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TABLE
DES PIECES CONTENUES
dans là Tome 1 1 L
IIFRE XI.
S £ G R A I S*
î
NSCRIPTION. ^^^4
Chan/bhs, y
Madrigaux. Sur le bonheur de la T tance par la paix
générale, 7
Sur le portrait de Madame la ComteJJi dé Tiejàui.
Ibîd.
1/ sexcufè de ne pouvoir faire des Ver i pour une Damê^
qui lui en demandoit. 8
A une Belle malade, Jbid.
Climene au Cours. ' Ibld.
Eglogues. f
Endroits choifis dé Id TraduSlion de t Enéide de Vir~
gile. Du Livre I, Haine de lunon contre les
Trûyens. Eole ^ à fa prière , excite une tempête
pour les fubmerger, Neptufse Vappaife* 27
Dm Livre II, Mort de Laocon, 1 %
Embrafement de Troye. i }
Du Livre II f. Le Mont Ethna, Ibid.
Tome UI. «
,kttmJ^mm^^m£^
îj TABLE.
Du Livre VI. Defiription des Enfers, 14
Defcription des Champs Elyfies. 16
Immortalité de l*ame, 27
Science des Bèmaim, 18
Extraits des Georgiques , Ouvrage pofthume de M,
de Segrais, Du Livre I. Divers prodiges arrivât
à la mort de Céfar, Prière pour la con/ervation
ftAugufte, 19
Dm Livre IV. Orphée defcend aux enfers pour en re*
tirer Euridice, Sa mort, * 3 ô
Epilogue de fes Poefies , imité de la fin des Géorgie
que s. j $
PERRAULT*
Ot)£S. Sur la Paix des Pyrénées, 38
Sur le mariage du Roi, 45
Au Roi fur la naijfance de M, le Dattphin, 5 o
Poème, Sur la Peinture, 54
Defcription du temps , é^fes differens effets, 64.
Devifes pour Louis le Grand, Un Lys fur fa tige. 6j
Un Sep de vigne de Virginie, Ibid.
Une Grenade, Ibid;
Epitaphe de M. le Maréchal de Créqui ^ inhumé aux
Jacobins de la rué Saint Honoré, 6 9
Sur la mort de Franfois dHarcourt de Beuvron ,
Abbé du Montier en Argonne, Ibid.
Sur un Tableau de Mignard qui repréfente la Fa-
mille Royale, 6^
Portrait de C amitié, Ibid-
Sur quelques traduHions des Poètes Grecs, 7 o
A M, de Fontenelle. Le Génie, 7 1
A M. de la Quintinye y fur fin Livre de tlrtftru^ivtê
I r - iM 1
TABLE. iij
rtÉH
des ]ard'ms fruitiers éi*fotàgeri\ 77
Pp«r la Sainte Croix. 8 5
AsiZ notiveaux Convenisi IbicL
Çn» maudit de Dieu. .. ^$
Stances fur la vanité du repentir dans la vieillefi.
Extrait defaint Paulin j Poème héroïque. Sages ma-
ximes four les Rois. 88
extraits du Voémè intitulé , le Siècle de Louis le
. Grand. Progrès de la Phyfique depuis Ariftotè.,i 89
tfits de la Muftque. ^z
Eloge de Louis le Grand. ^4.
Valeur du foldat 'François , augmentée far la fré^
fence de Louis XIV. p^
CHEVREAU.
Vers four mettre an bas du portrait de Louis XtV,
Sur Didon. 99
Efitaphe de M* dé Turinnéi Ibrd.
Efitaphe du Grand Corneille. Ibid*
AunAmii 100
Lettres, A M. le Duc du Maini, Ibld«'
Efitre. lox
Le Sage dti mondé. 1 Q$
BETOÛLAUDi
tê Caméléon, Poème, Chant I,
Î08
Chant IL
iij
Chant ni.
à %
'17
■ ^ *■ '* w . ■
^Sm
iv T A B L Ei
A MademoifilU de Scudety y fur là mort dtfon Ca^
fnêUoni 114
Ûeft le Caméléon qki parlé. Ji6
les Papillons à la belle Ameftrii, Ibiâ>
Le Faon de Sapho, i%%
Hadrigali Le différend terminée Ibidi
Sur laprife de Montmellian, i x^
TALL EMANO.
Epitaphe de M, ttAblancoHrt* t $o
Bpitaphe de M. Fatrus IbkL
ju R la mort f/dfite iun Grandi X ^ 1
Frieres vaines (^Jlériles fans les allions . Ibid«
E
L I F R JE X Ih
B O U R S A U L T-
PiGRAMMEs. "Equivoque plat fonte, 1^6
FJplique iun jeune Avocat à un vieux Frocureur.
Ihii.
Vanité confondue. Ibid.
"Naïveté du Domeftique ttun Chanoine. z 3 7
Vers pour mettre au bas du portrait du K, F. de lé$
Chaife, Confejfeur de Louis XIV. IbiA
lytm Hédedn & d'un Maréchal. t}é
T A B L E. ^ V
Rifcnfi iun Batelier à Henri U Grand, Ibld,
Sur la mort itm Avocat , trh-habile (ji* tris-konnêtê
hûmme, Ibid,
IXun Farti/an. 139
Une bonne Comédie eft tme hfon efficace» Jbid.
Chanfont 14Q
félicité de f honnête homme^ Jbid,
fattx Grands. 14c
fables. Le Charlatan (ji' l'Ane, 141
VEcreviJe çf^fa Tille, 145
JLe Roffignol é* l^ Fatevette^ )bi4,
I> Vaucon malade. 14^
2^ L^/i(^ e^ r Agneau, 147
C^ «» yf M»f homme qui parle j 49.
fxtraits dEfope à la Cour ^ Comédie, Heureux les
Rois qui veulent être éclairez, fur leurs défauts, 14^
Le Lion , rOurs , le Tigre eJ» la Fmtthfére. x 5 j
portrait de la Cour, 155
Belle leçon dEfofe kjm V4T/tni* i$6
pUge dEfofe. Ibid,
LE LABOUREUR.
Sur Ia Coter de Louis le Grand, 15^
V^rtiait de Lou^s de Bourbon ^ Vrmce de Condé.
Sm U place de premier Vréfident d^ V^flefj^nt de
Farts ^ donnée 0 M, de Béliévre^ Jbld.
Sennet. Les Caméléçns à Sapbo. t 6q
MADAME DE PLAT-BUISSON.
Ih ^pff* fk véritables, Amans^ i i\
* 5
vj table;
i*^
Sur le retour de VHiver^ l6p
]£pitaphe du Caméléon» 16}
CHARPENTIER.
■
Imitation étAufone, 16-%
Irnitaùon dune Epigramme de V Anthologie, Ibid,
Autre. léi
infcrrption pour la Vompe du Font I^^tre - Dame ,
traduite du Latin de SanteiiiL Ihld^
V •. • <
LE P. C O M M I R E.
JIqnde aux. Sur la mort tPun Chai. 1 70
i^ur le ndmâfujet» X 7 1
Sut la défait f, df méréfie. . )bl4.
DUCHE.
HyMNB. 174
Il fautfonger à fEternité plus m* à la réputation.
Titrait etAbfalon , Tragédie ^ tirée de PEcriture
Sainte, Tharh ^ vertueu/e Epoùfe t^Abfalon y lui
repréfente toute ^horreur de fa rébellion contre fin
fere ^ ^ tâche de Ven détourner par les motifs ' les
plus touchans, Ibid.
Clémence de David envers Ahfalon. x 80
B E L L O C Q.
$ATY'Kt« I^Nçvellifte. fZi
TABLE; vi)
PAVILLON^
Maprigal. ^4^^
Imitation ^Anacrion, too
A MMdemoifelle de Peltffari, Ibi(t«
A Madame de Pelijfari , Jnr la perte ttk» grand fro^
ces. 101
A la même, Jw les eostches àe Madame fa filUi
10|
Bpitre en Vrofe (^ en vers , i Madame ♦ * ♦.
104
A Mûnfieur ** * fur sm changement, 107
A une Dame , qui fe plaignait de fin ahjence, xo S
Sur les Hôpitaux infilvables, 1 09
Le4 Mufes au Roi. xj i
Tlacet au Roi j pour M, PAbbi X^Um^nt. 1 1 )
Sur la vie du R^i« 114
4 Menfieur * * * ff^f* chàte. ^ f
A Mademoifelle Coulon. %ik
Confeils à Iris,^ 1 1 o
SuflaM^fr^. %iL§
MA R TI N,.
^unejalâufi. 11&.
Endroits choifis de laTraduHien des Gtorgtques. Du
Livre I. Dejfein de totpurage. Invocation^ Divers.
préceptes pour la ctdtHre des terres, . . , Ibi4^
Defcriptionttunera^e. 1^4
Signes de pluye ou de venh 1 ) ^
Divers prodiges arrivez à la morf de Cé(ar^ IbicC
Du Livre IL Avantages du Frintems. 157
Bonheur de la vie champêtre. x I «
IfftXi'iflr^ IIL, Qualite;^naturelles k un bon dieval^
a 4 Uii
wnj T A B L E.
Comment il faut drejfer un cheval four la guerre^
144
Teut eftfujet à V amour. 245
tiavage caûféfar la fefte, Ibid.
MLtE DE 5 CARTE S.
IIelàtion de la mm de M. Vefiartes, ouvrage
mêlé de frofe ^ de vers. 248
VOmbre de M. De/cartes à MademoifelU de la Vi^
gne. ^ 257
'Réfonfe de Madempifelle de la Vigne à tQmWe de
De/cartes, l$sf
••
LIVRE XI IL
T E S t U.
^Ur la naijfance de M. le Duc de Bourgogne. %6%,
iiévéritê de l^ami j préférable aux comflaijances dif
fiateur. 1^5
^tches avares i détrompez, à theure de la mort. ibidL
lettre fur les conquêtes de Louis XÏV. 2,^4
T^œl. . ■ 172,
Dieu ne nous a faits quç pçur lui ^ ^ nous nepouvon^
trouver qu'en lui feul notre repos. xj±
MAUCROIX.
Pï>%. Malheurs de U Guerre. «77
y— ^— ^— "ff^— J .1———
TABLE. ix
A 'un Ami qui vçuhit Rengager à fi msriir» ^79
LA FOSSE.
Madrigaux. Vamomnefeutficucher. iSx
Commencement dune fajjton, IbicL
A la même. iSx
Sur une belle voix et ^ hp aux yeux. Ibid.
A la même , en lui envoyant des fleurs, Ibid.
Jahu/ie. x8$
Ster un Portrait, Ibid.
Le bonheur inutite, Ibid.
Sttr f Amour éi* la fortune, 184
Sur Didon. Ibid.
Sur les portraits de Mademoifille Chéron. Ibid.
Sur un Portrait du Roij qui ttune mainfiutient un
globe y ^ d£ r autre une Eglifi, i8c
'Elégie, Sur hs plaijtrs aifiz. Ibid.
Efitre, Le Moineau de Madame *^ à eOe-pseme,
Les Etoiles conjurées contre le Soleil, 19 X
iraduBion de Pldille de Buchanan, X94
A S. A, S, Madame la Princejfe de Tofian^ « à foC"
cafion éCune Comédie quelle compofa ^ é^qu'eUp
fit repréfinter ficretement par des Dames de fi$
Cour y eUe-memf y jouant leferfinnage iume Ef»
clave.
198
Odes traduites etAnacréon, Sur fa lyre.
50X
Sur la Kofi,
)ox
L'amour pris.
ÎOJ
Le Printems,
Ibid.
Sur un Songe,
304
façtrait deManlius, Tragédie, Am}tii confiante ^
mm
3Ç; T A ^ L E.
<rw^— —^—■^^— —————— —Il 1 1 ■
Traduâion du Pfeaume lU J07
R E G N A R D,
Sati R E ir0ii/y# tel Mari^ ^ i ^
f L E C H I E R.
L'Hercule Tcrmfoh. jxj
£x/r4M/ i*»» £/i?^f de Louh U Grand. 5 1 S
Afofhophe à Viorne. Ibid.
RAINEZ.
Chansons. 331
Madrigal. 334,
MX.LI Ç H E R O N,
P&EAUME IXXJil. Mifere du Peuple Juif flans lei
derniers tems de la captivité deBabylone, Temple
<^ Prêtres du Seigneur en proye à la fureur des.
Idolâtres. 33^
Imitatiên du Pfeaume CXXI. Sur le retour des Juifs
À Jérufalem ^ après foixantedi» dix ans de capti-
wté à Bahvlone, 338
Cantique dnahucuc. Ce Prophète. prédit la défila^
tion prochaine de U Judée par Nahuchodonofir ;
lu captivité du peuple Juif, la prife de Bsèylone
par Cyrus ; ér enfin la délivrance de ce même Pett-
^ . pgure de la Rédemptipn du Monde par Jefus-
TABLE.
LA F A IV E.
Svn fis Vers. $^6
Chanfonfur Pair y un Inconnu,,* 547
A Madame la Comtejfe de Cailus, ^ Ibid.
Odes traduites dUof ace. V Auteur reproche à fa Mai^
trejfefoïh inconfianee , ^ s* aff louait dêtre dégagé
de fort amour. 348
Jja mort eft inévitable , (^ il ny a ni vertus , ci /4f-
lens qui nous en fuijfe exempter, 3 49
Ode. Réflexions dun Philofofhe fur nnç belle cam^
pagne. 350
Mlw B Ç IV N a R D.
Madrigal. 35^
Bouquet. Ibid.
^ Lpitaphe de Madame la Marquife ifHendifOftr, 3 57
'Requête au Roi. 35^
fable allégorique. L'imagination (^ le Bonheur,
/ 35>
frogrh de la Religion chrétienne^ 3 69
Su % la mort tttmj^ne homme trks-fage. 3 H
Sur les Difcours de M. de la Motte , de t Académie
franfoife^ Ibid,
^m
»ii
T A B t E,
V
M
l I V R E XIV.
R E G N I E Rf
Adrigaux. $6%
KêtuUaUf. 5 7 II
Autre, Ibid*
Somets. Sur U mort ttune Chau, ^ 375
Comment ilfsut envifager lefafé é* ^avenir. 5 74
Tahle. Le Berger ér ia Prairie, Ibid,
Ode traduite d'Anacréon. Sur U Vifillejfe. 375
Imitation de ^Ode d'Horace. 37^1
Je le croi bien , je nen croi rien. Sur divmfujets, 37^
V Attelage. 381
La Maifon e7t décadence, 381
Des avantages de la vieillejfe, 383
A quoi ton doit afpirer dans la vieilUffe^ 384
l^glogue. 385
A M, PEvêque de Meaux ^ Urfquil itoit Vricepteur
de Monfeigneur le Dauphin » Fils tonique de Louis
XIV.
394
Traduàion d^tme Scène du Faftor Tido^
399
Sur les Miniftres^
401
Epitre Morale en Vers de nouvelle mefure^
403
Odes, Sur le Mariage.
409
La Solitude.
4Ti
A M. VéUJfon.
419
4 la Raifhn,
41 î
Sur t Ambition.
414
Qfn(re les Impies^
41^
t A B L E. xii)
Sitrla Naijfance de Jefm-Chrifié 419
Extrait des fa$ va, 451
Extrait du Vcyage de Munich, ^3 5
B R U L A R T.
Odes. Sur la Faix, 43 5
L'Amitié, 437
A M. de Segrais. 441
Imitation d^un fàjfage de la Battre X, de JuvenaL
CÔtJLANGES.
Chansons. A une Vieille fort farée. 44 j
A un Avare, 44^
A une jeune Ferfennefiere de fa beauté, Ibid.
La frecieufe à la promenade de la porte faint Ber-
nord, Ibid.
La Femme de qualité, 447
Sur la Nohle/e. 448
Sur l'air de l'Opéra de Tancrede , Le Flaifir nous
appelle , îl faut l'écouter, Ibid.
L I K.R E Xr.
G E N E S T.
1*^ NdROITS choifis defes Fieces de théâtre, Zi^
lonide. Courage ^ magnanimité des femmes de
Spane, 45^
Jfij
7 A B t E,
Cïïï
M
l I V R E XIV.
R E G N I E Rf
Adrigaux. $6%
KêtuUaUf. 5 7 II
Autre, Ibid*
Somets. Sur U mort iune Chate. ^ 375
Comment il fsut envifager le paffé c§» t avenir. 574
Table. Le Berger ér la Prairie. Ibid.
Ode traduite d* Anacreon. Sur la VifiHeJfe. 375
Imitation de ^Ode tCHorace. ^ji
Je le croi bien , je n'en croi rien. Sur divmfi^^s. 37^
V Attelage. 381
La Masjfhn en décadence. 382.
Des avantages de la vieillejfe. 383
A quoi ton doit affirer dans la vieilleffe, 384
JBglogue. 385
A M. t Evoque de Meaux ^ Urfquil itoit Vrécefteur
de Monfeigneur le Dauphin » tils unique de Louis
XIV.
394
Traduàion étune Scène du VaftorEido^
^99
Sur les Mini/Ires.
401
Epitre Morale en Vers de nouvelle mefure^
403
Odes. Sur le Mariage^
409
La Solitude.
4Ti
A M. VéUJfon.
419
4 U Raifon,
413
Sur t Ambition.
414
Çpnire leslmpies^
4^^
t A B L E.
S tir la Naijfance de Jefits-Chrifié 419
Extrait des fat vu. 451
Extrait du Voyage de Munich. 43 5
B R U L A R T.
Odes. Sur la Faix. 43 5
L'Amitié. 437
A M,, de Segrais. 441
Imitation itm fàjfage de la Satire X, de luvenaL
CdtJLANGES.
Chansons. A une Vieille fort farée. 44 j
A ttn Avare. 44^
A une jeune Ferfonnefiere de fa beauté. Ibid.
La Frétieufe à la fromenade de la porte faim Ber-
nard, ibid.
La Femme de qualité. . 447
Sur la NoUe/e. 448
Sur l'air de FOpcra de Tancrcdc j Le Flaifir nous
appelle. Il faut Ncouter. Ibid.
E
LIVRE XV.
G E N E S T.
^ NdrOits choifis defes Fieces de Théâtre. Zi^
lonide. Courage ^ magnanimité des femmes de
Slpéme, 4;a
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1> SelitÂm. j]^
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de Dafhais^ j4i
M. LE MA B.QUI S DÉ**.
ÏABLES. Lm ChmilU (J« U Ver ifye. f 4j
L» Bouteille defaven. 5 44 ,
LtBaon fe fUignimt àjunon, j+s
LtsObfi^ueiduRM. J47
Le Sing e^le Renard ; Feitmet. j^y
Fin de I2 Table du 'Tome II L
BIBLIOTH.
BIBLIOTHEQUE
POÉTIQUE.
LIVRE XI.
S EG RA I S.
1 EanRegnautdeSegeais, ■ '■
nâquitàCaënIe22AoûtnSa^ ^^"^^
^x & y fit fes études dans le Çol-
' iége des Jéfiijtes. Après là Phi-
lofophie , il s'appliqua à la Poëfie FrançoH ■
fe > qu'il cultiva jufqu'à la Ra de ikvit, &
qui ne lui fat pas infruéleufe , pui(qu'elle
fervit à le tirer auffi-bien que fes quatre
frères & fes deux fœurs , du mauvais état
où la bonté ruioeufe d'un pcre les avoit
Tome m. X
EGRAIS
^ hâffés,. Ui^'aypitenGorexjue i^ pu :3;at^i$>
lorf^ue le Cpmte de Fiefijue le prbfiidfit k i
la Cour. Il y prit cette politeffe & ce bon
goût, qui ont paru depuis dans tous fes
Ouvrages.. En 1548. il entra au feryice
de Mademoiselle ' , en qualité de Gen-
tilhomme ordinaire. Ce fut dans le loifir
cju'il eut à Saint-Fargeau , oà cette Pria-
çefle paflà quelques années , que M. de
Segrais mit la dernière main à fa traduc-
tion de l'Enéide. Elle a de fort beaux en-r
droits , & quoiqu'en vers , elle n'eft guéres
moins fidelle que li elle étoit écrite en
profe.
T'antà Segrejtus quodverterit arte Marmem
Non mirum ; illis mens una eademquefuit.
^uipfeitafunt/tmileSi ut dicifojjîtuterquc.
Et Maro Segrefius , Segrefiufque Maro.
Le beau naturel & Taimable fimplicité de
fes Eglogues , l'ont fait regarder juiqu'à
T MariC'Louife d'Orlcans, Duchcflc de Montpenfîcr^
&Ue aÎQj6e de Gailon de France > Onde de Louzs XIV.
LIVRE XL
préfent comme un des meilleurs modèles
que- nous ayons dans le genre paftoral. En SsoaAj
i6'j2. Mademoiselle croyant avoir
quelque fujet » de fe plaindre de (à con-
duite , le fit rayer de l-état de fa Maifon.
M. le Duc de Longuevillc lui envoya aufS-
tôt deux cens piftoles , & quelques jours
après la Comteffe de la Fayette eut la gé-
nérofité de lui donner un Logement chez
«lie & (à table. Cette Dame n*a pas moins
travaillé que lui à Zaïde jr & à /^ Princeffe
JeCleveSy Romans également eftimables
par la beauté du (tile & la délicatefTe des
penfées*. Enfin las du grand monde , M. de
Segkais fe retira à Caën , où il époufà
une riche héritière. Il faifoit les délices de
cette Ville par les agrémens de fa conver-
fation , & par le récit de tout ce qu'il avoir
vu de plus brillant &<ie plus curieux à ia
Cour.. L'Académie de Caën étant demeu-
I Cette PrincefTc nous l'apprend elle-même dans fet Mé-
moires, Segrah ne voulait pas qu'elle fe mariât avec M. dt
Laufun , &" il aimoit mieux que ce fut avec M. le Duc dt
fMtgHtviSU^tix
iRAIS.
4 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
rëe fan3 Protefteur depuis la mort de Fran-
çois de Matignon , Lieutenant de Roi. en
Normandie , il en recueillit les membres
chez lui , & leur procura toutes le$ com-
moditez neceflaires pour leurs aflèmblées^.
Il fut affligé pendant les derniers mois de
fa vie d'une langueur , caufée par l'hydro-
pifie , qu'il regarda comme une faveur du
Ciel , & dont il fçut profiter en Chrétien..
Il avoit été reçu à l'Académie Françoife
en 1662. & mourut à Caën le 2j Mars
1701. âgé de foixante-dix-fept ans.. Sa
traduélion des G.eorgiques en Vers Franr
çois n'a paru que long tems après ùl mort.
On ne fçauroit difconvenir que cette tra-
duftion ne fe reffente un peu de la vieillefle
deSEGRÂis : mais il s'en faut bien qu'elle
foit aufli méprifable que le fait entendre
M * * * dans fon Recueil d'Efigrammes , à
Tarûclc où il fait mention de notre Poète.
Infiriftion,
j\J Alherbe , de la France dcernel ornement y
Four rgidre hommage à u mémoire >
L I V R E X I. 5
SiGRAis , enchanté de ta gloire ,
Te confacre ce monument. » SxoRi
C K A 2^ S O ^ S.
I.
pRiNTEMs aimable & gracieux',
Pcre des fleurs & des amours nouvelles.
Tu nous renouvelles
Tes dons précieux :
Belle peinture ,
Belle verdure ,
Par qui tout fleurit ,
Par qui tout rajeunit i
Ta grâce
fait changer de face
A tout ce qui vit.
Hélas ! tout change ,
Hors le mal étrange
Dont mon cœur languie
ÏI.
Doux ruifleaux , coulex fans violence j
Roffignol , ne vante plus ta voix :
1 M. df Seghais avoît une C\ grande vénération pour
Malherbe , fon célèbre compatriote , qu'il lui fit élever une
ftatuë de pierre , plus grande que le naturel » Ac la fit placer
^aft« une niche faite cxpréf à la façade de iâiMirôn.
I«1LAI$«
€ BIBLIOTHEQI/E POETIQ^UE.
^mmmmÊmmmmÊmmÊmmmmÊmmmmmmmmmmmmm^mmmmmmmmmmÊmti
Taifez-vous, zéphits , faites filence ;
C ed: Iris qui chante dans ces bois.
Je Tentends , & mon cœur quelle attire ,
La connoîc à Tes divins accens ,
Aux tranfports que leur douceur infpire \
Mais bien mieux aux peines que je fens.
I I I.
Que tes lois , Amour, font cruelles 1
Malheureux font les coeurs que tu peux enflammer 2
Plus malheureux encor ceux qui te font fidelles i
Mais qui peut vivre fans aimer }
IV.
Enfin me voici de retour >
Et j*apporte avec moi pour vous faire raa cour
Un bel équipage d*amour.
J'ai des fleurettes ,
De doux propos , des vers , des chanfonnettes i
Pour tout avoir ,
Il ne me faut , Iris , que de Tefpolr.
Je fçai concevoir des dcfîrs *,
7e fçai faire des vœux , & pouffer des foupirt
Dans les douleurs & les plaifîrs :
Je fuis fidelle ;
J*ai du refped , & j'ai beaucoup de zélé ;
Pour tout avoir »
Il ne me faut , Iris , que de l'efpoir.
il VR É X I.
7
•
V.
*
PôURraîmable Cbmtcflc
S£GX.i
Meurt tous les jours
Quelqu Amant qa elle laifle
Sans nul (ècoiurs ;
Et cependant la prefTe
Y eft toujours.
MADRIGAUX.
Sur le bonheur de la france far la faix générale,
France , ton graYid Monafrque accomplit tes
fouhaits :
Etant n^ pour la guerre > il (ê donne à la pali -,
Il fait par (es vertus adorer (on empire \
£t de fî riches dons les Grâces Tout orné ,
Qu'un légitime choix nous le feroîtélircy
Si la faveur du Ciel ne nous l'avoir donné.
SurlefwtrMtde Madame la C&mtejfe i de Viefqke^
Dan s ce divin portrait oii brillent tant d'attraits»
Vénus rieconnoiiTant & Xon air & Tes trato »
Se Hgura d*abord en être le modelle :
La fegardanf âlreux toutefois »
Pourquoi tant de Grâces , dit-elle;
Car jamais avec moi je n*ea vis plus de trois.
I Âime le Veneur^ fille de Jacques , Comte de Tillietes.
a • • • •
A luj
8 BIBLIOTHEQUE PQETÎQUE.
llsexcufe de ne pouvoir faire des Vers four une
^RAis« Dame qui lui en demandoit.
Quand à mon efprîc je propofc
De faite pour vous vers , ou prôfc ,
Il ne trouve rien de plus doux :
Si pourtant à votre courroux
Souvent fa pareflc m'expofc,
.Sçavez-vous quelle en e(V la caufe ?
Il s'amufe à penfer à vous ,
Et ne veut plus faire autre chofe. ^
A une Belle malade.
ÏN VOUS faifant parler votre fanté s'altcre.
Hé bien , auprès de vous , Philis, il fe faut taîrc j
Mais connoifTez au moins combien de mes langueurs
Votre langueur cft différente :
C'cft pour parler que votre mal s'augmente y
C^eft pour me taire que je meurs.
Climene au Cours.
Un jour en revenant du Cours ,
Le long des rives de la Seine.
I M. de Fontenelle a rendu aînfi la m^mepenfle .*
Je 'veux chétnter en vers U Beumé efui m'engage ;
jypenfe , fj repenft , O* le tout fans effet :
Mon cœur j^ occupe dn fujet ,
£/ Pef^rit Ui^e-ÏÀ touvraie.
L I V R E X L 9
j i.
V
Je yis une troupe d* Amours
Qui fuivoic le char de Climene, Secra
Charmé de fon éclat vainqueur >
Je fui^is comme eux cette Belle :
Mais lorfque je m'éloignai d'elle y
Je les trouvai tous dans mon cœur.
E G L O G U E s.
C L I M E H B.
I TiRcisrmoaroic d amour pour la belle Climene^
Sans que d'aucun efpoir il pût flatter fa peine.
Ce Bercer accablé de fon mortel ennui ,
NeTcplaifoit qu'aux lieux auITi rrides queluK
Errant à la merci de (ts inqitiétudes^»^
Sa douleur Tentraînoit aux noires folitudes \
£c des tendres accens de (à mourante voix
Il fai(bit retentir les rochers & les bois.
Climene , difoît-il , ô trop "belle Climene !
* Vous'furpaflèz autant les Nymp^bes de la Seîncy "
Que ces chênes hautains 3 & (I vcrds & (î beaux ,
1 Twwtofum Pjffor Cûtydon drMat AUxim ,
me quid fberaret hahebat :
Tétnthminter denfâi y ttmhrûfâcaCHmindyfaios y
Ajfiduè veniebétt : tbi imonditafolns
MwnUms^ fihit ftudiojaBabdt irtani, Vii^. Egl. t.*
2 P^erùm h^c tantùtn alias inter capnt extulit urbeg ,
Quantum lentafolent inter vibuma cuprejfi, Virg. Egl. i,
. 3 Ce mot ne s'employe plus <^ue dans le figuré. Mous di-
rons qu'une perronneeft hautaine, poux dire ^'ellecft^-
ïo BIBLIOTHEQUE POETIQ^UE.
Des humides mârâîs fufpâfTcrtt IcsrofcâuxV
eéllAZS. Votre divin efprît , votre beaucié divine ,
Du plus pur fang des Dieux marquent votre origine..
Od peut-on voir , qu'en vous , ces 6eil1cts'& ces lys ,
Qui paroifTent toujours nouvellement cueillis >
Mais plùs^ ces doux attraits vous rendent adorable»
Plus ces attraits (î doux me rendent mifèrable ,
Si vous cohfîdérez tant de chatmcs divers ,
Comme autant de fujets de méprîfer mes vers.
> De votre belle boacbeunefeulc parole i
M*çft ce qu'au voyageur eA l-berbe fraîche 5c moUc;^
£t rai(è de vous voir eft à mon cosur \>\tSé
Ce qu'une eau claire & vive eflr au cerf relancé.
Jamais rien de fî beau n*a paru fur la terre 5
Mais toujours vos rigueurs me déclarent la guerre i;
^ Et ce qu'à nos troupeaux eft la fureur des loups^^
Ce qù'eft à nos vergers Taquilon en courroux ,
Ce qu'a nos épies mûrs eft la pluye orageufe ,
Telle eft vôtre colère à nnon ame àmoiireufe..
Hélas 1 de vains defirs ^ long teras enflammé ,
]^aut-il toujours aimer oii Ton neft point aimél-
Hélas ! de quel efpoir eft ma flamme fuivîe ,
Si , lorfqne dans les pleurs je confume ma vie>
I TéU tuum edrmm mhis ;
QumU fofw ftSis in gfdmine , éjuAÏt per étflnm
Dulch d*iH^f»Hentefitim t^nguere rivo. Vifg. Egl. f ;
X Trijh ImpMifiéiMi» , méhtriffmgitms imkns ,
LlfRÈ XL "
Celle pour qui jefoufFre un fort fi rigoureat
Trouvie tant de plaiftr à me voir malheareux ! Sx'oraii<
£« mille & mille lie'ax de ces riTCs cbampérres •
J'ai gravé Ton beau nom fur récùrce àt% hêtres;
' Sans qu'on s'en apperijoiVe «il erofcra chaque )oot.
Hélas ! fans qu'elle y (bbge , ainfi croît mon amour.
Pour éclairer autrui comme un flambean s'allume ,
Pour en (èrvir un autre ainfî je me ccmfume.
Ah ! fi du même trait dont mon cœur eft bleffé...
Mais ne poorfiiivonspas ce discours infênS r
Je ferai trop heurieux > belle & jeune Clinaenc «
S'il vous plaît feulement canTcntir à nia peine.
N*ai-je point quclquéagncaudont vous ayez défir*
Vous l'aurez auffi-tôt , vous n'avez qu'à choifir j
£t fi Pan le défend de tout regard funede ,
Aux yeux des Encfaanteui^ f abatidbnue ^ refte.
* Pan a foin des brefeis , Pari a foin des Pâftctirsj '
£t Pan me peut venger de toutes vos rigueurs.
? Il aime , je le fçais , il aime ma mufecte.
De mes ruftiques airs aucun * il ne rejette 5
£t la chade Pallas , 4 race du Roi des Dieux >
A trouvé quelquefois mon chant mélodieux :
Des grandes Déïtez Pallas la plus aimable.
mm
X Crefctni ilU , crefcetis amcres. Virg. £gl. 10,
af Pan curât oves y oviuimjHe tintgifkns. Virg. Egl. .< i •
3' Pollio dmat noftram , qudmvh fit rtéftka , mtiffun»'
Virg. EgU 3.
iiiiii'i û-y ■ i r ■ 1 n-n
ta BlBLIOTHEqUE POETiqUE.
mmàmmmmmm^mmimÊmmÊmaÊÊmÊmÊÊmmmttmmmÊmmmmmmÊmmmÊmmmmmÊ^
La plus vlâorieufè , & la plus redoutable.
^eKAiSt X p^,. çjiç (qjj5 Iç frajs Je ^ gj jeunes ormeaux ,
Je puis > quand il me plait, enfler mëst;halumeauz)
Et je puis ne chanter que mon amour fîdelle y
Quoiqu'on ne dût chanter quefa gloire immor celte j.
Et qpe je doive encore à fa (èule bonté
Cotte délicteufe & douce oidveté.
Sous ces lèdillages verds venez , venez m*entendre s'
Si nia chanfbn vous plalt^je voasla veux apprendra
^ Que n*eûtpas fait Irîs pour en apprendre autant 2
Iris que j'abandonne , Iris qui nVaimoit tant.
Si vous vouliez venir , p miracles des belles ,
l Je vous cnfeignerols un nid de tourterelles :
Je vous les veux donner pour gage de nuibl ;.
Car on dit qu'cHes font fidellcs comme moi»
Climene , il ne faut pas méprifer nos boccages :
4 Les Dieux ont autrefois aimé nos pâturages ^
Et leurs divines mains aux rivages des eaux
î Ont porté la houlette , & conduit les troupeaux^
H'aimable Déïté qu'on adore en Cythcre ,.
1 llU meas erraréboves , nt cernif , C^ ipfttm
Ludere , ame velUm, calamo permifit agrefii, Virg. Egl. i ;
& H^c eadem ut fcirtt qma non faciebéU AmyatMS f
Virg. Egl. 1,9.
J Namque notavi
JpfrlàcMm d'érùe ^tue con^ejjere pàlumbes, Virg. Egl. 5 •
4 HétbiUrunt D$ tfHo^ueJylvas »
DarddnufynePMris.yiT^.EgX, i,
$ Uec te peenitedt pecorif , divinê^FtXtd ,.
Mtformofm çvtf 4d finmitm pévit Admj^Yiigt £gl. «o.
LIVRE XI.
«3
Da^rger adonis (è fai£bit la Bergère
Hélène aima Paris, À Paris fut Berger ^ S^grajII
£c Berger on le vit les DéeiTes juger.
Quiconque fçaic aimer , peut devenir aimable :
Tel fût toujours d*amour Tarrêc irrévocable.
Hélas ! & pour moi feui change- t*il cette loi ?
Rien n'aime moins que vous > r^en n*aime tant que.
Généreux Montau^ier > dont Tame vigilance
Aflure le repos des Bergers de Charance , »
Qui des lauriers de Mars tant de fois couronné »
Des lakiriers d' AppoUon fais gloire d*être orné ;
Daigne pour un moment fur cette fraîche rive
Oiiir de mon Berger la mufcttc plaintive,
Ainfi tout rUnîvcrs de Julii * & de toi
Entende ia-louange , & l'aime comme moi. i
A M I X E.
4 Tandis que je vais voir mon adorable Amîrc^
Garde bien mes troupeaux mon*fidelle Tityre.
^ ..."
■^T
1 Rivière du Poitou , derAngoumois,dclaSaimonge^
du pays d*Aunis.
2 Julie- Ludne d' Angennes , Marquife de RamboiiiUet&
de Pifani , que M. le Duc de Momauziei recherchoic en ce
tems-Iâ , c'cîl-à - dire vers l'année i ^4 f .
} Le Çcavant M. Ogier a fait Air cette Egtogue une difTer-
ration cres-cufiet»re ^ où H fait-TurtOHt'TeBttrcombicnM. de
Segr A I s , dans ce qu'il a imité de Virgile > a A^u enchérir fut
fon original.
4 Titire , dum redeo , brevis efl via > fafce capelUjs
Virg. Egl. p.
14 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
X L'aftre heureux & brillant de la Mère d'Amour^.
Sbuais. de Taurore vermeille annonce le récour.
Il cft tems de partir , adieu * mon cher Tityrc.
^ Garde bien mes troupeaux , je vole vers Amice.
Soit,quand je revleudrai,touc le Clei en courroux^
S'il me donne en allant un tems (èrain & doux »
Bourvu qu'enfin j'arrive & qu'an moins je la voye»
Que je meure auffi-tôt , je mourrai plein de joyp^;
Qui peut en être vu d'un regard amoureux »
Ne peut jamais avoir un deftin malheureux;
Que fait-elle à préfent \ De quoi s'entretient-elle ^
Od dois-je en arrivant rencontrer cette belle ?
Sera-ce (bus ces pins aux rameaux toujours ver^s »
^ Od j*ai gravé nos noms en cent chîfires divers \
Sera-ce aux bords fleuris de la claire fontaine »
Od je lui découvris mon amopreufe peine ?
£t que doit mieux fentir un véritable amour ,
Ou l'ennui de rabfence , ou l'aife du retour ?
Enfant, maître des Dieux , qui d'une aîle légece»
Tant de fois en un jour voles vers ma Bergère «
Dîs-luî combien loin d'elle on foufFre de tourment:
Va , dis- lui mon retour, puis reviens promprement^
( Si pourtant on le peut quand on s'éloigne d'elle )
M'apprendre comme elle a reçu cette nouvelle^
mm
I EcceDion^iprocefuCétfarisaPrum, Virg.Egl.^i,
» Tenerifque mtos incidere dmwft
JtrkorihHt,,,, Virg, Egl, lo.
LIVRE XI. iç
■
O Dkux • que 4e plûflr » fi quand j'arriverai ,
Elle me voit plutôc que je ne la verrai » Sx^JlA|l
£c du haut du coteau >qui découvre ma route •
En s*écriant , c'eft lui » c'eft lui-même fans doute »
Pour defcendre en la rive elle ne fait qu'un pas»
Vient jufqu'à moi peutnêtre , & me tendaat les bras^
M'accorde un doux baifèr de fa bouche adorable 4
Bai(èr frivx»le & vain > & pounant.déleâable»
Et qui marque £ bien à mes douces langueurs
L'ineftioiable prix des plus grandes faveurs.
Inutilçs pen(crs , ou peut étriP men(bnges !
> Un amant O^ns dormir fe forge bien des (bnges.
Qui ne (çait que (ouc change en l'empire amoureux j
Et qui peut être abfeat & s'eftimer heureux ?
Mais pourquoi s'affljger d'une crainte mortelle ,
Pouvant tout e(pérer de mon amour fidelle ?
Efpoir, qui (èul fais vivre un malheureux amant ^
Ke m'abandonne pas en cet éloigqement -y
Tu pourioîs adpucit la plus cruelle abfence ,
Si tu ne venois point avec l'impatience.
Que loin de fa Bergère on fent durer les JQurs l
Et qu auprès ^elleauffi lesplusiong&femblentcoursl
Aflîs tons deux à l'ombre au pied de ce grand li£tre|
Ou par (q|i jugement ma mufètte champêtre
Sur nos jeunes Bergers la guirlande gagna ,
X 4n qui amant , ipJtfibifommafingMntiyiTj^,ï^l,$^
16 BIBLIOTHEQUE POETIÇ^UE.
Charité , me dira-t'ctlc , & ne ccfle de dire
llGRAis. La chanfon que tu fis pour ta fidelle Amire.
Ton clianc me cfharme plus que celui des oifeaux;
J*Uiine moins qi^e ta voix ie doux bruit des raK*
fçaux -,
Alors la regardant , Se la voyant fi belle ,
Amour m'échaufFera d'une flamme nouvelle;
Peut-être aufii qu'alors Amour la touchera ^
Elle vaudra répondre , & fa chanfon fera ,
Qui chfintera , Berger , û ton Iris ne chant««
Iris donc ton amour rend Famé fi contente }
Elle accompagnera Faimable nom d'Iris
D'un rcgard'languifTant , ' d'un gracieux fourîs ,
Interprètes du coçur , qui fembleront me dire »
Sans la peur de rougir elle auroh dit Amire.
Ainfi puifTe couler le refte de mes jours ,
Adorant fbn vifage , admirant (on difcours :
* O les difcours charmans , ô les divines chofes ,
Qu'un jour difolt Amire en la faifon des rofes !
Pourx zéphirs qui régliez alors dans ces beaux
lieux, '
U*en jortâtes-voui rien aux oreilles des Dieux ?
Tels étojcnt les pehfers de l'amoureux Cléandrc,
RctourHant vers les bords du Celtique Méandre j
1 0 qtMtiestJr tiu^ Hobis'Gahteéi locntMefl ?
Pdrtem aliquam , Venti , BivHtn referatis ad sutres,
Retournanc
L I V R E X L 17
Car quiconque a vu COrne aux tortueux ié-
^ours, SïGRAW.
Au Méandre fameux a comparé Ton cours.
ENDROITS CHOISIS DE LA TRADUCTION
D£ l*£n£Ide de Virgile*
Dv LirHE L
Haine de Junon contre les Trcyens. Ecle , à fa prière
excite une temfètepour les fubmerger^
Ueftune tappaife,
Ont-ils vaincu , dit-elle , & ma haine im-
pulsante
Verra-t'clle aborder leur flotte triomphante ?
Je ne puis Técarter du rivage Latin ,
Et partout je me trouve efclave du Dcftin !
Qui ne fçait que Pallas , pour mettre Ajax en
poudre ,
Sur la flotte des Grecs a pu lancer la foudre 1
A pu la dilTipcr yl*abuner fous les eaux ?
Pour le crime d'un fcul perdre mille Vaiflcaux 2 .
Qui me reconnoitra déformais pour Déefle ,
Et qui craindra Junon après tant de foiblefTe ?
Roulant ces foins divers dans fpn cœur irrité ,
Son char paffe les airs d'un vol précipité «
£t vient aux creux rochers des Eoliques plages #
Ix nébuleux féjour des vents & des orages.
Tome III. B
i8 BIBLIOTHEQUE PORtiqifE.
Là , le Dieu qui régit cesifujccs mutinez ,
IGJLAIS ^^^ dompte , les enferme , & les tient enfermez.
Ils grondent fous ces monts, ils (è livrent la guerre).
Pour (c faire pafFage ils ébranlent la terre :
Ils tremblent toutefois à Tafpe^t de ce Roi ,
Qui reprime leur fougue , & leur donne la loi.»
Ce fbuverain Monarque efl: le fuperbe £ole ;
C'efl à lui que Junoa adreffe fa parole.
Toi qui reçus des vents le fceptrc impérieux ^
Par le Roi des mortels , & le Père des Dieux \
Les Trdyens fugitifs , ces objets de ma haine ,
Avec leurs Dieux vaincus fendent la mer Tyrrhenc »
Bravent înfblemment tous mes divins efforts >
£t tranfportent Pergame aux Italiques bords.
Abandonne à tes vents les campagnes ameres }
Pourfuis > difperfe , abîme & nochers & galères :
Ainfî je te promets le fort le plus heureux
Dont (è puîife flatter un efpoir amoureux.
De mes Nymphes l'honneur , Taimablc Déjopée ,
D'un doux trait de fes yeux a ton ame frappée ^
Tu Taimes , elle eft belle , & j*en puis difpofcr j.
Penfe , pour me fervir , que m dois tout ofer.
£ole lui répond. Commandez , grande Reine ^
C'eH: à moi d'obéir , & j'obéis fans peine.,
il dit » ^ d'ui^grandcoupilrenverfe le mont.
Des promptf enfans de l'air la mutine colporte y
Du raoiadre jour ouvert s'ouvre une large pone ^
LIVR E X L 19
Ils fortent tous en foule , & ce gros bataillon
Elève dans fa courfc un épais tourbillon. Secraii
La Terre en efl émû*é } ils paflent fur les ondes s
La mer en voit ouvrir fes entrailles profondes ,
Eure le redoutable , Aquilon le neigeux ,
Et rhumide Afriquain plus que tous orageux >
Changent Tazur poli des liquides campagnes »
En rochers écumeux » en> bruyantes montagnes.
Des cordages , des cris , (budain (tffle le bruit \
Sous un nuage épais le ciel , le jour s'enfuit ^
La nu it vient , Téclair bnlle , & le tonnerre gronde ^
Tout pré(ènte la mort aux yeux de tout le monder
Enéc en cft {urprîs , il levé au cî^l les yeux ,
Et déplore » en ces mots > (bn (brt injurieux.
O trois & quatre fois mort bienheareufê & belfe^,
La mort de ces Troyens , qui d'une ardeur fîdelle y
Combattant près de$ mûri de leur tride cité ,
Aux yeux de leurs parcns perdirent la clarté !
Pourquoi , fils de Tydéc , auï combats indomp*
table ,
N'ai "je fini par toi mon deftîn tamentablc »
Où le fier Shnoïs roule encore les os ,
Les cafques , tes pavois de tant de grands Réros !
A ces mots , 1* Aquilon s*entonfle dans les voiles •
Pouffe avecque foreur les fh]vs jutqu aux étoiles^
La rame rompt aux mains du nocher rebuté' |
La nef tbtjtne la ptouë^« & iprête le doté ;
£c k Pilote cé({è à là vague aboyante ,
Bii
20 BÎBLIOTHEqUE POETIQUE.
Qu'il voie , comme un grand mont , fur fa céce
EGRAis. pendante-
Borée attaquant feul trois des plus grands vai^Teaury
Les poufle fur un roc caché deffous les eaux ^
Trois autres fur un banc , par l'Eure impitoyablç
Demeurent enfoncez (bus des monceaux de fable.
Oronte , chef hardi des adroits Lyciens «
Du plus haut de fa poupe encourageoit lesfîens :
D'un front audacieux il brave la tempête -,.
Le flot qui s'en émeut , s'élève iur Ai tête ,
Crevé , & tombe fur lui , montre un abîme ouvert ^
La nef tourne trois fois » difparoît & fe perd,
Neptune cependant , au bruit que font les ondes ^
S'éveille & fe courrouce en {es grottes profondes •,.
paroît , & fur les flots attachant (es regards ,
Voit fon vaflie palais ému de toutes parts.
De l'invincible Enée il voit toute la flotte
Abandonnée aux vents par le trifte Pilote 5
Il voit l'orage affireux , & par tant de fureur
JI reconnoît la haine & l'efprit de fa Sœur.
Approchci E«rc , dît-il , & toi mutin Zéphirc j;
Et par ce fier propos leur exprime fbn ire.
Qui vous rend û hardis , fujcts fédirièux ?
£tes-vous (buverains de lar Terre & des Cieux ^
Pour venir fans mon ordre exciter un orage »
£t ju{ques fur mon trône exercer votre rage ?
Jnfblens.».. ( mais il faut mes ondes applanîr )
Abfous pour cette fois> tremblez pour ravenir t
L I V R E X L 11
Fuyez vers votre Maître , & lui faîtes entendre,
Qu'à l'empire des Mers il cefTe de prérendre -, SSGRAXi
Que par le choilc du Sort le trident n^eft qu'à moi \
Ced parmi vos rochers qu'il peut faire le Roi.
A peine il a parlé , qu'il rend le calme aux flots»
le jour à'rUnivcK, rcfpoir aux Matelots.
Avecque les Tritons les Nymphes fecourables
Dégagent les vaifiôaux ^ç:i rochers & des fables f
Mêmes où le danger eft le plus évident ,
Neptune les fecoun d*un coup de fon trident }
£t volant fur (on char par les humides plainef,
A &s chevaux marins abandonne les rênes.
Tel devient d'uir grand peuple un foudain mott-*
vemenr:
Ce monftrc forcené dans (bnempoitemem: ,
De grais & de tifbns forme un épais nuage ;
Croit tour jufte , ofe tout , de tout arme fa rage % '
Mais (l- quelque homme grave, à Tair impérieux ,
S'offre & mcle fa voix avx cris féditieux s
On s'arrête , on l'écoute , & fa bouche éloquente
Ado«*cît la fureur de la foufc infolente.
De la mer irritée ainfî ccffa le bruit -,
Devant Neptune ainfi là tempête s*cnfuîr.
•i— *— I' • — — — lir
aa. BIBLIOTHEQ.UE POETIQUE.
Du Livre I L-
MftAXS» Mm't de Lnocên,
Laocoii que le Sort fit Prêtre de Neptune ,
Immoloit un taureau fur le haut de la duùe , •
Quand deux affreux fèrpens ( je (èns frémir mon*
coeur ,
Et lefèul fouVenir lise donne derhorrcur)
Quand d*ua cours mefuré , cette engeance reptile
Abandonne Ténedfe , avance vers la ville ,
Sur la mer applanie à l'envi déployant
Les tortueux replis de leur corps ondoyant ;.
tis portent au deflus de la plaine mouvante
leur col enflé d'orgueil , leur crête rongidànte %
£n cercles bigarrez conrbent leur vafte ào% ^
Le refte traiae après fur la face des flots :
Leurs r ap ides élans « & leur énorme queue »
Font écumer leur trace, & bruire Tonde bleû^: -
Ils paiTent fur la terre. A ce flincfte abord
S'épand de toates parts la frayeur de la mort *,
Leurs yeux jettent la flamme , & leurs langue^
fifflantes
Lèchent les Cales bords dé leursgtieules béa(titeSr
Tout fuit fur le rivage , & pâlie de terreilr :
Mais Laocon eft feul l'objet de leur fureur.
Ils attaquent d'abord (es deux enfans aimables ;
Couvrent ces petits corps de leurs plis effroyables ^
S'entortillent autour, mordent ces cendïes chairs»
Donc k faog coule épais dans leurs goflers ouverts.
L l r R E X L 1}
le père armé de tràitis , accourt tremblant & bléme i
De leurs terribles nœuds ils rétrcigncnt lui-même». S£om,'ai
Ses mains font mille efibrts pour arracher cea^
nçends \
Le (ang & k venin coulent fur (es ctieveux y
Il perce de (es cris la voûte étincelance »
Ix mugit (bus TefTort de fa douleur preffante y
Comme le fier taureau qui s'enfuit de Tautel ,
Od fon front mal frappé gatichit au coup mortel
"Etitbrafement de Troyei
Qui peut par un difcours aifçx épouvantable >•
Taire de cette nuit la peinture effroyable ?
Tout Ilion n-'efl plus qu*uii'va{(e embrâfèment ;
L'ouvrage de cent Rois périt enun moment.
Les temples, les palais, font d'amples cimetières^
Et les ruiffcaux de fang débordent les rivières.
La Parque confond tout -, (on aveugle rigueur
Souvent fous le vaincu fait tomber Te vainqueur ;
Partout l'horreur de Mars » pleurs , plaintes & cai^
nage,
£r panout de la raortparoît rafrreu(e image.
D V L I V R B I 1 L
Le Mont Ethna*
Dfs Cytlopes hideux nous abordons la plaglb
Le port eft vafte & fur s mais par tout ce rivagçr -
EO&AZS.
34 BIBLIÛTHEQ^UE POETIQUE.
^mmÊmÊÊmmmmmmKmtimmammÊimmmmmtmÊÊmmÊmmmÊÊmmÊmmmÊammÊmmtÈÊmmÊtmtm
■■ • •. »
Ittce/Tamment d'Ethna tonne le bruit affreux : .
Tantôt jufques au ciel 11 élance (es feux >
Et roule à gros bouillons fur fa cime enflammée
Un tourbillon épais de cendre & de fumée.
Tantôt dtt'plus profond de (es gouffres ouverts ,
furieux , il mugit , & vomit d^ns les airs
Du mont étinceianc les entrailles brûlantes »
£t les rochers fond us^ dans fes grottes ardenteSr
On^ croit que de la foudre autrefois tetraifé j
Sous ce mont Encelade eft encore oppreiTé ^
Qu'au moment qu'il refpire « ainfi qu*une fournaiiè»
Par ce gouffre béant il exhale la braife j
Et que rifle à l'cntour tremble aux moindres efforts
Que tente le Géant pour mouvoir fon grand corps.
I> jj L ï r R B VI.
Ùefiription des Enfers*
Cest-la que Rhadamante > exerce (à juftke>
Découvre l'impoflure, & fait la guerre.au vice ^
Au crime en vain fecret , puifqu on n évite pa»
La peine & les remords qui fuivent le trépas.
Ses arrêts prononcez , Tîiiphone implacable
Fait par fes noirs ferpens ronger l'ame coupable ,
Lui reproche fou crime , in fuite à (es malheurs >
Et preffe par fes cris les inflexibles Saurs.
i Minos , Eaque & Rhadamante ^ étoienc , félon la Fa«
Me» Juges des IxUius.
Cctt
LIVRE XL 2?
Ceft-là que du Tarcare eft la caverne immonde ,
Deux fois plus haute encor dans fa chute profonde » Seci,
Que la Terre n'eft loin de l'Olympe azuré.
Âuxplux creux des cachots de l'abîme cufbuffré»
Sont les immenfès corps des enfans de la Terre »
Les orgueilleux Titans écrafêz du tonnerre.
Là , je vis d'Alous les fils audacieux »
Qui brifant de leurs mains l'épais criftal des cieux »
Voulurent détrôner le grand Jupiter même.
lii 9 je vis Salmonée, & Ton tourment extrême •
L'arrogant , qui jadis bravoit les Immortels ,
£t vouloit ufurper l'encens & les autels ,
Quand fur un pont d'airain pouffant fbn char
rapide «
Lançant (es feux ardens fur le peuple d'Elide »
Il penfbît imiter dans (on triomphe vain
L'inimitable foudre , de l'immortelle main.
Mais du grand Roi des Dieux l'ire jufle & puif-
fantei
Lança non une torche , & de la poix fumante \
Mais perça le Tyran de (on foudre vengeur,
£t le précipita dans ces lieux pleins d'horreur..
J'en vis £ur qui pendolt une roche pc(knte ,
Toujours prête à tomber , & toujours menaçante :
Tel eft Plrithoîis brûlé d'ambition >
1^ Lapithes cruels , & l'impie Ixion. ,
Sous un fuperbe dais le criminel Tantale
Regarde l'appareil d'une table royale j
Tomt UL C
.x6 BIBLIOTHÈqUE; POETIQUE.
Mégère lui prcfente une torche de poix »
;GRAis. £c tonoaotàrencourd'uae terrible voix »'
Irrite avec plàifîr fa faim iiiQiciable »
Et défend à fes mains d'approcher de la table*
Les enfans révoltez , les frères ennemis »
Le Seigneur infidelç à {on vafTal (bumis^
Celui qui d'un Tyran embrafla la quercllç » «
Le ferviceur pcrfidç , & le fujet rebelle ,.
Tous fentent |uftement les tourmens des cafers :
Chacun » félon fon crimç « éprouve un fcKt divçn.;
Defiription dfs Champs Efy/tfes.
Un air délicieux » une himiere pure »
Anime de ces champs l'agréable peinture,*
Celui-ci danfe à l'ombre , ou récite des vers i
Là le charmant Orphée entonne (es beaux airs ,
Tantôt pince la corde en (on habit de gloire ,
Tantôt la fait parler foos fon archet d'yvoire.
Là font ces vieux Héros « ces Guerriers généreux ^
Nez par l'ordrç du Ciel en des tems plus heureux i
Dardan , le grand Ilus , & l'illuftre AiTarace >
La fource & la fplendeur de la Troyenne race.
Là (ont abandonnez les chariots de Mars \
Les chevaux débridez par les champs (ont épars :
Les dards au fer rouillé (ont piquez dans la terre i
Celui qui s*exçr(oit autre&is pour la guerrç »
A conduire fon char , à dre(fcr fes chevaux ,
Dans ces beaux lieux s'exerce à ces nobles travaux*
L I V R E X I. 47
Deçà delà far Thcrbe, on yok les taUes prêtes $
Sans ceflè Us font aux Dkux de folcfanelks iëtcs » Ssau
Dans un bois odorant de lauriers tovjoors rerds ,
Quarrofe l*£ridan par ceac replis divers.
Le front ceint de bandeaux en ce lieu de délices ,
Sont les Prêtres exempts de (bnillure & de vices ,
Ceux qui pour leur pays (bût moitsaaz champs de
Mars,
Ceux €gac resdic &inetix l'isivttteioti des Arcs»
Les Poëtes ditias * dont la céleAc flamme
A montré qu'Apollçn illuminoit leur ame \
Tous ces nobles efprits , dont les faits généreux
Affranchirent leur noaa de Toubli cénétveiix^
Immortalité de ti^mè.
De'^ leac cottnencement le ciel « la tcfic %
Tonde ,
Les flambeaux éternels , la lune vag^^bonde»
Reçurent un efprit » qu'au dedans enferma •
£c^tt=cnorctieot cott}oui!S k Oieu qui les fbmuu
Par le Vafte Univers cette ame répandue »
De ces immenfes corps anima retendue :
La terre fe peupla d'hommes & de troupeaux ^
L'eau de poif&ias divers ^ l'air d*iafinisoxfeaux :
Notre eflenct marquant fa célefte origine ,
Conferveroit du leula nature divine >
Si (on: aâlvitsé ne fe rctardoit pas
Parnit corps fuit de terre ; & fujct au trépas.
C i j
a8 BlBLIOTHEqUE POÈTiqUE.
De^à naîc la 4pulcur , de^là naît rall^reâé y '^
G^4i?. U dcfîr plein d'cfpoir , rcffroi pldn àa^ trlfteflc , ^
Epfan^ impétueux des rebelles efibits '
Pe refpric ennuyé de la ptiTon du corps.
Science de; Romains,
D*AUTac$ peuples fcauronj: l'art d'animer le
cuivre^
Leurs marbres tèmbleronc êc refpirer fi: virre ^ ^
D'autres de réloqaence emporteront le prix ,
Ou décriront TOlympe^ 6c Ton riche lambris.
Ton art , Peuple Romain , ton illuftre fcience ,
Sera d'aflèrvir tout à ta vafte puifTance >
De te rendre en . tous lieux , dans jia guerre ou la
paix,
L'effiroi des Ennemis , Se l'amour des Sujets. > '
I A juger de l*£DêïcIe 4e>i. de Segrais , par ce qu'on en
vient de lire, on aura fans doute peine à croire qu'un de
nos^lus grjujds ^oçtes ait avancé qu'elle étoic écdie ço ftiJ«
de Chappelain. M: de la Monnoye , bon juge en ces fones
de matière!^ arçadu plus de |ufticeànotre Auteur dans If
Madrigal fuivant.
. Quand SnQXAis , affrdmhi des ierrefires liens »
Defcéndit plein de gloire aux Champs Elifiens «
Virgile en Beau François lui fit une harangue j
£/ ç^mme à ce difcours Segilai s parut furpris ^
Si jefçai , lui ditM , le fin de votre Langue ,
Cefl vous qui rue tave^appris.
Ce Madrigal , imprimé dans quelques Recueils fous le acei
de M. TAbbé Tcini « çft %cmem de M. de la Monnoye.
LIVRE XL %9
EXTRAITS DES GEORGIQUES,
OUTRÀCB POSTHUME D£ M. DE > SEGRAIS.
Jb U t I y Jt E j.
\
Hivers frodige S arrivez ^ U mort de Ci fur. Vriere
four la confervstion tCAugufie.
Des phancômes affreux , d'cpoii va arables voix*
Redoublèrent Thorreur de la nuit & des bois..
Sortant loiii de Tes bords, TEridan Roi des Fleuves
LaiiTa de (a fureur de lamentables preurcs ,
Défaclnà lefs bols , & roula dans fes eaux
Sur les champs inondez cabanes & troupeaux :
Les viâimes janiais plus de morts n'annoncèrent;
Les puits ) de fang humain en cent lieux regorge-*
teilt : ^
Au(& vît-on deux fois Roj^ains contre Romains ,
De javelots pareils Cnfanglanter leurs mains \
Et le Ciel ordonna que le fang d'Italie
Deux fois engfàifTcroît les champs deThefTalîe.
CourM|far fa charrue « un joUr le Laboureur
■Md
.1 - '-
I On a gravé au bas de (bu porcrak , qui eft à la tête de
cette traduâioo » lei Vers fuivans*
ï}âns met verte fajjhn une jeune Mattrejje
MHnpruipt a parler d*afnoUr i
Dans un âge pins mûr Courtiféin fans bdjfefit ,
9n me 'vitparoitre à la Cour i
Et cet ouvrage enfin qu*un ami met au jour ,
F,ut U fruit inMO€enS d'jmt pifive wilieffe,
Ciij
S£GR
I . •:>
50 BIBLIOTHEQUE PÔETiQUE.
Sur ces champs déccftez , non fans quelqaé frayeur ,
,'K Al s. Verra devant le foc rouler les cafques yuidcs »
£t le fer enrooilté des armes parricides j
Ou crcufanc les tombeaux > furpris Se curieux ,
A la grandeur des os attachera fes yeux.
Père & Roi des Romains , fils du Dieu des ba-
tailles 3
Proteûrice âa Tybre > appui de nos murailles ,
Tucélâire Vefta , Dieux pénates , au moins
A conftrver Auguftc appliquez tous vos Ibîns :
D'aiTez & trop de fang , verfé pour une injure ,
Votre Rome de Troye expia le parjure..
Citez contre citez s'arment de toutes parts ;
Du Parthe 3c du Germain flottent les étendards ^
Et Mars court , forcené , de l'un à l'autre pôle :
Ainfi hors de la lice un char léger s'envole...»
Dit L j y X b IV.
Orfhi$ dêfitnd aux enfers four en retirer Euridia^
Sa mortt
S£U L au milieu des bois dans les (ombres vallée» ^
Sur ùl harpe chantant £c& amours défolées ,
Du matin jufqu'au foir rinconiblable Epoux
Aux arbres > aux rochers nommoit un nom (I doux.
Il tenta des enfers l'entrée épouvantable :
Perçant une forêt an jour impénétrable ,
II péuécia fans peur les palais (buterrains
l I V K E X L j I
Da Modarque inflexible aux plaintes des bu-
Dans le féjour des Morts Us pâllflances Ombres
Accourent à fon chant de leurs demeures (ombres.
• «.•*••••••••••«
Confondus dans la boue au-delà du Cocyte ,
Tous } fans dlftlnâlon de rang ni de mérite f
LanguifTent fans efpoir de retourner au jour j
Le Stix par neufs replis s'oppofc à leur retouc»
Dans le fond du Tartare on vit jufqu'aux Furies »
Pour la première fois ^ fènfîbles , attendries*
Iiion vit fa roue arrêter à fa voix )
Cerbère donna* trêve à fes triftes aboli.
Déjà s'en revenant avec fa prî(bnniere ,
Euridlce après lui marcboit vers la lumière î
{ Telle de Proferpine étoit la dure loi )
Quand (on amour trop vif lui fit manquer de foi $
Un regard imprudent ( ofFenfe pardonnable ,
Si jamais pardonnoit l'enfer inexorable )
Lui fit voir Ëuridice abîmée en la nuit ,
Et de fes vains travaux y remporter le fruit :
Du traité rigoureux il fentit la rupture >
Et trois fois des enfers entendit le murmure.
Erudice s*écrie , ô malheureux Epoux , •
Quel obflacle nouveau me fépare de vous ?
Il faut vous perdre encore , & la nuit éternelle
Pour la deuxième fois affiége ma prunelle -y
Euridice entraînée aux antres foutcrrains «
C« • • •
iiij
I
H
^^^mmtmmmmmmmmmmamm^mmmÊ^mmmamm^mmm^^ÊmL.^.
1% BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
Hors d'efpoir d*être à vous > vous tend fes foiblcr
sRAis. mains. >
Adieu * fidelle Orphée. A ce triftc langage ,
L'ombre s*écoule en lair comme un fubcil aaage /
Il ne peut TembrafTer , elle ne le vit plus ,
Elle n'entendit rien de fes cris fuperâus j
Caron le repoufla de la barque fatale ,
£c fa femme deux fois fendit l'onde infernale.
Que faire pour toucher les mânes de Ces pleurs }
Et quel des Dieux pourroit implorer fes douleurs ?
Sur les bords du Strymon , dans une roche creufe,
'. Sept miois il déplora (on amour malheureufè) ;
Les tygres adoucis , les chênes dans. les bois »
S'émurent aux accens de fa charmante voix.
Telle fur un ormeau la trille Philomele
Pleure de (es petits Tavanture cruelle >
Lorfque nuds & fans plume un pafteur inhumain
Les enlevé à fes yeux d'une barbare main ^
Toute la nuit en pleurs fon douloureux ramage
De longs gémiffemens remplit tout le boccage.
Des plus rares Beautez vainement recherché >
Son cœur de nul amour ne put être touché.
Au bord du Tanaïs fur des rives déferres ,
De neiges , de frimats & de glaçons couvertes ,
if cherchoit Euridice , 8c plaignant -fes malheurs ,
Repcochoit à Pluton fes frivoles faveurs.
Aux fêtes de Bacchus, les Dames de la Tbrace y
Ne mettant plus de frein à leur barbare audace ,
LIVRE XL 3f
m
Pçar punit Tes mépris^dans leurs jaloui cranfpoRS ,
Le percèrent de dards , déchirèrent Ton corps j Seck a
De Ces membres épaâ-s fa cécdrépari^renr,
£c non fans quelque horreur dans l'Hebre le plon-
gèrent.
Là roulant furies Aots , d'un lamentable ton ,
D'Euridice fa langue encor nommoit le nom i
Malheureii(è Euridice ! écho (ur le rivage
Répondoit , Euridice > en (on trlfte langage.
Epilogue de/es Poefies , imité de l»fin des Georgiques»
Ainsi foulant aux pieds Thonneur imaginaire ^
L'avare faim de Tor , & Terreur du vulgaire >
Même fans concevoir la noble vanité
Qui naît du doux penfer de TimmortaUt^ ^
Aux bords délicieux de nos claire» fontaines »
Je chancois mes p(ai(irs> je foupirois mes peines^
Je goûtois eti repos de céleftes douceurs >
Plus poffedé d'amour , qu infpiré des neuf Soeurs.
Pendant que pour le Ciel foucenant feul la guerre »
Mon Roi tournoit fur lui tous les yeux de la Terre t
Etoit l'appui des bons > la terreur des pervers •
Et l'objet qu'Apollon eue choifi pour fes vers :
Pendant que frémifToit à fa feule parole
La Difcorde François ,& l'Envie Efpagnole^
Et que du premier coup de fon fceptre fameux
On les vit à fes pieds trébucher toutes deux«
H BIBLIOTHEQUE POETIQJJE.
PERRAULT.
^ Harles Perrault , de TA-
cadémie Françoife , & Contrô-
leur Général des Bâtimens , étoit
né avec un goût décidé pour les Sciences
& pour tous les beaux Arts* Honoré de
Feftime & de la confiance de M. Colbert ,
il féconda de toutes fes lumières & de tout
fon zélé la forte paifion de ce Minifbe
jpour la grandeur de ion Maître ) &poitf
la gloire de fa Nation. Peintres > Sculpr
teurs 9 Architedles ^ Phyficiens , Aftro*.
nomes , Poètes , Orateurs furent produits,
mis en œuvre , & récompenfez y chacun s
félon fes talens. M, Perrault ^ fansfafle
& fans intérêt , donnoit le mouvement à
tout. Trop content de Êdre valoir le mé-
rite des autres , de folliciter & d'obtenir
des grâces pour eux , il bornoit au feul éta-
bliflementde leur fortune tout l'avantage
de fa grande faveur. Elle finit avec la vie
.-■ t
miÊÊÊÈm
L I V R E X L 5/
du Miniftre , & M. Perrault éprouva
dans cette occafion ce qui n'eft que trop
ordinaire à fes femblables , l'ingratitude
de plufîeurs faux amis. Sa maifbn » fi firé*
quentée auparavant , devint fblitaire ; & la
grandeur dupofie qu'il avoit occupé luiliil*
cita nombre de traverfes : mais il fçut ren-
dre inutiles tous les efibrts de fes envieux i
en retournant à la vie paifible. Ceft alors
qfj^enveloppé dans fa vertu > & riche de â
modération , il dévoua tout fbn loifir aux
Mufès. Tantôt enjoué ^ tantôt férieux > il
s'.exerça à divers genres de Poëfies » qui
£3nt voir tout à la fois la &cilité de fon
génie & la fécondité de fbn imagination.
Son Dialogue de P Amour & de V Amitié a
été reçu ( de l'aveu même du plus redou^
table de fes adver&ires ) avec un applau**
diflêment univerfel. Ses ParalelUs des
Anciens & des Modernes , font bien écrits ;
& le fond de la queftion à part > il y a mille
choies dans ce Livre qui méritent fort d'ê-
tre lues. Ceft dommage que l'Auteur,
KAULt
ÉmÊÊâ
^6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
pour avoir voulu trop donner à la gloire
^^^" de fon fiécle , n'ait pas rendu aflez de luf*
tice aux grands Originaux de T Antiquités
Plufieurs méprifes qui lui font échappées à
kur égard , ont été rélevées par le Tra-
duâeur de Longin ^ dans fes réflexions^
fur quelques paifages de ce Rhéteur ; mais
non content d'éguifer fes traits y il les a
fouvent empoifonnez; M^ Perrault ter-»
mina glorieufement fes travaux littéraire^
far Y Eloge Hiftorlque £unt jaftte det
Grands Hommes qui ont far u dans le dix"
fiftiéme fiécle. Il fe préparoit ï donner un
Livre intitulé le Cabinet des Arts y lorfque
ia Hîort le furprit , & priva le Public de
cet Ouvrage dont la Renommée parloit
déjà fon avantageufement.. Vrai en toutes
/ chofes 5 & d'une candeur admirable daiis^
fes mœurs ; plein de zélé & de tendretfe
pour fes amis ; définterrèffé jufqu'à éviter
même les gains les plus innocens , tou-
jours égal dans l'humeur , & toujours ai-
mable dans la focieté, M. Perrault.
L î V R E X I. î7
« ,fçut unir en lui dès Tâge le plus tendre ,
le bel efprit & la fageffe , l'honnête hom*
me & le Chrétien. Jl ^voit été reçu à T A-
cadémie Françoife cniôji. & mourut à
Paris en 1705. âgé de jô ans. Son corps
efl inJiumé à Saint Benoît. Les Chanoines
de cette Eglife , en reconnoiffance d'un
fervice fignalé que M. Perrault leur
avoit rendu 9 ont mis dans leur Chapitre
fon portrait , avec cette infcription du fa-
meux Santeiiil :
i
Nullius iUe artU , virtutis nullius ex^ers,
Refiituit nofiros violati juris honores.
Le célèbre Claude Perrault , de l'Acadé-
mie Royale des Sciences , étoit fon aîné. H
avoit deux autres frères , doiit l'un étoit ,
ce femble, Receveur général dès Fmances;
& l'autre > Pf éfident de la Chambre des
t Voyci fon éloge ftmêbrc , prononcé par M. l'Abbé
Tallsmand dans une féanc« jpubll^ue 4c l'Académie Fran-
çoife.
«H
Per-
fîr BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
G>mptes 9 Intendant ' ic chef du Confèil
dç M* le Prince.
ODES.
Sur U Paix dif Pyrénées,
Uses > quelle eft votre joye »
M
De voir qu'en ce jour heureux
Enfin le Ciel oous envoyé
Le doux objet de nos vqeux l
Donnez-en d'illuftres marques ,
Puifque de tous les Monarques
Le plus grand qui fut jamais.
Descend tout brillant de gloire »
Du beau char de la Vidoire .
Afin d'embrafier la Paiz^
Si ce Prince magnanime
Elit toujours , d'un même pas ,
Suivi l'ardeur qui l'anime.
Et qui le porte aux combats ;
Par tant d'exploits admirables ,
A nos neveux incroyables ,
t Le monument çn bronze qu'il a fait ériger au gran4
Prince deCoodi liaos TEglife «iet R&. PP. Jéûiites de £i niS
Saine Ancoioe , & qui a coûté plus de xooooo liv. eft ua
monument â jamais durable de fon zélé pour la gloire de
ifijn MsUcce > ^ de (a leconnoilTaDce pour Ces bienigits.
L I V R E X L 3>
Il alloit fe (ignaler »
Que votre Arc , qui toat farmoiicç ,
Eût enfin teçu la honte
De ne le pas ^aler.
Quittez donc , en cette fête.
Le trop pénible laurier »
£t n^ombragejp votre tçte
Que de mlrthc& d'olivier :
JLoin de vous le Dieu des armes »
Des combats & des allarme$ ^
£t ne chantez déformais
Sur votre lyre d'y voire #
Que le triomphe ôc la gloirç
P e l'Amour Se de la Paix*
L'impitoyable Bellonne ,
Depuis cinq luftres entiers ,
De Ton glaive qui moifTonne
Tous les ans tant de Guerriers ,
Ravageoit de deux grands Princes
Les plus fertiles Provinces »
Sans que rien put l'arrêter ^
£t le fang 8c le carnage.
Au lieu d'aflbuvir fa rage ,
Nj: faUbient que l'irriter»
Le Printems qui fiiit les rofes »
Et dont ralmable rctoor
Per-
ILAVLTi
■ ■ >•
40 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
1% . . . \^ . •.
ilAULt.
Dans le felu de toutes chofes
Aux Villes infortunées
Des frontières ruinées
Portoit h pâlç terreur ^ -,
Et renouvellant la guerre »
Ne couvroit toute la terre
Que de triftcfTe & d'horreun
A peine rberbe échauffée
Reverdiffoit les filions ,
Qu elle mouroit étouffée
Sous le faix des bataillons :
La plaine, après cette perte.
Montrant , poudreufè & déCcnc »
Au Ciel fon flérile flanc,
Goutoit bien- tôt la vengeance
De leur brutale infolence ,.
Ecs'engraiffoit de leur fang.
Mais quittons -là ce langage -,
N'employons point nos accords
A faire la trifle image
D*un champ tout couvert de morts j
Ou d'une Ville aflîégéc.
Que d'une ardeur enragée ♦
On force de toutes parts s
£t qui près de fa ruine , .
Voie
AAU
LIVRE XL - ..^^i
Voie dans fônfeio la Famine» -
£t la Mort fur Tes remparts. Pii
Enfin ces longues miferes
Ont arrêté le eonrroaz
£t les chatimens (Zveres
Du Ciel armé contre nous :
11 femble^qull (c repente
• Des coups de ùl main pefante ,
£t des maux qu'il nous a faits ^ '
Il nous flatte, il nous carrefTe ^
Et, pour marque de tendrclTe,
Il fait defcendre la Paix.
Que de beauté renvironnei
Qu elle poiTéde d'appas !
Si 1 olive la couronne ,
Les fleurs AâiiTcnt (bus Ces pas*
C'eft bien d'elle qu'on peut dire
Qu'elle voit fous fon empire
Et ks Peuples & les Rois :
ToQt le monde rend ks armes
Au doux pouvoir de Ces charmes^
Et fe range (bus (es lois.
> Devant elle fuit 6c crie
1 Les penfées de cette ftrophe font auflî forres Se auflS no-
bles , quccclJiîs de la Ptccédcncc (bnc riantes & eracicufes.
Tome UL D
J.T
mammmmÊÊÊmmÊmmmmmmÊtmmmÊÊÊÊÊmÊmÊmÊÊmÊÊÊÊÊÊiÊÊiÊÊiÊÊÊmmÊÊÊÊÊtÊÊmt
41 BIBLIOTHEQUE' POETIQUE.
Bcîlonc au front courroucé ,
*"- plus rouge eocor de furie , '
Que dur faog qu^* elle a verfë.
Cette affreuiè meurtrière y
Qui loin de notre frontière
Pour jamais fe voit bannir ,
Coure immoler des viâimes
Od rappellent les girands crin^es^^
Qu'elle feule, doit punir.
La Paîk triôilnpiic fans peine ,
Tous nos dlfcôrds font finis ^
Et de TEbre Bc de la Sei ne
Les peuples Cont réunis :
D'une alliance éternelle «
Malgré leur vieille querelle ^
Ils fè donnent le baifer i
Ecrien quelçs Pyrénées
Dont leurs Terres font bornées »
Ne peut phis les divifer^
Les Nymphes effarouchées
Des tambours & des clairons.
Depuis Cî l6ng temS cachées
Sous récorce de leurs troncs ,
Au lieu des aigres trompettes ,
N'entendent que les mufettes
Dont raiiôiuicnc le» baoKaui -,
L I V R E X I. 43
£c de mille fleurs parées ,
Danfent , toutes les fbirées ,
Autour des facrez ormeaux.
Lorfque la Nui» tend Tes voiles
Sur les campagnes d'azur »
£t que le feu des étoiles
Jette un éclat vif & pur $
Mille traits de flamme ardente
Vers là yoÛteétlncelante
PoufTent leurs brillans éclairs s
£t retombans fur la terre >
D'un agréable tonnerre
Frappent la vague des airs..
Quittez les rires du Tagc ,
Divin chef-d'auvre des CieuK*}
Venez recevoir rhomlnage
Que méritent vos beaux yeuK :
Sous lés lois de leur empire
Souffre , languit & foupire
Le plus grand de tous les coEurs-:
Venez » Prlncefle * & qu'il voye ,
Comblé d'amour & de joye ,
Ses adorables vainqueurs*»
Illuftre'A pat&it Mtâtlt
Des plâs (blides Tettus ,
Dont riofi^îgftMt ttin ■
^
44 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
«KM
* Tous nos maux a combaccus ;
ER~ Anne > Reine incomparable «
Ui-T- Par qui le Ciel favorable
Répand fur nous fes bienfaits ;
Nous devons à tes prières
Ces trois faveurs fingulieres ,
Le Roi , la Reine 8c la Paix.
Et toi , qui de notre France >
Parmi tant d*évenemens ,
Es la (âge Intelligence
(ÎJui régie fe mouvemens -,
Jules , vainqueur de l'Envie,
Quels peuples lifant ta vie > ,
N'admireront , étonnez ,
De tes faits ki fuite heureuse >
Et cette paix gloricufc
Doift tu les as couronnez ? •
Oui • quoi que difent nos Pères
Du régne du grand Henri ,
Oii fous des deftins profpercs
La Paix a long tcms fleuri ;
' Nos jours tous remplis de joye.
Dévidez d'or & de foye ,
Seront plus heureux encor i
Et deviendra véritable
Ce que la plus vaine fable
Raconte du âécled'or. ,
L I V R E X I. 45
1 Sur le mariage di$. Roi,
Pra«
Toi , qui (ùr uu char de lumière r aiix.t
Parois aux portes d'Orient »
Et qui comitiences ta carrière .
Avec un vifage riant ;
Ceins ton illuflre firont d'une, clarté nouvelle s
Etale , beau Soleil , tes plus riches tréfors ;
Et que ta robe d*or tout autour étincelle
Des plus beaux diamans que Tlnde ait (ur Tes bords»
Fais-nous voir ta magnificence ,
Que nos yeux en foient éblouis ^
Pui(qu*enfin tu dois ta préfènce
Au fameux kimen de Louis*
De tant de majefté la (plendeur l'environne ,
Et d'une telle gloire il éclate aujourd'hui ,
Que de quelques rayons que ton chef (ê couronne ^
Tu feras moins pompeux & moins brillant que lui.<^
Ce Monarque dans fon enfance
Se fit obéir en tous lieux ,
Moins par le droit de fa naiflance ,
Que par le pouvoir de fes yeux.
f Le célébf e tUdne a fairune belle Ode fàr le même fu-
jet. Il ayuitalon dix-neuf oU vingt afts* M. Colbetc lui en-
voya de la part du Roi une bpurfe dç cent louis , qui fut
fuivie , peu de tenu après ^ d'im brevet de deux censécus de
pen/ion.
46 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Chacun à fcs attraits fit gloire de fc rendre >
p£R- Sa douce majefté ravie toute la Cour :
XA\3 LT. Mais le voyant fi beau dans un âge fi tendre »
Peut-être le pris-tu pour le Dieu de I^Amour»
Ceft lui qui parnoi les allarmes
£t les plus redoutez hazards ,
Trouvant toujours de nouveaux charmes ,
N*aima que le métier de Mars.
C'ed lui qui tant de fois plein d*un ardeur guer*
ricre y
Fit tomber à tes yeux mille ennemis à bas ;
Mais couvert qu'il étoît de fang & de pouflîerc ,
Peut-être le pris-tu pour le Dieu des combats.
Cette Reine qui l'accompagne ,
L*amour de la Terre 5c des Cieux y
£ft de la noble & riche Efpagne.
Le tréfor le plus précieux.
Elle eft de ce Héros la dernière conquête ,
Et le prix éclattant de (es ades guerriers.
Ah ! qti*un minhe fi beau part bien une tête.
Quand où le (^ait mêler avec tant de lauriers l
Que d'une vive & douce flamme
On voit briller dans fes beaux yeux
L'aimable fiené de Ton ame >
Et la gloire de (es Ayeux l
L I V R E X I 47
Que d'un cœur airément fa bouche a la vidloire ï
Que (es bras font de hoacie aux marbres t plos poils! Peu-
£t qu'à Ces belles maio» • plus blancke» que l'y voi re* ^ ^^ ^^*
Il fîed bien de poicec le beau iccpcredes lys i
Vois-tu cette augnfte Princcftê ,
Qui d'un courage plus qu'humain ,
Montra fa force & £bn adre/Te >
Quand le titnon fur en fa main l
De cent flots mutinez flknpétueu(è rage »
Contre elle s'éleva d'un Inutile effort ^
Et maîtrefle toujours des vents & de Torage ,
£lle voit aujourd'hui fes yàiflcaux dans le port.
Mais régarde bien ce grand Homme >
Digne d'un éternel honneur^
Ce Héros ^ la gloire de Rome,
Et de la France le bonheur.
Par lui notre valeur remplit toute la Terre :
Par lui notre repos doit durer à jamais :
Perfonne ne fçut mieux l'art de faire la guerre ,
Perfonne ne f^ac mieux l'art de faire la paix.
Contemple ces Beautez dont la Cour efl ornée ,
As-tu rien va d'égal > JSc nefemble-t^it pas
1 Plus ffolisnoat les plus polis : «mais au tems où M. Pej^*
%AVLT éctivoïc f cette façon dcf parler étoit encore en ufage*
RAULT.
4^ BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Que TAmour qui prend Coin àt ce grand himenéei
Per- Pour embellir ùl pompe augmente leurs appM ? *
Mais que cette falle eft pompieafê !
Que (on abord charme les yeux !
Que cette table eft (bmptueufe ,
Et que de mets délicieux i
Par un heureux effort > le Ciel , la Terre & l'Onde
Semblent s'être épulTez en ce riche appareil }
Et jamais les Céfars , Maîtres de tout le Monde»*
Dans leurs plus grand feftlns n ont rien &ic de
pareil.
Qtt'entens-}e ? que cette harmonie '
Frappe agréablement les (èns !
Et que Ùl douceur infinie
Donne de plaidrs innocens f
Soleil , père des Vers , oférai-je te dire
Que les airs immortels dont tu ravis les Dieux ,
Ni les tons éclatans de ta fçavante Lyre
Ne (ont point fi touchans ni fi mélodieux ?
^ Par des cadences mefurées
Au Ton de ces divins concerts , .
Les Dames » richement parées >
Etalent leurs charmes divers.
Que leurs yeux ont d*éclat l que leur démarche eft
ficre !
Du vafte firmament les magnifiques (eux , .
Att
■ - ~ x-mt E X T. 49
Au milieu de la nuit n'ont point tant de lumière ,
£c ne vont point d'un pas fi jufte & fi nombreux. Per-
raul:
Des Reines la plus glorieufè
Qu'on voye en la fuite dès tems ,
Et des Meies la plus heureu(è ,
Anne » que tes vœux (ont contens ! •
Tu goûtes ks douceurs d'une parfaite joye »
Qu'on* peut bien reflemir , mais qu'on ne peut
pen(èr ;
Digne de la grandeur du Ciel qui te l'envoyé ,
Digne de la vertu qu'il veut réçompenfèr^
Mais • bel Aftre , l'heure s'avance j
Qui t'oblige à quitter ces lieux i
Nevois-tupasquetapré(ènce ^
Te rend déformais ennuyeux ?
£a fa robe d'argent la diligente Lune
A rfaîmen de Louis veut paroitre à (on tour t
Retire » b^« Soleil > ta lumière importune »
Et fais phcç k la Nuit plus bcUc que le Jour«
Déjà de fes plus riches voiles
Elle commence à s'ombrager ,
. Et troupe à troupe les Etoiles
Près d'elle viennent fe ranger.
Qu'il fera. beau la voir fortir de chei Neptune,
Aa nûliçn des dartczi défit brillante Cour t
mm
RAULT.
50 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Retire, beau Soleil, ta lumière importune,
Per- Et fais place à la Nuit plus belle que le Jour.
L'Amour en foupirant l'appelle ,
Fâché de la voir s'arrêter 5
£t marchant toujours devant elle »
La conjure de fe hâter.
Que les charmes (ont doux de cette aimable Brnné ,
Quand ils font éclairez du flambeau Je l'Amoar l
Retire ,' beau Soleil , ta lumière importune »
Et fais place à la Nuit plus belle que le Jour.
A u R o I»
^ Sur U naîjfance de M, le Dsufhitu
MONARquE à toi feul comparable »
Qui voudreit de tes doux tran(ports
exprimer Tezcès incroyable »
Feroit d'inutiles efforts.
Seul tu fçais de quel heur * le Ciel ce faTorife (
Un mortel comme moi ne le conçoit pas bien :
Cette joie e(l trop vade , & pour être comprifè.
Elle demande un cœur auffi grand que le tien..
Ce fils audi beau que fa mère ,
Et que l'on prendroit pour l'Amouri
Sera vaillant comme (bn pcre »
£c pour Mars (èra pria on jouc^
LIVRE XL
J»
Cet aimable fujet de toutes nos tendreflcs ,
Deviendra la terreur de plus vaillans Guerriers ;
Et ces petites mains qui te font des carreflès ,
Renrerferont lorgueii des Tyrans les plus fiers.
De tant d*heureu(ès deftinéelB
Le cours illuftre & glorieux ,
N'attend plus qu'après les années ,
Et (è lit déjà dans (es yeux.
Déjà l'on voit en lui ces marques éclàttantes
Dont le Ciel ennoblit le front des Souverains |
Et qui dès leur berceau vifibles & brillantes j|
Séparent les Héros du refte des humains»
Belionne de fang affamée »
Avant qu'il eut reçu le jour»
Par la voix de la Resommée
Nous meuaçoit d'un prompt retour;
Déjà de toutes parts fès couleuvres errantes
Répandoient an venin prêt de tout embr&fo^
Et pertoient dans les cœurs leurs bleflures cuiGmtelti
Quand ton fils en naiflant a fçu les écralèr.
Tel autrefois le jeune Alcide
EcoSfià deux afireux (èrpens»
Qu'il vit d'un regard intrépide
Autour de fon berceau rampans.
les monftres étrangler pat la main enfantine
Eli
Per-
rault
RAULT.
•51 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
De ce fameux Héros KTu du fang des Dieux >
Per- Furent en même tems , & de fon origine ,
£c de Ces grands travaux les fignes glorieux*
Ainfi c*e(l en vain que tes armes
Iroient lui gagner des Etats ;
Il trouvera bien plus de ckarmès
A ne les devoir qu à Con bras :
Oui, quelque grand que Coït ce fertile héritage.
Qu'en CCS jours fortunez tes foins font refleurir,
Son cœur ambitieux aimera davantage
Ceux que tu lui voudras laiffer à conquérir.
Quand ce jeune foudre de guercQ
Sur les traces de Godefroi ,
Ira dans Tinfidelle Teirre
Porter le carnage Se Teffiroi s
Que tu feras content d*ouir la Renommée
Qui viendra te parler de fes faits glorieux, i
Et de voir fa valeur par l'exemple animée ,
Egaler les exploits de tous fcsgran4s Ayeu^l
La noble Se fainte Paleftine «
Après tant de tourmens (bufTerts
I Ce n\ot répété jufqu'à tro^s fois pn rime dans une Ode
auflî courte, eft ùneperire négligence que dos bonsPoift^
d 'aujourd'hui voudcoienc éviter.
L I V R E X I. jj
' SousJe Tyran qui la domine.
Verra par lui rompre fès fers.
Sur les brûlans Tablons des plaines Idum^es ,
Cent Bâchas tomberont par (ê$ vaillans efForcs j
Et n'auront afTemblé tant de grandes armées ^
Que pour croître * fa gloire > 5c le nombre dts
mores.
Au creux de la grotte profonde
Le Jourdain mollement couché ,
Appercevant rougir Ton onde
Du fang tout autour épanché »
Montera fur fes bords » & des troupes craintives
Contemplant le carnage , & ton fils au milieu 5
Croira voir Jofué , qui fur ces mêmes rives
Kevieac exterminer les ennemis de Dieu.
En vain la fuperbe Byfànce,
De mille bataillons épars
Aura couvert > pour fa défenfè >
Le vafte tour de fes remparts -,
Par le paflage affreux des brèches attaquées
Il ira , plein d'ardeur , les fburacttre à fes lois j
£t (ur l'orgueilleux front de toutes les Mofquées ,
Le Croiflanc abbattu fera place à la^roix.
I Croître ^(mcdHimnttr , n'a plus d« régime depuis long
tems.
Eiij
j4 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Alors (c Tcrront édaircîes
Per* Par ces fameux évenemens »
AV*-^- Les infaillibles Prophéties
De la cliace des Ottbomaos*
Alors on nouvel Aftre , éclanant de lomiere 9
Tiendra fur Ton g^nd cours tous les yeux arrêtez ^
£t des bords du Couchant commençant (à carrière»
De Tadre de la Nuit éteindra les ciartez. t
POEME.
Smt U Peinture.
De TErprit Eternel la fagefle infinie
A peine eut du cahos la Difcorde bannie ^
1 Cette Ode & les deux ptécédentet fureot comme h
coup d'effai poétique de M. Peila.ault, fie luiacquirenti
iode titre la réputation de bel ETpiit. Cependant M. Def*
préaux en appella comme d'abus , prétendant que le ftt*
bUme fie Tenthoufiarme qui caraâétifent particulseremei»
l*OJe y manquoient à celles-ci. Pour le mieux prouver «lui-
même en fit une dans la fuite /itr Uprife de N^rwiir t mais
le fuccès en fui alTez équivoque 1 du moins û i*on en jop
pail*£pigramme fuiyame :
QndndDefftUuxfutpffïéfurfon Ode ,
SesfdTtifdns crioient Mm tout Péirii >
Pardon , Meffieurt j U pduvret /eff méprh^
Plus ne louerd , ce n'efi pdsft méthode.
