excès  de  voère  crime 
Vous  plongera  dans  Tabime 
Oii  règne  le  dé£èipoir  >. 


■l 


LIVRE  XI  v:  ^9 

AloTS  Tos  coapables'aincs  » 

Da  moins  au  milieu  des  flammes  ,•  Reonibi 

Coofeilêront  (on  pouvoir, . 

Stir  U  Nsifémce  dt  jEWf-CHXtsr. 

Nos  dèftins  vont  changer  de  face  : 
Le  Tbuc-puiflanc  qui  nous  fait  grâce  » 

Ne  nous  r^ardc  plus  comme  fes  ennemis. 

Ciel ,  verfez  là  toCic ,  &  vous  féconde  nuë  • 
L'heure  bienheureufc  ed  venue'; 

Pleuvez  cofin  le  Jufte  à  l'Univers  promis. 

Déjà  le  Démon  de  la  guerre 

Eft  banni  de  toute  la  Terre -> 
Et  laide  le  champ  libre  à  TAnge  de  la  paix* 
Terre  ,  onvrez  votre  feîn ,  8c  bâtez-vous  d'éclore 

Cdoi  que  là  Nature  adore  » 
Et  qui  vient  pour  fauvcr  les  hommes  qu'il  a  faits. 

Uœ  origine  criminelle- 

Ihicdoit  la  race  mortelle  > 
Ec 'le  péché  d\in  (ènl  paflbit  en  chacun-  d'eux  : 
G^eft  ainfiqiie  l'on  voit  un  fleuve  dans  fa  cour(è , 

Tcèttblexhi^limon  de  fa:  (burce  >. 

Jli(ques  à  l'Océan  rouler  fes  flots  bourbeux. 

»       . 

Que  ne  peumn  amour  extrénK  r 
n  peut  tout  •  il  peut  d^un  Dieu  même 
lùre  rniiionuoe  fujet-auz  douleurs  ,  à  la  mort  :- 
liei  Ycibcfercvét  de  l'humaine  rai&e  > 


m^mmÊmmiÊÊÊÈm^mÊÊKÊm 


430       BIBLIOTHEQUE    FO^TIQUE 

•  '    ■     -  ■-     ■■i-'iM  .iupppi— — i^Bua 

— r-  •  Lui  qui  régne  égal  à  fon-Pèif^  ,  • 

Regnii*.  Et  qui-voitfousfcspicisJa  Nature  &  le  Son 

Du  haut  de  h  voûire  azurée , 
LesMeâagers'dé  rEmpirée' 
I*annoncenr  aux  Bergers ,  &  rendent  gloire  à 
L'air  panout  retentit  du  concert  angéliqae , 

Tandis  que  la  troupe  rudiqpe  » 
Pour  voir  le  Nouveau  -  né  >  s-approchc  di 
Lieu*^ 

Cëft- là- qu'enveloppé  de  taises-. 

Le  Roi  des  hommes  de  dçs- Anges  > 

Sous  le  corps  d'unEnfkaecomcticnGe  à  voir  U 

Devant  luî^proAernée ,  une  Vierge  féconde 

Sur  le  Dieu  qu'elle  a  mis  a^  moiid& 

Arrête  des  rcgards^dc  refpeâ  ^  d^aixi€(sr>' 

Tbî ,  dont  l'Auteur  dé  la-Watorc 
A  voulu  prendre  la  figure  » 
Confidére  ,  Mortel ,  ce  qu'il  fait  aujonrd'hi 
Songe  que  pour  fe  rendre  à  toi-même  (èmbL 

Il  prend  la  forint  d'un  coupable , 
£c  qu'il  s'abaiflé  à  toi  peoir  t'ikver  a  iai. 

Honteux  de  tes  erreurs  palTées  > 
Conçois  déformais  des  penféês 
Dignes  de  la  fortune  ôcdu  nom  de  Chrétien 
Et  vous^ ,  rende2  hommage  au  Roi  qui  y'n 

naître^.  ■    ■ 


LIVRE     XI  V.  451 

Rois  i  &.  venez  cous  reconnoîcre 
ue  devant  cet  Enfant  votre  pouvoir  n'cfl:  rien.       Regn  ilvj, 

.  Extmit  des  J'ai  ru. 

DSPUI»  qu'à  mourir  dcftiné 

rouvris  les  yeux  à  la  lumière  ». 

Le  Tourbillon  où  je  fuis  né 
(îx  fois-treize  fois  y  pour  fournir  fa  caniere-^ 
Ans  fon  cercle  annuel  fur  fon  axe  tourné, 
li  vu  viog^fattic  mille  &  cinq  cens  vingt  jour- 
nées , 
OQC  éternelle  main  également  bornées  : 
li  vu  des  millions  de  millions  d'inftans 
ifli*  tôt  dévorez  qa'engendrez  par  le  cems.. 

J'ai  viî.d*illuftres  dcdinéés 
re  >  comme  épies-  mûrs ,  a»-printems  moiflbn*- 

néès; 
les  enfans  des  Rois  pader  de  leur  berceau 

Dans  l'bbfcurité  du  tombeau. 

J'ai  vu  des  Têtes  couronnées  » 
ir  leurs  propres  Sujets  à  la  mort  condamnées , 

Tomber  (bus  Tacier  d'un  bourreau;, 
ai  vûia  vanité  s'élever  jufqu  aux  miës  > 
urdes  ailes  de  cire ,  en  un  moment  fondues. 
ai  vû^l'ambition  prendre  uu  vol  plus  heureux  ,. 
:  monter  par  le  crime  au  comble  de  fes  vœux.. 

X'ai  vu ,  dans  un  court  intcrvale , 


4Jt     BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

Une  grande  viâoire  être  au  Vainqaeur  fatale. 
Tai  vu  quel  trélor  ont  les  Roi>< 
Dans  le  cœur  d'un  peuple  fidèle  \ 
£c  de  quelle  Teflburce  au  Trône  qui  chancelé  « 

Eft  un  fèul  homoie  quelquefois. 
J*ai  vu  long  tems  là  France  .  éclatante  de  gloire 
FÂre  voler  lé  nom  François- 
Sur  les  ailes  de  la  Viâbire. 
Tai  vu  le  cours  de  (es  Heureux  ezploitS'> 
Et  le  fer  &  la  faim  la  réduire  aux  abois.. 
Tai  vu  ceux  qu'un  heureux  on^ 
Avoir  rejette  dans  le  port , 
Croire  alors  avoir  fait  naufriiige  i . 
Et  déplorer  fur  le  rivage 
La  tranquillité  de  leur  Con  • 
l'ai  vu  les  Nations  »  avides  de  carnage» 

En  faire  un  métier  glorieux  $ 
Et  des  triftes  cfièts  de  leur  (unefte  rage , 
Aller  pompeusement  rendre  grâces  aux  Cieux. 
O  Paix  !  fille  du  Ciel  >  viens  te  montrer  aux  ho 
mes: 
Viens  calmer  leurs  noires  (tireurs. 
En  toi  (ont  tous  les  biens  -,  6c  la  terre  on  nous  Ce 

mes, 
N>(1  fans  toi  qu'un  (Sjour ,  un  fpeébcle  d% 
reurs. 


S$ct 


L  l  V  R  E    X  IV.  4H 

Exirsif  du  Vojmge  de  Munich. 

DÉJÀ  nous  avons  vu  le  Danube  înconftant  « 
jQui  cantâc  Catholique ,  &  tantôt  Protedant , 
SeR  Rome  &  Luther  de  (on  onde  ^ 
Ec  qui  comptant  aptes  pour  rien  » 
Le  Romain,  le  Luthérien, 
Finit  fa  courfe  vagabonde 
Far nétre  pas  même  Chrétien. 
Rarement  à  courir  le  monde 
On  devient  plus  homme  de  bien.  > 


I  Onne  fçautoic  peindre  d'une  façon  plus  ingénieufe  um 
fleuve  qui  arrofe  dans  fa  courfe  ^ci  pays  de  différences  reli^ 
eioas  ,  Catholiques ,  Hércriques  &  Infidelles. 


Regniii 


#lli!@I(a 


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r»m  uu  o  • 


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4U    BIBLIOTHEQUE   POETIQUE. 


ÉHÉi 


■MBHMB^MaiHHa^^MM^M*^ 


UL  ART. 


B  RULART. 

9 

AbIO  *  BrULART  de  Si£JL£R7, 

fils  de  Louis  Brûlait  9  Marquis 
de  Sillery ,  &  de  Marie-Cathe- 
rihe  de  la  Rochefoucault  9  na- 
quit en  Tourainele  2^  Oâ:obre  i5jy, 
A  peine  étoi^il  forti  de  l'enfence ,  qu'il 
témoigna  pour  Tétude  une  auffi  font  pat 
iîon  que  les  jeunes  gens  en  ont  d*ordînaîre 
pour  le  plaifir/  Il  apprit  avec  une  facilité 
merveilleufe  les  Langues  Grecque  &  H^ 
braïque,  inftruit  dès-lors  combien  cts  deux 
Langues  font  ncceffaires  à  qui  veut  puifer 
Jufcicnce  de  la  Religion  dans  les- premières 
iburccs.  Il  reçut  le  bonnet  de  Doélcur  à 
l'âge  de  27  ans ,  Se  fut  nommé ,  quelque 
cems  après  ,  à  TEvêché  de  Soiflbns.  La 


1  F.ffc/o  C/.'i«/ ,  qui  gouvcrnoit  alors  l'F.gtifc  fous  le  nom 
fi*  Alexandre  VU.  le  tint  fur  L-5  tonds  de  Baiêmc  ,  ûc  lui  don- 
na le  nom  le  F.ib'iG  par  Tentremil j  de  fon  ïxOUCC  en  Fc9acp# 
ipui/u^  depuis  le  Caidinal  I'i(:oloiiiij;U« 


LI  VR  E    X  I  V.  455 

douceur  &  la  charité  (  ces  deux  aimables 
vertus  dont  FApôtre  compofe  le  caraélere  ^*^^''^' 
d'un  Evêque  )  étoient  fi  familières  à  M,  de 
SiLLERY ,  qu'elles  ont  été  les  vertus  do- 
minantes de  fa  vie  Epifcopale..  Il  aimoit 
l'Eloquence  &  la  Poëfie ,  &  il  auroit  fans 
doute  cultivé  davantage  ces  beaux  Arts,  fi 
le  Pafleur  uniquement  occupé  de  fes  im- 
portantes fondions ,  eût  lailie  à  l'homme 
de  Lettres  le  loifir  d'exerccS*  fes  heureux 
talens.,  Cefçavant  &  digne  Prélat  eft  mort 
le  20  Novembre  17 14.  âgé  d'environ 
foixante  ans. 

ODES. 

Sur  U  Paix. 

REVIENS ,  divine  Paîx ,  agréable cfpérancc^ 
Fille  de  Jupiter ,  préfcnt  des  Immortels  ; 
Déefle  à  qui  l'on  doit  les  plus  facrez  autels  , 
N'avens-nous  point  aflcz  gémi  de  ton  abfence  l 

Comme  le  Laboureur  qui  fend  la  plaine  aride , 

Dcfire  le  retour  des  humides  Zéphirs  ; 

Ai&fi  nous  t'attendons ,  fource  des  dour  phifirs  j 

Ooij 


y.LAiLT. 


4}^    BÎBUOTHE(ll/E    POETIQUE. 

Viens  rcroir  aos  climats  •  prends  Mercare  pour 
guide. 

Que  ton  char  lumineux  diflîpeJes  tempêtes^ 
Donc  les  noires  vapeurs  obrcurciflbient  les  airs  : 
Fais  fucceder  le  calme  aux  orageux  éclairs , 
Change  nos  fombres  jours  en  de  brillances  fèces. 

O  qui  m'arrêtera  fur  les  rives  fleuries 
D*un  ruîfleau  qui  s'enfuit  fur  des  fables  dorez  1 
Quand  pourraioje  jouir  de  la  fraîcheur  des  prez 
Sans  craindcc  flts  foldats  les  injuftes  furies  ! . 

Mais  Iris  apparoîc ,  &  Phébus  fur  la  nue 
A  fils  d'or  &  d'azur  trace  mille  couleurs  ^ 
Cybclc  orne  fon  front  &.d*épics  &  de  fleurs  ; 
La  Paix  du  haut  Olimpc  ed  déjà  defcenduë. 

S,es  regards  amoureux  ont  chaflé  les  nuages  » 
Donc  la   guerre  couvroit  l'éclat  des  plus  beau^c 

jours. 
Que  déformais  les  Ris ,  les  Jeux  &  les  Amours 
Célèbrent  G3n  retour  fous  les  épais  ombrages. 

L'Abondance  aujourd'hui  rend  tous  les  biens  au 
monde , 
Et  ramène  avec  foi  Jcs  ionocens  plaifîrs. 
Maijicrnant  pui(Gons  »  nous  ^    exempts  de  vains 

dcfirs , 
Voir  couler  tovis  nos  jours  dans  une  paix  profp/aidcl 


L  I  VK  E    X  I  t.  4j^ 


V  Amitié,  

Ministre  ,  pour  qui  fc  préparc  Boulai 

Cec  autel ,  ce  fatal  bandeau  ? 
Déjà  dans  une  main-barbare 
J'apperçois  le  facré  ccmreau. 
Orcfte  fur  ce  bord  fauvage ,  i 
Va  rendre  le  fanglant  hommage 
Qu'exige  le  courroux  des  Dieux  : 
Le  trépas  n'a  rien  qui  l'éconne  \ 
Et  c'efl  à  r Amitié  qu'il  donne 
L«s  pleurs  qui  coulent  de  fes  yeux* 

Viétimc  d'une  loi  funcfte  , 
Approche  5  Thons  -  a  parlé. 
Dieux  !  quel  fpetflacle  !  un  double  Orcftc 
Vient  s'offrir  pour  ftrc  immolé. 
Quelle  fureur  &  quelle  y  vreffe  ! 
Mais  que  de  pleurs  1  quelle  tendrelTe  1 
Nos  cœurs  s'ouvrent  à  la  pi:ié. 


I  EnTauride.  11ya;voirune  coumxn e  barbare  &  une  loi 
lévereQui  ordonnoic  d'àuêcer  cous  les  étrangers  qui  arrive- 
loientoanscepa/s-Ià ,  pour  les  immoler  fur  Tau: el  de  Dia- 
ne 1  car  cette  Oéelfc  ne  vouloir  pomc  d'autres  viâimesque 
de»  hommes  dans  lesfarrifîcesqa^onlui  otiroic. 

X  Grand  Sac(ific«:ear  de  Diane.  Orefi;  6c  Tylade  avant 
Itéarrêtei  de  mis  encre  foi  mains ,  il  n'en  condamna  411'un  à 
la  mort.  Tout  deux  conccfterenc  long  icms  à  qui  muurroic 
pouf  iboami  :  le  Ton  en  décida  ,  &:  comba  fur  Orefte.  Voyex- 
rHifiàire  Poétique  t,  {  demicce  édiiioa  de  i7oOi  depuis  i» 
|agosoî.|uQu'àla  page  $070 

O  O  \\\ 


luàltV. 


458       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Bri(bns  cet  autel  fanguinaire  s 
Et  déformais  qu'on  y  révère 
Le  triomphe  de  l'Amitié. 

Au  gré  de  la  libre  Nature* 
Les  hommes  épars  &  fans  loiz  » 
Le  jour ,  couroicnt  à  la  piture  $ 
La  nuit ,  s'enfonçoient  dans  les  Ixms» 
Amitié .  tu  les  rends  dociles  : 
Us  s'aflemblent  ^  déjà  les  Ville» 
S'élèvent  avec  ton  fecours. 
A  ta  voix ,  ces  troupes  gro(fieres 
Quittent  leurs  profondes  tanières  •. 
Dont  bien-tôt  s'emparent  les  ours* 

Ainfi  le  Monde  eu  fon  enfance» 
Se  rendit  à  tes  premiers  traits. 
Depuis ,  avec  quelle  abondance 
Répands-tu  fur  lui  tes  bienfaits  l 
La  Pudeur ,  compagne  d'Aftréc  « 
S'enfuie  fur  la  voûte  azurée  : 
Quel  charme  l'arrête  ici-bas  ? 
La  Candeur  que  ta  voix  rappelle, 
La  Paix ,  ta  compagne  fidelle , 
Le  Secret  marche  fur  tes  pas. 

Réponds -moi ,  Vainqueur  de  TAfie 
Ton  nom  fit  trembler  l'Univers» 


LIVRE     XIV.  419 

La  Terre,  de  refpeû  faide  t 

Vie  Tes  Monarques  dans  tes  fers  \  BitULi 

Ton  coeur  trouvoic-il  tant  de  charmes 

Dans  ces  fuccis  mêlez  d'allarmes  ^ 

Qui  flatoîent  ton  ambition  ? 

Non  ;  mais  pofant  ton  diadème  , 

Tu  go&cois  le  bonheur  fupréme 

Dans  l'amitié  d*£phe(lion. 

Vous  qui  fur  les  pas  d'Alexandre  > 
BriguezileS' honneurs  immortels  ^ 
Qui  fur  lés  Provinces  en  cendre 
Croyez  ériger  vos  autels  ;, 
Arrêtez ,  épargnez  la  Terre  y 
Remettez  aux  Dieux  leur  tonnerre  ^ 
E*amitié  va  combler  vos  vœux. 
Si  vous  ne  cherchez  que  la  gloire , 
Venez  vous  placer  dans  rHiftoirc , 
Au  rang  des  amis  généreux. 

Venez  ^  ces  archives  durables- 
Yaas  gacantiroot  du  orépas. 
Qap  j'y  lis  des  noms  relpeâables  l 
Alcide,  Damou,  Pythias , 
L'heureux  Vainqueur  i  du  Minotaure  & 

.    »  Théfiee ,  Koi  d* Athènes ,  ami  de  Pinthous  »  Roi  des  {.»«:  ■ 

•khes. 

*  »  Monftie  %  moitié  homme  8c  moitié  taureau. 

Oomj: 


440       BIBLIOTHEQUE    FOETIQUE. 

Ces  Frères  '  amis  qu'on  implore  , 
AKX*  Quand  Eoîc  agite  la  Mer  5 

Qui  pour  prix  d^ine  amitié  rare  > 
Tour  à  tour  pafTent  du  Ténare 
A  la  table  du  Jupiter. 

DéeflTe  ,que  chante  ma  lyre  ^ 
Je  vois  tous  tes  autels  dépens. 
Un  enfant  ufiirpe  Tempire 
Et  les  refpeâs  de  TUnirers. 
Les  pleurs  coulent  en  fa  préfcaccj 
A  nos  yeux  fa  feinte  innocence 
Laifle  entrevoir  un  ris  moqueur  : 
Ses  craies  parten:  d'une  main  £&re  \ 
,£t  la  plus  profonde  blefiure 
£ft  fa  plus  fenfible  faveur. 

Ce  Dieu  .  fatal  auteur  des  charmes 
Et  des  malheurs  de  Brifeïs , 
Ofa  m£me  arracher  les  armes 
Au  fils  valeureux  de  Thétis. 
Cenétoit  fait  :  tes  ports  d*Aulide , 
Des  fuperbes  vaKTeaux  d*Atride 
Auroient  vu  le  honteux  retour  » 
Si  TAmitié  compatlfTante, 


■  «  Cador  6c  Pollux.  On  tes  connoîc  encore  aurourdlii 
fous  le  nom  de  la  ConfleUtnart  des  JiimcMHx,yoya  ViUÙQl 
Politique ,  page  1 77.  •  " 


LIVRE     XIV.      ■       441 


En6n  n  eût  écé  triomphante 

De  tous  les  ferinens  de  l'Arnoor.  Bkul a, 

t  A  M*  de  S^egraii. 

Viens  revoir  ,  cher  Segrais  *  nos  moiflbns 
abondautes  » 
Viens  voir  leurs  ondes  d'or  flotter  fur  nos  guérets  3 
£t  les  épies  courbez  fous  leurs  têtes  pefantes  > 
Rendre  hommao;e  à  Cérès. 

Tout  plaît  dans  nos  déferts  *,  nos  longues  avenues. 
Nos  ormes ,  dont  la  cime  eH:  voifine  des  deux  • 
Ec  jtt(qaet  aux  rocHers  qui  terminent  nos  vues , 
Tout  y  charme  les  yeux. 

Nos  torrens  Tans  fureur  dans  leurs  chûtes  fuperbcs» 
Aux  doux  (bupirs  des  vents  mêlent  le  bruit  des  eauxj 
Ecièmblent  feulement  pour  rafraîchir  les  herbes» 
Tomber  de  nos  cô:eaux. 

Quand  Jupiter  du  Ciel  chaiTa  Tantique  Rhée» 
Uinjufte  ambition  corrompit  les  mortels  \ 
Tbatefbis  parmi  nous  là  fugitive  Aflrée 
.   Coçtèrya  des  autels. 

Le  redoutable  Mars  au  champ  de  la  Yiâoire 
Orne  fts  favoris  d'un  fuperbe  laurier  : 
Noos  vivons  dans  nos  bois  contons  de  moins  de 

gloire. 

Le  froac  cemt  d'olivier. 


441      nîSLtOta&QXJE    BOETIQUB 


9m 


Tandis  que  nous  dtoû>ai  doâi  Ici  ¥€Ret  ctm« 
CL  ART.         pagnes» 

Sousan(bmbref«iill^9  aa  bruit  d*uncUirraiC^ 

feau , 
Nos  chèvres  au  Commet  des  (Mriler  montagnet» 
Tondent  quelque  arbrifleao* 

Si  d'un  art  fomptaeuz  l'opulente  Afiyrle 
Ne  teint  point  nos  habits  de  brillantes  couleun» 
Toujours  >  pour  nous  parer,  l'émail  de  la  prairie 
Nous  prodigue  (b  fleurie 

NosctbaneSySiGHAis,  ne  (ont  point  magnifique^ 
Nous  déiaignons  Ibrgaeil  des  alcôves  dorez  i 
Nous  pcfTédons  des  bois ,  des  inu(èttes  rufliques» 
Des  moutons  &  des  prez.. 

Faune ,  raméne-nous  ce  Berger ,  dont  la  gloire 
D'un  renom  immortel  illuflre  nos  hameaui  i 
Et  reçois  pour  préfent  cette  génlfle  noire , 
Et  ces  deux  chalumeaux. 

ImitMthn  étun  féiffkgi  de  U  Sstin  X.  dt  JtivensL 

Depuis  les  jours  d'Adam  jufqu'auz  jours  où  nom 
lommes , 
Le  véritable  bien  eftdéfîré  des  hommes  ) 
Mais  depuis  fi  long  tems  vainement  défiré , 
Le  véritable  bien  eft  encore  ignoré.. 
Chacun  veut  être  riche  «&  c'eft  l'erreur  commune] 


LIVRE    X  î  V. 


441 


Conme  tu  bonheur  Tuprérae  on  coure  à  1«  fortune  : 

Hé  bien  i  de  Tes  faveurs  quelle  e(l  rncilicé  ?  Bjlu&ajli 

Pour  an  peu  plut  d*écUe  »  moins  de  tranquillité.. 

Charmé  d'un  doux  hymen ,  un  époux  cém^uire 

Par  des  Toeuz  redoublez  afpire  au  nom  de  père  • 

Qui  n'ayant  que  des  fils  ingrats  ou  débauchez  » 

Mettra  fet  tocux  un  jour  au  rang  de  Tes  péchez» 

Du  barbare  Néron  la  mère  ambitieufe , 

S'il  n'étoit  Empereur ,  crut  n*£cre  pas  heureufe  \ 

JEUe-nii£me  éprouva  fa  première  fureur  » 

Es  le  vit  parricide  aufli-tôe  qu'Empereur. 