Jl va draper le fexe féminin i
A fin grand nom vous verre\ /il déroges
Il a paru cet Ouvrage maUn ;
Pis nt vundrntf^nând te finit éloge.
LJ V RE X L s S
£t le vafte pourpris de Tempire des deux
A peine étoic encor peuplé de tous (es Dieux » ])£i^,
Qu'enfemble on vie fortir du fein de la Nature & au l
L'aimable Poëfie , & raimable Peinture ,
Deux Sœurs donc les appas égaux » mais différens ,
Furent le doux plaifîr de Tefprit Se des fens.
L'aînée eut en naifTant la parole en partage i
La plus jeune jamais n*en eut le moindre ufage ^
Mais fes traies & Ton teint ravirent tous les Dieux )
Sa Sorar charma Toreilît ^ elfe charma les yeux ;
£lle apprit avec Tâge Se les foins de l'Ecole ,
A fi bien réparer le défaut de parole «
Que du gefte aifément elle fçut l'exprimer ,
£t non moins que fà Sœur difcourir Se charmef.
Si-t6c qu'elle parut fur la voûte éternelle «
Tous les Dieux étonnez eurent les yeux fur elle ;
£c pour apprendre un art fi charmant Se fi beau ,
Chacun d'eux à l'envi prit en main le pinceau*
Le Maître fouverain du Ciel & de la Terre,
D'un rouge étincelant colora fon tonnerre ,
£t marqua d'un trait vif dans le vague des airs
L'ébloulffant éclat de fes brillans éclairs.
Dès la pointe du jour la diligente Aurore »
Depuis l'Inde fameux jufqu'au rivage More ,
Couvroit tout l'horifon d'un or luifant & pur ,
Pour y répandre enfuite Se le pourpre & l'azur.
Celui qui des faifons fournit l'ample carrière ,
Pit toutes les couleurs avecque fa lumière ;
E ni)
EK-
S6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Et (es rayons dorez fur la terre & les eaux
FVirent dès ce moment comme autans de pkiceaaz^
kULT. Qui touchant les objets d'une légère attcii^^tc « .
Leur donnèrent à tous leur véritable ceinte.
D'un trait ingénieux rinimitablc Iris
Traça fur le fond bleu du célefte lambris
Un grand arc triomphal , dont les couleurs bril*
lantes
S'uniflant Tune à Tautre , & pourtant différentei »
De leur douce nuance enchantèrent les yeux »
£t furent Tornement de la vouce des cieux.»
. La céiefte Junon fur l'air & les nuages
Feignit d'or & d'azur cent diverfes images ^
£t la mère > Cybele en mille autres façons
Colora fesguércts » (es prez & (èsmoifibas.
Mais le plai(îr fut grand de voir Flore 6c Pomonç j
Sur les riches pré(èns que la Terre leur donine ,
A Tenvi s'exercer en couchant leurs couleurs ,
A qui l'emporteroit ou des fruits , ou des fleurs»
Xes Nymphes toutefois des paifiblcs fontaines ,
£t des mornes étangs qui dorment dans les plaines •
Kavirent pins que tous les yeux & les e(prits »
£t fur les autres Dieux remportèrent le prix.
I te catce de Cybelle étoit ^onfidérable chez les Payent
par Tes rfifnkents attribues. Les uns Fhonoroient foos le
nom de la DéeSc de la Terre : d'autres fous le nom de la
Merc des Dieux du premiet ordre > £cc.
LIVRE XL 57
Ce fut peu d'eifiployer (es couleors les plus vives ,
A peindre avec amour le penchaut de leurs tives 3 PeA
D*uné adréfle Incroyable on les vie imiter R au L
Tout ce qu'à leurs regards on voulut préfcntef.
Des plaines d'alentour Se des prochains boccages
Sur rheure elles formoient cent divers payGiges p
Et le plus vîte oifeau » fî-tôt qu'il paroifToit ,
Etoît peint fur leur onde au rtioment qu'il pafToit**
Au pied de l'Hélicon , d'uti art inimitable^
La Nymphe avoir condruit fa demeure agr^abfe.
Un jour le Dieu des Vers , qui plus voifin des deux
Habite de ce Mont les (bmmets glorieux ,
Vint trouver cette Nymphe , à fcs yeux & char-
mante.
Dans (on riche palais » ou d'une main (çavante
Elle-même avoit peint mille tableaux de prix
Sur les larges parois , & dans les hauts lambris*
Il la vit au milieu d'une fuperbe faîle ,
Ou le jour éclairoit d'une lumière égale ,
Qui par les traits hardis de (es doé^s pinceaux »
D'un foin laborieux retoucholt les tableaux
De < neuf jeunes Beautez , qui toutes (înguHeres
Sous Ces ordres fuivoient neuf diverfes manières i
Et qui s'étant formé de diôérens objets ,
I Les neuf genres de Peinture , qui font ^Hifiùîre , les
Gfttfanes y Us BacchdnaUs , tes Portraits , les Pdyfages > /*^r-
tbitmwr^ Perf^tHivt » Uf Animaux O* UsFUhts,
58 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
■IM
■^ Avoicnc repréfenté neuf fortes de fajets.
(K^. Celle qui s'occupoic aux tableaux de l'Hiftolrtf »
.ÛLT. Sur fa toile avoit peint rimortelle yiâoire
Que fur les vains Titans remportèrent les Dieax «
Lorsqu'un injuftc orgueil leur difputa les Cie^ii.
Sur l'Olympe éclatant d'une vive lumière
Paroiffoit des Vainqueurs la troupe augufte & fiere^
£t dans l'ombre gifoient les vaincus difperfez p
Fumans du foudre encor qui les 2 renverfez.
Une autre moins févere ^ & plus capricieufè ,
Avoit des mêmes Dieux peint la fuite bontea(è ,
Quand fur les bords du Nil vainement allarmez.^
On les voyoit encor à demi transformez*
D'un bélier bondiffant la toifon longue & belle »
Cachoit le Souverain de la Troupe immortelle;
La timide Venus plus froide qu'un glaçon »
Femme à moitié du corps , finiffoit en poiflbn ,
Et Bacchus dont la peur rendoit les regards œoroes ^
Avoit déjà d'un bouc & la barbe & les cornes.
Apollon qui fe vit des allés de corbeau 9
Se détourna de honte » Se quitta le tableau*
Il fe plut dans un autre à voir le vieux Silent ,
Qui hâte fa monture , & fe tenant à peine >
Mené un folâtre effein de Faunes infolens >
Et de Dieux chévrepieds , yvres & chancelans.
Enfuite il contempla l'image de (on père >
Plus connolffable encor par ce faint cara(5lerc
Qui le fait adorer des Dieux & des humaios^*
L I V R E X J. S9
Qae par le foudre ardent qu'il porte dans Ces mains.
Snr la toile fuivante il vit les beaux rivages Pei
Du finueux Penée , & fes gras pâturages» RAV
On libre de tous foins , à Tombre des ormeaux >
Pan faifoit raifbnner fes frêles chalumeaux.
Dans un autre tableau riche d'architeâure ,
Il voit de fon palais la fuperbe ftru^bute ;
Où brillent à l'envi l'or , l'argent , le aidai.
L'opale , & le rubis du bord Oriental.
Dans le tableau fuivantil fent tromper fa vûif
Par le fuyant lointain d'une longue avenulS
De cèdres pàliffans , & de verds orangers ,
Dont Pomone enrichit Ces fertiles vergers.
£nfulte il voit le Nil , qui fur fes blonds rivages
Abreuve de fes eaux mille animaux fauvages $
Puis les lys , les oeillets , les rofes , les jafmins^ '
Qui de la jeûne Flore émaillent les jardins.
De ces tableaux divers le beau fils de Latone
Contemple avec plaifir le travail qui Téconne y
Admire leurs couleurs , leurs ombres , 8c lejirs jours ^
Puis regardant la Nymphe « il lui tient ce difcours*
Beauté de l'Univers , honneur de la Nature ,
jCharme Innocent des yeux > trop aimable Pelntare •
Rien ne peut égaler l'excellence des traits
Dont brillent à l'envi ces chef-d*<ruvres parfaits ^
Mais fi de l'avenir les replis les plus (ombres
N'ont rien dont mes regards ne pénétrent les onH
bres »
40 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Je yeux vous révéler les fuccès éctattans ,
Pbbl- Qu'aura votre bel art tJans la fixité des tems ,
AULT. Quand aux fimples mortels l'AmoUr par fa puif-
. fàace
En aura découvert la première fcience..
> Là d*un foin fans égal les fruits repréfentez ,
par les oifeanx déçus fe verront becquetez ^
Et là d'un voile ^ peint avec un art extrême ,
L'image trompera les yeux du trompeur même.
D'un Maîtrb 3 renommé le chef-d'œuvre charmant»
De fa ville éteindra l'affreux embrafement.
D'un autre 4 plus fameux la main prompte Se
fidelle»
1 Tableau de Zeuxis.
1 Pvrhafius avoic peint û artiftement un rideau , tfxt
Zeuxis y fuc trompé le premier ; car le voulant tirer pour
voir TouTtage <)u*il croyoit caché deniere , il eue la honte
de s'être mépris , 6c avoua que Panhafius l'avoit vaincu.
) Protogene avoit peint jalyfusy fameux chafleur... Ce
tableau qui étoit. Ton chef^'oeuvre , fut le falut de toute
la ville de lChodes> lorfque Démetrius l'afliégea : car ne pou«
vant être ptife que du côcé où étoit la maifon de Prorogetie »
et Roi aima mieux lever le (iése , que d'y mettre le feu , &
de perdre un ouvrage fi admirable.
4 Apelle avoit commencé une Venus pour les habirani
de Coos ; mais fa mort fuicaufe que cet ouvrage demeura
imparfait ; on le trouva néanmoins*^ excellent , qu'aucun
Pdntre ne fut jamaiis aiTez hardi pour entreprendre d'ache>
ver ce qui en reftoit à faire. Ce mt à Toccalion de la Venus
d' Apelle qu'Ovide fit ces deux vers :
Si ytnerem Cms numauam pinxiffet Apelles ,
Merfd ftsb aqmreu ilU Uteret aquis.
U V R E X L fit
Peindra la Cychérée , & la peindra Ci belle ,
Que jamais oui pinceau n'ofcra recoucher
Les. beaux rraics que le fîen n*aura fak qu'ébaucher*
Par mille autres vtravauz d'une grâce infinie »
La Grèce fera voir fa force & Ton génie.
Mais comme le Deftin veut que de toutes part)
Habitent tour à tour la Science & les Arts -,
Les. jours arriveront ou l'aimable Italie
Des Arts & des Yertus doit fe voir çmbçUîc?
Le Chantre de Mantouë égalera les fons
Dont I4E divin Aveugle animoit fes chanfons i
£t dà Conful Romain les paroles hautaines
Feront autant debjruit que les foudres d'Athçnpfc
Alors éclatera Tadreflè du pinceau »
£t l'ouvrage immortel du pénible cKèau.
Là de mille tableaux les murailles parées ,
Des Maîtres de votre art fe verront admirées ;
£t les marbres vivans épars dans les vergers ,
Charmeront à jamais les yeux des étrangers..
Lorsque par ks b|:^u^ Arts non moins que par U
guérie ,
La France deviendra l'ornement de la Tem «
£lle aura quelque tems ce précieux tréfbr
Qu'elle ne croira pas le pofleder encor.»
Combien fera la main , noble , fçavante & jufte i
Qui donnera la vie à ce vifàge augufte >
Oii fèro^it tous les traits , par qui les Souverains
Ç^Zïo^pt ^ & fout trembler le le&e des humaioçt
6x BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
m
Que ceux donc le bon goûc donné par la Nature,
Per- Aime , admire & connoîc la belle Architc<îlurc ,
AUiT. Auront rcfprit content , & les yeux fatîsfaits «
De voir les grands defleins de (on riche palais ,
Qui pour leur noble audace 8c leur grâce immoc*
telle ,
Des pompeux bâtlmens deviendra le modelle 1
Qu'il fera doux de voir peint d*un foin curieux
De tous les beaux vergers le plus délicieux ,
Soit pour l'afpeél fuyant des longues avenues.
Soit pour l'aimable objet des différentes vû'e's ,
Soit pour le riche émail & les vives couleurs
Des parterres femez de plus riantes fleurs l
Soit pour les grands étangs 8c les claires fontaines^
Qui de leurs vafes d'or fuperbes & hautaines ,
Et malgré la Nature hôteffesde ces lieux ,
Par le fccours de l'art monteront jufqu'aux cîcux l
Soit enfin pour y voir mille troupes errantes
De tous les animaux d'efpeces différentes ,
Qui partout l'Univers autrefois difpcrfez,
Dans ce charmant féjour (è verront ramaffez !
Ceft.là que le Héros las du travail immeufè »
Qu'exige des grands Rois l'emploi de leur pai(^
fance »
Ayant porté fes foins fur la terre & les flots ,
Ira goûter en paix les charmes du repos ;
Afin qu*y reprenant une vigueur nouvelle ,
Il x;ccourne aùflLtôt oii fon peuple rappcUç»
LIVRE XL
AÎDfi lorfc{ae màn char de la mer approchant ,
Roule d*un pas plus vite aux portes du Couchant , p
Après que j*ai verCé dans tous les coins du Monde eauit
Les rayons bienfaifans de ma clarté féconde ,
J'entre pour rafraîchir mes feux prefque amortis
Dans l'humide féjonr des grottes de Thétis ,
D*ed fortant au matin couronné de lumière «
Je reprends dans les cieux ma courfe coutumiere.;
Telle doit en ces tems de gloire & de grandeur »
De votre Art & du mien éclater la fplendeur.
Là fe tût Apollon , & la Nymphe ravie
De voir de tant d'honneur fa fcicnce fuivic ,
Se plaignît en (on cœur des Deflîns envieux ,
Qui remettoient fi loin ce (îécle.glorieux.
Le Brunr , cf eft en nos jours que feront éclaircles
Du fidèle Apoljon les grandes prophéties >
PulCqu'eafin dans la France on voit de toutes parCS
Fleurir le régne heureux des Vertus Se des Arts.
De combien d'Aoïphions les fçavantes merveilles ^
De combien d'Arions les chantons fans pareilles
Nous raviffent refpric par leurs aimables Vers ,
fx nous charment Tpreille au doux fon de leurs
airs!
Mais il (iiffit de voir ce que ta main nous donne»
Ces miracles de TArt , dont T Art même s'étonne i .
£t ce qu'en mille endroit^ de tes grands atteliers ^
Travaille (bus tes yeux la main dés Ouvriers.
Ç^tft-là ^ue U Peinture ^vec l'or & la Coyc ,
^4 BIBLIOTHEQJJE FO^TIQUE.
._ ■_..f
Sur un riche tiflu tous fes charmes déployé %
Per- ^^ ^^ ^^^ ^^ cifèau Ij^s métaux transformez^
RAU LT. Impofent à la vue , & femblent animez...
Là d'un art fans égal fe remarque dépeinte
Du Monarque des Lys la ferveur humble & faintcw
Lorfquil reçoit les dons du baume précieux ,
Qu'autrefois à la France envoyèrent les deux*
)ci l'œil eft charmé dç l'^ugufte pcéCençe
De deux Princes rivaux , qui jurent alliaçce^
£t devenus amis mettent fin aux combats ,
Qui depuis trente étez déÇbloient leurs Etats^
Louis, le cqeur touché 4 u.QC (blide gloire,
£t vainqueur des appas qu'étaloit la Yi^QÎrÇ)
Préfère fans regret le repos des Sujets
Au Jbonheur aiTuré 4c fes juftes projets.
Defcriftion du Temps , fji» défis diffirens effett^
Il peignit un Veillard , xlont la barbe chcnu^
Tombpk à ilôts épais (iir (k poitrine nue* \
D'un (àble diligent fon front étoit chargé »
Et d'ailes de vautour tout fon dos ombragé^
Près de lui fc yoyoit une faux argentée ,
Qui faifbit peur à voir , mais qu'il avoit quittée »
Pour prendre ainfi qu'un Maître ébauchant an
tableau ,
D'une main une éponge , & de l'autre un placçau»
les chcf-d'œuvres fameux dont la Grèce fc vante «
les tableaux de Zcuxis , d'Apcllc & de Timai^te,
RAULl
L 1 V R E X I. es
• ^^
D'autres Maîtres cncor des fiéclcs plus âgcz ,
Etoient avec honneur à fa droite rangez. „^1^1
A fa gauche gifoient honteux & méprifables >
Des Peintres ignorans les tableaux innombra*
bles^
Ouvrages fans cfprît , fans vie & fans appas ,
£t qui bleifoient la vue , ou ne la touchoient pas.
Sur les uns le Vieillard » à qui tout eft poCTible >
Pa/foit de (on pinceau la trace imperceptible »
D'une couche légère alloit * les bruniflant «
Y marquoit des beautez , même en les cfifaçant }
£t d'un noir fans égal fortifiant les ombres «
Les rendoit plus charmans en les rendant plus
fombres -,
Leur donnoit ce teint brun > qui les fait refpeé^er »
£t qu'un pinceau mortel ne fçauroit imiter.
Sur les autres tableaux d'un mépris incroyable »
Il paffoit fans les voir l'épodge impitoyable ^
£t loin deles garder aux fiécles )l venir »
Il en effaçoit tout jufques au fbuvenir.
Mais , LE Brun , fi le Tems dans la fuitcdcs âges, '
Loin de les efiàcer « embellit tes ouvrages >
Et fi ton Art t'éleve au comble de Thonnair ,
Sçache que de Louis t'eft venu ce bonheur.
Quand le Ciel veut donner un Héros à la Terre j
Aimable dans la paix , terrible dans la guerre ,
Dont le nom foit fameux dans la fuite des ans ,
Il fait naître avec loi des Hommes exccUens ^
TomeUL F
€6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Afin qu'en cent façons ils célèbrent fa gloire»
F£R-i £' que de fes hauts faits confervant la mémoire »
HAU LT, Des vertus du Héros la brillante clarté
Serve encor de lumière à la poftérité.
De- là nous (ont venus tant de doâcs Orphées»
Qui chantent de Louis les glorieux trophées :
Apollon de (es feux anime leurs cfibrcs »
£t leur infpire à tous (es merveilleux accords*
De-là vient que le Ciel au gré de la Nature ,
A voulu qu'en nos jours la charmante Peinture
T'ait mis au premier rang de tous les favoris»
Que dans le cours des ans elle a le plus chérie..
£t que TArt foit monté par l'étude Se l'exemple
A ce degré fupréme oii notre œil le contemple i
Digne de la grandeur du Roi que nous (ervons ,
Digne de la fplendeur du fiécle ou nous vivons, i
1 Ce Pob*me a paru pour la première fois en i^^S. Quel-
qu'eftimé qu'il aie été des ConnoiiTeurs , on ne prétend pas
2u*il foie exempt de défauts. Dirons-nous » pour lesjufti-
er , que l'Auteur , lorfqu'il compofa cet Ouvrage , écoic
chargé d'Emplois aufli pénibles qu*importans f Difons plu-
tôt que les négligences y font en û petit nombre , qu'elles
difparoiflent en quelque forte dans la foule des beautés dont
il cft rempli.
UbiplurM nittnt in cdrmim^ nçH e^c ^MUîh
OffentUtr méietdié. Hor»
L I V R E X I. 67
DEVISES POUR LOUIS LE GRAND.
Un Lts sur sa tige.
CanJûTi omnU vinch.
Reietton gloriaix d'une tige fubllme »
Je monte vers le Ciel d'un amour magnanime «
£t brille d*un éclat qui n'a rien d'emprunté :
Rien de ce que je fuis aux monels ne (è cache :
Mont front toujours ouvert aufC-bien que fans
tache y
Sert de parfait fymbole à la fincerité.
Un Sep de vioni de Virginie.
Crefch in immtnfum.
Un progrès (ans pareil a ftiivî ma naiffanc^
Par une merveilleu^ & fècrette puiflance
On me voit élever toujours :
Il n'eft obftacles ni limites ,
Qui puiffent retarder mes démarches fubltes.
Ni qui puiffcnt borner mon cours.
Une Grenade.
Trâfiant interna coronju
Quelque avantage que me donne
La royale couronne
Per-
Rauli
6% BIBLIOTHEQUE POETIQUE. .
7
Dont mon front eft paré }
p£i^. Toutefois ce beau diadème
AULT» Ne (çauroit être comparé
Aux tré(brs Infinis qae j'enferme en moi- même.
Bfitafhe dt M. le Maréchal de Criqui » inhumt
aux Jacobins de la rué Saint Honoré.
Celui dont le grand cœur > par la gloire animé»
Ne fe borna Jamais , cft ici renfermé.
Son trépas fut fuivi des regrets les plus tendres \ ^
£t (on Epoufè en pleurs attend cet heureux jour.
Ou la mort en mêlant leurs précleufes cendres »
Les joindra pour jamais comme a fait leur amotir*
Sur la mert de Franfêss ttHareourt de Beuvrem »
Abbé du Idontier en Argonne,
Vki^s des murs adiégez d'une Ville obftinfe#
Il meurt en s'acquittant de (on pieux emploi. •
Tous pleurent à l'envi (à trifte defti'née \
Il eft plaint des Soldats « des Che6 & de(bn R<^.
La nobleiTe du fang fut (on moindre avantage S
Sa belle aine brûla du feu qui fait les Saints %
£t lor(que les Guerriers (îgnaloient leur courage »
Il élevoit au Ciel (es Innocentes mains.
Il mourut quand Namur d'une immortelle
gloire.
En tombant couronna Tes ilhiftresyainqaeutSf
t Ces Stances & l'Çpicaphe qui les ptécéde > foat tradui-
tes ^ Latin de SantetiiK
* C'efi une belle traduâion de ces deux vers du mêmeFoëcet
Ht€ éiçtofretHOÊ ventura in fieemld Jteges y
Gallia ; ^nwdéim ùrIrisftMtiet ejfe fros,
II faut pourtant convenir que n lapenfSe eft également no*
Ibledans les deux Langues y l'expremod Latine a plus de foroC
U de préf Ifion ^ kiFiaoçoife.
RAUX.1
L I V R E X I. ' 69^
Et fa mort au milieu des champs de la Vi6boire ,
Troubla notte allcgrefTe , & fît cduier nos pleurs. '• P£R-
Sur un Tablisu de Mignard . qui refréfinte U
Famille ticyaU.
m
Dans ces jeuues Héros , dont l'augiifte naïf-
fance
Promet cent miracles divers .
Tu vois tes Rois y heureu(è France -,
Et peut-être y vois-tu ceux de tout l'Univers. *
Fertraît de t Amitié»
Tai le vîfage long 8c la mine naïve i
Je fuis ÙLtis finefle & faps art :
Mon teint eft fort uni, fa couleur a/Tez vive,
£t je ne mecs jamais de fard.
Mon abord eft civil . j*ài la bouche riante ,
Et mes yeux ont mille douceurs ;
Mais quoique je fois belle , agréable & charmante y
Je régne fur bien peu de cœurs*
1
«I
70 BIBLIOTHEQUE FOETIQUi.
Il eft vrai qa*on m'ezalce ^ Ôc prefque tous Ici
p£R.' hommes
lUkVLT* Se vantent de fuine mes lois :
Mais que j'en connois peu dans le fiécle ou nous
fbmmes
Dont le cœur réponde à la voix I
Ceux que je fais aimer d'une flamme fidelle »
Me font l'objet de tous leurs foins ^
Et quoique je vicillifTeà leurs yeiix toujours belle |>
Ils ne m'en eftiment pas moins.
On m'accufe (buvent d'aimer trop à paroitre
Od Ton voit la profpérité -,
Cependant il eft vrai qu'on ne me peut connoitre
Qu'au milieu de l'adverfîté.
Sur quelques tradu^hnsdes Pc'étes Grecs»
Ils dévoient ces Auteurs < demeurer dans leur
Grecj
£t fe contenter du re(pe£lk
1 Bion, Mofchus , Anacréon & Théocrke, traJuicses
Yen François par le Baron de L * * *. C'écoic un homme con-
fbmmé dans le Grec , mais fec & dur verfiHcaceur au fentt*
fnencdes gens du m^ier. On lie dans le B0lUétrui y que M.
Defpréaux ayanc entendu cette Epigramnie , 8*écria d'un ton
de furprife : Efi-cekienM. Ps&ilault ^«i td fuite f II eft
fims doute fort furprenanc que l'Auteur du Pob'me fur U
Peinture y de l'IdjUe à M. de U Quintinie , du G^nie à M. d«
Fomenclle , &c. ait pu faire une jolie Epigrainme l
L I V R E X I 71
M,ÀUV
De la gent qui porte férule :
D'un r^avanc Traduftcur on a beau faire choix , ^ * ^*'
C cft les traduire ridicule
Que de les traduire en François.
A Monsieur de Fontenelle,
Le Génie,
Comme on voit des Beautez fans grâce & fans
appas ,
Qui furprcnnent les yeux ^ mais qui ne tonchenc
pasi
Ou brille vainement fur un jeune vifage
De ta rofè & du lys le pompeux afTcmblage ^
Ou Cous un front ferain de beaux yeux (è font voir
Comme des Rois captifs fans force & fans pouvoir ^
Tels on voit des efprlts au-defTus du vulgaire ,
Qui parmi cent talens nont point celui de plaire.
£n vain , cher Fontenelle « ils fçavent prudem*
ment
Employer dans leurs vers jufqu'au moindre ornc<«
ment ,
Prodiguer les grands mots , les figures (iiblimeS)
Et porter à l'excès la riche/Te des rimes ;
On baille , on s'afloupit, & tout cet appareil ^
Après un long ennui caufe enfin le fommeil*
11 faut qu'une chaleur dans l'ame répandue «
Pour, agir au dehors l'élevé de la remue ;
lULT.
7x BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Lui fourniiTc un difcouts qui dans chaque auditeur
Ou de force ou de gré trouve un approbateur ^
Qui faiiifle Tefprit , le convainque & le piqUe j
Qui déride le front du plus fombre Critique ,
£t qui par la beauté de fes cxpreflions
Allume dans le cœur toutes les paffîons*
Ceft ce feu qu'autrefois d'une audace nouvelle
Promethée > enleva de la voûte éternelle »
£c que le Ciel répand , (ans jamais s'^puifer ,
Dans Tame des mortels qu'il veut favorifer«
L'homme > fans ce beau feu qui Téclaire 6c l'épuce ^
N'eft que l'ombre de l'homme , & fa vaine figure s
Jl demeure sn&nfible à mille doux appas..
Que d'un oeil languiffant il voit & ne voitpaSr
Des plus tendres accords les fçavantes merveilles^
Frappent , fans le charmer » fes ftupides oreilles^
Et les plus beaux objets qui paflènt par fes fens »
N'ont tous pour fa raifon que des traits impuiffans.
Il lui manque ce feu > cecte divine flamme ,
2 L'efprit de (on efprit , & l'ame de (on ame«
1 Promethée ayanc détrempé dans Teau une efpece de li-
moa, il en forma, félon la Fable, les premiers Hom-
mes : il déroba enfuite par adreiTe le feu du Ciel , pouf
leur donner la vie. Jupiter irrité de Ton audace commanda
à Vulcain de l'attacher fur le mont Caucafe avec des chaioes
de fer. Non content de cette punition , il envoya un Vau-
tour afl^é , qui dévoroît chaque jour une panie du foye du
malheuteux Promethée i & «our etemifer fon fupplice > ce
ioye renaiiloit 6c fe reproduiioit toutes les nuits.
t Ce vers \\xi parouû ion alambi^ué â unCchiquc de
Que
Z I V R E X L 75
"«
&ÂU£:
Que celui qui pofTede un don û. précieux »
D'un encens éternel en rende ^race aux Cieux. ^^^'
Eclairé par lui-même , & fans étude habile «
Il trouve à tous les Arts une route facile ;
Le fçavoir le prévient , & (èmble lui venir
Bien moins de Xbn travail que de Ion fouvenît.
Sans peine il Ce fait jour dans cette noitobfcuce
Ou fe caclie à nos yeux la fecrete Nature :
n voit tous les reflbrts qui meuvent TUnivers j
Et (î le (brt Tengage au doux métier des vers «
Par lui mille beautcz à toute lieilreTont vûe's ,
Que les autres mortels n*ont jamais apperçûcs.
Quelque part qu'au matin il découvre des flcars «
Il voit la jeune Aurore y répandre des pleurs.
S'il jette Tes regards fur les plaines humides ,
ïl y voit s'y jouer les vertes NéréïHes ^
Et {on oreille entend cous lesJifiérchs tons ,
Quepouifent dans les airs les conques des Tritons.
S'il promené fes pas dans une forêt fombre »
Il y voit des Sylvains & des Nymphes fans nom-
■brc;
Qui toutes Tare en main , le carquois fur le dos ,
De leurs cors enrouez réveillent les échos j
nos jours>/«xpnme ,'ide femble « xTune façtvii énergique fa
vpea<& de l'Auteur, Au refte» comme la PqèMe .a^fii har>-
dieflfes, on ne peut guécesles condamner ^uc loirqii'elles foflc
»«cop fréquentes. .•-..'
RAULT.
74 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
£t chaiTanc à grand brulc vont terminer leur coarfè
Per- ^y ijQrj jes claires eaux d*unc bruyante (burce.
Tantôt il les verra (ans arc & (ans carquois »
Danfèr durant la nuit au filence des bois »
£t {bus les pas nombreux de leur dan(è légère ,
Faire à peine plier la mou^e & la fougère ;
Pendant qu'aux mêmes lieux le refte des humains
Ne voit que des chevreuils , des biches & des daims.
C'eft dans ce feu facré que germe l'éloquence -,
Qu'elle y forge fes traits , fa noble véhémence \
Qu'elle y rend fes difcours (i brillans 6c fî clairs*
C'eft ce feu qui formoit la foudre & les éclairs
Dont le fils àç Xantipe & le grand Démofthenes
Effrayoîcnt à leur gré tout le peuple d'Athènes.
Ceft cette même ardeur qui donne aux autres Ans
Ce qui mérite en eux d'attirer nos regards ^
Qui féconde , produit par fes vertus (ècretes.
Les Peintres , les Sculpteurs » les Chantres , les
Poètes j
Tous ces hommes enfin en qui l'on voit régner
Un merveilleux fçavoir qu'on ne peut enfeigqer >
Une fainte fureur , une fage manie ,
Et tous les autres dons qui forment le génie.
AU'defTus des beautez , aa-deflus des appas
Dont on voit fe parer la Nature ici- bas,
Soht dans un grand palais foigneufemênt gardées
De l'imnsuable Beau les brillantes idées ;
Mcdeles éternels des travaux plus qu'humains
L I V R E X I. 75
Qu'enfament lesefprics ,ou que forment les mains.
Ceux qu'anime & conduit cette flamme divine , P£r.
Qui du flambeau des cieux tire (on origine , R a u l
Seuls y trouvent accès , & par d*heureux efforts
Y viennent enlever mille riches trétbrs.
Les célèbres Myrons , lesilluftres Apclles
Y prirent à l'envi mille grâces nouvelles -,
Ces Charmantes Venus , ces Jnpiters tonnans ,
Od l'on vit éclater tant de traits éconnans ,
Que la Nature même en fcs plus beaux ouvrages ,
Ne peut nous en donner que de Foibles images.
Ce fiit-là qu'autrefois fans l'ufage des yeux *
Du âége d'Ilion le Chantre glorieux ;
Découvrit de fbn art les -plus facrez myfteres*
£t prit de Tes Héros les divins caraderes.
Ce fut4à qu'il forma la vaillance d'Heôor >
Le courage d'Ajax> le bon fensde Neflor «
Du fier Agamemnom la conduite févere ,
Et du fils de Thétls l'implacable colère :
Uly(& y fut conçu toujours fage & prudent ,
Therfite toujours iâche & toujours impudent.
• Dans ce même féiour tout brillant de lumières»
Ou l'on voit des objets les images premières,
II (çut trouver encor tant de varierez >
Tant de faits merveilleux fagement inventez •
Que malgré de fbn tems l'ignorance profonde ,
De fbn tems , trop voifîn de l'enfance du monde «
Malgré de tous fcs Dieux les difcours indéccns ,
Gij
76 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ses redîtes fans fki , (es contes languiflans ,
Dont rharmonieux fon ne flatte que TorelUe »
Et qu'il-lalfle échapper quand fa Mu& < (bmmeille^
£n tous lieux en i adore y en-tous lieux fies Ecrits
D*un charme inévitable enchantent les e(prit8*
C*eft-là que s*élcvoit le Héros de ta race ,
Corneille , dont tu fuis la gloricufe trace?
C'çftrià quen cent £a^Qns , (bus des fantôaifiS
vains ,
S'apparoifToit en lui la vertu des Romains ;
Qu'habile il en tira ces vivantes images ,
<îui donnent tant de pompe à fes divins Ouvra-
ges,
Et qu'il relevé cncor par l'éclat de fes ver? ,
Délices delà France & de tout l'Univers.
En vain qudqucs Auteurs , dontia Mufe ftérile
N'eut jamais rien chanté fans Homère Se Virgile,
Prétendent qu'en nos jours on (è doit contenter
De voir les Anciens & de les Imiter..
Combien fans le fecours de ces rares modèles ,
En voit-on s'élever par des routes nouvel les !
Çombica de traits charmaas (èmez dans tes Ecrits «
I De raven même d'Horace , ^Vtqudndo bonus dormit^
i/oweni»*. Xe jugement que M. Perhault porte icid'Ho-
jnere eft foadé C\jit la raifon & fur l*équité. S'il eût uCl d'u^e
pareille modération dans fes ParatleUs , il n'auroit eu
(ien à démêler avec quelques fameux pa;tifaos des Aa^
dtiÉi
L I V R E JCI. ir
Ne doivent qu à toi (èul & leur écre & leur prix !
N*a-t*oû pas vu des Morts aux rives infernale» pti
Briller de cent beaucez toutes originales- « l^ AU
£c plaire aux plus chagrins fans redire en Françoisr
Ce qu'un aimable Gcec ^ leur fit dire autrefois ?
De l'Eglogue , en tes'vers, éclate le mérite,
Sans qu'il en coûte rien au fameux Théocrite ,
Qui jamais ne fis plaindrcun amoureux deftiu ,
D'un ton (î délicat , fi galant &(î fin;
Four toi , n'en doutons pas , trop heureux FoK*
TENELLE ,
Des nobles fixions la fource eft éternelle ^
Pour toi >pour tes égaux j-d'un immuable cours ,
Elle coule fans cefic , 6c coulera toujours.
A M. DE tA QUINTINTE,
Surfin Livre de rinftruBion des Jardins fruiiiert
éi*fotagers.
Pendant que vous chantez les Héros de la
guerre*
Qui font régner la Mort , & défolent la Terre \
SouCrez » Mufes , foufFrez qu'à l'ombre du repos
Je chante dts Jardins le paifîble Héros.
Par (on heureux travail , par (es (bins honorée ,.
De mille nouveaux fruits la Terre s*e(l parée ^
li Lucien,
G» • •
78 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Et devenant féconde au gré de fes defirs ,
F.R- A charmé tous nos fens de mille doux plalfirs.
LU LT. Le folide élément qui foutient notre >qc ,
La Terre fe plaignoit de n*êtrc plus fervîc
Que par des hommes vils , par de niftiques mains j
Elle qui vit jadis les plus grands des Romains
Au fortir des combats,de leurs mains triomphantes
Cultiver avec foin les moindres de fes plantes.
Elle n'enfantoit plus dans (a vive douleur ,
Que des fruits imparfaits , fans force > ou fans
couleur.
A peine pour garder 6s lois & fes coutumes ,
Donnoit-elle au Printcms les plus fimples légtt-
mes j
Et retenant cachez (es précieux ttéfors ,
Elle ne daignoitplus les produire au dehors.
De (on riche palais la difcrete Nature
Avec joie entendit cet innocent murmure «
Et pour notre bonheur promit de mettre fia
Aux finiftres effets d*un Ci jufte chagrin.
Elle avoit des long tems du fî^c Quintinye
Formé pour les Jardins l'admirable génie ,
Et verfé dans fon fein les dons qu'elle départ ,
Quand elle veut qu'un homme excelle dans (on art»
L'efprit qu'il reçut d'elle, ou vert fur toutes chofes »
Ne voyoit point d'effets fans en chercher les caufes>
Avec un foin exadb il avoit médité
Tout ce qu'a jamais fçu la dofte Antiquité i
enrnsÊtBi
L T V R E X L St
Donc lès (ombres chaleurs , plus douces & plus
lentes »
Sont l'amour , le foutlen St la force des plantes.
Ces deux feux difTérens en joignant leur pouvoir »
Tônt tout croître 8c germer , font tout vivre êc
mouvoir.
Il eft encore un feu vif « abjet , méprîGible »
Né du fale rebut d'une ruftique étable ,
Mais qui rempli àt fucs 8c et (èls précieor »
Fait feul plus que la terre & le flambeau des cieux*
Par fbn heureux fecours > joint à ton induflrle »
Tu peux cueillir des fruits au fein de ta Patrie ,
Plus doux , pliis favoureux , plus fins , plus déli-
cats j
Que ceux ou le Soleil dans lès plus beaux cTimats-
Aura y pendant le cours de fa longue carrière»
Répandu tous Tes feux & toute fa lumière.
De l'art que tu chéris le (ccret fouveraiit
Eft de fe bien pofter , & fur un bon terrain :
Il faut conooitre encor comment l'arbre prend vie j-
Comment il fc nourrit , comment il fruélifie y
Quelle vertu l'anime , & fi diverfement
A taac , (ans (è peiner, donne le mouvement.
Dans l'endroit ou le tronc fe joint à la racine-,
L'ame fait fa demeure , 8c prend fon origine.
Lorfque l'hiver répand fa neige 8c Ces frimats ,.
£llç quitte la tige & defcend en embas ,
Ou /âge elle (rayaillc à pouffer de fès fouchet^
«n
81 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
De nouveaux rejettons, qui comme autant de bou-
Per- chcs
AULT. Attirent raliment , & forment la liqueur ,
Qui de. l'arbre au Printcms fait toute la vigueur \'
Qui ranime en montant Ton tronc & (es brancha-
ges,
Et le couronne enfin de fruits & de feuillages*
Ainfi c'efl un abus de ne pas retrancher
Ces petits filamens , odi*on n'ofe toucher :
Dès qu'ils ont vu le jour , < aufll-tôt ils purifient «
£t dans terre enfouis fe féchent > fe moifiâcnc,
Infedent ce qui vit. Loin que l'arbre par eux
En repoufle des jets plus fains , plus vigoureux ^
Il en fent devenir fcs forces languifTantes,
Et ne prend d'aliment qu'aux racines naiflantes.
Tes Pères , peu fçavans , fe font encore trompez
Dans l'art dont les rameaux veulent être coupez.
Quand du milieu de l'arbre une branche nouvelle
S'élevoit fièrement grofle , luifante & belle *
Elle étoit confervée , & charmé de l'avoir ,
L'ignorant Jardinier y mcttoit fon efpoir.
Il faut jetter à bas cette jeune infolente ,
Qui prend pour fe nourrir tout le fuc de la pUnte :
Ce fuc , dès qu'on la coupe , au(fit«tôt abattu ,
I Aujft-tot après dh que , eft fupcrflus ; & le Pofe'te s'en
feroic tenu fans douce à l'un des deux s'il D*cût été g6né pac
la meAire du vers.
L I V R E X I. 83
_ ^ , . ^ ,
Aux branches d'alentour partage fa vertu j
Répare abondamment leurs forces prefque éteintes > Pe R-
£c groffic tous les fruits dont elles font enceintes. ^^^ ^
Je ne pourrois nombrer les abus difiërens ,
Oti de mille façons tombent les ignorans*
Le tems Se mes leçons te les feront paroîrre.
Des arbres cependant travaille à bien connoitre
Tous les tempéramens & toutes les humcars »
Leurs chagrins > leurs defirs > leur langage , leurs
mœurs.
Il faut qu'à demi mot un Jardinier entende
Ce que dans fes befoins un arbre lui demande»
Sa tige , fès rameaux > fes feuilles, (à couleur»
Lui témoignent affez fa joye > ou fa douleur.
Si dans ces lieux fàcrez j'ai voulu te conduire ,
Si moi-même je prends la peine de t*in(lruire ,
£c te découvre enfin tant de (ècrets divers ,
Tu dois en rendre grâce au Maître que tu fers.
Ce Prince eft mon amour , c eft mon parfait oo^
vragej
Sa bonté , ù, douceur , fa force , {on courage ,
£t tous mes plus grands dons qu* en lui j'ai ramaffez»
Auroient fait vingt Héros dans les fiécles paffez..
Quand fuivi de fa Cour , & tout brillant de gloire,
Louis en dcfcendant du char de la ViAoire ,
Viendra fe délaffer après mille dangers ,
Dans les longs propiienoirs de (es riches vergers ^
Il faut que de beaux fraies ea tout tcœs foient cou^
vertes
m I 1 1 I ' - — n*
^4 BIBLIOTHEQUE POETIQUE^
De tes arbres féconds lès braiîch es too jours Vcttcs",
PuKqu-cn toutes faifons fuivi de fcsGucrHcrs
Dans le beau champ de Mars il cueille dès laarier$<
AïnCi la QuiNTiNYE apprit de la Nature
Des utiles Jardins l'agréable culture.
De- là tant de beaux fruits : de-là nous (bnt venas'
Tant d*arbres exc^ellcns , autrefois inconnus ',
Ou qur ne fe* plaifoient qu'aux plus lointauies
. terres.
De-Ià viennent encor ces admirables (erres «
Où les arbres choifîs , qu'on enferme dedans y.
Sous un caime éternel (ont toujours abondàns»
Chez lui , quand l'Aquilon de fes froides haleioes*
Fixoit le cours des eaux , & durci(roit les plaines )
Dans rencl<9s fouterrain de ces tiédes réduits ,
De l'Eté , de l'Automne on trou voit toas-lerfruits ;
On trouvolt du Printems toutes les fleurs éclo(è9 «
Et l'Hiver au milieu des fraifes & dès rofcs ,
Auroit cru n'être plus au nombre des faifons*,
Si dehors il n'eût vu fa neige & fes glaçons.
Là, brilloit le teint vif des pèches empourprées %
Ici , le riche émail des prtmes diaprées ^
Là , des rouges pavis le duvet délicat y
Ici , le rouge ambré du roufsâtre mufcat ;
Tous fruits , dont l'oeil fans cefle admiroit rabon*
dance ,
La.beauté, la groffeur, la difcrete ordonnance :
Jamais for k)irs rameaux également chargez,.
KAULU
L I V R E X I. 8f
La main fi fagcment ne les eût arrangez.
Mais c'cft peu que notre âge , illuttre Qiiintxn ye , ^**"
Ait profité des dons de ton rare génie.;
C*cft peu.qiie déformais Ja terre oii tu naquis ,
J'oui/Iè par tes foins de tant.de fruits exquis ^
Tu veux avec ta plume , agréable & fçavante ^
Tranfmettre tes fècrets à la race fuivante y
"Et les faifant paffer à nos derniers neveux ,
Rendre tous les climats & cous les tems heureux^
Tour la Sainte Croix.
Voila la <Ihaire oii Jésus nous inftruit :
Le Lit , ou pour jamais (on Sang nous reproduit}
Le Siège , oii fc rendra la juftice ruprcmc j
Le Char.« ou jufqu'au Ciella gloire Ta conduit .;
£t l'Autel > où pojir nous ii s'immole lui-même, i
Aux nouveaux Convertis»
Enîin de vos amcs rebelles
La Grâce a deffillé les yeux «
Et rejoints au Corps des Fidelles«
Yous rentrez au chemin des Cieux.
I Ces vers font traduits des vers fuivans de Santeuil »
^ui rqnteu^c-mémes autant de.'peafl^s cirées des £S.Peres«
^éic ilU ftdes quâ docwit Dem i
^if^italisy in quo nos feperit y thorui^
t'urrus trimphantit , tribundl *
Judicis, 4UqueJit40tis4r4,
^6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Mn
JUAULT.
BéniSci le Seigneur , béniflez fa clémence i
P^R- Et de votre bonheur immenfe
Goûtez les fol ides appas ;
Mais n'oubliez jamais , qu'aux routes ineffablec
De fes véritez adorables ,
Ceft à la feule Foi de conduire vos pas.
Caïn maudit de Dieu.
A tout homme à jamais tu fefas en horreur*
Le fang , le jufte fang qu*a verfé ta fureur ,
£ft tombé devant moi fur la tetre altérée :
Elle Ta bu fumant , & s'en cft enyvrée.
Tu n'en recueilleras qu'une moifibn d'ennuis ^
Son fein à tes travaux refufera fes fruits ;
Et toujours fugitif fur la face du monde ,
Tu n'y pourras fixer ta courfe vagabonde.
STANCES.
Sur U vanité du repentir dans la vteillejfe.
Je ne le fçai que trop , dans le cours du bel âge-,
Quand la nature ardente échauffant nos defirs ,
Nous rend fi propres aux plaifirs ,
Qu'il di mai-aifé d'être fage :
Cependant , malgré tant d*iattralts ,
On ne peut trop le dire , & le faire coùnoitre ,
En ce tems-là même il faut l'être ,
Ou l'on court grand danger de ne l'être jamais»
LI V R E X I. 87
Il n*cft pas vrai que la viellleflè
Ramené chez nous le bons (èns :
Ce que Ton y voit de fageflc ,
N'eft que l'efFet de fa foiblcffc
Qui rend nos defirs impuiflans.
En vain l'homme paroit renoncer aux délices
Qui firent autrefois fon crime & fon erreur ^
Rendez à tous fes fens leur première vigueur >
' .Vous verrez auffi-tôt renaître tous fes vices.
Ceft à tort qu'un vieux débauché
5ur quelques vains remords fonde (on efpérance:
Ce remords dont il efl: touché
N'eft qu'une vaine pénitence ,
Qui (ans expier (on offèn(è ,
Ne fert qu'à punir Con péché*
Dans les pleurs qu'on lui volt répandre
Pour les crimes qu'il a commis ,
Qui fçait s'il Ce repeut des plaifirs qu'il a pris ,
Ou s'il regrete ceux qu'il ne fçauroit plus prendre }
Le pécheur qui cranquillemenc
' Attend i revenir de (on égarement
Qu'il foit au bout de (à carrière ,
Se trompe maiheureufement :
%S BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
C cft une grâce fingullere
Per- Que Dieu ne f#it que rarement, i
RAULT.
EXTRAIT DE SAINT PAlfLIN,
N P 0 B M B H B* k 0 1 aV B.
0
Sages maximes pour les Rois*
^ D£ux fols à peine encor l'inégale courîerc
Dans le cercle de^ mois fournira fa carrière ,
Que Gontaire effacé du nombre des humains «
Yous laiflcra , Seigneur , (on fceptrc dans les mains.
Mais lorfqu!enfin le Ciel au trône vous appelle ,
Aux devoirs qu'il prcfcrit fongez d'être fidelle.
N'imitez pas ces Rois , dont reQ)rit orgueilleux
Pcnfe que les Etats ne (ont faits que pour eux %
Qu'un digne Potentat doit n'aimer que la guerre ,
N'avoir point de repos qu'il n ait conquis la Terre^
N'admettre dans Ton cœur que de values projets «
Et ne compter pour rien le bonheur des fujets.
Non , Seigneur .d'un.grancl Roi la véritable gloire
N'eft. point de remporter vi^oirc fur viâoire y
I Ces Stances ont été gravées fous le nom de M. Per-
I.AULT, ^ annoncées même comme (bn dernier ouvrage :
«cependant elles fc trouvent imprimées parmi les Pofe'iics de
M. Pavillon. Unexhoie eft yraye , c'cll qu'eilei ibutfl^iies
de cous les deux.
^ Saint Paulin annonce au Prince Traftnond , nsvai d«
Aoi des Vandales , qu'il cft à U veiliede lui iUcfléder.
De
L I V R E X L 89
De lépandre du fang y d'envahir des Etats » <wi—— ■
Ni de faire trembler les autres Potentats 3 Pfex..
Mak bien d* aimer Con peuple y 8c d'en être le pcre > k aui*
D'avoir toujours un cœur fenfible à Ci mi(!re »
Et de n'être attentif qu'au deflètn généreux
De le régir en paix , £cde le rendre heureux*
EXTRAITS DU POEMe'iNTITULF,
Xe siicLE I DE Louis le Gra.hd.
Progrh de la 'Phyfiqtu depuis Arifiete.,,,
Chacun fçait le décri du fameux Ariftote ,
En Phyfîque moins (ut qu'en Hiftoire Hérodote :
Ses Ecrits qui charmoient Tes pfus incellig&ns y
Sont à peine reçus de nos moindres Régens. "
Pourquoi s'en étonner ? Dans cette nuit obfcurc
Oiï (è cache à' nos^yeux Ta fecrete Nature ,
Quoique le plus fçavant d*cntre tous lés humains ,
U ne voyoit alors que des Exntômes vains.
X Ce Poème dont l*Auceui fit leâure en i^Sy. dans une
£é2ncc publique de l'Académie Françoife , y reçut de grands
applaudillêmeûi » mais iLfut en même tems caufe d'une
guerre civile , qui $*éicva dans la République des Lettres au
lu jet de là prééminence entre lès Auteurs anciens de moder-
lies* Ca chaleur avec laquelle chacua des deux partis foure-
soit Ton opinion »> les empêcha d'abord de s'entendre : ce-
pendant ils fe raprocherent peu à peu ; &fe calme Ce rétablie.
On convint de pan & d'autre qu'on pouvoir donner de gran-
des louanges aux Anciens, fans rien diminuer de celles qui
fimc légitimement dCùi$ i tant d'illuAies Modernes.
KAULT.
50 BIBLIOTHEQUE POETKIUE.
Chez lui , fans nul égard des véritables cautès »
Peu- £)ç (Impies qualitez opéroienc toutes chotes j
£t Ton fyftême obfcur rouloit tout fur ce point ,
Qu'ftnc chofe fc fait de ce qu'elle n'cft point.
D'une épaîiTe vapeur fe formoit la comète \
Sur uA folide ciel rouloit chaque planette ,
JEt tous les autres*fêux dans leurs va&s dorez
Pendoient du riche fond des lambris azurez.
Grand Dieu , depuis le jourqu* un art incompa-
rable
Trouva Theureux fecret de ce verre admirable ,
Par qui rien fur la Terre & dans le haut des cieux ,
Quelque éloigné qu'il folt , n'eft trop loin de nos
yeux.
De quel nombre d'objets d'une grandeur immenfè ,
S*efl: accrue en nos jours l'humaine connoifTance }
Dans l'enclos incertain de ce vade Univers ,
Mille mondes nouveaux ont été découverts ;
Et de nouveaux foleils y quand la nuit tend Tes
voiles ,
Egalent déformais le nombre des étoiles.
Par des yerres encor non moins ingénieux ,
L'oeil voit croître (bus lui mille objets curieux :
Il voit , loriqu'en un point (a force eft réunie *
De l'arôme au néant la diftaiice infinie :
Il entre dans le fein des moindres petits corps ^
De la fage Nature il y voit les rcflbrts ,
le portant fcs regards jufqu'en fou ftnftjMMff >
LIVRE XL
91
X Fleuve de la Grèce qui retourné plufieurs fois fur lui-
même.
HAUL
Admire avec quel arc en fecrec elle opère*
L'homme de mille erreurs autrefois prévenu « ^^ R
£c malgré Ton fçavoir à (bi-même inconnu »
Ignoroit en repos jufiju^auz routes cgrtaines
Du I Méandre vivant c]ui coule dans Ces veines»
Des utiles vaifTeaux oii de (es alimens
Se font pour le nourir les heureux changemenSj
Il ignoroit encor la flruâure ^ l'ufage ,
£c de (on propre corps le divin afTemblage.
Je vois les Cicerons » je vois les Démofthenes ,'
Ornemens éternels & de Rome & d'Athènes ,
Dont le foudre éloquent me fait déjà trembler ;
£c qui de leurs grands noms viennent nous acca-
bler.
Qu'ils viennent , je le veux i mais que fans avan*
tage. ^
Entre les combattans le terrain Ce partage ;
Que dans notre Barreau Ton les voye occupez
A défendre d'un champ trois filions ufurpez :
Qu'iriflrruits dans la Coutume , ils mettent leur
étude
A prouver d'un égoût la jufte ièrvitude ;
Ou qu'en riche appareil la force de leur arc.
Eclate à foHtenir les droits de Jean Maillard.
^% BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Si leur haute éloquence , en (es démarches fieres'«
.Peu- , Rcfufe Je dcfcendre à ces vtFes matières ,
;; AU IT» Que dos grands Orateurs foient aifez (brtunez*
Pour dïfendi* comme eux des Cliens « couronnez {
0a qu*^un grand Peuple en fôuk accoure les cn->
tendre ,
Pour déclarer là guerre au père * d*^AÎcxandrc;
Plus qu*eu]t peut être alors diserts & véiiéinens^
Ils donneroient Teflbr aux plus grands mouverâenti
Et (î-pcndant le cours d*une:Iongue Audience-,
Malgré Fcs traits hardis de leur vive élbqaence'»
On voit nos vieux Catons ftr leurs riches tapis>.
Tranquilles auditeurs &: fouvent aflbupis »
On pourroit voir alors au milieu d'u ne fkiecj
5^émôttvoir , s'écrier i*àrdente populacc;^
Ainfi , quand fous reffort des autans irritez
Les paifibles ruiffeausDlonc à peine agitez »
Les moindres aquilons Tur les plaines Talées >.
Bleveni jufquauxcieux les vagues'ébranléesi-
tpts de U Mujtque.
Cz bel Art tout divin par (es douces mervdlk^
Ne fe Contente pas de charmer les oreilles ,.
Ni d'aMûr jn(qu'a4icOBur par fes exprefEon»» .
Emouvoir à fon gré toutes les pafTions :
X Ciceron pl;dda pour le Roi Déjotarus.
i Démodlicne haranguoic, coBCce Philippe , pcre d*A.-
kxaniiiic le Graa(L
LIVRE X T.
9r
E Ai) l:
Il va , partant plus loin , par (a beauté fuprême ,
Am plus haut de refprit charmer la rai(bn même. „ ^^^^^
Là cet ordre > ce choix , & ces j)iftes rapports
Des divers mouvemens Se des divers accords ,,
Le choc harmonieux de divers parties ,
Dans leurs tons oppofèz (àgement artbrties «
Dont Tune fuit les pas de l'autre qui s'enfuit y
Le mélange difcret du fîlence & du bruit,
£t de mille rertbrts la conduite admirable >.
Enchante la raifon d'un plaifir ineffable.
Ainfi pendant la nuit quand on levé les yeux
Yers les aftres brillans de la voiïte des cieux ,
Plein d'une douce joye on contemplé , on admire:
Cet éclat vif & pur dont on les voit reluire, .
Et d'un refpcA profond on ftnt toucher Con cœur
Par leur nombre étonnant & leur vafte grandeur :.
Mais il de ces beaur feux les coiïrfês me/urées*.
De celui qui les voit ne (ont pas ignorées ,
S'il connoît leurs a(pe^s 8c leurs déclinaifbns',
-Leur chute & leur recour qui fôrment les faifônSj.
Combien adore -t-illa Sagerte infinie ,
Qui dé cette nombreufe Se céledé harmonie ,
D'un- ordre compafl'é jufqu*aax moindres mo^
mens ,
JBLégle les grande accords & les grands mouve^^
mextsr
5Ï4 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Eloge de Louis le Grund.
Per-
.AULT- ^^ ^^^ ^° '^ formant épuifa (es tréfbrs.
Et le combla des dons de l'efprit & du corps.
Par Tordre des Dedins la Vi^èoirc affervic
A fuivre tous les pas de (on illuftre vie ,
Animant les efG>rts de Tes vaillans Guerriers ,
Dès qu'il régna fur nous le couvrit de lauriers :
Mais lor(qu*il entreprit de mouvoir par foi-méme
Les pénibles refforts de la grandeur fuprême»
De quelle majefté , de quel nouvel éclat »
Ne vit-on pas briller la face de l'Etac!
La pureté des Lois partout eft rétablie \
Des funeftes duels la rage eft abolie ,
Sa valeur en tous lieux (butient Tes alliez \
Sous elle , les ingrats tombent humiliez \
Et Ton voit tout à coup les fiers peuples de l'Ebre»
Du rang qu'il tient fur eux rendre un aveu célèbre»
Son bras (è fîgnalant par cent divers exploits ,
Des places qu'il attaque en prend quatre à la (bis. .
Audi loin qu'il le veut il étend fes frontières \
En dix jours il foumet des Provinces entières :
Son armée à fes yeux pa(re un fleuve profond ^
Que Céfar ne pafTa qu'avec l'aide d'un pont.
De trois va(les Etats les haines déclarées ,
Tournent contre lui feul les armes conjurées ;
Il abat leur orgueil , il confond leurs projets ,
Et pour tout châtiment leur impofe la paix.
L I V R E X I. 5>S
Inftruît d oii vient en lui cet excès de puiffance ,
Il s'en fcrt , plein de zélé & de reconnoiflancc , Pkr-
A rendre à leur bercail les troupeaux égarez , RAULT
Qu'une mortelle erreur en avoic féparez^
Et par fes pieux foins l'Héréfie étouffée
Fournit à Tes vertus un immortel trophée.
Peut-être qu'éblouis par tant d'heureux progrès ,
Nous n en jugeons pas bien pour en être trop près :
Confultons au dehors , & formons nos fuffrages
Au gré des Nations des plus lointaines plages ^
De ces peuples heureux , où plus grand , plus ver-
meil >
Sur un char de rubis fe levé le Soleil 5
Ou la Terre, en tout tems , d*ui>e main libérale y
Prodigue fes tréfbrs qu'avec pompe elle étale j
Dont les fuperbes Rois font fi vains de leur fort ^
Qu'un (cul regard fur eux eft fuivi de la mort.
L'invincible Louis fans flotte , fans armée ,
Laiffe agir en ces lieux fa feule renommée ^
£t ces peuples charmez de fes exploits divers »
Travcrfent fans repos le vaftc fein des mers ,
Pour venir à fes pieds lui rendre un humble hom-
mage^
Pour fe remplir les yeux de fon augufte image ,
£t goûter le plaifir de voir tout à la fois
Des hommes le plus fage > & le plus grand des
Rois.
96 BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
==r" VaUtir du Soldst Franfois , augmentfe furlm
Per- fréfence de Louis XI V,
QiiAND route la fTeor de la Grèce
Autrefois d'AuIitîc partit
Pour llion quelle abattit ,
On remarqua moins d'allegreffe }
L'Euphrate vit moins de valeur ,
Moins de cette noble chaleur j
Qùî brave lès dangers & fait tout entreprendre^
Lorfque (es bords furent couverts *
Des fameux combattans que menoic Alezatube»
Et qui fous (bs drapeaux conquirent i'Univen»-
*
•••
CSEVREAff,
L I V R E X L 97
a*
CHEVREAU.
Rbain Chevkeau , né à Lou-
dun , ville du Poitou , le 1 8 Avril
1 525, y eft mort le ly Février
lyoï. Il s'appliqua dès fk , jcuneflc avec
tant d'ardeur â Tétude des Belles-Lettres ,
que dans un âge plus mûr H devint un des
plus fçavans hommes de fen tems. Son
érudition , également vafle & polie , lui fit
des amis ^ Se des admirateurs depuis la Loire
ju{qu'âu Nord. A peine av6it-il fini les
longs voyages- qu'il aVoît (entrepris pour
connoître les moeurs des Peuples qui nous
environnent, quefoa méritelui procura
des emplois, importans par la confiance qui
en faifoit le principal caraélere. De retour
en France » Louis XIV. le nomma Pré-
. I De ce nombre fcoleat la fameufe Reine Chriftine , le Roi
Cufld'ut foB fuccefièur , l'Eleâeur Palatin Cfutrles- Louis ,
Madame Palatine Douairière Ta mère , & Madame mère de
M. le Duc d'Orléans Régent i Tant parler des Snumaijts , des
Spinofd , des F«^nVe/.,..
Tome JIU I
faL
V&EAV.-
^8 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
cepteur de 'M. le Duc du Maine. Ce non-
Ch E - yeau pofte xBxt pour lui un XK>uveau fujct de
faire paroître toutje Fétenduë de fbn zélé
.& de fa capacité. Le tems ppefcrit pour
rinftrudlion du jeune Prince ne fut pas plu-
tôt écoulé^, que M.:Ghevreau le redra
dans fa Patrie pour y jouir du repos & de
la liberté qui lui avoient toujours ^été H
chers. Il nous a laiffé divers ouvrages.,
dont k plus confidéràble eft r//i)?wrtf du
Monde en 8 volumes in-i2. Ce livre efl
rempli de mille chofès corieuCes âcintéref-
fantes : mais il efi facile de voir au peu
4'ordre qui y régne, que l'Auteur n'y. a
pas mis la dernière main»
ViYs four mettre au bas du portrait de Louis XIV»
0£ Monarque xft duClel le plus parfaic ou-
vrage.
Son jugement égale Ton courage :
Sa bonté charme ceux qu'il (buoietà {ès.lois^
Et qui voie rpn image,)
Voie celle ila plus fage ,
Eu premier , du plus Jufte > & du plus grand 4çi
ICols.
«
LIVRE
X I.
9>
Sur Didelf.
1 DAits rétat déplorable àà Ton te voit réduite , ^"^
iiélas l qui ae plaiadroit ton amour & toa focc l
Si la mort d'un époux eii caufe de ta fuite ,
La fliite^'un amant eft cauiè de ta mort.
Epftdfhe de iâ., de'Turenne,
TuRENNE a fon tombeau parmi ceux de nos
Rois.
Il obtînt cet honneur par (es fameux exploits.
Louis voulut ainfi couronner fa vaillance ,
Afin d'apprendre aux iîécles à venir
v^u'il ne mit point de difFéience
ïntre porterie fccptre & le bien (butenir.
Efitafhe du Grand CûrnalU,
Ek vain les beaux Efprits , par de communs ruf-
. fràges ,
ïtevent à fa gloire un fuperbe tombeau ;
Il n'en peut avoir de plus beau
Que celui -qu il s'cil fait dans fes divins buvragèi.
; I Cette Epigcatmne eft imitée de celle-ci d'Aufonie :
InfeUx DiJo y nulli htnt nuftd nutrito »
^ Hoc perettnte fugir , hocju^icnie feris.
Qn verra à Tanide de M. Charpenciei une Jieurcafe trMât*
ma de cette ss^e Epigcamme.
YmVi
100 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
A un Ami.
^ " ^ " Tout m'afflige , tout m'importune j
Les promefles des Grands n'ont pour moi nul eâèr ;
£t j'en fuis fi peu fatisfait ,
Que je crains bien , cher Lifle-Brune ,
De n'avoir rien de la Fortune ,
Que le < tableau que j'en ai fait;
.' LETTRES.
A M. le Duc du Maine,
Servez Dieu , rcfpcftcz le Roi.
Tâchez de vous former fur un fî grand modèle j
Et pour être jugé digne de votre emploi >
Renoncez déformais à toute bagatelle..
Détcftcz le mcnfongc & la fottç fierté i
laites de la vertu votre plus grande affaire %
Et dans un entretien même de liberté,
Voyez quand vpus devez bu parler , ou vous taîre^
N'écoutez point le délateur ,
N obligez point Tingrat , méprifez le flatteur.
0
i" /! î ^ '"" ''' '' ^"*^- Au «fte on ne doit tegar-
fait bâtit à Loudun,& qu'il appelloit fon l»einU:«c , «c
pour I wctott de bonheur , il écoit garjoa. "** » •
1
LIVRE
X I.
loi
Par une fauiTe politique ,
O'une choCc publique i
Ne faites jamais un fecrec.
Ufez bien de celui d'un autre s
Mais tant que vous ferez difcreç »
Vous ne direz jamais le vôtre.
Aimez le divertiflement ,
Sans le chercher avec emprefTement.
Ne donnez point dans la chimère.
N*ayez jamais d'emportement :
Dans la douleur la'plusamere #
Et dans la plus âpre colère ,
Confervez votre jugementi.
N'ufèz jamais de méchantes fineiles 5
Soyez ezaâ dans vos promefles i
Du ceros qui fuit foyez bon ménager |
Et fi vous avez des folblefles ,
N'oubliez rien pour vous en corriger.
Il eft bon dans vos entreprilès
De ne rien précipiter :
Si les autres font des^ttifes ,
Vous en devez profiter.
Fuyez la débauche & l'intrigue ^
Des plaifirs criminels détournez tous vos pas :
Dans vos dons & dans vos repas >
Empêchez- vous d'être aVare ou prodigue ,
Fermez l'oreille aux con(cils dangereux ;
Ne fbyez ni guindé , ni railleur , ni (évere :
102 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
■
Soyez pour vos amis confttiH Se gépéreaz i
^£._ £c p(mr une faute légers,
s,^^. Ne rompez jamais avec eux*
Pour votre bien (oyez toujours décile^:
Au malheureux accordez votre appui :
Préférez l'honniête à l'utile :
Çcft toyt ce que j*ai pu.vouséçrire aujourd'huL,
E P I T RE.
Eu bien » Seigneur > vous y voilà»
7e fuis ici > vous éçes là ^
St mon emploi , fans doute , eft différent du vôtre*.
Vous n'aimez plus que les combats ^
Vous coupez & jambes Se bras ^
Et moi , je vis comme un Apôtre..
Aux plaifirs innocens tout chemin m*eft frayé i
Je n'y vois rien dont je (bis effrayé y
Tous mes jours (ont des jours dt fSte:^
Heureux de n'être point payé
Pour me faire caffer la tête !
1
Il n'en eft pas ainfi de vous autres vaillans 9
A qui le Ciel a donné des talons ,
Dont nos derniers Neveux garderont la mémoire
Pour vous le combat n'eft qu'un jeu^
Vos moindres aâions enrichifTcnt l'Hiftoire %
Kt vous allez chercher la gloire
Au travers du fang &; du fcui<^
mm-
L I V R E X I. lo^
Le père des Métamorpho(ès ,
Le Tems y qui fait périr & naître eoaces chofes > Che-.
Sur mes TÎenx an» a bien fça me clianger : v&EJur.
Et comme fa rigiKur n^eft pas toute afibayle ,
-Je ne fonge qu'à-ménag«r
Ce qui peut me refter de vie.
L'engagement
£ft bien charmant ,
Quand il nous mené
Heoreufement
Et promptement
Oïl le plaifir pafle la peine :
Mais de conrlr chaque fèmaine,
Chaque jour , ou chaque moment ^
Pour forcer un retranchement «
Ou (bnvent la mort cR certaine ,
Et de s'en faire un divertiflèment i
Jjèsne fuis plus touché d*une gloire (î vaine ,
£t £ j'ai moins de caur , j*ai plus de jugement*
Aimons la vie
Qtt'on voit fiiivie
De la fanté ;
Qui nous convie
A la gayté.
Dés le moment qifelie'noas eft ravier
Adieachaflès^ ;roiattt, voyages , libené,
Imf.
I04 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Montres , bijoux , SC toute^ouveauc^.
- ^ ^* Les Mens dans leur C^mmunaaté
liAV. N'ont jamais de table fcrvic ; .
Et celui ^ui comme eux a perdu la clarté »
Pait plus de pitié que d'envie.
On n'eft point beat»
Dans le tombeau y
Et la chof» eft afTez notoire ^
Outre que l'eau
Bourbèùfe & noire
Que Ton doit paflcc en batteau ,
£ft rude à boire.
Les Filles du facré Cpopeau .
Font^ revivre, il cft vrai , dan$ leur vieux réper-
toire ,
Ceux donc les a<fïions font dignes de mémoire »
Quand leurs jours fout coupez du funefte cifeau.
Hé quoi donc ! pour tenir quelque rang dans rHîT-
toire.
Irai -je porter mon mufeati
Od Ton caflè ôc tête & mâchoire >
Scigtijcur , j'aiipe beaucoup la gloire j
M aïs j'aime encore plus ma peau.
Ne rieai attendre
i , . Dans-uniroanoir
OÙ root çft aoir« .
L I V R E X I. x»5
Ne rien eaccndre «
£c ne rien voir : Cm-
Ne point s*aiIcoir » TUftAV
Ne point s'étendre j
Et ne pouvoir
Ni fe mouvoir ,
NI monter enfin • ni defcendre,
C'eil l'état préfeat d'Alexandre ,
Que vous nous faites tant valoir 3
£c dont aujourd'hui même on ne voit plus la
cendre »
Autant que ceux qui doivent le fçavoir ,
Me l'ont voulu faire comprendre ,
£t c'eft pour vous un aifezbeau miroir..
Allex, Seigneur^ ou l'honneur vous appelle s;
N'ayex rien à vous reprocher :
Mais de fuivte toujours votre ardeur naturelle >
La mort vient aiTez tôt fans qu'on Taille cher-
cher.
Le Sage du monde.
Le Sage éloute tout , s'explique en peu dt
mots s
Il interroge , Se répond à propos.
Rarement il ouvre la bouche
Devant un plus fage que lui y
Il n'eft point curieux des aâaiies d'auccui %
i<!>6 BIBLIOTHEQUE POEriQUB.
* Et ce qui le regarde cft tout ce qui le touche.
Che- Jamais à ^affliger il n*eft iagénieux j
vaiji0« ji s*àccommode aux tems « aux perfonaes , aax
lieux.»
Le repos de l'efprit eft tout ce qu'il (bahaîte ;
£t s*il n'a pas beaucoup de bien >
Du peu qu'il a (on ameeft (acisfaîte^
]^ tout «e qu'itA'ft pâs , il le compté peur rica;
LIVRE XL
107
BETOULAUD. -r
N ae fçait rien de précis touchant
M. TAbbé Betouuiud , finon
qu'il joignpit à beaucoup de mé-
rite un talent décidé pour la Pôëfie. Il
éjçoit eftimé. de tous les beaux Efprits de
fon tems , & particulièrement de Made^
rooifèlle de Scudery, l'objet inépuifable
de fes louanges , tant en proie qu'en vers.
On avoit fait préfent à cette illufire Fille
d,e deux Caméléons : elle feule en voulut
prendre foin ; mais ayant été malheureu-
fement obligée de garder le lit un jour ou
deux , ilsiurent négl^ez ; & la Caméléone
mourut. Plufieurs » Poètes exerfcerentà
Fenvi leur veine fur cette mort , & çntre
autres , M. Betoulaud , dont la Mufe
également féconde & iogénieufè a fçu faire
d'un fujet aui& aride Scauffi mince un Poè-
me agréable & intéreffant.
— — ^— y— **■* ' ■■' — — — *»^"^-i^i^i— ^— *-^
1 Madame.de Piat-Builtoa , M. le Uboareui , M. l'Abbf
fejqijB{L...dom OQ vénales e9craic$.d4iu U ri^ce de cc^ecueUft.
ETOU-
LAUD»
ïo8 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
LE CAMELEON.
P O £ M £.
C H A K T L
JE chante ufi Animal aitfli galant que rarêr.
Un beau Caméléon , dont l'Af&îqae & pare ^
Qui venant pour Palmis du bout de lUniven »
Affronta les écueijs & traverfa les mers.
Le brait s'en répandit , & chacun vit chez elle
Cet aimable AfTricain d'une forme fî belle :
Tout Paris fut charmé de ce noble anima! ^
Qui renonçoit pour elle g fon pays natal i
On admira cent fois fes couleurs , fes figares^
Mais on ne fçavoit pas encor fes avanrares ^
Et Palmis (buhaitant que la Poftérité ,
De ce bel étranger fçût la fidélité ,
Voulut qu'il fît lui-racme une hiftoire £\ tendre ï
Palmis le fouhaitoit , pouvoit^it s'en défendre ?
Quadrupèdes , oifeaux , poisons > rochers & hoïi ,
Parlent > quand il lui plaît > & trouvent de la voix ^
Au gfé de fes défirs> Palmis fait ces miracles «
Et donne à l'Univers ces étonnans fpeâades.
Un jour donc qu'elle vit fes amis aflemblés >
Parlez , dit-elle alors , Caméléon , parlez i
Et le Caméléon , béte jadis muette »
Parla comme autrefois avoit fait la Fauvette
Tout le monde atti&«tôt fc tut , & l'écguu s
LI VR E X L 109
Voici fidelkmenttontce qu'il raconta.
Sans Tordre de Palmis « fans fa toute-puiflance , B e t o n
Je gardierois encore un obftiné iilence ^ i AUp.
Mais rhonneur d obéir > ^evena le plus ibrt ,
M'oblige à vous conter l'hiftoire de mon fort.
Ayant le crime affreux dont je porte la peine ,
Dans Pantique Memphis j'eus la figure homaine 1
Et j*ea0e ité jadis un Prince trop heureux ,
Si le Ciel m'eût formé le cœur plus amoureux^
Mais dans un corps biçn fait j'eus une ame infi*f
delle :
Sans me fixer jamais , j'allois de belle en belle :
Tantôt j'étois paré des couleurs d'Eunoé ,
Et tantôt je portois celles d'Arfinoé.
J'adorois tour à tour le fceptre & la houlette »
Aujourd'hui Cléopatrp^ &c demain Timaretce $
Mon efpriç Ce plaifoit à ce dérèglement ,
Et je n étois confiant que dans le changement» '
Le beau Sexe indjgné d'une fi lâche offenfe ,
Aux autels d'Ofiris en demanda yengeance.
Par de vaines couiçurs je voulus m'excufer ^
Ofiris a des yeux qu'on ne peut abufer ,
Et ce Dieu redoutable > irrité qu'en mon ame
11 naquit chaque jour quelque nouvelle flamme.
En un Caméléon me transforma d'abord :
On voit encore en moi quel fut mon premier fort.
Je change à tout moment de couleur , de figurç »
]^t 4*ua volage cceur vous voyez la peiQÇurÇf
ïio BIBLIOTHEQUE POETIQUE. ~
!;!7 Nouveaux Caméléons , infidelies amans »
;^ T o u- Tremblez, & profitez de tous Aies chàcimens*
i.AUl>« ^e traînant dès ce tems qu'une rampante vie»
£c roaigé-des remofds donc elle écoit faî'^îe ,
Malgré ma ferme , hélas .* je vouîois être un joiir
Confiant en amitié , du morns plus qu*en amour.
J'avois fait ce defTeîn , i#r(qu'anptès d'dne roche
7 ouis deux AfFricains -y curieux je m*apprôche
Pour puir en feCret quels étoient leurs propos •
£t j'entendis que Tun die à Tautre ces mots.
Oui , fage Âlmoradis , qui dans tes do^es TeilieTf
De la Terre & du Ciel as pe(Z les merveilles ^
CciTe d'examiner dans tes raifennemens
Les miracles du Nil & fes accroifièmen *
Et cherché feulement d'où cette lUuIhe Filfe
Puifa tous les rayons dont fa belle ame brille.»
Palmis qui vit enfin foiis le plus grand des Kôît»
Eft à fon tour l'honneur de l'Empire François.
Alors comme faifî d'une fureur foudaine.
Regardant les forets qui couronnoient la plaihe-»
Tout à coup il fc levé , & pourfuit en ces mots :
Panthères , Léopards , Onces , Rhinocéros ,
Monftrcs > hôtes affreux de nos triftes rivages >
Allez ouir Palmis , Vous ferez moins fauvages s
Et vous Caméléons » qui changez en tout cemr»
"Allez ouir Palmis , vous ferez moins changeails*
A peine eut-il fini ce difcours plein de flamme ,
Que je fentis fbn feu couler jafqa'eo'Bioa hmc : '
Betoc
LIVRE XL m
Des Tcrcasde Palnis. fbadtiaenent ftap^ »
En de «ouveaux liens je me vis attrapé. ^
Hélas i c'eft raltiemeiit qae )e ttiiis m'eb défendre i c au d.
Palnis ine prit un cœur qa*£iinoé ne fytt prendre.
Malgré la trifte forme od les Oieax m'ont réduic»
' Ce portrait glorieux me charma jour & nuit ;
Et comme en cet état . parjun rare avantage ,
' De HumaîneHraKbn jeeonfervois Tufàge ,
Dès ce premier moment ledéfir de* la voir
Eut ma feule penfée 8c mon plus doux «fpoir.
Hempli de ce deflein )e vins ea une rade ,
Tx ne pris arec moi que ce (cul camarade.
Là cous deux embarquez Gins famille êc fans train..
Nous quittons £ins regrec le rivage Affiricain.
Mais ^ ifélas l quand par meron va-voir ce qu'oa
aime ,
<2tte les Tents ont alors une lenteur extrême I
Ah Ircombieb foiblemenc feufflent les aquilons !
Ahique nous mouillons tard au porc ou nous allonsl
Débarquez à la fin aux côtes de Provence ,
Dtâlant d'une lècrette ic cendre impatience »
Nous hâtons jour 8c nuit le voyage entiepris $
Enfin nous arrivons de Marfcille à Paris ^
Et l'illttftre Palmis > mon aimable Mattreilê ,
Noas«y reçut d'abord d'un air plein de tendreile.
A feioe elle eue parlé,qu'ému de mondxmheur ^
A (es charmans difcours je changeai de couleur :
St qui n'en ckangecoic f«niii cane de merveilles ?
m BIBLIOTHEQUE FOETIQP^'
UEgypte * mon pays > n*cn a pokic de pardilies'.
JE T o u* Quand Palmis m'eift chez elle un peu confidéré y
LAUP. Et que par fes bontez elle m'eut rafluré ,
Me croyant Prince eacor > je voulus en Ci langot
Lui faire en peu de mots une courte harangue t
Un éloge &ccint > oii d'un léger crayon
J*aurois de fes vertus tracé quelque rayon.
Mais hélas ! que fçait-on (buvent ce qu'on defîre!
Muet comme un poiiTon > je ne pus lui rien dlce^
Et cherchant vainement cette premiett voix »
Dont ma.bouche à Memphis s'exprimoit aucrefeis ,
Il fallut recourir à ces aimables Cygnes
Quefon nomme Genêts, Plat.fiui(rons& la Vi-
gnes :
Tous lui parloient pour moi » mais dq^uis ce mo-
ment
Je me Gm propofé de lui plaire autrement «
Et je veux d*heure en heure en cent (ormes galantes
Lui paroître enrichi de couleurs différentes »
Lui peindre en un inftant &laTerre 8c les Cieoz»
£t la peindre elle-même au milieu de mes yeux.
Si ces objets divers à Palmis peuvent plaire ,
C*en eft fait , pour toujours je renonce au grand
Caire.
Adieu , noire Zahîde y amour des Affricains»
Adieu Zara , je paffe en de plus nobles mainti -
Me faifant autrefois d'engageantes careflès*
VojuLS m*avcz , il eft vrai , marqué mille cendrcfTcs ^
Mais
L I V R E X I. iij
Mais je trouve à Paris une empire plus doux :
Adieu , je ne yeux plus me fouvcnir de vous.
Chant II.
Du peuple curieux la furprife imprév&b* >
Confbndoit k.h fols la raifbn & la vfib'.
D*ou viennent » difoic-11 , ces prompts enchante*
mènS}
Dent le Caméléon nous frappe à tous Hiomens?
L'Iris , fille de l'air y [& pure & fi brillante ,
Peint de moins de couleurs une nùë éclatante $
£t l'opale , portrait de cette même Iris ,
De moins de changemens éblouit nos efprlts.
Chacun s'en éconnoit y ^ la blonde Ifmenie ,
£t Màdonte aux yeux noirs , Se la fage Uranie »
Et. l'aimable Philis qui le prit fi (buvenc
Pour un Magicien en prcftiges fçavant ,
Courent voir parmi nous ce renommé Prothéc ,
Dont partout l'Univers l*bi(loire eft racontée.
Tandis qu'aux bords de Seine un û rare enchanteur
Trompoit en cent façons les yeux du fpcârateur ,
Ce charmant animal , à Palmis fi fidelle,
LanguiiToit tri dément s'il n'étoit auprès d'elle.
Les accens de fa voix > fes aimables difcours
Etoient fa feule vie , & fes feules amours.
Un jour donc qu*il n'eut plus ce principe de vîe.
Que Palmis jufqu'à Mante alla chercher Célie ,"
TêmellL - K
ITOU-
114 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Il ne put fupporter ce trifte éloigne ment >
II en poufla d'abord un long gémi/Tenaenc )
£t comme au tems d'Ëfope empruntant des paro^
les,.
I! exprîmoic ainfi Tes allarmes frivoles^
Vous me fuyez , & plein d'un efpoir déçev^Pt »
Je ne vivrai donc plus que d*air & que .je vent !
Ak! Palmis , ménagez un peu mieux vos conquê-
tes i
tes Dieux on( mille fois » (bus la fornaedesbétet 1,
Ou couru fur la terre » ou nagé dans la mer ^
£t quel Caméléon plus grand que Jupiter ?
Qui changea plus que lui de couleur » de figareî-
£t de qui puis-je mieux devenir la peinture ?
Cependant voas fuyez , Se partant dç ces lieux
Vous me laiâez en proye aux chagrins eanaycux*
A ces trifles accès de fa langueur preflaate >
Arrive heoreufement le généjreux > Cléante,
Dont la divine voix en de pareils malheurs..
Enchante « anéantit les plus vives douleurs.
Con(blc-toi> dit-il $ Palmis dans fa demeure
Reviendra dès ce jour» peut-être dès cette heure.^ ^
Sien-tôt avec Palmis les Mufes de retour « .
Vont de rayons plus vifs éclairer ce (éjoor; .
A peine il dit ces moi^s., qu'on porte la noaTeUe-;.
LIVRE XL us
Que Palmîs n*écoit plus qu*à vingc pas de chez elle.
Ce bruit tn un iuftant diffipe la langueur , B x t o
Qui du tendre animal avoit faifi le cœur. lavi
Pour recevoir Palmis qu'un heureux fort renvoyé y
Ce féjour retentit d'abord de cris de joye ^
D*un pas précipité tous vont la recevoir ^
Tous veulent à Tenvi Sc^l'entendre & la voir.
La Pigeonne auffi-tôt avec la Tourterelle ,
Vers elle en un moment volent à tîre-d'aîle -^
£t le Caméléon Inquiet & jaloux
De Ce voir prévenu dans un devoir fi doux »
Pour arriver plutôt ou Palmis pouvoir être.
S'élance tout à coup du haut d'une fenêtre.
Tranfporté de l'ardeur dont il eft poffédé ,
Il croit atteindre en i'âir ceiïx qui l'ont précédé >,
Il croit voler cônune eux od Ton zélé le gnide ^
Il croit d'un Aigle alors avoir Taîle rapide.
Mais hélas ! quel malheur ! il s'écrafe en tombant »
£t (bus Cott propre poids lui-même (ttccombant»
Malgré le prompt ffecours du généreux Cléante ;
Bien-tôt la mort af&eu(è à Tes yeux fe préfeute*
Froiflf , pîlc ôt'lividf , il chàage de' couleur ,
Il expirci&: voyez l'excès de Con malheur l
Car'lorfqtt'il eiiialoit fon aœe fugitive ,
La trop lente Palmis fubitement arrive :
Mon cher Caméléon , dit- elle plufièurs fois ^
Maïs îl-étoit déjà Tans mouvement, fans volx'>^
Et ce texubc animal en cette heure iaf&Igeante>
KJî
116 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ne jctta fur Palmls qu'une œillade mourante i
«
I> i: T G r;« £t la Parque barbare en {<Sparanc le fil , .
t AUD. Envoya fa belle ame à jamais en exil.
HéUs ! quels accidens • quel défordre ef&oyable»
Ne caufa pas alors cette mort pitoyable !
Deux fidelles miroirs , qui peintres obligeans»
A tout reprefenter étoient G. diligens ,
De l'un à l'autre bout de douleur fe fcndircoi:}.
Six vafès de criftal d'eux-mêmes (è rompirent }
Deux conques , autrefois trompes dont deux Tri«
tons
Se fervoient en chaflant les Phoques & let Thons $
Deux branches de corail » préfent dont Ampkitrite
De Palmis fur nos bords honora le mérite ,
D'une corniche » hélas l tombant fubitement »
Se fentirent brifcr en ce fatal momenç.
Mais (1 la dure Parque à nos vœux inflexible >
Dans fon appartement fit ce fracas terrible >
Depuis Tarbre hautain jufqu'à la moindre fleur »
Tout fut dans fes }ardins (ènfible à.ce malhenr..
Mirches> Acacias , & l'arbre de Pirame >
Parurent tout à coup fans verdure & fans ame^
le trifte Chèvrefeuille ému d'un fort fi dur >
Ne pouvant fe tenir , s'appuya contre un mur..
On vit dès ce moment fécher un ficomore *
Sans feuilles , fans rameaux le tronc en refte encore»
Le Houx défefpéré , dès qu'on s'en approcha ,
Piqua dans fon chagrin tout ce qui le toucha»
L l V R E X L X17
L'abricotier parue tout plein d'une humeur noire y
Le poirier de couc l*an ne porta nulle poire. B £ r o '
L*iF, bote fi chéri de ce charmant féjour , 1. au»
Refté nain , n'a pas crû depuis ce triftc jour.
Les foucis, les pavots furent tous taciturnes s
Les jafmins tout mourans fe mirent dans des urnes.
Les œillets & les lys , de cette mort fâchez ,
languîfToient triflemeac furla terre couchez.
Tout fembla plaindre enfin cette mort fi cruelle :
Tout Paris regreta cet animal fidelle :
Mais rien n'eut en. ce jour de fi vive douleur
Qu'en refTentit Palmis dans un fi grand maUieur.^
Chant I I L
• . . ....
Tendre Caméléon , animal plein de charme$^y
Que' ta mort a coûté de prcciéûfes larmes l
Et combien a-t'on vu de grands Hois enterrez ^
Qui par de G. beaux yeux n'ont pas été pleurez r
Tel fut le cher moineau de raimable Lesbie ,
Quitïâ làj'ârque autrefois le priva de la vie.
Chacun plaignit foU fort , & la lyre à fa main >
Catulle en fit pleurer tout îe peuple Romain.
Mais comme après avoir aiTez plaint ce qu'o«
aime ,
Il faut enfin aux Morts rendre un devoir-fupréme,
Palmis voulut au moins de ce convoi funèbre ,
Rendre à jamais la pompe iminortclk ^célèbre.
ii8 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Wtt
»"
- Et qu iufcôcis , oiftaux > quadrupèdes, poiflbnS».
B £ T o u- £c tous êtres enfin de toutes les façons ,
i*AUD. . Accouruilbit former ce convoi magnifique »
£1; vînfTeht tousgrofllîr cette pompe publique»
O vous qui m'éÈoutex avec ëtonnement ,
Vous paroi (Tez frappez d'un tel enchantement.
Ce charme à vos efprits eft incompréhenfible 1
Mais quand Palmis i'otdoniic» eft -il rien d'iœpofi
fiblc?
Tant de Héros fameux autrefois fi Tancex»
Et CléHe & Cirus qu elle a refTiifciccz ,
N'ont- ils pas -reçu d'elle unç plus noble vie ,
Que celle que le Sort leur a jadis ravie. ?
Les Pharaons jadis en des deferts arides
Elevoient jufqu'au Ciel d'énormes piramides ,
Maffes qui femblent même aux fpeâateurs confoit
Faire cncor refpcder des Rois qui ne font plus.
La prudente Palmis crut félon cet ufagc
Des vieux Egyptiens , peuple f^iitrefois £ (âge ^
Que le Caméléon qu'elle ayoit taat aimé ,
En des champs écartez devoir être inhumé i
£c qu* Atis , lieu charniant^ lieu rempli de verdore >
Seroit uitdefert propre à cette fépulture..
M<ais le corps hors des murs deia vafte Çi^ >
Etant dès le foir même incpgnjto porté ,
Auffi .tôt la lugubre & menaçante Orfraye ,
Qui de fon cri perçant fi fouveut nous eficayc j.-. {
L I V R£ XL 119
& les trifte$ hibous.^ amoureux de la nuit ,
rirent autour du corps un cfTroyab.le bruit. B e t o u-
L'Aurore fc montrant à ces oifc^ux nodurnes > i aud»
Ils difparurent tops çoo&s & taciturnes ,
RéfoJas déformais de n'akner plus le jour ,
Qu'un G rare animal dédaignoît à (on tour.
Mais dès que le Soleil , père de la lumière >
Vint à recommencer fa tâche journalière ,
On vit depuis ^Conflan^ jusqu'auprès., des faux-
bourgs ,
De milliers d*animaux le merveilleux concours :
Of^ eût dit que leur troupe, immenfe & vaga*
bonde >
Venoit peindre en ce lieu la nai/Tance du monde»
Palmis dun finil coup d'oeil les fit tous ranger là,
Et puis elle leur die , allez s & tout alla.
Au premier tang marchoiçnt.ks triftes Tourte-^
relies ,
Les Faifaas aux couleurs û vives & fî belles ,
Les Perdrix». les Pluviers, & ces autres o^feaux -
Qui charntent tour à tour le palais^des coteaux. . ,
Après eux on voyolc des troupes magnifiques
De Cignes , de Hérons , & djol&aux aquatiques ^ .^
Et les premiers cbantoient de cette, tride voix ,
Qn*on .dit qu'ils font ouir quand ils font ^ux abois» •
On leur vit fucceder en pompeux équipage.
Tous ceux qui font parez d'un fupcrbe plumage ,
JEj^ l'Aigrette , £c l.'0utar.4.e>.^ TaUcau curiciix. .
mÊÊm
110 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
■• En qui fut transformé jadis l'homme aux eent jobol
B E T o u- Api^ès eux fe montroient les volatiles rares
LAUo* Qui viennent des climats ou lointains , o» baf-
tares >
L'Autruche au corps énorme > avec le» Pélicaas »
L'oîfeau de Numidle > & les Paons qui (ont blanci»
On vit venir enfuite un grand nombre de Pie^,
Toutes d*un petit deuil proprement afTorcies %
Et mille Perroquets dlfant à chaque pas
Des mots entrecoupez , & de tri(ies hâas.
La charmante Fauvette en tous lieux fi vantée #
Et dont avec refpeâ la voix fut écoutée »
Volant de rang en rang > feule conduUbit tout*
Régloit tout par fès foins > de l'un à Tautre bout.
le peuple étoit furpris d'un objet fi nouveaa ,
Quand tout à coup frappé d*un appareil plus beau»
Il vit fix beaux courfiers tout le long de la Seine 9
D'un pas fuperbe & fier traînant un char d*ébeinc«
Sur qui brilloit de loin un cerCdeil de crîftal »
Oii repofoit le corps de l'illudre animal.
La fombre Poule d^eau j le Merle & la Corneille ,
Entouroient le cercueil , tous en robe pareille.
Quand le corps eut paffé , Ton vit fuivre après lus
L'Eléphant, accablé de triftefle & d'ennui..
Le Léopard , le Tigre , & deux Lions terribles ^
Suivoient nonchalamment comme moutons paifi-
blcs :
U
L l V R E X I. m
La douleur , en ce jour > les avok amollis s
Ou pcut-écre ils venoient de regarder Philîs. B e t o ur
Le Chat de Barbarie . en miaulant fans ccfic » lau».
^iprimoic vivement fa profonde triftefle.
Les Singes j les Guenons -, animaux AfFricains ,
Portraits, ou pour mieux dire> ébauche des hu-
mains «
Sui voient^ maïs accablez de telle rêverie •
Qu'ils (êmbloient n'avoir fait jamais de fingerie*
Lor(que ces animaux eurent ainfî paffé.
Chacun félon le rang oii l'on l'avoit placé }
L'Ours revêtu partout d'une robe hideu(è *
Parut dans cette pompe avec (à mine affreulè*
Il s'étoit , pour marquer fon extrême langueur,
Laiffé croître le poil d'une horrible longueur.
Le Renard après lui marcha plus d'une lieue* ,
Tout penfif > & traînant partout fà longue queue»
L'Ecureuil fur fcs pas paroi^bit emprcffé ,
£c puis le Hériffon fuivoit tour hériffî.
La Marmote à fon tour étoit de la partie ^
Mais étant de douleur tombée en léthargie.
Tout le peuple allarmé pour elle à cette fois ,
Craignit qu elle n'en pût revenir de fix mois.
Infuite la Tonu^S , & le Caftor en vie ,
Firent feuls les honneurs pour l'efpece amphibie ^
Et furtout le Caftor étoit fort attendri ,
Bien que chez les Huions il eut été nourri ^
imc nu U
jii SIBUOTHEQUE POETIQUE.
Mais la Tortue alors à chemi&er fort lente ,
_ " Marchoit à pas comptez conme une Préndente««
Pour les triftes poifTons , ils allèrent par eau
Jufques auprès i d* Atis , conduits par un Çarbpag»
Les autres aninuux au(fî là s'arrêtèrent.»
Et jamais dans Atis les plus hardis n*entrereqc«
On ignoroit pourquoi , mais on fçut de l'un d'eur^
Qu'il ne va point de béte en un lieu & fiimeux.
Nous vîmes à leur place en tiombreti(è aiTemblée^
Tout le Parnaâe en corps venir dans une allée :
Les neuf fçavantes Sœurs , les Grâces > les AmouE<^^
Formolent en cet endroit un (î noble concours.
Pour recevoir le corps d'abord tous s'avancèrent^
Etles Mufes furtout au premier rang marche-»
rent.
Amenant à leur fuîte un gros de beaux ECprits »
Jadis fameux à Rome , ou fameux à Paris.
Après les dodtes Sœurs parurent les trois Grâces ,
De qui mille Beaurez accompagnoient les traces ;
Aufïi-tôt un effcîn de petits Amours bruns »
Aux rives de Garonne & du Rhône communs >
£t tous' les Amours blonds qu*;on voit aux boiét$
de Seine,
Parurent tous enfuîte avec des arcs d'ébeipe ;
Chacun même, en ce jour, portoit un noir baa-i
t deau ,
■ . ■...■■.l'P
t MaifondeM. Coorarr.
XA.U«»
L I V R E X 1. îi|
£c s*&oit appliqué des aîlcs de Corbeam.
Milles tendres Amans de toutes les efpeces , 5^ thV'
De fages , d*enipprcex auprès de leurs MaîtreiTes^
De triftes , de mutins , de grands & de petits ,
Les {ùivoient pas à pas dans le palais d'Atis *
<2^ COU' fubitement fiit paré par les Fées y
De flammes , de feftons , d*urnes & de trophées •
£t de tous ces reliefs dont Tart ihduftrleux
Par la main des le Bruns fçait fafciner les yeux.
Lorfque l'on eut au bruit d'un lugubre cantique
£levé Tous un dais le cercueil magnifique y
£t que les (ped^ateurs fë furent tous placez
Sur divers échaiFaux que Ton avoit dreiTez ,
La grave MeTpomene en beaux vers'fi célèbre»
Du grand Caméléon fît roraifoit funèbre.
Enfuite ayant paflé (bus de {ombres ciprcs ,
X^uî fèmbloient en ces lieux être venus exprés ,
-On fit mettre le corps dans un caveau rufliquc ^
'SvLT qui l'on fit dreÏÏèr un obélifque antique,
*Oti Ton grava (eûdam cette épitaphe au bas ,
Ouvrage ingénieux du grand Th&)damas.
« • • •*-■••••■'■• « '• • •.'• • •
iPafTant , arrêtez-vous : avant d'aller ailleurs,
Y6us devez ca ce lieu le tribut de vos pleurs.
3^e beau Caméléon n efl plus qu'un peu de cendie :
Hélas ! qui fîit jamais plus fenfible & piustefidrei
'Si la mort a mis fia à tous Ces changenKns ,
3a mort n*altere point fes premiers fentîmens.
Lit
1^4 BIBLIOTHEQUE POETIQUE, .
Soo corps gic en ce lieu \ mais (bn erpric fidellf
U T o u- A choifî chez Palmis fa ciemeure éternelle c
j-tiVO* i\ la voit , il la fuit , il Tiécoute parier.
Adieu , pâjfTanc s voilà 4e quoi vous confoler.
A Mademoiselle de Scudehy,
Sur la mon de fin Çaf^éUpih
•
Sapho , quifeût ofé .crolr,s,
Qu^aux plus beaux jours de ùl gloire
Méléon fut trépaffij ? .
£t qui jamais eut peu (ë
Qu*en des lieux oi^ tpi^t le moiidjS
Trouve une fource féconde
De pure immortalité ,
Cet animal f\ vanté >
Eût de la Parque cruelle
Senti la maîq criminelle ?
lirais reiTufciter un naor^
N'^ft pas pour vous un e£S>rt i
Vous ppuyez j m^l^té 1 envie « . .
Lui redonner une vie . '
Contre qui vous (^avez bîea
Que la Parque ne peut rien.,
Sapho , fon ajoiour fidélç »
Sa complai fanoç &. (qa .zilf | . « . • -
ftie voyage entrepris .
L I V R E X I. iii
I)'Aléxandric à Paris ,
Méritent bien cette grâce. B e t o i
Eft-il bcfoîn que je trace ^^^^*
Tant de divers changemens ,
Que vous trouviez fi charmans ?
Ou bien qu'en vers héroïques ,
je cherche aux vieilles chroniques
Le droit de divinité
A Tes ayeuz aâèâé ?
Sapho , ce ne (ont point fables >
les Caméléons aimables
Dont il vient de père en fîls ,
Furent les Dieux de Mcmphi«.
Sur ces rives renommées
Ou ré^gnoient les Feolomées ,
On adoroit en tous lieux
Ces animaux glorieux ^
Et dans des tableaux antiques ,
Dans des temples magnifiques ,
Aux pieds des Caméléons
On voyoit les Pharaons.
Méléon , comme Tes pères
N'a pas vu tous ces myfteres »
Ni vu l'Egypte à genoux }
Mais Méléon fut chez vous ^
Et vous oiiir à toute heure ,
Etre dans votre demeure ,
Y pafler mille momens
Lii}
**
ii6 BIBLIOTHEQUE TOETIQUR
Agréables & chartnans >
K T o u- ^^ k\oxï moi quelque cbofè
kAJU x»« Qui vaut bien 1* Apothdo{e«
Ci^ U Caméléon quipsrU,
Les animaux les plus rares*
Chez les peuples polis , chez les peuples barbares ^
Meurent fans cfpoir de retour ^
Eléphans , Lions 8c Panthères »
■ Rhinocéros & Dromadaires ,
Tombant tous dans l'oubli iorfqu'ils perdent le
jour :
Mais moi , puisque Sapho travaille pour ma
gloire «
£c que le divin Apollon
Gcave ce qu'elle chante au Temple de Mémoire. «
Je fuis aHuré que l'Hiftoice
Parlera du Caméléon»
Les Papillons ikla belle Âftsêfirism
Pour vous marquer notre zéle^l
Nous venons à tire-d'aîle
Au célèbre rendez -vous
Que Flore afiigne chez voufb
X Ces papillons , peints en aflêz gfand nombre » Se ds
diiiércnccs couleurs , tbrmoienc eonunc en Tolanc le chiâce
li'Âjnedrû^
LIVRE XL Tif
C'cft au jour de votre fête ^•
Qu clic parc votre tête B i^ t <
De fleurs , doiit rémail dîverî' *^" •
5^e mêle à des lauriers verds..
En quelque endroit qu'elles naiflent «
£n quelque endroit qu elles croiflènc ,
I^ans un pré , dans un fillon >
Chacune a fon papillon.
Sur (es ailes bigarrées
Chacun porte les livrées
Pc ta fleur qui Ta charmé y
Et dont il veut être aimé.
agréez qu'à notre tour
Dans cette brillante Cour
Nous venions vous rendre Komtoagc i
Notre humeur n'eft point volage 5
Et bien qu'il (èmble à noos voir
Errer du matin au foir ,
Que nos flammes (oient légères ,
Inconlhtntes , pafTagores*
Sans nulle foMké ;
Pourtant la légèreté
N'eft jamais que dans nos aîlcs j
Nospctits cœurs font fidèles.
Liiij
ÎETOU-
LAUJ>«
ïi8 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Le Paon de Sapho.
Autrefois Je Junon Tolfeau le plus chéri ,
£c depuis de S apho l'aimable favori ,
J*ai préféré cent fois ma demeure chez elle
Au palais éclattaoc de la Cour immortelle.
Junon en fut jaloufe , & croyant qu ici-bas
Je vivois fous les lois de la fage Pallas >
Prit un arc invifible , & du féjour célefte »
Sur moi dans fa fureur décoche un trait fuoefte :
J'expirai. Mais S apho, pour adoucir mon (btc»
fait que j*étale encore y en dépit de la mort ,
De toutes mes couleurs la fuperbe parure ,
£t des cent yeux d'Argus la charmante peinture.
Ainfi par un bonheur que je n'attendois pas ,
Pompeux & couronné, brillant de mille appas 9
5a?ho m*honore encor d'une jufte mémoire -y
£t fa chambre eft pour moi le temple de la Gloire.
J'y revis à jamais ^ £c dans (on fier courroux
Junon voudroit en vain m'ôter un fort fi doux.
madrigal.
Le différend terminé»
D0RYLAS& Damon «ces deux fameux Poètes ,
Sur leurs vers ne (ont point d'accord :
On ne peut fans bâiller lire ce que vous faites.
Die Tun : en vous lifant, répond l'aucre, on s'endort.
L*un a raifon , & l'autre n'a pas tort.
L I V R E X I. 119
Sur U frife de Montmellian.
Betou«
Le plus gfand àt nos Rois difoit à la Vi<S^oirc » . lAUl^r
Sa fidelle compagne au chemin de la gloire ;
DéefTe , qui toujours (î prompte à mes defîrs y
Faites de leur fuccès vos plus charmans plaiHrs -,
Souffrirez- vous encor quun roc inacceûiible
D*un injufte ennemi foie l'azile palfible ?
La Viâoire > à ces mots» lui jettant des regards ,
Teb qu au jour d*un triomphe cHe en jette au Diea
Mars ,
Répondit auffi-tôt : Héros dont le courage
D'une confiante ardeur à tous vos pas m'engage *
Pttis-je vous réfuter ? Vous parlez , j'obéis ^
Je vais joindre ces monts à l'Empire de Lys :
Malgré mille périls vos guerriers intrépides
Y monteront « portez fur mes ailes rapides }
Et vous allez enfin triompher dans les airs »
Ainfi que for la terre » ;^infi que fur les mers»
4*
130 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
aVd!' TALLEMAND X DESREAUX.
Efitafhe de M. dAhUneourt.
L'Illustre d'Ablaccoorc repoft en ce tom-
beau*
Son g^nîe à (on fî^clê a'fervi de flambean.
Dans (es fameux écrits toute la France admire
Des Grecs & des Romains les précieux crélbrs»
A fa perce on ne fçauroic dire
Qui perd le plus des vivansoudesmonSi
Èpitaphe de M. Féitrui
Ce célèbre Pacru (bus ce marbre repo(ê.
Toujours comme un Oracle il s'eft vu confulcer i
Soit fur les vers , (bîc fur la profe.
Il (eue jeunes & vieux au travail exciter :
C'eft à lui qu'ils devront la gloire
Dé voir leurs noms gravez au temple de Mémoire»
Tel efprit qui brille aujourd'hui
N*eût eu fans Tes avis que lumières confufes \
Et Ton n'aurojt befbin d* Apollon ni de Mufes *
Si l'on avoit toujours des hommes comme lui.
I Tous ceur qui ont connu particulieremeuc cet Auteur »
en ont parlé d*iine manière fort avancagcufe. Il avoic fait
beaucouo d'Epigrammes , que Tes héritiers n'ont pas jugé à
propos de rendre publiques, Hcurcufemcnt pour celles^cij
9ik& avoient paru du. vivant de M. Deske aux.
L I V Rr E XL 151
N
■îf ^-Jf
Sur la mortfiihite êt'un Grand.
F
Igurb du monde , quipafTe
Ecqui pafTe dans un moment 3
Pompe , nchefle , honneur , funefte amufement
Dont un mortel s'enyvre, & jaipais ne (e lafTe :
De quoi (èrt votre éclat â l'heure de là mort?
Il ne peut ni changer ni retarder le (brt..
L * * plus haut que lui ne voyoit que fbn Mlaitre :
Dans le comble des biens, des grandeurs, du plaiïïr^
Lorfqu'il la^craint le moins ^.laMortTient leiàifir».
£t ne lui dbmie pas lé tems dé la connoitre;
Hélas ! aux grands emplois à quoi bon' de courir ?
Pour veiller fur (bi-même heureux qui s'xn délivict
Qui n'a pas le tems de bieni vivre >
Trouve mal^aififment \t tems dé bien mourir»
Trières vaines ^fi&rilesfans les aSlions.
Ce n'éH; point par le bruit d'une vaine prière
Que l'on peut emporter le Royaume des-Cieux :
Il faut combattre » agir , courir dans la carrière ».
£t Too trouve à la fin ce xtiCot précieux.
lie Cicln'eft pas le prix de nos dlfcours frivoles 1 .
Dieu L'accotik.aux vertus » Se non pas aux pacoks*
N*5|.
I3t BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
LIVRE X I ï.
BOURSAULT.
DMEBouRSAULTjiiéenidjS^
à Muffy-FEvêque, petite ville
de Champagiîe , vint à Paris etf
16$ 1. n'ayant encore qu'une connoiiTancè
très-împar&ite de la Langue Françotfe :
niais il fit fi bien , qu'à force de travail &
d'applicatfbn il en pénétra toutes les déli-
cateiTes , & s'en rendit familières toutes
les beautez. Ce fut pour lui un grand mal-
heur , que les difpofîtions favorables qu'il
avoit à apprendre, ayent été négligées dès
l'enfance par un père , moins occupé de
l'éducation de fa famille , que de fes plai-
lîrs. La connoiflance des Langues mortes
lui eût ouvert le chemin à une brillante for-
pme : car ayant fait en i dyi. par l'ordre
mtm ■ I
LI V R E X I L 135
^[■■■■■■■■■■■■■^■■■■■■■■^■■■■■■■^■■^■■■■■■■■■■^■■ii^^HB^lMB
Au. feu Roi un livre intitulé l'Etude i des
Souverains , ce grand Prince en fut fi con-
tent , qu'il fit rkonneur à M. Bo^ursault
de le nommer fous-Précepteur de MpN-^
SEIGNEUR, Lefeul défaut de latinité ne
lui permit pas de profiter d'une grâce ii
flatteufe ; & il fe vit remplacé par un hom-
iTie X d^un mérite fiipérieur & de la plus
vafie irudition. Au refle » quoique M«
BouRSAULT ne fut pas fçavant ( s'il eft
^rai qu'on doive en refuièr le titre à qui
n^ fçait ni grec ni latin ) il a &it divers ou«
trrages , tant en profe qu'en vers , qui l'ont
0iis ail niveau des plus be^ux Efprits de
fon fiécle. On lira toujours avec plaifir fes
X«edxes , |8c fur tout celles ) qu'il adrefle
mg^i^m
t Cet ouvrage écrit avec autaat de feu que de jugement ^
fi£i reippli d*an bout à Pautre d'exemples ilUillres & nécefTai-
yos, tant^urjeuses Princes qu'on inftruit ^ qu'aux grandi
f^tasaes qui (ont chargez de leur éducation.
X Feu M. Huec , Evéque d*Avranches.
5 Madame la Comtefie de la Suze les a céléboées dans I9
J^adxigfd fuivant.
fiabet i qmtjue tnfùf j quftts Lettres font belles l
Que pcw toHi her les coeurs elles ont de pouvoir l
Ce font des beaute\ naturelles ^
Ç^'9f^ fiffç lifjffpm: 4f VQtrf
BOUR
s AUL
OUR-
lULT.
■MM— — — — — Mi^
134 BIBLIOTHEQUE .POETI<^V£.
à Baheu Son Germanicus a été loué hau«
tement par le Grand Corneille en pleine
Académie, Ses Fables ' tPEfofc & fos
j^y^p^ à /i^i Cour , deux Comédies admira-
bles dans leur genre 9 font d'autant plus
•d'honneur à notre Théâtre , qu'elles font
affaifonnées partout d'une morale fine , în-
fînuante 9 agréable^ & en même tems utile,'
^ui intéreflè également le cœur & Telprit^
Mais fi on ne peut refufer à plufieurs ou^^
vrages de M. Boursault FapprobatipQ
qui leur «fi due , on ne doit pas moins efti»-^
mer la beauté de fon ame & la nobleflë de
les fentimens. M. Defpréaux étant allé aux:
Eaux de Bourbon pour une extinéUon de
voix 9 fut obligé d'y demeurer plus long.
Qudnd Tinis y infenfibU aux Mccens dejmét Ijrt ^
l*oHr ne pas m'ecouter portait aiUeurs fes féks «
Que ne te ccnnoi^ois-je , hélas S
Tu m'aurois appris à lui dire
Ce que je ne Im. difois pas.
1 7e n*ai rieu lû dans ce caraâcre , die Sainc-Eviemond "^
«le plus beau eo notre Langue} & la feule hardiefTeMoJi*
peudammcnt du fucccs qui l'a juftifiée ) d'ofcr racccre le pre-
mier des Tables d*£fope fur la Sccne • ne peut panii ^hq
d'un génie quipcnfe au-deÛiu du commum.
LI VS E XI î. 135
tems qu'il ne fe l'étoît propofé : l'argent lui
manqua. M. Bouksault qui étoit alors à ^ ^^*'
Mont-Iuçon en Equrbonnois, iie le fçut pas
plutôt , qu publiant qu'il avpit fiijet de fe
plaindre de notre Saty rique ^il alla lui ofirir
ies fervkesr&le pria d'accepter deux cens
Jouis. Une démarche auflî généreufe eut (à
^écompenfe .» puifqu'çlle occalîonna dès
i'inftant même l'étroite & fmcére amitié
«qui a duré entre eux jufqu^à la mort.' Celle
de M. BouRSAULT arriva le ij Septem-
bre 1701. Il jouiflbit de toute la vigueur
de fon efprit & de fa fanté , lorfqu'il fut
attaqué d'une colique fi violente , qu'elle
jui noua l'inteftin j & pendant les huit jours
qu'il a furvêcu aux douleurs les plus aiguës,
.jl donna les marques les plus édifiantes
de courage , de patience , de réfignation
& de piété. Il eft inhumé aux Théatina.
Le Père Bourfault , célèbre Prédicate.w?
de cet Ordre, étqit fon fils.
B O U R-
; A U L T.
1^6 BIBLIOTHEQUE POETIHUE.
EPIGRAMMES.
Equivoque plaifantf.
\^ Ert AIN Intendant de Provîace '
Qui menoit avec lui l'équipage d'un Prince ,
£n paflanc fur un pont parut fort en courroux :
Pourquoi , demaiida-t-il au Maire de la Ville »
A ce pont étroit & fragile
N*a-r'on point mis de garde- fbaz 3
Le Mair« craignant fbn murmure ,
Pardonnez > Monfeigneur , lui dit-il aflez haut-}
Notre Ville n'étoit pas (ure
Que vous y paiTeriez (î-Cjot.
JiépîiquetC un jeune Avocat ^ un vieux Frocareur:
Pi-Fou RN 1ER > méchant borgne , & Procureur
fubtil >
Contre un jeune Avocat déployant (on babil ,
Plt qu'au lieu de rai(bns il contoit des (omettes »
Des inutilitez d'un Orateur tranfi.
Mes raifons , répondit l'Avocat , (ont ibrt nettes ^
£t rien n'efl inutile ici
Qu'un des cotez de vos lunettes»
Vanité confondue.
Un Prédicateur Efpagnol »
Qui prétendoit prêcher auffi- bien que Saint Pau! »
£c
L l VR E' X II. 137
£t s'il n'étoit Prélat, qu'il méritoicde l'écre ,
Un jour parla hautemeat B o u r
Contre le Gouvernement 5 s Aulx
Et crut par ce moyen fé bien faire connoitre;
De fa témérité Philippes Quatre inftruit ,
C'eft un homme , dît-il , qui veut faire ju bruit ;
Il n'importe comment « pourvu qu'il réuffifTe :
Mais pour le bieir pt^r d'avoir (î mal parlé >
U n-aura point de Bénéfice ,
£t ne (èra pas exilé-
l^AÏvtté du Domefiiqui ttun Chanoine.
Hier au foir un gros Chanoine
Voyant que d'un peu d'eau la terre avoir befoln ,
Difoit que cette année on aurolt peu de fi>in ,
Et peut-être encor moins d'avoine :
Pour les pauvres chevaux que ce tems eft mau-*
vais 1
Tous vont mourir de faim , fans aucune ré(èrve« '
Monfieur , s'écria fon laquais ,
Que d'un fî grand malheur le bon Dieu vous pré»
(crve.
Vifs^otir metirt au bas du portrait du R, P. dtlé
Chaife , Qonfejfeur de Louis XIV.
Son auftere vertu , fa doârine profonde ,
lui foumcrtent le cœur du plus juiÊte des Rois r
Tme lîU l/L
158 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ce grand Homme à Tes pieds a vu plas d'aœ ii
15 o u R- Qç^jj^i q^| joîc uQ jour voir aux fiens coac le moi
sault. ^
D*/y» Médecin ^ iwn ytmrtAàl,
Un Maréchal ayant gaéri la mal<
D'un Médecin de réputation «
Ne voulut point de rétribacion :
Dieu me garde , dit-il , d'être aflez ridicule
Pour rien prendre des gens de ma profeffion.
BJfonfe iun Batelier à Henri U Grsnd.
Henri Quatre en bateau paflant on joa
Loire >
Le Batelier robufte , homme de cinquante ans
Ayant les cheveux tout blancs.
Et la barbe toute noire -,.
Le Roi familier & bon
£n demanda la raifon :
La raifon ? pardié , Sire , elle eft bien natnrellë ,
Aépofiditle manan , qui ne fut point honteux
Ceft parce que mes cheveux
Sont de vingt ans plus vieux qu elle.
Sur U mert iFun Avocat , trh-hatile c^ trh
honnête homme.
Veuves qu'on pcrfécute , orphelins qu'on
prime..
L I P-R E X î I. 139
£c qui navez poar voiis que Téquité des lois ^
Pleurez an Orateur « dont réloqueate voix
Protégeoic rinnocence & foadroyoit le crime.
Cy-gift le célèbre de Recs ,
L'un des plus illuftres fujets
Qui jamais de Thémis ait (batenu l'empire.
PafTanc , qui vois (bu- nom » ne cherche rieo
après ^
Son nom feui en dk plus que je n*en fçâttrois dire.
D'un Fartifan.
nNPartlfan* Seigneur Haut- Juftlclcc
iVun fief , jadis pofTédé par des Princes >
Se gendarma contre fon Charpentier
Pbur avoir d'un gibet fait les fourches trop minces :
£h ! Mondeur , lui dit-il, nayez aucun chagrin;
C*eft du bois de cormier » plus dur que touslcs aa<-
très:
Tâmais de cet ouvrage on ne verra la fia %
Je vous le garantis pour vous& pour les vôties<
Une bonne Cimédie efl une leçon t^aee.
Dans les plus illuftres familles
BienTouvent aux garçpps , quelquefois même aux
filles .
Les conTcils des parens femblent hors de faifon :
Mais par les Icf ons du Théâtre
Mij
I40 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Le fat le plus opiniâtre
o u R - £ft d'abord mis à la rai(bn.
iAULT.
FOREL I I Roufleauy Laoy, nous (ommes 000*
vaincus
Que chez vous on nous vole $
Et que pour deux écus
On compte une piftole :
Nous vous pardonnons cet abus -y
Mais renoncez à l'injuCU maxime
De mélanger le vin dans nos repas:
C'cft afTez de commettre un crime»
Volez ^ mais nempoifonnez pas.
Félicité de t honnête homme.
Je ne (çais ici-bas d'autre félicité
Que dans une flateufe 6c douce volupté :
Non dans la volupté dont le peuple s'entête i
Qu'on évite avecfbin ppur peu qu'on foitlkonnêtC}
£t qui pour des plaifirs peu durables & faux >
Caufe prefque toujours de véritables maux.
J'appelle volupté proprement ce qu'on nomme
Ne fe reprocher rien & vivre en honnête homme.
Appuyer l'innocent contre l'iniquité ^
1 Fameax Trgitcurs.
SAULT.
L I V R E X I I. 141
Briller moins par refpric que par la probité ^
Du mérite opprimé réparer Tinjadicc , ^ ^^ ^"
Ne fouhaiccer du bien que pour rendre fervice ,
£tre acce(fible à tous par fon humanité :
Non I rieu n efl: comparable à cette volupté.
Faux Grandu
L'un monté fur un grand crédit ^
Ou fur une haute naifTance »
Paroît d une grandeur immenfè ,
Qui f fans tin tel fecours » paroitroit bien petit.
L'autre qu'élevé la fortune ,
Et dont fon orgueil fe prévaut »
Séduit par une erreur à tant d'îautres commune ^
Se croît grand parce qull eft haut,
* N'étoît leur piédcftal qui leur donne du luftrc
Par le rang qu'autrefois leurs Ayeuz ont tenu y
Tel qui fort d'une tige illuftre ,
A peine feroit-il connu..
Qu'on ôte à ces Prélats leur mitre ,
A ces Préfidens leur mortier >
La plupart , en quittant leur titre ,
Quit6eront leur mérite entier.
II ne part de leur ame aucun trait de nobleffe ,
Qu'Us foient dans le plaifir , ou qu'ils foient dans
le deuil :
Malheureux , ce n eft que foiblefle ,
141. BIBLIOTHEQUE POETiQUE:
£t fortune2) ce n'efl qu'orgdeit.
o u R- Xol > I donc le coear cranaaile » eoneml de l'èxcrd-^
AUIT. ^^
me f
N*eft jamai9k3rgaeilleax 9 ni jamais abaca »
Ton piédeftal eft ta verta i
£rc'eft-là proprenaenc être grand par foi-mtme.
F A BLE S.
Le ChaflatMft fji^ fAnê^
A Vienne un Charlatan » Médecin empirique , •
Promit à l'Empereur, pour quinze mille francs »•
Qu'il fè fit avancer en beaux deniers comptai» y
De faire parier Grec une jeune bourique %
£t s'il n'en vient à bout au plus tard en dix ans »
Confent d'être pendu dans la place publique* -
Ses amis l'ayant trouvé
Au fortir de cette affaire ,^
Promirent tous un Salvê^
A fa fin patibulaire.
£h ! Meflîèurs , leur dit il , n'ayez aucun effroh
Avant qu'on foit au bout d'un fi long intervalle^
Ou l'Empereur , ou l'âne , ou moiv
Il faut que l'un des trois détale «
MH
t M4 de Baùilac, Garde du Téfor-Hôyaiv
LIVRE X I L 145
LEcre^Jfe (^/m FiUe^
Boi
L'Ecrivisse une fois s'écanc mis dans la tête sav
Que fa fille avoic tort d'aller à reculons »
£lle eo eut fur le champ cette réponfe honnête ;
Ma mçre nous nous reflèmblons s
J*ai pris pour façon de vivre
La façon dont vous vivez :
Allez droit û vous pouvez ^
Je tâcherai de vous fuivre.
Le RâJfynoldF^-U t^uvttte»
Un jeune Roflignol qui faifoit fon plaifir
De voltiger de belle en belle »
Satisfait.de U bagatelle ,
Sur aucune Beauté n*arrétoit (on défit.
Linoce, allouette> byrondelle»
Toutes l'une après l'autre occupoient fbn loifir ;
£t Toit qu'on lui fut douce « ou qu'on lui fur^
cruelle ,
Son coeur irréfolu ne (çavolt quechoîfir.
L'Amour qui fe lafla d'un femblable manège i
Un jour fur lebord d'un ruiflcau
Lui fit voir un certain oifeau »
Qui de fixer (es vœux eu&(èul le privilège*
D'une aimable Fauvette un moment d'entretîea
Mit le Roffignol tout en flamme :
Elle écoit bcUe^ fage , & gazouilioit fl bien ,
144 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Que foD ramage enlevoic l'ame,.
9K. Bmlaoc alors du plus beau feu
TLT. Que jamais oa aie vu paroîcre ,
Par un rendre 8c fincere aveu
Il en fie confidence à qui raroic faic naître»
Mais la Fauvecre émue à peine Tentendic « ^
Qu'elle le fit changer de note »
Et fièrement lui répondit
Qu'il ne lui di(bit rien que ce qu'il avoit die
A l'allouetce , à la linote.
Les yeux du Roffignol attentifs fur ce point ,
Virent , ou crurent voir dans ceux de (on amante "
Que ces reproches n'étoient point
D'une Fauvette indifiérente.
Ma conftance > dit- il , parlera quelque jour j
Et la trouvant un foir difpofée à l'entendre •
Il chanta ce qui fuit d'une façon fi tendre ,
Qu'en lui prêtant l'oreille , elle prit de l'amour.
Arbres , rochers , échos , fontaines >
A qui j*ai tant de Fois confié mes {bupirs ,
Eternels témoins de mes peines »
Ne ferez- vous jamais témoins de mes plaifirs ?
De peur d'être fenfible au feu qui me dévore »
Ou dit que mon amour ne dure qu'un inftant :
Belle Fauvette que j'adore ,
Vous m'avez bien appris à devenir confiant l
Moi»
SAULTi
LIVI^EXII. 14s
Mon ame (bus vos lois eft Ci bien afTervie ,
Que malgré les tourmens que vous me dcftincîf , B o u k
Je plains les momens de ma vie
Que je ne vous ai pas donnez.»
Impatient d'êtrt fidelle
A de légitimes appas ,
Quand je volois de belle en belle »
Qui cherchois-je que vous , que je ne trou vois pas l.
Depuis que je vous ai trouvée ,
Ai-je formé des vçeux pour un deftin plus doux !
Quelle félicité feroit plus achevée »
Si vous Tentiez pour moi ce que je fens pour vous |
A peine eut-il fini « que la fage Fauvette «
Que fbn heureux amant touchoit.
Fit une prudente retraite »
Ec dit f pour Ces raifgns y que la nuit s*approcIiokf
Le lendemain avant l'aurore
Elle parut au même endroit ;
Peut*£tre pour entendre encore
Ce que Ton amant chanteroit.
Il lui tint le même langage
Qui le ibir précédent l'avoit fait retirer |
£t ne le croyant plus volage
Elle lui permit d'efpérer*
T0meUI. N
tj^6 BIBLIOTHE<lUE POETIQUE.
Le Faucon malade.
ou R- XJn Faucon à l'extrémité .
( Libertin en pleine fanté
Jufqu'à traiter les Dieux d'une pure chimère )
De Tes jours malheureux prêta finie le cours ,
Avec empreflemcnt follicita fa mère
D'aller en fa faveur implorer leur (ecours*
Mon enfant , lui répondit-elle^
Je plains l'état où je te voi j
Mais après tes mépris pour la Troupe immortelle ,
}*i;rrlterois les Dieux en les priant pour toi.
Combien de fois as- tu (buillé leurs temples f
£t riant de leurs vains carreaux >
Inféré les autres oifèaux
De tes pernicieux exemples >
Si pour appréhender leurs impuiffani efibrcs.
Tu n'étois pas aflcz crédule ,
Ils font ce qu'ils étoient alors ;
Et ton efpoir cft ridicule.
I II faut toujours les révérer
Pour les avoir toujours propices :
Ceft commettre deux injuftlces
De ne les croire pas « & de les implorer.
On ne les furprend point en changeant de langages
i Ce Vers & îc fuivant Tout pris mot pour mot d'une 04e
de Malherbe â Henri IV.
ta..
LI V R E X 1 L 147
Pendant que tu te portoîs bien ,
Tu difois qu'ils ne pouvoient rien i B O c
Ils ne peuvent pas davantage. C-^ v:
Le Loup é» lApienu^
Un Loup fe trouvant à boîre
Ôd buvoit un jeune Agneau ,
Eut d'abord Tame afTez noire
Pour lui vouloir faire accroire
Qu'il avoir troublé Ton eau.
Qui te rend (i téméraire ,
Lui dit ce traître en courroux ?
L* Agneau, qui jugement craint fa dent fanguInaltÇj
Préhant , pour le toucher , un ton âateur & doux \
£h \ comment » Monfèigneur , cela (è peut- il faire !
Je me fuis , par refpedl , mis au-de/Fous de vous.
J*ai toujours fur le cœur une vieille querelle »
Répondit la bétc cruelle ,
Ou tu te déclaras mon mortel ennemi :
Depuis fix mois entiers j'en cherche la vengeance;
Je n'ai » répond l'Agneau 9 que deux mois & demi i '
Comment pouvois-je alors vous faire quelque of-
fenfe ?
Ta m^e qui me hait , & qui ne fçalt pourquoi ,
liler par deux mâtins me fît long tems pourfuivre.
Ma mère cefla de vivre
Quand elle accoucha de mol»
Ni)
i4« BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
BOUR-
Cefl; donc ton père ! Mon père
Du Boucher inhumain a fenti la fureur.
Ceft donc ca fôeur ou ton frère ?
Je n'ai ni frcrc ni feur.
Oh bien , qui que ce (bit , il faut que je me veogei
Je fuis las d'écouter touc ce que tu me dis.
Lors fans plus de raifon il Tégorge & le mange*
Que de Grands font de mên^e à Tégard des petits t
C*eji Hnjefine homme quiparU.
La raifon qu'on nous vante , éc qu'on ticuve fi
belle 9
' Loin d'être un bien folide , eft le plus graofl dç<
maux .*
Le pur inftinâ: des animaux . .
Eft bien plus raifonnable qu'elle.
Guerre , procès , vieillcffe > infirmité » trépas^
N ont rien qu'un animal redouce :
S'il lui vient du bien , il le goûte }
Et s'il lui vient du mal , il ne le connoit pas.
La nature envers l'homme eft beaucoup phi
^ivarp i
Le bien qu'elle lui fait eft trop proche du mal ;
£n le faiHint fçavant ,,elie le rend bizarre i
£a le faifant vaillant , elle le rend brutal*
L'animal au contraire a toujours l'ame égale;
De cput ce qu'il rencontre il fe fait des plaKirs |
L t V R E X I L
M!^
Et s'il a de i'amoar » il remplit Ces défirs >
Sans blefTer la pudeur ni la foi conjugale. Bot
La joyc eft le vrai bien -, tous les. autres font faux j ^^^^
Oii je ne la vois point > rien ne fçauroit me plaire :
Si Toii met cette pente au rang de mes défauts,
C'eft le dernier de tous dont je veux me.défaire.
Extraits d'Esope a la Cour » Comediî.
Heureux Us Rois qui veulent être éclairez
fur leurs défauts.
C R £ s u s , Roi de Lydie.
j En? IN , mon cher Efope , il faut que je t*avou<!
<îue de ton équité tout le monde k louHé,
Il n*eft grands ni petits des endroits d*ou ta viens »
Qui ne faflent des vœux pour mes jours & les tiens.
Après avoir été par Tordre de ton Prince ,
Réformer les abus de province en province >
Il ne te reftoit plus qu'à hâter ton retour
Pour venir réformer les abus de ma Cour.
Rends les vices affreux à tout ce que nous (bmmes.
Tous les hommes en ont > & les Rois font des
hommes.
Le Ciel qui les choifit les élevé affez haut
Pour faire voir en eux jufqu au moindre défaut.
Loin de flater les miens dans ce degré fupréme »
A corriger ma Cour commence par moi-même :
I Scène IIL du I.Aa«»
Niij
ïjo BIBLIOTHEÇIUE POETIQUE.
Régie ce que je dois fuivant ce que je puis 5
o u R- £j rends-moi diene enfin d*étre ce que je (ùk>
Esope.
Seigneur , tous obéir efV ma plus forte envie t
' C*cft à vous que mon zélé a confacré ma vie :
Mais dans Theureux état od vos bornez m'ont
mis y
Ne me commandez rien qui ne me foit permit.
Il eft beau qu'un Monarque aufTi grand que vom
l'êtes ,
Pour s'immortaIi(èr fafle ce que vous faites \
Qu'au gré de la juftice il régie fon pouvoir ,
£c qu'exempt de défauts il ait peur d*en avoir.
Mais fi vous en aviez , quel homme en votre cm*
pire V
Seroit affez hardi pour o(er vous le dire ?
Pour ofer , plein de zélé & de (incerité ,
Découvrir à vos ycox Tauftcre vérité ?
Scroit-ce ces coeurs bas , ces flateurs mercenaires g
Qui d*un encens grofller prodigues téméraires ,
Exaltent dans les Rois , d'un plus tranquille front,
1.^ vertus qu'ils n'ont pas , que les vertus qu'ils
ont \
C R £ s u s.
Si tu veux que ta foi ne me foit point fufpeé^c ,
Ke foufire dans ma Cour nul flateur qui l'infcâe^
•*
L I V R E X 1 1. ïjï
L'équité qui partout fcmble emprunter ta voix ,
Eft ce qu'on s'étudie à déguifcr aux Rois. B O u
Pour me la faire aimer , fais- la moi bien connoître , ^^"^
Je t'en prie en ami , je te l'ordonne en Maître.
Je fuis jeune , & peut-être afTcz loin du tombeau 5
Mais que fert un long régne , à moins qu'il ne foie
beau ?
De ton zélé pour moi donne- moi tant démarques.
Que je reiTemble un jour à ces fameux Monarques »
Qui pour veiller , défendre & régir leurs Etats ,
En font également l'ail , rcfprit & le bras.
Guide mes pas tpi-méme au chemin de la Gloire.
£ s O.F £•
Les Rois pre(que toujours y vont par la vlâoire :
Leurs plus nobles travaux (ont les travaux guerriers*
£h \ quel Prince a-t'on vu plus couvert de lauriers?
Après avoir deux fois mis Samos dans vos chaînes •
Vaincu cinq Rois voi(ins , & fait trembler Athènes,
Pour en vaincre encore un qui les furpafle tous ,
Vous n'avez plus y Seigneur , à furmonter que vo^s.
Sans être conquérant un Roi peut être augufte.
Pour aller à la gloire il fuffit d'être jufte*
Dans le (èin de la paix faire de toutes parts
Difpenfer la jufliçe & fiturir les beaux Arts j
Prdtéger votre peuple autant qu'il vous révère ^
C'eft en être, Seigneur « le véritable père -,
•V 1 • • • •
Niiij
O U R-
lAULT.
iji BIBLIOTHECIUE POETiqUE.
Et pcre de fbn peuple eft un titre plus grand
Que ne le fut jamais celui de Conquérant.
Je vous parle > Seigneur » e^ fcrviceur fidèle.
C R E s u s.
£h ! qui fçaic mieux que n^oi la grandeur de ton
zélé ?
Mais un trait important que tes (oins ont ol^misy
Un Roi ne fçait jamais s'il a de vrais amis.
De tant de Courtifans , qui toujours fur mes traces
N'accompagnent mes pas que pour avoir des grâ-
ces «
Je ne puis diftinguer , au rang où je me voi »
Ceux qui m*aiment pour eux ou qui m'aiment pour
moi.
. Jevoudrois quelquefois ^ pour ({avoir (îi'on m*ai«
me 9
Pendant un mois ou deux me voir fans diadème^
Et dans mon premier rang être enfuite remis
Pour ne me plus méprendre au choix de mfli
amis.
Que fçairje qui me flate ou qui me rend juftîcc ?
Je ne dis pas un mot, que chacun n'applaudKTe ^
Et fî l'on prévoyoit ce que je dois penfer ,
On m'applaudiroit même avant de m'értoncer.
Je confonds le faux zék avec le*véritable.
LIVRE XI L ifj
Esope.
Permettez- moî , Seigneur , de vous dire une Fable. ^ ^ ^
Jamais la vérité n'entre mieux chez les Rois ,
Que lor(que de la Fable elle emprunte la voix.
Le lÀon , ÏOurs , U Tigre é* l^ Psnthére.
Par cent fameux exploits un Lion renommé >
Ayant fçû d'un vieux Cerf, qu'il connoiffoit fidèle,
Que (buvent tels & tels dont il écoxt charmé
Payojent fcs boutez d'un faux zélé ,
En Toulut par lui-tAeme être mieux informé.
Il fait venir un Tigre , un Ours> une Panthère «
Apres à la curée , &qai fans héfîter ,
Quand de quelque défordre ils pouvoîent profiter^
De la peine d'autrui ne s*inquiétoient guère.
Mes amis , leur dit-il , à qui j*ai û (buvent
Confié le ibln de ma gloire ,
Je crois y fans me flater d'un efpoir décevant ,
Avoir an (ïïr moyen de vivre dans THiftoire.
Alors faifaht (èmblant d'être encor dans Terreur»
Et d'ignorer leur artifice ,
Il leur propoCè une injuAice
Dont lui-même avoit de l'horreur.
fcfçz bien , leur dit-il , ce que je vous propofe j
Et fiirtout que ma gloire aille avant toute chofe ,
Je n'ai rien de plus important.
Çc que Yous propofcz eft jufte 5c néccfiaire ,
iî4 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Répond tout d'une voix la croupe mercenaire , '
I o u R- ^^ ^^^'^ ^^ ^^ ^^^ jamais ^ant.
iAULT. Penfez-y deux fois plutôt qu'une »
Repric doucement le Lion -,
Les Rois ont moins befoin d'augmenter leur for-
tune
Que de voir croître leur renom.
Seigneur , répond encor la bande infaciable ,
Quelque defTein que vous ayez ,
Pour rendre une chofe équitable ,
Il fufHt que vous la vouliez.
Dangereux confèillers « adulateurs infâmes^
Dit le Lion terrible en élevant fa voix \
Je trouve de /î baffes anies
Indignes d'approcher des Rois.
. Fuyez loin de moi , troupe avide ,
Qui des foibles agneaux &du chevreuil timide
Etes fî juftemenc l'efiroi :
Ceft votre intérêt qui vous guide ,
Ce n'eft point la gloire du Roi.
D'un exil éternel ayant puni l'audace
De leurs confeils pernicieux ,
II menaça de la même difgrace
.; Les animaux qui brigueroient leur place ^
S'ils, ne la rempliffoient pas mieux.
Une mémorable vidloirc
Que fur trois Léopards il eut le même jour »
LIVRE XI L 155
SAULT*
A l'éclat de fa vie ajouta moins de gloire
Que de s"étre défait de ces pcftes de Cour, B o u X-
Pour expliquer Ténigme & dévoiler rembléme ,
Penfez- vous qu'un Monarque auffi grand que vous-
même
Ne fit pas une belle & louable aâion ,
D'imiter quelquefois l'adrefle du Lion \
C & E s u 8<
Charmé de tes avis , pénétré de ton zélé ,
Et par tant de raifons fur que tu m'es fidèle ,
Je confie à ta foi comme deux grands dépôts ,
Et les foins de ma gloire , & ceux de mon repot»
Tortrah de U Cour,
C'est le féjour de l'art & de la politefle :
Mais combien de chagrins y faut-il efluyeri
Et (ur quelle parole ofe-t'on s*appuyer ?
Tout rares qu'ils y font , les amis s'embaraffent :
Tels voudroient s'étoufièc que l'on voit qui s'em*
braffent.
Pour un dont la vertu trouve un heureux deftin 9
Mille vont à leur but par un autre chemin.
L'un , qui pour s'élever n'a qu'un foible mérite ,
Sous un dehors zélé cache un cœur hypocrite.
L'autre met fon étude à vous donner des foins»
Quand il fçait que vos yeux en feront les témoins*
Celui-ci fait du jeu fa capitale affaire :
N
■1
156 BIBLIOTHEQC/E POETIQC/E.
Cet autre en plaifanitant devient {èxagénâlr^jf
( o V k-. Et l'on arrive ainfî prefque en toates les Coari
IAU1.T. D'uu pji3 imperceptible à la fin de Tes jours^
On e(l fi di(fîpé qu'avant que de connoître
Ce que c'cft que d'ctrç homme , on y ce (Te dç l'être |
Et ceux qui de leur tems examinent l'emploi , .
Trouvent qu'ils ont vécu fans qu'ils fçachenc pour«
quoi.
Selle leçon d^EJepe à un TavorL
£uflion9-nous l'un ou l'autre encor pins de pos«
voir ,
Nousfbmmes des jettons que le Roi fait valoir.
Comme (bnverain Maître à qui tout eft facile.
Il nous fait valoir un > ou nous fait valoir mille %
Et fuivant que (bn^choix nous pode mal ou bien »
Nous Ibmme^ quelque chofe , ou nous ne (bmmes
rien.
Surtout (buvenez-vou$,dans tout ce que vous falte$>
De n'abufer jamais de la place ou vous êtes.
La Fortune en aveugle ouvre ou ferme la main <
Et paiiTant aujourd'hui, l'on nel'efl pas demain.
Eloge dEffpe.
Dans le rang le plus bas comme dans le plus
haut ,
Toujours l'ame d'Efope a paru fans défaut.
Créfus à qui le Ciel fit un ^ beau partage»
LIVRE XII. ijT
Qa*ùne richefTe immenfe eft Ton moindre avantage^ '
Crëfus , le plus heureux de tous les Potentats , B o u
Se repofe fur lui du foin de fes Etats. iAgi:
Dans un pofte fi haut , à quoi crois-tu qu'il penfc \
A vivre dans lefafte & parmi l'opulence ?
A bâtir fa mai(bn des dépouilles d'autmi ?
Il £ert le Roi rie Peuple > & ne fait rien pour lui.
Au riche comme au pauvre il tâche d'être utile ^
Et depuis quatre mois qu'il va de ville en ville»
Il en&igne aux petits à £iire leur devoir,
£( ccmpere des Grands l'impétueux pouvoir.
A la droite raifon il veut que tout fè rende ;
Qu'en père de fon Peuple un Monarque commandi|
£t que mourant plutôt que d'ofêr le trahir ,
Un fujet (e reftraigne à l'honneur d'obéir.
Comme il eft dangereux d'être trop véritable y
Il & ièrt du (ecours que lui pi;éte la Fable ;
£t (bus les non^s abjets de divers animaux »
Applaudit Içs vertus « êc reprend les défauts»
^m
IJ& BIBLIOTHEQUE POETiqUE.
^ABOU-
Jt£UR.
LE LABOUREUR.
Ouïs LE Laboureur, Bailli
de Montmorenci , a donné quel-
ques ouvrages de Profe & de
Vers , qui lui ont fait une réputation afifes
brillante parmi les gens de Lettres. Il ne
faut pas le confondre avec fon frère Jean
le Laboureur , à qui nous devons les Tom^.
Beaux des Perfonnes illuftres avec leurs él(h,
ges & leurs généalogies y le Voyage de la
Jieine de Pologne... VHifioire du Roi Char^
les VL celle du Maréchal de Goes triant i
&c. On ignore en quelle année mourut
FEcrivain dont il s'agit ici,
SurUCourdeLouis LE GjtAKD.
L'Amour, la Gloire & la Fortune,
Dont le charmant éclat rend les yeux éblouis ,
Las de fe faire entre enx une guerre importune jjl
Se (ont venus ranger auprès du grand Louis.
Ce demi- Dieu fous qui tout tremble «
D'un lien fi doux lesaflèmble ,
LIVRE XII. i5f
Qtf Us ne quitteront plus cet aimable féjour.
Qui voudra les trouver enfemble >
Les vienne chercher à fa Cour.
fartrait de Louis de Bourbon , ?rince de Condi.
J'ai le cœur comme la naiffance ;
Je porte dans les yeux un feu y\iSi briUanc :
J'ai de la. foi » de la confiance \
Je fuis prpmpc ^ je fuis fier , généreux & vaillant}
Rien n'eft comparable à ma gloire :
Le plus famedx Héros qui brille dans l'Hiftoir*
Ne me le fçauroit difputer.
I Si je nai pas une couronne ,
Ceft la Fortune qui la donne ;
Ilfn$t de la mériter.
Sur la fhue de Vremer Vréfident du Parlement de
taris donnée à M, de Séliévre,
Elevé' dans la vertu »
Et malheureux avec elle ,
«
\
I M. Ca^ftron a heuteafemienc imité cette pen(ee en
faifantdire à Ton Âlâbiade , amoureux d'une grande Pria*
fdTc :.
Si parmi mes étyeuxfe ne vois point de Rois,
Taifait connoitre au moins mon nom par mes exploits |
Et p pour vous aimer il faut une couronne y
Ce n'eft pas la vertu y c*eft le fort nui la donne.
Enfin /il n*a pas mis un Sceptre dans ma main ^
Je ne dois point rou^r dtsf4nief du Defiin^
I45b BIBLIOTHEqUE POETIQUE.
Je di&is : à quoi {èrs<p>ta >
iioy- Pauvre iSc ftérilc vertu ?
^W^ Ta droiture & tout ton zélé ,
Tout compté 9 toutrabata>
Ne valent pas un fétu :
Mais voyant que l'on couronne
Aujoind*hui le grand Pomponne ^
Auffi-tôt je me Tuis tu :
A quelque chofe elle eft bonne; l
s O N N E T. . I
Les Caméléons k Saphê.
Votre vertu , votre fçavolr
Ont une admirable puifTance :
Sapho , nous quittons pour vous voif «
l'Afrique oii nous prîmes naiiTance.
Allant (buvent du blanc au noir ,
On nous accu(è d'inconftance ;
Mais que vous devez bien avoir
D'autres Caméléons en France !
Notre petit corps n"eft qa'cfprit |
Un peu de (bleil le nourrit \
Il nous anime > il nous infpire s
Et nous venons loger chez vous ^
Parce que l'air qu'on y refpirç
ift Ip plus épuré de tous.
UADAUt
■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■^■■■■aHMIiMaHMHBiHiMMHM
LIVRE XI I. î<fi
MADAME DE i PLAt-BUISSON.
Il eft feu de véritables Amans,
OU peut, on trouver des Amans
Qui nous foienc à jamais fidcllcs ? ^^ ^^ ^
Je n'en fçais que dans les Romans , ^^^^
Ou dans les nids des Tourterelles. ^
1 Le moindre mérite de cette JDame ( & c'eft coût ce que
l*on en fçait ) étoit d'avoir beaucoup d'efp^t , & de faire
fort bien des Vers. Elle eft motte au commencement de ce
fiécle dans un âge a^fez avancé.
X Leur confiance en amour eft heureufement exprimée
ims le Dialogue fuivanr.
Le Passant.
Quefdif't» dans ce bois , plaintive Tottrterellt f
La TOUHTEILELLE.
Je lemis, fdi perdu ma compagne fidelle f
Le Passant.
Ke ctalns'tu point ijue l*0ijeleuf
Ke te fajje mourir comme elle f
La Touiltbrellb.
Si ce n'ep lui , ce fera ma douleur.
Voici une craduâion de ce Dialogue en vers latins qui n'a-
voien t point encore paru .
V I A T o R.
Quid gémis infolâ , Turtur miferahiis > uïmo f
T U R. T U R.
Cûmpari fublato , quid , nifitrifte , gemam f
V I A T G R.
Ko» metuis tihinepariter vitamauferat auceps i
TURTUR.
Si mihi non auceps ^ auferet ipfe doUr^
T^me II L O
. _i-
16^ BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Sur le retour de rHtver^
,,*,^. Tombez, feuilles, tombez 5 la Nature rordonnc
iXSSONI* • ,.
L Hiver s en va bannir les beaux jours de TAu*
tomne.
Déjà les aquilons des plus lointains climats ,
Ramènent en ces lieux la neige & les frimats.
Nous les verrons bien-tôt défole^ nos campagnes ,
Et couvrir les (bmmets des plus hautes montagnes..
Les Saifbns tour à tour font le cercle des ans ;
£t l'Homme infortuné Cent tous leurs changemenf •
Ceft dansfon propre fein , théâtre de la guerre^
Que ré^ne le défbrdre & non pas fur la terre :
Car lorfque la raifon (çait régler Ces fbuhaits ,
Il s'accommode au tems , & vit toujours en paix :
Mais on peut rarement ( ofcrois-je le dire)
Etablir la raifon dans ce petit empire,
L'injufte ambition , les violens défirs ,
Le tirannique amour , les frivoles plaifîrs ,
Tout s'oppofb au pouvoir de cette grande Reine ^
Et par les fens trompeurs elle eft mife à la chaîne.
Les plus fages enfin ne le (ont qu'à demi.
Chacun porte en fbn cœur (on plus grand ennemi.
On Ce trompe (bi-même , on Ce flatte , on s'excufe ^
Un intérêt caché fans ceffe nous abufe ^
Et fans nous bien connoitre , & fans nous corriger.
Noms ne changeons jamais 6c voulons tout changer*
LIVRE XI L \€\
Bpstsphe du Camiléû».
MeP
Tu VOIS ici la (2palcare ^yu
De qui fut farpris par la mort :
Paflanc y apprens (on avancure
Avant que de plaindre fon £brt«
A l'Egypte II dut fa nalfTance -,
Mais un défît ambitieux ,
Si-tôt qu'il fut hors de Ténfance ,
Lui- fie abandonner ces lieux.
Ses ayeux tout couverts de gloire ,
Rois des changeans Caméléons >
Faifbiént remonter leur Hlftoire
Jufqu-au pcemier des Pharaons.
Quand cet £tat fut la conquête
D'Alexandre , ce grand vainqueur ,
J^étois > dit l'un d'eux , fur fa téce^
Je fus témoin de fa valeur.
Cléopatre qui fut fî belle ,
Dit un autre tout glorieux ,
Me tenoit toujours auprès d'elle ,
£t jefçus plaire à fes beaux yeux.
Ces grands noms de Rois & de Reines
Qu'ils revêtent de pcrc en fils ,
Lui firent méprîfer les plaines
« Od^l'onyolt »'élever Memahis. .. ^
Oij
i^ BIBLIOTHECIUE POETIQUE.
L'illuftre lieu de ma naiiTance ,
LAT- Qui , dit-il , eut tant de renom ,
i$ON« N'eft donc plus que la récompenCè
D*un Bâcha barbare & fans nom ! •
Il prend fa compagne fidelle ,
Cécoit un préfent de l'Amour j
n n'auroit jamais pu (ans elle
Trouver un aimable £2jour.
D*ttne même ardeur animée
Elle le fuit , & le hazard
Lespréfènte à la Renommée
Qui prenoic haleine à l'écarc
On (bnty difent-ils, ces grands Homme5|
Que partout vous ofez vancer \
Petits animaux que nous fbmmea «
Nous voulons chez eux habiter.
Allez , dit-elle , allez en France i
Cet Çmpire eft fi âoriâaût ,
Que de jour en jour fa puifTance
Fait trembler celle du Croiflant.
Le grand Prince qu'on y révère ,
Qui partout eft fi redouté »
A ffû joindre au bel art de plaire
La plus augufte Majefté.
L I V R E X I L lés
Mettez- voQS tous deux fur mes ailes ,
En France je vous conduirai j ^c Pj"* ai
Et fi vous vous «tes fidelles , . B'«»<>J
A Sapho je vous donnerai»
Ils prennent cette heureufe voy^c ,
Impatiens d'être à Paris ;
Safho les reçoit avec joye ,
£t les voilà (es favoris^
Cheï cette Maitreflfe charmante
Ils payèrent leurs plus beaux jours }
Mais la Fortune eft înconftantc »
On nepeut être heureux toujours.
Cette impitoyable Déeffd ,
La Mort qui caufc tant de deuil ,
£t que fait toujours la triftefTe ,
£n précipite un au cercueil.
Deux jours après , de l'onde noire t
Ou plutôt de ce vain tombeau ,
On le voit fortir plein de gloire »
Et bien plus brillant 8c plus beau.
L'Egypte lui donna la vie ,
La France Tarrache à la mort :
A qui d'elle , ou de fa Patrie ,
Rendra- t'il grâce de Cou fort 2
mÊmÊK
U6 SIBLIOTHEÇiUE POETiqVE.
SNTIEX.
CHARPENTIER.
Rançois Charpentier, Pa-
^^^~ R^^S|rifîen> étoit un homme de beau-
Il coup d'eiprit , & très vçrfé dans
les Langues fçavantes , telles
que ^Hébraïque , la Grecque & la Latine.
On connoît la facilité de fon gënie & fa
grande application au travail , par les dif-
fërens ouvrages en Profe & en Vers qu'il
a donnés au. Public. Il étoit Doyen de
l'Académie Françoife & de l'Académie
des Infcriptions ; ce qui lui donna occafîon
lie faire les Vers fuivans :
Le rang ou je fuis parvenu î
N*efi pas d* un fort grand revenu s
Un Doyen de V Académie
Fait peu craindre fon tribunal :
Pour être efiimé dans la vie.
Il faut pouvoir faire du maU
M* Charpentier eft cenfé Auteur du
Çarpentaria.... oà font inférées plufîeurs
LIVRE XI I. 167
de fes Poëfics. Il cft mort à Paris le 22
Avril lyoa.âgé de quatre-vingt-trois ans. Char
Le portrait injurieux que TAbbé Fure- '^*^^"'
tiere en a fait dans fes Faéhims , eft auffi
peu reflemblant que celui de pludeurs
Acadëmiciens de mérite , que cet Abbé
a il indignement défigurez.
IfnitMtion ttAufine.
PAUVRE Didon , oii ta réduite
De tes maris le trifte fon ?
1 L'un en mourant caufe ta fuite ,
& L'autre en fuyant caufe ta mort.
Imitation ttane Efigramme de ^Anthologif*
3 Reçois de moi, rhere moitié >
Four gage de mon amitié ,
Ce tombeau qu'aucun ne t*envîe :
7e dois avec raifon te rendre cet honneur ^
Car le dernier jour de ta vie
Fut le premier de mon bonlieur.
1 Sichée > premier mari de Didon , a/ant écé tué , elle it
ùamtn Afrique avec toutes fes richelTes.
X Enée qui abandonna Didon, & fut caufe qu'elle fe tua
dedéfeijpoir.
3 C*e& une femme qui ayant affez mal vécu avec fMi
ci > lui adreHc ces Vers après Ta mort.
■r iifi ] I I I —1—
UZ BIBLIOTHEQUE TOETIQUE.
^
fïNTIλ.
Autre.
^^-t*m" Passant , cî-gît la vieille Macarîde
Au rouge nez , à 1*0^11 toujours humide y
£t qui buvoit Ju foir jufqu'au matin :
Sans nulle peine elle quitta fa fille »
Son fils 1 Ton gendre , & toute fa famille ^
Son fèttl regret fut de quitter le vin*
.,:r
Jnfcriptton four la Pompe du Pont ¥iotre-DMm$ \
traduite du Lutin i de SunteUil,
Aussi-TÔT que la Seine, ea (a courte tranquille»
Joint les fuperbes murs de la royale Ville»
Pour ccç lieux fbrtunez elle brulc d amour 5,
£lle arrête (es flots , elle avance avec peine.
Et par mille canaux fe transforme en fontaine ,
Pour ne jamais fortir d'un fi charmant féjour*
I SeqHMfta cùmprimum Reginét alUbitur Urhi^
Tardât ptéeciphes amlfiticfus aquai,
Captus amore toci curfum obli'vifcitur , anceps
■ Que ftuéU ) ^ autces neBit in urhe morofm
Hinc varies implens fluBu fubeunte caruîles ,
Tons fieri gdudet y ^ui modo flumen erat,
le grand CorBcllle a ainâ imité cette magaifit^ue loTctlp*
tiOQ.
Que le Dieu de U Seine a tt amour pour Paris!
Dèsqu*il en peut bai fer les ri'vages chéris y
De jes flots fufpendus la defcente plus douce
ZaiJJe doiuer aux yeux /il avance ou rebroufje :
tui-même Àftn canal il dérobe Jes eaux y
Qu*ily fait feiaillir par defecrettes veines ;
Et le plaifir au* il prend à voir des lieux fi beaux 9
De grand Fleuve ^u*il eft , le transforme enfwuaints,
LE
LI VR £ X I l. i6f
LE PERE COMMIRE.
Ean CqxMmire , ' Jdfuîte , nâ- —
quit à Tours en 1 52 j. & mou- P. Con
rut à Paris au Collège de Louis **^**'
LE Grand , le ay Décembre
I7Û2. La nature l'avoit doué d'un efprit
également vif & folide ; & depuis le Cécle
d'Auguffe perfonne n'a peut-être connu
mieux que lui le génie de la Poëfie Lyri-
que. On trouve dans fes Odes des pen-
fées fiAlimes , des images nobles^ une élo-
cution pure , &une harmonie d'autant plus
flateufe qu'elle eft plus variée. Ses Pocfics
Héroïques font vraiment dignes de leurs
fujets ; &fes Fables ont tous les agrémens
qu'on pejit defirer dans ces fortes d'ouvra-
ges.. Le Père Commire étoit un homme
1 Son nçni propre écoic Commire , qu'il changea depuis
en celui de Commiue , croyanc que Ton nom vétitablc ij'im-
pofetoic pas alfez pour un homme de fa profeiïîon > qui de-:
TOlc réeevcries ClaiTes.
fmtllU t
• COM"
<
t
t— p— I WÊmmÊmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmÊmmmm» •
170 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
entre deux tailles , & aflez replet. Il avoit
la tête greffe, le vifage haut e.n couleur , &
Tair un peu brufque ; ce qui donna (ans •
doute occafion à je j;ie fçai quel Po^ëte d^
iaire ce diftique latia.
CoMMiRus jaçet hic , non re , fed mmini
ptirus >•
jQui Fatrià T'uro , moribus hurojnkéit
RONDEAUX.
Sur la Mort if un Chat.
<5rpsst cû mort. Une noire Furic^
Des j.eux , des ris , des amours ennemie^
£n crahifon a pris ce cbat d beau.
Pleurez , mes yeux , & fondez- vous en eau |
Vous n'avez plus rien à voir dans fa vie.
Malgré cent tours d'une aimable foiic, ^
Malgré fa peau tavelée & poîie ,
fa longue queue & fon petit mufeau ^
iSrifet cft mort.
Pe cîmts mignons une troupe cboi/îe.
Pour faire honneur à fon ombre chérie,
. T^outcs les nuits vient dcfTjs fon tombcati
ycrj^r ip fang d'uip rat ou d'ua ipoiocai^ ^
HIftS
LIVRE X I L ijt
l'als œîaulanc d'un air trifte » cUe crie i
Grifct cft mort. p. Coi
Sur le même fujeu
Crpset eft mort. Hélas \ c eft grand dom«
mage
<)trun chat fi beau , fi fait au badinage ,
^ujours brillant , toujours flatcur & doux«
Au lieu d'un tas de gros vilains matous ^
>l^cde la vie en la fleur de (on âge !
Lui qui jamais ne fut en garouage ;
Xui qui guettant les moineaux au paifage,
Ceuroit y (autoît , les fui voit dans leur trous |
Grifct cft mort.
les Jeux, les Ris en trépignent de. rage j
Son pauvre maître en devient tout fauvagc.
Et dans (on deuil il s'écrie à tous coups ^
Chantez, oifeaux y ratSj réjouiffez-vousi
&icn déformais ne vous fera d'outrager
Grifeteft mort.
Snr la défaite de rHéréfie.
QuT de rHîftoîre^ du plus grand des Roî$
t.*on' tracera les glorieux exploits ,
i.a vérité (êra peu vraifcmblablei
l'âge à venir trouvera-t'il faifabic
Ce jue ibos loi Ton voit £aiie aux Francis ^
. j
ly* • BIBLIOTHEQUE POET4QUE.
^^^^^^ Sans xéfiftancc , en moins de quatre mrà t
p *^ Avoir réduit THcréfic aux abok ;
iiiiKE» ^^^^ paroît tpnir plus de la Fable ,
Que dc.rHiftoirc.
M6n(lre fatal aux derniers des Yaléis»
Moudre ennemi des vertus & des loi^',
Aax faints Autels , ài*£tat formidable ji'
^.e Petit-Fils de ce Prince admirable
N'apprendra point , fi tu fus autrcfggis ^
Que de l'Hittoirç.
f
'■"1
L I V R E X I L iTî
DUC HÉ.
I] OsEPH- François Duché'',
i^ J ^îîli Sieur de Vancy , de T Académie
^^ des Infcriptions & Bel!es-Le&-
' très ,\ ëtoit fils d'Antoine Duchés,
Gentilhomme ordinaire de la Ghambrfc
du Roi , & depuis Secrétaire général des
Galères, Il.avoit un génie des plus heiir
reux pour la Poëfie , & une facilité prodi^
gieufe à compofer; Nous avons de liii qua-
tre i Opéra , trois ^ Tragédies , & autres
i^Ai
i CéphétU0' Procrh y les fi te» GaUntes y ScjUa ^ Zphi^
%■■ /onAt4tds ♦ AlfnUn , Ct* Dehra, Ccft à 1-occafion d*
«ecte dernicre Pièce que M. RoufTcju s^dicflci L'AAiEcur uua
fliefes Odes > od il lui <iic encre autres choies r
Unfublime efforce ramené
AU CoHr des Svursd* Apollon y
£i<lffen'tot dvec Melpùmene
Tu vM.r d*un nouveau phénomène
EcUirer lefétcrtynlori,
0 fjue fie bmS'jefnY les ailes >•
3ont Dédale fut foljefeur ,
yder aux lieux ou tu nt^ttpfellej y
Et de tes chanfors immortellij
iérmitr t'aimable dvitceur l
P iîj
Dvci
174 BIBLICfTHEQUE FOETIQUE.
Ouvrages , qui ont mérité reftime &' Fap*
che'. probation du Public. MaisfîM Duché*
fe diftingua par les grâces & la Beauté de
Ion efprit , il ne fe rendit pas moins recom-
mandable par la douceur & la bonté de^fbn
caraâere. Il ne lui eft jamais échappé dur-
cun trait malin , pas même équivoque ; &
f on reconnoît dans tous fes Ecrits cette
candeur qui paroiffoit peinte fur fon vifege ,
& qui étoit comme une expreflîon fidelle
des fentimens de fon ame. , La fièvre lente
dont il fut attaqué dans les dernières ao»
nées de fa vie , le fit tomber dans une lan*
gueur , qui le conduifit enfin au tombeau
le I J Décembre 1 704. ayant à peine tren-
te-feptans.iLouis XIV, qui Tavoit gratifié
d^une penfion de cent piftoles , eut la bonté
d'en conferver la moitié à fa veuve ; femme
vraiment eftimable , & bien digne d'un tel
mari. Hymne.
■ . OiN d*icî , profanes mortels ;
Vous dont la main impie a drefTé des autels
I M, Duché* a fait cette Hymne fi céUbie d'après les
•^« I II
LIVRE XÎL tjf
A cTes Dieux irapuifTans cjue le crime a fait naître :
Qu'aux accens de ma voix tout tremble en l'Uni- Du c:
vers i
Cleux > £i>f«rs ^ Terre , Mer » c*eft votre augoftv
Maître
Que je' vais c&aneer dans mes vers.
H eft > & par lui feul tout erre a pris naif^aucGl^
Le néant exHle à fa voix :
la nature & le» tcms agi/Tent par les loix }
Tout adore y en tremblant , fa fupréme puiflance*
LiViAble & préfcBt , on le trouve en tous lieux ;
Il rem{>tic la terre & les ckux ,
Far lai tout k meut, tout refplrc i
5a durée efl: réternité ^
£c ][es bornes de Ton Empire
Sont celles de rimmenfîté.
H produit, à (on gré > le calme & les ttau
pêtcs:
Il commande aux flots en courroux ,
Et àG& foudres bruyaus qui menacent nos têtes
Ses otdres éterads conduifent tous les coups*
Des climats oii naît la lomîere ,
Axxx lieux od le Soleil termine fa carrière ,
Idées que lui a fourni celle d'un nommé Onomacticus Grec »
^i vivojjc du cems de Daiius^ £ls d'Hift^pcs , 4S5 ans 4vajii&
JlSUS-CHiLI6T.
ï* • • • •
Pia)
UCHE
n6 BIBLIOTHEQIJB POETIQUE.
Il écend fes foins bienfaifans \
Bt Ton voit fa bonté paroîcrc
Partout où Ton pouvoir fait mourir & renaître
Les )ou£S , les faifons 5cics aoU,:
Par lui brille en nos prcz la riante verdure.
D'abondantes moiffons les guérets fon couverts z
L'Automne de fes fruits embellit la Nature ^
Et Taquilon fougueux ramené les hivers.
De l'énorme éléphant à la fourmi rampante ,
De l'aigle au paffcrcau , du xVlonarquc au Berger,
Tout vit , tout fe fouticnt par fa faveur préfente:-
21 change , comme il veut , la matière impuiflauce * .
£x feul n& peut jamais changer. .
Mais auflî terrible qu'aimable ,
Tentcnds , Dieu tout-puiffant» ta colère implacable
Porter partout le trouble & la terreur.
Je te vois des méchans péfcr les injuAices >
Et leur préparer des fupplices
Dignes de ta jufte fureur.
Tu parles -, & ta voix enfante le tonnerre.
Les Anges tombent à tes pieds :
Xc6 fuperbcs vainctis , les Rois humiliés.
Rentrent dans le fcin de la terre.
Pour te venger & nous punir
Tous les élémcns vont s*unir ,
ta tkier ouvre Tes flancs , Ki terre fes abimc^ 5
«i
LIVRE XII.
177
L'aîr s'allume , le feu dévore les mortels ,
£t rherrible trépas de tant de 'criminel
Ne fait qu'éternifer leurs tourmcns& leurs crimes.
Qa*êtes-vous devenirs , orgueilleux Souverains,
De cent Peuples divers vivantes deflinées j
Comment ont difparu ces brillantes années ,
Ou les jours des mortels itoient mis en vos malnsl
HoaDeucs> faftcj grandeurs, vains fantômes dit
gloire ,
A peine un rcfte de mémoire
Aux portes da néant prolonge votre fort :
Xa vérité paroît ^ les ombres difïipées
Ne lâiiTent voir à vos amcs trompée»
Que l'horreur, l'enftr & la mort.
Le )our affreux, de tes vengeances •
Eclaire l'impie étonné :
ïc îc vois confondu , tremblant , abandonné ,
Fuir, & trouver partout ton bras & fes offcnfesT
Dévote par de vains & criminels fouhaits ,
lliiicherche de faux biens diflipez pour jamais ,
£t jamais le vrai bien ne (êra Con partage.
Il fouffré, à chaque inftant , d'écerneîlcs douleur^^
Et pour comble des maux d*im afFraix efclavage.
Tu le contraints d'avouer dans fa rage
Qu'il cft digne de fes malheurs.
Mais quel clurmc m'arrache à cet objet funcftcl
DU'CHI
178 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Quelle divine main m*enleve dans les Cièuxl
Ovche'. '^^ fplcndeur fc niontrc à mes year^
J'entre dans la Cité célcftev
Saifi y la force manque à mes fens enchantez ^'
Quels torrens éternels de faintes voluptés !
L'ouvrage de ces mains femble égal à coi-mémcr:
Tu couronnes en îui les dons que tu lui fais :
Comblé de tes faveurs, tu le chérie, il t'aime y
£t fa gloire eftrle prix de tes propres bienEnits»^
Que ton pouvoir efl: adorable l
Tu peux faire toi fcul notre félicité :
Toi feul dois être redouté :
Tout obéit à ta voix formidable r
¥ar toi de nos momens le cours eft limité p.
Et de la Mort impitoyable
Tu eondiiics & fufpens l'aveugle cruauté.
Grand Dieu , qui fais trembler l'énfcr , la terKI^
& Tonde ,
Dont l'Univers entier annonce la grandeur ^
Xoi A dont l'aftre du jour emprunte fa fplendeor».
Toi , qui d'un mot créas le monde :-
Sageffe , puifTance , borné ^
Juftice , gloire , vérité j
Principe de tout bien , fcul bien digne d'envie T
PuifTai-jc , après ma mort , dans une heureufe paîxr
M'cny vrcr en ton fcîn dans ces fources de vie
Qui ac doivent tarir jamais 1 ;
LIVRE X I I.
ï7?.
llfautfonger à tEterniféf lus qu'à la réfutation.
Il cft permis d'aimer la véritable gloire 5
Mais en cherchant la faufTe on fè rend crimineL
Le nom des Rois périt au Temple de Mémoire i
Dans le Livre de vie il devient éternel.
EXTRAIT D'ABSALON , TRAGEDIE ,
Txre'e de l'Ecriture Sainte.
Xharh , vertueufe Epoufe ttAbfaUn , lui repri-»
fente toute t horreur de fa rébellion contre fm
fert , e$* t^^* ^ ^'^ détourner par Us motifs hé
plus tûuehans.
Quoi l vous avez conçu cet horrible deflein f
Kien ne peut- il > Seigneur , 1 oter de votre fein ? •
Dâf&ez-vous« moins chéri d*un père, qui vous aimCj!
Renoncer pour jamais à fceptre , à diadème ,
Quels maux > quelles horreurs pouvez- vous coaH
parer
Aux malheurs on ce jour eft prêt à vous livrer ?
Je veux que tout fuccede au gré de votre envie |
Quelle honte à jamais va noircir votre vie ?
Que n*o(èra-t'on point contre vous publier ?
Le trône a-t*il des droits pour vous juftifîer ?
Vous chercherez vous-même en vain à vous Ct*
du ire ^
Vous verrez quels chemins ont fjû vous y conduire^
DucHR*
mmmmmÊÊtÊmiÊtmÊÊÊÊÊÊÊÈmimmmÊÊmiÊiÊamàmààimmmmmmm
i8o BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
riM
lia vertu , le devoir , devenus vos bourreaux «
^V€U£'. Au fond de votre cœur porteront leurs flambeaux.
La crainte & les remords vous fuivrent fur le trône.
Hé quoi I pour être heureux faut-ilunc couronne^
Eft-ce un affront pour vous de ne lapoim pottcirl
Vos vertus feulement doivent la mériter,
K'allcz point . pour jouir d'une indigne vengeaacCy
Hétrir tant d'heureux jours coulez dans 1 innocence»
Applaudi , révéré , chacun vous fait Fa cour.
Vous êtes d'Ifrael de la gloitc & l'amour.
Pour remplir vos défirs tout s'unit , tout confpke i
Confèrvcz fur les cœurs ce doux & noble empire.
Enfin , fi votre époufc a fur vous du pouvoir,
Si mes humbles foupirs vous peuvent émouvoir^
Sbuf&ez que 1^ raifonpuîHc au moins vous con-
duire }.
It croyez, qu'au- moment que je cherthe à détrulzv
Le funcfte complot que vous avez formé ,
Jamais mon tendre cœur ne vous a plus aimé,
Clémence de David envers Abfalofu
David.
Enfin nous voilà fculs : je puis jouir fanspeliMr
Pu fiinefte plalfir de confondre ta haine ,
Tinfpircr de toi-même une équitable horreur y
Et voir au moins ta honte é^ialcr ta fureur t
f^ eofin je coaaois tes complots parricides^
L IVRE X I I. i£«
Te voila dans le rang de ces fameux perfides..
Doue, les criipes font feuls la hoilceufe fplendeui: , iDûGUJ
£t qui fur leurs forfaits bâtilTcnc leur grandeuç.
Je t ai vu f4ns rcfped ni des lois , ni du fang^
D'Anmon mon fucccffeur o(cr percer le flanc ^^
Moins pour venger l'honneur d*unc Sœur éperdue j
Que pour perdre un rival qui te bleffoit la vue.
Ifraël de ce coup fut long tems conftecqé :
Je devois t'en punir, je te l'ai pardonné :
J'ai fait plus j facisfait qu'un exil néccflairc
Eût expié trois ans le meurtre de ton fçerc^
Mes ordres, à ma Cour ont .fait hâter tes pas^
Ton père ^éfarmé t!a reçu dans Tes bras ^
£t dans le même tems, fécondé d'un Rebelle»
Tu répands en tous lieux ta fureur orlminelle»
-Ce que n'ont pâ jamais les fîers Amorréeas,
Le fupcrbc Amalec , les vaillans Hévéens ,
Tu Ip/ais en un jour. Ta fureur me furmontc-x
Je fuis^^je traîne ici ma douleur & ma honte^
£t fans voir que fur toi réjaillit mon affront >
D'une indigne rougeur tu me couvres le front..
.CraAid Dieu, voHà ce fils qu'aveugle. en mes de«
mandes ,
«Ont obtenu de toi mes vcrux Se mes offrandes i
Je le vois , tu punis mes défirs indifcrets :
Hé bien , Dieu d'ifracl , accomplis tes décret^»
4Co<;}fc;as- tu (ji^ Ton grc fa rage fc déjployjcl
i8l BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
JCHE
«
Vcux-cu que dans mon fang ce perfide fe noyc }
J'y {bufcris. Oui , barbare , achevé ton ilefTcia,
Aux dernières horreurs oCc enhardir ca main..
Miniftre criminel des céleftes vengeances ,
Remplis-les -, par ma mort couronne tes ofifènlès f
•Viens , frappe.
A B s A L O K«
Jufte Ciel 1
David.
Tu trembles ! que cralhs-tttf
Tu foules à tes pieds les lois & la vertu ,
Tu forces dans ton cccur la nature à fe taire ^
Qui peut te retenir ? Frappe , dis-je.
A B s A L o N.
Ah ! mon pcrc
David.
Ton perd oublie un nom qui ne t*eft plus permis.'
Je ne te coanois plus^: va , tu n*cs plus mon fils..
A B s A L o N.
Un moment fans courcoux > Seigneur , dalgnev
m'entendrc ;
Je ne puis , ni ne veux chercher à me défendre
Il eft vrai , mon orgueil, a fait mes attentats.
J*ai craint de voir régner mon frcrç Adonias j
Contre le fiev Joab j*al fui yi ma coki& ^
LIVRE X I I. i8|
Mais (î.je puis enfin être cm de mon père,
S'il peut m être permis d'atcefter I'Etehnel^ DucttJ
Voîlà ce qui peut feul me rendre criminel.
Jouet d un fédudlcur , qu'à préfcnt je détefte^
Le traître Architophel a commis tout le refte.
Je fçais qu'après les maux que je vieus de cau(èr^
Une fatale erreur ne (çauroh m'excu(èr :
J*ai tout fait , vengex-vous *, puni^fez un coupable^
Oi^ plutôt, fauvez-mol du remords qui m'accables
<^uelques affreux que (oient vos juftes châtimens »
Ils n* égaleront point l'horreur de mes tourmenSt
David.
Alnfi le Ciel comqience à te rendre juflice.
Ton crime fit ta joye, il'fera ton fuppllce :
H;:ureux , fi ton remords fîncere , fru(f^aeux»
Produifoit en ton ame un retour vertueux l
Mais ne cherchcs-tu point à tromper ma clémencef
JBt ta bouche &ton cœur font-lis d'intelligence I
A B s A L G N.
Dans le funefte état , Seigneur , ou je me voî ,
Mes fermcns peuvent-ils vous répondre de moi î
Mais , Seigneur , n'en croyez ni ma fierté rcndui?^
t^i ma honte à vos yeux fur mon front répandue s
Ni les pleurs que je vcrfe à vos facrcz genoux :
^unlifcz UQ Ingrj^t , fuivez ;^.ocr.e cpurroux*
DttOKE!.
184 BIBLIOTHEQUE FOETijJiVE.
David.
Lcve-tôj. Ma tcndrclTe étouffe nja colère-^
Sois mou fîls , Abfalpn , & je ferai ton perc«« L
Je te pardonne tout , je veux tout oublier
Ccft à toi déformais à me juftificr. 1
. I Cette Scène eft une des plus belles 8c «ies plus'pachétitf>
ques du Théâtre François , & le caraâere de David y eft UQQ.
fivc exprc^on deia miléricoide de Dieu envers lepecheuc»
$^J^oc^.
LIVRE XII.
i8î
B E L L O C Q.
Ierre Bellocq , Parifien .
Valet de Chambre de Louis ^'"'^^
XIV. & Porte-Manteau de h
Reine Marie -Therefe.... avoît
ttne phifîonomie fi riante & fi gracieufe r
qu'elle prévenoît d'abord en fa faveur^
Elevé dès fa Jeuneffe à la Cour , il la con-
noiflbît parfaitement i & il y jouoit même
un rôle fort agréable félon fon étatr Le
Roi , la Reine , & Madame la Duchefle
de Bourgogne, depuis Dauphine de Fran-
ce , lui donnèrent en différentes occafions
des marques (blides de leurs bontez. Il
étoit ami particulier de Molière & de Ra^-
cine ; & il devoit en partie au commerce
de ces deux Illuftres fon goût & fon talent
pour la Poëfie. Nous avons de lui quel*
ques Pièces de Vers écrites avec feu ; c'ell
dommage qu'elles ne foientpas également
correéte^ partout. M. Bellocq eft mort
m
n6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
au Louvre le c Oélobre 1704. âgé de
Cinquante-neuf ans.
SATIRE.
Le Nouvellifte»
ESt-c£ toi que je vois, Polyphile, oa ton ombre?
Me viendraS'tu toujours frapper de cet air
fombre , ,
Plus pâle quun foldat , qui , vid^ime du (brt »
Sur un tambour fatal lit Ton arrêt de mort ?
Te verrai -je toujours hauffé fur le Cothurne,
Quelquefois éloquent 9 quelquefois taciturne »
Du gefle > ou du difcours , en diveriès façons ,
De ta lâche frayeur nous marquer les frKTons ?
Jadis dans Ilion , parmi les triftcs places ,
La fille de Priam tonnoit moins de menaces ,
Quand Ton enthoufîafme aux Troyens étonnez
Prophétifbit leur perte y & les Dieux déchaînez.
Sans relâche occupé d'avis & de gazettes ,
Porteur myfliérieux <îc dépêches fecrcttes ,
Ennemi domeftique, 8c fièrement armé
Tantôt d^un manufcrit, tantôt d'un imprimé ,
Du François Intrépide Se plein de confiance ,
Oferas-tu fans ceffe attaquer la confiance ?
Par les illufîons d'un efprit déloyal
Dont la fureur t'agite , & du Palais Royal ^
L I V R E X I L 187
Chaque jour fans ^manquer c*entrainc aux ThulN
Icrics , BiLLC
Faire publiquement trafic de mcnterics ?
Peut-être n'as-tu point, faute d'avis prudens*
Examiné le fond de tes correfpondans :
Maïs de tes préjugez diffîpons les obftacles»
£c voyons quelle foi l'on doit à tes oracles.
Ces deux avanturiers , Iphicrate 8c Milon ,
Parexd'ua vieux pannache, &d*unfale galon »
Qu'on voit aux lieux public» > malgré leur mino
baffe ,
Refpcâez de* Frondeurs de la dernière clafTe j
Dans an Corps renommé , jadis également
Chacun d'eux d'une troupe eut le commandement :
Le premier, qui jamais n'eut lafienne complette»
Sacrlfioit (a paye au Dieu de la BafTette 3
Et l'autre pfein d'orgueil , toujours prêt à brouiller »
Aux ordres de (es Chefs ne fçut jamais plier :
Tous deux furent cafTez. A la vieille bleffure
Ils mettent l'appareil d'un confolant murmure :
Comment (e (butenir (ans eux ? Tout cfl perdu ,
Bellone efl: languiffante & Mars eft morfondu.
Pour Damis , qui reçoit des avis de Hollande ,
Fftimé parmi vous comme un vieux Chef de ban<fc^
Qui dans fes yeux hagards & fa trifte couleur ,
Porte de Charenton l'hérétique douleur j i
^— — ' ■' ' II— [—Mip— — ^
S Vcis de ^U Derpicaux»
188 BIBLIOTHECIUE PORTiqUE.
Je le connois iflu des familles erraiitcs y
B£i.j,Occ^ Qui repaifTent ci'cfpoîr leurs libcrtcz mourantes
Et flattent leur parti des révolutions
Qu^aunonça du Moulin i dans Tes prédiâ:ions.
Bien que de l'intérêt la fordidc fageflc ,
Pour confcrver Ton bien l'ait conduit à la Mefle,
Son ame eft ulcérée , & cherche adroâtemenc
Chez qui multiplier Ton mécontentement.
La troupe qui lui prête une oreille attentive »
L'établit (buverain fur fa raifon captive ,
Et dans chaque quartier au vulgaire ignorant.
Court annoncer les maux dont Damls eft garant.
Le (lupide Lycas , qui de la politique
A compris le mydere au fond d'une boatî<]Ufr{L
Son beau- frère Nicandre, à qulTart du procès
Aux maximes d'Etat a donné tant d'accès ,, •
Enrichis des larcins de leur coupable race ^
S'efforcent de purger la paternelle ccafTe :
Sous des habits dorez leur orgueilleux a(peâ ^
Pour leurs déci/lons impoCe un grand refpeft»
L'un , par l'autorité dont la force l'entraîne ,
Juge de bonne foi notre perte certaine ,
L I V R E X I 1. i»?-
Contre d^es ennemis qu on fabrique à fa mode :
Tu (^ais que je connais des gens d'un autre poids
Dont les réflexions s'expliquent par ma voi& ;
De cette décadence od tombent nosafiàires».
Palaniede & Cléon font-ils garants rulgaires l
U dk vrai : quelquefois à leur cable appelle »
, L'on te voit applaudir fî-tôt qu'ils ont parlé.
J^Yànt d'apprendre d*eaz le defUn dies Royaumes ,
D'un éclat impofaBt dépouillons ces fantômes >
Tu verras^ au travers de ces noms honorez,.
Et des titres pompeux dont ils font décorez ,
XJa (entimenr jaloux > par fa v^eur grofliere g
De leurdifcernementofiu(quer la^ lumière..
Palaai^e & Cléon fe virent difputer
Certains commandemens qu'ils croyoîent mérîtcf J
Et fans pouvoir fortir de leur fphcrc bornée *-
Le ritdg de Colonel fixa leur deftinée ;
Ils ont quitté l'etnploi. Privé de leur fecours »
L'Etat mal gouverné périt danis leurs difcours ,
Ils frondçntiie principe, ils blâment la conduire ;
Du tort .qu'on leur a fait nos malheurs font la
fuite i
Par leur exclufîpn nous (bmmes défolez ,
Tout rîroit à nos vœux s'ils s'en étoicnt mêler.
Ce Conv-lx tes Auteurs -y voilà fur queU mémoires
Tu prétends naviger dans la mer des hidoixesj
Ton fragile vaiffcau fe met à l'abandon >
Et vogue r\^r la foi de l'infoleiu lacdou -^
B£LLOC<
m
1^0 BIBLIOTHEQUE POEnQUE.
L'imprimé Je Hollande ou celui de Bruxelles ,
ELLOCQ.. ^Qjjj jç j^Qj.j ^yj çç guide au décroit des nouveUct*
Et.tu crois du bon fens atteindre la hauteur ^
De ces trompeurs écrits trifte compilateur.
Tandis que l'Univers attentif fur l'Europe ^
S'applique au tourbillon dont Thorreur l'cnTO*
loppe 9
Tandis que dans l'intrigue & dans le rnooTemeoCf
La fiere Tragédie attexid Ton dénoâment \
7e n'approuverais pas qu'une fade indolence
Des fuccès de la guerre affeâât rignorance.
Quat^d les flots foulevez frémifTent de coorromc^
L'affaire de l'Etat eft l'affaire de tous :
J'aime à voir la Viâoire en diverfes bataxil^^
Tantôt par Tes faveurs éternifèr Noailles « .
£t tantôt par Ton vol ombrager tour autour »
Aujourd'hui Cacinat , •;& demain Luzem^HMirgir
De ces heureux fuccès que leur valeur nt'ezpofe >.
7e recueille le fruit ^ mais fans creufer la caufe»
Et fans m*évaporer en vains raifonnemens ,
Je. rapporte à Louis ces grands évenefnens.
Qu'importe à l'habitant de la plaine féconde*
Que tous les ans le Nil fî richement inonde y
D'examiner à fond fi fon débordement
Aux Monts des Abyffms a pris commencemcnr^
Quand le Ciel régulier dans des lùncs exaétcs-.
Pour enrichir TEgyptc ouvre fcs cataradcs j.
Ou fi de certains vents le foufflc officieux:*
01
LIVRE XI L \9\
FoufTe Teau de la mer en des lieux fpacîeaz ,
Qui par d'obfcurs canaaz que la terre leur ouvre, Bellc
Dégorgent ce dépôt dont le Delta i fe couvre ?
LaifTanc , à (es périls, roififPbyfîclen
Se fatiguer rcfprit d*un frivole entretien ,
Libre d'un tel (buci le Laboureur plus fage
Du fleuve répandu goote en paix l'avantage»
£atre Tétoile fixe & les globes errans ,
Trozac ne connoïc point de chemins diSérenS}
Jamais pour démêler l'un & Tautrc fyftcme ,
Trop d'application ne lui rend le teint blême :
Que Copernic s*abufe , ou Ptolomée aie ton »
Ce ne fera point lui qui les mettra d'accord ;
A peine connoît-i! fon Almanach des Paftres :
Trozac jouit pourtant du (bleil & de» aftres.
Pour moi » fur ce modèle au bon (èns ajuflré »
■
Quand d« nos champs féconds je vois Mars écartf,
Porter chez nos Rivaux fa rage redoutable »
Sans fonder vainement l'abime impénétrable »
Du bonheur de TEtat je fçais tirer profit ,
Louis enefl: l'auteur , & cela me fuffit.
Encor fi cet è(pric dont le feu t'embarraife »
En vains rai(bnnemens diflîpant (on audace »
Se propofoît pour but Texaéle vérité ,
On pourroic faire grâce à ta témérité :
s FanJcderEgypreUplusfécoodct
191 BIBLIOTHEQC/E POETIQUE.
Maïs ton chagrin bizane, & d*im-Franf ois îndigpCr
LLOcqr Répand dans tes écrits une noirceur maligne,.
Qui de nos Généraux inllruifant le procès »
S'efforce d*obfcurck nos plus briilans fuccés.