#f  jë^  ^# 


3ou- 

iNGES. 


m^mt^mmmÊÊmmÊiÊmmÊÊÊIÊÊÊlÊÊÊÊmÊÊÊÊÊmmmmmÊtÊKmmmmKmmimmÊmÊm' 

444       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


maÊÊ 


n     fcrtoi- 


COULANGES, 

^  Hilippes-Emanuél  de  Cou- 
;  LANGES  ,'  Parifien  ,  Confeîller 
au  Parlement ,  &  depuis  -  Maître 
des  Requêtes  ,  eft  mort  à  Paris 
le  dernier  Janvier  171 5.  âgé  de  8j  ans* 
Quoiqu'il  eût  beaucoup  d'efprit ,  &  qu'iï 
parlât  bien ,  il  aimoit  trop  le  plaifir  &  la 
liberté ,  pour  s'attacher  férieufement  i  des 
Emplois  qui  demandbîènt  de  Tctude  &  de 
Tapplication.  Etant  Confciller  aux  En- 
quêtes ,  on  lui  donna  une  a^re  de  peu  de 
conféquence  k  rapporter  :  il  ne  s'agiflbit 
que  de  la  propriété  d'une  marre  d'eau  en- 
tre deux  payfans  ,  dont  V\xxr  s'appelloit 
GrapifîM.  de  Coulanges  ,  qui  ne  s'étoit 
pas  fort  préparé ,  s'embarraflTa  dans  fon  dit 
cours,  &  finit  en  difant  :  Pardon ,  M^ffieurs;^ 
je  me  noyé  dans  la  marre  à  Grapin  s  je 
fuir  votre  fervhenr.  Depuis  ce  tems-là  il 
n'a  rapporté  ni  au  Parlement  a  ni  au  Con- 


L  I  V  R  E    X  I  V.  445 


fcil.  Mais  fi  feute  de  difpofition  ou  d'incli- 
nation pour  fa  Robe  ,  il  n'y  a  pas  fait  de 
grands  progrès  ,  on  peut  dire  que  pcrfon- 
ne  n'a  plus  brillé  parmi  les  gens  du  monde* 
M,  de  Limoignon  ,  Avocat  Général ,  & 
depuis  Préfident  à  Mortier  ;  M,  le  Chan- 
celier Voifin  ,  avec  qui  il  avoit  été  Maître 
des  Requêtes ,  Me(clamesdeLefdiguieres, 
de  Louvpis ,  de  Séyigny  &  de  la  Fayette 
étpient  du  nombre  de  Tes  plus  intimes  ami^ 
I^a  vivacité  de  fonefprit,  jointe  à  Thumeur 
la  plus  aimable  &  la  plus  enjouée ,  animoit, 
égayoit  la  converfation  partout  où  il  fe  trou- 
voit.  Une  feyie  idée ,  agréable  ou  interef- 
faute,  étoît  pour  lui  matière  à  chanfon.  Les 
fiennes  pnt  plu  &  plairont  toujours  par  cet 
air  fimple  &iiaturel ,  ce  tour  facile  &  naïf 
qui  les  caraélérifent.  Tout  y  coule  de  four- 
ce  ;  tout  y  eft  dicfté  par  le  fentiment. 

CHANSONS. 


Y 


A  une  Vieille  fort  farée,. 

Ou  s  avez  de  riches  manteaux  j 
Ypus  avez  de  bçUçs  comecccs) 


Cou 

LANGE 


^46    BIBLIOTHEQC/E   POETIQUE. 

Vous  Eûtes  d*ornemens  noureauz 
Cou-  Toujours  dlnutiles  emplettes  : 

.▲NG£S.    j^^  jç  jcuncffc ,   Iris ,  d'embonpoint  &  d'at- 

trairs 

14'cn  ferez  •  tous  jamais  ? 

A  un  Avare. 

Que  votre  fort  eft  maUiearcaz 
Avec  cent  mille  écus  de  rente  1 
Hé  quoi ,  pour  en  amaCer  deux , 
A  peine  en  dépenfèz-  vous  trente. 
Mais  vous  aurez  de  quoi  vivre  après  votre  moit^ 
J'en  demeure  d'accord. 

A  une  jeune  Perfinnefiere  de /a  beauttm 

Ces  appas  qu'en  vous  on  admire  , 
S'en  iront  avec  vos  beaux  jours  : 
Le  tems  qui  fuit  toujours 
N'épargne  rien  dl  tout  ce  qui  refpîrc. 
Malgré  leurs  yeux  jadis  fî  brillans  &  C\  doux^ 
Xyfe  Ô;  Cloris  ne  font  plus  belles. 
On  les  aima  comme  vous  \ 
Comme  elles  vous  plaifcz  ,  vous  pafTcrcz  comme 
elles. 

La  Précieufe  à  la  promenade,  de  la  forte 
faint  Berhard. 

Qu£L  (peâaclc  indécent  fe  préfente  a  mes  yeuit 


L  I  V  R  E    X  I  V.  447 

0CS  hommes  vraymcnt  nuds  aux  bords  de  la  ri-  «,«i.«„^ 

^î««  Cou- 

M^  fom  évanouir.  Hé  de  grâce ,  ma  cheie  »  i.  anges. 

Evitons  cet  objet  afFreux. 
Allez  vite  *  cocher ,  retoarnons  à  la  ville  -, 

Je  fuis  pâle ,  je  fuis  débile  ; 

Toutes  les  horreurs  que  je  voi 
Me  feront  renfermer  pour  plus  d*un  an  chez  moL 

Il  faudroit  par  ordonnance 
Réformer  cet  abus  ^ 

£c  que  le  Roi  là>deflus 

I^t  une  bonne  défenfe 
Aux  gens  de  (è  baigner  que  chauffez  Se  vêtus, 

La  Fjemme  de  qualité. 

s  Appeliez-moi  tout  fimplemcnt 

Par  le  nom  que  je  porte  : 
Quiconque  marche  furcmcnt 

N'a  pas  bcfoin  d'cfcorte  : 
D'un  vain  tkrc  on  fc  fait  honneur 

Quand  la  noblcATe  cft  mince  j 
Et  ^c  le  laiflc  de  bon  cœur 

Aux  Dames  de  Province. 


«  Cette  Ciaaufon  Se  la  fuivaatc  font  fur  l'aie  <lc  foconde^ 


1 


i.a  preuve  cp  cic  connue  j 

Et  que  cous  nos  premiers  parcns 

Qnc  traîné  la  charrue  : 
Mais  las  de  cultiver  enfin 

La  terre  labourée , 
L'un  a  décelé  le  matin  > 

L'autre  raprès-dinéc 

Sur  l'air  de  TOpcra  de  Tancredc  , 
Le  Plaifirnous appelle  , 
Il  faut  t  écouter. 

I  Je  voudroisàmonâge, 
Il  en  feroit  tems , 
Etre  moins  volage 
Que  les  jeunes  gens , 
£c  mettre  en  ufage 
D'un  Vieillard  bien  (âge 
Tous  les  fentimens. 


I  L'Auteur  avoic  plus  de  auatre>vinst  ans  lorfqti'il  fi 


LIVRE    XIV. 

44^ 

7e  voudrois  du  vlel  homme 

Etre  fSparé  : 

Coir- 

Le  morceau  de  pomme 

N'eft  pas  digéré. 

Gens  de  bien  ,  gens  d'honneur  > 

&AN«& 

A  votre  (Ravoir  faire 

Je  livre  mon  coeur  ^ 

Mais  laiflèz  entière 

Et  libre  carrière 

A  ma  belle  humeuc 

^,'^. 

•l^^« 


TMdUI^  Fg* 


450    BIBLIOTHEQVE    POETIQUE. 


tm^mm 


LIVRE     XV, 


GENEST 


Ikt^^  Harlest- Claude  Genest. 
Genbst.  j|.  ^  îif  Parifien,  AbW  de  Saint  Vilmer  > 
j^^^^l  Aumônier  de  S.  A.  R.  Madame 
la  Duchefle  d'Orléans ,  Secré- 
taire des  Commandemens  de  M.  le  Duc 
du  Maine ,  iz  l'un  des  Quarante  de  l'A- 
cadémie Françoife ,  eft  mort  à  Paris  le  20 
Novembre  1715).  âgé  de  84>ans.  '  Philo- 
fophe  &  Pocte  à  la  fois,  il  fçut  répandre 

des  grâces  &  de  la  clarté  fur  une  matière  * 
également  abftraite  &  fublime.  Sa  Trage" 


X  Voyez  la  réponfc  de  M.  le  Marquis  de  Saihc  Aulaire  à 
M.  l'Abbé  du  Bos  ,  luccefTcur  de  M.  l'Abbé  Genest  ,  à  l'A- 
cadémie  Françoife  le  5  révriiri7io. 

X  Principes  de  Philofophie,  ou  prewves  néitHreUes  de  Pexif- 
terne  de  Dieu  ^  de  l'immortalité  de  l\tme^  Un  des  principaux 
avantages  de  cet  excellent  Pocme  ,  c*dt  que  l'Auteur  y  ei- 
pliquc  en  vers  Ton  fyftême  avec  aucanc  de  lietccic  «^u'aucuQ 
Â'hibfoply;  Tair  pu  faixcciipiofc 


LIVRE    XV.  451 

lie  de  TJndêfe  »  fans  parler  de  Zélamde  &c 
de  Jofephy  plaît  encore  plus  par  le  caraflere  ^^^^ 
vertueux  de  fe$  principaux  Perfonnagcs , 
q^eparle  merveilleux  des  incidens,  &par 
fon  dénouement  pathétique.  Ainfi  TAu- 
fiBur ,  dom  le  génie  étoit  auflî  fagc  qu'éle- 
vé^ tiroir  des  fpedacks  même  de  quoi  dé- 
dommager les  mœurs  de  ce  qu'ils  ont  de 
dangereux  pour  elles..  Senfible  au  m*érite 
&  aux  talens  rares  >  il  fe  plut  à  les  montrer 
dans  tout  leur  jour.  Frappé  des  exemples  ; 
de  vertu,  il  eut  foin  de  les  confacrer  par 
les*  peintures  les  plus  vives  &  les  plus  tou- 
chantes.  Homme  de.  Cour  &:  cependant 
fimple ,  vrai  &  fans  afFeûation,  il  fçut  plaire 
i  ce  qu'ily  a  de  plus  grand  &  de  plus  dé^ 
licat.. 

w 


ÏENEST» 


4JX       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 
ENDROITSCHOISIS  DE  SESPIECES 

DE     THEATRE. 

Z  E  L  O  N  I  D  E. 

« 

Courage  ^  magnanimité  des  femmes  dé  Sparte^ 

QUELLE  indigne  pitié ,  quels  (oins  injarieos 
Prétendent. malgré  nous  ,  nous  bannir  de  ces 
lieux  ? .  I 
Si  les  femmes  ,  ailleurs  &  fbiblès  8t  craintives , 
Dans  le  (ein  du  repos  langui  fiantes ,  oiCves,. 
Ont  borné  leur  efprit  à  des  amufemens  , 
Ont  mis  toute  leur  gloire  en^de  vains  ornemcns, 
Seigneur ,  d'un  autre  efprit  nous  (bmmes  animées  t 
A  de  plus  beaux  defTeins  Spane  nous  a  formées, 
loin  de  vous  retenir  par  des  charmes  trompeurs. 
Sans  cefTe  aux  grands  exploits  nous  animons  vos 

cœurs  ', 
Nous  voulons  que  l'amour  les  embrafe  &  les  guide» 
Pour  prendre  vers  la  gloire  un  e^or  plus  rapide- 

Aider  à  fbutenir  un  Tronc  qui  chancelle  -, 
Sauver  notre  Patrie  ,  ou  nous  perdre  avec  elle  ; 

I  La  Ville  de  ^arte  étant  affilée  par  Pyrrhus  ,  on  propo- 
fa  d'en  éloigner  les  femmes ,  afin  de  les  mectre  à  couvert  de 
tout  danger  :  Zélonide ,  ou  plutôt  Chélidonide  ,  fécondée  de- 
fesilIuIfa-esCoucicoycimcsi  rejecta  cette  pcopolîûon»  Aâo 
ll.SccncV. 


L  I  V  R  E    X  V.  45J: 


ttOBOcr  l'Univers  par  notre  fermeté  ) 

Voilà  notre  devoir  «  &  notre  fureté.  'G£MIST 

De  TErat  avec  vous  embralTant  la  déknCc , 

Compagnes  &  témoins  de  votre  réfîftance  » 

Noas  vous  difputerons  *  par  un  commun  efibrc  » 

Ou  l'honneur  du  criomphe>ou  l'honneur  de  la  mort.; 

ACORJ^TE. 

Epargnez  mes  ftayeurs,  mon  cœur  vous  en  conjure  : 
Par  vous ,  par  mon  amour  f\  parfaite  &  iî  pure  » 
Par  tous  ces  Dieux  auteurs  du  fang  dont  vous  Cotiez, 
Choîfi/Tez  un  azile ,  éloignez-vous,  partez.. 

Zelonide. 
Que  je  m-'élolgne  >  taqi  >  votre  Amante  &  Princeffel 
Que  j'aille  mandier  la  pitié  de  la  Grèce  1 
Déplorer  mon  pays  fur  des  bords  étrangers  ! 
Attendre  fa  ruine  à  l'abri  des  dangers  1 
Ahl  Seigneor ,  croyez-vous  que  ma  gloire  y  con« 

(ente  ? 
Croyez*yousque  du  (ort  la  fureur  menaçante 
A  cette  indignité  me  faffe  recourir  } 
Non  9  je  ne  fuirai  point  >  puifque  je  fçal  mourir. 

PENELOPE. 
Mil  exemple  de  fidélité  conjugale» 

J*AP9£tLE  en  vain  Ulyffe.  O  fatale  journée  I 
Pénélope  *  à  quel  choix  te  vois -tu  condamnée  } 

I  Cette  Princeile  e(l  feule  dans  lui  veftibule ,  qui  regarda 
Au  la.  met. 


iEN£SX. 


454       BIBLIOTHEQUE    FOKTtiiUE. 

Non ,  mes  per&utean>  non ,  le  foit  «n<ourroc 
Ne  fçauroienc  me  rédaiie  au  choix  dua  te 

Epoux  : 
rexpireraî  plucôc.  Cette  mer  moins  barbare 
Rejoindra- par  ma  mort  deux  cœurs  qu'elle  (Spai 
Ta  n'as  donc  point  voulu  *  toi  que  j'ai  tant  prié 
Itlc  rendre  le  dépôt  queje  t'ai  confié  « 
Neptune  r  Eh  l  plût  an  (ôrt  que  ta  fiireur  avide 
Eût  étouffé  fbus  Tonde  ua  raTiâèur  ^  perfide  » 
Quand  ilalloit  chercher  au  bord'de  rEiuotat 
La  coupable  i  Beauté  fimcfte  à  tant^'Etats  t 
On  ne  m*auroic  point  vue  au  défelpoir  livrée.  « 
Malgré  mon  tendre  amour  »  dVIyfle  féparée , 
Dans  Tcffroi ,  dans  les  pleurs,  dans  IcsgémîflenK 
De  tant  de  trifbes  jours  compter  tous  les  teomeo 
La  lîimme  a  dévoré  cette  odieufe  Troye  \ 
IWi  su  des  Grecs  vengez  le  triomphe  &  la  joye 
£t  le  Ciel  pour  moi  feule  a  gardé  fa  rigueur  : 
li  reFufe  à  mes  vœux  le  retour  du  vainqueur. 
Efl-il  mort ,  ou  vivant?  quelles  rives  loiiïcaîaea 
Me  lai-fTcnt  is;norcr  fcs  courTes  incertaines  3 
L*aîi  promet  Ton  retour,  l'autre  l'a  vu  périr  ; 
£r  l'on  me  fair  fans  ceiTe  8c  revivre  8c  mourir» 
Hélas  i  il  me'  fçmb!oit  dans  ce  dernier  orage  p. 
Voir  UiylTe  mourant  jetcé  fur  ce  rivage» 


T  This ,  fils  de  Piiam. 

s  Hclinc,  fcium^  de  Ménclas. 


L  ï  V  K  B    XV.  4yf 

Te  pleure  fes^  malheurs  j  je  me  tourmente  :  hélas  l 

Je  puis  fouffrir  pour  lui  des  maux  qu'il  ne  fcnt  pas.   G*^*' 

Obftacles  &  périh y  peut-être  imaginaires  l 

Cruels  retardemens  ,  peut-être  volontaires  l 

Peat-étre  fans^fonger  à  mes  triftes  foupirs  , 

Un  climat  plus  heureux  arrête  (es  défîrs  j 

£n  des  liens  nouveaux  les  charmes  d'une  Amante.» 

Seroit-ce-Ià  le  prix  d*une  foi  (i  confiante  ? 

Mais  puis-je  me  former  ces  injudes  douleurs  ? 

C'tft  fa  mort  trop  certaine  à  qui  je  dois  mes  pleurs» 

DJfhrMês  ffiites  de  l'orgueiL 

1  Des  Grecs  enorgueillis  la  flotte  triomphante  , 
Partout  des  Dhfux  vengeurs  fcnrit  la  marn  pcfante. 

La  mer  n*a  point  de  banc ,  de  gouflF're ,  ni  d*êcueil , 
Qui  de  quelqu'un  de  nous  ne  montre  le  cercueil. 
Sir  debrûlans  rochers  Ajax  bravant  la  foudre  , 
Dans  les  flots  irriter  tombe  rêrluit  en  poudre  j 
lscgr»nd  Agamcmiion  dans  Argos  reroiirné , 
Par  fil  femmt  en  fureur  fe  voix  a-flafnné  : 
Mais  le  courroux  des  Dieux  s'cpuife  fur  ma  tête. 
Cha^é  de  mers  en.mcrs ,  jouet  Je  la  tempête  , 
Tai  vu  dans  le  long  cours  d'un  deftin  rigoureux 
Tout  ce  que  ÎUnivers  a  de  monftres  affreux. 
-Après  avoir  bravé  tant  de  morts  inhumaines , 
Cyclopes ,  Leïliîgons ,  Carybcs  &  Sirènes  } 


MMki 


X  Ceû  DÏ^Ht  cyii  pdïlc  au  Gouverneur  de  Ton  fiK 


lEKESr.^ 


4^6       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

Apres  m'ëcre  tiré  des  fauvagçs  dëferts  ,■ 

Des  abîmes  des  flots ,  de  Thorrear  des  Enfers  » 

Mes  maux  (èmblolenc  finir  dans  llfle  de  Corcyre» 

On  m'offre  des  vaifTeaux,  le  vent  propre  m'attire-^ 

Je  parts  ^  je  vois  Tltaque ,  &  mon  cœur  transporté 

Croyoit  enfin  toucher  à  (a  félicité  ; 

Quand  prefTé  de  nouveau  par  un  Cruel  orage ,  ' 

Sur  ces  bords  tant  cherchez  je  ^s  encor  naufrage» 

Tout  périt  ',  je  fuis  feul ,  défàrmé ,  fans  (ccoars  : 

Mais  j*efpere  en  Tappui  que  j'éprouvai  toujours. 

Cette  nuit  m*a  fait  voir  dans  (on  horreur  profonde» 

Mineive  dont  la  main  me  retiroît  de  Tonde.. 

Les  Dieux  verfent  fur  nous ,  par  un  mélange-égaT} 

Le  mal  avec  le  bien  »  le  bien  avec  le  mal. 

JOSEPH. 

Tragédie  tirée,  pe  l'Ecriture  Sainte. 

Jofeph  >  comblé  de  gloire  (ji>ft honneur  s  ^  les  délices^ 
tefalut  de  toute  F  Egypte ,  sefiime  médhettreux  de- 
nef  ouvrir foulager  tons  les.  Peuples  de  /*  Univers* 

A  z  A  N  £  T  époufe  de  Jofeph, 

L'Univers  attentif  ne  cherche  qu'à  vous  plaire;- 
De  fes  plus  beaux  rayons  le  Soleil  vous  éclaire. 
A  l'envi  de  nos  foins  on  diroit  que  les  Cieax 
Aiment  à  fignaler  un  jour  fi  glorieux.  > 


K  Joac  de  fun  triomphe. 

Tout 


L  IVR  E    X  r.  4S7 


Tout  fléchit  deyant  vous.  L'^ypte  vous  contemple  *^^ 
Dans  tm  degré  d*hoaneur  qui  n'eut  jamais  d'exem-    Gii 

pie. 
Maitre-de  vos  deftins,  qu'auriez- vous  (buhaîté 
Qui  pût  accroître  encor  votre  félicÎEé  ! 
Songez  »  Seigneur  »  fondez ,  pour  en  goûter  les 

charmes. 
Que  vos  biens  au  public  n'ont  point  coûté  de 

larmes. 
Souvent  le  peuple  voit  s'élever  à  Ces  yeux 
Des  colofles  d'orgueil ,  des  montres  odieux , 
Donc  la  fiere  grandeur ,  les  titres  magnifiques  > 
Sont  criftement  formez  des  miféres  publiques. 
Tirans ,  dont  le  pouvoir  n'infpire  que  l'efFroi  « 
Ecdont  les  paffions  font  la  fupréme  loi. 
Mais  tout  ce  grand  Etat  vous  aime  &  vous  révère^ 
Des  peuples  &  du  Vtmct  on  vous  nomme  le  père. 
Pharaon  eft  heureux  par  vos  fagcs  projets  ^ 
'  Il  rég-ne ,  &  vous  régnez  en  fa u vaut  fcs  Sujets. 
Le  {âlut,  le  repos ,  la  gloire  de  TEmpire , 
Sont  le  fruit  des  confeils  que  le  Ciel  vous  infpire  % 
Et  ce  qui  rend  enfin  votre  dedin  plus  doux , 
Ceft  que  votre  bonheur  efl  le  bonheur  de  tous.. 

Joseph. 

Le  Nîl  ne  reflent  point  cette  effroyable  guerre  • 

Que  livre  la  Famine  au  reflc  de  la  Terre  : 

Le  fiiccès  que  le  Ciel  accorde  à  mes  travaux, 
JomellU  Qq 


■     I  i,— IPi— W— p— MIM^ia 

45S    BIBLIOTHEQUE   POETIQrUE. 

Des  peuples  de  TEgypte  a  prévenu  les  maux  : 
Qexest.    Mais  dois-jc  me  borner  aux  climats  od  nom 

(bmmrs  ? 
Madame  ^en  d'autres  lieux  n'e(l-il  point  d'auucs 

iiommes  ? 
Que  de  criftes  objets  de  loin  Tiennent  s'offirir  î 
Combien  de  malheureux  je  ne  puis  (ècoutir  ! 

Jtfefb^  têujomn  êccHfé  de  ÎMcth  ^  ditmMnde  À  Dim 
U  grâce  Je  vmr  encore  ce  Ferefi  chéri. 

Tout  ce  qu* a  fait  pour  moi  ta  fainte  Providence, 
Grand  Dieu»  doit  me  remplir  de  joye  &d*e(pérancç» 
Je  crois  qu'avec  ce  foin  qui  conCèrva  mes  jours  » 
.Sur  mon  pcre  Jacob  ton  œil  veille  toujours. 
Mais  pardonne»  6  mon  Dieu,  pardonne  ma  foL 

bîcffc , 
Qui  femble  quelquefois  oublier  ta  promeilc 
Tu  choifis  Abraham ,  &  voulus  réclairer , 
Pour  connoitre  ton  Nom,  te  fcrvir,  t'adorer. 
Tu  lui  promis ,  Seigneur ,  que  Gi  race  fécondé  » 
De  Tes  enfans  élus  rempliroit  tout  le  monde  ; 
£:  que  toujours  comblez  de  tes  facrez  bienfaits  » 
Ils  chanceroicnt  ton  Nom ,  &  ta  gloire  à  jamais. 
Maïs,  hélas  !  on  diroit  qu'aujourd'hui  leurs  oflènlès 
On:  ramené  fur  eux  le  tcms  de  tes  venj^cances. 
I.a  fjîir.  qui  dictait  tout  régne  avec  plus  d'horreur } 
-Que  r.'»:d  eut  le  diluge  aux  jours  de  ta  fureur. 
cur  !cs  bords  du  Jourdain  tout  périt ,  &  j'igaooe 


.     LIVRE    XV.  4^, 

Ce  que  devient  mon  père  >  &  s*il  rcfpîre  encore. 

Ma  craince  rompt  le  coors  de  mes  félicitcL  :  GSK£« 

I>écoayxe-moi  fur  lui  tes  fainces  volontez, 

ODE. 

Tour   ii  ^  0  1. 

t  CiLUX  qui  le  premier  »  d'un  penfcr  téméraire i 
Traça  fur  l'Océan  le  chemin  des  Nochers  • 
Craignit  plus  d'une  fois  les  bancs  &  les  rochers  ^ 
£t  des  Tcnts  ennemis  redouta  la  colère, 
-t      Avec  un  timide  effort 
Il  yogua  le  long  du  bord , 
Il  n*6fa  s'ezpofer  à  l'aifaut  des  orages  s 
^ais  ayant  affermi  (on  cœur  audacieux  » 
Il  s'éloigna  des  ports ,  il  quitta  les  rivages  « 
Etxhercha  feulement  fa  route  dans  les  Cicux. 

■ 

De  même  tout  brûlaat ,  ^c-l'ame  route  éprifè 
Du  défit  de  chanter  le  plus  fameux  des  Rois  » 
Dans  un  projet  fi  grand  je  m'arrccai  cent  fois  ^ 
Je  craignis  le  danger  qui  fuit-cette-entreprife»        • 

Un  effroi  refpeâueux , 

De  mon  zélé  impétueux 
Renferma  dans  mon  fein  la  chaleur  immortelle  : 
Mais  ce  zélé  enflammé  va  prendre  un  libre  cours  ^ 

1  Cette  Ode  fur  préfcotée  par  l'Auteur  i  Sa  Maiofté  an 
-^omnwBCtment  d«  l'année  isy^ 

<JqS 


t 


46o    BIBLIOTHEQ^UE   POETIQUE. 

^ 

Il  fiiîr  9  loin  des  humaios ,  la  Mu(è  qui  m'appelle^ 
Il  2sxsr«   £s  qui  Ha  haut  des  Cieax  me  ^oniec  ton  fecoart. 