Nos plus nobles exploits font jjeux donc ta tff
mocques ,
Gironne 8c Palamos ne (ont que des biccfqoes :
Que le vaillaat Tourville « & Ces £ers combafrf
caflES ,
Couvrent Thétis de morts 6c de débris flottans^^
Tu fcias d'être étonné que Ton tire avantage
De quelques bâtimens difperfea par l'orage.
Que pour forcer la Ligue en fes retranchô^en9«»
Nos (ôldats (oient changez en Héros de Roman»»,
Et que . la Renommée au Gange , aa Tygre y ^
riude ^
Annonce avec éclat la gloire de Nerwînde>
Tu nommes ce triomphe une témérité ,
Coudant à déplorer le fang qu'elle a coûté.
Aujourd'hui tu (butiens que le courler' t'appontpr
Des articles de paix entre Vienne & la- Porte ,
£t pour tnieux la conclure au gré-de ton défis »
Il ne te coûte rien d'étrangler un Vizir.
Frappé d'étonncmcnt , & d'éloges prodigne ;
Tu vantes fans pudeur tous les Chefs de la Lîgue>
Dï*ces gens merveilleux, à nos tcms réfcrvez,.
Les uioindres mQuvciQcns par cgi fom relevez r
LIVRE XII, it,5
Je ne -puis fur ce point condamner ta conduite s
JuC]ues xkns Fennemi j*honore le mérite : ^cxLec<^
L*on ne me verra point pour un trépas douteux
Faire. avec le bourgeois de ridicules feux. .
Un rival ennoblit un cœur d*honneur avide ;
La haine d'Eurifthéeeft la gloire d'Alcide :
C'eft flétrir les lauriers d*un fameux Conquérant > .
Qu*oppo(êr à (on bras un foible concurrent :
Tu le veux , Polyphile , & j'y foufcrits fans peine i
Le Chef des ennemis eft un grand Capitaine •»
Ses projets (ont hardis & finement conçus -»
Mais qui le bat partout «Il encore au-dclfus.
Voas m'en (êrcfK témoins , théâtres de viéloire.
Que Dellonne à jamais confacre à la Mémoire ,
Du courageux François monument &lemnel ,
VoASrd, Senerf, Nervinde. & Steinkerke & CafTcL «
Vous m'en Ctscz témoins , places mal défendues ,
AuK yeux de ce guerrier à nos troupes rendues :
Sans que pour leur (ècours il ait rien hazardé ^
Gaad » Bouchain^ Men6 » Namor > Saint-Omer &
Condé. *
Et vous y Villes , par lui vainement affiégécs ,
Dans l'Hiftoiredu tems ferez- vous négligées?
Les murs de Charleroy par deux fois attaquez ,
Oudernarde , Maftrich > y (èront-ils marquez ? S
wÈmt
X Bacaillesrperdu'ôs par le Prince d'Orange.
z Villes dont il a tenté le fecours mutilemenc.
) Sièges qu*il a levez.
194 BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
L'avenir , équitable aux exploits de la France i
ELLOCQ. Mctcra-c-il de NaiTau Les fuccès en balance ,
£c fe roaviendra-c*ii qu'il a conquis Beaumonc >
Furne aux mursdémolis,& Binche& FauquemoncM
Pcuc-êcre diras- tu que le Chef de la Ligve ,
Comme uneautte Philippe,cft.an démon d'intr^O^.
<2ue de (on cabinet , de deux doigts feulement ,
Il peut au monde entier donner le moutemenc t
Soit ; je crois , pour te plaire , à la Métempficofe^
Du Fils de Charles-Quint Tame en Coh CcintefoCc^
Mais il n'a point encor , par de fermes liens «
Joinc les Epifcopaux aux Presbytériens ^
Mais il n*a point encor , à force de dépend •
De nos vieux Alliez 4 ébranlé la conftance :
Mais y malgré tous fes foins »ibn génie ihipuiflant
N*a pu concilier l'Aigle avec le Crolifant ;
Il n a point jufqu^ici , par fes lourdes pratiques.
Fait de mauvais François > des mauvais CathoS«
ques i
Seulement en ce point politique fçavant s
^ Qu'il réduit fes amis à fc paître de vent j
Et nourriffant d'efpoir leur attente trompée •
Maintient , à leurs périls , fa grandeur ufurpée.
I Bicoques qu'il aprifes.
a Ccft de quoi fe vantoit Philippe II. Roi d'Erjpa^W^
3 DcfTeins oà le Pdnce d'Oraogie a échoua*
4 tes Suites.
Z I V R E XII. 195
Pourquoi , fi de ces faits tti fçais la vérité >
Contre notre bonheur es-tu fi révolté } Bello
La valeur dans autrui te fait peut-être ombrage ,
Et c'accufe en (êcret de manquer de courage :
Peut-être qu'ofFenfé d'un néceflaire Edit •
Contre le bien commun l'intérêt te roidit ,
Et (buleye ton cœur pour le fecours modique
Qu'eiige des fujets la fortune publique.
Dans les Arts de la paix occupé mollement ,
De les voir négligez l'un fe fait un tourment ;
Un autre , du profit cherchant la fource impure ,.
S'afflige que Bellone ait écarté Mercure.
Mais ne (erois-tn point de ces gens obérer >
De créanciers preiTans à toute heure encourez ,
Qui voudrotent * pomrteraedeàleur inquiétude ,
Des débris <le l'Etat couvrir leur turpitude ?
Un pareil Intérêt autrefois fuborna
Ces faélieux Romains , qui fous Catilrna ,
Avant que Ciceron procurât leur fupplice »
Mirent la République aux bords du précipice.
Mais je te ^eux traiter avec moins de rigueur }
Ce noir foupi(on t'outrage.Et bien,'tu n'as que peurc
Lorfquc de toutes parts l'orage nous menace «
Le nombre d'ennemis t'épouvante 6c te glace.-
Ainfi le voyageur, dans la nuit égaré ,
Traverfiint la foret d'un pas mal affuré »
AaxTayons de Phœbé , pleînd'une horreur fecrccte,
Ooitqtt'ttne ombre bizarre eft un toctp qui Icguctce^
R ^
i
*^6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Et veut que des hibous les cris indifGSrens.,
LLQcci. Soient des efprits malins , ou des mânes errani*
TVsTtu donc oublié » démentant ta naiflance ,
De tes braves ayeux Tintrépide a'fluraace ?
N*entettds- tu pas leur voix te dire an fond da cœqri»
'Quoi ! vous écesjrançois , làche> & vous avez pend
Lorfque de cimenter la (ureté publique »
:Le plus grand des Héros fait Ion affaire unique^
D*une vaine terreiir vos yeujx fontébloqis »
Soutenu > protégé , défendu par Louis ?
Portez aux ennemis ce défaut de courage »
Allez , de vos fermens la Fra^ice vous dégage^
Elle h ait. des frayeurs qui ^pourroientia troubler^
£t ne veut point d'enfant capable de trembler*.
Soufifre que la raifon de ta peur te dégage ^
11 (îed n)al aux vainqueurs de manquer de courage^;
C*efl flétrir les lauriers qui nous couvrent le fronts
•C'efl faire au nom François un immortel af&ont.
Des affaires du ten>s explique mieux la (iiice i
Du Dieu que nous (èrvons vois fur nous la condoice^
£t.fK>ur rendre le calme à ton coeur étonné ,
iSoDge i fin un mot , quel Roi le Ciel nous a donoiL
\h
LIVRE XII. l^f
wmmmmÊmimÊmimmmmÊmmmÊ^ÊmÊmmmmmKmmmÊtmmmmmmi^^mmimmÊmm^
JE*
P A ri LLON. '-'
TiENî^E Pavillon , dé l'À-^
cadémie Françoife , & die celles*
des Infcriptions & Belles-Lef
très, commença la carrière aur
Parlement de Mets-, en qualité d'Avocat
Général. II fe diftingua dans cet emploi
par fon fçavoir , fon éloquence & fon in-
tégrité. Mais la foibleffe de fon tempéra-
ineiit'& peut-être encore plus l'amour dir
repos le déterminèrent au choix de la vie
privée , malgré toutes les inftances que fit
(on illuftre Corps pour le retenir. Rendu
à lui-même ^ il vint s'établir à Paris > oà il
vécut en aimable Philofophe. Sou cabinet
&iesamis lui tenoientlieude tout ; (es-
mœurs étoient douces , fa converfatîou
charmante & ornée- de la plus belle éru-
dition^. Il avoit une fin^e de goût 5 une
beauté d'elprit & une délicatefle de fenti-r
mens qu'on ne fe lafTe point d'admirer dans»
R iij.;
wm
lyg BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
fes difFérens ouvrages de Profe & de Vers,;
^ ^ ^- Mais M. Pavillon n'é^oit pas feulement
ON»
un bel efprit , c'étoit un homme de bien ,
digne neveu du fçavant & pieux * Evêque
d'AIet , La vérité , la vertu , la religion
faifoient fon caraélere. Il eft mort le lO
Janvier ijojé âgé de foixante & treize
ans. Son corps fut porté à Saint Euftache
fa Parroiffe, &de-Ià au cimetière des Saints
Innocens , où il avoit ordonné qu'on l'en-
terrât.. Voici des Vers fur fa mort qu'on a
mis à la tête de fes Oeuvres imprimées à la
Haye en 171 j.
F ^VILLON ne vit ^lus s l^s Amours
en gérmfftnt ^ • '
Apollon en verfe des pleurs ;
Et fur le Mont facré les échos retenttjfent
Des trifies regrets des neuf Sœur s.
Rival ingénieux d! Ovide ,
S'il votdoit fléchir une Iris ,
Les Grâces difloientfes écrits ,
I Nicolas Pâvilloa.
iM
LIVRE XII.. i^.
.mmmmÊmmmmmmÊmmmimmmÊaÊtÊimmmmm^mtÊmmmÊmmmmm^ÊmmmmÊ^mmmm^m
Et V Amour luifervoit de guide,
La Sagejfe bientôt ff ut bannir defon cœur Pavilj
Les . vains amufemens de V amour eufc
ardeur.'
• Par une adrejfèfans égale
Il prit foin déformer Us mœurs ,
En cachant fous V appas de fss vers en-i
chanteurs
Les traits £uni aufiere morale*-
Les talens en lut rajfemblex.
Firent partout briller fa gloire i
Il n^ignora rien de l^Hifioire ,
Et les tems Us plus reculez.
E totem préfens à fa mémoire...
MADRIGAL.
rfilis a vingt Amans qui robfedent fans^cefle,
Doht clic fait vingt malheureux.
7c fuis le fcul parmi la preife ,
ï>t qui fa cruauté daigne écouter les vœux :
^ais d'une aTanture H belle ,
Rivaux infortunez, ne foyez point jaloux ;
Cuifqae vous m*empcchez d'écrc fcul avec clic.
Je fuis plus à plaindre que vous.
R»« • •
iiij
i
loi BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
— — ' Quand la nature & la raifon
A^î l LOHi . Règlent feules notre dépcnfe ,
Oh ne voit jamais l'indigence
Troubler la paix de la mai(bn.
Oubliez pour totijours votre trifte avanture :
Au lieu de tous ces biens qu'on vient de vous
ôter ,
Faites-vous déformais une rscheflè (&re »
En vous accoutumant à ne rien fbuhaiter.
Vous croiriez , dites- vous , votre fort fuppor«
table ,
Si* vos feuls intérêts faifoient votre douleur ^
Et vous n'êtes inconfolable ,
Que parce que votre malheur
Fait perdre à vos enfàns un dèflin agréable.
Cette innocente afFc^ion
N'eft , croyez- moi , qu'un prétexte honorable-
Dont , pour vous tourmenter , fe fèrt l'ambitioa:
LaifTezà vos enfans ce qu'une mère fage
Peut encor leur laiflèr quand elle a tout perdu >.
£q leur laifTant pour héritage
L'exemple de votre vertu.
Apprenez- leur qu'un grps partage
N'eft pas ce qui fournie les (blides plaifîrs :
Il efl fi mal aifé d'en faire un bon ufage »
•Pi
L I V R E X I I. 105
Qu'un (î dangereux avantage
Ne doit être jamais l'objet de leuts défirs» Pavilloj
A U mime , fur les couches de MatUmefafilie;
Vous voilà donc grand'mcrc , Amxhte , c'co
eft fait.
Autant que je m'y pois connoitre >
Il eft aflèz plaifant de l'être »
Mais Acheuz de l'être en effet.
C'eft un triflie préfent que font les Deftinées >.
Qu'elles ne donnent pas pour rien :
Il vous en a coûté vos plus belles années ,
£t le plus clair de votre bien.
Cet enfant qui s'en va croître * votre famille ,,
Un jour vous vengera felôn votre (buhaît »,
£t vous lui verrez faire un jour à votre fille
Le même affront qu'elle vous fait.
PtilfTe-t'il toujours fuivre en marchant for vof
traces ,
Du véritable honneur les fentlers peu batus !
£c ikns jamais avoir de part à vos di{graces ,
N'hériter que de vos vertus !
Que cet heureux enfant , bien-tôt fuivi d'uA'
autre ,
Tranfmette à fes neveux la gloire de Con nom $
lox BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
■— ■— Quand la natare & la raifbn
âTlLLONi Règlent feules notre dépenfè ,
Oh ne voit jamais l'indigence
Troubler la paix de la mai£bn.
Oubliez pour toujours votre trifte avancare :
Au lieu de tous ces biens qu'on yienc de voai
ôter ,
Faites-vous déformais une richeflê (&re «
Bn vous accoutumant à ne rien (buhaiter.
Vous croiriez, dites- vous , votre (bec fuppor-
table ,
Si vos feuls intérêts faifoîent votre douleur y
Et vous n'êtes inconfolable »
Que parce que votre malheur
Fait perdre à vos enfans un dèflin agréable.
Cette innocente afFeâion
N'cft , croyez- moi , qu'un prétexte bonorabte-
Dont « pour vous tourmenter , fe Cen l'ambitioiL
LaifTcz à vos enfans ce qu'une mère fâge
Peut encor leur laifler quand elle a cour perdu |.
En leur laiffant pour héritage
L'exemple de votre vertu.
Apprenez-leur qu'un gros partage
N'ed pas ce qui fournit les fol ides plaifîrs :
Il e(l fi mal aifé d'en faire un bon u&ge «
L I V R E X I I. X05
Qu'un a dangereux arantage
Ne doit être jamais Tobjet de leurs défirs» Patil
A U même , fur Us couches tUMéUMmefsfiUè»
Vous voilà donc grand'mere , Amihte » c'ca
eft fait.
Autant que je m'y puis connoicie »
Il eft afTez plaifant de l'être «
Mais fâcheux de l'être en eSer.
Ccft un trifte préfcnt que font les Deftinêcs >.
Qu'elles ne donnent pas pour rien :
Il vous en a coûté vos plus belles années »
Et le plus clair de votre bien.
Cet enfant qui s'en va croître * votre famille >.
Un jour vous vengera felôn votre (ôuhaît;
£t vous lui verrez faire un jour à votre fille
Le même affront qu'elle vous fait.
PaifTe-t'il toujours fuivre en marchant fuE vos •
traces ,
Pu véritable honneur les fentiers peu barus !
}lc fans jamais avoir de part à vos di(graces «
N'hériter que de vos vertus I
Que cet heureux enfant , bien-tôt fuivi d'uA'
autre ,
Tranfmctte à fes neveux la gloire de Ton nom s
^06 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
m
Parmi ceux qui ont quelqee connoifiance de cette
tA^illon. *''^*°'"^^ ' ^^ P^"^ commune & la plus faine opi-
nion veut pourtant qu'il ne Coït pas mon ) maîi
qu'ayant trouvé la commodité d'une fenétr^ oa-
verte, il a pris le cems de votre ab(ènce pcor aller
voir (es parens à FAmérîque* Depuis ce malheor »
'votre Maifon efl fi affligée , que je nofèrois yous
^onfeiller d'y revenir.
Auffi- bien qu'y ttouveriez-vons ^
Madame Anne pendue, une cage dé(èrte ,
Des valets défolez qui pleurent votre perte,
fuyez loin de ces lieux le célefle courroux. ,
'Quand poux fe confoler d'un mal qui àéCcCfCtCt
II ne rede plus qu'un époux ,
Un époux ne con(ble guère.
Vous aurez le chagrin de remarquer fur le viâge
de tous vos amis une joye maligne de fe voir enfia
délivrez d'un rival fi chéri. £h ! Madame » n'ont**
ils pas raifon ?
Pour lui vous avez fait mille & mille injuftlces : .
De tant d'honncces gens à vous plaire empreffex
Ca ne connoîtque lui , dont les heureux ferviocft
Ayent été récompenfez.
LIVRE X IL 107
A M,onJieuf ^^^fur un changement,
iL'JNCONSTANCE d'Iris vous caufe crc^ d£unuj.
£ft-ce un cho(è fort étrange»
De l'air donc on vie aujourd'hui.
De voir une femme qui changé ?
Yous avez tore de la blâmer -,
jiRIen n*eft plus naturel que ce qu'on lui voit faire .}
Vous avez ccfTé de lui plaire ^
Elle a ceifé de vous aimer.
J?ourquoi tant de difcours , de plaintes & de
larmes ?
Vous raccufcx înjuftcment :
<On lui verroit pour vous le même emprcffcment ,
Si vous aviez pour elle encor les mêmes charmes.
Vous Taimiez ardemment , on le fçait « on le
voit;
De Tes moindres faveurs votre ame écoic ravie i
JMais cet amour enfin vous donne-t'il le droit
De Teanuyer toute fa vie ?
Ah ! que votre malheur de vroit vous être cherl
:Plus heureux de pouvoir la traiter de volage.
Que mille & mille amans qui lui rendent lioni^
mage ,
£t n* ont rien à loi reprocher l
VAyiLLOh
MM
ib8 BIBLIOTHEQUE FOETI{^E.
Reodez grâces à cette Belle^
^yii,LON. ï^ntttiamcur inégale a ïçû vous dégager. .
Quel bonheur , (ans étfe inndelle »
De pouvoir ^(è donner le plaîfir de 6hxiiger !
'Vous ne valez pas mkaz qa'im aatie %
Croyez-moi * ne criez pas tant :
Son inconftance, en vous quittant ,
Ne fait que prévenir la vôtre.
JL une Dame , qmfepUignoit de fin ahfince.
Je ne vous vois que rarement^
7e ne vous rends point de vifîte^
Ne vous en plaignez point » Ca&its :
Vous avez beaucoup de mérite^
Et j'ai quelque dircernement \
Voilà la raifon juftement
Pour laquelle je vous évite.
Si je pouvoîs vous voir (buvent fans n'engager.»
Je ne voudrois Taire autre choIè \
Mais pardonnez-moi fi je n*ofè
M'eipofer déformais à ce charmant danger.
Ccfl: en vain que mon cœur fcroît fidcllc & tendici
Vn Batbon à l'amour doit-il s'abandonner ?
On ne peut trop craindre d'en prendre
Quand on ne peut plus en donner.
lion cœur s'embrafcroit fans échauffer le vôtre s
Hélas J
LIVRE X I L 109
Hëlas ! mes malheureux (bupirs
Ne feroienc tout au plus quezciter des âéGxs > Pavii^I'
Que vous contenteriez peut- être avec un autre*
Je yeux vivre en repos , & je cherche à bannit:
Tout ce'qui me fait voir qu'il fautl>ien- tôt finir»
Et m'annonce le tems de ce trifte paiTage ;
SI yitois tête à tête à vous entretenir > .
Je ponrrois oublier mon âge ;
MaisjroslFroideursbien tôt m*en feroient (buvenlr;-
Non , ma Belle, îl faut fe connoicre ^
Quoi ! l'Amour me verroit encor fous fon pouvoir ?
Je ferois amoureux ? J'oferois le parokre ?
Ah ! qu'il feroit Honteux à mon âge de l'être ;
Et qu'il feroît au vôtre ennuyeux de le voir?
I ^Sur les Hôpitaux in/ohahtes.
Que fervent les confeils d'une prudence vaine \
Uavenir j quel qu'il foit , efl hors de fon pouvoir :
Ne feroit-on-pas mieux 4e s'épargner la~peine
Qu elle nous donne à le prévoir ?
Malgré, tous nos efforts le deftin nous entriinei
Nous'découvrons l'écueil fans pouvoir 1 cviccr 5
fe fouvent kr chemin que la fagcffe humaine
1 M.TAV11.LON avoit perdu looo iiv. de rente viagère
|gu«etce infolvabilicé.
TomtllU S
iio BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
' \ '' . ' ï
Montre pour nous en écarter ,
/iLLON. Efl celui feul qui nous y mène.
Rien n*cfl: afTuré fous les cicur :
Cei riches Hôpitaux , (i connus dans U France^
Si bien fondez par nos ayeuz »
Si -bien régis par la prudence »
Malgré toute ma prévoyance ,
En retenant le bien que je leur ai prêté y
Me font faire aujourd'hui la trifte eipérîence
De cette grande vérité. •
Que la Fortune a d^artifice
ïour faire réiiflir ce qu*elle a projettes
Qui fe feroit jamais douté
Qu*on pût manquer à la Jnflice
£n des lieux , ou Ton voit régner la Charité ?
En vain dit- on pour les défendre ,
Ces maifbns autrement ne ponvoient fubfîfter :
Lorfque Ton n*a pas de quoi rendre ».
Il n'eft pas permis d'emprunter.
Si le Ciel quelquefois dans fa juftc colère »
Pour éprouver les fîcns , ou pour les corriger ^
Fait monter à tel point Texcés de la mifére ,
Qu'on ne put (Te la (bulager ^
C*eft à nous , en portant nos cris jufqu'à fon trône» *
D'implorer fon fecours & l'attendre de lui :
Nous pouvons feulement prier qa*il nous le donne »
LIVRE X I J. m
Mais ce nefl pas du bien d'autrui
Qu*un Chrétien doit faire Taumône. Pavil
La Charité doit tout embrà(èr de (es feux ^
' Mais Tes foins pour tous é quitables >
Ne foàt jamais des malheureux
Pour fecourir des miférables.
Sonsélq en nous atcendriffaût ,
N*exige que des dons fans taches & fans crimes jj
£c fur tec autel innocent
On n ^orge point de viâimes*
Les Mufes au Roi.
SiHE > les Mufes déiblées ,
Aujourd'hui fans force & fans voix ,
Viennent vous remontrer qu'elles font accablées
Par le nombre de vos exploits.
Fournir à tout ce que vous faites ,
£ft un emploi trop mal-aifé ^
Tant de fiéges ont épuifé
;Nos Orateurs 6c nos Poètes.
Nos parterrels n'ont plus de fleurs à vous donner ^
Oii , s'il en refte quelques-unes ,
Ce ne font que les plus communes ,
Indignés de vous couronner.
En cette extrémité que voulez-vous qu'on fafTe "i
il n eft pla« de lauriers chez nous »
Si)
VJLLON*
2ix BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Qaoique. depuis treme .ans far, le Mont da PaE«
nafle
On n'en ait cueilli que pour voas.
*
Nous chantâmes jadis la conquête de Tioye »
Et l'Univers encor.s*obftine à Tadmirer i
Mais ceux > dgnt cette vîUe enfin devint la proye >
Nous donnèrent dix ans pour nous y préparer :
Puis retournant chez eux » au (brcir dél'Afie >
, Ces bons & paiûblcs Héros
PafTerent en bourgeois le refte de leur vie «
Et Aous lai£erent en* jepi;>s.
Cbntent d*une unique viâôire > ^
i^utrefods le brave Jafbn •
Crut qu*il fufi^pit pour fa glçire »
5'>1. pouvait obliger les Filles de Mémoire-
De chanter une fois Colchos-& la Toifbo :
A vous (eut aujourd'hui nous ne pouvons fuffirc^
Quittes de Mons , Namur nous vient embarraflèr %
Nous a.vons beau f^iroScbesiii dire >
C*eft totijours à re,coinai€njCer.
Nous ne con noiiTons que rHiftoîit «.
Sire » qttipuiâe y réfifter i
Sa manjiere de raconter
. £ft plus propre à fc faire crotrc.
Nous prendrons feulement le fbior.
Qc la rjcndre ex^^^e fie fid^Ic.^
rj
LIVRE. X I I. ifj
. _ _ _ 4 ^__
C'eft tout ce^ue peut notre zélé >
Et dont votre gloire a bc(bîn. Daviil
^4Cit au RoJ , four M.. tAbU i 'Ï0llemand^
Sire , notreAbbë Tous^fupplie
De (bafFrir qu'il (bit toujours gueux }
On Ta vu tel toute fa vie }
U n'a pa$ vécu, moins heureux.
Perfonne n'a phis d'éloquence
Et de médite qu'il en a ;
Mais il doute dans l'abondance
- Si jcc mérite le fuivra.
S'il a^ dit' fur vorre viéteirc
Quelquexlu>(e.<^ul vous a plu «
Pour en acquitter votre gloire
Ne bazardez pas fa.vertju.
Ceft un .Héros de gueufcric^
Qui doit même être refpcdé*,
I>urant tout le cours de fa vie >
Qe votre libéralité.
mmmmmrmmmÊfmm^^mÊmm
I II écoic lie VAcadémie Françoifç. Sa^rradD^^ionde quel-
^er Vies de Platarque &-fes Eloges hiftoriques de L«ai&
XIV. ont ét4;Ml^ bvsn reçus en leurcenis. Au refte le cour
adroit & ïîngulier de ce placer fut plus efficace pour TAbbé*
X^UemaïKl , q^ecous les panégyriques qu*il avoir faits à ti^
Iwing^ de Sa Map;i^..
214 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
'^ ' Un grand Monarque doit oonnolti
P A V I L LON* Comme il faut placer Tes bienfiûts ,
Et ne doit enrichir jamais
Ceux qui n'ont pas betbin de TêaCm
Ses Oeuvres que tous admirez y
Tentent votre magnificence }
Mais Hirement vous gâcecez
Le plus beau naturel de France.
Il avoit fur la pauvreté
Toujours quelque conte pour rire i
Si- tôt qu'elle l'aura quitté >
11 n'aura pas le mot à dire.
Sire , )e n'en fuis point jaloux s
Mais vous fçavez ce qu'il fçait faire :
Si vous l'obligez à fe taire ,
Vous y perdrez bien plus que nous.
N'appréhendez pas que l'on's^irrii
Si l'on le voit abandonné :
C'e(b le feul homme de mérite
A qui vous n'avez rien donné.
Sur la vie du Ko/»
Filles de l'Achéron , qui tenez dans vos ma
La trame de tous les humains 9
Sur celle de Louis n'écoutez pas l'Envie ;
LaiiTcz-lui terminer tant d'illuftrcs projets 5
LIVRE X I I. irj
a . _ __ _ _ ____i._.
Ceft tout ce^ue peut notre zélé >
£c dont voire gloire a bc(bîn. Daviiu
Ff4Cit au Roj , four M.. tAbbt i TêUemand*
Sire , notre Abbé Toua^fupplîe
De (bafFrir qu'il (bit toujours gueux }
On l'a vu tel toute fa vie s
Il n'a pas v£ca moins heureux*
Perfonne n'a phis d'éloquence
Et de médite qu'il en a ;
Mais il doute dans l'abondance
Si ce mérite le fuivra.
S'il a ih- fur vofre viéteîre
Quelque clu>fe<)ui vous a pl& ,
Pour en acquitter yetre gloire
Ne bazardez pas fa.vertp.
C'eft un Héros de gueufcrîc y
Qui doit même être refpedé^.
Durant tout le cours de fa vie »
De votre libéralité.
^^^
Il écoic de VAcadémie Françoifc Saxiaduâionde quel-
r Vies de Plotaïque & fèf Eloges htftoriques de L«ois
'.om ét4;UXez bian reçus en leuiceius. Au refte le tour
>ic & fîngulier de ce placet fut plus efficace pour l'Abbé-
leniaod , que cous les panégyriques qu*ilaTok faits à Is^
togpdcSaMairfié,
ziè: BÎBLIOTB^QVE FOUIQUE. '
Vous (èrex comme loiboicéax -^ ■
AViLLON.Et peut-être jaloux s mais toujours trop henteoXi
Pourvii'quc vous ayez une aufE belle ftimiie;
Ah 2 Seigneur .» ncpersiettez pas
Qu'en regrecs fupçrâus votre cœur (c>coafi>mme:'f
Songez que vous avez évité le trépas
£t qu'un Gafcon qui D*a qu'anl>ras
Vaut encore autant qu- un autre honune;
Vous « jonc mille accideos divers *
One fait éclater la confiance ^
Yi^us y qui dans le jeu même & les plus grands revers
Avez tenu fi bonne contenance ^
Ne pourrez-vous donc voir y fans perdre patience*
Dieux ou trois membres de travers ?
Non , non ; je ne le fçaorois croire r
Vous aurez foin deivocrc gloire i
Vocre vertu nous le promet :
Lt mal que vous foufFtcz ; je TàVouë , eft terrible |
Mais enfin eft-il plus fenfible
Qu'un coupe- gorge au lanfquenct?
AMiidemoifilîe Couîm.
La Beauté mit tout en ufage ,
£t fa main libérale épuifa fcs créfors »
Quand eHe forma vocre corps »
£c les traits-de vocre vifage..
\
L I V R E X I I. 117
JLe Printems lai prêta Tes rofes & Tes lis ^
Xa Jcuneflè fournit & les jeux & les >rls . Payili
£t les Grâces voulant faire -cncor davantage ,
^vant que de s'en défaifir^
Voulurent avoir le plaifir
D*animer un û bel ouvrage.
On diroit cpit l'Amour , pour x2gner 4ans yo9
yeux,
<2ttitce le (Sjour d*Amathontt ,
Cent beautez^ dont Paris écbit (î glorieux ,
Ne paroifTent plus qu'à leur honte ;
Et c'eft vous feule enfin que l'on fuit en tous lieux;
Telle Venus , fortant de Tonde ,
Parut autrefois dans le monde ,
£t Ce fit honorer des hommes & des Dieux.
Mais répondez-nftoi , je vous prie j
Cette l^eauti , Tobjet de tant de jaloufîe ,
Qu'on ne peut voir fans Tadmirer >
Où les yeux même de TEnvic
Ne trouvent rien à ceafurer -,
Croyez- vous que ce foit un bien û dé/irable ?
Ec ne craignez- vous point de ne Ta voir reçu ,
Que pour voir un heureux coupable
Triompher de votre vertu ?
Non 9 les folles amours vous trouveront cruelle :
Un ^ux fcul tendre Se fidclle
Tém nu T
ai s BlBLIOTHE(lUE POETiqUE^
Dl(po(êra de ▼ocre csiir \
n tioN. Vous aimez encore plus rhonneiir ,
Que vous ne chéri (Tez la gloire d'éoe belle :
Jeune Iris , ne fçavez-Yoos pas »
Que malgré coûte (a (^eflè ,
11 en couca cher à Lucrèce
D'être née avec cane d'appas ?
De pareilles faveurs font fouvenc dai^eceii(ès^
Le Ciel dans les préfcns qa'il fidt
Ne donne pas couc à fouhaîc >
Ec les grandes Beaucez font rarement hetirea(ès :
Leurs charmes inconftanspaflenc comme des fleai^
£c vous trouverez que l'Hiftoire »
Qui vous vance cane leur ménooire >
linit prefque toujours ep pleuranc leur malhcm^
Vous verrez à vos pieds fe rendre
Uac foule d'Amans cmprcflcz & fournis j
Que de peines à fe défendre
De cane d'aimables ennemis \
Il cft des momcns de foibleflc,
Oii la nacure pcuc comber \
Q nnd on eft oblige de combactre fans ceflc.
Malgré tous ces périls , oii vous peut engager
Une beauté qui charme & la Cour & la Ville ,
J'en connois ici plus de mille,
Fiches avec you$ 4c chang(;r ^
tmmmmimÊm i i ' n , ^
LIVRE X I I. iLff
■I
£c quel que foit>cnfîn le (brt qui vous menace ,
Courroient volontiers ce danger , pATUi
£c veudroient ^tre à votre place.
Confeils à Iris*
^ J'ai des confeils à tous donner :
Ce n'eft pas le naoycn de plaire j
Iris , on ne divertit gu^re ,
Quand on ne fait que raifbnner.
Auffi j*aurois gardé fagemcnt le filence ,
Ou vous naurlez de moi que de vaines chanfons^;
'Si je n'avois connu qu*uae hcureufe naifTance
Avoir dans votre cœur prévenu mes leçons.
Souffi-cïdonc que ces vers aident à vous coa*
duire ,
En cet âge charmant dont vous allez jouir ;
AfTez d'autres fans moi voudront vous réjouir 5 ^
J^als peu fe chargeront du foin de vous inftruirc.
Commencez aujourd'hui le cours
D'une longue fuite d'années :
"ïfpérez en croiffant d*heurcufes deftinécs ,
£t qu'une belle humeur anime vos beaux jours :
11 iied mal à quinze ans d'être trifle ou réveufe §
Mais n'accordez à vos défirs ,
Si vous avez deflein d'crre long tcms heurcufe.
Que ce que la Nature a d'ianoceus plaifirs.
£20 BIBLIOTHEQUE POETiq^U^.
Vous n*avez pas bcfoîa « Iris > qae )e m'acrêtc
VULON. A vous montrer quelle eft cette (ëvere loi ,
Qui vou^ command.e d*étreiioiuiéte i
Le fangiiont vous forcez le fera mieux que moi :
Cet ordre (buveraio n'admet point de di(pen(ês,
£t l'Honneur en eft fi jaloux »
Que fur les moindres apparences ,
Ce juge rigoureux prononce contre vous.
Fuyez dans vos difcours ^enflure & ia bafTefle ;
Quainfî qu'en vos iiabîts rien n'y fblt zSç€tt %
Qu^une noble (implicite
En fafle l'ornement « la grâce & la lichefle.
Celles dont la témérité
De termes trop fçavans parc leur éloquence ^
Au lieu de montrer leur fcience ^
Ne font voir que leur,yanité»
Evitez la plaifanterie
Detit le^ traits médifans percent jufques auasaTi
Yx pour téjpuir l'auditeur ,
Ne faites point de raillerie '
Aux dépens de votre pudeur.
Si les paroles prononcées ,
Sont Tinugc de nos pea(ées,
Vcr)'ez , faus vous âattcr d^un traitement xxoff
doux ,
Ce que des têtes bien fenfîcs ,
$ur Je pareils difcours , doivent juger de vgui^
L 1 V R E X ï L 42»
Qu*ane févcrc contciiance
Ne condamne jamais la modefte licence pAVfib
Des propos que vous entendrez :
Aux bons mots que Ton dit joignez plutôt les
vôtres ;
Mais faites , ifuand vous en direz >.
Qpc les gens dont vous raillerez,
PuifTent rire comme les autres^.
Qui fouffre Taffiduité
De Tamànt qu'a fait fa beauté ,
Kn vaîn auprès de lui veut paffer pour cruelle \,
0n homme qui (c voit d'une femme écouté,.
A droit de tout efpérer d'elle.
N*accoutumcz point votre cofur ,.
Séduit par lia vertu de l'objet qui le tence ,
A s'attendrir parla douceur
Même d'une amitié qui peut être innocente ;
L'hcUtitur dans ce commerce efl fort mal affûté \
Ne vous y laiffcz pas furprendrc j
Un ami ^\ fage & (i tendre ,
Ktbien plbs dangereux quun amant déclarél
Xc ne défends point à la prude
De prendre un peu de foiade ce quelle a d'at-
traits \
Ce feroic une ingratitude >
Tîl)
£20 BIBLIOTHECIUE POETiq^UE.
Vous n'avez pas bcfoin • Iris , que je m'ariccc
;vii.LOM« A vous montrer quelle efl: cette févere loi >
Qui vou^ cominand.e d*étre iionnéte ^
Le fang dont vous forcez le fera mieux que moi ;
Cet ordre (bu verain n'admet point de difpenfes »
£t l'Honneur en efl fî jaloux »
Que fur les moindres apparences ,
Ce juge rigoureux prononce contre vous.
Fuyez dans vos difcours ^enflure & la bafTeflc i
Qu'ainfî qu'en vos iiabits ri«n n'y foit afifèdé j
Qu^une noble (implicite
£n fafTe l'ornement « la grâce & laiichefle.
Celles dont la témérité
De termes trop fçavans pare leur éloquence ^
Au lieu de montrer leur fcience ^
Ne font voir que leur janité#
Evitez la plaifanterie
DoQt le^ traits médifans percent jufques au axoT ^
Kt pour réjouir l'auditeur ,
Ne faites point de raillerie '
Aux dépens de votre pudeur.
Si les paroles prononcées ,
Sont l'image de nos peafées ,
Voyez , fans vous ^aucr d^un traitement txof
doux ,
Ce que des têtes bien fenfées ,
$111: de pareils difcours ^ doivent ju^er de
L 1 V R E X ï h 12»
mmmmÊmmÊmmmmmimmmMmmÊmmmmmÊÊmmÊmmmmmmÊmmÊimmmÊÊmmmÊtmmmmmmmmi^
Qu'une févcrc contctiance
Ne condamne jamais la modefte licence pAVïtt
Des propos que vous entendrez :
Aux bons mots que l'on dit joignez plutôt les
vôtres ;
Mais faites , ifuand vous en direz >•
Qpe les gens dont vous raillerez,
PuifTentrire comme les autres^.
Qui fouffre rafllîduité
De l'amant qu'a fait fa beauté ,
Kn vain auprès de lui veut paffer pour cruelle j.
0n homme qui (c voit d'une femme écouté,
A droit de tout efpércr d'elle.
N'accoutumez point votre coeur ,.
Séduit par la vertu de l'objet qui le tente ,
A s'attendrir par là douceur
Même d'une amitié qui peut être innocente ;
L'ho'nntur dans ce commerce cfl: fort mal afluré \
Ne vous y laiffcz pas furprendrc }
Un ami fl fage & (î tendre ,
Eft-bkn plbs dangereux qu'un amant déclaré!
Je ne défends point à la prude
De prendre un peu de foia de ce qu'elle a d'at-
traits s
Ce ferolc une ingratkude »
TijJ
àii BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
De négliger les dons que le Ciel nous a faits :
ki^lLLON. Mais il vous prétendez quon vous cftime fagc>
Apprenez que le trop grand foin
De conferver cet avantage ,
Ed un infaillible témoin ,
Qni prouve qu on en fait quelque galant nfage.
Celui qui fans difcernement ,
Aàttdk à tout venant les louanges qu'il donne |.
Fait grand tort à (on jugement ,
Et ne fait honneur à perfonne :
Mais aufTi d*un*cœur inhumain »
N'allez pas infulter aux foibleifes des autres }
Et que les défauts du prochain
Vous donnent feulement du dégoût pour les vôtres^.
Ne diQîutez Jamais avec trop de chaleur j
Mais jugeant de fang froid ou du pour , ou da
contre ,
Si vous vous trompez par malheur >
Loin de foutenir votre erreur >
Laiffez-vous vaincre en ce * rencontre j
Et par un beau retour plein de (incerité ,
Revenez à la vérité ,
Qui que ce foit qui vous la montre»
Il ne faut point chercher à voir
tes intérêts cachez d'une intrigue fccrctte 5
Quand ou eft curicufc > & qu'on veut tout fjavolr «.
L I V R E X 1 L X15
. On cft furcracnc indifcrettc.
Si le fecret vous cft malgré vous révélé , Pavil
Cachez-le avec un tel flience ,
Même à celui donc l'Imprudence
Vous en a fait la confidence ,
Qu'il doute quelquefois s'il vous en a parlé.
Celle qui fbuffrc en fa préfence
Qu'on vante en elle des appas ,
Ou des vertus qu'elle n'a pas ,
N'eft qu'une idole qu'on encenfc :
IToe jufte louange a de quoi nous flatter ,
Mais un êfpric bien fait doit prendrç
Bien moins de plaifirà l'entendre >
Que de peine à la mériter.
le Jeu » de mille mtux eft la fatale fource :
Iris , ne jouez que fort peu >
Et feulement fort petit jeu >
Et non pas pour remplir ou tarir votre bourfe.
Cdlës qui (ans repos de cet amufement
Font leur capital exercice ,
A coup C&r fc livrent au vice ,
Et (ont dans le même moment ,
Et toujours fans difcernement
De juftice ni dinjudice >
Viâimes d'une extrémité ,
Soit de leur (brdide avarice >
Soit de leur prodigaihé.
T m)
224 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
La mode cft un tyran dont rien ne nous délivre ;
ILLON. A Ton bizarç goût il faut s'accommoder \
Et fous fcs folles loix étant forcé de vivre ,
Le Sage n'eft jamais le premier à les fuivrcr
Ni le dernier à les garder.
Sur la Moru
La vîe efl: peu de chofe « & (à fin dm^A: terrible
Qu*à ceux qui n ont jamais ofé la méditer ^
Rien ne doit être moins fentible
Que la. perte d'un bien qu'on, ne peut regreter.
Tout bonheur pafTager eft peu digne d'envie •,
Chaque heure,chaque inftant en peut finir le cours*
Ce qui fait la plus longue vîe
K'eft qu'un petit nombre de jours.
Pour en confcrver la mémoire ,,
Un Prince employé vainement
Et Te marbre & l'airain : ce riche monument
Vn jour fera bien moins la marque de fa gloire >
Que la preuve de fon néant»
Les hommes > de tout tems, jugeant fans coiw*
noiffance ,
Par un faux éclat prévenus ,
Ont fou vent pris pour des verms
Ce qui n'en a que l'apparence j
£t parlai les pauvres morteb y
LIVRE XI I. 24.5
Quelquefois ceux que l'on enccnfè
Ne font que de grands criminels, PavIL]
A qui notre feule ignorance
Au Heu de châtimens décerne des autels.
Quand nous ferons jugez au poids du San^ualre^
Qu ;»ix yeux d*un Dieu vengeur nos crimes paroi-
tront ,
Htias î de quoi nous fervlront
Les honneurs qu ici-bas le monde nous peut faire ?
Ce Héros > dont ta Terre admire les hauts faits »
En condamnant la voix publique »
£t plaignant , mais trop tard>.ennemis & fujets,.
Maudira peut-être à jamais
Ce qui ferc de matière à fon panégyrique.
\%t6 BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
ts.
Mautih.
MARTIN.
Martin , neveu du fameux "^
ture, avoit un talent fingi
pour la Poëfie ; & cependa
a toujours penfé auffi mode
ment de lui-même , qu'il avoit une h
idée de tous les grands Modèles de l\
tiquitë. Quoique preffé plufîeurs fois
fes amis , il n'a pu confentîr qu'il y eût
eun de fes ouvrages imprimé , & moii
traduélion des Georgique« de Virgile
pas un autre. Il a confervé ces fentin
jufqu'à la fin ' d'une longue vie ; foit
le commerce qu'il avoit lié avec Vit
en le traduifant , lui eût fait connoîtn
difficulté de copier les grâces de cet .
teur ; foit parce que les hommes d'im j
auffi délicat & auffi fur que le fien , ne j
I M. Martin cftmott le 14 Juiniyoy. âcéde qu
vingt-neuf aas.
; LIVRR XI L 217
vent jamais être fatisfaits de leurs ouvrages ,
lors même que tout le monde les admire'...
M. Baillet dans fes Jugemcm des Sçavans >
donne à entendre que M. Martin n'eft
autre que Pinchêne > qui fe difoit auflî ne-
veu de Voiture. Mais s'il eft vrai que ce
M. Martin n'ait rien voulu mettre aa
jour tant qu'il a vécu » comment peut-il être
le même que Pinchêne qui a fait imprimer
plufieurs volumes de Poëfîes f £t d'ailleurs
comment imaginer que l'Auteur de tant de
milliers de Vers , qui femblent tous faits en
dépit des Mufes , puiiTe l'être d'ua Ou-
vrage , dont l'extrait que l'on en va lire ,*
donne une idée fî avantageufe ? Il y
a donc grande apparence que M. Baillet
n'a lu ni cet ouvrage , ni l'avertiflèment
de l'Editeur , qui n'auroit eu garde de par-
ler auflî favorablement d'un Poëte tel que
Pinchêne.
I Voyez ravertilTemenc qui eft à U têce de la rraduâloa
des Qcorgifjues par M. M ailtln.
Mari
RTIN.
ai8 BIBLIOTHEQUE ^OETïQVE.
Aunejaloufim-
L'Implacable Junon» la terrible Méd£r ^
En proye aat inoavemens jaloux
Donc vous êtes (î peffédée ,
Ont finit trembler , frémir leurs Amans, leurs Eponfc
Lifex de leurs fureurs l'hiftoire déplorable %
Lifez-Ia pour en profiter.
L*une s*efl fait haïr » & Tautre redouter r
Mais pour fe faire aimer , il faut fe rendre aîmabk
INDROITS CHOISIS DE LA TRADUCTION
DES Georgiques»!
Du tivin r.
Dejfein de ^ouvrage. Invocation, Divers friafîi»
four la culture des terres.,.^
Je chante, Mfxenas , les plaines jauni iTances^,
A l'ombre des ormeaux les TÎgnes fieurîflantes \
1 Les Gcorgiques font le chef-d*OPUTre dé Vîfgilè i foii
^ue l'on regarde avec quel art il a rempli. d'ocnertiens une
matière qui en paroifloit fî peu Aifceptible ,. foie quefoii
confîdére les épifodes admirables au'ila employées pour an-
■oblir Ton ru)et. Les connoifleurs les ont coujoars pré^éiéesi
l'Enéïde : mais autant qu'un des deux ouvrages eft au-deflÎH
de l'autre , autant cft-il plus difficile de traduire en vente
Georgiques, que l'Hiftoire d'Enéb. tatraduAion que W.
Martin en a faite , eft â la vérité moint fcrupuleafe ft
moins ferrée que celle de M. de Scgrais \ mais en récompeiilc
elle eft plus élégance , plus harmomeufc 6c:pliu foHcexnilf;
L I V R E X I L xi^
les troupeaux cngraifTcAfous la main des Paftcurs j
Les vertus de l'abeille amoureufe des fleurs. lAj^rjM
Du jout & de la nuit fouveraines Lumières »
Qui mefurez du cems les routes régulières -,
Bacchus » riche Cérès , qui des prenùeis mortels
Avez Ç\ juflement obtenu des autels...
Venez à mon fecours , immortelles PuifTanccs «
Qui faites ou germer les diverfès fémences ,
.Ou fleurir les vergers , ou végéter les plants »
<2ui difpenfèz la pluye , & modérez les vents..
Au retour du Printems , quand les neiges-fbndu^s
De la cime des monts dans les champs defcenduës »
•Ont attendri la terre « &que les doux zéphirs
Répandent dans les airs leurs amoureux foupirs ,
Il faut que les taureaux y compagnons de nos peines »
Cémiffênt (bus [e joug qui déchire nos plaines..
Autant qu*rl eft de fruits , autant cft-^il de fonds »
Chacun à chaque efpecc inutiles oubons.
Là jaunifTent les bleds , & là les vins mûrifTent ;
Là les prez tous les ans d*eux*mêmes reverdifTenCi
ici fe plaît le myrte , &là les orangers »
£t de fleurs & de fruits parfument nos vergers.
La T^atuce ahondapte/^ jufte en fes ouvrages j
A mis en divers lieux différens avaptages»
Des Indes vient l'y voire , & de Saba Tencens ;
La pourpi^e vient de Tyr \ Tmole abonde en TaffranSi
Le Pont a des caflors , l'Epire des cavales ,
Que les courfcs d*£Udc ont fait voir fans égales*
àRTIN.
ai« BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
A une Jaloufem
L'Implacable Junon, la terrible Médéc,-
En proye aux iTioavemeus jaloux .
Donc vous êtes (î pefTédée ,
Ont finit trembler , frémir leurs Amans, leurs Epout*
Li{èx de leurs fureurs l'hlflaire déplorable ^
Lifcz-la pour en profiter.
L*une s'eft fait haïr , & l'autre redouter :
Mais pour fe faire aimer , il faut fe rendre aimable;
ENDROITS CHOISIS DE LA TRADUCTION:
DES GeORGIQUES»!
Dr LiFXÉ T.
* ■
Defeinde t ouvrage. Invocation, Divers fricêft^
four U culture des terres.»*.
Je chante, Mfxenas , les plaines jau m/Tances^
A l'ombre àc& ormeaux les vignes fieurifTantcs ;
1 Les Gcorgiqucs font le chef-d'œuvre dé Virgile i foll
^uc l'on regarde avec quel art il a rempli d'otnerticns une
matière qui en paroifloit Ci peu fufccptiblc , foit que Ton
oonfidére les épifodes admirables ou'il a employées pour an-
«oblir fon fu jet. Les connoifleurs les ont toujours préférées i
l'Enéïde : isais autant qu'un des deux ouvrages ed au-defiÎH
de l'autre., autant cft-il plus difficile de traduire en vers la
Gcorgiques, que l'Hiftoire d'Enéfc. La traduûion qucM.
Martin en a faite , eft à la vérité moins fcrupuleufc de
Itïoins ferrée que celle de M. de Segrais i mais en récompeniè
elle eft plus élégance , plus harmonicufe te plus fotiteQUtf;
L I V R £ X I L .1A5
les troupeaux cngraiflcAfous la main des Paftcurs j
les venus de l'abeille auioureuCè des fleurs* ALM^TAI
Du jour & de la nuit fouveraines Lumières «
Qui meftttez dp tems les routes régulières *,
Bacchus , riche Cércs , qui des premiers mortels
Avez fi juftement obtenu des autels...
Venez à mon fecours, immortelles PuifTances «
Qui faites ou germer les diverfes fémences ,
Ou fleurir les vergers » ou végéter les plants »
«Qui difpenfèz la pluye , & modérez les vents..
Au retour du Prlntems , quand les neigesfondulfs
De la dme des monts dans les champs defcenduës »
•Ont attendri la terre , & que les doux zéphirs
Répandent dans les airs leurs amoureux foupirs ,
il faut que les taureaux , compagnons de nos peines »
Géffliflênt (biis \c joug qui déchire nos plaines..
Autant qu'il eft de Âuits , autant cft-.il de fonds »
Chacnn à chaque efpece inutiles ou bons.
Là Jaunlflent les bleds » & là les vins mûrifTent ;
La les prez tous les ans d*eux*mémes reverdiiTent^
fcî fe plaît le myrte, &là les orangers ,
Et de fleurs & de fruits parfument nos vergers.
La j^atui;c ahpndapte , & juftc en fcs ouvrages ,
A noSs en divers lieux différens avantages.
Des Indes vient l'yvoire » & de Saba Tencens i
La pourpi^e vient de Tyr -, Tmolc abonde en Taffrans^
Le Pont a des caftors , l'Epire des cavales ,
^Uj: les cour fcs d*£Udc ont fait voir fans égales*
139 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
——■I ■ — — — — ^
Telles écoienc les loix de ce vaftc Univers , *
|ll4aiTiN. £t jg tQ^s |çs climats les parcages divers.
Lorsque Deucalion y jetta la femence
Des fertiles cailloux donc l'homme prit naiflanccf
L*homme animal fervile , h^élas ! à peine né.
Qu'au travail de la terre il fe vit condamné.
Suis donc » mortel , des Dieux Tarrêt irrévocablcf
Cultive de tes mains la terre labourable :
Promené la charu'ê , & les coutres tranchans
Sur le dos fpacieux des plus fertiles champs.
Tout obéit j tout cède à la peine obftinée.
Si le terroir eft gras , commence avec Tannée
A creufer tes filions , afin que tout l'été
Efluyant des foleils la brûlante clarté >
Le nombre & l'embarras des inutiles herbes
N'y falfe point mourir l'efpérance des gerbes.
S'il eft maigre , il fuffit d'eutamer fe fillon
Dans le tems que TArâure entre fur Thoritofi^
De peur que les longs jours, &les chakars pesr
dreufes
N'altèrent trop le fein des terres rabloncufe.
Garde- toi de femer dans ton champ blé fur blé ^
Crains que de trop de charge il ne foit accablé %
Content de la moi/Ton qu'il t'a deux fois donnée a
Ne lui demande pas une troifiéme année :
Queiî le revenu d'un fonds trop limité
T'empêche d'en fouffrir la longue oifiveté ,
Xa Xecie eft toujours lucre , & £• tôt qu'on la £ate«
L I V R E X 1 1. xji
•Senfible à nos besoins, elle neft pas ingrate \
^La nouveauté des grains relevé fa langueur , MiàHT
£t le repos lui rend fa première vigueur.
Stutouc n'épargne point le fumier ni la cendre,
Oans les champs -fatigucx on n'en peut trop ré^
pandire.
L'expérience apprend qu'elle cft lutilité
.D'aflumer la campagne a la fin de Tété ,
D'abandonner au cours des flammes pétillantes^
'Le chaume qu'ont laide les faucilles brillantes*
Ou la terre par4à s'engraiiTe , & dans fon fein
Digère l'aliment dont fe nourrit le grain -,
On par fes foupirauz de ce feu (ècouruë ,
Evapore ou recuit et quelle a d'humeur crue.»
Mais il pleut nuit & jour , les champs (ont inondez ,
Ijcs vents mois > le ciel noir » les lunes pluvieufes ^
On ne voit que limon , & que terres fangeufes ^
>Que faire , Laboureur î l'art manque : par tes vœux
iVppài(è Jupiter ,. obtiens-en, fi tu peux ,
De pluvieux étee, &des hivers fans pluye :
•Que l'un mouille la terre , &tjue l'autre rcfluye :
Nos bleds ne craignent point la poudre des hivers ^
£lle les rend plus beaux , [dus épais & plus verds.
'C'eft par-là qu^en Mœfie , au pied du Mont Gar«
gare ,
La récolte affouvit l'cfpoir le plus avare..
JlibzïçLt cependant tes cnfans, ô Céi;cs j
ttA&TlN.
13a BIBLIOTHEQUE TOETI^E.
Ofent lever leur téce > hors du fein des guérets j
S'étendre , fe pouflcr , fortir de leur fémence ^
Qu'un «(Tain d'ennemis s'oppofe à leur nalflance ^
L» bardane , l'ivroye au fuc impétueux ^
La ronce , le chardon fe hérlfTent contre eux*
Us avortent , les uns étouffez par le nombre ,
Les autres de langueur fous les arbres à rotnbrei
Ceux-cj battus du vent tombent en un matin*
£t ceux-là des oifcaux deviennent le bucio >
Sonti)rûIez des chaleurs , & de l'âpre nielle »
Qui des épis en fleur cffc la pede cruelle.
Aux armes , Laboureur , fais marcher les râteaux 4
De la voix & de Tare écarte lesoifeaux ;
Du pluvieux foldice implore les nuages «
£t de ton champ couvert retranche les ombragef §
Autrement , méprifé d'un voiân opulent ,
Tu te verras forcé de retourner au gland.
Mais fans nous •arrêter à ces fujet« de larmes «
Pour attaquer la terre as-tu des bonne armes «
Le neutre , la cbaro'ë , une herfe , un râteau ?
A&-tu pour la moiifon Se faucille & Àéau ?
As-tu de ces traîneaux la pefante machine
Que fît rouler Cérès dans la terre Eleufine »
Hotte , clayon , corbeille , & cent oieubles dhrM
I Tête que 1* Auteur ne fait ici que d'uae Hllabe > en $
fiûfiSMismcax deux deviinc bçn où l'h cil afpiiée.
Faits
p«»^
L 1 V R EXIL lîj
Faits de verges de houx , & d ofîers encor verds \
Le yan ou le bled faute , & la paille s'envole > M ar i
Du pouvoir de Racchus myftéricux fymbole ? .
Que Taire ou tu veux battre & ramafTcr le grain»-
Soit fpacîeufe , ouverte , & fous un ciel ferain y
Que le (bl eu foit fait d*une terre triée ,
£t d*an ciment vifqueux étroitement liée».
KouleS'Y le cylindre , afin de Tapplanir ,.
Et des quatre cotez l'égaler & Tunir.
Qu'il (bit dur , que le poids de la batte rafFaifle,
De peur qu il naille en poudre^ & que l herbe n'X
craifle »
Et qu'un tas ennemi d'animaux fouterraîns
hTen perce le glacis, ne fourage les grains.»
Prévoyant les be(bins de la lente vieillcffc ,.
La fourmi les amaffe en fa verte, jeu neffe :
Le timide mulot en comble fes greniers ,
Et.ia taupe les ferre an fond de fes terriers...
Pour hâter le légume aux faifons pareffeutès ,\
Le groflir'dans-le fcin de fes gouflèstrompeulès,.
Le rendre fucculent, plus tendre, plus mo'êleux,.
Pins facile à. s'ouvrir au gré des moindres feux ;
J'ai vu chojfîr la graine & plus forte & plus vive »
La tremper dans le nitre ,^ dans- le marc d'olivc^i
Mais il faut tous les ans ces foins réitérer ,
Ou Ton voit tous les ans le fruit dégénérer.
La-Naxure fe prête à l'humaine fageffe \
Mais lailè, elle s'enfuit auûii-tôt qu'on la \z\SSk^
JsmeJlU. V
iH BIBLÏOTHEqUE POETKIUE.
m- Reprend (on pt'emîer cours , aind c]tie le bateau
1^, Que le bras des rameurs fait aller contre l'eau ;
Dès qu'il perd le fecours de l'aviron humide ,
S'abandonnant au fil de la vague rapide ,
Il revient fur fa route avec légèreté ,
£t dcfcend encor ptus qu'il n'étoit remonté..
Ce n'eft que dans l'Hyver aux heures inutiles»
Qu'on voit les Laboureurs fous leur chaume cran-
quiles ,
Boire cnfembîc , & goûter avccque liberté
Les fruits délicieux que leur donne r£té \
Et dans les longs repas ou la faifon convie «
Oublier les chagrins de leur pénible vie.
C'ed le tems cependant qu'ils ramaflent le gland ^
La verdoyante olive » & le myrte fanglant \
Qu'ils tendent des filets au ramier , à la grive-,
£c dardent dans les bois la biche fugitive \
Quand les fleuves groflîs roulent fur les gIaçons>.
£t que la neige épalife enfevdit les monts«
Defcription £hh orage.
TTlI vS te Ciel couvert & chargé de nuages »
Mêler les tourbillons de grêles & d'orages 5
^ convertir en pluye , & perdre dans les eaux
Nos plants & nos moiffons , le, travail des taureau?
Le bled déraciné flotte dans le déluge ,
Les animaux furpris demeurent fans refuge ,
Tout cÛTracr j les ruiflcaux , les fleuves àéhexè
L I V R E X I I. x^S
h^ torrens defcenëus ont les champs inondez.
Cependant Japirer dans la nuit qni Tenferre , Mai.t:
Fait voler ks éclairs & gronder le tonnerre :
La Terre s'en émeut > chancelle for fbn poids *
Les timides oifeaux s'envolent dans le bois ^
Le lion effrayé rentre dans fa caverne ,
£t rfaomme audacieux fe cache U fe proflernc.
Ce Dieu les laifle craindre > & choifiliant le dos
Du fourcilleux Rhodopc , ou du fuperbe i^thos>
De (on bras tout-puiffant lance le feu du foudre
Sur le front du rocher qu'il v^ut réduire en poudre:
La pluye en même tems redouble , & les autans
Redoublent dans les airs leurs foufHcs éclatains ;
Lf» rivagef lointains de lem bruit retentiffenc, .
£t des (ombres forêts les demeures mugiffent* .
Signes defluye oh de vent.
QtJ AND la Lune commence à raffcmbler fcs fcuxi^
Si le croiffant enclos dans un ciel nébuleux
Ne montre qu'à regr.ct fcs cornçs pàliifautes ,
L'a pluye inonder^ les plaines floriffantes :
Si fon front «d chargé de l'ardente couleur
Que fur les plus beaux teints allume la pudeur,*
Et que l'air (bit fans bruit , la Nature confuke
Dii les vents déchaînez porteront le tumulte.
Divers prodiges arrivez, à la mort de Céfitn
Quand on frappa Céfarau milieu du Sénat»'
Xcl Soleil eut barreur de cet aflaffmat : ,
z^6 BIBLIOTHEqUE POETIQUE.
wmmmmmmmm^mmtmmmÊmmmmmmmmÊmmmammmÊÊmÊmmmmmimmmmmmmmmÊimÊmÊm.
Ne s'éclipfa-c'il pas j & ce fîécle infidelle
Iartin N*^**^'^ pas lieu de craindre une nuic écerneUe? •
On YÎc du Mont Ethna'les gouffires âamboyans ,
Couvrir le ciel de braife &de feux ondoyans :
* l3es bruits d*armes en Tair le Danube étonnèrent j
La Terre s'entrouvrit , & les Alpes tremblèrent ::
Le Tybre s'arréu y d'épouvantables voûc
Sortirent :dtt filence & de Tombre des boise
Il fut vu dans la nuit des images errantes
De fantôme» hideux & d*ombres gémiflantcs-?ï'
Xe Pô loin,de (on lit, de fès rapides eaux
Inonda la campagne > & naya^Ies troupeaux^..
On vit Tair cmbrafé de finiftres^Comeses ,
£t du courroux des Dieux mille marqués muetesi^.
Audi bien-tôt après Pfaarfalê vit aux mains
Une féconde (bis. Romains contre. Romains».
Le Ciel (buf&it encor que la tride Italie
Sngraifsât dt foh fang les champs de ThefTaîte. .
Les Laboureurs un jour dans ces plaines creufans»;.
Parmi les dards rongez de la rouiUe &des ans ,
Trouveront ces grands os qu^ont laiffé (©us la terre-
Les Héros qijiî (ont morts en cette horrible guerre.
Vous Romulè & Vefta , vous Dieux nos protcfteurs.
Si vous n'arrêtez pas le cours de ces malheurs ,
Du moins confervez-nous ce jeune & vailbnt:
homme >
Qûî vient de foutenîr la querelle de Rome.-
Kb quoi! ne f^^uiions-nous obtenir le pardon^
LI VR E X I I. XJ7
De Toucrage qa'atts Oicuz' a falc Laom jcion ?
Le Ciel eft-ll jaloux ? Le Ciel eft-il injufte ? Martii
Veut-il après Céfar nous enlever Augufte ?
Et fans égard aux biens qu'il prépare aux mortels^,
Si jeune Tappeller à Thonneur des autels ?
Il n'eft pas encore tems ^ la juftice bannie ,
Le crime autorise , la licence - impunie »-
Les Cinglantes foreurs de Belîone &de Mars,'
Les champs al>andonnez , les Laboureursjépars $
Tant de forfaits nouveaux , de vols ^ de parricides j
De Peuples xévoltez, & d'Alliez perfides ;
De TEufrate & du Rhin les armemens^divers^
Prêts à fondre for nous des bouts de l*Univerf ,
Nq le rendent- ils pas ici-bas néceflaire ?
Il n'a pas accompli les chofes qu'il doit faire;
Ce u'eft que dans l'orage au milieu des rochers i
Que 1 on connoît l'adrefle & le coeur des Nochersi}
Dit L I y X s IL
AvsntMges du Prhtemf*
TcHfr- renaît au Printems , au Prîntems tout
boutonne :
la terre eft en amour , (on fcin s'ouvre Scgroflit
Aux premières faveurs dont le Ciel Tattendrit»
Une fécondé pluye en fa maffe épanchée »
Alimente des fruits la femence cachée»
L'air retentit du cha^t des amoureux oifeauzj
i}i BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
La joycufe Venus ranime les troupeaux ;
ftjà*.TiN. L^ humides Zéphirs de leurs douces haleines $
font germer de nos champs les fpacieufes plaines
Tout fe réchauffe enfin , tout brûle d'enfancer j
D'une douce liqueur tout fe (ènt humedker.
Le Soleil eft plus beau . les forêts reverdiffcnt $
L'herbe tendre paroit , les Aeurs s'épanouiflcnt :
La vigne ne craint plus les Autant pluviear»
Ni des froids Aquilons le foufHe injurieux ;. '
5dq pampre s'élargit , & k bourgeon s'efotce
De rompre la priCbn de ùl prefTahte écor'ce*
Ou je me trompe , ou tels furent les premiers joaiS
Qii^ du tems fugitif commencèrent le cours*
Oui > le Printems ouvroit ûl brillante carrière >
Quand le bétail nai/Tant fefpira la lumière i ■
€^e les hommes cruels , au fer accoutumez ,
Jucent de toutes parts fur la terre femcz,
Dans la voûte du Ciel les étoiles placées ,
Et dans le fond des bois les bêtes dirperfées;
Tout étoit tendre encor dans ce jeune Uni vers. j.
Rien n'eût pu foutcnîr la rigueur dés H y vers.
Ni du brûlant Eté Tardcur immodérée :
La dureté de l'un par l'autre tempérée ,
Eatretenoit dans l'air un calme frais & doux ,
Pour qui même les^ vents fufpcndoicnt leur cottN
LIVRE XII. 1^9
m
Bonheur de U vie champêtre,
Hieareux , cent fois heureux , ceux qui loin dé la
guerre y
Ne (ongent aujourd'hui qu'à cultiver la terre l
Que leur deftin eft doux s'ils goûtent leur bonheur j
Et méprifent des Cours la crompeufe grandeur 1
II eft vrai que chez eux ». aux heures d'audience «
On [ne trouve jamais Timportune affluence
D'un peuple interrefTé » qui des le point du jour
S'einprefle vainement de leur faire la cour.
Ils n'ont point de palais de fuperbe ftruduce ,
Ni de lambris ornez de fçavante peinture ,
Point d'habits parfumez de fufpe^les odeurs ,
De fucs AflTyriens empruntans les couleurs ^
Point d'équipages vains , de fuites magnifiques
D'e(ciaves , de valets ennemis domcftiques.
Ils ont en récompenfe une fécurité y
Que fonde de leurs mœurs la commune équité :
Ni trompeurs , ni trompez , fans haine , fans envie »
Dans rhonnéte loitir d^une innocence vie.
Riches de mille biens enfin que n'ont-ils pas ?
Leurs champs font plantureux, leurs pâturages gras :
Ils ont des lacs , des prez , des grotes , des fontaines^
Des troupeaux mugiffans , des rivières , des plaines>
Des bétes dans leurs parcs , des poiffons dans leurs
eaux i
Us dorment à leur aife à l'ombre des ormeaux .*
Ma&ti:
140 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
La Jcuncflc travaille, & la Vicillcflc prie
bfAKïiN. La piété chez eux en tout tems efl: chérie :
On y rend les honneurs qui font dus aux aateb»
Ils furent en un mot les derniers des mortels «
Chez qui préceà s'enfuir dans la voûte étoilée»
Se retira long tems la Juftice exilée;.
Champs , agréables champs , vos bois & vos fini-
taines
Régleront déformais mes plaifîrs 8c mes peines r
Je cueillerai vos fleurs , vivrai de votre fruit «
Content d*étre éloigné de la gleire & du bruit.
Que ne fuis- je déjà Car les bords du Sperchie »
Dans les champs de la Thrace ou de la Theflalie !
Que ne fuis-je fur THceme , ou dans les frais va-
lons
Qui s'étendent au pied de ces fertiles monts ?
Qui conduira mes pas fur la croupe od s'écarte
Le troupeau vagabond des Bacchantes de Sparte? •
Que fait-on dans la ville, & quels font nos em*
plois ?
Y vit-bn aujourd'hui comme on fit antrefbis ?
Les uns fuivant de Mars le métier homicide ,.
Et recherchant des Rois la faveur peu (blide»
Ne fongent qu'à forcer des murs & dès remparts^
Et même dans la paix vont trouver les hazards :
Les autres du fpedade en tout tems idolâtres ,
Vont d a Théâtre au Cirque , & du Cirque aai
Théâtres -,
le
LIVRE XI I. X4I
Et confumant leur vie après de vains plaifirs«
Sont toujours occupez d'iuuciles défirs : M art;
D'autres conrans des mers les plaines dangereu(ès ,
Dans le foin d'enrichir leurs familles nombreufès.
Ceux-ci , pleins de foupçons , enterrent Icun tré-
Ibrs }
Ceux'là pour en avoir tentent mille reflbrts :
Vnn pille le Public , l'autre vole fon père \
L'autre trempe (es mains dans le fang de (on frère.
Et pouffé des fureurs d'un remords fans pareil ,
Va terminer (es jours (bus un autre foleil.
L'innocent Laboureur dans fa peine afliduë' »
Remet tout fon efpoir au foc de fa charuè'.
Recueille tous les ans le fruit de fon travail.
En nourrit fa maifbn » en nourrie fon bétail..
On ne voit point chez lui de richeffe enviée «
De longue pauvreté, de mi(ére oubliée.
Rome & (es intérêts > la chûcc des Etats >
L'Iftre ScTEuphrate armez ne l'embaraffent pas \
L'or » inftniment fatal des haines fraternelles ,
Ne loi caufa jamais ni haines ni querelles \
Il ignore les noms de Greffe & de Barreau >
Et pour lui le Palais eft un monde nouveau.
Aflèz content des biens que d'une main égale
Di(pen(è à fes enfans la Terre libérale ,
n eft riche en pacage , il eft riche en agneaux ,
Il (çait renouveller tous les ans fes troupeaux :
L'hiver pour lui n'eft pas une (kifon oKîve %
Tome JIL X
'Il
142 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
T II prcffc en ce tcms-là la fucculcntc olive ,
N. Mec fes pourceaux au gland, entame (on fumier.
Dépouille des forets le myrte & le cormier.
Il faic tondre en éii. les terres labourées »
Gémir fous le fléau les javelles dorées :
L'Automne Tenrichic , & lui donne des ftaitf ,
Qvie de l'été brûlant les folcils ont recuits^
Attendant que le ciel fur les crotipes vinea(ès »
Achevé de mûrir les grapes pateflèufes.
Ses aifiiables en fans rcmbraffent tour à tour ^
W goûte les plaifîrs d'un innocent amour :
Il aime à voir aux champs , les mammelles
dantes ,
Paître Iç lopg des bois les génîdès errantes ;
Les agneaux bondiffans fur l'herbage fauter ,
£t les boucs ennemis des cornes fè heurter..
Il prépare des jeux , cii le Pafleur difpute
Le prix ambitieux de Tare ou de la lute.
Les antiques Sabins en ufercnt aînfî :
Remus étoit Palpeur, & Romulus aulfi.
Ceft par-là que l'on vit 5 accroître TEtruric*
Par-là que s'élevant fur toute l'Hcfpéric ,
Rome devint l'amour des hommes & des Dieux»
£t renferma fept monts dans fes murs glorieax..
LIVRE XII.
Mî
Dor L i y :it B III.
QuMUtex, naturelles à un bon cheval.
Son allure cft ai fée ,^& (on porc orgueilleux.
Il franchit le premier les endroits périlleux :
Il o(è le premier des rivières rapides
Traverfer en nageant les campagnes liquides 9
Tenter des ponts mal (urs les chemins inconnus i
Et marcher fur le front des précipices nuds.
Incapable de crainte & de vaines allarmes ,
S'il s*anime & s'émeut , ce n*eft qu'au bruit dei
armes :
Les clairons que de loin 11 entend retentir*
Lui font dre&r l'oreille , il brûle de (brtir ^
Impatient d'aller ou la gloire l'appelle ,
\\ bat du pied , le feu dans fes yeux étincelle «
Et (brt à gros bouillons de fes nafeaux ouverts 2
Le regard menaçant , des yeux ou noin ou verds»
Un rein double > la taille & haute & traverfée «
Le jarret arrondi , la cuiiTe retroufTée »
' Les crins épais & longs fur l'épaule âocans ,
\Jn poitrail plein de nerfs , & de mufcles fortans^
La croupe large 8c grofTe > & la tête petite ,
De ce noble animal nous marquent le mérite,
Joînts-y la corne dure , & le front étoile ,
Le poil où rouge ou noir, ou l'alefan brûlé %
Maj
i46 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
La triftc brebis bêle i à fes gémiflemcns
KTiN. ^^ mêlent du taureau les longs mugiflcmcns.
Que vous fert - il , hélas ! compagnons de nos
peines ,
D*avoir porté le joug , & labouré nos plaines ? •
Les remèdes nouveaux font d'un foible fecoars |
L'art provoque le mal , loin d'arrêter Ton cours^
L I V R E X l I. i4r
A peine de la corne cfReurant les Tablons «
Plus vice qae T Autan & c|ue les Aquilons^ Mar
Tout efi fujet à V^unour,
Tout aime , de 1* Amour tout fuit les do^ucés loir,
Ce qui nage dans l'eau , ce qui court dans les bois ^
Les hommes > les troupeaux , les animaux fauvagcs»
Les oifeaux revêtus de difTérens plumages \
Tout aime , tout eft plein des charmantes fureurs
Que (bn flambeau fans cedc allume dans les cœursw
Alors plus que jamais la tigreflc ed farouche \
Jamais de plus de fang elle ne teint fa bouche \
Jamais tant dr carnage & d'horreur à la fois
N'étale la licmne errance dans les bois \
Jamais l'outfr ne quête avec plus de furie :
Malheur à qui s'égare alors dans la Lybie t
Ravage cauféfar la pefte»
Une corruption qui des boucs de i'Egypce
Pafiâ jusqu'aux confins du Gérule & du Scyche ,
Infêâa tout à coup d'un mal concagieux ,
L'air , les eaux » les forces , & les fruics de ces lieux ',
, Et pendant mie automne étendit fes ravages
Sur l'innocent bétail > & les béces fauvages..
L oi(êau fendant les airs y trouve le trépas ^
Le vol le plus léger ne l'en garantit pas ;
La vipère fc cache en des crous inutiles ;
Les ferpens étonnez demeurent iounobiles..
Xi^
i46 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
La trifte brebis bêle *, à Tes gémifTeniens
kATiN. ^c mêlent du taureau les longs muginfemens.
Que TOUS fert - Il , hélas ! compagnons de nos
peines »
D*aYoir porté le joug , & labouré nos plaines ? •
Les xemedes nouveaux font d'un foible fecours^
L'art provoque le mal , loin d'arrêter fon cours«
LIVRE XI L 14^
Conçu chez les Bretons » il naquît en Touraiat.
Aujourd'hui prés d'Egmont , & le jour & la nuit # Mu-i
Il médite avec moi loin du monde & du bruit.
£ncends-le , c'efl l'ami de la Philo&phie.
Elle dit & s'envole i & Christine ravie »
Avide de fçavoir » ne croit pas que jamais
Elle pujfTe aflêz tôt le voir €n Cod palais.
Cependant enchaïué du plaifir de l'étude «
Jouiflant de lui-même & de la folitude «
Le Sage en ce repos voudroit bien perfifter %
Mais aux loix d'une Reine il ne peut réfifter.'
Tu quittes pour jamais ta charmante retraite ,
Grand Homme ; alnfi le veut du Ciel la voix fecrete»
Pour inftruire une Reine il s'avance à grand pas»
Croit aller à la gloire & court à fon trépas. .
Il arrive, & déjà l'attentive Christine
Reçoit avidement ùl (blide doârine s
Ecoute avec tranfpon le fyftéme nouveau ^
S*en fert heureufement de guide &de flambeau i
Et pour avoir le tems de l'écouter encore ,
Retranche fon fommeil & devance l'Aurore.
Enfin par des (entiers inconnus jufqu'alors ,
Elle voit la Nature 8c connoît (es refTons.
On dit qu'en ce moment la Nature étonnée t
Se (entant découvrir en parut indignée.
Téméraire mortel , efprit audacieux»
Apprends qu'impunément on ne voit point les
Dieux.
150 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
leDes- Telle que dans un bain , fiere & belle Diane ,
k&TES. Vous parûtes aux yeux d'un trop hardi profane »
Quand cet heureux témoin de vos divins appai »
Paya ce beau moment par un afiTreaz trépas.
Telle aux yeux de René fe voyant découverte
La Nature s'irrite & conjure (à perte ,
£t d'un torrent d'humeurs qu'elle pofte au cervcaoi
Accable ce grand Homme , & le met au tonibeaa.
Si l'on ne veut pas recevoir une caa(ê fi po&iqm
de la mort de M. Defcartes « en voici une antn
meilleure pour la profe , & qui eft plus vraifèmbh
bte. L'heure & le lieu que la Reine lui avoir don»
pour l'entendre , étoit à cinq heures du oiatiii dan
fa Bibliothèque : c'e(l-à-dire, en Suéde , dans 1
fond de Thlver , cinq ou fix heures avant le jour
tems tout enfemble fort honorable Bc foR incom
fi\pde pour le Philofophe né « comme il le diCii
lui-même, dans les jardins de laTouraine. Il;
avoir un mois que cela continuoit » quanj ill
trouva faî(! d'une grande inflammation de pool
mon , & d'une violente fièvre qui occupoit le ca
veau par intervalle. Udemeucoitchez M« Chanu
I alors AmbafTadeur de France : ils s'appelloia
^ frères « & il y avoir eSèâivement cntr'eux une am
tié ancienne , fîncere& fraternelle. M. Chanutai
courut à la chambre de (on ami avec les Méd^
cios de la Reine. Ils ne défefpererent pas de ',
LIVRE XII. 149
Conça chez les Bretons » il naquit en Touraine.
Aujourd'hui prés d'Egmont , & le jour & la nuit , MlliI
Il médite avec moi loin du monde & du bruit. cart.
Entends-le , c'eft Tami de la Philofbphie.
Elle dit & s'envole ^ & Christine ravie i
Avide de (çavoir > ne croit pas que jamais
Elle puidè aflez tôt le voir «n fon palais.
Cependant enchanté du plaifir de Tétude »
Jouiflànt de lui-même & de la folitude ,
Le Sage en ce repos voudroit bien perfifter 1
Mais aux loix d'une Reine il ne peut rédfter.' *
Ta quittes pour jamais ta charmante retraire ,
Grand Homme \ ainfi le veut du Ciel la voix fecrete»
Pour Inftruire une Reine il s'avance à grand pas»
Croit aller à la gloire & court à (on trépas. ,
Il arrive, & déjà l'attentive Christine
Reçoit avidement fa (blide doârine y
Ecorne ^ycc tranfpon le fyftême nouveau ^ *
S'en (crt heureutèment de guide &de flambeau i
Et pour avoir le tems de l'écouter encore ,
Retranche fon fommeil & devance l'Aurore.
Enfin par des (entiers inconnus jufqu'alors ,
Elle voit la Nature 8c connoît (es icSons.
On dit qu'en ce moment la Nature étonnée t
Se (entant découvrir en parut indignée.
Téméraire mortel , efprit audacieux ,
Apprends qu'impunément on ne voit point les
Dieux.
150 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
.leDes- Telle que dans un bain , fiere & belle Diane ,
iRTES. Vous parûtes aux yeux d'un trop hardi profane ,
Quand cet heureux témoin de vos divins appu ^
Paya ce beau moment par un affreux trépas.
Telle aux yeux de René fe voyant découverte
La Nature s'irrite & conjure fa perte ,
£t d*un torrent d'humeurs qu'elle porte au cerveau*
Accable ce grand Homme , & le met au tom'beaa. :
SI l'on ne veut pas recevoir une caufè û poétique
de la mort de M. Defcartes , en voici une auttt
meilleUFe pour la profe , & qui eft plus vraifèmbla*
ble. L'heure & le lieu que la Reine lui avoit donné
pour l'entendre , étoit à cinq heures du matin dans
fa Bibliothèque : c'e(l-à-dlre, en Suéde , dans le
fond de l'hiver , cinq qu fîx heures avant le jour ^
tems tout enfemble fort honorable & fort incom*
fi\pde pour le Philo fophe né » comme il le diCiii
lui-même , dans les jardins de la Touraine. Il y
avoit un mois que cela continuoit , quanà il Cb
trouva fai(! d'une grande inflammation de poul-
mon , & d'une violente fièvre qui occupoic le cet*
veau par intervalle. Udemeuroit chez M« Chanoe»
alors AmbafTadeur de France : ils s'appelloleot
frères « & il y avoit eSè^bivement entr'eux une ami«
tié ancienne , fîncere & fraternelle. M. Chanuc zot
courut à la chambre de fon ami avec les Médé-*
cinsde la Reine. Us ne défefpererent pas de le
L I V R E X 1 1. i|i
rir \ mais le malade jugea quil écoh frappé à
t. Cette pen(2e ne Véconna point j au contraire Mlle Du
ditltofa à ce grand pafTage avec un recueille- ^'^^''■*»
it d'efprit fort paifible. Le matin il fentît de
ides douleurs ; mais pendant plus d'une heure
en interrompit pas fon filence : à la fin on l'en- '
lit (bnpirer & fe plaindre. Quand cela eut duré '
Lquetems> M. Chanutqui avolt pafTé lanuîc '
: lui > jugea à propos de l'interrompre pour dé-
lier l'âme du malade de la petifée de (es dou-
9 1 il s'approcha 6c d'une voix baffe 6c douce lai
•
Quoi toujours des cris 5c des plaintes 1
Un peu de mal vous furprend-il \
Et par unefprit trop fubtil
Le prévenez-vous par vos craintes ?
n ppuvez-votts (oufFrir les premières acteinteS|
reus étonnez- vous à l'afpeâ du péril ?
N'oublions jamais , mon cher firere %
Que la douleur 6c la mifére ,
Du corps mortel que nous avons ,
Et ile la terre od nous vivons ,
Sont l'appanage nécefTaire.
C'eft un tribut que nous devons ;
idoos-lc librement , 6c fuivons fans murmure
La conduite de la Nature.
ecft bonne i elle eft fage , 6c Tes riches préfcnsi
■i
154 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
fpéculations , qu'elles la retirent picfqoe eotiat-
LLE Dis- ment des Impredîons que lai peoc donner le corpl;
;art£s. ^ (^c 2 écé mon étude pendjuic tonte ma vie.
Même au milieu des maoz dont ce corpi cft b
proye ,
Si j'ofe l'avouer , je goûte qaelqae joye.
Je fens avec plaifir que mon ame à l'écart
Voit les maux de mon corps & n'y prend pqioti
part ;
Que la Phllofophie en mon coeur cnltiTée»
Jufques à ce haut point a mon ame élcric i
Quavant que de la mort je fente les efforts y
Mon efprit eft déjà (éparé de mon corps.
Mais de tous les fecours , (çcours le plus (blide «
Au chemin des douleurs j*ai l'Homnoe-Dka jM
guide.
Je connois que Dieu même au tounaent Tint ^a^
frir ,
Que pour nous il Ce fit un plaifir de rnoorir^
Et je mutmurerois de ce peu que j'endure»
Moi , fils de la poudîere « & vile créature I
Non » j*atte(le ce Dieu qui m'écoute au)onrd'haii
Que c'eil avec plaifir que je marche après luL
Qu'il redouble mes maux avec ma patience^
Afin que de plus près j'imite fa fbaffirance.
Qu'il livre cette chair aux maux les plus craeby
Qu'elle fouffre , s'il veut , des to^rmcDS étcrocbj
MlleD
L I V R E X I L 155
filoog tcms* Si la matière fubcile paflant &xepar-
£inc fans ccHc au travers des corps les plus dars
CQ coleye à la fin quelque partie folide ^ à plus
^rte raifon le fera-t*il dans le corps des animaux.
Ce qu'elle fait dans Tor » dans le fçt, dans les
arbrc5 »
Dans les rochers & dans les marbres ,
Ke fbufFrirairje pas qu'elle le fafTe en moi ?
Serai-je (cul au monde exempt de cette loi ? •
Pour mes cris , la douleur les tire de ma bouche ,
Coiiime les fons du luth qu'une adroite main touche.
Ce n*eft|>asmoi qui crie, & mon corps feulement
Sans moi » fans mon aveu , k plaint de mon tour-
Je rends grâces à la Nature ,
Qui Gins me donner lieu du plus léger murmure ,
U(ant de tous fes droits ,
Pouvoir redoubler mille fois
'Toutes les peines que j'endure.
Mais, ponrfuivit-fl , qucnqu'il foit de i'inftituticin .
de Dieu » quand il unit notre ame à une portion de
maxlcTC , qu'à l'occafion de cenains mouvemens
dans le corps , 11 naiffe nécefTairement dans notre
e(prk des (èntimens vifs que Ton appelle douleur :
cependant il eft au pouvoir des hommes d'appli-
quer jcurs âmes à de fi hautes & de ii admirables
iSS BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
£h ! j'aarois donc vécu bien înadlemenc»
Il LE Des- Si je n avois appris à moarirun momeiic.
CARTES.
M. C H A N U T.
Vous me voyez faifi^'une extrême crifleflè :
Je vois ce que je perds , U j'y penfe (ans ceflè.
Mais me trouverez- vous rai(bnnable en ce p<nnt|
Je me pleure moi-même U ne vous pleare jpoint :
Votre carrière eft belle , elle eft digne d'envie ,
Comme un grand Conquérant au fonir de la vie.
Vous laifTcz TUnlvers rempli de votre nom :
Combien de Rois au monde auront moins de K-
nom !
Vous ne mourrez pas tout : de FoublI garantle«
Toujours vivra de vous une illnftre partie.
Tant que Thomme voudra Gi raKbn cultiver ,
Vos écrits de la mort fçauront fe préferver :
Mais c*e(l moi que je plains ^ fcul , crifte « inOM*
folable ,
Comment réparerai- je une perte (èmblable!
M. D E s c A R T I t.
L*ab(ènce fera courte , & nous nous rejolndroqs.1
Au célcftc féjoiir nous nous retrouverons.
Là dans (on vrai pays mon ame libre 9c pore y
Sans jcttcr déformais les ycui fur la Namre »
Verra bien -tôt en Dieu qui lui donne la loi.
Qui le doit cmp oicei des Anciens ou de moi.
Jl
LIVRE XI I. tss
t
Pourvu qae fur mon ame il jette an œil propice »
Mon cceur ayec plaifir lui fait ce facrifice. Mlle Di
CAB.TI9
En cet endroit M. Defcartes (èmbla vouloir (c
repofer > (bit qu*ii fut fatigué d'un fi long enthou-*
fia(me> ou que fes douleurs rempéchàflent de
continuer s & ce ne fut que quelques heures après
que vpyapt M. Cnanut 9 qui un peu éloigné de
lui ne pouvoir retenir fes larmes , il Tappella Se
lui tendant la main , lui dit :
£te$-vous étonné de voir mourir des hommes ?
Mofk frçre , ayezrvous donc oublié qui nous (bm-
mes ?
£b l que fàîs^ je aujourd'hui quobéir à mon Cott ,
£t remplir mon deftin qui me doit à la mort ?
Ceofinitez que je paye à cette heure dernière
Ce que je dûs dès-lors que je vis la lutpiere.
Payons de bonne grâce : & n'efl-ce pas affez ,
Pour en iêtrc content , que dix luftres paffcz ?
Moins longs furent les jours du Vainqueur de
TAfiej
L'Homme- Dieu vécut moins, la fourçe delà vie :
Lui par qui tout fubfifle , enfin lui qui vécut
Arbitre de fon fort autant qu il le voulut.
Ainfi par la vertu & non par la durée ,
Notre vie ici*bas doit étic mcfuiçe :
ZS6 BIBLIOTHEQUE BOETIQUE.
Eh ! j'aurois donc vécu bien inucilemenc »
Illr Des- Si je n'avois appris à mourir un momeiic»
CARTES.
M. C H A N U T.
Vous me voyez faifî^'une extrtme trifteflè :
Je vois ce que je perds > & j*y penfe (ans cefle.
Mais me trouverez- vous raifonnable en ce point,
Je me pleure moi-même & ne vous pleure point :
Votre carrière eft belle , elle eft digne d'envie ,
Comme un grand Conquérant au fonir de la vie,
Vous laifTcz TUnlvers rempli de votre nom :
Combien de Rois au monde auront moins de le-
nom !
Vous ne mourrez pas tout : de l'oubli garanticj
Toujours vivra de vous une illuftre partie.
Tant que Thomme voudra (k rai(bn cultiver y
Vos écrits de la mort fçauront fe préferver :
Mais c*e(l moi que je plains -y feul , trifte » incoiH
(blable ,
Comment réparerai- je une perte femblablei
M. Descartes.
L'ab{ènce fera courte , & nous nous rejoindrons!
Au célefte féjour nous nous retrouverons.
Là dans (on vrai pays mon amc libre & pure,
Sans jcttcr déformais les yeux fur la Nature «
Verra bien -tôt en Dieu qui lui donne la loi .
Qui le doit emporter des Anciens ou de moi.
Il
LIVRE Xi L 257
Je vais voir décider la caufe d« atomes ,
La madère première & fes divers fymptômcs , M l l e D
IjCS formes d'Àriftoce & tous fes acçidens , cakt£
Mes coarbillons enfin & mes trois élémensi.
Qaî voit la vérité , voit d'une même vue ,.
Des contraires erreurs la foule confondub*..
Mais je perds la raifbn . mon ame en ce faint lieu >
Sans doute en voyant Dieu , ne penfera qu'à Dieu*
A ces mots le Malade fe tut » & après avoir em<-.
braffé M. Chanut avec tendreiTe » & lui avoir dit.
le dernier adieu > il dida une lettre pour fes deux,
frères , Confeill'ers au Parlement de Bretagne \ ou y
çBtr*autres chofes « il leur recommande, de pour-
voir à la (ttbfiffance dé fa nourrice , dont il avoit
toujours eu (biapendantfa vie. Puis fe retournant
▼ers (on Gmfefreur , il paifa cinq ou fiz heures.
^u il vécut encore , ea de continuels aAes de piété.
& de religion.
L^JOmh^dèM^. Defcurtts à Uadm^ifelU
de la Vigne..
m
Merveille de nos jours, jeune & (âge Héroïne- j^
Qui , (bus les doux appas d*une beauté divine »
Cachez tant de vertu , defpric & de fçavoir >
Ne vous étonnez pas qu'un Mort vous vienne voîh
Si je pus autrefois , pour une jeune Reine
Dont je connoi(rois peu Tàmc inégale & vaine,.
lyg BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Abandonner des lieux fi fleuris & fi rerds ,
lXe Des- Pour aller la chercher au pays des hivers s
Je devois bien pour vous quitter ces climats (om-
bres *
Od> loin de la lumière , errent les pales Ombres.
Quelqn'efpace entre nous que mettre le trépas >
Pour être auprès de vous , que n'entreptcnd^oa pas »
Je n'ai pu vous entendre eftimer mes euvragcfr,
£t vous voir » chaque jour , en feuilleter les pages »
Sans (êntir en mon cœur tout ce qu'on peut (èntir
Dans le féjour glacé d'où je viens de partir.
Depuis que de mes jours je vis couper la trame.
Aucun autre plaifîr n*avoit touché mon ame r
J'apprenoiSa 11 eft vrai , que phifîeurs grands Ef*
prits
Lifbient avec eftime & goûtoient mes écrits }
Mais je voyois toujours régner cette (cience »
Ou plutôt cette fiere Se pénible ignorance »
Par qui > d'un vain fçavoir placé mal-à- propos %
Un e^rit s'accoutume à fe payer de moci; .
Par tout cette orgueilleufè , avec (on A ri dote *
Des Sf avans de ce tems eft encor la marote :
Tout ce qu'on dit contre elle efl une nouveauté i
£t fans autre examen doit être rejette :
Comme fi les erreurs ou furent ces grands Hom<«
mes ,
Méritoîent du refpcft dans le fiédc oii nous fom-
mes 1
LIVRE XII. ' XS9
£c ceffiuic d*écre errears par leur antiquité ,
Avoieat enfin prefcric contre la vérité. M l le E
Mais je fcns que bien-tôt ce icms va difparoicre : CARTI
Bien-toc tous les Sçavans me vont avoir pour
M^re :
Tout fiiivra votre exemple , 6c par vous quelque
Tatirai ic mon côté la Sorbonoe & la Coar.
Ces grandes véricez » qui parurent nouvelles »
ParoîcroBC déformais claires » foiidcs , belles :
Tel Doétear , qui (ans vous n*auroic jamais cédé}
Des que vous parlerez , fera perfuadé^.
Quand la vérité (brt d*une bouche audi belle »
Elle force biea^tôt i'efprit le plus rebelle :
Et manqua» t-on jamais à la faire goûter »
Lor(qa'avec tant de grâce on fe fait écouter ? •
J'apperçois nos deux noms > toujours joints l'un 2
l'autre »
»
Porter chez nos neyeux ma gloire ^ec la vôtre ;
Et j'entends déjà dire en cent climats divers »
Oefcartes & la Vigne ont inflruic TUnivers...»
B:if0nfi Ae MademoifeHe dfi U Vigne i tOmbrê
de Defcétrtes»
8i j'o(bis , grand Génie , en croire vos paroles ,
Ombre , fi vos fermens n'étoient toujours frivoles »
Quel efpoir flateroit mon cfprir & mon coeur î
Que je me promectrois de fcience & d*honneut 1
Y îi
^6o BIBLIOTffEQC/E POETIQC/E.
7e verrois par mes foins la vieille erreur détruite i
LLi Des- L'Ecolfr, avec la Cour> heureufcment indruicc}
AltT£S
£c tout le monde enfin , par ma voix excité »
Dans vos doâes Ecrits chercher la vérité.
£n vain me âatez- vous d'une telle promeflè y
J'y répondrai fore mal > je connois ma foibleflè}
Je n*ai aun vieux Dodeur , ni l'air , ni les façons «
£t ne me (èns point propre à donner des leçons.
Aux grandes véritez je puis céder faas peiné } - .
Mais de les débiter je ne fuis pasiî vainc.. ;:
Jç lai/fe à nos Sçavans l'art de les étaler « . ■.
Et je ne les apprends que pour n'en point parIer«M;
LIVR £ X I I I. 1^5
Sévérité de tsmi , fréférskle M$tx comfUifênces
dupUêur.
Que j'aime d*un ami le langage fivére 1
Que je hais le difcours flatteur
D*un e(clave , d*un impoflear ,
Qui me trompe en voulant me plaire \
Perfide , loin de m'éclairer ,
Tu ne cherches qu'à m'égarer
Par tes difcours bibles & lâches %
Ta me livres la guerre en m'annonçant la paix \
Les véritez que tu me caches
Sont des larcins que tu me &is. >
Vdches i$vJif$s , ditrûmfex. k f berne de U mcrt^
Que je plains^ le fort des avares
A qui l'avide fbif des biens
Fournit pour s'enrichir mille nouveaux moyens >
Toujours injuftes & barbares l
Leur richefle ne fait qu'irriter leurs défîrs >
Ils ne goûtent jamais de (blides plaifirs \
Louis 9 qui fCtnt fdmdis Jté^d»^
Mf ieuxjêtmes Héri dvtc uni Héroïne»
Tant de mdtiere CT* tant de choix.
En fept vers fui d'iute tkrdde >
C'efi meurt plus que tlUdde
Dont uue coquille dt noix,
t ïAeliord ftmt vnherd dUigtnùs > quim ofitdd yUndiefI*
th. Prov.
%6% BIBLIOTHEQUE POETiQUE.
Iestu. ^^ 9 ^^ ^^ tomber dans une langueur qui le
mit hors d'état de s'appliquer davantage à
aucune étude férieufe.. Le Public a toujours
fedt cas des Poëfies de AL F Abbé Testu* j
cependant un fameux Critique de nos
jours femble avoir aflfèfté d'en parler avec
jnépris. N'auroit-ikpas confondu notre
' Auteur avec un autre Abbé Teftu , dît
de Mauroi > dont le nom & les vers font
publiez depuis long tems f
Smr U nmffknce de M,, le Dt$c de Benrgegiti»
Yj u Fils , du Pcrc & du Grand- Pcrc
Célébrons le bonheur en ce ban(]aec > fanieaz.
Qoe le Grand-Pere e(l grand ! que le Fils cft hea*
reuxi
Du Petit-Fils il n*e(l rien-quon n'c(pexe :
n aura les vertus & rcfpric de fa Mère.
Qu'il étonnera nos Neveux ,
^ S'il trouve encor des conquêtes à faire t
I chez Maiame U Duchedê de Richelieu , où M . l'Abbé
Testu , animé par la joye des Convives > fie fur le champ
même ce Madrigal.
1 Mademolfelle de Scudery fie à l'occafion de cet is«
^ompcu Us veis fui vans :
Il fdHt une adreffe divine
J^our Umr dans un M^drigél ,
LIVRE X I I I.
i6^
Sivmti êk tsm , fréfirâhU é$$tx comflmifMnces
dtifiMteur.
Qp2 j*a!me d*un ami le langage Civéxc l
Que je hais le difcours flatteur
D*un efclave , d*un impoflear ,
Qui me trompe en voulant me plaire l
Perfide,. loin de m'éelairer,
Tu ne cherches qu'à m*égarer
Par tes difcours foibles & lâches ^
Tu SIC livres la guerre en m'annonçant la paix t
Les véritez que tu me caches
^ Sont des larcins que tu me fais. >
BJehes svsres , dhromfex. à f heure de U mort»
Que je plains^ le fort des avares
A ^i l'avide fbif des biens
Fournit pour sr'enricbir mille nouveaux moyens j
Toujours injuftes & barbares 1
Leur richefle ne fait qu'irriter leurs défirs -,
Us ne goûtent jamais de (biides plaifîrs ;
Testw,,
Lovis ) ^Mt n'eut jamais ftegd,,
Xi dettx' jeunes Héros avec une Héroïne,
Tant de matière V tant de choix ^
£» fe^ vers tout dune tirade >
C'efi mettre plus que ^Iliade
Dans une coquille de noix»
1 lieliora funt vnheTa diligerttis > ijuàm ofitda yUndiefI*
^«.Prov.
J
2^4 BIBL10THE(IUE POETKll
Toujours quelque (buci les range
i'ESTU. £c lorfque la mort vient dlffiper leur (bmim
Ces fra^les créfors qu'ils poiTédoicnt en (bnj
Echappent de leurs mains au cems de leur ré*
Littre * fur les conquêtes de Louis XI
Dans le cems que les Zépliks
Se levant avec l'Aurore , ■
Renouvellent leurs Couples-
Pour le fervice de Flore :
Que tout l'Olympe fe dore ;
Et qu'aux inirôcens plaifirs
Mille fleurs qu'on voie éclore..
Invitent cous les défîrs.:.
Je penfbls au bord de Loire
Que la plus brillante gloire
N« valoir pas mon repos j
Et mon audace éteic celle >.
Que je plaignois les Héros
Qui ne vivent que pour elle.
rétois dans ce moment tout occupé db b
I Dàrmi erunt fomnum ftmm , &f Mil ruveturu
%>m diiùtUrHm in mAmbus fnis, l'fal.
t Cette Lctcrc fur écriic àz U campagne i une pcr
U Cour, * ** '
LIVRE XII I. zar
m
Par tout ou ce grand courage
Voudra répandre l'orage , Xtsru
Il trouvera tout fournis ;
£t pour lui faire la guerre ,
Dans quel endroit de la terre
Aura-t'il des ennemis ?
Rien n'efl égal à fa gloire :
Je vais par tout TUnivcrs
Travailler à faire croire
Tant d*évcnemens divers.
Mais toi , quitte ce rivage ,
£t fans languir davantage
Dans un fî fbmbre repos »
Va fur les bords de la Seine
Chanter , à perte d'haleine»
Cet invincible Héros,
À ces mots la DéefTe difparat. J'eusbeau la fiiivre
-des yeux à la trace de quelques rayons qu'elle laifTa
derrière elle , je la perdis de vue , 8c je fentis dans
ce moment qu'elle emportoit avec elle toute ma
joye & tout mon repos. Quoi donc ? m*écriai-jc
alors , fcra-t-il dit que je languirai dans ce défère ,
& que je vivrai pour moi feui , fans prendre parc
à la gloire d'un fi grand Prince , dans le tcms que
Tout l'Univers applaudit à fcs vi<^oircs i
2ij
11^6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
£ûc o(2 former reiiTie
^*^ï'u- Dç cueillir tant de lauriers \
Les plus fuperbes rWieres
Cèdent aux loiz du Vainqueur «
£t font de fbibles barrières
Pour arrêter ce grand conir.
Le Rhin qui roule fès ondct
Orgueilleufès & profondes »
Et. tous ks flots mutinez;
5ont un rempart inutile
Qui ne peut feryir d'azile
Aux Bataves étonnez.
Ceux que Tintérét engage
Avec ces peuplés mutins,
LaifTent crever le nuage
Sans irriter les Deftins.
Ils (ont témoins de la gloire
£t refpeâent la viâoire
De ce Héros fans pareil :
Le Lion craint fa menace.
Et l'Aigle n'a pas l'audace
De regarder ce Soleil.
Quelle digue eft aflez forte,
Et qui peut (è garantir
De l'ardeur qui letranfporte»
S'il veut la £iire fcntir ?
LIVRE XII I. Z6J
Par tout ou ce grand courage
Voudra répandre l'orage , T*stu
Il trouvera tout fournis ^
£t pour lui faire la guerre ,
Dans quel endroit de la terre
Aura-t'll des ennemis >
Rien n'efl égal à fa gloire :
Je vais par tout TUnivcrs
Travailler à faire croire
Tant d'évencmens divers.
Mais toi , quitte ce rivage ,
£t fans languir davantage
Dans un Ci fombre repos »
Va fur les bords de la Seine
-Chanter , à pêne d'haleine »
Cet invincible Héros.
•A ces mots la Déeffe difparat. J*eusbeau la fuivre
*des yeux à la trace de quelques rayons qu'elle laifTa
derrière elle , je la perdis de vue , Se je fentis dans
ce moment qu'elle emportoit avec elle toute ma
joye & tout mon ïepos» Quoi donc ? m*écriai-jc
alors , fera 't -il dit que je languirai dans ce dé&rt ,
& que. je vivrai pour moi feul , fans prendre parc
-à la gloire d'un G. grand Prince , dans le tems que
^uc l'Univers applaudit à (es vi<^oires i
2 il
i.eîS BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ce peofer m*accabla d'une (bp:ibre.trifl:cflè.:
Xe^tu« £c mon cœur en fut abbatu :
-Ce que jufgues ici j*avois pris pour verra ,
Me parut iaogueur & moUefle.
Ce féjour o)i j'avols.trouvé tant de charmes » com.
mence à me devenir odieux. Je n*ai plus de goftc
pour le fîlence de mes bpis * & je me dis à toute .
heure, qu'il e(l honteux de fuir le monde , quand
il a de fî grandes .cho(cs à nous faire voir.
Plus je médite & je confulte^
fAzlgré ce qu'autrefois tous les Sages ont dit ;
Plus je tiens qu'il eft beau de fe plaire au tumulte,
^Quand un Conquérait fait ce.tumuhe'&ce bruîc
^aîs encore quel Conquérant , qui commence 4c
achevé fcs conquêtes pre(qu'en même tems l
Ainfi des hautes montagnes
Tombe un torrept furieux »
Qui ravageant les campagnes
Se fait pafTage en tous lieux.
D'une cçurfe û rapide
Le vaillante le timide
Ont une égale terreur :
Tout cède à fa violence «
Hus on lui fait réfiflance «
Tl\xs jon rcffcnt fa fureur..
£ ï V R E XI IL 169
A me (etiible que je n ai plu) rien à dire aux ar-
fires 8c aux rochers , que j*entretfcnois autrefois
atec tatit de plaidr : 6c je né trouve plus rien qui
xhë puifTe plaire fur les bords de la Loire, dcpufs
que j'ai entendu dire ce qui s'eftpaiTé fur les bords-
«1 Rhiii*.
Le criflal d'une fontaine >-
Le brillant éclat des fleurs ,
Ne m'échaufFent plus la veine'^
Ma Mufè m'appelle ailleurs.
De Flore ni du Zéphire ,
De l'Aurore & de fcs pleurs ,
Je n'occupe plus ma lyre -, .
Ma Mufe m'appelle ailleurs.
Que la Nymphe Echo foupire
Et redife Ces douleurs -,
J'ai d'autres chofes à dire ,
Ma Mu(è m'appelle ailleurs.
Je Hiis donc ré(bla de quitter mon dé(ert pour aller
m'inflruire du détail de ces glorieux évcnemcns .
dont la ftule idée m'a rempli d'admiration j mais
avant que d'exécuter mon delfcin , je m'adrc/Te à
vous pour fçavojr Ci le récit que l'on m'a fait cft
véritable. Il y auroit de l'imprudence à mo; de
■l'-cmbarquer fur la i>arole d'une DéefTc, qai>
Tes-1
270 BIBLIOTHEQUE POETIQIJE.
comme vous fçavex , ne die pas toujours vrai , &
2STU. qui même dans cette occafîon ne m*a rien dit de
vraifemblable. Mais n'en demeurez pas«là , je vous
conjure , & ne penTez pas que je vous en quitte
pour me confirmer les nouvelles que la Renommée
efl vcnu'é m*apprendre dans ma folitude. Mandez*
moi en même tems fi les autres chofès que 1*00-
m'écrit tous les jours de ce grand Prince , font vé-
' litables -, & s'il joint à tant de qualitez héroïqaei
toutes celles qui gagnent les cœurs , toutes les ver-
tus & tous les agrdmens de la vie privée.
Ce n'efl pas (ans fujet que je tiens ce propos.
Sans parler du fiécle ou nous fommes »
Dans les fiécles pafiez fou vent de grands Héros
Ont été de très-petits hommes.
il falloit entendre parler de leurs combats & de
leurs vî<^oires pour s'en former une grande idée.
Dans la vie civile & partout aillears , c'étoient des
hommes du commun qui fe rctrouvoient confen«
dus dans la foule- Si je m'en rapporte aux relacions
que Ton me faiï tous les jours , il n'en eft pas ainfi
de notre Héros : il n'a pas besoin d'ctfe regarda
dans une certaine didance -, plus on l'approche ^
{lus on l'admire.
Son air , Ton abord cns-i^e ,
fi n^
Il plak , il charme 3 il furprend :
LIVRE XIII. zjy
UEternel a pris naifTance ,
UImpaffible cft tourmenté ; . . "^^"^^
Le Verbe e(l dans le fîlence »
Et le Soleil fans clarté.
Les divines Prophéties
S'expjlqnenedansce moment >■
Et (ont bien^tôt éctaircles
Par ce mervellleax Enfant.
Une Mère Vierge & pure ,
En bannit robfcurité :
Les ombres & la figure
Font place à la vérité.
Bergers , qui > d'un (bîn fidéfe v .
Avez l'oeil fur vos troupeaux ,
A cette grande nouvelle
Accordez vos chalumeaux : .
Chantez des Hymnes (àcréet^
Pour ce divin Rédempteur , .
Qui des brebis égarées
£(l le fouverainPafteur.
Pour bri(èr toutes nos chaîner , .
Il s*eft mis dans les liens «
£ts*e(l chargé Je nos peines
Pour nous combler de fes biens :
Celui devant qui les Anges
Tremblent écerneilemeut ,
174 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Eft enfermé dans des langes
£STCf« Sous la forme d'un enfant.
Ne tardez point * allez , Mages y
A cet Enfant glorieux
Faire de juftes hommages
De vos tréfors précieux :
Suivez l'aftrc favorable
Qui luit pour vous éclairer r
Allez voir dans un étabic
Le Dieu qu'il faut adorer.
Jadis Adim, par (on crime,.
Avoic rciiié notre fort :
Le Monde étoit la vidlimc
Du démon & de la mort.
Mais . ô faute falutaire I
€rimc illuftre & glorieux ,
Qui nous donne un Dieu pour Frcrc >
Et qui fait les hommes Dieux l
Dieu ne nous a faits que pour lui , ^ nous nefow*
vons trouver quen lui feul notre repos.
C'est un effet de ta juftice
Que le pécheur qui fuit le monde & Ces appas*
N*aime jamais rien ici-bas
Qui ne dcvienae fou fupgUce;^
LIVRE X I I L zyy
L!Eternel a pris naifTance ,
L'lmpa(fible.eft tourmenté ; . .
Le Verbe e(l dans le fîlence >
£c le Soleil (ans clarté.
Les divines Prophéties
S^expjiqrrent dans ce moment >■
Et (ont bien^tôt éct^ircies
Par ce merveilleux Enfant.
Une Mère Vierge & pure ,
En bannît Ibbfcurité :
tes ombres & la figure
ïbnt place à la vérité.
Bergers , qui » d'un (bîn fidèle , .
Avez Tœil fiir vos troupeaux ,
A cette grande nouvelle
Accordez vos chalumeaux :
Chantez des Hymnes facréer.
Pour ce divin Rédempteur ^ .
Qui des brebis égarées
Eft le fouverainPafteur.
Pour brifer toutes nos chaîner, .
U s eft mis-dans les liens y
Ets*eft chargé de nos peines
Pour nous combler de fcs biens ;
Celui devant qui les Anges
Treiablent éternellemeuc ^ .
TfiETtJ
274 BIBLIOTHEQUE POETIÇ
£(1 enfermé dans des langes
ïisiu^ 5ous la forme d'un enfaoc
Ne cardez poiac , allez « M
A cet Enfant glorieux
Faire de judes hommages
De vos créfbrs précieux :
Suivez ladre favorable
Qui luit pour vous éclairer r
Allez voir dans un érable
Le Dieu qu'il faut adorer.
Jadis Adam, par Con crime,.
Avoir ré.i!c notre fort :
Le Monde écoit la victime-
Du démon & de la mon.
Mais, ô faute fàlutairel
Crime illudre & glorieux ,
Qui nous donne un Dieu pour ]
£c qui fait les hommes Dieux •'
Dieu ne nous a faits que peur lui , (^ n^m
vons trouver qu'en lui feul notre repi
Cest un effet de ta juftice
Qttc le pécheur qui fuit le monde & fes ap
N'aime jamais rien ici-bas
Qui ne dcvicnac faa fupplicc.
LIVRE X I I J.
^77
ODE.
'Malhetir de U Guerre.
C'Onr ART, quan^ -finiront ces gacrws obfti-
nécs ,
Qui depuis deux fois dix années
Coûtent tant de pleurs.à nos yeux ?
'-Entendrons- nous toujours Taigre Ton des trom-
pettes ?
Et les douces mufettes
Sont-elles pour jamais abfentes de ces lieux \
.Les obfcures forêts &les antres humides .,
Four cacher nos Bergers timides.,
Ont à-peine afTez de buiffons :
De chardons hérlfTcz nos plaines font couvertes ^
Et, nos granges djifertes
Attendent vainement le retour des moiflbns.
De combien de châteaux & de citez fuperbes
A-t on mis à l'égal des herbes
Les murs jufqu'aux aftres montez i
Que le glaive en nos champs a fait de cimetieresl
Et combien nos rivières
vîi mêler de fang à Icuis flots argentez l
'y son fantôme d'honneur .c*eft f our toi que Tépéc^
Sans ccifc au maifacre occupée ,
178 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
A mis rant de gaerriers à bas :
VI A u- C'efipour toi qu'au mépris des plus mortelles arma
^ ° ' ^* Ils volent aux allarmes ,
Et femblent navoir peuc que de^ne mourir pa&
Etrange aveuglement à la race des hommes!
Pourquoi , malheureux que nous (bmines,
Avancer là fin de nos jours ?
D'od fc forme en nos cœurs cette brutale envie
D'abréger une vie
Dont le plus long efpace a des termes fî courts?
La Mort de fcs rigueurs ne difpenfe perfenoc:
L'augufle éclat d'une couronne
Ne peut en exempter les Rois :
N'efpére pas , Conr art , que ton mérite cxtrfflKs
Ni la Mufe qui t*aime
Te mettent à couvert de (es fatales {oli;.
Ta fagcfle , il efl: vrai , fait honneur à notre igCi
Mais de quelque rare avantage
Dont un mortel (bit revêtu »
Son terme efl limité ^ le Nocher de la Parque,
Dans une même barque
PafTe indifféremment le vice & la vertu»
L I V R E X I I L 277
ODE.
,'Malhetêr de U Guerre.
CONliART,quaa(i fiiilronc ces gacrces obfti*
nées ,
Qui depuis deux fois dix iinnécs
Coûtent cane de pleiirs.à nos yeux ?
<£nrepdrQns*iioiis toujours l'aigre Ton des trom-
pettes;?
Et les douces mufettes
Sont-elles pour jamais abfentes de ces lieux \
Xfis obfcures forêts &les antres humides ,
:^Qur cacher nos Bergers timides.,
Ont à-peine afTez de buiffons :
De chardons hérlfTcz nos plaines font couvertes ^
Et, nos granges déferces
Attendent .vainement le retour des moifTons.
De combien de châteaux & de citez fuperbes
A-t on mis à l'égal des herbes
Les murs jufqu'aax aftrcs montez i
^ue le glaive en nos champs a fait de cimetières 2
Et combien nos rivières
^ vu mêler de fang à l&uis.flots argentez !
Vain fantôme d'honneur .c*eft f our toi que Tépéc^
.i^Aus ccife aa maifacre occupée ,
M AU-
CR o I X
: K. o X X.
178 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
A mis tant de gaerriers à bas :
M A u- Ccftpour toi qu'au mépris des plus morcelles arme
Ils Yolcnc aux allarmes ,
Et Semblent n'avoir peur que de -ne monrlr pas»
Etrange aveuglement à la race des hommes I
Pourquoi , malheureux que nous (bmmcs
Avancer là fin de nos jours ?
D'où fe forme en nos cœurs cette brutale envie
D'abréger une vie
Dont le plus long efpace a des termes fi courts \
La Mort de fès rigueurs ne difpen(è perfbnnc:
L'augufle éclat d'une couronne
Ne peut en exempter les Rois :
Kcrpére pas , Conr art , que ton mérite cztrfmci
Ni la Mu(c qui t'aime
Te mettent à couvert de fcs fatales loir.
Ta fageflc , il eft vrai , fait honneur à notre ige^
Maïs de quelque rare avantage
Dont un mortel (bit revêtu ,
Son terme eft limité j le Nocher de la Parque,
Dans une même barque
Vz& Indifiércmment le vice & la vertu.
M
LIVRE XII I. 279
fâ» Ami qui 'mtéloit rengager kfe marier, 1
Ami * je vois beaucoup ic bien c r o
Dans le parti qu'on me propoCè ;
Mais coucefois ne prefTons rien » ^
Prendre femme cft étrange cho(è ;
Il faut y pen(èr mûrement.
Gens fages , en qui je me fîe ,
M*onc die que c'eft fait prudemment
Que d'y peafer toute ùl vie.
^ de Mauchoxx étant venu fort jeune à. Paris , fuivic
rreaa jufqu-â Tâge de trente ans. On voulut alors l'en-
' â fe marier j mais au grand étonnement de tous Tes
,. il prit l'habit Ecclé/iaftique , & fut auiC.tôt pourvâ
CanomcaCjSc d*un Prieuré.
^iii§<i9
wM-UÊmammmmimai
i8i BIBmOTHEQUE POETIQUE.
^ Qac.jc Cctok heureux d'y borner mon envie l
A Fossx» Mais que je crains , belle SiWie ,
Quun jour je ne veuille être aimé!
A U même-
Vous m'ordonnez devons écrire ,
Mais votre libre humeur cjai ne cherche qu'à ri;
Yeux qu* un (lile enjoué vous exprime mes feux^
Pour facis faire votre envie ,
Rendez-moi donc, belle Silvie ,
Plus content , ou moins amoureux.
Sur ttne belle voix i^ de bwMHxytuXm
En vain dune amoureufe flamme
la raî(bn devant vous (bnge à garder une ame }
Votre voix , belle Iris , par les foins les plus doa
îi)dort fa vigilance ,& trompe Ces allarmes »
Tandis que vos yeux pleins de charme
Percent nos cœurs de mille coups.
A la mime y en lui tnMj/Mnt tUsfieuts*
AuFRi's de votre teint , dont l'éclat eft fi doa
r C;:s fleurs vont voir d'abord tout leur éclat s
icindre :
Mais , belle Iris , qui peut les plnindre
Ilks vont mourir près de vous. .
L I V R E X 1 I I, 18}
Jaloufie.
Quel chagria me fai(ît ! que mon ameeft trou-
blée 1
Iris va dans une aflemblée »
Oii mon Rival Tatcend , & fuirra tous fes pas»
n n*cn eft point aimé , û j'en crois cette Belle (<
Mais le bonheur d'être auprès d'elle
Doit-il être pour ceux qu'elle n'écoute pas ?
Sur un TêftTMit*
Telle fut celle dont les chnrmes
Mirent toute la Grèce en armes.
Trop heureux le Beiger qui fut (on favori !
Mais (I la belle Grecque eut eu cet air modefte >
Paris à (à Patrie eût été moins funefle -,
Le refpeéfc l'eût fait taire , & lui fcul eût péri.
Le bonheur inutile.
Devant moi Taimable Clîmene
Ne montre que froideur , & me regarde à peioc.
Loin de moi j'apprends que fon coeur
Rend à mes feux plus de juftice.
Amour , (bufTres-tu ce caprice \
Ne fera s-tu jamais préfeoc à mon bonhcor ^
A a ij
FoSSEii
184 BlBLlOTHEqUE PŒTIQU^.
Sur r Amour f^ la Foritutê^
I O Deftin des mortels ! ô mifîfre infinie !
le Ciel f des le premier jufques au dernier jour *
Nous foumet à la tyrannie
De la Fortune , ou de l'Amour.-
L'Âmour eft un enfaat , la Fortune une femme t
Tous deux font aveugles & fous :
Tous deux changent (ans cefle & de vî(age& d*anie.
Sous deux Maîtres pareils quels biens trouverions
nous i
Sur Bidon.
DiDON , tes deux maris te comblent de doulcatk
le premier meurt » tu fbisvlc fécond fuit, tu meurs. ^
Sur Us foriraits de MadéntoifitlU.CtérâJtw..
Par les mêmes couleurs fbn adreflè fécondé
Y diflingue, à fon choix, &xe , âge , brune •bloiid&
Douceur, fierté, {buris, dédain, joye, ou lai^iiev^
It fur l'air du vifage étale tCMitle. coçur»
t Ce Madrigal c(t traduit de TEtpagnol de Chtifionlll.
Canilcjo.
z On ne peut rendre plus Hct^alemeiiE & «vec plwdcfi^
ÙSon ce diftique Latin , déjà cité :
■
JfiftUx Dido , nuUi bent nufta marif ,
L I V R E X 1 I I, 18}
Jaloufii.
QusL chagria me faifit ! que mon ameeft trou-
blée !
Iris va dans une aflemblée 9
Od mon Rival Tattend , & fuirra tous fcs pasw
H n'en eft point aimé , fi j'en crois cette Belle \
Mais le bonheur d'être auprès d'elle
Soit- il être pour ceux qu'elle n'écoute pas ?
Sur un Pêrtrait»
Telle fat celle dont les charmes
Mirent toute la Grèce en armes.
Trop heureux le Berger qui fut fon favori !
Mais G la belle Grecque eut eu cet air modcflc v
Paris à & Patrie eût été moins funefle -,
Le re(peâ l'eût fait taire , & lui feul eut péri.
Le bonheur inutile.
Devant moi Taimable Climene
Ke montre que froideur , & me regarde à peine.
Loin de moi j'apprends que fon coeur
Rend à mes feux plus de juftice.
Amour , fouffres-tu ce caprice }
I^clêra s-tu jamais préfenc à mon bonheur ?^
A ai)
284 BIBLIOTHEQUE PÇ^ETIi^C/J^.
- ■■ -- Sur r Amour é^ la Fortune»
I- O Deftin des mortels ! ô mifére infinie l
le Ciel f dès le premier jufques au dernier jour »
Nous (bumet à la tyrannie
De la Fortune , ou de l'Amour.-
L' Amour eft un enfant , la Fortane une femme i-
Tous deux (ont aveugles & fous :
Tous deux changent fans cefl*e & de yifagc& d'aroe^
Sous deux Maîtres pareils quels biens trouverions»
BOUS?
Sur DUon,
DiDON , tes deux maris te comblent dé douteun^^
le premier meurt , tu fbis^Ie fécond fuie, tu meurs. *-
Sur Us portraits de Madémoiftdle.CJséfoit*..
Par les mêmcç couleurs fon adreflè fécondé
Y diflingue, à fon choix» Cbxe , âge , brune «blonde»
Douceur, fierté , (buris , dédain, joye, ou langaenr },
It fur Tair du vifage étale tout le ccçur.
t Ce Madtîgaleft traduit de rEfpagnol de Chtiftond de.
Caflilcjo..
1 On ne peut rendre plus lictéralemem & avec plus depil^
MiCion ce diftique Laciu , déjà cicé :
JjtftUx Dido y nulli hent nupta marito ,
H9t JtrtHtUe friis f bçefn^itnre ^erh. .
LIVRE X 1 1 I. 23
S
Sur un Portrait du Roi » ^ui (Tune mmn fout ient un
globe , (J» de P autre une Eglife. La Fqss
A rafpeâ de ce front > où Mars s'efl peint luî«
même ,
France * bénis l'Auteur de ta gloire (ùprême % .
Que la crifte Héréfie en pâlifle d'effroi.-
Le. voici et Héros qui I*obllge à fè rendre*;
Qui fait,. pour ton bonheur, tout ce qu'on peut
attendxe
D'un Père »£ùn€lirécien, d'un Conquérant» d^un
Roi.
ELEGIE;
Sur lesflaifirs aifez,*
Ovi'» Icsplàifirs aifez touchent (èuls mon envié ;
Pur eui iêuls eft fondé lé bonheur de ma-vie.
• » ■
cris de ces Amans > dont l'amc opiniâtre
^ncre un objet cruel fait gloire de combattre j
^ui veulent que la glace irrite leurs ardeurs.,
t go&tent mieux un bien aflai&nné de pleurs*.
(aiconque eft fi bizarre aa choix de fes délices»
k>it ne fèpromener qu'auprès des précipices ,
>oîc n'aimer le printems qu'après de longshivers*
loit , au mépris des fleurs , dont nos f rez (onc.
couverts >.
288 BlBLlOTHEqUE POETIflUEn.
"Or y pou vois -je chez vous en g^&cer les dou
^*' charmes,
Vous qui par votre exemple , & par vos entrecîeoiy
Des tendres cœurs ciécrianc les liens «
Infpirez encor vos allannes
k la jeune Beauté mîfe par vous au jour >
£t lui mettez en main les armes ,.
Dont vous fçavez vaincre 1* Amour \
Ccrte elle a fait (bas tgctc empire ,
Un progrés bien digne de vous.
Un Amant lui vient-il , d'un air (bumis flrdouxr
Découvrir en tremblant fbn amoureux manyrC)
Elle ne montre à fi:s yeux nul chagrin :
Mais elle le regarde avec un air malin »
Le quitte fans rien dire >.en hauffiinc les épauleSi
Puis fe met à chanter, on par un (auc badin •
Képond à fes difcoars frivoles.
J'cnrageol's de bon cœur de voir ainfi chez vous
Condamner an penchant fi doux»
Hé ! qui t'empéchoit de le faivre »
( Me direz- vous ici ) t'avois-je pas donné.
Un Amant avec qui vivre- ?
Oui , le tour eft , ma foi , d'an elprit raffiiié.
Vous me l'aviez choid fi groffier • fi «uftique,
Qu'on voyoit bien que votre envie uniqir
Etoit de dégoûter mes jeunes fèntimens
De Tamour & des amans.
Et puis , ne tient il qa*à dire : -
L I V R E X I I L 187
sroit-on qu'il fut un plus heureux dcdin ?
j'en entrecenois , fur les branches d'un hêtre , La-Fossb
Moineau , dont refprlt me parut fort moral.
lis , bannis > dit- il , ce (buvenir fatal ;
nge déformais que tu n'as plus de maître.
eut > à moins de frais , goûter un fort plus doux.
;raia de chénevi , qu'on trouve parmi Therbe ,
£ft d'un goût plus exquis pour nous ,
ces mets qu'on nous offre en un palais fuperbe.
chambre fort belle étoit l'heureux féjour
Il pouvois voler & jouer tout le jour :
Mais cette chambre , en fon enceinte ,
Limitait ta courfè contrainte.
. vois bien ce bois (1 beau , û fpacieux »
Ou tout me plaît , oir tout m'attire ^ .
S'il falloit que l'on me vînt dire ,
e fbrtiras plus de ces aimables lieux ,
Fais- y pour jamais ta demeure ^
Au(n~tôt ce bois à mes yeux
Ne paroîtroit qu'un féjour ennuyeux ,
ne étroite prifon oii je mourroîs fur l'heure.
bornes à mon vol je ne veux que les cieux.
De ce difcours , je le confcfrc ,
Je goûtai la folidité ,
£t puis lorfque vers la tendrefTe
Ou fe trouve auflî porté
Que les oifèaux de mon efpece /
un CGCur , fans l'amour , point de félicicé;
288 BIBLIOTHEÇIUE POETIQC/E,
" Or , pouvois-je chez vous en gràcec les dons
iAFo^SE. charmes-,
VoQS qui par votive exemple , & par vos cnttecîeiiiy.
De^ cendres cœurs ciécriant les liens «
Infpirez encor vos allarmes
A la jeune Beauté mife par vous au jour »
£t lui mettez en main les armes ,'
Donc vous fçavez vaincre l'Amour }
Cette elle a fait fous votre empire ,
Un progrès bi^n digne de vous.
Un Amant lui vient- il , d'un air (bumis Se doux»-
Découvrir en tremblant (on amoureux manyre )
Elle ne montre à Ces yeux nul chagrin :
Mais elle le regarde avec un air malin ,
Le quitte (ans rien dire,. en hauilànc les épaules.
Puis fc met à chanter, oU'par un faut badin <
Képond à fes difconrs frivoles.
J'enragcoîs de bon cœur de voir ainfi chez vous
Condamner un penchant fi doux»
Hé ! quit'empéchoit de le fuîvre ,
( Me direz- vous ici ) t^avois-je pas donné-
Un Amant avec qui vivre ?
Oui , le tour e(l , ma foi , d'un e(prlc raffiné.
Vous me l'aviez choid Ci grodîer , fi ruftique,
Qu'on voyoit bien que votre envie unique-
Etoit de dégoûter mes jeunes femimens
De l'amour & des amans.
Et puis , ne tient il qu'à dire :
VÎK,
LIVRE XII L 185
:e > aimez cet amant qui vous aime aujourd'hui >
Et pour lui d'abord oofoupire ? La Foss
ne-c'on , ou par l'ordre » ou parles yeuK d'autrui }
AS ces réflexions j'avois lame plongée ,
De divers &ucis rongée ,
and un Zéphir , fans doute envoyé par rAmour «
Que j'implorois chaque jour »
raale une fênécre > & l'eut bien-tôt ouverte,
fus prompte à faifîr l'occafion offerte.
yûtSy ak fiiivant dans le vague des airs ,
nrive dans un bols , ou des arbres divers
UépaifTe & verte chevelure ,
Le murmure des clairs ruifleaux»
tfait le plus beau lieu de toute la Nature.
Dans tout je bols , en un moment ,
irut de b^ en bec la nouvelle certaine
il jrcnoit d'arriver une Parifienne ,
Jeune, $c dit-on, d'un air charmant»
: bruit aafC-tôt des oi (eaux de tout âge.
De tout (exe , de tout plumage ,
De toutes fortes de noms ,
Viennent de tous les environs* ,
.On me regarde , on m'examine.
Ils me trouvoient certains airs fîns^ touchanSj
Dans le regard , dans le port , dans la mine •
plis convenoient tous que Ton n'a point aui^
champs,
iris fur leur louange une nouvelle audace.
Jmillh Bb
x^o BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Je déployai mes aijes à leurs yeux »
La Fosse. Et par un volingénieax ,
Dans les airs aufli-câc je trace
Ces chiffires amoureux , ces cercles fi charmanS|
Qu'en un bal i ayec tant éc grâce ,
' Sçaic former votre fille au (on des iiiftnimeos.
Pour m'applaudlr , chacun battoic des aile
Et par- là je déplus beaucoup à quelques Belles.
Une allouette furtouc ,
Voyant (on amant prendre gouc
Aux agrén>ens de ma per(bnne ,
Me dit d'un ton malin : bel oifean de Paris ,
Montrez- nous quelque e(Cd de votre voix m
gnonne y
Du nouvel Opéra n'auriez- vous rien appris ?
Comme Ton (çait , celles de mon e(peoe
Sçavent mieux aimer que chanter |
£t la 7alou(è crut , trouvant cette finefle»
Que ma voix all.oit tout gâter.
Mais je rabatis biisn (on caquet & ùt gloire.
Je m'apprêtai , je pris mon ton ,
£t je leur chantai (ans façon
Un air qui me vint en mémoire ,
Un air tendre & touchant * que d'un génie «iff
Votre fille , en charmes féconde ,
A nouvellement compo(é.
Que vous dirai-je enfin ? Je ravis tour te CQondc»
Surprife & coafufc à la fols ,
LI VRE X I I L ift
L*Allottecce en perdic la yoix ,
Apprenant par cette aranture £^ p^^j
Qu'en moi vos foins heureux corrigeoient la oatore.
Ceft ainfi que je fçus des hôtes dé ce bols
Charmer 8c Toreille & la vue ,
Et je n'y vécus pas long tems (ans £Ure choix
D'un amant qu'attache à mes lolx
Une ardeur Hncere» affiduë....
Mais je fuis contraifire à finir.
Adieu > je Tapperçois venir.
Lis Etûilis conjurées contre le SolesL
/•
< Les aftres Indignez de voir en ùl carrière i .
le Soleil étoufièr leur plus vive lumière ,
De l'Univers charmé fèul attirer les yeux ,
Nl'aguére, en leur fureur, troublèrent tous les CleuXt
Mais (ortout Jupiter enflammé de furie ,
£t cet aftre fameux qui luit fur l'Hefperie ,
De la (SEdltion donnèrent le fignal.
L'un ne veut point de Maître , & l'autre point d'égal*
Tous demandent leur part aux honneurs de la Tetre«
I«*£tivie au Ciel heureux fait-elle audî la guerre }
Auffi^tôt de grandeur & d'éclat différens ,
De leurs cercles (brtis , on les voit tous errans.
t Ce Po&ne allégorique eft traduit du Latin du R. P^
Commire.
Bbii
LaFosse,
■ ■ ' — — ^f
i9t BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Nul n'eft plus fixe alors. La fureur les emporte,
£c chez Mercure accourt la brillante cohorte.
Le filence & la ouit aidoieat à leur deflèin.
Le premier des poifTons , dans un traotporc fimdaia«
Jetcant l'œil fur fa queue encor toute brûlée ,
Claies flambeaux de l'Olympe , éclatante aflcmbUe^
De quels honteux affronts , dit-il en gémi/Ianc •
Nous accable aujourd'hui le Soleil couc-paiflam?
C*eft lui (èul en tous lieux,qu*on ali|ie,qu'Qn révéra
S*il ne quitte le Cipl , qu'y prétendonsrnoos faite \
Toi-même , Jupiter , que le plus hatu deftin
Fit du Père des Dieux le fîls & le yoifin , -
Combien de fois » hélas i frappé de (à lumiot ».
T'à-t'on vu pâliflant retourner en arrière ?
Ton Aigle > dont le vol lùivoit partout ta voix y
Les yçux tournez vers lui , (èmble implorer (es loiX|
t>ans (bn refpeâ: rebelle eft jaloux de la Terre ,
£t voudroit en fes mains remettre le tonnerre.
Et toi brillant Vefper, bel aftre , à qui toujours
I^*avaQCage étoit du de devancer (on cours,
Aux yeuix de TOccideut confus de tes di(graces #
Ne t'affcrvip-il pas à marcher fur fes traces \
C cd lui , qui de la Lune obflacle injurieux,
Arrêta tout à coup (on char vlârorîeux ,
Lorfquc pouffant plus loin (es limites fatales*
M refferroit le cours des Etoiles Auftralei.
Lf Bélier dépouillé deux fois de fa toi (on •
Adore maintenant fon pouvoir ^kvL obnu
L I V K É X I I I. X9J
Aux antres , aux rochers , aux arbres, aux fon-
taines I
Le$ yeux noyez de pleurs , je raconte mes peines.
£cho > feule (èiiifiblc à mes vifs déplaifirs ,
Dans un antre yoifîn imite mes (bupirs.
Souvent du haut d*un roc élevé dans la nu<f >
Vers le vafte Océan tournant ma trifte vu'é >
Aux vents , aux flots > aux Dieux f adre/Te ces dif-
cours
Répétez mille fois, & méprlfez toujoufs.
O vafte mer , & vous > aimables Néréides ,
Tortez-rooi far les bords od vont mes vœux ra-
pides :
Ou pour un malheureux fi c*efl trop demander ,
Par un naufrage au moins que j'y puifTe aborder.
Combien de fois , prefl^ de mes doule urs mortelles ,
Ai- je dit aux Zéphirs , dont j'envlois les ailes : .
Doux Vents , qui devez voir la belle Amaryllis ,
Contez-lui les regrets du fidèle Daphnis !
Qu*ain(i fur les rochers des hautes Pyrénées >
Ne fe brifent jamais vos ailes fortunées :
Quainfi le Dieu du jour » au gré de vos(bahait$ »
Di/Iipe devant vous les nuages épais.
Combien de fois , hélas l quand d'une aile rapide >
Eurus y en (t jouant , fri(bit la plaine humide »
Lui dis- je, O toi qui viens de Taimable féjour ,
Od régne la Beauté pour qui je meurs d*amour ,
Dis-moi > de (on Daphnis le fouvient-dle encore ?
B b iiij
k Fosse.
194 SIBLIOTHEÇiVE POETlqUE.
TltA0UCTION DE l'IdILIE !>£ BuCMAMAHy
Oformofa Amarylli , ^c,
1 O betle Amaryllis » déjà loin de tes fcta
Sept hivers > ièpt étez m'airrétent dans ces lieoxs
Mais j'attefte d'Amour la puifTance immortdie r
Que ni de fepc hivers la froidure cruelle •
Ni de fept longs écez la br&lance chaleur »
£a changeant l'Univers , n*oiic point changé mon
cœur.
De mes tendres chanfons coi feule es la matière»
Soit lorfque le Soleil commence fa carrière,
Soit lor(qu'aa fond des bois on fuit TArdeur di
jour ,
Soit quand la trifle Nuit vient régner i fbn tour)
£t quand tout eft caché (bus fes nnages (ombreTi
Toujours je te crois voir au travers de Ces oabres i
Te te parle , t'embraffe , & des (bnges charmans
Retracent à mes yeux nos plus heureux momens.
Mais dès que te(bmmeil a quitté ma paopierey
Mes^agrlns renaiflans ainfi que la iumiett»
Te quitte ma cabanne > & Cca\ au fond des bois •
Guidé par ma douleur qui fait trembler ma voix»
1 Cette traduâion du chef-d^oeuvre âc Buchanan» afet
bcautez ; mais elle cft fort inférieure à celle que M. Richet ♦
h connu par Tes Fables, nous a donnée depuia de Umêfl»
Idylle,
LIVRÉ X î 1 h X9Î
Aux antres » aux rochers , aux arbres > aux fon-
taines > La F
te$ yeux noyez de pleurs , je raconte mes peines.
Echo , (èule (èrifiblc à mes vifs déplaifirs ,
Dans on antre voifin Imite mes (bupirs.
Souvent du haut d*nn roc élevé dans la nuif >
Vers le vafte Océan tournant ma trifte vue ,
Aux vents , aux flots > aux Dieux f adre/Te ces dif-
cours
Répétez mille fois, & méprifez toujoufs.
O vafte mer » & vous > aimables Néréïdes ,
~ Portez-moi far les bords ou vont mes vœux ra-
pides :
Ou pour un malheureux fi c*efl trop demander »
Par un naufrage au moins que j'y puifTe aborder.
Combien de fois > prefl^ de mes doule urs mortelles^
AÏ- je dit aux Zéphirs , dont j'enviois les ailes : .
Doux Vents , qui devez voir la belle Amaryllis ,
Contez-lui les regrets du fidèle Daphnis !
Qu'ainfi fur les rochers des hautes Pyrénées >
Ne fe bri(ènt jamais vos ailes fortunées :
Qu*ainfi le Dieu du jour » au gré de vos(buhaits »
Diffipe devant vous les nuages épais.
Combien de fois , hélas ! quand d'une aile rapide »
Eurus y en k jouant » frifoit la plaine humide ,
lui dis- je, O toi qui viens de Taimable féjour ,
Où régne la Beauté pour qui je meurs d*amour »
Dis-moi > de Ton Daphnis £è fouvicnt-dle encore ?
Bbiijj
1^6 BÎBLIOTÉEQUE POÉTIQUE.
Mais lai, (ans répliquer, plus fier, plus je Tlmplori»
Fosss. D*un murmure i nfulcanc m'eic pliqae (on courroux »
SVnfuic. Un froid mortel gface nioU cœur |aloikdi.
Ainfî je me confume 3 ainfi Bergers , Bergeret >
Et Nymphei & S»ylvàins y danfant fur les ftKKga^t
£b yaîn penfent charmer mes ennuis rîgooxeitf^
La belle Amaryllis a feule cous mes yonut.
Cependant quoique trifte , errant « incon(blabte|
A Lycifcjue , à Mélis j*ai pu paroitre aimable :
Lyci(que , dont on vante & la dan(è & la yoîx \
Mélis y dont Tefprit doux f^ait faire aimer fo loiX|
Ibères toutes deux , riches SC dans on âge .
Qui du plus vif éclat fait briller un vifage.
Leurs mères (buhaitant que je lespuilTe ainitt,
Les excitent fans ceffe au foin de me charmer $
Tandis que fécondant leurs yeux & leurs careflês»
Leurs peret en (écret me font mille promefics •
Mepropofênt pour dot cent brebis , cent ^oeauxi
Par moi-même choifis dans leurs nombreux troa«
peaux.
Mais ni ces cent agneaux offerts avec leurs mereS^
Ni les difcours flatteurs de ces jeunes Bergères >
Ni plaintes , nipré(èns, ni d'autres biens promis»
>ront pu tenter ce cœur à toi feule fournis.
Comme fur les rofeaux l'emporte ce haut chêne 9
Le Printems (br l'Hiver, & fur THébre la Seine»
Autant Amaryllis, par Téclatde fes yeux,
Sarpaifej-a toujours les Nymphes de ces lîcuz^
LIVRE XII 1. 2^7
Somrent dans ces roifleaaz quegroflîtfent mes lar-
mes
I^rfoigneare Mélls vient conTalter (es charmes ,
Se teindre les cheveux , m'y tendre des liens y
Jx pais vient à mes yeul £iire briller les fiens.
£Ue croit bien me plaire, &• fans doute elle eft belle/
Pourquoi tous ces chagrins y infenfé , me dit- elle ?
Que te fert chaque jour de verfer tant de pleurs }
Kotre terre pour toi peut avoir des douceurs.
Prends de ces fruits, jouis des biens dont elle eft
pWnc,
Et quitte une eTp^rance & fî lente ^ fî vaine."
Souvent j quand pour danfer au fondu chalumirâu','
La Jeuncflè , à l'envi , s'afTemble (bus Tormeau >
Tandis qu'indifiKrent je regarde la fête *
' Je voîf qu'auprès de moi Licifque exprès s'arrête i
£t feignant par hazard de me tourner le dos >
Sur an air en dan(ànt , elle ajufte ces mots ^
Il faut de Némêfîs i redouter la puifTance.
Némêfis venge aufli les Amours qu'on oSènCc»
j'ai va y moi , qu'un Chaflcur , d'un vain défit
épris ,
Négligeant pour un cerf un dain qu'il auroit pri^j
N*a rapponé le (bir , en faifant fa retraite >
I Kéméfis , fille de la Nuit & de l'Océan , écoic regardée
chez les Anciens comme une DéelTe ^ui a foia de punir
l*orgueit immodégé de» hommcsw
LaFoIj
IÉlÉliÉÉ«M*ÉâÉii
ipg BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ni le cerf qu'il youioic , ni le daîa qu'il r^retft
K Fosse, j'^j y^ moi-même, un jour , un Berger dédaigneoxi
Pour ayolf un hautbois qui feul flatcoic fcs yoras»
D*ttn ftâte chalumeau méprifet rharmonxe }
Il n'eue ni l'un ni l'autre , & ùl fierté punie
Vit qu'un autre Berger , pour le confondre miaiii
î)a même chalumeau yint jouer à fes yeux.
C'eft ainfi , Néméfis , qu'éclate ta vengeance ,
Ainfi tu fçais tromper une vaine efpérance.
- Tels 8c (f autres difcours, par les vents empoftei,
Ces Belles , à l'envi « m'ont fouvent répétez.»
Mais tout fera plutôt chaïigé dans la nature y
Les Zéphirs , les ruiflèauz perdront leur dmu mttf*
mure»
On n'eftiraera plus les rofes ni les Us ,
Quand je n'aimerai plus la belle Amarylliti
De mon cœur amoureux l'ardeur tendre ft fidelk
A commencé par elle , & finira par elle.
A. S. A. S. Madame la Pxincessé de ToscAMif
Atùccupon iunt Comédie qu'elle compofit, (^ qtCA
fit refréfenter ficrettement par des Dames de fê
Cour , elle^mey jouant le ferfonmsge ^tm8 S^
fUve.
PouRc^uoi , belle Princcfle , envier à nosyeox
De votre efprit divin les efforts glorieux ?
Dans le fond d'un palais « loin de nous rjenfcrmés
L I V R E X 1 1 L 1.99
Vous efpérezxn vain tromper la Renommée)
£d vain vous écartez la foule des témoins ^^ ^^
D'un Qiedacle galant préparé p:R: vos foins %
Malgré vous , la Déeflè invifible & préfente »
Yoas a vûV au milieu d'aune troupe charmante»
£c d'un.gefte & d'un ton par les Grâces diétez •
De votre propre ouvrage animer les beautez.
Quelle fut fa furprKe ! & quel plaifir pour elle 5
D'en aller aux neuf Sœurs apprendre la nouvelle!
On (çait , Mufes, dit-etle , on fçait que mille fois
Du nom de Violante ont retenti vos bois.
Sa beauté # fon efprit ne peut plus vous furprendre :
Maisquîpeut concevoir ce que je viens d'entendre^
Souvent de la >fature empruntant les couleurS',
De feintes paffions nous ont tiré des pleurs »
Mais ceux qui (ur la SceneyCn leurs doâes ouvrage^
En ofirent à nos yeux de fi vives images ,
Par épreuve ont connu ce que leur Art décrit ,
£t leur cœur peut fans peine inftruire leure(prir«
Quel plus rare prodige \ Une jeune Pr inceflé >
A qui le ferme appui de fa haute (ageffe
Fit toujours ignorer ces tranfports violen» •
Qid fbumettent un ame à Fempiredes fens f
A nos regards charmez en trace une peinture y
Oii le cœur attendri rcconnoît la Nature.
D\tn Epoux , il eft vrai, p lus charmant que 1* Amout
Le mérite la fçut enflammer à (on tour %
Mais de ces fi:ux contens,Cins trouble^Gins foibleflè«
joo BIBLIOTHEQUE POETiqUÈ.
le Théâtre à regrec ezpo& la tendrefTe.
Fossi. Il faut aor vih mcfrtels conduite par leur pencbanf
Du malbeur^qiri lefuic faire uirtableau cotlchàar^
11 faut les eSVayer par Texemplé fiiiiefte ^ ■ .' ■
Ou du crime de Phèdre , ou des fureurs d'Oreftc ^
£t lorsque d'un Héros on leur peine la yerra ,
S'il n'efl des paffions ou du (brt combattu >
De l'ailiette d'un cœur fi ferme , fi cranquile y
On offre à leur fbibleffe un modèle inutile )
La vertu de fi haut blefie leurs yeux jaloux >-
Leur femble inacceffible , & les rebucte tous.
Ainfi d*un ton plaintif « fous l'habiY d'uneefclave i
Expofée aux rigueurs d'un deftin qui la brave y
Violante aujourd'hui nous montre en ces revêts
L'innocente Vertu qui gémit dans les fers.
Ù Peuples , quel bonheur , de voir votre Prlnccffe
]&u cœur humain pour vous revêtir ^ la foibleircl
De l'Amour & du Sort fubir ainfi les coups *
Pour vous montrer en foi ce qu'il faut craindre en
vousl
Mais vous , fçavantes Sœurs > par des chants dignes
d'elle ,
Rendez un juf^e hommage à fa gloire immortelle i
Publiez à l'en vi rciccs de fcs bontcz.
Violante n'cflpasde ces vaines Beautez»
Qui préparant aux cœurs des fers& des allarmeSi
Ne s'occupent jamais que du (bin de leurs charmes»
De cette même main qui fait de fes cheveux
*J .. I). ■■ ■ ■ . — 11»— — —
LIVRE XII l. 301
Les liens d\iB Epoux , dîgae objet de (es vœux ,
Elle (çaic vous donner les marques les plus chères La Fos
Du zélé qui l'attache à vos lacrez myftere«.
Cefi: ainfî qu'autrefois le (ècond des Céfàrs *
D'un accueil favorable honorant les beaux Arts ^
De cette même main qui lança le tonnerre >
Dont le br^ic à (es loix (bunàit toute Ja Terre»
Traçoit un doâe ouvrage , ou le fort inhumain
Forçoit lc£er Ajax àfe percer le fein.
Elle dît » & Xbudainies échos du PermeiTe
Retentirent des ccis & de chants d'allegreâè :
De (bn onde plus pure il verfa les tcéfors ,
£t les lauriers plus verds fleurirent fur £ès bords*
ODES
T&DUITES D*ANACRi01Tf
Sur fa Lyre.
De I Cadmus & des fils d'Atréc
• • « •. ' -
]En vain je veux chanter les noms.
Ma lyre aux Amours confacrée »
Ne me rend que 4'amoureux fons.
1 >I1 isqit 41s d'Agénor Roi de Tj|ié|)es , & frère d'Euio-
pe que. Jupiter ayoic enlevée. Agénor ne fçachant ce que
la fille étôit dèvùtoe , «eommandà à Cadmus déballer chér-
^(Uçr^couc, & de ^^ pqinc reveziir ians la ramener, avec
lui. Ce fat dans cette recherche que la fortune liilfit nàicfe
Um d*avancutes décrites dans les Mécamorpt^ei 4'OYide»
3o> BIBLIOTHEQUE POETljÇ^l/R
L'autre jour de cordes noayelles
L FossB* Je venois de la remonter »
£c je m'câbrçois de chanter
Les entreprifes immonelles ,
Qa Hercule (çut exécuter.
Je cherchois des tons dignes d'elles :
Mais » en dépit de mes efiôrts >
Sous mes doigts les cordes rebelles
Kéfbnnoîent d'amoureux accords»
Hercule » Cadmus , fils d' Atrée »
Adieu donc , adieu pour toujours.
Ma lyre aux Amours confacrée,
Ne peut chanter que les Amours.
Sur U Rofe.
Joignons au doux jus de Bacchuc
Les fleurs qu'Amour chérit le plus.
La bouteille à la main » couronnons- nous de roCd
Pour unir & chanter ces deux aimables Dieux.
La Rofe eft le charme des yeux ^
Ceft la reine des fleurs dans léprintemséclofes:
Elle eft le plus doux Coin de Flore & des Zéphirs t
C*eft l'ouvrage de leurs foupirs.
L'Amour en eft paré danfant avec les Grâces.
Je veux » Père du Vin , je veux fuivre les traees
De ce Dieu , comme toi , le plaiiîr des mortds.
Je veux , ceignant mon front de cette fleur char
xnaate.
LIVRE X I I I. 303
Avec la Beauté qui m'enchante ,
fer , la lyre çn main , autour de tes autels, ^^ ^W
V Amour fris.
Les Mufès lièrent un jour
Avec des fleurs le Dieu d* Amour ;
£t povir mieux empêcher fa fuite ,
Le livrèrent à la Beauté.
De fa prlfo^ Vénus inftruite »
Avec des dons vint au plus vite
Leur demander fa liberté :
Mais en vain il fut racheté.
Il ne fort plus d'un lieu qu'habite
VcCfïit joint avec la beauté.
Le Printems.
yoYEZ les Grâces au printem$
De ro&s couronner leurs têtes -,
Voyez de fes états flotans
Ncpcuae éloigner k$ tempêtes,
plongeons réjouis fe baignent dans les eauz^
>acailions volans en l'air pafTent les grues ;
1$ du jour répand fes rayons les plus beaux «
£c diffipe les fombres nvHis*
; brille dans j^os champs d'herbjp Se de fleurs
couverts.
i'oUvier poufTe , Bc la vigne rampante *
d contre Ip chaud fur fa grappe uiiff^P^
304 BIBLIOTHEQUE POETiq^L
<' ' L'abri de fcs fcullagcs vcrds :
Xa .Fosse. Tout rie , coût nous promec une année abonda
Sur un Son^ê.
Je fonpreoîs cette jaulc qu'au gré ^e opes défi
Je courois dans un pré brillant de fleurs nouYC
Et que ^on dos ponoît des ailes.
Donc je devançois les Zéphirs. '
Cupidon , par mépris de ma courfè légetjs ,
Met du plomb. à fes pieds » me pourfuit & oi'ao
Ce rbngecftfaiis doute un myfteir*
Oii le (brt de mon cceur eft peine
Je vois qu'après avoir couru de Belle en Belle
Sans qu'aucune jamais ait fixé mon amour >
Celle que je fers en ce jour.
Doit me rendre k jamais fidelle.
EXTRAIT DE MANLIUS , TRAGEDl
Amitié confiante ^ snébranMle,.^»
I Je fçaî me garantir de cette erreur commv
* •
De trabir mes amis trahis par la Fonunes
J'aime Servilius. S\\ ok s'en flater.
Je prendrois.pourafront que l'on en pût doute
Dois- je pour ennemis prendre tous ceux qn'of
P'un Sénat inhumain l'injude violence ?
I Ceft Manlius Capirolinus qui parle â Valedos,
£iil , dam U Scène III. du I, Aâe.
L I V R E X I I L 305
t fuis- je criminel ^uand « par un doux accueil ,
'appaife leur courroux qu'irrite fon orgueil ?
'eft moi , c*e(l mon appui qui les conferye à Rome,
^ous demandez d'oiî vient qu'un Romain » un ^rul
homme y
3>es miflfrcs d'autrui foigneax de Ce charger ,
Ofirc à tous une main prompte à les (bulager.
D'une pitié fi jufte eft-ce à vous de vous plaindre ?
Si c*eft une vertu qu'en moi l'on doive craindre.
Si du Peuple » par elle , on (e fait un appui ,
Pourquoi fuis-je le feul qui l'exerce aujourd'hui ?
Que ne m'enviez-vous un fi noble avantage ?
Pourquoi chacun de vous, pour être exempt d'om-
brage ,
Ne s'eâbrce-t'il pas , par les mêmes bienfaits ,
De gagner , d'attirer les amis qu'ils m'ont faits ?
Ne peut-on du Sénat appaifer les allarmes ,
Qu'en affligeant le Peuple, en méprifant fes larmes ?
L'avacicc , l'orgueil » les plus durs traitemcns ,
Du (klut d'un Etat (ont-ils les fondemeas ?
Mes bienfaits vous font peur l Et d'un efprit tran-
qaile »
Vous regardez l'excès du pouvoir de Camile I
A l'Armée , à la Ville , au Sénat ^ en tous lieux ,
De charges & d'honneurs on l'accable à mes yeux !
De la paix , de la guêtre il efl: lui feul l'arbitre.
Ses Collègues foumis , & contens d'un vain titre ,
Entre fes feules mains laiflant tout le pouvoir ,
Tome Illm C c
30^ ^ÎBLÎOTHEQJJE POETIQUE.
ScmblcDC à l'y fixer exciter (on c(poir«
Fosse* D'od vient tant de refpeû , d'amour pour & coih
duite ?
Des Gaulois à fon bras vous imputez la fuite.
Vos éloges flateurs ne parlent que dclul :
Mais que deveniez-vous avec ce grand appui ,
Si dans le tems que Rome aux Barbares liyi&x
Xuiflclante de fang , par le Feu dévorée »
Attendoit Tes fecours loin d'elle préparez ,
Du Capitole encor ils s'étoient emparez ?
C'eft moi qui prévenant votre attente firivoky
Kenverfai les Gaulois du bkut du Capirok.
Ce Camile fi fier ne vainquit qu'après moi
Des ennemis déjà battus « fàifis d'e£ol.
C'eft moi , qui par ce coup préparai A viébirCf
£t de nombreux Recours eurent part à (a gloire
La mienne eft à moi feu! , qui Ccxd ai combata i
£t quand Kotnc emprefTée honore fa vertu «
Ce Sénat , ces Confuls , fauvez par mon coafagr«
Ou d*une mort cruelle , ou d'un vil e(clavsge # l
M*immolent,rans rouglr,à leurs premiers fbapçoo»
Me font de mes bienfaits gémir dans les priiôni ^
De mille affronts enfin fiétriffent , pour ùAâke,
la fplcndeur de ma race , & du nom ConfufaïCr
\h
C©9
LIVRE XII L 307
Traduction du Pseauub IL
Quarefremuerunt gentes.
s Qt7£L (ajet de courioax , quelle ûoaveUe Injure
t cant «le Nations eicite le murmore ^
[ue prétend leur fiireur ? quel frivole deflèin
mis à tant de Rois les armes à la main !
ebelles au vrai IDleu » corrupteurs téméraires-
^ la Loi , que (on Verbe a tranfmlfe à leurs Pères ,
^a jaloux que le Ciel partout foit mon appui >
attaquent- ils à moi , pour fe venger de lui ?
iuvoos-nous, difent-ils , des fers qu'on nous ap^
prête, j
k la honte- do joug dérobons notre tête :
>écnii(bns anbonhem: qui nous blefle les yeux* '
lais le Maître éternel de la Terre & des deux »
ira des vains projets que leur bouche m'annonce ,
C (es (badres feront entendre (à réponlè.
a discorde & TeiTroi troubleront leur Confeil.
: verrai de leur haine avorter l'appareil,
'eft moi> c'eft moi qui fuis; par foh ordre fublime,
t la (kinte Sion le Prince légitime ;
*eft moi qui publierais qui défendrai fes lois.
: trouve un fils en toi , m^a dit ce Roi des Rois »
ujourd'hui dans ton Dieu tu vas trouver un Père.
La Fos
1 Ceft le Roi qui parle»
Ccî)
X'iUiC , lUII Oiitd iUUUMAU «ILAIIC UC lUUIl lODIIC
Brifera tes jaloux > comme on brife le veric ;
D'un opprobre écemel tu les verras couverts
Ramper {èrrilement fous le poids de tes fcn
Vous doDC,à qui ma gloire eft un mortel ov
JDu Dieu, qui me protège, entendez le lai^;
Tiers Monarques « fouffrez qu'une fainte cen
Tourne en amour pour lui votre noire fiireu
Venez matre Torgueil qui vous Cpat trop TA
AuT pieds de ces autels , que vous vouliez dé
Quand il fait dans les airs tonner fon fier coai
Heureax> qui tout à ltti,n*ea peut craindre les i
*^*|*j^
LIVRE X It I. 309
RE G NARD.
Ean-Fkançois Reg^nard,
PariCeii , Lieutenant des Eaux Reona
& Forêts, & des Chaflès de
Dourdan , Tréforicr de Fran^
e.... eft mort au mois de Septembre
70p. âgé de J2 ans , dans fon Château
e Grillon.. Il eut dans fa jeunefTe une fi
rande paillon pour les voyages , qu'il par-
ourut h plus grande partie de l'Afrique
lalgré lui. Il fat pris entre Nice & Mar-
îille par des Algériens , & mené en ef-
lavage. Son Patron l'employa les cinq ou
ix premiers mois à ramer ; mais ayant ap-
•ris qu'il içavoit faire quelques ragoûts 9 il
t mit à la cuiiîne.. M. Kegnakd reçut enr
in dix mille livres ppur payer fa rençon ^
ic fut ainfî libre après un an de captivité. A
►eine étoït-il de retour à Paris, qu'il fe vit
ingagé par Meflîeurs de Fercour & de
iiorbron , à voyager de nouveau. Ils aile*
MM
^12. BIBLIOTHEQUE F0ETIS2JIÉ.
teur d'avoir pris fa dëfenfe en galant hom-
'"'"'^"•me&enhoLed'efprit. , '
SATIRE. I
Contre les Maris*
"t^ On , chère Ëadoze , non s je ne puis pfas me
•^^ taire j
Je yeux ce détourner d'un hymen téméraire.
D'autres filles fans toi vendant leur liberté i
Se chargeront du foin de la poflérité i
D'autres s'embarqueront fans crainte du naufrage^
Mais toi > voyant l'écueil ûins quitter le rivags y
Tu n'iras point , efclave aflervie à rAmotu: «
Sous le joug d'un Epoux t* engager fans retour t
INi d'un (èrvilc u(age approuvant l'injudice »
De tes biens , de ton coeur , lui faire un faaificc,
I L* Auteur a mis à la céte de cette Satyre VxverdSmM
«ue voici. Quelque chofe que je difecMtreîe MjariM^t^ mm
iepein tfeji pas d^en détourner ceux qui y font pwte\ fétr ma
inclination naturelle i mais feulement de faire vit ^ M Ut
dégoûts & les chagrins qui en font prefque infépardbUif vah
nent pour l'ordinaire plutôt du coté des Mans que de celui des
Femmes , contre le fintrment de M, Defpréaux, reûpereqdt»
fa'veur de la caufe que f entreprends , on excufera tesdtfâMS
quife trouveront dans cette Satyre : je me flatte du mwo qU
tes Dames feront pour moi , & À Vabri ^une ^ iVUÀttfmÊ^^
tivn , je ne ctaim point Us traits de U critique U plus on
fvtmmét,
Abandcooec
LIVRE XIII. i,ii
Abandonner ton ame à mille foins divers ,
Et toi-même à jamais forger tes propres fers. Régnai
Ne t'imagine pas que l'ardeur de médire
Arme aujourd'hui, ma main des traits de la Satire»
Ni que par un Cenfeur i le beau Sexe outragé
Ait befoin de mes Vers pour en être vengé.
Ce Sexe plein d'attraits , fans fecours & fans armes>
Peut affcx fe défendre avec fcs propres charmes j
£t les traits d'un Critique afToibli par les ans ,
Sont tombez de fes mains fans force Se linguidCanSn
Mon efprit autrefois enchanté de fes rimes ,
Lui comptoit pour vertus (es fatiriques crimes ,
£c IWroit avec joie à fes nobles fureurs
Un cas infortuné d'indpidcs Auteurs -,
Mais je n'ai pu foufFrir qu'une indifcrete veine
Le forçat, vieux athlète, à rentrer dans l'Arène »
Et que laiflant en paix tant de mauvais écrits y
Nouveau Prédicateur , il vînt en cheveux gris ,
D'im efprit peu Chrétien , blâmer de chades
flammes ,
ÏEt par dés Vers malins nous faire horreur des
Femmes.
Si l'Hymen après foi traîne tant de dégoûts «
On n'en doit imputer la faute qu'aux Epoux.
X^s Femmes font toujours d'innocentes vidimes »
I M Defpréaux a Fait une Satire contre les femmes , Ce
l?0Jic le n}onde fçaitque ce n*eftpas Ton plus bel endroit,
ïemo IIL D 4
:i^ EISZIOTHEQrE POETIQUE.
^^ Qjr CCS loii û'ia:c:c:, cûc de fa-jiFcs maximes
^* • Ir^'-.y.cr.z 'Àzhzznzn: à ics Maris crompcurs j
On TiZ s'informe rîus ci cîii fang, ni Jcs mœurs.
Cr;:V:r. :o.:x 5: M-::jeaa, vicii: d'époufer Julie ^
II e:t i^ g'orc Hjrrsin 5: lopprobre & la lie 5
Cr. ::oavrrc:: cnrorc a qjclc|uc vieux pilier
Sc.i zzzT.iiz hiblz xz:l rcaiu chcx le Fripier.
Par fcs coac'-:l;or.5 laraics à la Fraccc ,
II a ira Tir.::: : jis a::':cr.:é !a porence j
Mais ccn: vafcs i'ar{:c::r parenc fcs longs buflêcf ^
Avec pcir.e un Milan n-avcric fcs guérecs 5
Que faut- il davanragc ? aujourd'hui la richeflê
N'ï :îcn:-c!!c rr.s \:z.i d: vcr:u , de noblefle ?
Et pour faire un F.ro::x ouc voudroic-on de plus
Qiic dix Terres en Heauce , avec ccuc mille écusi
Rcç^ardc Dorîl.t^ , cet cciiapé d'Elbpe ,
Qu'on ne r;j: cîiijcrncrc^a'avcc un microfcope;
Don: le corrs dz travers cSc l'ciprlc plus mal fait,
D'an î Ther:::c à nos yeux retracent le portrair;
Que t'en ;'ex*>!e , di<;-moi : Pcnf»:s-tu qu'une filiC/
Qui ;:"a vu ce: Amant ou a travers une grille 1
Ht oui depuis dix ans nourrie à Port- Royal »
A paitc du parloir dans le lit nuptial ,
t t-: l'.'i <■'.;• v/ , ;\r.: ; .. \- , C^ /-, /.,>,/, iV-Vifio
7^ ■ ■ f . . - *
X*c1 le f 3i:rjL:.;a'iIo:u::w fa.: .U ce T.:cr:î;; iais l'I
LIVRE X I I L
JiJ
Puifle garder long tems une forte cendrefle
En faveur d*un Mari d'une (î rare cfpece i Re«naR
Quand la Ville & la Cour préfcntcnt à fes yeux
Des flots d'Adorateurs quila méritoient mieux ?
Mais je veux que du Ciel une heureufe influence «
Rafleinble en ton Epoux & mérite & naiffance i
Infortuné Joueur , il perdra tous ces biens ,
Qu'un Contrat malheureux confond avec les fieni;
Entrons dans ce Brelan , on s'arrête à la porte
De laquais mal payez la maligne cohorte s
Vois les cornets en l'air jettez avec tranfport *
Qu*on veut rendre garants des caprices du fort :
Vois ces pâles Joueurs , qui pleins d'extravagance i
D'un Deftin infolcnt affrontent l'inconftancc.
Et fur trois dez maudits, lifcnc l'arrêt fatal
Qui les condamne enfin d'aller à l'Hôpital.
Pénétrons plus avant i vois cette table ronde ,
Autel que l'Avarice éleva dans le monde ,
Ou tous ces forcenez fcmblcnt avoir fait vœu
De fc facrifîer au noir Démon du Jeu.
Yois-tu fur cette carte un Contrat difparoître ,
•Sur cette autre un Château prêt à changer de Maître*
Quel foudaln défefpoir faiiît ce malheureux ,
Que vient d'affaffiner un coupe- gorge affreux ?
Mais fuyons -, fous fes pieds tous les parquets gi'^
miflent ,
De fer mens tout nouveaux les plafonds rctenciffent|^
JSxjMLt le fort cruel d'une fatale nuit ,
5 1 6 EIELIOTHEOUE POETIQUE.
™*^™^ Jz vols rnSn Gaîec : à Faumônc rédiilc.
^6NA3.p. ^a f^n-i.Tii ccper.ianc de ccc: frayeurs atteinte.
Bol: cr.ez elle à Îod;;s trai:s & le fîel & l'abfyachei
Oiitra:r.ac: après Col d'infortuoez enfans.
Va cherclàcr un aï: le auprès de fes parcns.
Kirpagor» ctt a::c;::: de route autre folie.
Le Ciel l'avantagea J une femme accomplies
II reçut pour fa de: plus déçus à la fois
Qu'un balancier n'en peut réformer en fix moiS;
Sa temme fe âatroi: de la douce efpérance ,
De voir £eu:ir chez elle une hcureufc abondances
Elle croyoit au moins eue deux ou trois amis
J?ourroîent foir & matin à fa table ccre adrnî;.
Mais Harpagon aride, & prcfque diaphane ,
Par les jeûnes crueîs aufv^ucls il fe condamne.
Ne reçoit poiu: d*anii< aux dépens de (on paioi
Tout fè relurnt cl^ez lui d;:s langueurs de la faim.
t Famciix Joueur or.i avoîi gr.gi;û au jeu d" fommcs ia-
meafes, qu'il rcpj ri i: i.ins iaïuicj. Un coup de dcz lui en-
leva rtioîel de :>'jlli , qui c.oit fi dernière relFource , Scqu'il
avoic t'iiïz birir c-. i'aris , dans !a rue Sain: Amoiuc. Regoiff
^ fait mcnrion de ce Joueur dans fa qua:orziciue baciie,
Calîet M fes ratfons j o^ ejîti croira fcn dire ,
I,£ hu-\Aidpour U moir.s L:i prome: un Empare i
Toiitc'oi.f étr. i f.ntrutre *':,tnt Iczer (S" r;et ,
isT ayjf.t qî:e l'efperaTtie C:^ trou de^ an cornet ,
ContT'ie Jt.r i.n bonjonds de rente C** de recettes m
J/>eJJ;:sJ'ipt o« quatury il aJ]i^Kcf.j det; ij.
L I V R E X I I I. iii
r fournir aux frais d'un habit néceflaife ,
nmc lui demande une foitime légère. Régna;
[fage foudain prend une autre couleur ^
lets (ont en butte à fa mauvaife humeur \
rice biçn-tôt , au teint livide & blême ,
n coffic de fer va s'ajfTeoir elle-même.
le le point ouvrit il abonde en raifons %
Sit% fans payer ont vuidé (es maifons >
rent veau du Nord la maligne influence ^
donné fcs fruits avec fon efpérancc ,
fougueux torrens inondans fes vallon^ ^
)yé fans pitié l'honneur de fes filions.
oujours rétif, rien ne fléchit fbn amc.;
voir un habit » il faudra que fa Femme
c que la Mort le mettant nu cercueil
Pc enfin porter un falutaire deuil.
ourquoî , dirâs-tu, cette injufte qucrcïlc ?
>ux (ont-ils faits fur le même modelle ?
n*eft*-il pas exempt de ces défauts
vîcirsde tracer dîtns tes picquans tabîcalix ?
x! , il eîftbien fait, généreux , noble & fage j
fè ruiner fon propre honneur Tengagc.
pc la Viétoire un laurier à la main ,
:ra Louis fur les rives du Rhin i
5 Zéphirs nouveaux les fécondes haleines
verdir nos bois & refleurir nos plaines s
ets importuns , bizarrement ornez ,
airain bruyant partout environnez ,
Ddii^
3i8 BIBLWTIir.OyE POETIQUE.
Sous des tapis brodez fc fui vant à la file , ^ ^
lAXD. A pas majcftucjx travcrferonc la Ville.
Toa: !c peuple a:tcn:if au brui: de ces mulecr.
Verra paffcr au loin , furtouts , fourgons , valets,.
Chevaux de main fringans , infulcanc à la terre >.
Pompe digne en effet des Enfans de la Guerre!
Mais pour donner l'effor à ce noble embarras,
Combien chez le Xoiaire a-t*il fait de Contra»}-
Les joyaux de fa Femme ont été mis en gage -,
D'un fomptueux Buffet le pompeux étalage.
Que du débris commun il n'a pu garantir ,
Kenrre chez le Marchand d*oii Ton Ta vu (brcir.
Tour alTembler un fonds de deux mille piftoles».
Combien , nonveau Prorée , a-t'il joué de râles?
Combien a-t'il fait voir que le plus fier Guerrier >
£fl bien humble aujourd'hui devant un Ufurierï
Il rart enfin , & mené avec lui l'abondance t
Ton: le Camp fe reffent de fa noble dépenfè •,
Des Cui fi niers fameux pour lui fournir des mets ,
Epuifent chaque jour les mers & les forêts.
Que fait fa Femme alors dans le fond d'un Villapl
Elle va fans aigent déplorer fon veuvage ,
Dans fes jardins déferts promener fa douleur «
Ift des champs pareffeux exciter la lenteur.
On voit fîx mois après tout ce train magnifiqaei.
Réduit à la moitié , revenir foiblc , écique :
On voit fur les chemins l'équipage en lambeaux»
Des mulets décharaez , des ombres de chevaux^
LIVRE XI IL 319
ïui dans ce triftc état n'ofant prcfquc paroître ,
'en vont droit au marché cliercher un nouveau Regn
maître.
^pendant au printems il faut recommencer ;
faut, fur nouveaux frais , emprunter, dépen&r.,
lais nous verrons bien- tôt une lide cruelle »
lu trépas de l*Epoux apporter la nouvelle ^
t pour payer enfîn de trides Créanciers ,
ne laifTe après lui qu'un tas de vains lauriers.
eft d'autres Maris , volages , infidelies ,
atjgans damerets , tyrans nez des ruelles ^
iu*on voit,maIgré THimcn & fes facrez flambeaux,
enrôler chaque jour fous de nouveaux drapeaux >
;uid*un cœur plein de feux à leur devoir con«
traires ,
tceD&nt follement des Bciautez érran^rcres :
: Coin toujours prefTant de leurs galans exploits*
I vingt lieux difFérens les appelle à la fois.
;acfaon ^ans Paris court à bride abatuë ;
alheur à qui pour lors e(l à pied dans la rue !
an & d'autre côté fes chevaux bondi /Tans >
un déluge de bouc inondent les paiTans.
»at fuit aux environs , chacun cherche un aClej
'cc plus de vîtefle il traverfe la Ville,
le ces Couriers poudreux que Ton vit les ptcmier$
I combat de Nerwinde apporter les lauriers >
qui delà Vidboire empruntèrent les ailes*
>ur en donner au Roi les premières nouvelles.»
Ddia)
310 BIBLIOTHEQUE POETIQUE,
De cet cmpreflcmeac le fujet inconnu
' Quel eft-il en effet • Hé quoi Tignorc-tu ?
II va , f^Ac amoureux , de Théâtre en Théâtre t
Ezpofer un habit dont il eft idolâtre ;
Dans le même moment on le retrouve au G>ars
Hors la file , au grand trot , il y fait plufieurs touts;
Tout hors d'haleine enfin il entre aux ThuillerieSi
Cherchant partout matière à fes galanteries \
Il reçoit tous les jours mille tendre billets ;
Ses bras font jufqu'au coude entourez de pormics.t
Je voudrois bien , Eudore , abrégeant là matierci
Calmer ici ma bile , & finir ma carrière ;
Mais puis- je fupprimer le portrait d'un Epoux»
Qui fans ceffe agité de mbuvemens jaloux «
- Et paré des dehors d'une tendrelfe vaine ,
Aime , mais d*un amour qui reffemble à la haine?
Alidor vient ici s'offrir à mon pinceau j
Il eft de fa moitié TAmant & le boureau ;
Partout il la pourfiiit , fans ceffe il la querelle \
Il ne peut la quitter , ni demeurer près d'elle.
L'Erreur au double front , le dévorant ennui »
Les funefles {bupçons volent autour de lui :
Un gcfte indifférent > un regard fans étude»
Va de fbn cœur jaloux aigrir Tinquiétade.
Sans ceffc il fc confume en projets fupcrflus ,
Il voit i il entend tout » il en croit encor plus..
Quun folâtre Zéphire avec trop de licence
Y^t% cheveux de fa femme ait détruit l'ordoniitiicc*
L I V R E X I I L 111
. main s'arme auffi-tôc du fer & du poifon ;
'un prétendu rival il veut cirer raifon : Regnard*
la crainte des loix fufpend fa fréncfîe «
>ur l'immoler cent fois il lui laiffe la vie ;
ans quelque affreux Château , retraite de hiboux y
ont quelque jour peut-être il deviendra jaloux ,
la traîne en exil comme une criminelle ,
: pour la tourmenter il s'enferme avec elle,
ans ce fauvage lieu des vivans ignoré ,
*un (offé large & creux , doublement entouré ,
ettc trifte vidime , affligée , éperdue ,
ir les funeftes bords croit être defccndue ,
>rfque la Parque enfin répondant à fes vœux »
ient terminer le cours de fes jours malheureux.
omme-moi, fi tu peux , quelque Mari fans vice^
a Mufe eft toute prête à lui rendre juftice.
ra-ce Licidas, qui met avec éclat
femme en un Couvent par Arrêt du Sénat,
qui crois mois après devenu doux & fage ,
flébre en un Parloir un fécond mariag^e ? .
uel champ , ii je parlois d'un Epoux furieux ,
iii profanant fans cefTe un chef d'oeuvre des
Dieux ,
Ce dans les tranfports de fa rage cruelle ,
>rtec fur (on Epoufè une main criminelle!
uel mérite après tout, quels titres (buverains
endenc donc les Maris & fî fîers & fi vains >
(ènc-ils Ce âater qu'un concrac autentique
2 11 EIBLIOfTHIOVE TOETIQUE.
Lïnr âosDt far !c5 ctrars ca pouToir t)Tannîqac?
.KaLD. i tiii-s: i^i c :3C br-aïaux, peu complaifans , fâcheux*
Arircs ■ DCC.JiC£z ^ débauchez, onibra^^ax •
ysLTZi au coin c'£po::x ils feront ll:rs de plaîic?
Tvos , cberc Euioxc , con ; & je r.c puis m'en uiit*
Arrcç roas c£S r»or:ra:rs bien ou mal ébaucha,
£: la:^: £' aùrrcs cncor eue je n'ai pas touchez ^
Si ^£.35 des Vers picruans Juvenal en furie
A faî: paJ^r po::: foj celui cui fc marie ,
D';-n efrr:: :*!/»-. ar.'.é . ccnclr.ons nuiourd'huî'
Qac-celiC oui l'épeufe cit plus folle qac IuL-
F LE
C HIIR.
.w t
« <
•*-. ...
r T'.T- - ' •• .'. ' - - — -
•• »
goirc de Nazis r*zî i: î* >i :- ?•:•'>
Poèfie, Les -.--:;-»:: i.. •«
• /Y* • • • • • • •
^ '* • l # ■•
*• 1
A
lA i:il:otheci'i poetioue.
: ir: 5l It gtnie pe'jver: donner , fut tou-
'***" k iirs ChrtiiinLe à: Iclide. Sçavant dans
t:»-jte5 les efpeces d'érudiiicE , il les
emrloTz à f êdificaiicn de l'Ec^ile , &fal-
far.: ferâr à la deccrzdca du Temple de
Dic-j les céj*: 'Jil^s n^tine profanes , il con-
facra les Lerre-î kuT.aines par ]e laint vSk —
ge çiil en icu: iiirt, Tàn: de vertus éroienc
eTîCore rehaulites par la roodelîie. Il iuyoi^
les louanges a^ ec ie même foin que les au^
très les recherchent^ il s'attirci: les refpefts
& l'amour des ennerris noéme de TEglifè ;
il ramena les brebis cgarc'es de fbn trou-
peau, auran: par ù douceur &: par fà bonté,
que par Tartrait de Ion tioquence ; il fçuc
conierxer avec les amis une égalité d'hu-
meur &: de ientimens qu'on ne voir gucres
parmi les hommes ; Se conlbmmer i fa courfe
comme les bons Evcques la doivent finir i
dans les fonctions deTEpifcopat &dansles
devoirs de la réfidence.
X M. TLicHiiJi uouiut enfoa Evêché le i6 Février irsc.
i^éde7»aas.
\
LIVRE X I I r. '-
V Hercule Fraz^::,.
POuR te rcpréfcnrcr, aprcs :cî ^it.'.-, tzz'.z'^k.
Ce n'ctoic pas afljz d'jn ncrr^.r Ga.. ^.: :
Invincible Loris , fojs çui \z Mom: ::*:r.i!e,
Il falioit avoir pciat tojs les Héroc tcfci-île.
Al ai s ces portraits, mé.'szHcran: de demi D;t.:x,
Confondroicnt noserp:its, & îaîTeroicr.t nos ysaXp
Souffre qu'Hcrcu'c fcul fc confacrc à ta jrîoirc ,
Qu'il compare fa Fable avecquc ton Hiftokc ;
Et o^ue , voyant Ton nom par le tien efface «
Il confeffe aujourd'hui que tu Tas furpaiTé.
Il dompta ;lu Lion la rage envenimée ,
Dans les fombres dérours des forets de Némécj
Et tu viens de dompter le Belgique Lion «
Qui rcfpirant le meurtre & la rébellion .
Nourri depuis long tems de (ang & de carnage ,
Auprès de (es marais redoutoic ton courage ,
Il fembloit exciter » par (es rugiffemens ,
Tous les Peuples voifins au fccours des Flaman$»
Hercule triompha du Géryon d'Efpagne >
Rcnverfa fes châteaux , défola fa campagne :
I.CS Tyrans de la Terre en tremblèrent d'effroi.
C cfl un travail pour lui » ce n*efl quun jeu pour toL
Tu cours , fans t'émouyoir , au milieu des allarmcs :
Rien ne peut s'oppofcr au bonheur de tes armes.
Tournay , fans t'arrcccr , reconnut ton pouvoir j
T'a B eus cj'i'à rinvcftir , & qu'à te faire xolr.
ri,- EIZLIOTrîE^Z^'E POETIQUE.
"Zi'isr -i Tir .ccz:lï . r:z^z^ ^ rê^i'rancc ;
•^- Zr . zr2."nii: :-l -L.':i:i . Luc Ion :a clcnxncCt
_ • ■-•".»
; ri T'.t . rc 'Il . .z .; lzz: iz .2 Gloire ,
I' ':r T:cc4-Vi—«r:: i;? -rriti i- :i Ticroirc :
îlir.'-rrr .^r -V? r:ir:ir:â i iiniL rc^irovcx,
••^ • ■ ^ f • •■
QmI .^il: l'in iî rr -rilzczz rs. fc ilv-rdiline.
- - • * ■ . ..,
r:irr-.i . ^r i: -J rr.? . 3-:.t::î :a vj:l.iacc.
Ci Hi-j-î i-n: : - :1 ^îi: piis ce c^j il é:oî: s
Z: 7r::r"i .r-î ^; yi.\ zz —j-ii .^-'ll ponoîr,
• ■ ■ ' * j_ ■
^» ■ • • v« m 9 ■m m
n: wjiirCiii .-: .1 ::::; -z .vc: c-: .c tcaîagc;
Q-l v.îzzc ''iV.'ziz JCT.zr; j:i A:!a$ co-jveaaj
I: v;ul".Li :; cr.i:^;: i j:: l". zz.'izz ùrJcau.
Il :\i ::c-Yé , Lcv:5 •:--; , izzzziz , rcdojtab'Cj*
riz5 '.^5 =cr*.£S mviui :c--c-rs i^rjiigablc,
E: :.>^: r:;: 1 ziT.pz 1: Mo-.i; .eus :a îoi ,
A . .:i ro-voîr.r. rrÀii\ '.t :i r.crtrc ca'à toi ?
T; c:-: ?^iva-x izrr.iz '.zs zozzzs obfiinécs
ToîT 7::air :'in= Jlticc Se :'cr;.!ci: .'js hy-raînSj
i .' graai Alcide a mis fa maiiuif en tes mains #
L I V R E X I I I. 317
Qui doit faire aux Tyrans une immortelle guerre j
Après avoir dompcé les montres de la Terre. Flschii
Le poids du monde entier ne te chargera pas :
La vai liante- Bellone &la doâe Pallas ,
Seront , en ce travail , tes compagnes fidélles :
Grand Roi , tu régneras & tu vaincras par elles ;
Et tu feras toujours , au gré de tes fouhaits ,
Arbitre de la guerre , arbitre de la paix.
Au bien de tes Sujets ton ame ed occupée :
Tu portes dignement & le fceptrc & Tépée.
La Vî<Sloire eft toujours prête à te couronner 5
Tu (çais 4'art de combattre , & l'art de gouverner.
Ta force & ta valeur égalent ta prudence ,
Ou tu domptes TEfpagne , ou tu régies la France :
Tu tiens ou tu réduits des Peuples fous ta loi ,
Et tu fais le Héros au(fi-bien que le Roi.
■Vois ces beaux monumens de triomphe & de gloirçj
'Ou Ion drefle déjà le plan de ton Hiftoire :
Oii l'Art ingénieux a déjà travaillé
Sur cent pierres de jafpe ou de marbre taillé.
Quatre fleuves allîs fur leur moite rivage ,
Sur des urnes panchez, couronnez de feuillage ,
*Vcr(ênt à gros bouillons leur liquide criftal ;
£t recueillant leurs eaux dans un même canal y
"T'ouvrent tous jes chemins de l'Empire de l'Onde^
•Et t'ojffrent les tréfors de l'un & l'autre Monde.
•Ces flots de marbre Ctc vont , ce femble , couler^j
.Jf : ces Dieux de métal femblcnt vouloir paricç.
32.8 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Extrait iun Eloge de Louis LE Grajxd.
CCHXEK.
Sous les tlcrcs pompeax d'une Hluftre fortune
SouvcDC les plus grands Rois nonc qu'une ame
commune.
Le Dedin les élevé à ce fuperbe rang ,
E: ne les y maincicnc que par les droits du (àng.
On aime leur grandeur , fans aimer leur per&nne ^
Ils n'ont que cet éclat qui vient de la couronne «
£c connus par leurs noms plus que par leurs ex«
ploits ,
Ils ne (êroient plus rien s'ils ceflbient d'être Rois.
Mais le Prince Eimeux qui régne dans la France. •
Joint les droits du mérite aux droiude la na.sf-
fauce -y
Par lui-même il cft grand plus que par fes Ayeuz i
Le trône qu'il remplie en eft plus «glorieux •
Son ame eft au dcll us de fa grandeur fuprcme 5
La vertu brille en lui plus que le diadème j
Et quoiqu'un vai'bc Etat foie fujet à fa loi ,
Le Héros en Lou i» c(^ plus grand que le Roi.