Voos .'  mes  heureux  Rivaux  ^  4PAt  les  cflbrts 
prétendent 
Affranchir  les  grands  noms  de  ToubU  rlgourcox^ 
Voas ,  dis-je ,  qui  tenez  de  ce  Roi  généreux 
Cz  pcéàcox  repos  qae  yos  Ycillcs  demandent  j 
Lorlique  par  taoc  de  bionfaks 
U  a  comblé  vos  (buhaits. 
Vous  tachez,  d'inventer  des  lonanges  nouvelles  : 
Mais ,  (ans  chercher  en  vain  les  belles  fiâions» 
<^ue  vous  aurez  d'honneur  û.  vous  êtes  fidellcs  ^ 
£:  h  TOUS  égalez  bs  gjnndcs  a^ons  1 

Quelle  vive  (plendeor  !  quel  abîme  de  gloire  ! 
Quels  rayons  Immortels  environnent  Louis  1 
Quels  triomphes  heureux ,  quels  exploits  inouïs  ^  * 
Donc  il  fait  éclater  le  Temple  de  Mémoire  1 
le  le  vois  des  (on  berceau 
Comme  un  Hercule  nouveau , 
De  feopens  écra(èz  s'ériger  des  trophées  -y 
£t  >  pour  fes  coups  d'cilai  >  je  vois  aux  champs  cfe 

Mars 
D<à  Lions  abattus»  des  Hydres  étouflSes , 
i:  y^lc^z  impécicux  tout  percé  de  (ès.dards. 

Ces  préludes  font  beaux  -,  mais  la  fuite  cft  pijis 
*cUc- 


LIVRE    XV.  46T 

Je  le  vois  animé  d'une  confiante  ardeur', 

Chercher  par  la  vcrto  la  folidc  grandeur ,  GiMi 

£c  d'un  Héros  parfait  devenir  le  modeliez 

Depuis  lë  célèbre  jour  , 

Ou  THymenée  &  TAmour 
De  fa  main  foudroyante  arrachèrent  les  armes  »' 
A-t'il  donné* relâche  àTes  no'blès  défîrs  ? 
£c  ton  ame  intrépide  au  milieu  des  a  11  armes  , 
A-t*elle  moins  de  force  au  milieu  des  plaifirs  ?' 

Dans  ce  lepos  fi  doux  &  dans  ces  jours  fi  calmes  V 

Ou  rien  nV>(e  troubler  (on  (brt  vi£lorIeux , 

n  prend  de  (on  Empire  un  foin  laborieux  , 

£t.mâme  dans  la  paix  il  fçait  cueillir  dts  palmes; 
Toujours  foa  cœur  généreux- 
S'ouvre  aux  cris  des  malheureux  »^ 

Attoac  ce  qui  Timplore  il  prête  fa  puiffance. 

N*a-t'il  pas  garanti  du  barbare  Croiflanr 

L'Aigle  dont  autrefois  rinjuftcvlokncc 

Fondit  fur  le  berceau  de  ce  Héros  nalflànt  ? 

Mais  quand  d^  tous  cotez  Ces  labeurs  héroïques 
Des  moriftres  furieux  ont  mis  l'orgueil  à  bas , 
Sous  les  verds  oliTiers  là  paifible  Pallas 
Enrichit  lés  François  de  (es  dons  magnifiques» 

Plein  de  fes  nobles  projets , 

Louis  veut  que  (es  Sujets 
'Riomphcnt-par  Tefprit  ainfi'que  par  l'épée  :• 
Animez  du  beau  feu  de  fes  divins  reë;ards  « 

Q*  •  % 


4C%       BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

A  cent  travaux  divers  lear  main  e(l  occnp^c , 
N£ST.   £^  remporte  auifi-tôt  le  prix  de  coas  les  ArtSr 

Comme  en  ces  belles  nuits  de  nos  fêtes  char* 
mantes  , 
Par  de  fecrets  re/fôrts  un  art  ingénieux  » 
D*im  mouvement  foudaln ,  fait  piroicre  à  nos  yemtk 
Du  Théâtre  changeant  les  Scènes  farprentntes-^ . 
Au  lieu  de  rochers  broies  » 
Et  de  ces  bords  MColti  y 
Ou  les  (àbles  ardens  font  en  monftres  fertiles  • 

Nous  voyons  tout  d^in  coup  des  champs  couverc»^ 

de  fleurs  , 
Des  temples,  des  palats  >  des  fleuves  drdes  villes^ 
£t  des  voûtes  du  Ciel  les  riantes  couleurs. 

Ainfî  dans  nos  beaux  joues  ,  par  de  foodalnf. 
miracles , 
L*Etat  renouvelle  fe  ferme  &  s'embellit  \ 
Ces  villes  que  Louis  ou  fonde ,  ou  rétablit  ; 
Ces  uavaux  qui^partont  font  de  fi  grands  fpedaclesi 
Tous  ces  heureux  changemens  « 
Tous  ces  fages  réglemens  * 
Qui  conduifent  la  France  à  fon  bonheur  fupréme  » 
Tout  Ce  fait  tout  d'un  tems  >  d'un  même  ordre  »  en 

tous  lieux  ; 
Elle  fe  méconnoît  &  s'admire  elle-même  « 
£c  trouve  dans  Louis  la  poiiTance  desDkus* 


I  'l'r     I  I  i   [    Il      •     mr 

L  I  V  R  E     X  V.  4^3 


«h 


Ces  palais  fompcùeux ,  ces  pompeux  édifices  * 
Dfbnc  la  cime  orguellleufe  éclate  dans  les  airs  \ 
Ces  eaux  qu'il  fait  couler  en  d*arides  défères  } 
Cm  jardins  oii  les  Dieux  trou  veroiens  leurs  délices  I 

Les  fuperbes  ornemens 

De  ces  vaftes  bàcimens  > 
Çtà  Part  fit  la  Nature  épuifent  leur  riche/Te ,  - 
De  Tune  8e  Taucre  Rome  eHacent  les  beautez  > 
Sàrmontenc  la  (plendeur  de  la  ff  avante  Grèce  * 
H  cous  ces  grands  palais  que  la  Fable  a  chantez» 

LtM  rochers  {burcilieux ,  les  afFreùfes  montagnes» 
Aia  Toix  de  Lovis  fe  laifiisnt  applanSï  i 
Par  Con  confimàndement  tios  deui  Mers  vont  is'uuir } 
Et  des  fleuves  nouveaux  arro&nc  nos  campagnes» 
Palémon  voit  »  tour  furpris  > 
Ouvrir  de-  nonveaux  abris- 
Alix  navires  battus  de  la  fureur  de' l'onde^ 
Ou  l'on  vit  des  écueils  >  on  découvre  des  ports  i 
K  Louis  (aie  céder  tout  le  refte  du  M  onde  » 
Aux  ottvragejT  fameux  dont  il  pare  nos  bords. 

De  quel  puiflant  Démon  les  forces  étonnantes 
Ont  fourni  pour  la  mer  ces  belliqueux  apprêts  « 
Et  fait  fi  promptcmeat  de  nos  vertes  forêrs 
Tant  de  mobiles  forts ,  tant  de  villes  flotantcsî 

Que  de  François  courageux  , 

Sur  rélement  orageux 

Vpnt  braver  ces  périls  qu  ils  bravoient  fur  la  terre  ^ 

Qqiiij  ■ 


Gik: 


464      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

^  Louis  les  a  changez  en  Pilotes  fçavans  ; 
«9 EST.    £c  ceust|ui(iansla  paix  (bupiroicnc  pourlaguene» 

Ont  da  moins  à  combattre  &  les  flots  8c  les  vernit 

'  Le  Rhin  impétueux,  ni  les  hauts  Pyrénées, 
Louis  ,  ne  bornent  plus  l'ardeur  de  tes  François^ 
Alix  bouts  de  l'Univers  ils  vont  porter  tes  lolz  >. 
£t  faire  triompher  tes  armes  /ortunées. 
Le  yafte  empire  des  eaux 
£ft  couvert  de  tes  vaifleauz , 
Prêts  à  vaincre  partout ,  prêts  à  toureotreprendte. 
Qui  peut  les  éviter  >  Qui  peut  les  foutenir  } 
Il  n  cft  point  d'opprîmez  que  nous  n'allions  dé- 
fendre ^ 
Il  n*c(t  point  de  Tyrans  que  nous  n'allions  puniiw 

Ces  Corfalres  il  fiers,  dont  la  cruelle  rage 
Par  tant  d'aâies  (anglans  a  difFamé  les  flots , 
Et  jerté  plus  de  trouble  au  cœur  des  Matelots 
Que  le  choc  des  écueils  &  l'horreur  du  nau&^^e  : 
Ces  infolens  Africains , 
De  qui  les  vœux  inhumaîns 
Cherchoient  IncefTammcnt  le  carnage  &  la  proye  , 
Sont  vaincus ,  font  punis ,  &  tombent  dans  tes  kr%% 
Contre  eux  jufqu'cn  leurs  forts  ton  pouvoir  (c  dé« 

ploye , 
£t  tes  foins  glorieux  en  ont  purgé  les  mers. 

Déjà  rheurcux  fuccès  de  nos  courfes  lointaines 
Du  commerce  opulent  nous  £dt  goûter  le  fruiri 


LIVRE    XV.  46s 

Sur  miUc  grands  vaîffeaaz  que  Neptune  conduit  ^ 
Nous  chargeons  les  préfens  de  nos  fécondes  plaines:    ^^^ ' 
■  Nous  allons  en  Soulager 
Les  befoins  de  l'étranger  « 
A  qni  de  ces  faveurs  le  Ciel  eft  plus  avare  : 
Et  iK>s  heureux  Nochers  ramènent  dans  nos  portl 
Ce  que  Taftre  du  jour  engendre  de  plus  rare  , 
Ce  que  llxne  8t  Tàucre  Inde  ont  de  riches  tréfors. 

Lorsque  nous  ignorons  les  malheur»  &  les  craîo" 
tes. 

Et  qae  par  tant  de  biens  tous  nos  voeux  font  contens» 
Louis  (bnge  aux  revêts  des  Dedins  inconftans  » 
Xcpcévîent  dcJcurs  coups  les  fatales  atteintes* 

Les  ArchiteAes.  de  Mars , 

Par  d'imprenabks  remparts , 
Dé&ndSnt  notre  Empire ,  afTurenc  nos  conquêtes  , 
£e  nos  braves  (bldacs,  inftruics  par  ce  Héros  » 
Tiennent  le  bras  levé  fur  les  fuperbes  téces , 
Qui  youdïolent  de  la  France  attaquer  le  repos. 

Par  quel  cSèt  fbudaîn ,  par  quels  foins  incroya>»' 
blés 
Ces  paiflans  boulevards  ont-ils  pu  s'achever  ? 
Par  quel  charme  inconnu  voyons-nous  élever 
De  ces  corps  menaçans  les  maffes  effroyables? 
Belges ,  à  qui  ce  grand  Roi 
Avoit  donné  tant  d'cffrôî , 
Il  Toos  fonde  un  bonheur  d*^éterncUe  darée  3 


464      BIBLIOTHEQUE    POÉTIQUE. 


ei^xsT. 


m* 


Il  hanlTe  vos  remparts  qu'il  avoir  démolis  | 
Er  des  peuples  divers  la  ibrce  conjurée  » 
Ne  Tgauroir  déformais  en  arracher  les  lyi • 

Il  fait  fleurir  les  loix  dans  ce»  grandes  armte^ 
Qui  font  de  TUni vers  Terpotr  ou'  la  terreur  i 
Sans  traîner  le  ravage ,  &  fans&mer  Thorreur  » 
Aux  feuls  nobles  affaucs  elles  (ont  animées. 

L'Europe  de  toutes  paru  ' 

Voie  flûter  nos  étendarts  ; 
Louis  femble  inonder  les  Provinces  (bnmt&s  i 
Maïs  Bcllone  avec  lui  perd  ce  qu'elle  a  d'afficttxs 
Ilrégne  par  ràmout  dans  les  villes  conquîtes  « 
£t  ne  fait  des  Sujets  qie  pour  les  rendre  beurens/ 

Ceft  ainfi  qu*à  Memphis  prend  fa  fameufe  coorft 
Ce  fleuve  merveilleux  qu'on  a  tant  célébré  , 
De  qui  raccroifTemenc  efl  toujours  admiré , 
Et  de  qui  les  humains  cherchent  en  vain  h'foorcoi 

C*e(l  ainfi  qu'à  gros  bouillons 

Le  Nil  couvre  les  filions , 
Et  fait  bruire  en  tous  lieux  Tes  ondes  débordées  : 
Il  s'étend ,  il  s'épanche  avec  rapidité  s 
Mais  Ton  cours ,  favorable  aux  plaines  inondées  ^ 
T  répand  rallegrefTe  &  la  fécondité. 

Ce  Conquérant  fi  prompt,ce  Vainqueur  fi  rapide, 
Peut  de  l'aube  au  couchant  arborer  fes  drapeaux  ^ 
Mais  il  veut  des  lauriers  aaf&  juftcs  <)ae  beaux , 


LiVR^J^ 


♦*7 


GtMS»f* 


aEKZlTs 


468       BIBLiornEQUE    POETIQUE. 

Et  qu'à  cet  air  fl  grand  »  au  milIcQ  des  bataillcf  • 
Les  Troyens  &  les  Grecs  ont  reconnu  leurs  Dieux. 

Mais  pourquoi  s'engager  en  des  (ujets  fi  Taftcs  \ 
1,'Univers  eft  rempli  de  ces  faits  édàtans  } 
Et  pour  les  dérober  aux  injures  dès  tems; 
Mille  ((ayantes  mains  les  gravent  dans  net  FaffelL 

Fonr  mieux  louer  ce  Vainqueur 

Je  ne  chante  que  Ton  cœur  » 
La  fource  qui  produit  tant  d'aâes  magaanimesr 
J*y  Vois  tout  ce  qui  forme  un  par&it  Pocentac  < 
Qui  trouve  Tan  d'unir ,  par  Tes  juftes  maximes». 
La  grandeur  du  Monarque  au  bonheur  de  l'Etat. 

• 

Quelle  eft  l'adlîvité  de  ce  puiflant  Géuie 
Qui  feul  pourrok  fuffire  à  régir  l'Univers  ? 
Quelle  eft ,  pour  fatisfaire  à  tant  de  (oins  divers^. 
Son  immenfe  écenduë ,  ou  fa  force  infinie  ? 

■    Quels  (ont  ces  divins  fccrcts,  . 

Quels  font  ces  fagcs  Décrets  • 
Qui  cachent  aux  humains  leur  conduite  profonde  ? 
l.^  yeux  les  plus  per  çans  n'y  .trouvent  point  d*accés. 
Et  tant  de  grands  deflèins  qui  font  le  (brt  du  Mondé» 
Ne  font  jamais  connus  que  par  leurs  grande  fucces* 

Depuis  les  premiers  tems  a-ton  vu  jes  Mônar* 
ques 
Joindre  tant  de  prudence  à  tant  d'autorité , 
Joindre  tant  de  douceur  à  tant  de  oujçfté  » . 


LIVRE    XV.  44$ 


m 


Et  hrHIer  à  la -fois  par  tant  d'illuftres  marqueft! 

Auffi-tôt  qu'il  fc  fait  voir ,  ^»" 

I^  cœurs  fentent  (on  pouvoir , 
Et  pour  lie  reconnoitrc  il  fufEc  de  rentendre  : 
Il  eft  couJQurs^gal ,  toQJours  fcmblablc  à  (bi  ^ 
Jamais  de  (a  grandeur  on  ne  le  voit  defcendre  \ 
Il  n'agît  qa'tn  Héros ,  &  ae  parle  qa*cn  RoL 

tjc%  vices Tont détruits,  ou  n  ofent  plus.paroître4 
Od  n'entend  plus  (ibufiler  de  vents  féditieux  \ 
Il  nous  fait  oblier  ces  monftres  odieux 
Que  Ùl  bonté  févere  empêche  de  rcnaîtce  : 

Le  mérite  floriiTant 

Sous  ce  Roi  jude  &  puifTant , 
VoIt.fims.ceiTeaux  bienfaits  ouvrir  fes  mains  fiu] 

crées  s 
Et  par  fcs  riches  dons  difpenfcz  avec  poids  » 
Les  travaux  couronnez ,  les  venus  honorées, 
Font  leur  plus  digne  prix  de  Thonneur  de ion  choix. 

Reine  des  Nations ,  France ,  quelle  cfb  ta  gloire  , 
De  poiTéder  un  Prince  à  qui  tout  efl  (bu mis, 
.Qui  fi?it  de  toutes  parts  trembler  tes  ennemis  , 
Et  fixe  dans  ton  fcin  la  paix  &  la  vidoire  > 

Un  Prince  doue  les  beaux  jours 

Te  préparent  un  long  cours 
D'une  félicité  fi  folide  &  fi  belle  ? 
Ba  fouycrain  bonheur  tu  touches  le  fomipet  ^ 


470      BIBLIOTHEQUE    TOETIQJJE, 

£c  pour  mieux  afllirer  ta  grandeur  immortelle» 
Senest.   ^  que  donne  Louis  ,  (bn  Dauphin  le  promec 

Ls  Nymphe  de  Ver/killes  4$u  Roi» 

t  7e  ne  viens  pas ,  grand  Roi,  par  des  chants  do 
viâoire 
Aider  la  Renommée  à  publier  ta  gloire. 
Qu'elle  vante  en  tous  lieux  tes  exploits  inoQts  | 
le  laiflè  le  Vainqueur  &  ne  veux  que  Louis. 
Te  vcrrai-je  à  la  fin  dépouillé  de  tes  armes  ?  > 
Te  pourrai- je  en  repos  raconter  mes  allarmes  ? 
Quand  l'Univers  te  lou<f ,  ô  magnanime  Roi , 
Me  (èra-t'il  permis  de  me  plaindre  de  toi  ? 
Oui  je  puis .  d'un  tranfport  au(G  jufte  que  tendre  « 
Te  reprocher  les  pleurs  que  tu  m'as  fait  répand£C# 
£c  mêler  aux  ennuis  dont  j'ai  fenci  les  traits , 
L'aimable  fouvenir  des  biens  que  tu  m'as  faits. 
Je  me  remets  toujours  ma  campagne  déferte  ,       , 
D'épines  hérifféé  ,  &  de  fables  couverte , 
Où  dans  une  importune  &  trifte  obfcuûçé 
7e  trainois  fans  piaifîr  mon  immortalité» 
Et  ne  voyois  errer  de  bocage  en  bocage , 
Que  le  chevreuil  timide ,  ou  la  biche  fauvage. 
Mais  depuis  que  le  Sort,  favorable  à  mes  veux. 


I  Cette  Pièce  fut  préfentécà  Sa  Majcfté  aptcf  foa  cetott 
delà  Campagne  de  1^71. 


.i«  r.i  I  I  I ,  ■  ■  

LIVRE    X  V.  47r 

■  M'accorda  Thcur  de  plaire  à  toa  cœur  généreux ,       

.Les  Nymphes  des  vallons  .  des  montagnes,  des   G£N£st, 

plaines , 
'  Des  forées  ,  des^  étangs ,  des  prez  de  des  fontaines  # 
-  D'un  (bin  refpeâueux  s'attachant  à  mes  loiz  » 
'  Ornercnc  mes  jardins ,  mes  terraiTes ,  mes  bois. 
Dans  le  fiiperbe  enclos  d'une  ville  nouvelle  > 
,  Je  vis  croître  un  palais  de  (Iruélure  immortelle^ 
Tel  qu'encre  cent  palais  habitez  par  les  Dieux 
S'élève  le  (iîjour.du  Monarque  des  Cieux. 
A  Tes  pieds  orgueilleux  une  mer  fans  orages  , 
'  Exempte  pour  jamais  d'écueils  &  de  naufrages , 
Ouvre  une  longue  courfe  à  tes  pompeux  vailTeaux  i 
Qtri  r)e  rames  d'argent  fendent  le  fein  des  eaux , 
£t  (ans  s'afTujettir  aux  ordres  des  étoiles , 
Déployent  en  tout  tems  la  pourpre  de  leurs  voiles. 
L'onde  prompte  Se  facile  à  tes  commandemens , 
'  £tend<deux  larges  bras  vers  deux  palais  charmans. 
'On  épuifa  pour  l'un  jufqu'aux  climats  barbares  , 
De  tous  les  animaux  les  plus  beaux ,  les  plus  rares  j 
L'autre ,  foustles  rameaux  toujours  frais ,  toujours 

vends , 
•  Dans  1  aprc  canicule ,  au  plus  fort  des  hy vers , 
Arbitre  des  faifons ,  fanscciTe  faitéclore 
Les  plus  riches  tréfors  de  Pomone  &  de  Flore. 
Si  pour  tromper  l'ardeur  du  bel  aftrc  des  jours, 
L'on  cherche  de  mes  bois  les  merveilleux  détours  , 
:Pcnfax«nci:cncoBtrcr  ibusicur  feuillage,  ibrabrfr. 


471       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

^^^  Que  l'aimable  fraîcheur  do  zéphire&dei'osibie) 
aiNiST.   £q  quelques  lieux  fccrets  que  l'on  porte  Ces  pas  » 
Les  Nayadescn  foule  y  montrent  leurs  appas» 
Ni-ta  grotte  ,  Louis ,  plus  richement  paiée 
Que  celle  d'Ampbitrite&  celle  de  Nerée  -, 
Ni  ces  riants  balTins ,  odi'ArtinduftrieaK 
A  fait  vivre  en  n^tal  les  hommes  fc  les  Dieaz» 
Ne  peuvent  empêcher  ces  belles  fugitives 
De  s'échapper  partout  »  pures ,  fraîches  Bc  vives» 
Ordonne  (èulement ,  prend  Coin,  de  (bnl^alter  % 
Ces  Nymphes  à  l'inftant  peuvent  tout  imiter. 
Plus  dodes  que  Prêtée  à  changer  de  figures  , 
EtTur^endre  les  fens  de  douces  impodurcs. 
Tantôt  du  tronc  d'un  arbre  &  de  mille  ro(êauX9 
Leur  mobile  cryftal  poufTe  de  longs  rameaui , 
£c. trace  dans  les  airs  par  Tes  élans  rapides 
Mille  cercles  fuyans,  mille  chiffres  liquides  ^ 
Tantôt  en  élevant  un  humide  rocher, 
Sous  fa  bruyauce  mafTe  on  les  voit  fe  cacher  : 
£t  tantôt  du  concours  des  ondes  jailli/Tantes 
Former  un  grand  théâtre ,    &  des  (ccnes  chaaV 

géantes. 
Enchanté  par  les  yeux ,  TEtranger ,  le  François, 
Pafle  ,  revient  »  s'arrcte  ,  &  rcpaflc  cent  fois , 
Et  s'écrie ,  en  voyant  tant  d'objets  qu'il  admire  » 
Qu  on  ne  peut  les  compter,  moins  encor  les  décrire. 
Hélas  !  qui  le  croiroit ,  que  'ces  nobles  plaifîrs 
N  cuflcnt  pas  le  pouvoir  d  arxctcr  tes  défirs  ?  - 

Qu'à 


LIVRE     X  V  47} 

Qo*à  de  fieres  vertus  ton  anie  trop  fidclle  , 

Me  fie  fouSrir  les  maux  d'une  abfeace  cruelle  »         G£NE! 

Qui  me  laiflauc  en  {froye  à  de  criftes  regrets  » 

Pour  moi  de  ces  beaux  lieux  ternit  tous  les  attraits  ^ 


76  te  revois  rnfîn,  &  te  revois  encore 
Rempli  de  nobles  foins  dont  Tardcur  te  dévore  l  ' 
Hé  bien  »  penfè  à  la  gloire  ,  adore  Tes  appas  ; 
Mais  pour  raimer>  Louis  «  ne  me  tiéglige  par^ 
Ecpenfè  quelquefois ,  au  fèin  de  la  viéboire  » 
Que  Ver&illes  un  jour  rehaulTera  ta  gloire  »  . 
En  falHint  comparer  aux  mortels  étonnez 
Tes  geftes  éclatans  ,  &  ces  lienx  fortunez» 
L'ambitieux  défît  du  royal  Diadème 
N'appinc  fait  ^  diront-ils  ,  cette  valeur  fnpréme^' 
Il  ne^int  point  du  Nord ,  du  féjour  des  frimats.»  . 
Pour  s'ouvrir  par  le  fer  de  plus  heureux  climats.  . 
Un  trône  chancelant ,  &  Thorreur  du  naufrage.. 
Ne  le  forcèrent  point  à  trouver  du  courage. 
Roi  i  fils  de  mille  Rois ,  au  comble  des  défîrs  ,  , 
Environné  de  biens ,  de  pompe  &  de  plaifîrs^ . 
Abfblu  >  redouté ,  loin  de  toutes  allarmes.. 
Maître  de  (es  de&ins.,  en  ces  lieux  pleins  de chac^ 

me», . 
Si-tetquc  lajuftice  i  ou  rhonneur  l'appeMoit,. . 
Aux  plus  affreux  dangers  fon  courage  voloît. 
Le  bien  de  fes  Etats  >  le  bien  commun  du  Monde^  > 

Occupoient  tour  à  tour  fa  fageife  profonde  : 
jQme  IIL.  K.J& . 