Jpofiro^e À Rome,
Nom , Rome , tu n'es plus au fiécle des Céfars w
Où parmi les horreurs de Bcllone & de Mars ,
Tu portois ton orî^ucil fur la Terre & fur rOoJc j
Ct bravant le deflin desPulifanccs du monde i
LIVRE X I I L iif
I
Tafaifois voir en pompe aux Pcaples étonnez
Des Souverains capcifs , Bc des Rois enchaînez.. Fl£CHI£S«
Tout cet éclat paCé n*eft qu'un éclat frivole ^
0|ine redoute plus lorgueil du Capitole ,
Et les Peuples înftruits , charmez de tes vertus ,.
Ajorcnt ta grandeur > & ne la craignent plus»
*
-•••
Tomt Iir. E c
?■.= i:ii:07EEriE POEnQUE.
LAI NEZ.
Cti-2v . ville daHivnauIr, eft
lEor: i Paris le iS Avril 1710^
Lgé de f:iïir:e sns, II éroitori-
pilaire d'Efpz^r.e . ce II même famîlleque
îe fangeux Pcre Lakcz • iècofid Général
cf :a Ccnipagiùe de Jésus. Jamais per-
f: r.r.e r. e n: .-iiîeux qiie lîiî les kocceurs de*
il Tibic Se de la ccnveriàdon. Une con-
EcrJmce profonde de F Actiquire ? jointe
â une me.xcire prodigieafe ; un cfprit lOr
rjrel . vif Se inepuifabîe fur toutes fortes
ce fii-'trs . le faifoient égalenien: rechcr-
cr.er 2 la \'ille & à la Cour : mais n avcMt
pîs M. Lai NEZ qui vouloir.. Quoiqu'il ait
£j: un aiTcz grand nombre de Vers , nous
t en avcr.s d'ioinrimez , que ceux que M»
: V^-hrnir ;-.-t:. :n-rr:.r.s en i-r-. & rcîinpTÎnîi*'
Lî V R E X II L 351
!u Tillet , ami pardculier de l'Auteur a .
iférez dans fa Defcription * du Parnafle
'rançois. La vie de notre délicat Epicu-
ien y eft détaillée avec toutes fes circonf-
uices. Le Icâeur trouvera bon qu*on Ty;
envoyé.
C H >« N 5 O N s.
!•
U'n ruîflèaa m'cndormolt en tombant dans I^ -
Siieioe :
lille oifèanx m'éveillolent > & ranimoient ma
veine : :
ne Aurore naifTance édalroit un chemin ,
'oii leZépbire & Flore avec leur douce halelnQ/^
illbjene n^ger fur mol la ro(è & le jafmin :
apperçûs touc-à^oup la Beauté que j'adore \
J'oubliai lesruifTeaux j
Je n'ouis plus d'oifèaux ,
Je ne vis plus de Flore ,
: ro(è9', de jafmins , de Zéphir', ni d'Aurore#
I I.
unique je fuis content de mon i amour nouvelle!
Que d e charmes î que d*agrémens !
u Amour cû ici pour MaîcreCe.
Eelj
3J1 BIBLIOTHEQUE POETISUE.
Elle cft jeune , brillante , aimable & nacorelk j
.AIN£Z. £c quoique peu fidelle ,
La vc^age fak mille amans ,
Qui i fans ccre jaloux , n'ont du goût que pour elle:
Qu elle enchante dans ce repas !
Qa'elle fait entre nous une agréable guerre i
A tant d'attraits , à tant d'appas ,
Quoi vous ne la connoiflezpas ?
Yoyez-ia briller dans mon yerre.
1 1 r.
Chansons , que la table a va naJor»
Tous avez crû peut-être
Que Bacchus vous donnoit le jour.
Baccbus , fa fuite a beau paroître ,
Llagrate Iris n'eft plus ce qu'elle devroit être ,
Ma voix ni mon efprit n*ont plus le même tour t
Hélas ! chan(bns> je commence à coonoiur
Que vous étiez les en&hs de l'Amoac»
I y.
Apoclon & Bacchus «
Parmi les iacons& les luths ,
Aujoutdhui m'ont juré qu'ils alloient en Chaiff-
pagne ,
£t qu'ils n'abandonneroient plur
Haut Ville, Rhcims & la Montagne.
Grand} Dieux i û vous voulez ranimer nos concerts
L I V k É X I 1 î. jfj
SouVenez-Yous d*êtrc fîdcllcs -,
)tre feu divin tout languit dans nos vers , Ljlïhiz
Tout languit dans nos airs :
£ vous manquez , plus de chanfbns noo-.
slles.
La Fable entre mille plalfirs,
le flots badins conduits par des Zéphirs»
cre une Venus de l'écume de l'Onde :
Grèce murmure , ou c^ue la Fable gronde #
La Champagne , le verre en main,
A des PrefTolrs que ùt liqueur inonde y-
naître aujourd'hui de la moufle du vin.
VL
QiTE tout refleurifle
Dans ce beau féjouc ,
Jonquille & narcifl^e )
Que tout rajeunifle
i^ux yeux de l'Amour ^
Que la Faveur repofe
Dans les bras du Loîfir :
Que Flore fur la rofe
Pour efle feule éclofe, *
Vienne avec le Plaifîr
Couronner le 21éphic
&INIZ.
5 5 4 BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
Li tendre ApcIIe un jour « dans ces jeux fi vanccSi
Qu'Athènes autrefois confacroic à Neptune ,
Vie briller fur Tes bords , à Tenvi cent Beaiuez }
Ec prenant un trait de chacune ,
Il fit de fa Venus un ponrait immortel :
Hclas l s'il a voit ^-ù la divine M artel , i
Il n'en auroît employé qu'une.
I Ci-Jeran: Madssioirelle Coulon , dont Teff xic & U
— - oac ùxi l'aimimon de tout Paris.
LI V R E X I IL 335
M"' CHERON^
^« LiSABETH-SoPHIE ChERON ,
^/^; de r Académie Royale de rein- r o n.
i^^^^' ture & de Sculpture , ëpoufa en
i5p2. Jacques le Hay, Ingé"
aîeur du Roi, Son père Henri Chéron y
Peintre , lui apprit fon Art ; & elle profita
i bien de fes leçons , qu'à vingt ans Tdco-
iere ctoit dcja au deflus du Maître, M, de
'iles dans la vie des Peintres dit que Ma-
.emoifelle Cheron a exécuté quelques
àbleaux d'Hiftoire , & fait plufieurs det
îins d'après TAntique , qui font fort efti-
lez.. Elle apprit THébreu , pour mieux
ntrer dans les fens des Pfeaumes qu'elle
ouloit traduire ; & l'eflai » qu'elle en
onna Qni6$^. eut une approbation uni-
I Volume i«-R^. enrichi de bc//cs cflAmpes , inventées tc
ivéespar Loui*; CiiCron fun Frerc. Le potcraic Je Maile-
oifcllc Chfrom , q-jiciojt uoc Uiunclorc almabicjcftà
iccc de CCI Ouvrage.
fi6 BlBLlOTHEqUE POETIQUE.
verfelle. Son Poème intitulé les Certfesrerh
* o N. " '^^^f^^^ y quoique bien écrit , n'a pas éga-
lement plu à tout le monde*. L'Académie
des Ricovrati de Padouë lui envoya des
Lettres d'Académicienne en 1 6pp. & lui
donna le furnom d'Erato.. Elle e(l morte
ï Paris le 3 Septembre 171 1. âgée de
§^ ans»
F s EAU M E LXXIIL
Mifir» du Peuple Juif dans les derniers tems delà
captivité de Balylone. Temple (^ Prêtres d/i
Seigneur et^prcye à la fureur des Idolâtres,
X OuRquoi dans les ennuis cTune longue fouf-
fiance , i
Bannis , înfortunez »
Nous laîffcs-tu , Seigneur , fi loin de ta préfcnce
Aux pleurs abandonnez ï
Cette noble Sion qui fut fi floriflantc
Dans ùl prospérité ,
Ceft elle qu'aujourd'hui nous voyons gémiflàn»
Dans lacapcivicé.
» Ut ^Htdi DensprepuUfii, (Te*.
ils j Clic cï Duai lôic aar route .i 7.;rr2
Pour jaisais en aubîL
paoiras-cx peine leur anrxBi ki J'ài-
léicc .
Leurs iccfes iiiiiumsim
:-iIs pcrrïr :uiî:ii'i xn rcne nc::ii£
Sciijnrjr, iéicma s icxri munie jcnxrip
nous n'iTOs^ çlis z^ rrr^iiirs . tl 'utr-
Qui coad:L:.c :>» =;s&
:as de rUaraoa bzl'tz Trcriil -=^ : .
£c Ton ri: c« ir.irrs
rncnt aa Lcran: !'iri;z:î Lù^zzi: ,
De cadiTrss coiTcrtf.
:niis le rorVcr ; ^t.z xbrriÂrrc .V jrrt
En reja:l;i: raclais :
uvcr Ifrad , ra LL.Vcaiis la courfr
Du rapide Jourdain.
e cfpérancc, ôDicu ! doît-cllc ^ticluiinu- •
Et n es-cu pas toiijtMiis
ont a-Jtrcfoi*. la puiîï'.incc iuiinir
Viir a iiotic ("cLtiurs; *
mt m. ^
mm/mmmmmÊ^mmÊiammmmmmÊmmÊÊmÊmm^mmmmmÊitmmÊm
338 BIBLJOTHEQC/E POETIQUE.
Le grtnd aftre du jour > & la naiflaoce Auroit
lE- Par ces mains font formez ;
£c ces bxîllans flambeaux dont le Ciel Ce décore»
Par col font allttnieE.
La Terre eft ton ouvrage^ & les m «rs (ont bornai
Par tes ordres conftans :
Tu veux que les failbns , l'ane à Taucre eocbainées
Nous parcagent les tems.
Ce pouvoir fouverain qui fait trembler la Terre,
fais le fencir» Seigneur ,
Aux peuples inhumains qui nous livrent la gocne
Avec cane de fureur.
A ces cigres cruels , à ces lions terribles *
N'cxpofc plus nos jours*
MalheureuxjSerions nous dans ces défertshorrihkf
Exilez pour toujours ^
Vil rebut de la mort , opprobre de la vie ,
Dévouez aux douleurs ^
Ne revcrrons-nous plus notre cherc Pacrie >
Digne objet de nos pleurs )
Imitation du P$eâvm£*CX
Sur le retour des Juifs à Jéruffilem , MfrhJ
^ dix ans de captii/ité À Bafyloftf,
X Qu EL tranfport imprévu s*empare de 17
»i— — — ^— ■— — 1^ I ^—^^
t LatMtëj fnm in his qu<( diclA fnnt nùbi > CT
l I V R E X I I L 55f
Qabi ? Je verrois encor ce Temple glorieux ,
La célèbre Mâifon du Dieu que )e réclame ' MlliC
Je eeverrois Sion , le bien de mes ayeux 1 . * Q ►
Tout annonce à mon'ojcar cette hcurcufe nouvelle :
Oui , tout m'annonce en ce grand jour ,
DaM la fin de nos maux , un Dieu toujours fîdelle.
Par des chams de joye & d'amour
Signalons » k Tenvi , notre reconnoiffance :
KnifTons , à levivi , notre Libérateur, i
Que les peuples » ^Dumis à fou obéïffance »
D'un Monarqt^e ii bon fôutiennent la puilTance ;
Ht qne Tes jours , filçz de la main du Seigneur ,
SQÎPnt prolonge? pour leur bonheur.
Et toi > Jérufalem , pu i (Tes -tu , toujours Saiote ,
Voir , en tput rems , la paix régner en ton cncçi.iitc l
Daigne le Ciel ^ pour toi prodigue de &s biens ,
Ne dernier qu'un efprit , quun çocur à tous les tiens ^
Cantique d'Habacuc.
O Vrophéti frtÀit U défôlation proshaine 4e U
Judée par NaJ^uift^tifinç/ffr § la captivité d^* Peu-
pie Jiiif-ylaprifede B^hlonepar Cyrus; c5» '»/»
U délivrance de ce même Peuple y figure de U Ré^
Jetnptiûn du Monde par Jesus-Chjrist.
% Jl t'entends * ô voix formidable !
Voîx de mon Dieu , j'écoute en frémiflfant 5
I Cffu*.
1- Domine , dudivi dHdiUcnan , O'c.
34^ BIBLIOTHEQUE l'OEUSlUE.
Qui bravenc ton coorroux a?cc tant cl*anogaiicc >
lleChi- Répands tes indignations, i
Mais }e te ^oîs terrible > 9c u colère éclate».
Des ^aîl!cs forêts les pins (ont arracheï :
L*orgaeilleiiz & rapide Eaphrate »
An plos creox de (bn lit Toit fcs Tablons (Zcbez*
Les fommets efcarpez des plus kaures momagocf
S'égalent aaz rates campagnes :
Les céteftes flambeaux , d'un voile épais cooTCic»>.
S'arrêtent au milieu de leur yafle carrière i
£ttes traits enflammez répandent dans ks aiis
Une foudroyante lumière.
La Terre par Ces tremblemeiis
Fait (bnîr des enfers les flammes agitées )
Dans leurs gouflres profonds les eaux précipitées
Redoublent leurs mugiâcmens.
Cependant garantis de ce mortel orage *
Notre Libérateur nous tire d'etclavage s
Il romp nos fers comme tu Tas profflife :
Babylone devient fa première co&quéte ,
£t fuperbe Vainqueur, il écrafe là tètt
Du plus fier de nos ennemis. ^
1 Le privilège delà Tocfic ne fçauroit prefcrire id conB«
l'uûige qui n*admec point le mut d^iitdiituitiom ÊM.^mià$
outre que ce moc a mauvaife grâce en Tes.
1 Baical'ac.
■te
LIVRÉ XI IL * 54r
nitrt tSiff voit raflkflTm , <^\ feûtânt (à yca-
Na|re dans le pkifir ftffi^x \t
ffjçet à rfeatt le fbibte fnttlhearnîir «
i*oppo(e à fès coups ni cris ni réndance :
léme ces méchans i qui nous ont d^yotcx ^
De nocre Tang (ônc cny vrez.
Sfiio^euii ) ne leur fais point de gra^.
leurs fcef très brifez Jeurs grandi oomi cotr«
fondus ,
Anéantis avçc leur race ,
I le fiéclie à venir ne te connoiiTent plus,
ifi cet avenir cjut Dieu méfait entendre ,
5e montri k mes (ens défole?.
i dans lès fecrets tjui me font révélez
écouvre les maux qu'irra<îl doit acrenJre.»
id Dieu # qui nous punis, Dieu jude, fi tu
veut
mes yeux foieut témoins de ces jours mal-
heureux ,
Zt terme ruppofe toMjoiirs quelque injure re^iiif , & il
cft poincici queftion. Celui de cruauté ^ He r^gi ^ ou
[Ue autre équivalent , eût é:é plus juile , mais il falloic
m
mCcI eft entendu de Balchazar dernier Roi de Bab/«
LIVRE X I I î. J4r
mmt
Comme on voit raiTafTin , qui foulant fa Tcn-
Nage dans le plaifit affreux )t o
D'cgorger à Técart le Foible malhcQreut •
Qui n'oppofe à fes coups ni cris ni réfidance :
De même ces médians i qui nous ont dévorez ^
De notre fang font cnyvrez.
.Seiongur , ne leur fais point de gra^.
Que leurs fcc] très brifez Jeurs grandi oomi cotr«
fon^iiis ,
Anéantis avec leur race ,
Dans le Héclc à venir ne te connoiiTent plus,
Ainfi czi avenir qnc Dieu me fait entendre ,
5e montre à mes (eni défoler.
A\tS\ dans les fecrets t|ui me font rcv^Icz
7e découvre les maux qu'irra<îl doit attendre..
Grand Dieu , qui nous punis, Dieu juile, fi tu
veut
Que mes yeux (oient témoins de ces jourt mal-
heureux ,
I Cr rv'tmc (uppofc tf/ijo'.irs qiicK^uc ii.jmc re<,iî<f , & il
, n'en Cil poini iti qucll-on. Celui de critiutté ^ l^c »'«';;*» ou
qtul^uc a-.icrc éijuivaU-iK , ciK é:c plus juftc , mais il falloir
^ riincr.
w 1 Ceci eft euccndu de Balchazar dcr;v:;:r Roi de Bjb/«
lone.
Ff liij
344 SIBLWTHEQUE POETIQUE.
"TTS^SSiT Soumis à ces décrets , j'adore jra pulflance^
MlleChe- ^^ bénirai coq Nom , rempli d'ua ferme e(poir i
A o K« Que dans peu tu nous feras voir
Du malbcûKux Jacob l'heureufe délivrance, i
1 M. Roudèaa eftimoît û fort cette Pièce «. ^'il !*• £dr
imprimer à la fuite de fei Poëfiei Sacrées , dtni l-Zdldoit
àii«4^. ^ui a paru «quelque tems avant ra.motc.
L I V R E X 1 l I^ • l^S
LA F A R Ei
H ARLES- Auguste, Marquis
DE LA Fare y Comtede Lau-
gerre , Baron deBalaruc... &
Capitaine des Gardes du Corps
Monsieur , naquit au Château de
[gorge en Vivarez , & mourut à Paris
Palais Royal le 2p Mars 171 2. âgé de
ans. Roufleau nous donne une aimable
t de l'efprit & du caraftere du Marquis
LA Fare dans TQde IX. qu*il lui
efle , & dont voici la première ftrophe»
Dans la route que je me trace ,
Lyt Fare , daigne m éclairer /
Tlox , qîd dans les [entiers d^ Horace
Marches fans jamais {égarer ;
Qui ^ar les leçons d'Arifii^e ,
De lafagejjfi de Chryjippe
\4sffti corriger l'âpreté.
Et telle qiiaux beaux jours £Afirie r
Nous montrer la vertu parée
Des attraits de la volupté..
LaIas
1^6 BiBUOTHEQUE POETIQUE.
m^ÊÊmÊÊÊaÊÊÊÊÊmmÊmÊ^mmmmÊmÊaÊÊÊÊÊÊmi^mÊmmÊÊmmÊmmÊÊimm^mmtmm
M. le Marquis de la Far£ fçavoit mieux
Fare. que perfbnne animer & rendre vifs jufqu'à
la fin Içs plaifirs de la table. Sa convexiâ-
tien étoit toujours aimable ^ toujours' intf-
re&nte, parce qu'elle étoit toujours âgréc'
blement variée. Au relie le goût panfci-
Ger queMeflîeurs de Vendôme avoiem
pour lui^ eft la preuve la moins équivoque
que Ton puifle donner de (on mérite. Ou-
rre fes Poè'/ies j qui malheureufementrooc
en très-petit nombre ^ M. db la Fasb^
Aous a laiflTé des ' Mémitirisfur Us pr&rf-
faux évtntnuns du régne de Louis it
Grand, jufqu'en Tannée i (Sp^.... Ilsfoot
écrits d'un fille aifé » net & concis.
Smr fis Vtrs.
PKisENS Je la feule Matare#
Amufêmens de mon loi fîr »
Vcn aifct , par qui je m'aflîirt
Moins de gloire que de plaifir }
s II* on: étf imprimez en un volume i»-i 2. ao2<l%3'
ie Gafpor Frifch > RoccecdAiti i Ji6.
L 1 V R E X I I I. 347
Coulez , eofans de ma pare de : ^— —T!
Mais f\ d'abord oa vous careflè « La, Fajl£.
Kefufez-Toas à ce bonheur.
Dites qu'échappex de m» veine
Par hazard , (ans force Se Olm peine y
Vous ftiéritez peu cet honneur,
Chsnfonfm Vsir , un Inconnir»..
£n vain je bois pour calmer mes allarmesj
Et pour chalTer l'amour qui lû'k (ôrpris y
Ce (ont des armes
Pour mon liis :
Le vin me fait oublier Ces mépris ,
Et m'entretient (èulement de fes charmes r
A MjuiMmi U Cèmteffh de Cailuti
M'ab ANxxONvr ANT à latrifteflè j
Sans cfpérance , fans défirs ,
Je regreccois les fenfîbles plaiGrs
Dont la douceur enchanta ma jeunefle*
Sont- ils perdus , difbisje, fans retour ?
Et n'es- tu pas cruel , Amour,
Toi que je fis > dés mon enfance ,
Le maîcre de mes plus beaux jours y
D'en Uiffcr cerminer le cours
Par l'ennuyeufè îiidiflerence !
Alors ^'apperçus dans les airs
L'Enfant Maître de l'Univers,
Qc: picjii Jane iprg în^nmainc,
m iJMUMW , Tt%c3s • oc te plains plus ^
Jr Tss acmc £n s tapÔDC y
^ XC pXSBDBS fin llKJLUl OC CaILUS.
OtZS TlLASriTZS I)*H0X.ACE.
ïjmCmêuiiZ dtzn Àtrj^gi àejmm mmêmr*
3 Dis-j*o:, FriLiLHAyï^sdcftcecAiiianciQr^
Tais roifoiaè £*oâ;nrs , & ic omis coaroaDéi
roux fgn, , ikzK &ar:2 loin if re rcadrc plos bclk»
Ti £inriic:ré:i£rjrelle
L&i5e âccrer tes bloois chereiu }
F; rcl ^ms siîs grcce , on ion uncNir i'jppclk»
Ct o:: 5£ socs ic> ironziS énc le plos henreox ?•
Hc.as ^ ç2£z^ il ^erra 'os TÂineaa trop fr^ilc^
Ac:3c par ies Tcnrs , rré: i fc rcQTcner »
Ca \ ecrenira bi;a-rô: poaflèr
Vers îc Cic: fa plainte inotilcV
Lt5î cji rar "acréijîiré,
Sar la foi àz ion cqeo: vo^joic en {are:é«
I Qw/ avKiL'i ^Mcilit tt rue* m rv4
Pf 'M us hfjuidu u'^ei tdorihui
le yob!e a crsjair c;::c ujc bc auel^ues aunes dâ
AairuT, mais d*im iule froid êcdiâin.
LIVRE XÎÎL 349
Malheur » Beauté trop inconOiante «
Malheur à qui tu parois û charmaace !
Pour moi , dans le port arrivé ,
Je fiMS à l'abri de l'orage ^
Et j'ofFrc de bon cœur aux Dieux qui m'ont fauve
Tout le débris de mon naufrage.
iéa mort efi inévitable , (^ il r^y a ni vertus , ni ta^
lens qtù nat44 en fuijfent exempter,
1 PosTHUxtE , de nos ans que la fuite eft légère t
Que la Mort indomptée , & la VieillefTe auflere
Avancent vers nous à grands pas !
L*éc1at de ta vertu , que dans Rome on révère j
Ne les touchera pas.
Yainement tes défîrs , pieux & légitimes.
Tacheront de fléchir par cent mille viélimes
Du Dieu des Morts le ccrur d'airain :
iGéryon & Titye au fond des noirs abîmes «
Le rédament en vain.
,' Il les tient enfermez par cette eau décedable ,
]X)nt à chaque morrel , innocent ou coupable ,
Né Berger , ou du fang des Rois ,
Le paffage terrible n*e(l permis qu'une fois.
i—- '
|i I Eheu fngéuei , Vofibume , Pcfthume ,
^ UlfiMUr Mm.,.. Oa. XIV. L. II,
LaFare^
5 53 BIBUOTHEQUE POETKIUE.
£a Tiio on fuit de Mars U maîa cnGuiglantée,
Et «les vents da Midi ia yapear cmpcftéc.
Il Hast deiccodrc chez les Mores ;
Do Cocyte il bm yoir l'eas noire flc détcftée.
Et fcs fiiBcftes bords.
Il faut te (^parer de ton EjKMife aimable ,
Et de cette inai(ÔD , de ce bois agréable ,
Que les fiécles firent ^ exprès :
Ta n'en icmpcxteras , pofTeflêar peu darablci
Qu'oji fouébre cjprcs.
Un héritier alors » plus bcoraix & plus fage*
Fera de tes tréfbrs an magnifiqne nfage $
Répandra des flots de vin vieux ,
Quavoît foos cent Tcrronils condcrvé* d^ci
a^e
Le foin de ces aycax.
ODE.
Réflexions dttm ?bi!ofofbe fitr urne belle Câmfâpt,
Pirs on obfêrveces retraites,
Plus Tafpeâ en cfJ gracieux.
Eft-ce pour rcrprit , pour les v^m ,
Ou pour ic cœur quelles Oxot Va ja*l
Je n'y vois rien de routes parcs ,
Qui ne m'^mifi ^ n« m cncLanrc ;
LIVRE XIJL • 551
Tout y cetieat j tottt y conteiite £~^-—
Mon goût y mon choix & mes regards.
Quaud je regarde ce$ prairies »
£t ces bocages renaiffans »
J*y mêle aux plaiHrs de mes fens
Le charme de mes rêveries.
J'y laîffc couler mon cfprit ,
Comme cette onde gazouillante ,
Qui (w k chemin de fa pente •
Qu'aucune loi ne lin prefcrit.
Je vois fur des coteaux fertiles »
Des troupeaux riches & nombreux.
Ceux qui les gardent (bot heureux y
Et ceux qui les ont font tranquilles*
S'ils ont à redouter les loups ,
£t fi l'hiver vient les contraindre ,
Ce (bnt-là tous les maux à craindre :
Il en eft d'autres parmi nous^
Nous oc fçavons plus nous connoître.
Nous contenir encore moins.
Heureux, nous faisons par nos foins ^
Tout ce qu'il faut pour ne pas l'être.
Notre cœui foumet notre efprit
Aux caprices de notre vie.
En yaia la raifon fc récrie :
L'abvtt paiU , louic y â}arçr «c*.
55* BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ici |c rcTC à qooi nos Pcres
Se hxnoicnc dans les premiers teou.
Sages, modcftcSy&concens,
Ils (c rcfùfbient aax chimères.
Leurs befbins écoient lears objets.
Leur trayall étoic kur reflôarce ^
Et le repos « toojoars la (barce
De lears foins & de leurs projeô.
A Tabri de nos (bins profimes,
Xlsâevoient, religieux, .
De fupcrbes temples aus Dloix »
£c pool eux de fîmples cabanes.
Renfermez rous dans leur état ,
£c conrcns de leur deflinée ,
Ils la croyoicDC plus fenunée
Par le repos que par léclac
ils (çavoicoc à quoi la Nature
A condamaé tous les humains.
Ils ne dcvoicnc cous qu'à leurs mains.
Leur Yêtcmeut , leur nourriture.
Ils ignoroicnr la volupté ,
Et la fauffe délicatcfTc ,
Dont aujourdliui notre moleilê
Se fait une félicité.
L'iiiteréc & la vaine gloire
Ne dérangeoienc pas leur repos.
llf
^*
LIVRE X T I I.
3n
Us aimoîent plus dans leurs Héros
Une vertu qu^une victoire. Lj^ pj
Ils ne connoiflbient d'autre rangf
Que celui que la vertu donne»
Le mérite de la perfbnne
PafToit devant les droits dii fang.
Dès qu'ils (bngeoîent à l'hyménée ,
Leur penchant conduifolt leur choix }
Erramour foumettoit les loix
Aux devoirs de la foi donnée;
En amour leurs plus doux fouhaits
Se bornoient au bonheur de plaire \
I«urs piaifîrs ne leur coutoienc guère,
LesSaifons en faifoient les frais.
En amitié quelle confiance l
Quels foins I quelle fidélité I
Ilsétoient en fiocérité »
Ce qu'on eft en faufTe apparence*
S'étoient-ils donnez , ou promis ?
LeuTS^cûcurs jaloux de leurs pronieffcs
Voloient au devant des foiblcfTcs «
£t des befoins de leurs amis.
»'
Quel fut ce cems ! quel e(l le nôtre!
Entre deux amis aujourd'hui ,
Quand l'un a bcfoin d'un appui ,
Le trouve- c'il toujours dans l'autre ?
Tome II L G g.
5î4 BIBLIOTHEQUE VOETîQUE.
Efclavcs de tous nos abus •
^J^ Vlâimcs de tous nos caprices ,
Noayne donnons plus<)u*à dcs-viiâif .
Les noai» des ptemiercs ycrttn.
Dégoûtez des anciens iitages »
Entêtez de nos goâc» nouveau! ».
Loin de fotigcr à nos troupeaux » .
Nous décruifons nos pâturages.
Nous changeons nos prcz en jardins^,
£n parterres nos champs fertiles».
Nos arbres fruitiers en ftélrilea,
£c not Tetgess en bouliagrains.
Heureux habîtans de ctfe-plaifter».
Qui ¥dus bornez dans Vos défit»».
Si vous ignorez nos plaifirs-.
Vous ne connolfitz pas nos pcincsw
Vous goûtez un repos fi doux •
Qu'il rappelle le tems d^Aftiée»
Enchanté de cette contrée ,
Vy reviendrai vivre avec vous*.
ttancÊm
M"^ BERNARD.
[!Atiîerine Bernard, n^e à\,
Rouen, de l'Académie de Rko-- n a
;vr^/ide Padouë , vînt s'établir à
Paris , où elle fe fît bientôt con-
loître deplufieursperfonnes célèbres dans
a République des Lettres* M. de Fonte-
lelle 5 entre autres , fe fît un plaUîr d'être
ifi liaifoa d'amitié -avec c€tce D^itibifelk ,
5c de cultiverïheureux tatefit qu'elle avoit
reçu-de. la Nature pour la Poëîîè. Elle a
remporté trois fois le prix de Vers à l'A-
cadémie FraAÇOifè , & iautant de fois 4 l'A-
cadémie des Jeux Floraux de Tt^uloufe.
Des deux Tragédies, qu'elle à. faites ( Lao^
damie & Brutusyh dernière, quoique
fbibiièmèftt icrfce; , eut un. grand fuccès.
Mademoifelk Bernard n^en feroit pas
ans doute* demeurée-là , fi Madame de
?orttcharti^m qtâ f^imoit^ & qui lui en
lonîxoit même de folides marques de icm
? : 6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
en tems , ne Teût détournée de travailler
.LîBER-pcur le Théâtre. Louis XIV. rhonora
'^^^ d*ua Brevet de penlion de deux cens écus.
On ne connoît d'Ou\Tages ea profe de
fà façon , K^Eléonorc iTïvrée 3 ScU Comte
JtAmtoîfe 9 qu'elle a donnez au Public fous
le tiare de Nouvelles.. Cette Demoiièlle
cft mone à Paris en 1 7 1 2.
MADRIGAL.
OUând le (agc Damon dît que d'an tnùt moctef
L'Amour blciïi: les ccrurs « (ans qa ik ofcBt
fe plaindre »
Que ctft un Dieu traître & croel ;
L'Amour pour moî n cft point à craindte^
MaisqnacJ le jeune Athis me vient dire à fbntoari
Ce Dieu n'eft qu'un enfant, dbux,carcfraDt,aimabte».
Plus beau mille fois que le jour :
Que je le trouve redoutable i
Bouquet.
Volez, tendres Zéphirs<qae votre doace haldait-
j&u milieu de TEtc ramené le Printems -y
Faites éclore dans nos champs
Dcsâeurs dignes de ma Climenc
Quoi i TOUS ne voulez pas répondre à mes défii»?r
£h bien , à vos refus, il faut que mes (bugin.
LIVRE X I I I. 5J,7
Se plaignent tendrement des maux quelle me caufc 3 .
Et pulfqae cette ingrate a rcfufé mon. cœur » MlleBi
le ^Kux y par le fecours d*une mécamorphole.,
Que pour la mieux tromper , il £b transforme en
âcuc
EpiMfbe de Madame la Marquife sTSendié^urm
Ct-gist le trifte corps de rilluftre de Pons.
Dans le fein du Très-Haut fa grande ame rcpofe ,
Tandis qu'en ces bas lieux nous ne nous occupons
Qu-'àrépandrc? des pleurs , dont (a- perce efl la caufe.
Loin d*ici cous ces valus tréfbrs ,
Qa*on reçoit en naiffant des mains de la Nature :
€e qui ne brille qu'au dehors ,
N'cft qu'une agréable impefture.
*
De PONs.fut in&ndblc aux fragiles appas
Donc les Grâces l'avoient ornée :
A de plus nobles foins fon- ame deflinée ».
De laaftere vertu fuivoit partout les pas.
Dans fa.plus brillante jeunefle ,
Elle fçuc , aux yeux de la Cour ,
Ibindre à beaucoup d^actraits encor plus de (àgelTe 3
Le rcfpedl fit taire l'amour 5
fc fes adorateurs crurent trouver ea elle
Une Divinité mortelle.
3a. main » prompte à répondre à fon#œur généreux»
r ' j:jis:'T^£2^'i poétique.
L--i:ï- - : - V - ,
Scnn jcvir ^cir? r^c z-It rrofbric :
QiiUCkî 2XL â.c : jociienr ^a monde i
C'x ic^:-!': is rc.r.: : "liais,
5: ^1 . :3r.;jc ^?:5 rrs .":■-:- . » i !3cce:ri!r:5
Ai rcc^rx: ic 7Zri: i^ '5:^:2 ^rt -tes aSairts 1
vi'«4 -LIS ~.i r«:- \:-^ •.-?:? ^; r. j;z i. ;*.?::r
i: r»rcr Tir-sirt ;t?r: ;; .îj: : -• ..ti :a«zî
r. fi" -1: JS z;«i cî::5 ^r.s ,
Te ce 1:? it—ZT.izTz[s plus.
]z Tocirrlî oc :tz-z'zz ur.; :î!u*.îrc rosibcau ;
îc :cci~ir.î -r.r :=c:î i":3 eîr.:r :oat noiiTCSUi
SîRî , Cizs ce fccv-'-r? :cu: {"-:v:a vorrc !oî •
S: TOCS poavdl sn crolrs Apo!!on far fa M.
S
LIVRE XIII. ST9
>it D*à point pour vous déniènti (es otâctes.
puifqu'il vous promet miracles fiir mirâcîes , MlleBer.-
:S*tn6l vi Vxt et voir to« ce que je prévoi. n a r i\
Fablb all.egori q ir e.
L'IfMpnatian (5* /^ Bonkénr,
iiAOïKATiON y Amaftee du Bônlieuf »
ceûe lo défire , ^fans ctâe l'appelle :
5 fur tile il execce^ne extrême rigueur ,
ic pour (es défirs » il tft peu fait peur elle.
i Ùl tendre jeunefle elle alla le chercher
Julques dàos ràmouxeux empire \
s lorfque du Bonheurelle crat approcher ,
Le (bupçoQ» lé jaloux martyre ^
La déiicateiTe encore pire ,
lain à Tes tranfports le vinrent arracher.
> un âgje plus mûr , du même objet charmée .
Aa palais de TAmbitlon
crut fatisfaire encor.fa paffion ;
; elle n'y trouva» qu'une ombre , une fumée »
>me du bonheur , & pure illùfîon.
i dans lé pays qu'habite la Richeffe «
Séjour agréable & charmant ,
va demander fon fugitif Amant «
^ vit l'Abondance , elle y vit la Mollcfle, .
Avec le Plaifir enchanteur -,
U tt:/. manquolt que le Bonheur;.
5<îc BIBLIOTHEÇIUE POETIQUE.
La voilà donc encer qai cherche tefe promené:
\\ ' liBer- ^^^ des grands chemins , elle trouve à l'écacc
N A R D. ^^ (entier peu battu qu'on découvroic à- peine,-
Une Beauté (impie & fans arc ,
Du lieu prefque défère écoit la Souveraine'}
Cétoic la Piété. Là , notre Amante eapIeurS'
Lui raconta Ton avanture :
14 ne tiendra qu'à vous de finir vos malheurs^;
Vous verrez le fionheur , c'eft moi qui vous l'aflint^
Lui dit la Fille fainte y il faut ,-pour l'attirer.
Demeurer avec moi , s'il' fe- peur, (ans rattendiCt^
Sans le chercher ^ au içoins , (ans trop le défiter^
Il arrive auffi-tôt qu'on ceiTe d^y prétcndte ,
Ou que dans (a recherche on f^zii (c modérer.-
Llmagination à l'avis fçut (è rendre ^
Le Bonheur vint fans différer.
Progrès de la Religion Chrétienne,.
Martyrs , de l'infernale rage'
Vous rendez l'effort impuifTant :
Vous expirez avec courage i
Vous triomphez en eipiranc.
De votre fang , fource fécondé ,
Je vois", pour le bonheur du Monde i
Sortir un Peuple de Chrétiens.
La Croix partout e(l arborée ;
Votre mémoire cft confacrée ,
£t vos tyrans font nos foutiêns.
LIVRE XII I. î<i
Sur la mort tttinjenne homme irh-fs^f^
CY gît l'aimable deCouRCELLZ »
Que 1^ More aveugle & cruelle »
Râvlc au prîntems de fès jours.
Qui mjrkoieiit un fi.long ceUrs^^
if comme il fut doué d'une extrême 41igeflè«
La More le crut afTez âgé ,
Puisqu'il étoît avantagé
Du plus{>eaa don de la vieilleffe.
Sur Us .Difcûurs de M. de la Motte , dé
fAcmdimie Trsnfoi/îèm
■ ■.'»...'
Qv^iZiE pompe f quelle harmonie I
'Quel choix de mots IncéreiTans 1
la Langue a trouvé Ton génie ,
Rien n'arrête ou trouble le fcns.
■ If un ftîle également rapide ,
Suivant la raîfon qui le guide,
.Ilph^t » il attache , il furpriend :
De fa matière toujours maître»
Du moindre fujet il fait naître
Tout ce que l'Art a de plus grand.
X011ÂUJ. Bh.
N**#
■■■■■■■■■••«■'■■■■•^^■•^■■■■•«■■•P^iWPIWPBPiBBBWiBi
^62. BIBLIOTHEQUE iFO^TlS^UE.
SUR. \
t
L I VR E XI V.
RE G NIER.
• - m «■■■ Ip
Rançoi^^sraphi^nRegn]
DesmahâïsV* fils dé Jean 1
gniet , Ecuyer , TSei^eur D
marets rEncloùfç^ & autres Ik
firuez au village de Barateau en XaûitpO|
eft né à Paris le 1 3 Ao&t i^q^lll fe]
études à Nanterrè chez les Chanoines B
guliers de Saint Auguitin-^ ^dfmc'fonosd
maternel Charles Fàùrie '^it Qiak
après en avoir été le Réfi>rmateiir- B
1 6^0. ilfuivit fon Père qui:étoit Seaeé
de M. de b VieuviUe >- Surlutendauit «
Finances , au voyage que kCkwrfitatai
Après la mort dû SttHQtËnicÈalfit » fo ptf
I Cec abrégé eft extrait prefque tout entier 4ei IfM
tes que L* Ai^teuc nous a dooncz iiU-mêoie de Q^ flf^, \,
1 1 p-
xiv.
f ^ Prince de iaM^"''^^^^'^^Wr
j^ j 5^t Jean deIn7,^"V""^''^ «vec
^^> fe voyant oi/îf5&A'^" retour à
f^e pour les Uu^ * ^« ^«atant du gé,
& f Ita/iV» » S"" » ii apprit PPr °
f^"iX"a);:^ 4r«•2è:?;
^'^^*/^lo::t:t:''^''^-
" Aoit Z-^'
Hhij
.mm^mmmmmÊmÊÊmmimmmiÊÊmmmmmÊaÊmÊmmmmÊmÊmmmÊÊm^ÊmmmÊmÊÊmimmmmm'^
1.64 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
M. Colbert le pria d'accompagner M. le
UcxNiiJi. Marquis de Seignejâi à rexpédition que
Louis XIV. fit ea Hollande.. En lôyy,
les RR, Pères Jiéfuites rengagèrent à tra-
duire en notre Langue » le Traité de la per"
fcElion chrétienne , par Rodrignez* £ô
j 578. il fut pourvu de T Abbaye de Saint
Laon de Thouars , de TOrdfe des Cha-
noines Réguliers de Saint Auguftin.. En
1 680. l'Abbé Regnipr accompagna At
le Duc de Créqui envoyé par le Roi ï la
Cour de Bavière , pour le mariage de
^^qnfeigneur le Dauphin avec Marie-
Anne- Victoire , fœur de TElcébur.
£n courant la pofie dans les bois de Hayei
H le rompit une fauffe côte, ce qui ne l'ca^
pécha pas 9 deux jours après fon arrivée i
Aiunik , de reprendre la porte pour appor-
ter au Roi le contrat de mariage.. Il tra-
vçrik , dans la même année , toute la Frai}-*
*
I C^tre craJuflion , beaucoup plus ezaâe , plus Hdelle, ^
}^ii.î c'6gance que celle de roix-Royàl> cHU féale des d,«S
tl%ii leUreaHJoutd'hui.
lÊlmiikmÈmmm I i l il I i i Hi ,
L 1 V R E X I V. 365
ce depuis Paris juTqu'à Bayonne & à Saint
Jean de Luz , avec M. le Marquis de Sei-' Rïgni
gnelai*. En i6%6. il donna au Public lesr
Infcriptions Latines & Françoifes qu'il
avoit £aifes , à la foUicitation du Duc de
la Fefiillade, pour la Place des Viftoires ;
& il y joignit la defcriptiôn de tout le Mo-
imment.. Ayant traduit les Odes d^ Ana-
Cféon en*Jplien, M. F Abbé Régnier les
mit au jour* en 16^3. & les dédia à TA-
cadémie ' de la Crufca , qui eti reconqoif-
fance fit mettre fon ^ portrait dans la falle
oi elle tenoit fes^ aflemblécs.. En 170y.il
alla* à Vitré aux Etats de Bretagne avec
Meffieurs les Ducs d'Albret & de la Tri-
mouille. Les Etats l'invitèrent à leur af-
(èniblée par deux Députez de l'Eglifè /
deux de la Noblefle , & deux du Tiers-
État > le Héraut à leur tête.. Dans la me-
j £Ue lui avoit envoyé des Lettres d'Académicien en
J667,
^ X L'Envoyé de Çlorence , qui étoit alors à Paris , le fit
peindre paf'ordre du Prince Gafton, Proteûcur de l'Acadé.
mie delM Crufca»
H h iij
i6% BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
wmmmmmmmmmÊÊtmmmÊmimmmÊÊma^mmÊimm^ÊmÊmmÊmm^^ÊÊmmmÊimÊmmmm
MADRIGAUX.
L
] 'Ai MOI » de TOtre teint VidaxzoXt fraîcheur ^
J'aiœois de vos beaijx yeux la douceur eng^^
géante ^
£t je vous trouvois fi charmante ,
Que pour tous di(putet mon ccrur.
Ma raî(bn étoir impuifTante.
Mais il court par le monde un méchant brait
vous »
Que fi-tot qu'un Amant vous parle de fa peine
Vous l'allez dire à votre Epoux :
Etes- vous indifcrete ou vaine t
Te ne le fçaurois démêler ;
Mais« Dorls, vous aurez beau plaire ^
Si vous n'apprenez à vous taire ,
Vou^ n aurez plus guère à parlej:.-
I L:
- . 1
ICIalgré votre fîoidettr extrême > '
L'Amour commence à vous charmer }■
£t fi déjà votre cœur n*aime »
Du moins il ed bien prêt d'aimer.
Séduite cependant par de vieilles chimères
De devoir , de gloire & d'honneur»
Vous eu fuivez toujours les maximes aufterca.
L I l' R £ X 1 r. • ,-
tez qu'il a Tan de iecr dcnser. Son tir ri: ^=
naturellement poli , avoi: «ht cii^iivc râr ^^
rétude & par un travail prefque ccntîr^ueJ.
Maître de fon exprefGon & de fon fdîe ,
foit dans fes grands • ouvrages 9 foit dans
une infinité de petites Pièces , qm lui ier-
voient de.dâaâement , il fçavoit y mettre
toutes les grâces dont la matière étoit fuP
ceptible. On y voit panout la (implicite
& le naturel j joints à l'élégance & à la
nobleflè,. Tous ces talens étoient relevez
dans M. TAbbé Régnier par une droitu-
re & un amour du vrai , dont on ne le vit
jamais s'écarten. Son amitié par-là faifoit
honneur à ceux qu'il appelloit fès bons
amis 5 parce qu'il ne la leur donnoit j que
quand il reconnoiffoit en eux ces mêmes
qûalitezy aufquellesilaccordoit fon eflime.
Il eft mort i Paris le 6 Septembre 1713*
âgé de quatre-vingt-un an.
H h ili j
mm
GNIXIU
)^8 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
MADRIGAUX.
I.
J'AiMOiS'dc TOtre teint r^chtaate fràichearj
J'aîmois de vos beaijx yeux la douceux enga-
geante i
£t je vous trouvois fi charmante ,
Que pour tous diCputet mon coeur.
Ma rax(bn étoir impuHIance.
Mais il court par le monde un méchant bruit à
vous >
Que fi-tôt qu'un Amant vons parle de (a peine
Vous Tallez dire it votre Epoux :
Etes- vous indifcrete da Taine l
Te ne le fçaurois démêler I
Mais, Doris» vous aurez beau pluxc»
Si vous n'apprenez à vous taire ,
Vous n'aurez plus goére à padcx»
1 !•: • : â". ..."
Malgré votit fibideite ettréme ,
L'Amour commence à Tckia-chamierv
Et fi déjà votre cœur n*l^nle ,
Du moins il eft bien préc d'aimer.
Séduite cependant par de vieilles chimeret
De devoir , de ^oirc & d'honneur.
Vous en fuivez toujours les maximes aulterei.
LIVRE XIV. 371
Mais Taimable & rare défaut
Que celui de la jeune Flore > Rcgni.
De ne conrioîcre pas encore
Ce qu'elle eft , & ce quelle vaut i
V 1 I I.
OTRE e(prit , qui vous fèrt au gré de vos défîrs^
s les pays perdus fc forme cent plaifirs \
>ute votre joyçeft là-dcflus fondée :
s« Iris, ces plaifirs qu*en vain vous vous fornMZ#
£t que vous n'avez qu'en idée ,
lez- vous en ciFec les poflcdcr \ aimez.
I X.
OTRE départ me laiiTe une douleur profonde»
Q y (byex heureuse , & tout me fera doux :
;ment quelquefois (bnget que rien au monde
Ne me peut rendre heureux fans vous.
X.
: m*érols fait de vous une idée admirable ,
Sur la foi d*un (Impie récit :
Je vola plus qu'on ne m'en a dit }
Vous êtes cent fois plus aimable •
: tout rùnivers vous méritez les vceuz :
quelques qualitez dont vous foyez pourv&ts»
Je ne croi pas fort malheureux
Ceux qui ne vous ont jamais vûë.
Ce qu'on aimoic d'abord avec chaleur ,
Il vient un tems quon ne l'aime plus gui
Quand l'un des deux cependant perféver
Quel défèfpoir ! quel fujet de douleur i
J'en puis parler -, car j'aime avec ardeur!
Mz padion n'eut jamais de tiédeur ^
Loin de s'éteindre , elle augmente au cont
Avec le tems.
Vous qui faifîez toute votre douceur
D'être adorée avec tant de ferveur ;
VoQ&qiii m'aimiez , vous quim'ites £ cb
Vous:- fans qui rien ne me peut jamais ph
Pais-je'efpérer de ravoir votre cœur
A^ec le tems }
Autre,
Q^ AND on fait bien , j'éfevc jiifqu'aux c
le bien qu'on fait j & je fuis curieux
Que le mérite ait Ton jlifte falaire.
LI VR E X I V. ^74
Je ne vais point glofer fur une affaiTC >
Quand on fait bien. ?s^pNi
Nc^ Généraux ont bien fait en tous lieux j
Autant de Chefs , autant de demi-Dieux ^
£t nos foldats , que nont-ils point fçû faire ?
Qu*pn rend fon nom , Ton pays glorieux j
Quand on fait bien \
SONNETS.
Sur U mort tCuTH Chate.
M£Ni.|^E aux yeux dorez, au poil doux^gris & fin,
I-a charmante Menine ; unique en fon efpece }
Mcnine , ]es amours d'une illudre Duçheffe ,
£t dont plus d'un mortel envioit le deftin.
Meulne qui jamais ne connut de Menrn ,
Et qui fuc en (on tems des Chates la Lucrèce s
Chate pour tout le monde,& pour les Chats tigrcfic.
Au milieu de Tes jours en à trouvé la fin.
Oue lui (ère maintenant qi^e dédaigoeufè & fierç^
Jamais d'aucun matou , fur aucune goutiere ,
Elle n'ait écouté les amoureux regrets ?
La Parque <tend (es loix fur tout ce qui retire ^
JÇt de ne rien aimer tout le fruit qu'on retire ^
C*£il upe trifl;^ vic) & pv>is la ^oxt ap r^i
â
374 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
■^— — Comment il faut tnvifager U pmjps é» tmvtm
• Le miroir qui parle a mes yeox
Me cicat coas les jours ce langage i
Vous Toyez que vous êtes vieux »
Ne vous flattez pas davantage.
La Nature eft prudente & fage.
Obéïflez-lui » c'eft le mieux :
Tout homme » en tout tems , en tous liai
Doit (è conformer à (on âge.
Il me parle ainfî tous les jouis :
Moi vers la mon , à ce di(cours ,
Je tourne auflî-tôt mes penfées \
Et j*envi&ge tout d'un tems.
Sans regret les choCês pad&s ,
Sans chagrin le terme oii je tends.
FABLE.
Le Berger <J. la Fratrie.
Au mois de Mai i (c'eft le mois des beau
jours ,
Celui des fleurs & des tendres Amours J
Certain Berger, le long d'une Prairie ,
Que la faifon rendoit toute fleurie ,
Cueilloitdes fleurs : pourquoÎPpour fonpltîfir
Peut-être aufli que c'étoit pour en laiie
L I V R E X I r. j7f
Une guirlande , aa gré de (on défîr ,
Pour quelque jeune & charmante Bergère i Reoniek*
Car il prenoit grand foin de bien choifîr.
, Quoi qu*il en foie , la moifibn ëcoic belle }
A la Prairie elle parue liouYelIe ;
Elle en aima les brillantes couleurs j
£c fa furprKè en la voyant fut telle ,
Que (ans (bnger que tout cela vînt d'elle ,
Où prenez vous > dit-elle , tant de fleurs i
Demander od je puis prendre
■ Tout ce que je vous écris
De fin , de nouveau , d*exquis «
De délicat & de tendre *,
. . Iris , c cft; m'interrogcr ,
Conime autrefois la Prairie
. . Sur la récolte fleurie
Interrogeoit le Berger.
Ob^ traduite d*Ana€rIon«
Sur U Vitillefe.
Mon front fe ride , & mes cheveux blaa-^
phiifenc ,
Et tous mes feas chaque jour s'afFbîblifrent,
Adieu les jeux , les plalfîrs éc l'amour :
J'irai dans peu fur la rive infernale s
Et quand je fonge au ténébreux féjour ,
^e fuis faifi d'une horreur (ans égaie ;
^76 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
mm
On y detceod à coûte heure du joar ^
RrEGNiEC. Mais du DefUn Tordonnance Êicalc «
£n incerdic pour jamais le recour.
IliiiTATioN DE l'Ode d*Horac1|
* Donec gratus erum tibù
L'A M A M T.
Qu AND j'avoîs le don de te pldrCi
£c que de tant d'Amans engagez (bus ta loi »
Tu ne âyorifois que mol ,
Je t'ai mois d'une amour fincere }
• Je vivois plus heureux qu'un Roi ,
£t la DéeÂe de Cythere
M'eût fcmblé moins belle que toi.
La Maîtresse.
Tant que pour moi cendre £^ fidclle»
Tu m'aimas d'une égale ardeur j
Que je régnois feule en ton coçui ,
Et que feule à tes yeux j'étois aimable & belle j
Je ne fçavois rien que t'aimcr j
Mon bonheur furpafToit celui d'une naortcllc,
Et le bel Adonis n'auroit pu me charmer.
1 De tous ceux qui ont traduit ou imité en notre Langue
cette Ode fi célèbre , aucun n'en a mieux rendu toutes Itt
j;taccs (juc M. l'Abbé «.eqmxeh.
ïm
LIVRE XIV. n$
Une guirlande , aa gré de Ton défir , ^
Pour quelque jeune & charmante Bergère \ Rs
Car il prenoit grand foin de bien choifîr.
Quoi qu*il en foie , la moifTon ëcoic belle %
A la Prairie elle parut nouvelle ;
Elle en aima les brillantes couleurs ^
£t fa furprifè en la voyant fut telle »
Que (ans (bnger que tout cela vînt d'elle ,
Où prenez vous > dit-elle » tant de fleurs l
Demander od je puis prendre
Tout ce que je vous écris
De fin , de nouveau , d*exquis ,
De délicat Se de tendre ;
Iris « c'eft m'interroger ,
Comme autrefois la Prairie
Sur la récoite fleurie
Interrogeolt le Berger.
Ob^ traduite D*AMACRi01f«
Sur U VMliJfi.
MOM (root fe ride , & mes chcveai blan-^'
chî/Tenc ,
c COQS mes fcas chaq'ie jour s'affbîbliflcne.
dieu I» jeux , les plaifîrs & l'amour :
xai àivs peu far la rive infernale ;
quani ;e fonçre ao ténébreux féjour,
bis laiil d'^ce horreur (ans égale ;
Xeqniek.
578 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
La Maîtresse.
Quoiqae le Berger qui m'engage
Soie plus beau même que l'Amour ,
Et que tu ne (bis qu'un Tolage «
Que tout met en fureur , à qui tout fiak ovAté
Qu'aurois- je à fouhaiter > après un tel retour ,
Que de vivre avec toi jufqu'à mon dernier joa
Te le croi rien , ie h*£N croi rxeHi
Sur divers fujets.
Que tels&telspafTent pour bien &rii
Et qu'yen public ils brillent de bien diiCi
Je le croi bien :
Mais qu^au travail d*autrui bien (bavent ib
doivent
Toute la gloire qu^tls reçoivent f
Je n^en croi rien»
Qu'un honnête homme,une fois en la \
lafie un Sonnet , une Ode , une El^ie >
Je lé croi bien :
Mais que l'on ait la tête bien rafCfè »
Quand on en fait métier & marchandifi^
Je n'en croi rien.
Qu'un Avare amafTc avec peiae.
Les écus centaine à centaine -^
Je le croi bien : '
L I V R E X I V. 579
Mais que l'h/lricicrphis. habile, .
Ne les dépcnfè mille à raille s R£aN
Je n'en crois rien.
^u'cn publicplnsqu'an autre un Médecin éclatt»
land il fyât mieux citer Galien» Hyppocrate^
- Je le crpi&^hkn :
is qull finit dans (on art plus expert , plus habile ,
le (kuil plus qn'uft ^bOW il n'a rempli la Ville i
Je n'en crois rien.
• • r -
Que le Clergé chaque jour à la MefTe^
Autour du Roi dévotement s'emprefTe -,
'Je le crois faten :. '
Mais qu^il ne (bnge au Bénéfice
Autant ou plias qu'au Sacrifice ;
. ^ , . . ^ Jç n'en crois rien.
Que bien (buTent un père de famllîe
Tarde à donner un époux à fa fille ;
Je le crois bien :
Mais que bien-t6t , iH la fait trop attendre ,
Elle n'ait (bindetui donner un gendre -,
'Je n'en croîs rlen^
{ue Doris femble morte aux plaifirs , à îa joye,
[ue (bn Direâeûr (bit le (èul qui la voye -,
..Je le crois bien :
Mais que ces fortes de retraitée
« • • •
{
38o BIBLIOTHEQUE POÉTIQUE.
Ne donnent à gîofer aux malins interprètes $
Ugni£R« Je n'en crois rîen^ ' "
Qu'il Ce trouve une femme înfîgne en pruderie.
Qui ne voudroic pour rien faire galanterie } .
'Je le crois bien :•
Mais que quelquefois Cttte Prude
Né trouve fon métier bieùnde ^
Je n'en crois rien. •''{ '
Qulris » quand on lui dit qu'on l'aime #
En témoigne un chagrin extiédlc j
Je le crois bien .:....>
Mais qu'Iris ne fut pal r^vie
D'avoir même ciuigrin tons les jOOrs de fitvles
je n'en crois rien» ; .
Qu'aux Beautex jeunes 3^ fleuries
Tour devienne agrément jufqu'aux minauderies;
Je le crois bien :
Mais que quand dans leurs yeux la jeune/Te s'effàcej
Ce qui fut agrément ne devienne grimace }
Je n'en crois rien..
• la.-
Qu'on voye ici fur le beau teint des Belles
. Sriller l'éclat de mille fleurs- nouvelles -y
Je le crois bien :
Mais que (bu vent & leurs lis^Bc leurs rofts
Ne (oient des fleurs (bus la toilccte éclofeî
Je n'en crois jiciu
LIVRE XIV. jgi
Que le Samedi chez Clarîce '';-
■ La rai (on- commande au caprice -, KEGNtilâ
Jt le crois, bien :
Mais qu'à coup fur , dès le Dimanche ,,
Le caprice i/aic fa revanche;
Je n'en crois ricni
hÀ Route de la Vie humaine'
De mauvais pas efl toute pleine.
Pour m'en tirer facilement ,
Voici ce que je fafs -, j'àttellc
A cette Voiture mortelle ,
Que je conduis àa momutxi^nt y
La Juftice- premièrement ,
Qui marche toujours rondement ,
Et la Chkrît#lans.ia;qucUe;
Elle iroit moins iéjgereixkenc.
La vérité , rindépcndknce ,
N'ayant qu*un fîmpTe èc îégtr frein ,,
Sont au dîeVant Se Vont bon train »
Loin du chemin de TOpulence ^
A la votée cftia Sâriti^,
Qui jointe avec le Fadlnage-,
Me fait franchir avec^yté ,
Tous le$ inistii^aiis f^iii voy^g^^
Je n'aurairién à ^cfît«r"
Ni du Soxc , ni diK lâ^àcure ,
380 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ne donnent à glofcr aux malins inccrprêtes j
CNÏER- Je n en croîs rien. '
Qu'il fc trouve une femme înfîgne en pruderie
Qui ne voudroit pour rien faire galanterie ^
Je le crois bien :
Mais que quelquefois cette Prude
Ne trouve Ton métier bien-rade ^
Je nen crois rien.
Qalrîs , quand on lui dît qu*on raime«
£n témoigne un chagrin extiecnc i
Je le crois bien :.
Mais qu'Iris ne (ut pas ravie
D*avoîr même chagrin tous les jours de faTie;
Je n'en crois rieik .
Qu'aux Beautex jeunes Si fleuries
Tout deviemie agréiiient jurqu'aux minauderies;
Je le crois bien :
Mais que quand dans leurs yeux la jeune/Te s'cf&cCi
Ce qui fut agrément ne devienne grimace 5
Je n'en croîs rien..
Qu'on voyc ici fur le beau teint des Bc!I'^
Briller l'éclat de mille fleurs- nouvelles j
Je le crois bien :
Mais que fouvent & leurs Ils & leurs rofe
Ne foient des fleurs (bus la toUçcte édob)
Je n'en crois ricQ.
LIVRE XIV. 38y
Avec des geus de mérite & de Cens :
Mais il faut vivre avec tant d'autres gens , Regmie]
' Qu'elle en devient ennuyettfe 8c péfantc.
Quant à pafTer du repos au réveil ,
Puis ne rien faire , & redormir encore ,
£n attendant le retour de l'Aurore ,
Autant vaudroit dormir d'un long fommeil*
Le feul emploi qui redc à la Vicilleife ,
Emploi divin , c'eft de vaquer fans ceiTe
A louer Dieu : mais ne vaut^ii pas mieux
L'aller louer , pur cfprit , dans les Cieux >
■ Que fais-je donc maintenant fur la terre »
Oii les plaidrs pour moi ne font plus faits ?
Oii tant de maux au Mortels font la guerre >
J'afpire au Ciel oii réfide la Paix ^
Ou les plaifîrs,dontiious navons que l'ombre»
Toujours nouveaux,& fans fin & fans nombre^
Tiennent i'cfprit dans le ravinement ^
Ou Ton jouît de tout ce que l'on aime^
Ou dans le fein de la Vérité même ,
. La foif du vrai s'étanche à tout moment.
E G L O G U E.
AMIXTBy LXCIDAS , DaPHKIS,
D A r H N I s.
50R le bord d'un ruiffcau , dont l'onde fraîche
&piire
Tomt IIL K k
,S^ BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
D'un valoQ folkairc encrecient la vcrdare «
£GN'i£R. Amincc&Licidas, CH gardant leurs troupeaux ,
Acccrdoient leur muCêtte au murmure des eaux.
Ils almoient ardemment deux Bergères charmantes^
Et pour en célébrer les grâces différentes «
lîs s'é:oient défiez à qui le mieux des deux
Chanrcroit dans fcs vers la gloire de (es feux.
Quand le fige Daphnis > qui fçavoit quelle flamme
L'amour depuis long tems allumoit dans leur ame ,
Aux troupeaux des Bergers ayant joint fbn tiou«
peau,
Vint s'alfeoir auprès d'eux fur le bord du ruiflcao*
Entr'eux au même inftant le défi recommence:
£t dès qu'il eut fait voir qu'il leur prctoît filence i
Aminre le premier , en l'honneur de (es fers ,
Plein d'un noble tran(port , commença par ces
Vers.
A M I N T E.
Il n cft rîcn Je pareil à l'Objet que j'adore ,
Et des bords du Couchant au lever de l'Aurore t
Du Nord jusqu'au Midi , le célcfl-e flambeau ,
Le Soleil qui voit tout, ne voie rien de (î beau.
L I c X D A s.
Il n'eft rien de pareil à celle qui m'enchante ;
Elle feule efl aimable » elle feule eft charmante;
Et rail de TUoivers , le bel aftre du jour »
LIVR E X IV. î»j
Qai (! noirs , fi beaux *
Flotcoient par anneaux » Kiai|iiA«
Jufqu à la ceinture )
Qu*eft-ce enfin que )'ai
De tout réquipage
Du jeune 5c bel Ige ?
Tout a pris congé
Pour un long voyage»
Et me (tit qu'il faut
M'apprécer bien-tôc
A plier bagage.
A la vérité »
Ce n'eft pas la traite
Dont je m'inquiéce :
Bien ou mal monté.
Elle eft blen-tdt faite ^
L'important de tout
Ceft le gîte au bouc.
Dis avsntsiij de U Viiittêffr.
Aphe's te printems gracieux
De la jeuneflè aimable & vive ,
J'ai pafié dans la vie adive
De l'âge mur U férieux ^
Et maintenant, devenu vieux ,
l'employé une vicillc/Tc oifive#
A jouit des fruits précieux
184 BIBUOTHEQIJE
Deir
raifon
que]
PUi/ïrs des ctrots
riaifirsvifsdélki.
De ta belle S: vain'
Vous ne valc7.pas
De cranquillicé^.df
Que ^oûtc unefsii
Qui n'a ni ctajnce
J quoi [an dait nffirer s
Qu'ai-je à iirf feoT l
A voir lever Se coach
Je l'ai tant vu rotcic i
Je l'ai tauc vu s'y plo
Que(]iie1(]ncr'tand, S
Que Cou toujours un
Il u'a plus rien dd&rr
11 me faudtoit an Op
Ai.je à jouir desplaî
Le tcms n'cft plus des
Le rems n'cil plus Hc!
Depuis long temstcru
Al -je à percer & les I
Lev
L'âge où je fuis n'efl
Au Dieu du vin, cjii
Malgré ilouïeansaji
Je trouYCEois law*
LIVRE XIV. }89
Deux Serins d*un plumage & d'un chant mer-
veilleux : Regnx£
De fi loin que Phllis par leur nom les appelle,
Ils viennent à fa voix en trémoufTant de l'aîle \
Ils volent fur fa téce , ils volent fur Ton fein ,
Us boivent dans fa boucke , & mangent dans (a
main.
 M I N T X.
Je n'ofe rien offrir à la belle Climene j
Climene , noble & fiere , a les préfens en haine :
Mais l'ingrate furtout rebute avec rigueur
Celui qu'à tout moment je lui fais de mon cœur.
L I c I D A s.
Philis m*a dit cent fois, de mon amour touchée »
A vos jours > à vos feux ma vie efl: attachée.
J'aimerai , je vivrai , puifqu'nn fort bienheureux
Rend fi chers à Philis & mes jours & mes feux.
A M I N T E.
La beauté de Climene à l'aimer me convie \
Sa rigueur me contraint d'abandonner la vie.
J'aimerai , je mourrai , puisque le même fort >
Qui m'engage à l'amour , me condamne à la more,
Li c I D A s*
rhilis a les yeux noirs , doux > brillans , pleins de
flamme >
Kkiij
^%6 BIBLIOTHEQUE TOEriQVE.
D'un valon follcaire entretient la verdare «
.EGNIER. Amintc&Licidas, CB gardant leurs troupeau,
Accordoîent leur mufette au murmure des eaux.
Ils aimolenc ardemment deux Bergères charmantes
Et pour en célébrer les grâces difFérentes ,
Ils s*ccoicnt déHczàqui le mieux des deux
Chantcroit dans fcs vers la gloire de fes feux.
Quand le fage Daphnis , qui fçavoit quelle flamm
L'amour depuis long tems allumoit dans leur ame.
Aux troupeaux des Bergers ayant joint (on tioa-
peau.
Vint s'afleoir auprès d'eux fur le bord du ruiflcan.
Entr'eux au même inftantle d^fi recooimcnce:
£t des qu'il eut fait voir qu'il leur prétoit fileocCf
A mince le premier , en l'honneur de (es fers ,
Plein d'un noble tran(port , commença par 0
Vers.
A M I N T £•
Il n eft rien de pareil à l'Objet que j*adore »
£t des bords du Couchant au lever de l'Aurore t
Du Nord juCqu'au Midi , le célcfl-e flambeau 9
Le Soleil qui voit tout, ne voit rien de fi beau.
L I C X D A s.
Il n'efl rien de pareil à celle qui m'enchante ;
Elle feule efl aimable « elle (èule eft channanici
Et Tail de l'Univers , le bel aftre du jour »
L I V R E X 1 V. 39t
lèvres de Climene admirez la couleur »
i\i de la grenade eft moins y if que le leur. Reon
L I c I D A s.
ttre jour ma Philis danfbic dans la prairie }
tout fous Tes beaux pas l'herbe devint fleurie j
troupeau qui paiflbit oublia de manger,
l*amour les Sylvains penferent enrager. "^
A M I N T E*
itre jour dans un bois la charmante Climenc ,
intoit une chanfon du vieux Padeur Silène -,
ruîfTeau qui bruyoit fur de petits cailloux,
lia dans ce moment d'un murmure plus doux ;
RofTignols perchez {bus les tendres feuillages ,
iteux d'être vaincus ceflcrcnt leurs ramages ,•
r devint plus ferein, & les plus doux Zéphirs ,
r mieux ouïr fa voix , retinrent leurs fbupirs.
^ L I c I 9 A s.
md d'un lin mol Se doux chargé fur fa que-
nouille ,
lis entre fes doigts tord la blonde dépouille ,
:mble que le lin en devienne plus beau ,
ju'il s'aille ranger de lui-même au fufeaa.
A M I N T E.
nene aime des fleurs l'agréable mélange $
;*eft avec tant d'art que fa main les arrange ,
K k ijij
3 9 1 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Qu*on dlroic que les lis » les œillets , les iafmiDS
GNIER .
* £b devienoenc plus beaux en pafTanc pai fes mains.
L I G I D ▲ s.
Philis fçaîc manier & la laine & la Coyc ,
£c c'eil avec tant d'art que fa main les employé ,
Qu'on diroit qu'à l'ouvrage elle-même autceFois
Minerve ait pris plaifîr de lui former les doigts.
A M I N T E.
Minerve & les neuf Sœurs ont élevé Climene ,
£t ne l'ont pas bornée à la foye , à la laine.
Leur art n'enfcigne rien aux plus fçavans efprits «
Qu'il ne l'ait à Climene également appris.
Elle fçait de quel fang chaque fleur on vie naître
Quel Dicu,qucl acciclcnt changea lear premier être.
D'où naiflcnr les Autans qui gâtent les vergers,
D'oii naifTent les Zéphirs qui plaifent aux Bergers,
D'où la brillante Iris , avec fon arc d'opale,
Emprunte les couleurs qu'à nos yeux elle étale ,
D'où fe forme la plnye , & ce qui grolTît l'air,
La caufe du tonnerre , & celle de réclair :
Elle connoît cnHn de la Sœur & du Frcrc
Les divers changemens & la courfc légère -,
Mais elle ignore , iiélas î le pouvoir de l'Amour.
Puiffent faire mes foins qu'elle l'apprenne un jour I
L I c I D A s.
Grâces à la fortune à mes vœux complaîfante ,
Ma Philis en amour eft un peu plus fcavante ;
>
I
L I V R E X I V. i9^
Son c'fpric , je l'ayouë, encor peu curieux y
N'a jamais pénétré dans les fecrets des Cieux : Re»hi
Mais aufli qu'à jamais la belle les ignore ,
Pourvu qu'elle connoifTe à quel point je Tadorc ,
Qu'elle fçache m'aimer & répondre à mes feux -,
£lle éft a/Tez fçavaute ^ & je fuis trop heureux..
D A p H N I s.
Vous avez Tun & l'autre , avec même avantage »
Célébré dans vos Vers , votre illuftre efclavage.
Que toujours Licidas , des mêmes traits percé ,
3éni(re le pouvoir des yeux qui l'ont blcfTé..
Que le fidèle Aminte aime toujours Climene ,
Jamais plus digne objet ne peut caufer fa peine ;
£r quand un feu fi beau brule une fois un coeur,
Rien n*a droit que la mort d'en éteindre l'ardeur.
Mais, Bergers, fi l'amour qui tous deux vous en-
flamme ,
A quelque autre pen(er fouffrc place en votre ame >
Jufques au grand Louis élevez votre voîx ,
Et ne l'employez plus qu'à chanter fes exploits.
C'efl lui qui dans nos champs , dont le Ciel l'a fait
maître ,
Fait que fans peur des loups nos troupeaux peuvent
paître >
Et qui par mille foins & par mille bienfaits •
Ramené en nos hameaux l'abondance $c la paix*
Jeune , fage , vaillant > fur les traces d' Alcide »
3^4 BlBLIOTHEqUE POETIQUE.
Il marche d'un pas ferme > & d'un cœur incr^ide )
Ugni£R« D'Aldde, qui jadis dans nos champs, dans nosboii|
Aux Bergers de Ton tems fit révérer fes lois.
De cent monClres cruels qui nous faiCbient la gaenc^
On Ta vu comme lui délivrer notre terre ,
On le voit comme lui , par des travaux fansfini'
A l'immortalité s'applanir le chemin.
Maître de toute chofe & maître de lui-même i
La gloire efl: de Ton c<rur la paffion fupréme \
La gloire eft de fes vœux le principal objet >
Et de vos Vers pour lui fera l'ample fujet.
Quelques lauriers pourtant que votre main Id
cueille ,
De myrrhes amoureux mêlez-y quelque feuille i
L'ardeur dont pour la [gloire il brûle nuit & jour •
Ne rend pas fou grand cœur ennemi de l'amour.
Aînfi parla Daphnis. Les Bergers (è levèrent }
£t chafTanc leurs troupeaux > au hameau retour-
nerent.
A M. rEvêque de Meaux , lorfqu*il étoit Frécefteuf
de Monfeigneur le Dauphin , Fils $mique
de Louis XIV.
Illustre & grand PrcIat,dont la rare cloqncnea
Et le profond fçavoir font honneur à la France ,
Et donc un grand Monarque a voulu faire choix»
Pour apprendre à fou Fils ce qui fait les grands Roi^
LIVRE XIV. 39S
Quoique très-éclalré dans ce haut minifterc,
Recevez les avis que vous donne un Confrère ^ Rccnih
Et Ibogez que tout homme en un pofle pareil ,
Quelque habile qu'il foit , a befoin dé confèil.
Pour inftruire le Prince & former fon enfance
A toutes les vertus dignes de fa NaifTance >
Vous feuilletez les Grecs , vous lifez les Romains,
Et leurs dodles écrits (ont toujours dans vos mains ^
Soit que Tadre du jour répande fa lumière ,
Soit que la Lune au Ciel fourni/fe (a carrière •
Sur les Livres colé » vous tachez » en tout tems ,
D'y chercher au Dauphin de grands enfeignemens.
Mais pourquoi > fans befoin , vous donner tant de
peine ,
Et prendre des détours d'une G. longue haleine }
Dans la noble carrière , oii (bus vos yeux il court ,
Je vous ouvre un chemin & plus fur Se plus court.
Pour inftruire le Fils , étudiez le Père ;
Propofez-lui fans ceflc un fi grand exemplaire * ^
Et quel autre pourroit le mieux former jamais
Aux vertus de la Guerre , aux vertus de la Paix ?
De fes vaillans Héros quoi que la Grèce chante ,
De fes fameux enfans quoi que Rome nous vante ,
Et de quelque vertu qu'enfin TAntiquité
Ait pu lai {fer l'exemple à la poftérité ;
Trouveriez-vous pour lui d'aflcz parfaits modèles
Dans le Vainqueur de Monde » ou dans celui d'Ar-»
belles ,
59^ BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ou dans les plus grands Rois , dont les faits éclacans
EGNiER. Ont garanti les noms de Toutrage du tems ?
Pour le Fils de Louis , pour celui qui doit être,
Après le Grand Louis , de l'Univers le Maître ;
Il n eft point de modèle afTez noble , afiez grandi
Que Louis jufte, bon , libéral , conquérant,
Grave dans les Confeils, profond y impénétrable y
Dans fcs juftes defTeins toujours inébranlable,
Doux envers Tes Sujets , fiera fes ennemis ,
Doux encore envers eux , dès qu il les voit (bamif }
Magnifique en préfens ,en palais, en fpeâadeSf
Confiant à furmontcr toute forte d'obftades »
Amateur des beaux Arts , du Sçavoir proteâear,
Et de TArt militaire ardent reftauratcur.
Par fou exemple fcul,micux que par mille exemple»
Il fçâura protéger la fainteté des Temples j
II fçaura foutenir & fes droits & Ton ran*»" •
Contraindre fes Sujets à ménager leur fane,
Rendre à fes Alliez , à Tombrc de (es armes ,
Leurs Etats affermis contre toutes allarmes ,
Elever le mérite aux emplois fignalez ,
Se choifîr prudemment des fervitears zélez ,
Entretenir toujours dans le (cin de la France
Une tranquille paix , une hcureufe abondance;
Faire craindre partout la majefté des loix ,
Et fcul d'un vafte Etat foutenir tout le poids.
Du Monarque furto.it propofez-lui fans cefïc
La bonté , la dou cur, la profonde fàgcffc ;
L I VR E X I V. 39$
Son efprit , je l'ayouë^ encor peu curieux y
.N'a jamais pénétré dans les fecrets des Cleux :
Mais auffi qu'à jamais la belle les ignore ,
Pourvu qu'elle connoKTe à quel point je l'adore ,
Qu elle f^ache m'aimer & répondre à mes feux ^
Elle eft aiTez fçavaute > & je fuis trop heureux..
D A P H N I s.
Vous avez l'un & l'autre , avec même avantage »
Célébré dans vos Vers , votre illuftre efclavage.
Que toujours Licidas ,des mêmes traits percé ,
JBéniflè le pouvoir des yeux qui l'ont blcfTé..
Que le fidèle Aminte aime toujours Climene ,
Jamais plus digne objet ne peut caufer fa peine }
£t quand un feu Ci beau brûle une fois un caur ,
Rien n'a droit que la mort d'en éteindre l'ardeur.
Alais, Bergers, fi l'amour qui tous deux vous en-
» namme •
A quelque autre penfer fouffrc place en votre ame>
Jufques au grand Louis élevez votre voîx ,
■*£t ne l'employez plus qu'à chanter Tes exploits.
.Cefl lui qui dans nos champs » dont le Ciel l'a fait
maître
.J^Ic que fans peur des loups nos troupeaux peuvent
paître ,
£t qui par mille foins & par mille bienfaits •
Slamene en nos hameaux l'abondance $c In paix*
Jeune, fage, vaillant , fur les traces d'Alcide »
ï
î IIIIIJTEEQI'E POETIQUE.
^ l^Dzlr-jt -ari . Ti:..£n: , rîcla a une noble ardcoTt
I.: «ii^il» I. r-DL": in-: :r.i2:ls az-cciToas de Con coeur;
?!.::=:- -1. "»;_:l:7:s f^zs la viiic famenfe ,
.^•iL r-:: l^i= Ji- rrz: iz irajc: de la Mca(ê$
SiiDr-r^i--!. It rniïice S: î« foins glorieux
_*: zi rrtr £ s rre » a roat voir par fa ycûi;
* -Ai-
J:::r:ri-.: x.i -rir; ?rlnce, actif , infatigable >
* "-T-.:.: : -icrrr.ie . î:2.Ta:n , facile , aimable ;
7i nf.! rii£ .=5 fnî e:: rca: rems lont trouvé,
Il 11- I : : Z-i^sir; .'a cen: fbis éprouvé.
r^iim-.i. .2i_s=.e^: a c-cî point il s'expo(è;
C'i : 11 i . pr-.;rre . i. en fçait ouelque chofc,
N""i^=: r.£i . riT fr.r-ie Je 3: rar facilité i
rcr: -f-rr.r, l'Eia: , la vérité.
m. -^
r TÎS-. ;. 2xr - -m: , ^cre exploi vous l'ordonne,
C^ : : -•!::• ?.?! -e icirpas expofcr fa perfonncS
II. fr- i^ r il zz.z. cJsz bîâsîer Louis j
""•'r;: prz ris le ?ere ea préfencc du Fils j
;: 2 2c: :er îrf:: azr:r.e chofe à ftire ,
?cc: ccTTi^er le FIis du îcaî défaut du Perc.
Ir rrz'.z ie ctrre icrre aux devoirs d'un grand Ro!}
rei::.:c po^ i^v-ner à IX'nivers la loi ,
i! CiiZTZ ^z:[ cherTîln peut conduire à la gloire,
L^nV-c z-2 grand Louis il fçaura bien rhîftoire.
■
LIVRE XIV. ^99
APUCTXON DE LA SCENE DU PaSTOR FidO »
^ e r 1 RïGNIl
Cart Selve béate.
Heureux fêjourderiniiocencey
Sombres & folltaîres bols ,
x^ne le repos , le calme & le ^ence ,
Qu'avec plaifir je vous revois l
Si tel étoic l'ordre fapréme ,
Que je pufTe vivre à moi-même
Eu quel Heu j'aimerois le mieux »
le changerois pas vos paifibles ombrages
Contre les bienheureux bocages
Habitez par les demi-Dieux.
Les biens que la Fortune étale ,
Sont plutôt des maux que des biens ;
ins des préfèns du Sort , que de pompeux liens
D'une fervitude fiitale.
Plus les Dieux en ont accordé ,
1ns on jouit des dons de leur niain libérale %
£t par une erreur générale ,
les poffede moins qu'on n'en eft pofledé.
Darns la belle faifon de l'âge
Que ferc à la félicité
: illuftre naiCance , une rare beauté l
Que fert la gloire d'être fage !
e (crt un grand domaine , un fertile héritage \
"Et que fert d'avoir à (buhalc
B^lM'bltlnstjue le Sort peut donner enpartagey
400 BIBLIOTHECIUE POETiqUE.
Si le cœur n'efl; pas fatisfait X
Legnier. Heureufe une Bergère aimable »
Qui n a pour couvrir Ton beau corps*
Qu'une écofFe > à peine capable
D'en cacher aux yeux les tré(brs !
Pauvre de cous les biens donc la Forcune ordoonei
Mais riche de cous ceux que la Nacure donne >
Elle a couc , fans pofTeder rien \
Nul vain défîr ne la courmcnce \
Ec fans s'appercevoîr qu'elle manque de bien ,
Elle vie pauvre » mais concence.
Des dons de la Terre & du Ciel
Elle encrecienc les dons de la Cage Nacure )
Elle vie de laie & de miel ,
Elle fe rafraîchie & fe lave d'eau pure \
Ecla fource qui fere à la défalcerer ,
La confeille aux beaux jours de f!ee,
Quand d'un chapeau de âeurs voulanc parer fa tecei
Au lever du Soleil elle va s'y mirer.
Qu'il eonne , qu'il grêle , qu'il vence,
Elle n'y prend nui inceréc.
Toue l'accommode , couc lui plaîc %
Elle vie pauvre , mais concence.
Elle n'a qu'un foin (èulemeac ,
Soin délicieux & charmanc ,
Exempc de erouble & de concraince \
Tandis que fcs moueons . dans la plaine écarccr j
SouslagardcdcschicnspailTentrhabc^fânscialiire,
Soi
LIVRE XI V. 401
^^m^mmmmÊmmmÊmmmÊmmmmÊmÊmammmMimmmÊÊÊmmÊmmmÊÊmmimmm^mmÊmmÊm
Son Amant cd à &s côcez «
. lui parle des maux dont il reflcnt Tattcintc \ ^^®Ni
Et pendant qu'il lui fait fa plainte ,
: tient Tes beaux yeux fur les (lens arrêtez ,
aed point un Amant qu'ait defliné pour elle
La dure autorité des lois \
C'eft un Amant tendre & fidelle >
Dont elle & TAniour ont fait choix,
is deux fous un ormeau » confident de leur
flamme »
Ils pafTent les jours à s'aîmer 5
e feu dans les yeux , la tendrefTe dans Tame >
goûtent des plaifirs qu'on ne peut exprimer»
Il ne lui dit rien qu'il ne (ente 5
r lui laiffc voir jusqu'au fond de fon cœur 5
n ne trouble jamais leur mutuelle ardeur -y
Elle vit pauvre , mais contente.
O cent & cent fois heureux fort ^
Que vous êtes digne d'envie !
O fimple & bienhciireufe vic^
Toute autre vie efl: une mort î
Sur les Minrftres^
Ravoir à chaque chofe impofer fon vrai nom ,
N'àppaiticnt qu'au Sage , dit-on.
Cependant c'eft Fa multitude ,
C'eft-à-dire ce (ont les fous >
Q»i les «5nt prefque inipofé ioxLS^
Odronnefc maintient que par la fervîniii ,
Ecd'où pret^^tic toujours on cft précipité.
Tant qu'on Hcroeure en place, une fou î in
Qui d'un homme élevé fuit toujours la fortui
Le garile prcfque il vue eu root tems , en tous li
II ne rcfpite l'air qu'au ttavers d« la prclTe ,
Qui s'ouvre Se Ce relTerre au tout Ae lui fans •
En vain adîf, laborieui ,
Il ne s'accorde pas un momenr de relâche j
II fuccombe le jour fous le poids de fa tâdie.
le la nuit le fommeil Te refifc à les yeinr. •
le Publie cependant , fans ^atdcr de a
Eieicc à tour propm la plus aïipe ci
Sut les évenemensdiv
Et lephisfouver
L l V R E X I V. 405
Comment s*avcaglc-t*on affcz
Pour eftimer heureux ceux qu on y voit placez ? Regm
EPITRE MORALE.
En vers de nouvelle mefstre*
Vous êtes , TiMANDRE , en inquiétude
A quoi je m occupe en ma folitude :
J'y goûte en repos l'innocent plaifîr ,
Que donne un heureux & profond loifîr ^
£t l'employant tout à me rendre fage »
Je tâche d'eu faire un utile ufage.
Pour y parvenir je lis & relis
Des Romains , des Grecs , les (âges écrits :
Je vois dans leurs vers comme dans leur pro(èj
Ce que chacun d'eux croit fur chaque cho£è ;
£c quand , plein d'ardeur pour la vérité ,
J'ai fur leurs écrits long tems médité j
Et qu'enfin je (ens que las de fa tâche ,
L'efprit a befoin de quelque relâche ,
Je quitte l'étude , & j'erre fans choix ,
Tantôt dans l'es prez, tantôt dans les bois.
Au pied de mes murs , vers Vendroic que dore
De (es ^emiers feux la naiflante Aurore ,
Jufqucs vers l'endroit que vont éclairant
Les dernier» rayons du Soleil mourant ,
5'étcnd un coteau qui partout préfente
Va ombrag.e fiais , une douce pente.
tli)
404 BIBLIOTHEQUE POETiqUE.
C'cft-!à , plus fou vent qu'en nulle autre pan»
E«NIE&. Qyç je nie promené au g;ré du hazard j
£c qu'en liberté je rends & j'attire
L'air tranquille & pur que l'on y re(pire ,
Tandis qu'à mes yeaz cent objets ofiEèrts ,
Feignent à la fois cent tableaux divers.
Le chant des oifèauz > le cours d'une eau vive#
Des noires fourmis la famille aâive •
Une fautereHe , un ver , un grillon y
Le vol d'une mouche > ou d'un papilloa »
Une herbe , un épi qu'en rêvant j'arrache \,
Tout m'amufè alors , (ans que rien m'attache»
Ni que mon efprit, ailleurs dîllîpé ,
£n aucune (brte en fbit occupé ^
Mais tel qu'un oifeau dre^e pour la chaflè>
Des airs tout à coup fend le vague e(pace> .
Se plaît quelque rems à prendre 1 eifbr ,
Fuis vient au reclame » ôc rechalfe encor ;
Tel ayant fini fa courfe incertaine ,
Mon efprit difbrait vers moi (e ramené i
Et d bbjt:t en autre alors m'élevant ,
Sur les grands fujets je m'en vais rêvant.
Je regarde en gros toute la Nature^
J'en obfcrve Tordre & Tarchitcdurc ,
Et cherche à fçavoîr quels fecrets reflorts
Pont mouvoir fi jufte un fi va/le corps»
De l'air & du feu , de Teaj , de la terre
L'éternelle paix , lacrnellc gLerrc^.
LIVRE XI V. 401
Son Amant cd à (es côccz , —
Qui lui parle des maux dont il reflcnt l'atteinte i
Et pendant qu'il lai fait fa plainte ,
Elle tient fes beaux yeux fur les (lens arrêtez ,
Ce n'ed point un Amant qu'ait defliné pour elle
La dure autorité des loiz \
C'eft un Amant tendre & fîdclle >
Dont elle & FAniour ont fait choix.
Tous deux fous un ormeau » confident de leur
flamme »
Ils pafTcnt les Jours à s'aimer \
Et le feu dans les yeux , la tendreffe dans l'ame >
Ils goûtent des plaifirs qu'on ne peut exprimer*
Il ne lui dit rien qu'il ne (êote 5
Elle lui laiffe voir jufqu'au fond de fon cœur -,
Rien ne trouble jamais leur mutuelle ardeur ^
Elle vît pauvre, mais contente.
O cent & cent fois heureux fore >
Que vous êtes digne d'envie !
O fimple & bienhciireufe vie,.
Toute autre vie efl: une mort !
Sur les Minrjires,
SçATOiR à chaque chofe impofer fon vrai nom ,
N'appartient qu'au Sa;çe, dit-on.
Cependant c'eft la multitude ,
C'cft-à-dirc ce (ont îcs fous >
Qui les 0ut prefque înipofé tous.
408 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
CenCèrvent, quand Tâge a leur poil blaachî i
Ugnxer. De Ihyvcr des ans rcfprit affiranchi.
Le f efte paîcri d argile groflierc »
Tout entier vieillit avec la matière ;
£t n'a pour partage en un corps cafl2 >
Qu'une raifbn trouble, un erpritglac&
Les Cens afFoiblis^ les forces ufôes «
Les veines que Tâge a prcfquc épuiféeS »
Les mufcles trembla ns , les nerfs fans chalénfi
Sont de Thomme alors le moindre malheur.
Alors aux défirs qui le dévorèrent ,
Et qui nuit & jour fon repos troublèrent ,
La crainte fuccede , & plus que jamais
II ed nuit & jour fans repos ni paix.
La mort qu*à toute heure il croit voir préCntc
Lui remplit rcfprit , d'horreur , d'épouvante..
Mais quoi qu'il redoute après le trépas ,
Content de trembler, il n'y pourvoit pas.
Voilà quel e(l l'homme , 6c comment Cias ce&
Le défit l'agite , ou la peur le preflc :
Heureux qui pourroit fê régler Ci bien ,
Qu'il ne défirâc ni ne craignît rien !
Mais parce qu'en vain l'humaine foibleilé >
Voudroit parvenir à tant de fageHc »
Je tache du moins de former mon cocut
A ne rien vouloir avec trop Jardeur ;
Je tâche d'ôcer le mafque & la feinte
Aux objets trompeurs qui font notre craintt
LIVRE XIV. 4c^
Ec fc mVStudic à me rendre heureux ,
Moins en rexnpliâanc qa*en bornant mes vœu x. ^^qv x ei
Enfin plein d'ardeur d'apprendre à bien-vivre ,
De fça vok que fuir , de (javirir que ftrîvre s
le m'applique tout à r^ler mes moeurs 9
A pic bien gnéxk de toutes «rf^eun ,
Et me rendre l'tme innoceme & ferme ,
Pour ne craindre rien à mon dernier terme«
Mais quoi ?^ l'on trouve en toute failba
Si peu de reflburoe en notre raifoa ;
Si le plus (buvent on rencontre en die
Un appui mal I&r , un aide infidcHe ;
Que. fais.- je en forn^nt un pareii defiçin ,
Qu'^n projet frivole » eu qu'un (biige viSû I
Ceft au Ciel > Timandre, au Ciel que réfidc
La paix > la fagefie & le bien (blide }
£c c'efl: vers le Ciel que pour être heureux >
L'homme 4€ii tdumfer (bn cœur Si &$ vœux.
ù DE s.
Sur le Mariage*
De votre tend reffê trompée ,
CelTez de plaindre le malheur }
Céft trop avoir l'ame occupée
D'unetrop frivole douleur.
'A rheureux Epoux de Sylvie
Vous portez envie aujourd'hui ;
lem m. M to
+ :4y J: 71:J ^HEQVE POETIQUE.
^^^^ E: rr '."ira dcaïatQ 2 ! ii
i*î:-*;:i3. 1 «rctis dcrosc pocisc ecTle.
Soos Is MMi^ tbvBKa Ta tMagjt »
S: i^ T3S SBOors fa &k Bukre :
Sii.< le eoosdeax blca*cde, ptBC-éoc*
Far i bTzrxn voos kccz 'iFcngé.
Q^usid szxx £I!e • déjà grande «
Cc.rzxtfncc a Czzrir cz qu'elle eft ^
C'tflw un mari qu*el!c demande ,
£: le meilleur 1 c cil le plos piêc
Dans LespzemîenteiBS,xl ImCemUc
Qve les Cienx Coo: pour die ootcrs:
Vkcc-03 à :e bcouiner eofèmblc 3
E'.'.c û: croie dacs les Enfers.
Lui , c:ii d'abori {aas leccixiC
S'abzcdcnzc:: à Ces défîrs ,
Trouve auffi ça*à la cenrinoë «
L'hvmen a de fades plaiiîrs.
De parc & d*ai:tre , dans la fiiice «
On perd le gouc Si la raifbn ^
£r par l'hameur » par la conduixc ,
L'un ver(e à Tantre dti poifiui»
C'eft on combac i tonte outrance,
-Qu'un nuiriagc malheurcuii
iXe TjAoire jivHe efpéraooe ,
Que parlt mon de i an det deux. WBoiw
Uj^.byiMMiidp COQS. points (brtable ,
£fl au cojfLtaiif€ à Aéiotr •>
£c c*eft m ks ineftÔMblc :
Mais il eft encoKi ràer.
Ainfî nul ae mec à la Banque»
"Qui ne Ce il acte de l'avoir ^
Mais^emme on être toujoacs Manque •
Quelqi'mi doute da inltec aoir.
Quoique autre ^imij^pc^<^C9rC:
Que laJboccejoÀlcsJs^Uecs.fiiac^ •*
Eft comme cçllç de Pandonc.
Oii refpér^nce J^cqlt au ioad. . .
Mais de (kl>olfte infortunée
Sortit db maux un moindre ^flain «
Que la bofe'te de i'hyménée
N'en répand fur le genre humala>
Tels que fous un ciel trîfte & foipbrt-»
Dans l*âpre faifbn-des glaçons j :
Sur la tetre tombent fans-aoxnbrt
De neige les épais flocobs :
Tds fur !cs trîftes mariages
Tombent les chagrins , les dé^ct&:^\
414 MIBUOTEESirE FOmOUl
Tefsz ks aaacs accooxîr »
Qai feBUexK rcgreser la per»
De celle qoi TÎoB de moenr.
Toslez-TcxB Toir . be!Is C!laiBDe »
Vdbjcc àa sioiidc le plis x»i .
jPasdiezpToae fiir te bord de t'en «
Vous pourrez tdds t toît {km peine :
Touctfbh en tous r^ardant ,
Du beaa chaflêiir qrxî s'aima tanc
'Rc^outCT. le malhrjr xa(:gae :
Soa avancore ms fak peur ,
Quoique la ccrre (bi: inîiigne
D'avoir uoe il belle Heur.
Regardez yers cette areaD?,
Vous voyez c]ac (cnfibîcmcnc j
Sans qu'on s'appcrçoi vc comment *
La rerrcs ouvre & fc rcniu<f.
^ Mi mené , qu'il eft dangereux ,
Qunnd on fait naître de beaux feux.j
De Ce pir^uer d'ctte infenfibkt
Les Dieux aiment à fc veni^ ^
]\coiicc'A y & s'il cii poflible ,
i^pprenc'^ à vous corriger*
, L I V R.E. XIV, MS
Cette taupe qui va fans ceâe
Gratant la terre avec ies niaân^ ,. Regn
Jadis chez des :peupkfr loiiicaîns .
Fut une très-belle Prlocefle.
Le Soleil datis' le coats qu'il fait ^
N'éclairoît rie» de iS parfaic
Depuis Ffnde jufqu'à la Seine ;
£c tout ce qui vit Tes beaux yeux y
Devint lia conquête certaine
De leurs charmes impérieux.
MaiscDtre toas ceux dof^ la famine
Se (ignala jufqu'au combeaHi ,
Un Prince vaillant , jeune & beau-*
Uadora de toute Ton ame.
Que ne fit-il point chaque jour
Pour lui témoigner (on amour.
Et mériter d'être aîtné d'elle >
Mais ni fen fang , ni fa valeur «
Ni Ton amour tendre & fidclle » *
Ne purent lui toucher le cœur.
Fiere de fa beauté fnpréme >
Et cruelle à tous (es Amans >
Elle borna fes fentimens
A ne rien aimer qu'elle-même.
Cent fois pour éviter leurs yeux «
En des jardins délicieux
Elle chercha le frais & l'ombre \
M Bi iiij'
41^ BIBLIOTHEqUE POETIQUE^
tmm^mmmmimtmÊÊÊÊmmmÊÊÊmmmmmmm^mmÊmmmmmmÊmÊmmmmmÊmm^mmmmmmmim.
£c dans le C^ottt qa'elle y fie ,
î N 1 1%*. Les (èuls Zépbirs forent da nombre
Des feopkans qa'clle'jr {(mffîic-.
Là fans aucune inquiétude '
Des maux que cau&içQC fes çigwus >
Parmi les arbres & les fleuis.
Elle chercha la folicude.
Le jeune Prince cependanc^,t,
Confumé d'un défîr aident ».
Paflbic de cruelles journées y
Enfin réduit au défelpoir »
£t prefTé par Tes deftinées ^
tt voulut tenter dt la voir.
Un jour qu*à rombre-d'un bocage
Planté de myrrhes amoureux p.
Elis jouoit à mille jeux
Avec, des filles de. (ba ^e •»
Le Prince entre fècretemenr,
( Car que ne peut point un Amant )
Se jette aux pieds de la cruelle -,
£t déjà tranfporté d'amour >
Il lui dlfolt qu*éloîgné d'elle
II mouroit mille fois le jour.
Hé bien, meurs , répond rinhumaine>
Avec un vifage indigné.
Alors le Prince infoitunA
ZTVR £ X ir. 417
Sent qu'il perd la yeix & rhatelne :
L'«zcès d'une jufte douleur RUtOH i
^ui g|ace,ljB (ang dans k coeuf f
Il pâlie , il tombe , 11 expire *,
Et (èmble dire en expirant ,
Qu!il bénit fon cruel martyre ,.
Pui(qu'U peut la voir en mouram .
Une fi funefte avanture-
Fit- dans le»prez fécher les flÈurt;
Chaque myrthe en jetta-des pleurs
A travers (bnicorce dure v
Le Ciel auparavant fi pur ,
Seuvelopant d'unvoite ob(cur,r
De douleur enrvecfa des larmes :
Elle feule , (ans s'altérer ^ *
Vainedu pouvoir defes charmes ,.
A Ces pieds le vit expirer.
Mais fa cruelle indifférence
Pour un Amant mort à fcs yeux ,
Provoque le courroux des Dieux v
It'folliciteleur vengeance.
Alors tout d'ttu^oup elle fent
Qu'un eflbrt Tecret & puiflant
Lui ravir fa forme prcmiert >
Déformais fon corps fe réduit
A moins d'efpace & de matière ,
Et Jftfcs yeuxle joui s'enfuit.
mt
418 BIBLI0THEQUE POISTtQyK
Scf frax r ^<^n( l^bcsaité^ùs&t
De cane de-MnuvtsimbUi Id^pwr i'
Ses yetxx'S^AfrîgMts poorjtaiais >>
Et nulle apparence n'ietizeftie. .
L*habirqa%lIep(»xoitaIor9« '
STaetache parccmc fur Ion ccn^ r
Ec partout en-Gi peau (cchadge ; -
Et tel qu'lt fifç de yeloun nolr>
Avant ce cbfii^gi^menc ^aogPi. . ;
Tel on pqit çaçiOftç le i^ir. ,. >
C'eft âtnfi i}Qe les Dieux: watsteor
Que cet outrage Ac reogé^
Ses mains (enles n'ont point changé v
Et font encor ce-iqu'cllcs furent.
On voit au (H comme autrefois ,
Que pour les ji^rcKns & les bois
Elle a toujours la même attache ^
Mais par un focret mouvement >
Sous terre fans ceiTe elle cache
La honte de fon cbagemen^
Mais le Dieu vifîMe du monde* »>
Déjà plus rapport able aux yeux »
Dans un cercle plus fpacieux . '
Etend fa Inmîcrc féconde :
Déjà fcs cou rfîcrs lumineux
Sentent s'élever au tour d'eux
ri 4e la mer Tpi£ns.^
/
L I rR E XIV. 41^
E^Iosieconanc de leof xr»;
Répamkm Gitrûous en bmine ^ &i«il x
Le fTQi(tdc4aiigp:euj( fercta.
vPour aller troavctffiû Aihanfe-
Avec phis (fe poiïipe 5t d'éclatt .
D'or i ikf lamic^e dt d'îocarnac '
tt-crace une route briltante.
La Nymphe dont il eH; charmé ,
L'attend dans an bain parfumé «
Pour fe rendre à &syeax plus belle t
Et par les heures depuis peu »
El!e a fait tirer devapc elle
Un rideau de couleur de feu.
Admirer de quelle vîtefTe
Il court vers le moite élément ;
Qu'il va bien de Tâîr dlin Amant ,
Qui s'apperçoit que Theure preflc l
Aînfi le Dieu qui' fàîi aimer,
Sçaît également totit charmer ,
L'air & le ciel , la terre & Tonde j,
ifout cède à fès divins appas.
Voulez- vous être feule au mondft ,
Dont le cœur ne (e rende pas ?
A m: Piliffon.
Lorsqu'à là fuite de la Cour,
Vous paflez la nuit & le jour ,
4to BIBLIOTHEQUE PÔETIQC/E.
Dans le brait , dans Tinquiétode ,
Elc«MiSiP» I.t(i\it négligeant les neurSoeor^^
Vous étos privé des dôuceurr
De-la retraite & de l'étude y
Moi JLCgo&te idoles pUifir»
Qu'oa trouve dans la folitade«
Qiiaud d'un efprît cégié ron^borne Cc$ défirs.
Dans un lieu dii bruit retira >
Od , pour peu qu'on foit modérée
Oh peur trouver que tout abonda)
Sans amour 9 fans ambidûn ».
Exempt de toutepaffiôav
Je jouis d*ûne paix profonde v
Et pour m'a/Turer le feul bien
Qae l'on doit cfliimer au monde f
Tout ce que je n'ai pas , je le compte pour rien*
Je compte pour rien les tréiort
Que rinde étale fur Tes bords
Aux vœux de Tavarice hunuine^
Les grandeurs qui font parmi vous,
Tant d'amans Se tant de jaloux ».
Je les compte pour cKo(ê vaine %
Et compte enfin pour un malheur.
Tout ce qu'on acquiert avec peine »
Qu'on poflcdcen tremblant , qu'on perd avec dou
leur.
k.'
iL îl V R E XI V. 4M
Qoî peut dite les foinj cuifans
<^ai dévorent 1^ Coanibns^
Et quel noir chagrin les dévore 4
Il peut dire combien de plears
L'Aurore verfe fur les fleurs,
Qi^iiid le )our commence d'édorc:
Xlpeot compter les fèax des cieux^
Les (àbles du civage More^
vertos de Louis , & (es faits glorieux.
De mille délits agitez ,
Da bonheur d^autrui tourmentez.
Jamais contens de la Fortune ,
Ils n'ont fur lc£s effets divers
De (es faveurs , de fes revers ,
. NI fageffe, ni force aucune ^ ^
Et quand le Soleil fort des flots.
Et quand il fait place à la Lune «
r e(p^ inquiet. A'a jamais de repos.
Oie ftttr de devenir comme eiiz ,
D'un commerce fi dangereux »
Songez • Ac AtiiTE , à vous défaire :
Mais j'ai tort^Sctie (çai-je pas
Combien Vous faites peu de cas
De ce qui fédtùc le ^vulgaire «
JScqae charmé du fcui Louis »
Vous'fiûtes votre unique affaire
pprendre à nos neveux fes exploits inouïs ?
IIeonier.
4M, BIBLiOTffEQpE" MEÎIHUS.
■ ' '" Vdui Icot tpprcflârez k$ coaibars ,
Recnz». Par qui des Bamves ingrats
il a rerapoTcé la-viftoire s
Ils liront* pleins d'étonneineat >,
Contré Tibère & le -Flamand
Combien il i'ttt acquis it {jldirë ;
Et des hauts faits d'un il grand ko!
Plus fidcjle fera tliîftoÎM ,
^Plus Ils auront fujet d'en foup^onner la foi.
Vous le peindrez anz tems fiitun.*
Foudroyant les fuperbes mms y •
Qui tircfltt letir nom dck Menft.- '
Ni tel le pilusgrané des GéfÎM^ y
Lorfqu il renvcrfoit lesrempattsv
Dont TAuvergne cft encor f«fheafe;$
NlteU lôr{qu*aax murs Tyrîens
Il portoit ane guerre «ffireufe , '
l^écoit point Mezandreâ là téce des fieirt. .
Mais pommene pouarese^yoïis jama
Avec d'aflèz fiddlesmlts ,
Peindre fa {kgcfTe admirable ,
Sa valeur , fa noble fierté »
Sa donn-ftnce . fa ^rmar^ .
XI V R E XIV.
423
Pqm moi , i'ai ceo(6. i^udlquefoU
D'élever julqu'à bi ma voix « Kmx k
:£c d'en dise ce que je pcnfe :
Mais indruit par mon vain effocc •
Qu*à mon fajec |e finfeis tort «
Je cède à cette eipérkficc ^
Et de peur de le lataler •
f *adimre ^ j'adore en filcaôe
xrtus que ma voix ne G^auroit égaler.
A la Réufon,
R ATOH cékAt » ^ammc pnte^
Ponion'delaDivittitéi' -
Dont le Htfkfo de la Nature
Fjfiprélèoc à L-hnmaaîeé :
Toi . qui nous fais ce que nous (bmmes ,
Toi , qui fais diftioguer les hommes
Dsieitfcxie tant d'animaar ^
Donc y fans èoi féale ^ le partage
^j'^dlirie nôtre auroit Tavantage
De plus -de bi^ns , de moins de maux.
Rai&n , toujours aimable & beUe «
' ^t feule digne de charmer ,
"Seule, que la raccf 'mortelle
Devroit ruiyjse.^de^rcùf^ aimer j
Ceft coi qui fais vivre tranquilles
' tës-SociéteziKJfes' villes 1
CcfttQÎ qcii fermes leurs liens »
414 BIBLIOTHEQUE POETtQUE.
Erqui Joimes des \ùîz ceruioet
.«Niilt. Pour (ahe moins fêtitir les peincf «
Pour faire mieux goûter les biens.
A ton a^eâ épouvantée •
Difparoît • comme une ¥apoar »
La troupe des maux enfiintée
Par le vain démon <le la peur ^
Tu di({jpes, par ta préfence »
Tout ce que l'aveugle ignorance
VerGi d'erseuTS dans nos erprin :
Seule de nmc tu vokla caaft^
Seule tu (fais à chaque cbofe
Donner^n vérkablé prix.
Rien de ce que la Terre mJkrmê-
Nè fçauroitt'éblouir les yeux •
Toi qui, d*unc paupière ferme »
Portes tes regards jufqu'atixCieax. •
O Raiibn i (èui bien véritable t ■
Raifon , par qui Thomme eft (èmblibb
■ATAÛtcur même defon fore !
. feu divin , lumière de Tame^
Tais luirctcn moi toujours ta flamme^
iklaire-moi jufqu'à la. mort*
SurlAfMttoff.
■
Quand la jennodè ardente 6c yainc
Commençolt d'allumer en v^Oui
Mtaa*
L I V R E X I V. 4if
•
Ces feux û picqaans & H doax , ^^S:
Le charme des ctxurs & la peine } |U
Alors plein de jeunes défîrs »
Vous ne connoiffiez de plaifîrs
Que ceux qu'un tendre amour infpire }
Et comptant le reftc pour rien »
Du fiijet de votre martyre
Vous fidfiez votre unique bien.
Un (bin plus noble vous dégage
De votre longue pafCon -,
Mais guéri par l'ambition ,
Vous croyez être libre & fage.
Vous rétes pourtant au (H peu
Que quand vous étiez tout en feu
Pour l'objet de votre cendrefTe :
Ceft toujours, fous des noms divers •
EfclavagCs folie > yvrefTe i
Vous n-avex que changé de fers.
Pour ceux à qui de chaque chofe
La rai(bn découvre le prix »
£c qui du (èul vrai font épris
Sans qu'un faux éclat leur impo(è -,
Les grandeurs que vous défîrcz ,
Les honneurs ou vous afpircz ,
Sont un objet audî frivole
Que l'objet des voeux des enfaos «
Têm m. N n
lElU
40.6 BIBLÎOTREQJJE POETIQUE.
m
Ua l^r papillon cjaî vole ,
Vous le paroiflbk à vÎQgt ans.
Qui ne rit de leur vaine joye ,.
Quand vers eux il vient à voler l
Qui ne rît dfe les voir btMitfr
Da défir d'en faire leur pifoyc !
Sans relâche ils courent après ,
Et fui vent foa vol dfe fî près ,
Qu'ils portent les-mains- Gir (cs-aîléS'::
Heureux qui pcut^votr atteint
Sur la chne des fleuts n€)uveHes
L'infeâe de cent coulcors peine ! '
Ainfi dès Tâgc le plàs rendre
Tel c(l des hommieff le deftln , .
Que leur état > à le bien-prendre ,
N'cft qu'un tiifa d^rreors finis fin*
Quoi qae pour nons la sa4fbn tente,.
Le. plus (bu vent feibk , impurflànce ,
Elle ne faitciu*un vain effort ^
Et malades > toute la vie ,
De crainte , d'ePpoir , ou d'enVle ,
Nous ne guérirons cp'k la mort.
Contre. Us-lnifieu.
Quii miracle^n moi s'achève î
Quel pouvoir prodigicnr
Au defitts de nsoi mélevc^.
^a^m^ÊàmtmÊtm^iamtimfi^éimÊat'
, LIVRE X J V. 427
Et me ravit dans les deux l
Déja« bica loin de la Tccrc , . Reqh
J'entends gronder te toniMrre
Dans le vàgtie feh» des airs ;
Et dé|aVd'âa vol rapide ,
Je pafle aux lieux ou rélîde
Le Maitire de l'Univers.
t>d l'abime de lumière
Qui le ttlm de. toutes parts «
Il perttiet à ma paupière
De ùmcolt.CcBxcffivàs :
fi vent mémo qiK j'expf ime ,
D'une manière fublime ,
Sa grandeur^ (on pouvoii'.
Ou &nt-lls les témëral!res ,
Qui combattent lies Myfléres
Qu'ils ne peiltcAt concevoir ?
Je vois le Seigneur lui-même
Dans toute fa maj cfté :
Te vois le pcruvbit fupréme
Dont tojit afatre éft cmprunté'i
£a SagetTe iônvecaiiiâ »
Qui de la Natuie' humaine
Fit le rachat précieux ^
Et l'adorable Génie
De qui ramoor infinie
Remplit la Tercet les Cieux.
N n-ij
4iS BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
nm
r-,
Dé récd^ndle yengcance
«M liiU Queb (bm les criftcs eâèts » .
Lor-Tque rhamajileinfolcacB.
L'irclce pac (es fbrfaks j
Au pied dû Trône adorable^ : ^
Prête à firapper le coupable , "^
EHe tien&1e:g(ar«e en maùi V
Et pour tonc réduire en cendce »■
Un figpe lui fait entendre . , . ^
L'ordre dùDieajfbuyeraioi. .
Au même ioftaac clic volé r '
Et plus pnrniptetju'on éclair •-
De l'un jufqu'a Pàutrè Pôle »-
Porte fa flamme & le fer ^
Par les villes qu'elle embraft r
Et les têtes qu'elle écrafe
Elle venge le Très-Haut r
Apprends , impie. ,^ à connoitie
Que ITtcrnel eft le Maître^
Et (çalcpunlr^oandll fàut^».
Mais vous, donc ringraticudét
Contre le Ciel s'élevaat ».
Met ai^ourd'hiir^bn' étude.
A nier le Dieu vivanc y
Quand l'excès de votre crime
Vous plongera, dans l'aMme
Ou régne le dé&fpoit >.
Li r R E X I v: 4*9
Alors vos coapable^aincs ,
Du moins au milieu des flammes , Regni
CoofèflêroQt (bn pouvoir. .
S tir U Né$$pMC8 dt Jew^Chxist.
Nos déftins vont changer de face :
Le Tbuc-puifTant qui nous fait grâce ,
Ne nous r^rde plus comme Ces ennemis.
Ciel > yerfèz la rofife , & vous féconde nuë ,
L'heure bienhcureufc e(l venuif ';
Pleuvez enfin le Jofte à l'Univers promis.
Dfja le Démon de la guerre
Eft banni de toute la Terre-,
Et laiiTè le champ libre à l'Ange de la paix»
Terre , ouvrez votre feîn , Se hâtez-vous d'éclore
Cdai que là Nature adore ,
Et qui vient pour fauver les hommes qu'il a faits.
Une origine criminelle-
rnfe^it la race mortelle ,
Et 'le péché d'un (èoi paffoit en chacun- d'eux :
G'eft ainfi que l'on voit un fleuve' dans fa courte f
Tcôublexhilimon de fa (burce >.
Xlifques à l'Océan rouler fes flots bourbeux*
Que ne peurun amour eztrénK l
H peut tout • il peat dim Dieu même
Rsdre.tmiionMQe fojet aux douleurs « à la mort :-
lie Yeibcfe icyét de rhumaine nùflbe ,
4i< SIBLlOTHEqUE POETIQUE^
£t dans le fi^oitr qu'elle y fir »
NiEii.. Les feuls Zépbîcs forenrda nombre
Des foapîfans^a'clle j^ibuffiie-.
1 - •■ , , - J .
Là fans anciiQC inq^tM&adf ':
Des maux que canfbiçQC je$ rigfmn >
Vzxmi les arbres & les . fletus
Elle chercha la folitude.
Le jeune Prince cependanCti^
Confumé d'un défir a£dcnt>
Paflbic de croelles journées i
Infin réduk au défe^poir «
£t preiTé par Tes deftinées ^
H' voulut tenter dt k voir.
Un jour qu'à rombrcd'on bocage
Planté de myrrhes amoureox »
Elle jouoit à mille jeux
Avec, des filles de (bn ^e v
Le Prince entre rècretement»
( Car. que ne peut point un. Amant )
Se jette aux pieds de la cruelle \
£t déjà tranfporté d'amour >
Il lui difblt qu'éloigné d'elle
11 mouroit mille fois le jour.
Hé bien, meurs » répond riohumaine>
Avec un vifage indigné.
Alors le Prince infoctuni
LTVR £ X IV. 4»7
Sent qu'il perd la v^ix & Thaieîne :
Vozcès ^*une jufte doaleur RlGMitl
lai glace.le &ng dans k coeuf ^
il pâlit > il tombe , il expire -,
Et femblc dire en expirant «
Qu!ii.béuic fon cruel martyre ,
Pui(qu*il peut la voir en mourant.
Une fi funefte avanturc
Fit' dans le^prez fécher les âtsur»;
Chaque myrche en jettades pleurs
A travers fon écorce dure ;
Le Ciel: auparavant fi pur ,
S envelopant d'un voile ob leur «.
De douleur enr vetfa des larmes :
Elle feule, (ans s'altérer ,*
Vainedu pouvoir de fes charmes ,.
A (es pieds le vit expirer.
Mais fa cruelle indifférence
Pour un Amant mort à fcs yeux ,
Provoque le courroux des Dieux v
Erfollicite leur vengeance-
Alors tout d'un -coup elle fcnt
Qut» effort fccrct & puiffant
Lui ravit fa forme ptemieft j
Déformais fon corps fe réduit
A moins d'efpace & de matière ,
Etdcîfcs ycurle jour s'enfuit.
«HtaSMi
4iS BiBLtPJHEQUE POlSriQUEi
• '-."■ Set ycax , 4ônt l»beaiicé'faiicft&
L£ ON ^E^ De tant ds-Mmis tMHtbia istfoiM >•
Set yeox'SSlfdgneiit pôor^jtomais >>
Et lïullt «ppafonte n'ieû rdte. :
rhabirquilîc pteolt aIo»i ' ' '
STatftache partout fur fou coi^ ,
El parfdat en- fa peau fcchadge ; -
Et tel qu*U fut as velours npir>
Avant ce changement feaagi?.,, . î
Tel o^ pqit encorç le roilr.. • •. . , x
C'eft âHifi queks Dîetiir miitttenr
Que cet oucràge fbtrtn^èi
Ses mains (êoles n'ont point changé,.
Et (ont encor ce-iqu'ellcs furent.
On volt auffî comme autrefois ,
Que pour les jardins Se lés bois
Elle a toujours la même attache ^
Mais par un (ccret mouvement ,
Sous terre fans ceffe elle cache
La honte de fon chagement.
Mais le Dieu vidble du monde»,
Déjà plusfopportable aux yettx »
Dans un cercle pins fpacienx . '
Etend fa lumière féconde :
Déjà fcs cou rfîcrs lumineux
Sentent s'élever au tour d'eux
J 4c h ma. voi£a& ^
/
L I ITR E XI V. 41»
Etlos iêcooant àe> leof crin ^
Réfandenc (àr mous en bnùne » Righie.
Le froid 8l dangcrctu (crcio.
Poor aller trouver iCba Amante
Avec pins dfe poitipe ^ d*éclat ,
D'or'; de lumicfe dC d'iocarnac '
Ilirace une route briltante.
La Nymphe dont il eft charmé ,
L'attend dans un bain parfumé ,
Pour fe rendre à fiisyeux plus belle t
Et par les heures depuis peu ,
El!e a fait tirer devapt elle
Un rideau ds couleur de feu.
Admirer de quelle vîtcffc
Il court vers le moite élément ',
Qu'il va bien de Tàîr d'un Amant ,
Qui s'apperçoit que l'heure prefTe i
Ainfile Dieu qui fart aimer «
Sçait également tout charmer ,
Ùaîr & le ciel , la terre & Tonde j
'A>tttcéde à (es divins appas.
Voulez- vous être feule au monde ,
Dont le cœur ne fe rende pas ?
A m: FéUJfon.
Lorsqu'à !â fuite de la Cour,
Vous paflez la nuit & le jour >
ri^^MïMMB^biirflAi^
47X> BJBLnOTJtEQC/È PÔETiqi7À
Dans le brait , dans rinquiécode ,
RE«MiSiP» I^t^int négligeant les nèafSœunr^
Yoas écos privé des douceut^
De- la retraite & de l'étude y
Moi JLC goûte ici: les pUîfirs
Qu'oa trouve dans la folitude «
Qiiaud d'un efprit féglé l'oa^ borne (k$ déCxs.
Ûàns un lieu dii bruit retira >
Od , pour peu qu'on foit modérée
Oh'peor trouver que tout abonda)
Sans amour , fans ambition y
Exempt de toute'pa(K(ffi'«.
Je jouis d*tine paix profbodfc ^
Et pour m'a/Turer le feul bicor
Qae l'on doit cfliimer au monde y
Tout ce que je n'ai pas , je le compte pour ri
Je compte pour rien les tréiort
Que l'Inde étale fur Tes bords
Aux vœux de l'avarice humaine p
Les grandeurs qui font parmi vont,
Tant d'amans Se tant de jaloux ».
Je les compte pour cHo(e vaine %
A .♦! F R E XI V. 4M
Qui peut dite les foins cuîfans Régnier.
'Qfll dévorent «les Courci&ns «
Et qacl noir chagrin les dévore 4
Il peut dire combien de plcars
L'Aurore verfe fur les fleurs,
Qi^md le jour commence d'édore-:
Il peut compter les fènz des cieux .»
Les Cibles du tivage More^
renos die Lou is , & £es faits glorieux.
De mille défirs agitez •
Du bonheur d*autrui teurmcntez«
Jamais centeas de la Fortune »
Ils n'ont fur Itis effets divers
De Ces faveurs , de fes revers ,
. Ni fagefle^ ni force aucune ^ "^
Et quand le Soleîi fort des flots «
Et quj^ad il fait place à la Lune «
: efpck inquiet fl'a jamais de repos.
Ole peur de devenir comme «ux »
D^un commerce fi dangereux »
Songez . AckvTE , à vous défaire :
Mais f ai tost^&ne (çai-je pas
Combien Vous faites peu de cas
De ce qui Cédiiit le ^vulgaire «
JEc que charmé du feui Louis »
Vous' faites votre unique affaire
pprendre à iM>s neveux fes exploits ioouis l
m
414 BIBLIOTHEQUE POÉTTgUE.
Erqui donnes des loix certainei
iONiBR* Pour fahe moins Tctstlt les peines ,
Pour faire mieux goûter les biens.
A ton A%eâ ^ppuvancéc •
Di fparok » comme use W9f0u ■>
La troupe des maux cn&ntée
Par le vain démon de la pcar«
Tu diffipes., par ta préfence •
Tom ce que Taveugle ignorance
VerGi d'erieurs dans nos efprits::
'Seule de nmcto'Voisla cauft^
Seule tu (çaii à cilaqnë cbofe
Donner'*((Hi Térkablé prix.
Rien de ce que la Terre ôiletnè'-
Ke fçauroitVéblouir lesyeax ,
Toi qui, d'une paupière ferme >
Portes tes regards fufqû'aàxCieax. :
O Rai(bni (èui bien iiFéritable I ' .
Raifon , par qui lliomme e(l (èmbUble
AT Auteur même defen fort l
. Jreu divin , lumière de l'ame^
Tais luircen moi toujouts ta flamme ^
Iklaire-moi jufqu|à lamorc
Quand la jeunode ardente & y^ine
O>mmençoit d'allumer en yOos
Ces
LIVRE XIV. 415
Ces feax G. picqaans & f\ doax , ^SS.
Le charme des cœurs Se la peine i K£c
Alors plein de jeunes défîrs »
Vous ne connoiiEez de plaiCrs
Qoe cetii qu'un cendre amour inspire }
£c comptant le reftc poar rien »
Da (bjet de votre martyre
Vous fidfiez votre unique bien.
Un Coin plus noble vous dégage
De votre longue pafGo'n *,
Mais guéri par rambition ,
Voos croyez être libre & fage.
Vous rétes pourtant auffî peu
Qiie quand vous étiez tout en feu
Pour Tobjet de votre tendrelTe :
Ceft toujours. Cous des noms divers •
Etclâvage, folie > yvrefle i
Vous n-avez que changé de fers.
Pour ceux à qui de chaque chofe
La rai(bn découvre le prix »
£c qui du feul vrai (ont épris
Sans qu'un faux éclat leur impo(è -,
Les grandeurs que vous défirez ,
Les honneurs ou vous afpirez ,
Sont un objet auffî frivole
Que l'objet des vo&ux des enfans ,
74m€ in, N n
.m
lElU
I
40.6 BiPLIOTirEQUE POETIQUE.
m
Un léger papillon qaî vole ;
Vous le paroinbk à vingt ans.
. * » ", ^ . • ■
Qui ne rit de leur vaine joye/, >
Quand vers eux il vient àroler l
Qiiî ne rit de les Voir bîtifei:
Dtt défir d*cn faire Ictrr proyc!
Sans relâche ifs courent après ,
Etfuivcnt foa^vol ât fî près ,
Qu'ils portent les-mains* (ùr (ès-aîl^S"::
Heureux qui peut^voîr atteint
Sur la chne des fleurs n€>iiveUes
L'infede db ceiit ccmleors peine 1'
Ainâ des Tâgc Irplàs lendte
TeLcO: des honm«e9 h deftin , .
Que leur état > à le bienpitnére ,
N'cft qu'un tiHa d^erreofs &ns fin»
Quoi qae pour n<Mis la ca4(bn tente, ^
Le plus- Ibuvent feîbfe, împuîtfante >
Elle ne faitqu*un vain effort ^
Et malades, toute là vie ,
De crainte , d*eff©ir , ou d'enVle;
Nous ne guériAms q.Q'à fa morc'
Confrti UsrJmfses..
Quii miracle^ moi s'achève î
Quel pouvoir prodigicox
iPU deiSîis de noi.ntékyc^ .
, .LI V R E X J V. 4^7
£c me ravie dans les deux V ^i—
D^ja« bica loin de la Tecre , . Rb91
J'entends- gronder fo cotiiMrre
Dans le vàgae îéto^ àm airs ^
Et défaVd'âfi vol ripide \
Je pafle aux lieux oii réfîde
Le Maîûre de l'Univers.
' D^ l'abîme de lumière
Qui le (iêlnt de, toutes parts «
Il permet z ma paupière
De fikiteaJr.reff le^nb ;
fi vtMt 0iêmo que j'exprime ,
D'une manière fubDme »
Sa grandeurs (bn pou<Voii'.
Od fent^îls les téméraires ,
Qui conibattctot les Myftéres
€2fu*ils ne peitteAt concevoir ?
Je vois le Seigneur lui-même
Dans toute (a majcfté :
Te vois le pouvoir fuprême
Dont toiit autre -èft emprunté'^
Ea Sagefle fisoveraint »
Qui de k Natutt^humaine
Fit le rachat précieux -y
£t l'adord>le Génie
De qui ramonr infinie
Remplit la.Torxe^^ies deux.
N nij
4i8 BÎBLÎOTUEQUE fÙETlQVE.
Dé récd^nciie yeiigeatice
c^Mi'iiU Qaek(bntlestri{lcse£&£s». .
LorTqac rhaaiajile.infokace. >
Uirrlse par (es ferfaksj -
Au pied dii Trône adorablev :
Prêce à firappcr te coopsriyte ,-
Elle ticn^le^glanie en-maia V
Et pour toar réduire ejn ceodce
Un (îgne lui fait cjitcndre . • , ,
L*ordre dici Oleà ibusreraîiu -. .
•<
♦■'
Au même inftaat elle voie »- '
£c plus punnptrt]a'an édair •'
De l'un jufqn'à iViucrè Pôle ^
Porte la flamme & fè fer ^
Par les villes qu'elle embfa& r
Et les têtes qu'elle écrafè
Elle venge le Tris-Haut :
Apprejfids , impie ^. à connoitic
Que ITtetncl eft le Maître^
Et (çaitpuoîr^iiaadil fàut^».
Mais VOUS} dont ringratitiidêy
Contre le Ciel s'élevaat ,
Met ai^ourd'hdHbn' étude.
A nier le Dieo vivanc f .
Quand l'excès de voère crime
Vous plongera dans Tabime
Oii règne le dé£èipoir >.
■l
LIVRE XI v: ^9
AloTS Tos coapables'aincs »
Da moins au milieu des flammes ,• Reonibi
Coofeilêront (on pouvoir, .
Stir U Nsifémce dt jEWf-CHXtsr.
Nos dèftins vont changer de face :
Le Tbuc-puiflanc qui nous fait grâce »
Ne nous r^ardc plus comme fes ennemis.
Ciel , verfez là toCic , & vous féconde nuë •
L'heure bienheureufc ed venue';
Pleuvez cofin le Jufte à l'Univers promis.
Déjà le Démon de la guerre
Eft banni de toute la Terre ->
Et laide le champ libre à TAnge de la paix*
Terre , onvrez votre feîn , 8c bâtez-vous d'éclore
Cdoi que là Nature adore »
Et qui vient pour fauvcr les hommes qu'il a faits.
Uœ origine criminelle-
Ihicdoit la race mortelle >
Ec 'le péché d\in (ènl paflbit en chacun- d'eux :
G^eft ainfiqiie l'on voit un fleuve dans fa cour(è ,
Tcèttblexhi^limon de fa: (burce >.
Jli(ques à l'Océan rouler fes flots bourbeux.
» .
Que ne peumn amour extrénK r
n peut tout • il peut d^un Dieu même
lùre rniiionuoe fujet-auz douleurs , à la mort :-
liei Ycibcfercvét de l'humaine rai&e >
m^mmÊmmiÊÊÊÈm^mÊÊKÊm
430 BIBLIOTHEQUE FO^TIQUE
• ' ■ - ■- ■■i-'iM .iupppi— — i^Bua
— r- • Lui qui régne égal à fon-Pèif^ , •
Regnii*. Et qui-voitfousfcspicisJa Nature & le Son
Du haut de h voûire azurée ,
LesMeâagers'dé rEmpirée'
I*annoncenr aux Bergers , & rendent gloire à
L'air panout retentit du concert angéliqae ,
Tandis que la troupe rudiqpe »
Pour voir le Nouveau - né > s-approchc di
Lieu*^
Cëft- là- qu'enveloppé de taises-.
Le Roi des hommes de dçs- Anges >
Sous le corps d'unEnfkaecomcticnGe à voir U
Devant luî^proAernée , une Vierge féconde
Sur le Dieu qu'elle a mis a^ moiid&
Arrête des rcgards^dc refpeâ ^ d^aixi€(sr>'
Tbî , dont l'Auteur dé la-Watorc
A voulu prendre la figure »
Confidére , Mortel , ce qu'il fait aujonrd'hi
Songe que pour fe rendre à toi-même (èmbL
Il prend la forint d'un coupable ,
£c qu'il s'abaiflé à toi peoir t'ikver a iai.
Honteux de tes erreurs palTées >
Conçois déformais des penféês
Dignes de la fortune ôcdu nom de Chrétien
Et vous^ , rende2 hommage au Roi qui y'n
naître^. ■ ■
LIVRE XI V. 451
Rois i &. venez cous reconnoîcre
ue devant cet Enfant votre pouvoir n'cfl: rien. Regn ilvj,
. Extmit des J'ai ru.
DSPUI» qu'à mourir dcftiné
rouvris les yeux à la lumière ».
Le Tourbillon où je fuis né
(îx fois-treize fois y pour fournir fa caniere-^
Ans fon cercle annuel fur fon axe tourné,
li vu viog^fattic mille & cinq cens vingt jour-
nées ,
OQC éternelle main également bornées :
li vu des millions de millions d'inftans
ifli* tôt dévorez qa'engendrez par le cems..
J'ai viî.d*illuftres dcdinéés
re > comme épies- mûrs , a»-printems moiflbn*-
néès;
les enfans des Rois pader de leur berceau
Dans l'bbfcurité du tombeau.
J'ai vu des Têtes couronnées »
ir leurs propres Sujets à la mort condamnées ,
Tomber (bus Tacier d'un bourreau;,
ai vûia vanité s'élever jufqu aux miës >
urdes ailes de cire , en un moment fondues.
ai vû^l'ambition prendre uu vol plus heureux ,.
: monter par le crime au comble de fes vœux..
X'ai vu , dans un court intcrvale ,
4Jt BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Une grande viâoire être au Vainqaeur fatale.
Tai vu quel trélor ont les Roi><
Dans le cœur d'un peuple fidèle \
£c de quelle Teflburce au Trône qui chancelé «
Eft un fèul homoie quelquefois.
J*ai vu long tems là France . éclatante de gloire
FÂre voler lé nom François-
Sur les ailes de la Viâbire.
Tai vu le cours de (es Heureux ezploitS'>
Et le fer & la faim la réduire aux abois..
Tai vu ceux qu'un heureux on^
Avoir rejette dans le port ,
Croire alors avoir fait naufriiige i .
Et déplorer fur le rivage
La tranquillité de leur Con •
l'ai vu les Nations » avides de carnage»
En faire un métier glorieux $
Et des triftes cfièts de leur (unefte rage ,
Aller pompeusement rendre grâces aux Cieux.
O Paix ! fille du Ciel > viens te montrer aux ho
mes:
Viens calmer leurs noires (tireurs.
En toi (ont tous les biens -, 6c la terre on nous Ce
mes,
N>(1 fans toi qu'un (Sjour , un fpeébcle d%
reurs.
S$ct
L l V R E X IV. 4H
Exirsif du Vojmge de Munich.
DÉJÀ nous avons vu le Danube înconftant «
jQui cantâc Catholique , & tantôt Protedant ,
SeR Rome & Luther de (on onde ^
Ec qui comptant aptes pour rien »
Le Romain, le Luthérien,
Finit fa courfe vagabonde
Far nétre pas même Chrétien.
Rarement à courir le monde
On devient plus homme de bien. >
I Onne fçautoic peindre d'une façon plus ingénieufe um
fleuve qui arrofe dans fa courfe ^ci pays de différences reli^
eioas , Catholiques , Hércriques & Infidelles.
Regniii
#lli!@I(a
__ilBa
r»m uu o •
.«•i
4U BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
ÉHÉi
■MBHMB^MaiHHa^^MM^M*^
UL ART.
B RULART.
9
AbIO * BrULART de Si£JL£R7,
fils de Louis Brûlait 9 Marquis
de Sillery , & de Marie-Cathe-
rihe de la Rochefoucault 9 na-
quit en Tourainele 2^ Oâ:obre i5jy,
A peine étoi^il forti de l'enfence , qu'il
témoigna pour Tétude une auffi font pat
iîon que les jeunes gens en ont d*ordînaîre
pour le plaifir/ Il apprit avec une facilité
merveilleufe les Langues Grecque & H^
braïque, inftruit dès-lors combien cts deux
Langues font ncceffaires à qui veut puifer
Jufcicnce de la Religion dans les- premières
iburccs. Il reçut le bonnet de Doélcur à
l'âge de 27 ans , Se fut nommé , quelque
cems après , à TEvêché de Soiflbns. La
1 F.ffc/o C/.'i«/ , qui gouvcrnoit alors l'F.gtifc fous le nom
fi* Alexandre VU. le tint fur L-5 tonds de Baiêmc , ûc lui don-
na le nom le F.ib'iG par Tentremil j de fon ïxOUCC en Fc9acp#
ipui/u^ depuis le Caidinal I'i(:oloiiiij;U«
LI VR E X I V. 455
douceur & la charité ( ces deux aimables
vertus dont FApôtre compofe le caraélere ^*^^''^'
d'un Evêque ) étoient fi familières à M, de
SiLLERY , qu'elles ont été les vertus do-
minantes de fa vie Epifcopale.. Il aimoit
l'Eloquence & la Poëfie , & il auroit fans
doute cultivé davantage ces beaux Arts, fi
le Pafleur uniquement occupé de fes im-
portantes fondions , eût lailie à l'homme
de Lettres le loifir d'exerccS* fes heureux
talens., Cefçavant & digne Prélat eft mort
le 20 Novembre 17 14. âgé d'environ
foixante ans.
ODES.
Sur U Paix.
REVIENS , divine Paîx , agréable cfpérancc^
Fille de Jupiter , préfcnt des Immortels ;
Déefle à qui l'on doit les plus facrez autels ,
N'avens-nous point aflcz gémi de ton abfence l
Comme le Laboureur qui fend la plaine aride ,
Dcfire le retour des humides Zéphirs ;
Ai&fi nous t'attendons , fource des dour phifirs j
Ooij
y.LAiLT.
4}^ BÎBUOTHE(ll/E POETIQUE.
Viens rcroir aos climats • prends Mercare pour
guide.
Que ton char lumineux diflîpeJes tempêtes^
Donc les noires vapeurs obrcurciflbient les airs :
Fais fucceder le calme aux orageux éclairs ,
Change nos fombres jours en de brillances fèces.
O qui m'arrêtera fur les rives fleuries
D*un ruîfleau qui s'enfuit fur des fables dorez 1
Quand pourraioje jouir de la fraîcheur des prez
Sans craindcc flts foldats les injuftes furies ! .
Mais Iris apparoîc , & Phébus fur la nue
A fils d'or & d'azur trace mille couleurs ^
Cybclc orne fon front &.d*épics & de fleurs ;
La Paix du haut Olimpc ed déjà defcenduë.
S,es regards amoureux ont chaflé les nuages »
Donc la guerre couvroit l'éclat des plus beau^c
jours.
Que déformais les Ris , les Jeux & les Amours
Célèbrent G3n retour fous les épais ombrages.
L'Abondance aujourd'hui rend tous les biens au
monde ,
Et ramène avec foi Jcs ionocens plaifîrs.
Maijicrnant pui(Gons » nous ^ exempts de vains
dcfirs ,
Voir couler tovis nos jours dans une paix profp/aidcl
L I VK E X I t. 4j^
V Amitié,
Ministre , pour qui fc préparc Boulai
Cec autel , ce fatal bandeau ?
Déjà dans une main-barbare
J'apperçois le facré ccmreau.
Orcfte fur ce bord fauvage , i
Va rendre le fanglant hommage
Qu'exige le courroux des Dieux :
Le trépas n'a rien qui l'éconne \
Et c'efl à r Amitié qu'il donne
L«s pleurs qui coulent de fes yeux*
Viétimc d'une loi funcfte ,
Approche 5 Thons - a parlé.
Dieux ! quel fpetflacle ! un double Orcftc
Vient s'offrir pour ftrc immolé.
Quelle fureur & quelle y vreffe !
Mais que de pleurs 1 quelle tendrelTe 1
Nos cœurs s'ouvrent à la pi:ié.
I EnTauride. 11ya;voirune coumxn e barbare & une loi
lévereQui ordonnoic d'àuêcer cous les étrangers qui arrive-
loientoanscepa/s-Ià , pour les immoler fur Tau: el de Dia-
ne 1 car cette Oéelfc ne vouloir pomc d'autres viâimesque
de» hommes dans lesfarrifîcesqa^onlui otiroic.
X Grand Sac(ific«:ear de Diane. Orefi; 6c Tylade avant
Itéarrêtei de mis encre foi mains , il n'en condamna 411'un à
la mort. Tout deux conccfterenc long icms à qui muurroic
pouf iboami : le Ton en décida , &: comba fur Orefte. Voyex-
rHifiàire Poétique t, { demicce édiiioa de i7oOi depuis i»
|agosoî.|uQu'àla page $070
O O \\\
luàltV.
458 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Bri(bns cet autel fanguinaire s
Et déformais qu'on y révère
Le triomphe de l'Amitié.
Au gré de la libre Nature*
Les hommes épars & fans loiz »
Le jour , couroicnt à la piture $
La nuit , s'enfonçoient dans les Ixms»
Amitié . tu les rends dociles :
Us s'aflemblent ^ déjà les Ville»
S'élèvent avec ton fecours.
A ta voix , ces troupes gro(fieres
Quittent leurs profondes tanières •.
Dont bien-tôt s'emparent les ours*
Ainfi le Monde eu fon enfance»
Se rendit à tes premiers traits.
Depuis , avec quelle abondance
Répands-tu fur lui tes bienfaits l
La Pudeur , compagne d'Aftréc «
S'enfuie fur la voûte azurée :
Quel charme l'arrête ici-bas ?
La Candeur que ta voix rappelle,
La Paix , ta compagne fidelle ,
Le Secret marche fur tes pas.
Réponds -moi , Vainqueur de TAfie
Ton nom fit trembler l'Univers»
LIVRE XIV. 419
La Terre, de refpeû faide t
Vie Tes Monarques dans tes fers \ BitULi
Ton coeur trouvoic-il tant de charmes
Dans ces fuccis mêlez d'allarmes ^
Qui flatoîent ton ambition ?
Non ; mais pofant ton diadème ,
Tu go&cois le bonheur fupréme
Dans l'amitié d*£phe(lion.
Vous qui fur les pas d'Alexandre >
BriguezileS' honneurs immortels ^
Qui fur lés Provinces en cendre
Croyez ériger vos autels ;,
Arrêtez , épargnez la Terre y
Remettez aux Dieux leur tonnerre ^
E*amitié va combler vos vœux.
Si vous ne cherchez que la gloire ,
Venez vous placer dans rHiftoirc ,
Au rang des amis généreux.
Venez ^ ces archives durables-
Yaas gacantiroot du orépas.
Qap j'y lis des noms relpeâables l
Alcide, Damou, Pythias ,
L'heureux Vainqueur i du Minotaure &
. » Théfiee , Koi d* Athènes , ami de Pinthous » Roi des {.»«: ■
•khes.
* » Monftie % moitié homme 8c moitié taureau.
Oomj:
440 BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
Ces Frères ' amis qu'on implore ,
AKX* Quand Eoîc agite la Mer 5
Qui pour prix d^ine amitié rare >
Tour à tour pafTent du Ténare
A la table du Jupiter.
DéeflTe ,que chante ma lyre ^
Je vois tous tes autels dépens.
Un enfant ufiirpe Tempire
Et les refpeâs de TUnirers.
Les pleurs coulent en fa préfcaccj
A nos yeux fa feinte innocence
Laifle entrevoir un ris moqueur :
Ses craies parten: d'une main £&re \
,£t la plus profonde blefiure
£ft fa plus fenfible faveur.
Ce Dieu . fatal auteur des charmes
Et des malheurs de Brifeïs ,
Ofa m£me arracher les armes
Au fils valeureux de Thétis.
Cenétoit fait : tes ports d*Aulide ,
Des fuperbes vaKTeaux d*Atride
Auroient vu le honteux retour »
Si TAmitié compatlfTante,
■ « Cador 6c Pollux. On tes connoîc encore aurourdlii
fous le nom de la ConfleUtnart des JiimcMHx,yoya ViUÙQl
Politique , page 1 77. • "
LIVRE XIV. ■ 441
En6n n eût écé triomphante
De tous les ferinens de l'Arnoor. Bkul a,
t A M* de S^egraii.
Viens revoir , cher Segrais * nos moiflbns
abondautes »
Viens voir leurs ondes d'or flotter fur nos guérets 3
£t les épies courbez fous leurs têtes pefantes >
Rendre hommao;e à Cérès.
Tout plaît dans nos déferts *, nos longues avenues.
Nos ormes , dont la cime eH: voifine des deux •
Ec jtt(qaet aux rocHers qui terminent nos vues ,
Tout y charme les yeux.
Nos torrens Tans fureur dans leurs chûtes fuperbcs»
Aux doux (bupirs des vents mêlent le bruit des eauxj
Ecièmblent feulement pour rafraîchir les herbes»
Tomber de nos cô:eaux.
Quand Jupiter du Ciel chaiTa Tantique Rhée»
Uinjufte ambition corrompit les mortels \
Tbatefbis parmi nous là fugitive Aflrée
. Coçtèrya des autels.
Le redoutable Mars au champ de la Yiâoire
Orne fts favoris d'un fuperbe laurier :
Noos vivons dans nos bois contons de moins de
gloire.
Le froac cemt d'olivier.
441 nîSLtOta&QXJE BOETIQUB
9m
Tandis que nous dtoû>ai doâi Ici ¥€Ret ctm«
CL ART. pagnes»
Sousan(bmbref«iill^9 aa bruit d*uncUirraiC^
feau ,
Nos chèvres au Commet des (Mriler montagnet»
Tondent quelque arbrifleao*
Si d'un art fomptaeuz l'opulente Afiyrle
Ne teint point nos habits de brillantes couleun»
Toujours > pour nous parer, l'émail de la prairie
Nous prodigue (b fleurie
NosctbaneSySiGHAis, ne (ont point magnifique^
Nous déiaignons Ibrgaeil des alcôves dorez i
Nous pcfTédons des bois , des inu(èttes rufliques»
Des moutons & des prez..
Faune , raméne-nous ce Berger , dont la gloire
D'un renom immortel illuflre nos hameaui i
Et reçois pour préfent cette génlfle noire ,
Et ces deux chalumeaux.
ImitMthn étun féiffkgi de U Sstin X. dt JtivensL
Depuis les jours d'Adam jufqu'auz jours où nom
lommes ,
Le véritable bien eftdéfîré des hommes )
Mais depuis fi long tems vainement défiré ,
Le véritable bien eft encore ignoré..
Chacun veut être riche «& c'eft l'erreur commune]
LIVRE X î V.
441
Conme tu bonheur Tuprérae on coure à 1« fortune :
Hé bien i de Tes faveurs quelle e(l rncilicé ? Bjlu&ajli
Pour an peu plut d*écUe » moins de tranquillité..
Charmé d'un doux hymen , un époux cém^uire
Par des Toeuz redoublez afpire au nom de père •
Qui n'ayant que des fils ingrats ou débauchez »
Mettra fet tocux un jour au rang de Tes péchez»
Du barbare Néron la mère ambitieufe ,
S'il n'étoit Empereur , crut n*£cre pas heureufe \
JEUe-nii£me éprouva fa première fureur »
Es le vit parricide aufli-tôe qu'Empereur.
#f jë^ ^#
3ou-
iNGES.
m^mt^mmmÊÊmmÊiÊmmÊÊÊIÊÊÊlÊÊÊÊmÊÊÊÊÊmmmmmÊtÊKmmmmKmmimmÊmÊm'
444 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
maÊÊ
n fcrtoi-
COULANGES,
^ Hilippes-Emanuél de Cou-
; LANGES ,' Parifien , Confeîller
au Parlement , & depuis - Maître
des Requêtes , eft mort à Paris
le dernier Janvier 171 5. âgé de 8j ans*
Quoiqu'il eût beaucoup d'efprit , & qu'iï
parlât bien , il aimoit trop le plaifir & la
liberté , pour s'attacher férieufement i des
Emplois qui demandbîènt de Tctude & de
Tapplication. Etant Confciller aux En-
quêtes , on lui donna une a^re de peu de
conféquence k rapporter : il ne s'agiflbit
que de la propriété d'une marre d'eau en-
tre deux payfans , dont V\xxr s'appelloit
GrapifîM. de Coulanges , qui ne s'étoit
pas fort préparé , s'embarraflTa dans fon dit
cours, & finit en difant : Pardon , M^ffieurs;^
je me noyé dans la marre à Grapin s je
fuir votre fervhenr. Depuis ce tems-là il
n'a rapporté ni au Parlement a ni au Con-
L I V R E X I V. 445
fcil. Mais fi feute de difpofition ou d'incli-
nation pour fa Robe , il n'y a pas fait de
grands progrès , on peut dire que pcrfon-
ne n'a plus brillé parmi les gens du monde*
M, de Limoignon , Avocat Général , &
depuis Préfident à Mortier ; M, le Chan-
celier Voifin , avec qui il avoit été Maître
des Requêtes , Me(clamesdeLefdiguieres,
de Louvpis , de Séyigny & de la Fayette
étpient du nombre de Tes plus intimes ami^
I^a vivacité de fonefprit, jointe à Thumeur
la plus aimable & la plus enjouée , animoit,
égayoit la converfation partout où il fe trou-
voit. Une feyie idée , agréable ou interef-
faute, étoît pour lui matière à chanfon. Les
fiennes pnt plu & plairont toujours par cet
air fimple &iiaturel , ce tour facile & naïf
qui les caraélérifent. Tout y coule de four-
ce ; tout y eft dicfté par le fentiment.
CHANSONS.
Y
A une Vieille fort farée,.
Ou s avez de riches manteaux j
Ypus avez de bçUçs comecccs)
Cou
LANGE
^46 BIBLIOTHEQC/E POETIQUE.
Vous Eûtes d*ornemens noureauz
Cou- Toujours dlnutiles emplettes :
.▲NG£S. j^^ jç jcuncffc , Iris , d'embonpoint & d'at-
trairs
14'cn ferez • tous jamais ?
A un Avare.
Que votre fort eft maUiearcaz
Avec cent mille écus de rente 1
Hé quoi , pour en amaCer deux ,
A peine en dépenfèz- vous trente.
Mais vous aurez de quoi vivre après votre moit^
J'en demeure d'accord.
A une jeune Perfinnefiere de /a beauttm
Ces appas qu'en vous on admire ,
S'en iront avec vos beaux jours :
Le tems qui fuit toujours
N'épargne rien dl tout ce qui refpîrc.
Malgré leurs yeux jadis fî brillans & C\ doux^
Xyfe Ô; Cloris ne font plus belles.
On les aima comme vous \
Comme elles vous plaifcz , vous pafTcrcz comme
elles.
La Précieufe à la promenade, de la forte
faint Berhard.
Qu£L (peâaclc indécent fe préfente a mes yeuit
L I V R E X I V. 447
0CS hommes vraymcnt nuds aux bords de la ri- «,«i.«„^
^î«« Cou-
M^ fom évanouir. Hé de grâce , ma cheie » i. anges.
Evitons cet objet afFreux.
Allez vite * cocher , retoarnons à la ville -,
Je fuis pâle , je fuis débile ;
Toutes les horreurs que je voi
Me feront renfermer pour plus d*un an chez moL
Il faudroit par ordonnance
Réformer cet abus ^
£c que le Roi là>deflus
I^t une bonne défenfe
Aux gens de (è baigner que chauffez Se vêtus,
La Fjemme de qualité.
s Appeliez-moi tout fimplemcnt
Par le nom que je porte :
Quiconque marche furcmcnt
N'a pas bcfoin d'cfcorte :
D'un vain tkrc on fc fait honneur
Quand la noblcATe cft mince j
Et ^c le laiflc de bon cœur
Aux Dames de Province.
« Cette Ciaaufon Se la fuivaatc font fur l'aie <lc foconde^
1
i.a preuve cp cic connue j
Et que cous nos premiers parcns
Qnc traîné la charrue :
Mais las de cultiver enfin
La terre labourée ,
L'un a décelé le matin >
L'autre raprès-dinéc
Sur l'air de TOpcra de Tancredc ,
Le Plaifirnous appelle ,
Il faut t écouter.
I Je voudroisàmonâge,
Il en feroit tems ,
Etre moins volage
Que les jeunes gens ,
£c mettre en ufage
D'un Vieillard bien (âge
Tous les fentimens.
I L'Auteur avoic plus de auatre>vinst ans lorfqti'il fi
LIVRE XIV.
44^
7e voudrois du vlel homme
Etre fSparé :
Coir-
Le morceau de pomme
N'eft pas digéré.
Gens de bien , gens d'honneur >
&AN«&
A votre (Ravoir faire
Je livre mon coeur ^
Mais laiflèz entière
Et libre carrière
A ma belle humeuc
^,'^.
•l^^«
TMdUI^ Fg*
450 BIBLIOTHEQVE POETIQUE.
tm^mm
LIVRE XV,
GENEST
Ikt^^ Harlest- Claude Genest.
Genbst. j|. ^ îif Parifien, AbW de Saint Vilmer >
j^^^^l Aumônier de S. A. R. Madame
la Duchefle d'Orléans , Secré-
taire des Commandemens de M. le Duc
du Maine , iz l'un des Quarante de l'A-
cadémie Françoife , eft mort à Paris le 20
Novembre 1715). âgé de 84>ans. ' Philo-
fophe & Pocte à la fois, il fçut répandre
des grâces & de la clarté fur une matière *
également abftraite & fublime. Sa Trage"
X Voyez la réponfc de M. le Marquis de Saihc Aulaire à
M. l'Abbé du Bos , luccefTcur de M. l'Abbé Genest , à l'A-
cadémie Françoife le 5 révriiri7io.
X Principes de Philofophie, ou prewves néitHreUes de Pexif-
terne de Dieu ^ de l'immortalité de l\tme^ Un des principaux
avantages de cet excellent Pocme , c*dt que l'Auteur y ei-
pliquc en vers Ton fyftême avec aucanc de lietccic «^u'aucuQ
Â'hibfoply; Tair pu faixcciipiofc
LIVRE XV. 451
lie de TJndêfe » fans parler de Zélamde &c
de Jofephy plaît encore plus par le caraflere ^^^^
vertueux de fe$ principaux Perfonnagcs ,
q^eparle merveilleux des incidens, &par
fon dénouement pathétique. Ainfi TAu-
fiBur , dom le génie étoit auflî fagc qu'éle-
vé^ tiroir des fpedacks même de quoi dé-
dommager les mœurs de ce qu'ils ont de
dangereux pour elles.. Senfible au m*érite
& aux talens rares > il fe plut à les montrer
dans tout leur jour. Frappé des exemples ;
de vertu, il eut foin de les confacrer par
les* peintures les plus vives & les plus tou-
chantes. Homme de. Cour &: cependant
fimple , vrai & fans afFeûation, il fçut plaire
i ce qu'ily a de plus grand & de plus dé^
licat..
w
ÏENEST»
4JX BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
ENDROITSCHOISIS DE SESPIECES
DE THEATRE.
Z E L O N I D E.
«
Courage ^ magnanimité des femmes dé Sparte^
QUELLE indigne pitié , quels (oins injarieos
Prétendent. malgré nous , nous bannir de ces
lieux ? . I
Si les femmes , ailleurs & fbiblès 8t craintives ,
Dans le (ein du repos langui fiantes , oiCves,.
Ont borné leur efprit à des amufemens ,
Ont mis toute leur gloire en^de vains ornemcns,
Seigneur , d'un autre efprit nous (bmmes animées t
A de plus beaux defTeins Spane nous a formées,
loin de vous retenir par des charmes trompeurs.
Sans cefTe aux grands exploits nous animons vos
cœurs ',
Nous voulons que l'amour les embrafe & les guide»
Pour prendre vers la gloire un e^or plus rapide-
Aider à fbutenir un Tronc qui chancelle -,
Sauver notre Patrie , ou nous perdre avec elle ;
I La Ville de ^arte étant affilée par Pyrrhus , on propo-
fa d'en éloigner les femmes , afin de les mectre à couvert de
tout danger : Zélonide , ou plutôt Chélidonide , fécondée de-
fesilIuIfa-esCoucicoycimcsi rejecta cette pcopolîûon» Aâo
ll.SccncV.
L I V R E X V. 45J:
ttOBOcr l'Univers par notre fermeté )
Voilà notre devoir « & notre fureté. 'G£MIST
De TErat avec vous embralTant la déknCc ,
Compagnes & témoins de votre réfîftance »
Noas vous difputerons * par un commun efibrc »
Ou l'honneur du criomphe>ou l'honneur de la mort.;
ACORJ^TE.
Epargnez mes ftayeurs, mon cœur vous en conjure :
Par vous , par mon amour f\ parfaite & iî pure »
Par tous ces Dieux auteurs du fang dont vous Cotiez,
Choîfi/Tez un azile , éloignez-vous, partez..
Zelonide.
Que je m-'élolgne > taqi > votre Amante & Princeffel
Que j'aille mandier la pitié de la Grèce 1
Déplorer mon pays fur des bords étrangers !
Attendre fa ruine à l'abri des dangers 1
Ahl Seigneor , croyez-vous que ma gloire y con«
(ente ?
Croyez*yousque du (ort la fureur menaçante
A cette indignité me faffe recourir }
Non 9 je ne fuirai point > puifque je fçal mourir.
PENELOPE.
Mil exemple de fidélité conjugale»
J*AP9£tLE en vain Ulyffe. O fatale journée I
Pénélope * à quel choix te vois -tu condamnée }
I Cette Princeile e(l feule dans lui veftibule , qui regarda
Au la. met.
iEN£SX.
454 BIBLIOTHEQUE FOKTtiiUE.
Non , mes per&utean> non , le foit «n<ourroc
Ne fçauroienc me rédaiie au choix dua te
Epoux :
rexpireraî plucôc. Cette mer moins barbare
Rejoindra- par ma mort deux cœurs qu'elle (Spai
Ta n'as donc point voulu * toi que j'ai tant prié
Itlc rendre le dépôt queje t'ai confié «
Neptune r Eh l plût an (ôrt que ta fiireur avide
Eût étouffé fbus Tonde ua raTiâèur ^ perfide »
Quand ilalloit chercher au bord'de rEiuotat
La coupable i Beauté fimcfte à tant^'Etats t
On ne m*auroic point vue au défelpoir livrée. «
Malgré mon tendre amour » dVIyfle féparée ,
Dans Tcffroi , dans les pleurs, dans IcsgémîflenK
De tant de trifbes jours compter tous les teomeo
La lîimme a dévoré cette odieufe Troye \
IWi su des Grecs vengez le triomphe & la joye
£t le Ciel pour moi feule a gardé fa rigueur :
li reFufe à mes vœux le retour du vainqueur.
Efl-il mort , ou vivant? quelles rives loiiïcaîaea
Me lai-fTcnt is;norcr fcs courTes incertaines 3
L*aîi promet Ton retour, l'autre l'a vu périr ;
£r l'on me fair fans ceiTe 8c revivre 8c mourir»
Hélas i il me' fçmb!oit dans ce dernier orage p.
Voir UiylTe mourant jetcé fur ce rivage»
T This , fils de Piiam.
s Hclinc, fcium^ de Ménclas.
L ï V K B XV. 4yf
Te pleure fes^ malheurs j je me tourmente : hélas l
Je puis fouffrir pour lui des maux qu'il ne fcnt pas. G*^*'
Obftacles & périh y peut-être imaginaires l
Cruels retardemens , peut-être volontaires l
Peat-étre fans^fonger à mes triftes foupirs ,
Un climat plus heureux arrête (es défîrs j
£n des liens nouveaux les charmes d'une Amante.»
Seroit-ce-Ià le prix d*une foi (i confiante ?
Mais puis-je me former ces injudes douleurs ?
C'tft fa mort trop certaine à qui je dois mes pleurs»
DJfhrMês ffiites de l'orgueiL
1 Des Grecs enorgueillis la flotte triomphante ,
Partout des Dhfux vengeurs fcnrit la marn pcfante.
La mer n*a point de banc , de gouflF're , ni d*êcueil ,
Qui de quelqu'un de nous ne montre le cercueil.
Sir debrûlans rochers Ajax bravant la foudre ,
Dans les flots irriter tombe rêrluit en poudre j
lscgr»nd Agamcmiion dans Argos reroiirné ,
Par fil femmt en fureur fe voix a-flafnné :
Mais le courroux des Dieux s'cpuife fur ma tête.
Cha^é de mers en.mcrs , jouet Je la tempête ,
Tai vu dans le long cours d'un deftin rigoureux
Tout ce que ÎUnivers a de monftres affreux.
-Après avoir bravé tant de morts inhumaines ,
Cyclopes , Leïliîgons , Carybcs & Sirènes }
MMki
X Ceû DÏ^Ht cyii pdïlc au Gouverneur de Ton fiK
lEKESr.^
4^6 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Apres m'ëcre tiré des fauvagçs dëferts ,■
Des abîmes des flots , de Thorrear des Enfers »
Mes maux (èmblolenc finir dans llfle de Corcyre»
On m'offre des vaifTeaux, le vent propre m'attire-^
Je parts ^ je vois Tltaque , & mon cœur transporté
Croyoit enfin toucher à (a félicité ;
Quand prefTé de nouveau par un Cruel orage , '
Sur ces bords tant cherchez je ^s encor naufrage»
Tout périt ', je fuis feul , défàrmé , fans (ccoars :
Mais j*efpere en Tappui que j'éprouvai toujours.
Cette nuit m*a fait voir dans (on horreur profonde»
Mineive dont la main me retiroît de Tonde..
Les Dieux verfent fur nous , par un mélange-égaT}
Le mal avec le bien » le bien avec le mal.
JOSEPH.
Tragédie tirée, pe l'Ecriture Sainte.
Jofeph > comblé de gloire (ji>ft honneur s ^ les délices^
tefalut de toute F Egypte , sefiime médhettreux de-
nef ouvrir foulager tons les. Peuples de /* Univers*
A z A N £ T époufe de Jofeph,
L'Univers attentif ne cherche qu'à vous plaire;-
De fes plus beaux rayons le Soleil vous éclaire.
A l'envi de nos foins on diroit que les Cieax
Aiment à fignaler un jour fi glorieux. >
K Joac de fun triomphe.
Tout
L IVR E X r. 4S7
Tout fléchit deyant vous. L'^ypte vous contemple *^^
Dans tm degré d*hoaneur qui n'eut jamais d'exem- Gii
pie.
Maitre-de vos deftins, qu'auriez- vous (buhaîté
Qui pût accroître encor votre félicÎEé !
Songez » Seigneur » fondez , pour en goûter les
charmes.
Que vos biens au public n'ont point coûté de
larmes.
Souvent le peuple voit s'élever à Ces yeux
Des colofles d'orgueil , des montres odieux ,
Donc la fiere grandeur , les titres magnifiques >
Sont criftement formez des miféres publiques.
Tirans , dont le pouvoir n'infpire que l'efFroi «
Ecdont les paffions font la fupréme loi.
Mais tout ce grand Etat vous aime & vous révère^
Des peuples & du Vtmct on vous nomme le père.
Pharaon eft heureux par vos fagcs projets ^
' Il rég-ne , & vous régnez en fa u vaut fcs Sujets.
Le {âlut, le repos , la gloire de TEmpire ,
Sont le fruit des confeils que le Ciel vous infpire %
Et ce qui rend enfin votre dedin plus doux ,
Ceft que votre bonheur efl le bonheur de tous..
Joseph.
Le Nîl ne reflent point cette effroyable guerre •
Que livre la Famine au reflc de la Terre :
Le fiiccès que le Ciel accorde à mes travaux,
JomellU Qq
■ I i,— IPi— W— p— MIM^ia
45S BIBLIOTHEQUE POETIQrUE.
Des peuples de TEgypte a prévenu les maux :
Qexest. Mais dois-jc me borner aux climats od nom
(bmmrs ?
Madame ^en d'autres lieux n'e(l-il point d'auucs
iiommes ?
Que de criftes objets de loin Tiennent s'offirir î
Combien de malheureux je ne puis (ècoutir !
Jtfefb^ têujomn êccHfé de ÎMcth ^ ditmMnde À Dim
U grâce Je vmr encore ce Ferefi chéri.
Tout ce qu* a fait pour moi ta fainte Providence,
Grand Dieu» doit me remplir de joye &d*e(pérancç»
Je crois qu'avec ce foin qui conCèrva mes jours »
.Sur mon pcre Jacob ton œil veille toujours.
Mais pardonne» 6 mon Dieu, pardonne ma foL
bîcffc ,
Qui femble quelquefois oublier ta promeilc
Tu choifis Abraham , & voulus réclairer ,
Pour connoitre ton Nom, te fcrvir, t'adorer.
Tu lui promis , Seigneur , que Gi race fécondé »
De Tes enfans élus rempliroit tout le monde ;
£: que toujours comblez de tes facrez bienfaits »
Ils chanceroicnt ton Nom , & ta gloire à jamais.
Maïs, hélas ! on diroit qu'aujourd'hui leurs oflènlès
On: ramené fur eux le tcms de tes venj^cances.
I.a fjîir. qui dictait tout régne avec plus d'horreur }
-Que r.'»:d eut le diluge aux jours de ta fureur.
cur !cs bords du Jourdain tout périt , & j'igaooe
. LIVRE XV. 4^,
Ce que devient mon père > & s*il rcfpîre encore.
Ma craince rompt le coors de mes félicitcL : GSK£«
I>écoayxe-moi fur lui tes fainces volontez,
ODE.
Tour ii ^ 0 1.
t CiLUX qui le premier » d'un penfcr téméraire i
Traça fur l'Océan le chemin des Nochers •
Craignit plus d'une fois les bancs & les rochers ^
£t des Tcnts ennemis redouta la colère,
-t Avec un timide effort
Il yogua le long du bord ,
Il n*6fa s'ezpofer à l'aifaut des orages s
^ais ayant affermi (on cœur audacieux »
Il s'éloigna des ports , il quitta les rivages «
Etxhercha feulement fa route dans les Cicux.
■
De même tout brûlaat , ^c-l'ame route éprifè
Du défit de chanter le plus fameux des Rois »
Dans un projet fi grand je m'arrccai cent fois ^
Je craignis le danger qui fuit-cette-entreprife» •
Un effroi refpeâueux ,
De mon zélé impétueux
Renferma dans mon fein la chaleur immortelle :
Mais ce zélé enflammé va prendre un libre cours ^
1 Cette Ode fur préfcotée par l'Auteur i Sa Maiofté an
-^omnwBCtment d« l'année isy^
<JqS
t
46o BIBLIOTHEQ^UE POETIQUE.
^
Il fiiîr 9 loin des humaios , la Mu(è qui m'appelle^
Il 2sxsr« £s qui Ha haut des Cieax me ^oniec ton fecoart.
Voos .' mes heureux Rivaux ^ 4PAt les cflbrts
prétendent
Affranchir les grands noms de ToubU rlgourcox^
Voas , dis-je , qui tenez de ce Roi généreux
Cz pcéàcox repos qae yos Ycillcs demandent j
Lorlique par taoc de bionfaks
U a comblé vos (buhaits.
Vous tachez, d'inventer des lonanges nouvelles :
Mais , (ans chercher en vain les belles fiâions»
<^ue vous aurez d'honneur û. vous êtes fidellcs ^
£: h TOUS égalez bs gjnndcs a^ons 1
Quelle vive (plendeor ! quel abîme de gloire !
Quels rayons Immortels environnent Louis 1
Quels triomphes heureux , quels exploits inouïs ^ *
Donc il fait éclater le Temple de Mémoire 1
le le vois des (on berceau
Comme un Hercule nouveau ,
De feopens écra(èz s'ériger des trophées -y
£t > pour fes coups d'cilai > je vois aux champs cfe
Mars
D<à Lions abattus» des Hydres étouflSes ,
i: y^lc^z impécicux tout percé de (ès.dards.
Ces préludes font beaux -, mais la fuite cft pijis
*cUc-
LIVRE XV. 46T
Je le vois animé d'une confiante ardeur',
Chercher par la vcrto la folidc grandeur , GiMi
£c d'un Héros parfait devenir le modeliez
Depuis lë célèbre jour ,
Ou THymenée & TAmour
De fa main foudroyante arrachèrent les armes »'
A-t'il donné* relâche àTes no'blès défîrs ?
£c ton ame intrépide au milieu des a 11 armes ,
A-t*elle moins de force au milieu des plaifirs ?'
Dans ce lepos fi doux & dans ces jours fi calmes V
Ou rien nV>(e troubler (on (brt vi£lorIeux ,
n prend de (on Empire un foin laborieux ,
£t.mâme dans la paix il fçait cueillir dts palmes;
Toujours foa cœur généreux-
S'ouvre aux cris des malheureux »^
Attoac ce qui Timplore il prête fa puiffance.
N*a-t'il pas garanti du barbare Croiflanr
L'Aigle dont autrefois rinjuftcvlokncc
Fondit fur le berceau de ce Héros nalflànt ?
Mais quand d^ tous cotez Ces labeurs héroïques
Des moriftres furieux ont mis l'orgueil à bas ,
Sous les verds oliTiers là paifible Pallas
Enrichit lés François de (es dons magnifiques»
Plein de fes nobles projets ,
Louis veut que (es Sujets
'Riomphcnt-par Tefprit ainfi'que par l'épée :•
Animez du beau feu de fes divins reë;ards «
Q* • %
4C% BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
A cent travaux divers lear main e(l occnp^c ,
N£ST. £^ remporte auifi-tôt le prix de coas les ArtSr
Comme en ces belles nuits de nos fêtes char*
mantes ,
Par de fecrets re/fôrts un art ingénieux »
D*im mouvement foudaln , fait piroicre à nos yemtk
Du Théâtre changeant les Scènes farprentntes-^ .
Au lieu de rochers broies »
Et de ces bords MColti y
Ou les (àbles ardens font en monftres fertiles •
Nous voyons tout d^in coup des champs couverc»^
de fleurs ,
Des temples, des palats > des fleuves drdes villes^
£t des voûtes du Ciel les riantes couleurs.
Ainfî dans nos beaux joues , par de foodalnf.
miracles ,
L*Etat renouvelle fe ferme & s'embellit \
Ces villes que Louis ou fonde , ou rétablit ;
Ces uavaux qui^partont font de fi grands fpedaclesi
Tous ces heureux changemens «
Tous ces fages réglemens *
Qui conduifent la France à fon bonheur fupréme »
Tout Ce fait tout d'un tems > d'un même ordre » en
tous lieux ;
Elle fe méconnoît & s'admire elle-même «
£c trouve dans Louis la poiiTance desDkus*
I 'l'r I I i [ Il • mr
L I V R E X V. 4^3
«h
Ces palais fompcùeux , ces pompeux édifices *
Dfbnc la cime orguellleufe éclate dans les airs \
Ces eaux qu'il fait couler en d*arides défères }
Cm jardins oii les Dieux trou veroiens leurs délices I
Les fuperbes ornemens
De ces vaftes bàcimens >
Çtà Part fit la Nature épuifent leur riche/Te , -
De Tune 8e Taucre Rome eHacent les beautez >
Sàrmontenc la (plendeur de la ff avante Grèce *
H cous ces grands palais que la Fable a chantez»
LtM rochers {burcilieux , les afFreùfes montagnes»
Aia Toix de Lovis fe laifiisnt applanSï i
Par Con confimàndement tios deui Mers vont is'uuir }
Et des fleuves nouveaux arro&nc nos campagnes»
Palémon voit » tour furpris >
Ouvrir de- nonveaux abris-
Alix navires battus de la fureur de' l'onde^
Ou l'on vit des écueils > on découvre des ports i
K Louis (aie céder tout le refte du M onde »
Aux ottvragejT fameux dont il pare nos bords.
De quel puiflant Démon les forces étonnantes
Ont fourni pour la mer ces belliqueux apprêts «
Et fait fi promptcmeat de nos vertes forêrs
Tant de mobiles forts , tant de villes flotantcsî
Que de François courageux ,
Sur rélement orageux
Vpnt braver ces périls qu ils bravoient fur la terre ^
Qqiiij ■
Gik:
464 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
^ Louis les a changez en Pilotes fçavans ;
«9 EST. £c ceust|ui(iansla paix (bupiroicnc pourlaguene»
Ont da moins à combattre & les flots 8c les vernit
' Le Rhin impétueux, ni les hauts Pyrénées,
Louis , ne bornent plus l'ardeur de tes François^
Alix bouts de l'Univers ils vont porter tes lolz >.
£t faire triompher tes armes /ortunées.
Le yafte empire des eaux
£ft couvert de tes vaifleauz ,
Prêts à vaincre partout , prêts à toureotreprendte.
Qui peut les éviter > Qui peut les foutenir }
Il n cft point d'opprîmez que nous n'allions dé-
fendre ^
Il n*c(t point de Tyrans que nous n'allions puniiw
Ces Corfalres il fiers, dont la cruelle rage
Par tant d'aâies (anglans a difFamé les flots ,
Et jerté plus de trouble au cœur des Matelots
Que le choc des écueils & l'horreur du nau&^^e :
Ces infolens Africains ,
De qui les vœux inhumaîns
Cherchoient IncefTammcnt le carnage & la proye ,
Sont vaincus , font punis , & tombent dans tes kr%%
Contre eux jufqu'cn leurs forts ton pouvoir (c dé«
ploye ,
£t tes foins glorieux en ont purgé les mers.
Déjà rheurcux fuccès de nos courfes lointaines
Du commerce opulent nous £dt goûter le fruiri
LIVRE XV. 46s
Sur miUc grands vaîffeaaz que Neptune conduit ^
Nous chargeons les préfens de nos fécondes plaines: ^^^ '
■ Nous allons en Soulager
Les befoins de l'étranger «
A qni de ces faveurs le Ciel eft plus avare :
Et iK>s heureux Nochers ramènent dans nos portl
Ce que Taftre du jour engendre de plus rare ,
Ce que llxne 8t Tàucre Inde ont de riches tréfors.
Lorsque nous ignorons les malheur» & les craîo"
tes.
Et qae par tant de biens tous nos voeux font contens»
Louis (bnge aux revêts des Dedins inconftans »
Xcpcévîent dcJcurs coups les fatales atteintes*
Les ArchiteAes. de Mars ,
Par d'imprenabks remparts ,
Dé&ndSnt notre Empire , afTurenc nos conquêtes ,
£e nos braves (bldacs, inftruics par ce Héros »
Tiennent le bras levé fur les fuperbes téces ,
Qui youdïolent de la France attaquer le repos.
Par quel cSèt fbudaîn , par quels foins incroya>»'
blés
Ces paiflans boulevards ont-ils pu s'achever ?
Par quel charme inconnu voyons-nous élever
De ces corps menaçans les maffes effroyables?
Belges , à qui ce grand Roi
Avoit donné tant d'cffrôî ,
Il Toos fonde un bonheur d*^éterncUe darée 3
464 BIBLIOTHEQUE POÉTIQUE.
ei^xsT.
m*
Il hanlTe vos remparts qu'il avoir démolis |
Er des peuples divers la ibrce conjurée »
Ne Tgauroir déformais en arracher les lyi •
Il fait fleurir les loix dans ce» grandes armte^
Qui font de TUni vers Terpotr ou' la terreur i
Sans traîner le ravage , & fans&mer Thorreur »
Aux feuls nobles affaucs elles (ont animées.
L'Europe de toutes paru '
Voie flûter nos étendarts ;
Louis femble inonder les Provinces (bnmt&s i
Maïs Bcllone avec lui perd ce qu'elle a d'afficttxs
Ilrégne par ràmout dans les villes conquîtes «
£t ne fait des Sujets qie pour les rendre beurens/
Ceft ainfi qu*à Memphis prend fa fameufe coorft
Ce fleuve merveilleux qu'on a tant célébré ,
De qui raccroifTemenc efl toujours admiré ,
Et de qui les humains cherchent en vain h'foorcoi
C*e(l ainfi qu'à gros bouillons
Le Nil couvre les filions ,
Et fait bruire en tous lieux Tes ondes débordées :
Il s'étend , il s'épanche avec rapidité s
Mais Ton cours , favorable aux plaines inondées ^
T répand rallegrefTe & la fécondité.
Ce Conquérant fi prompt,ce Vainqueur fi rapide,
Peut de l'aube au couchant arborer fes drapeaux ^
Mais il veut des lauriers aaf& juftcs <)ae beaux ,
LiVR^J^
♦*7
GtMS»f*
aEKZlTs
468 BIBLiornEQUE POETIQUE.
Et qu'à cet air fl grand » au milIcQ des bataillcf •
Les Troyens & les Grecs ont reconnu leurs Dieux.
Mais pourquoi s'engager en des (ujets fi Taftcs \
1,'Univers eft rempli de ces faits édàtans }
Et pour les dérober aux injures dès tems;
Mille ((ayantes mains les gravent dans net FaffelL
Fonr mieux louer ce Vainqueur
Je ne chante que Ton cœur »
La fource qui produit tant d'aâes magaanimesr
J*y Vois tout ce qui forme un par&it Pocentac <
Qui trouve Tan d'unir , par Tes juftes maximes».
La grandeur du Monarque au bonheur de l'Etat.
•
Quelle eft l'adlîvité de ce puiflant Géuie
Qui feul pourrok fuffire à régir l'Univers ?
Quelle eft , pour fatisfaire à tant de (oins divers^.
Son immenfe écenduë , ou fa force infinie ?
■ Quels (ont ces divins fccrcts, .
Quels font ces fagcs Décrets •
Qui cachent aux humains leur conduite profonde ?
l.^ yeux les plus per çans n'y .trouvent point d*accés.
Et tant de grands deflèins qui font le (brt du Mondé»
Ne font jamais connus que par leurs grande fucces*
Depuis les premiers tems a-ton vu jes Mônar*
ques
Joindre tant de prudence à tant d'autorité ,
Joindre tant de douceur à tant de oujçfté » .
LIVRE XV. 44$
m
Et hrHIer à la -fois par tant d'illuftres marqueft!
Auffi-tôt qu'il fc fait voir , ^»"
I^ cœurs fentent (on pouvoir ,
Et pour lie reconnoitrc il fufEc de rentendre :
Il eft couJQurs^gal , toQJours fcmblablc à (bi ^
Jamais de (a grandeur on ne le voit defcendre \
Il n'agît qa'tn Héros , & ae parle qa*cn RoL
tjc% vices Tont détruits, ou n ofent plus.paroître4
Od n'entend plus (ibufiler de vents féditieux \
Il nous fait oblier ces monftres odieux
Que Ùl bonté févere empêche de rcnaîtce :
Le mérite floriiTant
Sous ce Roi jude & puifTant ,
VoIt.fims.ceiTeaux bienfaits ouvrir fes mains fiu]
crées s
Et par fcs riches dons difpenfcz avec poids »
Les travaux couronnez , les venus honorées,
Font leur plus digne prix de Thonneur de ion choix.
Reine des Nations , France , quelle cfb ta gloire ,
De poiTéder un Prince à qui tout efl (bu mis,
.Qui fi?it de toutes parts trembler tes ennemis ,
Et fixe dans ton fcin la paix & la vidoire >
Un Prince doue les beaux jours
Te préparent un long cours
D'une félicité fi folide & fi belle ?
Ba fouycrain bonheur tu touches le fomipet ^
470 BIBLIOTHEQUE TOETIQJJE,
£c pour mieux afllirer ta grandeur immortelle»
Senest. ^ que donne Louis , (bn Dauphin le promec
Ls Nymphe de Ver/killes 4$u Roi»
t 7e ne viens pas , grand Roi, par des chants do
viâoire
Aider la Renommée à publier ta gloire.
Qu'elle vante en tous lieux tes exploits inoQts |
le laiflè le Vainqueur & ne veux que Louis.
Te vcrrai-je à la fin dépouillé de tes armes ? >
Te pourrai- je en repos raconter mes allarmes ?
Quand l'Univers te lou<f , ô magnanime Roi ,
Me (èra-t'il permis de me plaindre de toi ?
Oui je puis . d'un tranfport au(G jufte que tendre «
Te reprocher les pleurs que tu m'as fait répand£C#
£c mêler aux ennuis dont j'ai fenci les traits ,
L'aimable fouvenir des biens que tu m'as faits.
Je me remets toujours ma campagne déferte , ,
D'épines hérifféé , & de fables couverte ,
Où dans une importune & trifte obfcuûçé
7e trainois fans piaifîr mon immortalité»
Et ne voyois errer de bocage en bocage ,
Que le chevreuil timide , ou la biche fauvage.
Mais depuis que le Sort, favorable à mes veux.
I Cette Pièce fut préfentécà Sa Majcfté aptcf foa cetott
delà Campagne de 1^71.
.i« r.i I I I , ■ ■
LIVRE X V. 47r
■ M'accorda Thcur de plaire à toa cœur généreux ,
.Les Nymphes des vallons . des montagnes, des G£N£st,
plaines ,
' Des forées , des^ étangs , des prez de des fontaines #
- D'un (bin refpeâueux s'attachant à mes loiz »
' Ornercnc mes jardins , mes terraiTes , mes bois.
Dans le fiiperbe enclos d'une ville nouvelle >
, Je vis croître un palais de (Iruélure immortelle^
Tel qu'encre cent palais habitez par les Dieux
S'élève le (iîjour.du Monarque des Cieux.
A Tes pieds orgueilleux une mer fans orages ,
' Exempte pour jamais d'écueils & de naufrages ,
Ouvre une longue courfe à tes pompeux vailTeaux i
Qtri r)e rames d'argent fendent le fein des eaux ,
£t (ans s'afTujettir aux ordres des étoiles ,
Déployent en tout tems la pourpre de leurs voiles.
L'onde prompte Se facile à tes commandemens ,
' £tend<deux larges bras vers deux palais charmans.
'On épuifa pour l'un jufqu'aux climats barbares ,
De tous les animaux les plus beaux , les plus rares j
L'autre , foustles rameaux toujours frais , toujours
vends ,
• Dans 1 aprc canicule , au plus fort des hy vers ,
Arbitre des faifons , fanscciTe faitéclore
Les plus riches tréfors de Pomone & de Flore.
Si pour tromper l'ardeur du bel aftrc des jours,
L'on cherche de mes bois les merveilleux détours ,
:Pcnfax«nci:cncoBtrcr ibusicur feuillage, ibrabrfr.
471 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
^^^ Que l'aimable fraîcheur do zéphire&dei'osibie)
aiNiST. £q quelques lieux fccrets que l'on porte Ces pas »
Les Nayadescn foule y montrent leurs appas»
Ni-ta grotte , Louis , plus richement paiée
Que celle d'Ampbitrite& celle de Nerée -,
Ni ces riants balTins , odi'ArtinduftrieaK
A fait vivre en n^tal les hommes fc les Dieaz»
Ne peuvent empêcher ces belles fugitives
De s'échapper partout » pures , fraîches Bc vives»
Ordonne (èulement , prend Coin, de (bnl^alter %
Ces Nymphes à l'inftant peuvent tout imiter.
Plus dodes que Prêtée à changer de figures ,
EtTur^endre les fens de douces impodurcs.
Tantôt du tronc d'un arbre & de mille ro(êauX9
Leur mobile cryftal poufTe de longs rameaui ,
£c. trace dans les airs par Tes élans rapides
Mille cercles fuyans, mille chiffres liquides ^
Tantôt en élevant un humide rocher,
Sous fa bruyauce mafTe on les voit fe cacher :
£t tantôt du concours des ondes jailli/Tantes
Former un grand théâtre , & des (ccnes chaaV
géantes.
Enchanté par les yeux , TEtranger , le François,
Pafle , revient » s'arrcte , & rcpaflc cent fois ,
Et s'écrie , en voyant tant d'objets qu'il admire »
Qu on ne peut les compter, moins encor les décrire.
Hélas ! qui le croiroit , que 'ces nobles plaifîrs
N cuflcnt pas le pouvoir d arxctcr tes défirs ? -
Qu'à
LIVRE X V 47}
Qo*à de fieres vertus ton anie trop fidclle ,
Me fie fouSrir les maux d'une abfeace cruelle » G£NE!
Qui me laiflauc en {froye à de criftes regrets »
Pour moi de ces beaux lieux ternit tous les attraits ^
76 te revois rnfîn, & te revois encore
Rempli de nobles foins dont Tardcur te dévore l '
Hé bien » penfè à la gloire , adore Tes appas ;
Mais pour raimer> Louis « ne me tiéglige par^
Ecpenfè quelquefois , au fèin de la viéboire »
Que Ver&illes un jour rehaulTera ta gloire » .
En falHint comparer aux mortels étonnez
Tes geftes éclatans , & ces lienx fortunez»
L'ambitieux défît du royal Diadème
N'appinc fait ^ diront-ils , cette valeur fnpréme^'
Il ne^int point du Nord , du féjour des frimats.» .
Pour s'ouvrir par le fer de plus heureux climats. .
Un trône chancelant , & Thorreur du naufrage..
Ne le forcèrent point à trouver du courage.
Roi i fils de mille Rois , au comble des défîrs , ,
Environné de biens , de pompe & de plaifîrs^ .
Abfblu > redouté , loin de toutes allarmes..
Maître de (es de&ins., en ces lieux pleins de chac^
me», .
Si-tetquc lajuftice i ou rhonneur l'appeMoit,. .
Aux plus affreux dangers fon courage voloît.
Le bien de fes Etats > le bien commun du Monde^ >
Occupoient tour à tour fa fageife profonde :
jQme IIL. K.J& .
474 BlBltOrHEQUE POETIQUE.
De fa haore grandeur ces beaux lieux font témoins ^
SMEST. £c c écoic toutefois 4e moindre de fés (oins.
O D E. I
S tir P honneur que le Roà s fait à T Académie Frati^
çoife , en acceptant la qualité de fin Preteântr ^
di* la logeant au Louvrt^
Une nouvelle joye . une gloire nouvelle ,
Do6les Sœurs , yous engage à de nouveaux effiMtt » .
Hauflez votre voix jmmortelle ,
Faîtes tout retentir de vos divins accords.
Des fiéclesprécédens oubliez les exemples :
Si vous avez reçu de Tencens & des temples
P e ces fameux Héros par vos mains couronnez »
Le plus parfait des Rois à Ton tour vous couroane t
Et Tafile éclatant que fa bonté vous donne ,
Vaut mieux que les autels qu'ils vous avoienc
donnez.
On (çait , Mufes , oo fçait irotrc prcmteie HiC»
toire ;
£c que de TOricnt les Sages fi rantcz ,
Ouvrant le chemin de là gloire 9
Montrèrent aux mortels vos uai&Dtes beautez.
I Cette Ode a remponé le Prix de Poëfîc donné pas lîA-
cAD£Mi£ FRAi^ÇoisEenranoée »^73*
LIVRE XV. 4rr
Od i^ië qu'aux doux climats de la fçavsuite Grecse^
pë la cime-du Pidde , ^ des bords du Vctfntttci
Vos attraits adorez régnoient de toutes parts :
Oh fçait qu'aux plus 'beaux jours de Rome trlodi«-
pbànte>
Aùgafte vous tendit une main careâahce,
Ec vous fit trouver place au trône des Céfars.