474       BlBltOrHEQUE    POETIQUE. 

De  fa  haore  grandeur  ces  beaux  lieux  font  témoins  ^ 
SMEST.   £c  c  écoic  toutefois 4e  moindre  de  fés  (oins. 

O  D  E.  I 

S  tir  P honneur  que  le  Roà  s  fait  à  T  Académie  Frati^ 

çoife ,  en  acceptant  la  qualité  de  fin  Preteântr  ^ 

di*  la  logeant  au  Louvrt^ 

Une  nouvelle  joye  .  une  gloire  nouvelle , 
Do6les  Sœurs ,  yous  engage  à  de  nouveaux  effiMtt  » . 

Hauflez  votre  voix  jmmortelle , 
Faîtes  tout  retentir  de  vos  divins  accords. 
Des  fiéclesprécédens  oubliez  les  exemples  : 
Si  vous  avez  reçu  de  Tencens  &  des  temples 
P  e  ces  fameux  Héros  par  vos  mains  couronnez  » 
Le  plus  parfait  des  Rois  à  Ton  tour  vous  couroane  t 
Et  Tafile  éclatant  que  fa  bonté  vous  donne , 
Vaut  mieux  que  les  autels  qu'ils  vous  avoienc 
donnez. 

On  (çait ,  Mufes ,  oo  fçait  irotrc  prcmteie  HiC» 
toire  ; 
£c  que  de  TOricnt  les  Sages  fi  rantcz , 

Ouvrant  le  chemin  de  là  gloire  9 
Montrèrent  aux  mortels  vos  uai&Dtes  beautez. 


I  Cette  Ode  a  remponé  le  Prix  de  Poëfîc  donné  pas  lîA- 
cAD£Mi£  FRAi^ÇoisEenranoée  »^73* 


LIVRE  XV.  4rr 

Od  i^ië qu'aux  doux  climats  de  la  fçavsuite  Grecse^ 
pë  la  cime-du  Pidde ,  ^  des  bords  du  Vctfntttci 
Vos  attraits  adorez  régnoient  de  toutes  parts  : 
Oh  fçait  qu'aux  plus 'beaux  jours  de  Rome  trlodi«- 

pbànte> 
Aùgafte  vous  tendit  une  main  careâahce, 
Ec  vous  fit  trouver  place  au  trône  des  Céfars. 

Mais  r^ardezla  France  en  merveilles  féconde^» 
Sfrkhcides  tributs  de  la  terre  &  dé$  mers  » 

Paris ,  qui  comme  un  autre  monde , 
Renferme  dans  fès  mars  mille  peuples  diveïs.  • 
Admirez  ce  palais  \  contemplez  ces  rivages , 
Ou  rUnivers  cbarmé  vient  rendre  fes  hommagi^^ 
Ail  fupréme  pouvoir  d*un  Roi  vidôrieux  ^ 
Et  parmi  tant  d*éclat  &  de  magnificence  , 
Avouez  qu'au  Ciel  même,  oit  vous  prîtifs  tï3â& 

faoce,  • 
Auprès  de  Jupiter  vous  ne  feriez  pas  mieux. 

'   Ne  craîgttc»plus  du  Sort  la  haine  conjurée'}  ^ 
W  vos  bons  dcftins  pour  jamais  établis. 

Auront  rércrneHc  durée , 
QVil:  le  Ciel  a  promifc  à  l'Empire  de^  Lis. 
Oiï  ne  vous  verra  "plus  tremblantes  i  allarmécï^/'^ 
Ail  fier  débordement  des  barbares  ArmécsP,' 
Efe'vos  lyres  à  peine  emporter  le  débris  5 
»  Vàndatelfc  dU'Scytkeéjrouvcr  les  outrage»;-  - 


Genf 


474       BlBltOTHEQUE    POETIQUE. 

De  fa  haure  grandeur  ces  beaux  lieux  font  témoins  ^ 
fiMEST.   £c  c  écoic  toutefois  4e  moindre  de  (es  {oins. 

O  D  E.^ 

Sur  f  honneur  que  le  Roi  s  fait  à  F  Académie  Yram^ 

coife ,  en  acceptant  la  qualité  de  fin  PreteâeMr  ^ 

^  la  logeant  au  Louvre 

Une  nouvelle  joyc  .  une  gloire  nouvelte , 
Doéles  Sonirs  >  yous  engage  à  de  nouveaux  dfiMtt  » 

Hau({ez  votre  voix  jmmortelle  > 
Faîtes  tout  retentir  de  vos  divins  accords. 
Des  fiéclesprécédens  oubliez  les  exemples  : 
Si  vous  avez  reçu  de  Tencens  &  des  temples 
P  e  ces  fameux  Héros  par  vos  mains  couronnez  > 
Le  plus  parfait  des  Rois  à  Ton  tour  vous  couronne  t 
Et  Tafile  éclatant  que  fa  bonté  vous  donne  > 
Vaut  mieux  que  les  autels  qu'ils  vous  avbieac 
donnez. 

On  (çait ,  Mufes ,  oo  fçait  irotrc  première  HiC* 
toire  ; 
£c  que  de  TOrient  les  Sages  fi  rantez , 

Ouvrant  le  chemin  de  la  gloire , 
Montrèrent  aux  mortels  vos  uai(iantes  beautés. 


I  Cette  Ode  a  remporté  le  Prix  de  Poëfîc  donn^  pas  lîA- 
cADBMiE  F&iU<ÇoisE  en  Tannée  »^73* 


hJ  V  K  E    XV.  4fY 

On  (^ît  qu'aux  doux  climats  de  la  fçavsuicé  Grecc^-    ~' 
pë  la  cîmcdu  Piiide ,  ^  des  bords  du  Permeflè  ^ 
Vos  attraits  adorez  téghoient  de  toutes  parts  : 
Oh  fçait  qu'aux  plus  beaux  jours  de  Rome  trlodi«' 

pbante> 
Aiigafte  vous  tendit  une  main  careâahce, 
Er  vous  fit  trouver  place  au  trône  des  Céfars. 

Mais  r^ardez  la  Friance  en  merveilles  fécondtf^t  " 
Sirkhe^idts  tributs  de  la  terre  &  de$  mers  y 

Paris ,  qui  comme  un  autre  monde  » 
Renferme  dans  fés  mars  mille  peuples  di veïs.  - 
Admirez  ce  palais ,  contemplez  ces  rivages  , 
Oîi  rUnivers  cbarmé  vient  rendre  fés  hommagiifi^ 
Ail  fupréme  pouvoir  d*un  Roi  vi6):ôrieux  ^ 
Et  parmi  tant  d'éclat  &  dç  magnificence  > 
Avouez  qu'au  Ciel  même,  odvoûspritds  tial^-- 

faoce,  • 
A«prcs  de  Jupiter  vous  ne  feriez  pas  micax. 

'   NëcraigneiplusduSortlahaineconjurétf^j  ^ 
Idifos  bons  dcftins  pour  jamais  établis",- 

Auront  rérernei'le  durée , 
CJVil:  le  Ciel  a  promife  à  l'Empire  de^  Lis. 
Oiï  ne  vous  verra  plus  tremblantes  ;  allarméer^- 
Aiï  fier  débordement  des  barbares  ArmécT,* 
Dc'vos  lyres  à  peine  emporter  le  débris  ; 

rVandateïc  du  ScytW'éjrouvcr  les  outrage» ;'  - 


47^       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


Et  dans  reinbrafement  de  vos  phis  chers  oavr^^es, 
îNEST.    ^u  I^^u  ^^  vos  concens ,  frapper  Taie  de  vos  cris. 

Dans  ce  brillant  palais ,  loin  de  toutes  allarmes . 
Sous  la  procedion  du  plus  puiflant  des  Rois  > 
Vous  n'entendrez  le  bruit  des  armes , 
Que  pour  vous  exciter  à  chanter  Tes  exploits. 
Vous  (èrez  chaque  jour  henreufèment  (îirprifès 
Au  fpeiflacle  pompeux  des  Provinces  conquifës* 
Des  Tyrans  furmontez ,  des  Barbares  défaits  ^ 
£t  fa  valeur  enfin  calmant  toute  laTerre*» 
Les  peuples  apprendront  qu'il  ne    cherchoic  11 

guerre , 
Que  pour  leur  acquérir  uncéternelle  pais. 

Une  tranquille  paix ,  douce  &  délicieuse» 
Oii  Bellone  oubliant  Tufage  de  Tes  dards , 

L*ame  la  plus  ambicieufè 
Combattra  feulement  pour  le  prix  des  beaux  Arts.. 
L* Amour  (èul  aura  droit  de  faire  des  conquêtes , 
Tous  les  jours  des  humains  feront  jutant  de  fêtes 3 
Les  adres  indulgens  fuivront  tous  nos  défîrs  -, 
Vos  céleftes  concerts  charmeront  tous  les  z^s  » 
£t  vous  infpirerez  aux  cœurs  les  plus  fauvages 
La  jôye  &  les  vertus ,  la  gloire  &  les  plaifîrs. 

Vous  verrez  triompher  la  fçavante  A  ffembléc  » 
Qui  foutient  de  vos  loix  l'augude  majedé  j 
£t  qui  de  vos  tréfocs  comblée  > 


LI  V  R  E    X  V.  477 


S'élève  fur  vos  pas  à  rimmortalité,  

Sous  ces  lambris  clorez ,  au  milieu  des  trophées ,      GfiNES' 
Vous  entendrez  pouffer  à  ces  nouveaux  Orphées 
Des  airs  que  vous  pourriez  vous-mêmes  avouct. 
Si  jamais  les  François  n'eurent  un  fi  grand  Maître, 
Leurs  climats  foftunez  n'avoient  jamais  vu  naître 
Des  Sujets  mieux  indruics  en  Tart  de  bien  louer. . 

Redoublez  leur  ardeur  -,  fécondez  leur  envie , 
En  fii'veur  du  Héros  métez  voschants  aux  leurs  : 

Chaque  infiant  de  fa  belle  vie 
Fait  édore  pour  vous  une  moiffon  de  fleurs. 
Voyez. le  maintenir  les  loix  rcnouvellées  » 
Accabler  de  bienfaits  les  Vertus  rappellées  , 
Sur  les  monts  applanis  faire  joindre  les  mers , 
Redonner  Tàbondance  aux  campagnes  flériles ,' 
Changer  d'affreux  (kblons  en  de  fuperbes  villes , 
Et  rouler  à  (bn  gré  le  fort  de  TUnivers. 

Voyez  de  fa'valeur  les  incroyables  preuves , 
Et. partout  obéir  à  fès  commandcmens 

Les  hommes ,  les  remparts ,  les  fleuves , 
La  rigueur  des  Caifons ,  Torgueil  des  élémens. 
Au  généreux  Dauphin  étalez  cette  image  ^ 
Mais  réglez  les  tranfports  de  fon  jeune  courage } 
Les  triomphes  du  Pcre  empêchent  ceux  du  Fils  : 
Enfcignez-lui  du  Roi  la  fagefFc  profonde  ; 
Qu'il  (çgche  feulement  Tart  de  régir  le  Monde  > 
11  n'aura  rien  à  vaincre ,  6e  tout  fera,  fournis. 


478^      BTBLIOTHEQUE    POBTÏQyE. 


pftMI^STt 


Mais  dans  le  doux  repos  qui  tous  rend  fi  char- 
mantes ) 
Au  (bmmet  du  bonhear  ou  vous  allez  monter , 

Quels  Hymnes ,  6  Vierges  fçavames  » 
Envers  le  grand  Louis  pourront  vous  acquitter? 
Tous  vos  arcs  triomphaux,  tous  vos  chamt  de' 

viâolre , 
Tous  vos  foins  vigilansà  tracer  Ton  Hiftoire , 
De  Tes  rares  faveurs  font  un  fiircroir  nouveau  ;  . 
Pùifque  parfcs  hauts  faits  fidellcment  guidées  »• 
Vbus  allez  furpafl*er  vos  plns]grandes  idées  » 
It  tout  ce  que  votre  Act  eut  jamais  de  plus  beau;  ' 

Skr  Its  Otévragis  de  M.  de  *  ♦  *. 

Philosophe^  galant,  guerrier  &  politique , 
Bâ  tout  ce  qui  lui  plaît  il  peut  fe  transformer  s 
£c  partout  élevé ,  brillant ,  tendre ,  héroïque , 
Hfçait toujours  inflruite ,  il  fçait  toujours  charmer* 

ÉPI  T  R  E, 

A   M.    D  £    t  A    B  A  ST  I  D  E.  I 

Itfexhtfrte  à  abjurer  les  erreurs  du  Culvinifiese* 

Les  peuples ,  les  citez ,  les  Provinces  entières- 
Ouvrent  enfin  les  yeux  aux  divines  lumières  *, 


I  Ce  M.  de  la  fiaftide  eft  connu  par  fa  répônfe  i  M.  TEve- 
qup  J«  Moauz ,-  pat  fa  fcvilioa  éa  Prcjuime»  de  Mato»  4&4t 


L  TV  RE    X  V.'  479 

L'erreur  s'éTanoult.   La  falnte  Véricé  «  

D^ua  long  aveuglemeat  chafTe  robfcaricé.  Genis' 

Iteft  ccms  de  le  rendre  «  il  cft  cems,  la  Bastide  } 
Sois  là  voix  qui  t'appelle ,  &  le  jour  qui  te  guide. 
L'EglKè  eft  triomphante  après  tant  de  combats*^} 
Deibo  trône  de  gloire  elle  te  tend  les  bras  : 
It  l'entends ,  je  la  vois  te  rechercher ,  te  dire  : 
Viens ,  noon  fils  >  mon  cher  fils ,  toi  pour  q^i  )% 

(bupire  > 
Toi  donc  la  fuite  injufte  &  les  égaremens 
M*onc  coâté  tant  de  pleurs  &  de  gémi  démens. 
Ta  n  es  point  criminel.  La  faute  efl  de  tes  pères , 
Qu'un  efpric  (îiduâeur  rendit  mes  adverfkires. 
Trop  malheurenz  cnfansl  Mats  l'erreur  doit  finir* 
Tu  fbrtis  de  mon  fein ,  tu  dois  y  revenir. 
Ceft  atnfi  que  s'explique  une  mère  fi  tendre  j 
Tout  parle  en  (a  faveur  fi  tu  la  veux  entendre. 
Examine  >  confulte  &fbnge  à  réparer 
Ëe  funefte  malheur  qui  t'en  fit  féparer, 
La  foi  de  fiécle  en  fiécle  à  nos  ayeux  tranCmilê, 
Les  renoit  tous  unis  dans  Te  fcin  de  TEglife  » 
Quand  d'un  Moine  apoftat  la  folle  ambition 
VinCitroahler.cette  paix ,  rompre  cette  union. 


Bcxe  ^  6c. pot  quetq'ires -autres  ouvrages. -Il  Ibrtit  de  France 
en  itcSy. Kinounic Calvinifte  à  Londres  le  i  f  de  Mars  1 740. 
irEpicrequeM.rAbbéGEKESTluiadrefTeeft  une  des  plus^ 
Micichofésqiicrofi  puifTe  faite  dans  œ  gearc-U. 


480      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

__^____^_^  Comment  nommeras-tu  (on  audace  rebelle?  * 
GsNiST.  ^^  déchire  TEglife ,  il  s'achàrnc  contre  elle  i 

£t  voulant  s'affranchir  des  droits  qu'elle  a  furnoaS| 

Il  fe  les  actribu'é  ;  Se  les  prodigue  à  cous*. 

Plus  de  loix^  de  Pafteurs  «  de  Chefs ,  ni  de  Conciles  • 

Leurs  fouverains  Décrets  deYieiment  inutiles  : 

Des  cœurs  enflez  d'orgueil ,  des  efprits  déréglez  *. 

Entndnent  après  eux  les  peuples  aveuglezv 

La  raîtbn  arrachée  à  (on  joug  légitime  j 

Court  d'erreur  enerreur ,  6c  d'abîme  en  abîme  $ 

Et  chacun,  à  l'envi ,  (îgnalant  Tes  fdreurSy 

Pliis  loki  que  fes  rivaux  veut  poner  Tes  erreurs» 

Calvin ,  du  premier  rang  in(blemmenr  avide  j 

Trouve  à  fon  gré  Luther  trop  foiblé  &  trop  timides 

Sous  le  nom  de  Réforme  H  détruit  Ids  autels  « 

Et  veut  en  abolir  les  honneurs  immortels. 

Quel  efprlt  l'animoit  ?  Montre-nous  à  quel  titre  - 

De  la  Religion  il  fe  rendit  l'arbitre. 

Parle ,  établie  les  droits  qu'avoit  ce  fédu^eur  »  . 

Pour  faire  le  Pontife  &  le  Légidateur  ? 

Sur  quelle  raidîon.  Se  par  quel  privilège 

Des  Mydéres  facrez  faire  un  choix  facrilége?  - 

Quoi.!  par  fon  feul  capxlce  il  viendra  nous  di^i  ' 

Ce  qu'il  faut. recevoir  ,  ce  qu'il  faut  rejetter. 

t)ans  cette  foi  divine  oii  tout  eft  grand  ;  terrible  y  . 

Oii.ppur  les  yeux  mortels  tout  eu  inacceffible , 

II.  viendra  confultcr  les  rapports  impuiffans 

D'une  raifon  bornée  *  &  de  nos  folbles  fens  ?. 

L'Eglifê,. 


LIVRE     XIV.  481 

L'Eglifê  *  dira-t*il ,  fut  long  cems  écHpfôe  ; 

On  vit  ÙL  grâce  éteinte ,  &  fa  gloire  efiacée.  Genïst 

Quel  blafphiêiae  !  Oii  veut-on  qu'elle  eût  pu  (è 

cacher  ? 
Four  apprendre  fes  loix  od  l'irions-nous  chercher! 
Non  »  avec  rEfprit  Saint  qui  la  rend  in&illible  , 
Elle  eft  toujours  préfente ,  elle  eft  toujours  vifibl«« 
Toujours  fur  la  montagne  elle  doit  éclatçr. 
Âctendoit-on  Calvin  pour  la  reflufciter } 
Son  Auteur  Ta  fondée  unique  >  univerfelle , 
Conftante,  incorruptible  »  immuable ,  éternelle. 
Par  les  cruels  lefibrts  dç  Ces  noirs  ennemis , 
Ses  (àcrez  fondemens  fe  font  mieux  afFerrais  : 
Toujours  des  falnts  Douleurs  les  clartez  afTemblécft 
Montrent  fes  véritcz  par  le  Ciel  révélées^ 
Let^tems  ont  confirmé  (on  empire  abfolu , 
Et  les  enfers  armez  n'ont  jamais  prévalu. 
Si  ta  Tas  méconnue,  on  te  l'a  déguifée  : 
Far  des  préventions  ton  ame  tiï  abu(é& 
Que  je  t'ai  plaint  !  Je  fçais  dans  quels  faux  préjuges 
Dès  vps  plus  tendres  ans  vos  efprics  (ont  plongez. 
Antre  obftacle  pour  toi  :  ton  adroite  éloquence 
A  (buvent  de  l'erreur  embra(ré  la  défenfe  ; 
Et  dans  le  cœur  de  l'homme  un  orgueil  inconna 
L'attache  à  fouteair  ce  qu'il  a  foutenu. 
STil  £iat  qu'il  fe  rétrade ,  une  gloire  trompeu(è 
Peint  ce  jufte  devoir  en  foible(re  honteufe  s 
Et  de  fuivrç  un  parti  chancelant,  abattu , 


48x      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

On  (è  faic  un  honnear  >  &  même  une  verto. 
iEN£ST.   Pernicieux  orgueil  !  coaftance  déplorable  l 
L'erreur  eft  trop  vifîble  &  trop  Infoucenable., 
Car  enfin  >  fi  chacun  va  k  perGiader 
Que  des  Myftéres  faints  il  peac  fenl  décider  : 
Quels  dé&rdres ,  6  Ciel  1  Que  de  v;^es  di(putes  ! 
p'^tremens  honteux  t  d'inévitables  chûtes  I 
Ne  frémiilèz-YOUS  point  quand  vous  enviGiges 
La  peine  &  les  périls  oii  vous  vous  ei^agcz  ? 
Pour  nous  >  qui  nous  fixons  dans  le  (èin  de  TEglife 
Il  fuffit  d'un  cœur  humble ,  &  d*une  ame  (bumKc . 
Seuk  nous  pouvons  jouir  d'un  fort  tranquille  & 

doux, 
E%  tous  nos  faints  Doéleurs  ont  médité  pour  nous. 
Non  que  j'aille  blâmer  la  fçavantc  fageflè  » 
Pour  louer  l'ignorance ,  &  flatter  la  parefle. 
Je  blâme  feulement  TefFôrt  audacieux 
D'un  efprlc  indocile  ,  inquiet ,  captieux. 
Des  faintes  Véricez  (bngeons  à  nous  inftruire  i 
Mais  apprenons  furtout  à  nous  laiflèr  conduire. 
La  Bastide  ,  il  eft  vrai  >  ce  quel'on  veut  de  toi  y 
Par  Tes  difficultez  peut  étonner  ta  foi  : 
Mais  le  propo(è*t*on  à  notre  intelligence  ? 
Non ,  l'Eglife  ne  veut  que  notre  obéïflance  | 
Et  nous  fommfis  heureux  que  (on  autorité 
Fixe  de  nos  efprits  la  vaine  liberté. 
Reviens  donc  oii  tu  vois  de  l'Eglife  régnante! 
Le  pouvoir  fuccclCf  «.  lautoricé  coaftante  % 


L  I  V  R  E    X  V.  48J 

AbandoBne  an  parti  qui  va  t'abandonner  5  

Oiic*en  donne  Tcxcmplc ,  &  tu  dois  le  donner.         Gines' 
Toi  ,  que  la  probité  peut  prendre  pour  modelle^ 
Ami  tendre ,  fincere  »  ardent ,  fage ,  fidelle  i 
£{prlt  rare  &  charmant  >  né  pour  les  grands  eoH 

plois  » 
Et  que  (baTent  ton  Prince  honora  de  (on  choix  « 
Fais  de  ces  dons  da  Ciel  un  falutaire  ufage  ; 
Qae  ût  Grâce  en  ton  cœur  achevé  Ton  ouvrage. 
Réponds  aux  juftes  vœux  «  au  zélé  d'un  grand  Roi  § 
Inflmît  par  la  Sageflè ,  animé  par  la  Foi  ; 
D*im  Roi  viâorieux ,  dont  Tadive  prudence 
Concerte  Tes  projets  avec  la  Providence  » 
£t  (çait  que  le  pouvoir  n'efl:  remis  en  Tes  mains  # 
Que  pour  le  con(àcrer  au  falut  des  humains. 
Tant  d'ennemis  vaincus  fai(bient  peu  pour  fil 

gloire  'y 
Il  trouve  en  fes  Sujets  fa  plus  belle  vidolre. 
A  ceux  qui  (ans  (bnger  à  leur  aveuglement , 
Dans  le  Cân  dé  l'erreur  dormoient  négligemment  « 
Ce  Roi  fait  éprouver  Theureufe  violence 
Qui  de  ce  froid  (bmmeil  tire  leur  nonchalance  : 
A  ccox  qoi  s'égaroient  fans  vouloir  s'égarer  » 
Il  offre  le  flambeau  qui  doit  les  éclairer  : 
A  ces  cœurs  endurcis  que  le  fecours  irrite , 
Qu'une  erreur  obftinée  entraîne  &  précipite  » 
Il  montre  fa  puilfance ,  &  d'un  pieux  effort  * 
Malgré  leur  défefpolF  les  pouflè  dans  le  port. 


484       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Qu'ils  ne  fc  plaigncDC  point  que  des  ordres  févércs 

£N£ST.    R'évoquent  les  Edics  accordez  à  leurs  Pères. 
Si  le  malheur  des  tems  a  pu  les  établir  • 
Un  tems  plus  favorable  a  du  les  abolir.  • 
Pour  le  repos  public  ces  loiz  furent  didlées  • 
Pour  le  bonheur  public  elles  (ont  rétradlées. 
Quand  la  France  livrée  à  Con  emportement , 
Dans  fes  fanglantes  mains  tenoit  l'acier  fumant , 
Et  d'une  aveugle  erreur  contre  elle-même  armée , 
Exerçoit  fur  fon  fcin  fa  rage  envenimée  , 
Les  temples  de  Terreur  Ce  purent  élever  ; 
Ce  n'écrit  qu'à  ce  prit  qu'on  pouvoir  la  (àuver  : 
Mais  la  même  pitié  qu*on  eut  alors  pour  elle , 
De  fes  malheurs  paflez  la  mémoire  cruelle. 
En  détruifant l'erreur,  doit  faire  prévenir 
Ceux  qui  pourroient  cncor  menacer  l'avenir  j 
Arracher  ce  levain  des  fureurs  parricides , 
Qu'enfantent  les  efprits  de  nouveautcz  avides  ; 
Dont  les  coups  inhumains  font  d'autant  plus  mor- 
tels, 
Que  leur  acharnement  croît  fèrvir  les  autels. 
Venez  tous  5  achevez  l'union  défirée , 
Qui  d'un  commun  bonheur  nous  promet  la  durée  1 
Et  par  qui  cet  Etat  û  craint  &  fi  puiflant. 
Doit  être  pour  jamais  tranquille  &  fioriflant. 
Si  c'eft  un  fang  François  qui  coule  dans  vos  reines. 
Si  pour  les  loix  du  Ciel ,  fi  pour  les  loix  humaines  , 
Si  pour  votre  ^ays ,  pour  vous ,  pour  vos  oeveipt  ^ 


L  ï  V  R  E    X  V.  485 

Votre  erpric  peut  jamais  former  d*uciles  vcrux  ^ 
Qu'au  pied  des  vrais  autels  votre  retour  (incere        Gens 
Présente  de  vos!  cœurs  Thommage  volontaire. 
Qa*un  tendre  amour  fu^cede  à  votre  injufte  effroi  > 
Louis  agit  pour  vous  plus  en  père  qu'en  Roi  : 
Forcé  dans  fes  rigueurs ,  contraint  dans  Tes  me- 
naces , 
Sa  main  eft  bien  plus  propre  à  répandre  des  grâces* 
Réunis  avec  nous  dans  une  aimable  paix. 
Venez  nous  difputer  Thonneur  de  fes  bienfaits. 
Bien- tôt  de  ce  grand  Roi  la  bonté  généreufe 
Ne  fera  de  l'Etat  qu'une  famille  heureufe , 
^£t  nous  va  tous  combler  de  ces  biens  précieux 
Qu'à  (on  augufte  régne  ont  réfervé  les  Cieux. 

ExTUAXT  DIS  Principes  de  Philosophie. 

De  U  Vue. 

Llot^OR  ANT  e(l  frappé  de  même  que  le  Sage. 
Dans  ces  corps  infinis  à  nos  regards  offerts  > 
Dans  ces  champs  étoilez  à  nos  yeux  découverte , 
Notre  esprit  voit  l'Auteur  de  cet  immenfè  ouvrage» 

A 

Ces  peuples  différens  de  mœurs  &  de  lattages  » 
Qui  du  vafte  Océan  occupent  les  dcuz  bords  , 

Les  Barbares  les  plus  fauvages 

Xatendent  ces  divins  accords. 

Sfii) 


48^     BIBLIOTHEQUE     POETIQUE. 

Avec  qaelle  vafte  étendulf , 
ENEsr.  QïicUc  variété  s'exerce  notre  vûë  ? 

Ceft  le  premier  des  fens ,  le  moins  matériel } 
Ceft  le  plus  merveilleux ,  le  plus  univerfè^ 

Dans  Gi  vltefTe  inconcevable  > 
Ceft  loi  qui  de  l'efprit  fuit  mieux  le  mcaYcmeor  ^ 
Et  (è  trouve  le  plus  capable 
De  fervir  au  raifonuement. 

De  r Aurore  au  Couchant  le  regard  fe  promené  % 
Par  les  feux  de  la  nuit ,  par  le  flambeau  des  jours  9 
Nous  (bmmes  éclairez  fur  cette  immenfè  (cène , 
Qui  toujours  eft  la  même ,  &  qui  change  toujours» 
Cet  œîl ,  du  corps  humain  Tornement  &  le  guide  » 
Infatigable  agent  de  Tefprit  curieux  » 

Vivant  tableau  >  miroir  ingénieux  • 
Montre  en  fou  petit  cercle  «  9c  l'empire  liquidé  # 
Et  l'immenfè  voâte  des  Cieux. 

Si  dans  notre  cerveau  la  lumière  étincelle  » 
Sans  que  rien  du  dehors  aux  yeux  vienne  éclater  % 

Les  couleurs  y  naîtront  comme  elle* 
Sans  qu'à  Textérieqr  on  les  fafle  exifter. 
Lorfque  tout  l'horifon  au  matin  fe  redore  $ 
Qu'à  l'afpeâ  du  Soleil  tout  brille  dr  fe  colore  « 
Songeons  que  les  cC:::!'J>tû  riants  &  fi  verds 
N'ont  point  en  eux  l'émail  dont  ils  fcirrb.^  (Oa-* 
verts. 


■ .      „^.  que  de  Veau  fimple  ec 

R  „c  .oyons-nous  pas  qu 

'"":ceaaae«.ftalq«««-f-°'^"" 
Qa'anmotceaa  o      ,  concevoir  • 

Oûri-ae~^"':f;;';iventnousfmouvo«. 
P«ac.ivescoul^«P  Viofe. 

^°"'  ^^X!c  ce  qui  le  caufc  v 
te  fenùment  à  ave       H^  ^.^  ^^^^.,,^ 

.    .    •    •    •   ;.  'noire œil. cebelotgane, 
•    ôbfetvonsavecComnot«  ^^^^^^^^^^^^^^ 

p^  rOuvàer  divin  k^^^  ^  aiapbanc . 

Tt  laiffc  entrer  piûsj»^     ,  x  u  mouvoir  s 

^^„  plus  ou  moins 

^ol}etsqueno.sVOulonsvo«. 

Itpttdcptomptsre^^J       ^^i,fig„c, 
Uttencbangeantda^et  ; 


4S8      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Quand  la  .prunelle  au  jour  ouvre  l'entrée, 
H2$T.  ^^  ^o^s  humeurs  ,  l'aqueufe  ,  la  vitrée  » 

£t  celle  du  milieu  »  lentille  de  eriftal , 
Dans  l'aébion  de  rœil  ont  l'emploi  principal. 
Tranfparent  au  dedans ,  borné  de  (es  tuniques  , 
Les  rayons  envoyez  d'un  point  de  quelque  objet , 
Font  en  traverfant  Tœil  un  fi  jufle  trajet , 
Que  tous  au  même  point  viennent  aux  nerft  opti- 
ques. 
D*un  ré&au  chaque  èrbîte  au  font  eft  capiflé  » 
Par  Tun  &  l'autre  nerf  en  filets  difperfé  > 
Ils  forment  la  réçine  ou  l'atteinte  eft  reçue 
Des  objets  éclairez ,  pré(èns  à  notre  viië. 
Là  ce  Cens  délicat  fait  (es  enchantemens  1 

Comme  fur  une  toile  nue  > 
MHle  &  mille  tableaux  nsiiffcnt  à  tous  momeas» 

Tant  de  fujets  placez  dans  la  vafte  étenduH  > 
Qu'autour  de  nous  nous  voyons  répandue , 
En  ce  petit  efpace  impriment  leurs  portraits. 
Autant  que  chacun  d'eux  nous  touche  de  plus  pris  « 
Sous  un  plus  grand  volume  une  image  eft  connue  ^ 
Autant  que  de  plus  loin  ils  font  fentir  leurs  traits  » 
Cette  même  peinture  à  nos  yeux  diminue  ; 
Enfin  plus  ces  objets  de  loin  font  apperçus  j 
Plus  des  extrêmitez  de  leur  fuperfîcie 
Ils  viennent  frapper  l'œil  par  des  angles  aigus  » 
Et  parolâeot  toujours  plus  folbles ,  plus  confus^ 


f 


L  I  V  R  E    X  V.  485 

Par  trop  d*éloignement  rimagc  eft  obfcurcie  , 

Tant  que  (a  pecicefle  aboutiiTc  en  un  point,  ^^NJ 

Elle  Ce  perd  alors  ,  &  Tocil  ne  la  voint  point.. 

De  crainte  qu'on  ne  s'imagine 
Qœd'un  (yftéme  vain  nous  voulons  nous  flatter  » 
Si  Tart  humain  s*ef!brce  d*imiter 

L'ouvrage  d'une  main  divine , 
Si  (bus  ta  forme  d'œil  une  adroite  machine  , 
Par  un  verre  taillé  nous  peut  repréfenter 

L'effet  de  l'humeur  criftaline , 
£t  qu'on  place  un  vélin  au  lieu  de  la  rétine , 
Od  les  rayons  unis  Ce  puiflent  arrêter , 
Des  objets  du  dehors  nous  avons  la  peinture  1 
Le  vélin  en  reçoit  les  fidelles  portraits , 
Alnfi  que  dans  notre  œil  chaque  objet  s'y  figure 

Avec  fès  couleurs  &  (es  traits. 

Far-Ià  jugeons  de  l'csit  &  de  Tes  vrais  ufâges  : 
U  nous  Cert  (èulement  à  former  les  images , 
Autant  qu'il  eft  bien  difpofé , 
Et  que  par  des  vitres  plus  nettes  , 
Et  par  des  tailles  plus  parfaites 
La  Nature  Ta  compofé. . 

Aux  Caméléons  de  Ma/iemoi/elle  de  ScVDBRT. 

Vous  vivrez  à  jamais  au  Temple  de  Mémoire: 
Sapho  vous  donne  place  en  (es  divins  Ecrits. 
Sa  main ,  qui  des  vertus  f$ait  difpenferlepriz  ^ 


490    BIBLIOTHEQUE  POETIQUE. 

«  ■         .  _ 

Va  trisicer  Yocre  aimable  hiftoire; 
Sene£T.  On  voit  de  vos  tableaux  Tes  cabinets  parez  : 

•    Partout  dans  des  cadres  dorez  > 
Le  peintre  ingénieux  a  mis  ces  riches  toiles  % 
Jamais  d*un  animal  le  (brt  ne  brilla  tant  \ 
Ecceux  qui  (ont  là  haut  transformez  en  écoikf  » 
Ont  un  bonheur  moins  éclatant. 


L  ir  R  E     X  V.  4^1 


CHA  ULIEU. 

lUlLLAUME  AmFRYE   DE 

CHAULiEu,Abbé<l'AumaJ,  c«*" 

LIEU» 

Prieur  de  Saint  Georges  »  ea 
rifle  d'Oléroi»,  de  Poitiers,  de 
Renel  &  Saint-Etienne ,  Seigneur  de  Foo. 
tenay ,  naquit  dans  cette  Terre  en  1 6^g. 
Son  perc  Jacques-Paul  Amfiye  de  Chau* 
lieu  1  ëtoit  Maître  des  Comptes  à  Rouen  & 
Confeiller  d'Etat  à  Brevet.  Il  ayoit  été  em^ 
ployé  par  la  Reine  Mère  &  par  le  Cardinal 
Mazarin  i  l'échange  de  la  Principauté  de 
Sedan;  &  ce  fut  le  fuccès  de  cette  négo* 
dation  qui  lia  Mef&eurs  de  Chaulieu  avec 
la  Maifon  de  Bouillon.  Celui  dont  il  s'agit 
ici  eut  l'avantage,  prefque  au  fortirdu  Colr 


t  Ce  Prieaiéeft  d'environ  17  à  1 S  mille  livres  de  rente* 
Cétoit  M.  le  Grand-Prieur  de  Vendôme  qui  le  lui  avoic  con- 
féré ,  &  c'eft  en  partie  aux  bienfaits  de  ce  Prince  qUe  M. 
TAbbé  DA  Chaulxev  écoic  tedeyable  d*une  aflesgtofle  for* 
tune. 


•n 


ÎH  AU- 
I.  1£U. 


49%       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Ieg€ ,  d^avoir  entrée  dans  la  noeilleure  com- 
pagnie ;  chofe  bien  avantàgeufe ,  8c  même 
absolument  néceiTaire  aux  Gens  de  Lettres , 
qui  ne  deyroient  jamais  écrire  que  pour 
elle,,  M.  le  Duc ,  M.  le  Prince  de  Conti  j 
&  Meflîeurs  de  Vendôme  honoroient  de 
leur  eftime  &  même  de  leur  amitié  l'Abbé 
DE  Chaulieu  ;  &  ce  fut  furtoutavec  eux 
qu'il  fit  ce$  moiflbns  abondantes  de  tours 
liobles  &  de  mots  heureux  qui  carafterîfent 
fes  Poëfies.  S'il  eft  quelquefois  négligé  jut 
qu'à  fe  mettre  audeffus  des  régies  de  l'Art; 
il  a  je  ne  fçai  quoi  d'original  qui  le  difKn- 
guera  toujours  des  Poètes  de  profeflîon.  Il 
tamenoit  tout  à  la  beauté  des  images,  &au 
fentiment  :  mais  à  juger  de  certaines  maxir 
mes  qu'il  a  répandues  dans  quelques-unes 
de  fes  Pièces ,  on  croiroit  volontiers  que 
l'Auteur  fe  picquoit  un  peu  d'être  ce  que 
de  certaines  gens  appellent  efiritfort.  Il 
cft  mort  à  Paris  dans  fa  belle  maifon  du  Tem- 
pie  le  2j  Juin  1720.  âgé  de  quatre-vingt- 
quatre  ans. 


LI  VR  E    X  V.  4^5 


MADRIGAUX, 

h 

m 

QUe  mon  Berger  me  plaît  2  mon  ame  en  cft 
ravie. 
Cequ*ildic,  ce  qu'il  falt>  coateft  pleiad*agré« 
ment  : 

Qa*avec  plaidr  j*ai  fait  ferment 
De  paflèr  avec  lui  le  refte  de  ma  vie  i 

Ih 

7e  vous  attends  toujours  avec  impatience. 
Du  plaifir  de  vous  voir  mes  yeux  font  enchantez* 
Un  moment  loin  de  vos  beautez 
Me  paroit  une  longue  abfence. 
Jfe  fens  de  fècrets  mouvemçns , 
Tels  que  fi  d;^ns  mop  cœur  s'alluipolt  une  flammet 
Commcat  vous  expliquer  le  trouble  de  mon  ame  l 
Je  ne  fçai  pas  le  nom  des  tran(pons  que  je  fens. 

III. 

Le  filence  &  la  paix  régnent  dans  ce  boccage  ^ 
Le  calme  de  ce  beau  féjour 
N*e(l  troublé  que  par  le  ramage 
Des  hôtes  de  ces  bois  qui  chantent  leur  amour, 
Oi féaux ,  dans  Tardeur  qui  me  preffe  ^ 
Hélas  !  je  ne  puis  coxnme  you$ 


Ch  A 


494    BlBLlOTHEqUE   POETiqUE. 

Exprimer  par  vae^  chants  rexcès  de  ma  tendreflè  • 
^  K  A  u-    Mais- j'ai  feul  plus  d'amour  que  vous  n'en  avez  tout. 

IV. 

Thione  ,  tu  Youlois  à  la  £mple  amitié 
Réduire  les  ardeurs  de  ma  naiffante  flamme  % 
Et  tu  croyoîs  avoir  trop  fait  de  la  moitié , 
D'écouter ,  fous  ce  nom,  les  tranfports  de  mon  amc» 
Enfin  tu  rends  juftice  à  mon  amour  extrême , 

Et  le  nom  d'Amant  m'eft  permis. 

Ah  !  combien  je  fens  que  je  t'aime , 
Depuis  que  j'ai  ceflé  d'être  de  tes  amis  2 

V. 

Apre's  de  longs  foupirs ,  j'ai  fléchi  maClimenc* 
Depuis  cet  heureux  jour ,  je  fcns  mourir  un  feu 
Qui  brûla  tout  le  tems  quelle  fut  inhumaine. 
Hélas  !  fl  tes  plaints  »  Amour ,  durent  fi  peu  » 
Pourquoi,volage  Amour>  coûtent-ils  tant  de  peine  f 

VI. 

Mille  fois  plut  touché  d'un  ruifleau  qui  moivf 
xnure  * 

Que  de  tous  ces  vains  ornemens  ^ 
Fils  de  l'art  &  de  l'impodure  » 
Je  me  fais  des  amufemens 
De  tout  ce  qu'à  mes  yeux  préfente  la  Nature. 
Quel  plaifir  de  la  voir  rajeuair  chaque  jour  { 


LIVRE    XV.  4py 

Elle  rie  dans  nos  prez ,  verdie  dans  nos  boccages  » 
Fleurit  dans  nos  jardins ,  &dans  les  doux  ramages 
Des  oifeaux  de  nos  bois  elle  parle  d^amour* 
Hélas  !  pourquoi  faut- il  »  par  une  loi  trop  dure  » 
Que  la  jeuncfTe  des  fai(bns  , 
Qui  rend  la  verte  chevelure 
A  nos  arbres,  à  nos  buiflbns  « 
Ne  puifTe  ranimer  notre  machine  ufée ,   • 
Rendre  à  mon  fang  glacé  fa  première  chaleur , 
A  mon  corps ,  à  mes  fcns ,  leur  première  vigueur  » 
£c  d'cfprits  tout  nouveaux  réchauffer  ma  penféc } 

RONDEAU. 

'  Sur  h  traduâion  des  Métamorfhofes  iOvide  m 
Rondeaux  par  M.  de  Benferade, 

Pour  les  Rondeaux,  Chants  royaux  U  Balad^ 
Le  tems  n  cft  plus.   Avec  la  vertugadc 
On  a  perdu  la  veine  de  Cli*ment': 
Cétoic  un  Maître ,  il  rimpit  aifément  j 
Point  ne  donnoit  à  fcs  vers  l'eftrapadc» 

'  Point  il  ne  faut  de  brillante  tirade  , 
De  jeux  de  mots,  ni  d'équivoque  fade  % 
Mais  un  facile  &  fîmple  arrangement 
Pour  des  Rondeaux* 

.Cela  pofé ,  notre  ami  Benserade 
N'cût-il  pas  fait  beaucoup  plus  ûgemcnK 


4> ^    BIBLIOTHECI UE    PO£Tiq(/E, 

De  s*en  tenir  à  la  pantalonade  » 
^H  A  u-       Que  de  donner  au  Public  haxdimenc 
WRf»         Maint  iquolibet ,  mainte  turlupînadç 

Pour  des  Rondeaux }  ? 

Stances  mifes  en  chant* 

Qui  de  chagrins  >  de  toormens  &  d*al]armer« 
Ingrate  Iris  »  tes  rigueurs  m'ont  coûté  l 
ïaut-il  encor  que  je  ver(è  des  larmes 
Pour  déplprer  ton  infidélité  ? 

Tu  me  jurois  une  amour  éternelle  » 
Et  cependant  tu  me  manques  de  foi  \ 

Croîs- tu  trouver  un  Amant  plus  fidelle  ! 
Il  n'en  eft  point  qui  t'aime  autant  que  mol. 

Ce  beau  Berger ,  à  qui  tu  voudrois  plaire  , 
Sent  pour  Philis  &  pour  toi  même  ardeur  : 
Quand  tu  m*aimois  »  la  Reine  de  Cytherc 
N'eût  pas  trouvé  de  place  dans  tpon  cœur. 

Tes  faux  fermens ,  ni  tes  trompeufes  larmes i 
N'ont  pu  ternir  l'éclat  de  ta  beauté  : 
Reviens ,  Iris  j  en  faveur  de  tes  charmes 
Je  ferai  grâce  à  ta  légèreté. 


1  Ce  Rondeau  ,  fi  célèbre  en  fon  genre ,  fut  le  premier 
ouvrage  qui  fit  connoître  la  fineflc  du  goût  de  TAbbé  Ja 
Çhauliiv  ,  &  Cçs  talcns  pour  la  Pofcûc, 


L  I  V  R  E    X  V.  497 

r  U  fête  que  M.  de  MalezJeux  donna  k  Monfieur^ 

^  Madame  la  Duchejfe  du  Maine  »  à  Chaftenxy       C  H  A  i 

.    aiêmoisdejuin  lyoy  I^IEU. 

Quel  eft  cet  homme  admirable  , 
Cet  Opérateur  i  charmant  « 
Qui  d'un  (peâacle  agréable 
Fait  naître  un  enchantement  ? 

Des  plaifirs  d'une  Bergère 
^  Il  fçait  amufer  les  Dieux  : 
A  tant  de  tatens  de  plaire 
Je  reconnois  Malezieux. 

Parmi  la  magnificence 
D*une  fête  de  la  Cour  > 
Tout  reipire  l'innocence 
'    Du  plus  champêtre  féjour. 

Ici  la  reconnoiflance 
Répond  toujours  aux  bienfaits  5 
Ni  les  fiécles ,  ni  rabfencc 
Ne  reffaceront  jamais. 

Du  Maine  fi  re(peâable , 


M.  de  Malezieux  ourtoic  la  fSte  fous  la  figure  d'un  Oyé- 
uc  Chinois ,  qui  avoir  toutes  fones  d'efTences  admirables^ 
Seigneurie  de  Fontenay ,  qu'il  tenoic  de  la  libéralité  du 
ice  Se  de  la  Princcfle  ,  fut  l'occafîon  de  cette  fère  où  il 
,ala  magnifiquement  fa  icco^oiflàocc. 
Terne  III.  T  t 


499       BiBLIOTHEgUE    POETIQUE. 

Digne  fille  de  cent  Rois  , 
t  A.  u«  Se  borne  à  parokre  aimable  r 

i£Vt  Dès  qu'elle  eft  parmi  nos  bois» 

Dans  cette  belle  contrée 
Tout  Berger  eft  Céladon  » 
Chaque  Bergère  eft  Aftrée  » 
Et  tout  ruifTeau  le  Lignon. 

Nos  beautez ,  pour  toutes  armes  ^ 
K'ont  que  le  pouvoir  des  yeux  ; 
L'art  n'ajoute  rien  aux  charmes 
Qu*elles  ont  reçus  des  Cteux. 

Leurs  miroirs  (ont  nos  fontaines  > 

Ainfi  que  des  autres  fleurs  y 
Les  Zéphirs  par  leurs  haleines 
De  leur  telut  font  les  couleurs. 

Eloge  de  U  vie  Chamfitre^ 

D&SERT ,  aimable  fblltade  y 
Séjour  du  calme  &  de  la  paix  > 
Afîle  «  oii  n  entrèrent  jamais 
Le  tumulte  &  Tinquiétude» 

Quoi  i  j*aurai  tant  de  fois  chanta  % 
Aux  cendres  accords  de  ma  lyre  , 
Tout  ce  qu'on  fouffre  fous  l'empirQ 
De  r  Amoar  de  de  la  Beauté  ; 


LIVRE     XV.  4>,^ 


Et  plein  de  la  reconnoi (Tance 
De  CDBS  les  biens  que  tu  m*as  faits ,  C  h  a'\ 

Je  laîffcrai  danV  le  filchce  itiij 

Tes agtémens& tes  bienfaits?  '     ' 


.\ 


.  Ceft  toi  qui  me  renjs  à  aïoi-mémc  j 

ïu  calmes  mon  cœur  agité  ^ 

£t  de  a>a  feule  oiiîveçé 

Tu  me  fais  un  bonheur  extrême  ! 

■  Parmi  CCS  bois  &  ces  kameaui  , 
Ceft*  là  que  je  commence  à  vivre  ^ 
Et  j'empêcherai  de  m'y  fuivre 
JtÇ  fouyenir  de  tçus  mes  maux. 

^  Emplois  >  grandeurs  tant  défîrécs , 
7*ai  côhnd  vos  iîluJIdns  ; 
ItM^toln  dés  préventions 
Qui  fijrgent  vos  chaînes  dorées. 

La  Cour  ne  peut  plus  m'éblouir  : 
Libre  de  fon  joug  le  plus  rude  > 
J'ignore  ici  la  fervitude 
B&  lotttr  qui  je  dois  haïr* 

Fils  des  Dieux  »  qui  de  flaterîes 

Kepai{{è.z  votre  vanité , 

Apprenez. que  la  yérîté 

Ke  s'entend  que  dans  ûos  prairies. 

Ttij 


joo      BIBLIOTHEQUE    FOETIQUE. 

Grote  *  d'ôii  (brc  ce  clair  luifleaa  » 
De  mouiTe  Se  de  fleurs  capiiTée  « 
N'entretiens  jamais  ma  pep{& 
Que  du  murÎBure  de  ton  eau. 

fiannlflons  la  flateufè  idée 
Des  honneurs  que  m'avoient  promis 
Mon  fçavoir  faire  &  mes  amis , 
Tous  deux  maintenant  en  fumée.. 

Ah  !  quelle  riante  peinture 
Chaipe  jour  (è  montre  à  mesyeazy 
Des  tréfbrts  dont  la  main  des  Dieux 
Se  plaît  d*earichir  la  Nature  ! 

Quel  plaiHr  de  voir  les  troupeaitt  • 
Quand  le  Midi  brûle  l'herbette  ,  ^ 
Rangez  autotu:  de  la  houlette  « 
Chercher  Tombre  (bus  les  ormeaux:.! 

Puis  fiir  le  fi>ir  à  nos  mufèttes 
Cuir  répondre  les  échos , 
£t  retentir  tous  nos  côceauz 
De  hautbois  &  de  chanfbnnettés  ! 