Mais r^ardezla France en merveilles féconde^»
Sfrkhcides tributs de la terre & dé$ mers »
Paris , qui comme un autre monde ,
Renferme dans fès mars mille peuples diveïs. •
Admirez ce palais \ contemplez ces rivages ,
Ou rUnivers cbarmé vient rendre fes hommagi^^
Ail fupréme pouvoir d*un Roi vidôrieux ^
Et parmi tant d*éclat & de magnificence ,
Avouez qu'au Ciel même, oit vous prîtifs tï3â&
faoce, •
Auprès de Jupiter vous ne feriez pas mieux.
' Ne craîgttc»plus du Sort la haine conjurée'} ^
W vos bons dcftins pour jamais établis.
Auront rércrneHc durée ,
QVil: le Ciel a promifc à l'Empire de^ Lis.
Oiï ne vous verra "plus tremblantes i allarmécï^/'^
Ail fier débordement des barbares ArmécsP,'
Efe'vos lyres à peine emporter le débris 5
» Vàndatelfc dU'Scytkeéjrouvcr les outrage»;- -
Genf
474 BlBltOTHEQUE POETIQUE.
De fa haure grandeur ces beaux lieux font témoins ^
fiMEST. £c c écoic toutefois 4e moindre de (es {oins.
O D E.^
Sur f honneur que le Roi s fait à F Académie Yram^
coife , en acceptant la qualité de fin PreteâeMr ^
^ la logeant au Louvre
Une nouvelle joyc . une gloire nouvelte ,
Doéles Sonirs > yous engage à de nouveaux dfiMtt »
Hau({ez votre voix jmmortelle >
Faîtes tout retentir de vos divins accords.
Des fiéclesprécédens oubliez les exemples :
Si vous avez reçu de Tencens & des temples
P e ces fameux Héros par vos mains couronnez >
Le plus parfait des Rois à Ton tour vous couronne t
Et Tafile éclatant que fa bonté vous donne >
Vaut mieux que les autels qu'ils vous avbieac
donnez.
On (çait , Mufes , oo fçait irotrc première HiC*
toire ;
£c que de TOrient les Sages fi rantez ,
Ouvrant le chemin de la gloire ,
Montrèrent aux mortels vos uai(iantes beautés.
I Cette Ode a remporté le Prix de Poëfîc donn^ pas lîA-
cADBMiE F&iU<ÇoisE en Tannée »^73*
hJ V K E XV. 4fY
On (^ît qu'aux doux climats de la fçavsuicé Grecc^- ~'
pë la cîmcdu Piiide , ^ des bords du Permeflè ^
Vos attraits adorez téghoient de toutes parts :
Oh fçait qu'aux plus beaux jours de Rome trlodi«'
pbante>
Aiigafte vous tendit une main careâahce,
Er vous fit trouver place au trône des Céfars.
Mais r^ardez la Friance en merveilles fécondtf^t "
Sirkhe^idts tributs de la terre & de$ mers y
Paris , qui comme un autre monde »
Renferme dans fés mars mille peuples di veïs. -
Admirez ce palais , contemplez ces rivages ,
Oîi rUnivers cbarmé vient rendre fés hommagiifi^
Ail fupréme pouvoir d*un Roi vi6):ôrieux ^
Et parmi tant d'éclat & dç magnificence >
Avouez qu'au Ciel même, odvoûspritds tial^--
faoce, •
A«prcs de Jupiter vous ne feriez pas micax.
' NëcraigneiplusduSortlahaineconjurétf^j ^
Idifos bons dcftins pour jamais établis",-
Auront rérernei'le durée ,
CJVil: le Ciel a promife à l'Empire de^ Lis.
Oiï ne vous verra plus tremblantes ; allarméer^-
Aiï fier débordement des barbares ArmécT,*
Dc'vos lyres à peine emporter le débris ;
rVandateïc du ScytW'éjrouvcr les outrage» ;' -
47^ BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Et dans reinbrafement de vos phis chers oavr^^es,
îNEST. ^u I^^u ^^ vos concens , frapper Taie de vos cris.
Dans ce brillant palais , loin de toutes allarmes .
Sous la procedion du plus puiflant des Rois >
Vous n'entendrez le bruit des armes ,
Que pour vous exciter à chanter Tes exploits.
Vous (èrez chaque jour henreufèment (îirprifès
Au fpeiflacle pompeux des Provinces conquifës*
Des Tyrans furmontez , des Barbares défaits ^
£t fa valeur enfin calmant toute laTerre*»
Les peuples apprendront qu'il ne cherchoic 11
guerre ,
Que pour leur acquérir uncéternelle pais.
Une tranquille paix , douce & délicieuse»
Oii Bellone oubliant Tufage de Tes dards ,
L*ame la plus ambicieufè
Combattra feulement pour le prix des beaux Arts..
L* Amour (èul aura droit de faire des conquêtes ,
Tous les jours des humains feront jutant de fêtes 3
Les adres indulgens fuivront tous nos défîrs -,
Vos céleftes concerts charmeront tous les z^s »
£t vous infpirerez aux cœurs les plus fauvages
La jôye & les vertus , la gloire & les plaifîrs.
Vous verrez triompher la fçavante A ffembléc »
Qui foutient de vos loix l'augude majedé j
£t qui de vos tréfocs comblée >
LI V R E X V. 477
S'élève fur vos pas à rimmortalité,
Sous ces lambris clorez , au milieu des trophées , GfiNES'
Vous entendrez pouffer à ces nouveaux Orphées
Des airs que vous pourriez vous-mêmes avouct.
Si jamais les François n'eurent un fi grand Maître,
Leurs climats foftunez n'avoient jamais vu naître
Des Sujets mieux indruics en Tart de bien louer. .
Redoublez leur ardeur -, fécondez leur envie ,
En fii'veur du Héros métez voschants aux leurs :
Chaque infiant de fa belle vie
Fait édore pour vous une moiffon de fleurs.
Voyez. le maintenir les loix rcnouvellées »
Accabler de bienfaits les Vertus rappellées ,
Sur les monts applanis faire joindre les mers ,
Redonner Tàbondance aux campagnes flériles ,'
Changer d'affreux (kblons en de fuperbes villes ,
Et rouler à (bn gré le fort de TUnivers.
Voyez de fa'valeur les incroyables preuves ,
Et. partout obéir à fès commandcmens
Les hommes , les remparts , les fleuves ,
La rigueur des Caifons , Torgueil des élémens.
Au généreux Dauphin étalez cette image ^
Mais réglez les tranfports de fon jeune courage }
Les triomphes du Pcre empêchent ceux du Fils :
Enfcignez-lui du Roi la fagefFc profonde ;
Qu'il (çgche feulement Tart de régir le Monde >
11 n'aura rien à vaincre , 6e tout fera, fournis.
478^ BTBLIOTHEQUE POBTÏQyE.
pftMI^STt
Mais dans le doux repos qui tous rend fi char-
mantes )
Au (bmmet du bonhear ou vous allez monter ,
Quels Hymnes , 6 Vierges fçavames »
Envers le grand Louis pourront vous acquitter?
Tous vos arcs triomphaux, tous vos chamt de'
viâolre ,
Tous vos foins vigilansà tracer Ton Hiftoire ,
De Tes rares faveurs font un fiircroir nouveau ; .
Pùifque parfcs hauts faits fidellcment guidées »•
Vbus allez furpafl*er vos plns]grandes idées »
It tout ce que votre Act eut jamais de plus beau; '
Skr Its Otévragis de M. de * ♦ *.
Philosophe^ galant, guerrier & politique ,
Bâ tout ce qui lui plaît il peut fe transformer s
£c partout élevé , brillant , tendre , héroïque ,
Hfçait toujours inflruite , il fçait toujours charmer*
ÉPI T R E,
A M. D £ t A B A ST I D E. I
Itfexhtfrte à abjurer les erreurs du Culvinifiese*
Les peuples , les citez , les Provinces entières-
Ouvrent enfin les yeux aux divines lumières *,
I Ce M. de la fiaftide eft connu par fa répônfe i M. TEve-
qup J« Moauz ,- pat fa fcvilioa éa Prcjuime» de Mato» 4&4t
L TV RE X V.' 479
L'erreur s'éTanoult. La falnte Véricé «
D^ua long aveuglemeat chafTe robfcaricé. Genis'
Iteft ccms de le rendre « il cft cems, la Bastide }
Sois là voix qui t'appelle , & le jour qui te guide.
L'EglKè eft triomphante après tant de combats*^}
Deibo trône de gloire elle te tend les bras :
It l'entends , je la vois te rechercher , te dire :
Viens , noon fils > mon cher fils , toi pour q^i )%
(bupire >
Toi donc la fuite injufte & les égaremens
M*onc coâté tant de pleurs & de gémi démens.
Ta n es point criminel. La faute efl de tes pères ,
Qu'un efpric (îiduâeur rendit mes adverfkires.
Trop malheurenz cnfansl Mats l'erreur doit finir*
Tu fbrtis de mon fein , tu dois y revenir.
Ceft atnfi que s'explique une mère fi tendre j
Tout parle en (a faveur fi tu la veux entendre.
Examine > confulte &fbnge à réparer
Ëe funefte malheur qui t'en fit féparer,
La foi de fiécle en fiécle à nos ayeux tranCmilê,
Les renoit tous unis dans Te fcin de TEglife »
Quand d'un Moine apoftat la folle ambition
VinCitroahler.cette paix , rompre cette union.
Bcxe ^ 6c. pot quetq'ires -autres ouvrages. -Il Ibrtit de France
en itcSy. Kinounic Calvinifte à Londres le i f de Mars 1 740.
irEpicrequeM.rAbbéGEKESTluiadrefTeeft une des plus^
Micichofésqiicrofi puifTe faite dans œ gearc-U.
480 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
__^____^_^ Comment nommeras-tu (on audace rebelle? *
GsNiST. ^^ déchire TEglife , il s'achàrnc contre elle i
£t voulant s'affranchir des droits qu'elle a furnoaS|
Il fe les actribu'é ; Se les prodigue à cous*.
Plus de loix^ de Pafteurs « de Chefs , ni de Conciles •
Leurs fouverains Décrets deYieiment inutiles :
Des cœurs enflez d'orgueil , des efprits déréglez *.
Entndnent après eux les peuples aveuglezv
La raîtbn arrachée à (on joug légitime j
Court d'erreur enerreur , 6c d'abîme en abîme $
Et chacun, à l'envi , (îgnalant Tes fdreurSy
Pliis loki que fes rivaux veut poner Tes erreurs»
Calvin , du premier rang in(blemmenr avide j
Trouve à fon gré Luther trop foiblé & trop timides
Sous le nom de Réforme H détruit Ids autels «
Et veut en abolir les honneurs immortels.
Quel efprlt l'animoit ? Montre-nous à quel titre -
De la Religion il fe rendit l'arbitre.
Parle , établie les droits qu'avoit ce fédu^eur » .
Pour faire le Pontife & le Légidateur ?
Sur quelle raidîon. Se par quel privilège
Des Mydéres facrez faire un choix facrilége? -
Quoi.! par fon feul capxlce il viendra nous di^i '
Ce qu'il faut. recevoir , ce qu'il faut rejetter.
t)ans cette foi divine oii tout eft grand ; terrible y .
Oii.ppur les yeux mortels tout eu inacceffible ,
II. viendra confultcr les rapports impuiffans
D'une raifon bornée * & de nos folbles fens ?.
L'Eglifê,.
LIVRE XIV. 481
L'Eglifê * dira-t*il , fut long cems écHpfôe ;
On vit ÙL grâce éteinte , & fa gloire efiacée. Genïst
Quel blafphiêiae ! Oii veut-on qu'elle eût pu (è
cacher ?
Four apprendre fes loix od l'irions-nous chercher!
Non » avec rEfprit Saint qui la rend in&illible ,
Elle eft toujours préfente , elle eft toujours vifibl««
Toujours fur la montagne elle doit éclatçr.
Âctendoit-on Calvin pour la reflufciter }
Son Auteur Ta fondée unique > univerfelle ,
Conftante, incorruptible » immuable , éternelle.
Par les cruels lefibrts dç Ces noirs ennemis ,
Ses (àcrez fondemens fe font mieux afFerrais :
Toujours des falnts Douleurs les clartez afTemblécft
Montrent fes véritcz par le Ciel révélées^
Let^tems ont confirmé (on empire abfolu ,
Et les enfers armez n'ont jamais prévalu.
Si ta Tas méconnue, on te l'a déguifée :
Far des préventions ton ame tiï abu(é&
Que je t'ai plaint ! Je fçais dans quels faux préjuges
Dès vps plus tendres ans vos efprics (ont plongez.
Antre obftacle pour toi : ton adroite éloquence
A (buvent de l'erreur embra(ré la défenfe ;
Et dans le cœur de l'homme un orgueil inconna
L'attache à fouteair ce qu'il a foutenu.
STil £iat qu'il fe rétrade , une gloire trompeu(è
Peint ce jufte devoir en foible(re honteufe s
Et de fuivrç un parti chancelant, abattu ,
48x BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
On (è faic un honnear > & même une verto.
iEN£ST. Pernicieux orgueil ! coaftance déplorable l
L'erreur eft trop vifîble & trop Infoucenable.,
Car enfin > fi chacun va k perGiader
Que des Myftéres faints il peac fenl décider :
Quels dé&rdres , 6 Ciel 1 Que de v;^es di(putes !
p'^tremens honteux t d'inévitables chûtes I
Ne frémiilèz-YOUS point quand vous enviGiges
La peine & les périls oii vous vous ei^agcz ?
Pour nous > qui nous fixons dans le (èin de TEglife
Il fuffit d'un cœur humble , & d*une ame (bumKc .
Seuk nous pouvons jouir d'un fort tranquille &
doux,
E% tous nos faints Doéleurs ont médité pour nous.
Non que j'aille blâmer la fçavantc fageflè »
Pour louer l'ignorance , & flatter la parefle.
Je blâme feulement TefFôrt audacieux
D'un efprlc indocile , inquiet , captieux.
Des faintes Véricez (bngeons à nous inftruire i
Mais apprenons furtout à nous laiflèr conduire.
La Bastide , il eft vrai > ce quel'on veut de toi y
Par Tes difficultez peut étonner ta foi :
Mais le propo(è*t*on à notre intelligence ?
Non , l'Eglife ne veut que notre obéïflance |
Et nous fommfis heureux que (on autorité
Fixe de nos efprits la vaine liberté.
Reviens donc oii tu vois de l'Eglife régnante!
Le pouvoir fuccclCf «. lautoricé coaftante %
L I V R E X V. 48J
AbandoBne an parti qui va t'abandonner 5
Oiic*en donne Tcxcmplc , & tu dois le donner. Gines'
Toi , que la probité peut prendre pour modelle^
Ami tendre , fincere » ardent , fage , fidelle i
£{prlt rare & charmant > né pour les grands eoH
plois »
Et que (baTent ton Prince honora de (on choix «
Fais de ces dons da Ciel un falutaire ufage ;
Qae ût Grâce en ton cœur achevé Ton ouvrage.
Réponds aux juftes vœux « au zélé d'un grand Roi §
Inflmît par la Sageflè , animé par la Foi ;
D*im Roi viâorieux , dont Tadive prudence
Concerte Tes projets avec la Providence »
£t (çait que le pouvoir n'efl: remis en Tes mains #
Que pour le con(àcrer au falut des humains.
Tant d'ennemis vaincus fai(bient peu pour fil
gloire 'y
Il trouve en fes Sujets fa plus belle vidolre.
A ceux qui (ans (bnger à leur aveuglement ,
Dans le Cân dé l'erreur dormoient négligemment «
Ce Roi fait éprouver Theureufe violence
Qui de ce froid (bmmeil tire leur nonchalance :
A ccox qoi s'égaroient fans vouloir s'égarer »
Il offre le flambeau qui doit les éclairer :
A ces cœurs endurcis que le fecours irrite ,
Qu'une erreur obftinée entraîne & précipite »
Il montre fa puilfance , & d'un pieux effort *
Malgré leur défefpolF les pouflè dans le port.
484 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Qu'ils ne fc plaigncDC point que des ordres févércs
£N£ST. R'évoquent les Edics accordez à leurs Pères.
Si le malheur des tems a pu les établir •
Un tems plus favorable a du les abolir. •
Pour le repos public ces loiz furent didlées •
Pour le bonheur public elles (ont rétradlées.
Quand la France livrée à Con emportement ,
Dans fes fanglantes mains tenoit l'acier fumant ,
Et d'une aveugle erreur contre elle-même armée ,
Exerçoit fur fon fcin fa rage envenimée ,
Les temples de Terreur Ce purent élever ;
Ce n'écrit qu'à ce prit qu'on pouvoir la (àuver :
Mais la même pitié qu*on eut alors pour elle ,
De fes malheurs paflez la mémoire cruelle.
En détruifant l'erreur, doit faire prévenir
Ceux qui pourroient cncor menacer l'avenir j
Arracher ce levain des fureurs parricides ,
Qu'enfantent les efprits de nouveautcz avides ;
Dont les coups inhumains font d'autant plus mor-
tels,
Que leur acharnement croît fèrvir les autels.
Venez tous 5 achevez l'union défirée ,
Qui d'un commun bonheur nous promet la durée 1
Et par qui cet Etat û craint & fi puiflant.
Doit être pour jamais tranquille & fioriflant.
Si c'eft un fang François qui coule dans vos reines.
Si pour les loix du Ciel , fi pour les loix humaines ,
Si pour votre ^ays , pour vous , pour vos oeveipt ^
L ï V R E X V. 485
Votre erpric peut jamais former d*uciles vcrux ^
Qu'au pied des vrais autels votre retour (incere Gens
Présente de vos! cœurs Thommage volontaire.
Qa*un tendre amour fu^cede à votre injufte effroi >
Louis agit pour vous plus en père qu'en Roi :
Forcé dans fes rigueurs , contraint dans Tes me-
naces ,
Sa main eft bien plus propre à répandre des grâces*
Réunis avec nous dans une aimable paix.
Venez nous difputer Thonneur de fes bienfaits.
Bien- tôt de ce grand Roi la bonté généreufe
Ne fera de l'Etat qu'une famille heureufe ,
^£t nous va tous combler de ces biens précieux
Qu'à (on augufte régne ont réfervé les Cieux.
ExTUAXT DIS Principes de Philosophie.
De U Vue.
Llot^OR ANT e(l frappé de même que le Sage.
Dans ces corps infinis à nos regards offerts >
Dans ces champs étoilez à nos yeux découverte ,
Notre esprit voit l'Auteur de cet immenfè ouvrage»
A
Ces peuples différens de mœurs & de lattages »
Qui du vafte Océan occupent les dcuz bords ,
Les Barbares les plus fauvages
Xatendent ces divins accords.
Sfii)
48^ BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Avec qaelle vafte étendulf ,
ENEsr. QïicUc variété s'exerce notre vûë ?
Ceft le premier des fens , le moins matériel }
Ceft le plus merveilleux , le plus univerfè^
Dans Gi vltefTe inconcevable >
Ceft loi qui de l'efprit fuit mieux le mcaYcmeor ^
Et (è trouve le plus capable
De fervir au raifonuement.
De r Aurore au Couchant le regard fe promené %
Par les feux de la nuit , par le flambeau des jours 9
Nous (bmmes éclairez fur cette immenfè (cène ,
Qui toujours eft la même , & qui change toujours»
Cet œîl , du corps humain Tornement & le guide »
Infatigable agent de Tefprit curieux »
Vivant tableau > miroir ingénieux •
Montre en fou petit cercle « 9c l'empire liquidé #
Et l'immenfè voâte des Cieux.
Si dans notre cerveau la lumière étincelle »
Sans que rien du dehors aux yeux vienne éclater %
Les couleurs y naîtront comme elle*
Sans qu'à Textérieqr on les fafle exifter.
Lorfque tout l'horifon au matin fe redore $
Qu'à l'afpeâ du Soleil tout brille dr fe colore «
Songeons que les cC:::!'J>tû riants & fi verds
N'ont point en eux l'émail dont ils fcirrb.^ (Oa-*
verts.
■ . „^. que de Veau fimple ec
R „c .oyons-nous pas qu
'"":ceaaae«.ftalq«««-f-°'^""
Qa'anmotceaa o , concevoir •
Oûri-ae~^"':f;;';iventnousfmouvo«.
P«ac.ivescoul^«P Viofe.
^°"' ^^X!c ce qui le caufc v
te fenùment à ave H^ ^.^ ^^^^.,,^
. . • • • ;. 'noire œil. cebelotgane,
• ôbfetvonsavecComnot« ^^^^^^^^^^^^^^
p^ rOuvàer divin k^^^ ^ aiapbanc .
Tt laiffc entrer piûsj»^ , x u mouvoir s
^^„ plus ou moins
^ol}etsqueno.sVOulonsvo«.
Itpttdcptomptsre^^J ^^i,fig„c,
Uttencbangeantda^et ;
4S8 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Quand la .prunelle au jour ouvre l'entrée,
H2$T. ^^ ^o^s humeurs , l'aqueufe , la vitrée »
£t celle du milieu » lentille de eriftal ,
Dans l'aébion de rœil ont l'emploi principal.
Tranfparent au dedans , borné de (es tuniques ,
Les rayons envoyez d'un point de quelque objet ,
Font en traverfant Tœil un fi jufle trajet ,
Que tous au même point viennent aux nerft opti-
ques.
D*un ré&au chaque èrbîte au font eft capiflé »
Par Tun & l'autre nerf en filets difperfé >
Ils forment la réçine ou l'atteinte eft reçue
Des objets éclairez , pré(èns à notre viië.
Là ce Cens délicat fait (es enchantemens 1
Comme fur une toile nue >
MHle & mille tableaux nsiiffcnt à tous momeas»
Tant de fujets placez dans la vafte étenduH >
Qu'autour de nous nous voyons répandue ,
En ce petit efpace impriment leurs portraits.
Autant que chacun d'eux nous touche de plus pris «
Sous un plus grand volume une image eft connue ^
Autant que de plus loin ils font fentir leurs traits »
Cette même peinture à nos yeux diminue ;
Enfin plus ces objets de loin font apperçus j
Plus des extrêmitez de leur fuperfîcie
Ils viennent frapper l'œil par des angles aigus »
Et parolâeot toujours plus folbles , plus confus^
f
L I V R E X V. 485
Par trop d*éloignement rimagc eft obfcurcie ,
Tant que (a pecicefle aboutiiTc en un point, ^^NJ
Elle Ce perd alors , & Tocil ne la voint point..
De crainte qu'on ne s'imagine
Qœd'un (yftéme vain nous voulons nous flatter »
Si Tart humain s*ef!brce d*imiter
L'ouvrage d'une main divine ,
Si (bus ta forme d'œil une adroite machine ,
Par un verre taillé nous peut repréfenter
L'effet de l'humeur criftaline ,
£t qu'on place un vélin au lieu de la rétine ,
Od les rayons unis Ce puiflent arrêter ,
Des objets du dehors nous avons la peinture 1
Le vélin en reçoit les fidelles portraits ,
Alnfi que dans notre œil chaque objet s'y figure
Avec fès couleurs & (es traits.
Far-Ià jugeons de l'csit & de Tes vrais ufâges :
U nous Cert (èulement à former les images ,
Autant qu'il eft bien difpofé ,
Et que par des vitres plus nettes ,
Et par des tailles plus parfaites
La Nature Ta compofé. .
Aux Caméléons de Ma/iemoi/elle de ScVDBRT.
Vous vivrez à jamais au Temple de Mémoire:
Sapho vous donne place en (es divins Ecrits.
Sa main , qui des vertus f$ait difpenferlepriz ^
490 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
« ■ . _
Va trisicer Yocre aimable hiftoire;
Sene£T. On voit de vos tableaux Tes cabinets parez :
• Partout dans des cadres dorez >
Le peintre ingénieux a mis ces riches toiles %
Jamais d*un animal le (brt ne brilla tant \
Ecceux qui (ont là haut transformez en écoikf »
Ont un bonheur moins éclatant.
L ir R E X V. 4^1
CHA ULIEU.
lUlLLAUME AmFRYE DE
CHAULiEu,Abbé<l'AumaJ, c«*"
LIEU»
Prieur de Saint Georges » ea
rifle d'Oléroi», de Poitiers, de
Renel & Saint-Etienne , Seigneur de Foo.
tenay , naquit dans cette Terre en 1 6^g.
Son perc Jacques-Paul Amfiye de Chau*
lieu 1 ëtoit Maître des Comptes à Rouen &
Confeiller d'Etat à Brevet. Il ayoit été em^
ployé par la Reine Mère & par le Cardinal
Mazarin i l'échange de la Principauté de
Sedan; & ce fut le fuccès de cette négo*
dation qui lia Mef&eurs de Chaulieu avec
la Maifon de Bouillon. Celui dont il s'agit
ici eut l'avantage, prefque au fortirdu Colr
t Ce Prieaiéeft d'environ 17 à 1 S mille livres de rente*
Cétoit M. le Grand-Prieur de Vendôme qui le lui avoic con-
féré , & c'eft en partie aux bienfaits de ce Prince qUe M.
TAbbé DA Chaulxev écoic tedeyable d*une aflesgtofle for*
tune.
•n
ÎH AU-
I. 1£U.
49% BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Ieg€ , d^avoir entrée dans la noeilleure com-
pagnie ; chofe bien avantàgeufe , 8c même
absolument néceiTaire aux Gens de Lettres ,
qui ne deyroient jamais écrire que pour
elle,, M. le Duc , M. le Prince de Conti j
& Meflîeurs de Vendôme honoroient de
leur eftime & même de leur amitié l'Abbé
DE Chaulieu ; & ce fut furtoutavec eux
qu'il fit ce$ moiflbns abondantes de tours
liobles & de mots heureux qui carafterîfent
fes Poëfies. S'il eft quelquefois négligé jut
qu'à fe mettre audeffus des régies de l'Art;
il a je ne fçai quoi d'original qui le difKn-
guera toujours des Poètes de profeflîon. Il
tamenoit tout à la beauté des images, &au
fentiment : mais à juger de certaines maxir
mes qu'il a répandues dans quelques-unes
de fes Pièces , on croiroit volontiers que
l'Auteur fe picquoit un peu d'être ce que
de certaines gens appellent efiritfort. Il
cft mort à Paris dans fa belle maifon du Tem-
pie le 2j Juin 1720. âgé de quatre-vingt-
quatre ans.
LI VR E X V. 4^5
MADRIGAUX,
h
m
QUe mon Berger me plaît 2 mon ame en cft
ravie.
Cequ*ildic, ce qu'il falt> coateft pleiad*agré«
ment :
Qa*avec plaidr j*ai fait ferment
De paflèr avec lui le refte de ma vie i
Ih
7e vous attends toujours avec impatience.
Du plaifir de vous voir mes yeux font enchantez*
Un moment loin de vos beautez
Me paroit une longue abfence.
Jfe fens de fècrets mouvemçns ,
Tels que fi d;^ns mop cœur s'alluipolt une flammet
Commcat vous expliquer le trouble de mon ame l
Je ne fçai pas le nom des tran(pons que je fens.
III.
Le filence & la paix régnent dans ce boccage ^
Le calme de ce beau féjour
N*e(l troublé que par le ramage
Des hôtes de ces bois qui chantent leur amour,
Oi féaux , dans Tardeur qui me preffe ^
Hélas ! je ne puis coxnme you$
Ch A
494 BlBLlOTHEqUE POETiqUE.
Exprimer par vae^ chants rexcès de ma tendreflè •
^ K A u- Mais- j'ai feul plus d'amour que vous n'en avez tout.
IV.
Thione , tu Youlois à la £mple amitié
Réduire les ardeurs de ma naiffante flamme %
Et tu croyoîs avoir trop fait de la moitié ,
D'écouter , fous ce nom, les tranfports de mon amc»
Enfin tu rends juftice à mon amour extrême ,
Et le nom d'Amant m'eft permis.
Ah ! combien je fens que je t'aime ,
Depuis que j'ai ceflé d'être de tes amis 2
V.
Apre's de longs foupirs , j'ai fléchi maClimenc*
Depuis cet heureux jour , je fcns mourir un feu
Qui brûla tout le tems quelle fut inhumaine.
Hélas ! fl tes plaints » Amour , durent fi peu »
Pourquoi,volage Amour> coûtent-ils tant de peine f
VI.
Mille fois plut touché d'un ruifleau qui moivf
xnure *
Que de tous ces vains ornemens ^
Fils de l'art & de l'impodure »
Je me fais des amufemens
De tout ce qu'à mes yeux préfente la Nature.
Quel plaifir de la voir rajeuair chaque jour {
LIVRE XV. 4py
Elle rie dans nos prez , verdie dans nos boccages »
Fleurit dans nos jardins , &dans les doux ramages
Des oifeaux de nos bois elle parle d^amour*
Hélas ! pourquoi faut- il » par une loi trop dure »
Que la jeuncfTe des fai(bns ,
Qui rend la verte chevelure
A nos arbres, à nos buiflbns «
Ne puifTe ranimer notre machine ufée , •
Rendre à mon fang glacé fa première chaleur ,
A mon corps , à mes fcns , leur première vigueur »
£c d'cfprits tout nouveaux réchauffer ma penféc }
RONDEAU.
' Sur h traduâion des Métamorfhofes iOvide m
Rondeaux par M. de Benferade,
Pour les Rondeaux, Chants royaux U Balad^
Le tems n cft plus. Avec la vertugadc
On a perdu la veine de Cli*ment':
Cétoic un Maître , il rimpit aifément j
Point ne donnoit à fcs vers l'eftrapadc»
' Point il ne faut de brillante tirade ,
De jeux de mots, ni d'équivoque fade %
Mais un facile & fîmple arrangement
Pour des Rondeaux*
.Cela pofé , notre ami Benserade
N'cût-il pas fait beaucoup plus ûgemcnK
4> ^ BIBLIOTHECI UE PO£Tiq(/E,
De s*en tenir à la pantalonade »
^H A u- Que de donner au Public haxdimenc
WRf» Maint iquolibet , mainte turlupînadç
Pour des Rondeaux } ?
Stances mifes en chant*
Qui de chagrins > de toormens & d*al]armer«
Ingrate Iris » tes rigueurs m'ont coûté l
ïaut-il encor que je ver(è des larmes
Pour déplprer ton infidélité ?
Tu me jurois une amour éternelle »
Et cependant tu me manques de foi \
Croîs- tu trouver un Amant plus fidelle !
Il n'en eft point qui t'aime autant que mol.
Ce beau Berger , à qui tu voudrois plaire ,
Sent pour Philis & pour toi même ardeur :
Quand tu m*aimois » la Reine de Cytherc
N'eût pas trouvé de place dans tpon cœur.
Tes faux fermens , ni tes trompeufes larmes i
N'ont pu ternir l'éclat de ta beauté :
Reviens , Iris j en faveur de tes charmes
Je ferai grâce à ta légèreté.
1 Ce Rondeau , fi célèbre en fon genre , fut le premier
ouvrage qui fit connoître la fineflc du goût de TAbbé Ja
Çhauliiv , & Cçs talcns pour la Pofcûc,
L I V R E X V. 497
r U fête que M. de MalezJeux donna k Monfieur^
^ Madame la Duchejfe du Maine » à Chaftenxy C H A i
. aiêmoisdejuin lyoy I^IEU.
Quel eft cet homme admirable ,
Cet Opérateur i charmant «
Qui d'un (peâacle agréable
Fait naître un enchantement ?
Des plaifirs d'une Bergère
^ Il fçait amufer les Dieux :
A tant de tatens de plaire
Je reconnois Malezieux.
Parmi la magnificence
D*une fête de la Cour >
Tout reipire l'innocence
' Du plus champêtre féjour.
Ici la reconnoiflance
Répond toujours aux bienfaits 5
Ni les fiécles , ni rabfencc
Ne reffaceront jamais.
Du Maine fi re(peâable ,
M. de Malezieux ourtoic la fSte fous la figure d'un Oyé-
uc Chinois , qui avoir toutes fones d'efTences admirables^
Seigneurie de Fontenay , qu'il tenoic de la libéralité du
ice Se de la Princcfle , fut l'occafîon de cette fère où il
,ala magnifiquement fa icco^oiflàocc.
Terne III. T t
499 BiBLIOTHEgUE POETIQUE.
Digne fille de cent Rois ,
t A. u« Se borne à parokre aimable r
i£Vt Dès qu'elle eft parmi nos bois»
Dans cette belle contrée
Tout Berger eft Céladon »
Chaque Bergère eft Aftrée »
Et tout ruifTeau le Lignon.
Nos beautez , pour toutes armes ^
K'ont que le pouvoir des yeux ;
L'art n'ajoute rien aux charmes
Qu*elles ont reçus des Cteux.
Leurs miroirs (ont nos fontaines >
Ainfi que des autres fleurs y
Les Zéphirs par leurs haleines
De leur telut font les couleurs.
Eloge de U vie Chamfitre^
D&SERT , aimable fblltade y
Séjour du calme & de la paix >
Afîle « oii n entrèrent jamais
Le tumulte & Tinquiétude»
Quoi i j*aurai tant de fois chanta %
Aux cendres accords de ma lyre ,
Tout ce qu'on fouffre fous l'empirQ
De r Amoar de de la Beauté ;
LIVRE XV. 4>,^
Et plein de la reconnoi (Tance
De CDBS les biens que tu m*as faits , C h a'\
Je laîffcrai danV le filchce itiij
Tes agtémens& tes bienfaits? ' '
.\
. Ceft toi qui me renjs à aïoi-mémc j
ïu calmes mon cœur agité ^
£t de a>a feule oiiîveçé
Tu me fais un bonheur extrême !
■ Parmi CCS bois & ces kameaui ,
Ceft* là que je commence à vivre ^
Et j'empêcherai de m'y fuivre
JtÇ fouyenir de tçus mes maux.
^ Emplois > grandeurs tant défîrécs ,
7*ai côhnd vos iîluJIdns ;
ItM^toln dés préventions
Qui fijrgent vos chaînes dorées.
La Cour ne peut plus m'éblouir :
Libre de fon joug le plus rude >
J'ignore ici la fervitude
B& lotttr qui je dois haïr*
Fils des Dieux » qui de flaterîes
Kepai{{è.z votre vanité ,
Apprenez. que la yérîté
Ke s'entend que dans ûos prairies.
Ttij
joo BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
Grote * d'ôii (brc ce clair luifleaa »
De mouiTe Se de fleurs capiiTée «
N'entretiens jamais ma pep{&
Que du murÎBure de ton eau.
fiannlflons la flateufè idée
Des honneurs que m'avoient promis
Mon fçavoir faire & mes amis ,
Tous deux maintenant en fumée..
Ah ! quelle riante peinture
Chaipe jour (è montre à mesyeazy
Des tréfbrts dont la main des Dieux
Se plaît d*earichir la Nature !
Quel plaiHr de voir les troupeaitt •
Quand le Midi brûle l'herbette , ^
Rangez autotu: de la houlette «
Chercher Tombre (bus les ormeaux:.!
Puis fiir le fi>ir à nos mufèttes
Cuir répondre les échos ,
£t retentir tous nos côceauz
De hautbois & de chanfbnnettés !
Mais hélas I ces paifibles jooxi
Coulent avec trop de vîtefle ^
Mon indolence de ma pareflè
N'en peuvent anêter le cours.
Déjà la Yieilleilè s'avance s
m
m
Xfl V R E XV.
sot
£c je verrai dans peu la Mort
Exécuter l'arrêt du Sort
• Qui m'y livre fans e(pérance.
Fontenay » lieu délicieux y
Ou je vis d'abord la lumière ^
Bien-tôt au bout de ma carrière*
Chex toi je joindrai mesayeux.
' Mu{ès , qui dan$ ce lieu champêtrâ
Avec {pin me fîtes nourrir^
Beaux arbres > qui m'avez v& naître ^
Bien-tôtvVOûs me verrez mourir^
Sur U Retraite,
TOtrx refpire à la Cour l'erreur & l'impodure t
le Sage avant fa mort doit voir la vérité.
Allons chercher des lieux où la fimple Nature »
JRiche de (es feuls biens , ait toute Ùl beauté*
Cefl-là que jouifTant de mon indépendance ,
Je ferai mon Héros /mon Souverain , mon Roi (
£t 4u peu que je vaux la flateufe ignorance
Ne me laiflera voir rien au deflus de moi.
Je confulte fouvent le criftal d'un rul/Teau :
Mes rides s'y font voir \ par ces véritez dures
J'accoutume mes (èns à l'horreur du tombes^u*
Cependant quelquefois un refte de foibleffe*
Rappellanc à mon coeur quelques tendres déiirs '|
Chav'
LXZV«
501 BIBUOTHEqUE POtTiqUE.
En dépit des leçons que me fait la vieillefle «
^ H AU- Me laiâc encor jouir de l'ombre des plaifirs.
Nos champs du fiéclc d'or confèrTant l'inno^
cence ,
Nous ne la devons point à la ngneur des lois ^
Sur la bonne foi feule on rie en aânrance ,
Et le guet ne £ût point le calme de nos bois^
Ni le marbre » ni Tor n'embellit nos fontaines :
De laoBoàflè & des fleurs en font tes omeinens \
Mais Gir ces bocds faeoreoz y loin des foins & des
peines »
iAmarille & Daphnis de leur (brt font contens»-
Ma retraite aux neuf Soeurs tft toujours cbh-^
fkcrée :
Elles m'y font encore entrevoir quelquefois
Venus danlànt au frais , àt% Grâces entourée $
Les Faunes, les Syl vains & les Nymphes des bois.
Mais éloignant bien-tôt ces douces rêveries «
J'examine le cours & l'ordre des faifons \
Et comment , tous les ans , à l'émail des prairies
Succèdent les tréfors des fruits & des moiflbns»
7e contemple à lolfîr cet amas de lumière >
Ce brillant tourbillon , ce globe radieux \
Et cherche s'il parcourt en effet fa carrière ,
Ou fî fans fè mouvoir il éclaire les deux*
1 -t I
LI V R E X r. ycyf
Piiis de-là cout-à-coup élevant ma penfife
Vers cet Etre , da Monde Se Maître Se Créateor » C B A f «
Je me ris des erreurs d'une Sede infenfée » iXEU*
Qui croit que Ichazard en peut être l'auteur.
Extrait stune Efitre à M. le Marquis 4$ U Fan»
Aui > de qui l'efprit & délicat & fin ,
Prompt en expédiens , en reflbnrces ferrite ,
Découvre d'un coup d'oeil les moyens & la fin ,
Tu ne trouveras rien qui ne te Toit facile ^
Et tu verras tes agrémens >
Rates aux gens d'Etat , & pourtant néceflàixes ^
Des plus épineufes affaires
Te faire des amufemens.
^infi , parmi des mouvemens
Dont l'embarras paroît extrême , . . ^
Le Sage trouve des momens
Pour habiter avec lui-même.
Surtout que ta grandeur n'enfie point ton courage;^
Avec un efprit hauc, mêle un accueil fi doux ,
Que qui de ta fortune auroit été jaloux >
Te pardonne tout l'avantage
De fon odieufe fpleudeur»
En faveur du modefte ufagc
, Que tu feras de ta grandeur.
Mais hélas ! quoi qu'on puifTe faire j
la prudence ne (èrt de rien j
La Fortune eft femme Se légère »
WmamÊmÊÊmmmÊÊaÊaÊÊÊÊmÊÊmaÊmmtmÊmmmÊimÊmmmmÊÊmmÊmÊÊÊÊm
504 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Son caprice eft (on Ccal lien.
^HAU- Des plas aimables Maîtrelfes
1.IEV. £l]e a l'empreiTement & la vivacité j
Mais Ces infîdelles carefles
Tiennent de leur légèreté.
Tremble donc âa milieu de la profpérlté :
Quand d'an mouvement de fes ail^ /
Ia volage Divinité
Portera fes £ivears nouvelles
Chez un bien moins digne que toi ^
Pr£t à lui pardonner Con manquement de foi ,
Remets-lui les préfens dont fes mains infidelles
Tavoient fi richement doté ;
£t feulant aux pieds fes largeflès «
Préfère à Téclat des richelTes
Une honorable pauvreté.
Ceft lorfque tu verras la troupe fugitive
De tous ces complaifans difparoître à tes yeux ^
Et leur amitié trop craintive
Qui te cherchoit panout , t*éviter en tous lieux.
A ces adverfitez oppofe un front d'airain >
Reçois d*un vifage fèrein
La nouvelle de ta défaite :
£t fais > pour t*en venger , une prompte retraite»
Ne va point par des cris exhaler ta douleur ;
Qu'elle (bit fage & circonfpeâe ,
ït que ton (îlence refpeéle ,
L'ÎDJufiice de ton malheur.
Icouic
L I V R E XV. jof
Etooffe dans ton coeur tout tetour de tendrefle
Vers iin. objet ingrat de ta tendre amitié »
Et chafTe , comme une foiblefTe •
L'indigne (èntiment d'aller faire pitié.
Va plutôt « d'une ame hardie »
Suivre le fentier peu battu
De ceux qui . comme moi > bravent la perfidie
D'amis , dont le cœur abattu
LaifTe le menfonge & Tenvie
Attaquer la plus belle vie »
Et fairo injure à la vertu. ^
AM. lzPbince d'Auvergne.
En vain la Nature épuifée
Tâche à prolonger fagement y
Par le fecours d'un vif & fort tempéramment ,
La trame de mes jours que les ans ont ufée >
Je m'appcrçois à tout moment
Que cette mère bienfaifante
Ne fait plus , d'une main tremblante |
Qu'écaycr le vieux bâtiment
D'une machine chancelante.
Tantôt un déluge d'humeurs ,
De fucs empoifonnez inonde ma paupière %
Mais ce n'ell pas afTcz d'en perdre la lumière i
Il faut encor que (bu aigreur
Tom m. Y ▼
S96 BIBUGTHEQUE POETIQUE.
Dans d'inutiles i yeux me fonne ooe doalear»
H A a- Qui {ênre à ma Tcrm de plus ample madère.
i^^» LagDiirced*aaaat;e cocé
lie £dc depuis YÏoff. ans un objet de lôafiraiiQQ,
Que fais-je en cette eitrémit£ 2
Xoppofe eacor plus de cgnftancc
A cette longue adverficé ,
Qu'elle 9 a de perfiErérances
Et m'acccmtumant à tbofiir ,
. rapprends que la patience
Rend plus légets les aaaux que l'on ae peut guéctr«
Au milieu cependant de ces pçines cruelles ,
De noae ttifte hiver compagnQ trop fidelles ,
Je fuis tranquille &g^i. Quel bien plu9 précieux
Puis-je efpéccr jamais de la bonté des Dieux ?
Tel qu un rocher > dont la tête
Egalant le mont Athos ,
Voit à Ces pieds la tempête
Troubler le calme des flots ;
La mer autour bruit & gronde 3
Malgré Tes émotions ,
Soc fi>n front élevé régne une paix profonde^
Que tant d'agitations >
Et les fureurs de Tonde
^fpe^teiit à régal du nid des Alcyons....
I L* Auceurpçcdic la vûb' quatre ans «.vapc fa mçrr.
Il I • Il
L I V R E X V. toi
AuTHB Fragment de la mbme Pibce.
Le Poetf voit en effrit les Ché^mps £liftes,
Quel fpedack à mes yeux > & quel plaîfic
nouveau !
Dans un bois d'orangers qu'arrô(è u Aciair rniiTeau f
J'apperçois Seignelay , je rencontre Béchune >
£(prits fupérleurs » en qui la volupté
Ne déroba jamais rien à l'hàbilecé ,
Dignes de plus de vie & de plus de fortune.
Avec Gafton de Foiz quelle Ombre fe promené t ^
Ah 1 je le reconnois, c'^ft le jeune Turenne i
Préfcnc rare & précieux ,
Que l'avare main des Dlejat *
Ne fît que montrer à la Terre.
Digne héritier du nom de ce Foudre de guerre »
A quel point de gloire & d'amour
Ne t'cuflcnt point porté tes hautes dcftinécs ,
Si Mars jaloux de ta valeur ,
A la fleur de tes ans ne les eut terminées !
Que vois -je près de toi ? c*cft ta mcre éperdue »
Tout-à«coup aux enfers depuis peu defcenduif ^
Qui confervaut pour toi Tes tendres fentimens t
De ce fils (1 chéri vole aux embraffemens.
Marianne , i eft-ce vous ? Le Gel impitoyable
I Marianne de Mancini , aiéce «du Cardinal Mazarrn ^
DucheiTe de Bouillon , & Tune desplus belles &c desplus fj^
iiciieUe»feiames de Ton fiéde.
Virij
Cn
Lli
510 BIBLlOTHEQpE FOETiqUE.
d'une façon fî étrange dans la nôtre f . Le-
I G E- Public a rendu jufUce'à fa Tr^igédie de Af/*
LKs. ^/^ ^ qjji a d'aflez beaux endroits j & à fes-
Idylles , qiii n'ont guère d'autres défauts
que d*être trop longues.
ExTKAiT DE Minis , Tragédie.
H tft tille femme cffenfie , qui maitrejf* defs ven»^
geance y, U porte itux dermers exch»
MiNisTftss. ^. rîgQurcttx de mon. courroujp
fatal,
Eedoucables Tlraiis de TEmpire infèro«U .»
Dieux , a terribles Dieux du trépas 3c des ombres l
Et vous., peuple cruel de ces Royauâies fombres ^
S HT un char éclatant von s étie\ lors^fcrt/e ,
Que de vêtef mo'meaux d:^nt ^ract enchmiét f
Èar It milieu des airs ai/ecrafidité
Emportaient fans obflacle , O' iCune aile agitée^
fendant avec ardeur U route prtjentée ,
I*Qur amener ici du Ciel four moi éfuittd
Leur MaiireJJeinvit/e,.
Toute la Pièce e(l écrite à peu prés diLm^e ftile. Pour tra«.
«iuirc hcurcafcmcnt , ôc furtoucen Vers , des Poëees aufli cé-
lèbres qu*Honicre , Horace , Virgile , bec, H faut avoir ce
foûi , ce feu ) ce génie , ce choix d'cxpreifions , & cette,
icgance concinub' qui fait le plus grand charme de leurs Oup
vrages.
I MéJée évoQUt les PuilTances de PEofcr. Scène. n«.
Aftc lY.
...■*i.
L I V R B X V. 5ÏÏ
TvToîrscnfansdc la Nuit , mânes infortunez ,
Criminels , fans relâche à foyfTrir condamnez ,
Barbare Tyfiphonc , implacable Mégère ,
Nuit, Difcorde, Fnrcttr > Ptrqnes , Monftrts , Cer-
bère -,
RecounoliTez ma voix , & fcrvez mon courroux.
Dieux cruels ! Dieux vengeurs ! je vous évoque cous.
Venez (emer ici l'horreur Se les allarmcs.
Venez remplir ces lieux & de fang & de larmes.
KafTemblez » déchaînez totis vos tourmcns divers ^
Et , s*il fe peut , ici cranfportez les Enfers.
On m'exauce ; le Ciel fe convrc de ténèbres.
l'air au loin retentit de hurlemens funèbres.
Toat redouble en ces lieux le filence fie Thorreur.
Tx>ut répand dans mon ame une afFreufe terreur;
Ce palais va tomber *, la terre mugît , s*ouvre ;
Son (èin vomit des feux», & TEnfer Ce découvre
Quel eft ce Criminel qui cherche à fe cacher }
Jt reconnois Sifîphe à ce fatal rocher.
Témoin des maux cruels qu'on préparc à Cz race •
II Ce cache de honte , Se pleure fa difgràce.. ^
Mais quels fantômes vains forteiu de tantes parts ?
Que de fpc^rcs affreux s'offrent à mes regards ?
Que lie Ombre vient à moi? que vois- je ? c'efl mon
pcre !
Qtiel coup a pu fi -tôt lui ravir la lumière?
Cbere Ombre > apprends le -moi ^ ma fuite & m»
fiureur,
Va • • •
V 111}
5xa BIBLIOTHEQUE TOETIQUE.
Hflas! t'ont fidt (ans doute ezpitcr de douleur. ~
moi- Xends-moi ks hrasda flioiû&.. Mais qucUe Om-
bre (aillante
Se jette encre nous demr » terrible ft menaçante }
Ccft mon fiece* Ooi , c*eft loi : je le connols i
peine.
Ak î pardonne » cherc Ombre , à ma rageînim»
maine.
yardoone } Tamoar (èol acaofi! ma fintor :
U (bt ton aflaffin , il (èra ton vengent }
Etfçanra tlramoler de fi grandes TÎÔimes ,
Qa*il obtiendra de toi le pardon de Ces crimes.
Le Aog*<* Tout di^aroit • toat fuit devant mes
yeux.
T3rfiphone avec moi refte feule en ces lieux.
Noiie fi!!e du Styx , Furie impitoyable »
Ab ^ ctflè d*atti(èr mon courroux effroyable i
Calme de tes (èrpens les affixux (ifflemens.
l\i ne peux ajouter a mes reflentimens.
Ne (omçe déformais qu'à (ervir ma vengeance.
Ykiis âf^uaSer pour moi ta rage 8c ta puifTance.
Nuît> Stvx, Htkatc , Enfers » terribles Déitez,
y^onne % obéïflèx.
MséifigmL
VlTHCS « Jk (^squ*Amour fugitifs rebelle»
CVKl tÀ«Y^ de ton fein , & fe cache à tes yeux %
^nmmmmmmmmmÊÊÊmmmÊmmmmmmÊtaÊÊÊÊmÊmÊÊiÊÊÊmmÊÊÊÊm
LI V R E X r. 51 j
Ec que fi Ton t'apprend l'endroit qui le recelle>
Xa promets de donner un biiier précieux L ô m <
Pour prix de cet avis Hdelle : . nEUl
Donne - moi le baifer promis ,
ô Déttk l ou plutôt ordonne
Que ma Maitreife me le donne :
Ceft dans Ces beaux yeux qu'eft ton £ls. '
I Ce Mtddgal eft une craduôion du Marin! » qui Tt imlçl
4'uJie Idylle de Moichut > iuticulée tJmmfigéiif.
*f
514 BIUIOTHËQUE fOEriQUE.
G**
8itr dis Bûfjmitf^
T^ov aimables Bcf^aecs, retraites plas prlfSér
Que celles .que Ton feint dans les Cbanip^
Elyfëes >
Quelle fçavame main « conftrùit vo$ berceaux f ■
Les uns arciftement fe courbent en cerceaux *
Les autres en platfbnds s'étendent fur la tête :
A fai vre vos contours la branche eft toujours prête |^
JEt de (on verd feuillage entourant yos réduits ,
I^it dans les plus beaux jours les plus charmantet
^ nuits.
Odes traduiras D'AnAc&iQiY»
^ O D B IL
La BiMftti.
La Nature puiiTante & fage ,
Donna là coarfe au lierre & le vol aux oi(èaux i^
Elle arma le front des taureaux ,
Et remplit le lion de force & de courage.
Elle apprit aux poifTons l'art de fendre les etux |
- L'homme eut la prudence en panage %
Etla femme , od l'on voie tant de timidité ^
*^ Sottnontetow ^4,
HflasU-cftuncnfoat .
- •* tl ; ouvrcx , )« ^ ^
}U BIBLIOTHEQVE TOEnQVU.
£n XLtt mot , je lui retids la vie.
(B 4 afc^ Si' tôt que le froid l'eût quitté »
Voyoas, me dit- M , fi- k pKiycf
A moa arc n'aaroit rien gâxé.
Après CCS mots il (e retire
Trois pas eiv arrière » 0c (budain
Me décoche un trait dans le Cela
Le coup fait , il Ce mit à rirc^
Et me ditd*un air fcélérat»
Félicite-moi > camarade ^
Mon arc eft en fort bon état r
Mais je crois ton coeur bien malaile- n .
O DB VIL
L'Amour vmne^Hcur».
Cttpidon ;. pour venger Aminte
De ma froideur pour Tes appasi ^
Prit une tige d'hyacinthe *
Et me dit de fuivre (es pas^
Je les fuivois , non fans murmure ^
Par divers fentiets hauts & bas %
Lorfqu'un ferpent par fa morfure
Me mit à deux doigts du trépaç.
7e tombai s mais touché de ma languecu: mortelle i
t UOde originale t(k fan» contredit ube des plut belle»
d'Anacréott » 6c de toutes le& copies oui eoonc para |iirqii*à
|>iéicw > ccUe-ti cft la plus fipiple & m plut naniriUca
LiVREXV. ti-j
>ieaUdiffipadil (èol vent de Ton aile •
c , en me Jevant doiicçaiexiit par le bras » ^ m
AufS pourquoi n aitaes-cu pas I
O D E t X Vh
fi HT (fi ^HVfurs.
Lorsque fai le verre à la main»
Je chante & ne (bnge qu'à rire ^
Je m'imagine avoir TEmpire
Et les tré&rs d'un Souverain.
Qju'uQ autre aille donc à la guerre «
tr le Çbamp de Mars qu'il finiile fon (brc ;
moi , je cours au vin : garçon » yîte un gran j
verre.
QWfi p^r un aimaUe efibrt
Bacchus me jette audl par terre ,
9olns Ton n'en meurt pas 3 & cbacua eftd*ac«
cord
Qu'il vaut mieux être y vre que mort,
Odb XXVIL
S fit h Vin,
*
QirAND par le doux jus de la treille
Mon cTprit s'écbauffc & s'éveille »
J*aimc l^s bons mots ôf les vers ;
Et pràsde ma bcliç MaitrefTe »
J'çxprimf par d'aaiourcifx airs
:{
5X« BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Des fentiiiiens pleins de tendrefi^
G ^ ^* LtMD de baimic la polh^iTe ,
Elle régie tous mes défirs i
Et jamais crooblé par Ty^refTet
Je ne rougis de mes plaifîrs.
Ode XXX,
Un jour les oeuf ((ayantes Sceurs j^
Par un aimable tirannie ,
Après avoir lié l* Amour avec des fleurs «
.Le donnèrent en garde à la belle Uranie«
Venus y pour racheter fen fils^
De ùl rançon offre le prix :
Mais s'étant fait une habitude
De Gi douce captivité^ *
Il préféré la fcrvîtnde
Aux charmes de la liberté.
Ode X X X V I I:
Le Tfintems»
Voyez comme dans le PrIntemS
Le Ciel ranime toutes cho(es %
Voyez comme déjà les rofcs
5c parent de feux éclatans.
Le Soleil brille en fa carrière
^'unc plus riante lumière j
LIVRE X V. 519
«««•««
Le caliBe régtic fur la mec *» ^
Les olfeaux ont repeuplé l'air: rG^'^*
Sur fa branche Tolive verte
'Commence à naître de fa fleur f •
Ht la terre tl*épics couverte ,
ilace l'efpoir du Laboureur,
Mais ô Bacchus, monefpérance^
«C'cft de voir que ton fruit divin
Fleurit partouc en abondance >
$t nous promet d'excellent via*
O D s X L.
L* Amour ficcpti,
L'AMOUii picqué par une Abeille ^
Au moment qu il cueiUoit une rofe vermeille $
Courut tout éploré dans les bras de Venus :
Ah ! ma mère , dit- il, je meurs ^ je n'en puis plas«
Je viens d'être picqué. par un (èrpeat qui^ vole.
^Venus , pour l'appaifer le flate , le con(ble ^
Enfui te riant de fa peur /
Elle lui dit d'un ton mocqueur>
$1 tu ne peux foufFrir la légère blefTure
Qu'une mouche fait fur ta main ,
Juge par<là des maux qu'endure
l^'Amanc dont tu perces le (]bi««
'!>%
S
MiEUOTHEf^ FOEUQUB.
Comme Tnlcaiii fixgeok de ces flèches craellci
Q3* Amoar cnraiiiBe de fiel ,
Xc dooc Yeass giifrît les aneimes nnnelles «
En j mBaBC an pco de miel }
Mais cntia daas la focgp « & fier d'une TÎâoiitf
Qui raToic cornooné de gloire :
Xadmire . loi dit-il , la peine que to prends #
Die £ibriqiier for ton eoclonie
Des traits pIo9 légers que la plome »
Et propres à fcnrir de jouets aux enfans.
L*Anioor enflamraé de colère »
Pour fc ▼CDgcr du Djca raillear ,
D*an de ces mêmes traits le perce droit an corar*
Venus (baric du. coup que (on fils vient de faire ^
Mais pendant que Mars tîche en vain
D'arracher le trait de fou fcin ,
L'Amour charmé de voir les tourmcns qu'il endure j
Lui die avec un air hautain :
Tu pourras bien fouffrir long tcms de ta bleiTuie i
Si ma Mete ny met la main.
Ode L V.
Sur les Amans,
Comme Ton di/lingue aiCémcot
Va ctiangcr par fon vifaje ,
Pair
L I V R E XV. 511
wmmimÊÊimitmmmmmmÊtmmmmmmmmmtimmmmmÊmmmmmmmÊmÊ^mÊiÊmmim»
Par (bû habit, par fon langage ,
De même on connoit un A manu
En vain pour cacker fa flamme
Il fait le m^flérieux ^
Je vois ce jqu*il a dans l'ame
Dès ^u'il k inoncre à mes yeux.
O D B LV l.
• ■ •
Lis approches de U Mort
La vleillefle affblbtic mes fens.
Je n'ai plu$nicheveux« ni dents, -
£t jç touche à nu dernière heure.
Jour & nuit on ^'entend gémir ;
Quoi i dis -je , ÊiutrU que |e meure }
Ce fcul peafer me fait, frémir.
Sous mes pieds le Tartare s'ouvre ,
£t fe prépare à m'engloutir ^
La Mort de fon ombre n^ couvre s
Rien ne fçâuroit m'en garantir.
Adieu , doux plaitirs, dont ma vie
Fut toujours mêlée & fuivie.
L'Avare Achéron me retient ,
Lieu plein d'horreur & de trifteile ,
Oii tous tes hommes vont fans celle ^
Mais d*où pcrfoane ne revient.
Jii BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
kLLES.
SAINT-GILES.
. m ■ ■ ¥
De Saint-Gilles , Sous*
Brigadier des MouTqùetaires
gris 9 étok un homme qui pen-
foit beaucoup , &qui parloît
peu. La plupart de fes Poefies ont été im-
primées dans un volume qui a pour titre >
la Mufe Mùufyuttaire. Il réuffiflbit furtout
à faire des contes ; tiiais il n'étoit pas fort
fcrupuleux à f égard du choix. Quelques^
unes de fes Parodies fur des airs d'Opéra
font pleines d'efprit & de feu. Les deux
Pièces fuivantes ont été regardées par les
Connoiffeurs comme le chefrd''œuvre de
M. DE Saint-Gilles.H quitta le Service
en i'jo6, & au grand étonnement de tous
fes amis , il prit Fhabit de Capucin , qu'il
ft gardé jufqu'à fa mort.
•p-*"
LIVRE X V.
J^J
A u R o I*
GRakd Roi , qai dans le cours d'une éclatantc^^
vic^
As toujours furmoncé les Deftlns & l'Envie «
Et «qui toujours égal dans des fuccès divers ,
Tiens fixez far toi feol les yeux de TUni vers ;
Mille Ecrivains fameux consacrant tk mémoire*
Du récit de tes faits ont embelîi rHidoire i
£c grâces à l'éclat du nom ^qu'ils ont chanté »
Ont fait paifer leur nom à Timmortalité.
Ceft' pour toi qu'Apollon leur dl6^a (es oracles. •
On t*a vu dans leurs Vers enfanter les miracles >;
R^andre tour à tour ramour & la terreur ^
Démolir en tous lieux les Temples de l'Erreur %
Aux Mufes, qu'effrayoient les fureurs de BcIioQÇa^
Offrir un (ur afile à l'abri de ton trône ;
Parcourir à grands pas la route dés Héros y
Au bonheur de ton peuplé immoler ton repos i.;
ï^acifique Vainqueur , au milieu des allarmes »
Haindre l'efferfanglant du fuccès de tes armes»
£t des maux que la guerro entrainoit après (bï *
Confoler l'ennemi qui tomboit fous ta loi.
De ces traits mi^I'e Auteurs ont rempli leurs volt(^
mes : :
Mkis fans compter tes ^aits échappez à leurs pln^
5^4 BIBLIOTHEQUE FOETIQUE.
Des oicnreHlcs qn'en toi nous Tantent leais écrits «
iXLLEs. S'ils ont peint cooc l'éclat « ont-ils peint tout le
prix i
Quelque brillans que ûncat tous les fiûts qa*OQ
DOtjs cite y
Leur motif & leur fin en ont fait le mérito.
Qu'ont de grand à mes yeux les (accès de ce Roi »
Qui partoot a (èmé le défbrdre & Teffroi ;
Qui plus loin que rHydafpeo&nt porter la goenrcy
A Ces vaftes defleîns a vu manquer la Terre !
Jaloux de mettre aux fers ccqc peuples- abatus ,
L'orgueil (èul fut en lui le fond de Ca yertus.
Pour toi , (ans t'enyyrer de la vaine famée 9
Qu'aux Conquérans fameux promet la Renoms
mée 'y
Occupé feulement du bien de tes Sujets »
Le Coin de leur repos a conduit tes projets.
Quand partout , dans les champs de Mars Se ic
Neptune,
Sous tes heureux drapeaux combattoît ta Fortune ;
Au milieu d'un bonheur qui pafK>it tes fouhaits »
Ton peuple impatient (bupira pour la paix.
Ton bras ceflant alors d'épouvanter la terre.
Vint au pieds de la Paix dépoftr (on tonnerre »
'& lui facrifîant le fruit de tes travaux ,
Tu lailTas des lauriers que t'ofFroicnt tes rivaux.
'T)epuis ces tems heureux « infidelle à ta gloire >
On a vu contre toi s'irriter la Yiâoire »
>\ll Y K E XVi s^s
Et par le HGlycm de Ces premiers bien<t ,*
Se ^ez^er des honneurs que tu rends à la Paix. ' ^ ^^
2iiai$ lorfque £bn courroux , ou jdiiicôt fon ca*
price«
De tes fiers ennemis appuya l'injudioe^
LeÇiel > qullui permit de borner tes exploits j
A^voit-il réroiu d'abandoder tes droits ?
Sles malheurs éclatans s'il Vouvrit la carrkre ^
Jl Toolat découvrir ton ame toute entière ,
Et voir fi ce Héros qu'admirpit l'Univers ,
D'un vifage Cexcm fi>utiendroit les revers.
Tel qu'un rocher tranquille au milieu de Toragc^
Contre les coups du Sort s'affermit ton courage.
A l'afpeâ des périls , incapable d'effiroi «,
Ta vainquis les Deftins qui lutcoient contre toi.
La Foi qui t'animoit > ne parut pas moins^pure »
Dans les coups impréyos que fentit la Natàre i
Et fur l'ordre du Ciel réglant tous ces fouhaits ,
Tu reçus tous les maux , comme autant de bien«
faits.
Grand Roi , le jade Ciel t'en doit la récompense ^
Ses faveurs déformais vont payer ta conftance.
Déjà plus favorable à tes~exptoits nouveaux,
La Viftoire revient embraffer tes drapeaux.
Dans les Belgiques champs » fur un tas de viéll^
mes y
Tu l'as vûë expier fon erreur Se Ces crimes.
Paifle-t'eile à jamais ,4ù rentrant fous te» loix »
i^-
f%6 BÏSLIOTHBQUE FOETlQUE.
Défend té parti da plus Jufté iés Rois l
Gilles. Que tbnjoars forfes pas, par lagloife attiméér»
Marchent commt aiiciefim tcs\ paiffântes
méeS)
£t que de con bonbeiirtes rltanx^ébkmis ,
Dans des fuccès conftâns recoMoifTem LooiIt
On plutôt, quand le Ciel les lirreà tapdiflaneej^
An fi>in de leur repos borne èncor ta venf^ance>
£t dans les champs t^iric^s de Tédat de tes fiUttj).
yiens récôocikir là Viâoire & k Pâiiu
ODE.
La CbMjfe.
P]iBNi>sun arc , Mymphe da Permefle {
Charge fur ton dos un carqaois.
Epris d*une nouYcllé yvrefie ,
Jt veux te fuivre dans lès bo!&
Que je t'aime , Nymphe propiccl
Déjà docile à mon caprice «
A mon gré tu guides mes pas.
Sbus mes doigts ma lyre réfonne y
Et de la Fille dé Latone
Je vais<éiébrer les combats.
Toi , qui de fang huroaln'avidê» .
Du Styx as défcrté les bords ;
Loin d'ici ^ bai;bacc£umÀûddy
, , XI VR-E rr.. 5*7
Tu a*à$ poiiic part à mes accordai .
Ce n*eft ni -haine ni vengeance ». ^ CijM^
Ccft l&plaUIr â( hnoocence.
Que refpirent mes combactans}^
£c l'aimable Paix qui les aime •
Préfîde (bavent elle-même
A leurs jeux hardis de fanglans*
Cei^jetcrVamis dé îa JeunefTe ,,
hù. yltt'itiMiït les àflaots ^
Ils titmrfidbfit tiburiitSt ,
Ils ont fait les pren^iers Héros.
Sous les yeux d'un Centaure habile^.
De fa valeur ta jeune Achille
Fit éclater tes premiers traits :
Il prcnolt les cerfs à là courfêV
Il domptoit la lionne & rburfè ,
Avant qu'il fècourut les Grecs.
•
Quand rinnocence & là Juftice
Habitôient parmi les Mortels ,
La Terre à tous leurs vcsux propice , .
N'avoir point de monftres cruels*
Le léopard , l'oufs , la panthère ,
Alors d'une faim meurtrière
Ne connoKTbient point le tranfport j .
Alors le foible en afTarance *
Ne rcdoutort point la puifTàncc-
Nilcs outrages du plus fort».
S%9 BIBLIOTHEQUE VOmQlJE.
L'homme fonverain, ^qaicabtcy
ilLtif • TrouTMt coat docile à fk yoiz«
Mais hélas ! devenu coupable »
Que de rebelles à la fois l
SttÎTi par le peuple (àuyage 9
Le lion s'excite au carnage^
Il rugîc , il fe bat les flancs }
Le feu brille dans (es prunelles \
Et cous dans les troupeaux fidellc»
Ils cherchent des repas Cing^ani>
On taille la lourde mafluë »
-On courbe en arc un bois pliant f
On 7 pofe la flèche aigu'é ,
Que le nerfenroye en fifflant.
Par ce fecours Thomme rcfpire $
Il femble reprendre l'empire
Qu'il eut dans le Hécle innocent,
11 infulce au lion terrible ;
Du fanglicr au crin horrible »
Il brave l'yvoire tranchant*.
A peine la brillante Aurore
Du jour répand les premiers traits i
Sur rémail odorant de Flore
Une Nymphe tend des filets.
L*appas d une abondante graine »
Déjà de cous cotez amené
D*l0DOCCM
tl V R-E XV' Sif
lyranocens oifèâut en prifbn,
Lm Nymphe faififlanc fa proye, $, Gxli
Par des ris , eofans de la joje »
S'applaudît de fa trahiCbo.
£ft-ce TOUS 9 Pomofte Imniorcelle â
Qui pour rhonncur de vos vergers»
Venez d'une rufe nouvelle
Inftmire ces jeunes Bergers !
Sur vos rameaux la glu perfide »
Trahit la tourterelle avide ,
La grive « le ru(2 moineau.
Sur le rofllgnol on attente ,
Lui qui pour tout mets Ce contente
D'un inutile vermiilêau.
Quel bruit ! la forêt embra(ife
S'offre à mes regards allarmez. '
D'une <annc d'acier creufée,
Cent nouveaux Chafleurs (ont armez^
Du foufre bruyant qu elle cache ,
Au gr^ du doigt , le feu détache
Un plomb qui part avec l'éclair*
dn diroit que l'art téméraire «
A fait l'homme dépofitaire
DiB la foudre de Jupiter.
Que Foi(efttt royal fur (es ^lîlcs
IH II
tUtotnl?*^' .^;o\efouse**•
*^ i\c eft cette atnvti ^ ^Uc*
«"Tfcfc&c^af-
L l VR E XV 5M
Aux cliiens , coarears laborieux. "~
Des ChaffeuTS la noble cohorte , ^•^
Déjà la coupe ea main , s'ezhorce
Aux exploits les plus glorieux. \
L'aimable Dieu qui fait qu'on alaiey
Pour eux daigne s' interefTer.
Il vient , hardi Chaffeur lui-même ,
A table avec eux fè placer .
Jeunes ChafTeurs , ofez attendre
L'accueil le plus doux , le plus tendre ^
Des Beautez qui charment vos yeux.
Ccft de Tinfatîgstble Alcide ,
Et non de l'Echanfbn timide >
Qu'Hébé fait le prix 4aus les Gieut.
I L tie m'appanienc pas d'entrer dans vos af-
faires }
Ce fcroit un peu trop de curio{îtc :
Cependant l'autre jour (bngeanc à mes mil&es »
Je calculois le bien de votre Majcfté.
Tout bien compté ("j'en ai la mémoire récente!
Il doit vous revenir cent millions de rente ^
Ce qui fait à peu près cent mille écus par jour.
Cent mille écus par jour en £bpt quatre par
facarjp.
Yyii
532 BIBLIOTHEQJJE POETIQUE.
Pour réparer ks.mauz preflans
iLLia. Que le toQuerre a fait à laa maitba des champs »
Ne pourrojs - je obtenir , Siui » avaiic qae je
mpare».
Unqaartdliearedeyoïxeteiiis? >
t Cet în^ieus Placet eft de M. Saoguîn , i qui la Villt
àt PitosM^eiaic honneur encore aujonid^hui d*aToir donné
la naiHance. Lou is XIV. lui fit une graiiâcatiofi de Mille
£cus > la c'cft ce qu'il denaïaçdoic à Si;i Maje^.
•••
^.^.
''è*'
— ' **
0 D Ë *•
Que ye«<»**^J^os têtes.
^•^^'^SenscnCoatro«X'
ricdcaxwtnen'". Jtenc.
5J4 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
""^ Ces filions de feu , ces horreur»
^ ♦ Qu'afTetnble une funeffe ligue ,
Sont le fignal de tes fureurs.
Rempli d*une force Inconnue,
Spe^âateur d'un hideux fracas ,
Perçant le féjou r des firimats »
Je vole ^lu-deflus de la naS :
Je les vois ces deux fiers rivaux ,
Se livrer de rudes aflauis ,
Dont mugit la voûte azurée.
Dieux l avec quel choc & quel brolc
$*échappe une âamme enfoufrée »
Du fein d'une éternelle nuit ?
Plamme fubtlle Bi pénétrante^
Tourbillon « nuage fumant ^
A ton affireux mugiffemenc «
La teifre s'émeut » s*épouvante«
Tout ftémit , un effroi foudaxa
^c répand fur le front d*airaln
Du Monarque du noir Cocyte.
Neptune preflant fes chevaux ,
Plein de la frayeur qui l'agite,
Cherche un afile au fond dcs^aux»
Ce NourrifTon des £uménidcs>
Artifan d'un projet fatal ,
L'orgueil , par fon foulBc infernal»
/ »
• L t VR E X V. 55 j
Excita tes traits homicides. ^"SS
Oui , c*e(l ce monftre , qui jadis Le R.
* Arma ces Morcels trop hardis
Que vit tomber la ThefTalie >
£t de qui la rébellion »
Par une éclatante folie ,
Fit voir Ofla fur Péîion.
Si la prudence tit l'animé ,
Que peut la fougueufè valeur?
, D'une capricicufe ardeur ,
file eft la fuperbe viâime.
Déjà ces Titans infenfez ,
< Du haut de leurs monts eiitaiTez ,
Voyaient le Ciel comme leur proye i
Quand d'un effort impétueux ,
le carreau s'élance , & foudroyé'
Ces CoIoiTes préfomptueux.
O. trois fois heuraux le bel âge*
' Xià fur les cfaairmes trop piiidkns
Du flateur empire des fens •
, -La raifbn avoir l'avantage i
Avec les Dieux l'homme d'accord y
Jouiflbît d'un paifible fort ,
'o £t ne craignoit point le tonnerre :
Rien ne troubloit fes doux plaifirs $
Çt fur. la; face de la terre
£égnoieat(èiilementlesZéphirs. .
Y y iiij
1^— — -^
Jl< BIBLIOTHEQUE POETJqUE.
— LêSûUtMsre»
Loin dé moi, fuperbes portiques »
Elevez par la main des Arcs i
Jardins ornez , toic« magnifiques ;
D*iin vain peuple amufez les arides regards»
Ici mes lambris font des hêtres :
Je yis fans fujets , mais fans maîtres.
Les Taftes mers » la terre & les cicux azurez ,
Les miracles divers que produit la Nature ,
Aux bords d'une onde qui murmure ,
Occupent mon e(prit dans ces lieux ignorez.
Que lc$ fonds» les vaines craintes |
Afiiégent lc$ palais des Grands »
Qu'ils en reflenrent les atteintes i
Que leurs proprei défirs leurs fervent de tyrans §
Que du fier Démon du carnage
Tout ailleurs éprouve la rage i
Il fembre refpeâcr cet aimable (Sjbur :
Sans crainte & fans foucis , (kos ibins Be faot
allarmes ,
Loin du bruit des Cours & des armes ,
Je vois naître & mourir Tadre brillant du jour.
La Nuic étend fes voiles (ombres :
Les Cieux de mille aftres (èmez •
A travers fcs épaiffcs ombres ,
De feux purs & nouveaux paroiflicnt animex»
L I V R E X r. J57
m
Au Tfès-Hjmt je rends mes dommages j ^^
Dans ces imparfaites knages « ^*
Mes regards étonnex découvrent fa fptendeur ^
£c par an noble eflbr abandonnant la tene >
Je vais au-dc/Tus du tonnerre »
De cet Etre fiiprême adorer la grandeur.
La nuit k pas lents (è retire )
Je n'entrevois qn*un joui douteux >
UairVédaircit , rhumidc empire
Ke peut plus dérober le Soleil à nos vaiix :
Son char attelé par les Heure» >
S^éleve aux céleftes demeures »
Dans le pompeux éclat du plus riche appareil : .
Les oifeaux réveillez dans ces belles retraite! #
S'unifient au Con des muftctes ^
Tout célèbre à Tenvi le retour du Soteil.
^ Ce grand afbe me reprefimte
La majdfté de (on Auteur ^
Et (à lumière bienfaifante »
L'amour & les bontez d'un Dieu confervateor»
Rofès , jàfmins , hétlotropes y
Cèdres altiers , humbles hyfopes ,
Citez , plaines , déferts , vous partagez (es fenx«
AvopHKi foin égal , Dieu couvre de Con aile
L'enfant (bumis « l'enfant rebelle ,
£t commande «« Sofeil et luire fur tous deux*
i
5j8 BIBLICTTHEQUE FOETIQUE
La mer ici f aroîc craoquUIc ^
P. ^M< Je pois à fes âocs a|»planis>
Confier ma barque fragile y
Sans ledoocer des vents les efforts réunis;
Vainefpoirl le» ondes muginent y
Le jour pâlie , les vents frémiiTenc ,
La fondre gronde ^ éclate , embrafè les vai/Ieaax )
Du monde féduâeur image naturelle:
La mer eft bien moins infidellc f
Je crains j^tos^Xès doùceurs^que le calme des eaax«
•
Je tourne mes yeux vers la tetre %
Quelle fouie. d*étres épars 1
Ouvrages que fbn globe enferre ^
Taftuéofes Citez « invincibles remparts «
lUches palais, vaftes campagnes >/ •
Hôtes des airs 6c des mootagnes y
Vous muets habitans de fempire des Mers «
2c vous que fenamour a faits pour le connoitre j
Mortels, adorez ce grand Mattre , '
Bont la (èule parole enfanta rUoivers.
Solitudes impénécrablet
Aur ardeurs du flambeau des Cleut'j
Bois antiques 3c vénérables »
Temples , palais, autels de nos premier! ayeuzj
Mon ame , à votre feule vûB,
I^'un Cttiit r^peâ fe fem émak* ,
LI V R E X V. s$9
dMMi
Aycc tous , {ans témoins , j*alme à m*entretenir :
Couché ûonchalaniment fous yo5 plas noirs om- Lb R. P.
brages ,
Je m'égare aa-delà des âges >
Et perce dans le fèin du plus (ombre avenir*
- ■ •
Rien ne trouble ma paix profonde :
Que dis- je ? en ces lointains climats •
Je crois feul habiter le monde y
Je décide à mon gré du deftin des Etats.
Le bronze > rival de l'Hifloire ,
En vain veut fauver la mémoire
Des Princes , des Héros fameui par leurs exploits»
Le bronze céAc au tems , Tes monomens périâenr i
Et je voi^ qu'avec eux finiflent
La gloire & la grandeur des Héros 6c des Rois.
Les faifbns , leur vicilfitude }
Dans le lolfir dont je jouis »
Font fouvent mon unique étude :
Mes beaux jours,dis-je alors, font prefque évanools*
Tandis que les prez reverdiflcnt ,
Mes cheveux plus rares blanchifTent :
Les fleurs dans nos jardins renaifTent tous les ans|
Tous les an»je revois Flore , Cérès l'Pomône } -
Je fuis déjà dans mon automne «
Et pour moi je (èns bien qu^l neft plus»de printemiw
rhlver attrifte la Nature 9^
J40 BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Il I II iTi
Les oi(èaaz n'ont plus de coacercs ^
R« P.«^ La terre a perdu fa parure %
Hérlflèz de frimats nos champs font dés dé(èrts»
Lor(que le» ans » Beautez trop vaines »
Glaceront le (àng dans vos veines »
Vous petdicE anifi qu'eux vos firagiies appas \
Les Plaîfirs . les Amours ne fumont plus vos traces
Difparoîffimt avec les Grâces ,
Tos I7S mourront un /ouf » & ne tenakrooc pas.
Ces torrens formez par l'orage ,
Ces isourbilloris impétueuf ,
Hes vents refiroyable ravage ,
Cet monts couverts de glace , & ce ciel nébuleux j
Vers mon foyer tout me ramené 1
Là fatisfait de mon domaine t
Tenteods autour de moi gronder Tes aquilons \
Et (bus le toit ruAlque » ou le chaume me couvre
Humble toit > préférable au Loovre ,
9e v^s Tonde en courroux inonder les vallons.
Le monde ainfî s'écoule & paftê :
Heureux qui fçâit leméprifer 1
Pès long tems (bn joug t'embarraiTe •
Qtt*attends-tu , cher Arif^e ? ofe enfin le bri(<kr«
Viens me voir dans ma (blitude :
C*eft-là que fans inquiétude »
Nous pourrons à loiCc chercher la vérité.
l IV K E XV. 541E
Tu fçaîs que racemcac elle habite à la yillc ^
Maïs clic régne en cet afilc » - ' -
Du It venu s'accorde avec la liberté.
Viens clans ces demeures chéries
De rinnocepce & de la Paix ^
Mères des douces rêveries »
Elles auront pour toi les plus puifTans attraits.
Que TArt prodigue les miracles
Dans ces éblouiifans (peâ:acles »
Qui tiennent des mortels les regards enchantez;
Une fleur qui s'entrouvre , un boccage , une plaine^
Le pur criftal d'une fontaine , '
Vaudront pour j&ous l'éclat d^s plus belles cite:^
STANCES
A UN COWRVIS AN
Sfir U mortdeU. B^i^fûMs Unom dfi Dapimià
Il n'eft point icî-bas de fortune durable.
Les chagrins» les douleurs troublent nos plus bcan
jours i
Et la Parque à nos voeux toujours inélcorablcé
J>e DOS ans fortuaez t^iQine tnfio le couii.
Daphnis dans fon bonheur vous fit peut-étrd
envie :
Klyec nous aujourd'hui vous déplorez (on fim^
54* BIBLIOTHEQJM POETIQUE.
.. i. ' .. m II
■ • I De même finira la plus Hluftre vie ;
«E R. P. ^^ Heureux qui la fij^ic par une (àinte niort t
Des £aveurj5 4e la Cour malheureux qui s'encét^ S
L'éclat de* là grandeur di(paro!c au cercueil ,
£c 4cs honneurs du mondé eut-on atteint le fai^e^
A ce.^erme fatal doit tomber notre orgueil.
Daphnis fut pour Louis plein d'ardeur & de
zélé }
Il (çut fe préfcrver des vices de la Coxifi
f u/Bez-vous plus que lui (âge ^ confiant > fideUe^
Ce qu'il efl maintenant , vous le ferez un jour.
Aux maux des affligez il eut le coeur {ènfibfe 5
Son fèul pliai tir .écoit de faire des heurewt :
Pour fervir (es amis il trouvoit tout pofGble ,
£t fembloit être né moins pour lui que pour eux.
Si de tendres regrets pouvoient fléchir la Parque*
Daphm^^ deyroit fa vie aux larmes de (bnRoi :
>f ais elle efl Infenflble -, & le plus grand Monarquj;
t^e peut non plus que nous fe (bufl'raire à fà loi.
»^^\>îv
I Ces Stancçs CoAf 4" A* P* Pelais » de h Compa^^ 4^
PI ■— — — *"1W"W
LIVRE XV. 545
«iM*i
M. LE MARQUIS DM*^.
FABLES.
f^a Cibenille^ le Ver^fiyi^
I . A Chcnitle voulut jadis
Atcc le Ver à'foyc entrer en concurrence^ ^*
Et par une extrême arrogance ,
De foh travail lui difputer le prix.
Sans tant ^e vains éifcours , choififTons un arbitrer
Lui dit le Ver d'un ton plus doux*
Que l'homme fèul fur ce chapitre
Ait droit de juger entre nous.
Moi , j'y confens , répond cet orgueilleiix infpâc^
I^/juftice en ce cas ne f^ra pas fufpe^le.
A fe former une pcifon ,
Atwivi , dès rinftant ils travaillent fans cefb)
VvkijLt dans Ton tifTu met toute Ton adreffe }
Uaùtre , en fakant fon peloto^i ,
4 la folidité joint ia di^iicatefle -,
' Riçn^n'eft fi beau que fa riche toifoQg*
l>lus ils avancent leur ouvrage ,
Plu» ils approchent delà mort.
Pour Tun c'eft un funefte fort ,
Pou?: Hautrc c'eft ua avwtagpt
544 BIBLIOTHEqUE POETiqUE.
Le procès (ans appel eft bien-toc terminé.
LE Marq. Le fil de la Chenille eft au feu condamné ^
PI*** Mais la coque du Ver eft cueillie avec joie»
Et pafle dans les mains d'un ouvrier fameux»
Qui voyant de cet or le tifla merveilleuz »
A Tufàge des Rois le dcftine & Templo^e.
Ceci s'adrefTe à vous « ambitieux Auteurs »
Qui penfez égaler & Racme & Molière -,
Mais donc les froids Ecrits , rebut des acheteurs j
A peine mis au jour , volent chez la Beuriere »
Ou reçoivent du fçu leur plus grande lumière.
Eu vain leur cherchez- vous quelques approbatettr9|
On coanoît le prix d'un ouvage «
Par le débit & par l'ufage.
L» Bouteille i^fnven.
Ch Aqus âge a Tes plaifirs ; & Tâge de T
fancey
Pour avoir lec moins grands , n'a pas les moùli
parfiiits.
Sous mille dlflërens objets »
Les plaifirs n ont de différence ,
Qu'autant qu'ils ont coûté plus ou moins de finU
haits.
Sur différens amufèmens ,
Qui (ans mélange de trifteAê •
A la plus brillante jcuncflc ,
fifftqicct mille plaiiirs chamuot»
LIVRBXV. J4r
Les boules de favon remportolent l'ayaoctge.
Chaque enfanc avoîc (on panage :
L*un cenoic la coquille & l'eau
Celui-ci le ùlvotï , & l'autre ua chalumeau »
A leurs yeux aimable équipage.
ChacuQ di&ic : la bouteille eft pour moi»
Même avant qu'elle fbc formée i
£t fembloit fort content de foi «
Quoiqu'il n'attrapât que fumée*
Quande elle yenoit quelquefois «
En s'élevant trop haut , à finir la querelle.
Ils s*écrioient tous d'une voix :
Ah ! qu'elle efl belle ! ah! qu'elle eft belle!
Les uns en admiroient les diverfes couleurs.
Regardez , difoîenc^ils » conune elle eft jaune 8c
verte.
D'autres les yeux en l'air , envifàgeoient fa perte >
Comme le plus grand des malheurs.
Tandis que la troupe enfantine
Goûte ces piaifîrs innocens ,
Quelqu'un vient à pafTer ; ce quelqu'un examine
La folie ardeur de ces en fans ;
Et daosie prompt traniport d'une jufte colère :
Hommes , dans ces enfans , dit-il , reconnoifTcz
Un défaut parmi vous , hélas ! trop ordinaire.
Aveugles comme vous » comme vous infènfèz^
Ils fe laifTen^ tromper par la feule apparence.
Ettcorteidott-ooticafa, .
54^ BIBLIOTHEQUE' POETIQUE
Et gardent- ils leur innocence ,
tr^^' Dans les jet» dont (bu vent on vous voie abufi
X« 'Paonfe plaignant i Junon,
L'Oiseau que Jonon êlk-méme
Prit foin de rendre fi parfidc » .
Par un ingratitude extrême ,
Ofa lui reprocher un fi rare bien&ic.
D*un Roflîgnol , dont le ram:^
Annonçoit aux échos le retour du Printems
Sous le prochain feuillage ,
Il eiiyîoit les tendres chants.
Quoi, dit-il» Déefiè impuiflânte^
Devois-tu borner tes faveurs-
A ce mélange de couleurs y
Qui fait que partout on me vante f
Les Dieux laifTent-il imparfaits
Leurs châcimcns & leurs bienfaits ?
Il fe fut encor plaint , fi Junon.en colcrr ,
N*cût d'un regard féverc
fait craindre à cet oi(èau jaloux »
D'éprouver (on jufte courroux.
Dans cette fable on reconnok fans peine
L'efprit de certains envieux ,
De qui ringénieu(è haine »
De leur propre bonheur femble accufer les Di
Ceux qui' (ont en proye à ce vice ,.
Ne peuvent plus goûter de tranquilles doaceu
■* *
LIVRE XV. , î47
Qu'à quclqu autre le Sort partage fcs faveurs ,
Le Sort leur fait une injuftice ; ^^ Marq
Les biens qu'ils ont n ont plus pour eux d*appas«. D^^tc^ie.
Viâ:imcs d'une folle envie , . . '
Ils confument leur vie
A regretter ceux qu'ils n'ont pas.
Les Ohfeques du Rat.
Tout doit mourir. Ni grandeur , ni richefTe)
Ne peuvent changer cette loi.
Un vieux Rat l'éprouva. Ce Rat par Ton adrefTe ,
Âmaffa de quoi vivre en Roi.
Du bled tant qu'il vouloit > du fruit , force laitage ,
Rien ne manquoit à fon bonheur ;
Heureux fi par un bon ufage ,
De tant de bien il fe fut fait honneur!
Soit de faim , foit de maladie , .
( Je ne fçais pas lequel ce fut , )
L'animal avare mourut i
On n'en fît pas l'anatomie.
SoA fils qui fc piquoit de générofité ,
Voulut , en rat de qualité ,
Faire inhumer Monfieur (on père-
On convia toute la parenté ^
Cîiiq ou fix Rats firent l'afFaice.
• Au convoi parut le premier . . ,,
Le nouvel héritier.
, Afrès lui, marchoic d'ordoooanççi
Zzi]
i
54» BlBLiamEQpt FOBTtQUE.
Une donzaine de Soaris ,
Qu'on cnt pris y à teor contenance ^
. Ponr one bande f Enfans gris.
On pleara proprement , à la nonvclle mode >
.Sans pouflèr de logabres cris }
Car on a changé de méthode
Dans les, pleurs comme dans les ris.
Se livrer au tranfport » ce n*eft plus la manière»
Enfin tout fut nouveau dans ce nouveau convoi >
£c le mort enfermé dans fa maifbn dernière »
' Chacun s'en retourna chez foi.
Le fils va recomioître auffi-tôt l'héritage ,.
Qu*amaflblt non pour (bi le ménager vieillard:
D'abord s'offre à Ces yeux uil grand morceau die
krd.
Des noix , des pommes , du frommage»
Mangeons , dic-il > parlant à fou fils Ratillon.
Que de tant épargner rongrand Père eut raifbnt
Quoi , mon Papa ? tandis que la douleur me ronge.
Die le petit d'un ton chagrin ,
Vous voulez déjà que je fbnge
A dégarnir ce magafin ?
Attendons quelques jours, &... Non lai&*mof
faire, -
Mon' fils, faî plus d'âge que tof ;
Ne crains rien , en (Tiivant un confèil faldtalre %
Tu peux t'en repofer fur moi.
D^uAhommç généreux la perte nous dé&Ie s
Ol^
L IVRE X V. SA9
A peine un Harpagon a-t-il fermé les yeux »
Qu*à fcs dépens on fe confole ; ^'3^1
C'e(l-?à le )vAc fort d'un ararlcieux.
Le Singe (j^ le 'Renard, Petntrea.
De tout tems l'amoar propre exerce Cm empire
Sur le foible conir des hnmalns >
Et fi c'étoît ici le lieu d'une (àcyre ,
J'en pourrois bien donner des exemples certains^ '
Mais remontons aux fiécles de nos pères*
La vérité jamais ne s'y dit fans myfteres.
Avt bon vieux tems , lorfque les^animaox^
Parlant ainfi que nous * avoient mêmes défauts p
Un Singe , cxpen dans la Pciotturc,
Peignoit les animaux jadis «
Mais les peignoir comme ils étoîent fbitls
D'entre lès mains de la Nature.
f I fut bientôt décrédité ,
Pour avoir été trop (înccrc y
tJn mépris générai fut le jude (ilàire
De fa fbtte fincérîté.
Tous préccndoient Ce voir dans un tableau fliatté.
Et tous Ce trouvoîenr peints (èlon fa vérité :
Pouvoit-il efpércr dfe plaire ?
Yis-à'Vis , un Renard moins fçavant, mais plus fin ^
Et profitant de la CotiïCe
De fon mai-avifé voifin ^
Sso BIBLIOTHEQUE POETIQUE.
Vcndoîc bien mieux (a marcbandl&
MâitQ. l'es Tygres & les Léopards ,
DE ^^* Chatmcz de leur forme nouvelle ,
Chez cet induftrieux Apellé
Venoieuc de toutes parcs.
Son pinceau chaque jour faifoit mille merveilles ',
Il donnolc au Lyon une aimable douceur i
A FAine , il retranchoit la moitié des oreilles ;
L'Ours devenu mignon , n*inrplroicplusd*horreur«
A ce joli métier il fit fi bien Ton compte ,
Qn en peu de tems devenu gros Seigneur ,
Il avoua , quoiqu à fa honte y
Bevoir moins (k fortune au Peintre qu auflattcur.
TiirdH troifiéme Volnme.
9k
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