Mais  hélas  I  ces  paifibles  jooxi 
Coulent  avec  trop  de  vîtefle  ^ 
Mon  indolence  de  ma  pareflè 
N'en  peuvent  anêter  le  cours. 

Déjà  la  Yieilleilè  s'avance  s 


m 


m 


Xfl  V  R  E    XV. 


sot 


£c  je  verrai  dans  peu  la  Mort 

Exécuter  l'arrêt  du  Sort 
•    Qui  m'y  livre  fans  e(pérance. 

Fontenay  »  lieu  délicieux  y 
Ou  je  vis  d'abord  la  lumière  ^ 
Bien-tôt  au  bout  de  ma  carrière* 
Chex  toi  je  joindrai  mesayeux. 

'    Mu{ès  ,  qui  dan$  ce  lieu  champêtrâ 
Avec  {pin  me  fîtes  nourrir^ 
Beaux  arbres  >  qui  m'avez  v&  naître  ^ 
Bien-tôtvVOûs  me  verrez  mourir^ 

Sur  U  Retraite, 

TOtrx  refpire  à  la  Cour  l'erreur  &  l'impodure  t 
le  Sage  avant  fa  mort  doit  voir  la  vérité. 
Allons  chercher  des  lieux  où  la  fimple  Nature  » 
JRiche  de  (es  feuls  biens ,  ait  toute  Ùl  beauté* 

Cefl-là  que  jouifTant  de  mon  indépendance , 
Je  ferai  mon  Héros  /mon  Souverain  ,  mon  Roi  ( 
£t  4u  peu  que  je  vaux  la  flateufe  ignorance 
Ne  me  laiflera  voir  rien  au  deflus  de  moi. 

Je  confulte  fouvent  le  criftal  d'un  rul/Teau  : 
Mes  rides  s'y  font  voir  \  par  ces  véritez  dures 
J'accoutume  mes  (èns  à  l'horreur  du  tombes^u* 

Cependant  quelquefois  un  refte  de  foibleffe* 
Rappellanc  à  mon  coeur  quelques  tendres  déiirs  '| 


Chav' 

LXZV« 


501    BIBUOTHEqUE    POtTiqUE. 

En  dépit  des  leçons  que  me  fait  la  vieillefle  « 
^  H  AU-   Me  laiâc  encor  jouir  de  l'ombre  des plaifirs. 

Nos  champs  du  fiéclc  d'or  confèrTant  l'inno^ 
cence , 

Nous  ne  la  devons  point  à  la  ngneur  des  lois  ^ 
Sur  la  bonne  foi  feule  on  rie  en  aânrance , 
Et  le  guet  ne  £ût  point  le  calme  de  nos  bois^ 

Ni  le  marbre  »  ni  Tor  n'embellit  nos  fontaines  : 
De  laoBoàflè  &  des  fleurs  en  font  tes  omeinens  \ 
Mais  Gir  ces  bocds  faeoreoz  y  loin  des  foins  &  des 

peines  » 
iAmarille  &  Daphnis  de  leur  (brt  font  contens»- 

Ma  retraite  aux  neuf  Soeurs  tft  toujours  cbh-^ 
fkcrée  : 
Elles  m'y  font  encore  entrevoir  quelquefois 
Venus  danlànt  au  frais ,  àt%  Grâces  entourée  $ 
Les  Faunes,  les  Syl vains  &  les  Nymphes  des  bois. 

Mais  éloignant  bien-tôt  ces  douces  rêveries  « 
J'examine  le  cours  &  l'ordre  des  faifons  \ 
Et  comment ,  tous  les  ans ,  à  l'émail  des  prairies 
Succèdent  les  tréfors  des  fruits  &  des  moiflbns» 

7e  contemple  à  lolfîr  cet  amas  de  lumière  > 
Ce  brillant  tourbillon ,  ce  globe  radieux  \ 
Et  cherche  s'il  parcourt  en  effet  fa  carrière  , 
Ou  fî  fans  fè  mouvoir  il  éclaire  les  deux* 


1  -t     I 

LI  V  R  E    X  r.  ycyf 

Piiis  de-là  cout-à-coup  élevant  ma  penfife 
Vers  cet  Etre ,  da  Monde  Se  Maître  Se  Créateor  »       C  B  A  f  « 
Je  me  ris  des  erreurs  d'une  Sede  infenfée  »  iXEU* 

Qui  croit  que  Ichazard  en  peut  être  l'auteur. 

Extrait  stune  Efitre  à  M.  le  Marquis  4$  U  Fan» 

Aui  >  de  qui  l'efprit  &  délicat  &  fin , 
Prompt  en  expédiens ,  en  reflbnrces  ferrite , 
Découvre  d'un  coup  d'oeil  les  moyens  &  la  fin  , 
Tu  ne  trouveras  rien  qui  ne  te  Toit  facile  ^ 

Et  tu  verras  tes  agrémens  > 
Rates  aux  gens  d'Etat ,  &  pourtant  néceflàixes  ^ 

Des  plus  épineufes  affaires 

Te  faire  des  amufemens. 

^infi  ,  parmi  des  mouvemens 

Dont  l'embarras  paroît  extrême  ,     .      .  ^ 

Le  Sage  trouve  des  momens 

Pour  habiter  avec  lui-même. 
Surtout  que  ta  grandeur  n'enfie  point  ton  courage;^ 
Avec  un  efprit  hauc,  mêle  un  accueil  fi  doux  , 
Que  qui  de  ta  fortune  auroit  été  jaloux  > 

Te  pardonne  tout  l'avantage 

De  fon  odieufe  fpleudeur» 

En  faveur  du  modefte  ufagc 
,  Que  tu  feras  de  ta  grandeur. 
Mais  hélas  !  quoi  qu'on  puifTe  faire  j 

la  prudence  ne  (èrt  de  rien  j 
La  Fortune  eft  femme  Se  légère  » 


WmamÊmÊÊmmmÊÊaÊaÊÊÊÊmÊÊmaÊmmtmÊmmmÊimÊmmmmÊÊmmÊmÊÊÊÊm 

504       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Son  caprice  eft  (on  Ccal  lien. 
^HAU-  Des plas aimables  Maîtrelfes 

1.IEV.      £l]e  a  l'empreiTement  &  la  vivacité  j 

Mais  Ces  infîdelles  carefles 

Tiennent  de  leur  légèreté. 

Tremble  donc  âa  milieu  de  la  profpérlté  : 

Quand  d'an  mouvement  de  fes  ail^  / 
Ia  volage  Divinité 
Portera  fes  £ivears  nouvelles 
Chez  un  bien  moins  digne  que  toi  ^ 
Pr£t  à  lui  pardonner  Con  manquement  de  foi , 
Remets-lui  les  préfens  dont  fes  mains  infidelles 
Tavoient  fi  richement  doté  ; 
£t  feulant  aux  pieds  fes  largeflès  « 
Préfère  à  Téclat  des  richelTes 
Une  honorable  pauvreté. 
Ceft  lorfque  tu  verras  la  troupe  fugitive 
De  tous  ces  complaifans  difparoître  à  tes  yeux  ^ 

Et  leur  amitié  trop  craintive 
Qui  te  cherchoit  panout ,  t*éviter  en  tous  lieux. 
A  ces  adverfitez  oppofe  un  front  d'airain  > 
Reçois  d*un  vifage  fèrein 
La  nouvelle  de  ta  défaite  : 
£t  fais  >  pour  t*en  venger ,  une  prompte  retraite» 
Ne  va  point  par  des  cris  exhaler  ta  douleur  ; 
Qu'elle  (bit  fage  &  circonfpeâe , 
ït  que  ton  (îlence  refpeéle , 

L'ÎDJufiice  de  ton  malheur. 

Icouic 


L  I  V  R  E    XV.  jof 

Etooffe  dans  ton  coeur  tout  tetour  de  tendrefle 
Vers  iin. objet  ingrat  de  ta  tendre  amitié  » 

Et  chafTe ,  comme  une  foiblefTe  • 
L'indigne  (èntiment  d'aller  faire  pitié. 

Va  plutôt  «  d'une  ame  hardie  » 

Suivre  le  fentier  peu  battu 
De  ceux  qui .  comme  moi  >  bravent  la  perfidie 

D'amis ,  dont  le  cœur  abattu 

LaifTe  le  menfonge  &  Tenvie 

Attaquer  la  plus  belle  vie  » 

Et  fairo  injure  à  la  vertu.  ^ 

AM.  lzPbince  d'Auvergne. 

En  vain  la  Nature  épuifée 

Tâche  à  prolonger  fagement  y 
Par  le  fecours  d'un  vif  &  fort  tempéramment , 
La  trame  de  mes  jours  que  les  ans  ont  ufée  > 

Je  m'appcrçois  à  tout  moment 

Que  cette  mère  bienfaifante 

Ne  fait  plus ,  d'une  main  tremblante  | 

Qu'écaycr  le  vieux  bâtiment 

D'une  machine  chancelante. 

Tantôt  un  déluge  d'humeurs , 

De  fucs  empoifonnez  inonde  ma  paupière  % 

Mais  ce  n'ell  pas  afTcz  d'en  perdre  la  lumière  i 

Il  faut  encor  que  (bu  aigreur 
Tom  m.  Y  ▼ 


S96      BIBUGTHEQUE    POETIQUE. 

Dans  d'inutiles  i  yeux  me  fonne  ooe  doalear» 
H  A  a-   Qui  {ênre  à  ma  Tcrm  de  plus  ample  madère. 
i^^»  LagDiirced*aaaat;e  cocé 

lie  £dc  depuis  YÏoff.  ans  un  objet  de  lôafiraiiQQ, 

Que  fais-je  en  cette  eitrémit£  2 

Xoppofe  eacor  plus  de  cgnftancc 

A  cette  longue  adverficé  , 

Qu'elle  9  a  de  perfiErérances 

Et  m'acccmtumant  à  tbofiir  , 

. rapprends  que  la  patience 
Rend  plus  légets  les  aaaux  que  l'on  ae  peut  guéctr« 
Au  milieu  cependant  de  ces  pçines  cruelles , 
De  noae  ttifte  hiver  compagnQ  trop  fidelles  , 
Je  fuis  tranquille  &g^i.  Quel  bien  plu9  précieux 
Puis-je  efpéccr  jamais  de  la  bonté  des  Dieux  ? 

Tel  qu  un  rocher  >  dont  la  tête 

Egalant  le  mont  Athos  , 

Voit  à  Ces  pieds  la  tempête 

Troubler  le  calme  des  flots  ; 

La  mer  autour  bruit  &  gronde  3 

Malgré  Tes  émotions  , 
Soc  fi>n  front  élevé  régne  une  paix  profonde^ 

Que  tant  d'agitations  > 

Et  les  fureurs  de  Tonde 
^fpe^teiit  à  régal  du  nid  des  Alcyons.... 


I  L* Auceurpçcdic  la  vûb'  quatre  ans  «.vapc  fa  mçrr. 


Il    I  •    Il 

L  I  V  R  E     X  V.  toi 

AuTHB   Fragment   de    la    mbme    Pibce. 

Le  Poetf  voit  en  effrit  les  Ché^mps  £liftes, 

Quel  fpedack  à  mes  yeux  >  &  quel  plaîfic 
nouveau  ! 
Dans  un  bois  d'orangers  qu'arrô(è  u  Aciair  rniiTeau  f 
J'apperçois  Seignelay ,  je  rencontre  Béchune  > 
£(prits  fupérleurs  »  en  qui  la  volupté 
Ne  déroba  jamais  rien  à  l'hàbilecé  , 
Dignes  de  plus  de  vie  &  de  plus  de  fortune. 
Avec  Gafton  de  Foiz  quelle  Ombre  fe  promené t  ^ 
Ah  1  je  le  reconnois,  c'^ft  le  jeune  Turenne  i 
Préfcnc  rare  &  précieux , 
Que  l'avare  main  des  Dlejat     * 
Ne  fît  que  montrer  à  la  Terre. 
Digne  héritier  du  nom  de  ce  Foudre  de  guerre  » 

A  quel  point  de  gloire  &  d'amour 
Ne  t'cuflcnt  point  porté  tes  hautes  dcftinécs , 

Si  Mars  jaloux  de  ta  valeur , 
A  la  fleur  de  tes  ans  ne  les  eut  terminées  ! 
Que  vois -je  près  de  toi  ?  c*cft  ta  mcre  éperdue  » 
Tout-à«coup  aux  enfers  depuis  peu  defcenduif  ^ 
Qui  confervaut  pour  toi  Tes  tendres  fentimens  t 
De  ce  fils  (1  chéri  vole  aux  embraffemens. 
Marianne ,  i  eft-ce  vous  ?  Le  Gel  impitoyable 

I  Marianne  de  Mancini ,  aiéce  «du  Cardinal  Mazarrn  ^ 
DucheiTe  de  Bouillon ,  &  Tune  desplus  belles  &c  desplus  fj^ 
iiciieUe»feiames  de  Ton  fiéde. 

Virij 


Cn 

Lli 


510    BIBLlOTHEQpE   FOETiqUE. 

d'une  façon  fî  étrange  dans  la  nôtre  f .  Le- 

I G  E-  Public  a  rendu  jufUce'à  fa  Tr^igédie  de  Af/* 
LKs.    ^/^  ^  qjji  a  d'aflez  beaux  endroits  j  &  à  fes- 

Idylles  ,  qiii  n'ont  guère  d'autres  défauts 
que  d*être  trop  longues. 

ExTKAiT  DE  Minis  ,  Tragédie. 

H  tft  tille  femme  cffenfie  ,  qui  maitrejf*  defs  ven»^ 
geance  y,  U  porte  itux  dermers  exch» 

MiNisTftss.  ^.  rîgQurcttx  de  mon.  courroujp 
fatal, 
Eedoucables  Tlraiis  de  TEmpire  infèro«U .» 

Dieux ,  a  terribles  Dieux  du  trépas  3c  des  ombres  l 
Et  vous.,  peuple  cruel  de  ces  Royauâies  fombres  ^ 


S  HT  un  char  éclatant  von  s  étie\  lors^fcrt/e , 
Que  de  vêtef  mo'meaux  d:^nt  ^ract  enchmiét  f 
Èar  It  milieu  des  airs  ai/ecrafidité 
Emportaient  fans  obflacle ,  O'  iCune  aile  agitée^ 
fendant  avec  ardeur  U  route  prtjentée  , 
I*Qur  amener  ici  du  Ciel  four  moi  éfuittd 
Leur  MaiireJJeinvit/e,. 

Toute  la  Pièce  e(l  écrite  à  peu  prés  diLm^e  ftile.  Pour  tra«. 
«iuirc  hcurcafcmcnt ,  ôc  furtoucen  Vers ,  des  Poëees  aufli  cé- 
lèbres qu*Honicre ,  Horace ,  Virgile  ,  bec,  H  faut  avoir  ce 
foûi ,  ce  feu  )  ce  génie ,  ce  choix  d'cxpreifions  ,  &  cette, 
icgance  concinub'  qui  fait  le  plus  grand  charme  de  leurs  Oup 
vrages. 

I  MéJée  évoQUt  les  PuilTances  de  PEofcr.  Scène.  n«. 
Aftc  lY. 


...■*i. 


L  I  V  R  B     X  V.  5ÏÏ 


TvToîrscnfansdc  la  Nuit ,  mânes  infortunez  , 

Criminels  ,  fans  relâche  à  foyfTrir  condamnez  , 
Barbare  Tyfiphonc ,  implacable  Mégère , 

Nuit,  Difcorde, Fnrcttr >  Ptrqnes ,  Monftrts ,  Cer- 
bère -, 

RecounoliTez  ma  voix ,  &  fcrvez  mon  courroux. 

Dieux  cruels  !  Dieux  vengeurs  !  je  vous  évoque  cous. 

Venez  (emer  ici  l'horreur  Se  les  allarmcs. 

Venez  remplir  ces  lieux  &  de  fang  &  de  larmes. 

KafTemblez  »  déchaînez  totis  vos  tourmcns  divers  ^ 

Et ,  s*il  fe  peut ,  ici  cranfportez  les  Enfers. 

On  m'exauce  ;  le  Ciel  fe  convrc  de  ténèbres. 

l'air  au  loin  retentit  de  hurlemens  funèbres. 

Toat  redouble  en  ces  lieux  le  filence  fie  Thorreur. 

Tx>ut  répand  dans  mon  ame  une  afFreufe  terreur; 

Ce  palais  va  tomber  *,  la  terre  mugît ,  s*ouvre  ; 

Son  (èin  vomit  des  feux»,  &  TEnfer  Ce  découvre 

Quel  eft  ce  Criminel  qui  cherche  à  fe  cacher } 

Jt  reconnois  Sifîphe  à  ce  fatal  rocher. 

Témoin  des  maux  cruels  qu'on  préparc  à  Cz  race  • 

II  Ce  cache  de  honte  ,  Se  pleure  fa  difgràce..        ^ 

Mais  quels  fantômes  vains  forteiu  de  tantes  parts  ? 

Que  de  fpc^rcs  affreux  s'offrent  à  mes  regards  ? 

Que  lie  Ombre  vient  à  moi?  que  vois- je  ?  c'efl  mon 
pcre  ! 

Qtiel  coup  a  pu  fi -tôt  lui  ravir  la  lumière? 

Cbere  Ombre  >  apprends  le -moi  ^  ma  fuite  &  m» 
fiureur, 

Va  •  •  • 
V  111} 


5xa      BIBLIOTHEQUE    TOETIQUE. 

Hflas!  t'ont  fidt  (ans  doute  ezpitcr  de  douleur.  ~ 
moi-  Xends-moi  ks  hrasda flioiû&..  Mais qucUe  Om- 
bre (aillante 
Se  jette  encre  nous  demr  »  terrible  ft  menaçante  } 

Ccft  mon  fiece*  Ooi ,  c*eft  loi  :  je  le  connols  i 

peine. 
Ak  î  pardonne  »  cherc  Ombre ,  à  ma  rageînim» 

maine. 
yardoone }  Tamoar  (èol acaofi!  ma  fintor  : 
U  (bt  ton  aflaffin ,  il  (èra  ton  vengent } 
Etfçanra  tlramoler  de  fi  grandes  TÎÔimes  , 
Qa*il  obtiendra  de  toi  le  pardon  de  Ces  crimes. 
Le  Aog*<*  Tout  di^aroit  •  toat  fuit  devant  mes 

yeux. 
T3rfiphone  avec  moi  refte  feule  en  ces  lieux. 
Noiie  fi!!e  du  Styx ,  Furie  impitoyable  » 
Ab  ^  ctflè  d*atti(èr  mon  courroux  effroyable  i 
Calme  de  tes  (èrpens  les  affixux  (ifflemens. 
l\i  ne  peux  ajouter  a  mes  reflentimens. 
Ne  (omçe  déformais  qu'à  (ervir  ma  vengeance. 
Ykiis  âf^uaSer  pour  moi  ta  rage  8c  ta  puifTance. 
Nuît>  Stvx,  Htkatc ,  Enfers  »  terribles  Déitez, 
y^onne  %  obéïflèx. 

MséifigmL 

VlTHCS  «  Jk  (^squ*Amour  fugitifs  rebelle» 
CVKl  tÀ«Y^  de  ton  fein ,  &  fe  cache  à  tes  yeux  % 


^nmmmmmmmmmÊÊÊmmmÊmmmmmmÊtaÊÊÊÊmÊmÊÊiÊÊÊmmÊÊÊÊm 

LI  V  R  E    X  r.  51  j 

Ec  que  fi  Ton  t'apprend  l'endroit  qui  le  recelle> 

Xa  promets  de  donner  un  biiier  précieux  L  ô  m  < 

Pour  prix  de  cet  avis  Hdelle  : .  nEUl 

Donne  -  moi  le  baifer  promis , 

ô  Déttk  l  ou  plutôt  ordonne 

Que  ma  Maitreife  me  le  donne  : 

Ceft  dans  Ces  beaux  yeux  qu'eft  ton  £ls.  ' 


I  Ce  Mtddgal  eft  une  craduôion  du  Marin!  »  qui  Tt  imlçl 
4'uJie  Idylle  de  Moichut  >  iuticulée  tJmmfigéiif. 


*f 


514      BIUIOTHËQUE    fOEriQUE. 

G** 

8itr  dis  Bûfjmitf^ 

T^ov  aimables  Bcf^aecs,  retraites  plas  prlfSér 
Que  celles  .que  Ton  feint  dans  les  Cbanip^ 
Elyfëes  > 
Quelle  fçavame  main  «  conftrùit  vo$  berceaux  f  ■ 
Les  uns  arciftement  fe  courbent  en  cerceaux  * 
Les  autres  en  platfbnds  s'étendent  fur  la  tête  : 
A  fai  vre  vos  contours  la  branche  eft  toujours  prête  |^ 
JEt  de  (on  verd  feuillage  entourant  yos  réduits , 
I^it  dans  les  plus  beaux  jours  les  plus  charmantet 
^      nuits. 

Odes  traduiras   D'AnAc&iQiY» 

^  O  D  B      IL 

La  BiMftti. 

La  Nature  puiiTante  &  fage , 
Donna  là  coarfe  au  lierre  &  le  vol  aux  oi(èaux  i^ 
Elle  arma  le  front  des  taureaux  , 

Et  remplit  le  lion  de  force  &  de  courage. 

Elle  apprit  aux  poifTons  l'art  de  fendre  les  etux  | 

-  L'homme  eut  la  prudence  en  panage  % 
Etla  femme ,  od  l'on  voie  tant  de  timidité  ^ 


*^      Sottnontetow  ^4, 

HflasU-cftuncnfoat  . 

-      •*  tl  ;  ouvrcx ,  )«  ^       ^ 


}U      BIBLIOTHEQVE    TOEnQVU. 

£n  XLtt  mot ,  je  lui  retids  la  vie. 
(B 4  afc^  Si' tôt  que  le  froid  l'eût  quitté  » 

Voyoas,  me  dit- M ,  fi-  k  pKiycf 
A  moa  arc  n'aaroit  rien  gâxé. 
Après  CCS  mots  il  (e  retire 
Trois  pas  eiv  arrière  »  0c  (budain 
Me  décoche  un  trait  dans  le  Cela 
Le  coup  fait ,  il  Ce  mit  à  rirc^ 
Et  me  ditd*un  air  fcélérat» 
Félicite-moi  >  camarade  ^ 
Mon  arc  eft  en  fort  bon  état  r 
Mais  je  crois  ton  coeur  bien  malaile-  n  . 

O  DB      VIL 

L'Amour  vmne^Hcur». 

Cttpidon  ;.  pour  venger  Aminte 
De  ma  froideur  pour  Tes  appasi  ^ 
Prit  une  tige  d'hyacinthe  * 
Et  me  dit  de  fuivre  (es  pas^ 
Je  les  fuivois ,  non  fans  murmure  ^ 
Par  divers  fentiets  hauts  &  bas  % 
Lorfqu'un  ferpent  par  fa  morfure 
Me  mit  à  deux  doigts  du  trépaç. 
7e  tombai  s  mais  touché  de  ma  languecu:  mortelle  i 


t  UOde  originale  t(k  fan»  contredit  ube  des  plut  belle» 
d'Anacréott  »  6c  de  toutes  le&  copies  oui  eoonc  para  |iirqii*à 
|>iéicw  >  ccUe-ti  cft  la  plus  fipiple  &  m  plut  naniriUca 


LiVREXV.  ti-j 

>ieaUdiffipadil  (èol  vent  de  Ton  aile  • 
c ,  en  me  Jevant  doiicçaiexiit  par  le  bras  »  ^     m 

AufS  pourquoi  n  aitaes-cu  pas  I 

O  D  E     t  X   Vh 

fi  HT  (fi  ^HVfurs. 

Lorsque  fai  le  verre  à  la  main» 

Je  chante  &  ne  (bnge  qu'à  rire  ^ 

Je  m'imagine  avoir  TEmpire 

Et  les  tré&rs  d'un  Souverain. 

Qju'uQ  autre  aille  donc  à  la  guerre  « 
tr  le  Çbamp  de  Mars  qu'il  finiile  fon  (brc  ; 
moi ,  je  cours  au  vin  :  garçon  »  yîte  un  gran  j 
verre. 

QWfi  p^r  un  aimaUe  efibrt 

Bacchus  me  jette  audl  par  terre , 
9olns  Ton  n'en  meurt  pas  3  &  cbacua  eftd*ac« 
cord 

Qu'il  vaut  mieux  être  y  vre  que  mort, 

Odb     XXVIL 
S  fit  h  Vin, 

* 

QirAND  par  le  doux  jus  de  la  treille 
Mon  cTprit  s'écbauffc  &  s'éveille  » 
J*aimc  l^s  bons  mots  ôf  les  vers  ; 
Et  pràsde  ma  bcliç  MaitrefTe  » 
J'çxprimf  par  d'aaiourcifx  airs 


:{ 


5X«       BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Des  fentiiiiens  pleins  de  tendrefi^ 
G  ^  ^*  LtMD  de  baimic  la  polh^iTe  , 

Elle  régie  tous  mes  défirs  i 
Et  jamais  crooblé  par  Ty^refTet 
Je  ne  rougis  de  mes  plaifîrs. 

Ode    XXX, 

Un  jour  les  oeuf  ((ayantes  Sceurs  j^ 
Par  un  aimable  tirannie , 
Après  avoir  lié  l*  Amour  avec  des  fleurs  « 
.Le  donnèrent  en  garde  à  la  belle  Uranie« 
Venus  y  pour  racheter  fen  fils^ 
De  ùl  rançon  offre  le  prix  : 
Mais  s'étant  fait  une  habitude 
De  Gi  douce  captivité^  * 
Il  préféré  la  fcrvîtnde 
Aux  charmes  de  la  liberté. 

Ode     X  X  X  V  I  I: 

Le  Tfintems» 

Voyez  comme  dans  le  PrIntemS 
Le  Ciel  ranime  toutes  cho(es  % 
Voyez  comme  déjà  les  rofcs 
5c  parent  de  feux  éclatans. 
Le  Soleil  brille  en  fa  carrière 
^'unc  plus  riante  lumière  j 


LIVRE    X  V.  519 


«««•«« 


Le  caliBe  régtic  fur  la  mec  *»  ^ 

Les  olfeaux  ont  repeuplé  l'air:  rG^'^* 

Sur  fa  branche  Tolive  verte 
'Commence  à  naître  de  fa  fleur  f  • 
Ht  la  terre  tl*épics  couverte , 
ilace  l'efpoir  du  Laboureur, 
Mais  ô  Bacchus,  monefpérance^ 
«C'cft  de  voir  que  ton  fruit  divin 
Fleurit  partouc  en  abondance  > 
$t  nous  promet  d'excellent  via* 

O  D  s    X  L. 

L* Amour  ficcpti, 

L'AMOUii  picqué  par  une  Abeille  ^ 
Au  moment  qu  il  cueiUoit  une  rofe  vermeille  $ 
Courut  tout  éploré  dans  les  bras  de  Venus  : 
Ah  !  ma  mère ,  dit- il,  je  meurs  ^  je  n'en  puis  plas« 

Je  viens  d'être  picqué. par  un  (èrpeat  qui^  vole. 
^Venus ,  pour  l'appaifer  le  flate ,  le  con(ble  ^ 

Enfui  te  riant  de  fa  peur  / 

Elle  lui  dit  d'un  ton  mocqueur> 
$1  tu  ne  peux  foufFrir  la  légère  blefTure 

Qu'une  mouche  fait  fur  ta  main  , 

Juge  par<là  des  maux  qu'endure 

l^'Amanc  dont  tu  perces  le  (]bi«« 


'!>% 


S 


MiEUOTHEf^    FOEUQUB. 


Comme  Tnlcaiii  fixgeok  de  ces  flèches  craellci 

Q3* Amoar  cnraiiiBe  de  fiel , 
Xc  dooc  Yeass  giifrît  les  aneimes  nnnelles  « 

En  j  mBaBC  an  pco  de  miel } 
Mais  cntia  daas  la  focgp  «  &  fier  d'une  TÎâoiitf 

Qui  raToic  cornooné  de  gloire  : 
Xadmire .  loi  dit-il ,  la  peine  que  to  prends  # 

Die  £ibriqiier  for  ton  eoclonie 

Des  traits  pIo9  légers  que  la  plome  » 
Et  propres  à  fcnrir  de  jouets  aux  enfans. 

L*Anioor  enflamraé  de  colère  » 

Pour  fc  ▼CDgcr  du  Djca  raillear , 
D*an  de  ces  mêmes  traits  le  perce  droit  an  corar* 
Venus  (baric  du.  coup  que  (on  fils  vient  de  faire  ^ 

Mais  pendant  que  Mars  tîche  en  vain 

D'arracher  le  trait  de  fou  fcin  , 
L'Amour  charmé  de  voir  les  tourmcns  qu'il  endure  j 

Lui  die  avec  un  air  hautain  : 
Tu  pourras  bien  fouffrir  long  tcms  de  ta  bleiTuie  i 

Si  ma  Mete  ny  met  la  main. 

Ode     L  V. 

Sur  les  Amans, 

Comme  Ton  di/lingue  aiCémcot 
Va  ctiangcr  par  fon  vifaje , 

Pair 


L  I  V  R  E    XV.  511 

wmmimÊÊimitmmmmmmÊtmmmmmmmmmtimmmmmÊmmmmmmmÊmÊ^mÊiÊmmim» 

Par (bû habit,  par fon langage , 
De  même  on  connoit  un  A  manu 

En  vain  pour  cacker  fa  flamme 
Il  fait  le  m^flérieux  ^ 
Je  vois  ce  jqu*il  a  dans  l'ame 
Dès  ^u'il  k  inoncre  à  mes  yeux. 

O  D  B      LV  l. 

•      ■  • 

Lis  approches  de  U  Mort 

La  vleillefle  affblbtic  mes  fens. 
Je  n'ai  plu$nicheveux«  ni  dents,  - 
£t  jç  touche  à  nu  dernière  heure. 
Jour  &  nuit  on  ^'entend  gémir  ; 
Quoi  i  dis -je  ,  ÊiutrU  que  |e  meure  } 
Ce  fcul  peafer  me  fait,  frémir. 
Sous  mes  pieds  le  Tartare  s'ouvre , 
£t  fe  prépare  à  m'engloutir  ^ 
La  Mort  de  fon  ombre  n^  couvre  s 
Rien  ne  fçâuroit  m'en  garantir. 
Adieu  ,  doux  plaitirs,  dont  ma  vie 
Fut  toujours  mêlée  &  fuivie. 
L'Avare  Achéron  me  retient , 
Lieu  plein  d'horreur  &  de  trifteile  , 
Oii  tous  tes  hommes  vont  fans  celle  ^ 
Mais  d*où  pcrfoane  ne  revient. 


Jii    BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 


kLLES. 


SAINT-GILES. 

.       m       ■  ■  ¥ 

De  Saint-Gilles  ,  Sous* 
Brigadier  des  MouTqùetaires 
gris  9  étok  un  homme  qui  pen- 
foit  beaucoup ,  &qui  parloît 
peu.  La  plupart  de  fes  Poefies  ont  été  im- 
primées dans  un  volume  qui  a  pour  titre  > 
la  Mufe  Mùufyuttaire.  Il  réuffiflbit  furtout 
à  faire  des  contes  ;  tiiais  il  n'étoit  pas  fort 
fcrupuleux  à  f  égard  du  choix.  Quelques^ 
unes  de  fes  Parodies  fur  des  airs  d'Opéra 
font  pleines  d'efprit  &  de  feu.  Les  deux 
Pièces  fuivantes  ont  été  regardées  par  les 
Connoiffeurs  comme  le  chefrd''œuvre  de 
M.  DE  Saint-Gilles.H  quitta  le  Service 
en  i'jo6,  &  au  grand  étonnement  de  tous 
fes  amis ,  il  prit  Fhabit  de  Capucin ,  qu'il 
ft  gardé  jufqu'à  fa  mort. 


•p-*" 


LIVRE    X  V. 


J^J 


A  u     R  o  I*  

GRakd  Roi ,  qai  dans  le  cours  d'une  éclatantc^^ 
vic^ 
As  toujours  furmoncé  les  Deftlns  &  l'Envie  « 
Et  «qui  toujours  égal  dans  des  fuccès  divers , 
Tiens  fixez  far  toi  feol  les  yeux  de  TUni  vers  ; 
Mille  Ecrivains  fameux  consacrant  tk  mémoire* 
Du  récit  de  tes  faits  ont  embelîi  rHidoire  i 
£c  grâces  à  l'éclat  du  nom  ^qu'ils  ont  chanté  » 
Ont  fait  paifer  leur  nom  à  Timmortalité. 
Ceft'  pour  toi  qu'Apollon  leur  dl6^a  (es  oracles.  • 
On  t*a  vu  dans  leurs  Vers  enfanter  les  miracles  >; 
R^andre  tour  à  tour  ramour  &  la  terreur  ^ 
Démolir  en  tous  lieux  les  Temples  de  l'Erreur  % 
Aux  Mufes,  qu'effrayoient  les  fureurs  de  BcIioQÇa^ 
Offrir  un  (ur  afile  à  l'abri  de  ton  trône  ; 
Parcourir  à  grands  pas  la  route  dés  Héros  y 
Au  bonheur  de  ton  peuplé  immoler  ton  repos  i.; 
ï^acifique  Vainqueur ,  au  milieu  des  allarmes  » 
Haindre  l'efferfanglant  du  fuccès  de  tes  armes» 
£t  des  maux  que  la  guerro  entrainoit  après  (bï  * 
Confoler  l'ennemi  qui  tomboit  fous  ta  loi. 
De  ces  traits  mi^I'e  Auteurs  ont  rempli  leurs  volt(^ 

mes  :  : 
Mkis  fans  compter  tes  ^aits  échappez  à  leurs  pln^ 


5^4      BIBLIOTHEQUE    FOETIQUE. 

Des  oicnreHlcs  qn'en  toi  nous  Tantent  leais  écrits  « 
iXLLEs.  S'ils  ont  peint  cooc  l'éclat  «  ont-ils  peint  tout  le 

prix  i 
Quelque  brillans  que  ûncat  tous  les  fiûts  qa*OQ 

DOtjs  cite  y 
Leur  motif  &  leur  fin  en  ont  fait  le  mérito. 
Qu'ont  de  grand  à  mes  yeux  les  (accès  de  ce  Roi  » 
Qui  partoot  a  (èmé  le  défbrdre  &  Teffroi  ; 
Qui  plus  loin  que  rHydafpeo&nt  porter  la  goenrcy 
A  Ces  vaftes  defleîns  a  vu  manquer  la  Terre  ! 
Jaloux  de  mettre  aux  fers  ccqc  peuples-  abatus , 
L'orgueil  (èul  fut  en  lui  le  fond  de  Ca  yertus. 
Pour  toi ,  (ans  t'enyyrer  de  la  vaine  famée  9 
Qu'aux  Conquérans  fameux  promet  la  Renoms 

mée  'y 
Occupé  feulement  du  bien  de  tes  Sujets  » 
Le  Coin  de  leur  repos  a  conduit  tes  projets. 
Quand  partout ,  dans  les  champs  de  Mars  Se  ic 

Neptune, 
Sous  tes  heureux  drapeaux  combattoît  ta  Fortune  ; 
Au  milieu  d'un  bonheur  qui  pafK>it  tes  fouhaits  » 
Ton  peuple  impatient  (bupira  pour  la  paix. 
Ton  bras  ceflant  alors  d'épouvanter  la  terre. 
Vint  au  pieds  de  la  Paix  dépoftr  (on  tonnerre  » 
'&  lui  facrifîant  le  fruit  de  tes  travaux , 
Tu  lailTas  des  lauriers  que  t'ofFroicnt  tes  rivaux. 
'T)epuis  ces  tems  heureux  «  infidelle  à  ta  gloire  > 
On  a  vu  contre  toi  s'irriter  la  Yiâoire  » 


>\ll  Y  K  E    XVi  s^s 

Et  par  le  HGlycm  de  Ces  premiers  bien&ltt  ,* 

Se  ^ez^er  des  honneurs  que  tu  rends  à  la  Paix.   '    ^  ^^ 

2iiai$  lorfque  £bn  courroux ,  ou  jdiiicôt  fon  ca* 

price« 
De  tes  fiers  ennemis  appuya  l'injudioe^ 
LeÇiel  >  qullui  permit  de  borner  tes  exploits  j 
A^voit-il  réroiu  d'abandoder  tes  droits  ? 
Sles  malheurs  éclatans  s'il  Vouvrit  la  carrkre ^ 
Jl  Toolat  découvrir  ton  ame  toute  entière  , 
Et  voir  fi  ce  Héros  qu'admirpit  l'Univers , 
D'un  vifage  Cexcm  fi>utiendroit  les  revers. 
Tel  qu'un  rocher  tranquille  au  milieu  de  Toragc^ 
Contre  les  coups  du  Sort  s'affermit  ton  courage. 
A  l'afpeâ  des  périls ,  incapable  d'effiroi  «, 
Ta  vainquis  les  Deftins  qui  lutcoient  contre  toi. 
La  Foi  qui  t'animoit  >  ne  parut  pas  moins^pure  » 
Dans  les  coups  impréyos  que  fentit  la  Natàre  i 
Et  fur  l'ordre  du  Ciel  réglant  tous  ces  fouhaits , 
Tu  reçus  tous  les  maux ,  comme  autant  de  bien« 

faits. 
Grand  Roi ,  le  jade  Ciel  t'en  doit  la  récompense  ^ 
Ses  faveurs  déformais  vont  payer  ta  conftance. 
Déjà  plus  favorable  à  tes~exptoits  nouveaux, 
La  Viftoire  revient  embraffer  tes  drapeaux. 
Dans  les  Belgiques  champs  »  fur  un  tas  de  viéll^ 

mes  y 
Tu  l'as  vûë  expier  fon  erreur  Se  Ces  crimes. 
Paifle-t'eile  à  jamais  ,4ù  rentrant  fous  te»  loix  » 


i^- 


f%6      BÏSLIOTHBQUE    FOETlQUE. 
Défend  té  parti  da  plus  Jufté  iés  Rois  l 


Gilles.  Que tbnjoars  forfes  pas,  par lagloife  attiméér» 
Marchent  commt  aiiciefim  tcs\  paiffântes 

méeS) 
£t  que  de  con  bonbeiirtes  rltanx^ébkmis , 
Dans  des  fuccès  conftâns  recoMoifTem  LooiIt 
On  plutôt,  quand  le  Ciel  les  lirreà  tapdiflaneej^ 
An  fi>in  de  leur  repos  borne  èncor  ta  venf^ance> 
£t  dans  les  champs  t^iric^s  de  Tédat  de  tes  fiUttj). 
yiens  récôocikir  là  Viâoire  &  k  Pâiiu 

ODE. 

La  CbMjfe. 

P]iBNi>sun  arc ,  Mymphe  da  Permefle  { 
Charge  fur  ton  dos  un  carqaois. 
Epris  d*une  nouYcllé  yvrefie , 
Jt  veux  te  fuivre  dans  lès  bo!& 
Que  je  t'aime ,  Nymphe  propiccl 
Déjà  docile  à  mon  caprice  « 
A  mon  gré  tu  guides  mes  pas. 
Sbus  mes  doigts  ma  lyre  réfonne  y 
Et  de  la  Fille  dé  Latone 
Je  vais<éiébrer  les  combats. 

Toi ,  qui  de  fang  huroaln'avidê» . 
Du  Styx  as  défcrté  les  bords  ; 
Loin  d'ici  ^  bai;bacc£umÀûddy 


,    ,      XI  VR-E    rr..  5*7 

Tu  a*à$  poiiic  part  à  mes  accordai . 

Ce  n*eft  ni -haine  ni  vengeance  ».  ^  CijM^ 

Ccft  l&plaUIr  â(  hnoocence. 

Que  refpirent  mes  combactans}^ 

£c  l'aimable  Paix  qui  les  aime  • 

Préfîde  (bavent  elle-même 

A  leurs  jeux  hardis  de  fanglans* 

Cei^jetcrVamis  dé  îa  JeunefTe ,, 
hù.  yltt'itiMiït  les  àflaots  ^ 
Ils  titmrfidbfit  tiburiitSt , 
Ils  ont  fait  les  pren^iers  Héros. 
Sous  les  yeux  d'un  Centaure  habile^. 
De  fa  valeur  ta  jeune  Achille 
Fit  éclater  tes  premiers  traits  : 
Il  prcnolt  les  cerfs  à  là  courfêV 
Il  domptoit  la  lionne  &  rburfè  , 
Avant  qu'il  fècourut  les  Grecs. 

• 

Quand  rinnocence  &  là  Juftice 
Habitôient  parmi  les  Mortels  , 
La  Terre  à  tous  leurs  vcsux  propice  , . 
N'avoir  point  de  monftres  cruels* 
Le  léopard  ,  l'oufs ,  la  panthère , 
Alors  d'une  faim  meurtrière 
Ne  connoKTbient  point  le  tranfport  j . 
Alors  le  foible  en  afTarance  * 
Ne  rcdoutort  point  la  puifTàncc- 
Nilcs  outrages  du  plus  fort». 


S%9      BIBLIOTHEQUE    VOmQlJE. 

L'homme  fonverain,  ^qaicabtcy 
ilLtif  •  TrouTMt  coat  docile  à  fk  yoiz« 

Mais  hélas  !  devenu  coupable  » 
Que  de  rebelles  à  la  fois  l 
SttÎTi  par  le  peuple  (àuyage  9 
Le  lion  s'excite  au  carnage^ 
Il  rugîc ,  il  fe  bat  les  flancs } 
Le  feu  brille  dans  (es  prunelles  \ 
Et  cous  dans  les  troupeaux  fidellc» 
Ils  cherchent  des  repas  Cing^ani> 

On  taille  la  lourde  mafluë  » 
-On  courbe  en  arc  un  bois  pliant  f 
On  7  pofe  la  flèche  aigu'é , 
Que  le  nerfenroye  en  fifflant. 
Par  ce  fecours  Thomme  rcfpire  $ 
Il  femble  reprendre  l'empire 
Qu'il  eut  dans  le  Hécle  innocent, 
11  infulce  au  lion  terrible  ; 
Du  fanglicr  au  crin  horrible  » 
Il  brave  l'yvoire  tranchant*. 

A  peine  la  brillante  Aurore 
Du  jour  répand  les  premiers  traits  i 
Sur  rémail  odorant  de  Flore 
Une  Nymphe  tend  des  filets. 
L*appas  d  une  abondante  graine  » 
Déjà  de  cous  cotez  amené 

D*l0DOCCM 


tl  V  R-E    XV'  Sif 

lyranocens  oifèâut  en  prifbn, 

Lm  Nymphe  faififlanc  fa  proye,  $,  Gxli 

Par  des  ris ,  eofans  de  la  joje  » 

S'applaudît  de  fa  trahiCbo. 

£ft-ce  TOUS  9  Pomofte  Imniorcelle  â 
Qui  pour  rhonncur  de  vos  vergers» 
Venez  d'une  rufe  nouvelle 
Inftmire  ces  jeunes  Bergers  ! 
Sur  vos  rameaux  la  glu  perfide  » 
Trahit  la  tourterelle  avide , 
La  grive  «  le  ru(2  moineau. 
Sur  le  rofllgnol  on  attente , 
Lui  qui  pour  tout  mets  Ce  contente 
D'un  inutile  vermiilêau. 

Quel  bruit  !  la  forêt  embra(ife 
S'offre  à  mes  regards  allarmez.  ' 
D'une  <annc  d'acier  creufée, 
Cent  nouveaux  Chafleurs  (ont  armez^ 
Du  foufre  bruyant  qu  elle  cache , 
Au  gr^  du  doigt ,  le  feu  détache 
Un  plomb  qui  part  avec  l'éclair* 
dn  diroit  que  l'art  téméraire  « 
A  fait  l'homme  dépofitaire 
DiB  la  foudre  de  Jupiter. 

Que  Foi(efttt  royal  fur  (es  ^lîlcs 


IH  II  

tUtotnl?*^'    .^;o\efouse**• 
*^    i\c  eft  cette  atnvti       ^  ^Uc* 

«"Tfcfc&c^af- 


L  l  VR  E     XV  5M 

Aux  cliiens ,  coarears  laborieux.  "~ 

Des  ChaffeuTS  la  noble  cohorte  ,  ^•^ 

Déjà  la  coupe  ea  main ,  s'ezhorce 
Aux  exploits  les  plus  glorieux.      \ 

L'aimable  Dieu  qui  fait  qu'on  alaiey 
Pour  eux  daigne  s' interefTer. 
Il  vient ,  hardi  Chaffeur  lui-même  , 
A  table  avec  eux  fè  placer . 
Jeunes  ChafTeurs ,  ofez  attendre 
L'accueil  le  plus  doux ,  le  plus  tendre  ^ 
Des  Beautez  qui  charment  vos  yeux. 
Ccft  de  Tinfatîgstble  Alcide , 
Et  non  de  l'Echanfbn  timide  > 
Qu'Hébé  fait  le  prix  4aus  les  Gieut. 

I L  tie  m'appanienc  pas  d'entrer  dans  vos  af- 
faires } 
Ce  fcroit  un  peu  trop  de  curio{îtc  : 
Cependant  l'autre  jour  (bngeanc  à  mes  mil&es  » 
Je  calculois  le  bien  de  votre  Majcfté. 
Tout  bien  compté  ("j'en  ai  la  mémoire  récente! 
Il  doit  vous  revenir  cent  millions  de  rente  ^ 
Ce  qui  fait  à  peu  près  cent  mille  écus  par  jour. 
Cent  mille  écus  par   jour  en   £bpt  quatre  par 

facarjp. 

Yyii 


532    BIBLIOTHEQJJE  POETIQUE. 

Pour  réparer  ks.mauz  preflans 
iLLia.  Que  le  toQuerre  a  fait  à  laa  maitba  des  champs  » 
Ne  pourrojs  -  je  obtenir  ,  Siui  »  avaiic  qae  je 
mpare». 
Unqaartdliearedeyoïxeteiiis?  > 


t  Cet  în^ieus  Placet  eft  de  M.  Saoguîn ,  i  qui  la  Villt 
àt  PitosM^eiaic  honneur  encore  aujonid^hui  d*aToir  donné 
la  naiHance.  Lou  is  XIV.  lui  fit  une  graiiâcatiofi  de  Mille 
£cus  >  la  c'cft  ce  qu'il  denaïaçdoic  à  Si;i  Maje^. 


••• 


^.^. 


''è*' 


— '  ** 

0  D  Ë  *• 

Que  ye«<»**^J^os  têtes. 

^•^^'^SenscnCoatro«X' 
ricdcaxwtnen'".       Jtenc. 


5J4      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

""^  Ces  filions  de  feu ,  ces  horreur» 

^  ♦  Qu'afTetnble  une  funeffe  ligue , 

Sont  le  fignal  de  tes  fureurs. 

Rempli  d*une  force  Inconnue, 
Spe^âateur  d'un  hideux  fracas , 
Perçant  le  féjou  r  des  firimats  » 
Je  vole  ^lu-deflus  de  la  naS  : 
Je  les  vois  ces  deux  fiers  rivaux , 
Se  livrer  de  rudes  aflauis , 
Dont  mugit  la  voûte  azurée. 
Dieux  l  avec  quel  choc  &  quel  brolc 
$*échappe  une  âamme  enfoufrée  » 
Du  fein  d'une  éternelle  nuit  ? 

Plamme  fubtlle  Bi  pénétrante^ 
Tourbillon  «  nuage  fumant  ^ 
A  ton  affireux  mugiffemenc  « 
La  teifre  s'émeut  »  s*épouvante« 
Tout  ftémit ,  un  effroi  foudaxa 
^c  répand  fur  le  front  d*airaln 
Du  Monarque  du  noir  Cocyte. 
Neptune  preflant  fes  chevaux , 
Plein  de  la  frayeur  qui  l'agite, 
Cherche  un  afile  au  fond  dcs^aux» 

Ce  NourrifTon  des  £uménidcs> 
Artifan  d'un  projet  fatal , 
L'orgueil ,  par  fon  foulBc  infernal» 


/    » 


•    L  t  VR  E     X  V.  55 j 

Excita  tes  traits  homicides.  ^"SS 

Oui ,  c*e(l  ce  monftre  ,  qui  jadis  Le  R. 

*  Arma  ces  Morcels  trop  hardis 
Que  vit  tomber  la  ThefTalie  > 
£t  de  qui  la  rébellion  » 
Par  une  éclatante  folie , 
Fit  voir  Ofla  fur  Péîion. 

Si  la  prudence  tit  l'animé  , 
Que  peut  la  fougueufè  valeur? 
,  D'une  capricicufe  ardeur , 
file  eft  la  fuperbe  viâime. 
Déjà  ces  Titans  infenfez , 
<   Du  haut  de  leurs  monts  eiitaiTez , 
Voyaient  le  Ciel  comme  leur  proye  i 
Quand  d'un  effort  impétueux , 
le  carreau  s'élance ,  &  foudroyé' 
Ces  CoIoiTes  préfomptueux. 

O. trois  fois  heuraux  le  bel  âge* 
'    Xià  fur  les  cfaairmes  trop  piiidkns 

Du  flateur  empire  des  fens    • 
,  -La  raifbn  avoir  l'avantage  i 
Avec  les  Dieux  l'homme  d'accord  y 
Jouiflbît  d'un  paifible  fort , 
'o  £t  ne  craignoit  point  le  tonnerre  : 
Rien  ne  troubloit  fes  doux  plaifirs  $ 
Çt  fur.  la;  face  de  la  terre 

£égnoieat(èiilementlesZéphirs.  . 

Y  y  iiij 


1^— — -^ 

Jl<    BIBLIOTHEQUE  POETJqUE. 

—  LêSûUtMsre» 

Loin  dé  moi,  fuperbes  portiques  » 
Elevez  par  la  main  des  Arcs  i 
Jardins  ornez ,  toic«  magnifiques  ; 

D*iin  vain  peuple  amufez  les  arides  regards» 
Ici  mes  lambris  font  des  hêtres  : 
Je  yis  fans  fujets ,  mais  fans  maîtres. 

Les  Taftes  mers  »  la  terre  &  les  cicux  azurez , 

Les  miracles  divers  que  produit  la  Nature , 
Aux  bords  d'une  onde  qui  murmure , 

Occupent  mon  e(prit  dans  ces  lieux  ignorez. 

Que  lc$  fonds»  les  vaines  craintes  | 
Afiiégent  lc$  palais  des  Grands  » 
Qu'ils  en  reflenrent  les  atteintes  i 

Que  leurs  proprei  défirs  leurs  fervent  de  tyrans  § 
Que  du  fier  Démon  du  carnage 
Tout  ailleurs  éprouve  la  rage  i 

Il  fembre  refpeâcr  cet  aimable  (Sjbur  : 

Sans  crainte  &  fans  foucis  ,  (kos  ibins  Be  faot 
allarmes , 
Loin  du  bruit  des  Cours  &  des  armes , 

Je  vois  naître  &  mourir  Tadre  brillant  du  jour. 

La  Nuic  étend  fes  voiles  (ombres  : 
Les  Cieux  de  mille  aftres  (èmez  • 
A  travers  fcs  épaiffcs  ombres , 
De  feux  purs  &  nouveaux  paroiflicnt  animex» 


L  I  V  R  E    X  r.  J57 


m 


Au  Tfès-Hjmt  je  rends  mes  dommages  j     ^^ 
Dans  ces  imparfaites  knages  «  ^* 

Mes  regards  étonnex  découvrent  fa  fptendeur  ^ 
£c  par  an  noble  eflbr  abandonnant  la  tene  > 

Je  vais  au-dc/Tus  du  tonnerre  » 
De  cet  Etre  fiiprême  adorer  la  grandeur. 

La  nuit  k  pas  lents  (è  retire  ) 

Je  n'entrevois  qn*un  joui  douteux  > 

UairVédaircit ,  rhumidc  empire 
Ke  peut  plus  dérober  le  Soleil  à  nos  vaiix  : 

Son  char  attelé  par  les  Heure»  > 

S^éleve  aux  céleftes  demeures  » 
Dans  le  pompeux  éclat  du  plus  riche  appareil  :   . 
Les  oifeaux  réveillez  dans  ces  belles  retraite!  # 

S'unifient  au  Con  des  muftctes  ^ 
Tout  célèbre  à  Tenvi  le  retour  du  Soteil. 

^  Ce  grand  afbe  me  reprefimte 

La  majdfté  de  (on  Auteur  ^ 

Et  (à  lumière  bienfaifante  » 
L'amour  &  les  bontez  d'un  Dieu  confervateor» 

Rofès ,  jàfmins ,  hétlotropes  y 

Cèdres  altiers ,  humbles  hyfopes , 
Citez ,  plaines ,  déferts ,  vous  partagez  (es  fenx« 
AvopHKi  foin  égal ,  Dieu  couvre  de  Con  aile 

L'enfant  (bumis  «  l'enfant  rebelle , 
£t  commande  ««  Sofeil  et  luire  fur  tous  deux* 


i 


5j8        BIBLICTTHEQUE    FOETIQUE 

La  mer  ici  f  aroîc  craoquUIc  ^ 
P.  ^M<  Je  pois  à  fes  âocs  a|»planis> 

Confier  ma  barque  fragile  y 
Sans  ledoocer  des  vents  les  efforts  réunis; 
Vainefpoirl le» ondes  muginent y 
Le  jour  pâlie ,  les  vents  frémiiTenc , 
La  fondre  gronde  ^  éclate  ,  embrafè  les  vai/Ieaax  ) 
Du  monde  féduâeur  image  naturelle: 

La  mer  eft  bien  moins  infidellc  f 

Je  crains  j^tos^Xès  doùceurs^que  le  calme  des  eaax« 

• 

Je  tourne  mes  yeux  vers  la  tetre  % 
Quelle  fouie.  d*étres  épars  1 
Ouvrages  que  fbn  globe  enferre  ^ 

Taftuéofes  Citez  «  invincibles  remparts  « 

lUches  palais,  vaftes campagnes  >/  • 
Hôtes  des  airs  6c  des  mootagnes  y 

Vous  muets  habitans  de  fempire  des  Mers  « 

2c  vous  que  fenamour  a  faits  pour  le  connoitre  j 
Mortels,  adorez  ce  grand  Mattre ,  ' 

Bont  la  (èule  parole  enfanta  rUoivers. 

Solitudes  impénécrablet 
Aur  ardeurs  du  flambeau  des  Cleut'j 
Bois  antiques  3c  vénérables  » 
Temples ,  palais,  autels  de  nos  premier! ayeuzj 
Mon  ame ,  à  votre  feule  vûB, 
I^'un  Cttiit  r^peâ  fe  fem  émak* , 


LI  V  R  E     X  V.  s$9 


dMMi 


Aycc  tous  ,  {ans  témoins ,  j*alme  à  m*entretenir  : 
Couché  ûonchalaniment  fous  yo5  plas  noirs  om-  Lb  R.  P. 
brages , 

Je  m'égare  aa-delà  des  âges  > 

Et  perce  dans  le  fèin  du  plus  (ombre  avenir* 

-  ■  • 

Rien  ne  trouble  ma  paix  profonde  : 

Que  dis- je  ?  en  ces  lointains  climats  • 

Je  crois  feul  habiter  le  monde  y 
Je  décide  à  mon  gré  du  deftin  des  Etats. 

Le  bronze  >  rival  de  l'Hifloire , 

En  vain  veut  fauver  la  mémoire 
Des  Princes ,  des  Héros  fameui  par  leurs  exploits» 
Le  bronze  céAc  au  tems ,  Tes  monomens  périâenr  i 

Et  je  voi^  qu'avec  eux  finiflent 
La  gloire  &  la  grandeur  des  Héros  6c  des  Rois. 

Les  faifbns ,  leur  vicilfitude } 

Dans  le  lolfir  dont  je  jouis  » 

Font  fouvent  mon  unique  étude  : 
Mes  beaux  jours,dis-je  alors,  font  prefque  évanools* 

Tandis  que  les  prez  reverdiflcnt , 

Mes  cheveux  plus  rares  blanchifTent  : 
Les  fleurs  dans  nos  jardins  renaifTent  tous  les  ans| 
Tous  les  an»je  revois  Flore ,  Cérès  l'Pomône }        - 

Je  fuis  déjà  dans  mon  automne  « 
Et  pour  moi  je  (èns  bien  qu^l  neft  plus»de  printemiw 

rhlver  attrifte  la  Nature  9^ 


J40    BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Il  I         II  iTi 

Les  oi(èaaz  n'ont  plus  de  coacercs  ^ 
R«  P.«^  La  terre  a  perdu  fa  parure  % 

Hérlflèz  de  frimats  nos  champs  font  dés  dé(èrts» 

Lor(que  le»  ans  »  Beautez  trop  vaines  » 

Glaceront  le  (àng  dans  vos  veines  » 
Vous  petdicE  anifi  qu'eux  vos  firagiies  appas  \ 
Les  Plaîfirs .  les  Amours  ne  fumont  plus  vos  traces 

Difparoîffimt  avec  les  Grâces  , 
Tos  I7S  mourront  un  /ouf  »  &  ne  tenakrooc  pas. 

Ces  torrens  formez  par  l'orage , 
Ces  isourbilloris  impétueuf , 
Hes  vents  refiroyable  ravage , 

Cet  monts  couverts  de  glace ,  &  ce  ciel  nébuleux  j 
Vers  mon  foyer  tout  me  ramené  1 
Là  fatisfait  de  mon  domaine  t 

Tenteods  autour  de  moi  gronder  Tes  aquilons  \ 

Et  (bus  le  toit  ruAlque  »  ou  le  chaume  me  couvre 
Humble  toit  >  préférable  au  Loovre , 

9e  v^s  Tonde  en  courroux  inonder  les  vallons. 

Le  monde  ainfî  s'écoule  &  paftê  : 
Heureux  qui  fçâit  leméprifer  1 
Pès  long  tems  (bn  joug  t'embarraiTe  • 

Qtt*attends-tu ,  cher  Arif^e  ?  ofe  enfin  le  bri(<kr« 
Viens  me  voir  dans  ma  (blitude  : 
C*eft-là  que  fans  inquiétude  » 

Nous  pourrons  à  loiCc  chercher  la  vérité. 


l  IV  K  E     XV.  541E 

Tu  fçaîs  que  racemcac  elle  habite  à  la  yillc  ^  

Maïs  clic  régne  en  cet  afilc  »  -  '     - 

Du  It  venu  s'accorde  avec  la  liberté. 

Viens  clans  ces  demeures  chéries 

De  rinnocepce  &  de  la  Paix  ^ 

Mères  des  douces  rêveries  » 
Elles  auront  pour  toi  les  plus  puifTans  attraits. 

Que  TArt  prodigue  les  miracles 

Dans  ces  éblouiifans  (peâ:acles  » 
Qui  tiennent  des  mortels  les  regards  enchantez; 
Une  fleur  qui  s'entrouvre ,  un  boccage ,  une  plaine^ 

Le  pur  criftal  d'une  fontaine ,  ' 

Vaudront  pour  j&ous  l'éclat  d^s  plus  belles  cite:^ 

STANCES 

A  UN  COWRVIS AN 

Sfir  U  mortdeU.  B^i^fûMs  Unom  dfi  Dapimià 

Il  n'eft  point  icî-bas  de  fortune  durable. 
Les  chagrins»  les  douleurs  troublent  nos  plus  bcan 

jours  i 
Et  la  Parque  à  nos  voeux  toujours  inélcorablcé 
J>e  DOS  ans  fortuaez  t^iQine  tnfio  le  couii. 

Daphnis  dans  fon  bonheur  vous  fit  peut-étrd 
envie  : 
Klyec  nous  aujourd'hui  vous  déplorez  (on  fim^ 


54*      BIBLIOTHEQJM    POETIQUE. 

..    i.  '    ..  m  II 

■  •  I  De  même  finira  la  plus  Hluftre  vie  ; 

«E  R.  P.  ^^  Heureux  qui  la  fij^ic  par  une  (àinte  niort  t 

Des  £aveurj5  4e  la  Cour  malheureux  qui  s'encét^  S 
L'éclat  de* là  grandeur  di(paro!c  au  cercueil , 
£c  4cs  honneurs  du  mondé  eut-on  atteint  le  fai^e^ 
A  ce.^erme  fatal  doit  tomber  notre  orgueil. 

Daphnis  fut  pour  Louis  plein  d'ardeur  &  de 
zélé  } 
Il  (çut  fe  préfcrver  des  vices  de  la  Coxifi 
f  u/Bez-vous  plus  que  lui  (âge  ^  confiant  >  fideUe^ 
Ce  qu'il  efl  maintenant ,  vous  le  ferez  un  jour. 

Aux  maux  des  affligez  il  eut  le  coeur  {ènfibfe  5 
Son  fèul  pliai  tir  .écoit  de  faire  des  heurewt  : 
Pour  fervir  (es  amis  il  trouvoit  tout  pofGble , 
£t  fembloit  être  né  moins  pour  lui  que  pour  eux. 

Si  de  tendres  regrets  pouvoient  fléchir  la  Parque* 
Daphm^^  deyroit  fa  vie  aux  larmes  de  (bnRoi  : 
>f  ais  elle  efl  Infenflble  -,  &  le  plus  grand  Monarquj; 
t^e  peut  non  plus  que  nous  fe  (bufl'raire  à  fà  loi. 


»^^\>îv 


I  Ces  Stancçs  CoAf  4"  A*  P*  Pelais  »  de  h  Compa^^  4^ 


PI  ■— — — *"1W"W 

LIVRE    XV.  545 


«iM*i 


M.  LE  MARQUIS  DM*^. 

FABLES. 

f^a  Cibenille^  le  Ver^fiyi^ 

I  .  A  Chcnitle  voulut  jadis 
Atcc  le  Ver  à'foyc  entrer  en  concurrence^  ^* 

Et  par  une  extrême  arrogance , 
De  foh  travail  lui  difputer  le  prix. 
Sans  tant  ^e  vains  éifcours ,  choififTons  un  arbitrer 
Lui  dit  le  Ver  d'un  ton  plus  doux* 
Que  l'homme  fèul  fur  ce  chapitre 
Ait  droit  de  juger  entre  nous. 
Moi ,  j'y  confens ,  répond  cet  orgueilleiix  infpâc^ 
I^/juftice  en  ce  cas  ne  f^ra  pas  fufpe^le. 

A  fe  former  une  pcifon , 
Atwivi ,  dès  rinftant  ils  travaillent  fans  cefb) 
VvkijLt  dans  Ton  tifTu  met  toute  Ton  adreffe } 

Uaùtre ,  en  fakant  fon  peloto^i , 
4  la  folidité  joint  ia  di^iicatefle -, 

'     Riçn^n'eft  fi  beau  que  fa  riche  toifoQg* 
l>lus  ils  avancent  leur  ouvrage , 
Plu»  ils  approchent  delà  mort. 
Pour  Tun  c'eft  un  funefte  fort , 
Pou?:  Hautrc  c'eft  ua  avwtagpt 


544    BIBLIOTHEqUE   POETiqUE. 

Le  procès  (ans  appel  eft  bien-toc  terminé. 
LE  Marq.  Le  fil  de  la  Chenille  eft  au  feu  condamné  ^ 
PI***      Mais  la  coque  du  Ver  eft  cueillie  avec  joie» 
Et  pafle  dans  les  mains  d'un  ouvrier  fameux» 
Qui  voyant  de  cet  or  le  tifla  merveilleuz  » 
A  Tufàge  des  Rois  le  dcftine  &  Templo^e. 

Ceci  s'adrefTe  à  vous  «  ambitieux  Auteurs  » 
Qui  penfez  égaler  &  Racme  &  Molière  -, 
Mais  donc  les  froids  Ecrits ,  rebut  des  acheteurs  j 
A  peine  mis  au  jour ,  volent  chez  la  Beuriere  » 
Ou  reçoivent  du  fçu  leur  plus  grande  lumière. 
Eu  vain  leur  cherchez- vous  quelques  approbatettr9| 
On  coanoît  le  prix  d'un  ouvage  « 
Par  le  débit  &  par  l'ufage. 

L»  Bouteille  i^fnven. 


Ch  Aqus  âge  a  Tes  plaifirs  ;  &  Tâge  de  T 
fancey 
Pour  avoir  lec  moins  grands ,  n'a  pas  les  moùli 
parfiiits. 
Sous  mille  dlflërens  objets  » 
Les  plaifirs  n  ont  de  différence , 
Qu'autant  qu'ils  ont  coûté  plus  ou  moins  de  finU 
haits. 

Sur  différens  amufèmens  , 
Qui  (ans  mélange  de  trifteAê  • 
A  la  plus  brillante  jcuncflc     , 
fifftqicct  mille  plaiiirs  chamuot» 


LIVRBXV.  J4r 

Les  boules  de  favon  remportolent  l'ayaoctge. 
Chaque  enfanc  avoîc  (on  panage  : 
L*un  cenoic  la  coquille  &  l'eau 

Celui-ci  le  ùlvotï  ,  &  l'autre  ua  chalumeau  » 
A  leurs  yeux  aimable  équipage. 
ChacuQ  di&ic  :  la  bouteille  eft  pour  moi» 
Même  avant  qu'elle  fbc  formée  i 
£t  fembloit  fort  content  de  foi  « 
Quoiqu'il  n'attrapât  que  fumée* 
Quande  elle  yenoit  quelquefois  « 

En  s'élevant  trop  haut ,  à  finir  la  querelle. 
Ils  s*écrioient  tous  d'une  voix  : 
Ah  !  qu'elle  efl  belle  !  ah!  qu'elle  eft  belle! 

Les  uns  en  admiroient  les  diverfes  couleurs. 

Regardez ,  difoîenc^ils  »  conune  elle  eft  jaune  8c 
verte. 

D'autres  les  yeux  en  l'air ,  envifàgeoient  fa  perte  > 
Comme  le  plus  grand  des  malheurs. 
Tandis  que  la  troupe  enfantine 
Goûte  ces  piaifîrs  innocens , 

Quelqu'un  vient  à  pafTer  ;  ce  quelqu'un  examine 
La  folie  ardeur  de  ces  en  fans  ; 

Et  daosie  prompt  traniport  d'une  jufte  colère  : 

Hommes ,  dans  ces  enfans ,  dit-il ,  reconnoifTcz 

Un  défaut  parmi  vous ,  hélas  !  trop  ordinaire. 

Aveugles  comme  vous  »  comme  vous  infènfèz^ 

Ils  fe  laifTen^  tromper  par  la  feule  apparence. 
Ettcorteidott-ooticafa,  . 


54^    BIBLIOTHEQUE'  POETIQUE 

Et  gardent- ils  leur  innocence , 
tr^^'  Dans  les  jet»  dont  (bu  vent  on  vous  voie  abufi 

X«  'Paonfe  plaignant  i  Junon, 

L'Oiseau  que  Jonon  êlk-méme 
Prit  foin  de  rendre  fi  parfidc  »    . 
Par  un  ingratitude  extrême , 

Ofa  lui  reprocher  un  fi  rare  bien&ic. 

D*un  Roflîgnol ,  dont  le  ram:^ 

Annonçoit  aux  échos  le  retour  du  Printems 
Sous  le  prochain  feuillage  , 
Il  eiiyîoit  les  tendres  chants. 
Quoi,  dit-il»  Déefiè impuiflânte^ 
Devois-tu  borner  tes  faveurs- 
A  ce  mélange  de  couleurs  y 
Qui  fait  que  partout  on  me  vante  f 
Les  Dieux  laifTent-il  imparfaits 

Leurs  châcimcns  &  leurs  bienfaits  ? 

Il  fe  fut  encor  plaint ,  fi  Junon.en  colcrr , 
N*cût  d'un  regard  féverc 
fait  craindre  à  cet  oi(èau  jaloux  » 
D'éprouver  (on  jufte  courroux. 
Dans  cette  fable  on  reconnok  fans  peine 
L'efprit  de  certains  envieux , 
De  qui  ringénieu(è  haine  » 

De  leur  propre  bonheur  femble  accufer  les  Di 
Ceux  qui' (ont  en  proye  à  ce  vice ,. 

Ne  peuvent  plus  goûter  de  tranquilles  doaceu 


■*  * 


LIVRE    XV.  ,      î47 

Qu'à  quclqu  autre  le  Sort  partage  fcs  faveurs ,         

Le  Sort  leur  fait  une  injuftice  ;  ^^  Marq 

Les  biens  qu'ils  ont  n  ont  plus  pour  eux  d*appas«.      D^^tc^ie. 
Viâ:imcs  d'une  folle  envie ,  .       .  ' 

Ils  confument  leur  vie 
A  regretter  ceux  qu'ils  n'ont  pas. 

Les  Ohfeques  du  Rat. 

Tout  doit  mourir.  Ni  grandeur ,  ni  richefTe) 
Ne  peuvent  changer  cette  loi. 
Un  vieux  Rat  l'éprouva.  Ce  Rat  par  Ton  adrefTe , 

Âmaffa  de  quoi  vivre  en  Roi. 
Du  bled  tant  qu'il  vouloit  >  du  fruit ,  force  laitage  , 
Rien  ne  manquoit  à  fon  bonheur  ; 
Heureux  fi  par  un  bon  ufage  , 
De  tant  de  bien  il  fe  fut  fait  honneur! 
Soit  de  faim ,  foit  de  maladie  ,    . 
(  Je  ne  fçais  pas  lequel  ce  fut ,  ) 
L'animal  avare  mourut  i 
On  n'en  fît  pas  l'anatomie. 
SoA  fils  qui  fc  piquoit  de  générofité  , 
Voulut ,  en  rat  de  qualité  , 
Faire  inhumer  Monfieur  (on  père- 

On  convia  toute  la  parenté  ^ 
Cîiiq  ou  fix  Rats  firent  l'afFaice. 
•        Au  convoi  parut  le  premier  .  .    ,, 

Le  nouvel  héritier. 

,  Afrès  lui,  marchoic  d'ordoooanççi 

Zzi] 


i 


54»     BlBLiamEQpt    FOBTtQUE. 

Une  donzaine  de  Soaris , 
Qu'on  cnt  pris  y  à  teor  contenance  ^ 
.    Ponr  one  bande  f  Enfans  gris. 
On  pleara  proprement ,  à  la  nonvclle  mode  > 
.Sans  pouflèr  de  logabres  cris } 
Car  on  a  changé  de  méthode 
Dans  les, pleurs  comme  dans  les  ris. 
Se  livrer  au  tranfport  »  ce  n*eft  plus  la  manière» 
Enfin  tout  fut  nouveau  dans  ce  nouveau  convoi  > 
£c  le  mort  enfermé  dans  fa  maifbn  dernière  » 

'       Chacun  s'en  retourna  chez  foi. 
Le  fils  va  recomioître  auffi-tôt  l'héritage ,. 
Qu*amaflblt  non  pour  (bi  le  ménager  vieillard: 
D'abord  s'offre  à  Ces  yeux  uil  grand  morceau  die 
krd. 

Des  noix  ,  des  pommes ,  du  frommage» 
Mangeons ,  dic-il  >  parlant  à  fou  fils  Ratillon. 
Que  de  tant  épargner  rongrand  Père  eut  raifbnt 
Quoi ,  mon  Papa  ?  tandis  que  la  douleur  me  ronge. 
Die  le  petit  d'un  ton  chagrin  , 
Vous  voulez  déjà  que  je  fbnge 
A  dégarnir  ce  magafin  ? 
Attendons  quelques  jours,  &...  Non  lai&*mof 
faire,  - 

Mon' fils,  faî  plus  d'âge  que  tof  ; 
Ne  crains  rien  ,  en  (Tiivant  un  confèil  faldtalre  % 

Tu  peux  t'en  repofer  fur  moi. 
D^uAhommç  généreux  la  perte  nous  dé&Ie  s 


Ol^ 


L  IVRE    X  V.  SA9 

A  peine  un  Harpagon  a-t-il  fermé  les  yeux  » 

Qu*à  fcs  dépens  on  fe  confole  ;  ^'3^1 

C'e(l-?à  le  )vAc  fort  d'un  ararlcieux. 

Le  Singe  (j^  le  'Renard,  Petntrea. 

De  tout  tems  l'amoar  propre  exerce  Cm  empire 

Sur  le  foible  conir  des  hnmalns  > 
Et  fi  c'étoît  ici  le  lieu  d'une  (àcyre , 
J'en  pourrois  bien  donner  des  exemples  certains^    ' 

Mais  remontons  aux  fiécles  de  nos  pères* 
La  vérité  jamais  ne  s'y  dit  fans  myfteres. 

Avt  bon  vieux  tems ,  lorfque  les^animaox^ 
Parlant  ainfi  que  nous  *  avoient  mêmes  défauts  p 

Un  Singe  ,  cxpen  dans  la  Pciotturc, 

Peignoit  les  animaux  jadis  « 
Mais  les  peignoir  comme  ils  étoîent  fbitls 

D'entre  lès  mains  de  la  Nature. 

f  I  fut  bientôt  décrédité  , 

Pour  avoir  été  trop  (înccrc  y 
tJn  mépris  générai  fut  le  jude  (ilàire 

De  fa  fbtte  fincérîté. 
Tous  préccndoient  Ce  voir  dans  un  tableau  fliatté. 
Et  tous  Ce  trouvoîenr  peints  (èlon  fa  vérité  : 

Pouvoit-il  efpércr  dfe  plaire  ? 
Yis-à'Vis ,  un  Renard  moins  fçavant,  mais  plus  fin  ^ 

Et  profitant  de  la  CotiïCe 

De  fon  mai-avifé  voifin  ^ 


Sso      BIBLIOTHEQUE    POETIQUE. 

Vcndoîc  bien  mieux  (a  marcbandl& 
MâitQ.  l'es  Tygres  &  les  Léopards , 

DE  ^^*  Chatmcz  de  leur  forme  nouvelle  , 

Chez  cet  induftrieux  Apellé 
Venoieuc  de  toutes  parcs. 
Son  pinceau  chaque  jour  faifoit  mille  merveilles  ', 
Il  donnolc  au  Lyon  une  aimable  douceur  i 
A  FAine ,  il  retranchoit  la  moitié  des  oreilles  ; 
L'Ours  devenu  mignon ,  n*inrplroicplusd*horreur« 
A  ce  joli  métier  il  fit  fi  bien  Ton  compte , 

Qn  en  peu  de  tems  devenu  gros  Seigneur , 
Il  avoua ,  quoiqu  à  fa  honte  y 
Bevoir  moins  (k  fortune  au  Peintre  qu  auflattcur. 


TiirdH  troifiéme  Volnme. 


9k 


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